LIVRE DE LâACADĂMIE
DE CRĂTEIL
2021
Frater-nelle-ment
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Ce livre appartient Ă :
LIVRE DE LâACADĂMIE
DE CRĂTEIL
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Le livre de lâacadĂ©mie de CrĂ©teil 2021 sâinscrit dans le cadre des actions territoriales
menĂ©es par la Mission « Maitrise de la langue et des langages â
prĂ©vention de lâillettrisme ».
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Frater-nelle-ment ĂlĂšves et Ă©crivains, Ă©lĂšves Ă©crivains.
LIVRE DE LâACADĂMIE
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Vous pouvez retrouver ces textes et des informations supplémentaires en vous rendant sur le site :http://langage.ac-creteil.fr/
© Rectorat de lâacadĂ©mie de CrĂ©teil, 2021ISBN : 978-2-11-139633-3ISSN : 2555-2147
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LIVRE DE LâACADĂMIE
DE CRĂTEIL
2021
AUTEURS AYANT PARRAINĂ LE PROJET
SĂVERINE DAUCOURT
ELITZA GUEORGUIEVA
SOPHIE LAROCHE
LISE MARTIN
ISABELLE PANDAZOPOULOS
MARIA POBLĂTE
SONIA RISTIC
ANNE SAVELLI
LUC TARTAR
Cet ouvrage a été édité avec le soutien de la Délégation académique
Ă lâaction culturelle (DAAC) et de la Direction de la communication du rectorat
de lâacadĂ©mie de CrĂ©teil. Il a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© et cofinancĂ© en partenariat
avec la MédiathÚque départementale de Seine-et-Marne, la Maison des écrivains et de la littérature,
le département du Val-de-Marne et la Maison de la Poésie.
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prĂšs la libertĂ© et lâĂ©galitĂ©, le « Livre de lâacadĂ©mie de CrĂ©teil » illustre cette annĂ©e le thĂšme de la fraternitĂ©. Un choix particuliĂšrement per-tinent dans un contexte marquĂ© par les contraintes sanitaires, oĂč
tout ce qui rapproche et lie « fraternellement » les ĂȘtres est plus que jamais essentiel.
Dans ce cinquiÚme ouvrage de la collection, comme dans les parutions précédentes, des textes écrits collectivement par des élÚves de sixiÚme font écho à des textes conçus pour eux par des écrivains « parrains », tous auteurs reconnus. Neuf classes ont ainsi rencontré chacune un écrivain, venu avec son texte pour en partager la lecture et amener « sa » classe à inventer sa propre écriture.
Ă chacun des trois dĂ©partements de lâacadĂ©mie a Ă©tĂ© associĂ© un genre littĂ©raire : le roman pour la Seine-Saint-Denis, la poĂ©sie pour le Val-de-Marne, le thĂ©Ăątre pour la Seine-et-Marne. Chaque classe, accompagnĂ©e de son pro-fesseur, sâest inspirĂ©e du texte de son « parrain » ou de sa « marraine » pour laisser voguer son imagination. Avec humour, avec fantaisie, mais aussi avec gravitĂ©, pour dĂ©noncer les ostracismes et dĂ©fendre les valeurs fraternelles de la solidaritĂ©, de lâentraide et du partage.
Les textes une fois Ă©crits ont Ă©tĂ© mis en page et illustrĂ©s par des Ă©lĂšves de terminale du lycĂ©e Alfred-Costes Ă Bobigny â ainsi est nĂ© un livre Ă part entiĂšre.
Cette collection, pilotĂ©e par la mission « Maitrise de la langue et des langages â prĂ©vention de lâillettrisme », illustre lâeffort engagĂ© par notre aca-dĂ©mie en faveur de lâapprentissage de lâĂ©criture et de la lecture, et plus lar-gement de la maitrise de la langue française. Un apprentissage dĂ©terminant pour tous les Ă©lĂšves dans la rĂ©ussite de leur parcours scolaire, mais aussi, ensuite, de leur insertion sociale et professionnelle.
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LIVRE DE LâACADĂMIE
DE CRĂTEIL
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Cette publication est soutenue par la Direction de la communication et la DĂ©lĂ©gation acadĂ©mique Ă lâaction culturelle (DAAC) de lâacadĂ©mie de CrĂ©teil. Elle a bĂ©nĂ©ficiĂ© du fidĂšle appui de la MĂ©diathĂšque dĂ©partementale de Seine-et-Marne, de la Maison des Ă©crivains et de la littĂ©rature, du dĂ©partement du Val-de-Marne et de la Maison de la PoĂ©sie. Les rencontres avec chaque Ă©cri-vain ont pu avoir lieu grĂące Ă leur aide, et je leur en suis trĂšs reconnaissant.
Je fĂ©licite chaleureusement pour leur crĂ©ativitĂ© et leur engagement les Ă©lĂšves de sixiĂšme et de terminale qui ont conçu cet ouvrage, et jâexprime toute ma gratitude aux auteurs et aux enseignants qui les ont accompagnĂ©s dans lâinvention de ces personnages, de ces textes, de ces images, jusquâĂ ce que naisse ce livre.
Daniel AuverlotRecteur de lâacadĂ©mie de CrĂ©teil
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TEXTE 1 PAGE 42Fraternelle dĂ©rive SĂVERINE DAUCOURT
Fraternité Triptyque Classe de 6e 3CollÚge Nicolas-Boileau à ChenneviÚres-sur-Marne
TEXTE 2 PAGE 48Sonorités ELITZA GUEORGUIEVA
3 272 signes de fraternité Classe de 6e 3CollÚge Pierre-Brossolette à Villeneuve-Saint-Georges
TEXTE 3 PAGE 53Songe Ă la douceur ANNE SAVELLI
Ensemble et unis Classe de 6e BCollĂšge Paul-Ăluard Ă Bonneuil-sur-Marne
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TEXTE 1 PAGE 62Ă lâaide ! LUC TARTAR
Cinq pour un Classe de 6e CCollĂšge Les Creusottes Ă Villeneuve-sur-Bellot
TEXTE 2 PAGE 72Monsieur Dicton et monsieur Fronton SONIA RISTIC
Appeler les grands Ă lâaide Classe de 6e BCollĂšge Louis-Aragon Ă Torcy
TEXTE 3 PAGE 80Sur le banc de touche LISE MARTIN
Sur le banc de touche... Suite Classe de 6e 2CollĂšge Georges-Politzer Ă Dammarie-les-Lys
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TEXTE 1 PAGE 14La claquette et la tongue SOPHIE LAROCHE
Fraternité fracassée Classe de 6e 2CollÚge Pierre-Sémard à Drancy
TEXTE 2 PAGE 22Veux-tu ĂȘtre mon ami ? ISABELLE PANDAZOPOULOS
Veux-tu ĂȘtre mon ami ?... Suite Classe de 6e ECollĂšge Françoise-Dolto Ă Villepinte
TEXTE 3 PAGE 30Le bonnet MARIA POBLĂTE
Lâeau de la nouvelle chance Classe de 6e ACollĂšge Lucie-Aubrac Ă Villetaneuse
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Les collégiens de la Seine-Saint-Denisont travaillé avec trois auteures
La classe de 6e 2du collĂšge Pierre-SĂ©mard Ă Drancyavec SOPHIE LAROCHE
La classe de 6e Edu collÚge Françoise-Dolto à Villepinteavec ISABELLE PANDAZOPOULOS
La classe de 6e Adu collĂšge Lucie-Aubrac Ă Villetaneuseavec MARIA POBLĂTE
dans le cadre dâun partenariatavec la Maison des Ă©crivains et de la littĂ©rature
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ĂLĂVES JALIL JACK BALAZI ATCHI NILLAMA
JOANA BATISTA MESQUITA
NOHAM BOUIBRINE
SAFA BOUYAKOUB
ADAM CHRIF
ANA COCA
MARIA DRAME
NELSON FARIDI SAID
WASSIM GHEMRI
YASSINE JERTILA
MOHAMED KHAMCHANE
THUSINTHA KIRUBADASS
THAMILISAI MOHANARUBAN
MARYAM NIMAGA
FERIEL RELLAM
JALARUVI SENTHURAN
SHARMINA SIVAKUMARAN
SOVANNARITH SOPHEAP
ADRIEN SRIKANTHA SURIESRAJAH
VLAD TIRGOLA
PROFESSEURES MARTINE VILA, professeure de lettres
LAURIANE MATHIEU, professeure documentaliste
TEXTE 1 PAGE 18Classe de 6e 2
CollĂšge Pierre-SĂ©mard Ă Drancy
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ĂLĂVES NOĂLLA ALVES GOMES
SAFWANE AMARA
MALAĂKA ARSHAD
ADIL BENAMEUR
SOFIANE BENYAHIA
RAPHAĂL BLAI
AYMEN BOUMEDIENE
GHIZLĂNE DERRAZ
CHEICK-ATKHANA DIARRASSOUBA
SHAĂNA DJIDDA
EMIRA EL MABROUK
EVRA ELEZUO
MAĂSSA HASSINI
GIULLIAN HILL
BIEN AIMĂ MAFUTA KITAMBALA
CHAINESSE MELOUK
KING MESSIE PABU MPENYI
HOLLY RIGODON
CHARLY SENG
MĂLISSA TEA
ABDELRAHMANE TLEMSANI
CISSĂ TRAORĂ
ETHAN VELUT
ABDELEBASSET ZEGGAI
PROFESSEURE JUSTINE CROIX, professeure de lettres
ĂLĂVES ADEM ALABAY
MARIAM ANE CAMARA
VALOUA-JUNIOR BAMBA
RAYAN CORTES
MAYLIS CSEKE-MOREL
MINATA DIOMANDE
NDEYE AWA DIOP
VITHUSHAN GANESAN
YOUSRA GUESSAS
MAĂSSA ISSAADI
RYAN JEUDY
VĂRONIQUE JOHN
LOSSENI KARAMOKO
DANY LAMBERT
ISMAIL MEZOUAR
BILAL MORDI
OPEYEMI OLADAPO
MIHAJLO PETROVIC
ALIYAN QAMAR
KENZA QUADRY
AYA RAHMOUNI
FOUSSENY SALLA
YASMINE SEFIANE
ANAĂS SI SAID
PROFESSEURS MARIE SOULOUMIAC,professeure de lettres
CĂDRIC ROBIN, professeur documentaliste
TEXTE 2 PAGE 26 Classe de 6e E
CollÚge Françoise-Dolto à Villepinte
TEXTE 3 PAGE 33 Classe de 6e A
CollĂšge Lucie-Aubrac Ă Villetaneuse
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SOPHIE LAROCHE
La claquette et la tongue
Ne nous racontons pas dâhistoire : nous sommes en avril, le ciel nâest pas bleu, pas complĂštement gris non plus, et le thermomĂštre ne dĂ©passe pas les treize degrĂ©s. Ce qui est dĂ©jĂ un trĂšs bon score sur la cĂŽte normande Ă cette saison. Lâapplication mĂ©tĂ©o de monsieur GrĂ©nedeux annonce 12,7 degrĂ©s Celsius prĂ©cisĂ©ment. (Le professeur de SVT la consulte trois fois par jour depuis quâil a appris quâil accompagnerait les quatriĂšmes 4 en classe de voile. Monsieur GrĂ©nedeux est un professeur aussi consciencieux que frileux.)MalgrĂ© ce temps dâavril-ne-te-dĂ©couvre-pas-dâun-fil, Olivier et Lahlou re-montent le quai pavĂ© les orteils Ă lâair : tongues et claquettes aux pieds.Ils sont les seuls ainsi chaussĂ©s. Lila peste parce que ses chaussures en toile blanches ne le sont plus. Sacha, Mia et ZoĂ© ont Ă©tĂ© avantagĂ©es : des annĂ©es de danse leur ont appris Ă circuler sur la pointe des pieds et Ă sautiller. Leurs baskets en cuir nâont pas trop souffert. Bien Ă lâabri dans ses bottes en caoutchouc, Valentin saute Ă pieds joints dans une flaque. Il atteint ses deux cibles, RĂ©da et Malone. DĂšs lundi matin et le dĂ©part en bus, les deux garçons ont charriĂ© leur habituelle victime. Lâobjet de leurs railleries cette fois : ses bottes jaunes en plastique. â Alors Valentin, tu as aussi amenĂ© ta pelle et ton seau ? â Alors Valentin, tu crois que tes bottes te permettront de marcher sur lâeau si ton Optimist se retourne ?Lui a bien regrettĂ© de ne pas avoir eu la place de fourrer ses bottes au fond de son sac. Mais sa mĂšre, dĂ©cidĂ©ment prĂ©voyante, avait tenu Ă ce que :â il emmĂšne deux fois plus de vĂȘtements que ce que les professeurs avaient suggĂ©rĂ© ;â il prenne des bottes en caoutchouc comme câĂ©tait « recommandĂ© ». Valentin est le seul Ă en avoir apportĂ©.Puis le mauvais temps a offert Ă la victime une belle revanche. Pour la pre-miĂšre fois, il ose rĂ©pondre aux moqueries de ses deux copains qui ne le sont peut-ĂȘtre pas vraiment. (Est-on ami de quelquâun dont on se moque rĂ©guliĂš-rement ? MĂȘme si on affirme que câest juste pour plaisanterâŠ) Depuis deux jours, RĂ©da et Malone ont les pieds trempĂ©s et le nez qui coule (Ă©trange effet, quand on y songe !) dans leurs sneakers certes signĂ©s dâune grande virgule amĂ©ricaine, mais pas Ă©tanches. Valentin, lui, non seulement a les pieds au sec mais ne prend aucun risque en mouillant les autres. (Merci maman, il faudra penser Ă lui dire.)Mais revenons Ă Olivier et Lahlou, qui marchent tout derriĂšre, cheveux et orteils au vent.
TEXTE 1
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***
Ces deux-lĂ ont bien failli ne pas partir en classe de voile. Les faits remontent au 7 fĂ©vrier dernier. Un jeudi dâhiver, froid et ensoleillĂ©. CâĂ©tait aussi la veille des congĂ©s dâhiver, et lâexcitation dans lâenceinte du col-lĂšge Ă©tait palpable. Manque de chance pour les deux copains, en 1982 (soit bien avant leurs nais-sances !), le principal de lâĂ©tablissement, monsieur Lepaident, sâest cassĂ© la jambe au ski (sur une piste verte, qui plus est). Depuis, il abhorre ces vacances et nâentend pas du tout quâelles grignotent les jours qui les prĂ©cĂšdent par de lâagitation. (Oui, il abhorre et ne dĂ©teste point : monsieur Lepaident tient Ă partager avec les Ă©lĂšves et ses collĂšgues son registre de langage soutenu.)
Or, ce jour-lĂ , Olivier Ă©tait dâune humeur agitĂ©e. Lui partait le lendemain soir au ski par le train de nuit, et sâimaginait dĂ©jĂ dĂ©valant les pistes. Cette exci-tation lâa poussĂ© Ă relĂącher trop vite la tablette numĂ©rique de sa professeure dâhistoire-gĂ©ographie quâil avait consultĂ©e en toute interdiction pendant la pause. (Il espĂ©rait effacer les devoirs prĂ©vus pendant les vacances. Mais cela, il ne lâavouera jamais, alors, de grĂące, gardez lâinformation pour vous.)La tablette a rebondi sur le bord de la chaise avant de sâĂ©craser au sol. Son Ă©cran sâest fissurĂ© de tout son long. Le coupable a vite replacĂ© lâobjet dans la sacoche de son enseignante et a filĂ© hors de la classe, en espĂ©rant trĂšs fort que madame Lorthois se demanderait Ă quel moment elle avait bien pu cogner son sac et abĂźmer son contenu.Ăa nâa pas fonctionnĂ©. Pire encore, madame Lorthois a utilisĂ© sa tablette dĂšs le dĂ©but de son cours, quâelle a immĂ©diatement interrompu. â Qui a touchĂ© Ă mon iPad ? sâest-elle exclamĂ©e sur un ton quâelle espĂ©rait intimidant. En vain : madame Lorthois a une voix de moineau. Personne ne sâest dĂ©noncĂ©, personne ne sâest mĂȘme montrĂ© embarrassĂ©. Par un fĂącheux concours de circonstances, il se trouve que madame Lorthois Ă©tait Ă©galement de mauvaise humeur ce jour-lĂ . Elle allait en effet passer ses premiĂšres vacances sans son petit ami, parti pour une autre femme deux se-maines plus tĂŽt. Lâex ingrat sâĂ©tait montrĂ© gĂ©nĂ©reux quand il Ă©tait encore amoureux : câest lui qui avait offert ladite tablette. Les Ă©lĂšves lâoublient souvent, mais les professeurs ont aussi une vie privĂ©e, parfois jolie, parfois triste, parfois les deux en mĂȘme temps. Quand elle vient se cogner Ă la vie de classe, le choc peut ĂȘtre rude.Madame Lorthois nâa rien lĂąchĂ© : elle ne quitterait pas la salle de cours tant que le coupable ne se serait pas dĂ©noncĂ©. AprĂšs tout, plus personne ne lâat-tendait chez elle. (Bien entendu, elle ne partagea pas la confidence.) Et si elle
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restait, les Ă©lĂšves resteraient Ă©galement. Lâhorloge murale affichait dĂ©jĂ un quart dâheure dâhistoire silencieuse prise sur le cours de maths suivant quand Olivier a levĂ© la main :â Câest moi, mâdame.Madame Lorthois nâa marquĂ© aucun soulagement dâavoir dĂ©masquĂ© le cou-pable. Pour elle, lâaffaire nâĂ©tait pas terminĂ©e :â Accompagne-moi chez monsieur Lepaident, a-t-elle juste rĂ©pondu.Olivier sâest exĂ©cutĂ© sans prĂ©ciser quâil allait louper les maths, sa matiĂšre prĂ©-fĂ©rĂ©e. Les autres lâont regardĂ© partir sans oser commenter. Seul Lalhou savait quâOlivier Ă©tait le coupable : il avait fait le guet devant la salle de cours pendant le mĂ©fait. Mais pour rien au monde, il nâaurait balancĂ© son meilleur copain.
***
Olivier et Lalhou se sont rencontrĂ©s en classe de sixiĂšme. Les deux voisins de classe Ă©taient tous les deux impressionnĂ©s ce jour de septembre. Mais ils nâont pas rĂ©agi de la mĂȘme maniĂšre. Lalhou sâest murĂ© dans un silence protecteur, Olivier, lui, commentait tout ce quâil voyait comme si dĂ©verser des pelletĂ©es de mots sur cette rentrĂ©e la rendait moins intimidante.Puis Olivier sâest tu Ă son tour. Et lĂ , au bout de quelques minutes, Lalhou lui a adressĂ© un grand sourire et lui a murmurĂ© : â Alors, toi aussi, finalement, tu penses comme moi ? La surprise dâOlivier a cĂ©dĂ© la place Ă une envie de rire quâil a eu le plus grand mal Ă contenir. DĂšs la pause suivante, les prĂ©sentations Ă©taient faites et lâamitiĂ© nouĂ©e. De ces nĆuds de marins qui rĂ©sistent Ă toutes les tempĂȘtes.Olivier et Lalhou nâont pas du tout grandi dans le mĂȘme environnement. Le pĂšre dâOlivier est cadre supĂ©rieur dans une grande entreprise. La famille ha-bite une maison en pierres de taille entourĂ©e dâun vaste jardin. Une marquise protĂšge les visiteurs de la pluie. Elle permet aussi de se dĂ©chausser avant de pĂ©nĂ©trer, pour ne pas salir lâentrĂ©e. Ne vous y trompez pas : les parents dâOli-vier ne sont pas des personnes austĂšres et hautaines. Tout juste ont-ils quelques principes. Chez eux, on ne mange pas les frites avec les doigts (Ă part les rares et heureuses fois oĂč le dĂźner est remplacĂ© par un restaurant oĂč lâon vient comme on est). On ne porte pas non plus de tongues en vacances, ce nâest pas vraiment vulgaire, mais tout de mĂȘme populaire. Le pĂšre dâOlivier leur prĂ©fĂšre de loin les espadrilles et leurs semelles de corde qui sâusent sur les rochers bretons. Lalhou, lui, vit en citĂ©, avec tout ce que cela comporte certes de difficultĂ©s, mais aussi de jolis liens, loin des clichĂ©s des chaĂźnes tĂ©lĂ©visĂ©es dâinformation avides dâimages de violence. Chez lui, on ne mange pas de porc et on ne mĂ©prise pas ceux qui en consomment. On ne porte pas non plus de claquettes, mĂȘme si câest la mode avec des chaussettes. Le pĂšre de Lalhou a une thĂ©orie sur le sujet : sâil faut dĂ©taler, des claquettes, ce nâest pas pratique. Il sait, il lâa expĂ©rimentĂ©.
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Deux univers, deux regards sur le monde, mais qui partagent la mĂȘme ouver-ture dâesprit, et ces deux-lĂ se frĂ©quentent aussi en dehors du collĂšge depuis trois ans dĂ©jĂ . Ils dorment chez lâun, ils dorment chez lâautre.Il nây a que le voyage quâils nâont pas encore tentĂ© ensemble. Alors, mĂȘme si câĂ©tait encadrĂ© par les professeurs et Ă des fins pĂ©dagogiques, ils ne comptaient pas manquer la classe voile du mois dâavril. Seulement, en cette fin de matinĂ©e de fĂ©vrier, la rumeur sâest rĂ©pandue plus vite quâun nouveau tĂ©lĂ©phone Ă la pomme le jour de sa mise en vente : Olivier allait ĂȘtre privĂ© de voyage Ă cause de la dĂ©gradation de la tablette de madame Lorthois. Ă la fin du cours de maths, RĂ©da et Malone sont venus charrier Lahlou :â Est-ce que tu veux partager notre chambre, maintenant que tu te retrouves seul ? Lahlou nâa pas rĂ©pondu. Pas parce que le silence restait sa dĂ©fense rĂ©flexe face aux situations difficiles, mais parce quâil avait bien mieux Ă faire. Sans perdre une seconde, il a dĂ©valĂ© lâescalier, remontĂ© le couloir qui mĂšne Ă lâadminis-tration et ouvert la porte du principal sans mĂȘme prendre la peine de frapper dâabord (ce qui est vraiment risquĂ©, vous le reconnaĂźtrez !) :â Croyez pas ce quâil dit, câest moi qui lâai cassĂ©e, a-t-il lĂąchĂ©, essoufflĂ©. Olivier sâest dĂ©noncĂ© pour me protĂ©ger.
***
Sous ce ciel quand mĂȘme plus gris que bleu, dans ce joli port de pĂȘche nor-mand, Olivier et Lahlou marchent les orteils Ă lâair.Lahlou nâa jamais voulu en dĂ©mordre : Olivier nây Ă©tait pour rien, câĂ©tait lui le coupable.Olivier nâa rien cĂ©dĂ© : Lahlou ne savait pas de quoi il parlait, il Ă©tait aux toi-lettes quand Olivier a commis son mĂ©fait.Allez savoir pourquoi⊠Cette obstination contre vents et sanctions a Ă©mu le principal. (Lui aussi avait eu un trĂšs bon copain au collĂšge.) Il fallait quand mĂȘme bien clore cette affaire. Les parents des deux garçons ont Ă©tĂ© appelĂ©s sur le champ. Tandis quâils attendaient tous lâĂ©noncĂ© de la sanction, Lahlou et Olivier se sont fait une promesse. Le principal sâest montrĂ© conciliant : lâassurance de lâĂ©tablissement prendrait en charge la rĂ©paration. Les garçons ont quand mĂȘme Ă©copĂ© de deux heures de colle pour⊠mensonges. Ce matin, sur le marchĂ© de cette petite ville cĂŽtiĂšre, les garçons ont tenu leur engagement. Ils ont fait quelques achats. Depuis, lâun marche en tongues, lâautre en claquettes.Au fait, câest Lahlou qui porte les tongues.Et Olivier qui se balade en claquettes.
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CLASSE DE 6e 2, COLLĂGE PIERRE-SĂMARD Ă DRANCY
Fraternité fracassée
Aujourdâhui, câest le retour des vacances de la Toussaint. Une rentrĂ©e particuliĂšre car Olivier et Rose ont dĂ©mĂ©-nagĂ© et dĂ©couvrent leur nouveau collĂšge. Ils lisent son nom, « ODEMON », inscrit sur un mur gris et dĂ©labrĂ©, puis franchissent le portail cassĂ©. Ils se regardent, Ă©ton-nĂ©s de voir le bĂątiment dans cet Ă©tat. La devise de lâĂ©ta-blissement leur donne des frissons : « Irrespect, RivalitĂ©, MĂ©chan cetĂ© ». Olivier se tourne vers Rose et sâexclame :â Comme ce collĂšge fait peur ! Tâas vu les façades rouges et les tags ! Rose a les cheveux bouclĂ©s chĂątain clair, elle sâhabille toujours en veste de jean. Elle adore le chocolat, surtout le chocolat blanc, mais elle aime aussi beaucoup les lĂ©-gumes. Elle joue souvent Ă des jeux de cartes avec son frĂšre, adore la couleur bleue et dĂ©teste porter du violet. Olivier a les cheveux noirs. Il met toujours des tee-shirts noirs. Il raffole des fruits et du caramel. Il aime jouer aux jeux de sociĂ©tĂ©.Les deux enfants rangent leurs tĂ©lĂ©phones. Ils sâĂ©tonnentque les surveillants ne vĂ©rifient pas les carnets et que les autres Ă©lĂšves rentrent tĂ©lĂ©phone en main. Rose repĂšredes bagarres dans le hall. Une Ă©trange sonnerie retentit : elle ressemble Ă un rire effrayant. Olivier montre Ă sa sĆur lâendroit oĂč ils doivent se ranger mais ils constatent que les autres sont Ă©parpillĂ©s. Le frĂšre et la sĆur les suivent en direction de la salle dâarts plastiques.Le professeur dâarts plastiques, monsieur Noirchard, at-tend les Ă©lĂšves dans sa classe. Les affiches exposĂ©es, les tĂȘtes de mort, les murs peints en noir trĂšs sombre ef-fraient nos deux hĂ©ros. Les Ă©lĂšves sâassoient sans la per-mission du professeur, certains mettent leurs pieds sur les tables et dâautres tapotent sur leur tĂ©lĂ©phone. La moitiĂ© lance des papiers, lâautre gribouille sur les tables. Seuls Rose et Olivier sâinstallent correctement.
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Un camarade, Malcom, prend le tube de peinture de Rose et le jette sur le professeur. Monsieur Noirchard, Ă©nervĂ©, frappe lâĂ©lĂšve. Celui-ci lui rend son coup. Rose demande trĂšs respectueusement au professeur :â Excusez-moi monsieur, puis-je aller chercher mon tube de peinture ?Et pourtant, le professeur sâĂ©nerve contre elle et lui colle deux heures de retenue. Câest lâheure de la rĂ©crĂ©ation. En descendant les esca-liers, Olivier et Rose constatent que tout le monde se frappe, mĂȘme les surveillants ! La cour est petite, ses murs sont fissurĂ©s. Tout Ă coup, trois grands troisiĂšmes sâapprochent dâeux et les insultent. Le frĂšre et la sĆur rĂ©ussissent Ă sâĂ©chapper et se rĂ©fugient dans les toilettes. Ils tombent alors sur des Ă©lĂšves qui font des graffitis. Dâautres se font harceler, mĂȘme lĂ .Ă ce moment-lĂ , deux cinquiĂšmes, Harmonie et ClĂ©ment, rejoignent discrĂštement Rose et Olivier et leur rĂ©vĂšlent quâeux aussi sont harcelĂ©s. Ils leur proposent de venir dans un endroit « secret » : le CDI.Quand ils y arrivent, ils voient des piles de livres tout dĂ©chirĂ©s, un sol sale couvert de traces. La professeure documentaliste est Ă moitiĂ© cachĂ©e derriĂšre son bureau, on aperçoit juste ses yeux marron et ses cheveux lisses chĂątains. â Câest une merveilleuse professeure, trĂšs gentille mais qui fait semblant dâĂȘtre mĂ©chante devant les autres, explique ClĂ©ment.Elle sâapproche dâeux et ils lui indiquent la raison de leur prĂ©sence. Ils sâassoient tous autour dâune table au fond du CDI et la professeure se met Ă leur expliquer la raison des problĂšmes de ce collĂšge. Il y a vingt ans, lorsque le principal Ă©tait petit, il Ă©tait lui-mĂȘme harcelĂ©. Devenu adulte et principal de cet Ă©tablissement, il sâest vengĂ© sur le fils de son harceleur, monsieur Fox, qui avait intĂ©grĂ© le collĂšge sans savoir qui le dirigeait. Il a Ă©tabli des lois permettant le harcĂšlement pour parvenir Ă ses fins. La professeure documentaliste Ă©tait jadis sa meilleure amie et malgrĂ© ce quâil est devenu, elle est restĂ©e Ă ses cĂŽtĂ©s. Une fois que la documentaliste a fini son rĂ©cit, Olivier chuchote :
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â Nous devons Ă©tablir un plan pour changer ça !Rose reprend :â Nous devons aussi protĂ©ger les enfants harcelĂ©s, mais comment allons-nous rĂ©ussir ?Harmonie lâencourage :â ClĂ©ment et moi, nous allons vous aider ! Il faudrait rĂ©-unir les deux anciens ennemis, pour quâils se prĂ©sentent des excuses et quâils se rĂ©concilient.Une semaine plus tard, le plan est prĂȘt. La professeure documentaliste a convoquĂ© monsieur Fox pour le faire venir au collĂšge. Harmonie et ClĂ©ment se chargent dâatti-rer le principal dans une salle de classe vide pendant que Rose et Olivier y dirigent monsieur Fox. Ils ont dĂ©cidĂ© de rester pour faire les mĂ©diateurs entre les deux ennemis et tenter de rĂ©tablir le dialogue.Quand ils se rendent compte du piĂšge, monsieur Fox et le principal refusent de discuter. Rose, Olivier et leurs ca-marades font alors leur possible pour les convaincre dâes-sayer, et tout le monde finit par entrer dans la salle.AprĂšs quelques heures de bruits, de cris et dâinsultes, un certain calme sâinstalle. Les deux hommes continuent dâĂ©changer de maniĂšre plus apaisĂ©e.En sortant, ils discutent tranquillement. Le principal nâa jamais semblĂ© aussi serein :â Vous avez raison, dit-il. Nous ne sommes plus des enfants.â Merci les jeunes ! ajoute monsieur Fox. Vous nous avez Ă©normĂ©ment aidĂ©s.â Nous allons revoir les rĂšgles, conclut le principal.Une nouvelle semaine commence. Le principal rĂ©unit tous les Ă©lĂšves en prĂ©sence de monsieur Fox pour leur annon-cer les changements au collĂšge. Le principal constitue des groupes dâĂ©lĂšves et donne une mission Ă chacun : crĂ©er de nouvelles rĂšgles, imaginer un nouveau nom pour le collĂšge, nettoyer la cour et les salles de classeâŠQuand vient son tour de parler, monsieur Fox annonce quâil va aider Ă rĂ©nover le collĂšge. Sa fortune servira Ă favoriser le vivre-ensemble.AprĂšs quelques semaines de travail, tout le collĂšge re-baptisĂ© « Osange » se rĂ©unit pour cĂ©lĂ©brer le retour de la fraternitĂ© dans lâĂ©tablissement. Ă prĂ©sent, dans ce
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collÚge flambant neuf, tous les élÚves sont retournés en classe de façon paisible.Olivier, Rose et leurs camarades ont repris les cours, les jeux et⊠les chamailleries !
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ISABELLE PANDAZOPOULOS
Veux-tu ĂȘtre mon ami ?
Les jours de rentrĂ©e, les cĆurs battent toujours un peu Ă contretemps. Un mĂ©lange de plaisir et dâangoisse qui a empĂȘchĂ© de profiter pleinement des derniers jours de vacances. On doit ranger sa chambre, jeter, trier, classer, se coucher tĂŽt pour sâhabituer Ă se rĂ©veiller quand le soleil nâest pas encore levĂ©. Les parents recommencent Ă donner des ordres et Ă tout interdire. On joue encore dehors mais pas trop tard, on joue sur la console mais pas trop longtemps. Et soudain, ils veulent savoir avec qui on discute sur les rĂ©seaux sociaux : câest qui celui-lĂ , je ne le connais pas⊠On ressort les chaussettes, les cartables, le blouson. Dehors, il sâest remis Ă pleuvoir. On a beau faire, le temps passe, le 1er septembre est lĂ . Ă la tĂ©lĂ©, la radio, et dans les journaux, on ne parle que de la rentrĂ©e comme si câĂ©tait une fĂȘte ! Personne ne dit que ça fait des boules au ventre et des nĆuds dans la tĂȘte. Pire que tout, le jour oĂč tu entres en sixiĂšme. OĂč tu te retrouves au milieu de trois cents Ă©lĂšves dans une cour immense en attendant dâĂȘtre rĂ©parti dans lâune des huit classes. Ce que tu redoutes arrive. Tu vois tous ceux que tu connais depuis la maternelle partir en sixiĂšme 5. Quand tu entends enfin prononcer ton nom, tu avances vers ta classe. Il te semble que tout le monde te regarde en riant. Câest pire que le pire des cauchemars. Tu ne connais personne. Tu voudrais pleurer, crier que câest injuste, supplier quâon te rende tes vieux amis, ton ancienne maĂźtresse, ton ancienne Ă©cole et ton insouciance. Mais comme il paraĂźt que tu es grand, tu serres les dents et tu retiens tes larmes. Le soir, quand on te pose la question, tu racontes que tout sâest bien passĂ©. Tu ne connais personne. Câest pas grave. Tu leur dis bravement que tu vas te faire des amis, plein dâamis. Ils ont lâair super et tes profs aussi, gentils et dĂ©tendus, tellement comprĂ©hensifs. Tu mens et personne chez toi ne sâen rend compte. Tes parents ne tâĂ©coutent pas. Ils ont des tas de soucis, avec leur chef, leurs ho-raires de travail. Ils organisent lâannĂ©e Ă tour de bras avec des rendez-vous en tous genres. Et puis ta sĆur est entrĂ©e Ă lâĂ©cole maternelle. Il paraĂźt quâelle ne supporte pas. Tes parents sâinquiĂštent. Ils sâorganisent pour venir la chercher le midi, quâelle mange Ă la maison, quâelle fasse la sieste ici avec son doudou. Qui a dit que câĂ©tait bien de grandir ? Tu as envie de pleurer et cette fois tu as honte. Tu cours dans ta chambre oĂč tu fais semblant de faire tes devoirs.En vĂ©ritĂ©, ceux de ta classe, tu leur trouves Ă tous des airs de rien du tout, tu ne saurais les dĂ©crire, ils se ressemblent tous, ce sont des inconnus totalement indiffĂ©rents Ă qui tu es comme Ă ce que tu Ă©prouves.
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Quatre semaines passent et rien ne change.
HonnĂȘtement, tu nâaurais jamais cru que ce soit si difficile de se faire de nou-veaux amis. Ă la rĂ©crĂ©, tu retrouves ceux dâavant mais ce nâest plus la mĂȘme chose. Ils parlent de profs que tu ne connais pas, de choses que tu nâas pas vĂ©cues, ils ont un emploi du temps qui ne correspond pas au tien. Tu les croises, ils te saluent, et dĂ©jĂ tu le vois bien, ils commencent Ă tâoublier.
Jusquâau jour oĂč arrive ce qui devait arriver.
LâĂ©tablissement scolaire est immense et tu changes de salle toutes les heures. Tu nâas aucun sens de lâorientation, tu aurais dĂ» suivre ceux que tu connais mais vous nâĂȘtes que trois en cours de chinois. Maintenant tu as Sciences et Vie de la Terre et tu ne sais pas oĂč se trouve ta salle. La premiĂšre sonnerie retentit. Les couloirs se vident. Ils ont tous lâair de savoir oĂč ils vont. Toi, tu dois ĂȘtre devenu parfaitement transparent. Personne ne te remarque. MĂȘme pas les surveillants. Tu nâoses pas demander de lâaide. Tu es timide, tu es idiot, tu es nouveau. Tu montes les escaliers, tu arpentes les couloirs, tu te mets Ă courir⊠tu as encore envie de pleurer. La prof est exigeante. Quand tu arriveras dans sa classe, elle ne te croira pas, et câest sĂ»r, elle va te coller une heure de retenue. Jamais tu ne tâes senti aussi seul. AbandonnĂ©. Câest comme dans les cauchemars.
Quand soudain, quelquâun surgit au bout du couloir et te voyant, se prĂ©cipite vers toi. â Bonjour, je mâappelle Hugo, jâai 11 ans, et toi, comment tu tâappelles ? Tu recules dâun pas. Il est trop prĂšs, il parle trop fort, il nâa pas lâair dâavoir 11 ans. Tu lui dis qui tu es et en mĂȘme temps tu essaies de le contourner. Il te met mal Ă lâaise, tu ne penses quâĂ une chose, comment tâen dĂ©barrasser. Mais il nâa pas lâair de sâen rendre compte. â Jâaime bien ton prĂ©nom. Et puis jâaime bien ta tĂȘte aussi. Tu veux bien ĂȘtre mon ami ? Tu ouvres des yeux ronds, quelle question bizarre, que peux-tu lui rĂ©pondre ?La bouche dâHugo se tord et sa voix monte dans les aigus. â Tu rĂ©ponds pas ? Pourquoi tu rĂ©ponds pas ? Tu veux pas ? Hugo parle comme une mitraillette. Il a la peau rongĂ©e par des plaques de boutons purulents, de grands yeux qui ne se ferment pas, des tics et des tocs et une voix de crĂ©celle. Mais le plus dĂ©rangeant, câest quâil sâest approchĂ© de toi, tout prĂšs trop prĂšs, de plus en plus prĂšs. Il te regarde Ă la loupe Ă moins quâil ne te renifle⊠Tu as lâimpression quâil essaie de se coller contre toi, si fort que vous pourriez ne former plus quâun. Il te fait peur.
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â Je sais pas, vas-y, laisse-moi ! Je suis pressé⊠Tu forces le passage et tu te remets Ă marcher. Hugo ne se dĂ©monte pas. Il te suit, sautille Ă tes cĂŽtĂ©s, il a lâair tout content comme si tu lui avais promis une amitiĂ© Ă©ternelle. â Tu vas oĂč ? Tâes dans quelle classe ?Tu ne rĂ©ponds rien, furieux. Il ne manquait plus que ce dĂ©bile pour pimenter cette journĂ©e-catastrophe. â Moi, je suis dans la classe Ulis et je vais aller en sixiĂšme 7 quand je pourrai tenir en place. Tu sursautes. La sixiĂšme 7, justement câest la tienne ! â Pourquoi tu vas pas dans ta classe ? demande Hugo, comme inquiet soudain dâerrer dans les couloirs en rasant les murs.â Je suis perdu, soupires-tu au bout du dĂ©sespoir. â Ah bon ?! Tâas quel cours ? â SVT⊠Tu lĂšves les yeux vers lui, perplexe. â Viens ! Tu nâas dâautre choix que de le suivre. Dâautant quâil a lâair vraiment de savoir oĂč il va. Vous traversez le hall dâentrĂ©e en courant. Hugo rit aux Ă©clats, il fonce Ă vive allure, tu peines Ă le suivre. Tu reconnais les lieux. Vous ĂȘtes bientĂŽt arrivĂ©s. Tu tâarrĂȘtes net, tu ne veux pas quâon te voie avec Hugo. â Câest bon, merci, maintenant je vais me dĂ©brouiller. Hugo te regarde droit dans les yeux. Il comprend exactement ce qui se passe. Il penche un peu la tĂȘte sur le cĂŽtĂ©, blessĂ©. Il ouvre la bouche pour protester et la referme sans rien dire. Il sâen va et tu ne fais rien pour le retenir. Au moment oĂč tu vas entrer dans ta classe, Hugo se ravise. â On se retrouve Ă la rĂ©crĂ© ? Tu fais oui avec la tĂȘte. Et puis tu lâoublies. Contre toute attente, la professeure de SVT est trĂšs comprĂ©hensive. Elle dĂ©cide mĂȘme de vous mettre en binĂŽmes. Tu tombes avec Nathan qui vient sâasseoir Ă cĂŽtĂ© de toi et te propose dans la foulĂ©e de faire partie de leur Ă©quipe. Il tâex-plique quâil joue au foot tous les midis avec une bande. Les autres jours, ils sont Ă lâatelier Jeux de sociĂ©tĂ©. Tu acceptes avec enthousiasme. Le soleil est revenu. Tout te semble soudain plus facile. Les premiers jours de la rentrĂ©e te semblent loin. Tu fais partie dâun groupe, tu es devenu un copain comme un autre. Tu tapes dans le ballon avec enthousiasme, tu fais tes devoirs avec eux en salle de perm, et tu affrontes Emma aux Ă©checs sous lâĆil admiratif des filles de ta classe. â Tu te dĂ©fends pas mal, concĂšde la championne. Tu rougis. Emma a les yeux clairs, des cheveux bouclĂ©s et un sourire incroyable.
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Elle tâinvite chez elle pour faire un exposĂ© en Histoire le mercredi suivant. Ce jour-lĂ , tu lâas prĂ©parĂ© comme si câĂ©tait le jour le plus important de ta vie. Tu as cherchĂ© des documents concernant ton exposĂ© â sur les jeux olympiques en GrĂšce antique â, ils sont dans ton cartable, tu as mis ton polo prĂ©fĂ©rĂ© et tu as mĂȘme piquĂ© un peu du parfum de ton pĂšre. Sur le chemin, juste en face de lâappartement dâEmma, tu entends quelquâun crier. â Tu veux ĂȘtre mon ami ? Cette voix, tu la reconnais aussitĂŽt. Et elle te fait lâeffet dâune gifle. Tu te re-tournes et tu le vois. Câest Hugo qui va et vient sur le trottoir dâen face. Dix pas dâun cĂŽtĂ©, stop, et recommence en sens inverse. Il se balance dâavant en arriĂšre, parfois il se tape mĂȘme la tĂȘte sur le mur, il se gratte avec fureur le visage, arrĂȘte les gens qui sâĂ©cartent, il leur fait peur⊠Une tristesse sans nom sâabat sur toi. Tu devrais dĂ©tourner la tĂȘte, les yeux, lâoublier encore. Mais tu nây arrives pas. Tu te sens minable Ă passer ton che-min. Tu reconnais le dĂ©sarroi dâHugo. Câest le mĂȘme que le tien. Ce sentiment de solitude, cette impression dâabandon, comme si ton existence ne valait rien. Tu traverses la rue. Tu lâappelles :â Hugo ? Dâabord il ne tâentend pas. Il te faut encore faire un pas et lui toucher le bras. Il sâarrĂȘte net. Te regarde en plissant les yeux. â Tu me reconnais ? On sâest croisĂ©s un jour dans un couloir du collĂšge. â Tu veux ĂȘtre mon ami ? Tu souris, tu le prends par la main. â Oui, Hugo, je veux bien. On va essayer, ok ? Hugo me regarde sans y croire. Il a raison. Je lâai dĂ©jĂ trahi. Comment faire pour quâil me fasse confiance ? Jâavale ma salive, je prends ma respiration et je dis sans hĂ©siter. â Tu veux bien venir avec moi ? Je vais chez Emma pour un exposĂ© ? â Emma de la sixiĂšme 7 ? demande-t-il, Ă©berluĂ©. Je hoche la tĂȘte. â Elle habite oĂč ? On avance tous les deux sur le mĂȘme trottoir. Jâai le cĆur qui bat Ă tout rompre. Je ne suis pas sĂ»r dâĂȘtre Ă la hauteur de lâamitiĂ© dâHugo. Jâai peur. De la rĂ©-action dâEmma, de celle des Nathan, de tous ces autres qui me ressemblent.
Mais Hugo, tu vas voir, on va y arriver.
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CLASSE DE 6e E, COLLĂGE FRANĂOISE-DOLTO Ă VILLEPINTE
Veux-tu ĂȘtre mon ami ? ... Suite
Hugo et toi prenez le chemin de chez Emma. Hugo fait des bruits et des mouvements bizarres. Il recule, il avance, il recommence, tout en se tapant sur la tĂȘte. â Ăa va, Hugo ?â Jâai peur.â TâinquiĂšte, tout va bien se passer.Tu le rassures, mĂȘme si toi aussi tu as peur. Emma est une fille gentille, elle pourra comprendre. AprĂšs tout tu nâen es pas si sĂ»r : la joueuse dâĂ©checs tient beaucoup Ă sa rĂ©putation, et si elle te reprochait de lâassocier Ă Hugo ?Vous arrivez devant la porte. Tu dis Ă Hugo dâun air gĂȘnĂ© :â Ne fais pas nâimporte quoi lĂ -bas !Il balance la tĂȘte de haut en bas. Tu te dĂ©cides Ă sonner.Emma ouvre la porte, elle a lâair mal Ă lâaise. Elle te de-mande sĂšchement :â Pourquoi il est lĂ ?Hugo baisse immĂ©diatement la tĂȘte.â Je lui ai proposĂ© de venir nous aider, il nâavait pas de groupe.Elle vous dit dâentrer. Elle te prend Ă part.â Hugo est ton ami ?â Oui, il peut rester ? Il se tiendra tranquille.â Dâaccord, rĂ©pond-elle dâun air contrariĂ©.En entrant dans le salon, elle te demande si tu as fait des recherches sur les Jeux olympiques. Tu lui rĂ©ponds que oui, tu as trouvĂ© beaucoup de choses. Elle sâadresse Ă Hugo sur un ton cinglant :â Et toi Hugo, tu peux nous aider ?Hugo hoche la tĂȘte.â Oui... oui... oui...Emma lĂšve les yeux au ciel. Tu sens que la situation tâĂ©chappe mais tu fais bonne figure.
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Vous tentez de vous concentrer sur les documents que vous avez rĂ©unis mais Hugo vous en empĂȘche en faisant claquer de plus en plus bruyamment sa langue contre ses dents. Emma le regarde de travers. Elle a clairement envie de vous dire de partir mais fait comme si de rien nâĂ©tait et glisse Ă Hugo un livre sur votre exposĂ©.Il se fige puis il commence Ă trembler. Il devient tout rouge car il essaie de se contenir. Subitement, il attrape le livre et se tape la tĂȘte. Il dĂ©chire les pages, les chiffonne et les piĂ©tine. â Mais dis-lui dâarrĂȘter, câest mes affaires ! sâagace Emma.â ArrĂȘte Hugo !â Mais il est fou ! crie Emma.â Non, il nâest pas fou, il est diffĂ©rent, câest tout.Tu parles dâabord calmement puis tu hausses le ton. Plus tu cries, plus Hugo sâĂ©nerve.â Hugo, arrĂȘte de dĂ©chirer les affaires dâEmma !Cette fois, tu as criĂ© si fort quâHugo a bondi. Son regard semble te dire « Pourquoi tu mâas emmenĂ© ici ? » Il baisse la tĂȘte et se met Ă courir vers la porte. Tu tentes de le retenir mais Hugo continue dâavancer. Il ne te voit pas, il ne tâentend pas. Tu hurles :â Emma, allons le chercher !â On sâen fiche dâHugo, on a un exposĂ© Ă faire ! rĂ©torque Emma exaspĂ©rĂ©e.â Imagine ce qui peut lui arriver !â Bon, allons-y, abdique-t-elle.Vous sortez de chez Emma sans vous adresser un mot. Vous vous sĂ©parez en vous donnant rendez-vous Ă 18 h.Les heures passent et tu ne trouves pas Hugo. Tu ne peux pas tâempĂȘcher dâimaginer les pires scĂ©narios. Tu vois une personne au loin, tu cries : « Hugo, câest toi ? » Elle se retourne en te regardant bizarrement. Tu pars rejoindre Emma, dĂ©pitĂ©.Elle non plus ne lâa pas trouvĂ©. Vous finissez lâexposĂ© sans vraiment vous parler.Tu rentres chez toi complĂštement angoissĂ©. Tes parents sont dans le salon. Ils ont toujours lâair aussi fatiguĂ©s. Ta mĂšre tâinterroge sans quitter la tĂ©lĂ© des yeux :â LâexposĂ© sâest bien passĂ© ?â Oui, ouiâŠ
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Tu nâas pas le courage de tout leur expliquer.â Je suis fatiguĂ©, je prĂ©fĂšre me coucher.Tu montes dans ta chambre, tu tâĂ©croules sur ton lit mais tu ne fermes pas lâĆil de la nuit.Le lendemain, tu arrives avec une boule au ventre au col-lĂšge. Tu cherches partout mais tu ne trouves pas Hugo. Enfin, tu entends : « Tu veux ĂȘtre mon ami ? » Tu es rassu-rĂ©. Tu tâapproches et tu lui demandes :â Quâest-ce quâil tâest arrivĂ© hier ? â Je ne sais pas. Pourquoi ? te rĂ©pond Hugo comme si rien ne sâĂ©tait passĂ©. Je suis content dâĂȘtre en his-toire-gĂ©o avec toi.â Oui, moi aussi, Hugo.La sonnerie retentit. Tu commences Ă ĂȘtre nerveux. Tu as peur que ton exposĂ© soit ratĂ©. Le professeur vous appelle Emma et toi. Tu te lĂšves, tu prends tes affaires mais cu-rieusement, Sabrina prend la parole :â Monsieur, finalement, câest avec moi quâEmma a fait lâexposĂ©.Le professeur te demande si Sabrina dit la vĂ©ritĂ©. Tu ne sais pas quoi rĂ©pondre. Tu cherches Emma du regard en espĂ©rant quâelle intervienne mais elle ne dit rien. De quoi a-t-elle peur au juste : dâavoir une mauvaise note ou quâon la juge pour avoir acceptĂ© de travailler avec Hugo ? Tu ne comprends plus rien mais le professeur at-tend une rĂ©ponse :â Ce nâest pas vrai monsieur ! Elles nâont pas fait lâexposĂ© ensemble.Sabrina et Emma sâexclament : « Si monsieur, il raconte nâimporte quoi, câest un menteur ! »Le mot « menteur » te paralyse, tu as envie de pleurer. Tu as honte, tu as peur : et si plus personne ne voulait te parler ? Tu prĂ©fĂšres te taire pour te faire oublier mais tu vois Hugo se mettre Ă taper sur sa table. Tu comprends quâil a envie de parler mais quâil nây arrive pas. Il bĂ©gaie :â Nn⊠Nnn⊠Nnoon, faux, câest faux, faux.Sabrina lui lance un regard furieux. Elle lui chuchote :â Tais-toi, sale Ulis !Ton sang ne fait quâun tour, contre toute attente, tu te lĂšves et tu prends la parole :â Pour quelles raisons faites-vous ça ? Quâest-ce que cela peut apporter Ă votre vie ? Parce quâil est handicapĂ©,
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vous pouvez le prendre de haut ? Parce quâil ne va rien faire, parce quâil ne va rien dire, vous vous donnez tous les droits ? Maintenant, câest fini, je suis lĂ pour le protĂ©-ger. Si vous vous mettiez ne serait-ce quâune seconde Ă sa place, vous comprendriez que la seule chose Ă faire câest de lâaider !Emma baisse la tĂȘte et dit :â Je suis dĂ©solĂ©e.Sabrina lui lance un regard assassin et dĂ©clare :â Moi je nâai pas Ă mâexcuser.Le professeur, qui jusque-lĂ observait la scĂšne, stupĂ©fait, finit par intervenir :â Sabrina, puisque tu ne veux pas tâexcuser, tu iras tâexpli-quer dans le bureau de la principale. Je crois que beau-coup dâentre vous doivent des excuses Ă Hugo. Est-ce que quelquâun a quelque chose Ă dire ?AprĂšs un bref silence, toute la classe reprend Ă lâunisson :â Hugo, tu veux ĂȘtre notre ami ?
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MARIA POBLĂTE
Le bonnet
Le jour se lĂšve. Les roues du chariot crissent. En sâentrechoquant les tubes mĂ©talliques produisent une musique stridente. Une porte grince. Lâeau dâune douche Ă©voque le bruit cristallin dâune source en montagne. Les chaussons des infirmiĂšres glissent sur le sol. Les murs de la chambre sont dĂ©corĂ©s de photo-graphies des parents, petits frĂšres, mamy, papy. Ils sourient, ou grimacent dans une tentative de dĂ©clencher un sourire. La guirlande de gros cĆurs de toutes les couleurs suspendue Ă la potence du lit se balance doucement, bercĂ©e par lâair qui passe. Les appareils soufflent. Ils inspirent et ils expirent. Ils semblent vivants. De temps en temps, le souffle se transforme en un ronflement qui siffle. Les machines dorment-elles aussi ? Se rĂ©veillent-elles maintenant ?Quelle heure est-il ? 6 h ? 7 h ? Encore engourdi par les examens de la veille, Pablo perçoit les bruits au loin. Il est dans le coton. â Pourvu que ce ne soit pas le brancard, je nâaime pas ce lit qui roule trop vite et qui mâamĂšne au bloc ! pense-t-il, tout ensommeillĂ©.â Ăa va mon chaton ? Amanda, sa maman, est lĂ , prĂȘte. PomponnĂ©e, habillĂ©e, elle a dĂ©jĂ fait son lit, pliĂ© son drap, rangĂ© lâoreiller. Elle tend le plateau du petit dĂ©jeuner. Pablo nâa pas faim, comme dâhabitude. Les mĂ©dicaments le bar-bouillent. Ăa fait des nĆuds dans lâestomac et des haut-le-cĆur dans la gorge.MalgrĂ© leurs sourires, maman et lâinfirmiĂšre sont inquiĂštes. Cette Ă©motion, Pablo la reconnaĂźt Ă ces minuscules traits qui se dessinent au milieu de leurs sourcils. Elles tendent la rĂ©glette.â Place le doigt aussi haut que ta douleur est grande.â Voyons voir, hum. Un peu ? On va te donner un petit quelque chose.
â Quel jour sommes-nous ?â Jeudi 3 septembre.â Câest la rentrĂ©e.Depuis sa longue carriĂšre dâĂ©lĂšve assidu et sage, câest la premiĂšre fois que Pablo ne retrouvera pas, Ă 8 h 30 pĂ©tantes, lâodeur de la craie, les accolades avec ses copains, les rigolades immĂ©diates, les retrouvailles, la reprise des discussions Ă lâendroit prĂ©cis oĂč elles sâĂ©taient arrĂȘtĂ©es, simples comme lâamitiĂ©. Simples comme la fraternitĂ©. Simples comme bonjour, salut, tu joues ? Le seul res-ponsable de son malheur est une maladie, un monstre, qui a surgi dans sa vie comme un ouragan, violent, emportant tout sur son passage.
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â Oui, toi aussi, tu descendras dans ta classe ce matin rencontrer ton nouveau professeur. Tu iras au collĂšge demain ; tu sais bien que lâadaptation doit ĂȘtre trĂšs progressive.â Je rate la rentrĂ©e. Câest nul.
***
Le jour se lĂšve. Six mois quâelle attend ce matin. Elle a soigneusement nettoyĂ© le sac Ă dos de lâannĂ©e derniĂšre, taillĂ© ses crayons de couleur, changĂ© la car-touche dâencre de son stylo plume prĂ©fĂ©rĂ©. Cette annĂ©e, elle optera pour du noir bien foncĂ©. Le bleu, câest pour les petits de lâĂ©cole primaire. Lâodeur de pain grillĂ© chatouille ses narines. Elle a un peu faim, la veille au soir impossible dâavaler quoi que ce soit. Le bruit de la douche au loin se mĂȘle aux informa-tions de la radio. Des centaines de milliers dâĂ©lĂšves retournent en classe ce matin, annonce-t-on. 12 millions et des poussiĂšres.Devant son bol de chocolat chaud, Estelle nâa plus faim. Son ventre produit de drĂŽles de sons, on dirait des bulles qui Ă©clatent, un tremblement de terre, un festival de pĂ©tards, elle a mal au cĆur. â Pourquoi rĂ©pĂ©ter que câest la rentrĂ©e ? Ăa va, je crois quâon a compris !Six longs mois se sont Ă©coulĂ©s depuis son accident de vĂ©lo. La scĂšne se rĂ©pĂšte dans sa tĂȘte. La voiture qui roule vite, le virage en Ă©pingle, la cĂŽte trop abrupte, les graviers qui roulent sous les roues. Puis lâĂ©vanouissement. Et le rĂ©veil Ă lâhĂŽpital, trois cĂŽtes cassĂ©es, le pied en compote, et ses parents affolĂ©s. Elle nâen-tend rien, elle est dans une bulle. AprĂšs lâopĂ©ration, la rĂ©Ă©ducation est longue, fastidieuse, Ă©puisante. Trois mois Ă tenter de mettre un pied devant lâautre, Ă pousser un ballon sur une ligne imaginaire, Ă essayer de garder lâĂ©quilibre. DĂ©sormais les sĂ©quelles sont presque invisibles. Elles se limitent Ă une lĂ©gĂšre claudication qui lâempĂȘche de courir et elle nâa plus de cheveux sur le crĂąne. Câest le choc psychologique, un bouleversement Ă©motionnel, tout rentrera dans lâordre, dit le docteur. Estelle nâaime pas cette pelade. Qui lâaimerait ?
***
Quand la sonnerie retentit, le cĆur dâEstelle sâemballe. Il cogne comme un marteau-piqueur, assombrissant tout, assourdissant les informations, les di-zaines dâinformations donnĂ©es par le principal du collĂšge. Elle perçoit des bribes mais elles ne parviennent pas au bon endroit. Elles sâattardent au rez-de-chaussĂ©e de son cerveau, incapables de grimper les marches jusquâau pre-mier Ă©tage. « Vous ĂȘtes grands, âŠ, vous ĂȘtes dignes, âŠ, vous ĂȘtes ceux qui continueront Ă construire notre monde, âŠ, vivre dans la tolĂ©rance⊠»
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Dans un joyeux brouhaha, les 27 Ă©lĂšves de la classe sâinstallent. Ils sortent trousse et cahiers, agenda et gourde dâeau. AprĂšs les formalitĂ©s dâusage, prĂ©-sentation du collĂšge, appel, ramassage des documents administratifs, la pro-fesseure annonce lâarrivĂ©e, le lendemain, dâun Ă©lĂšve. Il sera sĂ»rement un peu fatiguĂ©, il ne faudra surtout pas le bousculer, une dame de service sera Ă ses cĂŽtĂ©s pour lâaider dans ses dĂ©placements. Il vient dâĂȘtre soignĂ© pour un cancer.Un long « Ohhhhh ! » se fait entendre. Il rebondit telle une balle de lâun Ă lâautre, dâun coin Ă lâautre de la salle. Il est suivi de mains qui se lĂšvent dans des gestes impatients, interrogent, posent des questions en rafale. Estelle demeure silencieuse. Cette ignorance lâagace. Comment ça, ils ne sont jamais rentrĂ©s dans un hĂŽpital ? De quoi ont-ils peur ? DâĂȘtre mordus ? DâĂȘtre contaminĂ©s ? De mourir ? « Pourvu quâils ne remarquent pas mon crĂąne ar-riĂšre chauve et lisse comme un Ćuf, pense-t-elle. Mais non, personne ne verra rien, mon bonnet me protĂšge, la bonne idĂ©e maternelle ! »Ouf, câest la rĂ©crĂ©ation. Des petits groupes se forment. Les veinards qui se connaissent depuis des annĂ©es sâagglomĂšrent. Les nouveaux se scrutent. Estelle repĂšre des filles qui lui ressemblent. Câest bon, elle a des copines. Ouf, sauvĂ©e !
***
Quand Pablo entre dans la classe, 27 paires dâyeux le dĂ©visagent de la tĂȘte aux pieds. Sa dĂ©marche est hĂ©sitante. Il avance timidement, sâappuyant sur ses bĂ©quilles rouges et vertes. La dame de service le suit, lâaide Ă sâinstaller Ă sa table. Ils chuchotent.â Je reviens pour la rĂ©crĂ©ation, tu veux ?â Non merci, je veux me dĂ©brouiller tout seul.Maintenant, pas maintenant ? Pablo a longuement prĂ©parĂ© sa prĂ©sentation. Il sâest mĂȘme entraĂźnĂ© devant la glace Ă lâhĂŽpital. Dix mois quâil attend ce moment. Non, pas maintenant. AprĂšs la rĂ©crĂ©, câest mieux. â HĂ©, mais câest quoi cette tignasse ? lance une fille.â Ben, le coiffeur lâa ratĂ© on dirait, rĂ©pond sa copine.Estelle se tait. En sâĂ©loignant du duo malveillant, elle entend dâautres horreurs qui lâatteignent comme des coups de poing. En plein cĆur.Pablo se terre Ă cĂŽtĂ© des toilettes. Il aimerait se dissoudre, disparaĂźtre. Il sait pourtant quâil doit ĂȘtre courageux, il lâa promis. Il se souvient des paroles de sa mĂšre : « Nous avons tous des choses Ă©tranges. Toi, tu nâes pas ordinaire avec ta maladie, tu es extraordinaire. »Assis face Ă ses camarades, il prend une grande inspiration. Il se lance.â Le cancer est une maladie grave ; sĂ©rieuse mĂȘme. Ce sont des mauvaises cellules qui se collent ensemble et qui forment une boule. Cette boule sâappelle une tumeur. On ne sait pas pourquoi ça a commencĂ©. Jâavais trĂšs mal Ă la
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jambe. Ma tumeur, elle Ă©tait lĂ , dans cet os. Les chirurgiens me lâont enlevĂ©e. Je suis guĂ©ri. Les mĂ©dicaments tuent les mauvaises cellules mais aussi les bonnes, celles qui font pousser les cheveux. Vous pouvez me demander tout ce que vous voulez, tout ce qui vous traverse.Pablo balaie lâauditoire de ses grands yeux bleus. Un papillon passe. Estelle rompt le silence. â LâannĂ©e derniĂšre, aprĂšs mon accident de vĂ©lo, jâai perdu mes cheveux, par poignĂ©es. Cela ne veut pas dire que je me les arrache ou que jâai une maladie contagieuse.ConcentrĂ©e, les yeux fixĂ©s sur les filles moqueuses, elle esquisse un sourire puis tire sur son bonnet, dĂ©couvrant son crĂąne chauve et brillant.
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CLASSE DE 6e A, COLLĂGE LUCIE-AUBRAC Ă VILLETANEUSE
Lâeau de la nouvelle chance
Un jeudi aprĂšs-midi, la bande de Jean se retrouve au parc. La chaleur du mois de juin Ă©touffe. Lâodeur des fleurs en-vahit tout le monde. Au loin, les enfants sâamusent Ă faire des batailles dâeau. Leurs parents les regardent de leur table de pique-nique. Ils parlent. Ils rigolent entre eux.
â Dommage, le collĂšge est en grĂšve aujourdâhui. Jâai rĂ©-visĂ© comme une folle.
Jean sâinstalle sur la balançoire et sâagite de plus en plusvite. Souvenir sâassoit paisiblement sur lâherbe, tandis que Nicolas joue joyeusement sur le tourniquet et que Marie sâaffale sur un banc. Elle fait dĂ©filer les rĂ©seaux sociaux sur son tĂ©lĂ©phone. Ils ne savent pas trop quoi faire. Jean donne lâidĂ©e Ă sa bande dâembĂȘter LĂ©a le jour suivant.
LĂ©a, Arthur et Steve sont amis depuis la maternelle. Ils sont insĂ©parables. Les garçons proposent Ă LĂ©a de se re-trouver au parc et dâaller Ă la piscine dâĂ cĂŽtĂ©. Lorsquâils arrivent, ils repĂšrent Jean et sa bande. Ils partent en cou-
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rant faire la queue dans le hall. Ils font tout pour ne pas se faire repérer.
Marie hurle Ă Jean : â Tu comptes encore enquiquiner LĂ©a comme ça ?â Toi aussi tu lâas embĂȘtĂ©e Ă ce que je sache ? Tu vas arrĂȘter de me parler sur ce ton !â Calme-toi, on dirait un lion enragĂ©. Nicolas, calmement, sâadresse Ă ses deux amis :â ArrĂȘtez de vous disputer. Jean crie :â Câest moi le chef, je fais ce que je veux.
***
AprĂšs avoir rĂ©cupĂ©rĂ© leur ticket dâentrĂ©e, ils se dirigent vers les vestiaires pour se changer. Les garçons sont contents dâĂȘtre lĂ , ils vont pouvoir bien sâamuser. LĂ©a, elle, se demande si elle va se faire remarquer par les autres Ă©lĂšves de sa classe. Elle se pose beaucoup de questions et se sent gĂȘnĂ©e dâĂȘtre lĂ , elle tremble comme une branche. Ils se dirigent tous les trois vers le grand bassin.
Les murs et le sol de la piscine sont ornĂ©s de carreaux bleus et blancs. Lâodeur de chlore et de javel est trĂšs forte aujourdâhui. Dans le grand bassin, des adolescents plongent. Ăa fait des Ă©claboussures. Un groupe dâenfants jouent dans le toboggan et Ă©clatent de rire. Les vestiairessont remplis dâune classe de CM1 qui va participer Ă un cours de natation. Un Ă©norme brouhaha retentit. Les Ă©lĂšves sâagitent comme des rouges-gorges. Leurs cris et le bruit de lâeau rĂ©sonnent.
Arthur et Steve sont impatients dâaller essayer le nouveau toboggan. Mais LĂ©a nâest pas heureuse. Elle est confuse. Elle a remarquĂ© que Jean et sa bande lâont vue. Ils se retournent et lui lancent un regard agressif :â Oh, regardez ! Câest la grosse qui ne sait pas nager. LĂ©a, triste, part en courant se cacher dans les vestiaires.
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Elle se sent en colĂšre, furieuse contre la bande de Jean. « Je suis fatiguĂ©e par toutes ces moqueries », se dit-elle. La jeune fille se dĂ©courage. Steve et Arthur la rejoignent. « Ne les Ă©coute pas, ils sont stupides et mĂ©chants. Toi, tu es intelligente et bienveillante. Viens LĂ©a, on va au parc faire une bataille dâeau ! » propose Arthur.
Le lendemain, la classe de LĂ©a retrouve Madame RemĂ©dios, la professeure de SVT, pour une sortie scolaire au parc. Câest une professeure quâils aiment bien. Elle est gentille et attentionnĂ©e.Elle organise les groupes : â LĂ©a, Jean, Souvenir et Nicolas, vous ĂȘtes le premier groupe. LĂ©a pense aux moqueries quâelle va subir toute la jour-nĂ©e. Elle angoisse : â Oh non, pas encore ! Je nâai pas envie dâĂȘtre avec eux. LĂ©a stresse, elle frissonne. Pendant ce temps, Madame RemĂ©dios rĂ©partit les autres Ă©lĂšves de la classe et donne les consignes : â Le groupe de LĂ©a, vous devez ramasser les dĂ©chets prĂšs de lâaire de jeux. Les autres groupes travaillent prĂšs des cabanes.
LĂ©a se dit quâil ne faut pas quâelle se fasse remarquer, sinon ils ne vont pas la rater. Une fois arrivĂ©s Ă lâaire de jeux, Jean lance Ă LĂ©a :â Alors ma petite grosse, on ramasse les dĂ©chets ? Faisattention Ă ce que ton pantalon ne se dĂ©chire pas ! Ha ! Ha ! Ha !Souvenir ajoute :â On dirait que tu portes une taille de femme enceinte !
LĂ©a rejoint Madame RemĂ©dios en pleurs. La professeure essaye de la rĂ©conforter :â Mais quâest-ce quâil y a LĂ©a ? ArrĂȘte de pleurer sâil te plaĂźt.â Personne ne mâaime. Je suis grosse. Ă chaque fois, Jean se moque de moi. Je nâai plus confiance en moi.â Ăcoute, on va aller le voir et discuter. Quâen penses-tu ?â Non madame, jâai peur.
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â Ne tâinquiĂšte pas, ça va bien se passer.â Dâaccord, merci madame.
***
Cela fait un an que LĂ©a travaille et fait des progrĂšs en natation. Son entraĂźneur de natation synchronisĂ©e trouve quâelle est trĂšs douĂ©e. Steve et Arthur lâont vraiment aidĂ©e Ă avoir confiance en elle. Jean est dans le mĂȘme club et participe aussi au spectacle de fin dâannĂ©e.
Les gradins sont noirs de monde. Tout le collĂšge est venu assister au spectacle, mĂȘme Madame RemĂ©dios. La pis-cine est trĂšs lumineuse. La musique et les applaudisse-ments rendent lâambiance festive. Les cheveux de LĂ©a brillent comme une Ă©toile scintillante. Son maillot violet pailletĂ© Ă©tincelle au milieu de la piscine. Steve et Arthur regardent LĂ©a et son groupe rĂ©ussir la figure impression-nante du flamant rose. Ils sont Ă©merveillĂ©s. Mais tout Ă coup, Jean commence Ă se noyer et nâarrive plus Ă re-monter Ă la surface. LĂ©a abandonne le spectacle et va Ă son secours. Les spectateurs retiennent leur souffle.
Le spectacle est terminĂ©. Le public se lĂšve pour applaudir tous les participants. Jean sâapproche de LĂ©a : « Merci LĂ©a, tu as Ă©tĂ© gĂ©niale ! Tu mâas sauvĂ© ! DĂ©solĂ© pour toutes les insultes. » LĂ©a et Jean se sentent lĂ©gers et heureux.Maintenant, ils sont passĂ©s dâennemis Ă amis.
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Les collégiens du Val-de-Marne ont travaillé avec trois auteures
La classe de 6e 3 du collĂšge Nicolas-Boileau Ă ChenneviĂšres-sur-Marne avec SĂVERINE DAUCOURT
La classe de 6e 3du collĂšge Pierre-Brossolette Ă Villeneuve-Saint-Georges avec ELITZA GUEORGUIEVA
La classe de 6e Bdu collĂšge Paul-Ăluard Ă Bonneuil-sur-Marneavec ANNE SAVELLI
dans le cadre dâun partenariatavec la Maison de la PoĂ©sie
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ĂLĂVES AARIZ BIN MAJEED
SIDELYA CAN
YACINE MOHAMED EL AMINE CHAREF
ZEROUKI
NESSIM FARĂS
TIAGO GASPAR
YANIS GHZAYEL
RANIA HAMAMI
AUNALDINE INNOCENT
ETHAN JANEZ
MANTUCARTCHUM JOĂO BICO
SEKOU KAMISSOKO
RAYAN MEISSA
DAPHNĂ MEZENGUĂ
ENZO MURESAN
JO-ANN NâDEPE
CALVIN POULIN
MASSYL RENAĂ
LEILA SADOU
SHARON SOUSSIA
ALPER SUNGUR
AMINATA TRAORE
BILAL TRAORE
EVA ZHANG
LĂANE ZINGILE
PROFESSEURES FEDOUA HAJJAJ,professeure de lettres
CAMILLE MIRANDA BAPTISTA, professeure documentaliste
TEXTE 1 P. 45Classe de 6e 3 CollĂšge Nicolas-Boileau Ă ChenneviĂšres-sur-Marne
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ĂLĂVES TEYLO ARNAUD CLEKA
IMAD BELAID
JAMYL BENGANA
MANEL BENKADDOURI
LĂA CSAMANGO
ALISHA DIARRA
WARREN FICADIERE
NIBEL GHERZOUL
EMMANUEL GOBINA PRISO
SOHEIL HABIB
JANNA JABRI
IMEN FATIMA LAHIDHEB
ADAM LEE AH FON
GĂRĂMY MASSART-JOUAN
CAMTOIRIA MNAMDJI
ILIAS MOULTAIN
LASSANA SAKHO
MOUNIR SOUIDI
LASSANA SOUMARE
FATOUMATA TONKARA
PROFESSEURS ABDELAZIZ AĂT YOUSSEF, professeur de lettres
AMĂLIE LEGERET, professeure documentaliste
ĂLĂVES MOHAMED ABIB
GUY MARDOCHĂE ABLE
KELASSA EDI CHRIST-HOHAN
ATAHI
KORNILIA AZANDEGBE
ABRAHAM BADIAYI MPINGA
PRECILYA BERKANE
SAMI BOUKHARAZ
KERLINE CERILAN
ADAM CHERIFI
LĂA DELORME
DWAYNE GERNET
BEREN KILICARSLAN
FELICIA MONTEIRO COSTA
CARDY PANDA NZANIKI
ALEXY PHAKA
WALID SMA
STACY TARDIF
LORENZO TOUATI-DUDT
AISSETOU TOURE
DARIS ZEGTITOUCHE
PROFESSEUR FRANK GUILLOU, professeur de lettres
TEXTE 3 P. 55 Classe de 6e B CollĂšge Paul-Ăluard Ă Bonneuil-sur-Marne
TEXTE 2 P. 50 Classe de 6e 3 CollĂšge Pierre-Brossolette Ă Villeneuve-Saint-Georges
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SĂVERINE DAUCOURT
Fraternelle dérive
On est ensemble,allez, tous Ă lâeau,tous dans le mĂȘme bateau !Azi, hisse et ho !
Il va nous falloir lutter,lutter pour le bien, le beau.Il va nous falloir foncer,charger en restant tout contre,contre nos frĂšres, contre nos sĆurs,tout contre elles et tout contre euxdans la joie ou le malheur,ensemble,avançant dans le courantsans retouret parfois continuantĂ rebours.
Il faut avancerquand mĂȘme la brise a expirĂ©.Il faut ramercontre les difficultĂ©s â pas simple de se regarder,contre lâagressivitĂ© â comment aimer et ĂȘtre aimĂ© ?
Il faut avancerquand la tempĂȘte a balayĂ©tout, tout sauf lâadversitĂ© â les frontiĂšres de la citĂ©.Il faut aux autres sâajusteret les aider Ă sâadapter,sans oublier,une fois solitaires mais liĂ©s,une fois alliĂ©s et solidaires,
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de penser Ă rĂ©ajusterle pauvre climat dĂ©rĂ©glĂ© â hiver printemps automne Ă©tĂ©.
Il faut avancer,ne pas se noyer,rester calme et respirer,mĂȘme si depuis peu, il nous faut avancer masquĂ©s.
Mais tu es mon frĂšre ou ma sĆur,on est davantage que tout seulet donc plus fort,quels que soient lâĂąge,le genre, les goĂ»ts et la couleur.On est en chĆurcontre lâultra solitude,lâultra violence,lâincertitude et le silence,on est mĂȘme plus fort que les flots,on peut changer nos habitudes.
On a des motssur le bateau,pour ne pas couler,des devises pour laisser voguer :LIBERTĂ, et les voiles sont prĂȘtes Ă gonfler !ĂGALITĂ, et les vagues sont apaisĂ©es !FRATERNITĂ, et le vent commence Ă souffler !Et un mot, au large, se met Ă chanter :avancer avancer avancer.
Ce qui est beausur le bateau,quand les voix sâĂ©lĂšvent,câest lâabsence de choix :on ne choisit pas,ni sa sĆur ni son frĂšre,câest comme lâamour pas comme la guerre,on doit faire avec,trouver des rĂȘves Ă partager,ĂȘtre ensemble et sâaccepter,ĂȘtre ensemble et sâentraider,
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ĂȘtre ensemble et sâamuser,faire le choixde laisser sâĂ©lever les voixsans laisser jamais rĂ©gnerune langue Ă©lue ou prĂ©fĂ©rĂ©e.
Quand on est enfant unique,on rĂȘve parfois dâautre chose,quand on a une sĆur ou un frĂšre,il ou elle souvent nous indispose,mais parfois, quand elle ou il te voit,il ou elle bondit de joie.La fraternitĂ© oui,câest un peu compliquĂ©,dâautant que si je suis ton sĆur et que tu es ma frĂšre,alors il faut aussi parlerde sororitĂ©.
Bref, fille ou garçon, mĂ©mĂ© ou bĂ©bĂ©,la fraternitĂ© a Ă©tĂ© condamnĂ©eĂ perpĂ©tuitĂ©Ă ĂȘtre la sĆur de la libertĂ©et elle accourt toujours,mĂȘme de trĂšs loin,pour la sauver.
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CLASSE DE 6e 3, COLLĂGE NICOLAS-BOILEAU Ă CHENNEVIĂRES-SUR-MARNE
Fraternité Triptyque
La vie en noir
colĂšre â racisme â sexisme â orgueil hypocrisie â malheur â agression â deuil mĂ©chancetĂ© â angoisse â injustice â violence guerre â dĂ©fense â guerre â vengeance
rage â individualisme â sauvagerie â tristesse injustice â solitude â angoisse â dĂ©tresse angoisse â rage â solitude â silence guerre â vigilance...
... fraternitĂ© â urgence ! ****
As-tu vu lâenfant ?
Jâai vu lâenfant joyeux, respectueux.Il ne mâa pas vu regarder.Jâai vu lâenfant impatient, orgueilleux.Lâun Ă©tait bizarre, lâautre confiant.
Jâai vu le premier sâĂ©tonner.Il ne mâa pas vu regarder.Jâai vu cet enfant sâeffrayer.JâĂ©tais triste, il Ă©tait choquĂ©.
Cet enfant-lĂ a rĂ©sistĂ©.En tenant tĂȘte, en combattant.Jâai cru quâil allait abandonner,Mais il a luttĂ© vaillamment.
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Tu nâas pas vu lâenfant pleurer.Tu nâaurais pas cru en sa force.Tu Ă©tais lĂ , il Ă©tait seul.Nous Ă©tions tous dĂ©sespĂ©rĂ©s.
Si un enfant a des ennuis,Si un autre enfant se moque de luiEt si tu vois les choses sâenvenimer,Nâoublie pas que tu peux appeler, faire la diffĂ©rence, lâaider.
Jâai vu des enfants harcelĂ©s,Et câĂ©tait toi et câĂ©tait moi.Jâai vu des enfants harceleurs,Et câĂ©tait toi et câĂ©tait moi.
Nous sommes les frĂšres de chaque enfant,Nous sommes de chaque enfant les sĆurs.Et si lâon voit et si lâon croit,Il faut agir sans avoir peur.
****
Sans réponse
Pourquoi sommes-nous diffĂ©rents ? Comment le harcĂšlement est-il nĂ© ? Et le racisme : comment, pourquoi, oĂč, quand ? Le monde peut-il devenir plus beau ? Que signifie ĂȘtre malade ? Pourquoi lui ? Pourquoi moi ? Comment grandir ? Un pauvre peut-il ĂȘtre lâami dâun riche ? Pourquoi pas ?
Est-ce quâun pauvre en argent peut ĂȘtre riche en amour ? Et inversement ?
Pourquoi personne ne réfléchit assez ? Es-tu triste ? Peut-on réconforter ? Comment ?
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Avons-nous le droit dâĂȘtre mĂ©chants ? Quels sont nos devoirs ? Peux-tu me donner la main ?Le monde est-il multicouleurs ? Et sâil nây avait quâune seule religion ? Peut-on vraiment gagner au loto ? Câest quoi, le gros lot ? Puis-je ĂȘtre gay ? Et toi ? Peut-on ĂȘtre libre ?Ta vie ressemblera-t-elle un jour Ă la mienne ? Et inversement ? Est-il possible de changer ? Qui, quoi, comment et quand ? Et pourquoi toutes ces questions ?
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ELITZA GUEORGUIEVA
Sonorités
Tu dis fraternellement. Tu dis fraternitĂ©. Je dis que ça dĂ©pend. Je dis que je nâai pas eu de frĂšre. Je le regrette, je dis. Je dis que je suis une Ă©trangĂšre, je ne comprends pas toujours les mots. Tu dis fraternitĂ© et je pense sâentraider, se tenir, je pense un lien.Tu dis fraternellement, et je comprends sororitĂ©.
Je dis que je nâai pas de frĂšre, mais ce nâest pas tout Ă fait vrai. Jâen ai un, ou plutĂŽt un souvenir dâun rĂȘve de frĂšre, une sorte de lumiĂšre qui scintille au fond de certaines nuits. Mais je dis que câest un matin de septembre alors quâil fait encore doux, et quâen lançant la balle vers moi, ma mĂšre dĂ©cide de rompre un secret. Jâai huit ans, je ne sais pas ce que cela veut dire quand elle prononce le mot enceinte, je ne sais pas ce que câest dâavoir un frĂšre ou une sĆur. Je dis que je ne le comprends pas, mais en vĂ©ritĂ© je le ressens, et du plus loin que je mâen souvienne, câest la premiĂšre fois que je pleure de joie. Je dis que cela nâa pas durĂ©, elle lâa perdu au bout dâun mois. Je dis quâun mois câĂ©tait Ă©norme, bien suffisant pour que mon imaginaire fabrique le frĂšre qui me manquait : il Ă©tait si rĂ©el que je lâavais appelĂ© Yavor, que jâavais peint sa chambre imaginaire en couleurs vives, et que chaque soir jâinventais les contes que jâallais lui raconter pour quâil sâendorme. Un mois câĂ©tait bien suffisant pour que je fabrique une place en moi pour la fraternitĂ©.
Je te dis quâil mâa hantĂ©e ce frĂšre pendant longtemps, il Ă©tait une mĂ©lancolie, un amour absent, quelquâun sur qui je voulais veiller. Comment Ă huit ans je pouvais avoir un sentiment que jâignorais auparavant : câĂ©tait quoi la fraternitĂ© au juste ? Je te rĂ©ponds que câest plus tard, lorsque jâai rencontrĂ© Violetta, ma voisine avec qui jâallais grandir, avec qui jâallais me chamailler, Ă qui jâallais tirer les cheveux et sa robe excentrique qui changeait de couleurs selon la mĂ©tĂ©o, dont jâallais garder les secrets, que jâallais aider pour ses devoirs, chez qui jâallais me cacher lorsque jâĂ©tais triste, avec qui je me sentais plus forte, que jâai ressenti ce que cela pourrait ĂȘtre, une sororitĂ©.
Tu dis fraternellement, et je me plonge dans les fictions pour scruter les liens. Je dis que je suis une Ă©trangĂšre : de lĂ dâoĂč je viens, il y a des contes tradition-nels qui se sont transmis par la parole, des lĂ©gendes jamais Ă©crites. Celui qui me bouleverse le plus, câest lâhistoire des quarante filles de Kaliakra. Elles espĂ©-raient Ă©chapper aux oppresseurs ottomans qui les voulaient pour leurs harems. Les filles se sont enfuies dans une forteresse bĂątie sur le cap de Kaliakra, en
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haut dâune immense falaise qui plonge dans la mer Noire. Mais les hommes ont compris que les femmes sâĂ©taient organisĂ©es entre elles, alors ils se sont mis sur leurs traces. Les quarante filles de la forteresse ont dĂ©cidĂ© de ne pas se rendre, de rester ensemble jusquâau bout, et de mourir libres et fiĂšres. Elles ont tressĂ© leurs longs cheveux dans une seule et mĂȘme natte et, dans un cri commun, ont plongĂ© dans lâeau pour toujours. Je te dis quâau-delĂ de lâacte hĂ©roĂŻque ce qui mâĂ©meut est le lien que ces sĆurs de destin reconstituent entre elles, dans lâurgence et pour lâĂ©ternitĂ©.
Tu dis fraternellement, et je pense donc Ă un saut au-dessus des falaises, comme celui dans le Grand Canyon dans lequel se perdent, ou se sauvent, des siĂšcles plus tard Thelma et Louise, pour ne pas se laisser attraper par les dizaines de policiers qui ont pointĂ© leurs armes sur elles. Avec leur cabriolet, elles ont roulĂ© pendant des jours entiers, elles veulent Ă©chapper Ă leurs destins, aux vies sinistres, Ă leurs maris violents, Ă lâamour perdu qui les paralyse Ă chaque ins-tant, au crime quâelles ont commis contre celui qui les a humiliĂ©es. Elles fuient sur les routes amĂ©ricaines, dâhĂŽtel en hĂŽtel, dâĂtat en Ătat, la poussiĂšre patine leurs corps. La fatigue nâentrave jamais leur complicitĂ©, et le chagrin ne les empĂȘche pas de voir la beautĂ© du paysage majestueux : elles ne sont pourtant pas des sĆurs de sang. Une fois coincĂ©es au bord du prĂ©cipice, les filles nâont pas peur, elles pleurent, elles rient, elles savent quâelles iront jusquâau bout de leur fuite. Depuis le bord de la falaise, Louise embrasse Thelma, appuie sur lâaccĂ©lĂ©rateur et la voiture sâenvole. Le rĂ©alisateur Ridley Scott a prĂ©fĂ©rĂ© finir par un arrĂȘt sur image, Thelma et Louise sâimpriment dans le ciel, leurs cheveux emportĂ©s par le vent.
Tu dis fraternitĂ©, et je pense une tresse, des routes infinies, la survie. Je dis que je suis une Ă©trangĂšre, jâapprends les mots au fil du voyage. Le mot soror je lâapprends lorsquâon me raconte lâhistoire des BĂ©guines. Sous une rĂšgle monastique, ces femmes, souvent cĂ©libataires ou veuves, crĂ©ent une sociĂ©tĂ©, mi-laĂŻque mi-religieuse, exclusivement fĂ©minine. Dans cette communautĂ© elles sâĂ©duquent, repensent des maniĂšres de vivre diffĂ©rentes, apprennent les secrets de la nature, jouissent dâune autonomie financiĂšre et judiciaire, refusent systĂ©-matiquement le mariage imposĂ©. Certaines seront persĂ©cutĂ©es pour leur au-dace. Je me dis que le mot soror pourrait aussi bien sâappliquer aux Orageuses du roman de Marcia Burnier, qui se tiennent entre elles pour rester au-dessus de lâeau, Ă la rage des Colleuses dans leur affiche « Ă nos sĆurs assassinĂ©es », aux combats du collectif Les SorciĂšres, Ă la joie et aux victoires de lâĂ©quipe du football fĂ©minin amĂ©ricain.
Tu dis fraternellement, et je pense que nous vivons dans une Ă©poque oĂč se trouver soi-mĂȘme grĂące Ă lâamour de ses frĂšres et sĆurs est une urgence.
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Je pense que les enfants le savent dĂ©jĂ , que dans La Reine des neiges, câest lâamour entre les deux sĆurs qui sauve le monde.
Tu dis fraternité, et je comprends urgence, changement, sauver le royaume. Et toi, que réponds-tu ?
CLASSE DE 6e 3, COLLĂGE PIERRE-BROSSOLETTE Ă VILLENEUVE-SAINT-GEORGES
3 272 signes de fraternité
Tu dis fraternitĂ©, et je pense sororitĂ©, je pense Ă cette ca-marade qui sâest mise Ă ma place, je pense Ă cette cama-rade qui mâa dĂ©fendue, cette camarade qui mâa dĂ©voilĂ© un secret et qui est devenue ma meilleure amie, ma sĆur.
« Ma sĆur », voilĂ des mots que jâaimerais prononcer : ĂȘtre fille unique câest un peu ennuyeux, et mĂȘme si une sĆur peut ĂȘtre Ă©nervante, elle serait pour moi apaisante. Je comprends quand tu dis que dâĂȘtre la plus grande ce nâest pas facile, mais ça te rend plus responsable, tu ne crois pas ?
Câest comme mon frĂšre, mon grand frĂšre, qui nâa pas hĂ©-sitĂ© Ă mâoffrir sa glace quand mon petit frĂšre avait dĂ©vorĂ© la mienne : pour moi câest ça la fraternitĂ©, veiller sur les autres, veiller sur les autres quand on a peur la nuit dans son lit !
Tu dis fraternitĂ©, mais moi câest mon cousin qui est comme mon frĂšre, il faut que je te raconte : quand on voulait chiper des gĂąteaux, câest lui qui est montĂ© sur la chaise, câest lui qui a ouvert le placard, et câest lui qui est tombĂ© et qui a subi la colĂšre de ma mĂšreâŠ
Ma mĂšre et ma sĆur : ce sont elles qui me tenaient par la main pour entrer dans lâeau de mer, la premiĂšre fois.
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Tu dis fraternitĂ© et je pense Ă lâesprit dâĂ©quipe, je pense au banc de touche, je pense Ă cet ami qui mâaide Ă me relever. Je revois le blanc des maillots qui ressort sur le vert et le bleu du synthĂ©tique, je rĂ©entends nos cris dans les vestiaires, et je repense Ă tous ces moments oĂč lâon jouait lâun pour lâautre. Jâai oubliĂ© de dire que lorsquâon entendait le dernier coup de sifflet, nos yeux brillaient dâune mĂȘme magie.
Tu dis fraternitĂ© et jâentends une mĂȘme magie qui nous traverse.
Et câest la mĂȘme frayeur qui nous faisait courir quand le chihuahua nous courait aprĂšs. Il faut que je vous raconte, ce chihuahua Ă©tait marron et petit, petit mais malin, avec des dents pointues et Ă©normes et des petites pattes agiles. On sâamusait Ă lui faire peur mais pas question de se laisser tomber quand il commençait Ă nous prendre en chasse : câĂ©tait toi, mon ami, mon frĂšre, qui mâaidais Ă me cacher et tes rires rĂ©sonnaient avec les miens.
Tu dis fraternitĂ© et moi aussi je pense Ă mes amis, mes amis actuels ou mes amis perdus, ceux pour qui jâai pu verser tant de larmes, larmes qui se baladent sur nos joues et ramĂšnent aux beaux jours oĂč nous nous prome-nions ensemble.
Tu dis fraternitĂ© et je revois le toboggan oĂč jâai rencontrĂ© Etan, mon premier ami.
Quand je repense au passĂ©, moi, je me rappelle la dĂ©-licieuse odeur des plats que ma grand-mĂšre prĂ©parait pour moi, aux parties de cache-cache, Ă nos sorties Ă Paris, et quand tu dis fraternitĂ©, je pense complicitĂ©.ComplicitĂ© aussi quand toi tu mâaides Ă construire piĂšce par piĂšce une maison de pixels ou quand on ressent la mĂȘme Ă©motion au sortir de notre bus volant par Ă©crans interposĂ©s, complicitĂ© encore quand tu me couvres quand je fais une bĂȘtise, ou quand je mange des bon-bons en cachette aprĂšs le foot.
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Tu dis fraternitĂ© et je dis que je suis comblĂ©e : jâai plein de sĆurs, de frĂšres, de cousins, mais en rĂ©alitĂ© il me manque une partie de moi quand je ne vous vois pas, mes amies. Je nây peux rien, jâai trop hĂąte de pouvoir revoir les ex-pressions de ceux que jâaime. Car pour moi quand tu dis fraternitĂ©, je pense sourire.
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ANNE SAVELLI
Songe Ă la douceur
Ce sera un texte simple â vraiment simple â Ă©crit Ă partir dâune ponctuation particuliĂšre consistant Ă nâemployer pour rythmer ses phrases que cette sorte de trait appelĂ© tiret cadratin, dont on se sert a priori quand on veut Ă©crire des dialogues :â Bonjour, madame.â Bonjour, monsieur.ou former une parenthĂšse plus chic que la parenthĂšse classique â disons plus littĂ©raire â fonctions auxquelles jâajoute la possibilitĂ© de faire des listes
***
avec ce fichu tiret cadratin placĂ© un peu partout on ne peut pas aller Ă son propre rythme â et donc :â soit le lecteur ou la lectrice, dĂ©routĂ©.e par cette cadence â va abandonner â câest le risqueâ soit il ou elle sâaccrochera et sâil ou elle le fait, sera rĂ©compensĂ©.e de son ef-fort, comprenant que cette ponctuation nâa rien dâun artifice mais permet au contraire de parler du sujet mĂȘme du texte â la fraternitĂ©, la sororitĂ©, comment relier les ĂȘtres humains
***
ce qui compte, câest de voir maintenant ce que ça donne â de chercher Ă comprendre ce que ces mots, fraternitĂ©, sororitĂ©, pourraient bien signifier pour nous â sâils pourraient nous aider Ă nous sentir mieuxallons-ycommençons mĂȘme par nous servir du tiret cadratin pour bloquer le mot fraternitĂ© et mĂȘme tant que nous y sommes, FraternitĂ© avec une majuscule :la â FraternitĂ© â sâinscrit, comme chacun le sait, au sein de la devise de la RĂ©publique française « LibertĂ© ĂgalitĂ© FraternitĂ© »biencette FraternitĂ©, coincĂ©e Ă la derniĂšre place de la devise, est un mot quâon peut lire au fronton des mairies, des Ă©coles, des hĂŽpitaux ou des bibliothĂšques â devise quâon trouve Ă©galement sur les timbres, les billets de banque, les piĂšces de monnaie â un mot quâon lit chaque jour sans mĂȘme sâen rendre compteune FraternitĂ© qui concerne toutes sortes dâĂ©changes â lâĂ©ducation â le soin â la justice â la culture â le courrier â le commerce â le transport
ANN
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les cartes postales envoyĂ©es en vacancesle regard Ă la vitre lorsque le train dĂ©marre â puisquâil y a une gare et un trainjusquâĂ lâair quâon respiremille choses qui nous concernent â de trĂšs prĂšs, tu vois bien
la fraternitĂ© avec une minuscule nous concerne plus encore, je crois : si nous Ă©tablissons maintenant une liste de ses dĂ©finitions, le champ de pensĂ©e sâĂ©largit encorefraternitĂ© sans sa majuscule signifie, par ordre dâentrĂ©e dans le dictionnaire :â le lien de parentĂ© qui unit des enfants issus de mĂȘmes parentsâ lâaffection que se portent deux frĂšres / deux sĆurs / un frĂšre et une sĆurâ un lien Ă©troit dâamitiĂ© qui unit deux personnes qui ne sont ni frĂšres ni sĆursâ un sentiment de solidaritĂ© et dâamitiĂ©et encoreâ un lien de solidaritĂ© qui devrait unir tous les membres de la famille humaineâ le sentiment de ce lienâ un lien qui existe entre les personnes appartenant Ă la mĂȘme organisation, qui participent au mĂȘme idĂ©al
« qui devrait » â famille humaine â sentiment â idĂ©al... mille questions me viennent â en voici quelques-unes :ĂȘtre le frĂšre de quelquâun, est-ce ĂȘtre son Ă©gal, son semblable, son contraire / agir en frĂšre ou sĆur, est-ce ĂȘtre â ou se sentir â supĂ©rieur, infĂ©rieur Ă celui quâon soutient ou qui peut nous aider / est-ce lâun / est-ce lâautre / est-ce les deux Ă la fois / nâaide-t-on jamais que ceux qui nous ressemblent / peut-on aider tout le monde / tout le monde peut-il nous aider
***
pour moi, la fraternitĂ© devrait ĂȘtre le moyen de lutter contre cet ennemi com-mun quâest la peur â pas la peur du danger rĂ©el, ce rĂ©flexe qui nous sauve â voir surgir un lion devant soi, se cacher ou sâenfuir â mais la peur de manquer de ce quâil faut pour vivre, peur dâavoir faim ou froid sans pouvoir rien y faire, peur de perdre son travail ou de ne pas en trouver, peur de la violence, bien sĂ»r, mais aussi du mĂ©pris, de la honte, du jugement, du rejet â peur de la peur elle-mĂȘme
serait-il possible de venir Ă bout de cette liste pour mieux lutter contre ces peurs â comment savoir â toute seule, je ne peux pas
imagine un monde oĂč, quelle que soit la situation, lâentraide serait premiĂšre et ces peurs disparues
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TEXTE 3
mon enfant ma sĆur songe Ă la douceur dâaller lĂ -bas vivre ensembleâ imagine â
bon â câest trĂšs bien â câest trĂšs joli tout ça â si ce nâest que, regarde, pour commencer je nâai pas donnĂ© lâexemple : ainsi, la sororitĂ© dont il est censĂ© ĂȘtre question depuis le dĂ©but du texte, je nâen ai encore rien dit â la fraternitĂ© a pris toute la placeil manque ses dĂ©finitions et les questions quâelles posent â il nous manque Ă Ă©galitĂ© les femmes â les filles â les sĆurs â toujours placĂ©es en second dans la langue française â la grammaire â la conjugaison â et câest pareil dans ce texte â non mais franchement, bravo â je ne me fĂ©licite pasla sororitĂ©, est-ce seulement le fĂ©minin de la fraternitĂ© ou encore autre chose â en ce qui me concerne, câest une vĂ©ritable interrogation â je nâai pas fini dây penser â mais hĂ©las je dois couper car il me faut conclure
et te dire merci dâĂȘtre allĂ©.e jusquâau bout de ce textemerci car, vois-tu, sans mĂȘme te connaĂźtre jâai eu besoin de ton aide â jâai eu besoin de toi pour Ă©crire ce texte simple â vraiment simple â tu ne trouves pas â dont tu fais partie maintenant.
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SSE
DE
6e BC
ollĂš
ge
Paul
-Ălu
ard
- BO
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CLASSE DE 6e B, COLLĂGE PAUL-ĂLUARD Ă BONNEUIL-SUR-MARNE
Ensemble et unis
lacollisionla solidaritĂ©se respecter â se souteniraider quelquâun dans le besoin
La FraternitĂ© avec une majuscule nous concerne tous â comme la devise de la France â libertĂ© Ă©galitĂ© fraternitĂ© â plus encore, elle a pris toute la place dans notre pays. La fraternitĂ© peut ĂȘtre un lien dâentraide â un lien amical â un lien qui devrait unir tous les membres de la famille humaine â et les hommes et les femmes sont =
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La fraternitĂ© peut ĂȘtre familiĂšre ou amicale.Câest un sentiment de solidaritĂ© et dâamitiĂ© â câest un sentiment dâentraide â câest quelque chose qui nous unit.
La fraternitĂ© pour nous câest :â quand on est liĂ©sâ quand on est unisâ quand on sâentraideâ lâune des trois composantes de la devise françaiseâ quand on est tous ensembleâ quand le lien fraternel unit les membres de la familleâ un lien de parentĂ© entre frĂšres, sĆurs, amisâ quand on considĂšre nos amis comme nos frĂšres et sĆursâ la diminution des inĂ©galitĂ©sâ la tolĂ©rance et le respect
Quand on est ensemble on est unis, on fĂȘte des fĂȘtes comme : NoĂ«l, le Nouvel An, le 14 Juillet, Halloween, etc. Quand on a besoin dâĂȘtre seul câest quand : on est triste, on est Ă©nervĂ©, etc. Donc voilĂ : un sentiment de solidaritĂ© et dâamitiĂ©, câest quand on est ensemble et unis.
Avant, les hommes et les femmes nâavaient pas les mĂȘmes droits. Maintenant, en France, tout le monde est Ă©gal. La fraternitĂ© / sororitĂ© a Ă©voluĂ©. Dans certains pays les hommes et les femmes nâont pas du tout les mĂȘmes droits. Les enfants par exemple Ă lâĂ©cole sont souvent classĂ©s : les garçons sont les plus forts, le rose est attribuĂ© aux filles, le bleu aux garçons. Dans tous lespays les hommes et les femmes devraient ĂȘtre Ă Ă©galitĂ©.Les femmes, grĂące Ă Internet, se rĂ©vĂšlent, elles ne sont plus dans la cuisine. Elles sâappellent les unes les autres, pendant que lâune est en France lâautre est en Angleterre et elles peuvent communiquer.Parlons de fraternitĂ© / sororitĂ©. La sororitĂ© est la mĂȘme chose que la fraternitĂ© mais en sĆur. Dans la langue française la sororitĂ© nâest pas mise en valeur, dâaprĂšs moi. Pourquoi pas un livre sur la sororitĂ© ? Nous nâen parlons pas assez Ă mon goĂ»t, vous ne trouvez pas ?
et les hommes et les femmes sont =
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CLA
SSE
DE
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ollĂš
ge
Paul
-Ălu
ard
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NN
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-SU
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ARN
E
pourmoi lafraternitĂ©câest : ĂȘtre en paixĂȘtre ensemble â la solidaritĂ©la fiertĂ© â porter de lâamour Ă quelquâun
Sans lâamitiĂ© et la solidaritĂ© ce serait un monde de chaos â sans ça on serait seul â le chaos, câest quand on ne sâĂ©coute pas et quâil y a des conflits â câest quand on nâest pas dâaccord et quâon rĂ©sout ça par la violence â quand on est seul câest un sentiment de solitude â câest quand on nâa personne Ă ses cĂŽtĂ©s â câest quand on nâa pas dâamis â quâon nâa personne pour nous aider â donc voilĂ , sans lâamitiĂ© et la solidaritĂ© ce serait un monde de chaos.
la Fraternité avec une majusculenous concerne tous comme
la devise de la Franceplus encore elle a
pris toute laplace dans
notrepays
familiĂšreamicale â la
fraternitĂ© peut ĂȘtreun lien â qui devrait unir
tous les membres de la famille humaine
ça permet de partager
Les cartes postales envoyées en vacances, ça permet de partager un moment inoubliable avec ses amis, sa famille, ses proches.
un moment inoubliable
Câest faire plaisir aux personnes quâon ne voit pas.
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Les collégiens de Seine-et-Marne ont travaillé avec trois auteurs
La classe de 6e C du collĂšge Les Creusottes Ă Villeneuve-sur-Bellotavec LUC TARTAR
La classe de 6e Bdu collĂšge Louis-Aragon Ă Torcyavec SONIA RISTIC
La classe de 6e 2 du collĂšge Georges-Politzer Ă Dammarie-les-Lysavec LISE MARTIN
dans le cadre dâun partenariatavec la MĂ©diathĂšque dĂ©partementale de Seine-et-Marne
SEIN
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ĂLĂVES JUSTINE BERMOND
NOAM BOUKRAB
JUSTINE BOUVART
DANIEL CARDOSO ALVES
JĂRĂMY COLLAS
AUGUSTIN CREUSAT
LOU DEGANO
SEIDJY DORVILMA
LORENZO FRANZESE
LĆšNA GRODECKY BATTEUX
ALEXIS JULIEN
LOUISON LAURIN
MANON LENOIR
ALYSSIA MACARTY
SALY MENDY
ADRIAN NAGUET
CAPUCINE PARELLE
JADE PETIT
JADE PINAULT
ROBIN POULIZAC
ALOĂS RIOU
JULIA ROMAO
RAYYAN SHAJAHAN
SWAN SLAMKA
PROFESSEURE AGNĂS DĂON,professeure de lettres
TEXTE 1 PAGE 66Classe de 6e C
CollĂšge Les Creusottes Ă Villeneuve-sur-Bellot
SEIN
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-MA
RNE
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ĂLĂVES JUSTINE BERMOND
NOAM BOUKRAB
JUSTINE BOUVART
DANIEL CARDOSO ALVES
JĂRĂMY COLLAS
AUGUSTIN CREUSAT
LOU DEGANO
SEIDJY DORVILMA
LORENZO FRANZESE
LĆšNA GRODECKY BATTEUX
ALEXIS JULIEN
LOUISON LAURIN
MANON LENOIR
ALYSSIA MACARTY
SALY MENDY
ADRIAN NAGUET
CAPUCINE PARELLE
JADE PETIT
JADE PINAULT
ROBIN POULIZAC
ALOĂS RIOU
JULIA ROMAO
RAYYAN SHAJAHAN
SWAN SLAMKA
PROFESSEURE AGNĂS DĂON,professeure de lettres
ĂLĂVES NORIA ALI BEY
MAĂSSANE AZIZI
MARIAM BENBRAHIM
HAMZA BOUAKAZ
SINEM CARIKAL
OCĂANE DAMON
INĂS DUPONT
FELHY PAUL EDOUMBA
ALLAN FOUCHER
AMIR KHAMZAEV
SOFIA LONCLE
OMAĂMA MOUSSA
CARLOSGRADIS MVIBUDULU
KARL PILĂ
IMANE RABHI
YASMINE RADJI
IDRISS SANGARĂ
LĂMA OMER YOUSIF BADOR
PROFESSEURS ALEXANDRINE RAGUENET, professeure de lettres
JEAN-MARIE COUDOUR, professeur documentaliste
ĂLĂVES MARLYSE BENDERA MWAVITA
KEZIAH BERNIS CASTEL
LĂA BERNO NEELRAJ
YAELLE BOUDHOULALL
ILHEM BOUHOUCHE
ILYĂS BOUHOUCHE
ALEXANDRE CABET
NATHAN CAMPOS VAZ-FRAPPE
PHARELL CISSE
GERVAIS DOUMTELEM
MADJIGUENE GUEYE
LUCILE INTHAVONG-AUDOLI
NITHISHUN JEYASEELAN
NATHAN LANFRANCHI
FLORIAN LEMAIRE
HATIM MAHAMODALY
JULES MARTINON
ELISA PEPIN
ZOĂ PHAN-A
GIOVANNI QUATREHOMME-JUAN
ADBOULAYE SACKO
MOHAMMED TAHRI
DARA VONGVILAY
MOUSSA ZAKARI
PROFESSEURS ROMANE CASTELLS, professeure de lettres
ENZO SOCCIO, professeur documentaliste
TEXTE 3 PAGE 87 Classe de 6e 2
CollĂšge Georges-Politzer Ă Dammarie-Les-Lys
TEXTE 2 PAGE 76 Classe de 6e B
CollĂšge Louis-Aragon Ă Torcy
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LUC TARTAR
Ă lâaide !
Un groupe de copainsLes cinq doigts de la mainIls sont confinĂ©sRue de la FraternitĂ©EnfermĂ©s au numĂ©ro unUn immeuble pas vilainQuatre Ă©tages sans ascenseurEt aux balcons quelques fleursIls se connaissent depuis longtempsMeĂŻ Callisto Oumar Elena et DorianIls prennent la vie comme elle vientEnsemble ils nâont peur de rienLâavenir on y croit on lâauraMalgrĂ© les assauts du climat et du CoronaIls ont dix onze ou douze ansEt leur vie câest maintenant !
***
Un, rue de la FraternitĂ©. La cage de lâescalier C.Au premier Ă©tage droite sans ascenseur il y a la famille de MeĂŻ.
MeĂŻ â Ma mĂšre ma sĆur et moi. Trois femmes. Mon pĂšre est parti. Câest comme ça. Je ne dis pas quâil est parti chercher des cigarettes et quâil sâest enfui. Je dis quâil sâest enfoui. Il a disparu petit Ă petit. AspirĂ© par les coussins du canapĂ©. Comme dans les sables mouvants de la vie. On a essayĂ© de le tirer de lĂ . Il a fallu faire appel Ă plus fort que nous. Un mĂ©decin spĂ©cialiste en canapĂ©s. GrĂące Ă lui mon pĂšre a quittĂ© sa lĂ©thargie. Il est parti se soigner. Un jour il reviendra. En attendant on reste Ă trois ma mĂšre ma sĆur et moi.
Au premier Ă©tage gauche sans ascenseur il y a la famille de Callisto.
Callisto â Je suis une fille. MĂȘme si mon prĂ©nom se termine par o. Comme frigo. Ou risotto. Chez nous la nourriture câest le hic. On se bat contre les pizzas le Coca les crĂšmes dessert et les confitures. Ăa nous poursuit. A lâĂ©cole ça pique. « Callisto. Ta mĂšre. Sa tĂȘte dans le frigo. » Les zozos. Ils appuient oĂč ça fait mal. Moi je mâen sors. Bruno mon pĂšre aussi. Mais celle qui nous
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TEXTE 1
fait peur câest ma mĂšre. Marie-Jo pleure. La tĂȘte dans le rĂ©frigĂ©rateur. Bruno la console comme il peut. Allez viens ma princesse. On va marcher. Ce frigo. Un jour je vais le passer par la fenĂȘtre !
Au deuxiĂšme Ă©tage droite sans ascenseur il y a la famille dâOumar.
Oumar â Attention les yeux. Chez moi les Ă©crans du matin au soir. Mes parents la tĂ©lĂ© â ma sĆur son ordinateur â mon frĂšre sa console. Y a que le chat qui nâest pas connectĂ©. Quoique. Quand je le retrouve chaque matin la console entre les pattes je me demande sâil nâa pas jouĂ© toute la nuit lui aussi. Mon frĂšre se plaint : « Maman Oumar a encore pris ma console ! » Câest pas moi câest le chat⊠« Oumar y en a marre » dit ma mĂšre qui avale vite fait son cafĂ© et sa tĂ©lĂ©. Je bougonne. Tu ne crois pas si bien dire⊠Un beau jour Oumar va partir. Le chat me regarde. ConsternĂ©.
Au deuxiĂšme Ă©tage gauche sans ascenseur il y a la famille dâElena.
Elena â Entrez faites comme chez vous. Vous connaissez la maison et toute la famille. En selfie sur Facebook plusieurs fois par jour. Vous connaissez ma mĂšre et mon beau-pĂšre. Câest le couple du siĂšcle. Likez leur anniversaire de rencontre. Likez leur vie qui brille comme un sapin de NoĂ«l. Leur dĂ©co ten-dance et Sissi le chien Shih Tzu qui est si chou. La vie de ma mĂšre et de mon beau-pĂšre on dirait un concours de bonheur. Pendant quâils font les beaux sur les rĂ©seaux nous les enfants on fait du karatĂ© devant la tĂ©lĂ©. OlĂ© !
Au troisiĂšme Ă©tage droite sans ascenseur il y a la famille de Dorian.
Dorian â Mes parents je les ai sur le dos. « Fais tes devoirs. RĂ©vise ta guitare. Nâoublie pas ton carnet. Quel Ă©tourdi ma parole ! » Ma grande sĆur elle ri-gole. Une grande gigue un peu folle. Des fois jâaimerais renverser les rĂŽles. Me mettre sur leur dos. Exiger leur carnet : Papa tâen es oĂč de tes impĂŽts ? Et toi maman ta recherche de boulot ? Ă ma sĆur : câest ça ton amoureux ? Tâas pas trouvĂ© mieux ? Je sais. Câest pas trĂšs malin. Mais quâest-ce que ça fait du bien !
***
Sur le palier du troisiĂšme Ă©tage.
MeĂŻ â Au troisiĂšme Ă©tage gauche sans ascenseur il nây a personne. Et pourtant câest lĂ que commence notre histoire. Dâen bas on voit que les volets sont clos. Les grands disent que câest inhabitĂ© depuis longtemps. Quâil y a eu lĂ une vieille dame. Dans le temps.
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Oumar â Ce nâĂ©tait pas plutĂŽt un vieil homme ? Elena â Ce nâest pas lĂ quâon a trouvĂ© un serpent ? Dorian â La police est intervenue un soir. Callisto â On nâa jamais su exactement. MeĂŻ â En tout cas aujourdâhui câest vide. On nây voit plus personne. La porte est fermĂ©e. Dorian â Et pourtant parfois on jurerait entendre des voix. MeĂŻ â Des chuchotis. Oumar â Quelques bruits. Une chaise quâon dĂ©place. Callisto â Une porte qui claque. Dorian â Ăa rĂ©sonne dans toute la cage dâescalier.Elena â Câest le vent.Oumar â Quelquâun geint non ?Dorian â Câest quoi ça ?MeĂŻ â Tu ne connais pas ? Verbe geindre. TroisiĂšme groupe. Dorian â Bien sĂ»r que si ! Pour qui tu me prends ?Callisto â Ăcoutez ! Quelquâun pleure.Oumar â Câest bien ce que je dis : quelquâun geint !Dorian â Fais le malin !
MeĂŻ frappe Ă la porte.
MeĂŻ â Il y a quelquâun ?Callisto â Ne fais pas ça ! Et sâil y avait quelquâun ?Oumar â Quelquâun geint mais ce nâest pas Ă lâintĂ©rieurâŠDorian â Ăa vient dâici. Câest parmi nous.Callisto â Elena ?Elena â Câest mon chien.Callisto â Câest Sissi ?Oumar â Le chien Shih Tzu qui est si chou !Callisto â Pourquoi tu lâas amenĂ© ?Dorian â Il a peur on dirait.Elena â On a dit que chacun apportait quelque choseâŠMeĂŻ â On a parlĂ© de matĂ©riel. Pour enfoncer la porte ou Ă©clairer dans le noir. On nâa pas parlĂ© dâun chien !Elena â Il a sautĂ© dans mes bras quand je suis partie. Oumar â Il peut peut-ĂȘtre nous dĂ©fendre.Callisto â Ah bon ? Tu crois quâon va nous attaquer ?Dorian â Tu parles. Il tremble de tous ses membres.MeĂŻ â Bon. On va faire lâinventaire de ce quâon a. Elena â Un chien.MeĂŻ â Un coussin.
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TEXTE 1
Callisto â Une fourchette.Oumar â Le programme tĂ©lĂ©.Dorian â Une brosse Ă dents.
Temps.
Callisto â Comment dĂ©foncer la porte avec ça ?MeĂŻ â Je ne sais pas. Mais câest ce quâon a. Il faut faire avec.Oumar â On nâa mĂȘme pas de tĂ©lĂ©phone. Dorian â Impossible dâappeler au secours.Elena â Ou dâutiliser la lampe torche. MeĂŻ â On va devoir se dĂ©brouiller seuls dans le noir.Callisto â Tu crois que câest dangereux ?Oumar â Qui sait ce quâon va trouver ?Dorian â Cette porte. Ăa fait des mois quâon y colle lâoreille. Avec lâimpression dâentendre quelque chose. Oumar â Des mois quâon se relaie dans lâescalier pour la surveiller. Avec lâes-poir de voir quelquâun sortir. Callisto â Ou rentrer. Elena â En vain. MeĂŻ â Des mois quâon prĂ©pare notre intervention en cachette des parents. Quâon dresse des listes de matĂ©riel. Quâon rĂ©flĂ©chit aux consĂ©quences. Callisto â Et quâon tremble Ă lâidĂ©e de ce quâon va trouver derriĂšre elle. Dans cet appartement. Elena â Des toiles dâaraignĂ©e. Des portes de placard qui grincent et qui claquent. Un enfant en pleurs⊠Oumar â ⊠Qui a peur⊠Dorian â ⊠Ou qui a faim⊠MeĂŻ â Quelquâun lĂ -dedans a besoin de nous. On le sent. Un concentrĂ© de tristesse et de douleur flotte dans lâescalier C et ça vient de derriĂšre cette porte. Elena â On a profitĂ© du confinement pour peaufiner notre plan. Callisto â Un jour on nous fĂ©licitera. Les parents et la tĂ©lĂ© tout le monde sera fier de nous. Oumar â En attendant il faut agir.Dorian â On est tous prĂȘts. MasquĂ©s et dĂ©terminĂ©s. Elena et son chien â Callisto et sa fourchette â Oumar et son programme tĂ©lĂ© â MeĂŻ et un coussin du canapĂ© qui a englouti son pĂšre et moi avec ma brosse Ă dents. MeĂŻ â Une Ă©quipe de choc. Callisto â On y croit on y va !Oumar â Ă la une Ă la deux Ă la troisâŠMeĂŻ â Lâexploit câest maintenant !Callisto â On nâa mĂȘme pas eu le temps de toucher la porte.
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TART
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Oumar â Elle sâest entrebĂąillĂ©e toute seule en grinçant.Elena â Comme si quelquâun nous disait « Entreeez » !Dorian â Ăa nous a refroidis.Oumar â Et si câĂ©tait un piĂšge ?Dorian â Pas le temps de se poser plus avant la question.Callisto â On est entrĂ©. La porte sâest refermĂ©e derriĂšre nous.Tous â CLAC.
***
Nous sommes un groupe de copainsLes cinq doigts de la mainMeĂŻ Callisto Oumar Elena et DorianEnfermĂ©s rue de la FraternitĂ©Escalier C troisiĂšme Ă©tage gaucheAu secoursĂ lâaideOn nâen a plus pour trĂšs longtempsâŠ
CLASSE DE 6e C, COLLĂGE LES CREUSOTTES Ă VILLENEUVE-SUR-BELLOT
Cinq pour unUne entrĂ©e ? Un couloir ?On nây voit rien dans le noirOn avance En Ă©veil tous nos sensOn tend nos mainsQuâest-ce que câest⊠hein ?Le parquet grinceComme un bruit de pinceĂ droite on devine un tableauĂ notre gauche un porte-manteauOn sent du gaz au loinUn mur pas trĂšs loinAutour de nous des drĂŽles de bruitsDes oiseaux qui font cui-cui ?
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On dirait une lumiĂšre au boutOn marche et soudain⊠un trou !On tombe Il fait sombreLa chute est si violente Quâon se rĂ©veille en 1940On est comme dans les pommesDevant nous un vieil hommeIl nous dit attention Les morpions !Mon arriĂšre-arriĂšre-arriĂšre-petit-fils est en dangerIl est quelque part dans lâappartement⊠cherchez !Et pour nous aider Ă remonter â en hordeIl nous donne une cordeCallisto prend sa fourchetteOn lâaccroche Ă la cordelettePour la lancer en hautEt nous hisser jusquâau porte-manteauNe vous inquiĂ©tez pas monsieur Oh hisseOn va retrouver votre arriĂšre-arriĂšre-arriĂšre-petit-fils !
***
Elena â En haut la lumiĂšre clignote.Oumar â Il y a de la fumĂ©e.Callisto â Dorian tu vois quelque chose ?Dorian â Une gaziniĂšre des casseroles un rĂ©frigĂ©rateurâŠMeĂŻ â Nous sommes dans la cuisine.Dorian â Il y a un papier sur la porte du rĂ©frigĂ©rateur.MeĂŻ â Est-ce que câest un message ?Dorian â Je ne sais pas. Il y a trop de fumĂ©e.Elena â Le four est ouvert et allumĂ©.Dorian â Quâest-ce quâil y a dedans ?Oumar â Ăa crame !Elena â Ăteins le four. Appuie sur ce bouton !Callisto â Ah ! Quâest-ce qui se passe ?Dorian â Le papier prend feu !Oumar â Il faut sortir dâici !MeĂŻ â Alors Oumar a cette idĂ©e gĂ©niale : il prend le programme tĂ©lĂ© et lâagite en tous sens. Oumar â Je fais du vent. Le vent Ă©teint les flammes mais il y a encore trop de fumĂ©e. On tousse. On attrape tous la
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corde. Un deux trois on avance. Allez plus vite ! Elena â Et câest comme ça quâon sort de la fumĂ©e et quâon arrive dans le salon.
***
Dorian â Un salon ? On dirait une forĂȘt vierge !Oumar â Câest la vigne vierge qui rentre par la fenĂȘtre ouverte.MeĂŻ â Il y a un canapĂ© tout dĂ©chirĂ©. Des plantes carnivores qui poussent dans le canapĂ© et montent jusquâau plafond. Elles crachent de la terre. Il y a un tapis trempĂ© de sang. Une tĂ©lĂ© qui sâallume et sâĂ©teint. Au mur la photo dâun petit garçon. Son regard semble dire « Ă lâaide ! » Callisto â Il y a un papier tout en haut de cette plante. Elena â Comment lâattraper ?Dorian â On pourrait envoyer ton chien ? On fait grimper Sissi et on lui dit « attrape ».Elena â TrĂšs marrant DorianâŠOumar â Et si on utilisait la corde ?Callisto â Trop tard⊠le papier sâenvole par la fenĂȘtre !MeĂŻ â Oh non⊠Oumar â Elena. Quâest-ce quâil a ton chien ? Elena â Câest la photo du petit garçon qui le dĂ©boussoleCallisto â Sissi attrape la corde dans ta gueuleâŠMeĂŻ â ⊠et fais-nous sortir dâici.Dorian â Vite. Les plantes carnivores !MeĂŻ â Allez Sissi. Tire la corde !Dorian â Ouf. Ăa y est. On est enfin sains et saufs.Callisto â Jâai eu une peur bleue.Oumar â Tâes un bon chien Sissi.Elena â Normal câest mon chien !MeĂŻ â Et on se retrouve tous devant une porte fermĂ©e.
***
Oumar â Quâest-ce quâil y a derriĂšre ?Elena â Jâentends une tuyauterieâŠDorian â De lâeau qui jaillit dans une baignoireâŠMeĂŻ â Câest la salle de bains.Dorian â Câest fermĂ©. On ne peut pas entrer.MeĂŻ â Il y a quelque chose au sol.
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Callisto â On dirait un lavabo. Il est tombĂ© devant la porte.Oumar â On pousse tous ensemble. Un deux troisâŠDorian â La porte sâouvre. On entre dans la salle de bains, Oumar, Callisto et moi, Elena avec son chien et MeĂŻ armĂ©e de son coussin.Oumar â Quâest-ce que tu vois ? Elena â Rien. Il y a de la buĂ©e.Callisto â LĂ . Une baignoire.MeĂŻ â Je mâapproche de la baignoire. Il y a de lâeau dedans. Oumar â Rouge comme du sang.Callisto â De la peinture ?Elena â On dirait du linge qui trempe. Ăa a dĂ©teintâŠDorian â Ce nâest pas du linge. Ce sont des morceaux du mur. Oumar â Comment câest possible ?Elena â Câest possible. Avec lâhumiditĂ© de la salle de bains le mur sâest effritĂ©. Il est devenu tout mou.MeĂŻ â On va tester !Callisto â Et sâil nous tombait dessus ?MeĂŻ â Je prends le coussin. Je le trempe dans lâeau.Je lâattache au bout de la corde et le lance contre le mur. Oumar â Boum !Callisto â Et derriĂšre le mur nous dĂ©couvrons la chambre.
***
Oumar â Dans la chambre il y a une vieille chaise en bois. Une petite table avec deux pieds. Le parquet abĂźmĂ©. Une armoire. Un lit en bois moisi. Un matelas trĂšs sale. Une couette qui a perdu ses plumes. Des trous dans le plafond. Des fenĂȘtres sans vitres. Des rideaux et des masques chirurgicaux qui volent dans le ventâŠElena â Des masques chirurgicaux !?Dorian â Et des attestations de dĂ©placement !Elena â Câest quoi ce bruit ?Oumar â Câest le vent.Callisto â Un vase qui se casse ?Elena â Un miroir qui se brise ?MeĂŻ â Ăa vient de lâarmoire.Oumar â Vas-y. Ouvre-la.
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MeĂŻ â Impossible. Elle ne sâouvre pas.Oumar â Accroche la corde Ă la poignĂ©e et tire.Tous â Ă la une Ă la deux Ă la troisâŠCallisto â La porte cĂšde. Les vĂȘtements tombent et tout au fond de lâarmoire on voitâŠElena â Des inscriptions !MeĂŻ â Câest illisible.Dorian â Je prends ma brosse Ă dents et je frotte. Des lettres rouges apparaissent.Elena â « Ă lâaide. Je suis dans la piĂšce dâĂ cĂŽtĂ©. »Oumar â « Passez par le trou. En bas de lâarmoire. »Dorian â Il y a un trou. On se faufile.
***
Elena â Quâest-ce que câest ?Callisto â Câest une drĂŽle de piĂšce. MeĂŻ â On cherche lâinterrupteur et la lumiĂšre sâallume toute seule. Un bureau. Une Ă©tagĂšre avec de vieux livres sur la guerre. Il y a un garçon dans un coin. Il a les yeuxrouges. On crie « Eh ! » Il nous ignore et continue Ă pleurer.Elena â Câest qui ?Dorian â Calmez-vous, il nâa pas lâair si mĂ©chant.Oumar â Bonjour. Comment tu tâappelles ?Louka â Je mâappelle Louka.MeĂŻ â Câest toi lâarriĂšre-arriĂšre-arriĂšre⊠?Louka â ⊠petit-fils de Marcel LerouxâŠDorian â Quâest-ce que tu fais lĂ ?Louka â On habite ici en cachette. Ma mĂšre est partie chercher Ă manger mais elle nâest pas rentrĂ©e. Au dĂ©but je ne mâinquiĂ©tais pas : câest long de trouver Ă manger Ă cause de la Covid 19. Mais elle nâest toujours pas lĂ et jâai peur quâelle ne rentre pas. Je me suis mis dans le coin pour pleurer. Je me suis rongĂ© les ongles jusquâau sang. Je me suis mis Ă trembler. Jâai appelĂ© Ă lâaide. Jâai mĂȘme appelĂ© Ă lâaide mon arriĂšre-arriĂšre-arriĂšre-grand-pĂšre. Marcel Leroux. CâĂ©tait son bureau ici. Maintenant vous ĂȘtes lĂ . Et je nâai plus peur dâĂȘtre seul. Elena â On va tâaider.Dorian â Comment faire ? On nâa plus rien. On a utilisĂ© tout ce quâon avait apportĂ©.
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Oumar â La fourchette. Le programme tĂ©lĂ©. Le chien. Le coussin et la brosse Ă dents.MeĂŻ â Il nous reste le courage.Oumar â La solidaritĂ©.Callisto â LâamitiĂ©.Dorian â La fraternitĂ©.Elena â Nous sommes tes copains.Tous â MeĂŻ Callisto Oumar Elena et Dorian. Cinq pour un !
***
On lâemmĂšne avec nousOn retraverse tout lâappartementLa chambreLa salle de bainsLe salonLa cuisineLe couloirEt quand on arrive sur le seuil de la porte il y a une femme.
Louka â Maman !
Un, rue de la Fraternité.Au troisiÚme étage gauche sans ascenseur il y a une femme qui prend son fils dans ses bras.
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SONIA RISTIC
Monsieur Dicton et monsieur FrontonPetite piĂšce chorale pour une classe entiĂšre
On ne choisit pas sa famille, quâon dit.Qui ça ?Qui quoi ?Qui a dit que la famille, on ne la choisit pas ?Câest pas le titre dâun film ?Si, et yâa aussi une chanson.Mais ça vient dâoĂč, avant ?Je ne sais pas exactement qui, le premier ou la premiĂšre, lâa dĂ©crĂ©tĂ© ainsi. Une vieille ou un vieux sĂ»rement.Ouais, une phrase de daron, ça. Le genre de truc quâils disent.Un dicton, je crois.Un quoi ?Câest qui ça ?Pas une personne mais quelque chose quâon dit. On ne sait jamais exactement dâoĂč ça vient, de quelle Ă©poque, pourquoi, mais depuis toujours, les gens le rĂ©pĂštent. Des phrases comme « On ne choisit pas sa famille »âŠOu bien : « Le sang, câest pas de lâeau »âŠCelle-lĂ , ma mĂšre la dit tout le temps !VoilĂ , ça sâappelle un dicton.Dâaccord. Et pourquoi tu penses à ça ?Je ne sais pas. Jây pense, câest tout. Parfois je me dis que si on mâavait donnĂ© le choix, je ne suis pas certain.e que mon frangin, au milieu de tous, câest pile lui que jâaurais pointĂ© du doigt en mâexclamant: « Lâautre chevelu-lĂ , je veux absolument quâil soit mon frĂšre ! »Je vois ce que tu veux dire. Moi, câest ce que je me dis pour ma tante. MĂ©chante, une vraie sorciĂšre.Et moi, pour mes cousins. Ils sont pĂ©nibles, vraiment pas sympas. Ils se la pĂštent trop. Lâenfer que câest, les vacances avec eux, je te raconte mĂȘme pas.Moi, ma sĆur, jâaurais jamais pu ni su en trouver une de mieux. Parfois on a du bol, genre on tombe sur le gros lot, question casting familial.Et parfois, on se dit quâon sâest fait refourguer une bande de pourris.Sauf quâil nây a pas de service aprĂšs-vente oĂč lâon peut les retourner !Comme avec les fraises dâEspagne. Hein ?!On a du mal Ă te suivre, toi.
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Les fraises dâEspagne, qui ont lâair trop bonnes dans leur barquette au super-marchĂ©, mais tu ouvres le machin et en dessous câest tout moisi.Donc, câest vrai, le dicton sur la famille ?Je crois, oui.Ăa craint, non ? On fait avec ce quâon a. On se dit que ça pourrait ĂȘtre pire. Et puis, il nây a pas que la famille dans la vie. Il y a aussi les amis.Heureusement, oui. Parce que les potes, eux, on les choisit !Rien Ă voir. « Le sang, câest pas de lâeau » quâelle dit, ma mĂšre. La famille, mĂȘme si par moments, on la dĂ©teste, Ă la fin, câest toujours eux qui comptent le plus.Je ne suis pas dâaccord avec ça. Mais alors pas du tout. Du tout du tout. Moi, par exemple, Samia, câest pas ma vraie sĆur de sang, mais elle est plus que ma sĆur. Nos familles viennent dâendroits complĂštement diffĂ©rents, nous nâavons pas la mĂȘme couleur de peau, ni la mĂȘme religion, et pourtant, je ne me sen-tirai jamais aussi proche de personne que je le suis de Samia. Je donnerais ma vie pour elle, et elle, pareil, pour moi.Je pense comme toi. Que les frĂšres et sĆurs choisis, câest plus fort que tout. Et que lâautre Monsieur Dicton, avec ses histoires de sang etc, eh bien, il raconte nâimporte quoi.Mais quand mĂȘme, lâun nâempĂȘche pas lâautre, non ? On peut penser que la famille câest sacrĂ©, et tout autant ĂȘtre convaincu.e que celles et ceux que la vie met sur notre chemin et qui deviennent nos frĂšres et nos sĆurs de cĆur nâont pas moins de valeur.Je ne sais pas. Est-ce que les choses dans la vie peuvent ĂȘtre vraiment au mĂȘme niveau ? Est-ce que câest pas obligĂ© quâon, je sais pas, quâon fasse une liste mal-grĂ© nous, quâon se dise quâĂ la premiĂšre place il y a ça, et puis Ă la deuxiĂšme ça, et ainsi de suiteâŠPourquoi toujours chercher Ă tout classer en plus ou moins important ? Pourquoi pas se dire que beaucoup de choses de la vie ont la mĂȘme importance exactement ? Si on commence par accepter que certaines personnes comptent forcĂ©ment plus que dâautres, eh bien, dĂ©solĂ©.e, mais on est mal parti pour tout le tralala LibertĂ© ĂgalitĂ© FraternitĂ©.Je me suis toujours demandĂ© ce que ça voulait vraiment dire, çaâŠQuoi ?La fraternitĂ©, sur les fronts des mairies.Pas sur les fronts, patate, sur les frontons !Je crois que ça veut dire quâon est tous frĂšres.Et quâon est toutes sĆurs aussi, faut pas lâoublier. Ils auraient dĂ» lâĂ©crire comme ça dâailleurs : « LibertĂ© ĂgalitĂ© FraternitĂ© ET SororitĂ© ».Nâimporte quoi, yâa pas la place sur la façade pour Ă©crire tout un roman !Comme par hasard, tiens. Câest toujours quand il sâagit des femmes quâil nây
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a plus assez de place. Ăa mâĂ©nerve. La fraternitĂ©, ça sert Ă rien si on en exclut la moitiĂ© !Non, mais sĂ©rieux, je veux bien que ce soit Ă©crit sur les frontons et tout et tout, mais câest un peu du pipeau, non, vous ne trouvez pas ?Ah bah si, clairement. Entre mon pĂšre au chĂŽmage et le PDG de la grosse boĂźte, pour la fraternitĂ©, faudra repasser. Câest plutĂŽt chacun pour soi et Dieu pour tous, en vĂ©ritĂ©.Tâas trop des expressions de vieux/vieille, toi !La devise, malheureusement, ça ne veut pas dire que câest toujours ainsi que ça se passe dans la vie.Alors, de lâĂ©crire lĂ -haut, ça sert Ă rien ? Câest juste pour faire genre ou bien ?Ăa sert Ă essayer, je crois. Ă nous donner lâexemple, nous montrer comment il faudrait que ce soit. Comme un mode dâemploi ?Si tu veux.Mais comment lâappliquer ? Ouais, câest comment quâon devient fraterniteux?Fraternel.le.s, pas fraterniteux!On ne peut pas le devenir. On lâest ou pas. Ce nâest pas un truc qui sâapprend.Bien sĂ»r que si. On peut se rendre compte quâon nâassure pas, changer de comportement, faire des efforts, faire de notre mieux.Qui doit faire des efforts ?Tout le monde ! Toi et moi. Les gens. Les politiques.Et mĂȘme les flics ?Bah oui. Tout le monde. La devise, elle vaut pour tous et toutes, Ă ce quâil paraĂźt.En thĂ©orie, pas en vrai.Câest bien pour ça que ça ne va pas. Que le monde est tout pourri, parfoisâŠPas que parfois. Souvent !Câest Ă cause de celles et ceux qui pensent que la devise, elle ne les concerne pas. Qui se croient au-dessus, qui sâen balancent, qui ne font attention quâĂ eux.Alors quâen fait, si tout le monde traitait tout le monde comme si on Ă©tait de la mĂȘme famille, avec du respect, de la solidaritĂ©, mille fois mieux on sâen sortirait.Câest clair.Oui, mais concrĂštement, comment faire ?Quand on voit quelquâun qui galĂšre, eh bien, on lâaide, comme on peut.Et quand on trouve quelquâun trop chelou, on se dit quâil est un peu notre frĂšre et on juge pas, on lâaccepte quel quâil soit.Faut pas se compliquer la tĂȘte. Câest aussi simple que ça.
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Je pense que vous vous trompez. Que ce nâest pas simple. Bien au contraire, câest embrouillĂ©.Oui, parce que des fois, les gens, les autres, pour les comprendre, câest pas Ă©vident. Des fois, ils sont tellement diffĂ©rents, comme si dâune autre planĂšte sens dessus dessous ils Ă©taient tombĂ©s.Dans ta famille, pourtant, spontanĂ©ment, tu le fais ! MĂȘme quand ton frĂšre, ta sĆur, ta tante ou tes cousins, ils tâagacent, quâils tâinsupportent au point que tâas envie de les frapper, malgrĂ© tout tu te rappelles que câest la famille, que vos diffĂ©rences, il faut arriver Ă les dĂ©passer ; et le plus souvent tu prends sur toi. Câest normal, câest la famille !Mais la fraternitĂ©, celle qui dans la RĂ©publique devrait exister, quâon devrait toujours appliquer, câest exactement ça ! Comme une famille, mais beaucoup plus grande.Alors, en gros, ils disent la mĂȘme chose, monsieur Dicton et monsieur Fronton ?Câest trop ça : monsieur Dicton et monsieur Fronton sont nos tontons !Oui, bon, on parle de trucs sĂ©rieux lĂ ; ça va bien deux minutes, les rimes dĂ©biles et les chansons concons.Si la fraternitĂ©, ça veut dire quâon peut plus rigolerâŠVas-y, tu tâes cru.e oĂč ? Sur les mairies, il nây a pas Ă©crit : « LibertĂ© / ĂgalitĂ© / FraternitĂ© / SororitĂ© : quâest-ce quâon va se marrer ! » Ils devraient le changer ! Parce que la fraternitĂ©, je pense que câest exacte-ment ça.Ouh lĂ , tu mâas perdu, je ne te suis plusâŠLa fraternitĂ©, dâaprĂšs ce que jâai fini par capter, câest ĂȘtre capable de se prendre la tĂȘte, discuter, pas forcĂ©ment ĂȘtre dâaccord, mĂȘme nous chamailler, sans jamais oublier quâon est dans le mĂȘme bateauâŠLa mĂȘme galĂšre, ouaisâŠEt se souvenir que, quoi quâil arrive, on peut aussi rigoler.
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CLASSE DE 6e B, COLLĂGE LOUIS-ARAGON Ă TORCY
Appeler les grands Ă lâaide
Arthur, seul sur scĂšne.Salut tout le monde. Je mâappelle⊠euh⊠je ne sais plusâŠ
(Il sâadresse Ă quelquâun en coulisses)Eh, apporte-moi mes fiches, fais vite !
(Il sourit, gĂȘnĂ©)Câest mon petit frĂšre, il mâassiste.
(Le petit frĂšre revient avec les fiches)Ah, ça y est. Jâai retrouvĂ©. Je mâappelle Arthur. Pardon pour ce cafouillage, jâavais oubliĂ© mon nom de scĂšne.Quoi dire pour me prĂ©senter ?Jâai douze ans, je suis en cinquiĂšme. Jâaime bien arroser chez les voisins. Jâaime bien ne rien faire et prendre une douche, et jâaime aussi manger des saucisses !
(Le petit frĂšre nâarrĂȘte pas de ricaner et gigoter Ă cĂŽtĂ©)Mais arrĂȘte de me pincer ! Excusez mon petit frĂšre, il est⊠trĂšs chiant. Ăa lâamuse de me dĂ©concentrer. Quelle maturitĂ©!
(Au petit frĂšre)Vas-y, file maintenant !Je dĂ©teste mon petit frĂšre, enfin, je ne le dĂ©teste pas vraiment, juste quand il mâembĂȘte alors que je voudrais bien faire.Je dĂ©teste les Ă©pinards, les courgettes et le harcĂšl⊠Zut, jâai failli tout dĂ©voiler dĂšs le dĂ©but, alors quâil faut garder un peu de suspens dans cette histoire.Je suis sportif, handballeur plus prĂ©cisĂ©ment. MĂȘme si ceux qui me connaissent trouvent que je fais plus clownque handballeur. En allant au premier entraĂźnement, je me suis perdu. Câest ma cinquiĂšme annĂ©e et je ne com-
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prends toujours rien aux rĂšgles : il mâarrive encore de marquer dans les buts de mon Ă©quipe, pfff⊠Mais je ne suis pas lĂ pour vous raconter mes prouesses sportives, alors trĂȘve dâintroduction, passons aux choses sĂ©rieuses.
LâannĂ©e derniĂšre, dans mon collĂšge, il sâest passĂ© quelque chose qui mâa beaucoup marquĂ©. Une nouvelle Ă©lĂšve est arrivĂ©e en cours dâannĂ©e. Elle avait onze ans je crois, car elle Ă©tait en sixiĂšme. Certains disaient quâelle venait de Russie, dâautres dâAmĂ©rique. Bref, elle dĂ©barquait de lâĂ©tranger et ne parlait pas trĂšs bien français encore. Comme elle Ă©tait nouvelle, elle nâavait pas dâamis.Sarah, une fille de la classe, est allĂ©e lui parler. Câest comme ça que nous autres, on a su que la nouvelle sâap-pelait Carmella et quâelle venait de Syrie. Dans son pays, câest la guerre. Toute sa famille est restĂ©e lĂ -bas et câest un couple de Torcy qui lui a offert lâhospitalitĂ©.Ce que Sarah a surtout appris, câest que dans la famille qui a accueilli Carmella, les parents, eh bien, câĂ©tait⊠deux daronnes. Carmella a demandĂ© Ă Sarah de ne pas en parler, mais Sarah ne voyait pas du tout pourquoi il fallait garder le secret, alors le soir chez elle, Ă table, elle lâa racontĂ© Ă sa famille.Et malheureusement, Enzo, le frĂšre de Sarah, ce nâest pas le garçon le plus ouvert dâesprit. Ăa ne lui plaisait pas du tout, cette histoire dâavoir deux mĂšres. DĂšs quâil a pu, Enzo est allĂ© tout dire Ă son pote. Les deux imbĂ©ciles nâont rien trouvĂ© de mieux Ă faire que de le crier sur tous les toits, ou plutĂŽt, de lâĂ©crire sur les rĂ©seaux sociaux.Câest ainsi que le harcĂšlement a dĂ©butĂ©.
(Un chĆur de narratrices et narrateurs vient se joindre Ă Arthur)Au dĂ©but, câĂ©tait seulement des petites remarques, des ricanements. Les autres Ă©lĂšves se moquaient de Carmella, de samaniĂšre de parler, de ses habits, et de ses mĂšres adop-tives car ils trouvaient ça bizarre. En plus, le collĂšge câĂ©tait compliquĂ© pour elle, ses notes nâĂ©taient pas terribles.
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Les profs lâencourageaient, mais vu lâambiance pourrie avec les autres Ă©lĂšves, elle ne pouvait que se refermer sur elle-mĂȘme. Elle Ă©tait trĂšs blessĂ©e que Sarah ait trahi son secret.Puis les moqueries sont devenues des insultes. Dans la cour, tous les amis des harceleurs se mettaient autour dâelle.Ils lui disaient :
(Le chĆur des harceleurs apparaĂźt)Rentre chez toi, tu sers Ă rien !Ton accent il est claquĂ© au sol ! Câest pas normal dâavoir deux mĂšres !Retourne dans ton pays !
(Le chĆur des narrateurs reprend)Ăa a fini par dĂ©gĂ©nĂ©rer en bousculades. Dans les cou-loirs, ils la chahutaient, ils la poussaient contre les pou-belles. Ă la fin des cours, ils lui piquaient ses affaires et les jetaient sur la route. Câest devenu un enfer. Elle nâosait rien dire, ni Ă ses parents adoptifs, ni aux pro-fesseurs. Elle avait peur que ça ne fasse quâempirer les choses.Nous autres, ça nous faisait de la peine de voir tout ça, mais on ne savait pas quoi faire pour que ça sâarrĂȘte.Et Sarah se sentait coupable.
Nous avons commencĂ© par aller parler Ă Carmella. Nous ne savions pas comment la consoler, Ă part lâentourer physiquement pour la protĂ©ger, mais les harceleurs Ă©taient nombreux et on se sentait faible face Ă eux. Câest lĂ que Tom a eu une super idĂ©e ! Il est allĂ© voir des grands de troisiĂšme et leur a racontĂ© lâhorreur que vivait Carmella. Les troisiĂšmes sont arrivĂ©s Ă notre rescousse et se sont mis Ă crier :
(Les troisiĂšmes apparaissent)Vous nâavez pas honte de vous en prendre Ă des plus petits que vous ?Vous nous faites pitiĂ© ! Vous nâĂȘtes quâune bande de minables !
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(Les narrateurs reprennent)Les harceleurs ont eu peur des grands et ils ont fini par partir. JâespĂšre quâils avaient vraiment honte.
Mais on savait que ça ne suffisait pas.Nous avons pris notre courage Ă deux mains, et nous sommes allĂ©s dans la salle des profs. Nous leur avons racontĂ© toute lâhistoire. La principale a convoquĂ© les pa-rents des harceleurs et ils ont Ă©tĂ© exclus dĂ©finitivement du collĂšge. Au collĂšge, il y a eu une campagne contre le harcĂšle-ment. Avec des confĂ©rences, des tĂ©moignages. Ă la fin de lâannĂ©e, il y a aussi eu une grande kermesse qui sâap-pelait la « fĂȘte de la fraternitĂ© », avec plein de jeux, des chamboule-tout, du bowling, une pĂȘche aux canards.
Pour se dĂ©fouler et se reconstruire aprĂšs ce quâelle avait vĂ©cu, Carmella sâest mise Ă la danse. Câest devenu pour elle une vraie passion. Elle fait rĂ©guliĂšrement des vidĂ©os sur les rĂ©seaux sociaux et elle a plein dâabonnĂ©s.
Et nous autres, nous avions un peu honte dâavoir mis tout ce temps Ă rĂ©agir, Ă nous opposer aux harceleurs. Nous nous sommes promis de ne jamais laisser une chose pareille se reproduire et de toujours protĂ©ger les plus faibles.
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LISE MARTIN
Sur le banc de touche
PERSONNAGESZinaAnissaAstorSamuelAymeric et dâautres camaradesâŠ
TABLEAU 1Un terrain de foot. Zina attend sur le banc de touche. Arrive Astor, les mains dans les poches.
Zina â Le ballon ? Astor â OubliĂ©. Zina â OubliĂ© ?!! Je rĂȘve !!! Jâai dĂ» raconter de gros mensonges pour venir Ă lâentraĂźnement. Astor â Tu peux rentrer chez toi. Zina â Merci ! Mais je reste. On va faire sans. Tu fais gardien. Tâimagines la trajectoire de la balle.
Astor ne bouge pas.
Zina â Câest quoi ton problĂšme ? Astor â Tu peux pas comprendre. Zina â Surtout si tu ne mâexpliques pas.
Un temps.
Astor â Je veux disparaĂźtre.Zina â DisparaĂźtre⊠Astor â Mourir ! Je veux mourir. Zina â LĂ tout de suite maintenant ?Astor â PlutĂŽt demain ou aprĂšs-demain. Zina â Tâas pas encore la date ?Astor â Jâai pas fini ma sĂ©rie. Zina â Et tu sais comment tu veux mourir ?
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Astor â JâhĂ©site encore. Zina â Le poison ! Câest le mieux. Efficace. Rapide. RomĂ©o et Juliette. Astor â Connais pas.Zina â Juliette prend du poison qui nâest pas du vrai poison. Elle fait semblant de mourir. RomĂ©o croit quâelle est morte. Il se tue pour la rejoindre dans la mort. Mais elle est juste endormieâŠAstor â Câest quelle sĂ©rie ?Zina â Laisse tomber. On sâentraĂźne ! Petit pont, salto arriĂšre une premiĂšre passe une deuxiĂšme ! Dribble ! TĂȘte !Astor â Nan.
Zina se rassoit à ses cÎtés.
Zina â On joue dimanche !Astor â Je te dis que je ne serai plus lĂ . Zina â Tu peux pas retarder un peu.Astor â Ils arrivent dans deux jours. Jâaurai disparu avant.Zina â Soit tu mâexpliques tout de suite soit tâes disqualifiĂ© soit jâappelle tes parents. Astor â Jâai plus de parents.Zina â Quoi !!!????
TABLEAU 2Zina arrive en courant devant la piscine. Anissa lâattend. Un attroupement est massĂ© devant les portes.
Zina â Il se passe quoi ? Anissa â ProblĂšme. Ambulance. Pompiers. Un noyé⊠Un feu de piscineâŠZina â Astor !Anissa â Ă la piscine ? Il dĂ©teste. Zina â Il est venu et il sâest noyĂ© ! Anissa â Tu dĂ©lires ! Zina â Il mâa dit quâil voulait mourir depuis que ses parents ont disparu. Anissa â Tu dis nâimporte quoi. Je viens de les croiser ses parents. Zina â Tâes sĂ»re ? Anissa â Il y avait un camion de dĂ©mĂ©nagement devant chez eux, et tout le monde portait des tonnes de cartons. Jâai mĂȘme parlĂ© avec Astor. Zina â Il a dit quoi ? Comment il va ? Il sâest jetĂ© la tĂȘte la premiĂšre dans un carton⊠Anissa â Il est super content. Son pĂšre lui laisse son bureau pour ses maquettes. Il va avoir toute la place. Il pourra nous inviter pour faire des fĂȘtes.
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Un temps.
Anissa â Je crois que câest fichu pour la piscine. Zina â Je vais demander.
Voix haut-parleur : « Bonjour Ă tous. Suite Ă un problĂšme de pompe nous sommes contraints de fermer la piscine aujourdâhui. Nous vous prions de nous excuser. »
Anissa â On va au parc ?Zina â Jâai entraĂźnement.
TABLEAU 3Astor est sur le banc de touche. Arrive Zina.
Zina â Pas encore mort ?Astor â Jâai pas eu le temps.Zina â Hum⊠humâŠ
Un temps.
Astor â Tâas un truc Ă dire ? Zina â Je sais tout. Astor â MâĂ©tonnerait.Zina â Mais si.Astor â Mais non.Zina â Mais si.
Un temps.
Astor â Alors ? Zina â Tu vas tâinstaller dans le bureau de ton pĂšre.Astor â Possible. Zina â Câest super ! Astor â Le bureau vide. Pour moi tout seul. Sans mon pĂšre. Super ? Zina â Il est parti en vacances⊠Astor â Parti pour toujours. Pour toujours. Et lâautre arrive. Avec un autre.
Un long temps de doute.
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Zina â Madame LegendreâŠAstor â Quoi madame Legendre ?Zina â Madame Legendre NOTRE prof de français. Elle dit : faites des phrases avec des verbes des complĂ©ments des sujets et tout le blabla sinon on ne comprend rien. Eh ben toi, quand tu parles, je ne comprends rien. Astor â Pas envie de faire des phrases.
Un temps.
Zina â On joue ?Astor â Pas le ballon.
Silence.
Astor â Tu dis rien ?Zina â Jâai pas les mots. Salut !
TABLEAU 4 Anissa est devant la cafétéria fermée, un attroupement est massé devant les portes. Arrive Zina.
Zina â Les pompiers ? Anissa â ProblĂšme sanitaire. Intoxication. Zina â Astor ? Anissa â Ăcoute Zina, je commence Ă en avoir marre de ton histoire avec Astor. Ă chaque fois quâil y a un problĂšme tu penses quâil lui est arrivĂ© malheur. Astor va trĂšs bien. Je lâai encore croisĂ© ce matin. Il est en pleine forme. Zina â Tu ne peux pas comprendre. Anissa â Explique. Zina â Astor câest comme mon frĂšre. Je sais quand il ne va pas bien. Anissa â Câest pas le premier Ă qui ça arrive. Zina â Quoi ?Anissa â Ton « frĂšre » comme tu dis, il ne tâen a pas parlĂ© ? Zina â Il est secret.Anissa â Ses parents se sĂ©parent et son beau-pĂšre dĂ©barque avec son fils. Tu parles dâune histoire. Regarde, Sarah elle a eu trois beaux-pĂšres en cinq ans et elle ne compte plus les demi-frĂšres et sĆurs. Zina â Il ne mâa rien dit. Anissa â Il nâose pas.
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Une dame pose un écriteau sur la porte : « La cafétéria reste fermée pour désinfection des locaux adjacents. »
Anissa â Tu me portes la guigne. Bon, on va au parc.Zina â Jâai foot.
TABLEAU 5Zina joue seule sur le terrain sans ballon. Elle fait une chorégraphie.
Zina â Une passe⊠un dribble⊠reprise de la tĂȘte par le numĂ©ro 10 accĂ©lĂ©ra-tion sur lâaile gauche. Attention ! Attention⊠petit pont ! Une passe manquĂ©e ! Non une reprise de volĂ©e et frappe ! Un lob. Un lob. Barre transversale !!!! RatĂ© câest ratĂ© ! Notre attaquant nâest pas dans son meilleur jour. Et câest la mi-temps. On se retrouve dans quelques instants.
Astor qui est arrivé depuis un moment applaudit.
Zina â Toujours vivant ? Astor â Il y a une saison 8.Zina â Tu joues dimanche ? Astor â Ăa va dĂ©pendre.Zina â De quoi ?Astor â Ils arrivent samedi. Zina â Pourquoi tu ne mâas rien dit ?Astor â Jâsais pas.Zina â Anissa elle a raison, câest pas grave. Tous les parents se sĂ©parent mĂȘme sâils restent ensemble. Astor â Comprends pas.Zina â Les adultes des fois ils ne sâaiment plus et ils restent ensemble. Ils font semblant.Astor â Jâaurais prĂ©fĂ©rĂ©.Zina â La chance que tâas. Le bureau de ton pĂšre, pour toi tout seul, et un nouveau frĂšre. Comme ça hop ! Un dribble, un but !Astor â Ce sera jamais mon frĂšre. Câest un demi-frĂšre.Zina â Tu vas le couper en 2 ?Astor â Un demi-pĂšre un demi-frĂšre. Zina â Si tu les mets ensemble ça fait 1. Tu les as dĂ©jĂ rencontrĂ©s ?Astor â Ben oui.
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Zina â Alors ? Sympas ?Astor â Nan. Zina â Ils aiment le foot ?Astor â Il a le maillot du PSG.Zina â AĂŻe !
TABLEAU 6Anissa est assise sur un banc face Ă la gare. Arrive Zina.
Zina â Pourquoi tu mâas donnĂ© rendez-vous ici ?Anissa â Pour voir si les trains dĂ©raillent. Zina â Tu veux prendre le train ? Anissa â Non, mais quand je te donne rendez-vous quelque part, il y a toujours un problĂšme. Câest un test.Zina â TrĂšs drĂŽle.
Un temps.
Zina â Des nouvelles dâAstor ?Anissa â PlutĂŽt oui.Zina â Raconte.Anissa â Son nouveau frĂšre est venu au collĂšge. Il sera dans ma classe. Zina â Avec toi et Astor !!!Anissa â La prof a demandĂ© Ă ce quâon lui donne les cours. Jâai levĂ© la main. Astor nâa pas supportĂ©, il a quittĂ© la classe. Zina â Buuuuut !Anissa â Tâes folle !
Voix haut-parleur : « Le train Quimper-Lorient partira quai numéro 2 avec un retard de 30 minutes. »
TABLEAU 7 Terrain de foot. Zina est seule sur le banc. Arrive Anissa.
Zina â Tâas dit quoi Ă tes parents ?Anissa â La piscine est ouverte.Zina â Tâas des baskets ?Anissa â Pas question ! Elles sont neuves. Zina â Je tâen passe une paire.
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Zina sort de son sac une paire de baskets.
Anissa â Elles sont pourries ! Je peux pas mettre ça. Pis je dĂ©teste le foot. Zina â Personne ne les verra. Tâes dans les buts. Tu rentres tes pieds Ă lâintĂ©-rieur, comme les grenouilles. Câest les bras qui comptent. Anissa â Elles ont pas de pieds les grenouilles.Zina â Je te montre.
Zina fait une dĂ©monstration avec les pieds Ă lâintĂ©rieur.
Anissa â Jây arriverai jamais. Zina â Pense aux grenouilles. Ăa va aller. Lâautre Ă©quipe est nulle. Tu ne verras pas une seule balle.Anissa â Tâes sĂ»re quâAstor ne viendra pas ?Zina â Il est hors jeu. Anissa â Pourquoi tu demandes pas Ă son « nouveau » frĂšre ?Zina â Connais pas.Anissa â Je lâappelle.
Un groupe dĂ©barque, câest lâĂ©quipe de Zina. Il y a autant de filles que de garçons. Ils partent tous faire un footing sauf Samuel le⊠capitaine.
Samuel â Salut Zina.Zina â Salut. On a un problĂšme. Astor vient pas.Samuel â Moi aussi jâai un problĂšme. Simon est malade. Il manque deux joueurs.Zina â Un.
Un temps.
Anissa â Je fais goal.Samuel â Toi ???? Mais tâes incapable dâarrĂȘter une balle.Anissa â Je fais la grenouille comme ça ! Samuel â Zina, câest toi qui lui as demandĂ© ?Anissa â Faut pas avoir fait bac plus 8 pour arrĂȘter une balle.Zina â Ben oui ! Et pis je suis une trĂšs bonne nageuse. La grenouille je connais. Samuel â De toute façon ça rĂšgle pas le problĂšme on est 10.Anissa â Aymeric arrive.Samuel et Anissa en chĆur â Aymeric ???Anissa â Le⊠nouveau frangin dâAstor.
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CLASSE DE 6e 2, COLLĂGE GEORGES-POLITZER Ă DAMMARIE-LES-LYS
Sur le banc de touche ... Suite
TABLEAU 8 Un peu plus tard⊠Anissa et Zina sont dépitées.
Anissa â Pourquoi il est parti si vite Samuel ? Zina â Il a eu peur. Anissa â Non, il avait un truc super urgent Ă faire.Zina â Comme ça subitement ? Câest un trouillard.Anissa â Il aime pas jouer avec les gens quâil connaĂźt pas. Zina â Sâil ne revient pas, câest mort. Anissa â On lâappelle.Zina â Il a plus de tĂ©lĂ©phone.
Samuel revient sur le terrain.
Anissa â Samuel ! Yes !!!!
Samuel se retourne et sort un objet de sa poche.
Samuel â Surprise ! Nouveau tĂ©lĂ©phone. Dernier modĂšle.Zina â CâĂ©tait ça ton urgence !Anissa â Whaou ! Montre ! Tu me le passes ? Samuel â Attention fragile !
Anissa lâadmire pendant un long moment. Une horde de pigeons survole le terrain.
Samuel â Je dĂ©teste ces volatiles !
Tout en manipulant le portable Anissa rentre sa tĂȘte dans sa capuche et, dâun geste brusque, laisse tomber le tĂ©lĂ©phone qui finit dans une flaque. En voulant le rĂ©cupĂ©rer, elle sent ses pieds sâenfoncer dans la boue.
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Samuel â NAN ! Ramasse-le ! Tu sais combien ça coĂ»te ? Il ne sâallume plus !!!!! Merci Anissa ! Comptez pas sur moi pour le match !
Samuel repart furieux.
Anissa â Je suis vraiment dĂ©solĂ©e, en ce moment je suis tellement maladroite.Zina â Mais câest pas quâen ce moment que tu es « telle-ment » maladroite !
Un temps.
Zina â Attends, câest pas mes baskets ça ?Anissa â Oui et non. Les tiennes Ă©taient propres, je les ai salies, alors elles sont un peu Ă moi ! Je vais les nettoyer. Je te les rendrai propres. Et elles seront Ă toi.
Zina est furieuse, elle ignore Anissa un long moment.
Anissa â Je suis dĂ©solĂ©e⊠Pardonne-moi... Câest Ă cause des pigeons. Zina â Câest bon. Maintenant il faut trouver un plan. Anissa â Ca va ĂȘtre compliquĂ©. Zina â On dit quâon a besoin dâun remplaçant pour Samuel. Et on dit pourquoi ce match est super important. Anissa â HeuâŠpourquoi il est super important ?Zina (Ă©nervĂ©e) â Parce que les gains sont au profit de lâas-sociation « Les enfants perdus » ! Anissa â Ha oui, câest vrai ! Regarde, Aymeric arrive, il remplacera Samuel. Câest gĂ©nial !
Elles le rejoignent.
Anissa â Je te prĂ©sente Zina.Aymeric â Moi câest Aymeric. Zina â Jâai une question. Est-ce que tu connais ton de-mi-frĂšre ?Aymeric â Câest un peu bizarre comme approche ! Non, je le connais pas, je lâai jamais vu.Zina â Parfait ! Aymeric â Parfait ?
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Anissa â Fais-nous confiance. Zina â Pour le match, tu tâappelleras Jacob, tu viens du Canada et tu as 13 ans.Aymeric â Vous pouvez mâexpliquer ?Zina â Tu lui expliques. Moi je vais chercher Astor.
Zina prend ses jambes Ă son cou et sâĂ©loigne.
TABLEAU 9 Zina arrive essoufflĂ©e au pied de lâimmeubledâAstor. Elle lance un petit caillou sur sa fenĂȘtre.
Astor â Tu veux quoi Zina ?Zina â Faut que tu viennes pour le match. Astor â Et pourquoi?Zina â Parce que !Astor â Parce que quoi ? Zina â Parce que le gain du match ira directement Ă lâassociation « Les enfants perdus » ! Astor â Des enfants comme moi ? Zina â Des enfants orphelins qui ont une vie horrible. Câest pas vraiment ton cas. Allez viens !
Un long moment de doute.
Astor â Ok mais parce que câest toiâŠZina â Et parce que câest nous ! Et que câest pour eux !
Astor descend. Ils sâĂ©loignent.
Zina â Astor, il faut que je te demande un truc. Astor â Je tâĂ©coute.Zina â Tu mâas bien dit que tu connaissais ton demi-frĂšre ?
Un temps.
Astor â Je tâai menti, je connais juste son prĂ©nom. Aymeric.
Ils rejoignent le terrain.
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Anissa â Ouais, il y a Astor !Zina â LâĂ©quipe est au complet !Astor â Il y a combien en jeu ?Zina â Plus de 1000 euros !Astor â Bon, on le commence ce match ?Zina â Allez ! Pas le droit de perdre, câest pour les enfants orphelins !Anissa â Faut gagner !
Tout le monde se met en place.
TABLEAU 10 Voix haut-parleur â « Le match commence dans cinq minutes. »
Zina â Anissa, va dans la cage ! Jacob et Astor dĂ©fenseurs, et moi, attaquante !
Astor sâadresse Ă Zina.
Astor â Câest qui lui ?
Aymeric entend et se retourne.
Aymeric â Moi ? Câest Jacob ! Et toi ?Astor â Astor. Zina â Câest bon les garçons, fini les bavardages !
Voix haut-parleur â « Le match commence. »
Zina â On va gagner !
Coup de sifflet câest parti !
Aymeric â La passe Astor !
Astor fait une passe dĂ©cisive Ă Jacob, qui marque.Voix haut-parleur â « 1-0 pour les Politzors ! »Anissa arrĂȘte la balle en faisant la grenouille mais, avec sa guigne lĂ©gendaire, elle ne tarde pas Ă se prendre un but.
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Voix haut-parleur â « 1-1, câest la mi-temps. »
Aymeric â Câest serrĂ© ! Zina â Ouais, tâas raison, câest chaud !
Voix haut-parleur â « Le match va reprendre. »
Zina â Chacun Ă son poste !
Zina fait la passe Ă Astor qui court pour marquer.
Aymeric â Attention, Astor ! Attention !
Un adversaire fait un croche-pied Ă Astor. Aymeric arrive en courant et tend la main Ă Astor pour lâaider Ă se relever.
Astor â Merci.
Aymeric décide de tirer le penalty pour venger Astor. Il marque.
Voix haut-parleur â « 2-1 pour le Club des Politzors. »
Grand moment de liesse ! LâĂ©quipe pousse des cris de joie. Ils sont rejoints par Samuel. Il montre son tĂ©lĂ©phone, comme un trophĂ©e, et sâassoit sur le banc de touche.
Samuel â Il marche !!!Zina â Fais le commentaire et enregistre !Samuel â Joli dribble de Philippe. Merveilleuse passe dâAymeric ! Zina â Non !!!!! câest Jacob !
Astor sâarrĂȘte et hĂ©site Ă faire la passe Ă Aymeric.
Astor â ...Aymeric â La balle ! La balle ! Zina â Allez, reprenez le match !
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Astor, perturbé, tire, la balle atterrit directement dans les cages. Fin du match.
Voix haut-parleur â « Les Politzors sont vainqueurs. »
Applaudissements.
Aymeric â Bien jouĂ© ! Astor â Tu tâappelles comment en fait ? Aymeric â Aymeric.Astor â Comme lâautre ? Aymeric â Oui⊠Comme lâautre, ton demi-frĂšre...
Astor, furieux, rentre chez lui en courant.
TABLEAU 11 Tout le monde se retrouve chez Astor pour cĂ©lĂ©brer la victoire. Aymeric arrive tardivement et frappe Ă la porte. Astor occupĂ©, câest Zina qui ouvre.
Aymeric â Salut Zina, jâai apportĂ© des pizzas.Zina â Merci Aymeric, mais tu peux pas rester. Astor va mal le prendre. Aymeric â Je vous laisse.
Aymeric dĂ©pose les pizzas et quitte lâappartement le cĆur lourd. Zina dĂ©pose les pizzas au salon.
Astor â Qui a apportĂ© toutes ces pizzas ? on nâa appelĂ© personne !Zina â AymericâŠAstor â Il est oĂč ?Zina â Je pensais que tu ne voulais pas le voir aprĂšs ce qui sâest passĂ© pour le matchâŠAstor â Mais...
Une sirĂšne retentit au loin. Anissa regarde par la fenĂȘtre.
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Anissa â Oh non, AymericâŠ
Tous les amis descendent et se dirigent vers le lieu de lâaccident.
Zina â Câest son vĂ©lo !
Astor pousse tout le monde pour voir ce quâil se passe.
Un pompier â Tu connais la victime ?Astor â Oui.Le pompier â Ne tâinquiĂšte pas, rien de grave, on termine les soins et il va pouvoir rentrer. Tu sais oĂč il habite ton copain ? Astor â Câest pas mon copain. Câest mon frĂšre.
Aymeric les rejoint. Il boite un peu. Astor lâaide.
Aymeric â On a gagnĂ© ?Astor â On a gagnĂ© !
***
Clopin-clopant les « Politzors » sâĂ©loignent, pour enfin cĂ©lĂ©brer leur(s) victoire(s) en or !
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MAQUETTE ET ILLUSTRATIONS ĂLĂVES DE TERMINALE BAC PRO AMAOption communication visuelle plurimĂ©diaDU LYCĂE ALFRED-COSTES Ă BOBIGNY(lycĂ©e des mĂ©tiers de la communication et de lâindustrie graphique)
OCĂANE ANAVEG
JAIME AZEVEDO
LUCAS BARBOZA
ENZO BOUZERIATA
ERIC BRIONES BARRETO
AMILSON CANCADO
CHRIST-STEEVY DAYA
ABOULAYE DIABY
THOMAS GAMAS
MAEL GAUDET
MOHAMED HANNANE
ABDELGHANIYY JEANNOT
MARIO LAHMAR
KYLIANN LEGRAND
SERENA MARQUES
ABDOULAYE MENDES
ALEKSA MILOVANOVIC
WALID OUADAH
YANN PETIT
WILLIAMS PIERRE
MANUELLA RADOM
CHRISTOPHE SILVINA
JERĂME THEODOSE
ERNESTLINE THERMILUS
FARAHDJI TOTO
ENCADRĂS PAR LEURS PROFESSSEURS
DE PROJET DE COMMUNICATION
ET DE PAO
GABRIEL ARYANAYAGAM
ELSA BARCHECHAT
BĂRĂNICE GUITARD
AZAD IBRAHIM
CAROLINE LUMBROSO
BĂNĂDICTE POUCHAIN
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Directeur de la publicationDANIEL AUVERLOTrecteur de lâacadĂ©mie de CrĂ©teil
Coordination du projetRectorat de lâacadĂ©mie de CrĂ©teilMission « Maitrise de la langue et des langages âprĂ©vention de lâillettrisme »
CHARLES NAĂM SĂVERINE FURTADO
Direction de la communication MĂLANIE ROZES JEAN-PHILIPPE ROCHELAURENCE POSSELLENATHALIE VIANAVIRGINIE REGNAULD
Maquette et illustrationsĂLĂVES DU LYCĂE DES MĂTIERS ALFRED-COSTES Ă BOBIGNY (SEINE-SAINT-DENIS)
Coordination des équipes du lycée Alfred-Costes DOMINIQUE FERNANDEZ
DépÎt légal : mai 2021
LIVRE DE LâACADĂMIE
DE CRĂTEIL
2021
ISBN : 978-2-11-139633-3
Câest au thĂšme de la fraternitĂ© quâest consacrĂ© ce cinquiĂšme volume de la collection. Les textes, Ă©crits par des Ă©lĂšves de sixiĂšme et par des Ă©cri-vains, se font Ă©cho autour du thĂ©Ăątre, du roman et de la poĂ©sie. Neuf classes ont travaillĂ© avec neuf Ă©crivains « parrains » et « marraines », qui ont entraĂźnĂ© les Ă©crivains en herbe dans leur univers littĂ©raire, dans une approche vivante et nouvelle de la lecture et de lâĂ©criture.
SĂ©verine Daucourt, Elitza Gueorguieva, Sophie Laroche, Lise Martin, Isabelle Pandazopoulos, Maria PoblĂšte, Sonia Ristic, Anne Savelli et Luc Tartar sont venus ainsi Ă la rencontre des Ă©lĂšves et de leurs professeurs. Chaque classe, inspirĂ©e par cet Ă©change, a donnĂ© libre cours Ă sa crĂ©ativitĂ© pour traduire en mots, avec sĂ©rieux ou fantaisie, son image de la fraternitĂ©, de ses valeurs dâen-traide et de partage.
Les textes une fois composĂ©s ont Ă©tĂ© mis en page par des Ă©lĂšves de terminale du lycĂ©e Alfred-Costes Ă Bobigny, qui ont conçu la maquette et rĂ©alisĂ© toutes les illustrations : ainsi est nĂ© ce « Livre de lâacadĂ©mie de CrĂ©teil » qui est aussi, avant tout, le livre de nos Ă©lĂšves.