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JOUr NAL De MÉDECINe Tr ADITIONNELLe CHINOISe - 2007 - 3 (4) 80 The Lantern vol. 4-(2): 4-9, may 2007 Vent du Sud/Autre regard !"#$%# ’ () *+",("- (. $#)$ *+"/("- +" ’ 0"#)* $%# ($. /12 /( 3(). $4() 3#555 6-",( 6()./(7 Guasha consiste gĂ©nĂ©ralement Ă  frotter avec un instrument Ă  bord lisse la surface de la peau lĂ  oĂč rĂ©side une lĂ©sion sous-cutanĂ©e ou un dĂ©sĂ©quilibre. Lorsque le traitement est efïŹcace, on peut obser- ver un rougissement cutanĂ© caractĂ©ristique, connu sous le nom de sha. Il s’agit d’une rĂ©ponse favorable, qui procure pour bĂ©nĂ©ïŹce immĂ©diat et durable de chasser le vent, rĂ©duire la chaleur et l’inïŹ‚ammation, Ă©liminer le froid et soulager la douleur, qu’elle soit superïŹcielle ou profonde. Guasha est utilisĂ© pour traiter de nombreux problĂšmes de santĂ© aigus et chroniques, aussi variĂ©s que rhume, grippe, ïŹĂšvre, mal de tĂȘte, indigestion, vertiges, blessure, douleur articulaire, ïŹbromyalgie et « coup de chaleur ». On le pratique aussi de maniĂšre courante pour relĂącher tensions et douleurs musculaires, soulager la lassi- tude et la fatigue. On peut aussi recourir Ă  l’action d’efïŹ‚eurement de guasha sur les points et les mĂ©ri- diens comme mĂ©thode d’amĂ©lioration de la santĂ©, et elle peut mĂȘme en ce cas ĂȘtre pratiquĂ©e Ă  travers les vĂȘtements (sans intention de faire apparaĂźtre sha). 89:)9!,#.9+) *" .(-;( :"#$%# Dans le monde anglophone, cette mĂ©thode est aussi connue sous des noms tels que spooning (grat- tage Ă  l’aide de cuillĂšres), coining (grattage Ă  l’aide de piĂšces), ou simplement scraping (raclage, grat- tage), mais tous ces substituts rĂ©cement apparus en 6-",( 6()./(7 # <."*9< () =$9( #3(, *($ >-#.9,9()$ (?>(-.$ () :"#$%# 1 /@%A>9.#/ *( ;<*(,9)( ,%9)+9$( .-#*9.9+))(//( *( 8%#):%#9 BC%9)(D2 (. #3(, E5 F-#): G( >()*#). /($ *+"H( ;+9$ +I 9/ # ;()< ") .-#3#9/ *( -(,%(-,%( $"- /($ >-#.90"($ ;<*9,#/($ >+>"/#9-($ #" $(9) *( /# ,+;;")#".< 39(.)#;9())( >+"- /( J(>#-.;(). +K L";#) 8(-39,($ BM.#. *( N9,.+-9#2 ="$.-#/9(D 5 C( .-#3#9/ $@($. -<3</< ")( +,,#$9+) (?,(>.9+))(//( *4+O.()9- *($ 9)K+-;#.9+)$ $"- /# >-#.90"( *( :"#$%# *@")( /9:)<( ,+))"( $+"$ /( )+; *( P F-#*9.9+) ;<*9,#/( O+"**%9$.( *" ;+9)( (--#). Q5 C(. ($$#9 >-<$().( 0"(/0"($ 9)K+-;#.9+)$ 9).<-($$#).($ (. >-#.90"($ >+"- *($ >-#.9,9()$ *( EFC5 Page opposĂ©e : Bruce exĂ©cute guasha sur une femme souffrant de douleurs chroniques de la nuque et des Ă©paules depuis un accident de ski, six ans aupara- vant. ImmĂ©diatement aprĂšs le traitement, elle constatait une mobilitĂ© accrue et une diminution importante de la douleur.

Vent du Sud/Autre regard - Qi et sang

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JOUr NAL De MÉDECINe Tr ADITIONNELLe CHINOISe - 2007 - 3 (4)80

The Lantern vol. 4-(2): 4-9, may 2007

Vent du Sud/Autre regard

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Guasha consiste gĂ©nĂ©ralement Ă  frotter avec un instrument Ă  bord lisse la surface de la peau lĂ  oĂč rĂ©side une lĂ©sion sous-cutanĂ©e ou un dĂ©sĂ©quilibre. Lorsque le traitement est effi cace, on peut obser-ver un rougissement cutanĂ© caractĂ©ristique, connu sous le nom de sha. Il s’agit d’une rĂ©ponse favorable, qui procure pour bĂ©nĂ©fi ce immĂ©diat et durable de chasser le vent, rĂ©duire la chaleur et l’infl ammation, Ă©liminer le froid et soulager la douleur, qu’elle soit superfi cielle ou profonde. Guasha est utilisĂ© pour traiter de nombreux problĂšmes de santĂ© aigus et chroniques, aussi variĂ©s que rhume, grippe, fi Ăšvre, mal de tĂȘte, indigestion, vertiges, blessure, douleur articulaire, fi bromyalgie et « coup de chaleur ». On le pratique aussi de maniĂšre courante pour relĂącher tensions et douleurs musculaires, soulager la lassi-tude et la fatigue. On peut aussi recourir Ă  l’action d’effl eurement de guasha sur les points et les mĂ©ri-diens comme mĂ©thode d’amĂ©lioration de la santĂ©, et elle peut mĂȘme en ce cas ĂȘtre pratiquĂ©e Ă  travers les vĂȘtements (sans intention de faire apparaĂźtre sha).

89:)9!& ,#.9+)&*"&.(-;(&:"#$%#Dans le monde anglophone, cette méthode est

aussi connue sous des noms tels que spooning (grat-tage Ă  l’aide de cuillĂšres), coining (grattage Ă  l’aide de piĂšces), ou simplement scraping (raclage, grat-tage), mais tous ces substituts rĂ©cement apparus en

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Page opposée : Bruce exécute guasha sur une femme souffrant de douleurs

chroniques de la nuque et des épaules depuis un accident de ski, six ans aupara-vant. Immédiatement aprÚs le traitement, elle constatait une mobilité accrue et une

diminution importante de la douleur.

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langue anglaise sonnent court en re-gard de l’ajustement de sens que re-prĂ©sente la dĂ©nomination guasha en chinois. Le terme comprend deux caractĂšres. Le premier, gua, signifi e frotter ou gratter, et le second, sha, est le nom donnĂ© au type caractĂ©ris-tique de rougeur diffuse en pointillĂ© et d’altĂ©ration de couleur qui appa-raissent sur la peau pendant et aprĂšs le traitement. Guasha signifi e donc « faire apparaĂźtre sha par grattage ». C’est pourquoi, comme le sens rĂ©el est bien mieux transmis par l’appel-lation chinoise, c’est celle-ci que l’on adoptera en l’intĂ©grant au langage courant - sans utiliser plus avant l’italique pour la romanisation de ces termes chinois. Un autre nom utilisĂ© communĂ©ment en Chine par la population ru-rale est gua feng, signifi ant « faire sortir le vent par grattage ». Cette mĂ©thode est aussi appelĂ©e cao gio (prononcĂ© gao yor) en vietnamien, qui signifi e de mĂȘme « faire sortir le vent par le grattage ». Il est intĂ©ressant de mentionner ces expressions, qui identifi ent la cause primaire du problĂšme (le vent Ă©tant typiquement jugĂ© responsable de beaucoup de dĂ©sordres de santĂ© courants), au lieu de mentionner sha, qui dĂ©signe l’effet en rĂ©action au processus.

C+).(?.(&%9$.+-90"(&(.&$+,9#/Comme beaucoup de pratiques médicales traditionnelles, guasha a

sans doute Ă©tĂ© pratiquĂ© en tant que technique populaire bien longtemps avant qu’on ne la trouve notĂ©e dans le premier Ă©crit qui la mentionne, qui date d’il y a environ 700 ans pour ce qui est de la tradition chinoi-se. Sa dĂ©couverte remonte probablement Ă  bien plus loin, sans doute aux temps prĂ©historiques, lorsqu’une personne, aprĂšs s’ĂȘtre frottĂ© Ă  plu-sieurs reprises une zone douloureuse contre une pierre faisant saillie sur la paroi d’une grotte, a notĂ© qu’en mĂȘme temps qu’apparaissait un changement de couleur, la douleur se trouvait diminuĂ©e.

La pratique de guasha se retrouve dans toute l’Asie, oĂč elle est parti-culiĂšrement populaire en Chine, Ă  TaĂŻwan, au Vietnam, au Cambodge, au Laos et en IndonĂ©sie. Pendant la relativement rĂ©cente et trĂšs som-bre pĂ©riode des Khmers rouges (Pol Pot) au Cambodge (1975-1979), tous les traitements mĂ©dicaux traditionnels, tout comme les pratiques

SHA ET LES MODIFICATIONS CHROMATIQUES QUI LUI SONTASSOCIÉES CONTIENNENT AUSSI LESFACTEURS PATHOGÈNES RESPONSABLES DE L’OBSTRUCTION. LORSQU’ILS SONT DÉGAGÉS, LA RÉGION RECOUVRE SON INTÉGRITÉ HABITUELLE.

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biomĂ©dicales, Ă©taient strictement interdits exceptĂ© guasha. Quiconque se faisait prendre Ă  pratiquer une autre thĂ©rapie que guasha Ă©tait exĂ©cutĂ© ou, s’il avait de la chance, allait en prison - c’est ce que m’a rapportĂ© un guĂ©risseur de village, qui Ă©tait aussi instituteur, lorsque je me trouvais au Cambodge en 2003. Il avait lui-mĂȘme Ă©vitĂ© de se faire repĂ©rer grĂące au don qu’il avait eu de percevoir ce qui se tramait. Par prĂ©caution, il avait quittĂ© sa rĂ©gion, oĂč il Ă©tait connu, pour se dĂ©placer vers le nord. LĂ -bas, il s’était conduit pen-dant toutes ces annĂ©es comme un « idiot » sans logis. Il m’a expliquĂ© que guasha Ă©tait une pratique si courante, exĂ©cutĂ©e par tout le monde, qu’elle n’a pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme l’apanage des intellectuels, et que c’est ainsi qu’elle n’est pas apparue suspecte aux yeux du Parti. MĂȘme les ventouses et le massage avaient Ă©tĂ© interdits.

Bien que les experts de cette mĂ©thode aient dĂ©veloppĂ© une large gamme d’applications du traitement par guasha, guasha reste pour la plupart des gens une technique de prĂ©-vention ou de premiers soins pour beaucoup de problĂšmes de santĂ© courants. Son usage est majoritairement celui d’une pratique traditionnelle populaire employĂ©e dans le cadre domestique. À la maison, c’est habituellement la maman, le papa ou les grands-parents qui savent l’exĂ©cuter. C’est ainsi que j’ai souvent entendu des Vietnamiens d’Australie dire : « Je me le fais moi-mĂȘme » ou : « Si vous avez besoin de cao gio, ce n’est pas diffi cile de trouver quelqu’un. »

La transmission d’une gĂ©nĂ©ration Ă  l’autre de ce savoir-faire s'effectue oralement et par l’observation plus que par les livres. Elle n’est pas l’apanage d’un genre plus que de l’autre. Elle est pratiquĂ©e indiffĂ©remment par les hommes et les femmes, bien qu’il semble juste de noter qu’elle est plus couramment exĂ©cutĂ©e par les femmes, qui assument dans la majo-ritĂ© des foyers traditionnels la prise en charge des soins. Comme il s’agit d’une technique sĂ»re, effi cace et peu coĂ»teuse, le gouvernement chinois a rĂ©cemment encouragĂ© une plus large diffusion de sa pratique Ă  l’ensemble de la sociĂ©tĂ©.

Mais il serait inexact de penser que guasha est une tradition mĂ©dicale exclusivement asiatique. C’est ce qu’un ami a dĂ©couvert lors d’un entretien avec une vieille femme grec-que de 97 ans, connue dans son village pour ses talents de guĂ©risseuse. InterrogĂ©e sur sa connaissance de la mĂ©thode, elle rĂ©pliqua : « Oh, c’est comme ce que j’avais l’habitude de faire dans mon pays. On allait dans le lit de la riviĂšre chercher des galets bien lisses, et on frottait la rĂ©gion douloureuse du corps, jusqu’à ce que cela rougisse - lĂ , je savais que cela allait mieux. »

R)(&:<)9#/(&%9$.+9-(&*(&:"#$%#&#"$.-#/9())(Il y a de cela Ă  peu prĂšs quatre-vints ans, un jeune masseur

fougueux de Nouvelle-Galles du Sud travaillait si dur et telle-ment en profondeur sur ses patients qu’il se retrouva rapidement

avec aux mains des blessures fort handicapantes. Incapable de continuer Ă  travailler de telle maniĂšre, il demanda Ă  un ami ingĂ©nieur de lui fabriquer un outil qu’il puisse tenir Ă  la main afi n de poursuivre sa pratique. L'outil fut confectionnĂ©, en fer et avec des bords arrondis. À sa grande stupĂ©faction, ses traitements se sont mis Ă  produire « sha », chose

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qu’il a cru ĂȘtre connue de nul autre que lui. Il a interprĂ©tĂ© sha comme « dĂ©loger l’arthrite ». Bien que son style de traitement soit plutĂŽt franchement douloureux, il se retrouva rapidement avec une clientĂšle fort nombreuse. Il reçut le surnom de « Bob-barre-de-fer » (Iron Bar Bob). Les choses recommencĂšrent Ă  mal tourner lorsque des collĂšgues jaloux appartenant Ă  la confraternitĂ© du massage, se trou-vant trĂšs contrariĂ©s de tout ceci, rĂ©clamĂšrent - et obtinrent - sa radiation [N.d.T. : disbarment, en anglais !].

Pour ne pas se laisser abattre, et Ă  la recherche d’un revenu durant la Grande dĂ©pression des annĂ©es 30, il dĂ©cida de mettre sa dĂ©couverte Ă  l’Ɠuvre sur des lĂ©-vriers. Alors, avec un groupe de copains, ils achetĂšrent pour une bouchĂ©e de pain des lĂ©vriers Ă  la retraite et donnĂšrent une seconde jeunesse Ă  leur carriĂšre en les dĂ©barrassant de leur arthrite. Car tel Ă©tait son plan. Ils inscrivaient Ă  des courses les lĂ©vriers ainsi remis en forme et pariaient sur eux des sommes aussi Ă©levĂ©es que possible, sous les yeux incrĂ©dules et les railleries des bookmakers - jusqu’à ce qu’ils soient obligĂ©s de payer ! Tout ceci m’a Ă©tĂ© racontĂ© par son seul et unique Ă©tudiant (Iron Bar tenait Ă  protĂ©ger sa dĂ©couverte) qui Ă©tait venu Ă  Melbourne pour Ă©tudier avec moi dans les annĂ©es 90. Il a Ă©tĂ© surpris - et soulagĂ© - d’appren-dre que, loin d’ĂȘtre douloureux, guasha pouvait ĂȘtre exĂ©cutĂ© avec la mĂȘme effi -cacitĂ© d’une maniĂšre douce et agrĂ©able ce qui, il en convint, en faisait une bien meilleure technique.

S"@($.T,(&0"(&$%#&USha est le terme qui désigne les petits points rouge foncé qui, pendant le trai-

tement par guasha, Ă©mergent Ă  la surface de peau depuis les niveaux superfi ciels ou plus profonds du corps. En biomĂ©decine, sha est appelĂ© pĂ©tĂ©chies par les der-matologues, et est compris uniquement sous l’angle d’une anomalie pathologique. Il se produit aussi un type de rougeur plus diffuse, in-terprĂ©tĂ© comme une ecchymose (ou une meurtrissure) en mĂ©decine occidentale conventionnelle, et est Ă©galement vu seulement comme une anomalie. Cependant, quand ces changements de couleur appa-raissent, les praticiens de guasha sont ravis, car ils ont ainsi l’assurance que le traitement a Ă©tĂ© positif. En d’autres termes, avec guasha (et on peut dire la mĂȘme chose des ventouses), nous sommes tenus de revoir notre maniĂšre habituelle de penser les « marques anormales », et de savoir les apprĂ©cier diffĂ©remment. Loin d’ĂȘtre des meurtrissures, le fait qu’elles se prĂ©sentent a, dans le contexte de guasha ou des ven-touses, une tout autre signifi cation, puisqu’il est le signe du processus curatif. Les raisons qui permettent d’expliquer la production de sha deviennent plus faciles Ă  comprendre lorsqu’on les envisage en se rĂ©-fĂ©rant Ă  la terminologie mĂ©dicale traditionnelle.

QI ET SANG SONT TOUS DEUX DE NATURE CHAUDE, DONC, LORSQU’ILS SE TROUVENT COMPRIMÉS, COMME CELA SE PRODUIT EN CAS DE BLOCAGE OU DE STAGNATION, LA CHALEUR APPARAÏT ET SE CONCENTRE EN UNE SUBSTANCE NOUVELLE !: SHA.

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Selon la mĂ©decine chinoise traditionnelle, le sha est produit quand l’écoulement rĂ©-gulier du qi et du sang devient stagnant ou bloquĂ©. Ceci peut ĂȘtre dĂ» Ă  des blessures traumatiques ou Ă  la pĂ©nĂ©tration de facteurs climatiques ennemis tels que le vent ou les conditions pathogĂšnes internes. Un fameux dicton mĂ©dical chinois dit : « LĂ  oĂč le qi et le sang sont bloquĂ©s, il y a douleur » (bu tong ze tong). Qi et sang sont tous deux de nature chaude, donc, lorsqu’ils se trouvent comprimĂ©s, comme cela se produit en cas de blocage ou de stagnation, la chaleur apparaĂźt et se concentre en une substance nouvelle : sha. Sha et le changement chromatique qui lui est associĂ© contiennent Ă©galement le(s) facteur(s) pathogĂšne(s) responsable de l’obstruction, et une fois celui-ci dĂ©gagĂ©, l’intĂ©gritĂ© normale de la zone concernĂ©e est restaurĂ©e, puisque le qi et le sang retrouvent une circulation harmonieuse.

Dans le cas de problÚmes musculo-squelettiques, de nombreuses personnes habituées à guasha y ont souvent recours comme premier traitement, sachant que débarrasser le corps de sha évacue les toxines qui obstruent et provoquent la douleur.

Du point de vue traditionnel, un massage préalable de la région affectée est essentiel pour disperser toute concentration importante de qi et de sang susceptible de provoquer un problÚme de douleur pendant le traitement par guasha.

J<;+)$.-#.9+)&*(&:"#$%#C’est toujours pour moi un moment fascinant, lorsque j’ai l’occasion de faire pour la

premiÚre fois une démonstration de guasha à des étudiants, de voir la stupéfaction se peindre sur leur visage.

Ce qui les convainc de l’authenticitĂ© de la mĂ©thode est la facilitĂ© avec laquelle sha ap-paraĂźt de façon intense aprĂšs juste quelques frottements appliquĂ©s d’une main lĂ©gĂšre et bienveillante sur les rĂ©gions douloureuses. Ils constatent aussi aisĂ©ment que sur une zone saine, on ne peut en aucune maniĂšre faire apparaĂźtre une telle modifi cation de couleur.

Un autre point trĂšs convaincant est de constater que le « patient » signale immĂ©diate-ment qu’il se sent bien mieux. Et quand dans la classe une personne Ă  la nuque raide et endolorie se propose comme « cobaye », on est sĂ»r de tenir une bonne dĂ©monstration de l’effi cacitĂ© de guasha.

Cela vaut toujours la peine, avant de traiter, de prendre le temps d’examiner le degrĂ© de mobilitĂ© afi n que les observateurs puissent mesurer par la suite le gain en mobilitĂ© et en confort.

Des commentaires tels que « intrigant » ou « vraiment inespĂ©rĂ© » se font souvent enten-dre dans l’assemblĂ©e. L’une des raisons pour lesquelles beaucoup de personnes des zones rurales dans l’ensemble de l’Asie apprĂ©cient guasha tient au soulagement qu’il procure immĂ©diatement. Ils disent qu’ils peuvent ainsi continuer leur travail du jour.

G#&>-#.90"(&*(&:"#$%#&*#)$&/#&,+;;")#".<&39(.)#;9())(&*(&E(/O+"-)(En 2002, j’ai Ă©tĂ© choisi par les reprĂ©sentants de la communautĂ© vietnamienne de l’ouest

de Melbourne pour conduire un projet de recherche de douze mois soutenu par le DĂ©par-

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tement des services aux personnes (État de Victoria), intitulĂ© Pratiques mĂ©dicales populaires dans la CommunautĂ© vietnamienne. J’ai rĂ©digĂ© un rapport de 180 pages, qui a par la suite Ă©tĂ© divisĂ© en deux livrets, MĂ©decine populaire vietnamienne : applications et pratiques sans risque et Pratiques mĂ©dicales populaires dans la communautĂ© vietnamienne pour ĂȘtre distribuĂ©s dans toute la communautĂ© vietnamienne, ainsi qu’aux dispensaires et aux Ă©tablissements Ă©ducatifs de l’État de Victoria. Les modes de thĂ©rapie principalement concernĂ©s Ă©taient guasha (cao gio), les ventouses, les pincements, les fumigations, le massage et la diĂ©tĂ©tique. En ce qui concerne guasha, l’une des raisons qui ont contribuĂ© Ă  motiver les leaders de la communautĂ© vietnamienne pour ce projet de recherche Ă©tait leur dĂ©sir d’informer la communautĂ© de la maniĂšre sĂ»re et effi cace de pratiquer cette technique. Car la pratique, trĂšs courante, qui consiste Ă  employer une piĂšce de monnaie, particuliĂšrement lorsqu’elle est utilisĂ©e d’une maniĂšre Ă©nergique (ce qui est trĂšs souvent le cas), peut ĂȘtre douloureuse, sans parler du risque de provoquer des lĂ©sions. Lorsque la peau est blessĂ©e, il y a un risque de transmission de maladies vĂ©hiculĂ©es par le sang, comme l’hĂ©patite et le sida.

Un chapitre important du rapport mettait l’accent sur les erreurs d’interprĂ©tation des marques laissĂ©es par guasha (et les ventouses) de la part des praticiens de santĂ© de mĂ©-decine occidentale ou des travailleurs sociaux, et d’autres du mĂȘme genre. Le rapport expliquait que ces marques ne doivent pas ĂȘtre confondues avec des traces rĂ©sultant de maltraitance ou de pratiques thĂ©rapeutiques erronĂ©es.

J’ai Ă©galement eu la chance, grĂące Ă  mes contacts, de devenir l’étudiant permanent d’un Vietnamien solitaire, dĂ©positaire d'un savoir en voie d’extinction connu sous le nom de Tradition mĂ©dicale bouddhiste du moine errant - un sujet que je devrais soumettre Ă  The Lan-tern. Une partie des informations contenues dans cet essai vient de cette source. Mais pour commencer, voici un bref compte-rendu des rĂ©sultats les plus intĂ©ressants recueillis au fi l de 360 questionnaires oraux et de 25 entretiens approfondis rĂ©alisĂ©s pour ce projet.

Il en ressort que guasha est la forme de traitement la plus populaire au sein de la com-munautĂ© vietnamienne de Melbourne, avec un taux d’utilisation de 63 %. Ceci signifi e que pour un Vietnamien, parmi toutes les formes de recours mĂ©dical disponibles, depuis les thĂ©rapies traditionnelles jusqu’aux mĂ©dicaments de la mĂ©decine occidentale, guasha constitue le plus apprĂ©ciĂ©. Ce taux d’utilisation de 63 % signifi e que pour cette large ma-joritĂ© de personnes, guasha a la prĂ©fĂ©rence comme traitement en premier recours.

Parmi les questionnaires, Ă  la question « pourquoi prĂ©fĂ©rez-vous cette mĂ©thode ? » cer-tains des commentaires en relation avec guasha (cao gio) Ă©taient :- Parce que cela marche et que je n’ai pas besoin de prendre de mĂ©dicaments. (Femme,

17 ans).- Ma maman aime le faire. (Femme, 15 ans).- Avec cette mĂ©thode, on ne dĂ©pense pas d’argent, elle est effi cace et elle me permet

d’éviter de passer des heures dans la salle d’attente d’un docteur. (Homme, 51 ans).- Parce qu’elle donne de bons rĂ©sultats pour beaucoup de gens, et qu’ainsi la tradition

continue. (Femme, 67 ans).

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- Quand j’attrape un coup de froid ou une grippe, j’aime me faire soigner avec cao gio car cela ouvre les points et fait circuler le sang. Je me sens immĂ©diatement mieux physiquement et dĂ©tendue en mĂȘme temps. (Femme, 29 ans).

- Cao gio est effi cace. Je l’ai toujours employĂ©. (Homme, 22 ans).- Cela paraĂźt marcher chaque fois que j’ai un rhume. (Femme, 22 ans).- TrĂšs souvent, j’ai pu constater que cao gio est trĂšs effi cace, et donc je l’emploie frĂ©quem-

ment. (Homme, 67 ans).- Je crois que cao gio est bĂ©nĂ©fi que, parce qu’une fois que le vent a Ă©tĂ© chassĂ© au-dehors

vous vous sentez trĂšs bien. (Femme, 16 ans).- Il procure un rĂ©sultat rapide. Je prĂ©fĂšre commencer par me traiter par moi-mĂȘme avant

d’aller voir un docteur. (Homme, 61 ans).- Je n’aime pas cela parce que c’est douloureux - mais c’est effi cace quand j’ai Ă©tĂ© attaquĂ©e

par le vent nocif. (Femme, 18 ans).- Rapide, pratique et effi cace. (Homme, 18 ans).

R$.()$9/($Bien que ce soit une cuillĂšre Ă  soupe chinoise en porcelaine, une piĂšce de monnaie Ă 

bord lisse ou un couvercle mĂ©tallique de pot en verre qui soit gĂ©nĂ©ralement utilisĂ© pour exĂ©cuter guasha, rien ne permet d’exĂ©cuter cette technique mieux qu’un grattoir en corne de buffl e d’eau spĂ©cifi quement poli Ă  cette intention. Ceux-ci sont fabriquĂ©s en Chine. En plus d’avoir un bord parfaitement lisse, selon la Materia medica chinoise, la corne de buffl e d’eau a des propriĂ©tĂ©s particuliĂšres : prise en traitement interne, elle dĂ©gage les toxines de la chaleur et du feu dans le sang ; utilisĂ©e en externe, comme instrument de guasha, elle libĂšre des facteurs de sha que sont le vent et la chaleur.

Il est Ă©galement bon de noter, et je ne doute pas Ă  ce sujet de la fi abilitĂ© de mon infor-mateur, que les buffl es d’eau ne sont pas tuĂ©s pour leurs cornes - ils ont bien trop de valeur en tant qu’animaux domestiques. Ce n’est qu’une fois qu’ils sont morts naturellement que leurs cornes sont recueillies puis dĂ©coupĂ©es en tranches et façonnĂ©es en instrument de guasha. Il y a d’autres moyens, faute de plus de ressources Ă  disposition, comme frotter avec la pointe des phalanges poing fermĂ©, ou mĂȘme avec les deux index entourĂ©s d’une poignĂ©e de crins de cheval, comme je l’ai vu faire dans la campagne taĂŻwanaise durant les annĂ©es 70, par un homme s’employant Ă  soulager les muscles endoloris de son voisin.

J9#:)+$.9,Une maniĂšre de diagnostiquer la prĂ©sence de sha est d’appuyer avec les doigts Ă  l’em-

placement de la douleur. Dans des conditions normales, dĂšs qu’on enlĂšve les doigts, les traces laissĂ©es par la pression disparaissent rapidement. Par contre, quand sha est prĂ©sent, les traces dĂ©colorĂ©es ou blanches restent plus longtemps que la normale et s’estompent lentement, parce que la circulation locale est entravĂ©e par l’effet d’obstruction dĂ» Ă  la prĂ©sence de sha.

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V(,+;;#)*#.9+)$&>+"-&:"#$%#Guasha est relativement facile à exécuter. Il est cependant tout à fait commun

de voir guasha exĂ©cutĂ© avec la mĂȘme pression d’une personne Ă  l’autre. Il vaut mieux que la pression tienne compte de la vitalitĂ© de la personne qui reçoit le traitement. Si le patient est robuste, alors guasha peut ĂȘtre appliquĂ© assez lente-ment et avec un degrĂ© de pression certain. Mais dĂšs qu’il s’agit d’une personne faible ou malade, la pression devrait ĂȘtre lĂ©gĂšre et le geste rapide afi n de tonifi er les points et dĂ©gager les mĂ©ridiens. Il est Ă©minemment dommage que certains praticiens emploient une pression beaucoup trop forte quand ils exĂ©cutent guasha. J’ai entendu beaucoup d’histoires de personnes se plaignant que guasha Ă©tait dou-loureux, voire atroce. Ceci relĂšve d’une mauvaise pratique, c’est complĂštement inutile et cela ruine la rĂ©putation de la technique elle-mĂȘme !

W)K+-;#.9+)&(.&,+)$().(;().&<,/#9-<&*"&>#.9().Un des défi s pour les praticiens dans le processus visant à obtenir un consente-

ment Ă©clairĂ© du patient est d’expliquer ce qu’est guasha et de prĂ©venir que mĂȘme avec des frottements lĂ©gers des marques risquent d’apparaĂźtre.

L’explication atteint mieux son objectif si elle est Ă  la fois instructive et brĂšve. Imaginons que le patient souffre de douleurs aux Ă©paules. En un mot, voici com-ment j’aborde habituellement les choses.« Je pense que ce serait une bonne idĂ©e de vous faire une sĂ©ance de guasha. C’est

une mĂ©thode chinoise pour soulager les douleurs musculaires en stimulant l’élimination d’un type particulier de toxine appelĂ© sha, qui est la cause de

Quelques exemples degrattoirs : corne de buffl e d’eau, corne de chĂšvre, piĂšce de bronze ancienne montĂ©e sur une poignĂ©e de bois, cuillĂšre de porcelaine.Collection & clichĂ© de l’auteur, dr.

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la douleur et de la raideur. C’est une mĂ©thode relaxante et agrĂ©able, qui utilise cet instrument [ je montre le grattoir en corne de buffl e au patient] et qui va proba-blement attirer les toxines en surface, ce qui provoquera temporairement des mar-ques sur la peau. DĂšs que cela se produit, vous devriez vous sentir bien mieux. Les marques s’estompent rapidement - dans les vingt-quatre heures - et disparaissent habituellement en trois Ă  quatre jours. »

AprĂšs avoir vĂ©rifi Ă© l’absence de contre-indication (voir plus loin) et avoir demandĂ© si les marques risquaient d'ĂȘtre la cause d'une gĂȘne quelconque, vous pouvez demander : « Est-ce que cela vous convient ? »

Je trouve que la plupart des gens accueillent trĂšs bien cette explication. Les seuls refus que j’ai jamais essuyĂ©s Ă©manaient de patients ayant prĂ©cĂ©demment reçu guasha d’un pra-ticien qui n’y Ă©tait pas allĂ© de main-morte. C’est Ă©galement une trĂšs bonne idĂ©e d’avoir deux miroirs dans votre cabinet, afi n que le patient puisse voir dans un miroir devant lui l’image de son dos [« Comme chez le coiffeur ! » N.d.T.]. Car il peut ĂȘtre trĂšs dĂ©concer-tant pour quelqu’un de ne dĂ©couvrir les marques que plus tard, alors que le praticien ne sera plus lĂ  pour le rassurer.

C+;;().&>-#.90"(-&:"#$%#Guasha est appliqué principalement sur le dos, le cou, les épaules, les fesses et les mem-

bres. Une huile assez dense est Ă©talĂ©e sur la rĂ©gion qui va ĂȘtre traitĂ©e. L’instrument confor-tablement tenu en main, le praticien pratique habituellement 10 Ă  30 passages en allant du haut vers le bas, c’est-Ă -dire en s’éloignant de la tĂȘte. Une façon simple de s’assurer que la force utilisĂ©e est correcte est de demander au patient si la pression ne lui paraĂźt pas dĂ©sa-grĂ©able. Pour obtenir les meilleurs rĂ©sultats, guasha insistera sur les points d’acupuncture locaux et distaux dĂ©terminĂ©s par le diagnostic.

E<.%+*(Si vous ĂȘtes droitier, tenez l’instrument de guasha dans votre main droite. Votre bras

droit doit ĂȘtre dans une position confortable et dĂ©tendue.1. Votre instrument doit ĂȘtre tenu de maniĂšre Ă  former un angle de 45 degrĂ©s avec la

région que vous souhaitez traiter.2. Commencez par frotter doucement pour les premiers passages, puis appliquez une

pression un peu plus forte si nĂ©cessaire. À partir de ce moment-lĂ , ne modifi ez plus la puissance d’application. Que votre geste reste constant, avec la force et le rythme appro-priĂ©s.

3. Essayez d’exĂ©cuter des passages longs (15 Ă  18 centimĂštres, soit environ 6 Ă  7 pouces) et ininterrompus lĂ  oĂč c’est possible.

4. Conservez la mĂȘme direction, c’est-Ă -dire vers le bas - ne faites pas de trajets allant vers le bas puis revenant vers le haut [« pas d’allers-retours », N.d.T.].

5. Chaque passage doit ĂȘtre exĂ©cutĂ© 10 Ă  30 fois avant de passer Ă  la rĂ©gion suivante.

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6. DÚs que vous en avez terminé avec une région, couvrez-la immédiatement avec une serviette pour la maintenir bien au chaud.

Remarque : Faites extrĂȘmement attention de ne passer sur aucun grain de beautĂ©, aucun bouton, ni sur une zone cutanĂ©e anormale. Pour Ă©viter un grain de beautĂ©, placez votre doigt dessus afi n de le protĂ©ger du contact. FenĂȘtres ouvertes, courants d’air, venti-lateurs et climatisation ne sont pas recommandĂ©s pendant le traitement afi n d’éviter que le vent pathogĂšne ne pĂ©nĂštre par les pores - alors ouverts - de la peau.

=>-X$&:"#$%#‱ Laissez au patient un moment pour se reposer et offrez-lui un verre d’eau chaude.‱ PrĂ©venez le patient qu’il ne doit prendre ni douche ni bain durant l’heure suivant le

traitement. Douche ou bain dans l’eau froide sont Ă  Ă©viter pendant au moins 24 heures aprĂšs le traitement.

‱ Informez le patient qu’il est important de maintenir toutes les rĂ©gions traitĂ©es bien couvertes et au chaud. Il doit Ă©galement ĂȘtre sĂ»r de pouvoir se prĂ©server de toute exposi-tion au vent - ventilateurs et climatisation compris.

Y-<,#".9+)$&(.&,+).-(T9)*9,#.9+)$Prenez soin d’éviter boutons, grains de beautĂ© et toute autre zone comportant des ano-

malies cutanĂ©es, qui risqueraient d’ĂȘtre Ă©rafl Ă©es, Ă©gratignĂ©es ou blessĂ©es si un instrument passait dessus. Il faut Ă©galement prendre soin d’appliquer Ă  chaque rĂ©gion la pression ap-propriĂ©e. La premiĂšre rĂšgle de tout procĂ©dĂ© thĂ©rapeutique est NE PAS NUIRE.

N’appliquez pas guasha :1. aux personnes trop affaiblies pour supporter le traitement ;2. aux personnes souffrant de saignements ;3. aux personnes sous anticoagulant ;4. pendant la grossesse ;5. peu aprùs une intervention chirurgicale ;6. sur des zones comportant des varices, des atteintes dermatologiques ou des plaies

ouvertes, des Ă©gratignures, etc. ;7. en cas de maladie contagieuse grave ;8. dans l’heure qui suit ou prĂ©cĂšde un repas.

!"#$%#&+"&3().+"$($&UBien que guasha et les ventouses aient certaines indications en commun, guasha est

plus effi cace pour Ă©liminer sha. On peut quelquefois observer sha lors de l’application de ventouses fi xes, mais il apparaĂźt surtout avec la mĂ©thode des ventouses baladeuses. De toute maniĂšre, c’est guasha qui est le plus Ă  mĂȘme d’attirer complĂštement cette toxine Ă  la surface - oĂč elle est alors entiĂšrement expulsĂ©e hors du corps par weiqi. On considĂšre aussi que guasha est meilleur pour libĂ©rer la superfi cie des facteurs pathogĂšnes, alors que

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l’action d’attraction des ventouses permet d’attirer les pathogùnes depuis les zones plus profondes du corps.

Un simple exemple de l’intĂ©rĂȘt de guasha, particuliĂšrement lorsqu’il est effectuĂ© avec un grattoir en corne de buffl e d’eau, est le traitement du mal de tĂȘte (quelquefois associĂ© Ă  des dĂ©mangeaisons) que l’on effectue sur le cuir chevelu, endroit oĂč l’utilisation de ven-touses est impossible. Guasha, qui ouvre les mĂ©ridiens yang au niveau de la tĂȘte, constitue la mĂ©thode la plus effi cace et la plus rapide pour Ă©liminer les cĂ©phalĂ©es dues au vent (dans ce cas, nul n’est besoin de faire apparaĂźtre sha). Cela prend toute son importance si l’on se rappelle l'Ă©noncĂ© du Suwen au chapitre 5 : « Le mieux est de traiter [les maladies par] la peau et les poils. »

Une illustration criante de l’effi cacitĂ© de guasha pour affĂ»ter les sens et permettre au yang pur de circuler est d’essayer la technique suivante. Prenez votre grattoir, fermez les yeux et, durant quelques minutes, frottez (trĂšs lĂ©gĂšrement) - d’un seul cĂŽtĂ© de la tĂȘte - en partant du front vers la ligne occipitale. Continuez en descendant vers la colonne de jade (soit le muscle trapĂšze supĂ©rieur). AprĂšs quelques instants de repos, ouvrez les yeux. Ressentez-vous une diffĂ©rence entre les deux cĂŽtĂ©s ?

C#$&ZEn 1998 j’enquĂȘtais dans la province du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, et

voyageais en bus vers une ville connue comme l’une des « Trois Fournaises » de la Chine. Dans ces paysages de dĂ©serts miroitants, les gens vivent sous terre et l’on ne voit Ăąme qui vive tant que le soleil est haut. En chemin, je suis passĂ© prĂšs de la « Montagne en fl am-mes », rendue cĂ©lĂšbre par sa description dans le classique PĂ©rĂ©grinations vers l’Ouest. Il fai-sait incroyablement chaud, et je me trouvais assis sur la banquette arriĂšre du car pendant quatre heures, avec le soleil qui tapait sur la nuque.

Quand je suis arrivĂ©, je me suis senti un peu fl ageolant en descendant de l’autobus, et une heure plus tard, alors que le soleil commençait Ă  descendre, j’ai vraiment commencĂ© Ă  me sentir assez mal et Ă©motionnellement dĂ©sorientĂ©. C’était ma premiĂšre expĂ©rience de syndrome de « coup de chaleur » et fort heureusement, le directeur de l’hĂŽtel savait quoi faire. Alors que j’étais assis dehors sur la terrasse du restaurant, Ă  l’ombre d’une treille, il a remarquĂ© mon Ă©tat. « Nous avons l’habitude de voir cela, laissez-moi vous arranger ça », m’a-t-il dit. Il exĂ©cuta guasha sur mon crĂąne, commençant au point baihui (20DM) et descendant sur approximativement 6 Ă  7 centimĂštres (2 pouces) vers mon front. Ensuite, de baihui, il descendit sur la mĂȘme distance Ă  gauche et Ă  droite du point, puis en traçant une ligne descendant vers le milieu de ma nuque. Il a terminĂ© en grattant des deux cĂŽtĂ©s depuis le point fengchi (20VB) en suivant la ligne centrale des muscles trapĂšzes. L’ensemble du processus n’a durĂ© que quelques minutes, et je me suis immĂ©diatement senti comme si je n’avais jamais eu aucun problĂšme.

C’était vraiment un rĂ©tablissement trĂšs impressionnant et je ne connais aucune autre mĂ©thode capable de rivaliser avec celle-ci et de s’approcher du soulagement que j’ai ob-tenu en si peu de temps. L’explication en est que la chaleur, qui monte dans le corps

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(comme le fait toujours la chaleur), a Ă©tĂ© effi cacement ventilĂ©e au point baihui et autour du point, sur la nuque et le haut du dos. Mon cuir chevelu et mes trapĂšzes Ă©taient une vĂ©ritable masse de sha - et je n’aurais pas pu ĂȘtre plus heureux. N’est-ce pas formidable en tant que praticien de faire l’expĂ©rience d’une pratique de soin si effi cace et pertinente - et d’avoir en la personne de son aubergiste un praticien de guasha qui vous soigne Ă  domi-cile ! VoilĂ  ce que j’aime en Asie.

C#$&[Premier acte. Pendant un stage de tuina, j’ai prĂ©sentĂ© guasha et ai demandĂ© un volon-

taire qui souffre de nuque raide et douloureuse. La premiĂšre main Ă  se lever fut celle d’un jeune homme d’une vingtaine d’annĂ©es, qui travaillait toute la journĂ©e sur ordinateur. ImmĂ©diatement aprĂšs le traitement, il se dit trĂšs soulagĂ©, et tous les Ă©tudiants Ă©taient tĂ©-moins d’une spectaculaire apparition de sha qui s’étendait sur la nuque et tout le haut du dos. Ils ont Ă©galement pu remarquer dans la foulĂ©e le gain de mobilitĂ© obtenu : la capacitĂ© de mouvement Ă©tait nettement amĂ©liorĂ©e en comparaison de ce qu’elle Ă©tait deux minutes auparavant. Une semaine plus tard, le jeune homme a rapportĂ© devant la classe qu’il con-tinuait de ressentir l’amĂ©lioration dans la rĂ©gion traitĂ©e. Les autres Ă©tudiants ont naturel-lement rĂ©clamĂ© de regarder sa nuque, pour voir si les marques Ă©taient encore visibles mais, comme on pouvait s’y attendre, elles s’étaient toutes entre temps complĂštement effacĂ©es.

DeuxiĂšme acte. Quelques semaines plus tard, je dirigeais un stage de guasha d’une journĂ©e. À nouveau, je demandai un volontaire pour la premiĂšre dĂ©monstration du jour. J’ai demandĂ© quelqu’un avec un mal de dos, et c’est la mĂȘme personne que la premiĂšre fois qui s’est prĂ©sentĂ©e en premier. Maintenant, Ă©coutez-moi bien, je vous assure que je n’enjolive pas. J’avais complĂštement oubliĂ© que j’avais prĂ©cĂ©demment effectuĂ© un traite-ment sur cette personne. J’ai commencĂ© Ă  pratiquer guasha en suivant la ligne occipitale, en descendant sur les deux trapĂšzes et en traversant sur le haut des Ă©paules
 et rien ! Dans des moments pareils, en tant que professeur, on doit essayer de ne pas perdre la face ! Quoi qu’il en soit, j’ai continuĂ© (en proie au dĂ©sespoir), et lĂ , extraordinaire, comme si une li-gne avait Ă©tĂ© tracĂ©e, une masse de sha est apparue depuis le bord supĂ©rieur de l’omoplate jusqu’à l’ensemble de l’espace entre les deux omoplates. Un sha puissant s’est Ă©galement dĂ©gagĂ© de la rĂ©gions du muscle sous-Ă©pineux, des deux cĂŽtĂ©s. Waoou ! Mais j’étais per-plexe, et j’ai remarquĂ© Ă  quel point il Ă©tait Ă©trange que la rĂ©gion supĂ©rieure soit exempte de sha, alors que le reste de la zone en arborait la rougeur avec un tel Ă©clat.

Mon « modĂšle » s’est alors redressĂ© en disant : « Vous ne vous rappelez pas que vous avez « fait » la nuque et le haut des Ă©paules lors d’une dĂ©mo rapide Ă  l’école, il y a envi-ron deux mois ? » Son rappel en faisait du mĂȘme coup un exemple de guasha sans pareil. PremiĂšrement, il montrait de la meilleure maniĂšre possible que c’est seulement lorsqu’il y a un problĂšme que sha Ă©merge vraiment, et en second lieu que, dans ce cas-ci au moins, bien que la personne exerce toujours le mĂȘme travail, la rĂ©gion dĂ©jĂ  traitĂ©e auparavant conserve un bon niveau de confort et de mobilitĂ©. !