8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
1/30
Jean GuilaineLucien Rigaud
Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte
régional de la fin du Néolithique et du ChalcolithiqueIn: Bulletin de la Société préhistorique française. 1968, tome 65, N. 3. pp. 669-698.
Résumé
Les auteurs présentent un milieu-clos de la culture « Aude-Roussillon » ou groupe de Véraza, du Néolithique récent et du
Chalcolithique. Il s'agit d'une fosse de petites dimensions qui recelait les restes de trois vases dont l'un de forme insolite,
cylindrique, haut de 0,69 m et muni de 54 boutons disposés sur 6 rangées verticales. Après analyse du mobilier, ils décrivent le
groupe culturel auquel se rattache ce foyer et tentent d'en définir la chronologie. Enfin ils en ébauchent la répartition
géographique. Il s'ensuit que ce groupe, centré autour du bassin de l'Aude, des Corbières et du Roussillon, a pu s'étendre vers
l'Est jusque sur les rives du fleuve Hérault, à l'Ouest jusqu'à la Garonne supérieure et moyenne, au Sud sur le versant méridional
des Pyrénées.
Citer ce document / Cite this document :
Guilaine Jean, Rigaud Lucien. Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional de la fin du Néolithique et du
Chalcolithique. In: Bulletin de la Société préhistorique française. 1968, tome 65, N. 3. pp. 669-698.
doi : 10.3406/bspf.1968.4176
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1968_hos_65_3_4176
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_bspf_933http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_bspf_1388http://dx.doi.org/10.3406/bspf.1968.4176http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1968_hos_65_3_4176http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1968_hos_65_3_4176http://dx.doi.org/10.3406/bspf.1968.4176http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_bspf_1388http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_bspf_933
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
2/30
TOME
LXV
1 968
FASC.
3
BULLETIN
de la
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FR NÇ ISE
ÉTUDES
ET TRAVAUX
S. P. F.
16, RUE SAINT-MARTIN - PARIS-IVe
PUBLIÉ AVEC LE
CONCOURS
DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
3/30
Bulletin
de la
Société
Préhistorique
Française, tome LXV,
1968.
Le Foyer de
Pérairol Cavanac,
Aude)
dans
son
contexte
régional de la
fin
du Néolithique et du Chalcol ithique
PAR
Jean GUILAINE et Lucien RIGAUD
RESUME
Les
auteurs
présentent
un milieu-clos
de la culture
« Aude-Roussillon »
ou
groupe
de Véraza,
du
Néolithique
récent
et
du
Chalcolithique.
Il
s'agit
d'une
fosse
de petites
dimensions qui recelait les restes
de
trois vases
dont
l'un de
forme
insolite, cylindrique, haut de
0,69
m et
muni de 54 boutons
disposés
sur 6
rangées
verticales.
Après
analyse
du
mobilier,
ils
décrivent
le
groupe
culturel
auquel
se
rattache ce
foyer et
tentent
d'en
définir
la
chronologie.
Enfin ils en
ébauchent
la répartition géographique.
Il s'ensuit
que
ce
groupe,
centré autour du
bassin
de
l'Aude, des Corbières
et
du
Roussillon,
a pu s'étendre vers
l'Est jusque
sur les
rives du
fleuve
Hérault,
à l'Ouest jusqu'à
la Garonne
supérieure
et moyenne,
au Sud sur le versant
méridional
des Pyrénées.
Le territoire
de
la
commune de
Cavanac
(Aude) livre
depuis
de
nombreuses années un nombre
élevé
de vestiges de
la
période néo-
chalcolithique.
Plusieurs gisements d importance certaine
ont été
repérés
sur
divers
tenements
de cette
localité
:
la Castanière,
le
Pont
des
Salles,
les
Aurioles,
Maran, Pébril, la
Gravette, Pérairol,
etc.
Le premier chercheur
à souligner
l intérêt présenté par ce ter
roir
a été Antoine Fages
qui,
au
cours
de ses
nombreuses
commun
ications
à
la
Société
d Etudes
Scientifiques de
l Aude,
a fait
connaître
quelques découvertes
qu il
avait réalisées
dans ce
secteur
du
Carcasses. Un
gisement
même, celui des Aurioles, a fait l objet
dès 1906
d une
étude
détaillée dont
bien des points
seraient aujour
d hui
reprendre
(Fages,
1906).
Nous présenterons prochainement un travail d ensemble des
divers gisements
que
nous prospectons, depuis des années,
sur
le
territoire
de cette
commune.
En
guise
de
préambule,
nous
tenons
à
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
4/30
672
SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE
Graveiïe
Fig. 1. — F oyer
de
Pérairol, Cavanac (Aude). Localisation de la
découverte
sur'extrait du plan
cadastral.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
5/30
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE 673
faire connaître dès
aujourd hui
les
résultats obtenus sur
un fond
de
cabane
dont nous avons opéré le sauvetage voici une dizaine
d années et
demeuré depuis, inédit (*).
Situation
et conditions
de
la découverte.
Ce
foyer
est situé
au lieu-dit
« Le Pérairol »
(parcelle
n° 116,
Section D)
dans
un
champ
appartenant à M. Denis Pascual (fig. 1).
Le
sol
est composé d une
terre très
fine
à
caractère loessique.
Cette
terre
blanche,
perméable, de
teneur calcaire, est appelée par
les
aborigènes terro douço
et
présente
pour les
agriculteurs l avan
tage être
facile
à
travailler.
En
1960 un labour profond, opéré
dans
le champ précité, révéla
l existence
de
plusieurs
foyers
dont
nous nous
empressâmes
de
noter l emplacement exact par procédé de triangulation. Le temps
en
effet nous manquait pour entreprendre leur
fouille
systématique
et
nous savions que, au bout de quelques jours,
la
moindre
trace
de leur présence n apparaîtrait plus.
Aussi
avons-nous limité nos
travaux au sauvetage d un
unique
fond de
cabane qui
avait attiré
tout particulièrement
notre attention.
Après
le labour,
ce
foyer
se présentait comme une
tache plus
ou
moins
oblongue
que les cendres
coloraient
en
un
gris caractérisé.
Cette teinte
contrastait nettement avec la
terre
blanche
environ
nante. armi
ces cendres,
nous
pûmes recueillir en
surface
la moitié
d une meule dormante
et plusieurs
tessons de poterie à
cassure
récente.
Nous
entreprîmes alors
le
dégagement du
foyer.
Celui-ci
révéla une forme
elliptique, à
grand axe
orienté Nord-Est
-
Sud-
Ouest, de dimensions 2 m X l>20 m. Le sol était constitué par une
couche d argile (apportée ?), de teinte marron-beige. Au contact
avec ce sol,
la
terre
du
foyer était nettement plus foncée
que la
terre
cendreuse
rencontrée en surface.
Elle
comprenait très
souvent
des
mottes noirâtres, pétries
de
fragments charbonneux mais
sans
ves
tige
de
faune.
Dans
l angle
sud-ouest
gisaient les
restes
d une
grosse
jarre
cylindrique.
Vers
le Nord,
une
marmite large, assez peu
endommag
ée
dhérait encore étroitement, dans sa
partie
inférieure, à
la
glaise durcie qui
en épousait la
forme concave. Vers le centre
du
foyer
étaient
plusieurs
fragments
d une coupelle
à carène
basse
mêlés aux mottes cendreuses. Enfin
la
meule
dormante, citée
plus
haut, avait été abandonnée sur le côté est (fig. 2).
(*)
Nous
adressons
l'expression
de notre vive gratitude à Monsieur Max Escalon
de Fonton,
Directeur
Régional des Antiquités
Préhistorinues, à qui
nous avons
fait
part de nos découvertes sur le territoire de la commune de
Cavanac
et
qui
est venu
sur place contrôler nos
recherches
; à Monsieur Pierre
Ponsich,
qui a reconstitué
avec
soins les
céramiques du site de Pérairol
; à
Monsieur Dominique Sacchi,
à qui
nous devons
les
photographies présentées dans cette
étude.
Enfin
nous
ne saurions
oublier Monsieur
Denis
Pascual, le propriétaire du
champ dans
lequel est situé notre
gisement
:
c'est
grâce
à sa parfaite compréhension que cet
intéressant
sauvetage
a
pu
être
réalisé.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
6/30
674 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE
0 1m
Fig. 2. —
Foyer
de Pérairol,
Cavanac
(Aude). Plan
général
du « fond de cabane »
avec
position des objets. Au centre se trouvait
l'écuelle carénée
brisée ; au
Sud-Est
la
moitié
d'une meule dormante.
Inventaire
du
matériel recueilli.
Quatre
pièces
seulement
(trois
vases et
une
meule)
ont
donc
été recueillies
dans ce
foyer.
Elles présentent toutefois
un intérêt
indiscutable
pour
l étude
du Néolithique
régional.
Ce sont :
— Une marmite à fond rond, de couleur beige-clair, portant par endroits des coups
de
feu.
La hauteur de cette poterie
est
de
16
cm
;
le diamètre de la
bouche
—
un peu
irrégulier — varie entre 24 et 25 cm suivant
les
axes.
Une carène douce,
située
à
6 cm
du
rebord, amorce la sphéricité
du fond. Le
système de
préhension consiste en deux
mamelons
superposés
sur quatre
points
du vase, diamétralement opposés deux à deux.
La
pâte est
bien
cuite,
avec dégraissant très
fin
d'origine
sableuse ; la
cassure
est
rougeâtre. Epaisseur des parois du vase variant entre 0,5
et
0,8 cm (fig. 4, nos 2
et
7).
— Un
curieux vase
cylindrique de
0,69
m de hauteur pour
un diamètre
moyen de
30 cm. Ce vase
est également à
fond rond
; il
présente
à
la bouche, ainsi que vers la
moitié
de
sa
hauteur, un
léger
étranglement
que
révèlent bien
les dimensions
de
ses
diverses
circonférences
:
—
à
la bouche
:
95
cm
;
—
renflement supérieur :
104 cm
;
— étranglement central
:
102
cm
;
— renflement
inférieur
: 105 cm.
Le diamètre est donc plus important vers la base, ce qui semble voulu pour donner
à
ce
récipient,
de
forme insolite,
une
assise plus stable. Le
décor
consiste en 6
rangées
verticales de
9
mamelons superposés de
forme légèrement
allongée. Nous
avons
donc
54 oreilles qui ornent cet
étonnant
vestige. La couleur du vase est beige clair. Des coups
de feu
peuvent être
notés
par endroits. La cassure est beige
dans
les
parties
supérieures,
noire vers le
fond.
La pâte est
bien
cuite. Elle confère à cette pièce, ainsi que sa
forme
générale,
une « sonorité » toute particulière
sur laquelle
nous
aurons
l'occasion de
revenir. Epaisseur des parois du vase variant entre 12
et
16
mm
(fig. 3
et
5).
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
7/30
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 675
с.
1
1
'■■■
1 с:.
о
сэ ?
7
10cmig.
3.
—
Foyer
de
Pérairol,
Cavanac
(Aude).
Céramique
:
le
grand
vase
cylindroïdeartant
6
rangées verticales
de
9
mamelons
superposés.
ig.
4.
—
Foyer
de
Pérairol,
Cavanac
(Aude).
Céramique
t
la
marmite
à
mamelons
superposés.
L'écuelle
à
carène
basse
—
Un
fragment d'écuelle à carène basse, à fond
très
légèrement
arrondi.
Dimensions
après reconstitution
:
— diamètre à
la
bouche : 16,6
cm
;
—
diamètre à
la
carène :
14,8 cm
;
— hauteur totale : 4,2
cm
;
—
la
carène est située à
3,7 cm
du rebord
de l'assiette.
La
couleur
se
rapproche
de celle
des
deux pièces précédentes
:
beige,
plus noire
vers
le fond. La teinte de la cassure suit
également
le même principe. La pâte
est
très
fine, à
dégraissant
sableux.
Epaisseur
des
parois
du
vase
variant
entre 3
et
5
mm
(fig.
4,
1
et
fig.
6).
—
une
meule dormante
partagée
en deux
fragments.
Elle est
de
type
classique,
en
roche granitique.
Interprétation et chronologie.
Pour
peu
nombreux qu ils soient, ces vestiges bien homogènes
n en demeurent pas
moins
originaux.
Le vase cylindrique tout
d abord
est de haut intérêt. Nous
ne
lui connaissons pas
de
réplique
régionale.
Les vases
de
la station
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
8/30
676
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
de Saint- Jean-de-Cas, à Mailhac
(Aude),
plus ovoïdes
que
cylin-
droïdes, sont
encore ceux
qui se rapprochent
le plus de
notre
réci
pient
sans être réellement superposables. La
destination
même
de
cette
poterie
peut
être
discutée.
Vase
à provisions ?
Ceci n est
pas
certain
:
sa
taille
trop
élevée
par rapport
à
son diamètre
ne
plaide
guère pour une telle utilisation et
on
ne peut le rapprocher des
gros
vases
à cordons des régions
caussenardes,
à
panse
très large,
bap
tisés
« vases-silos » par les
uns,
« vases-à-eau » par les autres.
Par
ailleurs que représentent
exactement les
cinquante-quatre
mamel
ons
ue
porte
cette pièce
:
un simple amusement
ornemental ou
un
système
de préhension
réellement fonctionnel
?
Fig.
5.
—
Foyer
de
Pérairol,
Cavanac
(Aude).
Le grand
vase
cylindroïde.
Nous
avons
été
frappés par la résonance toute
particulière
que
peut émettre un
tel récipient. Certains collègues nous
ont
même
suggéré
que ce vestige pouvait avoir une
fonction uniquement
sonore
et l ont comparé
à
certains « tam-tams »
africains ;
selon
eux
les
mamelons
ne seraient que
des languettes
servant
à
tendre
une peau
fixée à l embouchure
du
vase.
Sans suivre
nos amis sur
la
voie toujours périlleuse des
hypothèses,
contentons-nous de r
emarquer
que
le
problème
de
la destination d une
telle pièce
demeure
largement
ouvert.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
9/30
SOCIETE
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
677
La
marmite
large à oreilles
superposées est,
par
contre,
un
élément
bien connu
dans
le Néolithique récent
et
le
Chalcolithique
du bassin
de
l Aude.
Nous nous
contenterons
de
la
comparer à des
spécimens de
la même époque
provenant de
la grotte
des Chambres
d Alaric à
Моих,
de
la Petite
Grotte
de
Bize,
de
la station
de
la
Métairie-Grande à Laure, de
la
station de
Rossignol
à Mailhac,
etc.
Fig. 6, Foyer de Pérairol,
Cavanac
(Aude). L'écuelle à carène basse.
Fig. 7. — Foyer de Pérairol, Cavanac (Aude). La marmite à
mamelons
superposés.
Si
l écuelle
à carène basse est assez fréquente au Néolithique
récent ou au Ghalcolithique
en Languedoc
occidental, la jatte à
rupture de
pente
très
basse
donnant un
fond
presque
plat, tel le
récipient 3 du Pérairol, n est pas
très
courante. Mais cette consta
tation n est peut-être
que
provisoire.
Sur
le plan culturel, le milieu clos
du
Pérairol appartient indu
bitablement
au
groupe
dit
«
de
l Aude-Roussillon
»,
civilisation
secondaire
du
Néolithique
récent
qui
apparaît
dans
ces
contrées
vers
la
fin
du
cycle chasséen,
probablement
aux environs
de
—
2 500
et qui perdurera au Chalcolithique. Une présentation générale
de
ce
groupe aidera à mieux
replacer
la découverte
de
Pérairol dans son
contexte archéologique
régional.
Historique et définition.
L un de nous (J. G.) a été certainement l un des premiers à
noter, voici
quelques douze
ans,
l existence d un Néolithique récent
ou
Chalcolithique ancien dans la région
de
l Aude, distinct, d une
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
10/30
678
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE
part
du Néolithique moyen (Chasséen), d autre
part
du
Chalcoli-
tique
à
campaniforme.
Vers 1955 était couramment
mis en
avant
le
rôle frontière joué
par le fleuve Orb
dans
l étalement des cultures chalcolithiques
régionales
:
à
l Est
de
ce
fleuve
régnaient
en
maîtres les
«
Pasteurs
des Plateaux » de M.
Louis qui
furent rapidement subdivisés en
groupe de Fontbouisse
et
groupe de Ferrières ; les Campaniformes
paraissaient
ne s être infiltrés
que timidement
sur leur territoire.
Au Sud
de
l Orb par contre les Campaniformes pyrénéens
semblaient
tenir solidement
le terrain
et paraissaient
surtout constituer
la
seule culture chalcolithique présente (1).
Au cours
de
deux notes, parues en 1957, certes fort sommaires,
et
qui
sont
aujourd hui
en majeure partie
à
reprendre
à
la lumière
des documents
accumulés
pendant
la dernière décade, nous faisions
connaître
l existence
probable d un groupe
régional
appartenant
à
la famille des « Pasteurs des Plateaux » et
occupant,
au Sud du
Bitterois
et
principalement
dans
l Aude,
la
place
tenue
en
Provence
par le Couronnien, en Languedoc oriental par les
cultures
de
Font
bouisse et
de Ferrières. Nous
baptisâmes
provisoirement
ce
groupe
« Pasteurs
de
l Aude
», expression
seulement
à vocable
géogra
phique et dont le premier terme visait simplement à démontrer
qu il ne s agissait là
que
d un groupe appartenant au grand en
semble des Pasteurs
de
M. Louis (et même si
le genre de vie
pastoral
devait écologiquement
être
contesté)
(Guilaine,
1957,
a
et b).
Nos remarques s appuyaient
sur un
certain nombre
de
stations
étudiées par
certains de nos confrères (O.
et
J.
Taffanel
notam
ment)
ou
par nous-mêmes.
Nous donnions
comme
caractéristiques
de
ce
groupe la
céramique
à
pâte grossière
(par
opposition à
la
belle
poterie campaniforme de
l Aude), les
grosses jarres à
cordons lisses
en relief,
l industrie à
base
d éclats
du pseuďo-campignien
langue
docien.
Nous
émettions
l hypothèse de
la construction des « allées-
couvertes » (2) audoises par ces « indigènes »
dont la
chronologie
nous
paraissait chevaucher
la
fin du
Néolithique et
les débuts
du
Ghalcolithique. Pour
si
brèves
qu elles
soient, ces notes, qui ten
taient de faire
place
à un
nouveau
groupe, ne furent pas sans
étonner
quelques-uns
de nos collègues dont notre excellent confrère
G. Bailloud (3).
Nos « Pasteurs
de
l Aude
»
devaient
encore demeurer ignorés
quelques années. Ils n apparaissent pas encore en 1960 dans la
synthèse
de
J.
Arnal,
G.
Bailloud,
R.
Riquet
sur
«
Les
styles
céra
miques
du
Néolithique français »,
où la céramique
à
cordons des
(1)
G.
Bailloud
et P.
Mieg
de
Boofzheim :
Les
civilisations néolithiques
de
la.
France, Picard, Paris, 1955, pp.
164-166.
(2)
Nous avons
eu depuis l'occasion
de
critiquer
cette
terminologie
mégalithique
qui ne
nous
paraît pas conforme
avec
la définition classique de
l'allée-couverte
:
« monument aux parois latérales rectilignes et parallèles supportant
une
couverture
de
dalles à
une
hauteur constante sur toute
la
lonffueur du monument » (P.-R. Giot-
J.
L'Helgouagh)
(3)
G.
Bailloud
: « Vous opposez au début de votre article des Pasteurs dont
personne n'a
encore parlé dans l'Aude,
à d'autres civilisations
assez
bien
connues...
»
(in
litteris, 2
mars
1957).
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
11/30
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
679
sites
de
l Aude est assimilée
à
la
poterie
caussenarde du
type des
Treilles (4). Dans sa thèse, parue en 1962, J. Audibert ne
semble
pas faire
la
distinction entre, d une
part
le groupe
en
question,
d autre
part
les
Campaniformes,
qu il englobe
dans
une culture
unique. Il
note
néanmoins
l intérêt
du
mamelon
superposé
qu il
considère comme l une des caractéristiques
du
Chalcolithique de
notre région.
Nous
retrouvons la trace
de
cette
ethnie
en 1963 dans la thèse
de J.
Arnal
sous l expression
« d Inconnus des Corbières » en une
brève mention dans laquelle sont indiquées
nos
recherches en
cours.
Peu
après,
en 1964, une note
sur l Age
du
Bronze des Pyrénées-
Orientales
nous permet
de reconnaître
la
présence de
ces peuplades
en
Roussillon à
la grotte
des
Bruixes
de
Tautavel (Guilaine et
Abelanet,
1964).
Aussi avons-nous
adopté l expression
«
Groupe
de
l Aude-Roussillon
»
pour désigner ce
Néolithique
qui
complète,
sur la
façade méditerranéenne française,
les autres groupes contem
porains autrefois
unifiés
dans l expression
doublement
contestable
de «
Pasteurs
des Plateaux » mais dont
la
commodité a longtemps
assuré
le succès.
En 1965
et
1966, J. Arnal, J. Grimal
et H. Prades
ont précisé
la structure
de
cet ensemble en faisant connaître quelques stations
de
la
basse plaine
de
l Hérault : le
Pla-Méjo
à Nizas, le Pierras
de
l Hermitage à
Servian,
les Carreiroux à Saint-Apolis
de Fontenille,
Florensac.
Ce
faisant ils
ont
démontré
que
: 1)
cette
culture s était
étendue vers l Est au
moins
jusqu en
terre
agathoise ; 2)
que
la
densité des sites
de
ce secteur était, comme dans l Aude,
relativ
ementlevée si
l on
en
juge par
le
nombre
de
gisements évoqués
dans leurs notes.
Ce
préambule
posé,
nous
allons
tâcher,
sur
l invitation
de
quel
ques-uns
de nos collègues, de
donner une
définition générale de
cet
ensemble, en nous
fondant surtout sur des
sites inédits
ou peu
connus.
L équipement
:
L industrie
lithique :
Les
flèches
tranchantes,
épaisses, à
retouche
envahissante, de
tradition
chasséenne,
sont connues
sur des habitats de plein air
(stations
I
et
II
de
l Escapat
à
Laure,
Aude). Les
flèches
perçantes,
épaisses, à pédoncule mais
sans
barbelures sont également
fr
équentes.
Les
flèches foliacées sont les plus courantes.
Les lames fines,
de
technique chasséenne, existent mais les
lames plus grossières, épaisses, sont plus
typiques.
Quelques-unes
évoquent
les « barres
de
chocolat » du Couronnien. Les longs cou
teaux, lames allongées, parfois arqués,
de
section triangulaire ou
(4)
Toutefois
lors
de la fouille déjà ancienne
du dolmen
de Boun-Marcou, H.
Mar-
tin-Granel
avait
déjà observé un niveau inférieur
avec
mobilier
appartenant
à la
culture
ici envisagée. Il
devait
donner
la
publication intégrale
de
ses recherches
in
Gallia-Préhistoire, II,
1959,
pp.
39-56
(cf.
notamment
тар.
48-49
et
p.
56,
Conclusions).
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
12/30
680 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
trapézoïdale,
apparaissent
aussi (station du Peyrou
à Sigean)
et se
perpétueront
largement en milieu campaniforme
ou Bronze
ancien.
Quelques-uns sont
retouchés latéralement ou
en
grattoir
en
bout.
Parmi
les poignards
ou
pointes de
lance
existent
de
grosses
pièces
bifaces
(station
de
Sous-Roque
à
Roquefort-des-Corbières)
qui ne
dépareraient pas des ensembles ferrériens ou
fontbuxiens.
Les
poignards
ou faucilles
sur
silex en plaquette sont connus
(grotte
II
de
Véraza) et,
à ce sujet, une étude sur
la
provenance exacte de
ce silex pourrait présenter
un
intérêt
soutenu
(fig. 8).
Fig.
8.
—
Grotte
II
de
Véraza
(Aude). Poignard
taillé dans
un
silex
en
plaquette.
Il existe des
perçoirs épais,
bien
dégagés, obtenus
sur
éclats
(stations
de
Laure).
La majorité des pièces enfin, tirées
d éclats,
se rattachent au
Pseudo-campignien
de
M. Louis : les grattoirs épais, souvent
caré
nés,
y sont fréquents ; d autres sont par contre obtenus en retou
chant marginalement des éclats minces
dont
le plat demeure
réservé.
Les
nuclei sont divers
:
les plus courants sont épais
et
globuleux.
Des
outils de fortune sur silex ou quartzite sont égal
ement connus.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
13/30
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE 681
II convient
de
noter l abondance des
percuteurs
et des molettes.
Ils peuvent être
en
roche primaire et quelquefois même en silex
(grotte de
Gazel
à
Sallèles, grotte du Gaougnas
à
Gabrespine, station
de
Sélicate
à
Ouveillan).
Pilons et meules
à va-et-vient évoquent
une
économie agricole.
Les
seules haches connues sont en roches dures (stations d Ou-
veillan
ou
de
Ladern).
L industrie
osseuse :
II existe toute
la
gamme de poinçons, ciseaux, tranchets. Nous
y ajouteront les côtes
fendues
longitudinalement
et
utilisées en
lissoirs ; les gaines en
bois
de
cerf
(grotte
du
Gaougnas à Gabres
pine) les aiguilles à
chas.
La céramique :
a) Les
formes :
Les formes les
plus
fréquentes sont
simples
et primaires. Ainsi
le
petit bol à
fond rond est courant (grottes
de Véraza, de
Gazel, du
Gaougnas) (fig. 9, 4).
Les
marmites, soit globuleuses, soit légèrement carénées, soit
à profil sinueux,
et
portant des mamelons superposés, sont l un
des
fossiles directeurs
les plus
répandus
(grotte de
Véraza,
de
Gazel,
de
Bize, des Chambres d Alaric, etc. ; stations
de
Mailhac
et
d Ou-
veillan
;
station
de
la Métairie-Grande
à Laure,
etc.)
(fig.
9,
6
;
fig.
10, 1 à 5).
Le vase à la fois
cylindrique
et
très
haut du Pérairol est pour
l instant une exception ; les jarres de
la
station de Saint-
Jean-de-
Cas à Mailhac ont un fond plus élargi
ce qui
devait permettre
une
meilleure
assise
(fig,
10, 6).
Les petites coupelles
carénées déjà apparues au
Chasséen sont
connues
: la
carène est basse
et
le
col franchement
évcrsé vers
l extérieur (grotte des Chambres d Alaric). L écuelle carénée
du
type de
la
Lagozza se retrouve ainsi
que
des jattes à carène haute
et
fond bomboïde dans le style des pots de
la
culture de
Fontbouisse
(les
grottes
de
Véraza
ont
donné
des
exemplaires comparables à
ceux
de
la
grotte
de
la
Rouquette
à St-Hilaire-de-Brethmas)
(fig.
9,
3).
Il
existe aussi des écuelles dont
l extérieur simule
plusieurs rup
tures
de pente, impression due à l utilisation de cannelures larges
comme à
Fontbouisse. Ce
type est rare
toutefois
(stations de Sélicate
et
des Courondes à
Ouveillan).
Il dénote
néanmoins
une perdura-
tion assez basse de
ce
groupe.
Les
gros
« vases-à-eau » munis
de
cordons
lisses
en
relief
cerclant les panses sont très courants
et
paraissent communs aux
diverses cultures chalcolithiques méridionales (grottes de Véraza,
de
Gazel, Balmo
dal Carrât,
Aude
;
du
Rec de
las Balmos
à Félines,
Hérault ; des Bruixes à Tautavel,
Pyrénées-Orientales,
etc. ;
sta-
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
14/30
682
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE
20
cm
Fig.
9.
—
Groupe
Aude-Roussillon.
Grottes
de Véraza.
Quelques
formes céramiques.
Dépôt de
Fouilles
de Carcassonne.
tions
de
la Métairie-Grande à Laure,
du
Moulin à Mailhac, des Escu-
dines
à Montlaur, Aude, etc.)
(fig.
9,
8
; fig.
12,
5,
6
; fig.
13,
6).
Il
existe
également
des
vases
«
en
bombe
»
à
col cylindroïde.
La petite
grotte
de Bize a livré un vase à
col
cylindrique
et
panse
anguleuse
assez original. De fines cannelures verticales per
mettent de
rattacher
manifestement ce vase au groupe ici
étudié.
Quelques
écuelles à carène très
basse se rencontrent
(au Pérai-
rol
par
exemple).
Certains récipients
ont
une
paroi verticale
et
n amorcent
la
rupture de
pente que
très
près
de
la base. Enfin
il existe
d authen
tiquesases à fond
plat.
Celui
que
nous représentons provenant
de
la grotte
Douât
(Comigne, Aude)
était
une
sorte d écuelle (fig.
11,
10).
Citons
enfin la
présence de faisselles
(fig. 9, 7).
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
15/30
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
683
Fig. 10.
—
Groupe
Aude-Roussillon. Types de
marmites
et de jarres
à boutons
et
oreilles superposés. —
1.
Petite grotte de Bize (Aude)
; 2. Grotte
des Chambres
d'Alaric, Моих
(Aude)
; 3. Station
de Rossignol,
Mailhac
(Aude)
; 4. Station de
la Tuilerie de Grépiac (Haute-Garonne) ;
5. Grotte
Gazel, Sallèles-Cabardès (Aude)
;
6. Station
de Saint-Jean-de-Cas,
Mailhac
(Audi1). —
1.
Musée de Narbonne
;
2,5.
Dépôt
de fouilles
de
Carcassonne ; 3,6. Musée
de
Mailhac ; 4. D'après L. Méroc.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
16/30
684
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
b)
Pâtes et
surfaces :
La céramique présente un éventail
de
pâtes
qui
empêche de
donner des définitions trop
strictes.
Certains exemplaires
de petite
taille ont
une
pâte
bien
cuite, dure,
finement pulvérisée, se
confon
dant
isément
avec
celle
d autres
groupes.
Par
contre
les
gros réci
pients aux parois épaisses
ont
des pâtes sommaires
liées à
des
surfaces
rugueuses, avec
dégraissants grossiers
de calcaires
et
gra
viers. Les dégraissants sont
très variables
et
fonction de
la
géologie
locale et
de
la taille
des
vases
(calcite, calcaire, schiste,
sable,
ocre,
etc.).
Même réflexion
en ce
qui concerne le
lissage.
Certaines pièces
excellement lissées
peuvent
rivaliser
avec
les meilleures surfaces
chasséennes
et, sur des tessons atypiques,
la
confusion est
possible
(grotte des Chambres d Alaric). Néanmoins en général les surfaces
sont moins belles que
celles
du
Néolithique moyen.
Les
vases ont
d ailleurs,
dans
l ensemble, une taille plus
forte et
le fini extérieur
s en
ressent.
Quelques pâtes
sont
particulièrement légères
et
les surfaces
sont affectées fréquemment
de
vacuoles. Ceci est surtout valable
pour les
sites
de plein air mais sans exclusive.
Les
teintes
enfin sont
très variables mais avec
une prédilection
pour les tons clairs, les rouges, les oranges, les roses, les marrons
mais
les bruns reviennent aussi fréquemment.
c) Eléments
de préhension
et décors :
Le téton
simple
ou jumelé, l oreille allongée d allure couron-
nienne,
le
mamelon à
perforation horizontale
ou verticale,
l anse
bien
dégagée
enfin sont les éléments
de préhension
les plus cou
rants.
Cette liste
est évidemment extensible.
Les cordons lisses,
de
section
ronde,
franchement extérieurs
à
la panse des
vases,
sont
courants mais
il existe aussi des cordons
peu
proéminents,
de
section triangulaire. Ils se répartissent
géné
ralement
en
cercles superposés sensiblement
parallèles. Le
motif
« en
guirlande
» est
également connu.
Les
mamelons ou oreilles
superposés
se groupent
généralement
selon quatre
systèmes diamé
tralement opposés ou selon six.
Il
y a quelquefois alternance :
jeu
de
deux mamelons superposés alternant avec un
téton simple
(grotte
des Bruixes
à
Tautavel). Le
vase de
Pérairol avec 6 rangées
verticales de
9
mamelons
est
une exception
mais
des
rangées
de
tétons verticaux en nombre variable, sont
typiques.
Il
existe des boutons rapportés et faisant
sous
le rebord le tour
des vases
(grottes
de
Véraza) (fig. 9, 1). Sont
également
connues
les « pastilles en
relief
»
obtenues
« au repoussé » ou
non. J.
Grimal
et
J.
Arnal
préfèrent
considérer ces éléments comme
distincts
du
groupe de
l Aude-Roussillon et en faire les éléments d un groupe
autonome. En
l état
actuel
de
la question
il
semble plutôt que ces
documents,
comme les
gros vases à cordons,
soient une sorte
de
dénominateur commun aux diverses cultures chalcolithiques méri
dionales et soient aussi bien à leur place dans
l Aude
qu à Font-
bouisse ou dans certains gisements
provençaux de cette époque.
Ne
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
17/30
SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
685
s agit-il
pas plutôt d un indice chronologique se généralisant en
milieux
différents
à un moment donné
?
Le décor
est
assez rare. Les fines
cannelures peu
prononcées
constituent encore
l un des
meilleurs
fossiles. Ces traits,
que
l on
ne
peut
distinguer
qu en
lumière
frisante,
sont tantôt
horizontaux
et
parallèles, tantôt verticaux
et
parallèles,
tantôt
verticaux
et
hori
zontaux. Le
parallélisme
est
souvent
sommaire (fig.
11, 1,
4,
6).
Il
existe aussi
le motif
en
faisceau rayonnant (grottes
de
Véraza)
(fig. 11, 2). Notons
également
des
cannelures plus nettes
et même
franches
;
quelquefois enfin sont des
sillons incisés.
Depuis
une
dizaine
d années l un
de
nous a,
à
diverses reprises, rapproché ces
motifs
des poteries fontbuxiennes (5).
Les vases à cannelures très
9
10
Fig. 11. Groupe
Aude-Roussillon.
Quelques
thèmes
décoratifs. — 1,2,4,6. Grottes de
Véraza (Aude)
; 3,5,7,8,9.
Station de la
Métairie-Grande,
Laure (Aude)
; 10. Grotte
Douât ou du Figuier, Comigne (Aude). — Tous ces
documents :
Dépôt de
Fouilles
de Carcassonne.
(5)
Cahiers
Ligures de Préhistoire
et
d'Archéologie, T. IX,
1960, pp.
145-146 ;
Actes
du
Congrès
de la. Fédération
des Sociétés
Savantes du Languedoc
méditerranéen
et
du Roussillon, Limoux, 1964 (Montpellier),
p.
9.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
18/30
686
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
larges de
la station
de Sélicate à
Ouveillan apportent
un
argument
complémentaire à cette
comparaison.
Il existe aussi des incisions ou des impressions peu originales
(fig.
11,
7). Un tesson de
la
station de
la
Métairie-Grande porte des
cordons verticaux
jumelés avec
un cordon horizontal
(motif
ortho
gonal ?) (fig. 11, 8).
Les parures :
Notre documentation provenant essentiellement de petites sta
tions de plein air, voire de cabanes isolées
et
de sites d habitats
en
grottes,
l on
comprendra
que
les parures typiques
de
ce groupe
soient
difficiles
à isoler. Une station
d Ouveillan
a livré une amul
ette
rectangulaire
en
os. Les divers types
de
perles ou
de
pende
loques
en
os, en roches ou minéraux divers (calcaire, calcite,
lignite,
jayet, coquillages divers) utilisés à partir du Chasséen se
main
tiennent
au Chalcolithique
en
s enrichissant
de
formes
et
de
mat
ières
nouvelles.
Il
y
a
donc
tout
lieu
de
croire
que
les nombreux
ossuaires qui
ont été utilisés dès
la
fin
du
Néolithique (et souvent
sans discontinuer jusqu au Bronze moyen) comportent au moins un
certain nombre de menus
bijoux qui
appartiennent
en
propre au
groupe
envisagé.
Nous reviendrons
sur cette
question.
Quelques stratigraphies
et
sites
d habitats.
Il
nous paraît
utile
de faire un rapide tour d horizon des habi
tats
les plus
représentatifs
de cet ensemble.
Au
cœur
des Corbières
occidentales,
le
village
de
Véraza,
dans
l Aude, possède un ensemble
de
cavités, les
grottes de
La Valette,
largement
utilisées
par les
peuplades qui
nous concernent ici. De
plus, deux au moins
de
ces cavités (grottes II et
III)
présentent des
stratigraphies où nous voyons ces tribus succéder aux Chasséens
récents
pour abandonner par la suite les lieux au profit d un groupe
du
Bronze
ancien. La position
chronologique de cet
horizon sur
le
Chasséen
et
sous les ensembles
du
Bronze ancien-moyen est cer
taine,
observation confirmée
par
la stratigraphie
de
la grotte
de
Gazel à Sallèles-Gabardès.
De par leur position centrale, au cœur du bassin
de
l Aude,
de
par la représentativité
de leur
matériel, enfin
de
par l intérêt
pré
senté
par
leur
stratification,
nous
croyons
utile
de
prendre
ces
sites
de
Véraza comme gisements
de
référence. Aussi emploierons-nous
fréquemment
l expression
«
groupe de
Véraza » comme synonyme
de
l expression «
groupe de
l Aude-Roussillon » ou
de
celle
des
« Inconnus des Corbières » dont
le caractère
provisoire ne saurait
être masqué,
au moins
en ce qui concerne son premier
terme.
En
d autres
sites les peuplades
de Véraza
paraissent
occuper
la base
des niveaux à céramique,
signe
peut-être
d une
poussée
démographique
supérieure à
celle
des Chasséens.
Ainsi en est-il en
l état
de nos connaissances :
— dans
la
grotte
du Gaougnas
à Cabrespine (Aude) où elles sont
scellées par
une
occupation
du
Bronze ancien-moyen ;
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
19/30
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE 687
20cm
Fig.
12.
— Groupe Aude-Roussillon. —
1. Grotte
de la Hache, Narbonne (Aude) ;
.
Station de la
Métairie-Grande,
Laure (Aude) ; 3,4. Petite grotte de Bize (Aude) ;
5.
Station
du Moulin,
Mailhac
(Aude) ; 6.
Grotte
de
Buff
en, Caunes (Aude). —
1. Musée
de Narbonne ;
2.
Dépôt de
Fouilles
de
Carcassonne
; 3,4.
Béserves
collection
Héléna ;
5. Musée
de
Mailhac ; 6.
Collection de la
Société
d'Etudes
Scientifiques de l'Aude,
Carcassonne.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
20/30
688
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
—
dans la grotte
des Chambres
d Alaric
à
Моих (Aude),
où
la
situation
est sensiblement identique ;
— dans la grotte
des
Bruixes
à
Tautavel (Pyrénées-Orientales) où,
également,
un
niveau du
Bronze
moyen se superpose
à
elles.
Citons
également le
cas
d une grotte
de
la région
de Saint-Pons,
fouillée
par M. Rodriguez.
Ici,
selon les
indications obligeamment
fournies par
notre confrère, le
groupe
de
l Aude-Roussillon
succé
derait
à un
Néolithique local assez particularisé et serait surmonté
par
un niveau de l Age
du Bronze.
Les
grottes
présentent
donc
l avantage
de nous fournir des
stratigraphies
et,
de plus, un matériel bien
conservé.
Ainsi
dans la
grotte des Chambres d Alaric à Моих (Aude) nous avons retrouvé,
au cours
d un
sondage effectué
voici
plus
de
dix
ans,
des témoi
gnages
de
ce groupe. La technique remarquable
de
la
céramique
nous
avait alors
fait prendre les
documents
pour un faciès chasséen
bien
que
nous
n ayons
pas
retrouvé
les
principaux
fossiles
direc
teurs
de cette
culture.
Il
y
avait
là la marmite à boutons super
posés, les écuelles
à
fond rond, les récipients cylindroïdes
à
col
droit
et
carène
basse, les coupelles
carénées
à ouverture évasée. Ce
site a par ailleurs livré des restes de
céramiques
à cordons lisses
ou à cannelures. A propos de ces derniers thèmes
décoratifs
nous
avions parlé
de style de
Fontbouisse. Bien qu une assimilation
pure
et
simple
paraisse
discutable,
contentons-nous
de
souligner
la pa
renté
de
certains styles ou techniques décoratives propres aux
cultures « pastorales »
de
la façade
méditerranéenne.
Toutes
ces
formes
céramiques
se
retrouveront également
dans
la grotte
voisine de
la
Caouno à Моих.
Dans
la grotte du Gaougnas
à Cabrespine
(Aude), le
groupe de
l Aude-Roussillon
se présente sous forme d un
faciès
peut-être an
cien, sans récipients carénés
:
écuelles, marmites y conservent des
formes simples
avec
fonds ronds.
La
poterie y est généralement bien
lustrée,
brillante. Les décors
se limitent aux cordons en relief
et
aux boutons disposés de
place
en
place
sous le bord externe des
récipients. Les
éléments de préhension connaissent le bouton simple,
l anse
à
faible développement et évidemment les
oreilles superpos
ées.
es broyons sont présents. L outillage en
os,
riche
comparati
vementux
autres
gisements,
connaît entre
autres
les gaines en
bois de
cerf.
En Roussillon
le
matériel
céramique
de
la
grotte
des
Bruixes
(ou
des Sorcières), à Tautavel (fig. 13), est
en
partie
superposable
à celui de
la grotte du
Gaougnas. Il y a
là
les restes de grands vases
à parois épaisses, à fonds toujours ronds.
Les
formes
en
sont
simples : bords droits
et
flancs légèrement
pansus
vers
le
bas. Le
décor comprend les variantes suivantes
:
—
un
seul
rang
de
téton ;
—
les
mamelons superposés
;
— le
cordon unique sous le
bord ;
—
le
double cordon
lisse
: l'un horizontal, l'autre en
guirlande
à partir des
mamelons de préhension
;
— plusieurs
rangées de
cordons
lisses
ceinturant
la
panse.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
21/30
SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
689
0
20
cm
Fig. 13. — Groupe
Aude-RoussiLlon.
Grotte des Bruixes, Tautavel (Pyrénées-Orient
ales).
uelques
formes céramiques. Dépôt de
Fouilles du
Palais
des
Rois de
Majorque,
Perpignan.
Les
petits vases sont également de formes simples.
Il
se dis
tinguent
de
certains
sites
du
groupe
de
l Aude-Roussillon par le
fait qu il n y a pas
de
vases carénés (comme à Bédeilhac, couche
IV).
Il
faut voir là soit un indice chronologique (phase ancienne ?) soit
l indication possible d un faciès. Les fonds sont toujours ronds. Les
surfaces sont bien lissées ; la
pâte
est bien cuite. Les
décors
sont
à peu
près inexistants sauf
quelques
cordons horizontaux simples
ou
doubles
avec des
mamelons
parfois forés. Parmi les éléments
de
préhension
figurent le
téton simple,
le
téton foré horizontalement
ou verticalement, l anse en ruban, les boutons
disposés sur
une ou
deux rangées (parfois deux tétons liés l un à l autre).
Sur
un
unique
exemplaire deux
tétons
superposés alternent avec un téton simple.
En
dehors
de
la poterie, l outillage se limite à une hache en
roche
dure
et à quelques lamelles et éclats
de
silex.
Les
grottes
ne constituent
pas
notre unique
source d informat
ion.es
petits
villages ou campements
de
plein air sont
également
très nombreux et donnent un cachet
très
particulier
à cet
ensemble.
Les fonds
de
cabanes sont le
plus
souvent
de
petites
surfaces
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
22/30
690
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
rondes, ovales ou
rectangulaires, de faible étendue.
L emploi
de
pisé est certain (station
de
Mournégré à
Ladern).
Les grands vi
llages
construits
en pierre
sèche
dans
le
style de ceux de
la
culture
de
Fontbouisse
ne sont pas connus pour l instant. Néanmoins l exi
stence d ouvrages
défensifs est
possible (Pierras
de
l Hermitage).
Fait
curieux
les stations livrent fréquemment
de
grandes quant
ités
de
poteries et assez peu
de
silex.
Ainsi
à Mailhac le gisement
de
Rossignol a
donné
les restes d au
moins
300 vases. La jarre
basse
à
fond rond avec les
mamelons
superposés en
quatre
points
diamétralement opposés en constitue l élément dominant.
Il
y
a
aussi des bols hémisphériques
et
des écuelles carénées. De rares
anses
sont connues ainsi
que
des fonds plats.
Sur
le
tenement
de Saint-Jean-de-Cas, O.
et
J.
Taffanel
ont
fouillé
une fosse comparable par sa structure à celle
du
Pérairol.
De forme
elliptique,
avec des parois verticales
et
un
fond
concave,
elle mesurait
1,60
X
l>40
m.
Parmi
la
céramique
7
jarres
cylin-
droïdes et à fond rond,
mesurant
en moyenne
de
0,30 à 0,45 m
de
hauteur.
Elles portent des rangées
de
mamelons superposés du type
du Pérairol.
A peu de distance (parcelle n 940) une autre
fosse
elliptique,
ayant des dimensions
de
3
X
2,80 m et une profondeur
de 0,40 m, a
pu être
dégagée par les mêmes chercheurs. Parmi
le
matériel archéologique
qu elle
recelait figuraient
de
rares silex et
surtout les restes d une cinquantaine de vases dont des écuelles, une
jarre à
cordons
superposés
et
de
grandes
jarres
à
oreilles
de
pré
hension.
Citons
la
présence de
mamelons percés horizontalement
ou verticalement comme à Véraza.
A
Ouveillan
les stations
ont également
livré d abondants ves
tiges
céramiques.
Celle
de
Sélicate a
donné un bon échantillonnage
où se reconnaissent
de grosses
jarres
munies de cordons
étages ou
d oreilles superposées. Y figurent aussi l écuelle, à carène haute,
déjà
notée à Véraza, un tesson orné
de
cannelures
légères,
des
tétons forés, un fragment
de
poterie
portant
une
petite
anse déga
gée, etc. Des polissoirs, des molettes, des mortiers, des galets
de
rivière
et des restes
de meules
sont
le
signe
d activités
agricoles ou,
pour les premiers, des
instruments
pour le lissage des pots.
Il
y
avait
aussi, outre quelques éclats
de
silex, une palette enduite
d ocre
rouge.
La station
voisine
des Courondes a
révélé la
présence
de
plu
sieurs « fonds
de
cabanes »
qui
ont fourni
d importantes séries
céramiques.
Une étude
détaillée
sera
consacrée
à
ces
divers
sites
d Ouveillan.
En Narbonnais d autres gisements
de
plein air
ont
livré
des
vestiges du même horizon. C est le
cas
de
la station d Aussières
qui
a fourni,
au milieu
de
pièces
plus
anciennes (Tardenoisien ?,
Chas-
séen),
des pièces
lithiques
épaisses,
à
retouches bifaciales et
des
fragments de
céramiques
à
vacuoles, parfois munis
de
la double
oreille
superposée.
Faisons une mention spéciale, parmi les stations «
pseudo-
campigniennes »
prospectées
par
Helena
dans la région narbon-
naise, à celles de Roquefort-des-Corbières. Parmi l outillage
sont
de
nombreuses pièces
épaisses et bifaces,
absolument comparables à
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
23/30
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE 691
des outils du groupe
de
Ferrières. Nul doute
que
d importants
ate
liers
de
taille n aient
alors
fonctionné comme cela a
été
le
cas
en
Languedoc
oriental ou en Catalogne méridionale. D ailleurs, en
Cabardès
et
Minervois, notamment entre Limousis
et
Caunes-Miner-
vois,
et
plus particulièrement
dans
la région
de
Laure
et
de
Ville
neuve, de nombreuses
stations
de
surface, riches en outils et en
pièces de débitage,
signent
bien
la
présence d ateliers (stations
d Es-
capat
I
et II,
de Pratmajou).
Dans ces cas
particuliers
la matière
première
utilisée
était
tout simplement le silex
local du Thanétien.
L appartenance
de
ces
stations au groupe de
Véraza est
certaine
puisque plusieurs d entre
elles,
et
notamment
la station
de
la
M é
tairie Grande à
Laure-Minervois,
ont
livré
de
la céramique
typique
avec
:
l oreille allongée,
les
mamelons
étages, les fines
cannelures,
les pastilles en relief, etc.
Sur
les pentes
méridionales du Mont
Alaric, au lieu-dit «
Les
Escudines », à Montlaur
(Aude),
une station de plein air a
pu être
repérée
à
la
suite
d un
défonçage.
L étude
des
vestiges ayant pu
être sauvés est en cours.
Sur
la commune
de
Ladern (Aude),
à
Mournégré,
un
important
gisement a
été
révélé lui aussi à la suite d un labour profond. Ici
le
site
a, semble-t-il,
été
occupé successivement par les Chasséens
puis par le groupe
de
Véraza.
Les vestiges laissés par les préhisto
riquesont surtout céramiques : ils
font
actuellement l objet d une
étude en préparation.
L on pourrait ainsi multiplier les exemples.
Nous
pensons que
cette période
se traduit en
fait par
une forte poussée démogra
phique
ue trahit une
densité de
villages
de plein
air
ou
d habitats
en grotte
particulièrement
élevée.
Les sépultures.
Il
est difficile d attribuer au groupe de Véraza des sépultures
propres. Peuvent ainsi dater
de cette
période certaines cistes où
apparaissent les types
de
flèches tardifs
dans
le Néolithique comme
des
trapèzes sur
lames à
retouches
abruptes (tombe V
de
la nécro
pole
de
la Serre
à
Mouthoumet, Aude
;
Cf.
également le niveau
inférieur
de
la grotte sépulcrale René-Carrié à Termes, Aude).
A cette
même époque
se
place en
effet l utilisation de
tom
beaux
collectifs fréquentés par divers groupes
culturels, ce qui
constitue une gêne
énorme
quant
à
l attribution
d un
type
d objet
à
tel horizon ou
à
tel autre. Aussi le
problème
demeure-t-il
souvent
en suspens lorsque les
mobiliers
funéraires,
riches
en objets
de
parure « chalcolithiques » ne
présentent
pas de vestiges céra
miques typiques.
L utilisation
des cavités sépulcrales
est
néan
moins certaine : la marmite
à
double oreille superposée se
retrouve
dans
la grotte
de
la Hache
ou
dans l ossuaire du
Trou
du
Viviès à
Narbonne.
Pour ce qui
est des mégalithes, les
jarres
à cordons
lisses en
relief ou les bols simples ont été reconnus parmi
le
mobilier de
plusieurs d entre
eux tels
les
dolmens de
Jappeloup (Trausse, Aude)
ou de Saint-Eugène
(Laure, Aude).
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
24/30
692
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE
Si
quelques-uns
de ces récipients peuvent
signer
des
perdura-
tions tardives en milieu campaniforme pyrénéen, tous ne sont
certainement pas propres
à
ce dernier groupe.
Nous
renvoyons
à
cet effet
aux
observations de
H.
Martin-Granel à
Boun-Marcou,
quant
à
la présence
de
ces
pots
dans
un
niveau
inférieur
parmi les
maigres vestiges d un mobilier appartenant certainement aux
«
mégalitheurs
».
Dans les
tombes
mégalithiques
de
la Clape
à
Laroque-de-Fa
(Aude), nous nous trouvons
devant des
formes
simples
:
petits
bols
à
fond rond,
bol à
fond cupule,
restes de gros
récipients munis
de cordons
en relief. Par
contre
nous
n y voyons
ni
mamelons
superposés, ni fines cannelures, ni pastillages
et
nous serions tentés
de rapprocher
ce matériel
de celui de
la grotte
des Bruixes à
Tau-
tavel (Pyrénées-Orientales)
ou
encore
des formes
simples
de
la
grotte du
Calvari d Amposta
(Espagne).
Comme dans ce dernier
gisement
d ailleurs
le
Campaniforme
international
est
présent
dans
les tombes
de
la nécropole
de
La
Clape.
Les
cordons
lisses en
relief se
retrouvent
enfin dans les
Cor-
bières dans
le
dolmen
III
de
Salza.
Les
frontières
du
groupe
Aude-Rous
illon (Cf.
fig. 14).
Sur les marges orientales de l ensemble ici étudié,
la
basse
plaine
de
l Hérault
a
fourni
une
bonne
série
de
stations dont
quel
ques-unes
ont été
publiées. Nous renvoyons aux travaux
de
nos
confrères
(Grimal,
1966
;
Prades
et
Arnal,
1965
;
Grimal
et
Arnal,
1966).
Il
est probable qu au-delà les
influences
véraziennes s e
stompent devant
la
personnalité des groupes de Ferrières
et
de
Font-
bouïsse. L on peut donc considérer la région agathoise comme une
zone de
transition possible.
Vers l Est la
barrière opposée par
les
groupes fort dynami
ques u
Languedoc
oriental n empêche pas parfois quelques
troublantes similitudes entre l équipement
de
stations
provençales
et les
nôtres. Nous
nous contenterons
de
mettre en parallèle le
matériel languedocien
occidental avec celui provenant de
la station
du
Pilon-du-Roy à Allauch (Bouches-du-Rhône)
(Courtin et Puech,
1960). S il y a peu à dire sur le
lithique
de
ce site,
où dominent
les
flèches
foliacées
bifaces,
la
céramique
est
plus
intéressante.
Nous
y
retrouvons les récipients
de
forme
simple
en
calotte,
quelquefois
avec bord
légèrement évasé
comme
aux Bruixes de Tautavel.
L écuelle à carène
basse
est également
présente,
ainsi
que les
vases
en
bombe.
Les
meilleurs liens entre
le Pilon-du-Roy et les
Véraziens
sont constitués par la
présence sur
le premier
site de
plusieurs
vases
à oreilles
superposées. Quant
au
décor,
sillons légers, incisions
verticales, bourrelets
de
faible
relief
ne dépareraient pas
le
mobilier
d une station audoise. Par
contre
le
décor
en cupule
paraît
être
pour l instant
une originalité locale, spécifiquement provençale.
Sans
donc évoquer
la
présence
du
groupe de
l Aude-Roussillon
en Provence,
il
faut remarquer qu à un moment donné plusieurs
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
25/30
SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
693
cultures
ont eu en commun des styles
céramiques
proches, phéno
mène
dû
à leur proximité géographique
relative et
à des
modes
ornementales à
répartition
assez
large.
Ce fait est d autant plus
verifiable lorsqu il s agit, comme c est le
cas
ici,
de
formes
simples
ou
primaires.
Fig.
14.
— Groupe Aude-Roussillon (ou de Véraza). Répartition géographique des
gisements.
En
médaillon, traits
obliques :
la
région intéressée ; points : gis
ements sud-pyrénéens et site
apparenté provençal.
Revenons
en Languedoc
à présent
pour
constater
qu en
Lodè-
vois les influences audoises demeurent faibles. Si nous
compulsons
en
effet
l important
travail
qui
vient d être consacré aux grottes de
cette région nous ne voyons
guère
de
céramiques
typiques (celles
par
exemple
à mamelons
superposés)
dans
leurs
importantes séries.
Par contre ou bien nous retombons dans les séries
spécifiquement
« Ferrières » et
plus
rarement « Fontbouïsse
»,
ou nous
demeurons
dans les formes
simples
ou peu
originales
(jarres à cordons)
pro
pres à tous les
groupes
« pastoraux » des
Alpes
aux Pyrénées
(Martin,
Nourrit, Durand-Tullou, Arnal,
1964).
Si
nous nous
replions maintenant
dans la partie supérieure
du
bassin
de
l Orb, la
présence
du
groupe de
Véraza
apparaît par
contre
comme indiscutable et
vérifiée
sur plusieurs
sites. Nous
ne
mentionnerons
ici
que la grotte
de
la
Trayolle à Courniou
(Hérault)
où nous retrouvons
la
jatte à carène
haute,
des
bols
ou écuelles
hémisphériques, de gros vases cylindroïdes
et
globulaires. Toute
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
26/30
694
SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
cette
céramique est
à
fond
rond,
sauf
quelques rares
pièces
à
fond
plat.
Parmi les
décors :
pastilles en relief,
courtes
stries verticales,
traits
incisés,
larges
cannelures comme
sur
les sites d Ouveillan ou
de Fontbouïsse,
et
surtout décor
plastique
: cordons
en relief,
oreilles, languettes
étirées,
tétons
accolés,
mamelons superposés.
Il
existe
aussi de
petites anses assez dégagées (Lautier, 1963).
Au Nord la frontière avec les
groupes
chalcolithiques des
Causses, est pour
l instant
difficile
à saisir
et les recherches dans
le département
du
Tarn pourraient
nous
aider à
combler cette
lacune.
Vers l Ouest
nos
tribus
ont
au
moins
atteint la Garonne supé
rieure. L.
Méroc a
en
effet fait
connaître,
provenant de
son
gis
ement de
la Tuilerie
de
Grépiac (Haute-Garonne),
un gros
récipient
qui
s apparente étroitement aux
jarres du
groupe de Véraza. Il
porte
des
tétons
de préhension superposés par deux
et
diamétralement
opposés
sur
quatre
points du
vase.
Nul
doute
que
nous n ayons
là
un
vestige
attribuable au groupe
qui
nous
occupe.
D autres ves
tiges de cette
culture doivent exister dans la vallée
de
la Garonne
et
il
serait
intéressant de
savoir si, comme les
Chasséens,
les Véra-
ziens ont, entre autres, utilisé une industrie de quartzite
et quels
types
d outils
les
deux groupes ont
pu
avoir
en
commun.
En
Ariège, il est difficile,
en
raison des recherches déjà ancien
nesour la plupart, d avoir une vue correcte du
Néolithique
et
du
Ghalcolithique. Nous
ferons néanmoins
quelques
remarques
sur
les
résultats obtenus
dans la grotte
de
Bédeilhac
et vulgarisés dans
de
nombreuses publications par les fouilleurs.
La
couche
inférieure,
ou
couche
VI,
peut
à
notre
avis
appar
tenir
à un Néolithique récent,
voire
à un Chalcolithique ancien de
type
indigène. Nous y remarquons surtout
plusieurs vases en calotte
ou de type bol
et
les restes
d un
gros vase muni
d un
cordon
en
relief. Si les pâtes, relativement bien soignées
et épurées, peuvent
évoquer les céramiques des
groupes dits
« occidentaux
», il
con
vient de remarquer
d abord que nous n avons
ici
aucun fossile
directeur
du Chasséen (vases
à
épaulement,
décor
gravé, cordons
multiforés, flûtes de
Pan,
etc.) sur
le territoire duquel ce gisement
se
trouve, bien
qu en position
géographique un peu marginale.
Ajoutons
par ailleurs
que
le
lissage
soigné
ne saurait être
considéré
comme
une
technique spécifiquement
chasséenne
:
les gens du
groupe
de
l Aude-Roussillon
ont
parfois réussi
dans
ce
domaine
aussi bien
que
ceux
du
groupe de
Ghassey. Pour en revenir
à
Bédeilhac, des fragments de vase à pâte fruste se retrouvent d ail
leurs
dans ce
niveau. Enfin le doute sur l appartenance de cet
ensemble au Chasséen, comme on l admet quelquefois, vient de
la
présence
d un
récipient de
forte
taille
orné
d un cordon lisse
en
relief.
Bien
que ce
genre de pot
et
de
décoration
puissent
appar
aître dans
des
groupes
culturels fort différents, leur
présence
dans
des ensembles chasséens
n a
été
que
peu signalée à
ce jour
tandis
qu ils
apparaissent
en grand nombre dans les
ensembles
du
Néoli
thique
récent ou
du
Chalcolithique de
la France
méridionale. Nous
dirons donc
que le
niveau inférieur de
Bédeilhac
peut appartenir
soit au groupe de Véraza soit à un
Néolithique
récent ariègeois dont
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
27/30
SOCIÉTÉ
PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE 695
l extension géographique et les
fossiles
directeurs
demandent à
être
précisés
(6).
Au Sud des Pyrénées la présence du groupe Aude-Roussillon
est révélée en quelques points
isolés.
Ainsi la région
de
Solsona,
dont
les liens
apparaissent
assez
suivis
à
partir
du
Néolithique
moyen avec
le
Languedoc
occidental (présence de sépultures
en
cistes comparables)
a
pu constituer un bastion méridional avancé
du
groupe de
Véraza. C est ainsi que la grotte
de
Can Mauri
à
Berga, fouillée par
J.
Serra-Vilaro, bien qu occupée
à
diverses
époques,
a fourni
toute une
série de
vestiges céramiques
de
la
fin
du
Néolithique ou
du
Chalcolithique
où
figurent : le bol hémisphér
ique,écuelle
à carène
basse, les
vases épais munis d oreilles
superposées
;
parmi les éléments
de préhension
sont les tétons
simples,
l oreille allongée, le bouton
percé
horizontalement.
Ces
divers documents appartiennent
manifestement
au groupe ici
étudié
et ne sauraient être revendiqués
par un autre horizon, celui
des
«
Sépulcros
de
fosa
»
par
exemple.
Ajoutons enfin que
le mamelon superposé est présent dans
certaines grottes de l arrière-pays barcelonnais, dans
la
Cova
Gran
de
Gollbato
à
Montserrat
notamment (Cf. Colominas, 1925,
pi.
XII, 5). Ces deux derniers exemples ne sont-ils pas les premiers
indices en Catalogne d un Néolithique récent
venant
enfin s inter
caler ntre
le
groupe des
Tombes en
fosse
et
celui des
Campani-
formes
?
Nous
en
sommes convaincus.
Evolution
interne.
En
l absence de
plusieurs
datations
G
14
en
relation
avec
des
séries nombreuses
et
bien
décrites,
nous nous
contenterons provi
soirement
de quelques hypothèses de
travail.
L apparition dès
le Néolithique
récent est probable et
paraît
confirmée
par
certaines
fouilles : Véraza par
exemple
où ces «
indi
gènes
»
supplantent
directement les Chasséens. Par la suite
cet
horizon semble recouvrir
tout le
Chalcolithique ancien.
A
la
grotte
Gazel
les
restes
d un campaniforme
cordé
figurent dans
un
(6)
Puisque
nous
en
sommes
à
Bédeilhac,
nous
ajouterons
еще
la
couche
IV
dece
gisement
appartient
pour
nous
non
à
un
Chalcolithique mais
à un
authentique
Bronze ancien pyrénéen
avec
les
vases
en
calotte de tradition néolithique,
les vases
à
fond plat
et
quelques
fossiles directeurs non négligeables telles que
les
anses massives
dont quelques-unes relevées
ou
d'autres cupulées
que l'on peut
en gros
considérer
comme
une variante
des
anses
rostriformes du Bronze
ancien du
Lot
ou
des
Cha-
rentes. Des crêtes relevées sont
d'ailleurs
connues sur anses bien dégagées dans des
contextes pyrénéens du
Bronze
ancien-moyen
comme
par exemple
la
grotte de la
Chance à
Ria (Pyrénées-Orientales)
(Guilaine
et
Abelanet, 1964).
Enfin,
grâce à
l'amabilité de R.
Robert
nous avons pu examiner
les
deux
tessons décorés
de
cette
couche
IV,
donnés
habituellement dans
les
inventaires
comme
«
chasséens
». En fait
il s'agit d'un décor
gravé à
cuit et
empli
de
matière
blanche que nous
attribuons au
Bronze ancien et sans aucun rapport
avec
le
Chasséen.
L'un de ces
tessons
porte
des
chevrons grattés
après
cuisson
:
ce thème décoratif se
retrouve
sur des tessons
Bronze
ancien
de Catalogne, du
Narbonnais (grotte de
Montredon) ou du groupe d'Ar-
tenac.
Ces faits semblent
indiquer que
la datation
de
ce niveau doit être
rajeunie
et
ne doit guère
remonter
au-delà du Bronze
ancien.
Ceci
pourra inciter à reprendre
en
Ariège l'étude
et
la recherche de
l'authentique
Néolithique
et
du Chalcolithique,
toujours aussi mal connus.
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
28/30
696 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE
niveau de cet
ensemble. La
contemporanéité
avec les
campanifor-
mes internationaux
paraît
donc certaine,
soit
que
ceux-ci
se soient
fondus parmi les
autochtones, soit
qu ils
aient
constitué
des
groupes marginaux sans grande importance
numérique vis-à-vis
du
fond
local.
La
mise
en place
des Campaniformes
pyrénéens,
variante
régio
nale des groupes à poteries
incisées
de
la famille
caliciforme, qui,
au
plein Ghalcolithique, s établissent
en
divers secteurs de
l Europe
(Meseta, Bohème-Moravie, Provence, Veluwe, etc.) avec souvent des
habitats et des
sépultures
propres,
a
pu avoir
quelques
conséquences
sur l évolution
du
groupe
Aude-Roussillon. Des contacts,
des
échanges ont
dû se
produire
entre
Véraziens
et Campaniformes
pouvant aboutir même en plusieurs
lieux à
une symbiose
partielle
des deux
cultures. Néanmoins on
demeure surpris de
constater que
certains gisements, même
de
basse
époque
(la station des Cou-
rondes à
Ouveillan pour les
uns,
celle d Embusco
à
Mailhac pour
les
autres),
n ont guère subi
de
contamination
et
sont
demeurés
vierges
de toute intrusion.
Si
l on
en juge par le С 14 obtenu
sur
le
site
des Courondes
(
—
1800) le groupe
Aude-Roussillon
aurait
donc duré
jusqu à
l aurore
du
Bronze ancien, vraisemblablement en pleine période
« campaniforme pyrénéenne ».
Sur une
échelle plus
régionale, la
contemporanéité
avec Font-
bouïsse paraît également
assurée par
des affinités
typologiques
dans la céramique et
par
d autres
С
14
propres à cette culture
et
qui, eux aussi,
ont mis
en avant les débuts du IIe
millénaire
avant
J.-C. (Cf. Lébous : — 1920).
Au
total
comme d autres ensembles
du
Néolithique secondaire
(exemple
: S.O.M.) l on peut
estimer
que
la
fourchette
du groupe
de
Véraza peut se placer entre 2500 et 1800 avant J.-C. Une
telle
durée sous-entend
une transformation
insensible de cette civilisa
tion,vec peut-être une
série
de
séquences
chronologiques, ch a
cune
d elle marquée par une évolution
de
l équipement (modifica
tionrogressive des formes céramiques par
exemple). Cette
remar
que
eut
se compliquer
par
ailleurs
de l existence de
plusieurs
faciès géographiques
progressant chacun de
façon autonome.
BIBLIOGRAPHIE
GENERALE
Arnal J.
(1963). —
Les
dolmens du
département
de l'Hérault, Préhistoire, T. XV,
1963 (Cf.
p.
228).
Arnal J., Bailloud G., Riquet R. (I960). —
Les
styles
céramiques du Néolithique
français, Préhistoire, T. XIV,
I960 (Cf.
p. 174).
Audibert
J. (1962).
— La
civilisation
chalcolithique du Languedoc oriental.
Monographies de l'Institut
International
d'Etudes
Ligures, Bordighera-Montpellier,
1962
(Cf.
pp.
184-186).
8/17/2019 Le foyer de Pérairol (Cavanac, Aude) dans son contexte régional
29/30
SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE
FRANÇAISE
697
Bouisset P.
(1966).
— Un
fond
de
cabane
chalcolithique
au domaine
de Sélicate
près