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IFPEK Rennes Institut de Formation en Ergothérapie En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute UE 6.5 S6 Evaluation de la pratique professionnelle et Recherche Anne-Cécile Delaisse 2017 D’un bout à l’autre de l’Atlantique, une histoire d’ergothérapeutes Les héritages du passé de la profession dans les pratiques françaises et américaines actuelles

une histoire d’ergothérapeutes

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Page 1: une histoire d’ergothérapeutes

IFPEK Rennes

Institut de Formation en Ergothérapie

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute

UE 6.5 S6

Evaluation de la pratique professionnelle et Recherche

Anne-Cécile Delaisse

2017

D’un bout à l’autre de l’Atlantique,

une histoire d’ergothérapeutes

Les héritages du passé de la profession dans les

pratiques françaises et américaines actuelles

Page 2: une histoire d’ergothérapeutes

IFPEK Rennes

Institut de Formation en Ergothérapie

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute

UE 6.5 S6

Evaluation de la pratique professionnelle et Recherche

Sous la direction de Mme Bénédicte Dubois

Anne-Cécile Delaisse

2017

D’un bout à l’autre de l’Atlantique,

une histoire d’ergothérapeutes

Les héritages du passé de la profession dans les

pratiques françaises et américaines actuelles

Page 3: une histoire d’ergothérapeutes

Remerciements

Je tiens à remercier

Ma directrice de mémoire, Mme Dubois, pour ses conseils et son soutien dans

l’élaboration de ce mémoire

Mme Orvoine et mes parents, pour m’avoir permis de passer un merveilleux semestre aux

Etats-Unis

Mes professeurs américains, pour leur accueil chaleureux

en particulier Dr Stoklosa, Dr Poleshuck et Dr Shriber pour leur aide dans ce

travail de recherche

Tous les ergothérapeutes qui ont pris le temps de répondre à mes questions

Les ergothérapeutes qui m’ont relue et conseillée

Ma sœur, pour ses conseils et sa relecture

Page 4: une histoire d’ergothérapeutes

Résumé

En 2017, les ergothérapeutes célèbrent l’anniversaire de la première association

d’ergothérapie, fondée aux Etats-Unis, il y a cent ans. En France, la profession a une

soixantaine d’années d’existence derrière elle. Différents courants de pensée ont marqué

l’histoire de l’ergothérapie dans les deux pays, notamment autour du concept fondateur

qu’est l’occupation. Ce mémoire s’interroge sur les héritages de ces courants de pensée

dans les pratiques ergothérapiques actuelles en France et aux Etats-Unis.

Quatre ergothérapeutes de chaque pays, travaillant dans différents domaines, ont

été interrogées dans cette étude qualitative. On retrouve dans leurs pratiques des

influences de différentes périodes. Certains concepts sont restés au cœur de la

profession, d’autres ont été développés plus récemment.

Aujourd’hui la profession souhaite retrouver ses racines, tout en intégrant de

nouveaux modèles

Mots-clefs : Histoire, Ergothérapie, Evolution des pratiques professionnelles, Occupation

Abstract

In 2017, occupational therapists are celebrating the anniversary of the foundation

of the first association of occupational therapy in the US, one hundred years ago. In

France, the profession has existed for about sixty years. In both countries, occupational

therapy has been marked by several ways of thinking throughout its history, in particular

about the founding concept of occupation. This research is about the heritage of those

ways of thinking in the current occupational therapy practice, in both France and in the

US.

Four occupational therapists from each country, working in different domains,

have been interviewed in this qualitative study. Influences from different time periods

have been found in their practice. Some concepts have remained core concepts for the

profession, some others have been developed more recently.

Today, the profession is looking back at its roots as well as integrating new

models.

Key Words: History, Occupational Therapy, Professional practice evolution, Occupation

Page 5: une histoire d’ergothérapeutes

"Just as our heart beats in a rhythm, so do we respond to the rhythms of

day and night, sleeping and waking, and hunger and satiation, all

centered on the fundamental activities of human life."

Adolf Meyer, The philosophy of Occupational Therapy

Page 6: une histoire d’ergothérapeutes

Sommaire

1 Introduction .................................................................................................................... 1

2 Problématique et Question de Recherche ...................................................................... 2

3 Données conceptuelles et historiques ............................................................................ 9

3.1 Les concepts : Occupation, activité et paradigme professionnel .............................. 9

3.2 L’histoire de l’ergothérapie .....................................................................................14

3.2.1 1ère guerre mondiale : naissance de la profession aux Etats-Unis et premières ergothérapies en France ...............................................................................................14

3.2.2 2eme guerre mondiale : changement de paradigme professionnel aux Etats-Unis et apparition officielle de l’ergothérapie en France.................................................22

4 Méthodologie de la recherche .......................................................................................29

4.1 Choix de la population ............................................................................................29

4.2 Choix de l’outil ........................................................................................................29

4.3 Les limites ..............................................................................................................30

5 Analyse des données ....................................................................................................32

5.1 Population interrogée .............................................................................................32

5.2 Thèmes abordés en entretien .................................................................................32

5.2.1 Définition de l’ergothérapie ..............................................................................32

5.2.2 Les valeurs de la profession ............................................................................33

5.2.3 Connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ...............................33

5.2.4 Les activités utilisées en ergothérapie .............................................................33

5.2.5 Les théories qui soutiennent les pratiques ergothérapiques ............................35

5.2.6 Les lieux d’apprentissage des méthodes de traitement utilisées en ergothérapie 36

5.2.7 D’autres thèmes ..............................................................................................36

5.3 Thèmes communs et divergences entre les entretiens et les données historiques .37

5.3.1 Des concepts et des approches ......................................................................37

5.3.2 Des savoirs et savoir-faire ...............................................................................39

5.3.3 Des pratiques ..................................................................................................40

5.4 Conclusion de l’analyse et validation des hypothèses ............................................43

6 Discussion .....................................................................................................................45

7 Positionnement professionnel ........................................................................................53

8 Conclusion ....................................................................................................................54

9 Bibliographie .................................................................................................................56

9.1 Monographie ..........................................................................................................56

9.2 Articles de périodique .............................................................................................58

9.3 Thèse, mémoire et travaux universitaires ...............................................................61

9.4 Rapport ..................................................................................................................61

9.5 Textes de loi, décret ...............................................................................................61

9.6 Internet ...................................................................................................................61

10 Annexes ........................................................................................................................63

Page 7: une histoire d’ergothérapeutes

1

1 Introduction

2017 est l’année du centenaire de la création de la National Society for the Promotion

of Occupational Therapy, l’évènement qui marque la fondation de l’ergothérapie aux Etats-

Unis. En France, c’est la création d’instituts de formation à Paris et Nancy en 1954 qui

manifeste les débuts de la profession.

On observe différents courants de pensée au fil de l’histoire de la profession.

Kielhofner décrit, par exemple, le paradigme de l’occupation au moment de la fondation de la

profession aux Etats-Unis autour de la première guerre mondiale (Kielhofner, 2009). A

l’époque, les fondateurs considéraient l’occupation comme fondamentale pour la santé

humaine. La pathologie était liée à un déséquilibre occupationnel. Les occupations pouvaient

et devaient être utilisées comme traitement des affections du corps et/ou de l’esprit

(Kielhofner, 2009) (Gordon, 2009) (Schwartz, 2013).

Un deuxième paradigme professionnel, le paradigme mécaniste domine autour de la

seconde guerre mondiale. On le retrouve aux Etats-Unis et dans l’ergothérapie naissante en

France. Très lié au mouvement de la rééducation et au modèle médical de l’époque, ce

paradigme vise la suppression du handicap par la réduction des déficiences physiques ou

psychiques des patients (Kielhofner, 2009) (Rogers, 1982) (Friedland, 1998).

Les différents courants de pensée investis par la profession ne se sont pas simplement

succédé dans le temps, chacun a marqué l’ergothérapie. Ainsi la profession porte les

héritages de concepts datant de différentes époques. Quels sont-ils ? En particulier, quels

sont les héritages du paradigme de l’occupation et du paradigme mécaniste ? De plus, la

France et les Etats-Unis ont deux histoires différentes. L’ergothérapie française et américaine

ont été influencées de manière différente et plus ou moins directement par les deux

paradigmes dont il est question.

Ce mémoire s’intéresse donc aux héritages de l’histoire de la profession dans les

pratiques actuelles en France et aux Etats-Unis. Dans un premier temps nous verrons quels

questionnements autour de données historiques ont amené à la question de recherche et aux

hypothèses. Après quelques données conceptuelles, un éclairage un peu plus détaillé sera

apporté à propos des courants de pensée qui ont marqué l’ergothérapie au cours des deux

périodes étudiées. Puis, la méthodologie du recueil de données complémentaires auprès

d’ergothérapeutes françaises et américaines sera exposée, ainsi que ces données. Celles-ci

seront analysées au regard des éléments historiques. Cette analyse croisée permettra de

valider ou non les hypothèses de recherche. Enfin, la discussion viendra commenter les

similitudes et les différences que l’on aura pu découvrir dans l’analyse croisée et ouvrir la

réflexion sur les nouveaux concepts émergeant dans la profession.

Page 8: une histoire d’ergothérapeutes

2

2 Problématique et Question de Recherche

Au cours de mes études en ergothérapie, j’ai eu la chance d’étudier 4 mois aux Etats-

Unis dans l’état de New York. Mon semestre s’est déroulé à Nazareth College, une université

de la ville de Rochester. Celle-ci se situe à une demi-heure de Clinton Springs, ville où la

première association d’ergothérapie (National Society for the Promotion of Occupational

Therapy) a été créée il y a cent ans, marquant ainsi la naissance officielle de la profession.

Quelle meilleure opportunité pour en apprendre davantage sur l’ergothérapie que de l’étudier

dans le pays où elle est officiellement née ?

J’ai donc souhaité mettre à profit cette expérience dans mon mémoire, en y incluant

une dimension internationale et interculturelle. J’avais d’abord pensé aborder les différents

systèmes de santé dans les deux pays et leurs influences sur la pratique ergothérapique. Ce

sujet était trop vaste, car le système de santé américain est très complexe et varie selon les

Etats.

Je me suis rapidement orientée vers l’histoire de la profession ; notamment en réponse

à un questionnement sur l’identité de l’ergothérapie, ses tenants et aboutissants. En effet, si

l’ergothérapie a cent ans d’histoire derrière elle aux Etats-Unis, une soixantaine d’année en

France, elle reste une profession jeune. Elle doit encore trouver et défendre sa place au sein

des professions paramédicales et affirmer ses valeurs. En explorer les fondements et son

développement jusqu’à aujourd’hui est un moyen de comprendre un peu mieux l’ergothérapie.

Les Etats-Unis étant le pays de naissance de l’ergothérapie, je me suis aussi

questionné sur l’influence de la culture américaine sur la profession. Comment l’ergothérapie

s'inscrit-elle dans la culture du “self-made man”, l’homme indépendant, qui repousse ses

limites et celle de la nature qui l’entoure (Reilly, 1961) ; et comment ce même métier est-il

exercé dans une culture différente ?

J’ai également été interpellée par la différence de vocabulaire. Les américains parlent

de “client”, de “performance”, les canadiens parlent de “rendement occupationnel”; des mots

assez étranges dans le domaine médico-social français. Le nom même de la profession en dit

beaucoup sur la manière dont les deux pays envisagent la pratique professionnelle, ainsi que

sur l'ambiguïté de la définition de la profession.

Si l’on retourne à l’origine même du mot français “ergothérapie”, on trouve la racine

grecque « ergo » ou « ergon ». Traduire une langue peut parfois laisser place à une certaine

subjectivité. Le langage étant le reflet d’une culture; traduire un mot relevant d’une culture

vieille de plusieurs millénaires dans notre langue actuelle est d’autant plus imprécis. Les mots

enferment les concepts et les idées. Il semblerait que pour la plupart, le mot grec “ergon”

signifie plutôt le travail. Pour d’autres, il correspond plutôt à l’action, œuvre ou encore

“dynamisme créatif” (Pibarot, 2013). Notons que la notion de travail, dans de nombreuses

cultures, s’imbrique dans la notion d’activité (une activité qui donne lieu à une forme de

rémunération). La racine « therapia » semble quant à elle faire consensus pour signifier soin.

Le mot anglais “occupational therapy” peut aussi engendrer de la confusion. En effet,

dans le langage commun, le mot “occupation” anglais est assez proche du mot français

“travail”. Par exemple, pour une personne non-initiée à ce qu’est “l’occupational therapy”,

“what is your occupation ?” pourrait être traduit par “qu’est-ce que vous faites dans la vie ?”,

qui est donc compris comme “quel est votre travail ?”.

Page 9: une histoire d’ergothérapeutes

3

Les “occupational therapist” américains ont donné au mot « occupation », un sens bien

plus large que celui pour lequel il est communément utilisé, pour ne pas réduire leur champ

de compétence. Le sens anglais est bien différent du mot « occupation » français qui pourrait

avoir une connotation négative. Si le mot français semble évoquer une activité qui n’aurait

d’autre but que d’éviter l’ennui, sans forcément avoir un sens particulier, le terme anglais

englobe les activités de tous les jours que les gens font individuellement, en famille ou en

société pour occuper leur temps et donner un sens et un but à leur vie (« l’activité significative

et signifiante » pour les ergothérapeutes français). Le mot « Occupation » inclut tout ce que

l’on a besoin de faire, que l’on veut faire ou ce qui est attendu de nous. (“In occupational

therapy, occupations refer to the everyday activities that people do as individuals, in families

and with communities to occupy time and bring meaning and purpose to life. Occupations

include things people need to, want to and are expected to do.” (WFOT, 2012)).

De plus, la racine latine du mot occupation signifie prendre possession, maîtriser. Ce

concept a toute sa place dans la culture américaine du « self-made man », ou “l’occupational

therapy” est « un entraînement à devenir maître de la situation » (Pibarot, 2013). De plus en

plus, les ergothérapeutes français tendent également à utiliser le mot français « occupation »

au sens des occupational therapist anglo-saxon. En effet, on retrouve le terme dans des

ouvrages français récents comme la nouvelle édition de Modèles conceptuels en

Ergothérapie de Marie-Chantal Morel-Bracq (Morel-Bracq, 2017), ou dans La science de

l'occupation pour l'ergothérapie traduction du livre de Doris Pierce (Pierce, 2016), et même

dans certains articles (Dans Le suivi précoce des enfants en ergothérapie Intérêts et

enjeux :« L'enjeu de la prise en charge précoce en ergothérapie est de limiter le risque pour

l'enfant de s'installer dans un chemin de développement qui nuise à l'acquisition d'une

autonomie suffisante pour réaliser un certain nombre d'occupations indispensables à son

épanouissement. » (Dufour, 2011)).

Les mots n’ont au final que le sens que l’on veut bien leur donner. L’essentiel est

d’avoir un sens partagé par l'émetteur et le récepteur d’un message. Il semblerait que les

ergothérapeutes (français et américains) aient eu besoin de redéfinir les mots utilisés dans le

nom même de leur profession pour leur donner le sens qui correspond à leur vision de la

profession. Peut-être Isabelle Pibarot a-t-elle défini “ergon” comme le dynamisme créatif,

pour donner tout son sens et toute sa place à l’ergothérapie en psychiatrie. Les fondateurs

américains de la profession, quant à eux, avaient pensé au mot “ergotherapy” mais ne l’ont

pas retenu car la connotation “travail” de la racine grecque “ergo” a été considérée comme

non assez large pour englober la diversité d’activités proposées par la profession (activités de

loisir, artisanat, musique) (Gordon, 2009). “Occupation” au sens français de ce qui “occupe le

temps” semblait être plus large (Dunton 1919, cité par (Gordon, 2002)). D’autant plus que

pour certains des premiers ergothérapeutes, l’activité occupationnelle était considérée comme

thérapeutique car elle permet de distraire le patient de ses problèmes de santé (Harvey-

Krefting, 1985) (Bing, 1981) (Peloquin, 1991). Au fil de l'évolution de la profession, les

ergothérapeutes américains ont élargi et approfondi le sens de ce mot (“occupation”

comprend maintenant la notion d’activité signifiante) pour lui donner le sens large qui

correspond à leur vision de la profession.

La nécessité de modifier le sens habituel des mots pour leur donner un sens propre à

la profession pourrait, en partie, expliquer les difficultés de l’ergothérapie à se définir et à être

connue et reconnue du grand public. En effet, les mots « occupational therapy » et

« ergothérapie » ne parlant pas d’eux-mêmes aux « non-initiés », ils peuvent facilement

Page 10: une histoire d’ergothérapeutes

4

laisser place à l’interprétation ou à une mauvaise compréhension de la définition de notre

métier.

Dans ce mémoire, le mot occupation sera utilisé au sens des occupational therapists

anglo-saxons, tel que décrit plus haut (il englobera les activités de vie quotidienne, les

activités significatives et signifiantes). « L’activité thérapeutique » sera utilisé pour désigner

tout ensemble d’actions exécutées par un patient dans le but de réduire ses situations de

handicap et d’améliorer sa qualité de vie.

Les réflexions autour de l’émergence de la question de recherche de ce mémoire ont

été enrichies par des contacts avec des ergothérapeutes auteurs de livre, thèses ou articles

en lien avec l’histoire de la profession. Un entretien exploratoire a été mené auprès d’un

expert dans ce domaine. Celui-ci m’a amené à prendre du recul, notamment par rapport aux

valeurs des fondateurs de la profession, parfois idéalisées. Il m’a également orientée sur les

“Slagle Lecture”. Tous les ans, un ergothérapeute réputé est sélectionné par ses pairs pour

écrire un article, c’est une marque de reconnaissance assez honorifique. Le nom “Slagle”, fait

référence à Eleanor Clarke Slagle, une des fondatrices de l’ergothérapie aux Etats-Unis. En

général, les auteurs retracent l’histoire de la profession et tentent de donner de nouvelles

directives pour l’évolution de l’ergothérapie.

Les lectures montrent que les ergothérapeutes français et américains ont tous voulu

définir et défendre l’idée d’une thérapie pour et par l’activité. C’est, par exemple, ce qui a

rassemblé les fondateurs de la National Society for the Promotion of Occupational Therapy en

1917 : l’idée que l’activité pouvait et devait être utilisée comme méthode thérapeutique.

Ainsi, les ergothérapeutes sont-ils les premiers à avoir utilisé l’activité en thérapie ?

Sont-ils les inventeurs de ces méthodes thérapeutiques ?

L’activité a été utilisée comme moyen thérapeutique bien avant la naissance officielle

de la profession. En effet, si on observe des traces de l’utilisation thérapeutique de l’activité

dès l’antiquité, c’est au XVIIème siècle qu’elle se développe plus particulièrement en santé

mentale. Le courant de pensées humanistes des lumières induit une nouvelle manière de

considérer les personnes souffrant de maladies mentales ainsi que leur place dans la société.

Étant reconnues comme des êtres de raison, elles avaient droit à un traitement humain. C’est

ainsi que le traitement moral est venu remplacer les violences communément utilisées envers

les patients en santé mentale, avec la création des asiles. L’activité (agriculture, travaux de

maintenance de l’institution, activités manuelles) faisait partie intégrante de cette thérapie

(Gordon, 2009). En France, Philippe Pinel utilise l’activité comme thérapeutique à la

Salpetrière, à Paris. William Tuke et Johann Christian Reil utilisent le traitement moral

respectivement en Angleterre et en Allemagne à la même époque, ainsi que Benjamin Rush

aux Etats-Unis (Bing, 1981) (Entretien exploratoire).

On peut donc se demander si ces utilisations de l‘activité ont eu un lien avec la

fondation de l’ergothérapie ?

Si le traitement moral tombe en désuétude au milieu du XIXème siècle, l’idée d’utiliser

l’activité en thérapie est de nouveau défendue par les fondateurs de l’ergothérapie, aux Etats-

Unis, au début du XXème siècle. Cette fois ci on s’attache à démontrer scientifiquement son

efficacité. Par exemple, Herbert Hall, médecin psychiatre américain crée la cure par le travail

(en opposition avec la cure de repos, répandue à l’époque), comme traitement contre la

neurasthénie, en 1905 (Gordon, 2009). Son traitement est basé sur des activités manuelles et

Page 11: une histoire d’ergothérapeutes

5

artisanales (Christiansen & Haertl, 2013). Susan Tracy, une infirmière en psychiatrie utilise

ces mêmes méthodes. Elle écrit Studies in invalid occupation : a Manual for Nurses and

Attendants, en 1910, un des premiers livres d’ergothérapie, qui a été utilisé comme support

de cours dans les formations en ergothérapie jusque dans les années 40 (Kielhofner, 2009).

Elle a joué un rôle déterminant dans la création de formations en ergothérapie. Tracy et Hall

sont considérés comme faisant partie des fondateurs de l’ergothérapie, bien que n’ayant pas

été présents lors de la fondation de la NSPOT en 1917. Hall sera cependant président de

l’association en 1921 (Kielhofner, 2009)).

C’est la réunion à Clifton Springs, en mars 1917, qui marque la fondation de notre

profession. Il s’agit de la création de la première association d’ergothérapie. George Edward

Barton, un architecte convaincu du pouvoir thérapeutique de l’activité par sa propre

expérience de vie (tuberculose, amputation, paralysie), organise la rencontre dans son propre

lieu de soin : “consolation house” (Christiansen & Haertl, 2013). Il sera le premier président de

la NSPOT. Il y invite Eleanor Clarke Slagle, travailleuse sociale. Considérée comme la mère

de l’ergothérapie, elle travaille en psychiatrie avec Adolf Meyer, médecin psychiatre d’origine

suisse. Pour eux, la maladie mentale vient de mauvaises habitudes de vie. Le traitement qu’ils

proposent est un “traitement des habitudes” pour rétablir un équilibre occupationnel. Adolf

Meyer n’était pas présent en 1917, mais il est un des grands penseurs de l’ergothérapie. Il a

écrit « The Philosophy of Occupational Therapy » en 1922 (Kielhofner, 2009).

Autre personne présente à Clifton Springs, William Rush Dunton, médecin psychiatre,

influencé par le traitement moral, est considéré comme le père de l’ergothérapie. Il a joué un

grand rôle dans la promotion de l’ergothérapie par ses nombreux écrits et publications

(notamment le premier journal d’ergothérapie : “archives of occupational therapy”) (Schwartz,

2009). Susan Cox Johnson, enseignante en activité artisanale (“art and craft”), Thomas

Kidner, architecte, et Isabelle Newton, secrétaire et collègue de George Barton, sont les trois

autres membres fondateurs de la NSPOT (Christiansen & Haertl, 2013).

Ainsi, étant donné que la profession est née il y a cent ans, il est intéressant de se

questionner sur les valeurs de l’ergothérapie de l’époque, dans un contexte historique, social

et médical complétement différent.

Les lectures confirment la présence des valeurs primordiales de l’ergothérapie dès sa

fondation : la volonté de considérer le patient dans son ensemble, corps et esprit, le concept

d’équilibre de vie parmi les différentes activités comme vecteur de santé (“occupational

balance”), l’activité signifiante comme moyen de rétablir cet équilibre, la conviction du pouvoir

thérapeutique unique de l’activité. Ainsi l’utilisation thérapeutique de l’activité est ce qui définit

et a défini notre profession dès ses origines. Porter un regard sur les différentes activités

utilisées en thérapie, permet donc une approche très concrète de l’ergothérapie et de ses

concepts clefs.

Par exemple, au cours de mon semestre aux Etats-Unis, j’ai pu découvrir quelques

différences entre la pratique de l’ergothérapie en France et aux Etats-Unis. En effet, les

ergothérapeutes américains travaillant avec des enfants utilisent, pour la plupart, les théories

et méthodes de Jean Ayres sur l’intégration sensorielle ( Schaaf & Mailloux, 2015) (Gordon,

2009). Cette ergothérapeute a énormément marqué la profession dans les années 70, et son

influence est encore très présente de nos jours. Ses méthodes thérapeutiques s’appliquent

tout particulièrement avec les enfants présentant des troubles du développement, tels que

l’autisme ou encore les troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité ( Schaaf

& Mailloux, 2015) (May-Benson & Koomar, 2010). Ainsi, l’utilisation et la maîtrise d’activités

Page 12: une histoire d’ergothérapeutes

6

thérapeutiques en lien avec l’intégration sensorielle a amené les ergothérapeutes américains

à se spécialiser auprès de cette clientèle. L’utilisation de telle ou telle activité en thérapie

oriente donc la profession dans différentes directions. Le type d’activité utilisée en thérapie

semble être un indicateur de ce qu’est la profession et ses concepts en fonction des époques,

et des contextes.

Il est également intéressant de noter que les valeurs fondamentales liées à l’utilisation

d’activité signifiante pour le patient sont maintenant soutenues par les preuves scientifiques.

En effet, dans le domaine de la neurologie, les méthodes thérapeutiques (en ergothérapie

mais aussi dans d’autres disciplines comme en kinésithérapie) tendent de plus en plus à

utiliser des activités ayant du sens pour le patient. Il a été prouvé que l’apprentissage ou le

réapprentissage moteur ont plus facilement lieu si l’activité proposée a un but et du sens pour

le patient (Barthel, 2010). Dans de nombreux modèles de pratique (Bobath revisité,

Contemporary Task-oriented approach, motor learning, Constraint-Induced Movement

Therapy), on reconnaît l’importance de ne pas faire “comme si”, mais bien de compléter une

vraie tâche. Certains de ces modèles prônent l’utilisation de l’environnement familier du

patient, avec ses propres objets (Bass-Haugen, et al., 2008). Ainsi l'intérêt d’avoir un but

fonctionnel en thérapie, le pouvoir thérapeutique de l’activité signifiante pour le patient, le lien

entre la performance et l’environnement dans lequel l’activité a lieu sont des valeurs

fondamentales que notre profession défend depuis ses débuts. Elles sont maintenant

reconnues et expliquées par les neurosciences.

Aborder l’histoire de la profession en France et aux Etats-Unis comporte le risque d’en

arriver à une comparaison entre les deux pays à la culture et l’histoire complétement

différentes. C’est pourquoi cet écrit s’intéressera plutôt aux périodes historiques où

l’ergothérapie française et américaine se croisent ; au cours des deux guerres mondiales. En

effet, on remarque des échanges transatlantiques intéressants à ces époques et il semblerait

que ce soit au cours de ces conflits que l’ergothérapie ait été importée des Etats-Unis en

France.

Lors de la première guerre mondiale, alors que les Etats-Unis s’engagent dans le

conflit, ils soutiennent la France par leurs armées mais aussi par leurs équipes médicales,

parmi lesquelles, les « reconstruction aides ». Ces « aides à la reconstruction »

ergothérapeutes ont été parmi les premiers représentants de la profession, toute récente à

l’époque, aux yeux du monde médical et du grand public. Envoyées sur les lignes de front,

ces femmes issues du monde civil avaient pour mission de permettre le retour aux combats

des soldats (Low, 1992). Professeurs ou artistes à la base, elles utilisaient des activités

artisanales avec les matériaux à disposition, comme moyen thérapeutique. Cependant, les

bases conceptuelles de leur pratique étaient assez floues, ce qui a peut-être entravé une

compréhension du pouvoir thérapeutique de l’activité au-delà de sa dimension

occupationnelle et divertissante (Low, 1992). D’ailleurs, Spackman dira des reconstructions

aides en 1968, qu’elles étaient plutôt des professeurs en activité artisanales que des

thérapeutes (Spackman, 1968 cité par (Peloquin, 1991)).

La seconde guerre mondiale a été une période de développement pour l’ergothérapie.

Le nombre d’ergothérapeutes double entre 1941 et 1946 aux Etats-Unis (Gordon, 2009) et la

période d’après-guerre est considérée comme celle de l’apparition de la profession en France

(Pierquin, et al., 1980). L’armée américaine emploie des ergothérapeutes en tant que civils et

ils travaillent sur le territoire américain plutôt que sur les zones de conflit (Taylor, 1974). Des

formations “d’urgence” sont créées pour pallier au manque de thérapeutes durant la guerre.

Page 13: une histoire d’ergothérapeutes

7

En France, la profession voit le jour après la guerre, avec les premières écoles en 1954 à

Paris et Nancy grâce à l’appui d’occupational therapist américains et anglais (Farcy, 1994,

citée dans (Bourrellis, 2006)).

Le premier diplôme de niveau master est proposé en 1947 aux Etats-Unis (Gordon,

2009). Il est maintenant obligatoire à tous les nouveaux professionnels depuis 2007 (AOTA,

2016). Une certification et une licence d’Etat est nécessaire pour pratiquer légalement. En

France, le diplôme d’état est créé avec le décret du 6 novembre 1970 (Décret n°70-1042 du 6

novembre 1970 portant création du diplôme d'Etat d'ergothérapeute). Depuis le 5 juillet 2010,

ce diplôme a une reconnaissance de grade licence, comprenant 180 crédits (Arrêté du 5 juillet

2010 relatif au diplôme d'Etat d'ergothérapeute).

Il est également intéressant de noter que les périodes des deux guerres mondiales

correspondent à deux courants de pensée dans l’histoire de notre profession. En effet, les

aides à la reconstruction ont, tout comme les ergothérapeutes de l’époque, utilisé

principalement des activités artisanales, influencées par le “art and craft movement” (Levine,

1987). La profession était alors encore très marquée par ses origines liées au domaine de la

psychiatrie. Kielhofner considère le courant de pensée de cette pratique comme : le

“paradigme de l’occupation” (Kielhofner, 2009).

Lors de la seconde guerre mondiale en revanche, la profession s’oriente plutôt vers le

“paradigme mécanique” selon Kielhofner (Kielhofner, 2009). En effet, pour justifier de sa

légitimité en tant que profession paramédicale, l’ergothérapie s’est appuyée sur les avancées

de la médecine de l’époque (entretien exploratoire). Celles-ci ont permis une meilleure

compréhension des mécanismes internes du psychisme et du corps (Riley, 1977 cité par

(Kielhofner, 2009)). Il était entendu que le handicap découlait de dysfonctions de ces

mécanismes (avec le modèle du docteur Phillip Woods, que l’on retrouve dans la

Classification Internationale des Handicaps de 1980) (Chapireau, 2001). L’ergothérapie a

alors intégré ces nouvelles connaissances et s’est focalisé sur la réduction ou la

compensation des déficiences des fonctions internes des patients. L’activité était alors utilisée

comme moyen pour influencer ces mécanismes (pour renforcer un muscle par exemple)

(Kielhofner, 2009).

Depuis les années 1980 aux Etats-Unis et plus récemment en France, la profession

tente de retrouver son focus sur l’occupation ainsi que la prise en compte de la globalité du

patient en interaction avec son environnement (Kielhofner, 2009) (Christiansen & Haertl,

2013) (Botokro, 2006). Elle tente également d’établir son efficacité et de fonder sa pratique

sur des preuves scientifiques. Le domaine de la recherche se développe de manière de plus

en plus rigoureuse (Gordon, 2009).

Ainsi la profession a pris différentes directions selon les époques et les contextes.

L’utilisation de l'activité a évolué ; chaque innovation dans la pratique, défendue par de

nouvelles idéologies sous-jacentes, ayant enrichi la profession. Si l’ergothérapie est bien le

fruit de son passé, étudier l’histoire des traitements ergothérapiques peut apporter un

éclairage intéressant pour une plus ample compréhension de la pratique actuelle.

Page 14: une histoire d’ergothérapeutes

8

La question de recherche issue de cette problématique sera donc :

Les hypothèses découlant de cette question seraient :

-L’héritage de la période de la première guerre mondiale, c’est-à-dire la période où

l’ergothérapie apparait aux Etats-Unis, consiste en des valeurs fondamentales, entre autres la

vision holistique du patient, et des pratiques utilisant des activités manuelles pour engager le

patient par ses mains et son esprit.

-L’héritage de la période de la seconde guerre mondiale avec la création de la

profession en France, consiste en un ancrage dans des connaissances médicales ainsi que

l’utilisation d’activités analytiques pour effectuer un travail précis sur une des déficiences du

patient, en vue de la réduction global de ses situations de handicap.

Pour répondre à la question de recherche et valider ou non les hypothèses, les fruits

d’une recherche bibliographique vont être présentés, dans un premier temps. Les concepts

clefs de ce mémoire seront définis. Le paradigme de l’occupation au moment de la première

guerre mondiale va être exposé, ainsi que le paradigme mécaniste autour de la seconde

guerre mondiale.

Quels sont les héritages des pratiques et modèles conceptuels utilisés dans

l’histoire de l’ergothérapie, lors de la naissance de la profession en France et aux Etats-

Unis, autour des deux guerres mondiales, sur les pratiques ergothérapiques actuelles

dans les deux pays ?

Page 15: une histoire d’ergothérapeutes

9

3 Données conceptuelles et historiques

3.1 Les concepts : Occupation, activité et paradigme professionnel

Pour étudier les pratiques ergothérapiques, il parait essentiel de regarder de plus près

l’activité, les activités. En effet, il semblerait que celles-ci soit au cœur de la profession, tant

comme moyen que comme but thérapeutique. C’est une notion clef de l’ergothérapie.

Aux Etats-Unis, pour les « occupational therapists », le concept «d’occupation » est

d’autant plus important. De plus, il semblerait que ce terme soit maintenant aussi utilisé par

les ergothérapeutes en France qui lui donnent le même sens que les américains.

Les deux concepts peuvent sembler se chevaucher dans leur signification. Ainsi, il

convient de les définir le plus justement possible.

Dans la langue française, le mot d’activité est tout d’abord lié au vivant. Le dictionnaire

Larousse propose, par exemple, ces deux définitions : « Ensemble de phénomènes par

lesquels se manifestent certaines formes de vie, un processus, un fonctionnement : L'activité

physique, intellectuelle. » Et « Faculté, puissance d'agir ; manifestation de cette faculté : Un

homme débordant d'activité » (Larousse, 2017). Il est intéressant de noter que selon cette

source, l’activité est la manifestation de la vie, ce qui montre ou démontre son existence.

Ainsi, si l’ergothérapie est la thérapie qui permet le retour à l’activité, cela veut-il dire qu’elle

est la thérapie qui rend à la personne la capacité d’exprimer sa vitalité ?

Le concept d’activité est aussi lié à l’agir comme dans ces définitions du Robert :

«Chez un agent, faculté d’agir, de produire un effet », « Qualité d’une personne active »,

«Ensemble des actes coordonnés et des travaux de l’être humain : fraction spéciale de cette

ensemble » ou encore «Situation d’une personne qui exerce son emploi » (Robert, 2003). On

voit aussi un lien au travail, connotation similaire au mot « occupation » dans son sens

courant anglais.

Ce mot occupation vient du latin occupatio qui signifie « s’emparer de ». Dans les

définitions françaises, on trouve souvent la notion de remplir, couvrir. La définition commune

au Robert et au Larousse est celle-ci «ce à quoi on consacre son activité, son temps »

(Larousse, 2017) (Robert, 2003). Parmi les synonymes proposés on retrouve « passe-temps»

(Robert, 2003). Ainsi, le mot occupation français peut avoir une connotation négative car il

renvoie à une activité qui, n’ayant d’autre but que d’occuper le temps, ne serait pas

constructive ou productive. Or, chacune de nos activités occupe du temps dans nos journées,

sans pour autant être inutiles.

On ne retrouve pas cette connotation péjorative dans le sens commun du terme

anglais. Pour les anglo-saxons, occupation signifie tout d’abord « travail ». Et pour ce qui est

du mot « activity », on retrouve bien la notion d’agir, mais il est aussi intéressant de noter que,

parmi les définitions proposées par le dictionnaire Collins, on trouve « une fonction normale

du corps et de l’esprit ». (Harper Collins, 2017)

L’ergothérapie s’est fondée sur l’activité et l’occupation. La profession a donc élaboré

ses propres concepts autour de ces termes.

Lors de la création de la profession aux Etats-Unis, les fondateurs ont choisi le terme

occupation, avec lequel ils ont construit le nom même de la profession : « occupational

Therapy ». Ils ont créé la National Society for the Promotion of Occupational Therapy autour

Page 16: une histoire d’ergothérapeutes

10

de « la promotion de l’occupation comme démarche thérapeutique » (NSPOT, 1917 citée par

(Bauerschmidt & Nelson, 2011)). A l’époque, le terme occupation n’avait pas le sens de

« travail » comme dans la langue anglaise actuelle. Le terme désignait plutôt « une activité

importante dans laquelle on s’engage » (Schwartz, 2013). Les fondateurs, quant à eux,

utilisaient ce mot pour désigner une manière d’utiliser son temps « correctement », en y

incluant le travail ou les activités assimilées au travail et les activités de divertissement

(Dickie, 2009). Pour eux, le mot englobait les composantes corps/esprit, espace/temps et la

composante sociale (Bauerschmidt & Nelson, 2011). Il permettait de refléter la volonté d’une

approche holistique dans la profession (Breines, 1995 cité dans (Bauerschmidt & Nelson,

2011)).

Ainsi, il semblerait qu’ils aient choisi ce terme en sachant qu’il était large et qu’il

pouvait donc entrainer des confusions. Cependant il permettait aussi de laisser une grande

liberté dans la prise en charge des ergothérapeutes (Schwartz, 2013).

Le mot occupation a été examiné, a pu faire controverse et a été redéfini au cours de

l’évolution de la profession (Dickie, 2009). Si ce mot était très utilisé dans les années 20,

comme en témoigne la fréquence d’utilisation dans les publications ergothérapiques

américaines ; il semblerait qu’il ait été en parti remplacé par le mot activité dans les années

40, 50 et 60. Les deux termes ont ensuite été très peu utilisés dans les publications des

années 70 et 80. Enfin, la fréquence d’apparition du mot occupation a augmenté dans les

années 2000 (Bauerschmidt & Nelson, 2011).

En effet, suite aux changements de paradigme et à l’appel de Mary Reilly, Elizabeth

June Yerxa, Jerry Johnson ou encore Gary Kielhofner à revenir à l’occupation (la thérapie

centrée sur l’occupation) (Gordon, 2009), le mot occupation est revenu au cœur des

recherches et des discussions. Il semblerait que le mot « activity » ait, quant à lui, reçu moins

d’attention dans les recherches (Pierce, 2001).

En 1999, Fidler et Velde utilisaient « occupation » et « purposeful activity » (activité

ayant un but) de manière interchangeable dans leurs écrits (Fidler & Velde, 1999 cités par

(Pierce, 2001))

Aujourd’hui encore, les ergothérapeutes américains utilisent les mots « occupation » et

« activity » de manière interchangeable (Pendleton & Schutz-Krohn, 2013). Selon ces mêmes

auteurs, le concept d’occupation engloberait celui d’activité. Les occupations seraient

orientées vers un but et porteuses de sens. Elles seraient des activités dans lesquelles le

patient s’engage avec enthousiasme, qui donnent sens à sa vie et font partie de son identité

(Pendleton & Schutz-Krohn, 2013).

Pour O’Toole, une occupation est un ensemble d’activité et l’activité est elle-même un

ensemble de tâche (O'toole, 2011). Ainsi, pour cette auteure également, le concept

d’occupation englobe celui d’activité.

Yerxa, quant à elle, définit l’occupation de cette façon : « groupe d’activités qui sont

classifiées et nommées par la culture selon le but qu’elles servent en permettant aux gens de

relever les défis de leur environnement avec succès …. L’occupation est initiée par la

personne elle-même, a un but, est expérimentale autant que comportementale, valorisée et

reconnue socialement, faisant appel à des capacités d’adaptation. Elle est organisée,

essentielle à la qualité de vie et possède la capacité d’influencer la santé. » (Yerxa, 1993 citée

Page 17: une histoire d’ergothérapeutes

11

par (Dickie, 2009)). Ainsi, Yerxa pense que le concept d’activité comprend celui d’occupation

puisque les occupations sont une certaine catégorie d’activité.

« Dans la myriade d’activité que les gens font tous les jours, ils font des occupations

toute leur vie, peut-être sans même le savoir » (Dickie, 2009) (« in the myriad of activites

people do every day, they do occupation all their lives, perhaps without ever knowing it. ») Ici,

aussi, l’occupation semble est une sous-catégorie d’activités.

Ainsi pour certains auteurs, le concept d’activité englobe celui de l’occupation, pour

d’autres c’est l’inverse.

Pour Doris Pierce, il est important de distinguer l’activité de l’occupation pour

« optimiser le pouvoir de nos interventions en appuyant le développement d’une base de

savoir qui constitue une « carte » à la pratique professionnelle (Ottenbacher, 1996, p.329),

pour savoir où l’on va et quelles compétences sont requises pour y aller » (Pierce, 2001)

Selon elle, « Le manque de différenciation entre les deux [occupation et activité] a un effet

terrible sur le discours qui tient la profession, cela entrave la recherche, réduit la garantie

morale et l’efficacité des praticiens, et étouffe la voix politique de la profession » (Pierce,

2001).

En 2001, Doris Pierce propose une définition des termes « activity » et « occupation »

de manière bien distincte et sans forcément englober un concept dans un autre, sans les

hiérarchiser. Pour elle, « l’occupation » fait référence à une expérience non-reproductible,

personnelle et individuelle, ayant lieu dans un contexte, temporel, spatial et social unique. Le

mot « activity » fait, quant à lui, référence à une idée générale d’un ensemble d’actions

humaines. Ce concept n’est pas observable, il est dans l’esprit dans gens et bien souvent,

défini par la culture. L’auteur donne l’exemple de « manger » comme activité que chacun peut

se représenter avec un certain contexte temporo-spatial, certains outils communément utilisés

selon la culture. Ceci est un concept, alors que « l’occupation » du petit déjeuner que le

lecteur a pris le matin, est une expérience unique qui ne se reproduira jamais exactement de

la même manière. Cette expérience a une certaine signification et est bien située dans un

contexte réel. Ainsi, ce qui peut différencier les deux concepts sont la subjectivité et le

contexte (un contexte bien précis, non-reproductible, ou une idée générale de contexte

probable pour telle ou telle action humaine) (Pierce, 2001).

Les deux concepts, ainsi définis, n’ont pas de lien « hiérarchique », puisque l’un peut

englober l’autre et inversement selon le contexte. Une occupation peut contenir plusieurs

activités réalisées simultanément («conduire, discuter, écouter la radio »), et une activité (par

exemple : « passer un diplôme ») peut contenir différentes occupations (Pierce, 2001).

Il est aussi intéressant de noter que les deux concepts s’influencent réciproquement.

La réalisation d’une occupation est bien influencée par l’idée générale que l’on a sur la

manière dont les choses se font habituellement (le concept d’activité). Par exemple : nos

occupations sont influencées par les dictats de la culture sur le moment et la manière de faire

telle ou telle chose. Et inversement, un grand nombre d’occupations nouvelles ou de

variations dans nos occupations anciennes vont venir influencer nos représentations de

l’activité. Par exemple : une évolution des pratiques de telle ou telle acte dans une société fait

évoluer la représentation qu’ont les gens de cette activité (Pierce, 2001).

Ainsi, la définition du concept d’occupation a évolué et continue d’évoluer avec les

avancées de l’ergothérapie et de la science de l’occupation.

Page 18: une histoire d’ergothérapeutes

12

Aujourd’hui, la World Occupational Thearpy Federation donne la définition suivante :

« En ergothérapie, l’occupation fait référence aux activités de tous les jours que les gens font

individuellement, en famille ou en société pour occuper leur temps et donner un sens et un

but à leur vie. Le mot “Occupation » inclut tout ce que l’on a besoin de faire, que l’on veut faire

ou ce qui est attendu de nous. » (“In occupational therapy, occupations refer to the everyday

activities that people do as individuals, in families and with communities to occupy time and

bring meaning and purpose to life. Occupations include things people need to, want to and are

expected to do.” (WFOT, 2012)).

Malgré ces variations dans la définition de ce concepts, la conviction que l’occupation

a un effet sur la santé de tout être humain est bien ce qui réunit les ergothérapeutes

américains à travers les différentes époques.

La définition que les fondateurs avaient de l’occupation mettait plutôt en valeur les

effets positifs de l’occupation sur la santé et reconnaissait même un besoin humain vital

d’occupation (Dunton dans (Bauerschmidt & Nelson, 2011)). Dans sa Slagle Lecture de 1961,

Mary Reilly s’appuyait sur les recherches de l’époque sur la privation sensorielle et affirmait

que l’homme a un besoin vital d’occupation car son système nerveux nécessite des stimuli

variés qui peuvent lui être apporté par la résolution de problèmes dans ses activités de tous

les jours (Reilly, 1961) (Gordon, 2009) (« Man has a vital need for occupation and his central

nervous system demands the rich and varied stimuli that solving life problems provides »

(Reilly, 1961). Dans la définition de Yerxa citée plus haut, on retrouve aussi la notion de lien

entre l’occupation et la santé (« [l’occupation] possède la capacité d’influencer la santé »)

(Yerxa, 1993 citée par (Dickie, 2009)). Cependant le terme employé n’a pas de connotation

positive ou négative. En effet, avec les définitions actuelles de l’occupation, celle-ci est

reconnue comme étant nécessaire au développement et au bien être humain, mais dans

certains cas elle peut aussi avoir un impact négatif (par exemple : fumer peut être une

occupation) (Dickie, 2009).

En France, il semblerait que l’utilisation et la définition du mot occupation soient

empruntées au concept des ergothérapeutes anglo-saxons. En effet, dans le livre de Sylvie

Meyer, publié en 2013, rapportant le travail du projet terminologie de ENOTHE (European

Network of Occupational Therapy in Higher Education), la plupart des références ayant servi à

l’élaboration de définitions sont américaines (des Etats-Unis ou du Canada). L’auteur écrit

d’ailleurs : « Les définitions ont d’abord été élaborées en anglais – puisque presque la totalité

de la littérature en ergothérapie est rédigée dans cette langue – et que, lorsqu’elle l’est dans

une autre langue, par exemple le français, elle se réfère largement à des concepts issus de la

littérature anglophone. » (Meyer, 2013)

Dans d’autre ouvrage en français concernant l’activité ou l’analyse d’activité, le mot

occupation est simplement absent, comme dans L’activité humaine : un potentiel pour la

santé ? publié en 2015 (Morel-Bracq, et al., 2015).

Le groupe terminologie ENOTHE est arrivé à ces définitions ; L’activité serait « une

suite structurée d’actions ou de tâches qui concourt aux occupations. » et l’occupation serait

« un groupe d’activités, culturellement dénommé, qui a une valeur personnelle et

socioculturelle et qui est le support de la participation à la société. Les occupations peuvent

être classées en soins personnels, productivité ou loisir. » (Meyer, 2013).

Jean-Marie Barbier apporte quant à lui un éclairage un peu différent. Il distingue

l’activité des activités. L’activité serait une transformation du monde physique, mental et/ou

Page 19: une histoire d’ergothérapeutes

13

social situé dans l’espace et dans le temps, elle serait une interaction entre l’être et son

environnement où chacun des deux est transformé mutuellement. Les activités seraient quant

à elle des composantes de l’activité humaine, qui possèdent des « invariants dans leur

processus de production et dans leur produit » (Barbier, 2015). Elles seraient indépendantes

et pourrait s’associer de manières variées dans l’activité (Barbier, 2015). Dans l’activité

« boire », une des activités serait « verser de l’eau ». Cette distinction reste complexe dans

son utilisation car elle oblige à employer le mot « activité » uniquement au singulier ou

uniquement au pluriel selon le concept que l’on souhaite évoquer.

Enfin, les ergothérapeutes donnent différents qualificatifs au mot activité. En anglais,

les ergothérapeutes utilisent les mots « meaningful », ayant du sens et plus particulièrement

un sens personnel, qui trouve de la motivation dans cette activité, « purposeful », ayant un

but, une raison personnelle qui organise les performances (les actions) (Trombly 1995 citée

dans (Fisher, 1998)). Pour certains auteurs, si l’activité est à la fois « meaningful » et

« purposeful », c’est une occupation (Fisher, 1998).

En français, on distingue l’activité significative de l’activité signifiante. La distinction

entre ces deux concepts est assez proche de la distinction que fait Doris Pierce entre

« occupation » et « activity ». En effet, l’activité significative est le concept général de l’activité,

de la manière habituelle de la réaliser, souvent partagé dans une même culture. L’activité

signifiante, quant à elle, revêt un sens propre à un individu, elle a une signification personnelle

(Leontiev cité par (Morel, 2006)).

Dans ce mémoire, le mot occupation sera utilisé au sens des occupational therapist

anglo-saxons. Il englobera les activités de vie quotidienne, les activités significatives et

signifiantes. Le terme « l’activité thérapeutique » sera utilisé pour désigner tout ensemble

d’actions exécutées par un patient dans le but de réduire ses situations de handicap et

d’améliorer sa qualité de vie.

Enfin, lorsque l’on évoque l’histoire de l’ergothérapie, le terme de « paradigme » doit

être définit. Celui-ci a été notamment utilisé par Kielhofner et désigne la vision commune des

ergothérapeutes sur la profession, comment les professionnels définissent et justifient les

services qu’ils proposent (Kielhofner, 2009). Il permet d’élaborer une identité commune à tous,

en définissant une orientation dans les valeurs, croyances et connaissances de la profession

(Blesedell Crepeau, et al., 2009).

Page 20: une histoire d’ergothérapeutes

14

3.2 L’histoire de l’ergothérapie

3.2.1 1ère guerre mondiale : naissance de la profession aux Etats-Unis

et premières ergothérapies en France

3.2.1.1 Naissance de la profession aux Etats-Unis et prémices de l’ergothérapie en France

La profession d’ergothérapeute, « l’occupational therapy » voit le jour officiellement

aux Etats-Unis à Clifton Spring, en 1917, avec la fondation de la National Society for the

Promotion of Occupational Therapy (NSPOT), première association d’ergothérapie, par

George Barton, William Rush Dunton, Eleanor Clarke Slagle, Thomas Bessel Kidner, Isabelle

Newton et Susan Cox Johnson (Gordon, 2009). Parmi les autres grandes figures des débuts

de la profession, on retrouve aussi Herbert Hall, Adolf Meyer, ou encore Susan Elizabeth

Tracy (Kielhofner, 2009). Toutes ces personnes créèrent la profession autour du concept de

l’occupation, d’après la définition des fondateurs évoquée dans la partie précédente.

D’après Kielhofner, le paradigme des premières années de l’ergothérapie est celui de

l’occupation (Kielhofner, 2009). Pour Meyer, l’homme est un être d’occupation « occupational

being » (Meyer, 1922 cité par (Kielhofner, 2009)). Ainsi, on retrouve, parmi les valeurs du

début de la profession, l’occupation comme vecteur de santé ; un équilibre étant nécessaire

entre les différentes formes d’occupation ; le travail, les loisirs, les travaux créatifs et

artistiques (Dunton, 1919 ; Kidner, 1930 ; Meyer 1920 cités par (Kielhofner, 2009)). L’unité

corps-esprit était aussi une des valeurs des fondateurs (Kielhofner, 2009). Pour ces-derniers,

un manque d’occupation ou un déséquilibre occupationnel pouvaient avoir des répercussions

sur le corps et l’esprit. « L’occupational Therapy » a donc été fondée sur le principe

d’utilisation de l’occupation à des fins thérapeutiques (Kielhofner, 2009).

En France, la profession nait officiellement, beaucoup plus tard, après la seconde

guerre mondiale (Bourrellis, 2006). Cependant on note déjà l’utilisation du mot «ergothérapie»

dans les années 1900 (Bodin, 2014). Il est difficile d’établir le lien entre ces « ergothérapies »

du début du XXème et la profession post seconde guerre mondiale. De plus on a peu

d’informations sur ce qui portait le nom d’ergothérapie autour de la première guerre mondiale.

Cependant, il est tout de même intéressant d’y décrypter déjà quelques liens avec

« l’occupational therapy » américaine comme cela va être expliqué plus loin.

Dans son ouvrage, Conceptual Fundations of Occupational Thearpy Practice,

Kielhofner semble présenter la fondation de l’ergothérapie comme une période bénie, ou les

ergothérapeutes étaient focalisés sur l’occupation, utilisant celle-ci en thérapie sous des

formes variées (artisanat, dance, musique, jeu, sport), prenant en compte la volonté du

patient, et sa motivation avec une approche holistique du patient.

Cependant, il semblerait que certaines valeurs essentielles aient fait débat à l’époque.

Le choix de certaines activités artisanales n’était pas toujours basé sur les préférences des

patients. Il y avait des questionnements sur ce qu’était une « bonne occupation » ; l’activité

signifiante et significative, l’activité productive, ou bien l’activité distrayante. Dans certains

endroits, l’activité des patients était utilisée à des fins financières. Les produits de « l’atelier

protégé » étaient vendus au profit de l’institution et participaient à la viabilité de celle-ci

(entretien exploratoire).

Ainsi « cette volonté des disciplines de partir à la recherche de leurs origines est assez

commune et cette vision historique lorsqu’elle est rapportée par les professionnels eux-

Page 21: une histoire d’ergothérapeutes

15

mêmes revêt une dimension politique certaine. […] Le risque est grand de porter un regard

angélique sur la période passée que l’on veut habituellement glorifier ou s’approprier »

(Wiriotus, 1999 cité par (Bodin, 2014)).

Il convient donc d’analyser au mieux le contexte historique de la fondation de notre

profession pour comprendre, de manière la plus objective possible, les tenants et

aboutissants des modes de pensée des premiers ergothérapeutes.

D’après Fidler « l’ergothérapie a commencé […] comme un service proposant des

activités d’art et d’artisanat, des activités de divertissement et des activités professionnelles à

ses patients » (Fidler, 1981). (“Occupational therapy had its beginning more than 60 years

ago as a service that provided a variety of arts and crafts, recreation, and work activities for

patients.”) Comme nous allons le voir, ces pratiques répondaient aux besoins et valeurs de

leur temps.

3.2.1.2 L’ergothérapie pour “remettre au travail”

Ambrosi et Schwartz ont étudié la représentation de la profession dans les médias

entre 1917 et 1925. Elles ont noté plusieurs idées récurrentes. Les médias présentaient

l’ergothérapie, notamment comme une profession permettant de ramener à une « utilité »

sociale et économique, les soldats blessés, les gens ayant subi un accident du travail (en

période post-révolution industrielle) et les personnes atteintes de maladies mentales. La

société et notamment les contribuables se devaient d’aider ces personnes tant que celles-ci

ne pouvait pas subvenir seuls à leurs besoins. L’ergothérapie, d’après les journaux de

l’époque, permettait aux « mutilés » de retrouver un rôle productif dans la société et donc de

s’auto-suffire (Ambrosi & Schwartz, 1995).

Le monde du travail de l’époque étant bien différent de celui d’aujourd’hui, les activités

artisanales pouvaient constituer une activité rémunératrice. Ainsi, Dunton voyait le rôle de

l’ergothérapeute comme celui d’un instructeur en activité artisanale ; ces activités pouvant

permettre ensuite aux vétérans de gagner leur vie (Ambrosi & Schwartz, 1995). Les ateliers

protégés créé par Hall ou encore Barton à Clifton Spring, où étaient fabriqués des objets à la

main tels que des vases ou encore des serviettes brodées, avaient bien pour but de ramener

les patients au monde du travail (Levine, 1987). Et, bien que la littérature propre à la

profession ait donné moins d’importance à ce rôle de l’ergothérapeute que la presse grand-

public, les ergothérapeutes de l’époque semblent avoir approuvé cette position (Ambrosi &

Schwartz, 1995).

Ainsi, les activités artisanales étaient utilisées dans un but thérapeutique, mais aussi

dans le but de mieux connaître les goûts et capacités du patient pour lui offrir une formation

professionnelle adaptée dans l’atelier protégé de l’hôpital (Harvey-Krefting, 1985). Pour

Baldwin, directeur du service d’ergothérapie du Walter Reed Hospital à Washington, le but de

l’ergothérapie était d’aider le patient à « retrouver un rôle complet d’homme, physiquement,

socialement d’un point de vue éducatif et économique » (Baldwin, 1919) cité par (Schwartz,

2013).

En France, de nombreux articles traitant de l’histoire de l’ergothérapie citent la création

d’un service de rééducation fonctionnelle par le travail à Paris en 1917 pour les blessés

militaires (Botokro, 2006) (Bourrellis, 2006) (Therriault & Collard, 1987) (Bodin, 2014). On a

cependant peu de détails sur les activités utilisées dans ce service ni sur les appuis

théoriques de ces pratiques.

Page 22: une histoire d’ergothérapeutes

16

En revanche, on note l’utilisation du mot « ergothérapie » dès 1904 par un docteur

italien, Marco Levi Bianchini, dans un périodique de l’école de neurologie de la Salpêtrière. Le

même périodique fait paraitre un autre article utilisant ce terme en 1907, par le docteur Marie.

Dans ces deux références, l’ergothérapie semble être un traitement par le travail et

notamment le travail agricole (le retour à la terre), appliqué en psychiatrie (Bodin, 2014).

On retrouve une idée similaire à celle de Baldwin, citée plus haut, dans les écrits du

docteur Marie en France : celui-ci parle de travail-traitement puis de travail-rendement qui

«prépare la dernière étape ergothérapique qui sera la réadaptation sociale finale du malade

sorti en pleine possession d'un métier auquel sa main et son cerveau seront réhabitués »

(Marie A., Voisin, 1911 cité par (Montès, 1993).

Il est aussi intéressant de noter le mot « ergothérapie » apparait dans Nouvelle

iconographie de la Sapêtrière (Bodin, 2014). La Salpêtrière avait été le lieu d’exercice de

Philipe Pinel (Bing, 1981) et celui-ci est lié à un des courants de pensée fondateur de

l’ergothérapie aux Etats-Unis : le traitement moral.

3.2.1.3 Le traitement moral ou les racines de l’ergothérapie

Le traitement moral trouve ses origines en Europe, avec des médecins comme

Philippe Pinel en France, Samuel Tuke en Angleterre (Bing, 1981). Ces derniers ont porté un

nouveau regard sur la maladie mentale en s’appuyant sur les valeurs des philosophes des

lumières, affirmant que tout être humain est doté de raison (Gordon, 2009).

Le traitement moral amena de nouvelles valeurs de société. Celle-ci se devait de

prendre en charge, avec compassion, les personnes atteintes de maladie mentales, les

pauvres et les prisonniers et non plus les exclure (Gordon, 2009).

Ainsi, les valeurs fondamentales de ce courant de pensée étaient le respect de

l’individu, le lien corps-esprit, la croyance qu’une approche humaine utilisant les routines et

l’occupation pouvait permettre la guérison (Schwartz, 2013). Philipe Pinel a souvent été cité

comme celui qui a délié le fou de ses chaines (Bing, 1981), puisque le traitement moral vint

remplacer la brutalité envers les personnes atteintes de maladie mentale, laissées dans

l’ennui, par de la considération et des occupations (Gordon, 2009).

Ces idées furent importées et utilisées aux Etats-Unis par des médecins comme

Benjamin Rush, surnommé le père de la psychiatrie Américaine (Bing, 1981) ou plus tard,

Adolf Meyer, médecin suisse immigrant aux Etats-Unis en 1892 (Christiansen & Haertl, 2013).

On retrouve parmi les traitements utilisés dans ce courant de pensée : la participation

à la viabilité des institutions, avec des activités comme l’agriculture ou des tâches

ménagères ; le travail manuel dans des ateliers protégés, ou encore la musique et la lecture ;

le tout inscrit dans une routine et un cadre se voulant proches du cadre familiale (Bing, 1981)

(Gordon, 2009) (Kielhofner, 2009) (Christiansen & Haertl, 2013).

Pour Pinel et Tuke, mettre le patient en activité permettait d’éviter l’introspection et

amenait le patient à décentrer sa pensée de la maladie (Bing, 1981). Les activités avaient

donc pour but de distraire l’attention du patient de ses problèmes émotionnels et de

développer des habiletés (Bing, 1981)

On retrouve des idées similaires dans les écrits de Duton, Slagle ou encore Barton. En

effet, pour certains des premiers ergothérapeutes, le pouvoir thérapeutique de l’activité

Page 23: une histoire d’ergothérapeutes

17

résidait dans sa capacité à distraire le patient de ses problèmes de santé (Harvey-Krefting,

1985) (Bing, 1981) (Peloquin, 1991).

En France, à la même époque, les écrits du docteur Marie font aussi penser à cette

vision de l’activité : « soit qu'on l'envisage [le travail] comme moyen hygiénique propre à

entretenir la santé, soit comme un moyen moralisateur, apportant le calme et le repos et

éloignant de leur esprit malade la tristesse et l'ennui » (Marie, 1892 cité par (Montès, 1993)

3.2.1.4 L’ergothérapie, un travail par les mains

Le mouvement « art-and-craft », (littéralement « art et artisanat ») apparait au milieu

du 19eme siècle (Levine, 1987). En pleine révolution industrielle, ce courant prôna le retour à

la nature, à l’utilisation de matériaux et de processus de fabrication naturel. Les défenseurs de

ce mouvement, effrayés par les changements sociétaux rapides, pensaient que la production

de masse pouvait avoir des effets néfastes en considérant l’ouvrier comme une extension de

la machine, ne fabriquant qu’une partie du produit (Levine, 1987), dans un travail très

monotone (Peloquin, 1991). Ils valorisaient donc les objets fabriqués de manière artisanale,

des mains de l’Homme (Levine, 1987).

C’est en lien avec ce courant de pensée que Hall créa une méthode de soin de la

neurasthénie (Levine, 1987). Pour lui, la maladie s’expliquait en partie par les nouveaux

modes de vie déséquilibrés et le stress des changements d’une société portée sur la

productivité et l’efficacité. Il créa une cure par le travail en opposition à la cure de repos, très

utilisée à l’époque (Gordon, 2009). Cette cure devait permettre au patient de retrouver un

équilibre entre la pensée et l’action (Gordon, 2009).

En France, on trouve des idées similaires dans les travaux de Bergonié, en 1913. Ce-

dernier définit les « ergopathies » comme des « maladies dues à un défaut d’équilibre

énergétique » qui « s’accusent par dissipation exagérée ou recette trop grande d’énergie ». Et

pour lui, « L’intensité de la vie moderne a augmenté les occasions de cette dissipation

rapide » (Bergonié, 1913). Bergonié va alors proposer de l’ergothérapie, qui sera en fait un

travail musculaire pour dissiper l’énergie. Cette ergothérapie sera « passive » lorsqu’elle

s’opère au moyen de courants électriques ou « active » lorsque le patient est invité à pédaler

sur un « ergomètre » (Bodin, 2014).

L’approche de Hall, quant à elle, était « holistique ». En effet, Hall croyait en un lien

inextricable du corps et de l’esprit (Gordon, 2009). Les activités de la cure par le travail

devaient être bénéfiques pour la santé physique et mentale ; l’amélioration de l’une

permettant l’amélioration de l’autre et réciproquement (Gordon, 2009). Dans cette optique,

l’utilisation d’activité manuelle semblait toute indiquée. Slagle, dans le même courant de

pensée, utilisait l’artisanat pour mobiliser les muscles et l’esprit dans une même activité

(Loomis, 1992). Susan Johnson pensait que les activités manuelles présentaient un intérêt

parce que ce sont des activités à la fois mentales et musculaires (Schwartz, 2013).

Hall combina donc les valeurs du mouvement « art-and-craft » à une approche

holistique de la personne (Levine, 1987) en utilisant des activités telles que la vannerie ou la

poterie (Christiansen & Haertl, 2013), dès 1912, au Sanatorium to Devereux Mansion à

Marblehead dans l’état du Massachusetts (Kielhofner, 2009). Ces activités étaient pratiquées

au sein d’ateliers protégés et les objets fabriqués étaient vendus (Levine, 1987). Les

Page 24: une histoire d’ergothérapeutes

18

bénéfices de ces ventes pouvaient parfois servir l’institution où les personnes étaient

soignées (Gordon, 2009).

Meyer, Dunton et Barton, étaient aussi proches du mouvement « art-and-craft ». Ils

appliquèrent les valeurs de ce courant à leurs méthodes thérapeutiques. (Levine, 1987)

(Peloquin, 1991) (Schwartz, 2009). Dunton avait un grand intérêt pour les activités artisanales

(Schwartz, 2009) ; lui et Meyer utilisèrent des méthodes de traitement similaires à celle de

Hall dans leur lieu de pratique respectif (Levine, 1987). Barton, l’architecte qui a organisé la

rencontre des fondateurs de la NSPOT en mars 1917, utilisa la menuiserie et le jardinage

dans son lieu de soin « consolation house » à Clifton Spring (Schwartz, 2009).

On retrouve aussi des activités artisanales dans le livre Studies in invalid occupation :

a Manual for Nurses and Attendants. Ce livre, écrit en 1910 par Susan E. Tracy, est considéré

par beaucoup comme le premier livre d’ergothérapie (Kielhofner, 2009). Il est, selon Levine,

principalement un livre d’artisanat (art/déco) (Levine, 1987).

Moodie, définissait l’ergothérapie en 1919 comme « l’utilisation de différentes formes

d’activités artisanales pour répondre aux limitations individuelles des invalides ou des

handicapés physiques» (Moodie, 1919 citée dans (Peloquin, 1991)).

Ainsi, cette période semble avoir été énormément marquée par l’utilisation d’activités

artisanales. A tel point que ces activités représentent cette époque du début de notre

profession aux Etats-Unis ; pour Fidler, « l’artisanat […] est un symbole du passé » (Fidler,

1981).

Une nuance est tout de même à noter dans l’utilisation généralisée d’activités

artisanales par les fondateurs, dans la pratique d’Eleanor Clarke Slagle. Celle-ci s’est basée

sur les travaux d’Adolf Meyer et a travaillé avec lui au Johns Hopkins Hospital à Baltimore.

Elle dirigeait le service d’ergothérapie de cette clinique psychiatrique avec un programme

d’entraînement aux habitudes. Ce programme comprenait un planning de soin sur 24 heures,

incluant des soins personnels, des classes d’occupation, de la marche, des repas en petits

groupes, des activités de divertissement et des activités sportives (Loomis, 1992 cité par

(Kielhofner, 2009)) (Peloquin, 1991). Ainsi, les activités artisanales et les jeux avaient un rôle

important dans ce planning (Slagle, 1934 citée par (Loomis, 1992)) mais ils étaient parmi les

dernières étapes du rétablissement. En effet, si l’on regarde les notes écrites par Slagle sur

ses patients, on voit que ces programmes visaient d’abord à retrouver l’autonomie dans les

soins personnels et les occupations de base (habillage, hygiène, alimentation). Les activités

artisanales correspondaient à un stade plus avancé du rétablissement (Peloquin, 1991).

En France, Bergonié proposera en 1917, une « ergothérapie de plein air » avec des

activités manuelles, et des travaux agricoles pour la rééducation des soldats blessés

(Bergonié, 1917 cité par (Bodin, 2014)). En effet, s’intéressant à « la rééducation et à la

réinsertion civiles des blessés de guerre », il proposera notamment des travaux tel que la

taille de vigne pour des soldats blessés au membre supérieur (Blanquet, Hoerni, & Plessis,

1993)

3.2.1.5 L’ergothérapie, une discipline scientifique

Un autre courant ayant marqué les débuts de la profession est « l’organisation

scientifique du travail » (Schwartz, 2013). Les concepts de ce courant de pensée viennent de

Frederick Taylor et Frank Bunker Gilbreth dans les années 1910 (Creighton, 1992). Ces

Page 25: une histoire d’ergothérapeutes

19

derniers proposèrent d’observer l’organisation de l’industrie comme une vraie science

répondant à des règles et des principes (Creighton, 1992). Leur but était de rationaliser et

d’augmenter la production industrielle (les principes du taylorisme) (Creighton, 1992;

Peloquin, 1991) mais Gilbreth souhaita aussi étendre ces pratiques à des domaines comme

l’enseignement ou la médecine (Schwartz, 2013).

A l’époque, les hôpitaux avaient une réputation de lieux sales et désordonnés et les

asiles également. Ainsi, certains réformateurs souhaitaient améliorer l’hygiène et l’efficacité de

ces structures avec des protocoles rigoureux notamment dans les interventions médicales et

chirurgicales (Schwartz, 2013). C’est dans cette optique que Gilbreth vint en Europe au début

de la première guerre mondiale pour analyser le travail des chirurgiens. Au cours de ce

voyage il rencontra Jules Amar, un ingénieur français, qui menait alors des recherches avec

des méthodes similaires à l’organisation scientifique du travail, mais appliquées à la

rééducation des soldats blessés (Creighton, 1992) (Pierce, 2001).

Amar mesurait les amplitudes des mouvements ainsi que la force nécessaire durant

les exercices de rééducation. Il créait également des aides techniques ou des prothèses pour

pallier aux mouvements difficiles pour les personnes (Creighton, 1992). La rééducation des

soldats consistait alors en des exercices gradués, des activités manuelles et l’utilisation,

l’ajustement de prothèse (Pierce, 2001).

Il est intéressant de noter que la littérature ergothérapique française ne fait pas

mention de Jules Amar, qui a pourtant eu une forte influence sur George Barton et sur les

fondateurs américains en général (entretien exploratoire).En effet, les rapports de Gilbreth sur

son séjour en France furent lus lors de la fondation de la NSPOT (Creighton, 1992). Les

fondateurs étaient très intéressés par ces idées et Frank Gilbreth et Jules Amar furent élus

membres d’honneurs de l’association (Creighton, 1992)(Entretien exploratoire) (Peloquin,

1991) (Schwartz, 2009). Les fondateurs de l’ergothérapie voulaient ancrer la profession dans

des données scientifiques (Schwartz, 2013).

Ainsi, l’ergothérapie américaine de l’époque a intégré ces concepts. Un exemple

souvent cité dans les articles est le service d’ergothérapie du Walter Reed General Hospital

près de Washington DC avec Baldwin (Creighton, 1992) (Gutman, 1995) (Wish-Baratz, 1989).

Dans ce service, les ergothérapeutes prenaient systématiquement des mesures concernant

les amplitudes articulaires et la force (Schwartz, 2013) pour proposer des activités telles que

la menuiserie ou le tissage (Wish-Baratz, 1989), de manière graduelle, pour travailler des

mouvements ou des postures particulières, que Baldwin décrivait de manière très précise

(Creighton, 1992). La force nécessaire était aussi prise en compte et des outils adaptés

pouvaient être utilisés pour compenser un déficit (Creighton, 1992).

D’après Baldwin, lui-même, « l’ergothérapie est fondée sur le principe que le meilleur

type d’exercice curatif est celui qui requiert une série de mouvements volontaires spécifiques

exécutés dans les tâches ordinaires et les occupations, l’exercice physique, le jeu, ou les

activités de la routine quotidienne. Nos ateliers de cure sont maintenant organisés et

progressifs pour nous permettre d’isoler, de classifier, répéter et, jusqu’à un certain degré,

standardiser et contrôler le type de mouvements utilisés dans les activités occupationnelles et

récréatives. » (Baldwin, 1919).

L’organisation scientifique du travail constitue en fait les débuts de l’analyse de

l’activité (Pierce, 2001).

Page 26: une histoire d’ergothérapeutes

20

On retrouve également la volonté d’avoir une mesure scientifique dans l’ergothérapie

proposée par Jean-Alban Bergonié que l’on a pu citer plus haut. En effet, dans un compte-

rendu des séances de l’académie française de 1913, celui-ci présente un outil pour traiter les

« ergopathies »: l’ergomètre. Celui-ci est une machine « permettant de contrôler la dissipation

de l’énergie au cours de séances d’ergothérapie active » (Bodin, 2014). Bergonié vante

l’ergomètre car cette « machine à pédaler » est reliée à des instruments qui peuvent mesurer

la vitesse et l’effort fournis en temps réel et en cumulé ; contrairement aux autres traitements

des « ergopathies » (« bains de plein air », « lavages répétés », « pratiques des sports »,

« éducation physique ») qui « n’en sont pas encore à la période des mesures scientifiques »

(Bergonié, 1913). L’idée est de doser précisément « la posologie de l’énergie à dissiper sous

forme de travail mécanique » (Bergonié, 1913). « Voici un exemple de prescription

ergothérapique pouvant être remplie au moyen de l’appareil : A produire : 3000 kgm avec un

effort de 2kg.5 et une vitesse de 80 tours par minute. On trouve à l’ergomètre que la

puissance développée est de 4kgm.5 par seconde et que le temps employé est à peu près de

10 minutes pour la production de ce travail dans ces conditions. » (Bergonié, 1913).

Même dans « l’ergothérapie de plein air », Bergonié cherchait à « établir une

posologie, c’est-à-dire des prescriptions adéquates à toute impotence donnée » (Bergonié,

1917 dans (Bodin, 2014))

3.2.1.6 L’ergothérapie, une discipline médicale

Si la profession a voulu s’inscrire dans la science, on note également un lien avec la

volonté d’être reconnue au sein de la médecine de l’époque (Schwartz, 2013).

La question de savoir si l’ergothérapeute devait être une infirmière spécialisée ou un

professeur d’activité artisanale a été sujet de débats durant les premières années de la

profession aux Etats-Unis (Peloquin, 1991) (Low, 1992). Pour Barton, Dunton ou Tracy, par

exemple, l’ergothérapeute devait être une infirmière, travaillant sous la direction du médecin

(Peloquin, 1991). Pour Hall, l’ergothérapie devait faire l’objet d’une prescription médicale qui

pouvait ressembler à cela :

« 1er Mai 1914

Travail occupationnel

Mme X _ chambre 50

Occupation légère au lit

Vannerie ou tricot

Pas plus d’une heure par jour

Signature du Médecin » (Hall et Buck 1915, cité par (Peloquin, 1991))

Pour Kidner (membre fondateur de la NSPOT et président de l’AOTA de 1922 à 1928

(Licht, 1967 ; Quiroga, 1995 cité par (Kielhofner, 2009)), l’ergothérapeute était les deux à la

fois, d’un côté, il appartenait au monde hospitalier et était sous l’autorité du médecin, de

l’autre c’était « un instructeur en activités artisanales dont le produit fini était une personne

restaurée» (Peloquin, 1991).

Page 27: une histoire d’ergothérapeutes

21

3.2.1.7 Les « reconstruction aides », premières ergothérapeutes américaines venues en

France

Les reconstructions aides ont été parmi les premiers représentants de la profession.

En effet, la fondation de la profession a eu lieu en 1917, année de l’entrée en guerre des

Etats-Unis (Christiansen & Haertl, 2013). Au moment de la mobilisation des soldats, le

département de la guerre organisa un système de soin pour les soldats blessés qui auraient

besoin de retourner à un emploi civil après la guerre. Ces soins comprenaient de la

rééducation et de la réhabilitation au travail, et a pris le nom de « reconstruction » (Quiroga,

1995 cité dans (Christiansen & Haertl, 2013)). 1200 « reconstruction aides » furent ainsi

formées (en lien avec la NSPOT) et embauchées, sans statut militaire (Gordon, 2009) (Low,

1992) (Christiansen & Haertl, 2013).

Il y avait des reconstructions aides kinésithérapeutes et ergothérapeutes. Les

ergothérapeutes faisaient des activités manuelles (notamment le travail du métal ou du bois

(Low, 1992)), avec les patients atteints de troubles orthopédiques mais aussi psychiques

(Christiansen & Haertl, 2013).

Un certain nombre d’entre elle (le métier était féminin) furent envoyées en France et

notamment près de Bordeaux, pour permettre aux hommes souffrant de troubles mentaux de

retourner aux combats (Low, 1992). Elles étaient 200 dans 20 hôpitaux militaires en France à

la fin de la guerre en novembre 1918 (Christiansen & Haertl, 2013).

Les activités artisanales étaient au cœur de la formation et de la pratique des

«reconstruction aides». Un grand nombre d’entre elles étaient initialement enseignantes en

art ou en activités artisanales ou encore infirmière (Low, 1992) (Peloquin, 1991).Un niveau

d’éducation du secondaire était requis ainsi que «des connaissances théoriques des

techniques suivantes ainsi qu’un entrainement pratique d’au moins 3 d’entre elles : vannerie,

tissage, sculpture sur bois, imprimerie, tricot et travaux d’aiguilles» (Médical Departement,

1918 cité par (Low, 1992)). La NSPOT approuvait les programmes de formation des

« reconstructions aides » et certains d’entre eux continuèrent à former des ergothérapeutes

après la guerre (Low, 1992). Ces programmes furent cependant critiqués par les médecins

membre de l’American Occupational Therapy Association (nouveau nom de la NSPOT en

1921), en 1923. Ces formations avaient été créés dans la précipitation de la guerre et

n’apportait « presque rien de plus que des connaissances en activité artisanale de base »

(Kidner, 1929 cité par (Peloquin, 1991)).

Si la littérature française évoque le fait que l’ergothérapie a été importée des Etats-

Unis durant les deux guerres mondiales, elle ne fait cependant pas référence aux

« reconstruction aides ».

L’ergothérapie apparait en France, environs 40 ans plus tard. La profession a été

importée de l’Amérique à l’Europe et notamment la France, comme cela va être expliqué par

la suite. « Les OT alliés devinrent les moniteurs de la jeune ergothérapie française. »

(Pierquin, et al., 1980). Ainsi, même si la profession telle que l’on la connait aujourd’hui n’a

pas vu, « de son vivant », les courants de pensée que l’on vient d’évoquer ; on peut penser

que l’ergothérapie française en a tout de même été marquée, d’une part par l’influence « des

ergothérapies » préexistantes à l’ergothérapie actuelle, d’autre part par les occupational

therapists qui ont participé au développement de la profession en France.

Page 28: une histoire d’ergothérapeutes

22

3.2.2 2eme guerre mondiale : changement de paradigme professionnel

aux Etats-Unis et apparition officielle de l’ergothérapie en France

3.2.2.1 L’ergothérapie et la rééducation

Entre la première et la seconde guerre mondiale, on observe des évolutions dans la

profession, en lien, notamment, avec les évolutions de la médecine de l’époque.

Dans les années 30, la crise financière avait ralenti un peu la progression de la

profession aux Etats-Unis ; les manques de fonds se répercutant sur les postes

d’ergothérapeutes et le nombre d’école (O'Brien, 2017) (Ikiugu & Ciaravino, 2007). Mais la

seconde guerre mondiale fut de nouveau une période de développement pour les

ergothérapeutes américains (Ross, 2013).

« C’est avec la 2eme guerre mondiale que l’OT pénètre en France, les occupational

therapists des pays alliés devenant les moniteurs de l’ergothérapie française » (Pierquin et al.,

1980). L’ergothérapie française est apparue officiellement, avec la création des premières

écoles en 1954 à Paris et à Nancy (Therriault & Collard, 1987) (Botokro, 2006) (Charret,

2015). La profession se répandait déjà en Angleterre depuis les années 20 et on faisait appel

aux ergothérapeutes anglais dans les centres de rééducation et dans les écoles de formation

dans différents pays européens (Charret, 2015). Ainsi, les premières formations françaises ont

été « fortement inspirées de l’ergothérapie anglo-saxonne » (Charret, 2015). Les deux

médecins qui ont fondé l’école de Nancy avaient d’ailleurs fait un voyage en Angleterre avant

de créer la formation (Charret, 2015). Les ergothérapeutes anglo-saxons ont apporté « un

appui efficace » (Farcy, 1994 cité par (Bourrellis, 2006)) et assuraient même certains cours

(Charret, 2015).

L’Association Nationale Française des ergothérapeutes (ANFE) est fondée en 1961 et

rejoint la World federation of Occupational Therapy en 1964 (Therriault & Collard, 1987)

(Charret, 2015) (Botokro, 2006) (Bourrellis, 2006). Le premier journal français d’ergothérapie

est publié la même année (Botokro, 2006) (Therriault & Collard, 1987).

Entre la première et la seconde guerre mondiale, on note de grands changements

dans le domaine médical. Dans les années 20 des découvertes concernant les bactéries ont

été réalisées et des nouveaux vaccins virent le jour (Ikiugu & Ciaravino, 2007). En effet, la

médecine de l’époque s’attacha à comprendre l’infiniment petit, les mécanismes internes, la

cause de certaines pathologies (entretien exploratoire) (Kielhofner, 2009). En psychiatrie on

s’intéressa aux mécanismes inconscients, avec les théories de Freud ou encore le

behaviorisme/comportementalisme de Pavlov (Ikiugu & Ciaravino, 2007).

Au même moment, la rééducation devint une spécialité reconnue de la médecine

(Ikiugu & Ciaravino, 2007). On parle du « rehabilitation movement » aux Etat-Unis, à partir des

années 40 (Mosey, 1971) (O'Brien, 2017) (Schwartz, 2013).

Ce « mouvement de la rééducation » avait pour but de restaurer la personne « au

maximum de son potentiel comme membre de la société » (Mosey, 1971), de permettre le

retour à la vie « normale » des personnes présentant un handicap (Ross, 2013). La nature du

« problème » du patient était le handicap en lui-même et il convenait de le supprimer

(Friedland, 1998). Le « désordre » dans le modèle médical était la maladie, qu’il convenait de

combattre comme une entité indépendante du patient (Rogers, 1982).

Page 29: une histoire d’ergothérapeutes

23

Ainsi des départements de médecine physique et rééducation virent le jour pour les

nombreux blessés de guerre mais aussi pour les besoins croissants de la population civile

(Schwartz, 2013). En effet, les nouveaux traitements, comme la pénicilline, et les nouveaux

antibiotiques permirent la survie d’un plus grand nombre de vétérans qu’après la première

guerre mondiale (Schwartz, 2013). Et la guerre de Corée dans les années 50 amena

également un nombre important de vétérans ayant besoin de soins (O'Brien, 2017). Le

« rehabilitation movement » se développa donc dans le domaine militaire mais aussi civil en

réponse à l’épidémie de poliomyélite des années 40-50 (Rossi, 2012) (O'Brien, 2017),

l’augmentation du nombre de personne atteintes de maladie chroniques et les nouveaux

traitements maintenant plus de personne en vie, avec un handicap (O'Brien, 2017) (Schwartz,

2013). D’autres éléments alimentant le « rehabilitation movement » furent l’incapacité des

institutions à s’occuper des personnes en situations de handicap et les preuves qu’une

amélioration de leur niveau d’indépendance était possible. Il y avait donc un intérêt

économique à favoriser leur indépendance. (Ikiugu & Ciaravino, 2007; Mosey, 1971).

Après la seconde guerre mondiale, la rééducation se développe aussi en Europe

(Wirotius, 1999). En France, la période post-seconde guerre mondiale est marquée par

l’épidémie de poliomyélite en 1952-1953, l’augmentation du nombre d’accidents du travail et

de la voie publique liée à l’accroissement du rythme de travail dans l’industrie et

l’augmentation du nombre de voitures personnelles. On note donc un nombre plus important

de personnes en situations de handicap (Charret, 2015). « Le transfert du handicap vers le

monde médical se poursuit : l’état providence réalise la médicalisation des handicapés. La

politique des années 1950 dessaisit la société du handicap et le confie à la médecine »

(Doriguzzi, 1994 cité par (Wirotius, 1999)). Les avancées de la médecine, quant à elles,

poussent à la spécialisation et à la « division du travail médical » qui entraine l’apparition de

métiers paramédicaux (Monet, 2003 cité par (Charret, 2015).

Ainsi, en France, l’ergothérapie naît directement dans le domaine médical et plus

particulièrement, au sein de la rééducation. « L'ergothérapie fait partie de ces activités qui ont

obtenu leur place dans la division du travail de la santé à mesure que les besoins en

rééducation sont devenus importants. » (Wagner, 2006). Elle est « reconnue par le corps

médical » et « légitime selon les objectifs politiques gouvernementaux – notamment en ce qui

concerne le retour au travail » (Charret, 2015). Les premières écoles françaises sont fondées

par des médecins pour «répondre aux besoins régionaux en rééducateurs qualifiés» (André et

al.,2004 cité par (Charret, 2015)). La première présidente de l’ANFE, Jacqueline Roux était

membre du Comité national français de liaison pour la réadaptation des handicapés, « une

institution de grande notoriété dans le monde de la rééducation » (Wirotius, 1999). A Nancy,

l’école d’ergothérapie était associée à la faculté de médecine, au Centre Hospitalier

Universitaire et à l’Institut Régional de Réadaptation. Elle a été fondée en autre par le Dr

Pierquin (Charret, 2015), autre grande figure de la rééducation en France (Wirotius, 1999).

Pour lui, l’ergothérapeute est un « auxiliaire médical » comme en témoigne le titre d’un article

de 1961 : « problèmes d’enseignement des auxiliaires médicaux. Kinésithérapie et

Ergothérapie » (Pierquin & Roche, 1964). A Paris, l’école porte le nom de «cours de

gymnastique médicale et de rééducation fonctionnelle» (Charret, 2015).

Pour Pierquin et Roche, l’ergothérapeute devait faire «le traitement du malade, sous la

direction du médecin ! » (Pierquin & Roche, 1964). La prescription médicale, sous laquelle

s’exerçait l’ergothérapie, semblait être très importante pour justifier que celle-ci était bien une

« thérapeutique » et non pas juste « une ergothérapie « distractive » ou « occupationnelle »

Page 30: une histoire d’ergothérapeutes

24

qui consisterait à donner au malade un petit travail, suivant ses goûts et son temps, pour

meubler ses loisirs dans l’intervalle de véritables soins » (Pierquin & Roche, 1964).

Aux Etats-Unis, certaines idées du « rehabilitation movement » n’étaient pas nouvelles

à l’ergothérapie. En effet, Barton et Dunton avaient déjà souligné le besoin de rendre au

patient son humanité en lui redonnant la possibilité d’être productif dans la société (Ikiugu &

Ciaravino, 2007). Ainsi l’ergothérapie va rejoindre ce mouvement (Mosey, 1971). Les

ergothérapeutes et les kinésithérapeutes furent membres des équipes de rééducation (Rossi,

2012) (Schwartz, 2009).

3.2.2.2 De nouveaux savoirs, de nouvelles techniques

En s’inscrivant dans le « rehabiliation movement », la profession a dû s’adapter aux

nouveaux traitements de l’époque, à un nouveau contexte. En effet, on vit le développement

de nouveaux traitements médicamenteux en médecine physique, des avancées en chirurgie,

dans les prothèses, orthèses, et fauteuils roulants (Rossi, 2012) (O'Brien, 2017). Dans le

domaine de la santé mentale on vit aussi des changements importants avec l’arrivé des

neuroleptiques. Ces derniers permettant de contrôler certains symptômes psychotiques, ils

ont entrainé un grand mouvement de désinstitutionalisation des personnes atteintes de

maladies mentales et l’apparition de soins en santé mentale dans les cités (Ikiugu &

Ciaravino, 2007) (O'Brien, 2017).

Si les formations américaines en ergothérapie contenaient déjà une part de science

médicale (anatomie, kinésiologie) dans les années 20 (Schmidt Hanson & Walker, 1992).Ces

matières prirent encore plus d’importance par la suite, et une partie de la formation eut lieu

dans des hôpitaux (O'Brien, 2017) (Mosey, 1971). Les formations furent plus standardisées et

unifiées à travers le pays (O'Brien, 2017) (Ikiugu & Ciaravino, 2007).

En France les premières formations contenait deux « blocs » d’enseignement ; avec

d’une part, des connaissances « techniques » d’artisanat et d’autre part, des connaissances

« théoriques » en médecine physique (anatomie, physiologie, pathologie) (Pierquin & Roche,

1964) et en psychiatrie. Les enseignements en psychiatrie et psychologie étaient, cependant,

moins importants à Nancy qu’à Paris du fait d’une patientèle accidentée de l’industrie plus

nombreuse dans la région (Charret, 2015). Les formations contenaient également des stages

en milieu hospitalier (Charret, 2015)

Dans leur livre de cours, devenu un classique aux Etats-Unis, Willard et Spackman

insistèrent sur le fait que les nouveaux ergothérapeutes devaient être formés aux nouvelles

techniques liées aux dernières avancées dans les traitements (Schwartz, 2013).

Par exemple, les ergothérapeutes ont intégré de nouvelles méthodes comme celle de

Karl et Berta Bobath en neurologie. Cette approche neuro-développementale visait à contrôler

le tonus musculaire, à inhiber les mouvements « anormaux » et à faciliter les mouvements «

physiologique » chez les patients ayant des lésions cérébrales. (Christiansen & Haertl, 2013)

(Kielhofner, 2009)

Les ergothérapeutes américains ont aussi investi des pratiques comme l’entraînement

des patients à l’utilisation de prothèse, la fabrication d’orthèses, le conseil en aides

techniques, les étirements et mobilisations ou encore le traitement des œdèmes (Mosey,

1971) (Christiansen & Haertl, 2013) (Kielhofner, 2009)

Les ergothérapeutes français créaient également des aides techniques (Charret, 2016)

Page 31: une histoire d’ergothérapeutes

25

Selon certains auteurs américains, les ergothérapeutes de l’époque ont emprunté des

techniques d’autres disciplines, les techniques psychodynamiques en psychiatrie et les

techniques biomédicales en médecine physique (Ikiugu & Ciaravino, 2007) (Mosey, 1971) ; au

point qu’il était parfois difficile de distinguer l’ergothérapeute du kinésithérapeute ou encore du

psychologue. Parfois les techniques « empruntées » étaient utilisées telles quelles, parfois

elles étaient associées à des activités artisanales (Mosey, 1971).

En France aussi, « les tâches que les ergothérapeutes effectuaient faisait partie des

zones d’intervention d’autres groupes professionnels tels que les infirmiers et les

kinésithérapeutes » (Charret, 2016). On retrouve alors, une « spécialisation » de

l’ergothérapeute sur le membre supérieur, en opposition au kinésithérapeute, « spécialiste »

du membre inférieur. Il semblerait que cette « segmentation physique » du patient permettait

la délimitation des domaines d’activité des deux professions. En revanche elle venait

s’opposer à « la perception holistique de la personne si chère aux ergothérapeutes » (Charret,

2016).

Il semblerait aussi que « l’enseignement des activités de vie quotidienne » ait été une

nouveauté dans les pratiques ergothérapiques, propre à la profession aux Etats-Unis (Mosey,

1971) (Christiansen & Haertl, 2013).Pour Spackman, l’ergothérapeute travaillant auprès de

personnes ayant un handicap physique devait être qualifiée pour enseigner les activités de vie

quotidienne, la simplification du travail et l’entraînement au port de prothèse (Schwartz, 2013).

Il devait s’appuyer sur « des activités constructives en situation simulée, de vie ordinaire ou

professionnelle » (Spackman 1968, cité par (Schwartz, 2013)).

Pour les ergothérapeutes français, c’est « l’utilisation d’activité manuelle comme

moyen de rééducation », qui sera investi comme un monopole qui permet de se différencier

des autres professions (Charret, 2016)

3.2.2.3 L’ambivalence concernant les activités artisanales

Dans les programmes de formation français de 1956, l’ergothérapie est définie comme

«toute activité manuelle ou récréative prescrite par un médecin, dans un but thérapeutique »

(Charret, 2015). Dans le témoignage des pionnières dans notre profession, on retrouve bien

cette définition articulée autour de deux concepts ; le « prendre soin » et les activités

manuelles : « un métier humain et utiliser ses mains », « une rééducation à partir des travaux

manuels et d’activité manuelles » (Charret, 2015).

Les pionnières ont eu une formation solide en activité artisanale, auprès d’artisans

(Pierquin & Roche, 1964) ; la technique de tournage en poterie, les assemblages de meuble

avec un vrai menuisier. D’après elles, ce haut niveau technique était nécessaire du fait de la

longueur des séjours des patients qui avaient donc le temps de faire des réalisations

complexes (Charret, 2015).

Dans les années 50 à 70, les ergothérapeutes français travaillaient « dans de vastes

ateliers pleins de machines et de matériaux divers» (Pierquin & Roche, 1964) que ce soit

dans des centres de rééducation fonctionnelle, auprès d’adultes accidentés ou avec des

enfants atteints de paralysie cérébrale ou de poliomyélite, ou bien en hôpital psychiatrique

(Charret, 2016) (Botokro, 2006).Les pratiques ergothérapiques étaient centrées sur la

rééducation et la réadaptation «par le biais d’activités créatrices et artisanales pour améliorer

l’indépendance fonctionnelle dans la vie quotidienne des patients » (Charret, 2016).

Page 32: une histoire d’ergothérapeutes

26

Les activités manuelles étaient à la fois revendiquées comme étant propres et uniques

à l’ergothérapie (Charret, 2015) ; et « dévalorisantes » pour les professionnels car

considérées comme « moins nobles » que les autres actes de soin. Les ergothérapeutes

pouvaient être surnommés « bricolo thérapeutes » (Charret, 2016). D’après Charret, « ces

activités étaient considérées comme profanes car non fondées sur des savoirs établis.»

(Charret, 2015). Le métier « ne reflète pas la contenance d’un savoir scientifique auquel on

accorde de la valeur » (Charret, 2015).

Aux Etats-Unis aussi on remarque une ambivalence vis-à-vis des activités artisanales,

en lien avec le déclin du mouvement art-and craft dans la société (Ikiugu & Ciaravino, 2007).

Il semblerait que les ergothérapeutes aient continué à utiliser certaines activités

manuelles dans les années 40 mais avec d’autres objectifs qu’aux débuts de la profession.

Par exemple, dans une description du service d’ergothérapie de l’hôpital naval à Bethesda en

1945 on trouve : « une grande menuiserie … principalement pour des activités … pour

augmenter les amplitudes articulaires et la force musculaire » « des bancs adaptés pour les

patients qui doivent travailler à hauteur d’épaule, dans bancs ajustable pour les patients qui

doivent travailler leur posture » (Vetting, 1945 cité par (Roberts, et al., 2008)). Les activités

utilisées étaient : « du modelage d’argile … pour augmenter la mobilité articulaire des mains

… des métiers à tisser adaptés pour le travail des épaules et du dos » (Vetting, 1945 cité par

(Roberts, et al., 2008)).

Après la seconde guerre mondiale, « les ergothérapeutes étaient embarrassés avec le

principe qu’il était bon pour une personne handicapée d’être active et occupée à faire des

choses qu’elle apprécie » (Mosey, 1971). Ainsi, la profession s’est détournée du principe que

« l’occupation » pouvait maintenir et ramener à la santé (Ross, 2013). L’activité utilisée en

thérapie n’avait pas toujours de sens pour le patient, mais elle devait absolument avoir un

but : améliorer le pronostic médical (Ikiugu & Ciaravino, 2007) (Ross, 2013)

3.2.2.4 De nouveaux objectifs pour l’ergothérapie

D’après Kielhofner, les ergothérapeutes de l’époque se sont tournés vers le paradigme

mécaniste. Le handicap était vu comme découlant d’un dysfonctionnement d’un mécanisme

interne. Il s’agissait donc d’agir sur ce dysfonctionnement, d’agir sur les mécanismes internes

du patient pour supprimer le handicap. De ce fait, les activités étaient choisies en fonction de

leur capacité à renforcer les mécanismes internes du patient (Kielhofner, 2009)

En médecine physique, il semblerait, que les ergothérapeutes aient utilisé et adapté

leurs activités pour travailler sur les amplitudes articulaires, la force musculaire ou encore la

coordination motrice des patients (Roberts, et al., 2008) (Ikiugu & Ciaravino, 2007) (Ross,

2013) (Reed and Sanderson, 1983 cité par (Friedland, 1998)). D’après Schwartz, les

méthodes scientifiques (dont on a pu parler plus haut) de Baldwin, du début du siècle,

impliquant des mesures d’amplitudes articulaires et du renforcement musculaire, ont été

appliquées plus généralement aux Etats-Unis au milieu du XXème siècle (Schwartz, 2013).

Dans les années 40, Licht, un médecin éditeur du journal Occupational Therapy and

Rehabilitation, promut une ergothérapie « kinétique » et « métrique » (Reed&Sanderson,

1983 cité par (Friedland, 1998)).

Taylor, en 1929, reportait le manque d’activités artisanales pour travailler l’extension

des doigts, justifiant ainsi le recours aux « moyens mécaniques ». Sa solution pour proposer

du renforcement musculaire des membres inférieurs en passant toujours par une activité, fut

Page 33: une histoire d’ergothérapeutes

27

d’adapter les scies avec des systèmes de pédalier (Taylor, 1929 cité par (Roberts, Kurfuerst,

& Low, 2008)). Comme dans la description d’un hôpital naval, à Jacksonville en Floride, où

l’utilisation de scies, de lames ou de métiers à tisser actionnables par des systèmes de

pédalier avait pour but le renforcement les membres inférieurs (Ergan, 1945 cité par (Roberts,

et al., 2008)).

Ainsi les ergothérapeutes ont délaissé le sens que le mouvement art-and-craft donnait

aux activités manuelles pour une orientation plus fonctionnelle et « scientifique » (Levine,

1987) (Christiansen & Haertl, 2013) (O'Brien, 2017).

Dans le domaine de la santé mentale, les activités utilisées avaient plutôt pour but

d’aider le psychiatre à comprendre les motivations et les sentiments inconscients du patient

en interprétant ses réalisations (les couleurs, les thèmes, qu’il avait utilisés) (Ikiugu &

Ciaravino, 2007). Les activités devaient permettre au patient de mettre en scène ses

sentiments (Fidler & Fidler, 1963 cité par (Kielhofner, 2009)), ou encore, d’entrer en relation

avec le thérapeute et de résoudre ses conflits intrapsychiques (Kielhofner, 2009). Il était aussi

commun de penser que le patient était bloqué à un stade de développement psychosexuel et

que l’activité devait permettre de répondre aux besoins de ce stade de l’enfance (Kielhofner,

2009)

Dans le cas où l’ergothérapeute travaillait dans un programme de rééducation

« industrielle », son but était de rendre le patient capable d’être embauché et de travailler au

sein ou à l’extérieur de l’hôpital (Ross, 2013).

En 1958, Rusk, une figure majeure du « rehabilitation mouvement » déclina trois rôles

de l’ergothérapie dans le domaine de la rééducation : « soutenant » en maintenant le moral

des patients ; « préprofessionnel » pour évaluer et entrainer le patient pour le retour à l’emploi

; « fonctionnel » en travaillant force et mobilité de « la partie déficiente » de la personne au

moyen d’activités manuelles en actif aidé puis graduellement contre résistance (Rusk, 1958

cité par (Friedland, 1998)).

En France, les médecins semblaient avoir une vision un peu différente de celle des

pionnières vis à vis des objectifs de la profession. Pour Pierquin et Roche, l’ergothérapie était

« la thérapeutique par le travail » et ce « travail proposé est une œuvre personnelle », il « est

choisi en fonction de la nature des séquelles à corriger », qu’elles soient motrices ou

psychiques (Pierquin & Roche, 1964). Parmi les objectifs de l’ergothérapie du programme de

formation de 1956 on trouve « redonner au patient l’usage de tel ou tel mouvement et

accroitre son indépendance » (Charret, 2015). En médecine physique, l’objectif était de faire

travailler « le membre paralysé » de manière dissimulée dans une activité manuelle (Pierquin

& Roche, 1964). L’ergothérapie était « destinée à corriger le handicap moteur et à entrainer

progressivement l’esprit et le corps à des besognes concrètes » (Pierquin & Roche, 1964).

Elle permettait de travailler la coordination, la finesse, l’adresse, l’habileté (Pierquin & Roche,

1964). Les objectifs cités par Pierquin et Roche sont très orientés vers la rééducation alors

que certains pionniers décrivent d’autres objectifs ergothérapiques : « remettre en mouvement

», « trouver comment pallier à une réalité qui ne fonctionne pas bien », « réparer des vies

brisées», « aider les gens à organiser leur vie », « amener la personne à parler » (Charret,

2016).

L’aspect rééducatif préprofessionnel semble aussi être important pour les médecins

mais n’est pas cité par les ergothérapeutes de l’époque. Pour Pierquin et Roche,

Page 34: une histoire d’ergothérapeutes

28

l’ergothérapie est une thérapie par le travail et « le premier stade du réentraînement au travail

» (Pierquin & Roche, 1964).

On retrouve une pression du modèle médical réductionniste, dans lequel l’ergothérapie

a pris place pour obtenir une reconnaissance en tant que «discipline médicale» (Charret,

2015) (Botokro, 2006), en opposition avec un modèle holistique, c’est à dire le «regard

global» sur la personne qui prônait l’ergothérapie.

Il semblerait que peu de liens étaient faits entre les savoirs médicaux et les savoir-faire

artisanaux, dans la formation des pionniers. Ces deux enseignements étaient vus comme

«deux blocs séparés» malgré quelques cours donnés par des ergothérapeutes anglo-saxons

ou jeunes diplômés français, sur leur pratique (Charret, 2015). On note que le développement

de l’ergothérapie en France commence par les écoles, par la formation fondée par des

médecins et non par une association de défenseurs de la profession. Ainsi il semblerait que la

profession se soit d’abord construite sur de la pratique avant la théorie. Les apprentissages

de la pratique ergothérapique étaient faits « sur le tat » en stage (Charret, 2015). Il n’y avait

pas de cours de théorie propre à la profession : « A l’époque on ne cherchait pas à définir des

concepts, ce n’était pas nos préoccupations, il fallait d’abord survivre. » (Charret, 2016). Peut-

être explique-t-il les nuances entre le discours des médecins et celui des pionniers

ergothérapeutes.

Pour certains auteurs, les ergothérapeutes ont travaillé comme des « techniciens » et

non des « professionnels », c’est-à-dire qu’ils ont travaillé sans s’appuyer sur des bases

théoriques. « L’accent était mis sur la technique plutôt que sur la théorie. La littérature

indique une orientation vers le « comment-faire » et une approche « je-vais-vous-parler-de-

ma-pratique » » (Mosey, 1971). D’après Kielhofner, les ergothérapeutes se sont concentrés

sur « la compréhension et la remédiation des déficiences liées aux systèmes musculo-

squelettique, neuro-moteur et intrapsychique » (Kielhofner, 2009).

Ainsi, les concepts clefs de ce mémoire ont été définit et les courants de

pensée qui ont marqué l ’ergothérapie au cours des périodes de la première et de

la seconde guerre mondiale ont été présentés sur la base d’une recherche

bibliographique. Un tableau récapitulatif des thèmes abordés est visible en

annexe.

La partie qui suit va, quant à elle, s’ intéresser aux pratiques

ergothérapiques actuelles.

Page 35: une histoire d’ergothérapeutes

29

4 Méthodologie de la recherche

Quels sont les héritages des pratiques et modèles conceptuels utilisés dans l’histoire

de l’ergothérapie, lors de la naissance de la profession en France et aux Etats-Unis, autour

des deux guerres mondiales, sur les pratiques ergothérapiques actuelles dans les deux pays?

Telle est la problématique de ce travail de recherche. Ainsi celui-ci s’attache à faire du

lien entre l’histoire de la profession et les pratiques actuelles. Il s’agit donc maintenant de

s’intéresser à ces pratiques. Pour cela, le recueil de données a été effectué par des entretiens

semi-directifs auprès d’ergothérapeutes français et américains travaillant dans différents

domaines de pratique.

4.1 Choix de la population

Pour en savoir plus sur les pratiques ergothérapiques actuelles et les valeurs de la

profession, il m’a paru essentiel d’aller interroger des ergothérapeutes.

Afin de représenter au mieux la profession, la population interrogée est constituée de

professionnels travaillant dans différents lieux de pratique (lieu de vie, centre hospitalier,

centre de rééducation, libéral), avec des populations de tout âge (de l’enfant à la personne

âgée) et présentant des problématiques variées (problèmes de santé physique ou mentale).

En effet, les pratiques ergothérapiques varient selon les publics auxquels elles s’adressent.

La vision de la profession par les ergothérapeutes peut, elle-aussi, être influencée par le

domaine de pratique. C’est pourquoi il était intéressant de recueillir des données auprès de

professionnels travaillant dans des domaines variés.

Pour explorer les pratiques françaises et américaines, des ergothérapeutes des deux

pays ont été interrogés: un ergothérapeute français et un ergothérapeute américain dans

chaque domaine de pratique. En effet, l’ergothérapie a une histoire différente de chaque côté

de l’Atlantique, celle-ci marque les pratiques actuelles d’une manière différente en France ou

aux Etats-Unis. Ainsi, on peut penser que la vision de la profession sera différente d’un pays à

l’autre. Il semblait donc important de collecter des données dans les deux pays.

4.2 Choix de l’outil

Le recueil de données a été réalisé avec des entretiens, pour permettre une plus

grande liberté d’expression et une plus grande spontanéité des personnes interrogées. En

effet, les questions n’avaient pas été transmises en amont, les ergothérapeutes me

répondaient de manière spontanée. Les questions posées étaient vastes, ce qui donnait la

possibilité d’aborder un grand nombre de sujets. Ainsi, l’immédiateté des réponses permettait

de recueillir ce qui parait le plus évident pour les professionnels et ce qui est le plus ancré

dans leurs pratiques ergothérapiques.

Les entretiens étaient semi-directifs avec un ensemble de 7 questions, traduites le plus

justement possible en français et en anglais. L’entretien est un outil qui m’a permis de

recueillir des données d’ordre qualitatif, en orientant la personne vers des thèmes précis tout

en la laissant très libre de ses réponses. De plus, il était important que les questions posées

soient identiques pour chaque professionnel pour aborder les mêmes thèmes avec chacun.

Cependant, si une question était mal comprise ou si des détails sur la réponse apportée

Page 36: une histoire d’ergothérapeutes

30

semblaient intéressants, des questions supplémentaires ont pu être posées pour permettre au

professionnel d’amener de nouveaux éléments.

Les entretiens commençaient par une présentation du professionnel ; son lieu de

pratique, sa population cible, son nombre d’année d’ancienneté dans son domaine de

pratique actuel et son année de diplôme. La dernière question portait sur le lieu et l’année

d’apprentissage des techniques et activités thérapeutiques évoquées dans l’entretien (si cela

avait été appris en formation initiale ou continue). Partant du postulat que les pratiques

professionnelles évoluent dans le temps, il était intéressant de préciser de quelles années

venaient les concepts et pratiques citées dans l’entretien.

Les autres questions portaient sur la définition de l’ergothérapie, les valeurs de la

profession, les connaissances nécessaires à la pratique, la pratique ergothérapique, et les

théories utilisées par le professionnel ; pour tenter de recueillir une image globale de ce qu’est

l’ergothérapie pour le professionnel interrogé.

Pour des raisons pratiques, les entretiens ont été menés par téléphone ou par skype.

Seul un des entretiens a été fait en direct. Tous les entretiens ont été enregistrés puis

retranscrits pour pouvoir être analysés.

4.3 Les limites

Si la population choisie avait pour but de représenter au mieux les ergothérapeutes et

l’ergothérapie actuelle, elle reste limitée au nombre de 8 personnes. Ce petit échantillon ne

peut représenter tous les domaines et les modes de pratiques et toutes les visions de la

profession cependant la méthode de recherche utilisée dans ce mémoire est qualitative : la

qualité des entretiens en terme d’approfondissement des thèmes abordés a été jugée plus

importante que le nombre d’ergothérapeutes interrogées.

Les ergothérapeutes américaines interrogées travaillent toutes dans une même région

des Etats-Unis, ce qui ne reflète pas la diversité d’un si grand pays.

Des problèmes de langage ont pu être rencontrés dans les entretiens. Par exemple,

une des questions a parfois été mal comprise, tant par les francophones que par les

anglophones. En effet, « Quelles sont, pour vous, les valeurs primordiales de la

profession ? », a pu être compris, par les français, comme « Quelles sont les qualités

nécessaires dans la profession ? », « Quelles sont les qualités requises pour être un bon

ergothérapeute ? ». En anglais : « What are the main values of the profession ? » a parfois

été compris comme « What is the value of the profession ? », qui peut être traduit par « Qu’est

ce qui fait la valeur de l’ergothérapie ? », « Qu’est ce qui fait que l’ergothérapie est utile,

importante ? ». Alors que le mot « valeur », dans la question, signifiait plutôt la notion de

« principe » chers aux ergothérapeutes. Les réponses obtenues étaient parfois éloignées du

sens de la question initiale. D’ailleurs, la réponse à cette question a parfois été abordée au

travers d’autres questions. D’autres termes ont été employés (« core », « principles »,

« concepts » en anglais ; « principes » et « concepts » en français) dans les derniers

entretiens, pour permettre une meilleure compréhension par les professionnels interrogés.

Pour évoquer les pratiques professionnelles de la manière la plus large possible, la

question suivante a été posée : « Que faites-vous en ergothérapie ? ». Cette formulation avait

été volontairement choisie à la place de « quelles activités utilisez-vous en ergothérapie ? »

pour ne pas influencer les réponses des thérapeutes interrogées. Cependant, les

Page 37: une histoire d’ergothérapeutes

31

professionnels ont eu des difficultés à répondre concrètement à cette question. Certaines

ergothérapeutes ont par exemple expliqué quelles techniques elles utilisaient sans dire dans

quelles activités. D’autres questions ont dû être posées pour les amener à la décrire de

manière plus concrète ce qu’elles faisaient avec leurs patients. Aussi, l’étude de « lettres au

sosie » aurait été une méthode intéressante (le professionnel écrit les informations qu’il

transmettrait à un collègue dans le cas d’un remplacement). Cette technique aurait permis de

voir d’une part les activités utilisées par les thérapeutes mais aussi les informations qui leur

paraissent essentielles à transmettre.

Les modes de pensée sont différents d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. Et les

idées s’expriment différemment dans deux langues différentes. Ainsi, même avec un niveau

d’anglais permettant de comprendre son interlocuteur, la traduction peut s’avérer délicate. Les

nuances, qui ont parfois leur importance, peuvent être difficiles à retranscrire d’une langue à

l’autre. Ma compréhension et la traduction des entretiens anglophones sont donc marquées

par mes influences culturelles propres.

Page 38: une histoire d’ergothérapeutes

32

5 Analyse des données

5.1 Population interrogée

8 ergothérapeutes ont été interrogées (uniquement des femmes). Deux d’entre elles

travaillent en pédiatrie, deux en gériatrie, deux en rééducation (médecine physique) adulte et

deux en psychiatrie ; une ergothérapeute française et une américaine dans chaque domaine.

Les professionnelles interrogées ont des expériences variées. Leurs années d’obtention de

diplôme vont de 1978 à 2014. Ainsi certaines ont plus de 30 ans d’expérience derrière elles,

d’autres deux ans.

Le nom des professionnelles interrogées n’apparait pas dans cet écrit. Elles seront

identifiées par leur pays d’origine (US ou Fr) et leur domaine de pratique (Ger, Pedia, Reed,

Psy). L’ergothérapeute américaine travaillant en psychiatrie sera, par exemple, nommée Psy-

US.

Les deux ergothérapeutes françaises travaillant en pédiatrie, dans le même cabinet

libéral, ont passé l’entretien ensemble, sans différences majeurs dans leurs réponses. Elles

seront donc toutes les deux identifiées par le même nom (Pedia-Fr).

Des tableaux décrivant plus précisément l’année de diplôme, l’expérience, le lieu de

pratique actuel et la population cible de chacune ont été placés dans les annexes.

5.2 Thèmes abordés en entretien

5.2.1 Définition de l’ergothérapie

Pour définir l’ergothérapie, la notion d’activité a été utilisée par cinq thérapeutes. Celle-

ci peut être but ou moyen de la prise en charge. « C’est un accompagnement […] dans tout

ce qui fait l’activité humaine » (Reed-Fr). Les thérapeutes ont pu préciser la notion en parlant

d’activité de vie quotidienne ou en utilisant des qualificatifs comme « signifiant », pour les

ergothérapeutes françaises, ou « ayant du sens », « ayant un but », pour les ergothérapeutes

américaines. « en utilisant des activités fonctionnelles ou qui ont du sens, un but pour la

personne » (Psy-US).

Les mots « function » ou « functional » ont beaucoup été utilisés par les

ergothérapeutes américaines. Ceux-ci renvoient à la notion de « fonctionnel », « effectif ».

« functional activity » peut être définit par « une tâche ou un acte permettant à un individu de

répondre aux demandes de son environnement et de la vie quotidienne » (« A task or act that

allows one to meet the demands of the environment and daily life. » (Stedman, 2012)).

Trois ergothérapeutes américaines ont articulé leur définition autour du concept

d’indépendance. « L’ergothérapie c’est aider les gens à devenir plus indépendant » (Psy-US).

Le mot « autonomie » a, quant à lui, été utilisé deux fois par des professionnelles françaises.

« L’ergothérapie, c’est tout ce qui va tourner autour de l’autonomie » (Psy-Fr)

Les ergothérapeutes françaises (pour trois d’entre elles) ont plutôt présenté la

profession comme une thérapie permettant la compensation. « On est là pour pallier à tout ce

qu’il savait faire avant et qu’il ne peut plus aujourd’hui » (Psy-Fr) « L’ergothérapie pour moi

c’est pallier la perte d’autonomie » (Ger-Fr).

Page 39: une histoire d’ergothérapeutes

33

Le mot « réadaptation » a été utilisé par deux ergothérapeutes françaises (Psy-Fr et

Reed-Fr). « La réadaptation c’est vraiment le royaume de l’ergothérapie » (Reed-Fr)

La notion de « handicap » et celle de « qualité de vie » n’ont été citées qu’une fois

chacune.

5.2.2 Les valeurs de la profession

Cinq ergothérapeutes ont parlé du fait que les prises en charge ergothérapiques

doivent être personnalisées, individualisées pour chaque personne. « On n’a pas

d’accompagnement type, même, quel que soit la pathologie, le tout c’est que ce soit adapté à

chaque fois à une personne, et à une problématique » (Ger-Fr). Et deux ergothérapeutes ont

utilisé les mots « centré sur le client » (Psy-US, Ger-US). L’une d’entre elle a dit qu’elle utilisait

un modèle centré sur le client pour « travailler sur les besoins spécifiques de la personne »

(Ger-US). Pour la deuxième, l’ergothérapie est plus centrée sur le patient que les autres

professions « parce qu’on a la volonté de considérer ce à quoi le client s’intéresse, ce qui

compte pour lui et on l’utilise dans nos traitements » contrairement au « modèle médical » ou

« l’approche thérapeutique doit être basée sur la pathologie et le traitement de cette

pathologie » (Psy-US).

Cette même ergothérapeute a aussi opposé ce modèle médical, centré sur la

pathologie à « l’approche holistique que l’ergothérapie propose » (Psy-US).

Deux autres thérapeutes ont parlé de « l’approche globale » du patient (Pedia-Fr).

«Cette personne vivant dans un environnement qui lui est propre, il faut absolument prendre

en compte tout ce qui peut l’entourer » (Ger-Fr)

5.2.3 Connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique

Toutes les ergothérapeutes interrogées estiment que des connaissances en anatomie,

physiologie, psychologie sont nécessaires à la pratiques ergothérapique. Selon elles,

l’ergothérapeute doit comprendre « comment le corps fonctionne » ainsi que « les

comportements humains » (Pedia-US). Connaître les différentes pathologies et « comprendre

les troubles » (Ger-Fr) semble aussi essentiel.

L’analyse d’activité ; « séquencer [l’activité] en étapes » (Pedia-US), regarder

«comment les gens essayent de faire et comment on peut les aider à faire de manière un peu

plus simple» (Reed-US) a été évoqué par deux ergothérapeutes américaines.

Des savoir-faire tels que « tester les amplitudes articulaires, faire des bilans

musculaires » ont été cités par une des professionnelles interrogées (Ger-US).

5.2.4 Les activités utilisées en ergothérapie

Les activités de vie quotidienne ont été évoquées par toutes les ergothérapeutes

interrogées. « Quand vous dites activités, les principales activités que l’on fait sont les

activités de vie quotidienne » (Reed-US). Les professionnelles utilisent ces activités à la fois

dans leur évaluation mais aussi comme moyen et/ou but de leur prise en charge. « Ça peut

être un travail en salle à manger pour couper la viande, pour voir s’il n’y a pas de négligence

… pour, à la fois de l’évaluation et à la fois de la rééducation, de l’activité. » (Reed-Fr).

Certaines ergothérapeutes ont évoqué la mise en place d’aides techniques dans les activités

de vie quotidienne. « Ça va être installation d’aides techniques au déplacement, d’aides

Page 40: une histoire d’ergothérapeutes

34

techniques en général, en fonction de ce que la personne souhaite pouvoir faire malgré son

handicap ou sa difficulté, donc ça peut être au niveau des repas, de la toilette, de la chambre,

des déplacements, des loisirs. » (Ger-Fr).

Pour certains thérapeutes, les activités de vie quotidienne sont bien le but de la prise

en charge. « L’ergothérapie c’est développer les capacités de l’enfant à participer dans leur

tâches fonctionnelles quotidiennes, que ce soit le jeu, les soins personnels, la participation

sociale avec les autres enfants » (Pedia-US). Cependant les moyens de la prise en charge

seront différents. Le thérapeute va cibler des compétences particulières nécessaires à la

réalisation de l’activité. « Donc tout ce qui les empêche de faire leurs occupations, leur tâches

quotidiennes, j’essaie d’analyser quels sont ces facteurs qui font barrage et puis d’ouvrir la

voie pour améliorer la performance fonctionnelle » « si on travaille sur « se nourrir », alors on

va parfois juste travailler sur « se nourrir », mais avant cela, on va peut-être faire des jeux

sensoriels avec différentes textures pour réduire une aversion tactile ou orale. » (Pedia-US).

« On essaie d’avoir les prérequis pour les lacets, la bonne pince, la bonne motricité, la bonne

coordination. Et après on passe aux lacets. », « On a des outils, des petits jeux qui nous

permettent de travailler ça en amont et ensuite d’arriver sur l’objet même de la difficulté »

(Pedia-Fr). Certaines ergothérapeutes françaises ont qualifié ces activités, destinées à

travailler sur une « composante » (Reed-Fr) particulière de l’activité, comme « des activités

analytiques » (Reed-Fr, Pedia-Fr).

Les ergothérapeutes françaises (Reed-Fr, Psy-Fr, Ger-Fr) ont aussi dit qu’elles

pouvaient utiliser des activités manuelles (comme la poterie, la mosaïque, la peinture, mais

aussi la mécanique, le bricolage) pour travailler sur des fonctions particulières. Selon les lieux

de pratiques et les patientèles, les fonctions visées par une même activité pouvaient varier. La

mosaïque pouvait, par exemple, avoir pour objectif un « maintien des capacités de

préhension » chez les résidents d’un EHPAD mais « auprès de personnes qui présentent des

troubles de la mémoire [au PASA], on est plus sur du maintien des capacités, praxies,

gnosies, etc. » (Ger-Fr). En psychiatrie cette activité mosaïque pouvait être utilisée comme

« médiation expressive » pour permettre aux personnes de « s’exprimer autrement que par la

parole », ou encore pour travailler sur l’attention avec « un modèle à suivre » (Psy-Fr).

Pour l’ergothérapeute française en santé mentale, il est important que l’activité ait un

but autre que d’occuper le patient « on envoie souvent les gens en ergothérapie pour qu’ils …

plus qu’ils fassent des choses pour s’occuper … donc ça je me bats un petit peu tous les jours

contre ça » « Donc le patient, en général quand il arrive, pour lui l’ergothérapie c’est fabriquer

des choses, c’est faire de la mosaïque … alors ce que je leur explique c’est que, oui

effectivement on se sert de ça, mais s’il y a pas de but et s’il y a pas d’objectif, ça ne s’appelle

pas de l’ergothérapie. » (Psy-Fr)

Pour travailler ces objectifs, les ergothérapeutes avaient choisi des activités manuelles

plutôt que d’autres activités pour différentes raisons.

Pour l’ergothérapeute travaillant en santé mentale, la symbolique de l’activité avait son

importance. « La mosaïque … t’es obligé de casser quelque chose pour recréer autre chose

… donc dans la symbolique il peut y avoir des choses assez fortes … » (Psy-Fr). De plus, la

diversité de ces activités manuelles permet de « s’adapter en fonction des patients » (Psy-Fr).

« Je ne vais pas utiliser toutes les médiations avec tous les publics » (Psy-Fr).

Pour l’ergothérapeute travaillant en rééducation, la variété des activités était aussi

importante mais pour une autre raison : « Plus l’éventail est large dans nos outils, mieux on

peut coller, pour travailler en analytique, à ce qui fait sens pour la personne. » (Reed-Fr).

Page 41: une histoire d’ergothérapeutes

35

Enfin, l’ergothérapeute en gériatrie s’est tournée vers ces activités plutôt pour « tout ce

qui est créativité et investissement dans l’activité que je recherche beaucoup dans mon

atelier. ». En outre, « il se trouve que la mosaïque plait beaucoup aux personnes âgées. »,

« la mosaïque à un côté très valorisant pour les personnes et crée beaucoup de liens avec les

familles chez ces personnes-là. » (Ger-Fr).

Autre composante de leur intervention, les ergothérapeutes interrogées ont évoqué la

mise en place de matériel adapté. La fabrication d’orthèses a été citée par deux

ergothérapeutes américaines ; et trois thérapeutes ont parlé de la mise en place d’aides

techniques comme moyen de compensation dans les activités de vie quotidienne. Deux

professionnelles françaises ont parlé de l’intervention de l’ergothérapeute dans des

aménagements architecturaux. « j’ai beaucoup œuvré pour, quand il y a des travaux, que je

puisse adapter pour que tout soit pensé pour telle ou telle problématique en prenant en

compte le handicap visuel, auditif, sensoriel, cognitif, physique. » (Ger-Fr). Pour une des

professionnelles, l’ergothérapeute est « assez spécialisé dans l’accessibilité » (Ger-Fr). Alors

que d’autres thérapeutes ont rapporté que la profession était, à tort, reconnue pour ce

domaine de compétence plus que pour d’autres domaines ; alors que ces aménagements

architecturaux n’occupent qu’une petite partie de leur champ d’activité. «Ils connaissent plus

l’aspect aménagement, installation que ce qui est rééducation, graphisme. » (Pedia-Fr)

Enfin, cinq ergothérapeutes ont dit qu’elle faisait de l’éducation, auprès des patients et

de leurs proches à propos de la pathologie de la personne, d’exercices qui pourrait l’aider ou

de techniques de compensations, mais aussi dans le cadre de formation d’autres

professionnels, à propos de techniques de manutention, de positionnement, ou pour les

sensibiliser à certains troubles, certaines pathologies. « Je peux les éduquer [les patients] à

ce moment-là et dire : « ok, le mieux pour vous c’est de mettre votre jambe droite en premier

parce que … » (Reed-US), « dans ce scénario [un patient atteint de démence], l’éducation de

l’aidant et les choses comme ça, sont le plus important. » (Ger-US) « Je forme beaucoup les

soignantes qui interviennent auprès des personnes dans la compréhension des pathologies et

des personnes en elle-même, comment on peut intervenir auprès d’elles » (Ger-Fr)

5.2.5 Les théories qui soutiennent les pratiques ergothérapiques

Trois ergothérapeutes françaises ont dit qu’elles avaient peu de connaissances sur les

modèles théoriques de l’ergothérapie ; notamment car elles n’avaient pas eu d’enseignement

dans ce domaine dans leur formation initiale. La quatrième ergothérapeute française a, quant

à elle, cité les modèles théoriques comme des connaissances nécessaires à la pratique

ergothérapique. « Modèle de l’occupation humaine, le modèle KAWA … voilà tous ces

modèles-là qui sont des modèles utilisés en ergothérapie ; pour moi c’est un peu les racines »

(Reed-Fr)

Parmi les modèles conceptuels cités on retrouve le modèle de l’occupation humaine

de Kielhofner cité trois fois (Psy-US, Reed-Fr, Reed-US), le modèle Kawa, deux fois (Psy-US,

Reed-Fr), le modèle Personne-Environnement-Occupation une fois (Reed-US) et le modèle

systémique une fois (Ger-Fr). Une ergothérapeute a aussi parlé de théories « écologiques »

(Pedia-Fr), voulant peut-être évoquer le modèle écologique du développement humain dont

découle le modèle Personne-Environnement-Occupation.

Page 42: une histoire d’ergothérapeutes

36

Les ergothérapeutes américaines ont plus particulièrement évoqué des modèles de

pratiques tels que les théories du motor learning (Pedia-US, Reed-US), les théories neuro-

développementales, les théories biomécaniques (Ger-US, Reed-US, Pedia-US) ou encore les

théories de l’intégration sensorielle (Pedia-US).

5.2.6 Les lieux d’apprentissage des méthodes de traitement utilisées en

ergothérapie

La formation initiale semble être une première source de connaissances et de savoir-

faire chez toutes les ergothérapeutes interrogées. Cependant une majorité de

professionnelles a insisté sur l’insuffisance des connaissances théoriques et l’importance des

apprentissages par la pratique en stage ou après le diplôme. « Je dirais que le diplôme c’est

ce qui donne le droit de commencer à apprendre son métier. » (Reed-Fr) « Je pense que j’ai

eu un peu d’éducation là-dessus à l’université, mais j’ai appris beaucoup plus quand j’ai fait

des stages en santé mentale et certainement encore plus par mon expérience professionnelle

» (Psy-US).

L’apprentissage des pratiques a pu aussi avoir lieu par l’observation et la collaboration

avec d’autres ergothérapeutes ou des professionnels d’autres disciplines. « J’ai appris

différentes techniques en observant d’autres thérapeutes, par les tuteurs que j’ai eus, les

collègues que j’ai eu » (Ger-US) « On va apprendre des collègues, de la hiérarchie, des

médecins, des kinés … quand je disais les collègues, c’est les autres ergo s’il y en a d’autres,

mais ça peut être des fournisseurs de matériel, des orthoprothésistes, ça dépend où on

travaille … » (Reed-Fr)

La formation continue semble aussi être une source importante de savoirs et de

savoir-faire des ergothérapeutes interrogées ; elles peuvent notamment permettre de se

spécialiser dans un domaine. « Disons qu’elles [les formations] étaient spécialisées […] alors

que la formation initiale, elle est assez large » (Pedia-Fr). Aux Etats-Unis, ces formations sont

obligatoires (avec un contrôle strict des Etats et de l’ordre professionnel). « Ici aux Etats-Unis,

pour garder notre licence et pour être ergothérapeute [inscrite à l’ordre professionnel], on doit

avoir 36 unités d’éducation continue tous les trois ans, donc c’est un jour et demi par an. »

«Je pense que la majorité de ce que j’utilise maintenant, je peux dire que ça a été appris au fil

des années après mes études initiales » (Reed-US).

5.2.7 D’autres thèmes

Au fil des questions, d’autres thèmes ont pu être abordés. Plusieurs professionnelles

ont pu parler du même sujet dans des questions différentes.

L’importance d’être au fait des avancées de la profession a été évoquée par deux

thérapeutes. L’une d’entre elles a dit qu’une des qualités de l’ergothérapeute devait être

d’«être toujours en veille, veille documentaire, veille technologique ou même législative »

« C’est jamais figé, ce n’est pas un travail figé donc une des valeurs c’est rester ouvert, rester

… être un peu en état de recherche permanente pour évoluer et pour être dans le monde

d’aujourd’hui, de 2017 » (Reed-Fr) «Beaucoup de choses ont changé, particulièrement dans

le développement de théories, depuis que je suis allée à l’école et que j’ai été diplômée »

«c’est important de se tenir au courant. Je ne peux vraiment pas me fier juste à ce que j’ai

appris à l’université mais plutôt à ce que j’apprends aujourd’hui dans des conférences et des

groupes de travail » (Pedia-US).

Page 43: une histoire d’ergothérapeutes

37

La distinction entre l’ergothérapie et les autres professions a été abordée de manière

différente par trois ergothérapeutes. Pour l’une d’entre elle, certaines activités utilisées en

ergothérapie pouvaient relever d’autres disciplines « pour moi c’est presque de la kiné parce

qu’on n’est pas dans l’activité … on n’est pas dans l’activité humaine … quand c’est trop

analytique … quand c’est de la rééducation analytique pour moi on est à la limite de

l’ergothérapie … et je m’y retrouve pas trop … mais ça, ça ne m’aurait pas dérangé il y a 25

ans…» (Reed-Fr). Pour une autre, l’ergothérapeute laisse faire le patient à sa manière. Ce qui

importe c’est qu’il arrive à ses fins. Tandis que les autres professionnels « ont tendance à

faire à la place, à montrer comme il faut faire, parce qu’il y a une façon de faire et il n’y en a

pas trente-six … » (Psy-Fr). Enfin, une autre ergothérapeute a dit que dans son domaine,

l’ergothérapeute est «plus spécialisée dans la toilette et la mobilité au lit » (Ger-US), qu’elle

travaille plutôt sur la motricité fine et sur les fonctions impliquant la vue contrairement au

kinésithérapeutes et aux orthophonistes.

Plusieurs ergothérapeutes ont pu dire que la profession était parfois méconnue des

patients ou des autres thérapeutes. « Habituellement, je dois expliquer ce qu’est

l’ergothérapie car les gens pensent que je vais leur trouver du travail. » (Psy-US)

5.3 Thèmes communs et divergences entre les entretiens et les

données historiques

Il est intéressant de mettre en parallèle les données des entretiens et celles de la

partie historique, pour faire émerger les similarités, les nuances et les différences. Pour

permettre cette analyse croisée, des tableaux récapitulatifs des données sont en annexe.

5.3.1 Des concepts et des approches

5.3.1.1 Occupation et activité de vie quotidienne

Les fondateurs américains ont fondé la profession autour du concept de l’occupation.

Dans la définition de l’ergothérapie, les ergothérapeutes interrogées ont peu utilisé le

concept d’occupation, au profit de notions comme l’activité signifiante pour le patient ou les

activités de vie quotidienne. On remarque aussi que ces activités de vie quotidienne se

retrouvent dans la pratique de toutes les ergothérapeutes interrogées.

Ainsi, peut-être le concept d’activité a-t-il remplacé celui de l’occupation. Il semble

cependant plus probable que les professionnelles aient utilisé les mots « activités de vie

quotidienne », « activité signifiante » en français et « activité ayant un sens et un but » en

anglais, à la place du mot « occupation ». On peut penser qu’elles avaient bien le concept

d’occupation en tête. En effet si on reprend la définition de la world federation of occupational

therapy (« En ergothérapie, l’occupation fait référence aux activités de tous les jours que les

gens font individuellement, en famille ou en société pour occuper leur temps et donner un

sens et un but à leur vie. Le mot “Occupation » inclut tout ce que l’on a besoin de faire, que

l’on veut faire ou ce qui est attendu de nous. » (WFOT, 2012)), on retrouve bien, dans le

concept de l’occupation, les activités de vie quotidienne, qui font sens pour les personnes et

qui ont un but.

Page 44: une histoire d’ergothérapeutes

38

5.3.1.2 Approche holistique ou approche globale

Parmi les valeurs d’origine de la profession, on retrouve l’approche holistique,

notamment chez Herbert Hall. Selon ce dernier, le corps et l’esprit sont deux entités

inextricables, dont les états de santé sont interdépendants. L’approche holistique consiste

alors à traiter conjointement le corps et l’esprit.

Dans les entretiens, une des ergothérapeutes a évoqué l’approche holistique en

ergothérapie en disant que l’ergothérapeute ne base pas son traitement uniquement sur la

pathologie de la personne mais aussi et surtout sur ce qui a de l’intérêt pour le patient. Deux

autres professionnelles ont parlé de l’approche globale. Pour ces derniers, cette approche

globale de la personne signifiait plutôt la prise en compte de son environnement humain,

matériel et de son contexte de vie.

On note ici un glissement dans la définition du concept d’approche holistique. Si ce

concept signifiait la prise en compte de l’état de santé mentale et physique du patient pour

Hall ; il semblerait qu’aujourd’hui ce concept traduise plutôt la volonté de considérer toutes les

caractéristiques des patients et tout ce qui les entoure, tout ce qui fait leur unicité, leur goût,

leur environnement propre (la prise en compte des différents rôles sociaux, des différents

styles de vie a aussi été abordé dans les entretiens).

5.3.1.3 Indépendance et autonomie

Les professionnelles ont plutôt articulé leur définition de l’ergothérapie autour de

l’indépendance et de l’autonomie (les américains ne semblent pas faire la distinction entre les

deux concepts comme nous le faisons en France). L’indépendance, notamment en lien avec

les activités de vie quotidienne, a pu être citée comme but de la prise en charge.

La notion d’indépendance ne semble pas avoir été un concept clef lors de la fondation

de la profession au début du XXeme siècle. Il apparait plutôt que ce concept soit devenu un

objectif de l’ergothérapie, lorsque la profession s’est inscrite dans le mouvement de la

rééducation. En effet, dans ce courant, la rééducation avait pour but de permettre au patient

de vivre dans la société indépendamment des institutions.

Si l’indépendance est, encore aujourd’hui, un objectif pour les ergothérapeutes ; ces-

dernières semblent loin des considérations économiques qui amenaient à souhaiter

l’indépendance des patients dans le mouvement de la rééducation. Deux ergothérapeutes ont

pu préciser que si l’indépendance n’était pas un objectif de la personne, elles respectaient ce

choix.

5.3.1.4 Rééducation et réadaptation

L’ergothérapie en France nait dans le domaine de la rééducation. On retrouve parmi

les fondateurs français de la profession de grandes figures de la rééducation. Et on peut dire

que les premières écoles ont été créées pour répondre aux besoins de professionnels de la

rééducation.

Deux ergothérapeutes françaises ont utilisé le mot réadaptation pour définir

l’ergothérapie. L’une d’entre elle a d’ailleurs dit que la rééducation pouvait être faite par

d’autres professionnels alors que la réadaptation correspondait plus au champ de

compétence de l’ergothérapeute.

Page 45: une histoire d’ergothérapeutes

39

D’après plusieurs sources, la rééducation, et notamment la rééducation fonctionnelle,

désigne les techniques visant à restaurer une fonction, par exemple motrice, chez une

personne qui en avait perdu l’usage (Hesbeen, 2012) (Garnier, et al., 2009) (Larousse,

2014). La réadaptation, quant à elle, « a pour but d’assurer à la personne infirme ou invalide

ainsi qu’à ses proches, différentes actions permettant de supprimer, d’atténuer, de surmonter

les obstacles générateurs de handicaps. » (Hesbeen, 1994). Il est intéressant de noter que

l’on retrouve ici la notion de compensation citée par trois ergothérapeutes françaises dans

leur définition de l’ergothérapie. De plus, plusieurs auteurs s’accordent à dire que la

réadaptation englobe la rééducation puisque « elle se pratique au sein d’équipes spécialisées

qui utilisent au mieux les ressources offertes par les moyens de la rééducation fonctionnelle,

de la réinsertion sociale et du reclassement scolaire ou professionnel. » (Hesbeen,

1994)(Tricot, 1987 cité par (Hesbeen, 2012)) (André, 1981 cité par (Hesbeen, 2012)). Ainsi, si

les ergothérapeutes actuels font plus de réadaptation que de rééducation, on peut dire qu’ils

ont élargi leur champ professionnel. Celui-ci contient toujours de la rééducation mais plus

seulement, car il s’agit aussi de réinsérer la personne en compensant son handicap.

5.3.1.5 Activité occupationnelle et activité thérapeutique

Il semblerait que la définition de « l’activité thérapeutique » ait été un sujet de discorde

chez les premiers ergothérapeutes américains. Apparemment, certains considéraient qu’une

activité était thérapeutique si elle distrayait le patient de sa pathologie, pour d’autres il fallait

que l’activité soit signifiante pour la personne, pour d’autres encore, l’activité devait être

productive. Au milieu du XXeme, siècle il semblerait que les ergothérapeutes aient plutôt

considéré qu’une activité occupationnelle n’était pas thérapeutique.

Pour l’ergothérapeute française travaillant en psychiatrie, l’activité, en ergothérapie, ne

doit pas avoir pour seul but d’occuper le temps du patient. Pour elle, les activités

occupationnelles ne sont pas considérées comme thérapeutiques.

De nos jours, les activités ayant pour but d’occuper les patients sont généralement

réalisées avec les animateurs.

5.3.2 Des savoirs et savoir-faire

5.3.2.1 L’analyse d’activité

L’analyse d’activité trouve ses origines dans les débuts de la profession aux Etats-

Unis, notamment avec l’organisation scientifique du travail. Les ergothérapeutes de l’époque

se sont inspirés de ces méthodes pour observer les activités avec une rigueur scientifique et

des mesures précises.

Deux ergothérapeutes américaines ont cité l’analyse d’activité parmi les

connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique. Pour l’une d’entre elle, l’analyse

d’activité est même la connaissance qui distingue les ergothérapeutes des autres

professionnels.

5.3.2.2 Des bilans articulaires et musculaires

Dès le début du XXeme siècle, les thérapeutes du service d’ergothérapie du Walter

Reed General Hospital à Washington, mesuraient systématiquement les amplitudes et la force

musculaire de leur patient pour lui attribuer une activité. Leur volonté était de s’appuyer sur

Page 46: une histoire d’ergothérapeutes

40

des données scientifiques. Ces méthodes ont été utilisées ensuite plus largement dans le

mouvement de la rééducation.

Lors de la question sur les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique,

une des ergothérapeutes a cité les savoir-faire concernant les bilans articulaires et les bilans

de force musculaire, en tout premier lieu.

Cette ergothérapeute a été la seule à évoquer ces connaissances. Même dans leur

pratique, les autres professionnelles n’ont pas évoqué ces bilans. Il aurait été intéressant de

savoir pourquoi ces bilans sont considérés comme très importants par cette ergothérapeute et

comment les résultats de ces bilans sont ensuite utilisés dans ses interventions.

5.3.2.3 Des connaissances médicales

Au fur et à mesure des avancées de la médecine, l’ergothérapie a intégré les

nouvelles découvertes médicales à son corps de savoir professionnel, notamment des

connaissances sur le fonctionnement du corps et du psychisme d’une personne saine ainsi

que sur les pathologies. Ces connaissances ont pris de plus en plus d’importance dans les

formations initiales des ergothérapeutes, notamment entre les débuts de la profession au

début du XXeme siècle aux Etats-Unis et le milieu du XXeme siècle.

Toutes les ergothérapeutes interrogées ont parlé de l’importance des connaissances

en anatomie, physiologie, psychologie, et sur les pathologies pour la pratique ergothérapique

actuelle. Ainsi ces connaissances médicales restent primordiales dans le corps de savoir de

l’ergothérapie.

5.3.2.4 De l’importance d’actualiser ses connaissances

Avec les avancées médicales, la profession s’est aussi attachée à utiliser de nouvelles

méthodes de traitement, et à être à jour par rapport aux nouvelles techniques au fur et à

mesure de leur apparition.

Plusieurs professionnelles ont évoqué l’importance de rester au fait des dernières

avancées en termes de technique ou de théorie. Cela fait d’ailleurs partie des obligations des

professionnels. Ainsi, il apparait que l’actualisation des savoirs, l’intérêt pour les techniques et

les théories les plus récentes et leur application soient un gage de bonne pratique

professionnelle.

5.3.3 Des pratiques

5.3.3.1 Des prérequis pour l’activité

L’ergothérapie, au milieu du XXeme siècle, a intégré les concepts du mouvement de la

rééducation. Selon ce courant de pensée, le handicap est le résultat d’un dysfonctionnement

d’un des mécanismes internes du patient. Ainsi, agir sur ce dysfonctionnement permet de

supprimer le handicap. Les prises en charge ergothérapiques de l’époque se sont donc

ciblées sur le traitement de dysfonctions bien précises ou sur le renforcement de certaines

fonctions.

Certaines professionnelles ont rapporté qu’elles travaillent sur des fonctions motrices,

cognitives ou encore psychiques avec des activités visant spécifiquement le renforcement de

ses fonctions. Les activités alors employées ont pu être qualifiées « d’analytique », par les

Page 47: une histoire d’ergothérapeutes

41

ergothérapeutes françaises. Cependant, les ergothérapeutes ont précisé que le but final était

de permettre la performance dans les activités de la vie quotidienne. Le renforcement de

certaines fonctions chez le patient était considéré comme un « prérequis », avant de travailler

sur l’activité en elle-même.

5.3.3.2 Se distinguer des autres professions

Selon certains auteurs, les ergothérapeutes ont parfois emprunté des techniques

d’autres professions, notamment dans les années du mouvement de la rééducation, ce qui

pouvait rendre difficile la distinction entre les disciplines. En France, il semblerait que les

ergothérapeutes de l’époque se soient notamment distingués des kinésithérapeutes en

centrant leur rééducation sur le membre supérieur.

La distinction entre l’ergothérapeute et les autres professionnels a été évoquée par

trois thérapeutes lors des entretiens. Il y aurait une différence à la fois dans les pratiques

(celles-ci seraient plutôt orientées vers l’activité humaine) et dans l’approche du patient

(l’approche de l’ergothérapeute laisserait plus de place à ce qui compte pour le patient et à sa

propre manière de faire les choses). Cependant, concernant les pratiques centrées sur

l’activité, celles-ci seraient plutôt récentes en France.

5.3.3.3 De l’utilisation d’activités artisanales en France

Les connaissances et savoir-faire en activités artisanales étaient importants pour les

pionniers de la profession que ce soit aux Etats-Unis au début du XXeme siècle ou en France

au milieu du XXeme siècle. Cependant les premières ergothérapeutes françaises avaient une

certaine ambivalence concernant les activité artisanales. Celles-ci étaient revendiquées car

elles leur permettaient de se distinguer des autres professions ; mais elles pouvaient aussi

être dévalorisantes car perçues comme moins nobles que les autres actes de soin.

Plusieurs ergothérapeutes françaises interrogées ont pu dire qu’elles utilisaient des

activités artisanales dans leur pratique aujourd’hui, mais aucune n’a pas évoqué les savoir-

faire artisanaux comme nécessaires à la pratique professionnelle. L’une des thérapeutes a

tout de même dit qu’elle avait eu des cours (« on a fait de la couture, on a fait des

marionnettes, on a fait de la vannerie » (Psy-Fr)).

Peut-être que les ergothérapeutes françaises montrent toujours de l’ambivalence par

rapport aux activités artisanales ; notamment parce qu’elles symbolisent le passé de la

profession, avec une représentation de la profession que ne correspond plus aux

professionnels d’aujourd’hui. L’ergothérapeute française travaillant en psychiatrie a pu

évoquer que ses collègues et les patients avaient une représentation erronée de

l’ergothérapie. Ils associent l’ergothérapie aux anciens ateliers d’il y a trente ans ou

l’ergothérapie consistait à fabriquer des choses et à occuper le patient.

Peut-être aussi que les professionnelles n’ont pas insisté sur ce domaine car ils

considèrent que des connaissances sommaires en artisanat suffisent à leur pratique. Une des

professionnelles a d’ailleurs exprimé que « ce n’est pas l’activité qui m’intéresse, ce n’est

qu’un moyen de parvenir à mes objectifs » (Ger-Fr). Ainsi peut-être que la performance dans

la réalisation importe peu et que de simples bases suffisent pour utiliser une activité en

thérapie.

Page 48: une histoire d’ergothérapeutes

42

Dans les débuts de la profession aux Etats-Unis, l’artisanat était utilisé en ergothérapie

parce qu’il correspondait aux métiers de l’époque et qu’il pouvait donc être facteur de

réinsertion professionnelle. De plus les activités artisanales étaient considérées comme

thérapeutiques car elles mettaient en action à la fois le corps et l’esprit. Au milieu du XXème

siècle, les ergothérapeutes utilisaient et adaptaient des activités artisanales pour renforcer

certains muscles ou travailler certains mécanismes internes. En psychiatrie, ces activités

avaient plutôt pour but de mettre en scène les sentiments du patient.

L’utilisation d’activités artisanales et manuelles a été rapportée par les

ergothérapeutes françaises. Les professionnelles les utilisent pour travailler des fonctions

spécifiques, ou pour permettre l’expression du patient. Les buts pour lesquels les

ergothérapeutes utilisent ces activités semblent donc avoir été hérités du mouvement de la

rééducation. Cependant le choix de l’activité est aussi fait en fonction des goûts et du sens

que l’activité revêt pour le patient.

5.3.3.4 Orthèses, aides techniques et aménagements de l’environnement

Les ergothérapeutes de l’époque du mouvement de la rééducation ont aussi intégré la

fabrication d’orthèses, ou encore le conseil et la mise en place d’aides techniques dans leur

champ de pratique.

La fabrication d’orthèses a été citée par deux ergothérapeutes américaines. Les

aménagements de l’environnement ont été évoqués par une ergothérapeute française. Et

trois ergothérapeutes ont parlé de la mise en place d’aides techniques ou d’adaptations.

Page 49: une histoire d’ergothérapeutes

43

5.5 Conclusion de l’analyse et validation des hypothèses

Des similitudes apparaissent entre certaines données historiques et les thèmes

abordés en entretien. Ces similitudes peuvent montrer les héritages du passé de notre

profession, dans les pratiques actuelles. Des nuances émergent également puisque certains

concepts ou certaines méthodes thérapeutiques ont pu être modifiés au fil du temps.

Pour rappel, ce travail cherche à répondre à la question suivante :

Quels sont les héritages des pratiques et théories utilisées en ergothérapie, lors de la

naissance de la profession en France et aux Etats-Unis, autour des deux guerres mondiales,

sur les pratiques ergothérapique actuelles dans les deux pays ?

Et voici les deux hypothèses qui avaient été formulées :

Hypothèse 1 : L’héritage de la période de la première guerre mondiale, c’est-à-dire la

période où l’ergothérapie apparait aux Etats-Unis, consiste en des valeurs fondamentales,

entre autres la vision holistique du patient, et des pratiques utilisant des activités manuelles

pour engager le patient par ses mains et son esprit.

Hypothèse 2 : L’héritage de la période de la seconde guerre mondiale avec la création

de la profession en France, consiste en un ancrage dans des connaissances médicales ainsi

que l’utilisation d’activités analytiques pour effectuer un travail précis sur une des déficiences

du patient, en vue de la réduction global de ses situations de handicap.

La première hypothèse semble partiellement validée. Concernant l’approche holistique

du patient, ce concept utilisé entre autres par Herbert Hall, signifiait la prise en compte du

corps et de l’esprit humain comme deux entités inextricablement liées. Alors que le concept

de l’approche holistique actuel concerne plutôt la prise en compte de tous les facteurs

internes (notamment ses goûts, ce qui compte pour la personne) et externes

(l’environnement) qui déterminent la personne. On note aussi que l’utilisation d’activités

artisanales est bien présente dans la pratique des ergothérapeutes françaises mais pas dans

l’objectif de mettre en action le corps et l’esprit dans un même ouvrage.

Concernant l’époque du début du XXème siècle d’autres liens ont pu être établis:

L’occupation, concept central de la profession pour les fondateurs américains, semble

avoir été évoquée indirectement par les professionnelles qui ont plutôt utilisé le mot

activité. Ainsi il y a un risque de non-différenciation des deux concepts.

Certains ergothérapeutes actuels ne semblent plus considérer qu’une activité

occupationnelle puisse être thérapeutique contrairement à plusieurs des fondateurs

américains.

L’analyse d’activité, existant depuis les débuts de la profession, semble encore être une

des connaissances primordiales de l’ergothérapeute voire même une connaissance dont il

a le monopole.

La seconde hypothèse, quant à elle, semble être validée. D’une part, les

connaissances en sciences médicales que la profession a intégrées à son corps de savoir en

s’inscrivant dans la médecine et le mouvement de la rééducation, semblent bien être

importantes pour la pratiques ergothérapique d’aujourd’hui. De plus, on note la volonté des

professionnelles de continuellement actualiser leurs connaissances pour appliquer les

théories et les techniques les plus récentes possibles dans leur pratique. D’autre part, les

Page 50: une histoire d’ergothérapeutes

44

ergothérapeutes d’aujourd’hui utilisent bien des activités visant à renforcer une fonction

physique ou psychique particulière. Mais celles-ci sont plutôt considérées comme prérequises

à la performance occupationnelle. Les ergothérapeutes ont souvent un objectif autre (un

objectif fonctionnel) et l’utilisation d’activités dites analytiques n’est qu’une étape pour parvenir

à cet objectif.

Concernant l’époque du milieu du XXème siècle, des parallèles non-évoqués dans

l’hypothèse, apparaissent également.

Les activités artisanales sont utilisées pour travailler sur des fonctions spécifiques du

corps humain par certaines ergothérapeutes françaises, comme le faisaient les

ergothérapeutes du mouvement de la rééducation. On note cependant qu’au XXème

siècle la valeur d’une activité thérapeutique résidait justement dans sa capacité à

renforcer un ou plusieurs mécanismes internes du patient alors que les ergothérapeutes

actuelles choisissent l’activité plutôt en fonction des goûts du patient et de ce qui fait sens

pour lui. Les professionnelles n’estiment pas que des connaissances en artisanat soit

nécessaires à la pratique ergothérapique.

Au sein du mouvement de la rééducation, l’ergothérapie avait pour but l’indépendance du

patient. Cet objectif est toujours d’actualité pour les ergothérapeutes interrogées.

Si la profession est née, en France, dans le mouvement de la rééducation, il semblerait

que les professionnels, aujourd’hui, définissent plutôt leur pratique autour de la

réadaptation et de la compensation du handicap.

Certaines techniques comme la prise de mesure d’amplitude articulaire ou de force

musculaire sont toujours utilisées par certains ergothérapeutes.

La fabrication d’orthèses, le conseil et la mise en place d’aides techniques sont des

savoir-faire que la profession a investis dans le mouvement de la rééducation. Ils font

toujours partie du champ d’action des ergothérapeutes aujourd’hui.

L’ergothérapie a pu avoir des difficultés à se distinguer des autres professions au milieu

du XXème siècle. En France, une spécialisation dans la rééducation du membre supérieur

a permis à la profession d’établir un domaine de compétence distinct, notamment par

rapport à la kinésithérapie. Aujourd’hui, la profession se distingue plutôt par une

spécialisation dans l’activité humaine et une approche différente de la personne, laissant

plus de place à ce qui est important pour elle et à sa manière de faire les choses.

Page 51: une histoire d’ergothérapeutes

45

6 Discussion

Chaque métier, chaque activité professionnelle touchant à l’être humain s’adapte au

temps, à la période dans laquelle elle s’exerce. Les métiers de la santé, tout particulièrement,

ont évolué avec les différentes manières de percevoir et/ou d’expliquer la maladie et le

handicap. « Les changements considérables qu’ont subi les paramètres extérieurs qui

touchent de près le métier d’ergothérapeute, tels l’organisation du travail, les technologies, les

pathologies traitées, le regard sur la personne en situation de handicap … ont participé aux

transformations des pratiques, de la formation, des objectifs et des lieux d’intervention »

(Charret, 2015). Certaines visions des choses, certaines considérations faisant parfaitement

sens à une époque, peuvent perdre tout leur crédit lorsqu’elles sont étudiées par les individus

d’une autre époque. D’autres valeurs restent au contraire intemporelles. L’ergothérapie ne fait

pas exception à cela ; certaines de ses valeurs sont restées au cœur de la profession,

d’autres ont évoluées. Parfois, un même mot a pu changer de sens et évoquer deux concepts

différents à deux époques différentes.

Cela semble être le cas de « l’approche holistique ». Comme cela a pu être expliqué

précédemment, les fondateurs américains (notamment Meyer, Dunton et Hall ( (Kielhofner,

2009) (Schwartz, 2009)) ont utilisé une approche holistique, qui consistait, pour eux, à

considérer le corps et l’esprit comme deux entités inextricables qui pouvaient et devaient être

traitées conjointement (Gordon, 2009). Ce lien corps-esprit, si cher aux fondateurs n’est pas

ressorti dans les entretiens avec les ergothérapeutes actuelles. Certaines d’entre-elles ont

bien utilisé les mots « approche holistique » ou « approche globale » mais pour désigner autre

chose. Pourtant pour certains auteurs, ce lien corps-esprit a bien son importance pour la

profession. Dans sa Slagle Lecture de 1981, Bing affirme que « la maladie, les traitements, et

le retour à la santé affectent simultanément les processus physiologiques et émotionnels.

Ainsi, ces processus ne doivent jamais être séparés sans quoi l’ergothérapie n’aurait plus de

valeur » (Bing, 1981). Selon cet auteur, le lien corps-esprit amène à une autre conclusion :

l’ergothérapie doit s’appuyer sur les sciences humaines et « La contribution de la

neurophysiologie, de la psychologie, de la sociologie, ou du développement de l’enfant, seule

ne peut pas déterminer le diagnostic, le traitement ou le pronostique du patient en

ergothérapie » (Bing, 1981). Il dénonça ainsi la tendance à la spécialisation dans une science

plutôt qu’une autre en affirmant que c’est la synthèse des différentes sciences s’intéressant à

l’être humain qui garantit une ergothérapie authentique (Bing, 1981).

Dans les entretiens, les ergothérapeutes ont parlé « d’approche globale » pour

évoquer la prise en compte de l’environnement humain et matériel du patient. « L’approche

holistique » désignait le fait de ne pas être centré uniquement sur la pathologie du patient. Ce

dernier concept a été cité en même temps que la notion d’être « centré sur la personne », qui

consistait à travailler sur les besoins spécifiques de la personne, à s’intéresser à ses goûts, à

ce qui compte pour elle et d’utiliser cela dans les traitements. L’approche globale du patient

dans son environnement et l’approche centrée sur le patient sont deux concepts différents. Ils

semblent cependant avoir une origine commune dans des mouvements apparus dans les

années 60-70 aux Etats-Unis, le « disability right movement » ou encore le « independent

living movement ». (Des mouvements similaires apparurent en Europe aussi à la même

époque, comme le « Union of Physically Impaired Against Segregation » en 1975 en

Angleterre (Hammel, et al., 2009)). Ces mouvements se sont basé sur un modèle social plutôt

que médical, pour expliquer le handicap (Schwartz, 2013). Dans le modèle médical, le

handicap découle d’une déficience de la personne ; le modèle social, quant à lui, explique

Page 52: une histoire d’ergothérapeutes

46

plutôt le handicap par les facteurs environnementaux qui peuvent faire obstacle à la

participation de la personne (Schwartz, 2013). L’environnement matériel ou architectural non

adapté, les représentations sociales des personnes en situations de handicap sont

considérées comme la cause du handicap (Schwartz, 2013). En effet, les membres du

« independent living movement » ont pu témoigner du préjudice que les barrières

environnementales portaient sur leur qualité de vie (DeJong, 1979 ; Shapiro, 1994 cité par

(Brown, 2009)) Et les personnes en situation de handicap psychique ont indiqué que les

stigmatisations empêchaient leur pleine et entière participation à la vie en société

(Chamberlin, 1990 ; Deegan, 1993 cité par (Brown, 2009)). De plus, des auteurs comme

Bronfenbrenner (1979), Gebson’s (1979), ou encore Lawton (1986) ont pu montrer les

interactions de l’être humain avec son environnement social ou physique et leurs

conséquences notamment en terme de pressions exercées par l’environnement sur les

performances de la personne (Brown, 2009). S’inspirant de ces théories, des modèles

ergothérapiques dit « écologiques » (au sens où ils mettent l’accent sur l’interaction avec

l’environnement) virent le jour dans les années 90 ; notamment le modèle PEO, Personne-

Environnement-Occupation (Brown, 2009). Mais d’autres modèles plus anciens avaient déjà

intégré le rôle de l’environnement, notamment le MOH, Modèle de l’occupation humaine de

Gary Kielhofner, en 1980 (Brown, 2009) (Kielhofner, 2009) (Kielhofner, et al., 2009) (Botokro,

2006). L’ergothérapie a ainsi pris en compte le rôle de l’environnement dans les difficultés

rencontrées par les patients et les interventions ont pu s’élargir à la modification et

l’adaptation de l’environnement. Aujourd’hui, la profession s’appuie sur des modèles dit « bio-

psycho-sociaux » comme le processus de production du handicap (PPH) proposé par Patrick

Fougeyrollas en 1998 ou encore la classification internationale du fonctionnement (CIF)

développée par l’organisation mondiale de la santé en 2001 (Morel-Bracq, 2009). Cette

dernière est une révision de la Classification Internationale du Handicap (CIH), qui voyait le

handicap comme découlant de la déficience de la personne de manière linéaire (Morel-Bracq,

2009). La CIH était issue d’un modèle biomédical (Morel-Bracq, 2009) alors que la CIF

chercha à concilier les modèles médical et social (Morel-Bracq, 2009) (Schwartz, 2013) en

prenant en compte les déficiences physique ou psychique, les facteurs environnementaux et

les facteurs personnels qui peuvent entrainer des limitations d’activités et des restrictions de

participation (Schwartz, 2013).

En France, dès les années 70, Hamonet, Magalhaes, de Jouvencel et Gagnon

proposent le concept de situation de handicap qui semble reprendre des idées à la fois du

modèle médical et du modèle social. En effet, selon eux, « le handicap se situe à la limite du

médical et de l’anthropologie, entre l’idée de la pathologie qui induit le handicap et celle de la

société qui induit les situations de handicap » (Morel-Bracq, 2009). La notion de situation de

handicap est de nouveau portée par le médecin français Pierre Minaire en 1992 (Botokro,

2006). Il est difficile d’établir un lien clair et de savoir précisément comment ses concepts ont

influencé l’ergothérapie, mais on peut penser que ces nouvelles manières de penser faisaient

partie d’un climat général en France qui a forcément touché aussi les ergothérapeutes. En

effet, la prise en compte de l’environnement en ergothérapie semble apparaitre dans les

années 1990. On retrouve cette notion dans la définition proposée par Marie Christine Détraz

en 1992 dans l’encyclopédie Médico Chirurgicale : « Le but de l’ergothérapie est de favoriser

le maintien ou l’accession au maximum d’autonomie des individus en situation de handicap et

ceci dans leur environnement », « il réadapte l’individu afin de développer les capacités

résiduelles d’adaptation, de compensation, en tenant compte des éléments matériels et

humains liés à son milieu de vie habituel. » « [Il] propose des solutions pratiques pour

favoriser l’intégration de la personne et un environnement accessible au plus grand nombre »

Page 53: une histoire d’ergothérapeutes

47

(Détraz, 1992 citée par (Detraz, et al., 2000)). De même, le guide pratique proposé par l’ANFE

en 2000 prend plus en compte le contexte de la personne ( (Detraz, et al., 2000) cité par

(Morel-Bracq, et al., 2006)).D’après Charret, les interventions qui, aux débuts de la profession

ciblaient plutôt l’individu se sont ensuite intéressé aussi à son environnement (Charret, 2015).

Cette auteure propose un tableau montrant l’évolution des programmes de formation en

ergothérapie dans lequel on peut voir, à partir de 1990, que l’ergothérapie est une méthode

qui intervient à deux niveaux : l’individu et son environnement humain, matériel, architectural

et urbain (Charret, 2015). Les ergothérapeutes français ont aussi été influencés par les

critiques du modèle linéaire de la CIH (classification internationale du handicap), par les

modèles bio-psycho-sociaux naissant en ergothérapie aux Etats-Unis et au Canada et, plus

tard, par les révisions de la CIH et son remplacement par la CIF (Botokro, 2006) (Therriault &

Collard, 1987).

Ainsi, il semblerait que le terme « d’approche globale » a été utilisé par les

ergothérapeutes interrogées pour désigner la prise en compte de tous les facteurs qui

concourent au handicap, pas seulement la pathologie du patient mais aussi son

environnement humain et matériel et tous les facteurs bio-psycho-sociaux.

Concernant l’approche centrée sur la personne, aux Etats-Unis elle prend ses origines

dans les mêmes mouvements qui avaient amené à prendre en compte l’environnement des

personnes. Le « disability right movement » et le « independent living movement » étaient des

mouvements de « self-advocacy », d’auto-revendication ; tout comme le « civil right

movement » (pour les droits des noirs américains) ou encore le « women’s movement » (pour

les droits des femmes), à la même époque (Schwartz, 2013). Ainsi les mobilisations en faveur

des droits des personnes en situation de handicap étaient portées par les personnes en

situation de handicap elles-mêmes. En effet, elles ont voulu revenir au centre des décisions

qui les concernaient ; contrairement au modèle médical, prédominant jusqu’alors, où les

professionnels médicaux, experts, étaient au centre du processus de rééducation et le patient,

recevant de l’aide, à la périphérie (Schwartz, 2013). Aussi, le « independent living

movement » était basé sur les principes suivants : « les experts du handicap sont les

personnes en situation de handicap ; on répond mieux aux besoins des personnes en

situations de handicap par une approche globale ou holistique plutôt que par des programmes

fragmentés dans différentes agences ou différents cabinets ; les personnes en situation de

handicap devraient être intégrées dans la société. »(Pelka, 1997 cité par (Schwartz, 2013)).

Ainsi certains auteurs comme Gill, invitèrent donc les ergothérapeutes à ne pas centrer leur

traitement uniquement sur les déficiences physiques « qu’y-a-t-il de bon à augmenter les

amplitudes articulaires et la dextérité des doigts si le moral de la personne peut être anéanti

par la discrimination à l’emploi et le rejet social ? » (Gill, 1987 cité par (Schwartz, 2013)).

Selon elle, les professionnels de la rééducation doivent adapter leurs services aux « besoins

du patient, à ses valeurs et à ses intérêts » (Gill, 1987 cité par (Schwartz, 2013)). Les

modèles ergothérapiques écologiques cités plus haut ont adopté les valeurs des mouvements

de revendication des personnes en situation de handicap qui promouvaient l’auto-

détermination et l’empowerment de ces personnes (« processus de devenir plus fort, plus

confiant, en particulier pour contrôler sa propre vie et affirmer ses propres droits » (Oxford

Dictionaries, 2017)) (Brown, 2009). Cela a amené les ergothérapeutes à s’orienter vers une

approche centrée sur la personne (Brown, 2009). Cette approche peut être décrite par sept

concepts, communs à tous les modèles ergothérapiques centré sur la personne : « 1. Respect

des clients et leur famille et des choix qu’ils font 2. Reconnaissance que les clients et familles

ont la responsabilité suprême dans les décisions sur leurs occupations quotidiennes et les

Page 54: une histoire d’ergothérapeutes

48

services en ergothérapie 3. Mise à disposition d’informations, du confort physique et de

supports émotionnels avec un accent sur une communication centrée sur la personne 4.

Facilitation de la participation du client dans tous les aspects des services en ergothérapie 5.

Offre de services ergothérapiques flexibles et individualisés 6. Promotion des capacités des

clients à résoudre leurs problèmes de performance occupationnelle 7. Reconnaissance et

focalisation sur les relations personne-environnement-occupation » (Law & Mills, 1998 cité par

(Ayres Rosa, 2009). Ainsi, comme cela a pu être évoqué par certaines professionnelles en

entretien, l’ergothérapeute a des responsabilités éthiques. Mettre le patient au cœur des soins

notamment en lui laissant la première place dans les décisions qui le concerne fait partie de

ces responsabilités (Ayres Rosa, 2009).

En France, dans l’ouvrage Ergothérapie par Pierquin, André et Farcy en 1980, on

trouve parmi les « règles mineures » de l’ergothérapie « l’acceptation du travail ou de

l’occupation par le handicapé » (Pierquin, et al., 1980). L’ergothérapeute est invité à tenir

compte «de l’opinion et des goûts de la personne» pour permettre son « indispensable

participation » et ne pas « fausser » l’activité (Pierquin, et al., 1980). Mais le professionnel doit

tout d’abord respecter son objectif thérapeutique. L’approche proposée en 1980 dans cet

ouvrage n’était donc pas centré sur la personne. Le but n’était pas de la laisser exprimer ses

choix et guider la thérapie. En revanche, en 2000, dans le guide de pratique de l’Ergothérapie

de l’ANFE, on note une plus grande prise en compte de la personne puisque l’ergothérapeute

« accompagne la personne dans l’élaboration de son projet de vie » (Detraz, et al., 2000). On

note ici que le verbe « accompagner » place l’ergothérapeute en retrait par rapport au patient

qui est « au centre ». Encore dans le guide de pratique de 2000, Jean-Philippe Guihard

indique également que la visée de l’ergothérapie est l’autonomie, au sens de permettre au

patient de « se donner ses propres règles » et d’ « être responsable de ses choix » (Guihard,

2000). De même, pour Lisbeth Charret : « l’activité ergothérapique vise, entre autres, à

améliorer la capacité à prendre une décision de manière individuelle » (Charret, 2015). Pour

Monsieur Guihard, cela place l’ergothérapeute dans un dilemme éthique : « Cette éducation à

l’autonomie place l’ergothérapeute sur la frontière entre un respect absolu de la liberté de

choix de l’autre qui peut être vécue comme une indifférence totale du thérapeute et une

ingérence au nom du savoir-faire professionnel qui serait alors vécu comme une agression ».

« l’autonomie de l’autre implique que celui-ci puisse être responsable de ses choix de vie et

que l’ergothérapeute soit garant de la cohérence de ces choix d’un point de vue personnel,

juridique, moral … » (Guihard, 2000). On note que les ergothérapeutes américains n’ont pas

ce dilemme-là concernant l’autonomie de leur patient. Cela semble s’expliquer par des raisons

culturelles. En effet, selon Nicole Seve-Ferrieu, il y a deux définitions de l’autonomie, « d’un

côté la tradition anglo-saxonne qui conçoit l’autonomie dans le sens de l’autodétermination du

sujet qui décide seul ce qui est bien pour lui. De l’autre côté la tradition kantienne plus

représentée en France qui voit dans l’autonomie la capacité réelle qu’a le sujet de prendre

une décision éclairée et universalisable » (Seve-Ferrieu, 2008 citée par (Charret, 2015)). C’est

surtout dans le terme « universalisable » que l’on voit la différence de culture. En effet, d’un

point de vue français, lorsqu’il y a un choix à faire, il y a, la plupart du temps, un ou des

« mauvais » choix et un choix « universalisable », objectivement « bon ». Ainsi

l’ergothérapeute doit non seulement permettre à son patient de faire un choix, mais de faire

« le bon choix ». Alors que les américains sont plus enclins à penser qu’il n’existe pas de

choix « universalisable » et que la définition de « bon » ou de « mauvais » dépend de chacun.

C’est pourquoi, dès lors que le patient fait son choix seul, de manière « autonome », le

jugement de la valeur de ce choix n’appartient pas au thérapeute. On notera que les

ergothérapeutes françaises interrogées n’ont pas clairement abordé l’approche centrée sur la

Page 55: une histoire d’ergothérapeutes

49

personne où le patient est le principal décideur des choix qui le concernent. Elles ont plutôt

insisté sur le fait que leur approche était individualisée, et s’adaptait à chaque patient en

fonction de ses valeurs de ses projets ; tout comme l’affirment certains auteurs : « Depuis

longtemps les ergothérapeutes s’intéressaient aux capacités et habiletés. Ce qui est nouveau

et qui commence à être de plus en plus pris en compte dans nos pratiques, c’est l’intérêt pour

les habitudes de vie et les motivations de la personne. Ainsi, peu à peu l’ergothérapeute ne

rééduque plus seulement en fonction d’une norme mais en fonction des intérêts de chacun. ».

(Botokro, 2006).

Ainsi l’approche « globale » ou plutôt bio-psycho-sociale, l’approche individualisée

centrée sur la personne, semblent être parmi les valeurs primordiales de la profession.

Cependant, si ces approches sont particulièrement investies par les ergothérapeutes, elles

peuvent aussi être utilisées par d’autres professionnels ; dans le modèle bio-psycho-social, la

CIF est, par exemple, une classification commune à tous les professionnels de santé ;

l’approche centrée sur la personne peut être utilisée par d’autres professionnels comme les

infirmières (Athwal, et al., 2014). Ainsi, y-a-t-il des concepts uniques à la profession ?

Une des professionnelles interrogées a évoqué l’activité humaine comme concept clef

de la profession qui distingue l’ergothérapie des autres disciplines. Et beaucoup des

ergothérapeutes ont parlé d’activité de vie quotidienne, d’activité signifiante et significative,

ayant un but et un sens pour le patient. On peut penser qu’au travers de ces mots, c’est le

concept d’occupation qu’elles souhaitaient évoquer. Et en effet, en tant « qu’occupational

therapist », l’occupation devrait être le concept clef de notre profession. D’après la littérature,

cela n’a pas toujours été le cas.

D’après Kielhofner, plusieurs paradigmes professionnels se sont succédé en

ergothérapie (Kielhofner, 2009) ; le paradigme de l’occupation aux débuts de la profession

puis le paradigme mécaniste qui s’est développé conjointement au mouvement de la

rééducation. L’ergothérapie était à la recherche d’une identité forte et de reconnaissance et ce

serait la raison pour laquelle les ergothérapeutes ont rejoint la médecine qui se développait de

manière fulgurante et le mouvement de la rééducation, mouvement dominant à l’époque, et

ont tenté d’y faire leur place (Mosey, 1971) (Ikiugu & Ciaravino, 2007). En effet, le paradigme

de l’occupation semblait incompatible avec le paradigme médical de l’époque et les

ergothérapeutes ont dû s’adapter pour pouvoir expliquer et justifier leur pratique dans des

termes médicaux (Kielhofner, 2009). Selon certains auteurs, les critères de jugement

professionnel du début de la profession étaient qualitatifs plutôt que quantitatifs, ils pouvaient

apparaître comme arbitraires ou découlant du simple bon sens et il y avait de plus en plus de

pression du monde médical à la recherche de justifications scientifiques dans les pratiques

(Licht 1947 cité par (Chapparo & Ranka, 2008)) ; ce qui amena les ergothérapeutes à des

interventions basées sur des explications scientifiques et médicales (Kielhofner & Burke 1983

cité par (Chapparo & Ranka, 2008)).. Les ergothérapeutes ont utilisé de plus en plus

d’activités telles que le déplacement de cônes ou de pion, qui avaient bien un but

thérapeutique (par exemple : augmenter les amplitudes articulaires et renforcer les muscles)

mais pas de lien avec les occupations du patient et pas de sens pour lui (Kielhofner, 2009)

(Roberts, et al., 2008) (Ikiugu & Ciaravino, 2007). Le paradigme mécaniste est ainsi venu

remplacer le point de vue holistique et centré sur l’occupation par une approche centrée sur la

réduction des déficiences physiques ou psychiques (Kielhofner, 2009) (Roberts, et al., 2008).

Pour certains auteurs, l’adoption du modèle médical a tout de même permis à la profession

d’acquérir de la crédibilité (Hopkins, 1983 cité par (Therriault & Collard, 1987) ; (Schwartz,

2013)).

Page 56: une histoire d’ergothérapeutes

50

En France on retrouve les mêmes idées du paradigme mécaniste dans les années 80.

En effet, Pierquin, André et Farcy proposent la définition suivante en 1980 : « [l’ergothérapie] :

c’est une méthode de traitement de certaines affections physiques ou mentales prescrite par

le médecin et appliquée par des spécialistes qualifiés, utilisant le travail ou tout autre

occupation, en vue de corriger les troubles fonctionnels qui les caractérisent. ». « Il convient

toujours de découvrir le travail ou l’occupation capable de remédier aux troubles fonctionnels

analysés précédemment ». « L’ergothérapie se veut une thérapeutique ; elle doit

correspondre le plus strictement possible au mal à guérir » (Pierquin, et al., 1980). On voit

bien ici que l’ergothérapie doit cibler un mécanisme interne défaillant du patient.

« L’occupation » n’est qu’un moyen pour arriver à cet objectif. Le mot « occupation » ne

semble d’ailleurs pas être utilisé pour désigner une activité qui « donne du sens et un but »

(WFOT, 2012) à la vie des patients. De plus, on note la volonté de l’auteur d’intégrer la

profession dans le domaine de la médecine en promouvant les valeurs du modèle médical de

l’époque : « La recherche de la rationalisation, c’est-à-dire du caractère scientifique de la

méthode, de la précision dans l’appréciation des indications et des résultats, parait sans

limite. Elle est la condition sine qua non de l’acceptation définitive de l’ergothérapie dans le

corps médical. » (Pierquin, et al., 1980). La prescription médicale est la première des « règles

majeures » évoquées, elle est « réservée au médecin » et « la garantie du succès » (Pierquin,

et al., 1980).

L’ergothérapie, en s’inscrivant dans la médecine et le mouvement de la rééducation,

s’était détournée de ses valeurs premières (Mosey, 1971 ; Shannon 1977 cités par

(Kielhofner, 2009)). Ainsi dans les années 1960-1970, aux Etats-Unis, certains auteurs

appelèrent à un retour à l’occupation comme concept central de la profession. Mary Reilly est

parmi les plus célèbres de ces auteurs (Kielhofner, 2009) (Gordon, 2009). Dans une phrase

devenue célèbre, dans sa Slagle Lecture de 1962, elle rappela un des principes fondateurs de

la profession « que l’homme, par l’utilisation de ses mains qui sont mobilisées par son esprit

et sa volonté, peut influencer son propre état de santé » (Reilly, 1961). Mary Reily fut aussi

professeur à la prestigieuse University of Southern California (USC) où elle enseigna à des

élèves devenus des figures phares de la profession comme Phillip Shannon, Linda Florey,

Cyntia Heard, Matsutsuyu, Janice Setsuko, Janice Burke ou encore Gary Kielhofner

(Kielhofner, 2009)(entretien exploratoire). Ces derniers participèrent à la conception d’un

nouveau paradigme (Kielhofner, 2009). Par exemple Shannon publia un article « le

déraillement de l’ergothérapie » en 1977 et appela la profession à réinvestir les valeurs sur

lesquelles elle avait été fondée (Ikiugu & Ciaravino, 2007). Dans les Slagle Lectures, les

grandes figures de la profession relayèrent aussi ce message (Bing, 1981) (Schwartz, 2009).

Selon Kielhofner le nouveau paradigme reconnaît l’importance de l’occupation pour la santé

et le bien-être des personnes. Il cible ses traitements sur les problèmes occupationnels. Et ce

sont les occupations qui sont utilisées pour ramener à la santé (Kielhofner, 2009). De plus,

l’appel au retour à l’occupation eut lien conjointement au développement de l’approche bio-

psycho-sociale et centrée sur la personne. Ainsi le paradigme professionnel qu’a décrit

Kielhofner prend en compte les facteurs personnels, environnementaux et occupationnels

comme déterminant de la performance occupationnelle. Ce paradigme est centré sur la

personne qui participe activement à la thérapie (Kielhofner, 2009).

Pour se recentrer sur l’occupation, les ergothérapeutes développèrent donc des

modèles de pratique expliquant les interactions entre les personnes, leurs occupations et le

contexte mais ils ressentirent aussi le besoin de développer « une science de l’occupation »

Page 57: une histoire d’ergothérapeutes

51

(O'Brien, 2017). Ainsi Yerxa créa le premier programme de science de l’occupation à l’USC

en 1989 (Gordon, 2009).

En France aussi, dans les années 70-80, « une nouvelle évolution de l’ergothérapie

est inévitable » (Therriault & Collard, 1987). Même si les idées du paradigme mécaniste

étaient encore bien présentes en 1980 comme cela a été montré plus haut ; les modèles

réductionnistes furent petit à petit délaissés au profit de modèles plus systémiques (Forget,

1983 cité par (Therriault & Collard, 1987)). « Nous avons cru qu’en disséquant l’homme et

l’univers en parties analysables, nous saurions mieux comprendre le Tout. Nous avons tout

simplement oublié qu’il y avait un Tout. » (Etienne, 1984 cité par (Therriault & Collard, 1987)).

En outre, d’après Pibarot « le développement des sciences humaines valorise la notion

d’occupation » (Pibarot, 1979 cité par (Therriault & Collard, 1987)). Même si, d’après Marie-

Chantal Morel-Bracq, le modèle linéaire de la CIH (qui pousse les thérapeutes à se centrer

sur la réduction des déficiences de la personne pour supprimer le handicap) « est encore très

présent dans les mentalités et les pratiques » en 2009 (Morel-Bracq, 2009) ; la profession

semble tout de même se tourner vers le nouveau paradigme. En 2000, le guide de pratique

de l’ANFE définit l’ergothérapie comme « une thérapie par l’activité » (Detraz, et al., 2000). En

2006, Marie-Chantal Morel-Bracq affirme que l’ergothérapie « se fonde sur les liens entre

l’activité et la santé » (Morel-Bracq, et al., 2006). On retrouve cette définition dans le

programme de formation de 2010 (Charret, 2015). En 2015, « l’activité, un potentiel pour la

santé » a été le thème des troisièmes assises nationales de l’ergothérapie organisées par

l’ANFE (Charret, 2015). Et de plus en plus d’auteurs comme Charret appellent la profession à

« s’orienter vers la science de l’activité humaine » (Charret, 2015).

Dans l’histoire de l’ergothérapie française, la profession est née directement dans le

mouvement de la rééducation. Malgré ses racines dans le mouvement du traitement moral, la

profession a plus de difficultés à « revenir à l’occupation » qu’aux Etats-Unis, puisqu’elle n’a

jamais pu construire son identité autour de ce concept avant d’intégrer le mouvement de la

rééducation. L’ergothérapie en France n’est pas « en retard » par rapport aux Etats-Unis, elle

a simplement une histoire différente qui induit une évolution différente. Par exemple, on note

que plusieurs ergothérapeutes françaises ont articulé leur définition de la profession autour de

la réadaptation plutôt que la rééducation. Comme cela a été expliqué plus haut, la

réadaptation englobe la rééducation des fonctions de la personne mais aussi sa réinsertion

sociale et son reclassement professionnel ou scolaire (Hesbeen, 1994)(Tricot, 1987 cité par

(Hesbeen, 2012)) (André, 1981 cité par (Hesbeen, 2012)). Le travail des ergothérapeutes

n’est donc plus seulement centré sur la réduction des déficiences mais il cherche aussi à

limiter les situations de handicap dans la vie du patient, notamment en société. Ainsi

l’utilisation du mot réadaptation montre bien la volonté des ergothérapeutes de sortir du

paradigme mécaniste pour toucher directement à la vie réelle du patient.

D’après ce que les ergothérapeutes ont rapporté dans les entretiens, les pratiques

actuelles comportent tout de même des héritages du paradigme mécaniste et notamment

l’utilisation d’activités pour travailler de manière ciblée sur une déficience en particulier.

Cependant, le rétablissement du bon fonctionnement des mécanismes internes du patient

n’est pas considéré comme une fin en soi par les ergothérapeutes actuels. En effet, leur but

est plutôt d’améliorer la performance occupationnelle, et pour cela, ils travaillent tout d’abord

les compétences requises à cette occupation. Les activités dites « analytiques » ne sont qu’un

des moyens de la réalisation de l’objectif de performance occupationnelle.

Page 58: une histoire d’ergothérapeutes

52

Lors du changement de paradigme, certains ergothérapeutes soutinrent qu’il était

difficile pour eux d’exclure de leur pratique des techniques, ou certains exercices qu’ils

considéraient comme efficaces et bénéfiques pour leurs patients. Pour eux, certains patients

ne présentaient pas, au début des traitements, le niveau fonctionnel suffisant pour faire des

occupations de manière satisfaisante (English, et al., 1982) (Trombly, 1982). Une étude fut

menée en 1984 par Pasquinelli et montra que les ergothérapeutes accordaient de la valeur à

l’occupation mais qu’ils utilisaient de nombreuses techniques non-orientées sur l’occupation

dans leur traitement (Pasquinelli 1984 citée par (Schwartz, 2013)). Des auteurs comme Ayres

ou encore Trombly recommandèrent que les techniques qui avaient fait leurs preuves

continuent à être utilisées (Ayres, 1958 ; Trombly, 1982 cité par (Schwartz, 2013)). Les

techniques non-orientées sur l’occupation pouvaient être utilisées mais elles devaient être

considérées uniquement comme des méthodes préparatoires à une occupation (Schwartz,

2013).

On peut dire que les ergothérapeutes qui utilisaient et qui utilisent ces méthodes sont

plutôt dans une approche bottom-up. Ils s’intéressent d’abord aux fonctions déficitaires qui

sont considérées comme pré requises à la performance occupationnelle (Trombly, 1993, cité

par (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004)). Cette approche part du principe que le

renforcement des capacités motrices, cognitives ou psychiques de la personne l’amènera à

une meilleure performance dans ses activités de vie quotidienne (Weinstock-Zlotnick &

Hinojosa, 2004). Cette approche s’oppose à l’approche top-down, qui, à l’inverse, s’intéresse

d’abord aux occupations avant les déficiences (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004).

L’approche bottom-up a l’avantage de permettre l’utilisation de nombreux outils

d’évaluation standardisés et validés dont les résultats quantitatifs permettent de voir

l’évolution du patient facilement. De plus, cette approche peut être utilisée dès les débuts de

la thérapie, lorsque le niveau fonctionnel du patient est faible (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa,

2004). Alors que l’approche top-down peut être plus difficile à mettre en place, voir déficitaire

en stade aigu (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004). Les outils d’évaluation de l’approche

top-down sont très souvent qualitatifs et subjectifs comme par exemple l’entretien avec le

patient (Low, 1998 (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004)). Il existe tout de même des bilans

standardisés dans cette approche comme la Mesure Canadienne du Rendement

Occupationnel qui a une bonne reproductibilité et une bonne sensibilité à l’évolution du

patient (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004), le Arnadottir Occupational Therapy

Neurobehabioral Evaluation ou encore le Assesment of Motor and Process Skills (ces bilans

évaluent les conséquences de dysfonctions motrices et/ou cognitives dans les activités de la

vie quotidienne et les activités instrumentales de la vie quotidienne) (Gillen, 2013)

L’approche top-down est plus proche des racines de la profession puisqu’elle se base

sur l’occupation (occupation-based). Elle permet de rester focalisé sur les difficultés

occupationnelles de la personne, un domaine parfois occulté dans le suivi médical (Rogers,

1982) ; et qui devrait être le domaine d’expertise de l’ergothérapie (Christiansen & Baum,

1997 cité par (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004)). L’approche top-down permet aussi de

rester dans une approche « globale », ou bio-psycho-sociale (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa,

2004), puisque l’étude des occupations ne peut se faire sans prendre en compte tous les

facteurs internes et externes à la personne qui interagissent avec la performance

occupationnelle.

Page 59: une histoire d’ergothérapeutes

53

7 Positionnement professionnel

Il parait important que les ergothérapeutes investissent le nouveau paradigme

professionnel. Celui-ci donne lieu à une approche bio-psycho-sociale, qui permet à

« l’ergothérapeute qui a appris à décomposer ce qui est compliqué dans le modèle

biomécaniste » de « s’insérer lui-même dans des situations complexes qu’il ne s’agit plus de

simplifier mais de comprendre et d’élucider » (Botokro, 2006). Le nouveau paradigme permet

aussi un plus grand respect des personnes en situation de handicap puisqu’il promeut une

approche centrée sur le patient. Enfin, le nouveau paradigme propose le retour à l’occupation,

dans les pratiques et dans la recherche.

L’expertise des ergothérapeutes dans le domaine de l’occupation offre un champ

d’action unique et très vaste. Ainsi, il semble intéressant pour les ergothérapeutes de

réinvestir ce concept, en utilisant au maximum l’approche top-down et en ayant des

connaissances solides sur les modèles conceptuels et les théories qui soutiennent leurs

pratiques (Mosey, 1971) ainsi qu’une grande maitrise de l’analyse d’occupation (essentielle

pour un diagnostic ergothérapique et une pratique centrée sur l’occupation (Breines, 2013)

(O'toole, 2011)). La science de l’occupation est aussi une discipline qui semble offrir de

nombreuses possibilités et notamment permettre à l’ergothérapie de répondre aux

problématiques de santé actuelles (Gordon, 2009).

Dans les entretiens et dans les écrits, le terme d’activité est souvent utilisé à la place

du mot occupation. Pour les ergothérapeutes américains cela comporte des risques, comme

l’affirme Doris Pierce1. Pour les ergothérapeutes françaises, le mot occupation est encore peu

utilisé en dehors des écrits inspirés de la science de l’occupation américaine. Cependant

l’utilisation et l’appropriation de ce mot et du concept qu’il désigne, pourrait apporter un plus à

la profession. Cela servirait à la fois une meilleure compréhension des théories issues de la

science de l’occupation américaine et le développement de la recherche concernant

l’occupation en France. En effet, la différentiation des deux termes permettrait une plus

grande richesse lexicale. De plus, le mot occupation en français renvoie communément à

« occuper son temps ». L’utilisation de ce terme par les ergothérapeutes permettrait peut-être

une compréhension de l’ergothérapie comme la thérapie par et pour l’occupation qui permet

à la personne d’occuper son temps d’une manière qui la satisfasse, qui donne sens à sa vie

et qui contribue à sa santé. Les ergothérapeutes pourraient alors investir le concept

d’équilibre occupationnel comme but de leurs interventions. Ce concept cher aux fondateurs

américains, est le sujet d’études récentes en science de l’occupation (Martins, 2015). Il est

défini par Christiansen (1996) et Backman (2005) comme : « un état perçu d’une participation

satisfaisante dans des activités appréciées, des activités obligatoires et des activités non-

obligatoires. Cet état est atteint lorsque l’impact des occupations les unes sur les autres est

harmonieux, cohérent et sous contrôle » (Christiansen, 1996 ; Backman, 2005 cité par

(Backman, 2011)). Tous ces concepts offrent de beaux défis et de belles perspectives à

l’ergothérapie.

1 Cf données conceptuelles p 11

Page 60: une histoire d’ergothérapeutes

54

8 Conclusion

William Rush Dunton, Eleanor Clarke Slagle, George Edward Barton, Adolf Meyer ou

encore Herbert James Hall font partie des grandes figures qui ont fondé l’ergothérapie aux

Etats-Unis il y a cent ans, sur le concept de l’occupation (Kielhofner, 2009) (Bing, 1981).

Inspirés de courants de pensée comme le traitement moral, le mouvement art-and-craft ou

encore l’organisation scientifique du travail (Schwartz, 2013), ils croyaient au pouvoir

thérapeutique des occupations pour restaurer la santé du corps et de l’esprit qu’il convenait

de traiter conjointement (Gordon, 2009). Ils avaient aussi la volonté d’inscrire la profession

dans la science et la médecine (Schwartz, 2013). Les ergothérapeutes se sont petit à petit

investies dans ces domaines et ont adopté des valeurs qui étaient devenues incompatibles

avec les valeurs d’origine de la profession (Schwartz, 2013). Les professionnels se sont

alignés au modèle médical de l’époque en ciblant leurs interventions sur les déficiences des

mécanismes internes de leur patient pour réduire leurs handicaps (Kielhofner, 2009). C’est

dans cette période du mouvement de la rééducation qu’est née l’ergothérapie en France

(Wagner, 2006).

Ce mémoire a pu montrer que l’ergothérapie française et américaine actuelle porte des

marques de ces différents courants de pensée, dans les pratiques professionnelles mais

aussi dans les théories. On a pu noter, par exemple, l’utilisation d’activités artisanales

notamment par les ergothérapeutes françaises ou encore l’importance donnée à

l’indépendance du patient par les ergothérapeutes américaines. Sur d’autres aspects, la

profession a adopté de nouvelles valeurs. Par exemple ; les ergothérapeutes françaises

interrogées ont défini leur profession plutôt autour du concept de réadaptation que de

rééducation, les ergothérapeutes américaines ont parlé d’approche « centrée sur le patient ».

Chaque pays a été marqué à sa manière par sa propre histoire mais on trouve tout de même

de nombreuses similitudes qui peuvent s’expliquer par les échanges franco-américains ayant

eu lieu dans l’histoire de l’ergothérapie.

Aujourd’hui, la recherche se développe et les ergothérapeutes formulent leurs propres

modèles pour assoir leur pratique sur des théories qui leur conviennent. La profession

cherche à la fois à se recentrer sur certains concepts de ses origines, et notamment le

concept d’occupation, et à s’inscrire dans le monde d’aujourd’hui.

Depuis 2003, l’Amercian Occupational Therapy Association (AOTA), a développé « la

vision centenaire » (« centennial vision ») destinée à être la « feuille de route » de la

profession au moment de la célébration du centième anniversaire de la profession. En 2004,

des recherches ont été menées pour connaître les tendances mondiales en matière de

démographie, de sciences de technologie et de santé. En 2005, plus de 1500 participants

(ergothérapeutes, assistants ergothérapeutes, étudiants etc.) réfléchirent sur les 10

tendances considérées comme ayant un impact sur le futur de la profession : le vieillissement,

les coûts en matière de santé, la médecine préventive, les technologies d’assistance, les

valeurs et les choix concernant le style de vie, le stress et la dépression, l’accès à

l’information et à l’apprentissage, la conception de l’environnement pour la vie active, la

diversité croissante des populations, l’évolution du monde du travail. En 2006, la direction de

l’AOTA proposa une vision partagée de la profession : « l’ergothérapie est une profession

puissante, largement reconnue, axée sur la science et basée sur les preuves avec des

professionnels globalement unis et divers qui répondent aux besoins occupationnels de la

société » ainsi que 4 orientations : «construire la capacité de remplir le potentiel et la mission

Page 61: une histoire d’ergothérapeutes

55

de la profession », avec entre autre de développement de la recherche, « démontrer et

formuler nos valeurs aux individus, aux associations et aux sociétés » notamment en

répondant aux besoins sociétaux en matière de santé, « construire une communauté de

membre ouverte », « lier l’éducation, la recherche et les pratiques » (AOTA, 2006).

En Europe, le Council of Occupational Therapists for the European Countries

(COTEC) développe aussi des “plans stratégiques” pour s’adapter aux problématiques

européennes actuelles ; les problèmes financiers qui impactent le secteur médico-social, le

besoin de professionnels travaillant à la santé individuel et communautaire, la problématique

des migrants et des réfugiés. Le COTEC a ainsi formulé quatre objectifs pour les quatre

prochaines années : - développer des partenariats notamment politique pour accroitre la

visibilité de l’ergothérapie et la promouvoir en tant que profession répondant aux

problématiques de société – encourager les membres de COTECT à proposer de

l’ergothérapie de qualité, basée sur l’occupation et sur les preuves dans les domaines de

pratique déjà existants et émergeants – promouvoir des réseaux durables en encourageant

les ergothérapeutes à s’engager dans leurs associations nationales et à affirmer leur

appartenance à la profession – collaborer avec ENOTHE (European Network of Occupational

Therapy in Higher Education) pour former une organisation commune et renforcer l’impact de

l’ergothérapie en Europe (COTEC, 2017).

Par ce travail de recherche, j’ai pu approfondir mes connaissances sur la profession.

J’ai à la fois pris du recul et élargi mon angle de vue. Cela m’a fait prendre conscience

qu’aucune manière de penser ou de pratiquer l’ergothérapie n’est à rejeter complétement. La

profession a été enrichie par tous les courants de pensée qui l’ont marquée. Mais j’ai

également pu me positionner par rapport aux différentes manières d’envisager la pratique

ergothérapique. Et ce mémoire m’a donné envie de m’engager pour l’évolution de la

profession dans le nouveau paradigme. En effet, les valeurs de ce paradigme (le retour à

l’occupation, l’approche bio-psycho-sociale et centrée sur le patient) me paraissent

bénéfiques pour que l’ergothérapie réponde au mieux aux besoins des patients. Enfin, ce

travail m’a amené à me pencher sur la recherche, notamment en science de l’occupation.

Celle-ci me parait très intéressante pour optimiser le pouvoir des interventions

ergothérapiques.

Page 62: une histoire d’ergothérapeutes

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9 Bibliographie

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Page 67: une histoire d’ergothérapeutes

61

9.3 Thèse, mémoire et travaux universitaires

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Morel, M.-C., 2006. Analyse d’activité Et Problématisation. Mémoire. Université Victor Segalen

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9.4 Rapport

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9.5 Textes de loi, décret

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Disponible sur internet :

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(Consulté le 6 décembre 2016)

9.6 Internet

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(Consulté le 4 février 2017).

Page 68: une histoire d’ergothérapeutes

62

Oxford Dictionaries, 2017. Definition of empowerment in English. English Oxford living

dictionaries [En ligne]

disponible sur internet: <https://en.oxforddictionaries.com/definition/empowerment>

(Consulté le 4 mai 2017)

Page 69: une histoire d’ergothérapeutes

10 Annexes

Annexe n°1 : Retranscription de l’entretien exploratoire avec un ergothérapeute américain, expert dans l’histoire de la profession ..................................................................................... I

Annexe 2 : Guide d’entretien ................................................................................................ IV

Annexe 3 : Tableaux présentant les ergothérapeutes interrogées ........................................ VI

Annexe 4 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en gériatrie (Ger-US) ............... VIII

Annexe 5 : Entretien avec une ergothérapeute française en gériatrie (Ger-Fr) .................... XII

Annexe 6 : Entretien avec deux ergothérapeutes françaises en pédiatrie (Pedia-Fr) ......... XVII

Annexe 7 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en pédiatrie (Pedia-US) ......... XXIII

Annexe 8 : Entretien avec une ergothérapeute française en psychiatrie (Psy-Fr) ............ XXVI

Annexe 9 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en psychiatrie (Psy-US) ........ XXX

Annexe 10 : Entretien avec une ergothérapeute française en rééducation (Reed-Fr) .... XXXIV

Annexe 11 : Entretien avec une ergothérapeute américaine et rééducation (Reed-US) ...... XL

Annexe 12 : Tableaux récapitulatifs des thèmes de la partie conceptuelle et historique ... XLIV

Annexe 13 : Tableaux récapitulatifs des thèmes abordés en entretien ............................. XLVI

Page 70: une histoire d’ergothérapeutes

I

Annexe n°1 : Retranscription de l’entretien exploratoire avec un ergothérapeute américain, expert dans l’histoire de

la profession

How do you thing the use of activity has changed in the history of OT?

For an American context, we started to use occupations universally. That changed a lot as we got into the 1930s

1940s, we began to abandon occupations, and we started adapting methods of other professions. For example in

physical disability, we used tools associated with physical therapy, and in mental health we used tools adapted from

psychiatry.

Do your feel like, at the beginning, OT was really occupation-based and then as medicine develop, OTs

also began to use medical techniques, and now we are going back to occupation?

In very broad terms, that’s true but what is interesting is that even at the beginning of the profession, even when they

were occupation based, they still were not always based upon people preference. There was quite a bit of

conversations about what was correct occupational therapy back then. Was it choosing something that was

meaningful and productive for the person or was it just diversional? And a many OT only did diversional activities.

And there were also people who wanted to do activities for an economic prospective as opposed to a rehabilitation

perspective. Even back then, when occupation was broadly used, there were a lot of different ideas about why we

should use occupations.

In what I read about the foundation of OT, I found very interesting to see how many values of the

profession were already present from the beginning, such as the link between physical and mental

health, the client centered approach, the use of environment. Do you think that there is basic values of

OT that have change since this period?

Certainly, things changed and the fact that there were not broad agreement about occupation (economical versus

diversional, versus therapy), make it very easy for the profession to orient on medical. And as we are back to

occupation, as you said, nobody longer describes OT in economic or diversional terms we are only returning to that

segment that is related to personal meaning and relevant for the individual.

When you talk about OT oriented to economic goals do you think they also had in mind the therapeutic

goals to call it OT?

It was mixed. If you read about Herbert Hall, he was very economic oriented. It depend on which of the founders,

they had really different ideas.

And those who were focusing on economic purpose ; do you thing they used occupation on an

economic prospective only to allow the institution to be financially viable or they focus on economic

prospective in order to make the client able to produce something to be able to live once he went out of

the institution ?

Both plus a third reason, they were some people who were interested in the economic to promote the health of the

institution, so the money would go back to the place the people were being cared for. Which, obviously, is a very

different prospective of how we structure our care today.

The benefit of activity was discover much earlier than the foundation of OT; what do you think is the

difference between the use of activity before and after the foundation of OT?

The economic driver was sometimes even more significant before the founding. Many institution used farming or

doing activity to sustain the institution. I think it’s the action of people like Dunton, Burton who tried to bring the focus

more on the therapeutic side than an economic side. This idea changed and progressed over time. Many of these

ideas actually come from European enlightenment with William Tuke in England, Phillip Pinel and Johann Christian

Reil, with moral treatment. But as it came to the state it was not pure occupation, people looked at it pragmatically, to

serve the economic needs of the institution.

Page 71: une histoire d’ergothérapeutes

II

Do you thing, at that time, they used activity such as craft activity so that clients were able to reproduce

it in real life, to be productive and work of the institution?

It was a very different time and craft work was highly valued. Even if the industrialization has begun hand-made

object were still valued, and this was the all-purpose of the art and craft movement, as a response against

industrialization. They used wood work or metal work to get people with disability to be able to do something.

And how does the use of activity changed as the profession became more medical?

OT just lost focus entirely on the practical aspect of returning to occupation. I believe that this probably stayed in

people mind and intention but the tools were no longer used in quite the same way.

So you thing they had the same goals but not the same ways and tools to achieve it?

Yes and it causes some challenges because people have difficulty understanding a profession when there is a

mismatch between methodology and objective. It makes it difficult for people to understand the purpose of the

profession.

And which reasons do you think made the profession return to occupation?

You can see that in the work of Mary Reilly in the Occupational Therapy Department of the University of Southern

California, Los Angeles California. She focused on the original philosophy of OT and the original purpose of the

profession, and with her graduate students laid the groundwork for occupational behavior theory. Have you had any

exposure to Mary Reilly?

Yeh, I heard about her, but I tough it was more Gary Kielhoner who wrote this book about the history of

OT in the 60s or 70s because he wanted the profession to come back to occupation. He did this after

Mary Reilly?

Mary Reilly was his teacher.

What I encourage you to look for is her famous Salgle lecture she did in 1961 “Occupational therapy can be one of

the greatest ideas of 20th century medicine”. If you look at this you will see all her groundwork for return to

occupation.

Some of her most well-known students was of course Kielhofner, but before him Phillip Shannon, Linda Florey,

Cyntia Heard, Janice Setsuko Matsutsuyu, and Janice Burke. Many of them wrote article in the late 60s and early

70s that were the groundwork that Kielhofner pull together and put into a workable model.

I just would like to go back to a subject we talked a little bit earlier ; around the world war II, what was

the reason of the change from occupation focus to medical focus?

I think it has to do with broad social and cultural values. As we began to understand pharmacy, the workings of the

body, sciences continue to expend and the value was to understand things on smaller and smaller level, in 30s and

40s, combined with nuclear science. And OT followed this pattern.

There is another article that I can recommend, I mentioned Phillip Shannon and in 1977 he wrote an article “the

derailment of OT”, and he express Mary Reilley values about why OT have follow the path of reductionism and

medicine and how they should return to occupation.

I was quite surprised that you said that this change occurred in 1930s 1940s. I don’t know if it’s specific

to France, but it seems like we had this change later, after the 2nd WW.

Wars always enhance medical technology tremendously, which is a good product of a horrible event. The medical

technologies increase because of the result of the experience that people get dealing with war injuries. This was true

after WW I, WW II. And now, we see improvement in understanding PTSD, TBI, prosthetic, because of the Iraq

conflict …

But OT started to shift toward medicine before WW II and more and more as time went on.

Do you think all this change occurred smoothly or more suddenly after a specific historical event?

I think it was gradual.

Page 72: une histoire d’ergothérapeutes

III

Do you have any other documentation to recommend to me?

There is a book I could suggest you if you’re working on different time periods. If you talk to people on faculty there,

perhaps someone will have the book. The book is called: “Theoretical basis of Occupational Therapy”. And there is

three authors: Mccoll, Law and Stewart

And also, there is a French doctor who was very influential on the American OT founders. His name was Jules Amar.

He was a very well-known physician in France around WW I, and he did a lot of work around the concept of using

occupation. He had correspondence with George Barton. And Barton was so impressed with him that he wanted Dr

Amar to be an honorary member of the NSPOT. I thought you might be interested because he is from France. I’m

sure there is a lot of old books, I think you could find a lot about this doctor and the work that he did with soldiers

after and during World War I. He was very influential, very occupation based. He came up with many adaptive

equipment.

That sound very interesting! Thank you very much. Thank you for this interview, it was very helpful for

me.

Page 73: une histoire d’ergothérapeutes

IV

Annexe 2 : Guide d’entretien

Bonjour. Je suis étudiante en troisième année d’ergothérapie. Dans le cadre de mon mémoire

de fin d’étude je m’intéresse à certaines pratiques et courants de pensée dans l’histoire de

notre profession. J’aimerais essayer de comprendre quels en sont les héritages dans

l’ergothérapie aujourd’hui. Par cette interview, j’aimerai en savoir plus sur les pratiques

ergothérapiques actuelles et plus particulièrement sur votre manière d’exercer l’ergothérapie.

Hi ! I’m a french OT student. It’s my last year and I have to do a research project to graduate in

June. In this project, I’m working on the practice and the way of thinking of OTs in the history of

the profession. I would like to see what we inherited from them in the current occupational

therapy. With this interview, I would like to know more about the current OT practice and in

particular what do you in OT.

Informations à préciser : Lieu de pratique, population cible, nombre d’année “d’ancienneté”,

année de diplôme

Comment définissez-vous l’ergothérapie/la pratique ergothérapique ? Pour

vous, l’ergothérapie c’est quoi ?

How would you define occupational therapy/ OT practice? For you, what is OT

?

Cette question permet de découvrir autour de quels concepts, le professionnel articule sa

définition (l’autonomie, l’activité, le handicap …).

Quelle sont selon vous les valeurs/principes/concepts primordiales de la

profession ?

What, do you think, are the main values/ideas/concepts/core/principles of the

profession?

Par rapport à la deuxième hypothèse «L’héritage de la période de la première guerre mondiale,

c’est-à-dire la période où l’ergothérapie apparait aux Etats-Unis, consiste en des valeurs

fondamentales, entre autres la vision holistique du patient, et des pratiques utilisant des

activités manuelles pour engager le patient par ses mains et son esprit.», cette question permet

de voir si on retrouve dans les valeurs citées par le professionnel, les valeurs des débuts de la

profession.

Quelles sont selon vous les connaissances nécessaires à la pratique

ergothérapique (connaissance en anatomie/sur les occupations …) ?

What, do you think, are the knowledge that the OT practice requires?

Par rapport à la troisième hypothèse « L’héritage de la période de la seconde guerre mondiale

avec la création de la profession en France, consiste en un ancrage dans des connaissances

médicales », cette question va me permettre de savoir si cela semble important pour les

professionnels.

Page 74: une histoire d’ergothérapeutes

V

Que faites-vous en ergothérapie ? Dans votre pratique quotidienne ?

What do you do in OT? In your daily practice?

Cette question va me permettre de découvrir les différentes activités utilisées par le

professionnel.

Pourquoi utilisez-vous cette activité/technique ?

Why do you use this activity/technic?

Cette question permet d’étudier ce qui oriente le professionnel dans son choix d’activité et ce

que le professionnel recherche par l’utilisation de telle ou telle activité.

Y-a-t-il des théories particulières qui soutienne votre pratique ?

Is there some theories that support your practice?

Cette question permet de savoir si le professionnel met en lien sa pratique avec un modèle

particulier ; si oui, lequel ; si non, pourquoi.

Ou avez-vous appris l’utilisation de telle ou telle activité (formation initiale,

quelle année) ?

Where did you learn this use of the activity (in your initial studies, when)?

Cette question permet de découvrir les “sources” du professionnel, et l’époque de leur

apprentissage. Partant du postulat que les pratiques professionnelles évoluent dans le temps, il

était intéressant de préciser de quelles années viennent les concepts et pratiques citées dans

l’entretien.

Page 75: une histoire d’ergothérapeutes

VI

Annexe 3 : Tableaux présentant les ergothérapeutes interrogées

Santé Mentale

Ergothérapeute américaine : Psy-US Ergothérapeute française : Psy-Fr

- Diplômée en 1999 - Travaille en santé mentale depuis 18 ans - Lieu de pratique actuel : hôpital (les

patients sont en hospitalisation complète pour plusieurs semaines à plusieurs années)

- Population cible : personne présentant une schizophrénie, une dépression majeure ou encore des troubles de la personnalité

- Diplômée en 2011 - Travaille en santé mentale depuis 6 ans - Lieu de pratique actuel : 70% CIAMM

(centre intersectoriel d’activité à médiation multiple, structure intra-hospitalière ouverte à tous les patients hospitalisés et à ceux qui sont suivis en extra-hospitalier), 30% CATTP (centre d’activité thérapeutique à temps partiel)

- Public cible : patient présentant tout type de pathologie psychique chronique ou non (hors phase aigüe)

Rééducation adulte

Ergothérapeute américaine : Reed-US Ergothérapeute française : Reed-Fr

- Diplômée en 1978 - Travaille en rééducation depuis son

diplôme (à domicile, en hôpital de jour, en hospitalisation de longue durée), spécialisée en neurologie (elle est formatrice en techniques neuro-développementales)

- Lieu de pratique : centre hospitalier universitaire, séjour de courte durée (stade aigu)/centre d’entraînement à la conduite

- Public cible : patient en unité de soin intensif, en cardiologie, en orthopédie, en médecine générale, en neurologie/personne souhaitant apprendre, ou continuer à conduire (avec des pathologies comme la maladie de parkinson, la sclérose en plaque, ou encore des blessures médullaires)

- Diplômée en 1979 - Travaille en rééducation depuis son diplôme

(traumatologie ou neurologie) - Lieu de pratique actuel : centre de

rééducation, en hospitalisation complète - Public cible : patient ayant eu un AVC, ayant

été amputé ou ayant subi un polytraumatisme

Page 76: une histoire d’ergothérapeutes

VII

Pédiatrie

Ergothérapeute américaine : Pédia-US

Ergothérapeutes françaises : Pédia-Fr

- Diplômée en 1982 - Travaille en pédiatrie depuis 12

ans - Lieu de pratique actuel : centre

pédiatrique (proche d’un cabinet libéral avec différente profession) et « early intervention » (programme dans chaque état américain qui prend en charge des enfants de 0 à 3 ans ayant des troubles du développement. Dans la mesure du possible, les services doivent être délivré dans « le lieu de vie naturel » de l’enfant ; à domicile, à la garderie …)

- Public cible : enfants (de 0 à 17 ans) ayant des troubles du développement (trouble de l’intégration sensorielle, paralysie cérébrale …)

- Diplômée en 2007 - Travaille en libéral

depuis 7 ans - Lieu de pratique actuel :

cabinet libéral et structure pour des enfants qui ont des troubles du langage et des problèmes de surdité

- Public cible : enfants ayant des troubles des apprentissages ou adultes, personnes âgées pour des aménagements du domicile

- Diplômée en 2004 - A majoritairement

travaillé avec des enfants depuis 13 ans

- Lieu de pratique actuel : cabinet libéral, service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), foyer d’accueil médicalisé avec des adultes autistes et polyhandicapés.

- Public cible : enfants ayant des troubles des apprentissages ou adultes, personnes âgées pour des aménagements du domicile

Gériatrie (EHPAD)

Ergothérapeute américaine : Ger-US Ergothérapeute française : Ger-Fr

- Diplômée en 2014 - Travaille en gériatrie depuis son diplôme

(un peu plus de deux ans) - Lieu de pratique actuel : département de

rééducation lié à une maison de retraite - Public cible : personnes âgées venant au

court terme en rééducation (short term care), et vivant dans la maison de retraite (long term care)

- Diplômée en 2005 - Travaille en gériatrie depuis 2006 - Lieu de pratique actuel : Etablissement

d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes, EHPAD (depuis 9 ans et demi) et Pôle d’Activités et de Soins Adaptés, PASA

- Public cible : personnes âgées résidant à l’EHPAD, et personnes présentant des troubles de la mémoire, venant à la journée au PASA

Page 77: une histoire d’ergothérapeutes

VIII

Annexe 4 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en gériatrie (Ger-US)

First, can you just tell me where do you work, with which kind of clients, how many years have you been

working in this area and when did you graduate?

I work in a small town, in XXX. I work actually not for the nursing home itself, they have a contracted company that

constitute the rehab department. So I’m actually part of a contracted company ____ a little over two years. I

graduated with my master’s degree in 2014… What else would you like to know?

Can you just … I sorry I didn’t hear everything. So you are working in a nursing home but you are not …

the nursing home doesn’t pay you directly, they pay someone who hires you?

Yes, we’re not considered employees of the actual nursing home.

But you still work in a nursing home with elderly adults?

Yes

And how many years have you been working … two years in this nursing home?

Yes, a little over two years.

So my first question is: how would you define occupational therapy? For you what is OT?

Well, specifically working in the population that I do … working on improving people quality of life by making them

more independent with bathing, dressing, toileting, bed mobility. We also look at other things like splinting,

positioning, pain those kind of things to improve their life anyway possible.

Ok, so for you, what do you think are the main values of the profession? The core, the principles of the

profession?

To be able to serve others and be able to have them do whatever is most important for them, to be able to get back

to doing.

Do you consider that you are doing rehabilitation in the nursing home or not at all, you’re just making

life as pleasant as possible?

We have a short term rehab witch, mostly those people are not going home and they’re only there for a short time

but then there is others that come for short term rehab and transition into long term care. And for the long term care

population, that’s where we address more the positioning, the splinting _____ those continue to do what’s important

for them.

For you, what are the main knowledge that the OT practice requires? What are the knowledge should

have to be a good OT?

Definitely being able to do the basic things like testing range of motion, manual muscle testing, have some idea of

biomechanical principles and the neuro principles to be able to work in this type of population. Have a good

therapeutic rapport with your patient is really important and definitely being empathetic to their needs and theirs

challenges and to be able to collaborate with them to get the best results.

And is there any knowledge that are very specific to OT that other disciplines do not have and that an

OT needs to practice? Is there any knowledge that you need to practice that other disciplines do not

have?

As compare to ______ physical therapy, we are more specialized in toileting and bed mobility. Although, there is

some overlap, OTs mostly deal with those kind of things … I’m trying to think what other things there are. Any type of

fine motor, visual type of things are very unique to OT. PT doesn’t really work with any vision … anything and neither

speech therapy… that might be all I can think about.

Can you tell me more about what you do in OT, what you do in your daily practice?

Well, a typical day for me, I usually start of by doing an ADL with … I chose one of my patients. And we go through

their morning routine as if they were at home and that’s how I base my further treatment intervention, about their

Page 78: une histoire d’ergothérapeutes

IX

challenges that they face and coming up with easier ways for them to be able to do things. The rest of my day … we

usually spend in a rehab gym. We work on all sort of things; strengthening, fine motor skills, functional endurance

type of things, visual tasks. We do some dynamic tasks, standing and sitting.

What about what you do with the patients who are living there, who are not doing rehabilitation? What

are you doing with people who are really living in the nursing home and who won’t go back home

anyway? Are you working with them?

Yes, I do have some patients of my caseload right now that I’ve been working with. Specifically I’m working with one

patient right now that had a fall and she fractured her elbow. So we have been working on some fine motor

coordination because she broke her dominant arm. So we’ve been trying to work on fine motor skills for the left and

some strengthening to help with transfers because that was her biggest challenge. The other, I’m working on _____

joints of an individual with carpal tunnel. So we’ve been working on some of that and to be able to strength up the

hand a little bit and some sensory things too, cause she has decreased sensations. Typically, the nurses or an

orthopedic doctor or a regular primary care doctor ____ decide whether they are appropriate for therapy or not. The

biggest thing is the level of participation. Some people have nothing to do with therapy and we have to respect their

wishes of course, we want to try to help them as best as we can but they ____ know what happen. So there is a little

bit more challenge with that. But we go through the same process as if we were working with a short term rehab

patient. The goals are just a little bit more specific.

So for you what would be the difference between working in your kind of setting with elderly adults,

compare to working in a rehab clinic? What is the difference for you?

I like being right in the patient’s room because that is their environment and to be able to work on those very specific

things to them. Whereas working in a rehab department there is not as … I mean there is definitely things we can

work on, it’s just not always as specific. So I like actually being able to do a self-care task as if these people were at

home going through their routine.

And is there any difference regarding the age of the client? Do you think that your practice is different

because it’s an elderly adult and not a 30-years-old man? Does is change something for you in your

practice?

Sometimes it makes a difference, other times it doesn’t. Usually somebody that … in their 30s or 40s that are coming

for rehab, are typically more high-functioning that your 90-years-old patient. But we still work on the basic goals to be

able to get them back home. It’s just, sometime the older population doesn’t have to do more higher level task like

medication and cooking, and those types of things where sometime younger might have that kind of responsibilities

too.

Are you working with adults with dementia? Are you sometimes working on cognitive skills?

Not specifically with people that already have dementia. A lot of time we’ll do a little screen to decide whether they’re

safe to go home or if speech therapy need to get involved too to work on other cognitive skills. A lot of times we try to

use compensatory strategies but it’s hard to get a lot of carry over because of the dementia it just depends on the

stage of dementia they are at. So in that scenario, usually the care giver education and things like that are most

important.

And for the patients who are living in the nursing home, are you sometime doing treatment for people

who start to have dementia and the way they live in the nursing home is going to change because they

have dementia … Are you sometimes dealing with that?

Not generally, I mean we work on … cause a lot of time people have trouble with being able to figure out how to eat.

So a lot of time we look at feeding because they forget how to feed them self. But a lot of time we try to do more

compensatory things for them and we have to teach the care giver because a lot of times they don’t really

understand all of the components that go along with dementia to be able to relate to them a little bit more but we

don’t specifically address the dementia itself it’s more related to self-care needs.

When you say that you are doing education with the caregiver, if the person is living in the nursing

home, are you doing education with the nurses or … who are you educating in this case?

If it’s somebody that is living in the nursing home ____ more likely specifically the CNAs (Certified Nursing Assistant)

that work with these individuals. And if it’s somebody that is going home and they need more help to educate the

caregiver on things that they could do to help them to be safe to stay home and be able to meet their needs in order

Page 79: une histoire d’ergothérapeutes

X

for us to make a safe discharge for them to go home. So we do some education on what dementia is and how to

relate to them if it’s very new to these people. But mostly in the long term care part we do the CNA training.

So you told me a little bit about the activities that you use in your treatment. You told me about what

you are doing in the OT room with the dynamic exercises and those kind of things. Could you tell me

why you use those activities specifically? How do you chose an activity? Why do you chose this activity

in particular?

Definitely, the dynamic standing or sitting balance and functional endurance are really big ones that I address a lot of

time, because these people are at higher risk for falls. PT is also working with them on gait training and things but I

like to have them working on unsupported standing so if they are pulling up their pants or trying to bend down to get

something of the floor safely. Those are pretty important. A lot of time people have other comorbidities, especially

related to the heart so they might have congestive heart failure which also significantly impact their endurance. A lot

of time we have to do oxygen curve management and overall I thing everyone can benefit from doing standing task

because they are sitting most of the day. It’s good for them to get up and get things moving a little bit so that they’re

not losing muscles and things like that.

Is there any theories that support your practice? Any theories that support what you do in your

practice?

Yeah, definitely the neuro theories we use especially with stroke patient, or people with MS (multiple scleroses), or

people with traumatic brain injuries. Definitely the biomechanical is used a lot because there is a lot of physical

dysfunction that we get from the hospital, so there are total knee replacements, total hip replacements. And then we

definitely use client-centered models too, to be able to work on specific needs for that person.

And how do you use these theories in your practice? How do you relate those theories to what you do

in your practice?

So with the stroke patient, I like to work on the diagonal movements, weight baring, and things like that, for some

neuro reeducation. Getting to know the person, the things that they like to do is helpful to be able to tailor different

interventions that might be motivating for them, to be successful and work on their other goals while doing something

that’s fun and meaningful.

The activities that you are using now, everything that you are doing now in your practice, could you tell

me where did you learn those techniques or those activities? Did you learn it in your initial studies or

did you learn it in other formations that you did during you career? Could you tell me where and when

did you learn what you are using right now in your practice?

We learned the basic principles in school and then I participated in some clinics that we had on campus and

definitely when we went out into our field periods, I learned different techniques and things from other therapist that I

watched, supervisors that I’ve had, other co-workers that I’ve had. They have taught me different techniques and

things that they have found that were helpful to them. I’ve also been to a couple of continuing education courses to

get more experience with those kind of things, specifically the stroke things because that’s a theory that I enjoy

working with most in that population. So I want to be able to have more tools for me to use because not every stroke

patient is ever going to be the same so that’s where I … The hands on part is really where I learned the most.

The things that you learned in your neuro formation, was it things that you didn’t learned at all in your

initial studies?

Yeah, I would just implement, a little bit further the foundational knowledge that I had learned in college. And to be

able to see how it actually work with somebody is reassuring and things like that … based on the things that I have

learned in school already and just have never been able to get the hands on with it as a student.

Did you feel prepared when you graduate to be an OT? How did you feel about that?

Yeh, I felt prepared. I mean, it’s definitely a big transition from being a student from being a clinician yourself. But as

you watch other more experienced therapist and have other co-workers that you can bound ideas of ____ when I

started I had two jobs to begin with, initially I worked as an OT at another facility XXX, I still work there now it’s very

different between the two settings but I work for a skilled nursing facilities for both of my jobs and the jobs that I work

at full times, there is only two OTs, me and another person. Whereas at my other job, there is a lot of clinicians so

I’ve got to see a lot of different things.

Page 80: une histoire d’ergothérapeutes

XI

Where was the other place where you worked?

I work at a skilled nursing facility, it’s called XXX. My grandma is actually a long term care resident there, I was also

a student there. So I really enjoy working there because I like to hear what other therapists have done with my

grandma

I think, that’s everything I had to ask you, thank you very much !

Page 81: une histoire d’ergothérapeutes

XII

Annexe 5 : Entretien avec une ergothérapeute française en gériatrie (Ger-Fr)

Pour commencer est-ce-que vous pourriez me préciser votre lieu de pratique, votre population cible,

votre nombre d’année d’ancienneté et votre année de diplôme.

Je suis à temps plein à la maison XXX qui est un EHPAD, je suis à mi-temps sur le PASA ou je m’occupe de

personnes présentant des troubles de la mémoire et à mi-temps sur deux secteurs de l’EHPAD. J’ai eu mon diplôme

en 2005 et ça fait 9 ans et demi que je suis à la maison XXX.

Donc ça fait 9 ans et demi que vous travaillez avec une population âgée?

Un peu plus, depuis 2006 avec une population âgée.

Ok, du coup ma première question, c’est ; comment est-ce que vous définissez l’ergothérapie et la

pratique ergothérapique ? En gros, pour vous l’ergothérapie c’est quoi?

(rire)

C’est vaste. Je n’ai que des questions très vastes.

Oui, je me doutais bien. L’ergothérapie pour moi c’est pallier la perte d’autonomie en modifiant, que ce soit

l’accompagnement, l’environnement ou … on peut faire plein de chose en fait. Pour moi c’est vraiment pallier à la

perte d’autonomie.

Et du coup, pour vous, quelles sont les valeurs primordiales de la profession? Les principes peut-être,

qui sont chers à tous les ergothérapeutes ?

Par rapport à ?

Les valeurs qui sont portées par tous les ergothérapeutes.

Ça vous parle ou pas du tout ?

Si, si, si, je réfléchi juste … il y a l’écoute des personnes dont on prend soin, la personnalisation et je dirais une prise

en compte globale de la personne.

Est-ce que vous pouvez développer un petit peu plus quand vous dites personnalisation et prise en

charge global ? Qu’est-ce que vous sous-entendez par la en fait ?

Personnalisation c’est, on n’a pas d’accompagnement type, même, quel que soit la pathologie, le tout c’est que ce

soit adapté à chaque fois à une personne, et à une problématique. Et cette personne vivant dans un environnement

qui les est propre, il faut absolument prendre en compte tout ce qui peut l’entourer.

Pour vous quelles sont les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ? Quelles sont les

connaissances dont n’importe quelle ergo qui sort du diplôme a besoin pour être une bonne ergo ?

Déjà des connaissances au niveau des pathologies qui va être la base pour mieux comprendre les troubles. Une

connaissance de toutes les interactions qui peut y avoir autour d’une personne, dans quel système la personne vit et

quelles sont les interactions entre chaque intervenant, chaque …

Ce n’est pas évident comme question.

Quand vous dites quelles interactions il peut y avoir vous parlez en terme de psychologie ?

Ben sur tout en fait, c’est ça le truc. Ça demande de bien comprendre comment la personne vit … par rapport à son

environnement, au lien qu’il peut avoir avec d’autres personnes, d’un point de vue matériel, de beaucoup de choses,

de vraiment tout son environnement global.

Page 82: une histoire d’ergothérapeutes

XIII

Est-ce qu’il y a d’autres choses, d’autres connaissances qui vous paraissent primordiales pour être

ergothérapeute ?

Au niveau connaissance … après ça dépend ce qu’on appelle connaissance. Connaissance, compétence ou …

Vous pouvez développer …

Après, je considère que pour être un bon ergothérapeute il faut savoir aussi transmettre et travailler en équipe. Ce

qui est la base aussi … ce qui pour moi me parait vraiment très important. Et connaitre chaque champ professionnel

pour pouvoir bien intervenir auprès de chaque personne.

Ça marche. Du coup est-ce-que vous pouvez m’en dire un petit peu plus sur ce que vous faites en

ergothérapie ? De manière générale, votre pratique actuelle … qu’est-ce que vous faites en

ergothérapie ?

Moi j’ai deux postes qui sont assez différents. J’ai deux secteurs avec à peu près 70 personnes, ou là j’accompagne

les personnes dans leur dépendance, à tous les stades ; d’un point de vue matériel, d’un point de vue,

accompagnement un peu plus global pour que ce soit adapté à chaque personne et en fonction de ses difficultés.

Donc là je fais beaucoup … il faut que je forme beaucoup les soignantes qui interviennent auprès des personnes

dans la compréhension des pathologies et des personnes en elle-même, comment on peut intervenir auprès d’elles.

Et sur mon mi-temps au PASA, là j’ai plus en accompagnement des personnes mais de l’équipe aussi qui entoure

les résidents qui sont accueillis au PASA, avec un rôle de coordination par rapport au service ou les personnes

vivent. Du coup au PASA, elles ne viennent qu’à la journée donc pour que tout soit cohérent.

Et du coup en termes d’accompagnement des personnes, est-ce-que vous pouvez donner des

exemples ? Qu’est-ce que vous pouvez proposer aux personnes en ergothérapie ?

Au PASA ou ?

Les deux, dans les deux contextes

Concrètement ?

Oui, voilà

Ça va être installation d’aides techniques au déplacement, d’aides techniques en général, en fonction de ce que la

personne souhaite pouvoir faire malgré son handicap ou sa difficulté, donc ça peut être au niveau des repas, de la

toilette, de la chambre, des déplacements, des loisirs. Ça va être aussi essayer d’adapter l’accompagnement qu’on

peut proposer au sein de l’EHPAD pour que ce soit adapté, au niveau du rythme de vie, des animations qu’elle

peuvent faire ou pas. Il y a tout un accompagnement aussi, plus quand la dépendance est importante, un

accompagnement au niveau du confort, au niveau du matériel qu’on peut mettre en place pour ces personnes-là. La

formation des soignants par rapport aux manutentions. Je propose aussi un atelier mosaïque pour trois personnes.

Après c’est très vaste … ça peut être aussi des interventions au niveau de la structure en elle-même, des travaux

qui peuvent être faits, des réflexions par rapport à une organisation. Du coup je pense que les ergo ont aussi un

regard à avoir là-dessus.

Et au niveau du PASA, c’est de la mise en place d’activités, bien repérer les troubles de chaque personne pour

savoir comment on peut aider cette personne dans des activités ou qu’est-ce qu’on peut lui proposer pour que ce

soit vraiment adapté et pour la soutenir malgré sa maladie. Je fais beaucoup de formation aux soignants aussi, plus

par rapport aux troubles cognitifs, pour une meilleure compréhension et pour un meilleur accompagnement des

personnes. Je fais beaucoup de lien avec les familles aussi pour … dans la compréhension de la maladie e t de ce

qu’on peut ou pas proposer au PASA.

Et du coup, dans tout ce que vous proposez aux résidents, quel est votre objectif de manière globale ?

… oui voilà, dans tout ce que vous proposez est ce qu’il y a un but particulier que vous visez de

manière générale ?

C’est que les personnes vivent au mieux leur perte d’autonomie que ce soit physique ou psychique.

Page 83: une histoire d’ergothérapeutes

XIV

D’accord, et au niveau de … vous m’avez parlé d’une activité mosaïque, vous m’avez aussi parlé

d’activités au niveau du PASA, quels sont vos objectifs dans ces activités ?

Alors au niveau de l’activité mosaïque il y a des objectifs au niveau maintien des capacités de préhension, plus au

niveau physique on va dire et aussi tout ce qui est créativité et investissement dans l’activité que je recherche

beaucoup dans mon atelier.

Auprès de personnes qui présentent des troubles de la mémoire, on est plus sur du maintien des capacités, praxies,

gnosies, etc. mais aussi la valorisation des personnes. Et voilà, essayer de soutenir ce qui va encore pour que la

personne se sente bien et reconnue.

Et du coup, dans ces objectifs, en quoi l’activité mosaïque ou les activités que vous pouvez proposer en

PASA, en quoi elles permettent en particulier de répondre à ces objectifs-là ? Je ne sais pas si ma

question est très claire ?

Pas du tout !

Par exemple l’activité mosaïque, en quoi cette activité-là en particulier permet de répondre aux objectifs

que vous m’avez dits ?

Ah oui, pardon. Ce n’est pas tant l’activité qui m’intéresse, ce n’est qu’un moyen de parvenir à mes objectifs. Après,

il se trouve que la mosaïque plait beaucoup aux personnes âgées. Et c’est au fil de mon expérience ici où au début

je proposais de la peinture, du macramé, avec toujours les mêmes objectifs mais il s’est avéré que la mosaïque à

un côté très valorisant pour les personnes et crée beaucoup de lien avec les familles chez ces personnes-là. Du

coup c’est venu petit à petit.

Et du coup, dans l’accompagnement que vous proposez, en quoi l’accompagnement des personnes

âgées dans le contexte dans lequel vous travaillez est différent des autres domaines de l’ergothérapie ?

En quoi c’est différent d’un centre de rééducation, en quoi c’est différents des autres domaines de la

gériatrie ou un ergothérapeute peut intervenir ? En quoi le contexte dans lequel vous travaillez et la

population auprès de laquelle vous travaillez, fait différer votre pratique des autres domaines de

l’ergothérapie ?

En quoi, ça diffère ? Et bien parce que je fais partie d’un environnement particulier donc je pense que du coup on

développe des compétences ou des activités qui sont en lien avec l’endroit où l’on travaille et les besoins, là où l’on

travaille. Je pense que les objectifs de tous les ergo sont les mêmes mais après on n’a pas les mêmes moyens. Moi

j’ai des gens qui vivent ici, déjà c’est un lieu de vie donc ça va pas être la même chose qu’en rééducation ou les

gens ne sont que de passage. Après il y a des pathologies particulières liées à la gériatrie avec beaucoup de poly

pathologies ___

Est-ce que vous pensez que l’approche thérapeutique d’une personne plus jeune ou d’une personne

âgées en EHPAD et d’une personne âgée en centre de rééducation seront différentes ? En terme

d’objectifs et en terme d’activités que vous allez proposer.

Ça va forcément être différent, puisqu’on ne va pas forcément avoir les mêmes objectifs. ___ Enfin les objectifs

principaux vont être les mêmes. Les moyens vont pas forcément être les mêmes. Moi je ne fais pas, par exemple,

de prise en charge individuelle puisque j’ai beaucoup trop de monde par rapport à mon temps de travail. Donc je

suis plus sur un accompagnement beaucoup plus global, beaucoup en lien avec les autres professionnels pour que

ma pratique, ma vision des choses se retranscrivent en fait sur … enfin pour que ce soit efficace sur la personne il

faut que ça passe aussi par d’autres professionnels que moi.

Par exemple dans les formations que vous proposez aux autres soignants, ça porte surtout sur quoi ?

J’en ai fait beaucoup diverses et variées, beaucoup sur la manutention, d’un point de vue très technique, tout ce qui

est positionnement, positionnement des personnes, mais aussi de sensibilisation ___ polyhandicap, ça peut être de

la malvoyance, malentendance, troubles cognitifs. C’est plus comment on peut tout prendre en compte, pour

accompagner au mieux la personne. Là où je trouve qu’on est très spécifique, c’est qu’on sait différencier … quand

on voit une personne, on sait si c’est d’ordre physique, psychique, cognitif, sensoriel. On a cette capacité à pouvoir

différencier tout cela, ce qui n’est pas le cas d’autres professionnels. Et c’est là où je trouve qu’on aide énormément

les équipes, les équipes soignantes à accompagner les résidents.

Page 84: une histoire d’ergothérapeutes

XV

Et du coup justement par rapport à cette spécificité, vous diriez que le fait qu’il y ait une ergothérapeute

dans un EHPAD, ça apporte … est ce qu’il y a d’autres choses dans lesquelles ça apporte un plus, où il

y a vraiment cette spécificité de l’ergothérapeute qui apporte un plus à l’EHPAD ?

Oui, il y a tout le domaine … parce que c’est vrai qu’on est assez spécialisé dans l’accessibilité. Par rapport à ça,

moi j’ai beaucoup œuvré pour, quand il y a des travaux que je puisse adapter pour que tout soit pensé pour telle ou

telle problématique en prenant en compte le handicap visuel, auditif, sensoriel, cognitif, physique. De ce point de

vue-là, ça peut être aussi pour … on va acquérir bientôt un nouveau véhicule adapté donc c’est vrai que là-dessus

l’ergo a vraiment une spécificité qui est très intéressante pour les établissements. Voilà entre autres, c’est difficile de

faire le tour de tout.

Ça marche, du coup ma prochaine question, ce n’est pas une question piège, il n’y a pas de mauvaise

réponse. Est-ce qu'il y a des théories qui soutiennent votre pratique?

____ je vais avoir du mal à répondre à la question

Vraiment théories au sens large, n’importe quelle théorie qui soutienne votre pratique

Je n’ai plus trop en tête toutes les théories de l’ergothérapie. Après moi je suis vraiment dans quelque chose de très

systémique, très global.

Et du coup, en quoi le fait d’avoir une approche avec la théorie systémique, qu’est-ce que ça va …

comment vous utilisez cette approche ?

Disons que, c’est pour ça que je travaille beaucoup avec les autres professionnels, pour vraiment leur faire

comprendre tous les enjeux de l’accompagnement et que du coup ce soit beaucoup plus … enfin je trouve que c’est

beaucoup plus efficace comme accompagnement que si moi je faisais que quelque chose dans mon coin et sans en

parler aux autres. Je n’y vois aucuns intérêts. Du coup en prenant en compte tout l’environnement et toutes les

personnes qui peuvent interagir avec le résident, c’est beaucoup plus complet. Ça m’est arrivé aussi de faire des

formations aux bénévoles.

Les bénévoles qui interviennent dans quel cadre?

C’était de l’aide au repas

Et donc là, vous interveniez auprès d’eux pour …

Pour les sensibiliser au poly handicap

Ma dernière question ce serait, est-ce-que … ce que vous utilisez là, dans votre pratique actuelle, où

est-ce que vous l’avez appris ? Est-ce que c’était dans votre formation initiale ? Est-ce que c’était dans

d’autres formations que vous avez faites plus tard?

Beaucoup viennent de ma formation initiale, après je me suis un peu plus spécialisée par rapport à la manutention

avec la formation GAPA. J’ai fait aussi des formations escarres et positionnement pour des … c’est vrai qu’on a de

plus en plus de cas de personnes très … qui ont besoin d’installation spécifiques au lit ou au fauteuil. Après j’ai eu

des formations par rapport au ___ comment accompagner la personne donc c’était la validation de Naomi Feil par

exemple. Et après, beaucoup d’échanges aussi avec d’autres professionnels qui m’ont aussi appris beaucoup de

choses, que ce soit psychologue, diététicien, orthophoniste.

Et du coup vous diriez que quand vous êtes sortie du diplôme vous vous sentiez prête ? Vous vous

sentiez suffisamment préparée ou au final vous avez presque plus appris après votre diplôme

qu’avant ?

___ forcément évolué mais la formation initiale donne une manière de voir les choses, qui reste. Après on peut

apprendre des choses très techniques, se spécialiser dans des choses par rapport aux problématiques qu’on peut

rencontrer sur le terrain on va dire. Mais non, je pense que quand même, j’ai gardé beaucoup de choses de la

formation initiale, plus d’un point de vue d’une manière de penser, de voir les choses, d’agir.

Page 85: une histoire d’ergothérapeutes

XVI

Est-ce que vous pourriez me décrire un peu cette manière de penser qui vous vient de votre formation

initiale ? C’est un regard particulier ? Comment … est-ce-que vous pouvez m’en dire plus?

Eh bien, le fait de prendre en compte la personne de manière globale, de bien comprendre toutes les personnes,

tous l’environnement humain et matériel qui peut interagir avec la personne, là je pense que c’est vraiment la

formation de base qui donne ce genre de … après il y a quand même toute la mise en place d’objectifs, parce qu’on

ne travaille pas à l’aveuglette, on a toujours un objectif et ça c’est quelque chose, je pense, qui est primordial… la

recherche de solutions, si dans nos connaissances à nous on en a pas … je pense que c’est la formation de base

qui la donne.

Voilà, je crois que c’est toutes les questions que j’avais à vous poser. Merci beaucoup!

Page 86: une histoire d’ergothérapeutes

XVII

Annexe 6 : Entretien avec deux ergothérapeutes françaises en pédiatrie (Pedia-Fr)

Juste pour commencer est-ce-que vous pouvez me préciser votre lieu de pratique, votre population

cible, votre nombre d’année d’ancienneté et votre année de diplôme.

Alors, là on travaille au cabinet XXX. On est une équipe pluridisciplinaire donc 12 professionnels, avec 3

ergothérapeutes, 4 orthophonistes, 1 psychomotricienne et 4 neuropsychologues. On est à peu près 12 avec des

temps partiels, des temps pleins, des remplacements, ça change un petit peu. Je travaille dans le cabinet depuis

l’année 2011, du mois de septembre 2011. Et je suis diplômée depuis 10 ans.

Ok, donc 2007?

2007, c’est ça. J’ai travaillé à Paris d’abord dans un CAMS (Centres d'Action Médico-Sociale Précoce), ensuite j’ai

travaillé en libéral à Paris et ensuite je suis partie une année à l’étranger. Et j’ai atterri à XXX en 2011.Et

actuellement, je travaille aussi dans une structure qui s’appelle XXX pour des enfants qui ont des troubles du

langage et des problèmes de surdité.

Du coup votre population cible au sein du cabinet libéral c’est plutôt quoi ?

Alors c’est surtout des enfants, des troubles des apprentissages, des dys. Et on a aussi des personnes âgées ou

des adultes qui vivent des situations de handicap et qui ont besoin de conseil en aménagement du logement, de

conseil pour leur quotidien. Mais le gros de notre population c’est quand même les enfants. C’est pour ça aussi

qu’on est installé en équipe pour pouvoir avoir un regard un petit peu multiple sur les situations des enfants qui ont

des problèmes ___ scolaires.

Ok, donc voilà c’était juste un peu pour préciser d’où vous venez, ce que vous faites. Voilà, comme

j’interroge des ergothérapeutes dans différents domaines, j’ai besoin de ce genre d’information. Du

coup ma première question ce serait ; comment vous définissez l’ergothérapie et la pratique

ergothérapique? Donc en gros, pour vous, l’ergothérapie c’est quoi?

Par rapport à moi, l’intervention que je fais dans mon métier, c’est vraiment le handicap au quotidien…Ah il y a ma

collègue qui me retrouve. Elle va pouvoir compléter un petit peu les choses. Je vais mettre le micro en haut-parleur.

Bonjour

Bonjour!

(À sa collègue), donc là la question c’est « qu’est-ce que c’est l’ergothérapie au quotidien ? Qu’est-ce que c’est

l’ergothérapie pour moi ?»

Donc on va prendre l’angle de notre pratique. Donc nous on a surtout des enfants, donc par rapport aux enfants,

c’est vraiment comment ils vivent leur handicap au quotidien et comment on peut les aider à compenser ces

situations de handicap, compenser ces difficultés dans cette sphère. Donc on est surtout dans la sphère

« connaître », donc les aider à écrire, les aider à utiliser les outils scolaires pour pouvoir suivre leur scolarité et on a

un regard évidement sur la sphère personnelle, comment ils sont au quotidien, est-ce qu’ils sont aussi en difficulté

pour les activités du quotidien donc les repas, la toilette, l’habillage. Du coup on travaille tous ces trucs-là en

essayant de garder un côté ludique quand même donc on travaille ça par des jeux, des activités rigolotes.

Du coup selon vous, quelles sont les valeurs primordiales de la profession ? Quand je dis valeurs, c’est

tous les principes, les valeurs qui sont chers à tous les ergothérapeutes ?

« Valeur » ce sont des grand mots, mais sinon ce serai plus avoir une approche globale, savoir à qui on a affaire et

pouvoir tenir compte des difficultés de la personne aussi, ce qu’elle est, elle, dans sa vie, dans son quotidien.

Il faut savoir vraiment s’adapter en fait, ne pas reproduire une situation. Enfin chaque enfant est différent et il faut

être à l’écoute de leurs demandes et ne pas rester dans nos valeurs à nous.

Proposer un accompagnement adapté, individualisé

Il y a l’empathie aussi et … l’imagination ?

Oui la créativité

Page 87: une histoire d’ergothérapeutes

XVIII

Et du coup pour vous, quelles sont les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ?

Quelles sont les connaissances que n’importe quel ergo doit avoir pour être un bon ergo quand il sort

du diplôme ?

Je trouve que déjà quand _____ tu sais tout ou rien.

Quand tu sors des études tu as une vue d’ensemble, mais tu n’es pas spécialisée. Tu n’as pas encore de … tu es

spécialisé un petit peu par ton mémoire parce que tu as creusé quand même un sujet, sur lequel tu as passé du

temps. Mais moi j’ai commencé le libéral assez tôt dans mon expérience professionnelle et j’ai trouvé que c’était

difficile parce qu’il fallait aller chercher plein d’informations et il fallait s’adapter à plein de situations nouvelles, avoir

l’air d’être crédible alors que tu sors de tes études donc t’as pas forcément d’expérience sur laquelle t’appuyer. Je

trouve que les connaissances que tu dois savoir c’est que justement tu as encore plein de trucs à apprendre ! Savoir

que tu as encore beaucoup de choses à creuser.

Mais du coup dans les connaissances justement, qu’est ce qui serait à creuser ? Quelles

connaissances vous ont manquées à la sortie du diplôme ? Quelles connaissances vous ont servi le

plus?

Je dirais que … moi j’ai suivi une formation en Belgique, j’étais à Bruxelles pour mes études. J’ai trouvé que j’avais

eu une formation quand même assez solide en termes de connaissances théoriques. Je savais, quand je suis

arrivée sur le terrain, je connaissais, j’avais toujours entendu parler des pathologies mais je les avais plus ou moins

étudiées, plus ou moins rencontrées et j’en avais pas une connaissance vraiment pratique, je ne savais pas ce que

ça représentait, à part les stages que j’avais faits. J’avais rencontré par exemple, des personnes qui avaient fait des

AVC, des troubles neuro mais bon, ça restait des stages ou on est moins impliqués, il y avait moins de

responsabilités.

Moi j’ai commencé par de l’humanitaire donc c’est un peu différent, ce qui m’a servi c’était toutes les connaissances

qu’on avait dans la recherche d’information justement et dans … comment aller rechercher des informations

comment organiser … plus dans la forme que dans le fond des connaissances

Plus de la méthodologie de recherche ?

Oui c’est ça exactement.

Après les connaissances qu’on avait … moi j’ai fait mes études à Créteil. Les connaissances qu’on avait sur le corps

humain sain, c’est quand même une bonne base après quand tu … enfin moi j’ai trouvé quand j’ai débuté, pour me

rendre compte justement des difficultés, repérer les situations de handicap et améliorer _____. C’est déjà pas mal

de bien connaitre le corps.

D’accord. Alors la question suivante est assez vaste mais vous pouvez développer autant que vous

voulez. Qu’est-ce que vous faites en ergothérapie ? Dans votre pratique quotidienne, qu’est-ce que

vous faites ?

Qu’est-ce qu’on fait en séance avec les gens ?

Oui, qu’est-ce que vous faites en ergothérapie ?

Il faut structurer la réponse parce que la question est assez ouverte donc l’idée c’est de voir un petit peu le public

qu’on a. Quand on est avec des enfants qui ont des troubles des apprentissages que ce soit physiquement, des

troubles du geste, de la coordination, et aussi des troubles du graphisme ; on va vraiment travailler sur tout ce qui

est motricité fine. On va à la fois utiliser … mettre les enfants en situation de difficulté, pour pouvoir évaluer leurs

difficultés. Ce n’est pas très agréable pour eux mais on est obligé de poser les choses pour savoir d’où on part. Et

après, par exemple pour le graphisme, une fois qu’on aura évalué les difficultés à l’écrit, on va savoir un petit peu ce

qui est plus difficile, on va savoir si ce sont des difficultés perceptives, ou plutôt attentionnelles ou plutôt gestuelles,

et en fonction ce que nous aura dit le bilan on va orienter notre prise en charge. Faire un petit peu dans ces

sphères-là. On va travailler tout ce qui est motricité fine. On va travailler aussi tout ce qui est …

En fait on peut proposer des exercices analytiques comme déplacer des pions, chercher des objets dans des bacs

de graines ou de riz, manipuler des objets.

Travailler sur le sensoriel, on va travailler sur le canal kinesthésique mais … puis là aussi, comme je disais tout à

l’heure, sur le canal visuel.

Page 88: une histoire d’ergothérapeutes

XIX

Comment vous aller … quelles activités vous aller utiliser pour faire ça par exemple ?

On travaille pas mal à partir d’une méthode d’écriture, lecture qui s’appelle Youpla-Go, pour faire du graphisme et

qui s’inspire de plusieurs autres méthodes.

Donc par exemple, là, c’est pour ça que je parlais des différents canaux kinesthésique, auditif, visuel. Après on va

aussi utiliser les jeux qu’on trouve dans le commerce ou spécialisé et qu’on adapte en fonction de l’objectif qu’on

vise donc … ça va être dur de te citer tous les jeux ! On peut passer aussi par des livres de coloriage du commerce

ou spécialisé. On peut vraiment utiliser tous les supports. L’idée c’est de l’adapter et après, de complexifier pour

atteindre notre objectif.

Et du coup dans le choix de vos supports, qu’est ce qui va vous orienter dans le choix d’un support ou

d’un autre ? Qu’est ce qui va faire que vous allez vous orienter vers un jeu ou un autre ?

C’est le jeune, en fonction de ce qu’il aime bien. Tu vois ce matin j’ai reçu en bilan un petit garçon qui a 6 ans et qui

n’écrit pas du tout. Il est en CP, il n’écrit pas. Et c’est un truc qu’a été vu en bilan, déjà en psychomotricité, en

neuropsy, en orthophonie. Donc déjà quand j’ai vu tous les bilans, je me suis dit : « il y a déjà plein de choses qu’ont

été faites donc je vais essayer de proposer des choses qui n’ont pas encore été faites et puis pas forcément d’être

sur l’évaluation puisque l’évaluation est faite. Il faut que je lui propose plus des outils, de voir ce qu’on peut

envisager comme outil de compensation, comme matériel. » Donc il y a évidemment l’ordinateur mais comme c’est

un tout petit, l’idée c’est quand même de lui proposer une rééducation à l’écrit. Donc ça je pense que ce sera fait par

la psychomotricienne parce qu’il y a un suivi qui a déjà commencé. Mais du coup moi je peux compléter par des

outils de compensation, donc différents types de stylo, différents types de feuilles. C’est un enfant qui a tendance à

bouger donc il peut y avoir aussi des aides techniques à ce niveau-là…. Je ne sais plus trop de quoi on parle

Des activités qu’on utilise …

Il y a aussi tout ce qui est écologique, donc quand on se rend compte que … par exemple lui, j’évaluais un peu la

sphère des AVJ (activités de vie journalière) et je me rendais compte que c’était un peu compliqué … enfin je me

rendais compte … ce n’était pas vraiment une surprise parce qu’on est dans un profil de dyspraxie, un profil dys. Je

l’ai mis en situation sur tout ce qui était les boutons, les fermetures, les scratchs, les lacets … bon les lacets il est

encore petit mais c’était compliqué. Donc on se rend compte qu’il y a des choses à reprendre. Et aussi on a mis en

place différents types de groupe, on a notamment un groupe cuisine une fois par mois. Et donc j’ai imaginé que c’est

un groupe qui pourrait avoir du sens pour lui puisque c’est une activité qu’il aime bien et qui est compliquée pour lui

au quotidien.

Et du coup ces activités de vie quotidiennes que vous travaillez, donc là par exemple vous m’avez parlé

du groupe cuisine, mais par exemple vous me parliez de faire ses lacets, mettre des boutons ect,

comment vous allez intervenir sur ces activités ? Comment vous aller vous y prendre pour apprendre …

pour travailler ça avec l’enfant ? Quelles sont les activités que vous allez utiliser pour travailler la vie de

tous les jours ?

On a des exercices un peu analytiques. On avait fabriqué un … un peu comme les kits d’autonomie, où on apprend

avec les boutons, les fermetures éclair, les lacets. Après quand ils viennent je vais demander à l’enfant de retirer

son pull parce qu’il fait chaud, de s’installer sur un tapis donc il faut retirer les chaussures, les chaussettes et puis

après on les remet, en situation.

On a des outils, des petits jeux qui nous permettent de travailler ça en amont et ensuite d’arriver sur l’objet même de

la difficulté, donc des jeux de laçage, de manipulation fine. Il y a une méthode aussi pour le laçage ____ et puis on

leur explique, on joue en faisant des lacets. Moi ça m’arrive aussi de leur montrer des vidéos sur YouTube. Il y a des

ergo qu’on fait des petites vidéos avec des Play mobiles et des machins qui leur parlent.

Du coup ce qui oriente votre choix vers une activité … vous avez parlé d’activité plutôt analytique et de

l’activité en elle-même que vous voulez travailler. Ce qui oriente votre choix vers une activité ou l’autre

c’est de d’abord commencer par de l’analytique pour aller ensuite vers l’activité que vous voulez

travailler. C’est dans cet ordre-là ou ça dépend des prises en charge ?

Ça dépend des enfants.

On essaie d’avoir les prérequis pour les lacets, la bonne pince, la bonne motricité, la bonne coordination. Et après

on passe aux lacets.

Page 89: une histoire d’ergothérapeutes

XX

Ok, du coup ça c’est pour les enfants dys. Est-ce que vous avez des enfants avec d’autres

pathologies ? Je pense notamment aux enfants avec des paralysies cérébrales, ou ce genre de chose.

On a des enfants avec de ____

Et qui présentent aussi des difficultés praxiques, des difficultés similaires parce qu’il y a aussi des difficultés

procédurales, donc par exemple savoir comment, dans quel sens on prend les choses. Donc il faut être ___ de la

même manière qu’il faut l’être avec des dys. On a des enfants avec des paralysies cérébrales.

Là on intervient sur le quotidien.

Par exemple le jeune IMC qu’on a, il a aussi des troubles des fonctions exécutives et on ramène ça à des situations

de vie quotidienne. Il y a beaucoup d’exercice qui existe sur « comment organiser un repas pour 20 personnes ?

Qu’est-ce qu’il faut que tu fasses ? Comment t’organise les choses ? ». Travailler sur rendre la monnaie par

exemple, c’est un grand il a 15 ans… rendre la monnaie, moi ça m’ait arrivé de travailler pour prendre le bus, se

déplacer seul, trouver le bus. Je lui disais : « il faut qu’on aille dans tel magasin ». Il se débrouillait pour faire le trajet,

prendre le bus et moi je le suis.

Et du coup vous m’avez dit que vous travaillez dans un cabinet où il y avait d’autres professions. Les

professionnels travaillent tous autour des mêmes patients ou les patients que vous avez en

ergothérapie n’ont pas forcément de séance avec les autres thérapeutes ?

Il y a les deux. Il y en a qui sont suivis par plusieurs professionnels et d’autres seulement par l’ergo.

Et du coup quand un enfant est pris en charge par plusieurs professionnels, qu’est ce qui va

différencier votre approche et votre prise en charge de l’approche et de la prise en charge des autres

professionnels ?

On ne fait pas du tout les mêmes activités. Après il y a souvent des aspects communs, des interventions communes

avec la psychomotricienne en général. Mais du coup on s’est distribué les choses, on s’est redistribué les rôles. On

est parti du principe que la psychomotricienne intervenait plus sur tout ce qui était motricité … après ce n’est pas

tout noir ou tout blanc mais elle intervient plus sur tout ce qui est motricité globale, la latéralité, l’aspect corporel et

puis tout ce qui est angoisse, agitation ou avec les enfants qui prennent jamais de décisions, qui restent un peu en

retrait. Et ensuite, nous on va être plus sur tout ce qui est activités scolaires donc écriture, utilisation des outils

scolaires comme la règle, le stylo, le compas.

En sachant qu’avec un enfant qui a des problèmes de motricité globale et des problèmes à l’écrit, elle va faire les

choses dans l’ordre mais ça ne l’empêchera pas de faire écrire ce gamin. Et nous on prendra le relais à un moment

donné si c’est nécessaire mais l’idée ce n’est pas non-plus de décupler trop les prises en charge parce que c’est

fatiguant pour les enfants donc il faut faire ça en bonne intelligence.

Après il y a des professionnels avec lesquels on est complémentaires, comme les orthophonistes quand on met en

place un ordinateur avec les logiciels. Ça nous arrive de faire des séances en commun pour voir comment … par

rapport à la reconnaissance des mots par exemple, quelles sont les capacités de l’enfant par rapport à la

reconnaissance des mots et après adapter le logiciel. Donc on est complémentaire.

Alors la question suivante n’est pas du tout une question piège. Il n’y a vraiment aucune mauvaise

réponse. Est-ce qu’il y a des théories particulières qui soutiennent votre pratique ? C’est vraiment

théories au sens très large, n’importe quelle théorie qui soutienne votre pratique.

Je sais pas parce qu’on n’est pas dans un courant psy particulier parce que ce n’est pas notre approche. On est

dans une approche … je ne sais pas moi.

Ecologique déjà, ça c’est sûr. Autrement des théories en tant que telles non.

Théories ou modèle?

Moi quand j’ai fait mes études on ne nous parlait pas trop des modèles. Alors que quand je lis les mémoires, je vois

que toute, vous utilisez vos … les modèles je les découvre en lisant les mémoires.

Il y en a dans lesquels vous vous retrouver plus particulièrement ?

… il y en a un qui est très écologique mais là je me souviens plus.

Page 90: une histoire d’ergothérapeutes

XXI

Donc du coup dans toutes les activités que vous faites avec les enfants en particulier, est-ce-que vous

savez ou-est-ce que vous avez appris l’utilisation de telle ou telle activité ? Est-ce que c’était dans votre

formation initiale ou est-ce que c’était par la suite ? Est-ce que c’était en stage ou dans des formations

que vous avez fait par la suite ?

Moi je trouve que la formation initiale a permis de…

De s’ouvrir sur le fait qu’une activité peut être faite de mille façons différentes après je pense que c’est la pratique

qui fait que … voir, par exemple, quand ma collègue utilise une activité d’une façon à laquelle je n’ai pas pensé que

je dis « ah mais oui ». C’est la pratique et l’expérience qui fait que …

Oui et puis c’est surtout, on s’est aussi enrichi par le fait de travailler ensemble. On fait des réunions pour pouvoir

travailler ensemble. On fait aussi des visites à domicile ensemble parce qu’on trouve qu’on est plus intelligent à

plusieurs et puis aussi de travailler avec d’autres professionnels pour avoir un autre regard, ça permet d’élargir un

petit peu notre …

Les formations ça aide mais dans les formations tu restes sur … enfin il y a de la pratique mais tu fais plutôt de la

théorie sur la pratique.

Après il y a les formations ___ c’est intéressant quand même.

La formation Youpla-go, tu travailles sur des problématiques très claires. Tu te formes avec les professionnels en

fait.

Vous trouvez que les formations que vous avez faites après votre diplôme étaient plus

professionalisantes … plus pratiques que votre formation initiale ?

Disons qu’elles étaient spécialisées dans ___ alors que la formation à l’école elle est assez large. Ça te spécialise

un peu dans un domaine, l’enfance, la gériatrie, l’aménagement du domicile.

Par exemple, à l’école j’ai très peu vu les troubles dys. J’ai vu les troubles dys mais plus dans un contexte d’IMC. La

dyspraxie, ce n’est pas du tout la même dyspraxie que je côtoie aujourd’hui dans le cabinet par exemple.

Il y a une question que je ne vous ai pas demandé ; les enfants que vous recevez dans votre cabinet,

comment est-ce qu’il arrive chez vous ? Et quand il arrive, qu’est-ce qu’ils savent de l’ergothérapie ?

Est-ce qu’ils savent déjà ce que c’est et qu’est-ce qu’ils en savent ?

Ils n’en savent rien du tout en général. Ils nous sont envoyés par les écoles, par les neuropédiatres, par nos

collègues

Soit par des parents qui cherchent tous seul sur internet. Il y a plein de biais. Des parents qui cherchent sur internet,

qui voient que ergothérapeute c’est pas mal et qui tape ergothérapie Rennes… et aussi par les écoles

Le bouche à oreille. La par exemple, le jeune que j’ai eu ce matin, il est venu parce que … c’est un hasard en fait

c’est la maman qui était collègue avec une ergo.

Et quand c’est comme ça, qu’est-ce qu’ils savent de l’ergothérapie et qu’est-ce que vous vous leur dites

quand ils arrivent ?

Les enfants ils ne savent pas grand-chose mais …on les voit pour le bilan en premier, donc je leur explique pourquoi

on doit faire le bilan. Je ne leur explique pas forcément l’ergothérapie, je leur explique pourquoi on fait le bilan et

pourquoi derrière on va pouvoir les aider ou pas. Mais je ne vais pas dire l’ergothérapie c’est ça ou ça.

Il faut expliquer aux parents par contre, qui ont été orientés en orthophonie puis en psychomotricité et qui finalement

se retrouvent en ergo. Et qui nous disent : « je comprends pas ». Ça peut arriver d’expliquer aux parents ce que

c’est. Et du coup, je vais plus dire : « l’ergo c’est plus dans les activités du quotidien que ce soit scolaire ou privé » et

puis comparer après avec la psychomot, ou elle, elle intervient sur la motricité globale, ce que nous, on ne fait pas

… mettre le cadre de l’ergothérapie.

Mais faut pas s’imaginer qu’en arrivant, ça y est, les gens connaissent l’ergothérapie. Non, les gens ne connaissent

pas l’ergothérapie, mais même les médecins.

Mais du coup ce qui va les alerter ça va être plutôt le graphisme ou plutôt la vie quotidienne ? Sur quelle

activité ils vont tiquer et dire « ben là c’est une ergo qu’il faut » ?

L’aménagement de logement

Page 91: une histoire d’ergothérapeutes

XXII

Les maisons de retraite nous sollicitent aussi pas mal pour les positionnements

C’est vrai qu’ils connaissent plus l’aspect aménagement, installation que tout ce qui est rééducation, graphisme.

Alors qu’avec des enfants vous faite plus de rééducation que d’aménagement …

Ah ben oui, oui

Ça marche. Juste pour la personne qui est arrivée en deuxième, est-ce-que vous pourriez me préciser

votre … lieu de pratique du coup je sais, population cible, mais votre nombre d’années d’ancienneté et

votre année de diplôme

Mon diplôme c’est 2004 et donc ça fait … 13 ans !

Vous avez fait 13 ans avec des enfants ?

Non, j’ai fait la majorité avec des enfants mais j’ai aussi travaillé en centre de rééducation adulte en neurologie.

Sinon pour la population, vous avez la même population … à la fois des enfants … enfin beaucoup plus

d’enfants mais à la fois des enfants et des adultes ?

Je suis à 50% en libéral donc enfants, adultes et maison de retraite et à 30% dans un SESSAD (service d'éducation

spéciale et de soins à domicile) donc enfants avec un handicap moteur et 20% dans un foyer d’accueil médicalisé

avec des adultes autistes et polyhandicapés.

Ça marche. Merci beaucoup pour cet entretien

Page 92: une histoire d’ergothérapeutes

XXIII

Annexe 7 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en pédiatrie (Pedia-US)

Could you just tell me precisely where you work, who are your clients, when did you graduate and how

many years have you been working in your domain.

So I work at a pediatric facility called XXX in XXX. And I service children in early intervention and preschool as well

as seeing children in the clinic. I have been practicing occupational therapy for over 30 years.

Ok and during those 30 years, have you always been working with children?

No I had some work with pediatrics or I have worked in adult neuro so I worked with adults with strokes or spinal

cord injury.

But for the last 12 years I have been in pediatrics.

Ok. So my first question would be: how would you define occupational therapy? What is OT for you?

Occupational therapy is facilitating the children’s ability to participate in their daily functional tasks, so that could be

play, it could be self-care, it could be engaging in social participation with other children. So whatever is preventing

them from doing their occupations, their daily tasks, Then I’ll try to analyze what those factors are that are getting in

the way and then try to facilitate that to improve functional performance.

So, for you, what are the main values of the profession?

It’s helping children be able to function more independently for some it’s children being able to be happ ier. I mean

I’ve seen some children that are afraid of being on a playground and not playing and being afraid of a swing or

children with cerebral palsy that can’t play you know they don’t engage with other children because playing is so

challenging for them. So the reward is getting them to … you know … participate and then being able to be more

independent, you know even as simple as a child being able to tie their shoes is very rewarding

What I mean is more what are the main ideas, the values that are commune for all OTs, the ideas that

any OT have in their practice

I think the biggest value is helping people being more independent and being able to function more independently in

their routine, whatever age

Is that what you’re asking?

Yes I think you answered

Yes, for me it’s always to help the person to be able to do more for them self than they could before they had OT.

For you, what are the knowledge that OT practice requires? What are the knowledge that any OT should

know before practicing OT?

What an OT needs to know is all the science that is required such as anatomy and physiology, basic biology,

neuroanatomy, so an understanding of how the body works because if you don’t have the understanding on the …

biomechanics and also neurophysiology then it’s going to be difficult to understand what it is that you need to do as

an OT. But beside all the sciences, I do think you need to have a good background in the psychology piece as far as

understanding human behavior, and that’s at any age, children up to adults and also just developing those skills in

being able to facilitate participation and so, most of those falls on the line of psychology that’s why I think we have

such a nice mix because we have both sciences and psychology

I think another thing that is a basic for Occupational therapy is an understanding of activity analysis, so being able to

look at a task and then break it into steps because if you can’t do that then it’s hard to figure out how to help a

person being more independent so I think an understanding of activity analysis is an important piece of occupational

therapy as well

My next question is very broad and I already saw a little bit of your practice but just answer as if I didn’t

know you at all. So my question is: what do you do in OT?

As a pediatrics therapist, first of all in early intervention and preschool, I travel into the child ’s home or into their

preschool and I work with them in their natural setting, that’s very different than working in the clinic. I get an

assessment of what a child can or can’t do in their home and work with them and their family as far as what their

Page 93: une histoire d’ergothérapeutes

XXIV

goals are and then search to develop a treatment plan to facilitate those goals. So if it’s a child that has difficulties

sleeping or transitioning or playing with a sibling or engaging with the family then that’s what I work on, in that

setting. If I’m in a preschool setting then I’m looking at what skills they need to function in that preschool setting, in

that classroom and then I also, as part of my practice treat individuals that come to our outpatient clinic so when they

come there, it’s not their natural setting, it’s a clinic setting but I’m looking at those client factors so what they are

having difficulty with as far as physically or from a sensory prospective or behaviorally and then work with the family

and the child in improving those skills so again ______ that are identify by the child and the family, the parents.

And how do you do to work on different skills? What kind of activity do you do with them?

That depends, I mean ____ the child has sensory based needs then I’m looking at what aspects of sensory

processing they have difficulties with, if they have a high threshold or a low threshold to certain sensory input then

I’m going to work on different sensory systems so I might be trying to improve their tolerance to vestibular input for

movement and so we might be doing stuff with swings or rotary movements or linear movements. If it’s a child that

needs more proprioceptive input then we’re going to do a lot more of heavy work, input to their muscles and joints,

so climbing, crawling ___ resistive

If I have a child with cerebral palsy, and I need to work on trying to decrease tone in their arm I might do splinting, I

might do weight baring activities, more neuro-developmental treatment. So it depends on really what the concern is.

Again with children with orthopedic disability, then I might be doing something more with biomechanics and trying to

improve biomechanics in the arm or the hand to improve function that way. So it really depends on the diagnosis and

the underlying factors that are preventing them from participating in their functional tasks.

So your goal, when you use whatever activities, your goal is always function?

Yes, always function … always

And how do you relate your activities with function, how do you do this connection between what you

do in your practice and the function? For example at the end of the treatment do you work on the

function that you wanted to work on?

It might be the function specifically, if it’s being able to button a shirt or tie shoes or hold a pencil correctly. Then it

might be working specifically on that task. If it’s working on improving eating then we might also being just working

on eating but before that we might have done some sensory play with different textures to try to reduce some tactile

or oral aversions so that might be something at the beginning of the session and at the end of the session actually

doing the task. If it’s working on sleep which I can’t do in the clinic and not so much at home then we might just talk

about, with the parents, activities or suggestion that will help improve sleep so it will be more of parent education at

that point. If we’re working on transitions, it might be again more parent education but we might be working on

transitioning from one play activity to another play activity in the clinic. If a child want to be able to play with a certain

toy then maybe we play with toys that are similar to that so they can do that activity at home.

Is there any theory that supports your practice? Any theory that you use … that supports your practice?

Definitely motor learning theory which is also … to me it incorporate neuro-developmental treatment so: motor

learning, neuro-developmental treatment and also sensory integration. Those are the three, probably the biggest.

And then sometime just, biomechanical also. I would say those theories are probably the biggest theories that we

use … adaptation, as well, which falls sometimes into the rehab model

And how do you use these theories? How do these theories help you in your practice?

I’m using the principles of the theories. So, if I have a child … for instance … recently I have a young child who is not

really moving just sits on the floor, so it’s an infant, like a 8 months old, he’s not crawling at all. So I’m going to use

the concepts of neuro-developmental treatment and also motor learning theory, to facilitate crawling so I’ll practice

that, I’ll do hands on hand, but I know what the developmental steps are for crawling. So I’m going back to that

theory and using that and facilitating that and providing some hands on but also providing opportunity for problem

solving so that the child learns how to crawl over an obstacle on their own so they’re doing some problem solving

within that environment so that’s kind of motor learning theory. If I’m using sensory integration theory then I’m going

to use all that I know about all the sensory systems, vestibular and proprioceptive and incorporate what I know about

those sensory systems and how I can facilitate ____

So if I’m working with a child and I need to use a sensory integration theory, then I’m going to use the principles of

that theory, everything I know about the sensory systems and incorporate those principles into my treatment session.

If it’s a child who requires splinting then I’m going to use all that I know about biomechanics and the biomechanical

principles to improve range of motion ___ I’m using the principles of the theory in my practice all the time.

Page 94: une histoire d’ergothérapeutes

XXV

And the theory that you use depends on the pathology of your client?

Yes, I would use different theories with different children for different reasons. What are the reasons why they can’t

participate in an activity, is it because of weakness, is it because of difficulties with sensory processing, is it because

of increased tone, is it … they just can’t motor plan … so depending on that reason I’m going to … it makes me

decide which theory I’m going to use.

I have one last question: the activities that you use now in your practice, where did you learn to use

these activities? Did you learn it in your initial studies or did you learn it after when you did other

formations during your career? When and where did you learn these activities?

Some of the basics, I learned that in school so my neuro anatomy, anatomy and physiology, you know the basic

foundational skills. The psychology, all of that was learned in school. _____ has been learned through practice and

learning from others. Some of that has been learned by attending numerous conferences over the years. I try to go

to one or two every years. And so those extended educational experiences help me refine my skills and help me

build on … you know there is a lot that has changed especially in theory development from when I went to school

and graduates in 1982. So there is a lot that changed, so it’s important to stay current. So I definitely can’t rely just

on what I learned in college but it’s what I’m learning currently at news conferences and workshops.

For example, when you start to work with children … before working with children you were working

with adults with stroke in a neurology service … so did you have to learn or re-learn something specific

or … how did you do to change your domain of practice?

Definitely, ___ I start ___ learning more treatment approaches like within … you know specific techniques maybe

with the sensory integration. But when I worked with adult neuro, I did a lot with motor learning and neuro-

developmental treatment and those are the same things that I’m using in pediatrics so that was just working on a

little person instead of a big person but using those same concepts that I was using from those foundational skills

and theories.

Ok, thank you very much for your answers. Thank you very much for this interview.

Page 95: une histoire d’ergothérapeutes

XXVI

Annexe 8 : Entretien avec une ergothérapeute française en psychiatrie (Psy-Fr)

Pour commencer, est-ce-que tu2 pourrais me préciser ton lieu de pratique, ta population cible, ton

nombre d’année d’ancienneté et ton année de diplôme ?

Ok, donc moi je travaille à 70% sur un nouveau service qui vient d’ouvrir, il y a un an. Moi ça fait deux mois que je

suis dessus. Ça s’appelle le CIAMM, c’est l’acronyme de centre intersectoriel d’activité à médiations multiples. Donc

j’y suis depuis deux mois.

Le reste de mon temps je suis sur de l’extrahospitalier, un CATTP (Centre d’Activité Thérapeutique à Temps Partiel)

qui est sur XXX et qui est intersectoriel aussi. Il n’y a pas de secteur de référence.

Pour t’expliquer un petit peu, le CIAMM, donc là où je suis actuellement. Ce n’est pas un lieu de vie. C’est

uniquement un centre de médiation. Donc on est plusieurs professionnels à intervenir sur le centre, donc tu as une

art-thérapeute qui est infirmière de formation et puis plusieurs infirmiers qui sont formés à différentes médiations …

donc eux ils font par exemple, il y a de la relaxation, des espaces verts … donc voila

Donc moi, avant ça j’étais, sur les 70%, dans une unité de vie, toujours en intra-hospitalier donc avec une population

plus de … là c’étaient que des chroniques

Parce que là, la population que tu vois actuellement ce n’est pas forcément des pathologies

chroniques ?

Là aujourd’hui au CIAMM, l’idée c’était de ré-ouvrir un service pour que tout patient déjà hospitalisé sur l’hôpital

puisse bénéficier, s’il le souhaite, de médiation, ce qui n’était pas forcément le cas avant. Il y avait plus cette

possibilité-là depuis quelques années … depuis qu’ils ont sectorisé … alors je ne sais pas si tu as entendu parler de

la sectorisation

Oui, oui … du coup vous ne recevez des patients que de certaines zones géographiques pour que ce

soit plus proche du domicile du patient, c’est ça ?

Voilà, et donc du coup, à l’origine il y avait un centre d’ergo où les patients venaient comme la aujourd’hui et puis

quand la sectorisation est arrivée, on a été rattaché aux services et plus au centre d’ergo … donc là l’idée c’était ça

en fait, en recréant le CIAMM, de pouvoir en faire bénéficier n’importe quel patient

D’accord donc tu vois autant de patients avec des pathologies chroniques, qu’avec des pathologies …

aigues ?

Oui voilà, enfin … pas les phases critiques mais oui ça peut être ça … ça peut être des gens qui vont retourner

domicile deux mois après … il y a vraiment de tout

Du coup, en quelle année est-ce-que tu as eu ton diplôme et tu as combien d’année d’ancienneté en

psychiatrie ?

Alors moi je suis diplômée de 2011, de l’école de Berck et je travaille à XXX depuis 2011 … donc ça fera … bientôt

6 ans !

Ok donc c’était juste pour avoir les informations … parce que, en fait, je fais des entretiens avec des

ergothérapeutes dans différents domaines et c’est aussi important pour moi de savoir … combien

d’année d’ancienneté etcetera … ça change aussi … donc voilà. Du coup, ma première question ce

serait : comment est-ce que tu définirais l’ergothérapie ? Pour toi qu’est-ce que c’est l’ergothérapie ?

Pour moi l’ergothérapie, c’est tout ce qui va toucher à l’autonomie et à la réadaptation du patient dans le sens ou …

pour moi on est là pour pallier à tout ce qu’il savait faire avant et qu’il ne peut plus aujourd’hui … dans tous les

domaines … qui soient

Est-ce que c’est la définition que tu donnes à tes patients quand ils arrivent dans le service ? Ils savent

déjà ce qu’est l’ergothérapie ou tu leur apprends ?

Alors en général … surtout en psychiatrie ... patients comme collègues … quand ils arrivent en ergo, pour eux ils ont

une image de l’ergo plus « les anciens ateliers »… je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire … dans les hôpitaux

2 L’ergothérapeute interrogée avait demandé au préalable, que nous nous tutoyons.

Page 96: une histoire d’ergothérapeutes

XXVII

psy, il y a une trentaine d’année, il y avait des imprimeries, ils y avaient des poteries, il y avait des choses comme

ça. Et c’étaient des moniteurs d’atelier et au fur et à mesure en fait c’était les ergo qui faisaient ça et du coup ça

c’est hyper ancré en psychiatrie aujourd’hui. C’est-à-dire que, on envoie souvent les gens en ergothérapie pour

qu’ils … plus qu’ils fassent des choses pour s’occuper … donc ça je me bats un petit peu tous les jours contre ça …

parce que c’est très souvent qu’on me dit « ah ben tiens, lui il s’ennuie, il ne sait pas quoi faire, tu ne pourrais pas

lui faire faire quelque chose ? » … ça c’est très très fréquent … ce sont des choses qu’on entend quasiment tous les

jours. Donc le patient, en général quand il arrive, pour lui l’ergothérapie c’est fabriquer des choses, c’est faire de la

mosaïque … alors ce que je leur explique c’est que, oui effectivement on se sert de ça, mais s’il y a pas de but et s’il

y a pas d’objectif, ça ne s’appelle pas de l’ergothérapie.

Ok, ça marche … et donc ma deuxième question serait : pour toi, quelles sont les valeurs primordiales

de la profession ?

Hum … vaste question !

Ah oui et je n’ai que des questions comme ça … mais du coup tu es libre de ce qui te vient en premier,

ce qui est le plus évident pour toi …

Moi je dirais qu’il faut être hyper polyvalent. Je pense que c’est la qualité … première, c’est-à-dire qu’il faut être

débrouillard. Il faut pouvoir, toi-même, t’adapter à quasiment toute situation et réussir à trouver le truc qui va

débloquer la situation.

Et en terme de valeur, en terme d’idée, de … peut-être de théorie, est ce qu’il y a des idées qui, pour toi,

sont primordiales pour la profession ? Dans la tête de n’importe quelle ergo il y a ces valeurs qui sont

ancrées … est ce qu’il y a des choses en particulier auxquelles tu penserais ?

En fait, la grosse différence … parce que moi je bosse quasiment essentiellement avec des infirmiers justement et

des aides-soignants … moi la grosse différence que je remarque entre notre profession et les autres soignants

paramédicaux … c’est que nous vraiment, dans chaque situation c’est quasiment un réflexe, on va laisser faire le

patient et on va plus lui poser des questions sur comment il va procéder, alors que les autres professionnels ont

tendance à faire à la place, à montrer comme il faut faire, parce qu’il y a une façon de faire et il n’y en a pas trente-

six … et je pense que c’est ça notre différence … la grosse différence avec nous c’est que nous on va … si le

patient y arrive, en fait, pour nous c’est bon. Donc voilà la grosse différence avec les infirmiers, les aides-soignants

et nous, c’est cette façon de … « je te montre comment il faut faire. Il y a une façon de faire et pas 50 », alors que

nous, peu importe comment le patient va s’y prendre s’il arrive à ses fins, pour nous c’est gagné. Je pense que c’est

vraiment ça la différence … de vision des choses.

Ok, du coup … pour toi quelles sont les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ?

Quelles sont les connaissances primordiales qu’on doit avoir dans une formation en ergothérapie pour

être une bonne ergo ?

Alors là je vais te parler de la psy, c’est là où j’ai de l’expérience. En psy les pathologies, elles sont primordiales,

parce que tu peux avoir des réactions … parfois violentes et si tu ne sais pas que potentiellement ça peut arriver, je

pense que ça peut être très compliqué et puis savoir aussi du coup, quels outils tu peux laisser à quelle personne ou

pas … ça peut être très vite dangereux. Et puis après … moi je trouve que … peut être ce qu’on ne fait pas assez à

l’école c’est du vrai bricolage … entre guillemets, quand je dis bricolage c’est manipulation d’outil parce que je ne

sais pas … maintenant les formations ont peut-être évoluées, moi j’étais à l’école en … j’ai commencé l’école en

2008. Tu vois moi à l’école en TP on faisait beaucoup de mousse, fabrication de mousse de positionnement, on a

fait de la couture, on a fait des marionnettes, on a fait de la vannerie et le bricolage en soi … manipuler des

tournevis, des clefs … ce n’est pas forcément un truc qu’on fait à l’école. Moi personnellement, j’en utilise beaucoup

dans ma vie perso, donc j’ai des compétences la dedans. Mais je pense que ce sont des choses qui doivent pas se

deviner, et je trouve que ça c’est important aussi, d’avoir ça dans les formations. Parce qu’on est tout le temps

amenées à bricoler des trucs, à les adapter, à repercer … si t’as jamais utilisé une perceuse, ben tu ne vas pas

l’inventer

Ça te va ?

Oui, oui ça répond à la question

Tu me dis si je suis à côté

Page 97: une histoire d’ergothérapeutes

XXVIII

Non, non, je pense que tu as répondu à la question, c’est en terme de connaissance, de quoi on a

besoin dans la formation mais je pense que tu as répondu à la question avec les éléments que tu m’as

donné là

Alors j’ai une autre question qui, à mon avis, est super vaste, mais c’est pareil, tu réponds ce qui te

passe par la tête et ce qui est le plus évident pour toi : qu’est-ce que tu fais en ergothérapie ?

Ca dépend du jour et ça dépend du patient ! En fait, selon la demande du patient … ça va changer d’un patient à

l’autre et puis avec un même patient, ça va changer d’un jour à l’autre … il y a tellement, surtout en psychiatrie, il y a

tellement de critères qui rentrent en jeu, notamment le moral, comment il se sent à ce moment-là, s’il y a eu des

frustrations dans la journée ou quoi. Il y a vraiment beaucoup de choses qui vont dépendre de qu’est-ce qu’on va

faire en séance et c’est hyper diversifié, je veux dire qu’il va y avoir des patients pour lesquels je vais bosser

l’attention par exemple … et j’en ai d’autres, par exemple avec une petite déficience intellectuelle, ou ça va être plus

de la médiation expressive ou ils ont juste besoin de s’exprimer autrement que par la parole parce qu’ils n’y arrivent

pas forcément.

Et du coup … tu m’as parlé de travailler l’attention par exemple, qu’est-ce que tu vas utiliser, comment

tu vas faire ?

Alors … actuellement je vais utiliser des choses très basiques de rééducation du style une feuille A4, ou j’ai des

symboles tous les même et puis de temps en temps au milieu des lignes j’ai d’autres symboles et … voilà, des

choses à entourer, à repérer. Après ça peut être un modèle … ça peut être utiliser la mosaïque, un modèle à suivre

… et du coup, là il va falloir se concentrer et faire très attention et la couleur que tu vas mettre après … voilà … je

vais utiliser vraiment toutes les médiations

D’accord, et quand tu parles d’expression, de permettre au patient de s’exprimer, pareil, qu’est-ce que

tu vas utiliser, comment tu vas le faire ?

Alors ça dépend, c’est-à-dire que, soit le patient arrive avec déjà, une idée de ce qu’il a envie de réaliser et donc la,

moi je vais l’aider à mettre ça en œuvre … on va choisir ensemble la médiation … donc ça peut être de l’argile, ça

peut être de la mosaïque, ça peut être … tout et n’importe quoi … pour réaliser l’objet qu’il a envie. Soit le patient a

besoin de s’exprimer mais ne sait pas comment faire et donc là, c’est moi qui vais choisir la médiation et puis, peut-

être que lui va … ça va déclencher des choses. En générale, ce qui marche le mieux quand les gens n’ont pas

d’idées ou quoi, c’est l’argile. L’argile ça marche très bien, parce que il malaxe un peu inconsciemment et puis

après, il y a des formes qui se créent … ils vont … ils se basent là-dessus …

D’accord, et du coup ma prochaine question c’est : pourquoi tu utilises cette activité ou cette

techniques ? Pourquoi tu utilises ces activités là ou ces techniques?

Ça c’est une très très bonne question … je ne sais pas … si parce que je les adapte en fonction du patient, parce

que ce sont des choses qui peuvent s’adapter en fonction des patients … je ne vais pas utiliser toutes les

médiations avec tous les publics … il y a des choses qui vont être plus dur … dans le toucher. Tu vois l’argile c’est

assez doux, mais en même temps ça peut faire ressortir des choses parce qu’il y a des gens qui ne supportent pas

d’avoir les mains sales par exemple. A l’inverse, la mosaïque … t’es obligé de casser quelque chose pour recréer

autre chose … donc dans la symbolique il peut y avoir des choses assez fortes … voilà, ça te va ?

Oui, oui et du coup juste pour compléter un peu, c’est quoi le but que tu as quand tu utilises telle ou

telle activité ? Le but que tu as derrière la tête … s’il y a un but qui n’est pas dit au … enfin voilà je ne

pose pas plus la question. Quel est ton but quand tu utilises cette activité ?

Mon but, ça dépend du patient et de ce qui a été décidé avec l’équipe. Moi quand je commence une prise en charge

avec un patient, l’idée c’est de rencontrer déjà le patient au début, et puis durant cette première approche, ce

premier entretien, moi je lui demande qu’est-ce qu’il vient chercher dans cet atelier, qu’est-ce qu’il vient chercher en

ego et de la … selon ce que lui me dit, on va poser nos objectifs ensemble. Je ne vais pas moi décider de ce qui va

être bien pour lui. Si lui ça demande ça va être … de pouvoir à nouveau prendre le bus … et bien on va tout mettre

en place, ça va être notre objectif vraiment. Après, on va tout mettre en place pour qu’il arrive à cet objectif-là. Donc

dans un premier temps on va avec la patient, je demande au patient ce qu’il a envie et puis après j’aime bien

rencontrer les équipes … pour avoir une idée autre parce que … les patients en psychiatrie ils ne disent pas

forcément tout … et puis pas toujours des choses très … vraies ou un peu erronées et puis savoir aussi, l’équipe

quand elle me l’a envoyé qu’est-ce qu’elle attendait, parce que ça peut être important aussi. Des fois il y a des

patients qui ne savent pas trop pourquoi on les a envoyés et les équipes, soit elles ont une idée et alors là c’est très

bien soit effectivement ça va être de l’occupationnel et du coup il faut que je le sache …

Page 98: une histoire d’ergothérapeutes

XXIX

Ok, alors ma prochaine question n’est pas une question piège, il n’y a pas de mauvaise réponse et tu

me dis vraiment ce qui te passe par la tête : est ce qu’il y a des théories particulière qui soutiennent ta

pratique ? Est-ce que tu utilises des théories en particulier ?

Alors non, je vais te dire très franchement non, parce que … et on le voit avec les stagiaires que l’on a en ce

moment, de plus en plus, c’est-à-dire que moi c’est quelque choses qui n’existait pas dans ma formation. Moi quand

j’ai été à l’école, je crois que j’ai été la dernière promo diplômée avant que ça change, qu’on passe en …

Qu’il y ait la réforme des études ?

Oui c’est ça. Donc je pense que j’étais la dernière à être sur les anciens modèles et c’est vrai que quand on a des

stagiaires qui nous parlent justement des modèles théoriques, des choses comme ça, moi c’est quelque chose qui

ne me parle pas du tout. Moi je n’ai jamais vu ça à l’école, en fait. Donc voilà, après on a des notions de psy de

l’école, c’est vrai que … la plupart du temps, ce n’est pas de l’improvisation mais presque, ça se fait beaucoup au

ressenti aussi.

Et du coup d’ailleurs par rapport à ça : où est-ce que tu as appris l’utilisation de telle ou telle activité,

enfin des activités que tu utilises aujourd’hui ? Est-ce que c’était dans ta formation initiale, est-ce-que

c’était par la pratique, est-ce-que c’était parce que tu as fait d’autres formations après ta formation

initiale ? Là, ce que tu utilises aujourd’hui, ou est-ce que tu l’as appris ?

La majeure partie de ce que j’utilise aujourd’hui, je l’ai appris surtout en stage. En tout cas j’ai vu pratiquer en stage

donc je ne dis pas que j’étais formée à la fin du stage mais … du coup ce sont des choses que j’ai ré-appréhendé

moi, dans un premier temps, seule quand j’ai commencé à travailler et puis avec l’expérience, t’apprends sur le tat

aussi. Mais la majorité ce sont des médiations que j’avais utilisées en stage. Et puis, bien là par exemple, en ce

moment, je suis en train de monter, de mettre en place de la médiation par l’animal et ça c’est une amie à moi qui

est ergo aussi qui est formée à ça elle et qui la du coup, on est en train de monter un partenariat parce que, elle est

en libéral, pour qu’elle puisse venir me former à ça. Donc j’ai découvert ça grâce à elle.

D’accord, je crois que c’est tout ce que j’avais à te demander. Merci beaucoup pour ces réponses.

Page 99: une histoire d’ergothérapeutes

XXX

Annexe 9 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en psychiatrie (Psy-US)

My first question would be: How would you define OT? And how would you define OT practice? For you

what is OT?

I think, for me, the easiest answer is that OT is about helping people become more independent whether it’s areas of

needs due to a physical disability or a mental disability and using activities of function or meaningful, purposeful

activities for the person as a way of building those skills and achieving their independence.

Is that the definition that you give to your client when you have one?

Yeah, that is something that I would say to them.

And usually do they know what OT is before or they learn what an OT is with you?

Yeah usually I need to explain what OT is because most of people think it means I’m going to find them a job.

I forgot to ask you. Can you just tell me where you work? With witch kind of person? I know it a little bit

but more precisely and how many years have you been working in this area and when did you graduate

from an OT program?

I graduated in 1999. I went to college in Pennsylvania and my very first job was at a psychiatric center where I had a

level 2 fieldwork at that site and I really really liked it and thankfully they had a job opening and I have been in the

mental health field for 18 years now.

Ok so you still work in mental health and what is your… what kind of client do you see? Which kind of

disease and which kind of …is it people who just learned their diagnosis or they know it for a long time

and they are learning to live with their disease?

I work with adults, mostly adults. For the most part they may have a diagnosis of schizophrenia, bipolar disorder, ___

affective disorder, major depression, personality disorder those are the big one that I see on a daily basis and I

would say, half of my patient are aware of their diagnosis and they have known about it for several years and the

other half of my patient are learning about their mental illness and they may or may not believe that they have a

mental illness. They have a different level of insight. Some understand and some do not.

You work in a hospital or in a clinic?

It’s an inpatient hospital setting and the patient are very chronically ill so that’s not people who have had an easy

time in the community, it’s people whose illness is quite severe.

How long do they stay in this hospital?

It really depends. Some people may stay a few weeks but the majority of people stay for few years.

Ok thank you. I’m sorry I forgot to ask those general question before starting but it’s ok. You already

answered my first question so I’m just going to continue.

For you what are the main values of OT, of the profession?

I think person centeredness is a big one, valuing the client and learning what they value and using that as a

treatment approach.

Do you think that, the fact that we are client-centered is something very special to OT ? Do you think

that, that’s something that makes us unique?

Yeah I definitely would agree. I think that other professions would certainly say that they are client-centered ;

however, I think occupational therapy is even more so because we’re willing to look at what the client interest are

and what they value and use that in treatment. I think other professions would be interested in the person but their

treatment approach may have nothing to do with what the person enjoy or values in life. You know if you look at the

medical model I think that a lot of doctors would say that they want to be client centered but their approach to

treatment has to be based on medical condition and treatment of those condition ___ involve quite the holistic

approach that OT does.

Page 100: une histoire d’ergothérapeutes

XXXI

And another value might be … I don’t know if it really count as a value but the ability to adapt I think, is another key

to Occupational Therapy because we can take things that the client is interested in and adapt them in such a way

that it becomes a factor of treatment.

For you what are the knowledge that the OT practice requires? Which kind of knowledge do we need to

learn before becoming an OT to be a good OT?

I think I have become more aware that even though your college education is important you have to have a good

foundation of either medical background, understanding of the human body, that way that it works and the mind of

course as well. You have to have an understanding of the lifespan and how pathology may impact people differently

at different ages. You have to be aware of the impact of culture. But I think even more with students now, I’m letting

them know that in life, people don’t really care if you’re an expert in your area. I think we can learn a lot of things as

we need to. I think people are more concerned with how you treat them and how you make them feel.

I don’t think people would care what college, students went to, after they graduate. They’re going to care if they listen

to them, if they treat them respectfully, if they put their needs first, if they feel that there’s that therapeutic rapport.

So you think, being a good OT is more in the relationship with the patient ?

Yes definitely

I have seen very smart students having a very difficult time working with patients because their interpersonal skills

were poor. And I have seen students who were mediocre in the classroom ________ because they had the ability to

be very personable with them.

Academics are very important but at the same time your personality and your ability to establish a therapeutic

relationship with people is even more important.

And what are the knowledge, an OT need in mental health especially? Because maybe in mental health

relationship abilities are even more important. I mean you need it in any OT area but maybe in mental

health it’s even more important. So beside relationship abilities, is there something very important to

know about mental health?

I think you have to have a solid understanding of diagnosis and how they impact the brain and then how that impact

people functioning. You have to be able to understand that this is a true disease that is happening, it’s not something

that the patient chooses. And so the behavior they demonstrate, the difficulties they may have in life are truly

because their brain is not able to function as well. They’re not choosing to have certain behavior, it’s something

that’s stemming from their disease.

My next question is very broad but you can just tell as much as you can. What do you do in OT? In your

daily practice what do you do?

OTs in my daily practice see patients individually for individual sessions but they also see patients in group setting.

So they run a lot of groups which, I think, is different in my setting than in physical rehab setting. The group they may

run will still have to do with teaching skills and helping client being more independent but they may have fewer

individual session.

OK, and what kind of skills do you teach and how?

Skills will range from Activities of Daily Living, to functioning living skills like doing laundry, teaching basic cooking

skills, teaching basic cleaning skills, shopping skills and budgeting but it may also involve mental health education

and teaching people about their illness and teaching people about their symptoms and ways to manage their

symptoms. We might also teach communication skills, social skills, so that people can function better in community

environment or at work, when they go out of the hospital, you know … helping them develop those skills so that they

can get along better with people.

And again we do that in individual sessions as well as group sessions.

And you teach those skills with a very concrete training, like you make people do ADL, the activity that

you want to teach them? How do you do it, in a very concrete way, what do you do with them so that

they can learn those skills?

If it’s a group than we would, kind of like a teacher would make a lesson plan. We might develop a lesson plan for

several weeks for the group and in that lesson plan we might have educational material that we talk about so that

Page 101: une histoire d’ergothérapeutes

XXXII

people understand … let’s say if it’s social skills, we might explain what social skills are and why they are important

but then we would also include a lot of practice. We might use some videos, we might try to put people in situation

and use as close to real life situations as we can so that people can practice the social skills that they are trying to

learn.

And you can do this in the hospital? You have the material to do this? For example for the laundry, you

have a room with all the machine that you need to do the laundry or you go at home with your client to

do it?

In my setting, we are in a hospital so we would teach people laundry and cooking. We have areas that have stove,

refrigerator and sinks on different unit. There is areas where there is washer and dryer available, and we’re teaching

them the skills in the hospital so that they will have the skills when they get discharge to the community. If someone

in being discharge home, then we would go to their home and assess the home as well, and make sure the client is

able to do the skills they ___ as well.

When they don’t return home where do they go after the hospital?

Sometimes to a group home or if it’s an elderly client, they might go to a nursing home. Sometime, they might go to a

supervised apartment setting.

My next question … I don’t know if it works with what you just told me … I was going to ask, why you

use this activity or this technique, but you already told me a little bit.Would you have anything else to

tell me about why you use this technique?

I think for the most part, we use whatever activities we can that … make it as close to real life or as close to the way

that the client would do the task in the community as we can. We try to make it very practical for them so that they

can see them-self doing the task the way that they would at home even if they are not at home.

When you talk about teaching ADL is that for people who never really learn to do those activities or they

use to know how to do them but the disease make them confused about doing those activities? Why are

they not able to do those activities anymore?

It’s mostly because the disease has changes things for the person. And maybe the disease make it difficult for them

to pay attention to the task. Maybe they have very little motivation or interest in their personal hygiene. Maybe they

did it in the past but the illness has changed things. So ADLs are important to work on again to get people into a

good routine and develop healthy habits so hopefully they will continue those even after they leave the hospital.

What about people who, as you said, have very little motivation? Do they choose to go to OT? Or you go

and … I mean how do you do with someone very very depressed who does want to do anything, do you

start your treatment with teaching them things that they don’t do anymore or do you have other

technique to start the treatment?

Actually, I have a couple of new OTs at work and they asked that question. They said: “Am I doing anything valuable

if I’m sitting and talking to the client and the client is not interested in doing any kind of OT type of activities?” I said:

“no that’s perfectly valuable because right now you’re developing your therapeutic rapport, you’re making a

connection with the client and you learn about them”. And as they learn about them they get more information that

are going to help them identify what activities are valuable, what role the client is interested in and they can use that

as ways to motivate them.

Sometimes it takes a little while to figure that out.

Would you say that you start your treatment with individual session and then as the client is feeling

better then you go to a group session? Is it the normal way of doing the treatment or it just depend on

the people?

No that is the typical way. Usually when people come to the hospital their symptoms are worst and therefor you

might need to do individual sessions. And as the symptoms decrease, and the person improves then ____ is able to

join group sessions.

I have another question that can be quite broad: is there some theories that support your practice? Any

theories, any theoretical model that support what you do?

Probably MOHO is the one that jumps out right now although I’ve heard a lot recently about KAWA but I think that a

lot of the new OT really connect with.

Page 102: une histoire d’ergothérapeutes

XXXIII

And how do you use those theories? How do you relate them to your practice?

I think as people start to develop the activity that they are doing with the client, if think they find, they base that on

the principles of the theory. So whatever framework they feel is going to fit the situation then they change or adapt

the activity in a way that match it. So the theory kind of drives the treatment approach and then the activity that might

be ___active for the treatment.

You told me that you graduate in 1999. The technique that you use now, did you learn them during your

initial studies? Did you do other formations during your practice? The activity that you use now, where

did you learn them?

I think I had a little bit of education on them in college. But I learned a lot more when I had fieldwork in a mental

health setting and certainly learned a lot more by having on the job experience.

I think in OT education, the most of what students are exposed to has to do with physical rehab and that make sense

I mean the majority of OT work in physical rehab setting but we have very little on mental health education so I think,

the majority of what I do now and what I have learned is really because of experience on the job.

Did you still feel prepared when you graduate and when you started to work?

Yes, I did feel prepared with my initial studies but I also knew that every employer has their own expectations and

they will hopefully mentor their employees so I knew that I still had a lot to learn but I also knew that there are people

at my job who were going to be helping me learn and helping me grow as an OT. I had good mentors.

Ok, thank you very much for your answers!

Page 103: une histoire d’ergothérapeutes

XXXIV

Annexe 10 : Entretien avec une ergothérapeute française en rééducation (Reed-Fr)

Pour commencer, est-ce-que tu3 peux préciser ton lieu de pratique, ta population cible, ton nombre

d’année d’ancienneté et ton année de diplôme ?

Mon année de diplôme … 79 ! Et mon ancienneté … ici, dans cet établissement ?

Avec la population avec laquelle tu travailles aujourd’hui

8 ans … il y a une partie de la population c’est 8 ans, une autre partie …

J’ai travaillé 10 ans avec des blessés médullaires, 10 ans en hôpital de jour et la … je crois que c’est 2009 … ou je

suis dans un service ou il y a à la fois des AVC, à la fois des polytrauma et des amputés. Donc ça fait 8 ans avec les

amputés, 8 ans avec les AVC mais j’avais déjà vu des AVC notamment en hôpital de jour donc …

Parce que là, aujourd’hui ta population cible c’est …

AVC, amputés membres sup, membres inf et un peu de polytrauma

En hospit complète du coup ?

Oui

D’accord, et tu avais déjà vu ces pathologies-là avant, en HDJ (Hôpital de jour) ?

Oui et un peu dans un autre service pendant 2 ans … 3 ans et les amputés ça fait 8 ans

D’accord et avant ça, ce que tu me disais, tu as fait : hospitalisation complète blessés médullaires ?

Oui, et puis j’avais tous les myopathes, adultes et enfants. Et encore, avant j’étais dans un autre centre ou j’avais de

la neuro mais surtout AVC et avant j’étais avec des ados dans un IME donc rien à voir … en premier poste

En tout cas ; rééduc depuis le début … neuro ou traumato pour la plupart

Oui

Du coup ma première question … alors c’est pas mal de questions larges, tu réponds comme tu le sens,

vraiment ce qui te passe par la tête … donc comment est-ce que tu définis l’ergothérapie ou la pratique

ergothérapique ? En gros, pour toi, l’ergothérapie c’est quoi ?

Je ne vais pas te redire la définition de l’ANFE … mais elle est parfaite la définition de l’ANFE pour moi, moi je m’y

retrouve complétement

Tu peux partir de la si tu veux

Je ne la connais pas par cœur mais quand je la lis, je me dis « oui, c’est l’ergothérapie que j’ai envie de pratiquer ».

Donc c’est de la thérapie avec une partie qui s’intéresse à la personne dans toutes ses activités, dans tout ce qu’elle

est, dans tout ce qu’elle fait, dans tous ses projets. C’est un accompagnement de la naissance à la mort, dans tout

ce qui fait l’activité humaine, donc c’est très vaste. Et donc pour arriver à accompagner au plus près de ce qu’est la

personne, de son … tout dépends si c’est un enfant ou un adulte mais si c’est un adulte … au plus près de ses

valeurs, de ses projets, de tout ce qui fait qu’elle est elle et pas une autre, que c’est Monsieur X et pas Monsieur Y

par exemple et … aussi bien dans ce qui est rééducation dans notre sphère de compétence que le grand volet de la

réadaptation. Pour moi la rééducation pourrait être effectuée pour beaucoup par d’autres professionnels mais ce qui

est réadaptation c’est vraiment le royaume de l’ergothérapie, aujourd’hui. Moi j’ai vu cette évolution en tout cas. Je

pense que on est un petit peu moins dans la rééducation. Mais c’est aussi mon histoire personnelle qui fait que …

je fais encore de la rééducation avec les AVC … c’est très intéressant… après je me dis, ça pourrait être fait par un

kiné. Que ce soit la thérapie miroir, la thérapie contrainte, ça me choquerai pas… même si je n’ai pas envie de

passer le bébé à d’autres collègues … mais j’ai vu cette évolution … c’est l’influence du Québec, des pays anglo-

saxons qui sont toujours en avance. On est quand même dans le train mais un peu dans le dernier wagon. On suit

comme ça … on suit les autres mais le principale c’est d’être dans le train.

3 L’ergothérapeute interrogée et moi-même avons l’habitude de nous tutoyer.

Page 104: une histoire d’ergothérapeutes

XXXV

Et du coup tu dirais que … parce que tu m’as dit « la définition de l’ANFE correspond à l’ergothérapie

que j’aimerai faire » donc est-ce-que tu penses que l’ergothérapie que tu aimerais faire ce serait plus de

la réadapt que de la rééduc ?

Ce que j’aimerai faire ? Je crois que je fais l’ergothérapie que j’aime faire, ça dépend … je vois des collègues par

exemple qui font plus de rééducation … pour moi c’est presque de la kiné parce qu’on n’est pas dans l’activité … on

est pas dans l’activité humaine … quand c’est trop analytique … quand c’est de la rééducation analytique pour moi

on est à la limite de l’ergothérapie … et je m’y retrouve pas trop … mais ça, ça ne m’aurait pas dérangé il y a 25

ans… Quand c’est vraiment analytique tu vois … fléchir la dernière phalange du doigt, je me dis … ce n’est pas de

l’ergo … ou des trucs qui sont un peu APA, limite APA … je me dis « est ce qu’on est bien dans l’ergothérapie la ? »,

moi ça m’interroge.

Du coup ma seconde question c’est ; pour toi, quelles sont les valeurs primordiales de la profession ?

Les valeurs de la profession ? Les valeurs de l’ergothérapeute ?

Les valeurs de l’ergothérapie, les valeurs partagées par n’importe quel ergothérapeute … les valeurs de

la profession

C’est intéressant comme question … il faudrait y réfléchir avant …

Les valeurs que tous les ergothérapeutes devraient avoir … savoir adapter ses pratiques. Avoir des objectifs

personnalisés avec la personne … pour la prise en soin. Savoir travailler en équipe. Savoir accompagner …

proposer des objectifs à la personne aidée qui ne sait pas forcément ce qu’elle peut demander. Donc accompagner

dans le sens ... proposer, vraiment être aidant dans ce sens-là. Proposer … par exemple je te donne un exemple :

quelque qui ne sait pas qu’elle peut reconduire avec un membre supérieur paralysé … lui proposer « est-ce que

vous avez envisagé de reconduire ? » … savoir aussi à quel moment le faire. Il ne faut pas aller trop vite mais être

dans un accompagnement … qui propose des choses, dynamique. Voilà, dynamique aussi, être dynamique. Avoir

une veille … être toujours en veille, veille documentaire, veille technologique ou même législative. Avoir un esprit en

veille par rapport à tout cela … aux nouvelles techniques de rééducation, aux nouvelles technologies pour un patient

… là je dis patient, ça pourrait être résident selon l’endroit où on travaille … être toujours … tout à l’heure je prenais

l’image du train donc voilà, être dans le train de l’évolution de la profession au niveau international. Pour moi ça c’est

indispensable et c’est valable pour tous les ergo … qu’on travaille dans n’importe quel secteur, que ce soit en

gériatrie ou alors de la pédia, même dans les ergo qui travaillent dans les aides techniques … connaitre

l’avancement de tout cela. C’est jamais figé, c’est pas un travail figé donc une des valeurs c’est rester ouvert, rester

… être un peu en état de recherche permanente pour évoluer et pour être dans le monde d’aujourd’hui, de 2017 …

là où l’on vit, c’est-à-dire qu’en France, en Europe on est pas au Québec, ni au Guatemala, ni au fin fond de la

Somalie, donc s’adapter au contexte, là où l’on est, là on l’on fait son travail.

Et du coup pour toi, quelles sont les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ? Quelles

sont les connaissances dont n’importe quel ergo a besoin d’avoir pour être une bonne ergo, quand elle

sort du diplôme ?

Je dirais que le diplôme c’est ce qui donne le droit de commencer à apprendre son métier. Donc pour commencer à

apprendre son métier il faut des bases standards, des connaissances en anatomie, physiologie, psychologie,

psychiatrie, les pathologies, les grandes familles de pathologie, des bases un peu standards à tout le monde …

avec aussi des concepts importants, des approches, différentes approches mais qui sont assez bien intégrées, il

faudrait que ce soit … que les influences soient connues… les différentes influences, les différents modèles. Après

pouvoir dire « moi je me situe là où là », ça n’a pas trop d’importance mais au moins les connaitre pour voir

comment l’ergothérapie … de quelle façon elle peut être abordée. Après chacun dans sa pratique va apprendre son

métier un peu sur le tat, mais au moins on sait d’où on vient. On ne peut pas avancer si on n’a pas des bases … un

arbre ne peut pas pousser sans racines.

Quand tu dis modèle … est-ce-que tu peux développer un peu plus : qu’est-ce que tu sous-entends par

modèle ?

Modèle de l’occupation humaine, le modèle KAWA … voilà tous ces modèles-là qui sont des modèles utilisés en

ergothérapie. Pour moi c’est un peu les racines, enfin … ils ne sont pas venus de nulle part ces modèles. Kielhofner,

il n’a pas inventé … il est parti de choses qu’il a travaillé… je trouve ça intéressant parce que ça ouvre … c’est une

façon plus intelligente de travailler.

Page 105: une histoire d’ergothérapeutes

XXXVI

Et du coup, tu m’as dit « le diplôme donne le droit de commencer à apprendre son métier ». Du coup,

est ce qu’il y a des choses que l’on apprend après et qui sont essentielles ? Est-ce qu’il y a des choses

… est ce que tu pensais à autre chose quand tu as dit cela ? Des choses que l’on apprend après le

diplôme et qui sont aussi nécessaires à la pratique ergo

Après le diplôme je crois vraiment que c’est là qu’on peut se frotter à la réalité. On va apprendre des collègues, de la

hiérarchie, des médecins, des kinés … quand je disais les collègues, c’est les autres ergo s’il y en a d’autres, mais

ça peut être des fournisseurs de matériel, des orthoprothésistes, ça dépend où on travaille … des orthophonistes,

des psychomot … et c’est là qu’on va vraiment apprendre, plus ou moins facilement parce que … selon les

médecins … parce qu’on travaille sous prescription médical, en tout cas moi dans ce que je connais … on apprend

beaucoup des autres une fois sur le terrain, en rééducation, dans une équipe comme ici, on ne peut pas travailler

seul dans son coin. Et donc ça va beaucoup dépendre du médecin qui est le prescripteur. Parce qu’on a des

médecins qui sont bien dans cette démarche, avec un projet … le patient a son projet individualisé, interdisciplinaire

… pour moi c’est indispensable. Donc là, on voit bien la notion d’équipe et on voit bien que chacun va utiliser ses

outils pour arriver aux objectifs individualisé avec des échéances, bien précis. Mais on a des médecins pour qui tout

cela ça n’existe pas et ça va être … on n’a même pas d’objectifs. Ça va être : ergothérapie et qu’on fasse quelque

chose ou qu’on ne fasse rien, de toute façon … je dirais qu’il a une vision très biomécanique, biomédical. Ça va

s’arrêter là et dans ces cas-là on a du mal à apprendre son métier, et à se faire sa place … et dans ces cas-là, ce

qui est dramatique encore aujourd’hui en 2017, on est encore obligé de se justifier, de justifier … c’est comme des

sujets de mémoire « en quoi l’ergothérapeute peut etc. ?», l’ergothérapeute de tout façon il a forcément sa place, il

faut arrêter de toujours justifier notre présence et avec certains médecins on est presque encore la dedans. On

devrait plus, aujourd’hui, devoir faire ça. Donc c’est tellement dépendant du médecin. Le fait de bien apprendre son

métier après le diplôme ça va être très médecin-dépendant, prescripteur-dépendant. Les conditions matérielles,

environnementales, c’est-à-dire l’endroit où on travaille, ça va être très important pour favoriser l’apprentissage de

son métier, mais aussi qui reste, dans ce milieu-là, sanitaire et médico-social, le prescripteur. Et ça, ça va influencer

un bon investissement professionnel de l’ergothérapeute ou pas. Je pense que c’est vraiment important.

Du coup mon autre question est aussi très vaste : qu’est-ce que tu fais en ergothérapie ? Toi, au

quotidien?

Alors déjà, quand je vois le patient pour la première fois je lui explique ce qu’est l’ergothérapie, mais ce qui

correspond à lui …

La définition que tu donnes à tes patients c’est ?

Je donne des exemples. Je lui dit … prenons l’exemple d’une personne qui a fait un AVC avec une hémiparésie, je

lui dit … je donne des exemples au tout départ et puis rapidement il y a le questionnaire d’activité qui me permet de

voir … je lui explique au tout début : « on va voir ce qui est facile pour vous dans la vie de tous les jours, entre le

moment où vous vous levez et le moment où vous vous couchez, ce qui ne pose aucun problème, ce qui est difficile

et ce qui est impossible. ». Et en général les patients jouent bien le jeu donc avec tout le questionnaire d’activité.

Comme ça je suis sure de passer à côté de rien, parce qu’il est assez exhaustif et sur ce même document je

renseigne son environnement humain et architectural et social … voir même s’il est en centre-ville, en pleine

campagne. Et avec ça j’ai déjà énormément de renseignement sur la personne, par ce qu’il y a aussi ses loisirs, ses

activités bénévoles. Je le fait avec la personne ou si elle est aphasique ou a des troubles de la compréhension je le

fais le plus vite possible avec la famille, en lien avec l’assistante sociale qui elle, en profite pour récupérer des

éléments. Après je fais rapidement un plan d’intervention ergo, avec des objectifs concrets, par exemple : « qu’il

puisse s’habiller le haut du corps », dans quelle condition ? « Seul », « en sécurité », « dans sa chambre », une

échéance et voilà. Après on réévalue. J’essaie de donner des objectifs très précis et des échéances … avec des

objectifs qui sont quantifiables, observables, qu’on peut évaluer. Ça peut être très vaste : « qu’il conduise sur une

voiture adaptée », « qu’il aille tout seul au toilette », « qu’il arrive à se déshabiller ». Et puis il y a aussi tout ce qui est

plutôt rééducation. Depuis quelque temps je le mets plutôt entre parenthèse. Ça ce sont des objectifs pour moi mais

pas pour lui : « rééducation de la sensibilité ». Et exercice : travail avec les … c’est pour ça que je trouve que c’est

moins ergo … avec les différentes textures. Après la sensibilité, moi je n’ai pas de neurologie périphérique, donc

souvent le moteur et le sensitif on sait que ce sont des voies qui sont très liées et donc en travaillant sur l’activité et

en essayant de travailler la motricité on récupèrera souvent, en parallèle, la sensibilité. « Qu’il se déplace avec son

fauteuil roulant de sa chambre à l’ergothérapie » … et puis ensuite ça peut être un travail dans la chambre pour la

toilette, l’habillage. Ça peut être un travail en salle à manger pour couper la viande, pour voir s’il n’y a pas de

négligence … pour, à la fois de l’évaluation et à la fois de la rééducation, de l’activité. Ça peut être mise en situation

cuisine, ça peut être tout ce qu’on voit dans un service ergo de rééducation comme ici. Donc il n’y a pas de limite …

j’emmène des patients faire du jardinage avec le jardinier. Il n’y a pas de limite puisque c’est la vie… c’est

l’occupation humaine. On va faire les courses … manipulation de la monnaie. Donc qu’est-ce que je fais en

ergothérapie ? J’accompagne dans les activités de la vie mais c’est sans limite. Donc c’est pour ça quand il y a des

Page 106: une histoire d’ergothérapeutes

XXXVII

stagiaires de lycée qui viennent et qui demande qu’est-ce qu’on fait, c’est très difficile de résumer. En kiné on voit,

quelqu’un qui apprend à marcher, quelqu’un qui met sa prothèse et qui marche dans les barres, ça se voit, on

devine que c’est pour retrouver une autonomie à la marche et travailler l’endurance, travailler les appuis, travail de

l’équilibre, c’est facile. En ergothérapie, c’est l’activité humaine dans toutes ses composantes et son infinitude. Donc

les stagiaires du lycée qui viennent et qui voient tout ça, je pense qu’elles ne comprennent rien si on ne prend pas le

temps de leur expliquer, nos champs d’intervention. C’est tellement vaste. Ils voient quelqu’un enfiler des petites

perles. Ils se disent : « ah c’est marrant, l’ergo on fait des petits travaux manuels ». Et puis à côté de ça ils vont voir

quelqu’un piloter un ordinateur avec … le nez ! Quel est le lien entre les deux ? Et donc il faut vraiment les briefer

sur les objectifs. Même les infirmières … des gens qui … on pourrait penser qu’ils savent ce que l’on fait mais non.

Même dans le centre de rééducation, il y a des infirmières qui travaillent la depuis plus de 20 ans qui ne sont jamais

venues en ergothérapie. Quand je fais des formations dans les services j’emmène les gens en ergo et avant de

rentrer dans le service je demande « qui est déjà venu en ergothérapie ? ». Souvent, sur un groupe de 10 aides-

soignantes, infirmières, il y a 2 personnes.

Du coup par rapport à ce que tu m’as dit, ce que tu faisais en ergothérapie, tu m’as parlé de travailler

sur des activités de manière concrète, faire l’activité. Tu m’as aussi parlé de travail, que tu as appelé

« analytique », quand tu as parlé de travailler avec différentes textures. Pourquoi tu utilises cette

technique ou cette activité ?

C’est l’analyse de l’activité … la synésiologie … Ca fait travailler quel muscle, quel articulation, quel amplitude,

résistance, endurance, toutes ces composantes-là. Avec aussi … il faut que ce soit le plus possible, je ne l’ai pas dit

mais c’est fondamental, que ce soit signifiant pour la personne, le plus possible, il faut essayer de s’en rapprocher

en tout cas. Avant on avait un vieux moteur de voiture dans la menuiserie qui a été enlevé il y a deux ans peut-être.

Et moi je regrette parce que, il était déglingué mais ça ne fait rien. Tous les mécaniciens, les gens qui bricolent un

petit peu sur leur moto, qui bricolent un peu dans la mécanique ils étaient contents d’être là-dessus. Il y a avait du

cambouille partout mais ça fait partie du jeu. Et je regrette qu’on n’ait pas ce type d’activité. Plus l’éventail est large

dans nos outils, mieux on peut coller, pour travailler en analytique, à ce qui fait sens pour la personne. Et plus c’est

signifiant, on sait très bien qu’il va mieux adhérer donc ça c’est une chose. Mais aussi, physiologiquement, on sait

que ça va plus lui apporter. Donc voilà, j’ai oublié de le dire tout à l’heure mais, que l’activité soit signifiante et

significative c’est tellement important. Et ça aussi ça fait une différence avec nos collègues des autres professions.

C’est très important donc le choix il va se faire … quelqu’un qui ne fait jamais la cuisine … là j’ai un monsieur en ce

moment qui a fait un AVC. C’est un peu ancien mais il est là pour ça. Il faut réévaluer parce que ça femme part,

enfin bref. Mais c’est un monsieur que ne fait jamais, jamais, jamais la cuisine, qui ne la jamais faite. Il a 45 ans et je

sais très bien qu’il va retourner chez lui, maintenant sans sa compagne et qu’il ne fera pas la cuisine. Il est

aphasique mais il me fait comprendre très clairement avec ses gestes. J’ai très bien compris. Donc avec l’assistante

sociale on met en place le portage de repas. Je ne vais surement pas lui faire faire la cuisine. Donc voilà, c’est un

exemple. Même s’il est aphasique j’ai compris, ça n’a pas de sens pour lui. Alors que le médecin a demandé : « voir

comment il fait la cuisine ». Et bien non, on ne va pas voir comment il fait la cuisine puisqu’il y a un refus catégorique

et je sais très bien que ça l’embête. Il sait faire beaucoup de choses mais pas la cuisine. Donc ce n’est pas grave.

Donc parfois … quand on n’a pas une activité qui ressemble au centre d’intérêt de la personne, on peut lui proposer

quelque chose de nouveau. Là j’ai un monsieur qui a fait un AVC, qui a un début de démence. Je lui ai proposé des

mandalas. Il n’a pas du tout l’habitude, et il a adoré ça. C’est un peu un artiste. C’est aussi un musicien, il a travaillé

sur le clavier la bas. Il a adoré, il a dit : « j’en ferai chez moi ». C’est occupationnel, ce n’est pas grave. Parce qu’il

n’a pas de … il a 74 ans. C’est un retraité qui a tout son temps pour lui, qui habite à la campagne, qui a deux

copines qui l’entourent bien. Mais dans la journée, qu’est-ce qu’il va faire ? Eh bien, il aime ça, il trouve ça jolie. Il a

choisi ses couleurs, il s’organise, il fait ses petites affaires. Et pourtant au départ, ce n’était pas spécialement

signifiant pour lui mais là ça le devient, puisque c’est quelqu’un qui aime bien créer. C’est un artiste, un peu. Et voilà,

ce n’était pas une activité signifiante au départ mais ça le devient. Mais ça ce n’est pas dès le départ, c’est au bout

de plusieurs mois que j’ai pu lui proposer ça. Avant, c’était plus signifiant, il a fait son café, il a fait des pâtes. Il a fait

des trucs … plus dans ces habitudes.

Alors, ce n’est pas une question piège du tout et il n’y a aucune mauvaise réponse : est ce qu’il y a des

théories particulières qui soutiennent ta pratique ?

Plutôt que de théories, je parlerai volontiers d’influences. Donc moi : Kielhofner, j’ai fait deux fois la formation, une

fois en individuel et une fois, j’ai proposé à mon chef de service de l’époque : « ce serait bien que toute l’équipe le

fasse ». Ça, ça a influencé ma pratique et puis surtout le P3I. Après … je suis toujours un peu les sens en éveil …

j’essaye de lire, je ne dis pas que j’y arrive, mais j’essaye de lire toutes les publications … pas tous les bouquins

ANFE, solal, mais les revues. Je suis adhérente … pour être dans le truc. Tout ce qui est nouvelles techniques …

quand je vois « nouvelles techniques de rééducation », par exemple … j’ai été à Orléans l’année dernière, il y avait

journée « nouvelles techniques de rééducation », les nouvelles approches avec l’IFE de Rennes. Dès qu’il y a un

élan, un mouvement, dès qu’il y a un vent qui souffle, j’essaye de … C’est plus … mes influences … kielhofner a été

Page 107: une histoire d’ergothérapeutes

XXXVIII

pour moi vraiment un virage … je crois, si j’essaye d’analyser. Après, la formation P3I et puis il y a eu tout ce qui

était à l’époque, les grands modèles avec Christine Orvoine à Rennes, les grands modèles qui ont influencé

l’ergothérapie. Christine Orvoine a été … c’est une collègue de promo … à l’IFE, moi j’ai beaucoup aimé leur façon

de … je me retrouve mieux à Rennes que dans d’autres IFE. C’est aussi mon école mais ce n’est pas pour ça. C’est

vraiment une démarche très collégiale, très … française, européenne et internationale. Je ne dis pas que les autres

ne le font pas mais les années ou je suis allée beaucoup à Rennes pour dispenser des formations … j’ai été

directrice de mémoire pendant de nombreuses années. Les journées d’études organisées par l’IFPEK, c’est toujours

des thèmes très dynamisants. Ça évite de s’endormir sur ce qu’on sait déjà. Je ne trouve pas ça partout.

Donc voilà, plus que des théories, ce sont des influences qui ont orienté ma pratique. Ma pratique au jour le jour, je

pense qu’elle dépend de tout cela. C’est difficile de dire ses influences mais si j’analyse je pense que c’est ça.

Il y a aussi les anciens chefs de service, ici, qui ont été aussi moteur dans cette recherche d’amélioration continue

des pratiques. Ça s’est très clair « amélioration continue des pratiques ». J’ai traduit un bouquin, j’ai passé d’autres

diplômes. C’était aussi un appétit d’en savoir plus, une licence ceci, un master cela, un DU … parce que ça

m’intéresse.

Donc par rapport à ma pratique au quotidien c’est plutôt des influences. Je peux pas trop dire des théories … je ne

crois pas, en tout cas je n’en connais pas.

Et tu m’as parlé en début d’interview de modèle … est ce qu’il y a un modèle dans lequel tu te

retrouves ? Est-ce qu’il y a un modèle dans lequel rentrerai ta pratique ?

Non, j’ai déjà pensé à cette question, c’est un peu un mélange en fait.

Un mélange de?

L’occupation humaine, ça c’est sûr. Après KAWA, je trouve que c’est super intéressant, je m’y retrouve un petit peu.

Je m’y retrouve … enfin pour moi c’est tellement une évidence. Mais de là à dire que … non c’est surtout

l’occupation humaine. MOH, c’est sûr que c’est celui-là le plus important. Je pense.

Ok. Tu as déjà un peu répondu à cette question mais ce que tu fais la aujourd’hui, concrètement, ou est-

ce que tu l’as appris ? Est-ce que c’est dans ta formation initiale, est-ce-que c’est dans les formations

que tu as fait par la suite ?

Alors, ma formation initiale datant d’il y a longtemps … il y a forcément des bases, c’est-à-dire tout ce qui était

anatomie, physiologie tout cela ça ne change pas. Après j’ai aussi appris des choses, pour être honnête, des

médecins … qui me serve dans la vie de tous les jours, ce n’est pas forcément professionnel. Ça sert au niveau

professionnel mais ça sert aussi dans la vie de tous les jours.

Comme quoi?

Des rappels anat, physio. Quand on allait, parce qu’on y va plus, au visite d’étage et que le médecin faisait son

examen médical, justement à l’époque c’était passionnant avec les différents personnes intervenants … alors des

exemples … des rappels au niveau articulaire … enfin c’est très vaste … oui anatomie, physiologie. « Si on fait ça,

oui mais on ne peut pas parce que ». Tout ce qui est risque cutané, enfin tous ces trucs-là. Et ça sert dans la

pratique mais ça sert aussi à l‘extérieur, dans la vie de tous les jours, dans la vie personnelle. J’avais oublié cette

petite chose. Après, ce n’est pas la plus grande source. La plus grande source ce n’est pas, en effet, les études,

parce que c’est trop ancien. Mais les bases, encore une fois, sont quand même là avec des petits rappels. Je vais te

donner un exemple, l’année dernière il y a une personne qui est arrivée avec une prothèse inversée d’épaule je me

suis dit : « oulala, ça fait trop longtemps que je n’ai pas vu ça » et en fait c’est ma collègue qui la eu. Mais si j’avais

dû la prendre, j’aurai été obligé de chercher un petit peu, même si on avait vu ça en cours mais c’est trop vieux.

Donc je ne vais pas me permettre de reprendre une prothèse inversée d’épaule si mes cours datent de … voilà,

c’est un petit exemple ponctuel. Après, c’est plutôt les formations continues

Que tu as fait récemment ? Tu pourrais dire des années comme ça … des formations qui te servent

encore aujourd’hui ?

L’année dernière à Orléans, c’était intéressant. J’essaye de faire un petit truc tous les ans. Mais ça peut être juste

une journée, ou une formation continue en intra… ça peut être, il y en a une que j’ai regrettée mais j’ai laissé à une

collègue plus jeune. C’était éducation thérapeutique. Ça m’a titillé, parce qu’il fallait choisir. Il n’y avait pas assez de

place pour tout le monde. La mort dans l’âme je me suis retirée d’autant que j’ai déjà beaucoup d’autres choses,

comme j’ai deux casquettes dans l’établissement. J’ai le sentiment d’être un peu éparpillée je ne voulais pas

m’ajouter ça … et puis des recherches des lectures … lire les mémoires des étudiants, accompagner les étudiants

Page 108: une histoire d’ergothérapeutes

XXXIX

dans leur mémoire c’était très … on peut dire formateur. Faire des formations c’est formateur parce que ça oblige à

une certaine recherche. Oui c’est ça, formation continue … et puis par les collègues, on apprend énormément par

les collègues, collègues ergo mais aussi collègues kiné, collègues psychomot, parfois collègue ortho, collègue

neuropsy … apa ou même les cadres de santé, les infirmières, les aides-soignantes, on apprend de tout le monde

Et tu dirais que ce que tu utilises aujourd’hui « date » de … tu m’as dit que kielhofner a été un virage,

est-ce-que tu dirais que ta pratique actuelle « date » ... que c’est-ce-que tu as appris depuis kielhofner

que tu utilises aujourd’hui ?

Non c’est vraiment …

Un cheminement continue?

Oui, complétement. Kielhofner a été plus une ouverture du regard sur quelque chose qui avait été conceptualisé. Je

pense que je devais ressentir des choses comme ça, éparpillées et le fait que quelqu’un y ai réfléchit et ai réussi à

conceptualiser tout ça, ça m’a conforté dans cette idée. « Ah enfin, il y a quelqu’un qui met des mots sur les

choses ». Alors virage intellectuel sans doute mais pas forcément dans la pratique. Dans la pratique, peut-être plus

le P3I mais comme tous les médecins ne le pratiquent pas et que même ceux qui le pratiquent c’est un peu … une

adaptation. Après ce n’est pas grave, la base elle est quand même là. Ça, ça a été quelque chose qui … qu’est très

pratico-pratique. Je trouve que pour nous ergo, c’est limpide, ce qui n’est pas le cas de tous les professionnels.

Donc ça, ça a été peut être un changement, notamment dans l’importance de faire un plan d’intervention bien

structuré. Puisque c’est aidant. C’est aidant pour tout le monde, c’est aidant en tant qu’ergo, c’est aidant pour le

patient, c’est aidant pour la famille, c’est aidant pour le médecin … tant pis pour les médecins qui n’ont pas compris

cette démarche-là. C’est dommage parce que c’est vraiment aidant, c’est vraiment un outil très pratique. Voilà, mais

pour répondre à ta question, l’apprentissage pour moi a été continu. Et je pense que j’ai eu beaucoup de chance

d’avoir des chefs de service qui était dans une perpétuelle recherche d’évolution, d’évolution continue des pratiques,

ce qui est peut être un petit peu moins le cas maintenant mais … c’est comme ça. Et puis les congrès, les congrès

ANFE et puis j’ai eu la chance d’aller à l’étranger, à Londres, c’est très enthousiasment. Mais les budgets étant ce

qu’ils sont aujourd’hui on peut un petit peu moins partir.

Merci beaucoup pour tes réponses

Page 109: une histoire d’ergothérapeutes

XL

Annexe 11 : Entretien avec une ergothérapeute américaine et rééducation (Reed-US)

Tell me where do you practice, with which kind of client, how many years have you been working in this

area and when did you graduate

I graduated in 1978 and I have worked in basically all areas of occupational therapy that have to do with adults. So I

worked in acute care which I do again now, in ICU (intensive care unit). I worked in homecare, I worked in private

practice, long term care, outpatients … What else? I can’t think of what else there is. So I worked in a lot of different

areas for adults which is my specialty. I also got specialized training in neuro-developmental treatment and I have

been an instructor for the past 17 years in NDT. So my specialty is neuro, with adults who have neurological

impairments, in particular with strokes or head injury. So right now my primary job is working at the hospital, the

university medical center in Rochester and I work on all acute floors. So I do cover the neuro floors but I also cover

short stay. I cover the ICU, I cover the cardiac, general medicine, orthopedic. So we go to all the different floors of

the hospital depending upon the need on a particular day. So that’s my primary job. My second job, I work at the

driving program so I work with individuals who either need adaptation on their vehicle so that they can drive, people

who might have multiple scleroses, spinal cord injury, Parkinson disease this type of things. And then we also do

assessments for older driver to see if they are still safe to drive. And we also do training for younger, like young

adults who might have learning disabilities or some sort of special need that it’s going to take them a lit bit longer

than a typical high school student to learn how to drive. So that’s my second job. My third job, of course, as you

know, is to be lecturer at Nazareth College. I teach about one class a semester.

Ok, thank you. So my first question is: how would you define occupational therapy? For you what is

OT?

I think what I might do when I answer this question is do it more from a hospital related prospective. It’s different from

… it’s kind of different for me in the driving program versus in the college, versus the hospital. So for me

occupational therapy, of course, is looking at individuals and determining what the functional status was prior to

seeing them and assisting them in any way that I can to achieve as much independence as possible. So it’s focused

on activities of daily living, IADL and the all-round that encompasses that.

Ok, so for you, your goal is to bring them to their primary level, the level that they had before the injury

or the stroke or … what is your goal in OT?

So the goal would be either to get them back to that level if possible like if it’s maybe just somebody who is medically

compromised they might be able to, but of course if it’s something like spinal cord injury then you want to bring them

to their maximum potential. So depending on the diagnosis it’s not going to be possible to bring them to their level

prior to seeing us but to the maximum independence for them. And addressing all of their lifestyle, all of their roles,

their participation, what activities they were doing before, and all areas of occupation including play and work and at

home.

So my second question is: for you what are the main values of the profession? The main ideas, the main

values of the profession?

I’m not sure about what you mean by ideas …

I mean the main ideas that any OT has, the main values … the ideas that are very important to any OT

I’m wondering if you are talking about the ___ maybe. Is that, kind of what you are looking for? You know, I mean as

OTs we need to look at individuals. Like if the clients I treat have stroke, I’m obviously, not going to treat all stroke

patient the same. I have to look at them as an individuals and what is important to them. And I think that is important

for us not to put our values on them but what is important to that individual. And to be a good listener, to be able to

listen to what they want to be able to do. And I think ___ because we’re always encouraging people to be

independent but if they don’t want to be, if they have depression and they’re not willing to work. There are certain

things that are out of our control. But I think we have to respect the individual. I think we have to be very ethical in

what we do. What else? That’s all I can think about.

Yes that’s what I mean, for example, what you said, for me, means that, for you, a value of OT is to

respect what people want.

Right

Page 110: une histoire d’ergothérapeutes

XLI

It’s something very important to any OT. It’s something that any OT wants to do. I think you answered

my question but is there anything else that come to your mind? Any concepts or theories maybe that

any OT has?

I can’t think of anything else right now but, as I said, I think it encompasses a lot.

Ok, I think you answered my question. So my next question is: what, do you think, are the knowledge

that OT practice requires? What are the knowledge that any OT needs to be a good OT? To become an

OT what are the knowledge that people need?

To be honest with you, I think it really depends on the area you work in. For example, the knowledge … like if I was

working in a psychiatric program, I wouldn’t need to know all the anatomy, physiology, neurology that I need to know

working with physical disabilities. Whereas I don’t really know all the milestones of the pediatric development

because I don’t work in pediatrics. So I think that’s kind of contingent on the area that you choose to work in.

In college you need to have basic knowledge of all areas like physical disabilities, psychiatry, geriatrics, pediatrics,

as, kind of the four big pillars and then from there, after you figure out what you are interested in, then I think it’s

important you start to specialize and take even more training after college. I think our education system in the US

just gives you the basic bare minimum of what you need to know to get your first job. So yes, I think it’s important to

have knowledge about normal psychiatry and abnormal psychiatry, all of the anatomy and all of the sciences.

I am not a strong advocate of getting an OTD, a doctorate in OT. I don’t think that, for the educational … the time

spent in the educational system and the cost, really ___ reflected in the title that we do. And I know this is a trend

because of other disciplines but I’m not a strong advocate of that. I think that our knowledge can be easily

accomplished in a bachelor and a master.

And what knowledge would be very specific to OT? What are the knowledge that an OT needs to know

that you don’t have in any other job?

The only thing I can think about right now is a really good awareness of activity analysis so that kind of goes with

anatomy, physiology, how people are doing things. I think that’s the thing that separates us from other disciplines;

being able to really look at an activity, whether it’s leisure, work or personal care and figure out how people are trying

to do it and how we might be able to help them to do it a little bit easier. So I think that’s a big thing. I don’t know, I

mean, again I think it focuses on physical disability and probably in pediatrics as well but probably … I don’t think we

need to do a lot of activity analysis in psychiatry, because it’s more … psychologically oriented. But I think that’s the

thing that separates us from others, from other disciplines.

My next question is very broad but just give me as many details as you can: what do you do in OT?

What do you do in your daily practice?

___ I kind of do my normal days, you know, I go in and I look at the new referrals and then we have assignments

depending on which floor … so then I do a chart review, to get to know the patient as best as I can … through the

notes, if the physical or the speech therapist has already seen them, if another OT has seen them before, those

types of thing. So you do a really … fairly thorough but also it has to be a time efficient chart review. And then when I

see the client, obviously I will do an evaluation so that might include the all occupational profile …

And what are you looking for in this occupational profile?

Mostly it’s what their living situation was before, what kind of support they have, what their goals are and that

depends on the diagnosis too because if it’s somebody who is … I had a client last week, a young man who had a

spinal cord injury and the doctors and the family had not told him yet for sure that he had spinal cord injury. So I

couldn’t really talk to him about that because I was not the one who should bring that news to him. So it depends on

all that, that’s why I have to do a chart review and understand what the situation is, the individual. And then I do an

evaluation, a functional evaluation. Can they get out of bed? How much assistance do they need? Can they stand

up? Can they walk? Can they transfer? Can they do any of their self-cares? What is their ranges of motion? What is

their strength? What are their sensation? What are their cognitive abilities? What barriers do they have to get in

home? What plays a big role in acute care right now in the United States because the stay is so short in acute care,

is where they are going to go next. So we already start to think about: “ok, can they go home? Do they have to go to

acute rehab? Do they go to long term care rehab? Can they go home with therapies? Do they need to go to a

nursing home?” Those types of things …

Page 111: une histoire d’ergothérapeutes

XLII

And then with your client, what kind of activity do you do? Do you do activity or do you just assess

them and the stay is so short that you can’t do any activity with them cause the stay is so short that you

don’t have time to do that ?

When you say activities, the main activities that we would do would be activities of daily living. And you’re right in

that it’s hard because we spent probably between 30 minutes to an hour with each client depending upon the

situation. There is rare cases where we might be in there for an hour and a quarter or something but generally it’s

just 30 to 60 minutes. It isn’t that much so I try to include ADL in that assessment because that’s what there are

looking for OTs to determine, how much assistance does this person need and so that we can help with discharge

planning. But you’re correct in that we don’t have the time to do a more specific activity … say that I found weakness

in their upper extremity and I wanted to work on rehabilitation with them I don’t really have the time to do that during

the evaluation process. So what I might do is that, if there is family there, or even a nurse, I might do education for

them, to say: “ok, when the person is up in the chair I want them to practice reaching for this and putting it over

here”. And I might even give some specific guideline in what I want the person to be able to do. And it’s hard

because we don’t have the time to go back and see the person on a daily basis which for me is part of a frustration in

working in acute care right now because it use to not be like that. When I started we would see someone every day.

When you talk about working on ADLs, what kind of ADLs are you working on? Just getting dress and

taking a shower or …

Mostly it’s oral hygiene, grooming taps or brushing your hair, brushing your teeth, washing your face, dressing both

upper and lower body, toileting, and sometime we would take a shower but again, because of time we usually get an

idea of how much assistance they would need in the shower and let the nurses know because they are going to

shower the patient in the evening and we’re not there. So I may not do a complete shower, we do sponge bathing

sometimes, just washing up of a sink is probably more practical in our environment than a complete shower. I have

already done complete showers but it’s rare.

But, if you assess on toileting and grooming so you have to do this in the morning but if you do an

evaluation in the afternoon what do you do, if you want to assess someone but you can’t see the person

getting dress?

Well, a lot of time you can simulate. So because in a hospital most of the time they have a hospital gown on, I can …

and many times they don’t have under pant or pants on. So I grab under pants and pants and I might have them

change their socks so I can still do dressing in the afternoon without making in so inappropriate in the time of day.

And you can always have somebody putting on a jacket, you know, so … so we can do that. And then often, people

haven’t brush their teeth yet or they did it in the morning and now it’s 3 o’ clock in the afternoon and they would like

to brush their teeth because they didn’t after lunch. So often, we can still do activities of daily living in the afternoon.

It doesn’t feel so inappropriate. And again, if I can’t do the actual task then I simulate. Having them touching their

feet or having them standing up with their walker, pretending like there are pulling their pants up or something like

that.

Ok and as you said, all those activities that you do with them are always to asses them but you’re not

actually working on skills?

No, not necessarily, I might talk to somebody about their weaker side whether it’s a stroke or I had somebody

yesterday who had a really severe goût in his knee so he had a hard time moving his right leg so I might educate

them at that time and say: “ok, it’s best for you to put your right leg in first and this is why …”. So I’m sort of doing

training and education at the same time ___ or you know, if they need an adaptation, say to their toothbrush, I can

adapt their toothbrush and them try it that way. Like if they have difficulty holding it, I can go and get some ___ form

and increase the size of the handle of their toothbrush. So I can do a kind of intervention with my evaluation.

So, you need to think very quickly, about what you want to do with this person, you have very short time

Yes, that’s why I think acute care is a great place for a new therapist to be, but I also think it can be quite daunting

because you do have to act on your feet very quickly. And I do think the more experience you have, the easier it is

cause you have learned tricks of the trade over the years and what works and what doesn’t work. And it’s not that we

never get back to somebody, if I were working with somebody and I came across something … I can’t think of an

example right now… something that was puzzling to me, I could always go, and then at lunch time, talk to the other

OTs and then I could go back and see that person if it was really indicated. So it’s not that we never get back to see

people but it’s not as common as just doing an evaluation, just one time.

Page 112: une histoire d’ergothérapeutes

XLIII

Is there any theories that support what you do in your practice?

You mean theories like neurodevelopmental treatment things?

Yes exactly … any theories, a model or a framework, any theories

So, I’m not as well versed on all the frames of references because so many have been added since I graduated.

Even teaching at Nazareth College, I was like “There is a lot of frames of reference, where do they all come from?”

Some of them, I think overlap, like “they just changed the wording and they changed the name too but it’s really the

same thing”. So, I use neuro-developmental treatment a lot, that’s my main … theory or approach that I use with

neuro patients. The biomechanical approach, I’m very strong in that. Because I think people need to be aligned

properly because they can move properly. So I use a strong biomechanical approach. In frame of reference, it’s the

… you know the PEO, the person, the environment and … and probably the MOHO. I can’t think of any other …

Motor learning theory is a big one, as well, that I use.

All what you are doing now in your daily practice; where did you learn it? Did you learn it in your initial

studies or did you do other formation during your career? Where did you learn what you are doing right

now in your practice?

I think the basis was learned in the educational system but a lot of it was learn in continuing education afterward and

specialized training.

Cause you did other formation after your initial studies?

Here in the United States, in order to keep our license and in order to be a registered occupational therapy we need

to have 36 continuing education units every 3 years so it’s like a day and a half every year. So it’s important for us to

keep that up. So we can take those, now there is so much on line but before it was actual seminars that you would

travel to and attend in person. So through the years I have done a lot of continuing education courses and then of

course when I was teaching we would do a lot of … instructors would, we would teach each other, like have

instructors get together and come up with discussion. So I think most of what I use now, I probably can say that it

was learned through the years after my initials education.

And did you feel prepared when you graduate from your OT program? Did you feel prepared to be an

OT?

Yes for entry level, not specialized but for entry level yes.

Ok, I think that was all the questions I wanted to ask you. Thank you very much.

Page 113: une histoire d’ergothérapeutes

XLIV

Annexe 12 : Tableaux récapitulatifs des thèmes de la partie conceptuelle et historique

Les concepts

L’occupation et l’activité sont des concepts clef de la profession.

Des modèles théoriques conceptualisent et mettent en lien les croyances, les

connaissances et les idées philosophiques sous-jacentes aux pratiques.

1ère guerre mondiale : naissance de la profession aux Etats-Unis et premières

ergothérapies en France

L’occupation est un concept fondateur de la profession aux Etats-Unis. L’homme a

besoin de trouver un équilibre entre ses différentes occupations (travail, loisir, activités

créatives). Un déséquilibre occupationnel a des répercussions sur le corps et l’esprit.

L’occupation peut alors, être utilisée comme thérapeutique.

L’ergothérapie permet la réinsertion professionnelle.

Dans le cadre de cette réinsertion professionnelle, l’ergothérapeute propose des

activités manuelles qui correspondent aux activités professionnelles de l’époque.

L’ergothérapie s’inspire du traitement moral selon lequel, l’’activité doit permettre à la

personne de décentrer sa pensé de sa maladie. Elle doit le distraire de ses problèmes

de santé. Cependant, il y a différentes opinions sur ce sujet : L’activité thérapeutique

doit-elle être signifiante et significative, productive, ou bien distrayante ?

L’ergothérapie partage les valeurs du mouvement art-and-craft selon lequel, il est bon

pour les individus de créer des objets dans leur intégralité et par leurs mains

(contrairement au séquençage et à la mécanisation des méthodes de production dans

l’industrie). Cela permet l’accomplissement de la personne.

Il existe un lien inextricable entre le corps et l’esprit (l’état de santé de l’un influence

l’autre) ; D’où une approche holistique de la personne.

Les activités manuelles qui mettent en action et le corps et l’esprit sont thérapeutiques.

L’ergothérapeute, aux Etats-Unis, doit avoir des connaissances en artisanat.

L’ergothérapie doit montrer une certaine rigueur, s’appuyer sur la science et des

données mesurables notamment dans l’analyse d’activité.

L’ergothérapie est une discipline médicale qui peut faire l’objet d’une prescription.

Page 114: une histoire d’ergothérapeutes

XLV

2eme guerre mondiale : changement de paradigme professionnel aux Etats-Unis et

apparition officielle de l’ergothérapie en France

L’ergothérapie, en France, nait dans le domaine de la rééducation. Aux Etats-Unis elle

s’inscrit progressivement dans le « rehabilitation movement ».

Les ergothérapeutes se sont tournés vers le paradigme mécaniste qui reprend les

idées du modèle de la rééducation : le handicap est dû à un dysfonctionnement interne

du patient (sa pathologie). Si l’on agit sur ce dysfonctionnement, on réduit le handicap.

L’ergothérapie doit permettre au patient d’être plus indépendant (capable de vivre dans

la société et non dans une institution).

Les ergothérapeutes ont besoin de connaissances médicales en anatomie,

physiologie, psychiatrie et sur les pathologies.

En France, les ergothérapeutes ont aussi des connaissances solides en artisanat.

Les ergothérapeutes doivent s’appuyer sur les avancées médicales, utiliser et

s’approprier les nouvelles techniques (par exemple ; les méthodes neuro-

développementales de Bobath).

Les ergothérapeutes empruntent parfois des techniques d’autres professions, ce qui

peut rendre difficile la distinction entre les disciplines.

La fabrication d’orthèses, l’entraînement des patients à l’utilisation d’une prothèse, la

création et le conseil en aides techniques font partie du champ d’activité des

ergothérapeutes.

Les ergothérapeutes s’occupent plutôt de la rééducation du membre supérieur.

Les ergothérapeutes utilisent des activités artisanales (souvent dans des ateliers).

Celles-ci ne revêtent pas forcément un sens particulier pour le patient mais elles ont un

but thérapeutique.

L’activité utilisée en thérapie a de la valeur si elle a la capacité d’agir sur les

mécanismes internes du patient, sur des fonctions spécifiques.

L’activité occupationnelle n’est pas thérapeutique.

En médecine physique, l’activité artisanale est utilisée dans un but analytique pour

travailler sur la force musculaire, ou encore les amplitudes articulaires.

En psychiatrie, l’activité artisanale doit permettre au patient mettre en scène ses

sentiments, d’entrer en relation avec le thérapeute ou de résoudre ses conflits

intrapsychiques.

L’utilisation d’activités artisanales, en France, est ce qui distingue les ergothérapeutes

des autres professionnels ; mais cela peut aussi être dévalorisant car les activités

manuelles sont perçues comme moins nobles que les autres actes de soin.

En France, la prescription médicale et la direction du médecin assure à l’ergothérapie,

sa place au sein des disciplines médicales.

Page 115: une histoire d’ergothérapeutes

XLVI

Annexe 13 : Tableaux récapitulatifs des thèmes abordés en entretien

Voici les sous-thèmes abordés dans chaque grande thématique

Définition de l’ergothérapie

Les notions d’activité, d’activité signifiante pour la personne (Reed-Fr, Psy-US) et d’activité de vie quotidienne des patients (Reed-US, Pedia-Fr, Ger-US) ont parfois été évoquées comme but de la prise en charge ergothérapique, parfois comme moyen. « C’est un accompagnement […] dans tout ce qui fait l’activité humaine » (Reed-Fr) « en utilisant des activités fonctionnelles ou qui ont du sens, un but pour la personne » (Psy-US) « C’est centré sur les activités de vie quotidienne, les activités instrumentales de la vie quotidienne » (Reed-US) « l’ergo c’est plus dans les activités du quotidien que ce soit scolaire ou privée » (Pedia-Fr) « les rendre plus indépendant pour la toilette, l’habillage, les soins personnels, la mobilité dans le lit » (Ger-US) Les ergothérapeutes américaines ont beaucoup utilisé le mot « function », ou « functional ».

La notion d’indépendance (Psy-US, Reed-US, Ger-US) a été citée plutôt par les Américaines, comme but de la prise en charge ergothérapique. « L’ergothérapie c’est aider les gens à devenir plus indépendant » (Psy-US) « aider, par tous les moyens en mon pouvoir à atteindre le plus d’indépendance possible » (Reed-US) « rendre [les gens] plus indépendants » (Ger-US)

La notion d’autonomie a été utilisée par deux professionnelles françaises (Ger-Fr, Psy-Fr), soit comme un concept central de la profession « l’ergothérapie, c’est tout ce qui va tourner autour de l’autonomie » (Psy-Fr), ou comme une perte à compenser « c’est pallier la perte d’autonomie » (Ger-Fr).

L’ergothérapie a d’ailleurs été présentée comme une thérapie de compensation par plusieurs ergothérapeutes françaises (Ger-Fr, Pedia-Fr, Psy-Fr). « les aider à compenser ces situations de handicap » (Pedia-Fr)

Deux ergothérapeutes ont parlé de ce que la personne savait faire avant d’avoir un problème de santé. Pour l’une d’entre elles (Psy-Fr), l’ergothérapeute devait « pallier à tout ce qu’il savait faire avant et qu’il ne peut plus aujourd’hui ». Pour la seconde (Reed-US), l’ergothérapeute devait « soit les ramener à ce niveau [le niveau fonctionnel antérieur de la personne] » soit, si ce n’est pas possible « les ramener au maximum de leur potentiel ».

Le mot « réadaptation » a été utilisé par deux ergothérapeutes françaises (Psy-Fr et Reed-Fr). Pour l’une d’entre elles (Reed-Fr), « la rééducation pourrait être effectuée pour

beaucoup par d’autres professionnels mais ce qui est réadaptation c’est vraiment le royaume de l’ergothérapie ». « pour moi c’est presque de la kiné parce qu’on n’est pas dans l’activité … on n’est pas dans l’activité humaine … quand c’est trop analytique … quand c’est de la rééducation analytique pour moi on est à la limite de l’ergothérapie » (Reed-Fr)

Une ergothérapeute française (Reed-Fr) a insisté sur l’importance d’un accompagnement personnalisé « au plus près de ce qu’est la personne » qui peut avoir lieu « de la naissance à la mort ».

Une ergothérapeute américaine (Pedia-US) a parlé d’analyser les facteurs qui gênent le

Page 116: une histoire d’ergothérapeutes

XLVII

patient dans ses occupations pour travailler sur ces facteurs et « améliorer la performance fonctionnelle ».

La notion de qualité de vie a été citée par une professionnel (Ger-US) « travailler à améliorer la qualité de vie », « améliorer leur vie par tous les moyens possibles »

La notion de handicap a été évoquée une seule fois (Pedia-Fr) « c’est vraiment comment ils vivent leur handicap au quotidien et comment on peut les aider à compenser ses situations de handicap » (Pedia-Fr)

Trois ergothérapeutes, notamment celles travaillant en psychiatrie, ont pu soulever le

fait que la profession était mal connue :

“Habituellement, je dois expliquer ce qu’est l’ergothérapie car les gens pensent que je

vais leur trouver du travail”. (Psy-US)

« Alors en général … surtout en psychiatrie ... patients comme collègues … quand ils

arrivent en ergo, pour eux ils ont une image de l’ergo plus « les anciens ateliers »… » «on

envoie souvent les gens en ergothérapie pour qu’ils … plus qu’ils fassent des choses pour

s’occuper … » « Donc le patient, en général quand il arrive, pour lui l’ergothérapie c’est

fabriquer des choses, c’est faire de la mosaïque … alors ce que je leur explique c’est que, oui

effectivement on se sert de ça, mais s’il y a pas de but et s’il y a pas d’objectif, ça ne s’appelle

pas de l’ergothérapie. » (Psy-Fr)

« Faut pas s’imaginer qu’en arrivant, ça y est, les gens connaissent l’ergothérapie. Non,

les gens ne connaissent pas l’ergothérapie, mais même les médecins. » « Ils connaissent pus

l’aspect aménagement, installation que ce qui est rééducation, graphisme. » (Pedia-Fr)

Page 117: une histoire d’ergothérapeutes

XLVIII

Les valeurs de la profession

Plusieurs ergothérapeutes (Reed-US, Reed-Fr, Pedia-Fr, Ger-Fr, Ger-US) ont évoqué « la personnalisation » (Ger-Fr) des prises en charge ergothérapiques. « regarder [les patients] comme des individus et ce qui est important pour eux » (Reed-US) « leur faire faire ce qui est le plus important pour eux » (Ger-US) « avoir des objectifs personnalisés » (Reed-Fr) « proposer un accompagnement adapté, individualisé » (Pedia-Fr)

Deux professionnelles ont utilisé les mots « centré sur le client » (Psy-US, Ger-US) et l’une d’entre elle a parlé d’ « approche holistique » (Psy-US) Selon elle, l’ergothérapie est plus centrée sur le patient que les autres professions « parce qu’on a la volonté de considérer ce à quoi le patient s’intéresse, ce qu’il aime et on l’utilise dans nos traitements » contrairement au « modèle médical » ou « l’approche thérapeutique doit être basée sur la pathologie et le traitement de cette pathologie ».

Plusieurs ergothérapeutes (Pedia-Fr, Ger-Fr, Psy-US) ont, parlé « d’une approche globale » (Pedia-Fr) « cette personne vivant dans un environnement qui lui est propre, il faut absolument prendre en compte tout ce qui peut l’entourer » (Ger-Fr)

Une des personnes interrogées (Psy-Fr) a évoqué une différence de « vision des choses » entre les ergothérapeutes et les autres professionnels ; « les autres professionnels ont tendance à faire à la place, à montrer comme il faut faire, parce qu’il y a une façon de faire et il n’y en a pas trente-six » « alors que nous, peu importe comment le patient va s’y prendre s’il arrive à ses fins, pour nous c’est gagné. »

Les professionnelles interviewées ont parfois mal compris ce que j’entendais par

« valeurs ». Un grand nombre d’entre eux ont parlé des qualités requises pour être « un bon

ergothérapeute ».

Deux ergothérapeutes françaises ont évoqué la nécessité de « savoir adapter ses

pratiques » (Reed-Fr), « être polyvalent » (Psy-Fr). « L’imagination » et « la créativité » sont

d’autres qualités citées par des thérapeutes (Pedia-Fr).

D’autres professionnelles (Reed-US, Psy-US, Ger-US, Ger-Fr, Pedia-Fr) ont plutôt parlé

de compétences humaines ou relationnelles :

« avoir une bonne écoute », « respecter les individus », « être très éthique » (Reed-US)

« les gens ne se soucie pas de savoir si tu es un expert dans ton domaine. » « Les gens

vont plutôt s’intéresser à comment tu les traite et comment ils se sentent avec toi. » « si tu

les écoute, si tu les traite avec respect, si tu places leur besoin en premier, s’ils sentent qu’il

y a ce rapport thérapeutique » (Psy-US).

« être serviable », « avoir une bonne relation thérapeutique », « faire preuve d’empathie »

(Ger-US)

« il y a l’écoute des personnes » (Ger-Fr)

« il faut être à l’écoute de leurs demandes et ne pas rester dans nos valeurs à nous »

(Pedia-Fr)

Enfin, la capacité à « travailler en équipe » a été mentionnée par deux ergothérapeutes

(Ger-Fr, Reed-Fr). L’une d’entre elles a aussi évoqué de fait de « savoir transmettre » (Ger-Fr).

L’autre a cité d’autres qualités et attitudes comme « être dynamique », « être toujours en veille,

Page 118: une histoire d’ergothérapeutes

XLIX

veille documentaire, veille technologique ou même législative », « en état de

recherche permanente », « rester ouvert » (Reed-Fr)

Connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique

Toutes les ergothérapeutes interrogées ont expliqué qu’il fallait des connaissances médicales, considérées comme « des bases standards », « des connaissances de base » (Reed-Fr, Reed-US), en « anatomie », « physiologie », « psychologie » (Reed-Fr) avec des connaissances sur « le fonctionnement du corps et de l’esprit » (Psy-US), « une idée des principes biomécaniques et neurologiques » (Ger-US), « une compréhension des comportements humains » (Pedia-US), ainsi que sur « les pathologies » (Ger-Fr, Pedia-Fr, Psy-Fr). Ces connaissances ont été associées à des savoir-faire tels que « tester les amplitudes articulaires, faire des bilans musculaires » par une des professionnelles interrogées (Ger-US).

Pour un certain nombre de professionnelles (Psy-US, Psy-Fr, Ger-Fr), la connaissance des pathologies permet de « mieux comprendre les troubles » (Ger-Fr) et d’appréhender les comportements des patients. « En psy les pathologies, elles sont primordiales, parce que tu peux avoir des réactions … parfois violentes et si tu ne sais pas que potentiellement ça peut arriver, je pense que ça peut être très compliqué et puis savoir aussi du coup, quels outils tu peux laisser à quelle personne ou pas … ça peut être très vite dangereux. » (Psy-Fr) « Tu dois comprendre que c’est une vraie maladie » « les comportements qu’ils ont, les difficultés qu’ils ont dans la vie sont vraiment dus au fait que leur cerveau ne fonctionne pas bien. Ils ne choisissent pas d’avoir certains comportements, c’est quelque chose qui découle de leur maladie » (Psy-US)

L’analyse d’activité ; « séquencer [l’activité] en étapes » (Pedia-US), regarder « comment les gens essayent de faire et comment on peut les aider à faire de manière un peu plus simple » (Reed-US) a été évoqué par deux ergothérapeutes américaines

Une ergothérapeute a évoqué la nécessité de comprendre « comment la pathologie peut impacter les gens différemment à différentes âges » ainsi que « l’impact de la culture » (Psy-US). Une autre a aussi parlé de l’importance de « comprendre toutes les interactions qu’il peut y avoir autour d’une personne » et notamment « par rapport à son environnement, au lien qu’il peut avoir avec d’autres personnes, d’un point de vue matériel » (Ger-Fr)

Des connaissances sur « les concepts importants », « les modèles utilisés en ergothérapie » sont « les racines » qui permettent « une façon plus intelligente de travailler » selon une des professionnelles interrogés (Reed-Fr)

Enfin, une ergothérapeutes a expliqué que « ce qu’on ne fait pas assez à l’école c’est du vrai bricolage », « quand je dis bricolage c’est manipulation d’outil » « Parce qu’on est tout le temps amenées à bricoler des trucs, à les adapter, à repercer » (Psy-Fr).

Page 119: une histoire d’ergothérapeutes

L

Ce que les professionnelles font dans leur pratique ergothérapique et pourquoi va être rapporté

dans le même tableau, car ces deux thématiques ont souvent été traitées ensemble.

Les activités utilisées en ergothérapie

Toutes les ergothérapeutes ont évoqué les activités de vie quotidienne.

Celles-ci sont parfois utilisées dans l’évaluation. « J’essaie d’inclure des activités de vie quotidienne dans mon évaluation parce que c’est ce qu’ils attendent de l’ergothérapeute, qu’elle détermine de quelle aide le patient a besoin pour que nous puissions aider au plan de sortie. » (Reed-US)

Elles peuvent aussi être utilisées en traitement, avec « un travail dans la chambre pour la toilette, l’habillage », « un travail en salle à manger » (Reed-Fr).

Les activités de vie quotidienne peuvent faire l’objet d’un enseignement en groupe, avec « un plan de leçon », « des explications », « des vidéos » et « beaucoup de pratique » (Psy-US). « On met les gens en situation et on utilise des situations aussi proches que possible de la vie réelle » (Psy-US). Plusieurs ergothérapeutes ont insisté sur l’importance d’être proche des habitudes de vie du patient, « dans leur environnement » (Ger-US). « On fait leur routine du matin comme s’ils étaient à la maison » (Ger-US) « J’aime être vraiment dans la chambre des patients parce que c’est leur environnement » (Ger-US)

Une ergothérapeutes a aussi parlé de « l’installation d’aides techniques » dans ces activités « au niveau des repas, de la toilette, de la chambre, des déplacements, des loisirs » (Ger-Fr)

D’autres professionnelles ont aussi dit qu’elles travaillaient d’abord sur « les prérequis » (Pedia-Fr), « les compétences dont ils ont besoin » (Pedia-US) pour faire l’activité, avant de « effectivement faire la tâche » (Pedia-US).

« On va parfois juste travailler sur « se nourrir », mais avant cela, on va peut-être faire des jeux sensoriels avec différentes textures pour réduire une aversion tactile ou orale. » (Pedia-US)

Plusieurs ergothérapeutes (Pedia-US, Pedia-Fr, Ger-US, Reed-Fr, Psy-Fr, Ger-Fr) ont évoqué certaines activités utilisées pour « améliorer des compétences » (Pedia-US), ou travailler sur une « composantes » (Reed-Fr) particulière. Certaines ergothérapeutes françaises ont qualifié ces activités « d’analytique » (Reed-Fr, Pedia-Fr) Les ergothérapeutes françaises ont, parfois, évoqué des activités manuelles telle que « enfiler des perles », « des mandalas » (Reed-Fr) ; « l’argile » (Psy-Fr) ; « la mosaïque » (Psy-Fr, Ger-Fr), « la peinture, le macramé » (Ger-Fr). Ces activités avaient pour but de faire travailler certains muscles, certaines articulations, de maintenir « des capacités de préhension », « des capacités, gnosies, praxies » (Ger-Fr), ou encore de « bosser l’attention » (Psy-Fr). Mais elles pouvaient aussi choisir ces activités pour d’autres raisons :

o « il faut que ce soit le plus possible, je ne l’ai pas dit mais c’est fondamental, que ce soit signifiant pour la personne, le plus possible », « Plus l’éventail est large dans nos outils, mieux on peut coller, pour travailler en analytique, à ce qui fait sens pour la personne. Et plus c’est signifiant, on sait très bien qu’il va mieux adhérer donc ça c’est une chose. Mais aussi, physiologiquement, on sait que ça va plus lui apporter. » (Reed-Fr)

o Une autre thérapeute a dit qu’elle utilisait ces activités « parce que ce sont des choses qui peuvent s’adapter en fonction des patients … je ne vais pas utiliser toutes les médiations avec tous les publics … il y a des choses qui vont être plus dur … dans le toucher. Tu vois l’argile c’est assez doux, mais en même temps ça peut faire ressortir des choses parce qu’il y a des gens qui ne supportent pas d’avoir les mains sales par exemple. A l’inverse, la mosaïque …

Page 120: une histoire d’ergothérapeutes

LI

t’es obligé de casser quelque chose pour recréer autre chose … donc dans la symbolique il peut y avoir des choses assez fortes … » (Psy-Fr)

o La troisième ergothérapeute a expliqué que c’était « tout ce qui est créativité et investissement dans l’activité que je recherche beaucoup dans mon atelier. », « Ce n’est pas tant l’activité qui m’intéresse, c’est qu’un moyen de parvenir à mes objectifs. Après, il se trouve que la mosaïque plait beaucoup aux personnes âgées. », « la mosaïque à un côté très valorisant pour les personnes et crée beaucoup de lien avec les familles chez ces personnes-là. » (Ger-Fr).

Plusieurs ergothérapeutes ont parlé d’adaptations matérielles, d’aides techniques (Ger-Fr, Reed-US, Pedia-Fr) ou encore d’orthèse (Ger-US, Pedia-US). « s’ils ont besoin d’adaptation, disons sur leur brosse-à-dents », «s’ils ont des difficultés pour la tenir, je peux aller chercher du plastique thermo-formable et grossir l’anse de leur brosse-à-dents » (Reed-US). « Ça va être installation d’aides techniques au déplacement, d’aides techniques en général, en fonction de ce que la personne souhaite pouvoir faire malgré son handicap ou sa difficulté, donc ça peut être au niveau des repas, de la toilette, de la chambre, des déplacements, des loisirs. » (Ger-Fr) « on est assez spécialisé dans l’accessibilité », « j’ai beaucoup œuvré pour, quand il y a des travaux que je puisse adapter pour que tout soit pensé pour telle ou telle problématique en prenant en compte le handicap visuel, auditif, sensoriel, cognitif, physique. » (Ger-Fr) « Il faut que je lui propose plus des outils, de voir ce qu’on peut envisager comme outil de compensation, comme matériel. » Donc il y a évidemment l’ordinateur », « moi je peux compléter par des outils de compensation, donc différents types de stylo, différents types de feuilles » (Pedia-Fr)

Enfin l’éducation des familles, des soignants ou des patients eux-mêmes est une autre activité de l’ergothérapeute citée dans les entretiens (Reed-US, Ger-US, Ger-Fr, Pedia-US, Psy-US)

o « Ce que je peux faire, s’il y a de la famille ou une infirmière, je peux faire de l’éducation avec eux », « je peux les éduquer [les patients] à ce moment-là et dire : « ok, le mieux pour vous c’est de mettre votre jambe droite en premier parce que … » »(Reed-US)

o « dans ce scénario [un patient atteint de démence], l’éducation de l’aidant et les choses comme ça, sont le plus important. » (Ger-US)

o « je forme beaucoup les soignantes qui interviennent auprès des personnes dans la compréhension des pathologies et des personnes en elle-même, comment on peut intervenir auprès d’elles », « beaucoup sur la manutention, d’un point de vue très technique, tout ce qui est positionnement, positionnement des personnes » (Ger-Fr)

o « on va peut-être juste parler avec les parents, sur des activités ou des suggestions qui vont aider à améliorer le sommeil donc ce sera plus de l’éducation des parents à ce moment-là » (Pedia-US)

o « ça peut inclure de l’éducation à la santé mentale et informer les gens sur leur maladie et informer les gens sur leurs symptômes et sur les moyens de contrôler leurs symptômes » (Psy-US)

Page 121: une histoire d’ergothérapeutes

LII

Les théories qui soutiennent les pratiques professionnelles

Le modèle de l’occupation humaine de Kielhofner a été cité trois fois (Psy-US, Reed-Fr, Reed-US), le modèle Kawa, deux fois (Psy-US, Reed-Fr), le modèle Personne-Environnement-Occupation, une fois (Reed-US), le modèle centré sur le client, une fois (Ger-US) le modèle systémique une fois (Ger-Fr). Une ergothérapeute a aussi évoqué les théories écologiques (Pedia-Fr)

Deux professionnelles ont parlé des théories du motor learning (Pedia-US, Reed-US), trois des théories neuro-développementales, des théories biomécaniques (Ger-US, Reed-US, Pedia-US). Une ergothérapeute a cité les théories de l’intégration sensorielle ou encore de l’adaptation « qui est inclut dans le modèle de la rééducation » (Pedia-US).

Trois ergothérapeutes françaises (Pedia-Fr, Psy-Fr, Ger-Fr) ont dit avoir peu de connaissances sur les théories, car elles n’ont pas reçu d’enseignement à ce propos dans leur formation initiale. L’une d’entre elles a dit ne pas pouvoir répondre à la question du tout (Psy-Fr).

Les lieux d’apprentissages des méthodes de traitement utilisées par les personnes interrogées

La formation initiale semble être une première source de connaissances et de savoir-faire chez toutes les ergothérapeutes interrogées. Cependant, une majorité de professionnelles a insisté sur l’insuffisance des connaissances théoriques et l’importance des apprentissages par la pratique en stage ou après le diplôme.

o « La majeure partie de ce que j’utilise aujourd’hui, je l’ai appris surtout en stage. » (Psy-Fr)

o « Je dirais que le diplôme c’est ce qui donne le droit de commencer à apprendre son métier. », « Après le diplôme je crois vraiment que c’est là qu’on peut se frotter à la réalité. » (Reed-Fr)

o « Quand tu sors des études tu as une vue d’ensemble, mais tu n’es pas spécialisée » (Pedia-Fr)

o « la partie pratique est vraiment là où j’ai appris le plus » (Ger-US) o « Je pense que j’ai eu un peu d’éducation là-dessus à l’université, mais j’ai appris

beaucoup plus quand j’ai fait des stages en santé mentale et certainement encore plus par mon expérience professionnelle » (Psy-US)

o « [beaucoup] a été appris par la pratique » (Pedia-US)

L’observation d’autres professionnels et l’aides des pairs ont aussi été cités comme permettant l’apprentissage.

o « J’ai appris différentes techniques en observant d’autres thérapeutes, par les tuteurs que j’ai eus, les collègues que j’ai eus » (Ger-US)

o « beaucoup d’échanges aussi avec d’autres professionnels qui m’ont aussi appris beaucoup de choses » (Ger-Fr)

o « et puis c’est surtout, on s’est aussi enrichi par le fait de travailler ensemble » (Pedia-Fr)

o « je savais qu’il me restait encore beaucoup à apprendre, mais je savais aussi que les gens de mon travail allaient m’aider à apprendre, m’aider à grandir en tant qu’ergo. J’ai eu de bon mentors » (Psy-US)

o « On va apprendre des collègues, de la hiérarchie, des médecins, des kinés … quand je disais les collègues, c’est les autres ergo s’il y en a d’autres, mais ça peut être des fournisseurs de matériel, des orthoprothésistes, ça dépend où on travaille … » (Reed-Fr)

Les ergothérapeutes interrogées disent aussi avoir appris par des formations effectuées

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LIII

après leur diplôme. o « je me suis un peu plus spécialisée par rapport à la manutention avec la formation

GAPA. J’ai fait aussi des formations escarres et positionnement », « Après j’ai eu des formations par rapport au ___ comment accompagner la personne donc c’était la validation de Naomi Feil par exemple » (Ger-Fr)

o « je suis en train de monter, de mettre en place de la médiation par l’animal et ça c’est une amie à moi qui est ergo aussi qui est formée à ça elle et qui la du coup, on est en train de monter un partenariat parce que elle est en libéral, pour qu’elle puisse venir me former à ça » (Psy-Fr)

o « ici aux Etats-Unis, pour garder notre licence et pour être ergothérapeute [inscrite à l’ordre professionnel], on doit avoir 36 unités d’éducation continue tous les trois ans, donc c’est un jour et demi par an. » « je pense que les bases ont été apprises dans le système éducatif mais beaucoup a été appris en éducation continue par la suite et dans les formations spécialisées», « je pense que la majorité de ce que j’utilise maintenant, je peux dire que ça a été appris au fil des années après mes études initiales » (Reed-US)

o « certaines choses ont été apprises en allant à de nombreuses conférences au fil des années. J’essaie d’aller à une ou deux chaque année. » « beaucoup de choses ont changé […] depuis que je suis allée à l’école et que j’ai été diplômée » « c’est important de se tenir au courant. Je ne peux vraiment pas me fier juste à ce que j’ai appris à l’université mais plutôt à ce que j’apprends aujourd’hui dans des conférences et des groupes de travail » (Pedia-US)

Enfin, même si beaucoup d’apprentissage ont eu lieu après le diplôme, une majorité des professionnelles interrogés ont dit s’être senti prêt à exercer à la sortie de l’école.