GalleryBooksUndépartementdeSimon&Schuster,Inc.1230AvenueoftheAmericasNewYork,NY10020
Celivreestunefiction.Touteréférenceàdesévénementshistoriques,despersonnesoudeslieuxréelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévénements,sontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavecdespersonnagesvivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.
Copyright©2015byAnnaToddL’auteurestreprésentéparWattpad.Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondecelivreoudequelquecitationquecesoit,sousn’importequelleforme.Titreoriginal:BeforePremièreédition:GalleryBooks,décembre2015
GALLERYBOOKSetcolophonsontdesmarquesdéposéesdeSimon&Schuster,Inc.
Couverture:©Simon&SchusterUK.Logoinfini:©GrupoPlaneta–ArtDepartment
Pourlaprésenteédition:©2016,HugoetCompagnie34/36,rueLaPérouse75116Paris
OuvragedirigéparIsabelleAntoniISBN:9782755625516
Àtousmesformidableslecteursquim’inspirentplusqu’ilsnelesaurontjamais.
LAPLAYLISTDETessaETHardin. .
«NeverSayNever»parTheFray«Demons»parImagineDragons
«Poison&Wine»parTheCivilWars«I’maMess»parEdSheeran«Robbers»parThe1975
«ChangeYourTicket»parOneDirection«TheHills»parTheWeeknd
«InMyVeins»parAndrewBelle«Endlessly»parTheCab«Colors»parHalsey
«BeautifulDisaster»parKellyClarkson«LetHerGo»parPassenger
«SaySomething»parAGreatBigWorld,ft.ChristinaAguilera«AllYouEver»parHunterHayes
«BloodBank»parBonIver«NightChanges»parOneDirection«ADropintheOcean»parRonPope«HeartbreakWarfare»parJohnMayer«BeautifulDisaster»parJonMcLaughlin«ThroughtheDark»parOneDirection
«Shiver»parColdplay«AllIWant»parKodaline«BreatheMe»parSia
. .
PREMIÈRESAISON
PARTIEI
Avant
P
. .etit,ilsedemandaitsouventquelgenred’hommeildeviendraitplustard.Policierouprofsansdoute.Samèreavaitunami,Vance,quigagnaitsavieen lisantdes livres,çaavait l’airgénial.
Maisl’enfantn’étaitpassûrdelui.Ilpensaitn’avoiraucuntalent.IlnesavaitpaschantercommeJoss,legarçondesaclasse,ourésoudredeséquationsmathématiquescommeAngela.Ilpouvaitàpeines’exprimerdevantsescamarades,cequin’étaitpaslecasdeCalvinqui,lui,étaitdrôleetgrandegueule.Laseulechosequ’ilaimaitfaire,c’étaitdévorerdeslivres,pageaprèspage.IlattendaitqueVanceluienapporte;unparsemaine,parfoisplus,parfoismoins.Quandilnevenaitpasetquel’ennuilegagnait,ilrelisaitenbouclelespagestoutesabîméesdesesouvragespréférés.Maisilsavaitquelegentilmonsieurreviendraittoujours,unlivreàlamain.Aurythmedeslivres,peuàpeu,l‘enfantgrandissaitphysiquementetintellectuellement.Sesparentsaussichangeaientaufildessaisons.Sonpèrecriaitdeplusenplusfort,selaissaitaller,etsamèreavaitl’airde
plus en plus fatiguée. Des sanglots toujours plus déchirants emplissaient la nuit. Une odeur de tabac, voire pire encore,commençaitàimprégnerlesmursdelapetitemaison.Pluslavaissellesaledébordaitdel’évier,pluslesvapeursdewhiskyémanaientdel’haleinedesonpère.Etpluslesmoispassaient,plusildésiraitoublierl’hommequesonpèreétaitdevenu.Vancemultipliaitsesvisites,etilremarquaquelessanglotsdesamèresefaisaientplusrarescesnuits-là.Ils’étaitquand
mêmefaitquelquesamisdurantcettepériode.Unami,enfait.Finalement,celui-cidéménageaetilnecherchapasàs’enfaired’autres.Maisçaluiimportaitpeu,iln’enavaitpasbesoin.Ilsefichaitd’êtreseul.Leshommesquisontvenuscettenuit-làchangèrentfondamentalementquelquechosechezl’enfant.Ilvitcequ’ilsfirentàsa
mèreetils’endurcit,sacolèreaugmentaetils’éloignaencoreplusdesonpère.Puis,unjour,sonpèrecessaderentreràlamaisonentitubant.Iln’étaitpluslà,etl’enfantsesentitsoulagé.Plusd’alcool.Plusdemeublesbrisés.Plusdetrousdanslesmurs.Laseulechosequ’illaissaitderrièrelui,c’étaitungarçonsanspèreetunsalonremplidepaquetsdecigarettesàmoitiévides.L’enfant détestait le goût amer que la cigarette laissait dans la bouche. Ce qu’il aimait, c’était sentir la fumée remplir
doucementsespoumonset luicouper la respiration.Alors, il les fuma toutesetsemitàenacheter. Ilse fitdesamis–sitoutefoisonpeutappelerçadesamis.Enréalité,ilsressemblaientplusàunebandedezonardsetdedélinquants.Ilcommençaàsortir tard le soir et, petit àpetit, lesmauvais tours sansconséquencesqu’unebanded’ados rebelles s’amusentà faire,prirentuneautretournure.Latournurebeaucoupplusgravedesérieuxdélits.Ilssavaienttousquecequ’ilsfaisaientn’étaitpasbien–voirecomplètementmalsain–,maisilsnepensaientqu’às’amuser.Ilssesentaientinvinciblesetnepouvaientplussepasser du plaisir que l’adrénaline et le pouvoir leur procuraient. À chaque âme innocente volée, leur ego se gonflaientd’arroganceetdecettesoifsanslimited’allertoujoursplusloin.Cegarçon-làétait lemoinsvicieuxd’entreeux,maissapartd’enfance,quiunjouravaitrêvédedevenirpompierouprof,
étaitmorte.Larelationqu’ilentretenaitaveclesfemmesétaittrèsparticulière.Bienqu’ilréclamâtleurattention,ils’étaitforgéune telle carapacequ’elle l’empêchait de s’attacher durablement.Cela concernait aussi samèreàqui il cessadedire « jet’aime».Detoutefaçon,ilnelavoyaitpratiquementplus.Ilpassaitsontempsàtraînerdanslarueetnerevenaitàlamaisonquepourrécupérerlescolisquiarrivaientdetempsàautre.DescolisquiprovenaientdeWashington,delapartdeVance.Vanceaussil’avaitabandonné.Il plaisait beaucoup aux filles et il en était conscient. Elles s’accrochaient à lui, leurs ongles s’enfonçaient toujours plus
profondément dans ses bras quand il s’allongeait sur elles, les embrassait, les baisait. Juste après, la plupart d’entre ellestentaient de se blottir dans ses bras. Il les rejetait sans leur accorder lemoindre baiser, lamoindre caresse.Engénéral, ildisparaissaitavantmêmequ’ellesnes’enrendentcompte.Lajournée,ilétaitdéfoncé,et lesoirencoreplus.Il traînaitdansl’allée, derrière le magasin qui vendait de l’alcool ou dans la boutique du père de Mark. Il bousillait sa vie. Braquer desmagasins, filmer des vidéos ignobles, humilier des filles trop naïves, c’est tout ce qu’il savait faire. Il ne ressentait plus lamoindreémotion,sinondel’arroganceetdelacolère.
Quand il futenvoyéenprison,c’en fut troppoursamère.Ellen’avaitplusni lesmoyensni lapatiencedesupportersoncomportement autodestructeur. Quant à son père, on lui avait proposé un poste dans une université aux États-Unis, àWashingtonplusprécisément.LemêmepaysqueVance,lamêmeville.L’hommebonetl’hommemauvaisréunisaumêmeendroit.Encore.Samèrenesavaitpasqu’ilavaitsurpris laconversation téléphoniqueavecsonpèreoù ilsparlaientde l’expédier là-bas.
Apparemment,sonvieuxétaitdevenuclean,maisilendoutaitfortement.Jamaisilnepourraitenêtresûr.Sonpèreavaitunepetiteamie,une femmebiensemblait-il,que legarçon jalousait.Elle,ellepouvaitprofiterde lanouvellepersonnalitédeson«nouveau»père.Elle,ellepouvaitpartagerdesrepassansalcooletrecevoirlesmotsaffectueuxqueluin’avaitjamaiseulachanced’entendre.Unefoisàl’université,ils’installadansunefraternitécontrelavolontédesonvieux.Mêmes’iln’appréciaitpastropl’endroit,
ilressentitunvraisoulagementendéballantsescartonsdanslagrandechambrequiétaitdésormaislasienne.Ellefaisaitdeuxfoislatailledecellequ’ilavaitàHampstead,enAngleterre.Ellen’avaitpasdetrousdanslesmurs,pasdecafardsgrouillantdanslasalledebains.Ilavaitenfinunendroitpourrangertousseslivres.Audébut,ilrestaseul,necherchantàselierd’amitiéavecpersonne.Sabandeseformapetitàpetit,l’entraînantdenouveau
danslesténèbres.Bienqu’installédansunautrepays,ilretombaittoujourssurlemêmegenrededélinquantqueMark,nefaisantquerenforcer
sonidéequelemondeétaitsupposétournerainsi.Ilfinitparaccepterd’êtretoujoursseul.Ilétaitdouépourfairedumalauxgens et causer des problèmes. Il blessa une nouvelle fille, comme la précédente, et sentit la même puissante décharged’adrénalineparcourirsoncorps,sediffusantenluipourledétruiredel’intérieur.Toutcommesonpère,ilsemitàboireetàdevenirlepiredesconnards.Maisils’enfichait.Ilneressentaitplusrien,etsesamisluipermettaientd’oublierqu’iln’yavaitriendetangibledanssavie.Rienn’avaitd’importance.
. .
L
NatalieÀlasecondeoùilfitlaconnaissancedecettebruneauxyeuxbleus,ilsutqu’ellelepousseraitdanssesretranchements.Elleétaitdouce,c’étaitlapersonnelaplusgentillequ’ilaitrencontréejusqu’àprésent…etelleétaitcomplètementdinguedelui.Ilprofitadesanaïvetépourl’arracheràsonjolipetitmondesansdéfauts,puisillabroyaetlaprécipitaenmiettesdansun
universsombreetimpitoyablequ’elleignoraittotalement.Ilallamêmejusqu’àlafairerenierparsonéglised’abord,puisparsafamille.Lesragotscirculaientetleschuchotementssepropageaientd’uneoreilleàl’autreparmilesbigotesmoralisatricesdel’église.Danssafamille,cefutpireencore.Cequ’illuifitfutlecoupfatalpoursamère.Ellel’expédiaauxÉtats-Unis,dansl’ÉtatdeWashington,pourrejoindreceluiqui
luifaisaitofficedepère.SoncomportementenversNatalieavaitfiniparl’exclureluiaussidesonpaysnatal,etlasolitudequ’ilavaitressentietoutesavieseconcrétisaitenfin.Heureusement,ilapprendraitplustardquelajeunefilleavaitsurvécuetmêmetrouvéunsauveur,unhommefouamoureux
d’ellequiluidonnaittoutl’amourqu’elleméritait.Elleavaitdonnénaissanceàunbébéenbonnesanté,l’élevaitdansunefamilleaimante,etlegarçonresteraitàjamaisreconnaissantdecetteissueheureuse,soulagédenepasavoirbousillésavie.
. .’église est noire de monde aujourd’hui, des rangées et des rangées de fidèles sont là pourcélébrer la messe en cette chaude journée de juillet. Chaque semaine, je retrouve ces mêmes
personnesquimesontdevenuesfamilièresetdontjeconnaislenometleprénom.Mafamillemèneunevieheureuseici,danscettepetitecommunautéreligieuse.MapetitesœurCecilyestprèsdemoi,autoutpremierrang,sespetitesmainsdétachentdescopeaux
deboisdubancsurlequelelleestassise.Notreéglisevienttoutjustederecevoirunedonationpourfairedesrénovationsetnotregroupedejeunesbénévoless’estchargéderassemblerlesfournituresléguéesdeboncœurparlacommunauté.Àprésent,notremissionestderepeindrelesbancsd’icilasemaine prochaine. J’ai d’ailleurs passé toutema soirée àme rendre dans des quincailleries pourrécupérerdumatériel.Commesicettetâchen’étaitpasdéjàassezéprouvante,j’entendsuncraquementetdécouvreCecily
entraindecasserunpetitboutdeboisdesonsiège.Lerosedesesonglesvernisabeaus’accorderparfaitementàlacouleurdunœuddanssescheveux,bonsang,cequ’ellepeutêtreindisciplinée!Jeprendsdoucementsamaindanslamienne.–Cecily,arrêteças’ilteplaît,ondoitlesrestaurerlasemaineprochaine.Avecunepetitemouecoquine,ellemerépond:–Tupourrastoujoursaideràlesrepeindre.Tuadoresça,non?Jenepeuxm’empêcherdesourire.Ellemerenvoieunsouriredévoilantunadorabletrouentreses
dents, et elle secoue la tête.Sesbouclesbougentgracieusement autourde sonvisage, pour la plusgrandefiertédemamèreàl’originedesajoliecoiffure.Lepasteurapresqueterminésonsermon.Mesparentssetiennentparlamain,fixantlefonddela
petiteéglise.J’aichaud.Desgouttesdesueurcommencentàseformerdansmoncouetdégoulinent
le longdemondos tandisquedesparolessacréessur lepéchéet lasouffrancerésonnentdansmatête.Ilfaitsichaudquelemaquillagedemamèreluitetquedelégèrestracesnoiresbaventautourdesesyeux.Heureusement,c’estcenséêtreladernièresemaineoùnousauronsàendurercettechaleursansclimatisation.Etilvaudraitmieux;sinonjesuiscapabledefeindreunemaladiepouréviterderetournerdanscefour.Unefoislamesseterminée,mamèreselèvepourdiscuteraveclafemmedupasteur.Jesaisqu’elle
l’admirebeaucoup,unpeutropàmongoûtd’ailleurs.Pauline,lapremièredamedenotreéglise,estunefemmesévèrequiexprimepeudecompassionpourlesautres.Inutiledesedemanderpourquoimamèreestattiréeparelle.J’adresseunsigneàThomas, leseulgarçondemonâgeduClubdesJeunesquisoitprésent.Au
momentoùilpasseprèsdemoi,luiettoutesafamillemesaluentpoliment,avantdesuivrelafiledesgensquisedirigentverslasortie.Impatientederespirerl’airfrais,jemelèveenpassantmesmainssurmarobebleuciel.Monpèremedemandeavecunsourirecomplice:–Peux-tuaccompagnerCecilyàlavoiture?Puis, commechaquedimanche, il tented’interceptermamèrepourqu’ellearrêtedediscuter.Ma
mèreest typiquement legenrede femmequicontinuedeparlermêmeaprèsavoirdit trois foisaurevoir.Aumoins,jen’aipashéritédecetraitdesapersonnalité.Jemereconnaisbienplusdansmonpère
dontlesquelquesmotsquotidiensont,àmonsens,davantagedevaleur.Etjesaisàquelpointmonpèreappréciequejeluiressembletant:soncalmeolympien,sescheveuxbruns,sesyeuxbleuclair,et le plus frappant, notre taille. Ou plutôt notre petite taille. Ni l’un ni l’autre ne mesurons plusd’1,65m,mêmes’ilestlégèrementplusgrandquemoi.D’ailleurs,mamèrenoustaquinetoujoursàcesujetendisantqu’àdixans,Cecilynousdépasseratouslesdeux.J’acquiesceetprendsmasœurparlamain.Ellemarcheplusvitequemoiettrépigned’impatience.
Elleserueàtraverslafoule.J’essaiedelaretenir,maiselleseretourneversmoi,ungrandsourireillumine son visage, et je ne peux m’empêcher de la rejoindre en courant. Nous nous élançonsdehors,dévalonslesescaliersetgagnonslapelouse.Dejustesse,Cecilyéviteuncoupledepersonnesâgéesetj’éclatederirelorsqu’enhurlant,ellemanquederenverserTylerKenton,legarçonleplusdétestabledenotrecommunauté.Lesoleilbrilledemillefeuxetl’airdenseemplitmespoumons.Jemelancedansunecourse-poursuiteavecellejusqu’àcequ’elles’écrouledansl’herbe.Jelarattrapeetmepencheversellepourdégagerunemèchedecheveuxdesonvisage.Depetiteslarmesbrillantesmenacentdecouleretsalèvreinférieuresemetàtrembler.Ellepassesesmainssursarobeblancheetjetteunregardaffolésurlestachesd’herbe.–Marobe…Elleestfichue!Àcesmots,ellecachesonvisagedanssesmainssales.Avecunsourire,jelesluiretireetlespose
sursesgenoux.Puisjeluidistoutdoucement:–Maisnon,ellen’estpasfichue,machérie.Onpourralalaver.Avecmonpouce, je récupèreune larmequicoule le longde sa joue.Elle renifleetme regarde,
méfiante.Pourlarassurer,jemens:–Çaarrivetoutletemps;çam’estarrivéaumoinstrentefois.Lescoinsdesaboucheseredressentetelleesquisseunsourire:–Jamais,tuveuxdire!Ellesaitquec’estunbobard.Jelaprendsparlesépaulesetl’aideàserelever,puisjejetteunœilà
sesbraspâlespourm’assurerqu’ellenes’estpasblessée.Toutvabien.Jelagardeappuyéecontremoietnoustraversonslecimetièreendirectionduparking.Mesparentssedirigentversnous,monpèreafinalementréussiàarrêtermamèredanssesbavardages.Surlecheminduretour,jem’installeàl’arrière,prèsdeCecilyquidessinedespapillonsdansson
livre de coloriage préféré. Pendant ce temps, mon père discute avec mamère de ce satané ratonlaveur qui s’incruste dans nos poubelles et nous cause tant de problèmes. Après s’être garé dansl’allée,monpèrelaisselemoteurenmarcheetCecilymedonneunrapidebaisersurlajoueavantdesortirdelavoiture.Jel’imite,serremamèredansmesbrasetembrassemonpèreavantdeprendreplacesurlesiègeconducteur.Monpèrememetengarde:–Faisattentionàtoi,mapuce.Ilyapasmaldemondesurlarouteaveccetemps.Eneffet,c’estlejourleplusensoleilléqu’Hampsteadaitconnudepuislongtemps.J’acquiesceetlui
prometsquetoutirabien.J’attendsdem’êtreéloignéeduquartierpourchangerdestationderadioetmettrelevolumeàfond.
Surletrajetverslecentre-ville,jechanteàtue-têtesurchaquemorceauquipasseenmeremémorantmonobjectif.Ilfautquej’arriveàrapporteraumoinstroispotsdepeinturedestroismagasinsdemaliste.Biensûr,jeseraissatisfaitesichacund’euxm’endonnaitaumoinsun,maisl’idéalseraitd’enavoirencorepluspourêtresûrdenepasenmanquer.MarkPeintureetFournitureestmonpremierarrêt.Cemagasinestconnupourêtrelemoinscherde
lavilleetMark,lepropriétaire,aunetrèsbonneréputation.Jesuisraviedelerencontrer.Hormisunevoiture rouge et un mini-van, le parking est désert. Je me gare sur la première place libre. Lebâtiment,ancien,estunmélangedeplâtreetdevieuxbois.Commel’écriteaudumagasinestabîmé,le«M»deMarkestàpeinelisible.Quandj’ouvrelaporteenbois,celle-cigrinceet lesond’uneclochetteretentit.Unchatsauted’uncartonpouratterrirenfacedemoi.Jemepencheuninstantpourcaressercettepetitebouledepoilspuismedirigeverslacaisse.L’intérieurdumagasinestaussinégligéquel’extérieuret,avectoutcefouillis,jeneremarquepas
immédiatement le garçon derrière la caisse. Jeme demande ce qu’il fait ici. Plutôt grand avec delargesépaules,ilestlegenredetypeàfairedusportdepuisdesannées.–Mark…Impossibledemesouvenirdesonnomdefamillecartoutlemondel’appellesimplementparson
prénom.Unevoixéloignées’élèvealorsderrièrececorpsathlétique:–JesuisMark.Enmepenchantsur lecôté, jeremarqueunautregarçon,assissurunechaisederrière lebureau,
habillétoutdenoir.Sacarrureestbienplusfinequecelledupremieret,pourtant,saprésenceestplusimpressionnante.Sescheveuxsontbruns,assezdésordonnés,etunemèches’échappesursonfront.Sesbrassontcouvertsdetatouagesnoirsdispersésunpeupartoutsursapeaubronzée.Lestatouages,cen’estpastropmontruc,maisplutôtquedem’attarderlà-dessus,jemedemande
surtout pourquoi tout le monde est bronzé cet été, sauf moi. Une troisième voix interrompt mespensées:–Cen’estpaslui,c’estmoi.Entournantlatêtedel’autrecôté,jedécouvreuntroisièmegarçondetaillemoyenne,plutôtfinetla
têtegenrerasée.–JesuisMark,maisMarkJuniorenrevanche.Situcherchesmonvieux,iln’estpaslàaujourd’hui.
Ilaquelquestatouagesluiaussi,maisplusorganisésqueceuxdutypeauxcheveuxenbatailleetaupiercingàl’arcade.Jemesouviensd’avoirdemandéunjouràmesparentsl’autorisationdemefairefaire un piercing au nombril, et aujourd’hui encore, l’image de leur réaction horrifiée me faitsourire.Legarçonauxcheveuxenbataillemeditd’unevoixlenteetgrave:–CeMark-làestmieux.Ilsourit,etdeuxadorablesfossettessedessinentsursesjoues.Medoutantquecen’estpasvrai,jerigoleetajoutesuruntonamusé:–J’aidumalàlecroire!Touséclatentderire,etMarkJuniors’avanced’unpas,lesourireauxlèvres.Legarçonsursachaisese lève. Ilest sigrandquecela le rendencoreplus impressionnant. Il se
redresse et je réalisequ’ilmedomine largement. Il est trèsbeau ; sonvisage est biendessiné, sesmâchoiresmarquées,iladelongscilsnoirs,dessourcilsfournisquiencadrentsonregard,unnezfinetdeslèvresrosepâle.Jelefixe,luiaussi.Markmedemande:–Tucherchesmonpèrepouruneraisonparticulière?Commejenerépondspastoutdesuite,Marketlegarçonathlétiquesetournentetposenttouràtour
leurregardsurleuramietsurmoi.Jereprendsbrusquementcontenance,unpeugênéed’avoirétéprisesurlefait,etréponds:–JefaispartiedelacommunautéHempsteadBaptistetjemedemandaissivousaccepteriezdenous
donnerdelapeintureoudesfournitures.Noussommesentraindefairedestravauxdansl’égliseetnousavonsbesoindematériel…Jem’interromps,car je surprends le séduisantgarçonaux lèvres rosesenpleinediscussionavec
sonami,maisilsparlenttellementbasquejenepeuxrienentendre.Puisilss’arrêtentdechuchoteretmefixentenmêmetemps,unsourireauxlèvres.Markmerépondenpremier:–Aucunproblème,nouspouvonsfaireçapourtoi.Jenesauraisdirepourquoi,maissonsourireaquelquechosedetrèsfélin.Jeluisourisàmontour
etleremercie.Ilsetournealorsverssonamiàl’énormetatouageenformedenaviresurlebiceps.–Hardin,avons-nousdespotsenréserve?Hardin?Quelétrangeprénom!C’estlapremièrefoisquejel’entends.LesmanchesdelachemisenoiredeceHardinsontretrousséesetrecouvrentàpeinelenavireen
bois.C’estvraimentbien réalisé ; lesdétails et leseffetsd’ombre sontattrayants.Quand je lève leregardverssonvisage,jem’arrêteunefractiondesecondeàlahauteurdeseslèvres,etlachaleurmemonteauxjoues.Ilmeregardedroitdanslesyeuxetmesurprendentraindeledévisager.MarketHardinéchangentdescoupsd’œil,maisimpossibledesaisircequ’ilssedisentàvoixbasse.–Quedirais-tud’undeal?Enmeproposantça,Markadresseunsignede têteàHardin.Jeveuxensavoirplus.CeHardina
l’airétrange,unpeuailleurs,maisjel’aimebien.–Etquelgenrededeal?Jeme passe lamain dans les cheveux en attendant une réponse tandis qu’Hardin continue deme
fixer.Ilyaquelquechosedemystérieuxchezlui,commes’ilcachaitquelquechose.Jepeuxlesentir
del’autreboutdumagasinetj’aienvied’ensavoirdavantagesurcegarçonquijoueaudur.J’aiunmouvementdereculenpensantàlamanièredontmesparentsréagiraientsijerentraisavecluiàlamaison.Mamèrepensequelestatouagessontrépugnants.Moijenesaispas.C’estvraiquecen’estpas vraiment mon truc mais, en un sens, je les vois comme une forme d’expression de soi.Incontestablement,ilyatoujoursunesortedebeautélà-dedans.Marksefrottelementon:–Situacceptesdeuxrendez-vousavecmonamiHardin,jetedonneraidixpotsdepeinture.JemeretourneversHardinquimeregardeavecunsouriresatisfait.Seslèvressonttellementsexy.
Lestraitsfinsetdélicatsdesonvisagelerendentencoreplusattirantquesesvêtementsnoirsousescheveux en bataille. Je repense à leurs chuchotements et me demande si c’était à propos de moi.Hardins’intéresserait-ilàmoi?Alorsquej’envisagecetteidée,Marktentedemeconvaincre:–N’importequellecouleuretfinitiondetonchoix.Offertparlamaison.Dixpots.C’estunboncommercial.Jemordillemalèvreetréplique:–Okpourunrendez-vous.Hardinrigole.Sapommed’Adamsesoulèveaurythmedesonrireetsesfossettesressortentencore
plus.Ok,ilestvraiment,vraimentsexy.Jen’enrevienspasdenepasl’avoirremarquétoutdesuiteenarrivant.J’étaistellementobnubiléeparmamissionquej’aiàpeinefaitattentionauvert intensedesesyeuxsouslesnéonsdumagasin.–Marchéconclu.Hardinglisselesmainsdanssespoches,etMarklanceunregardaugarçonauxcheveuxrasés.Assez fièredemapetitenégociation, je liste, l’airde rien, les couleursdont j’aibesoinpour les
bancs,lesmurs,lesescaliers,maisenréalité,jesuisdéjàentraind’anticipermonrendez-vousavecHardin.Cemystérieuxgarçonauxcheveuxenbataille,àl’airinnocentettimide,auraitdoncbesoindemarchanderdixpotsdepeinturespourobtenirunrendez-vous?
A
MollyQuandilétaitpetit,samèreluiracontaitdeshistoiressurlesfillesdangereuses.Plusunefillesemontreodieuseetdistante,pluselleestintéressée.Cequelesgarçonsdoiventapprendre,c’estàleurcouriraprès.Maiscequecesgarçonsapprennentengrandissant,c’estquelaplupartdutemps,quandunefillenet’aimepas,c’estjuste
qu’ellenet’aimepas.Cesfilles-làontgrandisansprésencefémininepourleurindiquercommentseconduire.Leurmèrerêvaitd’unevieexcitante,meilleurequecellequ’ellepouvaits’offrir.Alors, lesfillesn’eurentd’autreschoixqued’apprendretoutesseules,enobservantlescomportementsdesgarçonsautourd’elles.Engrandissant,lesfillessaisirentparfaitementlesrèglesdujeuetdevinrentexpertesenlamatière.
. .umomentdetourneraucoindelaruellesombre, je tiresur lebasdemarobeet j’entendsletissucraquer.Jememaudisd’avoirfaitça,encore.
J’auraisdûprendrelebusverslecentre-villeenespérantqu’ilseproduise…quelquechose.Quoiexactement?Jenesaispas,maisjen’enpeuxplus.Jesuissifatiguéedemesentircommeça.
Lasensationdevidevousfaitparfois fairedeschosesquevousn’auriez jamaispu imaginer.Maisc’estlaseulemanièrepourmoidecomblerceputaindetroubéantdansmapoitrine.Cevideneseremplitquelorsqueleshommesmematent.D’ailleurs,ilsnesegênentpaspourlefairedepuisquej’ai volontairement changémamanière dem’habiller pour attirer leur regard. Ilsme dégoûtent etsontcomplètementmalsains,maisj’attiseleurdésiretlescharmeenunclind’œil.Unsimplesouriretimideatellementdevaleurpourunhommequisesentseul.Avoir tant besoin de cette attention me rend malade. C’est la pire des douleurs, comme un feu
incandescentquimeconsumedel’intérieur.Unevoiturenoireapprochealorsquejetourneàunautrecoinderue.Jefaissemblantderegarder
ailleurs lorsque le conducteur ralentit àmon niveau. Il fait nuit noire, et la ruelle en zigzag danslaquellejemetrouvesesituejusteàcôtédesplusbeauxquartiersdePhiladelphie.Ici,lesruessontrempliesdemagasinsquionttousunpatioàl’arrière.Ilyatropd’argentetsipeudechaleurhumainesurcetteartèreprincipale.Dans un petit crissement, la vitre de la voiture se baisse automatiquement et le conducteur me
demande:–Jepeuxvousraccompagnerchezvous?Sonvisageestlégèrementridéetsescheveuxpoivreetselsoigneusementpeignésdechaquecôté.
Sonsourireestcharmant.Ilestplutôtpasmalpoursonâge,maisunesonnetted’alarmerésonnedansmatêtechaquefoisquej’empruntemachinalementcetrajet,chaqueweek-end.L’airbienveillantqu’ilsedonneestaussifauxquemonsacChanel.C’estl’argentquifaitça.Jesaisreconnaîtrecegenredeprofil,maintenant.Ces hommes, avec leurs belles voitures si bien entretenues qu’elles se reflètentdansleclairdelune,ontbeaucoupd’argentmaistrèspeudemorale.Ilsn’ontpasbaiséleurfemme
depuisdessemaines,voiredesmois,etilsviennenticicherchercequ’ilsn’ontpasàlamaison.Maisjeneveuxpasdesonargent.Mesparentsenontdéjà.Bientropmême.–Jenesuispasunepute,salepervers!Enhurlant cesmots, jedonneungrandcoupde taloncompensédans sabellevoiture ridicule et
remarquel’anneauquibrilleàl’undesesdoigts.Sesyeuxsuiventmonregard,etilcachesamainderrièresonvolant.Pauvretype!–Biententé.Retournevoirtafemme,jesuissûrequequellequesoitl’excusequetuluiasdonnée,
elleestbidon.Jecommenceàm’éloigneralorsqu’ilmeparleencore.Ladistanceassourditlesondesavoixet
l’emportedanslesprofondeursdelanuit,sûrementdansuncoinsombre.Jenemeretournemêmepas.Larouteestpratiquementdéserte,normalpourunlundisoir,passévingtetuneheures.Leslumières
des immeubles luisent faiblement, l’atmosphère est calme et silencieuse. Je passe derrière unrestaurantduhautduquels’échappeunenappedevapeurentourbillonnant.Uneodeurdecharbondeboisflottejusqu’àmoi.Çasenttellementbon!Çamerappellelesbarbecuesdanslejardinquenousfaisions avec la famille deCurtis quand nous étions plus jeunes.À l’époque où je les considéraiscommemasecondefamille.Je balaie cette pensée et réponds au sourire d’une femme d’une cinquantaine d’années, sortie en
tablierettoquedechefsurlatêteparlaportedeserviced’unrestaurant.Laflammedesonbriquetscintilledanslanuit.Elletiresursacigaretteet,d’unevoixrauque,meditensouriant:–Soisprudenteparici,petite.Ensouriant,jeluifaisunsignedelamainetréponds:–Toujours.Elle secoue la tête et porte de nouveau la cigarette à ses lèvres. La fumée envahit l’air frais. La
cendre rougeoyante émet un dernier crépitement dans la nuit silencieuse avant qu’elle tire sur lemégotjusqu’aufiltreetl’écraseénergiquementparterre.Jepoursuismonchemin.L’airsembleserefroidir.Jemedécalesurlecôtédel’alléealorsqu’une
autre voiture passe. Elle est noire… Je regarde de nouveau et comprends qu’il s’agit de lamêmevoiture noire que tout à l’heure. Elle ralentit, et un frisson parcourtmon dos. J’entends les pneuscrissersurlesdéchetsquiencombrentlebas-côté.J’augmente mon allure en passant derrière une benne à ordures afin de m’éloigner autant que
possibleduconducteur.J’accélèremonrythmeetm’écarteplusloin.Pourquoi suis-je si parano ce soir ? Chaque week-end, c’est le même scénario : j’enfile des
vêtements immondes, j’embrassemonpère sur la joueet luidemandede l’argentpour lebus.Luifroncelessourcils,mereprochedepassertropdetempstouteseuleetmeditd’avancer,deprofiterdelavieavantqu’ilnesoittroptard.Siavancerétaitsisimple,jen’auraispasbesoindefairetoutça:changerdevêtements,cacherles
autresdansmonsac,puismerechangersurlecheminduretour.Avancer.Commesic’étaitfacile.Ilmerépètesanscesse:«Molly,tun’asquedix-septans.Tudoisprendretavieenmainetprofiterdetesmeilleuresannées
avantqu’ellesnetefilentsouslenez.»Siça,cesont lesmeilleuresannéesdemavie,alors jenevoisvraimentpas l’intérêtd’allerplus
loin.J’acquiesceàchaquefois, luidisquejesuisd’accordavecluietsourisenpriantsilencieusement
pourqu’ilnecomparepassaperteàlamienne.Ladifférence,c’estquemamère,elle,voulaitpartir.Maiscesoir,c’estdifférent.J’aiunsentimentétrange.Peut-êtreparcequelemêmemecs’arrêteà
côtédemoipourladeuxièmefoisenvingtminutes.Jememetsàcourir.Mapeurm’entraîneversunerouteplusfréquentéeparlesvoitures.Untaxime
klaxonneaumomentoùjetrébucheenrejoignantletrottoir,àboutdesouffle.Jedoisrentreràlamaison.Toutdesuite.Mespoumonssontenfeuetjen’arriveplusàrespirer.Je
reculesurletrottoiretregardedanstouslessens.Toutàcoup,unevoixdefemmecriederrièremoi:–Molly?MollySamuel,c’esttoi?Je me retourne pour découvrir un visage familier. Elle est la dernière personne sur laquelle je
désiraistomber.Jerésistepournepaspartirdansladirectionopposéequandmesyeuxrencontrentlessiens.Ellesedirigeversmoi,unsacdecoursesmarrondanschaquemain.Alorsqu’unemèchedecheveuxglissesursajoue,MadameGarrettmedemande:–Quefais-tulààcetteheure-ci?–Rien,jemarche.J’essaiedetirermarobesurmescuissesavantqu’ellem’observedenouveau.–Touteseule?Jeluirépondssurladéfensive:–Vousaussivousêtesseule.Elle soupirepuis transfère tous ses sacs surun seulbrasavantde sedirigerversunvanmarron
stationnéaucoindelarue.–Allezviens,montedanslavoiture.Clic, la portière passager s’ouvre et je monte à l’intérieur, hésitante. Je préfère être dans cette
voitureavecelleetsonairréprobateurplutôtquedehors,aveclemecdelavoiturenoirequin’apasl’airdebiencomprendrelesensdumot«non».Monsauveurinattendus’installeauvolantetfixelarueavantdesetournerversmoi.–Tusais,tunepeuxpastecomporterainsijusqu’àlafindetavie.Sontonestsévère,maissesmainstremblentsurlevolant.–Jenefaisriendespécial.–Nefaispascommesiriennes’étaitpassé.Saréponsemelaissepenserqu’ellen’estpasd’humeuràfairedesmondanités.–Tune t’habillesplusdu toutcommeavantet jedouteque tonpèreapprouve.Tescheveuxsont
roses,àmillelieuesdetonblondnaturel.Ettutraînesdehorsàpasd’heure.Jenesuispaslaseuleàl’avoir remarqué, tu sais. John, qui vient souvent dansmon église, t’a vue la nuit dernière. Il en aparlédevanttoutlemonde.–Je…Ellelèvelamainensignedeprotestation.– Jen’aipas terminé.Tonpèrem’aditque tun’avaismêmeplus l’intentiond’allerdans l’Ohio.
Aprèsvousêtrepréparéstoutescesannéesàyallerensemble,toietCurtis.Leprénomquisortdesaboucheglissejusqu’àmoi,brisantlacarapacederrièrelaquellejem’étais
réfugiée.Cetépaisnéantquimeprotégeait.Levisagedesonfilsapparaîtdevantmoietlesondesavoixemplitmesoreilles.Malgréladouleur,jelasupplie:
–Arrêtez,s’ilvousplaît.–Non,Molly.Jemetourneverselle.Sonvisagesetrouble,commesidestonnesetdestonnesd’émotionsrestées
coincéesauchaudcessixderniersmoisétaientmaintenantsurlepointd’exploser.–C’étaitmonfils.Alors,jet’interdisdefairecommesituavaisplusderaisonsdesouffrirquemoi.
J’aiperduunenfant–monseulenfant–etmaintenantjesuislà,assise,àteregarder,douceMolly.Toiquej’aivuegrandir,toiquejevoisseperdreaussi.Etjenevaiscertainementpascontinuerdemetaire.Tudoisbougertesfesses,alleràl’université.PartirdecettevillecommeCurtiset toi l’aviezplanifié.Continueràvivre.C’estcequenousdevonstousfaire.Etsij’ensuiscapable,alorsbonsang,toiaussi.QuandMadameGarrett s’interrompt, j’ai l’impression qu’elle vient de passer les deuxdernières
minutesàréduiremonestomacenbouillie.Elleatoujoursétéunefemmesilencieuse,àl’inversedesonmariquifaittoujourslaconversation.Maislà,enl’espacedecinqminutes,elles’esttransformée,elle est devenue moins fragile en quelque sorte. Sa voix habituellement douce a pris une toutenouvelleintonation,etellem’impressionne.Ellemebriselecœuraussi.Jeprendsconscienced’avoirlaissémavieentreparenthèsespourmenercetteexistencelugubre.Maisc’estmoiquiconduisaislavoiture.C’estmoiquiaiacceptédeprendre levolantdupetitcamiondeCurtis lanuit justeavantd’avoir
monpermis.Nousétionsexcitéscommedesfousetsonsourireétaitsiconvaincant.Je l’aimaisdetoutmonêtreet,quandilestmort,jemesuisbriséeenmillemorceaux.Ilétaitceluiquim’apaisait,m’assuraitque jenedeviendraispascommemamère.Cette femmequinevivait etn’aspiraitqu’àdevenirautrechosequesimplement lafemmedequelqu’un,dansunegrandemaisonetunquartierluxueux. Elle passait ses journées à peindre et à danser dans notre grande maison, à chanter deschansonsetàmepromettrequenoussortirionsvivantesdecelabyrinthe.Elledisaittoujours:«Onnefinirapasnosjoursici.Jeréussiraiàconvaincretonpèreunjour.»Ellen’avaittenusapromessequ’àmoitiéetdisparuaubeaumilieudelanuit,deuxansauparavant.
Ellenesupportaitpasl’idéed’êtreàlafoismèreetfemme.Elleenavaithontemême.Laplupartdesfemmesn’auraientjamaiséprouvédehonteàça.Mamère,si.Elleréclamaittoutel’attentionsurelle,elle avait besoin que les gens connaissent son nom. D’ailleurs, elle m’en voulait quand ils ne lareconnaissaient pas, même si elle prétendait le contraire. Elle avait sans cesse honte de moi, merappelait constamment ce que j’avais fait endurer à son corps. Elleme racontait à quel point soncorpsétaitmagnifiqueavantquejen’arriveaumonde.Elleagissaitcommesij’avaisdemandéàêtreplacéelà,danssonventredefemmeégoïste.Unefois,ellememontramêmelesmarquesquej’avaislaisséessurelle.Choquée,j’avaistressailliàlavuedesapeaumeurtriesursonventre.Mêmesi j’avaisruinésonapparence,ellemepromettait la lune.Ellemeparlaitdegrandesvilles
lumineusesauxpanneauxd’affichagegéantsenespérantêtreassezbellepourapparaîtredessus.Unmatintôt,aprèsl’avoirécoutéemeraconterlemondedontelleavaitrêvélanuitprécédente,je
lavisàtraverslesbarreauxenmétaldelaramped’escalier,quitraînaitsavalisesurletapisverslaported’entrée.Ellefitvolte-faceetbalançasescheveuxderrièresesépaules.Habilléecommesielleallaitpasserunentretiend’embauche,sonmaquillageétaitparfaitetsonbrushingimpeccable–elleavaitdûutiliserlamoitiéd’unebombedelaquepourarriveràcerésultat.Surexcitéeetconfiante,elleréajustaitdélicatementsescheveux.Justeavantdepartir,elleobserva le salonqu’elleavait si jolimentdécoréet sonvisagese fendit
d’un sourire que je ne lui connaissais pas. Puis elle referma la porte derrière elle. Je ne pouvaisqu’imaginer sa joie, dehors, adossée contre la porte, à sourire comme si elle embarquait vers leparadis.Je n’ai pas pleuré. J’essayais juste de graver toute la scène dansmamémoire en descendant les
escalierssur lapointedespieds.Cequ’elleportait, lesgestesqu’elleavaiteffectués.Jevoulaismesouvenirdechaqueéchange,chaquediscussion,chaquemarqued’affectionquenousavionspartagés.Mêmesi jecomprenaisquemavieétaiten traindechanger. Je l’aiobservéà travers la fenêtredusalonalorsqu’ellemontait dansun taxi, et j’ai fixé la route.Quelquepart, j’ai toujours suqu’ellen’étaitpasfiable.Monpèreavaitpeut-êtrelatrouilledequitterlavilledanslaquelleilavaitgrandi,oùilavaitunsupertravail,maisputain,luiaumoinsétaitfiable.MadameGarretttoucheavecprécautionlapointedemescheveuxroses.–Trempertescheveuxdansdescolorantsrosesnechangerarienàcequis’estpassé.Jesourisenentendantlechoixdesesmotsetprononcelapremièrechosequimevientàl’esprit.–Jen’aipasteintmescheveuxparcequej’aivuvotrefilsseviderdesonsangdevantmoi.Àcesmots,jemeraidisenrepensantàquelpointlateinturerosefoncéquis’étaitécouléedansle
lavaboressemblaitàdusang.Jerepoussesamain.Et,ouais,mesmotssontdurs.Maisputain,quiest-ellepourmejuger?Pendant qu’elle encaisse ce que je viens de dire, je suis certaine qu’elle se représente le corps
massacrédeCurtis.Celuiàcôtéduqueljesuisrestéeassisependantdeuxheuresavantquequelqu’unne nous vienne en aide. J’ai essayé d’arracher la ceinture du siège, mais c’était impossible. Lamanièredont la tôles’était torduenheurtant les railsduchemindeferm’empêchaitdebouger lesbras.J’aiessayépourtant.J’aicriélorsquelemétaladéchirémapeau.Monamournebougeaitplus.Il n’émettait plus aucun son. Alors, j’ai hurlé. Contre lui, contre la voiture, contre l’univers toutentier,toutenluttantpournoussauver.Un univers quim’a trahie et s’est obscurci àmesure que pâlissait son visage et que ses bras se
ramollissaient.Maintenant,jesuisreconnaissanteàmoncorpsdes’êtreévanouijusteaprèsqu’ilestmort.Aumoins,jen’étaispasforcéederesterassiselà,àobservercettechoseinaniméequin’étaitpluslui.Observeretespérerqu’ilseréveilled’unemanièreoud’uneautre.Avecunlégersoupir,MadameGarrettallumelecontactetfaitdémarrerlavoiture:– Je comprends ta peine,Molly…Si quelqu’unpeut la comprendre, c’est bienmoi. J’ai tenté de
trouver lemoyen de continuer à vivremoi aussi.Mais toi, tu es en train de ruiner la tienne pourquelquechosedonttun’espasresponsable.Jesuisdéconcertéeettentedemeconcentrerensortantmonbrasparlavitreouverte.–Pasresponsable?C’estmoiquiconduisaislavoiture!Lesondelatôlefracasséeentréeencollisionavecunarbrepuisunebarrièreenferrésonnedans
mesoreilles.Mesmainssemettentàtremblersurmesgenoux.–J’étaisresponsabledesavie,etjel’aitué.Ilétaitlavie.Lavraiedéfinitiondelavie.Ilétaitlumineuxetchaud.J’aimaistoutchezlui.Curtis
pouvaittrouverdelajoiedansleschoseslesplusstupidesetlesplussimples.Jen’étaispascommelui. J’étaispluscynique, surtoutaprès ledépartdemamère.Mais ilm’écoutait toujoursquandmacolère m’entraînait à commettre un impair. À son anniversaire, il avait aidémon père à nettoyerl’atelier demamère après que j’avais aspergé de peinture noire les précieuses toiles qu’elle nousavaitlaissées.Ilnem’ajamaisdemandépourquoij’avaissouhaitéqu’ellemeureplusd’unefois.
Ilnem’ajamaisjugée.Ilmemaintenaitenéquilibremieuxquejepouvaislefairemoi-même.J’aitoujourspenséqu’ilseraitceluiquim’aideraitàsurmonterlesannéesàl’universitéouàmefairedesamisdansunenouvelleville.Jen’aijamaisétédouéepourcachercequejepensedesgens,cequinem’aidepas àme fairedes amis. Ilmedisait toujoursque tout allait bien,que j’étaisbien tellequej’étais,quej’étaisjustepénibled’êtretropfranchecarildevaitducoupassumerlerôledel’hypocritedansnotrerelation.Ilprétendaitaimerlesprétentieux,lesrichesenfantsBCBGdenotreécole.Ilétaittoujourslegentil,celuiquetoutlemondeaimait.J’étaissonfaire-valoir.Nouspassionstellementdetempsensemblequetoutlemondeavaitfiniparm’accepter,moietmontempérament.C’étaitgrâceàlui, je suppose, grâce à son charme. Il étaitma raisond’êtreparceque, d’unemanière évidente, ilcroyait en moi. Il était la seule personne qui m’accepterait et m’aimerait toujours. Mais il m’aabandonnée, lui aussi.C’estma faute.Comme je suis sûrequemamèreestpartieparcequ’elleenavaitmarrede cette ville, deshabitudesdemonpère et de sa fille blonde avec sonnœuddans lescheveux.Laseulepersonnequimefaisaitmesentirnormaleétaitpartieaussivitequelateinturerosedans
lescanalisationsetquemescheveuxblondsontdisparu.–J’aiunamiquiconnaîtdumondeàWashington.J’avaispresqueoubliéoùj’étais.Enmoinsdedixminutes,monespritvenaitderevivretoutesles
expériencesmerdiquesdemavie.Ellemepropose:–Jepourraisluidemanders’ilpeutfairemarcherquelquescontactspourtefaireentrerdansune
bonne école là-bas. C’est une jolie ville, tu sais. Saine et rafraîchissante. L’année est déjà bienentamée,maisj’essaieraisituespartante.Washington?Qu’est-cequej’iraisfoutreàl’universitédeWashington?Pourtant, j’envisage son offre. Je me demande si oui ou non j’ai toujours envie d’aller à
l’université. Et alors que cette question me traverse l’esprit, je comprends que oui, j’ai envie dequittercettevillehorrible.Peut-êtredevrais-jeaccepteralors.Jerêvaissouventd’autresvillesquandj’étaispetite.MamèremeparlaitdeLosAngelesetdesa température idylliquequi rendaitchaquejourparfait.DeNewYorket ses ruesblindéesdemondeenpermanence.Ellemeparlaitdesvillesglamour dans lesquelles elle voulait vivre. Si elle pouvait apprivoiser ces villes, je dois pouvoirm’acclimateràWashington.Maisc’estsiloin.Àl’autreboutdupays.Monpèreresteraitici,seul…Peut-êtrequeçaluiferaitdu
bien. Il n’apresqueplus aucun ami tant il passede temps à s’inquiéter pourmoi, à essayer demerendre heureuse. Il ne pensemême plus à sa propre vie. Peut-être que ça l’aiderait si je partais àl’université.Peut-êtrequecelapermettraitunretouràlanormale.Etquisait,peut-êtrequemoiaussijemeferaisdesamis.Cesgensquiviventdansunegrandeville
ne seront sans doute pas intimidés par mes cheveux roses. Les filles de mon âge ne se sentirontsûrementpasmenacéesparmesvêtementssexy.JepourraisrepartiràzéroetrendreMadameGarrettfièredemoi.JepourraisdonneràCurtisuneraisond’êtrefierdemoiluiaussi.Washingtonpourraitêtreexactementcedontj’aibesoin.Assisedanslavoituredecettefemmedouceetgentille,cettemèred’unenfantaiméetperdu,jejure,
maintenant,quejevaismieuxfaire.À Washington, je ne prendrai pas de bus pour aller dans les endroits qui craignent. Je ne
m’enfermeraipasdanslepassé.Jenerenonceraipasàmoi.Jeferaiuniquementdeschosespouravancer,construiremonfutur–etrienàfoutredecequeles
genspourrontpenser.
L
MelissaLapremièrefoisqu’ilrencontracettefille,illasous-estima.Ilignoraittoutd’elleàcemoment-là,etaujourd’huiencoreiln’ensaitpasgrand-chose.Ilfitd’abordlaconnaissancedesonfrèreetpassadesnuitsàsebourrerlagueuleaveclui.Puisilappritàleconnaîtreetcompritàquelgenredepersonneilavaitaffaire.Unvraiserpent.Ilrampaitsurlecampuscommesic’étaitsonterraindechasseprivé.Àrepérerpuistraquersaproie.Maisaprèsl’avoirbienobservé,ilcompritqueleserpentavaitunefaille:sasœur.Elleétaitgrande,avaitdelaprestance,la
peaumateetlescheveuxnoirdejais.Plussahaineenversleserpentgrandissait,plusils’intéressaitàcettefaille.Ilnepensaitqu’à lamanièredont ilobtiendrait la fillecommesi riend’autresurTerren’avaitd’importance.Riend’autrequesespropresdésirsmalsains. Ilsedisaitque leserpentdevenait incontrôlable,qu’il répandaitsonvenincommeuneépidémieredoutable.Qu’ilfallaitstopperça.Alors,ilpréparasonplan.L’épidémiedevaitêtreéradiquée.Sasœurneseraitriend’autrequ’undommagecollatéral.
. .amaisonestsicalmepourunvendredisoir.Monpèreestàuneréceptionàl’hôpitalpourfêtersa promotion et tous mes amis sont à une fête. Aucune de ces deux possibilités ne me tente
vraiment.Jeseraisbienalléeàcettefêtesicen’étaitpasàlafraternitéoùtraînemonfrère.Ilmesurprotège
tellementquejen’arriveraispasàm’amuserlà-bas.C’esttropfrustrant.La réception serait peut-être une meilleure option, mais juste un petit moment.Mon père est le
docteurleplusprestigieuxdelaville.Ilestmeilleurdocteurquepère…maisilfaitcequ’ilpeut.Sontempsestrareetcher.Jenepeuxpasluttercontrecesgensmaladesdontlesfacturespaientl’immensemaisondanslaquellejemetrouveactuellement,ànefairequemeplaindre.Commejemesensunpeucoupable,j’attrapemontéléphoneetenvoieuntextoàmonpèrepourlui
direquejeviendraiquandmême.Maisjeréalisesoudainqu’ilestdéjàplusdeneufheuresetquelaréceptionacommencéàhuitheures.Sij’yvais,çaserajusteencoupdeventetjeneveuxsurtoutpasdonneruneraisonsupplémentaireàsapetiteamiedeseplaindredemoi.Tashaaseulementtroisansdeplusquemoi.Ellefréquentemonpèredepuisplusd’unanmaintenant.Jeseraissansdouteunpeupluscompréhensivesijen’avaispasétédanslemêmelycéequ’elleetsi,surtout,ellen’avaitpasétéunetellepeste.Enplus,elleprétendnepassesouvenirdemoialorsquejesaispertinemmentquesi.Peum’importequ’ellesoitdésagréableavecmoi.Jenemeplainspasd’elleauprèsdemonpère.
Tant qu’elle le rend heureux, c’est le principal. Elle sourit quand il la regarde, rit à ses blaguesvieillottes. Je sais qu’elle ne tient pas à lui autant qu’elle le devrait,maismonpère s’est améliorédepuisqu’elleadébarquéàsoncabinetavecundoigtcasséetundécolletérebondi.Monpèreabienplusmal vécu le divorce quemamère qui, elle, a rapidement annoncé qu’elle retournait vivre auMexiquechezmesgrands-parents,letempsdeseretourner.Jemedemandequiellepenseberner.Elles’estvuaccordersuffisammentd’argentlorsdupartage
desbienspours’offriruneviedeprincesse.
PlutôtquededérangerTashaetmonpère, j’envoieun textoàDan. Il sort avecune filleque j’aiconnueau lycée,maiscontrairementàmoi,elleyest toujours.Monfrèreabeauêtreprotecteuretloyal,iln’enrestepasmoinsunvraiporc.Ouic’estça,unvraiporc.J’essaiederesteréloignéelepluspossibledesespetitsjeuxdedrague.Sesamisaussisontdesporcs,plusjeunesetbienpiresquelui.Ilaimes’entourerdegensaussinulsqueluipoursesentirmieux.Jesupposequ’ilchercheàêtreleroidelajungle.Danmerépondrapidement:JEPASSETEPRENDREDANSVINGTMINUTES.
Jeluirenvoieunsmileyetsautedulitpourmepréparer.Jenesuispasmaquilléeetporteunt-shirtgrisàl’effigiedemonuniversité.Jepeuxfairemieuxqueça.Enrevanche,jedoisfaireattentionànepasm’habillertropsexy,sinonmonfrèrem’embêteratoutelasoirée.J’ouvremonplacardetfouilledanslamontagnederobesnoiresàsequins.J’aitropderobes.Ma
mèremedonnaittoujourslessiennesquandellelesavaitportéesunefois.Monpèrepensaitlarendreheureuse en lui offrant des robes à strass et des décapotables rouges. Il faut croire que ça n’a passuffi. Aumoment de partir, ellem’a proposé de la suivre auMexique.Mais aussi bizarre que çapuisseparaître,iln’étaittoutsimplementpasquestionquej’abandonnemonéquipedenatation.C’estcequicomptelepluspourmoiàWashington.C’estbienlaseulechose–endehorsdemonpèreetdemonfrère–quimemanquerait.Dan,lui,aenvisagédepartir,maisilnevoulaitpasmelaisserici.Ounepouvaitpas,vuqu’ilpassesontempsàmesurveiller.Après avoir essayé deux robes pour finalement les remettre dans le placard, j’opte pour une
combinaisonquejen’aiencorejamaisportée.Elleesttoutenoire,hormisquelquespetitsimpriméssurlesbretelles.Assezmoulantepourmettremesfessesenvaleur,suffisammentcasualpouralleràunefêteetcouvrantejustecequ’ilfautpourquemonfrèremefichelapaix.Alorsquejeterminedemepréparer,j’entendsDanklaxonnerdehors.J’attrapemonsacetdescends
précipitammentlesescaliers.Sijenemedépêchepas,lesvoisinsvontencoreseplaindredubruit.Jecompose rapidement le code du système d’alarme et ferme la porte à clé.Lorsque j’arrive devantl’AudideDan,jem’aperçoisqu’ilaamenédespotesaveclui.Monfrèreordonneàl’und’eux:–Logan,laisse-lamonterdevant.J’aicôtoyéplusieursfoisLogan,quiatoujoursététrèssympaavecmoi.Ilatentédemedraguer
unefoislorsd’unesoirée.Quandjemesuisextirpéeducanapé,ils’estrenducomptequejefaisaisunetêtedeplusqueluietm’afinalementpréciséquenousferionsmieuxderesteramis.J’airigoléenconfirmantsesdires,amuséepar sagentilleplaisanterie.Depuis, ilestceluique jepréfèredanssabanded’amisdébiles.AlorsqueLogandétachesaceinture,jelanceàmonfrère:–C’estbon,jemonteàl’arrière.Unefoisinstallée,jemeretrouveàcôtéd’unmecauxcheveuxnoirsetbouclésquiluicachentla
moitiéduvisage. Ils sont ramenés sur le côtéd’unedrôlede façon,mais s’accordentparfaitementavecsespiercingsàl’arcadeetàlalèvre.Ilnedécrochepasdesonportablequandjem’assiedsàcôtédelui,etnemeditmêmepasbonjour.Danmeregardedanslemiroirdurétroviseur.–Ignore-le.Levantlesyeuxauciel,jesorsmoiaussimonportable,histoiredepasserletempsdurantletrajet.Arrivé devant la fraternité, il n’y a pas de place pour se garer.Danme propose deme déposer
devant pour que je n’aie pas à marcher. Je m’exécute et sors avant d’entendre une autre portièreclaquer. En levant les yeux, je m’aperçois que c’est le mec qui était à côté de moi. Il marche
tranquillementverslamaisonquandDanluihurle:–Enfoiré!L’inconnu lève lamain en l’air et lui fait un doigt d’honneur. Je le suis dans le jardin avant de
m’adresseràlui:–Jepensequetuferaismieuxderesteraveceux.Unebandede filles le regardent avec insistance aumoment où nous passons près d’elles ; l’une
d’elles chuchote quelque chose à l’oreille de sa copine, puis elles se tournent toutes versmoi. Jeregardeleurvisageridicule,bientropmaquillé,etleurdemande:–Vousavezunproblème?Les trois filles secouent la tête.Ellesne semblaient pas s’attendre à ceque je les interpellede la
sorte.Ehbien,ellesavaienttort.Jenesuispastendreavecleschichiteusesblondesdansleurgenre,qui
parlentderrièreledosdesgenspoursedonnerdel’importance.Legarçonauxcheveuxondulésmeditd’unevoixgrave:–Ellesontdûsepisserdessus.Jejureraisavoirperçuunaccentanglais.Ilralentitsonpas,maisneseretournepasversmoi.Ses
brassontcouvertsdetatouages.Mêmesijen’arrivepasàtouslesdistinguer,jesaisqu’ilsnesontpascolorés, seulementnoirs.Çavabienavec son jeanet son t-shirt noirs.Sesboots émettentunbruitsourddansl’herbequ’ilécrase.J’essaie de m’adapter à son rythme, mais ses enjambées sont trop grandes. Il est grand, il fait
plusieurscentimètresdeplusquemoi.–J’espèrebien!Enprononçantcesmots, je jetteundernierregardaugroupedesfilles.Ellessontpasséesàautre
choseets’occupentmaintenantd’unenanabourréeenrobecourtequitrébucheverselles.Toujours silencieux, nous pénétrons dans la maison. Arrivés dans la cuisine, sans même se
retourner, il fait sauter le bouchon d’une bouteille de whisky avant d’en prendre une gorgée. Ilm’intriguemaintenant. Alors queDan et Logan entrent dans le salon, je décide dem’éloigner dugarçontatoué.J’attrapeunebouteilledevindansleseauàglacesurlebaretrejoinsmonfrère.Ilestassissurlecanapé,unebièreàlamain.Ilsentdéjàl’herbe,etsesyeuxsontinjectésdesang.Jeluidemande:–C’étaitqui,cemecdanslavoiture?–Qui?Hardin?Sonvisagechanged’expression.Ilsemblecontrariéparmaquestion.Hardin?C’estquoicenom?–Net’approchepasdelui,Mel.Jesuissérieux.Jelèvelesyeuxauciel.Çanevautpaslapeinedepolémiqueraveclui.Iln’ajamaisapprouvéaucun
demespetitsamiset,pourtant,ilatentédemecaseravecsonmeilleurpoteJace,quiestdeloinleplusrépugnantdetous.Clairement,lescritèresdemonfrèresontaussivariablesqueleshautsetlesbasdesaconsommationdedrogueetd’alcool.Monfrèretapoteuncoussinprèsdelui.Jem’assiedsdiscrètementetobservelesgensuninstant.Le
volume de la musique monte d’un cran, les verres se remplissent de plus en plus et les espritss’échauffent.Quelquesminutesplustard,Logandemandeàmonfrères’ilveutallumerunautrejoint.Jebalaiela
salledesyeuxàlarecherched’Hardin.Jenepensevraimentpaspouvoirmefaireàcenom.
Il est là, seul dans la cuisine, debout contre le bar.Labouteille dewhisky avisiblement diminuédepuistoutàl’heure,disonsquinzeminutesplustôt.Ilaimedoncfairelafête.Bien.Jemelèverapidementducanapé.Unpeutropvite.QuandDanagrippemonbras,jemedisqu’ilva
falloirluidonnerunebonneexcusepourquitterlapièce.Sijeluidisquec’estpourrejoindreHardin,jesaisqu’ilmesuivra.–Oùvas-tu?–Auxtoilettes.Jemens,maisjen’aipaslechoix.Jedétestequechaquefoisqu’ilm’inviteàl’unedesessoirées,il
seprennepourmonpèredèsquejenesuisplusprèsdelui.Ilmeregardefixementettented’évaluers’ilpeutmecroireoupas,maisjemedétourne.Jesensses
yeuxsurmoiquandjetraverselesalonetmedirigeverslesescaliers.Lesseulestoilettesdanscetteimmensemaisonsontenhaut,cequin’aaucunsens,maisvoilà,c’estunefraternité.Jemontetranquillementlesmarches.Lorsquej’arriveenhaut,jejetteunderniercoupd’œilàmon
frère,meretourneet,toutàcoup,jemeprendsunmursombreenpleineface.Saufquecen’estpasunmur,c’estHardin.–Merde,pardon!J’essuielatracehumidesursont-shirtcauséeparlevinquejeviensderenverser.Jelecharrie:–Aumoins,latachenerisquepasdesevoir.Sesyeuxvertssontsiintensesquejedoisdétournerleregard.D’untonneutre,limitedésobligeant,
ilmerépond:–Ah,ah!Trèsdrôle!Pastrèssympa.Sansréfléchir,jeluilance:–Monfrèrem’aditdemeteniréloignéedetoi.Lafaçonqu’ilademeregarderestinsoutenable.Çamerendfolledeleregarderfixement,maisje
nebaisseraipaslesyeux.J’ail’impressionqu’ilesthabituéàcequelesfillesfassentça.Jemedisquec’estcommeçaqu’onperdaveclui.Ilsoulèveunsourcil,celuiquialepiercing.–Ilt’aditça?Ouais,c’estsûr,ilaunaccentanglais.J’aimeraisleluifaireremarquer,maisjesaisàquelpoint
c’esténervantquelesgenscommententlamanièredontvousparlez.Onmelefaittoutletemps.J’acquiesced’unsignedetête,etl’Anglaisrécidive:–Etpourquoidonc?Jenesaispas…mêmesij’aimeraisbien.Jeplaisante:–TudoisêtrevraimentodieuxsiDannet’aimepas.Çanelefaitpassourire.Mesépaulessonttenduesmaintenant.Lemagnétismed’Hardinm’adéjàcaptée.–Sioncommenceàprendreencomptel’avisdetonfrère,onestbaisés.Monréflexeestdeprendreladéfensedemonfrère,deluidirequ’iln’estpassimauvaismaisjuste
incompris.Jedevraisledéfendreaprèscequ’ilvientdedire.Etpuis jeme rappelle le jouroù toute la famillede l’anciennepetiteamiedeDanestvenueà la
maison.Lapauvrefille,enceinte,secachaitderrièresonpère,furieux.Monpèreasignéunchèqueetils ont emporté à jamais avec euxmon neveu ouma nièce. Au fond demoi, j’ai conscience que
quelquechoseclochechezmonfrère,maisjerefusedevoirlavéritéenface.Jusqu’àprésent,entremamère,monpèreetcetteTasha,ilesttoutcequej’ai.Jerigole:–Jesuissûrequetuescentfoismieuxquelui.Hardinpassesamaintatouéedanssescheveuxpourlesdégagerdesonfront.–Non.Jesuispire.Il plonge son regard dansmes yeux noisette et, quelque part, je sais qu’il est sérieux. Je devine
l’avertissement derrière sesmots ;mais quand ilme tend la bouteille dewhisky àmoitié vide, jeprendsunegorgée.Laliqueurestbrûlantedansmagorge.Autantquesonregard.Etj’ailasensationqu’Hardinestfaitdecettemêmeessence.
M
StephLapremièrefoisqu’ilfitlaconnaissancedelafilleauxcheveuxrougesetauxbrascouvertsdetatouages,ilvitquelquechosedesombreenelle.Ilsentituneformederivalitédanslamanièrequ’elleavaitdefixersonamiedontlescheveuxétaientplusclairsquelessiens.Ellesecomparaitàelleentouspoints.Ilsentitcebesoinprofondetdésespéréd’attention.Elle lui rappelait l’histoiredeRoussette, la jeune fille d’un contede féesqu’il lisait quand il était enfant. Laprincesseaux
cheveuxrougesétaitjalousedesesplusjeunessœursquandellessemarièrentavecdesprinces,mêmesielle-mêmeépousaunamiral.Maiscen’étaitpassuffisant.Ilneluisemblaitpasassezbienalorsqu’illuidonnait,pourtant,unemeilleuresituationquecelledesessœurs.Lafillehaïssaitl’idéequequelqu’und’autreobtiennecequ’ellepensaitluirevenirdedroit.Ellenesupportaitpasdenepas
êtrelapremièreentoutetsefaisaitviolencepourêtrecellequelesgensremarqueraient.Etellecroyaitquecequ’elleméritaitétaitcequ’ilyavaitdemieuxsurTerre.
. .onpèrerentretarddutravail,unefoisdeplus.Ilestrentrétardtouslessoirsdecettesemainealorsquej’avaisbesoindesavoiturepourallercherchermarobepourlebaldepromo.Toutes
mesamiesontleurrobedepuisplusd’unmoismaintenantetjecommencesérieusementàpaniquer.Sijen’aipasmarobepourlebal,jevaispéterlesplombs.C’estfrustrantetvraimentchiantquemonpèresoitencoreen retard.Évidemment,mamèreestbien tropoccupéeàsurveillermaniècepourm’écoutermeplaindre,mêmesic’estparfaitementjustifié.Tout tourne autour dema sœur et de son bébé. Les gens disent que l’enfant le plus jeune d’une
famille est toujours le chouchou,mais ce sont des conneries.Ça semble vrai, dit comme ça.Maismoi,j’aigrandienneportantquedesvêtementsdéjàutilisésparmasœur.Mesfêtesd’anniversaireont toujours été organisées à la dernière minute et personne ne venait en dehors de ma familleproche.Jesuislarejetéedelafamille.Cellequiestbizarre.L’extraterrestredevenuetransparenteauseindesapropremaison.Jenesuispassûredecomprendrepourquoi.Ladernière foisquemamèrem’aadresséplusdedeuxmots,c’estquand j’ai ruiné le lavabodu
hautavecmacolorationrougebonmarché.Elleétaitenpaniqueparcequemontimingétaitparfait:c’était la nuit avant la baby shower de ma sœur Olivia. Alors oui, j’ai peut-être accidentellementrenversé un peu de coloration sur le tapis de bain, et il est possible que j’aie utilisé les serviettesbrodéesdemesparentspourprotégermesépaulesdu rougepétantqui imprégnaitmesmèchesdecheveux.Maisbon,jen’aipasoséabîmerlet-shirtd’Oliviaquandelleavaitmonâge,tuvois.Unautregenredechosequejedétesteentendre,c’est:«QuandOliviaavaitdix-septans,elleétait
laprésidenteduconseild’étudiant»ouencore:«QuandOliviaavaitdix-septans,ellen’avaitquedesbonnesnotesetsortaitavecungarçonpopulairequ’elleaépouséjusteaprèslelycée.»Jen’enpeuxplusd’êtrecomparéeàmasœur.Elleestl’enfantprodige.Ondiraitqu’iln’yarienque
je puisse faire pour remporter ne serait-ce que lamédaille d’argent. J’ai tellement hâte d’entrer à
l’université. À cause de la pression permanente de mes parents, je vais justement à WashingtonCentral,làoùOliviaaétédiplôméeavectousleshonneurs.Ilsn’enontjamaisrieneuàfairedecetteuniversitéjusqu’àcequemasœuryaille.Maisj’enairas-
le-bol.Jeneluiarriverai jamaisà lacheville,detoutefaçon.J’enaimarred’essayer.Alors,plutôtquedemerebeller,jepréfèreallerlà-basettoutfairepéter.AlorsquelaJeepdemonpères’engagedansl’allée,j’attrapemonsac,jetteunderniercoupd’œilà
monrefletdanslemiroiretmeruedanslesescaliers.Dansmaprécipitation,jemanquebousculermamère. Je ne suismême pas sûre qu’elle l’ait remarqué tant elle semble absorbée par son e-book.Commed’habitude.
. .Laported’entrées’ouvre.Masœurentredanslesalon,suiviedemonpère.Sierra,mapetitenièce,
estendormiedanssesbras.Elletraversetranquillementlapièceetsoupire:–Jesuistellementfatiguée.Mamère s’empressede la rejoindre après avoir referméet posénégligemment sa tablette sur le
rebordde lacheminée.Évidemment,pourOlivia,ellepeut faireunbreak.Monpèreproposeàmasœur:–Stéphaniepeuttereconduirecheztoi,machérie.Jejettemonsacsurmonépauleetattrapelesclés:–MaisPapa, jedois aller chercherma robepour lebaldepromoet ils fermentdansunedemi-
heure!–OliviaetSierrapeuventveniravectoi.Masœurintervient:–Çanemedérangepas.Laisse-moijustepasseràlasalledebainsuneminute.Sescheveuxbrunsetsoyeuxsebalancentlégèrementquandelleparle.Elleporteunpantalonkakiet
unt-shirtàmanchescourtesornédepetitsimprimésfleuris.Monpèresourit,commesisafilleaînéeétaitlapersonnelaplusattentionnéeetlaplusprévenantedumonde.C’estvraimentinsupportable.–Ok.Maisilsnegarderontpasmarobeunjourdeplus,doncsijenepeuxpasalleraubal,çasera
detafaute.Oliviasecouelatêteetjesorsdelamaisonencontournantmonpère.–Jevousattendsdanslavoiture.J’allume lecontactetattendsOlivia.Cinqminutespassent.Dix.J’envoiedeux textos,maispasde
réponse. Je saisqu’elle les lit grâceaupetit indicateurdemonportable.Pourtant, elle est toujoursdanslamaison.Jesupposequ’elleetmamèreensontàleurquatrièmecâlind’aurevoir.Mamèrefaittoujours ça quand nous allons dans la maison de ma grand-mère. Elle réclame des câlins poursatisfairesonbesoind’affection.Douzeminutessesontécoulées.Jefinisparsortirdelavoiturepourretournerdanslamaison.Justeaumomentoùjeclaquelaportière,masœursortd’unpaslangoureux,unpetitsouriresurle
visage.ElledoitencoreattacherSierradanssonsiège.–Olivia,ilfautyaller.Ellesoupireetmarmonneunsemblantd’excuse.
. .Ilest20h03lorsquenousarrivonsdevantlemagasin.Lepanneausurlaporteestretournéducôté
FERMÉetleslumièressontéteintes.Etvoilà,jen’auraipasmarobe.Aujourd’hui,c’étaitl’ultimeéchéanceetj’avaisdéjàdemandéune
prolongation.J’avaismêmesuppliéqu’ilsm’accordentundélaisupplémentairemais ilsavaientététrèsclairs:c’étaitledernierjour.Çacraintvraiment.Jeposematêtesurlevolant.–Jesuisdésolée,Stéphanie.Jemeretourneverselleetlafusilleduregard.–C’esttafaute!–Non,cen’estpasmafaute.Enplus,ellealeculotd’avoirl’airétonnée.–Papavoulaitm’emmenerfairedushoppingpourSierraquiavaitbesoindenouvelleschaussures.
Ellegranditsivite.Denouvelleschaussurespourlebébé?Ellesefoutdemoi?Jen’aipasderobepourlebalparce
quesonbébéabesoindenouvelleschaussures–lagaminenesaitmêmepasmarcher!Jecommenceàhausserleton:–PourquoiPapanet’apasdirectementramenéecheztoi?Tuseraisrentréebienplustôtettuaurais
euplusdetemps.–Jenemesentaispasfatiguéeàcemoment-là…Jenesaispas.Ellehausselesépaules.Commesimontempsn’avaitaucunevaleurpourelle.Commesicen’était
pasunproblème.Jesecouelatêteetposemonvisagedansmesmains.–C’estvraimentdesconneries!–Neparlepascommeçadevantmonbébé!Jebousintérieurement.Nousquittonsleparkingetrestonssilencieusesduranttoutletrajet.Olivia
secomportecommesiellen’avaitrienfaitdemaletmoi,jesuistropfurieusepourluiadresserlaparole. Je ne la supporte plus. Elleme prend tout – et pour couronner le tout, Sierra continue depleureràm’enfaireexploserlecrâne.Jehaismavie.EnarrivantdevantchezOlivia,ellemeremerciedel’avoirdéposée.Horsdequestionquejemette
unpieddanssanouvellemaisonet jesuissoulagéequ’elleneme leproposepas.Unemaisonquemesparentsl’ont,àcoupsûr,aidéeàacheter.Sonmari,Roger,estunepersonnediscrète:ilneditpasgrand-choseenprésencedemafamille.Olivialuidemandeprobablementdenepaslefaire.Jesuissûrequetoutlemondeestprévenuàmonsujetavantdemerencontrer.Jen’aivraimentpasenvied’entrerchezelle,maisj’aibesoindefairepipietj’enaiencorepourun
quartd’heurederouteavantd’arriverchezmesparents.EnpénétrantchezOlivia,jeremarquetoutdesuiteunetrèsforteodeurdecannelle.Oliviaposedesbougiesparfuméesdanstouteslespièces.Roger est dans le canapé, la télécommande dans unemain, son ordinateur posé sur les genoux.
Quand ilnousvoit entrerdans lapièce, il sourit à sa femmeetmedemandepolimentcomment jevais.Jeluirépondsquejen’aipaschangédepuisladernièrefoisquel’ons’estvus,bienquejenem’ensouviennepasvraiment,enfait.Aprèsquelquesminutesdeconversationgênée,Olivianousannoncequ’ellevacoucher lapetite.
Ellemontelesescaliers,ungrosnounoursdansunemainetunbiberondansl’autre.Rogermejetteà
peineunregard lorsque jemepromèneà travers lapiècepourcontempler leursphotosdefamilledébiles sur le rebord de la cheminée. Roger se lève pour aller dans la cuisine afin, sans doute,d’évitertouteconversationavecmoi.Surladernièrephoto,leurpetitefamilleparfaiteposedansuncadreenbois,tousvêtusdenoiret
blanc.Enmedirigeantverslacuisine,jedécouvreaccrochéeaumurdel’entrée,dansungrandcadreenmétal,unephotod’OliviaetRogerlejourdeleurmariage.Masœurestsiparfaitesurcettephoto:unecoiffureparfaite,unmaquillageparfaitetunerobesibelle.Unerobeblancheentaffetasdesoiequieffleurelesold’unemanièreroyale.Ondiraituneprincesse,commesicetterobeétaitfaitepourelle.Sa robe est l’exact opposée de celle qui était supposée être la mienne. Celle que j’étais censée
récupérercesoirétaitencotonettullenoirs.Lecorsageétaitajustéprèsducorpsetlajupeenformed’étoileavecdeslacetsquis’entrecroisentsurlescôtés.C’estunerobequejen’auraijamais,àcaused’Olivia.Etlà,toutdesuite,jerêvedepeinturenoirepourbousillersaparfaitepetiterobedébile.Jepoursuismonexploration,etmonregards’arrêtesurunephotodeRoger,sonbrasenveloppant legrosventred’Olivialorsqu’elleétaitenceinte.Ellearuinémonbaldepromo.Jevaisruinersonmariage.Quandj’entredanslacuisine,Rogersetientdeboutdevantlefrigo,levisagepenchéàl’intérieuret
dissimulé par la porte. Je pianote des doigts contre le bar en pierre pour attirer son attention.Aumomentoù il se retourne, je tire sur le basdemon t-shirt et lui dévoileunebonnepartie demondécolleté.Ilprendunegrandeinspirationetsemetàtoussernerveusement.Jesouris.Jepariequemasœurn’apasbaisésonmaridepuisqu’elleaaccouché.–Oups!Pardon.J’enrouleunemèchedecheveuxautourdemondoigttandisqueleregarddeRogertente,tantbien
quemal,denepasparcourirmesjambesmisesenvaleurparmescollantsrésille.Jeluisusurre,toutencontinuantdem’approcherdelui:–Bonsoir…Moncœurbatàmilleàl’heure.Jenesaispascequejesuisentraindefoutre,maisj’enveuxàma
sœur.J’enaiplusqu’assezqu’elleobtiennetoujours toutcequ’elleveut,quelemondetournesanscesseautourde laparfaiteOlivia.Si riennem’appartient,alorsàellenonplus.Et surtoutpas sonpetittoutoudemarifidèle.–Qu’est-cequetufais,Stéphanie?Sonvisageestbienpluspâlequ’ilyauneseconde.–Rien.Jediscute.J’attrapelebasdemajupe,laremonteplushaut,jusqu’aumilieudemonventre,etluidévoilemon
soutien-gorgeendentelle.Rogerrecule,etsondos,heurtantleplacardenbois,refermelaporteenmêmetemps.Jeluidemandeenrigolant:–Quelquechosenevapas?Monestomacestnouéet jesensquejevaism’évanouird’unesecondeà l’autre.Mais,d’unautre
côté,jemesenstellementexceptionnelleetpuissante.L’adrénaline,jesuppose.J’adoreça.J’enveuxencore.Jem’approcheencoreplusprèsetsaisislafermeturedemajupe.Rogersecachelevisage:–Arrête,Stéphanie!Fait chier ! Il est vraiment le petit toutou fidèle que j’imaginais. Cette constatation ne fait
qu’accroîtremarage.–AllezRoger.Nesoispassi…–Stéphanie!Bonsang,qu’est-cequetufous?Lavoixd’Oliviaretentitdanstoutelacuisine.Jemetourneverselleetlavoisappuyéecontrelaporte.Elles’estmiseenpyjama,celuienflanelle
aveclesrayuresbleues.Elleestfurieuse.Auboutdequelquessecondes,ellesetourneverssonmari:–Roger?!–Jenesaispas,chérie,elleestvenueicietacommencéàsedéshabiller.Il agite ses mains en l’air nerveusement pour faire comprendre à sa femme à quel point son
aguicheusedesœurestfolle.Ellesetourneversmoietmefoudroieduregard.–Fouslecamp,Stéphanie!–Tunemedemandesmêmepassicequ’ilditestvrai?Ceconstatmerenddingue.Jejettemonsacsurmonépauleetrabaissemajupe.–Jeteconnais.Ellemeconnaît?Ellenemeconnaîtpasdutout,àvraidire.Sic’étaitlecas,elleneseraitpasune
telleconnasseégoïste.–Et…?Je regarde Roger et il recule comme si j’étais un serpent dangereux. Comme si lui pouvaitme
juger!S’iln’avaitpaseulatrouilledesefairesurprendre,jepeuxgarantirqu’ilm’auraitsautée,là,surleurbarengranitebrillant.–Bon.Tuasessayédeséduiremonmari,ouiounon?La bouche d’Olivia tremble ; elle retient ses larmes. Je devrais nier, leur renvoyer la faute et
l’accuser, lui. Je peux pleurer sur commande aussi. Si je voulais, je pourrais la convaincre den’importequoi.Oh,etpuismerde.–Tun’esqu’unesalopeégoïste!Ellem’incendiecarrément.Rogertraverselacuisinepourlaprendredanssesbras.Jesuisunesalopeégoïste?Sérieusement?Elleobtienttoujourstoutcequ’elleveut,putain,etj’en
aimarre de ces conneries. J’en ai assez de toujours être la seconde en tout.Elle devrait s’estimerheureuseque jene luiaiepas infligépirequeça ! J’auraispu lui faireencorebienplusmal,à luicommeàelle.J’aimêmequelquesidéesquimeviennent…etçameplaît.–Va-t’en,Stéphanie!Oliviasecouelatêtetandisquesonmaricaressesesmainstremblantes.C’estexactementcequejevaisfaire.Partirbientôt.Jen’auraiplusàendurertoutecettemerde.Jeparspourl’université.Etunefoislà-bas,j’aibienl’intentiondefairelaloidansceputaindecampus.
PARTIEII
Pendant
Hardin
. .Ilétaitcommeuneâmeenpeine,traversantlaviesansrienenattendredeparticulier.Ilcommençaitàs’habitueràcettevilleétrangère–allantjusqu’àimaginerquechaquenouvellenuitpasséeloindechezluiatténueraitunpeuplussonaccentanglais.Savieressemblaitauxmouvementsd’unautomate:lesmêmesactes,lesmêmesréactions,lesmêmesconséquences.LesfemmesdéfilaientetseconfondaientdansuntourbillondeSarah,deLauraetdeJaneDoes…Ilnevoyaitvraimentpascommentsaviepourraitcontinuerainsi,jouraprèsjour.Et puis, la première semaine de l’année suivante, il fit sa connaissance.Commesi quelqu’un ouquelque chosede plus
puissantqueluil’avaitstratégiquementplacéelà,danscetteuniversitédeWashingtonCentral,pourlenarguer.Cequelqu’un– ou quelque chose – savait qui il était et de quoi il était capable. À croire qu’il était programmé pour voler une autre âmeinnocenteetbriser lavied’unenouvellefille.Cette fois, çane serapas sigrave,pensait-il. Ilsedisaitqu’iln’iraitpasaussi loinqu’auparavant.Quecettefois,ceseraitdifférent,plusinoffensif.Justepours’amuserunpeu.Etcefutlecasaudébut.Jusqu’àcequelevents’engouffredanssescheveuxpourluieffleurerlevisage.Jusqu’àceque
sesyeuxgrishantentsonsommeiletquelerosedeseslèvreslerendefou.Iltombaviolemmentamoureuxd’elle–cefutsirapidequ’audébutiln’étaitpascertainqu’ils’agissed’unvraisentimentoudusimplefruitdesonimagination.Maisillesentit…illesentitrésonnerenluicommelerugissementd’unlion.Etildevintaccroàelle,unpeuplusàchacunedesesrespirations,danschacunedesespensées.
. .UNENUIT,alorsquelaneigetombaitetrecouvraitlebitume,ilétaitassisseul,dansunparking,lesmainsagrippéesauvolantdesavieilleFordCapri.Ilvoyaittroubleetnepensaitplusclairement.Commentavait-ilpufaireça?Ques’était-ilpassépourquetoutdégénèreaussivite?Iln’enétaitpassûr,pourtantilsavait,il
sentaitauplusprofonddelui-mêmequ’iln’auraitjamaisdûagirainsietqu’illeregretteraitamèrement.Etd’ailleursilleregrettaitdéjà.Ellen’auraitdûêtrequ’uneproie facile.Qu’une jolie filleausourire innocentetauxyeuxd’unecouleurétrangesupposés
n’avoir ni profondeur ni intelligence. Il n’était pas censé tomber amoureuxd’elle, tout comme il n’était pasprévuqu’elle luidonnel’enviededevenirquelqu’undebien.Jusque-là,ilnes’étaitjamaisremisenquestion.Toutsemblaitallerbien,avant–avantqu’ilnecommettelaplusbelleerreurdesavieenlalaissantdevenirsonuniverstout
entier.Maisvoilà,Ill’aimait.Ill’aimaittellementquel’idéequ’ellepuisselequitterleterrifiait–laperdresignifiaitseperdrelui-même, et il se savait incapable de surmonter ça, tant il était conscient d’avoir vécu jusqu’à présent sans attaches, dansl’insouciancelaplustotale.Alorsquesesdoigtsagrippaientplusfortlevolantnoir,aupointdeblanchirsesarticulations,sespenséess’embrouillèrent.
Puis, dans un élan dedésespoir et de lucidité irrationnelle, il réalisa là, dans le silencede ce terrain vague, que ses peursenvahissaient,qu’ilferaittout–absolumenttout–pourlagarderàjamais.Lesmoisquisuivirent, ilnefitquelagagner, laperdreet lagagnerdenouveau.Iln’arrivaitpasà laconquérirvraiment. Il
l’aimait.Sonamourpourellebrillaitplusfortquen’importequelleétoileet,pourleluimontrer,ilsurlignadespassagesentiersdesdixmilleromansqu’ellepréférait.Desoncôté,elleluidonnatout.Ill’observatomberamoureusedeluienespérantpouvoirarrêterdeladécevoir.Ellecroyaitenlui,etcelaluidonnaenviededevenirquelqu’undemeilleur,pourelle.Ilvoulaitluiprouver
qu’elleavaitraisonetquelerestedumondeavaittort.Elleluifitgoûteràunsentimentqu’ilneconnaissaitpas:l’espoir.Ilnesavaitmêmepasqueçapouvaitexister.Saprésencel’apaisait ; labrûluredanssoncœurs’atténuaitet ilcommençaàdeveniraccroàelle. Il lapoursuivit jusqu’à
coucheravecelleetunefoisqu’ill’eutprise,aucundesdeuxneputs’arrêter.Lecorpsdecettefilleétaitdevenusongiletdesauvetage,sonespritétaitdevenusonrefuge.Maisplusill’aimaitetplusillablessait.Ilnepouvaitresterloind’elleet,augrédeleursdisputesetdeleurévolution,elledevintlanormalitéqu’ilavaitattenduetoutesavie.Larelationqu’ilavaitavecsonpèrecontinuad’évoluerdoucementversquelquechosedepresquefamilier.Aprèsquelques
dînersdefamille, lahainequ’ilressentaitenverscethommecommençaàsedissiper.Ilvoyaitsonpèredifféremmentetçal’aidaitàenvisagerses traverssousunautreangle.C’étaitdanscesmoments-là,quandsaviechangeaitetquesa familleévoluait,qu’ilavaitbesoind’ellecommed’uneancre. Ilapprenaitàsesoucierdesautresd’unemanièredont ilneseseraitjamaiscrucapableauparavant.Cen’étaitpasfacilepourluideluttercontrevingtansdeschémasdestructeursetdecomportementspulsionnelsprimaires.Chaquejour, ildevait luttercontrel’appeldel’alcooldanssesveines,contrelacolèrequ’il tentaitd’évacuer…sanssavoir
comment. Il fit le serment de se battre pour elle – et c’est ce qu’il fit. Il perdit quelques batailles mais jamais l’espoir deremporterlaguerre.Elleluiappritàrire,elleluiappritàaimer–cequ’ilnemanifestaitencorequedetempsentemps,maisplusjamaisiln’arrêteraitdelefaire.
. .
L
1esderniersjoursdevacancesd’étésontlesmeilleurs.Toutlemondeestgravesurvoltéetprofitedecemomentpourréalisersesdésirsetsesplansdedernièreminute.Lesfêtessontblindéeset
les fillesencorepluschaudes…maismêmeavecça,putain, j’aihâteque le semestredémarre.Pasparce que je suis un étudiant de première année débile, ou parce que le monde merveilleux del’universitém’excite.Non. J’angoisse parce que je sais que si je joue correctementmes cartes, jeseraidiplôméauprintemps,avecuneannéed’avance.Pas tropmal pour un délinquant sur lequel personne n’aurait misé un kopeck, sur son entrée à
l’universitéetencoremoinssurl’obtentiondesondiplômeavantl’heure.Mamèreflippaittellementpourmonavenirqu’ellem’avaitenvoyéàl’autreboutdumondevivre
prèsdemonpère,danslegrandioseÉtatdeWashington.Elles’étaitserviedecetteexcusemerdiquede me voir renouer avec lui. Mais je n’étais pas stupide. Je savais que, tout simplement, elle nepouvaitetnevoulaitplusgérer toutmonbordel.EtmevoilàexpédiéenAmériquecommeunbonvieuxcolonpuritain.–T’yespresque?«Cheveuxrosesetlèvresgonflées»lèvelesyeuxversmoidepuismonentrejambe.J’avaispresque
oubliéqu’elleétaitlà.–Ouais.Jeposemesmainssursesépaules.Enfermantlesyeux,jelaisseleplaisirqu’elleestentraindeme
donnerm’envahir.Unedistraction,voilàcequ’elleest.Riendeplus.Lapressiondansmaqueues’intensifie.Jenecherchemêmepasàluifairecroirequej’appréciesa
compagniepourautrechosequelesexequandj’éjaculedanssabouchehumide.Quelquessecondesplustard,elleessuieseslèvresavecledosdesamainetseredresse.–Tusais…Mollyattrapesonsacetensortunrougeàlèvresnoir.–Tupourraisaumoinsfairesemblantd’êtreunpeuintéressé,connard.Ellepinceleslèvrespuisessuiel’excèsdemaquillagedesaboucheavecsondoigt.Enmeraclantla
gorge,jeréponds:–Jelesuis.Entraindefairesemblant.Ellelèvelesyeuxaucieletmefaitundoigtd’honneur.Jesuisintéressé–sexuellementdumoins.
Ellebaiseassezbienetilm’arrived’appréciersacompagnie.Onseressemblebeaucoup,elleetmoi.Touslesdeuxrejetésparnosfamilles.Jeneconnaispasgrand-chosedesonpassé,maisassezpoursavoirquedesalestrucsluisontarrivésquiluiontfaitfairetoutcechemin,desarichepetitevilleenPennsylvaniejusqu’àWashington.Toutenenfonçantsacasquettesursonvisage,ellemarmonne:–Connard.Elle est bienmieux avec ses lèvres naturellement rosées. Ses lèvres gonflées d’avoir euma bite
danssabouche.Mollyestuneconnaissance.Bon,ok,uneamieavecquelquesavantagesennature jedirais.Notre
«amitié»nenousengageàrien.Onesttouslesdeuxlibresdefairecequel’onveutetdebaiserquil’onveut,quandonveut.Ellemedétestelamoitiédutemps,maisçameva.C’estréciproque.Lerestedenosamisnousfontchierausujetdenosrapports,maisc’estcommeçaqueçamarche.
Elle sucebienetne s’éternisepasaprès.La situation idéalepourmoi.La sienneaussi, semble-t-il.Ellemedemande:–Tuviensàlafêtecesoir?Jemeredresseaussi,enremettantmonboxeretmonjean.Jelèveunsourcil:–Jevisici,non?Jenepeuxpasblairercetendroit.Touslesjours,jemedemandecommentj’aipuatterririci,dans
cetteputaindefraternité.Monconnarddedonneurdesperme.Voilàcomment.KenScottestunenculédepremière,delapire
espèce.Unenfoiréd’alcooliquequi,aprèsavoirdétruittoutemonenfance,achangéradicalementetsoudainementsavie,commeparmagie.Jusqu’àemménageravecunefemmeetsonfils,unloserdedeuxansplusjeunequemoi.C’estsasecondechance,jesuppose.KenScottadroitàuneputaindesecondechance,etmoi,j’ai
justecelled’êtredanscettefraternitédébiled’uneuniversitédontilestleprésident,enplus.Lepire,c’est qu’il m’a pratiquement supplié d’emménager avec lui. Comme s’il pensait sérieusement quej’irais vivre sous son toit, sous son contrôle. Quand j’ai refusé, j’ai cru qu’il me prendrait unappartement,maisbiensûrcenefutpaslecas.Alors,mevoilàlogédanscetendroitridicule.Çal’avraimentemmerdéquejechoisissecelieupourriplutôtquesonpalaisimmaculé.Ilestvraiquecettefoutuefraternitéaquandmêmequelquesavantages.Unebaraqueénormeavec
desfêtestouslessoirs,unfluxconstantdechattesàs’engaveretlemeilleurdanstoutça:personnen’osemechercherdesemmerdes.Aucundesmembresnesembledérangépar le faitque jen’enbranlepasunepour représenter la
confrérie.Jeneportepasleursstupidessweat-shirtsetnecolleaucundeleursautocollantsàlaconsurmavoiture.Jeneparticipejamaisàleursmerdesdebénévolatetjegueuleencoremoinslenomdeleurfraternitépartoutoùjevais.Ilsfontquelquestrucssympaspourlacommunauté,maisdanslefondilsn’enontrienàfoutre.Maisriendetoutcelan’ad’importance.Jejetteuncoupd’œildanslachambreetréalisequejesuisseul.Mollyadûpartirsansmêmequeje
m’enaperçoive.Jemelèveetouvrelafenêtre,histoired’aérerunpeulachambreavantqu’ellenesoitréutiliséece
soir.Toutesceschambresvidesdanslamaisonjouentenmafaveurcarjenesupportepasd’avoirquiquecesoitdanslamienne.C’esttropintimeouquelquechosedanslegenre.Jenesaispaspourquoi,maisjen’aimepasçaettoutlemondeavitecompris,d’unemanièreoud’uneautre,qu’ilnefallaitpasvenirtraînerdansmoncoin.Mollycommen’importelaquelledesautresfillessaventquenousnepouvonsutiliserqueceschambresvides,etpaslamienne.Alorsquej’approchedemachambre,jevoisLogantrébucherdanslecouloir,unepetitenanaaux
cheveuxfrisésaubras.Ellen’estpasdiscrètesursesintentionsàsonégard,etjelesuisencoremoinspourexprimermarépulsion.Jeleurcrie:–Prenez-vousuneputaindechambre!Elleglousseetmefaitundoigtd’honneuraumomentoùjeclaquemaporte.C’estlacoutumeici.
Toutlemondem’ignoreoumeditd’unemanièreoud’uneautred’allermefairefoutre.Çamevatrès bien. Je préfère de loin rester assis, seul dans ma chambre, à attendre la prochaine défoncesynthétique.Jepassemesdoigtssurl’étagèrepoussiéreusedelabibliothèque.Jen’arrivepasàmedécidersurle
choix d’un roman. Hemingway peut-être ? Il pourrait me donner une bonne dose de cynisme. Ladeuxième sœur Brontë ? Je pourrais me contenter d’une horrible histoire d’amour à la con, làmaintenant.J’attrapeLesHautsdeHurleventpuisretiremesbootsavantdem’allongersurlelit.Jen’arrivepasàexpliquer l’effetqueproduit surmoice roman,cequimepousseà le lireet le
reliretantdefois,maisjemeretrouvetoujoursàfeuilleterlespagesdecettesombrehistoire.C’estcomplètement barré, vraiment – deux personnes qui se mettent ensemble, puis se séparent. Ils sedéchirent, détruisant aupassage leur entourage justeparcequ’ils sont tropégoïstes etbornéspourgérerleursmerdesensemble.Maispourmoi,c’estlemeilleurdanscegenredeputaind’histoire.Quandjelelis,j’aimeensentir
l’atmosphèresombre,pascelledes romansà l’eaude roseavecdespetites fleursetdes rayonsdesoleilquimedonnentenviedegerberdanslespagespuisd’enbrûlerlespreuves.–Ohoui!Putain,oui!Lescrisperçantsd’unevoixfémininetraversentlamincecloison.–Fermezvosgueules!Jecognemonpoingcontrelevieuxparquet,attrapel’oreilleretleplaquesurmesoreilles.Plusqu’uneputaind’année.Uneseuleannéedecoursàlaconetd’examsfaciles.Uneannéedeplus
àtraînerdanscesfêtesmonotones,pleinesdecesgensquifontbientropattentionàcequelesautrespensent d’eux. Une putain d’année encore à me contrôler, et je pourrai enfin rentrer mon cul àLondres,làoùestvraimentmaplace.
L
2Aujourd’huiencore,ilsesouvientdel’odeurdevanillequiemplissaitlapetitechambredudortoir,lapremièrefoisqu’ils’étaitretrouvé seul avec elle. Ses cheveux étaient humides, elle avait une serviette enroulée autour de son corps aux formespulpeuses,etc’étaitlapremièrefoisqu’ilremarquaitlafaçondontsapoitrinesegonflaitquandelleétaitencolère.Encolère,illaverrait,encoreetencore.Desputainsdecolère.Plusdefoisqu’ilnepourraitlecompter.Maisiln’oublieraitjamais,augrandjamais,lamanièrequ’elleavaitd’êtresipolieavecluiaudébut.Ilpritcettepolitessepourdelafierté.Ilpensa:encoreunefillebornéequi seprendpourune femme.L’étrangefille restait impassible,autantqu’elle lepouvait.Sansaucuneraison.Ellene luidevaitrien,etelleneluidoittoujoursrienmêmeaujourd’hui.Alors,ilneluiresteplusqu’àespérerlavoirencolèrecontrelui,encoreettoujours,pourlerestantdesavie.Maismaintenant,assisseuletprisaupiègedesespropreserreurs,ils’accrocheàceslointainssouvenirs.Dessouvenirs
oùsacolèreàluietsacolèreàellefontpartiedupeudechosesquilemaintiennentenvieaprèsqu’ellel’aquitté.
. .epremierjourdelarentréeesttoujourslemeilleurpourobserverlesgens.Ilyatellementdeputainsd’idiotsquigesticulentdanstouslessenscommedespouletssanstête.Tellementdefilles
attiféesdeleurtenuepréféréedansl’attentedésespéréed’attirerl’attentiondesgarçons.Chaqueannée,c’estlamêmehistoire,danschaqueuniversitédumonde.WashingtonCentralUnion
setrouvejusteêtrecelledanslaquellejevais.J’aimeassez;c’estfacile,etmesprofsmefacilitentlatâche. Même si je donne l’impression d’en avoir rien à foutre, je me débrouille plutôt bien,académiquementparlant.Sije«m’appliquaisplus»,jepourraisêtreencoremeilleur,maisjen’ainiletempsnil’énergied’êtreobsédéparlesnotes,lesplansd’aveniroun’importequoid’autredecegenre.Jenesuispasaussistupidequelesprofss’imaginent.Jepeuxlouperunesemaineentièredecours et toujours cartonner aux exams. J’ai vite compris que tant que je pourrais faire ça, ilsmelaisseraienttranquille.En face du bâtiment de l’association étudiante, c’est l’endroit idéal pour assister au spectacle. Et
resterassis là,pourregarder tous lesparentsen larmes,doitêtrede loinmonmomentpréféré.Çam’amusevraimentparcequemamèren’arrivaitpassedébarrasserdemoiassezrapidement,alorsque certains parents ici agissent comme si on leur arrachait un bras quand leurs enfants – enfantsadultes, dois-je vous rappeler – partent pour l’université. Ils devraient se réjouir, au lieu depleurnichercommed’insupportablesmarmots,queleursenfantsfassentenfinquelquechosedeleurvie.S’ilsprenaientletempsd’allerfaireuntourdansmonancienquartier,ilsseraientcertainemententraind’embrasserlesol,reconnaissantsenversWashingtonCentralUniversitydedonneràleursenfantsunechancederéussirdanscemonde.Unefemmeauxénormesseinssiliconésetauxcheveuxperoxydésenlacesonfilschétif,vêtud’une
chemiseàcarreaux.J’afficheunlargesourirelorsqu’ilsemetàpleurerdanssesbras.Petitebite.Sonpèreestdedosetsetientéloignédecettevisionpathétique.Ilvérifierégulièrementsamontrehorsdeprixenattendantquesonfilsetsafemmecessentdepleurnichercommedesveaux.
Jenepeux imaginer ceque je ressentirais simesparents s’étaientvraiment intéressés àmoi.Mamèresesouciaitunpeudemoilorsqu’ellenepassaitpastoutsontempsàtravaillerdumatinausoir.Ellemelaissaitmedébrouillerpourcompenserlemanquederesponsabilitédemonconnarddepère.Etjerejetaissonaide,àchaquefois.Jenel’acceptaispasàcetteépoqueetnel’accepteraistoujourspasmaintenant.Nivenantd’elle.Nidepersonned’autre.–Eh,mec.Nate s’assied en face demoi sur la table de pique-nique et sort une cigarette de sa poche. Ilme
demande,sesmainsjouantavecsonbriquet:–C’estquoileplancesoir?Jehausselesépaulesetsorsmonportabledemapochepourvérifierl’heure.–Jenesaispas.OndoitseretrouverdanslachambredeSteph.Natetiresursaclope; ilmesoûleenmeproposantd’yallerenmarchant.Cen’estpastrès loin,
quinzeminutestoutauplus,maisjepréféreraisconduireplutôtquededevoirm’engouffrerdanscettemassed’élèvesenthousiasmésdedémarrerl’année.
. .Letempsd’arriverdans lesdortoirs,Natemeparlede lafêteprévueceweek-end.C’est toujours
pareil,chaqueweek-end.Qu’ya-t-ildesiexcitantlà-dedans?J’ail’impressionquec’esttoujourslamêmechose.Lemêmegrouped’amis,lesmêmespartiesde
jambesenl’air,lesmêmesfêtes,lesmêmesmerdes.Seullejourchange.JesuissurlepointdedébarquerdanslachambrequandNatemerappelle:–Ondevraitfrapper.Tutesouvienscommeelles’esténervéeladernièrefois?Jericane.Ouais,jemesouviensbiendecejour-là.C’étaitlesemestredernier.Jesuisentrédansla
chambredeStephsansfrapperetl’aitrouvéeàgenouxdevantcetrouducul.Jel’appelletrouduculparceque…ehbien,parcequ’ilportaitdes tongs.Unmecquiportedes tongs, c’est forcémentuntrouduculpourmoi.IlétaitgênéetStephfurieuse.Pendantqu’ilessayaitdes’éclipser,Steph,elle,mebalançaitàlafiguretouslestrucsquisetrouvaientsouslamain.Çam’a fait la semaine de la voir scandalisée à ce point. Aujourd’hui encore, je me fous de sa
gueulequandjerepenseàcettehistoire.J’arrêtederireàcesouvenirquandjel’entendsnouscrierd’entrer.Jem’exécuteetmetrouveaccueilli,aubeaumilieudelachambre,parunmecblondencardigan.
StephsetrouveentreNateetmoietregardelesnouveauxvenusd’unairamusé.Ilmefautunmomentavantderemarquerlaprésenced’unefemmeàl’aircrispéetd’unejeunefille.Lafemmeestsexy…mes yeux ne peuvent s’empêcher d’étudier son corps : une silhouette élancée, de longs cheveuxblondsetuntourdepoitrinecorrect.JelanceenfinunregardàlafillequandNateluidemande:–Eh!T’eslacolocdeSteph?Ellen’estpastropmal:unebouchepulpeuseetdelongscheveuxblondsaussi.C’estàpeuprèstout
cequejepeuxvoird’ellecarlananaportedesvêtementsquifonttroisfoissataille.Jeremarquequesajupeestsilonguequ’elletouchelesol,etçam’horripile.Enunclind’œil,jesuiscapablededirequelafacneserapasunepartiedeplaisirpourcettefille.Parexemple:elleestentraindefixersespieds,nerveuseàmort.C’estquoisonproblème?Ellemarmonned’unevoixàpeineaudible,àlalimitedusupportable:–Heu…oui.Jem’appelleTessa.
JeregardeStephquiafficheunpetitsouriremoqueurpuiss’assiedsursonlitsansjamaislâcherlafilledesyeux.Nateluiadresseunsourire.C’esttoujourslui,leplussympadenousdeux.–Jem’appelleNate.Nesoispassinerveuse.Je ne vois pas l’intérêt de ce semblant de papotage, surtout avec cette petite bouche. Les yeux
écarquillés,ellefixeNatequis’approched’elle.Enposantunemainsursonépaule,ilajoute:–Tuvasadorercetendroit.Tuvasteplaireici.Quelramassisdeconneries!LacolocdeStephal’airterrifiéequandsesyeuxseposentsurleposterd’ungroupeaccrochéau
mur.Stephn’auraitpasputombersurpire.Elleestdiscrète,timideetal’airterroriséeparlemondequil’entoure.Elleadelachancequejesoisdebonnehumeuraujourd’hui;sinon,jemeseraisamuséàlamettretrèsmalàl’aise.–Jesuisprête,lesgars.Stephsautedulit,attrapesonsacetsedirigeverslaporte.Legarçonblond–sûrementlefrèredela
fille–m’observe,etjejetteunœildanssadirection.–Àplus,Tessa!QuandNateluiditaurevoir,jelasurprendsentraindemefixer.Sonregardseposed’abordsur
monpiercingà l’arcade,puissur l’anneaudansma lèvreet faitdesallerset retourssurchacundemesbras.Enfait,jeremarquequelafemmeetlemecsontentraindefairepareil.Quoi?C’estlapremièrefoisquevousvoyezdestatouages?Jemeursd’enviedeleurdirelefond
demapensée,mais j’ai l’impressionque samèren’estpas aussigentillequ’elle ena l’air, il vautmieuxquejemetienneàcarreau.Pourl’instant.Àpeineavons-nousposéunpieddanslecouloirquej’entendslafemmehurler:–Tuvaschangerdechambre,ettoutdesuite!StephpouffederireetNateetmoienfaisonsautanttoutenavançantdanslecouloir.
L
3elendemainmatin,commejen’aipasenvied’alleràmonpremiercours,jedécidedemerendredanslachambredeSteph.Elleestsûrementencoreentraindedormir,maisjem’ennuieetson
dortoir est, parmi tous ceux de la bande, le plus proche de la salle demon prochain cours. Je luienvoieuntextopourluidirequejesuisenroute,sansattendrederéponsedesapart.Lehallduvieilimmeubleestpresquevidehormisquelquesétudiantsenretardquisehâtent,affolés,
lesbraschargésde livres. Je frappeà laporte,histoiredenepasdéclencherunecrisecardiaqueàMissPrim.Pasderéponse.Jemepermetsalorsd’insérerdanslaserrurelacléqueStephm’aprêtée.Pournepasm’endormirsurlematelaspourrideSteph,jezappesurleschaînessurlecâble.Juste
aumomentoùuncertain«docteur»prodiguesesconseils sur lemariageàdeuxabrutis, laportes’ouvre et la coloc deSteph se rue précipitamment dans la chambre.Elle est enveloppée dans uneserviettehumide,seslongscheveuxruisselantssontcollésàsonvisage,c’enestpresquecomique.Enmevoyant,sesyeuxs’élargissent.J’éteinslatélépourobserverlespécimendevantmoi.–Humm…OùestSteph?Savoixressemblepresqueàuncouinement.Ellefixelesol,meregarde,puisbaissedenouveaules
yeux.Jesourisdevantsagêneévidenteetrestesilencieux.–Tum’asentendue?Jet’aidemandéoùétaitSteph?Savoixestplusdoucemaintenant,pluspolie.Monsourires’élargit:–Aucuneidée.Elle se crispe. J’ai l’impression qu’elle s’agrippe si fort aux bords de sa serviette qu’elle va la
déchiqueter.Jerallumelatéléetmeredresseunpeu.–D’accord.Heu,tupourrais…heu…sortir,tuvois,pourquejepuissem’habiller?Mauvaise pioche parce que je n’ai pas l’intention de partir. Pasmaintenant que je viens enfin de
trouverunepositionconfortablesurcelit.Jemetournesurlecôtéetcachemonvisageavecmesmainspourlataquiner.–Arrêtedetelaraconter,c’estpascommesij’avaisenviedeteregarder.Elleestincroyablementsûred’ellepours’imaginerquejepuissem’asseoiretlamater.Bon…ok, je l’auraissûrement fait.Surtoutquesaserviettemoulesoncorpsd’une façonquime
plaîtbien.J’entendssespass’agiterdans tous lessens, lebruissementd’unsoutien-gorgequis’agrafeetsa
respiration saccadée. Elle est vraiment nerveuse. Je donnerais cher pour voir son visage pendantqu’elle essaie d’enfiler ses vêtements à toute vitesse. Je pourrais baisser mes mains, mais je suisd’humeurdécente.Enplus,jevaisêtreamenéàrevoircettefille,doncmieuxvautrestercivil.Jelèvelesyeuxauciel.–T’aspasbientôtfini?
Ellesemetàhurler:–Tunepeuxpasêtreencoreplusdésagréable?Qu’est-cequejet’aifait?C’estquoitonproblème?Putain?!Jenem’attendaispasàunetellerépartiedanslabouched’unefillesiinnocente.Ellefait
toutcequ’ellepeutpoursemontrerpatienteavecmoi,etmoijefaistoutcequejepeuxpourlafaireexploser.J’éclatederire.Çamefaitbizarrederiredecettemanière,aussifranchement.JecontinuedefixerlacolocdeSteph
furieuse.Çan’apasdeprixdevoirl’expressiondesonvisage,elleesttellementénervée.Laportes’ouvreetStephentreentrombe,danslesmêmesvêtementsquelaveille.–Désoléed’êtreenretard.J’aiuneputaindegueuledebois.Jelèveencorelesyeuxauciel.Évidemmentqu’elleaunegueuledebois…çaluiarrivedenepas
enavoir?–Désolée,Tess,j’aioubliédetedirequ’Hardinallaitpasser.Ellehausselesépaules.Commesielleenavaitquelquechoseàfoutre.Lablonderépondsèchement:–Tonpetitamiesttrèsmalélevé.Alorslàc’esttrop!J’éclatederire.Stephmeregarde,lessourcilsfroncésenmevoyantrireautant.
Elles’exclame–sûrementunpeutropfort,avantdes’écroulerderireavecmoi:–HardinScott,monpetitami,certainementpas!Onadéjàbaiséplusieursfois,maisjamaisriendesérieux.Jenefaisjamaisriendesérieux.–Qu’est-cequetuluiasdit?Stephseretourneversmoietposesesmainssurseshanchescommesielleallaitmegronder.–Hardinaunefaçon…àluidefairelaconversation.Faire laconversation?Jeneveuxparleravecaucunedesdeux.Jehaussedesépauleset retourne
auxprogrammessansintérêtdelatélé.J’entendsStephluidire:–Ilyauneteuf,cesoir.Tudevraisveniravecnous,Tessa.Ouais,biensûr,commesicettefilleallaitveniràunefête!J’attrapemonanneauentremesdents
pourm’empêcherderireencoreetfixel’écran.–Lesfêtes,c’estpastropmontruc.Enplus,jeveuxallerachetercertaineschosespourmettresur
monbureauetaumur.–Allez…c’estjusteuneteuf!T’esàlafacmaintenant–unesimplefête,cen’estpasdramatique.Stephlasuppliepresqueenessayantdelaconvaincre.–Etaufait,commentvas-tuallerausupermarché?Jecroyaisquetun’avaispasdevoiture?– J’ai l’intentiondeprendre lebus.De toute façon,qu’est-ceque j’irais faire à cette fête ? Jene
connaispersonne.J’avaisprévudepasserlasoiréeàlireetàparleravecNoahsurSkype.Enl’entendantdireça,jerecommenceàrire.Parcequ’allerdansunmagasin,c’esttellementgénial!Jepariequ’ellefaitsonshoppingdanscette
conneriedemagasinTarget ; c’est tout à fait legenre.Et son rendez-vous surSkype…Pourquoifaire?Dévoilerunechevilleàcepauvreersatzdepetitami,jesuissûr.–Tunevaspasprendrelebusunsamedi!C’estblindédemonde.Hardinpeuttedéposerenrentrant
chezlui…heinHardin?Stephmejetteunregard.Jenedéposeraipersonnenullepart.
–Etpuistuserasavecmoiàlafête.Allez,viens…s’ilteplaît?–Jenesaispas…etnon,jeneveuxpasqu’Hardinmeconduiseausupermarché.Lafillegeint,c’estpénible.Jeroulesurlelitetlanceunregardamuséauxdeux;c’esttoutcequeje
peuxfaire.Commeellescommencentvraimentàmetapersurlesystèmetouteslesdeux,j’ajoutesuruntonsarcastique:–Ohnon!Moiquimefaisaisunejoiedesortiravectoi.Voyons,Steph,tusaisbienquecettefille
nesepointerajamaisàunefête.Je m’arrête un instant sur ses vêtements et observe la manière dont son t-shirt blanc moule sa
poitrine et ses hanches. Elle devrait s’habiller comme ça au lieu de la jupe longue débile qu’elleportaitl’autrejour.Sonshortkakiesttroplongaussi,maisonnepeutpasgagneràtouslescoups,pasvrai?Lafille,Tessajecrois,ouaisc’estça,nousdit:–Enfait,si,jevaisvenir.Çapeutêtremarrantaprèstout.Ellessemettentàpousserdeshurlementsetdescrisaigus.C’estlebonmomentpourpartirquand
lesfillescommencentàseprendredanslesbrasettoutecettemerde.Stephluipromet,alorsquejequittelachambre:–Yesss!Ouais,onvabiensemarrer!
. .JE VAISME GARER UN PEU PLUS LOIN sur le campus et me rends en cours le reste de la
journée.Plus tarddansla journée, jereçoisuntextodeNatequimeproposedelerejoindre, luietTristan,chezBlindBob.Surlaroute,jemontelevolumedelamusiqueetdescendslesvitres.Quandj’étais ado, je trouvais que les gens qui faisaient ça se la pétaient grave. Mais maintenant jecomprends.Parfois,j’aijusteenvied’oublierlemondequim’entoure.Lamusiqueetlalecturesontlesseuleschosesquimelepermettent.Chacunsontruc,etça,cesontlesmiens.Quandj’aibesoindefairelevide,lebruitm’aide.C’estplusefficacequ’unverredewhisky,jecrois.Cen’estpasmamèrepleurantautéléphoneau
beaumilieudelanuitquidiraitlecontraire.–Pourquoit’asmisautantdetemps?Tristan croque un morceau de son hamburger ; la moitié de la garniture tombe dans l’assiette
devantlui.–C’estcetteputaindecirculation.JemeglissesurlebancprèsdeNate.Notreserveusehabituellemefaitunsignedetêteetréapparaît
quelquesminutesplustardàlatableavecdesverresd’eau.Natemedemande:–Toujourssobre?Sesyeuxévitentsoigneusementmonverrealorsqu’ilboitunegorgéedebière.–Ouais.Toujourssobre.Je bois lamoitié demon verre d’eau et essaie de ne pas penser à la sensation d’une bière bien
fraîchedansmagorge.–C’estbien,mec.Jesaisquetoutlemondet’emmerdeavecça,maisjetrouvequec’estvraiment
génialquetuarrivesàtecontrôlercommeça.Jem’agitenerveusementsurmonsiègeenentendantlesélogesdeNate.Tristanrigoleenessuyantsonmentonavecsaserviette.–Secontrôler?J’aientenduMollycriertonnompasplustardqu’hiersoir.
–Sobrepourl’alcool.Passobredutoutpourlesmeufs,évidemment.Natesemarreetmedonneuncoupd’épaule.Jesuisreconnaissantdecerevirementdesituation.Ça
commençaitàdevenirtropintimeàmongoût.Natefinitsonverreetmeconvaincdelelaisserconduiremavoiture.Iln’abuqu’unebière,etje
n’aivraimentpasenviedeprendre levolant. J’acceptedoncà laconditionqu’ilmeconduisechezStephetsacoloc.–Ellevientdefaireexplosermonportable!Elleditquetuneluirépondspas.Stephpeutêtrevraimentchiante.Nateajouteenbaissantsavitre:–Jeviensdeluidirequ’onétaitsurlaroute.JesuiscontentquecetteTessavienneavecelle.–Pourquoi?–Parcequ’elleal’airsympaetqu’elledevraitsortirplussouvent.Stephm’aditqu’ellepensaitque
sonmecétaitsonseulami,untrucdanslegenre.–Sonmec?TuveuxdirequeMèreTeresaaunmec?Jememarre.Nonmaisattends,lemecblonddansledortoir?Onauraitditdesfrèreetsœur,pasun
couple!C’estavecluiqu’elleskype?Jesuissûrqu’ilsrestenttouthabillésetportentmêmeuneveste,histoired’êtrecertainsdenepas
déraper.–Ouais,ilétaitavecelle,lemecBCBG.–Vacomprendre.Jerigoleetaugmentelevolumedelamusique.TessetsonmannequinGapcoincéduculauraient
détestécettechanson.Jemontelesonencoreplusfort.Mon portable vibre au moment où nous trouvons une place sur le parking de la résidence
universitaire.LenomdeMollys’affichesurmonécran.J’appuiesurlebouton«ignorer».–Mesdames.Nate accueille les filles qui se dirigent vers notre voiture. Steph porte une robe en résille et sa
copineuntrucdifformequiressembleàunsacàpatates.J’aivulescourbesdesoncorpsmouléesdanssaserviette–alorspourquoiporte-t-ellecetrucimmonde?Jelafixetandisqu’ellemontedanslavoiture.–Tuesaucourantqu’onvaàuneteuf,pasàl’église,hein,Theresa?–Nem’appellepasTheresas’ilteplaît.Jepréfèrequ’onm’appelleTessa.Saréponseestbrève.Unpeucondescendante.J’étaissûrquesonnomseraitTheresa.J’ailusuffisammentderomanspourfairelelien.Comme
j’ail’impressiond’avoirvisédanslemille,jelaprovoque:–Biensûr,Theresa.Surletrajet,jelaregardeplusieursfoisdanslerétroviseur.Ellenesemblepasstresséequandelle
nesaitpasquejel’observe.Lamaisonn’estpasloin;cesilenceembarrassantnedurequequelquesminutesjusqu’ànotrearrivée.Natesegarederrièreunerangéedevoitures,devantlafraternité.Ellesoupireetouvredegrandsyeux.–C’estsupergrand!Ilyauracombiendepersonnes?Lejardinblindédemondedevraitluidonnerunindice,non?Jeclaquelaportièrederrièremoiet
lance:–Unemaisonpleine.Magnez-vousElleresteassiselà,choquéesansdoute.Jem’avanceettraverselejardin.
J
4Ilsutdès ledébut,dès leurpremièrerencontreet lapremière foisqu’elle le remitenplaceavecsacharmantebouche,quequelquechoseseraitdifférent.Iln’enétaitpassûr…Non,putain,ilneserendaitpascomptequelefeuquianimaitcettefillefaiblirait jusqu’à s’éteindre complètement à cause de lui et de sa manie de commettre constamment des erreurs. Mais,plusieursfois,ilseretrouveraitassisseul,àrevivrelesjoursoùelleétaitencorepleinedevie.Quandsavoixetsesgestesétaienthabitésd’unetellepassionquel’airentreeuxseréduisaitenfumée.Ilauraitdûsavoirquetantdepassionmèneraitàladestruction,jusqu’àconsumersonâmeetanéantirchaqueparcelledesonesprit.Qu’ilauraitàobserverlafillequ’ilaimait,lafillesanslaquelleilnepouvaitetnepeuttoujourspasrespirer,dépérirenmêmetempsquelesquelquesdernièresnuéesdefuméegrise.
. .em’avanceaumilieudelafêtebondéeetmefraieuncheminparmiungroupedepauvrestypesdéfoncés. Ilssonten trainde joueràun jeud’alcoolpourpasser le temps,essayantainsidese
fondredésespérémentdanslamasse.Leursyeuxinjectésdesangetleursourireniaismedonnentlanausée.Aumomentoùjepasseprèsd’eux,ilsmelancent,unàun,lemêmeregardquidit«c’estunconnard».Ilslancentdesballesdeping-pongdansdesgobeletsrougesenplastiqueets’applaudissentcommes’ilsavaientgagnélamédailleduplusbeaulavagedecerveauàforcedeboiredelabièrepaschèredanslesmêmesgobelets.Danslehallblindédemonde,jerepèreStephetsacopine.Lafilleblondeal’airpaumé,encomplet
décalageaveclameutedescorpsquisedéchaînentdevantelle.Onluiamisunverredanslamain.Elle sourit poliment, en dépit du fait qu’elle n’en veut pas. Je peux le dire rien qu’à son regard.Pourtant,elleprendlegobeletrougeetleporteàsabouche.Puisuneautregroupiedébarque.Surprise,surprise.–AllôHardin,icilaTerre!LavoixdeMollys’élèveau-dessusdubruit.Jeluilanceunregardetremarquel’expressionagacée
desonvisage.Elleposesamainsursahanche,puissesyeuxseposentsurTessaetSteph.Ellemedemanded’unevoixpincée:–Turegardesquoi,là?–Rien.Occupe-toidetesfesses.Jepoursuismonchemin,montelesescaliersetmedirigeversmachambre.Derrièremoi,j’entends
uncliquetisdésagréabledebijouxtropnombreuxettroplourdsquis’entrechoquent.JemeretourneversMollyetsesyeuxdechiot.–Tumesuispouruneraisonparticulière?–Jem’ennuie,seplaint-elleenrejetantsescheveuxrosesderrièresesépaules.–Et…?J’extirpemonportabledemapochearrièreetprétendsfaireautrechosequedel’écouter.Mollypassesamainsurmonbras.
–Change-moilesidées,petitcon.Jelaregardedehautenbas,appréciantlamanièredontsaminirobedévoiletoutesceschosesqueje
connaisdéjà.Sesongless’enfoncentdansmapeau,etsonsourires’agrandit.–AllezHardin,c’étaitquandladernièrefoisquetuasjoui?Ellen’aaucunepudeur.J’aimeça.–Ehbien,comptetenudufaitquetum’assucéilyadeuxjours…Seslèvresécrasentlesmiennesavantmêmequej’aieletempsdeprononcerunautremot.Jerecule,
maisellesejettesurmoi.Allez,pourquoipas?Ellen’estpassichianteaprès tout,et jepourraismeretrouverdanspiresituation.CommeSteph,
quidoitsecoltinersainteTheresatoutelasoirée.Çaplomberaitn’importequi.Mollym’entraînedanslachambrelapluséloignéesurladroite;ellesaitparfaitementqu’ilnefaut
mêmepasessayerd’allerdanslamienne.Personnen’entredansmachambre.Saboucheestchaudeetseslèvresrecouvertesd’unglosscollantquibrille.Lasensationprovoquéeparn’importequelcontactphysique,quecesoitavecMollyouuneautre,
medonneunesorted’échappatoire.Çan’ariendelogique,maisquandmonespritsedéconnecteneserait-cequ’uninstant,toutdevientplussimple.Ilyaalorsurgenceàprofiterdecesraresfoisoùjeressensunpeuplusquerien.Mollymepoussesurlelitvidesansdraps,recouvertd’unepauvrecouverture.Cespetitsdétailsne
fontaucunedifférencepourquelqu’unquineressentrien.Mollyallongesoncorpsmenusurlemienetsecollecontremesjambes.J’empoignesescheveuxrosesetretiresabouchedelamienne.–Non.Ellegrogneetrâlecommechaquefoisquejeluirappelledenepasm’embrasser.–T’esvraimentunconnard.Elleseplaintmaissemetquandmêmeàcalifourchonsurmoi.À cet instant, la porte s’ouvre dans un petit déclic et elle arrête de bouger ses hanches. Elle se
retourne,s’assied,etjeprendsappuisurmescoudes.–Jepeuxfairequelquechosepourtoi?LetondurdeMollytraduitnettementl’impatienceetlafrustration.Etévidemment–évidemment–,quisetientdevantlaporte?Tessa, lacolocdeSteph.Sonregard
indiquequ’elleestencoreplusembarrasséequeMollyetmoiréunis.–Euh…non.Désolée.Vraimentjesuisdésolée.Jechercheunesalledebains.Quelqu’unarenversé
sonverresurmarobe.Agacée,Mollyl’envoiepromenerd’unpetitgestedelamain:–D’accord,ehben,barre-toi,vacherchertasalledebains!Allez,valachercher!Tessaquitteprécipitammentlachambreenrefermantlaporte.AlorsqueMollys’attaqueàmoncou,jepeuxencoreapercevoirl’ombredespiedsdeTessasous
l’embrasuredelaporte.Est-cequ’ellenousécoute?Çaseraitflippant.Quelquessecondesplustard,elledisparaîtetMollyglissesamainentremesjambes.–MonDieu,quecettefillem’exaspère!Pourquelqu’undesipeuappréciédesautres,Mollyabeaucoupdegensquil’«exaspèrent».–T’auraisvouluqu’ellesejoigneànous?JehausselesépaulesetMollygrimace.
–Pasquestion!BiancaouStephpeut-être,maiscetteTessa,c’estmort.Ellen’ariendesexyetfaitpratiquementdeuxfoismonpoids.–T’esunevraiesalope,tusais?Jesecouelatêteetlaregarde.Tessa,dansl’ensemble,auncorpssympa–legenredecorpsqueleshommesadorent.Legenrede
corpsquejeboufferaisenunclind’œilsiseulementelleapprenaitàmaîtrisersonattitude.–Ouaisd’accord.C’estjustesesseinsquet’aimes.LabouchedeMollysecolleàmoncou.Jerépondscommesij’avaisbesoindemejustifier:–Jenel’aimepas.Mollyseretournepourmeregarderdanslesyeux.–Ouais,biensûrquetunel’aimespas.Ellesouritcommes’ilyavaituneconnivencesecrèteentrenousouuntrucdanslegenre.–Çaneveutpasdirequetunelabaiseraispas.Saboucheattrapemonmenton,pinçantlapeauàcetendroit.Elles’agrippeàmoi,unemainautour
demaqueue,etcontinuedebougersonpetitcorpssurlemien.–Assezparlé!J’écarte ses cuisses et introduis un doigt en elle. Elle gémit de plaisir contremon cou, et jeme
concentre sur le plaisir qu’elle est en train de me donner. Molly me ressemble plus qu’elle nel’admettra jamais. Elle aussi trouve ses journées sombres et ennuyeuses. Elle aussi se sert de cessensations pour s’échapper dans sa tête. Je ne sais pas grand-chose sur elle, et elle ne se confierajamais,maisjepeuxdevinerqueçan’apasdûêtrefacile.Le corps deMolly se raidit alors que je fais des va-et-vient avecmes doigts. Je saismaintenant
commentlafairejouirrapidement.Justeaumomentoùellegémit,j’entendslemot«Lou».Maisellesereprendrapidementetprononcemonnom.Lou ?Putain demerde ? J’essaie de contenirmon rire à l’idée qu’elle est en train de parler de
Loganetprononcesonsurnompendantque je la fais jouir.Pourtant,elledevraitsavoirqu’hormispourluidonnerl’heure,Logannelacalculerajamais.Ilestcoolavecelle–justeparcequec’estunmecsympa–,maisilacertainscritères.Sijetenaisàelle,jelamettraisaucourant,maisj’enaitoutsimplementrienàfoutre.Jel’utiliseet
elle m’utilise – nous le savons tous les deux. Mes pensées se portent vers la fête en bas. Je medemande combien de fois la coloc de Steph a pu pleurer dans sa vie jusqu’àmaintenant. Elle faitpartiedecesgenssensibles.Sonattitudecritiqueetinsolenterévèleunevraiefragilité.LesmainsdeMollytirentsurmonjeanpourledéboutonner.Jefermelesyeuxtandisqueseslèvres
tièdesserefermentautourdemaqueue.Aprèsça,elleneditplusunmot,moinonplus,etessuiesesdoigtssurseslèvresgonflées.Mollyse
lève,tiresursarobepourcouvrirsoncorpsautantqueletissulepermetetquittelachambre.Je reste allongé là, sur ce lit qui n’est pas lemien. Je fixe le plafond pendant quelquesminutes
encoreetfinisparsortirdanslecouloir.Lafêtebatsonpleinetlesols’encrassechaqueminuteunpeuplus.Unebandedetroisfillesbourréesquisetiennentlamainpasseprèsdemoi.–Lesfilles,vousêtesmesmeilleuresamies,ditlapluspetiteauxdeuxautres.L’uned’entre elles porte un sweat-shirt bleu et ses yeux sont injectés de sang.Elle titubedans le
couloir,trébuchantpresque,etdéclare,lesyeuxpleinsdelarmes:–Jevousaimetouteslesdeux!
Quand les fillessontbourrées,ellespleurentetdeviennent les«meilleuresamies»den’importequi…Loganapparaîtauboutducouloir,unsouriretordusurlevisageetunverredanschaquemain.Il
m’enproposeun,maisjesecouelatête.–J’aimisdel’eaudansletien.Ilmetendlegobeletrouge.Jeleprendsetleporteàmonnezpoursentirleliquide.–Hum,merci.Jeprendsunegorgéed’eaufraîcheenignorantlejugementsilencieuxqu’ilmeporte.–Lamaisonestpleineàcraquer,mec.Etcettevodkademerdearrachelagueule.Jenerépondsrien.Mesyeuxbalaientlecouloiralorsquenousnousdirigeonsversl’escalier.–Oh,etj’aivucettefille,Tessa,allerdanstachambre.Jemeretourneverslui.–Quoi?–ElleyestavecSteph.Stephestmalade,elleavomidanslasalledebains.Jemonted’unton.–Pourquoiiraient-ellesdansmachambre?J’aurais juréque j’avais fermé laporte à clé.Personnen’a ledroit de rentrer dansmachambre.
Maladeoupas.Etencoremoinssic’estpourvomirsurmesaffaires.Ilhausselesépaules:–J’ensaisrien.Jetepréviens,c’esttout.Logandisparaîtdans la fouleet jemeprécipiteversmachambre.Stephsaitmieuxquepersonne
qu’ilnefautpasallerdansmachambre–pourquoin’a-t-ellepasprévenusacopine?J’entrebouillonnantdecolère,etbienévidemment,quisetientprèsdemabibliothèque?Tessa.Je
remarquetoutdesuitequ’elletientdanssesmainsmaplusvieilleversiondesHautsdeHurlevent.Jereconnaislespagesabîmées.–Qu’est-cequetufousdansmachambre?Ellenesourcillepasetrefermedélicatementlelivre.J’insiste,toujoursaussisèchement.–Jet’aidemandécequetufoutaisdansmachambre.Pas de réponse. Je traverse la pièce, lui arrache le livre des mains et le remet à sa place sur
l’étagère.Ellenemerépondtoujourspasetrestelà,debout,prèsdemonlit,lesyeuxécarquillésetlabouchefermée.Puisellechuchote,d’unevoixàpeineaudible:–C’estNatequim’aditd’amenerStephici…Ellefaitunsignedelamainendirectiondemonlit.Stephgîtinconscientesurlematelas,etçane
meplaîtpasdutout.–Elleatropbu,etNateaditque…Jel’interrompscalmement:–Çava,j’aicompris.–Tuesmembredecettefraternité?Ellemeposecettequestiond’unevoixempreintedecuriositéetd’uneoncedejugement.Nonpas
quejesoissurprisdequelquemanièrequecesoit.J’ail’habituded’êtrejugé.Enparticulierparlesgossesderichesavecleurattitudehautaine.Jenepensepasquecettefillesoitriche,enrevanche.Sarobeal’airtoutdroitsortied’unentrepôtplutôtqued’ungrandmagasin,cequimesurprendquelque
part.–Ouais,etalors?Jem’avanceverscettefillecurieuse,etellerecule,bousculantaupassagemabibliothèque.–Çat’étonne,Theresa?–Arrêtedem’appelerTheresa!merépond-ellesèchement.Fougueuse.–C’esttonnom,pourtant?Elleme tourne le dos en soupirant. Je jette unœil àmon lit alors qu’elle s’apprête à quitter la
chambre.–Ellenepeutpasresterici.PasquestionqueStephdormesurmonlitcettenuit.–Pourquoipas?Jepensaisquevousétiezpotestouslesdeux?Commec’estmignon…Etcommeelleestnaïve.–Eneffet,maispersonnenerentredansmachambre.Jecroiselesbrassurmapoitrineetlaregardeattentivement.Sesyeuxseposentsurlestatouages
encrésdemesbras.J’aimelamanièrequ’elleademeregarder,essayantdem’analyser.C’estmêmeassezexcitantd’êtreexaminédecettefaçon.Ellem’intrigue,c’estévident.Elles’interromptbrusquement.–Oh…jevois.Alorsseuleslesfillesavecquituflirtessontadmisesdanstachambre?Jenepeuxm’empêcherdesouriredevantcettenouvellepetiteétudiantefougueuse,avecseslongs
cheveuxblondsetsescourbesmortellessouscettetenuehideuse…maisquelquechosechezcettefillem’excitebienplusquechezSteph,oumêmeMolly.Jen’arrivepasàsavoircequec’est,maisc’estentraindes’insinuerenmoibientropvite,ilfautquej’ymetteunterme.– Ce n’était pasma chambre.Mais si tu essaies deme dire que tu as envie de flirter avecmoi,
désolé,maistun’espasmongenre.Jesourisetobservesonvisagesetordred’embarrasetdecolère.–Tues…tues…Jesuislimitemalàl’aisedelavoirlutterpourtrouverdesmotsinsultants.–Sic’estça, tun’asqu’à laporter toi-mêmedansuneautrechambre,et jemedébrouilleraipour
rentreràlarésidenceuniversitaire.Moi?Elleesttellementsûred’ellequeçamerenddeplusenplusdingueàchaqueseconde.EllenelaisseraitpasvraimentStephici.Si?Ellesedirigeverslaporteetsort.Merdealors,elleaplusdecouillesquejenelepensais.Jesuislégèrementimpressionné.Contrarié
–maisimpressionné.Jehurleavantqu’elleneclaquelaportedemachambre:–Bonnenuit,Theresa!Je balaie la pièce du regard,m’assurant que rien d’autre n’a été dérangé. Lemiroir sur lemur
retient mon attention. Principalement parce que le mec qui se reflète dedans est à peinereconnaissable.Jenesaisplusquijesuisdevenucesdernièresannées.Maiscequ’ilyadeplussurprenantencore,c’estcestupidesouriresurmonvisage.J’ail’habituded’êtreenconflitavecdesgensodieuxaucoursdecessoirées.Alorspourquoiest-ce
quej’apprécieçaplusqued’habitude?Est-ceàcausedecettenouvellefille?Cen’estpasmacamehabituelle,maisc’estdrôledejoueravecelle.Le bruit d’en bas envahitma chambre, et avec Steph dansmon lit, je ne peux rien faire. Je vais
devoirallerchercherNatepourqu’il l’emmèneendehorsd’iciet la laissedans lecouloir sic’estnécessaire.Jesuissûrqu’elleadéjàdormidansdesendroitsbienpires.JemesurprendsàpenseràTessaetàsonattitude.Lamanièredontelleplacesamainsursahanche,obstinément,et refusedes’écraserdevantmoi.Jem’engagedanslecouloiretpersuadeunnouveaumembredelafraternitédedéplacerStephdans
unechambrevide,plusloin.Jelesobserveunmomentpourêtrecertainqu’ilnerestepasavecelle.Quandilressortdelachambre,jereviensverslamienne.Enpassantprèsdelasalledebains,j’entendsunsanglotétoufféàtraverslaporte.C’estTessa.Je
reconnaistoutdesuitesavoix.–Oui.Non.J’aiaccompagnémacolocataireàunefêtenulleetmaintenantjesuiscoincéedansune
maisond’étudiants,etjenesaismêmepasoùjevaisdormirnicommentrentrer.Elle pleure franchement maintenant. Je devrais simplement m’éloigner de la porte. Je n’ai ni
l’énergienilamoindreenviedegérerunefilleenlarmesbientropsensible.–Maiselle…Jen’arrivepasàsaisirlesmotsentrelessanglots.Jepressemonoreillecontrelaporte.–Cen’estpaslaquestion,Noah.J’essaied’ouvrirlaporte.Jenesaismêmepaspourquoijefaisça,c’estprobablementmieuxquece
soitferméàclé.–Uneminute!crie-t-elleenperdantpatience.Jefrappedenouveau.–J’aidituneminute!Elleouvrelaporte,etsesyeuxs’élargissentdesurpriseenmevoyant.Jedétourneleregardquand
ellemepoussepourpasser. Je l’attrapepar lebraset la stoppedoucement.Ellehurleet sedégagebrusquement.–Nemetouchepas!–Tuaspleuré?Jeluiposelaquestionmêmesijeconnaislaréponse.–Fiche-moilapaix,Hardin!Elleme répond sans grande conviction dans la voix, l’air plutôt épuisé.Avec qui parlait-elle au
téléphone?Sonpetitami?J’ouvrelabouchepourlacharrier,maisellelèveundoigt.–Hardin,s’ilteplaît.Jet’enprie,situasuntantsoitpeudegentillesse,laisse-moitranquille.Garde
tesvacheriespourdemain.S’ilteplaît.Sesyeuxbleugrissontbrillantsdelarmes,etlaremarqueméchantequejem’apprêtaisàdireperd
soudaintoutsonintérêt.–Ilyaunechambreauboutducouloiroùtupeuxdormir,situveux.C’estlàquej’aimisSteph.Ellemefixecommesij’avaispristroistêtesetmerépondsimplementaprèsunmoment:–Ok.–C’estlatroisièmeportesurlagauche.Jemedirigeversmachambre.Jeressensunbesoinirrésistibledem’éloignerdecettefille,etvite.–Bonnenuit,Theresa.Jerentredansmachambre,fermelaporteetyresteadosséuninstant.J’ailatêtequitourne.Jemesensbizarre.Loganaintérêtànepasm’avoirjouéunmauvaistouren
mettantdelamerdedansmonverre.Je me dirige vers la bibliothèque, attrape Les Hauts de Hurlevent et l’ouvre en plein milieu.
Catherine est le personnage de roman le plus exaspérant qui existe, et je n’arrive vraiment pas àcomprendrepourquoiHeathcliffenduretoutescesconneries.C’estunconnardluiaussi,maiselleestbienpirequelui.
. .ILMEFAUTunmomentavantde trouver lesommeil,maisunefoisendormi, jemesurprendsà
rêver de Catherine, ou plutôt de sa version blonde et plus jeune, trébuchant sur les marches del’université.Brusquement,leshurlementsdemamèremeréveillentetjemeredressed’unbondsurmonlit,let-shirttrempédesueur.J’allumelalumière.Quandest-cequecettemerdes’arrêtera?Çafaitdesannéesmaintenantetcen’estpasprèsdepartir.Aprèsquelquesheuresd’insomniesporadiquepasséesàfixerleplafondetlesmursetàessayerde
meconvaincrequejeferaismieuxdedormirpendanttoutcetemps,jemelève,prendsunedoucheetdescendsdanslacuisine.J’attrapeunsacpoubelleetdécided’aiderànettoyerpourunefois.Peut-êtrequesij’accomplisunebonneaction,j’arriveraiàavoirunevraienuitdesommeil.Danslacuisine,jetombesurTessa,encoreelle,entrainderire,adosséecontrelecomptoirdubar.–Qu’ya-t-ildesidrôle?Jepasselebrassurleplandetravailpourfairetomberdesgobeletsdanslesac.–Rien.Est-cequeNatehabiteiciaussi?Savoixdoucemonted’uncran.–Ilhabiteicioupas?Plusvitetumelediras,plusvitejem’enirai.–Ok,tuastoutemonattention.Jem’avanceversellepourprendreunrouleaud’essuie-toutetnettoyerleplandetravail.Jesouris
delavoiragacée.–Non,iln’habitepasici.Tutrouvesqu’ilal’airdefairepartied’unefraternité?–Non,maistoinonplus.Sontonestmoqueur.Jenerépondspas.MonDieu,cettemaisonestunbordelmonstrueux.–Est-cequ’ilyaunbusquipassepasloin?Elletapedupiedcontrelesolcommeuneenfantetjelèvelesyeuxauciel.–Ouais,àenvironunpâtédemaisons.–Tupeuxmedireoùc’est?–Biensûr.Àenvironunpâtédemaisons.Elle tourne sur ses talons plats et se dépêche de sortir de la cuisine. Je rigole intérieurement et
ignorelesourirenarquoisdeLogandel’autrecôtédelapièce.JemedirigeversluimaischangededirectionaumomentoùTessaetStepharrivent.–Pasquestiondeprendreunputaindebus?Undeces connardsvanous ramener jusqu’ànotre
chambre.Ilt’aditçapourtefairechier,c’esttout.Steph est entrée dans la cuisine comme l’ouraganKatrina.Sonmaquillagenoir a coulé sous ses
yeux.JejetteunœilàTessaquienporteàpeineetnoteladifférence.–Hardin,t’esprêtànousramener,maintenant?J’ailatêtequivaexploser.–Ouais,pasdeproblème,justeuneminute.
Enrépondant,jelaissetomberlesacpoubellesurlesol.JerigoleenentendantTessadéglutir.C’esttellementfaciled’atteindrecettefille.TessaetStephmerejoignentàlavoitureetjenepeuxm’empêcherdepasserl’undemesmorceaux
de heavymetal préféré, «War Pigs », en roulant vers le campus. Je baisse toutes les vitres de lavoitureetappréciel’airfraisquis’yengouffre.Assiseàl’arrière,Tessamedemande:–Peux-tulesremonter?Jejetteunœildanslerétroviseuretcoincemonanneauentremesdentspournepasrireàlavuede
sescheveuxblondsquivirevoltentautourdesonvisage.Jefaissemblantdenepasl’avoirentendueetmontelevolumeàfond.Unefoislabaladeterminée,ellesdescendentdelavoitureetjedisàStephquejepasseraiplustard.
Je peux voir ses sous-vêtements par transparence, mais je suis pratiquement certain que c’estjustementpourçaqu’elleporteunerobeenrésille.–Salut,Theresa!Jesouristandisqu’ellelèvelesyeuxauciel,etmemarreenquittantlecampus.
J
5Unenuit,plusieursmoisaprèsl’avoirrencontrée,ilseréveillaensursaut.Ilsetournasurlecôtéetlasentitserréecontrelui,sesjambesenrouléesautourdessiennes.Iln’avaitencorejamaisrienressentidetelauparavant,sasouffranceétaitatténuée,maisenmême tempssoncœuretsonespritétaientsurvoltés– iln’avait jamaisexpérimentéquoiquecesoitdesimilaireavant. Il voulut la sortir de son sommeil, il voulut confesser ses péchés à son ange cette nuit-là,mais elle se réveilla aumomentoùils’apprêtaitàluidemanderpardon…etlecouragel’abandonna.Ilétaitlâcheetmenteur,etillesavait.Iln’avaitplusqu’àespérerqu’elleaitpitiédelui.Ellecherchasonregardetilsentitunpoidsl’écraser.Ilnepouvaitserésoudreàanéantirl’imagequ’ellesefaisaitdelui.Mais
leurfuturleterrifiaitcar,enfant,ilavaitapprisquechaquemensongeprononcédansl’obscuritésetransformaitenmonstrueusevéritéenpleinjour.
. .e suis réveillé en sursaut d’une nuit de trois heures par des éclats de rire et l’aboiement d’unchien.Mêmesijenedorsjamaistrèsbien,j’apprécieraisquandmêmeunpeudecalmedansles
couloirs,sachantquenoussommeslundimatinetquej’aicoursdans…J’attrapemonportablepourvérifierl’heure.8h43Putain.Ilmerestemoinsd’unedemi-heurepourmerendreàmoncoursdelittératureanglaise–etdetoute
façon,quefoutcechiendanslamaison?J’attrapeparterrelejeannoirquejeportaislaveilleetl’enfileentrébuchantetenrâlantcontresa
coupe trop serrée. Mes jambes sont juste ridiculement trop grandes pour porter un baggy sansressembleràunputaindeBibendum.Enplus,j’aibalancémesclésparterrelanuitdernière.Mevoilàcondamné,pourlesretrouver,ausupplicedefouillerdansletasdemerdesaupieddulit:dest-shirtsnoirs,desjeansnoirssalesetdeschaussettescrasseusesquijonchentlesol.Jeme fraye un chemin à travers lamaison sans prêter attention aux traces de la fête de la nuit
dernière.Logan,descernessous lesyeuxetuneboissonénergisanteà lamain,mefaitunsigneetgémitenessayantdesourire:–Jemesensmerdeux,mec.Loganpasse son temps à sourire. Jeme surprends àmedemander ceque ça ferait d’être tout le
tempsheureuxcommelui,mêmeavecunegueuledebois.Jen’aijamaisréussi.–Toi,tuastrouvélasolution,nepasboire.Il se dirige vers le frigo et en sort un demi-litre de lait qu’il boit d’une traite, directement à la
bouteille.–Çafaitdubien.Jel’observe,perplexe,etilcontinuedesourireenreprenantunegorgée.Avecl’arrivéedesautres
membresde la fraternité, lacuisinecommenceàse remplir,mais jen’aipas l’impressionde faire
partiedeleurclique;jesorsunepartdepizzadesdétritus,résultatd’unedécisiondemecsbourrésdecommanderdixpizzasàquatreheuresdumat’.Alorsque jequitte lapièce, j’entendsNeilproposerà tout lemonded’allerau restaurantce soir
avantlafête.Jenem’attendspasàcequ’ilsm’invitent…Ilsnelefontjamais.Cen’estpascommesijemouraisd’enviedetraîneravecdesmecsdébiles,membresd’unefraternitéàlaconetauxcheveuxengluésdegel.Endehorsd’unefêteoudeux.Mamèrem’atoujoursembêtéavecça,«sefairedesamis».Maisellenecomprendrien.C’estpas
foutrement simple ni même vaguement marrant. Pourquoi je me plierais en quatre pour obtenirl’approbationdegensquejenesupportepas.Justepourmesentirunpeuplusimportantdanslavie?Jen’aipasbesoind’amis.J’aiunpetitgroupedepotesquejetolèretoutjuste,etc’estdéjàbienassezpourmoi.Letempsd’arriveraucampus,leparkingestpresqueplein.Jedoiscouperlarouteàuneespècede
grosconenBMWpourprendresaplace.Leprofestdéjàentraindecauserquandj’entredanslaclassedelittérature.Jeregardeautourde
moipour trouveruneplaceet remarque la filleaupremier rang.Ses longscheveuxblondssontàpeine reconnaissables ; c’est la longue jupequi touche le sol quime confirmequ’il s’agit d’elle :Tessa,lacolocbégueuledeSteph.AssiseàcôtédeLandonGibson.Évidemment.Çavaêtremarrant :unsiègeestdisponibleàcôté
d’elle,Tessavaêtrecoincéependanttoutlecoursàcôtédemoi.Soudain,majournées’illumine.Alorsquejem’approche,ellem’aperçoitetsesyeuxsedilatent.Aumomentoùjem’assiedsàcôté
d’elle, elle se détourne rapidement.Comme jem’y attendais, elle fait semblant dem’ignorer. Elleporte une chemise bleueboutonnée jusqu’au couqui doit faire aumoins deux fois sa taille, et sescheveuxsonttirésenarrière.Justeaumomentoùjem’apprêteàlesaborder,monportablevibredansmapoche.C’estuntextodemondonneurdesperme:KARENPRÉPAREUNBONDÎNER,TUDEVRAISVENIR.Il a pété un plomb ? Je regarde Landon qui se trouve être le parfait petit fiston de Karen, tout
fringantdanssonpolo.Jamaisdelaviejen’irai.Commesimoi,j’allaismerendredanssasplendidenouvellemaisonpour
dîner avec sa copine etLandon ! Parfait petitLandon, qui aime le sport et lécher le cul de tout lemondejustepourparaîtrelegarçonleplusgentiletleplusrespectueuxdelaTerre.Quedalle.J’attendsquemoncher«frère»Landonmedisequelquechose,maisrien.Tantpispourlatentative
demonpèrede«réunirlafamille».Enfoiré.–Jepensequeceseramoncourspréféré,luiditTessa.Bizarrement,ilsepourraitquecesoitlemienaussi,pourtantjenevaisencoursquepourpasserle
temps,vraiment.Jepourraismepermettredeleprendrecommecoursfacultatif,puisquejel’aidéjàsuiviauparavant.Ellesetourneversmoiquandelleréalisequejesuisderrièreeux.–Qu’est-cequetuveux,Hardin?Çafonctionnedéjà.Jeluifaisunsourire,unsourireinnocent,commesijen’essayaispasdel’embêter.–Rien.Riendutout.Jesuisjustetrèsheureuxquenousayonsuncoursencommun.Mon tonestmoqueur et, devantmon sarcasme, elle lève lesyeuxauciel. Je continuede la fixer
pendanttoutlecoursetjejubilechaquefoisqu’ellesouffleouqu’elleremue,malàl’aise.Elleestsifacile àmanipuler – j’adore ça. L’heure passe bien plus vite que je ne l’aurais souhaité, et Tessacommenceàrassemblersesaffairesavantmêmequeleprofnouscongédie.Hé,passivite!Jebondis,prêtàlessuivre,elleetLandon,endehorsdubâtiment.Jen’enaipasencorefiniavec
elle.Unefoisdanslehall,LandonsetourneversTessa.Ellesemblenerveusedenousavoirtouslesdeuxdevantelle.Luis’éloignesansmeregarder:–Àplustard,Tessa.–C’étaitàprévoirquetudeviendraispoteaveclegarçonleplusnuldelaclasse.Jelaprovoquetandisquemontrèscher«frère»disparaîtdanslafouledesnouveauxétudiantsqui
ontdumalàserepérersurlecampus.J’imaginesamèreetmonpère,maindans lamain,sousuncerisier,enmode«regardezcomme
nousnousaimons».Lamaindesamèredanscelledemonpère,KenScott,aliasLe-père-le-plus-naze-de-l’année,mefaitgrimacer.Jenemesouvienspasd’uneseulefoisoùilatenulamaindemamèrecommeça.–Pourquoitudisça?Ilesttrèsgentil.Cen’estpascommetoi.Jemetourneverselle,surprisparsaprofondeloyautéenverslui.Leconnaissait-elledéjàavant?
Est-cequeluilaconnaissait?Est-cequ’elles’intéresseàlui?Qu’est-cequej’enaiàfoutre?Remettant toutes ces questions à plus tard, il me vient une irrésistible envie de la provoquer
davantage.–Tuesdeplusenplusagressivechaquefoisquenousbavardons,Theresa.Ellesemetàmarcherplusvitepours’éloignerdemoi,m’obligeantàaccélérerlepaspourresterà
sonallure.–Situm’appellesencoreunefoisTheresa…Ses lèvrespulpeuses sepincent, et elle tentedeme toiser.Mais son regardchaleureuxm’éblouit,
passantdugris aubleuglacier, et soudain la tension s’échappedemesépaules. Je le sens, commequelquechosequi remonte le longdemacolonnevertébralealorsquemoncorpscommenceà sedétendre.Je chasse cette sensation bizarre. Elle continue deme fixer. Alors, je change d’avis : je pensais
aimersafaçondemeregarder,quiessayaitdemedécoder,maislàmaintenantjepeuxsentirlepoidsde son jugement m’envelopper. À présent, elle regarde mes bras tatoués comme si elle était magrand-mère. Je n’ai pas besoin qu’elle me questionne sur moi et mes putains de choix. Avant dedisparaître,jeluibalance:–Arrêtedemereluquercommeça!Jetourneaucoinducouloir,essoufflé.Çamerappellecesnuitsoùjefumaisbeaucouptrop.Jene
fumeplusmaintenant,Jenefaisplusçamaintenant,ilfautquejem’ensouvienne.Jem’adossecontrelemurdebriquespourreprendremarespiration.Elleestbizarre,cettefilleblondeavecsonattitudeméprisante.
. .TOUTELASEMAINE qui a suivi fut pourrie.Des fêtes et du bruit à n’en plus finir.Un bordel
monstrueux.Aumieux, j’ai dûdormirvingtheures la semainepassée et, aujourd’hui, je suis exténué. Jevois
floutantmesmigrainessontlancinantes.Enplus,jeneretrouvepasmescléscematin.Jesuisgraveénervéetdansunétatd’espritbagarreur.Pendantquejeretournemachambredanstouslessens,quelqu’unfrappeàlaporte.Jepréférerais
l’ignorer,maisontoquedenouveau,encoreplusfort.Quandj’ouvre,unefilledansunmaillotdeWCUestpostéedevantmaporte,lesyeuxrougesetles
jouescreusées.Ellemedemande,lesmainstremblantes:–Jepeuxentrer?–Non.Désolé.Jeluiclaquelaporteaunez.Auboutdequelquessecondes,onfrappedenouveauàlaporte.Putain.
Jenesaispasquiestcettefille,maiselleferaitmieuxd’allervoirailleurs.Ellecontinuedetoquer,alorsj’ouvrelaported’uncoupsec.Neil,l’undesplusgrosconnardsdetoutelafraternité,setientdebout,là.Sescheveuxblondssont
hérissésn’importecommentsursatête.Ilpuelesexeetl’alcool.–Qu’est-cequetuveux,putain?Jereculedansmachambreetluilancel’undemesjeans.–T’asvuCady?Savoixestfaibleetilarriveàpeineàarticuler.–Qui?–Lafilleavecquij’étaishiersoir.Tul’asvue?Je repense à la fille aux yeux rouges dans son maillot WCU et à la manière qu’elle avait de
déambulerdanslecouloir.Jesecouelatête.J’aicruqu’elleétaitdéfoncée,etpeut-êtrebienqu’ellel’était,maisallezsavoir.–Elles’estbarréeetnereviendrapas.Laisse-latranquille.J’attrapeunlivresurmonétagèreetjeleluibalancedessus.Enrâlant,ilmetraitedeconnardpuiss’enva.Roulerverslecampusnem’apascalméetj’aibienl’intentiondepoursuivremanouvelleactivité
préférée,àsavoirénerverlacolocdeSteph.J’aivraimenthâted’assisteràcecours.Jen’enaientendudirequedubien.En arrivant, je me retrouve derrière Landon et Tessa en train de discuter. Ils doivent être plus
prochesquejenelepensais.Illuiparle,elleluirépondd’unevoixdouceetilluisourit.Sonsourireàelleestchaleureux,sichaleureuxquejedoisdétournerlesyeuxuninstant.Est-cequ’ilsseplaisent?Elleaunpetitamigenremannequinetluiaussiaunecopine,mesemble-
t-il.VusamanièrederegarderTessa,ilsontpeut-êtrerompu.Aumilieudelasalledeclasse,Landons’éloigneetTessadéplacesachaiseleplusloinpossiblede
moi.–Lasemaineprochaine,noustravailleronssurOrgueiletpréjugésdeJaneAusten,annonceleprof,
Monsieur bidule chouette, à la classe. Je lance un regard à Tessa, elle sourit. Pas juste un simplesourire–unlargesourirequis’étendd’uneoreilleàl’autre.Biensûrqu’elleestcontente.LesfillesadorentOrgueiletpréjugés.EllessontfollesdeDarcyetde
safierté,sonsoi-disantcharmeàlacon.J’observeTessaqui rassemblesesaffaires :unénormeclasseuret tous lesmanuelsquecette fac
possède.J’essaiedegagnerdu tempsenfaisantsemblantderanger,maismêmeenfaisantça,c’estcompliquécarellemetuntempsfoupourcasersoigneusement,uneàune,toutessesaffairessansson
sac.Jelasuisdehorspourl’interpeller:–Laisse-moideviner,tuesfolleamoureusedeDarcy.Jedoislatitilleravecça.Jedoislefaire.–Commetouteslesfemmesquiontluceroman.Sa langue fourche un peu à la fin et ses yeux regardent tout, saufmonvisage. Je continue de la
suivretoutenobservantsatenuesoustouteslescouturesavantqu’ellenetraverselarueaucarrefour.–Çanem’étonnepasdetoi.Jerigoleetm’arrêteunmomentavantderéaliserqu’elleadéjàparcourulestroisquartsduchemin
sansmoi.Merde,ellemarchevite.–JesuissûrequetuesincapabledecomprendrelecharmedeDarcy.Alorsquejelarejoins,Tessatentedem’insulter,maisjenefaisquerigolerdeplusbelle.–Un homme aussi grossier et insupportable, un héros romantique ? C’est ridicule. Si Elizabeth
avaitunegouttedebonsens,elleluiauraitditd’allersefairevoirdèsledébut.MademoisellePimbêche se tourneversmoi et, àmagrande surprise, j’entends ledoux sond’un
gloussement.Cegenredegloussementsinnocentsetinvolontairesquiontapparemmentdisparudelaplanèteaujourd’hui.Ellecouvresaboucheavecsamainaumomentoù leson retentit,mais je l’aientendu.Jel’aientendu,commes’ilm’avaittranspercé.J’insiste:–Alorstuesd’accordpourdirequ’Elizabethestuneimbécile?–Non,c’estundespersonnageslesplusfortsetlespluscomplexesdelalittérature.Elle défend Elizabeth Bennet d’unemanière que la plupart des ados de dix-huit ans aujourd’hui
seraientincapablesdefaire,utilisantunerépliqued’unfilmavecTomHanks.Jemeretrouveentrainderire,derirefranchement,etelleaussi.Sonrireestdoux,commeducoton.Putain,est-cequejeviensde…Jem’arrêtebrusquementderireetdétournemonregard.C’estvraimenttropbizarre.Elleestbizarre.Etdétestable.–Àplus,Theresa.Jetournelestalonsetparsdansl’autresens.Douxcommeducoton?Songloussementm’atranspercé?Maisputain,c’étaitquoiça?Jevirecesconneriesdansuncoindematêteetm’avanceversmavoiture.Cesoir,ilyauneautre
fête,commetoujours,etj’aibienl’intentiondedétournermonespritdecettemerdeenm’enfonçantprofondémentdansunechaudeetétroite…Monportablevibredansmapocheetmedistraitdemespenséesperverses.Je l’attrapeetvois le
nomdeJaces’affichersurl’écran.Jerépondsrapidement.Il était parti pendant un certain temps et je suis content qu’il soit de retour.Tout lemonde a une
personne avec qui il aime traîner en particulier, une personne qui le fait se sentirmieux dans sespompes.Lamienne,c’est Jace.C’estunenculédepremière,demandezàn’importequi,mais ilestmarrantetonpassetoujoursdubontempsaveclui.
P
6Plus ilserapprochaitd’elle,plus ilavaitbesoinde ladécouvrir.Quand ilcommençaàsedemanderàquoiellepouvaitbienpenser lematin au réveil, ou combien de temps ellemettait pour se préparer, il sut qu’elle serait bien plus qu’une simplepassade.Elledevintsoudainplusimportantequelejeului-même.Àsamanièretordue,ilétaitcontentdepouvoirseservirdujeucommeexcusepourpasserplusdetempsavecelle.Ilavait leprétexteetunebonneraisonpourdécouvrir toutcequ’ilfallaitsavoiràsonsujetsansquesesamisdeviennentsuspicieux.Ilavaitlapossibilitédepasserautantdetempsqu’ilvoulaitavecelle.Danslebutdegagner.Ildevaitgagner,non?
. .–ourquoidoit-elleencoreveniravecnous?Mollys’adresseànousentirantsursacigarette.
–Parcequ’elleest lacolocdeStephetqueSteph l’appréciepouruneraisonencore inexplicable.Doncellelaramèneavecelle,expliqueNate.–Pourtant,c’estunevraieconne.Elleestvraimentinsupportable!J’ai répondu en grognant et enme grattant la tête. Ellem’énervemême quand elle n’est pas là.
Mollydoitappréciermaréactioncarellesepencheversmoi.Jemedécaleavantqu’ellenepuissemetoucher,commesijen’avaispassaisisonintention.J’aipassé l’après-midià labaiser,àenfouirmaqueueenelle,enpensantàquelqu’und’autre. Je
pouvais sentir les douces courbes de ses hanches et sa poitrine généreuse. J’entendais sa voixprononcermonnom.J’aiattrapé lescheveux rosesen imaginantqu’ilsétaientblondsetque jemevidaisdanslepréservatif.Mollyétaitsifièred’avoirenfinréussiàmefairejouiravecsabouche.Siellesavait!–Elleestsexy,quandmême,ajouteNate.Est-cequetoutlemondearemarquéàquelpointTessaétaitsexymaintenant?Jemensenserrantlesdents:–Sexy?Non,pasdutout.Unemain bronzée se glisse dans la chevelure soigneusement coiffée au gel deZed qui, avec un
aplombétonnant,merépond:–Elleestcarrémentsexy,mec.Jelabaiseraisbientoutdesuite.–Turêves!Elleestcomplètementprude,çacrèvelesyeux.Sérieux,quiestencoreviergeàlafac?MollysemoquedeTessa,maisNaterigole:–Maisbiensûr!Etdepuisquandtuesdevenueassezpoteavecellepoursavoirça?Mollylefusilleduregard.–Moi?Jamais je luiparlerais.MaisStephouiet,apparemment,elleaentenduun trucàcesujet
quandla«Princesse»discutaitavecsonmec.
–C’estpeut-êtrepourçaquec’estunevraieconne.Parcequ’elleestmalbaisée.Endisantça,jem’éloignedequelquescentimètresdeMollyenespérantqu’ellenemesuivepas.–Jedevraispeut-êtrem’enchargeralors.Zedessaiedefaireriretoutlemonde,maispersonneneréagit.Jelecharrie:–Ouais,c’estça.Mêmesituessayais,tun’yarriveraispas.Ils’énerve:–Ah,parcequetoi,oui?J’aiplusdechancesquetoi.Iln’estpassérieux.A-t-ildéjàoubliél’histoireavecsaprécieuseSamantha?–J’ailoupéuntruc?Jaces’assiedsurlemuretetsortunjointdesapoche.Mollyl’informeengrommelant:–Stephaunecolochypersnob,etZedetHardiniciprésentssedisputentpoursavoirlequeldesdeux
laniqueraenpremier.Est-ce que Zed pense réellement qu’elle baiserait avec lui ? J’observe le groupe autour demoi,
énervéqu’ilspuissenttouspenseràelledecettemanière.Sisoncorpsestaussipurqu’ilsledisent,jepeuxàpeine imaginer ceque lamoindre caresse lui ferait. Je ferais en sortequ’elle tremble sousmoi, me suppliant de continuer. Zed n’arriverait jamais à la faire jouir comme moi j’en seraiscapable.Maisselaisserait-ellefaireaveclui?Silaconcurrenceétaitvraimentloyale,Tessamechoisirait-
elleplutôtquelui?JemetourneversZed.–Tusais…onpourraitrendretoutçaencoreplusintéressant.T’espartant?–Çadépend,medit-ilensouriant.–Hum…Ok,alorsvoyonslequeldenousdeuxarriveraàcoucheravecelle.Quelestl’intérêt?Jemeposelaquestionaumomentmêmeoùjeprononcecesmots.Maisuneautrepartdemoirépond:Çapourraitêtremarrant.Aumoins,çam’occuperaetçame
donneraunebonneraisondel’embêterencoreplus.–Jenesaispas…Zedhésite.Vunotrepasséetlarancœurinexpriméequ’iléprouvecontremoi,jem’attendaisàce
qu’ilsoitprêtàtoutpourm’enfoncer.–Allez,nefaispas tap’titebite.Çaneserapassicompliqué.OnmettraStephdans lecouppour
s’assurerqu’ellevienneàlaprochainefêteetqu’ellesoitcoolavecnous.Elleestjeuneetnaïve–çaserafacile.J’aidéjàfaitcegenredetrucavant–laproieetl’enjeuétaientdifférents,maisunjeuresteunjeu.
Mollycontinueàseplaindre,commed’habitude:–C’estdébile.Personnen’enarienàfoutredesavoirquipeutdépucelerunefille.Jaces’étouffeaveclafuméequiemplitsespoumonsetfaittournerlejointàMolly.–Situessisûrdetoi,jetedonneunesemaine.–Unesemaine?Mec,elleestvraimentchianteetonnes’entenddéjàpastrèsbien.Jepenseavoir
besoind’unpeuplusdetempsqueça.Ils ne savent pas à quel point cette fille est bornée. Elle est désagréable et vraiment autoritaire,
putain.–Combien?Deuxsemaines?Écoute,sit’yarrivesenmoinsd’unmois,jetefilecinqcentsdollars.Zeds’adosseaumuret.–Cinqcentsdollars?
Molly nous regarde bouche bée. C’est amusant de la voir enrager. C’est une pute qui a besoind’attention,jusqu’auboutdesongles,etelledétesteTessapourluiavoirvolélavedette.–Et j’ajouterai troiscents.Çafaithuitcents.Tupensespouvoiryarriver?medemandeJace les
yeuxinjectésdesang.–Ouais,biensûrquejepeuxlefaire.J’espèrejustequ’ellenedeviendrapascomplètementpsycho
etcollante.Est-cequejevaismevanter,oupas,desprécédentesfoisoùj’aigagnédesjeuxcommecelui-ci?Je
décidequenon.Jesuissurprisdevoiràquelpointmonpetitsouriresuffisantrevientrapidementsurmonvisage.C’estmamarquede fabrique,cellequeMark,monvieuxpotedeHampstead,appelaittoujours«lesouriredurenard».C’estceàquoijeressemblelorsquejesaisquejevaisremporterunevictoiresurquelquechose,ouquelqu’un.Etdonc,j’affichemonpetitsourireàZed,enélaborantunplandansmatêtependantquelegroupeattendqued’autresdollarssoientajoutés.–J’endoute…Naterigoleetallumeuneautrecigarette.–Elleneferarienavectoi.Ellen’estpasbête,ditZedenmeregardant.Jacesemarreenmefixantdroitdanslesyeux.–Ouais,etonaurabesoindepreuvesunefoisqueceserafait.Despreuves?Çanedevraitpasêtre tropdifficile.Jepeuxmemontrercréatif.Lesyeuxtoujours
fixéssurmoi,Jacesepencheenarrièreetajoute:–Quepensez-vousd’unevidéo?Jepourraismeservird’unnouveaumatos.–Non,non.C’esttroprisqué.Il m’énerve. J’ai déjà fait ce genre de trucs et je ne veux pas recommencer maintenant. Puis,
m’adressantàZed:–Crois-moi,j’auraidespreuvessanstoutça.Jen’aiencorejamaisbaiséunevierge.Çadevraitêtre
marrant.J’afficheunfauxsourireetapprochemesdoigtsdel’anneausurmalèvrecommesij’essayaisdele
cacher.Mollylance:–Attendezuneseconde,commentdeuxdébilescommevous,vousallezvousyprendreexactement
pourtoutmettreenœuvre?Çan’apasdesens:toutàcoup,ensembleetenmêmetemps,vousallezessayerdelabaiser?Essayezaumoinsderéfléchir,putain.Agacée,ellerejettesescheveuxenarrière.Elleronchonneettendlamainpourprendrelebriquet
deNate.–Bienvu,ditJace.Quediriez-vousd’unjeu?–Unjeu?demandeZedintrigué.– Comme Défi ou Vérité. On pourrait lui poser des questions sur le sexe, lui demander de
confirmer qu’elle est vierge.Comme ça aumoins, vous ne perdrez pas inutilement votre temps àessayer.Jacenousdésignedelamain,Zedetmoi.–DéfiouVérité?Tutefousdemagueule.Pluspersonnenejoueàcejeudemerde.–Idéestupide.Natesecouelatête.Ladéceptionselitsursonvisage.Pluspersonne,endehorsdescollégiens,nevoudraitjoueràDéfiouVérité.MaisStephintervient:
–Enfait,c’estunebonneidée,sionyréfléchit.Elleesttellementinnocente,ellepenseraquec’estun jeu que les étudiants font pour s’amuser. C’est suffisamment à l’ancienne pour lui paraîtredangereux,etjusteassezfacilepourqu’ellecomprenne.Jeregardelegroupe.Ilssonttousentraindesemarrerenhochantlatête.Quelscrétins!Je hausse les épaules pourmontrer que je suis partant,mais seulement parce que je n’ai pas de
meilleureidée.Jacemetfinàladiscussion:–DéfiouVérité,voilà.
. .LAFÊTEESTPLEINEÀCRAQUER,encoreplusquecelledelasemainedernière.Etjesuissobre,
comme toujours. Je suis resté un moment dans ma chambre tandis que le volume de la musiques’intensifiait,puisjemesuisdécidéàdescendre.AlorsquejedéambuledanslesalonàlarecherchedeNate,jem’arrêtenetenvoyantTessaassise
surlecanapé.Ouplutôt,jecroisquec’estTessa?Elleesthabilléed’unemanièredifférente.Vraimentdifférente. Ses mystérieux yeux bleu gris dessinés à l’eye-liner ressortent encore plus, et sesvêtementssontparfaitementajustésauxcourbesdesoncorps.Putaindemerde,elleestsexy.Jeneluidiraijamais,maisputain,elleestvraimentsexy.–Tues…différente.Je ne peux détournermon regard d’elle quand elle se lève. Ses hanches –merde, ces putains de
hanchesdevraientêtremarquéesdel’empreintedemesdoigts.–Çatevatrèsbiencettetenue,pourunefois.Maphrasesonnecommeuneblague,maiscen’étaitpasmonintention.Ellelèvelesyeuxaucieletréajustesonchemisierpourcachersonincroyabledécolleté.–C’estunesurprisedetevoirici.Jecontinuedelamater.Ellesouffle.–Jesuismoi-mêmeunpeusurprised’avoiratterriici,unefoisdeplus.Toutàcoup,elles’éloignedemoietj’hésiteuninstantàlasuivre.Jeconnaisleplan,etmaintenant
qu’elles’habillecommeça,jesuisencoreplusdécidéàfaireavancerleschoses.Jedécidedenepasyaller,pastoutdesuite.Jelalaisseseperdreunpeudanslafoule.Quelques minutes plus tard, je suis adossé au comptoir du bar dans la cuisine quand Molly
s’approchedemoietmedemande:–Alors,toujoursprêtpourcesconneries,oupas?Elle est irritée et jalousede cenouveaucentred’intérêt. J’ai bien saisi.Elle est habituée à attirer
l’attentiondusexeopposé;c’estsamanièreàelledesesentirexister.Jecomprendsçamieuxquepersonne.–Alors?Jehausseunsourcildanssadirection.Ellelèveaucielsesyeuxchargésd’eye-liner.–Bon,jevaisdireàStephdelatrouveretdel’amenericidanslesalon,puisquedetouteévidence,
tuneserasd’aucuneaide.Letempsdem’asseoir,unverred’eauàlamain,Tessaarejointlegroupe.Lejeucommence.Jeme
sensmalàl’aisemaisexcitéaussi,d’unecertainefaçon.J’essaiedenepaspenseràNatalie,Melissaouàn’importequelleautredecesfilles.Cen’estpasleurfautesiellessontnéesdansunesociétéqui
côtoielaracaille,dontmoi.Zedattaque:–SionjouaitàDéfiouVérité?Notre petite bande d’amis tatoués se rassemble autour du canapé. Quand Molly fait passer une
bouteilledevodka,jeregardeailleursetboismoneaucommesiellemebrûlaitlagorged’unefaçonfamilière.Steph,Nate,soncolocTristan,ZedetMollyboiventlesunsaprèslesautresàlabouteille.Tessales
observemaisn’enprendpas.Jenepensepasqu’ellesoituneancienneaccrocommemoi.Peut-êtrequ’ellen’aimesimplementpasboire.Mêmeunsoirdefêteàlafac.–Pourquoitunejoueraispasavecnous,Tessa?Mollyluisourit.Jeconnaiscesourire.Iln’annonceriendebon.Jen’arrivetoujourspasàcroire
quenoussommesentraindejoueràcejeudegaminsàlacon.–Non,jenepréfèrepas.Tessa se ronge les ongles, je jette un regard à Zed. Il semble un peu inquiet. Peut-être qu’il est
intimidéparlafaçonqu’elleademefixer,moiplutôtquelui.Jedécidedelaprovoquer:–Pourparticiperàcejeu,ilfaudraitqu’ellearrêtecinqminutesdejouerlesprudes.Tout lemonde rigole – sauf Steph qui joue remarquablement bien son jeu. Elle ne peut pasme
tromper;jeconnaisbienl’animal.JevoisTessa s’étranglerdevant lapressiondesautres,prêteàcapituler, alors jemepenchevers
Zedetluiglisse:–Çavaêtrefacile.Tupourraistoutaussibienmepayertoutdesuite.Peut-êtrequecejeuétaitunebonneidéeaprèstout.Lors des premiers tours, Zed s’enfile une bière d’une traite et Molly montre ses piercings aux
tétons. Je prends un plaisir fou à observer les yeux de Tessa sortir de leurs orbites et ses jouesdevenir rouges en regardant Molly. Je ne peux m’empêcher d’imaginer la poitrine généreuse deTessa,sesseinspointusetdoux,percésdepetitsfilsdefer.–DéfiouVérité,Theresa?Natelanceenfinlevraijeu.Pastroptôt.–Vérité.Elle semble peu rassurée. Je note au passage qu’elle n’a pas corrigé Nate quand il l’a appelée
Theresa,alorsquechaquefoisquec’estmoi,elleréagitcommesielleallaitm’arracherlescouillespournourrirsontoutoudecopain.Jelaprovoque:–Évidemment.EllemeregardetandisqueNatesefrottelesmainsenfaisantcommesinousnenousétionspasdéjà
misd’accordsurlaquestionqu’ilallaitluiposer.–Ok.Es-tu…vierge?LesyeuxdeTessas’élargissent,encoreplusqued’habitude.Unpetitbruitétranglésortdesagorge.
Elleestchoquée,horrifiéeetoffenséequ’uninconnuluiposeunequestionsiintime.Ellerougitducouàlapoitrineetsesmainss’agitentnerveusement.Jesuissûrqu’elleestentraindesedemandersielledevraitluibotterleculous’enfuiràl’autreboutdelapièce.–Alors?Enluiposantlaquestion,j’imaginesoncorpsnusouslemien.Savoix,douceetdiscrète,feraitdes
bruits qu’aucunhommen’aurait entendus auparavant. Putain, cette vision est fascinante,mais aussicomplètementbarréeétantdonnéquejenepeuxpasapprochercettefillesansqu’ellem’agresseetme
prennedehaut.Finalement,lafilleinnocentehochesimplementlatête.Àcemomentprécis,chacundenouspenseànotrejeuetaufaitquecettefilleadorable,innocenteet
tourmentée,vientd’endevenirlapiècemaîtresse.Tessaestvierge–ellevientjustedel’admettredevantnous.Jesavaisqueceseraitlavérité,avant
mêmequ’elle le reconnaisse.Je levoyaisàsamanièred’être laseuleà frissonnerenécoutantnosconversations. L’idée d’être le premier à la posséder et à pouvoir lui montrer tout ce qu’elle amanquémefaitbander.Jemedemandecequ’elleportesoussatenue.Sapeaudouce,sesseinsronds,ses tétonsqui durcissent sousmes caresses.Maintenant, le jeu a vraiment commencé, etmon sangbouillonneàl’intérieurdemesveines.Jen’attendsquel’instantdelapénétrer.Ellejoueavecsescheveuxblondsàl’autreboutducercle,etjelesimagineenroulésautourdemon
poing, pour l’attirer plus près demoi encore, alors que je la baise par-derrière. Je donnerais unefesséesursonculrebondi,espérantylaisserunemarque.Ellegémiraitmonnomàtraversseslèvresrosesetpulpeuses.Monnomsonnera sibiendans sabouche. J’ajustemonpantalonet continuedefixerTessa.Ellepassesalanguesurseslèvres,etjerugisintérieurement.Jemedemandecombiendequeueselleaaccueilliesdanssagorge.Sielleadéjàgoûtéàlasemence
d’unhommeavant.Alorsquelaconversationsepoursuit,j’apprendsqu’ellen’apratiquementjamaisrien fait sur leplansexuel,et j’ai l’intentionde luimontrerchaqueputaindedétaildecequ’elleamanquéjusqu’àprésent.
–D
7Tantd’erreurspeuventêtrecommisesdanslavie,luilesavaittoutesfaites.Chaqueparcellederespectqu’ilavaitenversellesemblait s’évaporer dans la confusion de son esprit. Il l’aimait et la chérissait plus que sa propre vie, mais ne faisaitqu’échouer,échoueretéchouerencoreàleluimontrer.Àsaisirlebonmomentpourlefaire.Ilsejouad’elle,pritpartàdesjeuximmaturesetneluimontrapassavérité.Cettevéritéenfouiequelquepart,verrouilléeàdoubletouretgardéeenotageparsonéducation,parlefaitqu’ilavaitsûrementoubliélepeudefoisoùilavaitétécâlinéetchériquandilétaitenfant.Iln’essayaitpasdese trouverdesexcuses, ilétaitseulementhabituéàagirainsi. Il rejetaitsanscesse la fautesur lesautresetn’assumaitjamaislaresponsabilitédesesparolesoudesesactes.C’étaitplusfacilecommeça.Mais,finalement,ilappritlaleçon.
. .
éfi.Cejeudegaminmefaithalluciner.Commesitoutlemondeignoraitquej’allaisrépondreça.
JefixeTessaetvoismèreTeresaéchouerdevantlechallengedeproposerundéfiintéressant.–Hum…Jetemetsaudéfide…Elleestàcourtd’idées.Toutlemondes’impatienteetattendsaquestionalorsqu’elleestentrainde
tomberdansnotrepiège.Jeluimetslapressionpourqu’elleabrègeenfin.–Dequoi?Cettefille,quinesaitmêmepasdansquelpétrinelles’estfourréeaveccettebandedechacals…est
assise,là,ensilence,etregardelegroupequil’entoure,unelueurdepaniquedanslesyeux.Cen’estqu’unjeu,maisjedevinequ’elleestperfectionniste.Mêmepourunechoseaussifutile.C’estamusantdelavoirs’inquiéterpouruntrucsiridicule.Ellealamaniedemordillersalèvreinférieure,delamêmemanière que je joue avecmon anneau. Je l’imagine un instant avec un piercing à la lèvre.Putain,elleseraitgravesexy.–D’enlevertont-shirtetderestertorsenujusqu’àlafindujeu.C’estMollyquiparleàlaplacedeTessa.LesjouesdeTessarougissent.Çadevientunehabitude.–C’estvraimentpuéril.Jefaisglissermont-shirtnoirau-dessusdematêteetcapteleregarddeTessasurmoncorps.Elle
mefixeavecuneextrêmeintensité.Siintensémentqu’elleneremarquemêmepasquejel’aisurprise.Stephluidonneuncoupdecoude.Elledétournelatête,lesjouesrougesetlesyeuxbaissés.Jesuisofficiellemententrainderemportercepari.Zedn’aaucunechance.Le jeu se poursuit, et je reste assis ici, à moitié redressé, à observer Tessa qui tente de ne pas
regarderdansmadirection.Jen’arrivepasàlireenelle–jenesaispassimestatouagesl’intriguentouladégoûtent.Samâchoirecontinuedetrembler;ellefaitdesonmieuxpourlamaîtriser.Intéressant.–Tessa,DéfiouVérité?demandeTristan.
Jemepencheenarrièreetprendsappuisurmespaumes.–Pourquoitudemandesça?Onsaittousqu’ellevadireVérité…–Défi!Cette fille est vraiment bornée, je suis surpris par le ton agressif de sa voix. Sa réponse sonne
commeuneprovocation,àl’inversedecequej’avaiscrupercevoirquelquesinstantsplustôt.Tristanluisourit:–Hum…Tessa,jetemetsaudéfide…boireunshotdevodka.–Jeneboisjamaisd’alcool.Etellesecouelatêteensignederefus.Mêmesijem’endoutais, jesuiscontentdecetterévélation.Toutlemondeicinefaitriend’autre
qu’attendre la prochaine cuite. C’est rafraîchissant de voir quelqu’un qui ne compte pas là-dessus.Tristaninsiste:–C’esttoutl’intérêtdudéfi.–Écoute,situneveuxpaslefaire…intervientNate.Mollychuchoteàmonoreille.–C’estvraimentunepetitenature.Unepetitenature?Parcequ’elleneveutpasboire?–D’accord,unshot.Alorscommeça,MademoiselleOh-je-ne-fais-jamais-rien-de-ma-viecèdesifacilement.Honnêtement,jesuisunpeudéçu.Jenesauraispasdirepourquoimaisjepensaisquecettefilleétait
différente,qu’ellen’étaitpascommenoustous,enrecherchepermanenteetpathétiqued’attention.Ilsembleraitquejemesoistrompéàsonsujet.–Mêmedéfi.Zedprendunegrandegorgéeavantdefairepasserlavodka.Çameperturbedelesvoirtousboire
danslamêmebouteille;c’estdégueulasse,vraiment.Alorsquelejeusepoursuit,verreaprèsverre,ellegrimaceetessuiel’alcoolbrûlantsurseslèvres.
Àprésent,sesyeuxsontaussirougesquesesjoues.Elleal’airperdueetchancelante,mêmeassise.Elleportedenouveaulabouteilleàseslèvresetjemeretrouveentraindel’arracherdesesmains.
Ellen’essaiemêmepasdem’arrêter–sent-ellequ’elleaassezbu?Considère-t-ellecelacommeunavant-goûtde liberté?Unefillesurprotégée,plongéelà,dansce
grandmondecruelfaitdegensquiboiventpouroublierlesproblèmesqueleursfoutusparentsleuronttransmis.Peut-êtrequesonproblèmeestlemêmequelemien,avoirétémaltraité.Est-cequecettefilleaéténégligéeelleaussi?Jeposemonregardverslecoldélicatementajustédesachemise.Non,ellen’a certainementpas étédélaissée. Il est possibleque sonmanquede confiance en ellene soitqu’unephase.Elleveutselibérerducarcandepapaetmamanetseprouverqu’elleaussipeutêtreunefilledélurée.Qu’elleestparfaitementcapablede traîneravecdesbadboysetdeboire jusqu’às’enrendremalade.L’autrepossibilité,c’estquelaplupartd’entrenoussommestrèsdouéspourtirerlesgensversle
bas.–Jecroisquetuasassezbu.JeluiretirelabouteilledesmainspourlapasseràNate,maisTessal’agripperapidementaudernier
momentetprenduneautregorgée.Unfiletd’alcoolcoulesurseslèvrespulpeusesavantqu’ellenepasse sa langue pour les nettoyer. J’observe sa gorge tandis qu’elle avale une gorgée demanière
provocante,etj’aienvied’écarterseslèvrespourboirelaliqueurdanssabouche.Jechassecettevisiondemonesprit.Mollymejetteuncoupd’œiletfaittournersondoigtdansles
airspourdirequejesuisfou.Peut-êtrequejelesuis.Zeddemande:–J’ycroispas,Tess!Tun’asjamaisprisunecuite?C’estcool,non?Elleglousse,jelèvelesyeuxauciel.–Hardin,DéfiouVérité?demandeMolly.–Défi.Avait-ellevraimentbesoindeledemander?Peut-êtrequej’auraisdûfairecommeTessa,justepour
prouverquejesuisimprévisiblemoiaussi.–Jetemetsaudéfid’embrasserTessa.LeslèvresmaquilléesdeMollys’étirentenunpetitsourire,etj’entendsTessadéglutir.Avantmême
quejeneréagisse,elleintervient:–Non.J’aiunpetitami.–Etalors?C’estjusteundéfi,fais-le!Mollyl’invectiveensetriturantlesongles.LavoixdeTessamonted’uncran:–Non!Jen’embrasseraipersonne.Elle se lève et se précipite à l’autre bout de la pièce. Je bois une gorgée d’eau en la regardant
disparaîtrederrièrelaporte.Elleapassétoutelasoiréeàfixermontorsenu,alorspourquoiserait-ellesidégoûtéeàl’idéedem’embrasser,aupointdepiquerunecriseetdesesauverencourant?Àmoinspeut-êtrequ’unbaiserreprésentepluspourellequelesimplefaitderéalisersongage?–Etvoilà,MesdamesetMessieurs!Naterigoleetsepencheversmoi.Labièredébordedesongobeletetserépandsurletapisdevant
lui.Ilneprendmêmepaslapeinedenettoyer.–Tuferaisbiendeluicouriraprès,outuvasperdre.Stephsemoquedemoipendantque je remetsmon t-shirt.Ehbendisdonc,elleest tout le temps
énervéecesdernierstemps.C’estquoisonproblème?–Eh,lesdeuxenfoirés,lequeldevousvalarattraper?demandeNate.Je regarde la pièce noire demonde.Aucune présence d’elle à l’horizon.Zedm’observe. Il tente
d’évaluer ma réaction à cette colère. Je garde un visage impassible, sans exprimer le moindresoupçond’intérêt,mais je scannede nouveau la pièce. Il n’est pas question que je le laisse être lepremieràl’avoir.Elleestagacéeparcequ’ilsl’ontmiseaudéfidem’embrasser.Cejeudébilen’étaitpasmon idéede toute façon,etmaintenantc’esten traindese retournercontrenous. Je leuravaisbien dit que c’était une putain demauvaise idée. Quand Logan détourne l’attention de Zed, jemepenchesurlecôtépourmaterlacuisine.JerepèreTessaetmemetsdebout.Mollym’attrapelebrasaumomentoùjemelève:–Oùtuvas?–Euh,chercherdel’eau.Jebaisseleregardversmongobeletplein,n’enayantrienàfoutrequ’ellesesoitrenducomptede
maruse,oupas.Jejetteunœildanslapièceetmefaufiledanslafouleencherchant lescheveuxblondsdeTessa.
Quandj’entredanslacuisine,ellesetientdeboutprèsdubar,unebouteilledewhiskydanslamain.Ellelèvelabouteille,etjepeuxsentircefamilieretdouloureuxmanqueaufonddemagorge.
Je suis consterné de voir que cette fille peut tomber aussi facilement dans une habitude sidangereuse.Lamanièredontsesyeuxsefermentàmoitiéet lepetitbruitétoufféqu’ellefaitquandelleafinideboire…Çaal’airdelabrûleretdelarendreàmoitiémalade,pourtantelleprenduneautre gorgée. Est-ce qu’elle aimerait ça ? Est-ce que ça la ferait oublier certaines choses, enanesthésiantsonespritpourenchasserlessouvenirs,commeçalefaisaitpourmoi?Est-cequecettefilleaaussidessouvenirsqu’ellevoudraitoublier?Vudelà,ondiraitbien.Jecontinuedelafixer,ellefaitcoulerl’eaudurobinetetchercheunverre.Elleouvreleplacardet
jetteunregardducôtédelaporte.Jereculepournepasêtrevu.Quesuis-jeentraindefaire?Àlasuivrepartoutetàobserversasoudaineaddictionàcetalcoolqui
permetd’oublier.Je fais soudain demi-tour pour rejoindre le groupe. Quand jeme rassieds sur le sol dégoûtant,
MollycharrieLogansursonrencarddelanuitdernièreetNateallumeunecigarette.–Viens,onsecassed’ici.Jem’ennuieetjevoisbienquetoiaussi.Mollyenroulesesbrasautourdemesépaulesetjepeuxsentirsonsoufflechauddansmoncou.Je
l’ignoreetsecouelatête.Ellerevientàlachargequandjeluilâche:–Jevaisenhaut.Sesbras,durscommedel’acier,metirentverslebaspourmeretenir.–Bonneidée.Ellepresseses lèvrescontremoncou.Commeellea tropbuetquedemoncôté, jeme lève très
rapidement,elleretombesurletapisaumomentoùelletentedepassersesbrasautourdemoi.JemeredresseetLogansemoqued’elle:–Ohlàlà.C’étaithorribleàvoir!Elleluienvoieunpetitcoupetsetourneversmoi.–Sérieusement,Hardin?–Sérieusement,Molly.Jemedétourned’elleetmedirigeverslesescaliers.Aumomentoùj’atteinsladernièremarche,monportablesonnedansmapocheavant.Lenomde
Kenapparaîtsurl’écran.J’appuiesurlatouche«ignorer».Jenesuispasd’humeuràbavarderaveclui.Commed’habitude.Jeveuxjusteresterseul,loindecettemusiqueetdetoutescesvoix.Jeveuxtrouveruneexcusedemerdepourfaireensortequemonpèrearrêted’essayerdese«lier»àmoi.Jeveuxmeplongerdansunmonderomanesqueoùlespersonnagesontdesproblèmesbienpiresquelesmienspourqueçamerendeunpeuplusnormalquejenesuis.Maisquandj’approchedemachambre,j’aperçoislaporteouverte.C’estsuffisantpourquejeme
rendecomptequequelquechosecloche.Jefermetoujourscettefoutueporteàclé;aurais-jeoublié?Àl’intérieur,Tessaestassisesurmonlit,undemeslivresàlamain.Monportablevibreencore.Je
transfèremacolèredeKenàelle.Ellecroitqu’ellepeut justefairecequ’elleveutquandelleveut,putain?Qu’ellepeutentrerdansmachambre,unefoisdeplus,sansmapermission?Pourquoiest-ellelà?Jel’aidéjàprévenue.C’estquoisonproblème?Jemedirigeverselle.–Qu’est-cequetun’aspascomprisdans«PersonneEntreDansMaChambre»?Surprise,elleredresselesépaules.–D…désolée.Je…Savoixtrembleetsesyeuxs’agrandissent,pasdepeur…non,decolère.Elleessaieencorecetruc,
cetrucoùellesemontrehyperpatienteavecmoi.Jefaisungesteverslaporte.–Dégage!–Tuesvraimentobligéd’êtreaussicon?–Tuesdansmachambre.Levolumedemavoixatteintlesienetjerépète:–Jet’aidéjàditdedégager,ettuesencoreunefoisdansmachambre.Allez,dégage!–Pourquoitunem’aimespas?Je vois qu’elle essaie de jouer les dures,mais sa voix est plus étouffée, et ses grands yeux font
accélérermonrythmecardiaque.
P
8Laquestion,siaudacieuseetspontanée,l’avaitsurprisetluiavaitfaitréaliserqu’ilsetenaitaubordd’unprécipice.D’unsimplecoupdevent,ilpouvaitbasculer.
. .ourquoidemanderait-ellecela?Laraisonpourlaquellejenel’aimepasn’est-ellepasévidente?Elleestchianteàmourir.Elle…
Euh…Ellesecroitsupérieureavecsesidéesbienarrêtées.Elleestconstammententraindemejugeretde
mefairechiersurmonattitudequandjecommenceàlachercher.Etelle…Ellen’estpassimal,jesuppose.J’essaiedegarderunevoixcalme.–Pourquoitumedemandesça?Ellemefixe.Je lui rends lapareilleen la fixantd’unemanièreaussidure.Ellecroitqu’ellepeut
m’intimider?Elleestdansmachambre,meposedesquestionsstupides,etellemeregardecommeça…–Jenesaispas…Parcequemoi, jesuis toujourssympaavectoi,et toi tunefaisquetemontrer
grossier.Pourtant,tuvois,àunmomentjepensaisvraimentqu’onfiniraitparêtreamis.Sesyeuxinjectésdesangnefléchissentpasetsoutiennentquejenesaisriend’elle.Ouquejem’en
fous.Amis?Elleestsérieuse,putain?Jen’aipasd’amis.Etjen’enaipasbesoin.J’aiunrireforcé:–Nousdeux?Amis?Tunevoispaspourquoic’estimpossible?–Moi?Non.Saréponseestfranche,etaudébut,jecroispresquequec’estuneblague.Maislaconvictiondanssa
voixme fait comprendrequ’elle est sérieuse, en fait.Cette fille est complètement folle.Elle pensequ’unmeccommemoipourraitêtreamiavecunefillecommeelle?N’est-ellepasaucourantquejepeuxàpeinesupporterlesgensengénéral,ycomprismonpropregrouped’«amis»?Paroùcommencerpourluiexpliquertouteslesraisonsquifontqueçanemarcheraitjamais?– Eh bien, pour commencer, tu es bien trop coincée – tu as probablement grandi dans un petit
pavillonimpeccable,exactementsemblableàtousceuxdetarue.Jerevoislacrassenoirequirecouvraitleplafonddemachambred’enfantetpoursuis.–Tesparentst’achetaientcertainementtoutcequetuvoulais,ettun’asjamaismanquéderien.Ettu
portesdesjupesplisséesdébiles…Je regarde la tenue qu’elle portemaintenant, ignorant lamanière dont lamatière enveloppe ses
hanchesplantureuses.–Jeveuxdire,franchement,quis’habilleencorecommeçaàdix-huitans?Elle restebouchebéeet s’avanceversmoi. Je reculespontanémentet saisdéjà,envoyant legris
nuageuxdesesyeux,quejevaism’enprendrepleinlatête.– Tu ne sais rien de moi, espèce de connard arrogant ! Ma vie n’a rien à voir avec ça ! Mon
alcooliquedepères’estbarréquandj’avaisdixans,etmamèreabossécommeunemaladepourmepayerdesétudes.Dèsquej’aieuseizeans,j’aitrouvéunboulotpourl’aideràpayerlesfactures.Etilsetrouvequemesvêtementsmeplaisentàmoi.(Elleagitelamainverssatenueencriant.Elleestsicontrariéequesapetitemaintremble.)Désoléedenepasm’habillercommeunepute,commetouteslesfillesquetuconnais!Pourquelqu’unquiessaietellementdesedémarqueretd’êtredifférentdesautres,jetrouvequetucritiquessurtoutlesgensquisontdifférentsdetoi!Etlà,pourclôturersatirade,ellemetourneledospourfairefaceàlaporte.Dit-ellelavérité?Cettefillesiparfaiteferait-ellepartieduclanmalheureuxdecesenfantsquiont
dûgrandirtropvite?Sic’estlecas,pourquoisourit-elletoutletemps?Moi,jecritiquelesgens?Ellemeditquemoijejugealorsqu’ellevienttoutjustedecataloguerles
fillesquis’habillentd’unecertainemanièrecommedessalopes?Ellemefixemaintenantetattendmaréaction,mais je n’en ai aucune. Je reste sans voix devant cette fougueuse,critique etmystérieusejeunefemme.Avantquemoncerveauaiteuletempsdesortirdesatorpeur,ellereprend:–Tusaisquoi,Hardin?Jeneveuxpasêtretonamie,detoutefaçon!Tessatendsamainverslapoignéedeporte,etjerepenseàmontoutpremierami,Seth.Safamille
n’avait pas d’argent non plus,mais au décès d’un de ses riches grands-parents, qu’il connaissait àpeine, il hérita d’une grosse somme d’argent. Ses chaussures pourries ont été remplacées par desbasketstoutesblanchesavecdeslumièressouslasemelle.Jelestrouvaishypercool.J’avaisdemandéà ma mère d’en avoir une paire identique à mon prochain anniversaire. Elle m’avait adressé unsourire triste. Lematin demon anniversaire, ellem’avait tendu une boîte de chaussures. J’étais siimpatientd’ouvrirlaboîte!J’attendaiscesfoutueschaussureslumineuses.Àl’intérieurdelaboîte,ilyavaitbienunepairedechaussures,ok,mais sans jolie lumièresous la semelle. Jevoyaisquececadeaularendaittriste,maisjenecomprenaispasvraimentpourquoi.Lesmoispassaient,etjevoyaisSethdemoins enmoins, jusqu’au jour où je l’ai vupasser près demamaison avec ses nouveauxcopains.Tousportaientdeschaussureslumineuses.Ilfutmonpremieretmondernierami,etmaviefutbienplussimplesansamitié.–Tuvasoù?Ma question s’adresse à Tessa, la fille qui pensait que nous pourrions être amis. Elle s’arrête,
troublée.Commejelesuis.–Prendrelebuspourrentrerdansmachambreetneplusjamais,jamais,remettrelespiedsici.J’en
aiassezd’essayerd’êtreamieavecvous.J’ail’impressiond’êtreunevraiemerde.D’uncôté,lefaitqu’ellemehaïssem’arrangeraitàlong
terme,maisd’unautrecôté…bon,jeveuxqu’ellem’apprécieassezpourbaiseravecelle.Ellepourramedétesterunefoisquej’auraigagnélepari.–Ilesttroptardpourquetuprenneslebustouteseule.Vu sa manière d’agir et le fait qu’elle a bu de l’alcool toute la soirée, ce serait une putain de
mauvaiseidéed’alleràl’arrêtdebustouteseule.Elleseretournepourmeregarder,etjeremarquepourlapremièrefoisdeslarmesdanssesyeux.–Sérieusement,tun’essaiesquandmêmepasdemefairecroirequetut’inquiètespourmoi?Tessarigoleensecouantlatête.
–Cen’estpascequejedis…jetepréviensc’esttout.C’estunemauvaiseidée.Jejetteunœilàmabibliothèque,etlacomparaisonavecCatherine,lepersonnageféminincentral
du livrequ’elleétaiten trainde lirequand je suisentré,estévidente.Elle lui ressemblevraiment :caractérielle et toujours avec quelque chose à prouver. Elizabeth Bennet est pareille. Toujours àouvrirlabouchepouravoirraison.J’aimeça.Lesétudiantesd’aujourd’huisemblentavoirperducerépondant. Elles cherchent seulement à plaire aux hommes, même pas à elles-mêmes – où estl’intérêt?–Enfait,Hardin,jen’aipaslechoix.Toutlemondeestsoûl,moiycompris.Ellerecommenceàpleurer.Jem’adoucisunpeu.Pourquoipleure-t-elle?Ondiraitqu’ellenefait
queçatoutletemps.J’essaiedelaréconforterdelaseulemanièrequejeconnaisse…avecsarcasme.–Tupleurestoujoursdanslesfêtes?– Il faut croire. Chaque fois que tu y es, en tout cas. Et aussi parce que ce sont les seules fêtes
auxquellesjesoisjamaisallée…Tessaouvremaporte,maisalorsqu’elles’apprêteàsortir,elletrébucheetserattrapeaucoindela
commode.–Theresa…Çava?Mavoixestdouce,plusdoucequejenel’auraisimaginé.Elle hoche la tête. Elle semble désorientée, énervée et surprise ; principalement énervée, quand
même.Enquoi çam’importequ’elle aillebien?Elle estmaladeetbourrée, et il n’estpasquestionque
j’essaiequoiquecesoitpourgagnerdespointscontreZedcesoir.Jen’enaipasenvie,etceseraittricher,detoutemanière;elleestbientropsoûle.Jesuggère:–Assieds-toiuneminute,tuirasprendrelebusaprès,quandçairamieux.Peut-êtrequejegagneraidespointspouravoirétéunmecsympa.–Jecroyaisquepersonnen’avaitledroitd’entrerdanstachambre.Savoixestdouceetpleinedecuriositéalorsqu’elles’assiedsurlesol.Siellesavaittoutelamerde
qu’ilyaeusurcesol,elleneresteraitpasassiselà,c’estsûr.Jemesurprendsàsourire.Aumomentoùjem’enrendscompte, jem’arrêtenet.Jemereprends.
Elle secoue la tête et semet à hoqueter comme si elle allait vomir d’une seconde à l’autre. Je lapréviens:–Sijamaistudégueulesdansmachambre…Ellenettoierasamerde,çac’estsûr.–Jecroisquej’aijustebesoind’unverred’eau.Jeluitendsmongobelet.–Tiens.Samainlerepousseetellelèvelesyeuxauciel,agacée.–J’aiditdel’eau,pasdelabière.–C’estdel’eau.Jeneboispas.Ellerenifle:–Mortederire.Ettunevaspasresterassislà,àjouerlesnounous,si?Ohquesi,jevaislefaire.Jenevaispaslalaisserseuleicipourfoutrelebordeldansmesaffaires
ouvomirsurmeslivres.
–Tufaissortircequ’ilyadepireenmoi.Soncommentairemetiredemonsilence.Jeluirépondssèchement.–Tuesdure.Jefaissortircequ’ilyadepireenelle?Ellenemeconnaîtmêmepas.Jepoursuis:–Et,oui,jevaisresterassislà,àjouerlesnounouspourtoi.C’estlapremièrefoisdetaviequetu
prendsunecuite.Enplus,tuaslamauvaisehabitudedetoucheràmesaffairesquandjenesuispaslà.Jem’assiedssurmonlitpendantqu’elleprendunegorgéed’eauavecprécaution.C’estbienceque
je pensais. La pièce est sûrement en train de tanguer dans sa tête. La pauvre. Je l’examineattentivementalorsqu’elleingurgitel’eau.Cettemanièredefermerlesyeuxetdeselécherleslèvresquandelleafini,safaçonderespirertropfort.Jelafixesansqu’elleleremarqueetfais toutmonpossiblepournepasanalyserlaraisonpourlaquelleellem’intéresseautant.Ilyajustetantdechosesquejenesaispassurelle,tellementdechosesquejevoudraissavoir.Ellesemblefacileàcerner,enapparence.Elleestblonde,d’unebeauténaturelle,etjepeuxdire,àsa
manièrevieillottedeparler,qu’ellepassedesheuresetdesheureslatêteplongéedanssesbouquins.Pourtant, son caractère et sa manière d’être sans cesse sur la défensive me poussent à creuserdavantage.Jeluidemandesansréfléchir:–Jepeuxteposerunequestion?J’essaiedeluisourire,maisj’ail’impressiond’avoirl’airbizarre.Ellefroncedessourcilsetfinitpararticulerpéniblement:–Bienssssûr.Qu’est-cequejevaisbienpouvoirluidemander?Jem’attendaisàcequ’ellem’envoiepromener.Jesorslaquestionlaplussimplequimevienneàl’esprit.–Qu’est-cequetuveuxfaireaprèslafac?Jesaisquej’auraisdûluidemanderquelquechosedepluspersonnel,quelquechosequim’aurait
aidéàremportercejeucontreZed.Tessasembleréfléchiràlaquestionetagitesesdoigtscontresonmentonavantderépondre.–Enfait,jevoudraisdevenirécrivainoutravaillerdansl’édition,cequiseprésenteraenpremier.J’auraispufacilementledeviner.Jeneluidispasquej’ai l’intentiondefaireexactement lamêmechose.Aulieudeça, jeregarde
devantmoi,danslevide,aprèsavoirlevélesyeuxauciel.–C’estàtoi,tousceslivres?Tessamontremabibliothèque.Jemarmonneunoui.–Lequelpréfères-tu?–Jenem’amusepasàfaireunclassement.Bordel demerde, je suis obligé dementir, elle est bien curieuse. Elle glisse sur un terrain trop
intime,etçafaittroplongtempsqu’elleestlà.Qu’elleconnaissemonlivrepréférénem’aiderapasàobtenircequejeveux.J’aibesoinderenverserlasituationversquelquechosedemoinspersonnel.Jedoislaprovoquer.–Est-cequeMonsieurBeaugossesaitquetuesencorevenueàunefête?Monsourireencoins’accordeàsonairrenfrogné.Missionaccomplie.–MonsieurBeaugosse?–Toncopain.Jamaisvuuncrétinpareil.–Jet’interdisdeparlerdeluicommeça,ilesttrès…très…gentil.
Jenepeuxm’empêcherderiredevantsonhésitationàtrouveruncomplimentsursonpetitcopainàmocassins.Ellemepointedudoigt.–Mêmedanstesrêves,tuneserasjamaisaussigentilquelui.–Gentil?C’estlepremiermotquitevientàl’espritquandtuparlesdetonmec?Gentil,c’estta
façon«gentille»dedirequ’ilestchiant.Jerigole.Maiselleinsisteavecunformidableaplomb.–Tuneleconnaismêmepas.–Jen’aipasbesoindeleconnaîtrepoursavoirqu’ilestchiant.Ilsuffitdevoirsoncardiganetses
mocassins.Jerigolepourdebonmaintenant,jesuispliéendeux.Jenepeuxm’enempêcher.Quandjevoisson
expression énervée, je rigole encore plus fort, en imaginant la poupée Ken grandeur naturepleurnichersuruntroufaitdanssonpullencashmere.–Ilneportepasdemocassins,d’abord.Tessacouvresabouchepourcacheruneirrésistibleenviederire.Jel’aivu.Jerigoleraisaussi,àsa
place.Elleprenduneautregorgéedemoneauetjepoursuis.–Arrête.Çafaitdeuxansqu’ilsortavectoietilnet’apasencorebaisée?Jepeuxtedirequec’est
unvraitocard.Enentendantcesmots,Tessarecrachel’eaudanslegobelet.–Qu’est-cequetuviensdedire?–Tum’asbienentendu,Theresa.–Tun’esqu’unconnard,Hardin.Putain,j’adorequandelledevientfougueusecomme…Unjetd’eaufroidem’aspergelevisage!Je suffoque, surpris par son audace. Je croyais qu’on s’amusait, à se balancer des commentaires
désagréablesl’unaprèsl’autre.Jefaisaisexprèsdelapousseràboutetj’avaisl’impressionqu’elleappréciaitd’êtretitilléeautantquej’aimaislaprovoquer.Envoyantl’expressiondedégoûtsursonvisage,ilsembleraitquecenesoitpaslecas.Pourquoiai-jemis lesujetdesoncopainsur le tapis?Jesuisunsombre idiot.Elleétaitbien là,
assisedansmachambre,àrigoleravecmoi,etilafalluquejegâchetout.Tessaquitteprécipitamment lachambre tandisque j’essuie l’eausurmonvisageetque je la suis
danslecouloir.Jel’observedévalerlesmarchesdeuxpardeux.Retourdansmachambre;lebruissementsourdduventilateurestmaseulecompagnie.Jem’assieds
surmon lit,etpour lapremière foisdepuisque j’aiemménagé ici, j’aienviedenepas resterseuldanscettechambre.
T
9Àl’instantmêmeoùelleposaleslèvressurlessiennespourlapremièrefois,illesentit.Ilsentitunchangements’opérerenluiquelquepart,dansunendroitprofondémentcaché,unendroit recouvertdepoussière.Unendroitquin’avaitpasété touchédepuislongtemps,autantqu’ilpouvaits’ensouvenir,probablementjamaisd’ailleurs.Elleleréanima,luiapportadelalumière,desriresetl’enviedevivre.Ilsut,aumomentoùsabouchetrouvalasienne,qu’ilneseraitplusjamaislemême.
. .essavient tout justedemebalancerde l’eauenpleine figure etdequitter la chambredansunouragan de soupirs, de halètements et de roulements d’yeux. Et me voilà déjà à lui courir
derrière dans les escaliers, à peine quelques minutes après m’être assis dans ma chambre, à melamentercommeunpetitgarçonquifaitunecriseparcequesonjouetpréférévientd’êtrecassé.Seulement,Tessan’estpasmonjouetpréféré;elleesttroplumineuse,tropneuve,pourquej’yjoue
avecmesmainssales.J’essayais seulementde lamettredebonnehumeuretde lui remonter lemoral.Visiblement, j’ai
échoué.J’auraisdûmedouterqueparlerdesoncopaindébileluiferaitpéterunplomb.Elleestsiagaçante.Ellesecroittoutpermisavecsonsalecaractère.Elleestbientropsensible,c’est
sûr,etçamefaitchieràmort.Nonmais!Quiosejeterunverre,okdel’eau…maisquandmême…commeça,auxvisagesdesgens?Pourquelqu’unquiaunesihauteopiniond’elle,elleavraimentuncomportementdegaminecapricieuse.Quandj’arriveenbasdesescaliers,Tessaestdanslacuisineentraindeseservirunverred’alcool.
Ellecherchequelqu’unduregarddanslapièce.Tandisquejel’observe,monportablevibredansmapoche.C’estencoreuntextodeKen:KARENPRÉPAREUNBONDÎNERCESOIRSITUVEUXPASSER.J’AIMERAISTEPARLERDEQUELQUECHOSE.TU
N’AS PAS RÉPONDU À MES AUTRES TEXTOS, DONC J’AI SUPPOSÉ QU’UN SMS À 3H DU MATIN ARRIVERAITJUSQU’ÀTOIQUANDTUSERAISRÉVEILLÉ.Dequoiveut-ilmeparler?J’aideschosesplusimportantesàfaire,commemontreràZedquiest
vraimentlebossici.JeregardedenouveauendirectiondeTessaetremarquequeZedl’arejoint.Évidemment,cetaréestàsescôtésdèsquej’ailedostourné.Tessaesttoujoursentraindeboire;ellenedevraitpasboireautant.Ellevasesentircommeune
merdedemain.C’estbienentenduleplandeZedpourl’avoir.J’entendsunevoix:–Regardecommeilssontmignons.Enjetantunœilderrièremonépaule,jedécouvreStephprèsdemoi,unverredevinàlamain.Ses
cheveuxrougesenbatailleretombentsursonvisage.Je reportemonattentionsurZedetTessa,cette foisenanalysant samanièrede le regarderdroit
danslesyeux.Elleal’airàl’aise;sesépaulessontdétenduesetsonregardestdoux.Quandelleestavecmoi,çan’arienàvoir.ElleneconnaîtpasplusZedqu’ellenemeconnaît,moi,alorspourquoicettedifférence?Est-ceparceque,contrairementàmoi,ilsetientcontrelecomptoir,sonattention
uniquementfixéesursesyeux.Luineselaissepasdistraireparsondécolleté.Ilserapproched’elleetelleluisourit.Ilsembleraitqu’ilaitlerôledubonetmoiduméchant.Merde,ilestmeilleurquecequejepensais.Tessaregardeverslaporte,etStephbonditenarrièreenmetirantparlebras.Jelarepousse.Ses yeux sont injectés de sang. Ses minuscules pupilles noires semblent noyées dans un océan
rouge.–Neluidispasquejesuislà.J’enpeuxplusdejouerlesbaby-sitters.Stephaunsoupiragacé,ellen’essaiemêmepasdelajouercoolenl’absencedeTessa.Unevraie
salope.Uneblondebourréedansunerobehypermoulantepasseàcôtédemoietmefaitunclind’œil.Je
mesouviensd’elle.Enfin…jecrois?–Jeterappellequec’esttoiquil’asamenéeici.JechuchoteçaàSteph,maistoutçanem’intéressepasdutout.Jenesaismêmepaspourquoij’ai
lancécesujet,enfait.–Etalors?J’aieumadosed’ellepourcesoir,etvousdeux,vousêtescensésvousamuseravec
elle,tutesouviens?Ellehausselesépaulesets’éloignedemoi.Bon…–Tuvasperdresituresteslà,àleurtournerautourcommeuntaré!Stephcrieensedirigeantverslaported’entrée,lamaindanslamaindumecétrangedontellese
plaignaitilyaàpeineunesemaine.Jevaisperdre?N’importequoi.Aucunechance.Maisjenevaispasnonplusresterdebout,là,danslehall,commeunputaindepervers.Jeretournedanslesalonettrouveuneplacesurlecanapé.J’attendraiqu’ellevienneàmoi.Elleva
finirparselasserdeZedetdesesconversationsdébilessurlascience,lesplantes,lasauvegardedelaplanètefleurparfleurettoutescesconneries.Ilycroitsansdoute,maisaveccegenredemec,tunepeux jamais être vraiment sûr de quoi que ce soit. Plus vraisemblablement, il doit savoir, mêmeinconsciemment,queseuleslesplantespeuventlesupporter.Comme jem’y attendais, Tessa apparaît dans le salon, Zed collé à elle, tel un putain de clébard
abandonné.Elleneremarquemêmepasquejesuisdanslapiècelorsqu’elles’assiedsurlesolavecmabande,justeàquelquesmètresdemoi.Jesensunepressionsurmonbrasetmeretournejusteaumomentoùlablondedetoutà l’heure
passesonbrasautourdemonventreetseserrecontremoi.–Hardinnnn…C’estcooldetevoir.Çaseraitencoremieuxdetesentir…Elleesttellementbourréequejenesaispassielleessaiedemechaufferoud’empêcherlapiècede
tourner.Jelarepousseunpeuettentedemedégager.Maisl’alcooll’atransforméeenredoutablesangsueet
elles’agrippedenouveauàmoi.Finalement,jemedécaleversl’undes«membres»delafraternitédontlenomm’échappetoutletempsetfaispasserlebrasdelafilleautourdesonépaule.Lerestedesoncorpssuittoutnaturellementetellepeineàarticuler:–S…Steeeeve,çafaisaitlongtemps…J’enprofitepourm’éclipser,etàchaquepassurletapisdégueulasse,monexaspérationmonted’un
cran.–Est-cequ’ilyadesbustoutelanuit?Tessaaclairementdépasséseslimitesetelleestcomplètementsoûlemaintenant.Savoixestpâteuse.
J’observeseslèvres.Celledubasressortplusquecelleduhaut.Elleparlelentementetarriveàpeineàarticulercorrectement.Jerefusedel’écouterdavantageetretournedanslacuisine.C’estpasmonproblème–bourréeou
pas,jen’aiaucuneraisondem’inquiéterpourelle.Moinsdedixsecondesplustard,jefaisdemi-touretretournedanslesalon.Mespiedss’arrêtentdevantTessaassisesurlesol.Quandellemevoit,cettepimbêchelèvelesyeuxauciel.Ondiraitqu’ellepassesontempsàfaire
ça.PasàZed,entoutcas.JamaisàZed.–Zedettoialors?Jelèveunsourciletelletitubeensemettantdebout.Combiendeverresa-t-ellebus?Impossibleà
dire.Sesyeuxsonttranslucidesquandilscroisentlesmiens.Jel’attrapeparlebrasjusteaumomentoùelleveutpasser.–Laisse-moitranquille,Hardin!Sesbrass’agitentdans lesairs,et j’essaiedenepas riredevantsoncinéma.Sesyeuxparcourent
frénétiquementlapièce,commesiellecherchaitquelquechoseàmelanceràlafigure.–J’essaieseulementdemerenseignersurleshorrairesdebus!Ellemebousculeenpassant.Sonépaulepercutelamienne,etj’attrapedoucementsonbraspourla
calmer.–Oublie…Ilesttroisheuresdumatin.Iln’yaplusdebus.Jelâchesonbrasetl’observeprendreconsciencedelasituation.–Voilàcequec’estd’êtrealcoolo,tuesbloquéeici,encoreunefois.L’ironiede lasituationest incontestable.Elle fait toutsonpossiblepournepasse retrouverdans
cettesituation–pourtantelleestici,unefoisdeplus,coincéepourlanuit.Ellemeregardefixement,lesyeuxécarquillésetlaboucheboudeuse.J’enprofitepourenrajouter
unecoucheettoucherdavantagesonegodéjàmeurtri.–ÀmoinsquetuneveuillesrentreravecZed…Jefaisunsignedetêteverslesalon,ellemefusilleduregard,puistournelestalonssansdireun
mot.Àquoisert toutecettemascarade?Moien trainde lasuivrepartoutpour laprovoquer?Àrien.
C’estunepertedetemps,vraiment.Elleal’airdemaîtrisercejeuaussibienquemoi.Deretourdansmachambre,j’attrapeunlivresurl’étagère,retiremont-shirt,lejettesurlesolpuis
ajoutemonjeanautasendésordre.J’ouvreleromansurunepageauhasardetcommenceàlire:
Quepouvaientcontresasottecrédulitélacolèreetlesprotestations?Nousnousquittâmescesoir-là fâchées ;mais le jour suivantme vit sur la routedesHautsdeHurlevent au côtéduponey de mon entêtée jeune maîtresse. Je n’avais pas pu supporter d’être témoin de sonchagrin,desapâleur,desonabattement,desesyeuxgonflés;et j’avaiscédé,avec le faibleespoirqueLintonlui-mêmepourraitdonner,parlamanièredontilnousrecevrait,lapreuvedupeudefondementqu’avaitenréalitélecontefaitparsonpère1.
. .UneCatherineblondeétaitassiseauborddelalande,sescheveuxmaintenusenarrièreparunruban
aussirougequelesangquicoulaitdanssesveines.Ellenepensaitàrien;elleétaitperdue.Ellesetournaverslui,savoixrésonnantdansl’airquilesséparait.–Hardin?LavoixdeCatherineestforte,sifortequ’ellem’arracheàmonsommeil.Suis-jeentrainderêver?–Hardin!Hardin,jet’enprie,ouvrelaporte!Jebondisdemonlit,désorientéetpaniqué,tandisquelapoignéedemaportes’agite.Despoings
cognentcontrelaporte.Lavoixcriedenouveau:–Hardin!Serait-ce…?Jedéverrouillelaporteetl’ouvrebrusquement.Tessasetientdebout,là,levisagedéforméparla
peuretlesyeuxhagards.Mespoilssehérissent,etjememetsimmédiatementenmodedéfense.–Tess?Jeplisselesyeuxpouryvoirplusclairettentedechasserlerêvepourmeconcentrersurcequiest
entraindesepasser.–Hardin,jet’enprie,jepeuxentrer?Ilyaunmec…Tessaregardelecouloirderrièreelleetjesorspourvoircequiluifaitpeur.Neilsedirigeversnous,lesyeuxinjectésdesangetlet-shirttaché.Ilestrépugnant.Jeréaliseàquel
pointilestbourréaumomentoùiltrébuchedanslecouloir.Pourquoilefuit-elle?Est-cequ’ila…LesyeuxdeNeilrencontrentlesmiensetils’arrêtenet.S’iltientàsapeau,ilvasebarrer.Sinon,
Tessa et tous ces gens dans le couloir qui ne semblent pas vouloir l’aider vont avoir droit à unspectacle.J’inspecterapidementsoncorpspourm’assurerqu’ilne luiarienfaitquifasseque jecacheson
cadavrequandlapolicearrivera.–Tuleconnais?Savoixestbrisée.Jesensmesmainstrembler.–Ouais.Rentre.Jel’entraînedansmachambreetm’assiedssurlelit.Sesyeuxgrism’observentintensémentetje
frottelesmiensdenouveau.–Tuvasbien?Ellea l’aird’allerbien–nerveuse,peut-être,maisellenepleurepas.C’estbonsigne…Enfin, je
crois?–Ouais…Oui.Jesuisdésoléedet’avoirréveillé.C’estjustequejenesavaispas…Tessaprononcecesmotsàtoutevitesse,chancelante.Elleestentraindes’excuserdem’avoirréveillé?Jepasselamaindansmescheveuxetlesdégagedemonfront.–T’inquiètepas.Jeremarquequesesmainstremblent,commelesmiennes,et je luiposelaquestionquimetrotte
danslatêtedepuisquej’aiouvertlaporte.–Ilnet’apastouchée?
Desidéesdemeurtremetraversentl’esprit.PersonneneregretteraNeil,çac’estsûr.–Non,commence-t-elle,puisellehésite.Mais ilaessayé.J’aiétéassezstupidepourm’enfermer
dansunechambreavecuninconnuquiavaittropbu,doncj’imaginequec’estdemafaute.Safaute?Bordeldemerde?–Cen’estpasdetafautes’ilafaitça.Tun’aspasl’habitudedecegenredemecoude…situation.J’essaiedegarderunevoixcalmepournepasl’effrayerencoreplus.J’aivuçaarriveràpleinde
fillesdansmavie.Demapropremèreauxfillesbourréesdanslessoirées.J’aisauvédeNeillepetitculbourrédeMollyl’annéedernière.Jepensaisqu’ilretiendraitlaleçonaprèsquejeluiavaispétélenezetdéboîté l’épaule.Apparemmentnon. Il auraitbienbesoinque je lui rafraîchisse lamémoire.Loganm’épaulera,commeladernièrefois.Tessa se dirige versmoi alors que je tapote la place vide près demoi sur le lit. Elle s’assied et
croise sesmains sur ses genoux.Son air vulnérableme fait soudainprendre conscienceque je neporte rien d’autre quemon boxer noir. J’aimerais enfiler un truc,mais je ne veux pas attirer sonattention là-dessus. Et je ne veux pas lamettre encore plusmal à l’aise, elle est venue ici pour ytrouverrefuge,pouravoirlapaix.–Jen’aipas l’intentiondem’yhabituer.C’estvraiment ladernièrefoisque jeviens icietque je
vaisàunefête,quellequ’ellesoitd’ailleurs.Jenesaismêmepaspourquoijesuislà.Etcetype…ilétaitjustetellement…Ellefrissonneetdeslarmescommencentàcoulersursesjoues.–Nepleurepas,Tess.Enmurmurant,jelèvelamainverssonvisage.Monpoucerecueilleleslarmesquicoulentsurses
joues.Ellerenifle.C’estsiinnocentetvulnérableàlafoisquej’essaiededétournerleregard,maisjenepeuxpas.Jeluiconfie:–Jen’avaispasremarquéquetuaslesyeuxsigris.Jusqu’àprésent,hormissapoitrineetsamanièrederéagiràmesprovocations,jen’avaispasfait
attentionaureste.J’étaistroppréoccupé,tropsuperficiel.Maisrapidement,jestoppemaréflexion.Non,jesuisunmenteur.J’avaisremarquélemoindrepetit
détailsurcettefilledèsl’instantoùjel’aivue.Ma main est toujours posée sur son visage et elle continue de me fixer, ses lèvres charnues
entrouvertes.J’attrapemonpiercingentrelesdentsetaspirelamoitiédemalèvreinférieurecommejelefaistoujours.Sesyeuxsontrivéssurmabouche,etjusteaumomentoùjeretiremamain,elleserapprochedemoietécraseseslèvrescontrelesmiennes.J’ailesoufflecoupé,complètementprisdecourt.Quefait-elle?Etmoi,qu’est-cequejefous?Maisjen’arrêtepas.Jenepeuxpasarrêter.Jecaresseseslèvresdoucesavecmalangue.J’aspire
sonsoufflecourtenprenantsonvisageentremesmains.Elles’introduitdansmabouche,commesielleétaitsoulagéedem’embrasser.Sapeauestbrûlante,saboucheestdouceetnerveuseàlafois.Jeposemesmainssurseshanches.Quandjesenslegoûtdevodkasursalangue,jereculeetdisdansunsouffle:–Tess.Ellesoupire,etjeplongemalangueentreseslèvres,lesécartantdenouveau.Haletant,j’essaiede
récupérermesesprits.Commentensommes-nousarrivéslà?Jemesenscool,àl’opposédufeuquimebrûle.C’estagréable,commeunecompensationàcette
brûlure constante. Jusque-là, je n’avais jamais ressenti cette sensation de calme ; ça doit être
dangereux.Monespritperdtoutcontrôle;lasensationdesabouchesurlamienneaprislepassurmessens.Je
l’attirecontremoi,agrippeplusfortseshanchesetm’allongesurlelit.Ellegrimpesurmontorseetposesesmainssurmapoitrine.Salanguejoueaveclamiennesansjamaissedécollerdemabouche.Ellesaityfaire.Putain,ellesaitvraimentyfaire.Sescheveuxretombentsurmapeau,etjedétachemeslèvresdessiennes.Legémissementquefont
seslèvresàcemoment-làmefaitbanderinstantanément.Elleaenviedemoi.Sesmainsbougentdehautenbassurmapoitrinemaintenant,testantseslimites,jelevois.Jen’iraipasplusloin.Pascesoir.Elleabu,etcen’estpasmontruc.J’aienvied’elle,putain,j’ai
enviedelabaiserencoreetencore.Jeveuxlatoucher,touchertoutsoncorps.Maispascesoir.Elleestvierge,maisjusqu’oùest-ellealléeavecsoncopain?Est-cequ’ill’adéjàtenueainsi,surlui,alorsqu’il ne portait qu’un caleçon, alors qu’elle balançait ses hanches contre les siennes, l’allumantcomme ça ? Son comportement est-il aussi osé avec lui, elle paraît si guindée et si prude vue del’extérieur?Est-ce qu’il a caressé avec sa langue la peau douce de son cou ?À samanière de frissonner au
contactdemalanguesursapeau, jediraisquenon.Ellegémit.Je l’attrapepar lescheveuxtoutenl’embrassant dans le cou.Ma bouche descend plus bas et je mordille doucement son épaule. Ellegémitencore,prononçantmonnomdansunsouffle.J’attiresabouchecontrelamiennetandisqu’ellecontinuedebougercontremoi.Jesaisqu’ellesent
monexcitationetmonenvied’elle.Ellesusurre:–Hardin…arrête.Sa langue continue de bouger doucement dansma bouche. Elle répètemon nom. Je recule et la
regarde.Seslèvressontgonfléesetrouges,sesyeuxsauvages.–Onnepeutpasfaireça.Sesdoigtsquittentmapeau,et le feuétouffé se transformeenglace. Je savaisqueçanedurerait
pas ; c’était juste… dans le feu de l’action, quelque chose comme ça. Unmoment que j’aimeraisprolongerlepluspossible,maischaquechoseaunefin.Jem’appuiesurlescoudesetellebasculedel’autrecôtédulit.–Jesuisdésolée.Désolée.Sa voix est basse et rauque. Elle n’est certainement pas désolée. Je peux le voir à sa respiration
profondeetàlafaçonqu’ontsesyeuxdenepouvoirsedétacherdemabouche.En la regardant, je repense à ce livre oùdes femmesdans une ville font le serment d’arrêter de
s’excuserdansleurviequotidienne.C’étaitplutôtintéressantdevoirque90%desdésoléprononcésl’étaientpourdes situationsdontellesn’étaientpas responsables.Tessapourraitparfaitementvivredanscetteville.–Dequoi?Jeluidemandeçaaussicalmementquepossibleetmelèveversmacommodebordéliquepleinede
t-shirts noirs. Alors que j’en enfile un, je la vois me scruter du regard, jusqu’à mon boxer. Ellerougit.–Det’avoirembrassé.Pourquois’excuserait-elledem’avoirembrassé?Sielleneveutrienfaireavecmoi,jenevaispas
laforcer,maisjeneluiaienvoyéaucunsignequejenesouhaitaispaslamêmechose.–C’étaitrienqu’unbaiser.C’estpaslapeined’enfaireunplat.
Jegardeexprèsuntonneutre.Jeneveuxpaslamettreplusmalàl’aise.Elleregrettedéjà,prêteàdéguerpird’uninstantàl’autre.Jelesais,maissiellelefait,jedevrailuicouriraprès.Jenepeuxpasmeretirersitôtdujeualorsquej’aiprogressé.J’aieusesmainssurmoi,j’aigoûtésalangue.J’airéussiàl’exciteretàcequ’elleenveuilleplus.J’ail’avantagesurZedmaintenant,etjenepeuxpaslalaisser filer.Ellevaen faire touteunehistoire.Si je la rassure, ilyadeschancespourqu’ellemefasse confiance et que cette confiance la mène àme donner une autre chance d’aller plus loin laprochainefois.Elleregardelesol.Encore.A-t-elledéjàtantderemordsqu’ellen’osemêmeplusmeregarder?Je
n’aimepascettesensation.Ellenepeut pasdéjà le regretter ; si elle nedépassepas ça, je suisniqué etZedvagagner.Elle
demande:–Danscecas,onvadirequ’ilnes’estrienpassé,d’accord?–Soistranquille,moinonplusjenetienspasàcequeçasesache.C’estbonmaintenant,arrêtede
parlerdeça.Àmesmotsellegrimace,etjesouhaitenepaslesavoirprononcés.Jesuisvraimentnulpources
trucs.–Àcequejevois,tuesredevenutoi-même!Sonregardestaiguisémaintenant,prêtàm’affronter.J’aienviedeluirépondresèchement,maisje
nelefaispas.Ellenesaitriendutoutdemoi.Çam’énervequ’ellepuisseimaginerqu’aprèsquelqueséchanges
avecmoi,elleestunesortedeputaind’experteèsHardinScott.Ellecroitqu’elleestbienmeilleurequemoi, et elle est terrifiée à l’idée que des gens puissent apprendre qu’ellem’a embrassé parceque… eh bien, parce que c’estmoi et qu’elle estMademoiselle Parfaite. Je ne peux pas garder lesilence.–Jen’aijamaisétéquelqu’und’autre.Nevapast’imaginerdeschosesparcequejet’aiembrassée,
contremavolontéaudépart.Jesensmesmotsl’atteindrecommeunegifle.Ellesemetdebout,larageembrasesesgrandsyeux.
UneJeanned’Arcdestempsmodernes,prêteàmebrûlervifsurlebûcher.–Tupouvaism’arrêter.Jesensqu’ellefulmine.Sesmainssecontractentetsespoingssontsiserrésqu’elledoitlessentiren
feu.Mabouches’activeavantmêmequej’aieletempsderéfléchir.–Facileàdire!Tessasouffleetenfouitsatêtedanssesmains.Jeregardeailleurs.Elleesttellementsensible,etce
n’estpas leplusétrange.Le faitd’être sensibleestplutôtnormal, je suppose,maiselle est juste siréceptive.Jenesuispasl’undesesamisnisafamille,orvoilàqu’elleprojettesesémotionscommesi je la connaissais depuis toujours. Elle n’a pas peur de memontrer ce qu’elle ressent ; elle nesemblepasdérangéeparlefaitd’êtremiseànuedelasorte.TheresaYoungestuntelmystèrepourmoi,ahurissant.Elleestsispontanéeetfragile,toutenétant
réservéeetsolidecommeunroc.Jen’arrivepasàlacerner,c’estvraimentétrange.Lafacilitéaveclaquelleellemepermetdelavoirainsiestsansdouteattachante,maisc’estquandmêmeétrange.Jeproposecalmement:–Tupeuxrestericicettenuitpuisquetun’asnullepartoùaller.
Tessasecouelatête,lesmainssurseshanchesrondes,etellemefusilleduregard.J’aienviedeluidirequepeut-êtrejesuisdésoléd’êtredurenverselle,quepeut-êtreparfoisjedisdelamerdequejenedevraispas,maispourquoiutiliserdel’énergieavecuneinconnue?Ellenemeconnaîtpasetnemeconnaîtrajamais.–Non!Merci.Quandelledisparaîtauboutducouloir,jesaisislecadredelaporteetluisouhaitesilencieusement
unebonnenuit,sachantquepourmoiçaneserapaslecas.–Tessa.Jemurmuresonnom,pasvraimentcertaindevouloirqu’elleentende.
Ç
10Depuis le toutdébut, ilavait toujoursétéborné.Elleactionnadesressortsqu’ilneseconnaissaitmêmepaset lui fitvoir lemondesousunautrejour.Ilnes’étaitjamaisattenduàcequequelquechoseressortedecepetitjeu,etilnecompritjamaisàquelpointchaqueregardd’elleetchaquesourireletransformaient.Dèsledépart,iljouaunrôledeprotecteurvis-à-visd’elle,saufqu’ilneserenditpascomptequesonrôledevenaitcontrôle.Ilessayadeluttercontreça,maisiln’étaitpasassezfort.Jusqu’àcequ’ilsoittroptard.
. .afaitmaintenantvingtminutesqu’elleestpartieencolèreetjenelatrouvenullepart.Pourquoine peut-elle pas tout simplement être commeMolly ou toutes ces autres filles avec qui j’ai
couchéetrevenirencourant?D’oùsort-ellecettedétermination?La connaissant – dumoins d’après le peu de choses que je sais sur cette fille – elle va démolir
chaqueidéereçuequej’avaisàproposdesfillesengénéral.Putain,génial.Çarisqued’êtredrôle.Loganentredanslacuisine,unebouteilledevodkadanslesmains.–Elleestpartie,mec.Partie?Ellen’auraitpasvraimentfaitça.Ellenesaitmêmepascommentretourneraucampuset
sonvieuxportableneluiserad’aucuneaidesielleseperd.–Impossible.Jesecoue la têteetsaisisungobeletvide.Quandje tourne le robinet,Natem’observe,unsourcil
arquéetunpetitsouriredébilesurlevisage.Jeluidemandeenfaisantcoulerl’eau:–C’estquoitonproblème,enfoiré?–Rien,mec.IlrigoleetéchangeunregardbizarreavecLogan.Mesmainss’agitententreeuxdeux.–J’ailoupéunépisode?–Non.Loganposesamainsurmonépaule.Jem’écarte.–Pourquoitulacherchesexactement?–Àtonavis?Je lui réponds rapidement,n’ayantpasencoredécidési jedois leurmentiroumeservirdupari.
Oui,jesuistoujoursàfonddanslejeu,maisàcemomentprécis,jeveuxjustesavoiroùelleest.Nate donne un petit coup de coude àLogan, commemes camarades etmoi avions l’habitude de
faireàl’écoleprimaire.–Biensûr.Ben,elleestpartieentoutcas.Jel’aivuesortirdelamaison.–Ettul’aslaisséefaire?–Laissée faire ?Qu’est-ceque çapeutme foutre si elle sort et sebarre ? Jepensais que tu t’en
foutrais…Enfinjecroyais.LesyeuxdeNatecroisentceuxdeLogan.–OùestZed?J’espèrequecettequestionleurferacroirequelefaitqu’ilpuisseavoirunelongueurd’avancesur
moiestlaseulechosequimepréoccupe.Tousdeux secouent la tête ethaussent les épaules,puis reviennent à leurs conneries commes’ils
n’enavaientdéjàplusrienàfoutre.Jem’éloigned’eux,lespoingsserrés.Elleapeut-êtreappeléunamipourvenirlachercher?Mais
cettefillea-t-elleseulementdesamis?C’estlegenredefillehautaineavecquipersonnenesouhaiteêtreami.Commemoi,dansunsens.Exceptélefaitqu’elleestunpeuplusaimablequemoi.Justeunpeu.Elle ne peut quand même pas être assez stupide pour faire cinq kilomètres à pied jusqu’à sa
chambre.Assezstupide?Non.Asseztêtue?Putain,oui!J’inspecteune fois deplus le couloir à l’étage, histoire d’être bien sûr qu’elle n’est plusdans la
maison.Machambreestvide;j’espéraisqu’elleauraitfaitl’emmerdeuseens’introduisantànouveaudansmachambre.J’avaisespoirdelatrouverassisesurmonlit,undemeslivresàlamain.Maisnon,évidemment.Ilafalluqu’ellesoit incroyablementbornéeetqu’ellesortedelamaison.
Seule.Bordeldemerde,elleestentraindemarchertouteseuledanslesrues.Quelgenrede…Putain,cequ’ellem’énerve!Onn’auraitpaspuchoisirunefillepluscompliquée
pourlepari!Franchement.–Nate!Jecriesonnompar-dessuslamusiquetoutenmeruantdanslesescaliers.–Quoi?T’espressé?Il me gratifie d’un petit sourire. Je ralentis en atterrissant en bas des marches. Je dégage mes
cheveuxdemonfront.–Nan, j’ai juste… Je cherche juste la petite brune. Celle avec un débardeur noir et des nichons
énormes.Jeportemesmainsdevantmapoitrineetmimelecorpsdecettefilleimaginaire.Natebaisse lesyeuxetsourit.Jepeuxpratiquementvoir lesmots tatouésà l’intérieurdesa lèvre
inférieurequandilmerépond.–Oh,jevois.Iladresseunclind’œilàLoganquisemarre.–Ok,ehbien,jevaisallerlachercher…Jemedétournerapidementd’eux.J’entendsleurspetitscomméragesdemerdes’évanouirdansles
airstandisquejem’éloigne.Jequittelamaisonsansmeretourneretmontedansmavoiture.Lesruessontvides.Complètementvides.Etellen’estnullepart.Aprèsplusieurstoursdequartier,jedécidedemerendredirectementauxdortoirs.Elledoityêtre
maintenant.C’estsûr.Quandj’arrivelà-bas,jemerendscomptequejesuisdehorsdepuisdeuxbonnesheuresmaintenant.
Unefoisdevantsachambre,j’ouvrelaportesanshésiterettombesurStephetTristanallongéssurle
lit.Ellearetirésont-shirtetsesmainsparcourentsontorsenu.Elledécollesabouchedelasienneetseredresse.–Jepeuxt’aider?Stephpassesalanguesurseslèvres,étalantlesdernièrestracesderougeàlèvressursabouche.–OùestTessa?Tristanrécupèresont-shirt,maisStephleluiarrachedesmainsetlebalancesurlesol.J’insiste:–Alors?–Pasici.Onl’acroiséesurlaroute.StephcollesabouchedanslecoudeTristan,etj’aiunhaut-le-cœur.–Croisée?Vousl’avezvueentraindemarcheretvousnel’avezpaspriseavecvous?Excédé,jemepenchepourramasserlet-shirtdeTristanetleluijettedessus,recouvrantleursdeux
visagesàlafois.Tristans’écartedulitetjereculeverslaporte.–Stephm’aditdenepasm’arrêter.Tristanmeparleenserhabillant.Jemetourneverselle.–C’estquoicebordel?–Ellevabien.Çanepeutpasluifairedemaldemarcherunpeu.Stephricane,maisTristanlabousculeetluiadresseunregardréprobateur.–Hé!Stephlèvelesyeuxauciel.–Rhabillez-vous,touslesdeux,etdégagez!Ellenedevraitplustarder.–C’estmachambre!Jenebougeraipas.–Allez!Jechercheunebonneraisonpourlafairepartir.J’aibesoinderesterseulavecelle.–Pourquoifaire?Labaiser?Ellerigole.–J’ytravaille,ouais.–Allezviens.Nateneserasûrementpaschezmoi.TristanpasselescheveuxdeStephderrièresesoreilles.Ellesouritetacquiesceensecouantlatête.Unefoisseuldanslachambre,jem’assiedssurlelitdeTessa.Etalorsquejemedemandesi,par
curiosité,jefouilledanssesaffairesounon,laportes’ouvre.Lavoilàdebout,dansl’entrée,setenantcommesi elle avaitprisde lahauteur, lespoings serrés.Sesyeux sontdilatés ; elle semble sur lepointd’exploser,maisavecunénervementprudemmentretenu.Jeluisourisetellefondenlarmes.–J’ycroispas!C’estuneplaisanterie?Savoixestforteetstridenteetelleagitesesmainsdanslesairs.Jeluidemandecalmement,d’unton
àl’opposédesonénervement:–Oùétais-tu?Çafaitdeuxplombesquejetourneenvoitureàtarecherche.–Quoi?Dequoiparles-tu?Sonexpressionestunmélanged’exaspérationetdeconfusion.Sesjouessontrosiesparl’airfrais
etsescheveuxemmêlésparleventneressemblentplusàseshabituellesbouclesétudiées.Jeluttepourtrouveruneexplicationplausible,maisuneseulechosemevientàl’esprit.–Jepensesimplementquecen’estpasunebonneidéedesebaladertouteseulelanuit.Ellepiqueunfourire.Ellehurlederire,voilàsaréaction.Qu’est-cequinetournepasrondchez
elle?Sonrireesthystérique,rienàvoiravecsonsourirecontrôléetsespetitsrirescrispéshabituels.
Elleal’airàmoitiéfolle.–Barre-toi,Hardin…S’ilteplaît,barre-toi!Sonrires’amplifie.–Theresa,je…Descoupssurlaportem’interrompent.Lavoixd’unefemmesefaitentendre:–Theresa!TheresaYoung,ouvrecetteporteimmédiatement!–OhmonDieu,Hardin,cache-toidansleplacard.Tessachuchoteenm’attrapantparlebrasetenmefaisantdescendredulit.–Çavapas? Ilesthorsdequestion que jemecachedansunplacard.Tuasdix-huitans tout de
même!Tessaserueverslemiroir,inspecteméticuleusementsonvisageetrecoiffesescheveuxemmêlés.
Puiselleseprécipiteàl’autreboutdesachambreavecuntubededentifricedanslamain,presseunebonnedoseetenétalesursalangue.J’ail’impressiondevoiruneadoquivientdesefairesurprendrepar samère en train de faire lemur. Aumoment d’ouvrir la porte, elle est paniquée. Quand elletournelapoignée,samaintremble.–Hé!Qu’est-cequevousfaiteslàtouslesdeux?Tessaquestionnesamèrequientredanslapièce.Samèreinspectelachambreunbrefinstant,puis
uneautrepersonnenousrejoint.C’estlemecdeladernièrefois.Noah.Lamère deTessa se dirige droit versmoi,mais je suis bien trop concentré sur lemec.Le petit
copaindeTessa.L’infâmeNoah.SescheveuxblondssontlégèrementplusclairsqueceuxdeTessa,etsoncardigantoutlisseestnouéautourdesonpantalonkakisoigneusementrepassé.C’estdinguequ’àuneheureaussimatinale,cemecsoitaussipimpant.OndiraitunepoupéeKen touteneuve,encoreemballéedanssonpaquet.Maispourquoiest-illà?Sérieusement?A-t-ilappelésamamanenseprenantpourun«flicdelamorale»?Samèreprendunegrandeinspirationetévacuetoutesacolère:–Alors, c’estpourçaque tune répondspasau téléphone?Parcequece…ce…–elle agite ses
mainsdelamêmemanièrequesafille–cevoyoutatouéestdanstachambreàsixheuresdumatin!Voyoutatoué?C’estquoileproblèmedecettefemmeavecsesinsultesd’écolematernelle?LesépaulesdeTessasecrispent,etjevoissondosseraidir,prêteàaffronterunautreround.Eh bien au moins, je sais d’où Tessa tient ses jugements pourris. Et aussi de qui elle tient sa
silhouette,sescourbesetsontempérament.Sesyeuxlancentdeséclairs,maislafemmenesemblepasremarquerquelesonglesdesafilles’enfoncentdeplusenplusprofondémentdanssespaumes.Niàquelpointlapeaudesoncouestdevenuerose.Ellesemblenerienremarquerdutout.ToutcommeMonsieurBeaugosse.Ça m’énerve… que Tessa soit réprimandée parce qu’elle se comporte comme n’importe quelle
étudiantenormaleàl’université.Lepire,c’estqu’elleestbienplussagequelaplupartdesgensquejeconnais.Samèredevraitêtrefièred’elle,pourtantellefulmine.–Alorsc’estçaquetufaisàl’université,jeunefille?Turestesdebouttoutelanuitetturamènesdes
garçonsdanstachambre?CepauvreNoahsefaitunsangd’encreàcausedetoi,etnousfaisonstoutcetrajetenvoiturepourquoi?Pourtetrouverentraindetedévergonderavecuninconnu?Inconnu?Cette façon qu’aNoahde reculer doucement vers la porte, l’air de rien, tandis que la
femmehurledeplusbelle…Ondiraitqu’onluiaencorepluslavélecerveauquecettechèreTessa.Je ne peux pas m’en empêcher ; je prends la parole avant même que Tessa n’ait le temps de
répondre.–Enfait,jeviensd’arriver.Etellenefaisaitriendemal.Tessameregardeinterdite,commesij’étaismaladedetenirtêteàsamèrequi,desoncôté,semble
nepasenrevenirnonplus.Leursairsperplexesmefontrireintérieurement;cesgensn’ontaucuneidéedequoijesuiscapable.–Pardon?Jenevousaipasadressélaparole.Jemedemandemêmecequequelqu’uncommevous
faitlà,àtraînerautourdemafille.Lepauvretyperestesilencieux,danssoncoin.Évidemment.–Maman!Tessaessaiedeparaîtreaussimenaçantequepossible.Ellemeregardebrièvement, sesyeuxsont
plusdursqued’habitude.Jenesaispassilafureurquiémaned’elleestdueàlagêneouàlacolère.Samèreneselaissepasintimiderpourautantetsiffle:–Theresa,tunetecontrôlesplus.Tuempestesl’alcool,etjeneseraispassurprisequetusubisses
l’influencedetacharmantecolocataire,etlasienne.Ellemefixedroitdanslesyeux.Enpointantundoigtaccusateurversmoi.Siellemeconnaissait,ellerangeraitimmédiatementcedoigt.Tessaintervientmaissembleabattue
etépuisée:–J’aidix-huitans,Maman.C’estlapremièrefoisquejeboisetjen’airienfaitdemal.Jenefais
quecequefonttouslesétudiants.Jesuisdésoléepourletéléphone,jen’avaisplusdebatterie.Etjesuisdésoléequevousayezfaittoutcetrajet,mais,rassurez-vous,toutvabien.Etelleselaissetombersurunechaise.Jen’aimepasleurfaçondelamettremalàl’aise.Jenela
reconnaispasquandelles’assied,attendanttimidementlaprochainerafaledelaconnasse.Jenebougepas.Mêmequandlesyeuxfoudroyantsdecettefemmeseposentdenouveausurmoi.–Jeunehomme,pourriez-vousnouslaisseruninstant?Elle neme pose pas vraiment la question.Et son « jeune homme» a l’air poli comme ça,mais
soyons clairs, elle essaie juste de faire un truc de garce. Ellememéprise totalementmais tout enrestantconvenable.J’aigrandiàcôtéd’enfantsriches;jeconnaiscetruc.JeregardeTessapourm’assurerqu’ellecomprennequejenepartiraipas,àmoinsqu’ellenesoit
d’accord pour rester seule avec samère et son copain.Elle secoue la tête,mais je peux lire de laconfusiondanssesyeuxgris.Jesors,commeilmel’aétédemandé,lapoitrineenfeu.
J
11Quandilcommençaàlavoirdanssesrêves,celaleterrifia.Elles’insinuaitpeuàpeudanssonêtretoutentier,prenantchaqueparcelle de son corps, puis s’enfuyant avec. Penser aux choses qu’elle pourrait lui faire, une fois glissée dans sonsubconscient, le terrorisait. Il ne le souhaitait pas,mais n’avait pas la force de lutter. Il s’était toujours considéré commequelqu’undefort,quicontrôlaittout.Jusqu’àcequ’ellearriveetgagnelabataille.
. .’attendsavecimpatiencequelaportedelachambredeTessas’ouvreetquesamère,escortéedeson larbin, s’en aille. Plus les minutes passent et plus je me pose de questions sur ma santé
mentale.Pourquoisuis-jeentraindel’attendre?Quevais-jebienpouvoirluidirequandsesvisiteursseront
partis ? Voudra-t-elle au moins me parler ? Peut-être que oui, si je m’excuse de l’avoir laisséem’embrasser.Celarésoudraitsûrementtouslesproblèmes.Finalement,laportes’ouvre.Samèresortetjetteunregardsévèredansmadirection,alorsqueje
metiensadossécontrelaportevoisine.SursestalonsarriveTessa,samainconfortablementlovéedanscelledeNoah.Jemeredresse.Jenesaispasquoidire,maisj’aibesoind’intervenir,defairequelquechose.–Nousallonsfaireuntourenville.Quepuis-jefaired’autresinonacquiesceràcequeditTessaetleslaisserpartir?Je ne peuxdétournermon regardde lamaindeTessa dans celle de sonpetit ami.Elle rougit et
s’éloignetandisquesamèrem’envoielesourireleplushypocritedumonde.J’entendsMonsieurBeaugossedireàTessa:–Vraiment,jen’aimepasdutoutcetype.–Moinonplus,répond-elledoucement.Tantmieux.Carmoinonplusjenel’aimepasvraiment.
. .ARRIVÉDANSMAVOITURE,monportablevibredansleporte-gobelet.Jel’attrape,voislenom
deMollys’afficheretréponds.Elleneprononcequetroismots–enviedetoi–etraccroche.Cinqminutesplustard,j’entredansl’appartementdeMollysansfrapper.Sacoloc,lesyeuxmi-clos
sousune lourdecouchedemascara,mefixe,de la fumées’évadedesabouche.Elle tireuneautretaffesursacigarette.–Elleestdanssachambre.Molly est allongée sur son lit, la têteposée surunepiled’oreillers, les jambesnues écartées.Sa
chambreestpetite.Lemurbleucielestcouvertdephotosdemagazinesdemode,principalementdesphotos ennoir et blancqu’elle a découpées et scotchées.Son lit est près dumur, à l’opposéde la
porte, et sa chambre n’a pas de fenêtre. Je détesterais vivre emprisonné dans une chambre sansfenêtre.Pasétonnantqu’ellenesoitjamaislà.D’ungeste,ellem’indiquedelarejoindresurlelit;sescheveuxrosessontendésordre,ramenés
surlehautdesatêteenunchignondéfait.–Tiens,tiens,tiens,regardezquiestlà.Ellesemoquedemoietjem’assiedsprèsd’elle.Elleremontesajupepourmedévoilersessous-
vêtementsnoirs.Puis,avecsesmains,ellefaitglissersesbaslelongdesescuissesenfaisantroulerlesbordsendentelle.–Jeterappellequetuviensdem’appeler.–Ettuesvenu…Sesmotsmurmuréssonnentd’untonsarcastiqueetfier.–Netefaispastropdefilms.Jem’ennuyaisettuétaisdisponible.Jehaussedesépaulesetlaregarde.Sessourcilssefroncent,ellefaitsemblantd’êtrecontrariée.–C’estvrai.Ellerigoleetjesecouelatêtedevantsoncomportementeffronté.LamaindeMollyestfroidequandellem’attrapelebraspourm’attirerverselle.Lescicatricessur
sespoignetsressortentàlalueurdesalampedechevet.Seslèvresseposentsurmoncouetj’essaiedenepaspenseràcellesbiencharnuesdeTessa.Elle
grimpesurmoietsesmainsatteignentlesboutonsdemonjean.Ellelesfaitsauterrapidement,puisbaissemonjeanetmonboxerlelongdemesjambes.Jemeredressepourl’aideràmedéshabillertoutenessayantdemeconvaincrequej’enaienvie.C’estmarrant.C’estlegenredechosesquelesgenscommemoiaimentfairepours’amuser.LespauméscommeMollyetmoi.J’aimesproblèmes,ellea les siens–desproblèmesqu’ellen’aheureusementpas tentédemeraconter.Desproblèmesauxquelsjenem’intéressepasassezpourenvisagerdeluiposerlaquestion.Jesaisqu’onestpareils.Pasbesoind’ensavoirplus.Salanguelècheettitilleleboutdemaqueue.Jen’aimepasquel’onmetitille,alorsj’attrapeune
bonnepoignéedesescheveuxrosesetlaguidedemanièreàcequ’elleprennetoutdanssabouche.Elles’étouffeetjerelâchemonétreinte.Jesaisqu’elleaimequandc’estbrutal–enfait,plusbrutalencorequejeseraidisposéàl’êtreavecelle,jamais.LescheveuxdeTessasontépaissousmamain.Jetiredessusenserrantplusfort.Saboucheestsi
humide,sichaude.Salangues’enrouleautourdemoiplusagressivementquejen’auraisimaginé.Sesmainsdescendentdoucementvers lebasdemescuisses ; sesongles sontplus longsquedansmessouvenirs.Ellegémitmonnomsurunenoteaiguëavantdemereprendredanssabouche.Unnouveaucoupdelanguem’attireentreseslèvres.–Putain,Tessa.Aumomentoùjeprononcecesmots,leslèvrespulpeusesdeTessasedégonflent.Mollysecrispeinstantanémentets’écartedemoi.–Sérieux?–Hein?Jemeraclelagorge.Ellelèvelesyeuxauciel.–J’aibienentendu…–T’as rien entendudu tout, etmême si c’était le cas, ne fait pas commesi tunem’avais jamais
appeléLog…
–Laferme!Elleagitefrénétiquementlamain.–Tuveuxquejetermine?Et juste comme ça, son ton change et redevient coquin. Je réalise qu’elle me regarde avec une
expressionétrangementsympathique,commesielleavaitpitiédemoiouuneconneriedanslegenre.Cetteidéemefaitpéterunplomb.Elleestaussiseuleettimbréequemoi…Pourquiseprend-elle
pouravoirpitiédemoi?–Non.Je remontemon jean.Ellea toujoursce regardquand jeme lèveet rangemonportabledansma
poche.Macolèren’aaucunintérêtpourelle.–Jeneteraccompagnepas.Ellesemarreetredevientelle-mêmeuninstant.–Soisprudentaveccettemerde.Lesfillescommeellenefontpasleurvieavecdestaréscommetoi.Ellemeregardeencoreplustristementetmedonneenviedegerber.Jesaisqu’ellen’essaiemême
pasdem’insulter–elleestjustefrancheethonnête,maisjen’aipasbesoindesesconseils.Jeneveuxpas«fairemavie»avecTessa.Jeveuxlabaiseretgagnerlepari.C’esttout.Sansrienrajouter,jemebarreetrentrechezmoi.
L
12esmartèlementsà laportene s’arrêtentpas.L’hommequi se trouvederrièrecriemonnom,etj’essaie de faire le moins de bruit en pénétrant dans le placard pour me cacher. Je referme
doucementlaporteetattends.Jemebouchelesoreillestandisquelescoupssefontplusforts.Savoixhurle.–Sorsd’icitoutdesuite!Monpèreestencoreivre;commeill’esttouslessoirsmaintenant.Underniercoupportéavecsonpoingfaitrompreleboisdelaporte,etcecraquementdéclencheune
déchargeélectriquelelongdemacolonnevertébrale.Jedétesteavoirpeurdelui.Jenedevraispas.J’aidouzeansetjesuisplutôtgrandpourmonâge.Jedevraisêtrecapabledemedéfendretoutseul.Pourquoiai-jesipeur?Parcequejemesensvraimentpathétique.Sa voix se mêle à celles des autres hommes… sont-ils ici, de nouveau ? Je n’en suis pas sûr.
Normalementnonpuisqu’ilestlà,maispeut-êtrequ’ilnenousprotégeraitpasquandmême.Laporteduplacards’ouvre.Jemeblottistoutaufond,acculéaumur,n’ayantnullepartailleursoù
mecacher.
. .Jemeréveilleensursaut,hurlantseuldanslapiècevide.Çavabientôtfairetroisjoursd’affiléeque
jesuisenfermédanscettechambreetpersonnen’aappelé,personnen’estvenufrapperàmaporte.Ducoup, j’aipuavancerdansmon travail. Jen’aipasenviedemeprécipiterverselle. Jen’aipasenviedevoirZednilesautres.Euxnonplusnesontpasvenusversmoi.Voilàcequiarrivequandonestinvisible:personnen’enarienàfoutredevous,etvousn’enavez
rienàfoutredesautres.J’attrapemont-shirtnoircrasseuxsurlesolprèsdemonlitetm’enserspouressuyermonvisage
ruisselantdesueur.Mescheveuxsonttrempésetmavisionestfloue,mélangeantlepasséauprésent,etgardantmonavenirinexistanthorsdecebordel,pourl’instant.Je suppose qu’« inexistant » n’est pas tout à fait correct. Je deviendrai l’un de ces hommes qui
travaillenttrop,baisenttropetretrouventunemaisonvideenrentrantlesoir.Jegagneraibienmavie,achèterai unemaison encore plus grande que celle deKen et ne l’y inviterai jamais.CommeDonDraperdanslasérieMadMen.Justepourprouverquelquechose.Jenesaispasquoi,maiscettechoseestlà.Quelquepart.Jemecassedecelitdèsaujourd’hui.
. .LORSQUEJ’ARRIVESURLECAMPUS, je pars immédiatement à la recherchedeTessa.Çava
faireunpetitmomentque jene l’aipas croisée. Jemedemande siZed l’avue…A-t-il gagnédespointspendantquejem’étaisisolé?Noussommesenmilieudematinée,doncelledevraitsortirducoursdelittérature.Àmoinsqu’elleaitséché…Commesic’étaitpossible.J’arriveaubâtimentjusteaumomentoùlecourssetermine,etàtemps
pourlavoirsortirdelaclasse.Sescheveuxontl’airdifférents.Ellelesajustecoupés,ondirait.C’estjoli. Presque pareil, mais la différence est suffisante pour que je le remarque. Je me demande siquelqu’un d’autre s’en est rendu compte…mais quand je vois son acolyte Landonmarcher à sescôtés,jecomprendsqu’évidemmentlui,anotéladifférence.Jemarchederrièreeuxetlance:–Tut’esfaitcouperlescheveux,Theresa.Surprise,elleseretourneetmesaluerapidement.–Salut,Hardin.Elleaccélèrelepasetseschaussuresplatesfontdespetitscouinementssurlesolcarrelé.Pourquoi
est-ellesipressée?Et soudain je comprends : elle ne veut pas que son petit copain angélique ici présent apprenne
qu’ellem’aembrassé.Qu’elles’estpratiquementjetéesurmoi.Je prends son malaise comme un défi que j’ai envie de relever. Je lui demande avec un grand
sourire:–Tuaspasséunbonweek-end?Enguisederéponse,elleattrapeLandonparlebras,l’attireàelleets’éloigneencoreplusvitede
moienmecriantpar-dessussonépaule:–Ouimerci.SalutHardin,àplus.Ilssortentparlaporteprincipaleetjeleslaissepartir,mondésirpressantdelavoirs’estdissipé.Jedécidederetourneràmavoitureet traverselecampus.Jeréalisequ’allerencoursmesemble
tropdifficilemaintenant.Quelquesminutesplustard,jetombesurZedassissurunbancenfacedubâtimentdessciences,une
cigaretteentreleslèvres.Illèvelesyeuxversmoi,toutenexhalantlafumée.–Hé.Jenesaispassijedoism’asseoiroucontinuermonchemin.–Hé.–Tuasprogresséaveclafille?Jemens.–Ouais,unpeu.Ettoi?J’attendspatiemmentsaréponsetandisqu’iltireuneautretaffe.–Nan.Jemesensunpeubizarreparrapportàça.Pastoi?–Nan.Je lui répondsavec lemotqu’ilutilise tout le temps.C’est toujours«nan»ceci et«nan»cela,
commesirienn’était jamaisassezbienpourretenirsonattentionouquetoutétait tropinsignifiantpourqu’ilprononceunvraimot.Zedhausselesépaules,etjedécidederetrouverTessamaintenantpendantqu’ilresteiciàjouerles
petitesbitesetàfumertropdecigarettes.Jehaisl’odeurdesclopes–çamerappellelamaisondemamère. Enfant, je pouvais à peine respirer à travers l’épais nuage de fumée qui régnait dans notre
salon.Etjepeuxpresqueencoresentir lestraînéesjaunesetcollantesdugoudronquirecouvrait lepapierpeintdécolorédusalon.Pour passer le temps, je m’arrête prendre un café mais finis par l’engloutir en moins de deux
minutes.Leliquidemebrûlelagorge.Jemedemandepourquoijesuisaussianxieux.Aprèsm’êtrelevésansbutprécis,jedécidedemerendreaubâtimentdeStephtoutenprenantmon
tempssurlecheminpourregarderlesgenss’affairersurlecampus.Descouplesmarchentmaindanslamain,desgrossestêtesdiscutentengroupe,toutexcités,unebandedesportifsBCBGserenvoientunballon.C’enesttrop.Danslecouloirquimèneaudortoir,jerepèrelescheveuxrougesdeSteph.Ellelèvelamain:–Hardin!Tumecherchais?–Pasvraiment.Jejetteunregardàl’autreboutducouloir,puisverslaportedesachambre.–Ah,j’aicompris.Ok,jevaism’éclipserpourquetupuissespasserunpeudetempsavecelle.Ellerigoleetajustesondécolleté.Elles’éloigneetalorsqu’elles’apprêteàsortir,elleseretourne
ethurle.–Derien,connard!–Pourquoijedevraisteremercier?Jemarmonnetranquillementavantdetoqueràlaporte.J’entendsdupapiersefroisseretunlivreserefermer.Mespassedirigentverslaporteetjevérifie
monhaleineensoufflantdansmont-shirt.Qu’est-cequejeviensde…–Stephn’estpasrentrée.Tessamelanceçaaussitôtlaporteouverte.Bizarrement,ellenemeregardepasuneseulefoisavant
deretournerverssonlit–etnemeclaquepasnonpluslaporteaunez.C’estunbondébut.–Jepeuxattendre.JemelaissetombersurlelitdeStephetregardeducôtédelachambrequiappartientàTessa.–Faiscommetuveux.Ellesoupireavantderetournersecoucheretremonterlacouverturesursatêtecommeuneenfant.
Jerigoleenobservantsoncorpsimmobileetmedemandecequiluipasseparlatête.Est-elleentraindepratiquerunesortederituelmagiqued’inversioncensémefairedisparaîtreouquelquechosedanslegenre?Je pianote des doigts sur la tête du lit de Steph en espérant l’ennuyer suffisamment pour qu’elle
m’adresselaparole.Aucuneréaction.Maisquandunealarmesemetàsonnerquelquesminutesplustard,elletendunbrassoussacouettepourl’arrêter.Doit-elleserendrequelquepart?Avecqui?–Tuvasquelquepart?–Non.Jefaisaisunesiestedevingtminutes.Aumomentoùelleseredresse,lacouetteretombeetrévèlesonvisageempreintdedignité.–Tumetstonréveilpourêtresûrequetasiestenedurerapasplusdevingtminutes?Jerigoletoutenrêvantd’avoirmoi-mêmeunpeuplusdetempsdesommeilparfois.–Ouais.Çatedérange?Je la regarde prendre ses livres et les poser soigneusement sur son bureau, dans l’ordre de son
emploi du temps. Je ne suis pas censé comprendre pourquoi elle fait ça, pourtant c’est le cas. Il
sembleraitquejesachepasmaldechosessurelleaprèstout.Elleprendensuiteunpetitclasseuretleposeprèsd’unepiledelivressoigneusementalignés.Putain,cequ’elleestmaniaque.Jesuisunpeudéconcerté.–T’asdesTOCouquoi?–NonHardin.Onn’estpasnécessairementfouparcequ’onaimeleschosesordonnées.Iln’yapas
demalàêtreorganisé.Elleestsicondescendante.Enfait,c’estunefilletrèsdésagréable,soussonapparenceadorable.Je
me marre à l’idée qu’elle s’imagine sûrement être absolument parfaite et distinguée alors qu’enréalité,ellea l’undespirescaractèresquejeconnaisse.Ellecritiquelesgenscommesic’étaitsonjob.Jem’approche d’elle à la recherche d’un nouveaumoyen de la déstabiliser.C’est si facile de la
provoquer, çanedevraitpasêtrecompliqué. J’examine rapidement sachambre impeccable, son litparfaitementfait,couvertd’unesoigneusepiledepapiersetdemanuels.Bingo!Jem’empared’unepiledepapierssursonlitaumomentmêmeoùsonregardseposesurmoi.Elle
baisse les yeux et essaie de réfléchir à un moyen de m’en empêcher. Elle tend la main pour lesreprendre,mais je laprovoqueen levant lebrasplushautpourqu’ellenepuissepas les atteindre.Alors que je me demande jusqu’où je dois poursuivre ce jeu, je reste bloqué sur sa respirationsaccadée,sapoitrinequisegonfleetsalèvretremblantedecolère.Jesensunesorted’excitation.J’aienvied’allerplusloin.Pastroppourlamettreencolère,maisjusteassezpourl’embêteretlarefairecraquer.Jebalancelespapiersenl’airetobservelespagesblanchesflotterdanslachambreavantderetomberendésordresurlesol.Saboucheestgrandeouverteetsesjouesrougesdecolère.–Ramasse-les!Je lui adresseunpetit sourirenarquois etmedemande si elle croit vraimentque jevais faire ce
qu’ellem’ordonnesèchement.Peut-être,sielleacceptaitdeprendremaqueuedanssabouche.Encoreplusprovocant,j’attrapeuneautrepiledepapiersetlesdispersesurlesol.–Hardin,arrête!Savoixmenaçantesiffledansl’air.Jerecommence,maisellemesurprendenmefonçantdessusetmepoussehorsdulit.–Ondiraitquetun’aimespasqu’ontoucheàtesaffaires,hein?Jememoqued’ellepour la provoquer.Elle est tellementen colèremaintenant, bien plus qu’une
personnenormaleneleseraitpouruntrucaussifutile.Ellehurleenmebousculantdenouveau:–Non!Eneffet!Jemenourrisdesacolère.Sonénergiemefaitsentirvivant.Jesuisaussiénervéqu’elle–etj’ai
besoindelaposséder.Là,toutdesuite.Jeluifoncedessus,attrapesespoignetsetlacoincecontrelemur.Ellemefixe,etàlamanièredont
sesyeuxpassentdelafrustrationàl’excitation,jesaisqu’elleestsurlepointdecéder.S’ilyabienunechosequejesaisàproposdesfemmes,c’estquandellessontexcitées.EtTessal’estclairement.Commemoi,lacolèrelafaitvibrer.Ellemeregardedanslesyeuxavantdefixermabouche.C’estlesignequ’elleveutqueçaarrive,jelesais.Elleagraveenviedemoi.Ellenem’aimepeut-êtrepas,maiselleestattiréeparmoi.J’aienviedeluidirequec’estréciproque.Jelafixeàmontouretveuxluiexprimerquejenel’aimepasnonplus,quecettechoseentrenousn’estquepurdésir.Quenoussommessurlamêmelongueurd’onde.Qu’ils’agit justed’uncomportementpulsionnel–undegrétrèsélevédedésir,certes,maisdudésirquandmême.
–Hardin,s’ilteplaît.Ellechuchote,savoixestfaible.Ellemesuppliedepartiretdel’embrasseràlafois.Jelesaisparce
que j’aimoi-mêmeenviedem’enfuir leplus loinpossiblede cette fille.Mais je reste là, lesyeuxrivéssur sabouche.Sapoitrinesegonfleenmouvements frénétiques. Jemecolleàelle. J’ai justebesoindelatoucher.Aumomentoùmesdoigtseffleurentsapeau,ellepousseunsoupir.Ellemefixeetattend.Jerelâchemonétreintemaisutilisemonautremainpoursaisirsesdeuxpoignetsenmêmetemps.Le bout de sa langue pointe derrière sa lèvre inférieure, et je perds tousmesmoyens. Sonchuchotementestsifaible,sifragile,quejenesuispassûrqu’elleréalisel’avoirfait.Jel’aientendu,pourtant.Jel’aientendu,etj’ensuisbouleversé.Jepressemoncorpscontrelesienetlaplaquedoucementcontrelemur.Ellegémitaucontactde
maboucheetsesbrasglissentsurmesépaules.Salangueépouselamienneetbougeaumêmerythmequemeslèvresquiréclamentlessiennes.J’attrapelehautdesescuissesetl’attireversmoi.Jelatienscontremoietmoncœurbat sivite,putain.Ellem’excite tellementque jene saispas si j’arriveraijamaisàm’arrêter.LecorpsdeTessaesttoujoursaccrochéaumien,etsabouchenesedécollepaslorsquejenousdirigeverssonlit.Tessatiremescheveuxetçamerendcomplètementdingue.J’ail’impressionquechaqueparcelle
demon corps a été dispersée à travers la petite chambre ; puis elle gémit. Sa respiration devientsaccadée,entrecoupéed’incontrôlablesrâles.Jemerassiedssursonlitet l’entraîneavecmoi.Je ladéplacedemanièreàcequ’ellesepositionnesurmesgenoux,toutenconservantmesmainssurseshanches pleines. Je sais quemes doigts s’enfoncent dans sa peau, signe quemon corps essaie decomprendrecequiluiarrive.J’aidéjàfaitçaavant.Unmilliarddefois,putain!Alorspourquoinepuis-jepasmecontrôlercettefois?Avecelle,jen’yarrivepas.–Putain.Jemurmureensentantmaqueueforcerdansmonjean.Jeretiremesmainsdesatailleettiresurlebasdesont-shirt;ellegémit.Jedécollemabouchede
lasiennepourleluienlever.Monregardseposesursesyeux,seslèvrespulpeusesetsapoitrine.Sesseinssontserrésdansunsoutien-gorgenoir:pasdedentelle,pasdepaillettes,riendespécial.Justeunbasiquenoir.Siinnocent,sisimpleetnormalqu’ilendevientétrangementattirant.Jemordillemalèvre et prends sur moi pour ne pas l’arracher de son corps tout doux. Ses seins volumineux etgonflésdébordentdutissu.Jeremarqueungraindebeauté,là,justesoussondécolleté.J’aienviedel’embrasser.J’aienviedecouvrirsoncorpsentierdebaisersetdelagoûteravecmalanguepourlafairejouir.–Tuessisexy,Tess.Jesoufflesurseslèvres,danssabouche.Ellecouineetj’accueillecesonincroyable.Elle remuedeplusenplus fortcontremoncorpset jesensque j’aideplusenplusdemalàme
contrôler.Jepassemonbrasderrièresondosetl’attireencoreplusprèsdemoi.Soudain,Tessasautebrusquementdemesgenouxetattrapesont-shirt.Latransedanslaquellenous
étionsseromptimmédiatementtandisqu’elleremetsont-shirtettiredessuspourcouvrirsoncorps.Cen’estqu’àcemoment-làquej’entendslaportes’ouvrir.Comment a-t-elle fait pour l’entendre ? – n’était-elle pas aussi impliquée que moi ? Jamais je
n’auraispum’arrêter.MêmesisaflicdemèreetMonsieurBeaugosseétaientrentrésdanscettepièce.Maisnon,c’estStephqui se tient làet fait semblantd’avoir l’air choquée. J’aidéjàvuce regard
avant,etjemedemandeaussitôtsiZednel’apaspayéepourvenirnousinterrompre.
J’espère que Tessa n’est pas assez naïve pour l’apprécier ou croire qu’elle est son amie. LapersonnalitédeStephestencoreplusfaussequelacouleurdesescheveux.Lesmainssurleshanches,elledéclare:–Putain,j’airatéquelquechose?Jerépondsenmelevant:–Riendemémorable.Stephm’adresseunclind’œilpendantqueTessafixelemur,évitantmonregard.Sansmeretourner,jequittelachambre.Jenepeuxriendiredeplus,sinonj’explose.Mapoitrineestentraindemebrûleretmoncœurcogneincroyablementfort.J’ail’impressionde
devenirfou.Enpleine transe, je rentreà lamaison,m’enfermedansmachambreetdécidedeprendresur-le-
champladouchelapluslonguedetouslestempspouressayerd’oubliercombiencettefilleétrangeetprudeme renddingue.C’esten traindedevenirunvraibordel.Cen’étaitpascensésedéroulercommeça.Jen’étaispassupposéavoirenviedesaboucheautantquedesonâme.Nipenseràdestrucs comme la sentir tout étroite quand jem’introduirai dans son corps tout doux. Je n’étais pascenséprendremonpiedenimaginantmamaindanslasienne.J’étaissimplementsupposéobtenircequejevoulais,gagnerleparietavancerdansmafoutuevie.Aubout d’unmoment, l’eau commence à refroidir et je pose un pied sur le carrelage glacé.En
ouvrantl’armoireoùsetrouventlesserviettes,labouteilled’alcoolbruncachéeàl’intérieurparjenesaisquimesouritetmerappellelepouvoirqu’elleavaitsurmoi.J’airésistétoutcetempsavantd’êtreattiréparcettearmoire–pourquoimaintenant?Quelquepart,j’espéraisquel’undesmecsdelamaisonl’auraitterminéedepuis.Mais,secrètement,j’espéraisaussiquepersonneneleferait.J’aicemauditbesoindetoutcontrôlerdansmavie.Jusqu’ici,depuisquej’aiarrêtédeboire,j’ai
faitunputainde travailsurmoiafinderesterconscientetmaîtredemespenséesetdemesactes ;maislesyeuxgrisdeTessan’arrêtentpasdemefixer.Etsonespritbrillantnecessedemesupplierdedéverrouillerencoreplussessecrets.Labouteillem’appelle,jeclaquelaportedel’armoire.Jesuistoujoursenpleinepossessiondemesmoyens.JenelaisseraipasTessaoucetteputaindebouteillemecontrôler.Jenelaisseraipasçaarriver.Jefixeleplafondetatteinsfinalementmonlit.Jesaisdéjàquecettenuitvaêtrelongue.
. .C’ESTSOMBRE,SISOMBREdansceplacard.J’enaiassezdemecacherici,maisjen’ainullepart
ailleursoùaller.Lescrisdemamèrenes’arrêtentpas,etjen’arrivepasàlatrouver,peuimportelenombredefoisoùjel’aicherchéeenbas.Jel’entends,maisjenelavoispas.Jelesaivus,pourtant,leshommes.Jelesaivusetj’aientenduleurvoixrésonneràtraverslesmursdecettepetitemaison,àl’intérieurdematête.Lesportesduplacard s’ouvrent, et je recule. J’espèrequ’ilsnem’ontpas vu.Maisquelquepart,
j’aimeraisquel’und’euxarrêtesimplementlescrisdemamèredansmatête.Unemainseglisseà travers lepetitespace,et jechercheautourdemoiautrechosequ’uncintre
pourmedéfendre.Unevoixdouces’élèvedansl’obscurité:
–Hardin?Levêtementsuspenduaumilieubougelégèrement,etelles’avanceenmefixant.Tessa.C’estelle?Comment?–N’aiepaspeur,Hardin.Ellevients’asseoirprèsdemoi.Soncorpsestsichaudetsirassurant.Unefleurestposéederrière
son oreille. Elle attrapemesmains. Ses petits ongles sont incrustés de saleté et son odeurme faitpenseràunmagasindefleursouàuneserre.Lescrisdemamèreontcessé.Moncœurs’apaise. Ilpassede lapaniqueàunrythmepluscalme
tandisqu’elleenveloppemesmainsdessiennes.
. .LETEMPSd’arriver au campus, la caféine qui s’est diluée dansmon corps a aiguiséma vue et
m’aideàoublierlerêvetordudelanuitdernière.Quefaisait-ellelà?Pourquoirêverais-jedeTessa?Cen’étaitmêmepaslaTessademaintenant;
c’étaituneversionjeuned’elle,avecdesjouesrondes,desyeuxbrillantsetuneféminitérassurante.C’étaitbizarre–vraimentbizarre,putain–etjen’aipasaimé.J’aiaimédormir,pourtant.J’aiadoréêtrecapablepourunefois,depasserunevraienuitdansma
putaindevie.Etaujourd’huijemesens…ehbien…reposé?Merde!Pluscalmedumoins.Aucoursde littérature, jeprendsplace aupremier rang,prèsdedeux siègesvides. Je regarde à
l’avant de la salle et attends que le cours commence. Je résiste à l’envie de surveiller la porte, enattendantqu’ellearrive.Quelquesminutesplustard,jemeretourneenfinpourvoirTessaetLandonentrer.Ellesouritetn’a
d’yeuxquepourlui.Elleadéveloppéuneamitiéaveccegaminquivaau-delàdecequej’auraispuimaginer.Jen’étaispassurprisqu’ilsaientdesatomescrochus…maisjen’auraisjamaisimaginéquel’amitié
deLandondevienneuneplusgrandemenacequelacompétitionavecZedpourlepari.
C
13–eciestnotrederniercoursconsacréàOrgueiletpréjugés.J’espèrequevousaveztousappréciéceromanetpuisquevousaveztouslulafin,notredébatd’aujourd’huiporterasurl’utilisation
du pressentiment chez JaneAusten. Diriez-vous que le lecteur s’attend à ce qu’Elizabeth et Darcyformentuncoupleàlafin?LamaindeTessaselèveinstantanémentpourrépondreauproftandisquejem’enfoncedansmon
siège.Ellen’enratepasunepourfairelaMademoiselle-je-sais-tout.ToutcommeLandon…leparfaitpetitcoupled’Américains.–MademoiselleYoung.Leprofladésigne,etjevoissonvisages’illuminer.Elleaimetellementrendrelesautresheureuxet
leurfaireplaisir.Jepourraisfairetournerçaàmonavantage,sansaucundoute.J’interrompsmonmonologueintérieuretattendsavecimpatiencesondiscourssurcebonvieuxO
&P.Sielleestaussibrillantequejelecrois,celadevraitêtreintéressant.–Ehbien,lapremièrefoisquej’ailulelivre,j’étaisimpatientedesavoirs’ilsseraientréunisàla
fin,oupas.Sans blague. J’étais sûr qu’ils finiraient ensemble. Dès leur première rencontre, c’était écrit.
CommejesuiscertainqueTessaetleparfaitpetitLandonaurontunerelationidyllique.–Mêmemaintenant, et je l’ai lu aumoins dix fois, je suis toujours angoissée au début de leur
relation.MonsieurDarcyestsicrueletprononcedesmotssihaineuxàproposd’Elizabethetdesafamillequejenesaisjamaissiellepourraluipardonner,etencoremoinsl’aimer.Tessaafficheun sourirevictorieux, lesmains soigneusement repliées sur son livre.Ellen’attend
qu’unechose,que leprof luicaresse la têteet luidiseàquelpointelleestunemerveilleusepetiteélève.Landonlaregarde,ébloui,commesielleétaitsurlepointdesetransformerenarc-en-cieletdefairejaillirdespaillettescoloréesdesesdoigts.JevaislesfaireredescendresurTerre.Parle,Hardin.Mavoixrestecoincéedanslefonddemagorge.Toutcequej’aiàfaire,c’estprononcerquelques
mots.Jemesouviensdesparolesdemamère.Ellemedisaittoujoursdenepasm’inquiéter:« Respire, Hardin. Tu peux t’exprimer devant dumonde. Plein de gens sont anxieux en société,
Hardin.Tun’aspasàenavoirhonte.»Maismoi,jenesuispasphobiquesocial.Jen’aimepaslesgens,c’esttout.–C’estn’importequoi.Mavoixromptlesilence.–MonsieurScott?Vousvoulezajouterquelquechose?Leprofesseural’airvisiblementétonnédemaparticipation.–Oui…
Jemepenchesurmonsiège.LevisagedeTessadevient livide ;elleestchoquéemais tentede lecacher.–J’aidit,c’estn’importequoi.Les femmesveulent toujourscequ’ellesnepeuventpasavoir.La
muflerie deDarcy, c’est justement ce qui attireElizabeth, c’est donc évident depuis le début qu’ilsvontfinirensemble.À peine ai-je terminé de prononcer cesmots que je baisse les yeux et arrache nerveusement les
petitsboutsdepeauroseautourdemesongles.–Cen’estpasvrai,lesfemmesneveulentpastoujourscequ’ellesnepeuventpasavoir.Tessas’esclaffe.Jelaregardeaussigentimentquejelepeux.–C’estseulementparcequ’ilesttropfierpouradmettrequ’ilaimeElizabethqueMonsieurDarcy
semontredésagréableavecelle.Unefoisqu’ilcessecejeu,ellecomprendqu’ill’aimeréellement.Commepourponctuer sondiscoursenflammé,elledonneungrandcoupsur sonbureauavecsa
main tremblante.Tout lemondedans la sallea lesyeux rivés surnous.La sœurdemonpoteDanassiseaupremierrangm’adresseunlargesourire.Jesens le regarddesautresélèvesquimescrutent.Jedois répondrequelquechose. Il fautque je
parle.–Jenesaispasquelgenredetypet’attireengénéral,maisjepensequesiDarcyl’aimait,ilnese
montreraitpassiodieuxavecelle.Tout comme je suis certain que son petit ami actuel et le prochain, Landon ici présent, ne se
comporteraientpasainsi.Ilsnelaprovoqueraientpas.–Laseuleraisondesademandeenmariage,enfindecompte,c’estqu’ellen’arrêtepasdesejeterà
sespieds.Elizabeths’est-ellevraimentjetéeauxpiedsdeDarcy?Non,c’esttoutlecontraire.Tessasejette-t-elleàmespieds?Lànonplus,c’esttoutl’inverse.Maisjenepouvaispaslalaisserremporterceduelcommeça.–Ellenese jettepasà sespieds ! Il lamanipulepourqu’elle le trouveattirantet ilprofitedesa
faiblesse!–Illa«manipule»?Tun’asriencompris,elleest…Jem’interromps.Mesidéessemélangentetperturbentmondiscours.–Jeveuxdire,elleenatellementmarredecetteviemonotonequ’ellechercheunpeud’excitation,
etelleseprécipitesurlui.Jemarqueunepause,unpeuchoquéd’avoirhurlécesmots.Àtelpointquemesmainsdeviennent
bleuestantjem’agrippeauxcoinsduvieuxbureau.–Oui,ehbien,sicen’étaitpasunteldragueur,ilauraitpul’arrêterlapremièrefoisaulieudevenir
laretrouverdanssachambre!Àpeinesaphraseterminée,desmurmuresetdesricanementssefontentendreetindiquentquetout
lemondedans cettepièce est complètement captivépar le spectacle.Onaurait dûaccrocher sur laporte,danslecouloir,unpanneauavecl’inscriptionLECTUREVIVANTE.Dragueur?J’aipeut-êtrecouchéavecpasmalde filles sur lecampus,commisbienplusd’erreursqu’elleet
oublié la moitié d’entre elles, mais au moins je ne suis pas une chichiteuse, arrogante et snob.Imaginezunpeusijeluirenvoyaiscetteinsulte?– Je vous remercie pour ce débat très animé. Je pense que nous pouvons clore la discussion là-
dessus…Leprofsemblepaniquéetvisiblementsoucieuxquecesdébordementsémotionnelsaienttroubléle
déroulementdesoncours.Tessaattrapesonsacàlavolée,lepressefortcontresapoitrineetserueverslasortie.Landonreste
immobilesursonsiège,perplexecommetoujoursfaceàunesituationstressante.Certainementparcequesavieatoujoursétésitranquille.Samèreluipréparaitsûrement,touslesmatinsavantd’alleràl’école,desmuffinsfraissaupoudrésd’amour.Encequimeconcerne, jemenourrissaisdeCheeriosrassisetdevais renifler labouteillede lait
pourm’assurerqu’iln’étaitpaspérimé.Iln’existepasdemanuelscolaireoudemoded’emploipourexpliquercequeTessaetmoisommesentraindefaire.Jemebarredu cours àmon tour.Tessanepeut tout demêmepas fuir à chaque conflit.Comme
d’habitude,ellen’enfaitqu’àsatête.Jel’interpelle:–Tunevaspast’échappercettefois,Theresa!Toutlemondedanslecouloirregardedansmadirection;maisellecontinued’avanceretjedois
luicouriraprèspourlarattraper.Justeaumomentoùelles’apprêteàsortir,jel’empoigneparlebrasetl’immobilise.Ellesedégagebrusquementetjerelâchemonétreinte.–Dequeldroittumetouchestoutletempscommeça?Situm’attrapesencoreunefoislebras,jete
flanquemamainsurlafigure!Ellehurleetsontonestfurax.Jelasaisisdenouveauparlebras.Curieusement,ellenesourcillepas.–Qu’est-cequetuveux,Hardin?Medireàquelpointjesuispathétique?Temoquerdemoipour
êtretombéedanslepanneauencoreunefois?J’enaivraimentmarredecepetitjeu.Jenejoueplus…Son pied frappe le sol frénétiquement àmesure que lesmots sortent de sa bouche, et sesmains
s’agitentdanslesairscommed’habitude.Çam’amuse,cettemaniequ’elleades’exprimeraveclesmains.Elle n’en finit plus de déblatérer. Franchement, je ne saismême pas de quoi elle parle. Elle est
tellementfurieuse,etexcédée,qu’ellepèteunplomb.AvecLandon,elleestdétendueettoutsourire.Avecmoi, elle est stressée et enragée. Ses yeux brillent – de colère ou de tristesse, je ne sais pasvraiment,maisaumoinsjesaisquej’arrivetoujoursàdéclencherdevivesréactionschezelle.–Jefaisvraimentressortirlepireentoi,c’estça?Jen’essaiepasdejoueravectoi.Mesdoigtstriturentlepetittrouenbasdemont-shirtnoir.Jevoislesétudiantsnousfixeretjepassemamaindansmescheveux.Pourquoitoutesttoujourssi
dramatiqueavecelle?Tessasefrottelestempes.–Alorsquoi?Tessautesd’humeurmedonnentlamigraine.Je lasaisisdoucementpar lesbrasafindecaptersonattention.Ellene résistepaset je l’entraîne
doncdansunepetiteruelleentredeuxbâtiments,loindesbadauds.Jeneveuxpasquequiquecesoitentendenotreconversation,niquequiconquelastresse,sinonellerisquedereprendresonexpressionde«filleparfaite».Jel’observeetadmiresaquiétude.Elleparaîtsicalme,si impassible,malgrélaproximitédenos
corps.Jeperçoisunefailledanssonarmurequandsesyeuxrencontrentlesmiens.Elledéglutitetseslèvrestremblent.–Tess,je…jenesaispasoùj’ensuis.C’esttoiquim’asembrasséenpremier,jeterappelle.
Jeluidiscelamêmesi,depuis,jepensechaquejouraugoûtdeseslèvres.Elleafaitlepremierpasetjem’enserviraitoujourscommed’unargumentvictorieux.Sesyeuxfixentlesol,dehonte.–Ouais…maisjeterappellequej’étaisivre.Ethier,c’esttoiquim’asembrasséeenpremier.Jamaisellen’admettraqu’elleavaitenviedemoi.Sondénim’agacedeplusenplus.J’aibiensenti
lamanièredontelles’abandonnaitsousmesbaisers.Ellemedétestepeut-être,maispassoncorps.–Ouais…maistunem’aspasarrêté…çadoitêtreépuisant,non?Jem’interrompsunesecondeetvoissesyeuxs’agrandirdesurprise.–Qu’est-cequidoitêtreépuisant?Ellerelèvelementonensignededéfi.–De faire comme si tu n’avais pas envie demoi, alors que nous savons toi etmoi que c’est le
contraire.Jem’approcheplusprès,l’amenantàtoucherlemurderrièreelle.Elleresteimmobile,commesi
soncorpsréalisaitenfincedontelleavaitenvie.Enessayantderestercalme,ellemerépond:–Quoi?Jen’aipasenviedetoi.J’aiuncopain.Jeluiadresseunpetitsourire.–Uncopainquit’ennuie.Admets-le,Tess.Pasàmoi,maisàtoi-même.Ilt’ennuie.J’insisteenprononçantchaquemot lentementetenapprochantmonvisageplusprèsdusien.Ses
yeuxsontrivéssurmabouche;biensûr.Ellepèselepouretlecontre.Elleestsûremententraindepenseràlamanièredontjel’aiembrasséecarellecaressedoucementseslèvres.Elleestcoincéeici,avecmoi.Sondésiretsacuriositésexuelledévoranteneluipermettentpasdes’enfuir.Pascettefois.–Est-cequ’unefoisilt’afaitressentirlamêmechosequemoi?Jeplacecettedernièrephraseenappuyantlourdementsurchaquemot,vraimentcurieuxd’entendre
saréponse.–Q…Quoi?Biensûrqueoui.Elleessaiedeseconvaincre,mais jen’ycroispas.Ellesemblaitplusauthentiqueenparlantd’un
romanquemaintenant,surlacapacitédesonadorablecopainàluidonnerduplaisir.–Non…c’estfaux.Jesuissûrqu’onnet’ajamaiscaressée…pourdevrai.Seslèvressesontentrouvertes.Jepeuxpresqueentendresoncœurcognerdanssapoitrine.Jeme
demande ce qu’elle voit à travers ses yeux.Se rend-elle compte que sa respiration saccadée et seslèvrescharnuesmerendentfou?Voit-elledansmesyeuxquej’aitrèsenvied’agrippersescheveux,detournersonvisageversmoietdel’embrasser?Soncorpsleressent,soncorpslesait.–Enquoiçateregarde?Ellen’estpeut-êtrepascapabledesel’avouer.C’estcequiarrivequandonporteunmasqueaussi
longtemps qu’elle. Il devient pratiquement impossible de le retirer.Ou alors, c’est elle qui se sentinvisible.–Tun’imaginespascequejepourraistefaireressentir.Jem’approcheplusprès.Laisse-moiteconvaincre,laisse-moitemontrer,j’aienviedelasupplier.Sondostouchedenouveaulemur.Ellechercheautourd’elleuneissue,unmoyendes’écarterde
moi.Ellerespiredeplusenplusfortetsembleclairementtroubléeparmoi.Enfin.–Tun’aspasbesoindeledire,enfait.Jelesais.Ellesoupire–unsonquisemble innocentcommeça,maismoi jesais.Jesaisqu’elleaenviede
plus;sonespritetsoncorpsn’aspirentqu’àça.–Tonpoulss’accélèrenon?Tuaslabouchesèche.Tupensesàmoietturessenscettesensation…
làenbas.Pasvrai,Theresa?J’imaginesoncorpsnu,étendusurlemien,mesdoigtsglissantjusqu’àsachattehumide.Elleprendunegrandeinspirationettentededétournersonregard,maiséchouelamentablement.–Tuastoutfaux.Maisellesaitquej’airaison.–Jenemetrompejamais.Àcesujet,entoutcas.Jesouris.Tessahésiteetramèneunemèchedecheveuxderrièresonoreille.Elleinspireprofondément,etje
saisquej’ysuis.–Turépètesquejemejetteàtespieds,maislà,c’esttoiquimecoincescontrelemur.–Maisc’esttoiquiasfaitlepremierpas.Comprends-moibien,j’enaiététoutaussisurprisquetoi.Jerigole.–J’étaissoûleetlanuitavaitétélongue,commetulesais.J’étaistroubléeparcequetutemontrais
trèsgentilavecmoi.Àtafaçon,jeveuxdire.Àmafaçon?Jesuisplutôtgentilavecelled’habitude.Exceptionnellementgentilmaintenantquej’ai
uneraisondel’être.Lepariapparaîtdansuncoindematête,etjetrouvequej’agisdemanièrebienplusdoucequed’habitude.Tessasedégagedemoiets’assiedsur le trottoir.Jeregardepartoutpourm’assurerquenousne
sommespasépiés,maispersonnenesemblefaireattentionànous.–Jenesuispassiméchantqueçaavectoi.Jemedemandesiellelepensevraiment.–Si!Tufaistoutcequetupeuxpourêtreinfect.Passeulementavecmoi,d’ailleurs.Avectoutle
monde.Maisj’ail’impressionquetuesencorepireavecmoi.Infect?Jenesuispasplusinfectavecellequejeneleseraisavecunchaton.J’aiétésympaavec
elle.Jeplaisante:–C’estvraimentn’importequoi.Jenesuispaspireavectoiqu’aveclerestedesgensengénéral.Elle neme trouve pas drôle du tout. Si elle pouvait, ellem’enverrait valdinguer d’un revers de
main.Tessaselèved’unbond.–Jenesaispaspourquoijecontinueàperdremontemps.Elles’apprêteàpartir.Jeneveuxpasqu’elleparte,si?Non.Jeneleveuxpas.Jenesuispaslemeilleurquandils’agitdes’excuser,surtoutquandjesens
quecen’estpas justifié.Mais jedoisarrêterde jouerauconet luidireque je suisdésolé.Elle secalmeraassezvitedanscecas.J’aicomprisçadepuislongtemps.–Hé,excuse-moi.Reviens,s’ilteplaît.J’emploie un ton autoritaire que les filles adorent. Elle revient vers moi, et je m’assieds sur le
trottoir,làoùellesetrouvaitjusteavant.–Assieds-toi.Je tapote laplaceprèsdemoi.Elle râleunpeuet s’assied.Ellecroise les jambesenpoussantun
soupir.Jesuissurprisparlecalmequim’animedèsqu’ellem’accordesonpardon.Jelataquine:–Pourquoitut’assiedssiloin?
Ellemelanceunregardnoiravantdeleverlesyeuxauciel.–Tun’aspasconfianceenmoi?Jeconnaisdéjà la réponse.Biensûrquenon,maiselleaimeraitbien. J’aienviequ’elleme fasse
confianceplusquejeveuxbienmel’avouer.–Biensûrquenon,qu’est-cequetucrois?Sesmotssontvifsetpiquants.J’aiunmouvementderecul.Jen’aipasconfianceenellenonplus,
maisellen’estpasobligéed’êtreaussitranchantedanssesréponses.Elleestforcémentunpeuattiréepar moi ; sinon, nous ne serions pas en train d’avoir cette conversation. Elle doit bien ressentirquelquechose.–Est-cequ’onnepourraitpassoitéviterdeserencontrer,soitêtreamis?Jen’aipasl’énergiede
continueràmebagarreravectoi.Jen’aipasvraiment l’impressionqu’onsebagarre ;onparle justeunpeuplusqueprévu.Jeme
disputemoinsavecellequ’avecKen,etnousparlonsplus.Çaveutbiendirequelquechose.Nousyavonsprisgoûttouslesdeux.CeseraitbizarredeneplusvoirTessa.Jemesuishabituéà
sesréflexionsinsolentesetàlamanièredontsesyeuxtrahissentsondésir.Safougueestcontagieuse.J’ysuisdevenuaddict,commeàunedrogue.–Jen’aipasenviedet’éviter.Jel’admets.Jehaislefaitdedevoirbienmecomporteravecelle.Unsimplepetitmotdetraverset
ellesesauve.J’aimeraiscroirequ’ons’estunpeurapprochésaujourd’hui.Que,peut-être,ellen’auraplusenvie
des’enfuirsiviteàl’avenir.J’ai l’impressiondeluidirecequejeressens,demedévoilercommejamais et de ne presque rien recevoir en retour. C’est comme si j’étais marié, mais sans lesavantages:lesexeetlesbonsrepastouslessoirs.– En fait… je ne crois pas que nous puissions nous éviter puisque t’es la coloc d’une de mes
meilleuresamies.Donc,j’imaginequ’ilnenousresteplusqu’àessayerd’êtreamis.J’aiunjeuàgagnerdanscettehistoireetellenemefacilitepaslatâche.–D’accord.Donconestamis?Ellemedemandeçacommesielleétaitentraindenégocieruneaffaire.Jepourraisluiproposerde
partagerlamoitiédesgainsavecmoi.Çamarqueraitunbeaudébutàuneresplendissanteamitié.Amis?Desamisquibaisentensemble,peut-être?Putaind’amis.–Amis.Jeluitendslamainpourqu’ellelaserretoutenarborantunsouriremalicieuxetcharmeur.Ellel’attrapeetsecouelatête.Elleseméfiequandmêmeunpeudemesintentions,maispasassez
pourseteniràl’écart.–Pas«amisavecavantagesennature».Ellerougit.Jen’avaispasréaliséàquelpointsacandeurpouvaitêtreattirante,vraiment.Jeretiremamainpourjoueravecl’anneaudansmonarcadesourcilière.–Pourquoitudisça?–Commesitunelesavaispas.Stephm’atoutdit.–Àproposd’elleetmoi?Elle était d’accord et voulait traîner avec moi. Steph a ses propres problèmes, comme tout le
monde,maiselle,ellelesassumesanslesmontreraurestedumonde,contrairementàMollyetmoi.Je me demande ce qu’elle a bien pu lui raconter. Je suis sûr qu’elle a exagéré le récit de nos
escapades. Steph a toujours voulu plus que ce que je ne pouvais lui donner. Elle recherche lacompétitionetnecomprendpasqu’onpuisseluidirenon.–Toietelle,ettouteslesautresfilles.–Enfait,Stephetmoi…ons’estéclatés.Jeluisourisetelledétourneleregard.–Et, ouais, il y a desmeufs avec qui je baise.Mais qu’est-ce que ça peut te faire, puisqu’on est
amis?JevisualisealorsTessacommel’unedecesfilles,allongéesousmoi,laboucheofferteauplaisir.
Ellefermelesyeuxetprendunegrandeinspiration.J’imagineluivolersonsoufflependantquejelafaisjouiravecmesdoigtsetmabouche.Jesuissûrquepersonneneluiajamaiscaressélentementleclitorisaveclalangue…Tessainterromptmespensées:–Rien.Maisjeneveuxpasquetucroiesquejeserail’uned’entreelles.Ellemeprovoque,maiscelanefaitqu’accentuerlefantasmedansmatête.–Ah…tuneseraispasjalouseparhasard,Theresa?Ellemeremballeencore.–Pasdutout!Jeplainscespauvresfilles,c’esttout.Tessasecouelatêteetjerigole.Ellenedevraitpaslesplaindre–elleneressentiraitqued’intenses
vaguesdeplaisir,àunpointqu’ellenepeutmêmepasimaginer.–Netedonnepascettepeine.Ellesaimentça,tupeuxmecroire.Jenepeuxm’empêcherdepenseràsoncorpsnu.Jedoisvoircequisecachesouscesvêtements
tropamples.Ellenesauraitplusoùsemettresijeposaislesmainssurelle.–Ok,ok.J’aicompris.Onpeutchangerdesujet?Tessafermeencorelesyeuxetbasculelatêteenarrière.Elleajoutedansunmurmure:–Alors,tuvasessayerd’êtreplusaimableavecmoi?–Maisoui.Ettoi,tuvasessayerd’êtremoinscoincéeetteigneusetoutletemps?–Jenesuispasteigneuse,c’esttoiquiesodieux.Nouséclatonsderiretandisqu’elleterminesaphrase.Sonrireestdoux.Ilflotteautourdemoi.J’ai
l’impressiond’êtredansducoton,d’unemanièreétrangementcool.Dansducoton?Sérieusement,Hardin?IlfautquejerassemblemesespritsetrelancecetteTiradedel’Amitié.Jemepencheunpeuplusprèsdemanouvelleamie.–Regarde-nous,là,commedeuxbonsamis.Tessabasculeenarrière,selèveetpassesesmainssursajupe.Jereplongedansmesfantasmesen
imaginantlaluienlever.–Cettejupeestvraimentaffreuse,Tess.Sinousdevonsdeveniramis,jeneveuxpluslavoir.Bond’accord,ellen’estpassimal,maispassupernonplus.LesyeuxdeTessaclignentd’embarrasetjesourispournepaslamettremalàl’aiseJenevoulais
pas l’insulter. Je me moquais gentiment d’elle. Si elle tient vraiment à porter des vêtements tropamples,libreàelle.Jeportebientoujourslesmêmesjeansnoirsett-shirtstachés.LeportabledeTessasemetàvibrer.Ellelerécupèredanssonsac.–Jedoisallertravailler.Jejetteunœilauvieuxmorceaudeplastiquedanssamain.OndiraitunNokia.–Turèglesl’alarmedetontéléphonepoursavoirquandtudoistravailler?
Aumoment où je lui pose la question, je réalise qu’elle a le portable le plus ringard dumonde.C’estcommesiellefaisaittoutpourparaîtredémodée.Elle n’assume pas son comportement, comme si cela l’embarrassait. Pourquoi ça ? Quelqu’un
l’obligepeut-êtreàjustifiersoncomportementunpeuétrange.Samère,certainement.Ok,c’estaussiunpeucequejesuisentraindefairemaintenant,maiscettefemmeavraimentl’airpsychorigide.Samèreesttellementmaniaquequ’elleprogrammesûrementdesalarmespouremmerderTessa.–Danscecas,tudevraismettreunealarmepourqu’onfassequelquechosedecooldemainaprès
lescours.J’aienviedepasserdutempsavecelle.J’enaibesoin.Ellemeregarde,lessourcilsfroncésparlaconfusion.–Jenesuispassûrequemadéfinitiondelacoolitudesoitlamêmequelatienne.Elle n’a pas tort.Ma définition àmoi est clairement divergente de la sienne. La sienne serait de
révisernoscoursensemble,despilesdenotesetdegrosmanuelsrépandussurlelittoutautourdenous.Anti-sexeàmort.Monidéedelacoolitudeestbiendifférente.Jeseraisassissurunlit,matêteadosséecontrelemur,
pendantqueTessaenrouleraitseslèvresautourdemonsexe.Lesummumseraitd’avoiràlamainunverredewhiskyfraisavecunglaçonà lasurfacedu liquidesombrequi retentiraitcontre leverre,tandisqu’ellem’aspireraitprofondémentdanssabouche.Jesuiscensénepasboire,enrevanche.Doncjesupposequejemesatisferaisseulementdelapipe,
sanslewhisky.Plutôtquedeluidiretoutça,jeluipropose:–Ehbien,onpourrait,genre,étranglerseulementunchatoudeux,oumettrelefeuàseulementun
immeubleoudeux…Tessanepeutcontenirsonrire,etjesouris.Uncouplequipasseprèsdenousmedistraituninstant.
Ilssetiennentparlamainetrigolentàuneblaguedébilequelemecaracontée.Jen’aipascompristout ce qu’ils disaient, mais c’était forcément bidon vu qu’ils portent tous les deux les mêmeschaussettes à rayures. Ils montrent ainsi subtilement qu’ils sont en couple aux yeux des passants.Quellesconneries,vraiment.Tessanesemblepaslesavoirremarqués;ellefixeletrottoir.–Sérieux,çaneteferaitpasdemaldet’amuserunpeuetpuisquenoussommesamismaintenant,
ondevraitfairequelquechosedecooltouslesdeux.EtavantqueTessan’aitletempsderefuser,jetournelestalonsetm’éloigne.–Super.Jesuiscontentquetusoisd’accord.Àdemain!Entraversantlarue,jejetteunœilderrièremoi.Jelavoistoujoursassisesurletrottoir.Ellen’a
mêmepasessayédedirenon.Elleaacceptédemevoirdemain,etmaintenantjesuisdanslamerde.Putain,j’aitellementcruqu’ellemediraitnonplusieursfoisavantd’accepterquejen’aiprévuaucunplan.Quand jemonte dansma voiture, j’essaie de réfléchir à ce que nous pourrions faire. Je ne sors
quasimentjamais,hormispouralleràdesfêtesorganiséeschezlesautres.Endehorsdeça, jesuissurlecampusoudansmachambre,seul.J’allume lemoteuretcontinuedemecreuser la tête.Un film?Quelgenrede filmaimeTessa?
SûrementdesadaptationstiréesdesromansdeNicholasSparks.Jepourraisenroulermonbrasautourd’elleetluiacheterdupop-cornouduchocolathorsdeprixpourl’impressionner.Leproblèmeavecle ciné, c’est qu’on ne peut pas discuter. Des gens se plaindraient, et je finirais par m’attirer des
problèmes.Lesrendez-vousétaientnettementmoinscompliquésdansletemps.Sionavaitvécudansunroman
d’Austen,jeluiauraisfaitlacouretelleauraitdûêtreescortéelorsdesrendez-vousdanslaforêtoùnousnousserionspromenés.Etsijem’étaissentiassezcourageux,jeluiauraisdonnéunbaisemain.Elleauraitrougietposéundoigtsurseslèvrescharnues,regardantducoindel’œilnotrechaperonavecunelueurd’avertissementdanssesyeuxgris.Les rencards modernes sont bien différents. Aujourd’hui, si j’étais assez courageux, je lui
caresserais les tétonsà traverssonhautetelledirigeraitmamainentresescuisses,verssachaudeintimité.Pasdechaperon,pasderègles.Jesuisinterrompudansmespenséesparlasonneriedemontéléphone.Est-ce que Tessa a mon numéro ? En parlant de ça, j’ai besoin de récupérer le sien par
l’intermédiairedeSteph.QuandjevoislenomdeKenclignotersurl’écran,jegrincedesdentsmaisrépondscettefois.Je
supposequejemedoisderécompensersaténacité.–Ouais?Jem’engagesurl’autorouteetcoincemonportableentremajoueetmonépaule.Leseulproblème
avecmasublimeFordCapri1970,c’estqu’ellenemepermetpasdemeconnecterauBluetooth.–Hum,Hardin,hé,bégaie-t-il.Ilnes’attendaitsûrementpasàcequejeréponde.Ilm’appelledetempsentemps.Jesuissûrqu’il
voitcelacommeunebonneactiondesapart.Ilappellepour«prendredesnouvelles»,maisilsaitquejenerépondspas.Ainsi,ilpassepourquelqu’undebien,quelqu’unquiessaiederenoueravecsoninsolentdefils.Sanouvellepetiteamiedoitl’encenser,leserrerfortdanssesbrasetlerassurer.« Il finira par venir un de ces jours, lui promet-elle certainement. Il est juste en colère pour le
moment.»Elleaussiseraitencolèresiellel’avaiteucommepère.–Hé.J’appuiesurleboutonduhaut-parleuretposemontéléphonedansleporte-gobelet.–Commentvas-tufiston?Iljouedéjàavecmesnerfs.–Bien.Ilseraclelagorge.–C’estbondet’entendre.Jevoulaist’inviteràdînerdemainsoir.Karenprépareunpouletrôti,et
nousaimerionsbeaucoupt’avoiravecnous.Ilveutm’inviteràdîner?Pourquoidiables’imagine-t-ilque jepuissevenirchez lui,mangerun
pouletavecsanouvellefamilleetparlerdetoutl’amourquenousavonslesunspourlesautres.Plutôtcrever,putain.–J’aidéjàuntrucprévudemain.Jenemenspascettefois.–Oh.Ehbien,tupourrasveniraprès.Karenprépareaussiundessert.–J’enauraipourtoutelanuit.Je me demande quel temps il fera demain. Les nuages sont gris, comme toujours dans cet État
pourri. Le soleil doit détester cet endroit – voilà pourquoi il fait gris et il pleut tout le temps. JepréfèredemanderàKenaulieuderegarderlesprévisionsmétéo:
–Ilpleutdemain?–Non,c’estcenséseréchaufferpendantlanuitetilnepleutpasjusqu’àlasemaineprochaine.Sij’avaisunerelationnormaleaveccethommequiacontribuéàmacréation,jeluidemanderais
dessuggestionspourmonrendez-vous.Pourtantjenelefaispas.Jenepeuxpas.Je n’attends riend’autre de cet hommeque juste de savoir quels sont les papiers à remplir pour
l’universitéetàquelmoment.Nousn’avonsrienencommunetnesommespasassezprochespourquejepuisseneserait-cequ’envisagerdeluidemanderdesconseilspourunrendez-vous.Vanceaurait-ilquelquesidées?Jepréfèreluidemanderàluiplutôtqu’àn’importequid’autre.–Jedoisyaller.Àpeineai-jeraccrochéquejecherchedéjàVancedansmonrépertoire.Ilrépondauboutd’unesonnerie.–Hardin,commenttuvas?–T’auraisunendroitàmerecommanderoùemmenerquelqu’un?Mavoixsonnebizarrementetjeprononcecesmotsàtoutevitesse.–Danslescatacombesparexemple?Ilrigoleauboutdufil.Ilestcon,maisçamefaitsourire.–Non,pascettefois.C’estpoursortiravecquelqu’un.J’essaiedeluifairecomprendresansévoquerTessa.–Unrencarddonc?–Non,pasvraiment.Maisquelquechosedanslegenre.Jenesaispascommentnommercerendez-vousavecTessa.Cen’estpasunrencard.Puisquenous
sommesamis.Amisjusqu’àcequejelabaise,jemerappelleàmoi-même.Elleestsiprude.Elleportedesvêtementsmalajustésetneditjamaisdegrosmots.Oùpourrais-je
l’emmenerpourqu’elles’ouvreàmoi?J’essaiederassemblermesmeilleurssouvenirsdepuisquej’aiemménagéàWashington.Le ruisseau près de la route 75 est sympa. Ça pourrait le faire s’il fait beau. L’eau est assez
transparenteetonpeutyvoir les rochers.Tessanagerait-elledansunruisseauàpeuprèspropre?Probablementnon,maisjepeuxtenter.–Ehbien,jetrouvequ’iln’yariendemieuxquelanature.Etsoudain,jeréalisequejen’aipaspenséauparidepuisplusieursheures.
L
14Lapremièrefoisqu’ilseretrouvaseulavecelle,ilsentitquelquechosevibrerenlui.Ilpensaitpouvoircombattrelasensationque,peut-être, ils’adoucissaitunpeu,etpasseulementavecellemaisavec tout lemonde…c’étaitcertain.Toutesavie, ill’avaitpasséeseulet ilétaitdevenumaîtredansl’artd’évitertouteformed’intimité,endehorsdusexe.Iln’avaitpasbesoind’amisetn’avaitpaseuunevraiefamillepourluiapprendreàéchangeraveclesgens.Ilaimaitêtrecommeça,renfermé–lavie était plus simple ainsi. Il se sentit étouffé lors de sa première rencontre avec elle, mais plus le temps passait, plus ilressentaitquelquechosededifférent,quelquechosequipourraittoutchanger.Ilsefitalorslapromessedes’enteniràcestatuquo.Ilétaithabituéàunesolitudemaîtrisée,etelleétaitentraind’ysemerlechaos.
. .
e soleil se lève, et j’ai à peine dormi la nuit dernière. Ce ne sont même pas mes foutuscauchemarsquim’onttenuéveillé;c’estTessa.
Elleétaitlàquandj’aifermélesyeux.Maispascommejel’auraissouhaité.Aulieud’êtrenueetdegémir de plaisir parce que je m’introduisais en elle, elle était furieuse et contrariée par notreexcursionauruisseau.Dansunescènedigned’unfilmd’horreur,misenscèneparmonespritperversetfatigué,ellesecognaitl’orteil,puisselamentaittoutl’après-midi.Dansuneautre,elles’ennuyaittellementqu’elledemandait à sonpetit amidevenir aucampus la récupérer.Lorsqu’il arrivait, onauraitditqu’iln’étaitqu’uncardigan.Uncardigangéant,terrifiantetridiculeàlafois.C’estfrustrant, toutcetempsperduàpenseràcettefille.Plusriendetoutçan’aurad’importance
dansunmoisouquelque.Sice«rendez-vous»sepassebien,j’espèreremporterleparidansmoinsde deux semaines… Putain, si j’arrive à la séduire, peut-être même pendant le rendez-vous auruisseau…L’alarmedemonportableretentitdanslapièceetjemetraînehorsdulitpourl’éteindre.C’estlegrandjour.Moncerveauestenpleineébullition,etjen’enpeuxdéjàplusdemefoutrela
pression pour que le temps passé avec elle joue en ma faveur. Je devrais sûrement prendre unedouche.Enmedéshabillant,jemedemandebrièvementcequ’elleestentraindefaire…Est-elleaussistressée que moi ? J’imagine que oui ; elle est tellement coincée. Je suis sûr qu’elle m’a mêmecarrémentnotédanssonemploidutempsdèsl’instantoùjeluiaiproposécetrucdel’amitié.Aprèsmadouche,jefouilledansmontiroirpourtrouverunt-shirtnoirpropre.Celuiquej’attrape
estfroissé,maisilferal’affaire.Puisjesors,etendémarrantlavoiture,j’entendsunbruitsousmonpied.Une bouteille d’eau vide se trouve sous la pédale d’accélération.Le son est si irritant que jeressors,encoreàmoitiéendormi,pourtrouverunendroitoùlajeter.J’aimeraisvraimentavoirunmeilleursommeil.J’arrivesurlecampusunpeuenavanceetoublieaccidentellementmonmanuel,quelquesnoteset
monpullnoirsurlesiègearrière.Letempsdem’enrendrecompte,j’aidéjàfaitlamoitiéducheminversmonprochaincours.Pasquestiondefairedemi-tour.
Lorsque je prends place en cours de littérature, les sièges de Tessa et Landon sont vides. J’enressens d’ailleurs une certaine satisfaction. Elle est plus en retard que moi et je sais que ça val’énerver.Ilfautbientrouverduplaisirdansleschosessimples,non?J’occupemon temps à regarder successivement la porte et la listedemes appelsmanqués et des
textosdeMolly,deJace,ainsiqueceuxdecettefillebizarredontj’aioubliélenom.QuandTessaetLandon passent enfin la porte, ils sont en pleine discussion.Elle a l’air heureuse et reposée. Pasd’ombresviolettessoussesyeuxnidesignesd’unenuitagitéedesoncôté.–Tun’aspasoubliénotrerendez-vousdecesoir?Sa hanche frôle mon bureau. Le galbe de cette hanche est vraiment séduisant. La courbe sur le
devantdelacuisse,etdechaquecôtédeshanches,estl’unedespartiesquejepréfèredanslecorpsd’unefemme–c’estjustetropsexy.TessamerépondavantdesetournerversLandon:–Onnepeutpasappelerçaunrendez-vous.Onvasebaladerentoutbientouthonneur,enamis.–C’estpareil.Je la regarde et observe son choix de tenue. Elle porte un jean assez moulant pour me laisser
envisagerlaformedesescuissesetdesoncul.Putain.Évidemment, Tessa m’évite pendant tout le reste du cours. Je ne regarde pas non plus dans sa
direction.Aprèslecours,jen’arrivepasàentendrecequeLandonluiraconte–cetenfoiréparletropbas–
maisjel’entendsluirépondre:–Oh!Onessaiejustedes’entendrepuisquemacolocestunedesesmeilleurescopines.Onessaiejustedes’entendre,c’estbiença?Jem’approcheplusprèsdeMisterGeeketdesacopineintellosexy.LefoutupolodeLandonest
rentrédanssonpantalongris.Cemecsait-ilaumoinsqu’ilestcenséêtreunétudiant fauché?Oh,attendez–iln’estpasfauché.Ilvitdansunebelleetgrandevillapastrèsloind’ici,avecl’hommequitechniquementsetrouveêtremonpère,pendantquemamèrehabiteenAngleterredansuntrouàrats.Etcequej’appellemonchez-moin’estautrequecettevieillebâtissed’unefraternitéétudianteblindéedegensdébraillésquisedisentcoolmaisquinefontrienpouraiderleurmerveilleusecommunautécommeleurchartelestipule.LepetitcopaindeTessaferaitsûrementpartied’unefraternité.Cheveuxblonds,yeuxbleus,mocassins,cardigans.Ilseraituneparfaitepanoplie,vraiment.Enfin,seulements’ilapprenaitàboire,beaucoup,vraimentbeaucoup…Landonmeregardeetn’essaiemêmepasdeparlerdiscrètement:–Jesais.Tuesunefillesuperetjenesuispassûrqu’Hardinméritetagentillesse.Vraiment?Etjeméritequoi,Landon?Unnouveaupapatoutgentilquin’aimeraitpasl’alcoolplus
quesonproprefils?Jeluirépondsenessayantdegardermoncalme:–Tun’asriendemieuxàfairequededéblatérersurmoncompte?Vatefairevoir,mec!Sijeluidisaisvraimentlefonddemapensée,Tessaannuleraitsansaucundoutenotresortie.Landonnemerépondpas;ilfroncejustelessourcilsetcontinuedeparlertoutbaspourquejene
puissepasl’entendre.Quandils’enva,ellesetourneversmoietm’incendie:–Eh!Pourquoit’esaussivacheaveclui–vousêtespratiquementfrèrestouslesdeux!Pratiquement frères?Dansquelmondededinguevitcettemeufpournous imaginercommedes
frères, Landon et moi ? Je ne vois que deux étrangers qui partagent un lien avec un troisième
étranger.Jeluidemandeenserrantlesdents:–Qu’est-cequetuviensdedire?Tout ça parce quemonminable de père a ramenéLandon et samère dans unmanoir rempli de
cookiesauchocolat–attends…commentsefait-ilqueTessasoitaucourant?Jepasselamaindansmescheveux.–Ben,tusais,tonpèreetsamère?Ellea l’air trèsgênéedemerépondreça.Ellesecouela têteet fronce lessourcilscommesielle
venaittoutjustedelâcherunsecret.Je regarded’unair furieuxendirectionde laporteparoùLandonvientdesortir,pour tenterde
rattrapercetenfoiré.Dequeldroitparle-t-ildemeshistoiresdefamille?–Occupe-toidetesaffaires.Jenesaispaspourquoicecont’aparlédeça.Jevaisdevoirlefaire
taire,ondirait.Je fais craquer mes articulations en faisant abstraction de la douleur provoquée par la peau
écorchéesurmesdoigtsconstammentbousillés.Ellemefixeduregard.–Fiche-luilapaix,Hardin.Iln’avaitpasl’intentiondem’enparler,c’estjustesorticommeça,sans
levouloir.UnevraieJeanned’Arc,celle-là.Donc,elleadesinformationssurmafamillemaintenant?C’estpasjuste!Ellen’avaitpasbesoinde
savoirquoiquecesoitsurmoi.Çavabientroploin.Toutecettehistoire.–Alors,onvaoù?medemande-t-elle.Elleestdevenuetropprochedemoimaintenant,sacuriositél’amenéesurunterraintrèspersonnel,
etputain,jenesuispasdutoutd’accord.Àtouslescoups,elleaaussienquêtépourqu’ilrépondeàd’autresquestionssurmoi:pourquoijenevispasavecKenetsanouvellefamille,pourquoijeneparlejamaisàmonpère–elleluiasûrementdemandéàquoijeressemblaisenfant,etLandonadûluibalancertoutcequ’ilsavaitsurmoi.Elleestdéjàentraindesefaireunavissurmoi,jelevois.–Onnevanullepart.Cen’étaitpasunebonneidée.Etjelalaisseplantéelà.Il ne faut pas qu’elle se rapproche davantage. Elle est trop envahissante etmoralisatrice. Je n’en
veuxplusdetoutcemerdier.Ilfautquejeresteloindecettefille,putain.Alors,jeprendsunedécision.JevaisrentreràLondres.Chezmoi,dansmamaisondemerde,avecmamèreabsenteetmespotes
défoncés.Làoùmavien’avaitpasdesensparcequej’enavaisdécidéainsi.Jenepeuxplussupporterd’être transforméenmecobsédéparcette fille,quinepensequ’àelle,
mêmelanuit,etquiconstruitsavieautourd’elle.Ilesttempsquejeparte,quejel’oublie.Letempsd’arriveràmavoiture,moncœurbatlachamadeetmesmainssontmoites.J’étouffe.Jebaisselesvitresdelavoiturepouravoirunpeud’air.Lapoignéesecoince,jetiresur
la tige en métal, frustré que cette sublime voiture soit si vieille. Quelques secondes plus tard, jerécupèremonsouffleetlibèreenfinmaplacedeparking.Jenesaismêmepascequej’auraisfaitsiTessam’avaitsuivi.Jamaisjen’auraisimaginéenarriverlà.Je vais tout recommencer à zéro. Je monte dans ma voiture, décidé à m’enfuir loin de tout ce
bordel.
ÀSUIVRE…
REMERCIEMENTS
J’ail’impressionquelesremerciementspourcelivresontexactementlesmêmesqueceuxdesprécédents,maislesmêmesmerveilleusespersonnesm’ontaidéeàlesfaireexister–alorsmerciàtous!AdamWilson,unefoisdeplus,jeteremercied’avoirtravaillésiduravecmoi.Lapersonnequetuesetlapatiencedonttuassufaire
preuveavecmoim’onttellementappris.Nousavonsproduitseptlivresensemble(dontlalongueurs’apparenteàdix)enuneannée,etc’estjustecomplètementdingue!J’attendslestroisprochainsavecimpatienceJKristinDwyer,t’eslameilleure,meuf!Tum’aidesàresterorganisée(autantquepossible,sachantquejecommencetoutjusteànoter
lesrendez-vousdansmonagenda).Mercipourtout!Wattpad,mercid’êtreencoremaplate-formeàcejour,d’êtrerestételsquevousêtesetdedonneràdesmillionsdegensl’opportunité
defairecequ’ilsaiment.UrsulaUriarte,c’estcomplètementfoudepenserquetuesrentréedansmavieentantqueblogueusefandemeslivresetquetues
maintenant l’une de mes amies les plus proches. Même si je n’arrive toujours pas à épeler ton nom correctement, tu es tellement,tellementimportantepourmoi,etpourHardinetTessa.Tulesaimesautantquejelesaime,etçacomptebeaucouppoureux.(Ilsmel’ontdit!)VilmaetRK,jevousaimetouslesdeux.Votreamitiéestsiprécieuseàmesyeux.Vousm’avezenseignélesdifférentesétapesdela
rédactiond’unlivreetavezsum’écouterquandilm’arrivaitdepaniquer.Jevousaimetouslesdeux.AshleighGardner,merci,jen’auraispaspuavoirmeilleuragent,etamie!Merciauxrédacteursetàl’équipedeproductionquionttravaillésiduretdansunlapsdetempsaussicourt.Unimmensemerciàtoutesmesmaisonsd’éditionétrangères,deséditeursauxpublicitairesenpassantparchaquepersonneentreces
deuxgroupes.Vousavezabattutantdetravailpourtraduireetcommercialisermeslivresàtraverslemondeetçacomptetellementpourmoietmeslecteurs.J’aipassédesmomentsincroyablesàvisitertantdelieuxdifférentsetàrencontrertantdelecteursauxquatrecoinsdelaplanète.
DécouvrezlesautrestitresdelacollectionHugoNewRomancesurlapagedédiée:www.facebook.com/HugoNewRomance
www.hugoetcie.fr
NOTES
1.LesHautsdeHurlevent,EmilyBrontë,traductiondeFrédéricDelebecque,chapitre22.