paroles ferratJean FerratNuit et brouillard
Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers,Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants,Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent.Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres :Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés.Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre,Ils ne devaient jamais plus revoir un été
La fuite monotone et sans hâte du temps,Survivre encore un jour, une heure, obstinémentCombien de tours de roues, d'arrêts et de départsQui n'en finissent pas de distiller l'espoir.Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel,Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou,D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel,Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.
Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage;Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux ?Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âgeLes veines de leurs bras soient devenus si bleues.Les Allemands guettaient du haut des miradors,La lune se taisait comme vous vous taisiez,En regardant au loin, en regardant dehors,Votre chair était tendre à leurs chiens policiers.
On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours,Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour,Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire,Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare.Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été,Je twisterais les mots s'il fallait les twister,Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez.
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers,Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants,Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.
Le sabre et le goupillonParoles et musique : Jean Ferrat
Comme cul et chemise comme larrons en foireJ'ai vu se constituer tant d'associationsMais il n'en reste qu'une au travers de l'histoireQui ait su nous donner toute satisfaction
Le sabre et le goupillon
L'un brandissant le glaive et l'autre le ciboireLes peuples n'avaient plus à s'poser de questionsEt quand ils s'en posaient c'était déjà trop tardOn se sert aussi bien pour tondre le mouton
Du sabre et du goupillon
Quand un abbé de cour poussait une bergèreVers des chemins tremblants d'ardente déraisonLa belle ne savait pas quand elle se laissait faireQu'ils condamnaient l'usage de la contraception
Le sabre et le goupillonPage 1
paroles ferrat
Et maintes éminences et maints beaux capitainesReposaient le guerrier de la même façonDans le salon chinois où Madame GermaineGrâce à ses pensionnaires réalisait l'union
Du sabre et du goupillon
C'était le temps rêvé de tous les militairesOn leur offrait des guerres et des expéditionsQue de manants joyeux sont partis chez Saint-PierreLe coeur plein de mitraille et de bénédictions
Du sabre et du goupillon
Quand ils s'en revenaient et d'Asie et d'AfriqueIls faisaient régner l'ordre au sein de la nationLes uns possédaient l'art d'utiliser la triqueLes autres sans le dire pensaient qu'elle a du bon
Le sabre et le goupillon
On n'sait plus aujourd'hui à qui faire la guerreÇa brise le moral de la générationC'est pourquoi les crédits que la paix nous libèreIl est juste qu'il aillent comme consolation
Au sabre et au goupillon
L'un jouant du clairon l'autre de l'harmoniumIls instruiront ainsi selon la traditionDes cracks en Sambre et Meuse des forts en Te DeumQui nous donneront encore bien des satisfactions
Du sabre et du goupillon
LA PAIX SUR TERREParoles et musique Jean Ferrat
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
La force de la France c'est l'esprit des LumièresCette petite flamme au coeur du monde entierQui éclaire toujours les peuples en colèreEn quête de justice et de la liberté
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
Parce qu'ils ont un jour atteint l'UniverselDans ce qu'ils ont écrit cherché sculpté ou peintLa force de la France c'est Cézanne et RavelC'est Voltaire et Pasteur c'est Verlaine et Rodin
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paroles ferratNous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
La force de la France elle est dans ses poètesQui taillent l'avenir au mois de mai des motsCouvrez leurs yeux de cendre tranchez leur gorge ouverteVous n'étoufferez pas le chant du renouveau
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
La force de la France elle sera immenseDéfiant à jamais et l'espace et le tempsLe jour où j'entendrai reprendre ma romanceDans la réalité de la foule chantant
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
Jean FerratDIX-SEPT ANS
Je l'ai vue je l'ai vue je vous jure un matinArrivant en avion de son pays lointainAussi fraîche aussi tendre aussi gaie qu'un printempsEt s'arrêta le temps
Elle avait le teint mat des yeux croissant de luneSur ses reins qui dansaient deux longues tresses brunesDonnaient à sa jeunesse un éclat triomphantSous le soleil levant
Elle était à la fois timide et sûre d'ellePar sa voix ses propos sa grâce naturelleRien ne la distinguait des filles de ce tempsElle avait dix-sept ans
Nulle ombre ne voilait son regard enfantinNul regret ne faisait palpiter sa poitrineElle avait au combat de sa main douce et fineTué dix américains
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paroles ferratJean FerratÀ BRASSENS
Est-ce un reflet de ta moustacheOu bien tes cris de "Mort aux vaches!"Qui les séduitDe tes grosses mains maladroitesQuand tu leur mets dessus la patteC'est du tout cuit
Les filles de joie, les filles de peineLes Margotons et les GermainesRiches de toiComme dans les histoires anciennesDeviennent vierges et souverainesEntre tes doigts
Entre tes dents juste un brin d'herbeLa magie du mot et du verbePour tout décorMême quand tu parles de fessesEt qu'elles riment avec confesseOu pire encore
Bardot peut aligner les siennesCette façon de montrer les tiennesNe me déplaît pasEt puisque les dames en raffolentOn ne peut pas dire qu'elles soient follesDeo gratias
Toi dont tous les marchands honnêtesN'auraient pas de tes chansonnettesDonné deux sousVoilà que pour leur déconfitureElles resteront dans la natureBien après nous
Alors qu'avec tes pâquerettesTendres à mon coeur, fraîches à ma têteJusqu'au trépasSi je ne suis qu'un mauvais drôleTu joues toujours pour moi le rôleDe l'Auvergnat
Jean FerratÀ L'ÉTÉ DE LA SAINT-MARTINParoles et musique: Jean Ferrat
Était-ce soir ou bien matinComme à l'arbre une fleur se pencheElle était lundi et dimancheA l'été de la Saint-MartinLe soleil n'avait pas atteintSa peau de porcelaine blancheEt son frémissement des hanchesVous aurait fait chanter latinÀ l'étéÀ l'étéÀ l'été de la Saint-Martin
Quand le ciel était incertainNous faisions feu de quatre planchesL'amour l'été bleu pervenche
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paroles ferratA l'été de la Saint-MartinLe vin chantait dans les étainsElle se pendait à ma mancheEt nous roulions en avalancheDe la table au lit de satinÀ l'étéÀ l'étéÀ l'été de la Saint-Martin
C'étaient mémorables festinsC'étaient délectables nuits blanchesJe priais que mon coeur ne flancheÀ l'été de la Saint-MartinL'amour avait l'odeur du thymEt dans ses draps en ville francheSes jambes fuyaient comme tancheDont j'étais le menu fretinÀ l'étéÀ l'étéÀ l'été de la Saint-Martin
Sonnez sonnez vieux sacristainsSi le temps n'est plus aux pervenchesAmour n'est pas soif qui s'étancheÀ l'été de la Saint-MartinSonnez sonnez vieux sacristainsEt que vos cloches se déclenchentSi tous mes souvenirs s'épanchentNotre amour tient bon ce qu'il tintÀ l'étéÀ l'étéÀ l'été de la Saint-Martin
Jean FerratÀ L'OMBRE BLEUE DU FIGUIERParoles: Michelle Senlis
À l'ombre bleue du figuierPassent passent les étésÀ l'ombre bleu du figuierPassent passent ils sont passés
J'étais comme les bergersUn chien fou sur les talonsJ'étais comme les bergersMoitié blé moitié chardonVoyant se lever le jourJ'y croyais à chaque foisL'amour appelle l'amourJ'étais prince je suis roi
À l'ombre bleue du figuierPassent passent les étésÀ l'ombre bleu du figuierPassent passent ils sont passés
Ivre comme les oiseauxJ'étais poussé par le ventIvre comme les oiseauxJe me suis cogné souventJ'allais cherchant dans la brumeUne lampe ou un drapeauJ'y ai laissé quelques plumesMais j'ai gardé mon chapeau
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paroles ferratÀ l'ombre bleue du figuierPassent passent les étésÀ l'ombre bleu du figuierPassent passent ils sont passés
À la bouche une chansonDans mon coeur un amour fouÀ la bouche une chansonJ'ai rêvé que jusqu'au boutOn dira qui était-ilMe jetant des roses-théMoi je dormirai tranquilleHeureux d'avoir pu chanter
À l'ombre bleue du figuierPassent passent les étésÀ l'ombre bleu du figuierPassent passent ils sont passés
Jean FerratÀ LA UNEParoles et musique: Jean Ferrat
C'est une émission formidableSur les problèmes de sociétéOù des héros et des minablesVous parlent en toute libertéSont-ils victimes sont-ils coupablesCe soir voici pour commencerQuelques racketteurs redoutablesQui font la sortie des lycéesIls vont pour vous se mettre à tableÀ condition d'être masquésUn témoignage inoubliableUn grand moment de vérité
Ce soir ce soirAprès la roue de la fortuneLes racketteurs les racketteursSont à la une
C'est une émission fantastiqueOù vous avez un rôle à jouerUn rôle moral un rôle civiquePour nous aider à retrouverTous ceux dont on est sans nouvellesDisparus volatilisésCe soir je vous lance un appelVous seuls pouvez nous renseignerDans quels bas-fonds la malheureuseA-t-elle un jour pu s'égarerA quelles manoeuvres très douteusesA-t-elle fini par se livrer
Ce soir ce soirAprès la roue de la fortuneLa main de ma soeur la main de ma soeurEst à la une
C'est une émission fracassanteSur les tréfonds de la sociétéUne tranche de vie saignanteQue vous ne pouvez pas manquerUn homme qui a payé sa detteVingt ans de prison méritésReconstituera en direct
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paroles ferratLe crime qu'il a perpétréTout ce qui se passait dans sa têteCombien de fric il a touchéEn appuyant sur la gâchettePour refroidir un député
Ce soir ce soirAprès la roue de la fortuneLes assassins les assassinsSont à la une
C'est une série faramineuseDe grands débats télévisésDe controverses fabuleusesDe face à face sans pitiéEntre qui saigne et qui charcuteEntre bourreaux et torturésEntre un ripoux et une puteUn délateur un dénoncéEntre un para et un fellouzeEntre un violeur et des violéesEt puis comme une apothéoseEntre SS et déportés
Ce soir ce soirAprès la roue de la fortuneUn PAF obscène un PAF obscèneEst à la une
Jean FerratÀ MOI L'AFRIQUEParoles: Michelle Senlis
Rouge et jaune coloriéePar la main d'un écolierEn madras, en tablierÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
Les seins lourds de tes nourricesNous rappellent les délicesD'une enfance qui résisteÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
Mangeant des noix de cajouFlirtant le soir à genouxComme la liane enrouléeAvec le singe des blésÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
Tapant des mains et des piedsAu rythme fou des sorciersSous des rubans de papierÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
Mon enfance retrouvéeTu te reprends à rêverTous tes livres, ils étaient vraisÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
Voilà les fruits et les fleursLes sources bleues, les couleursLes pagnes et les colliersAu pas lent des chameliersÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
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paroles ferrat
Serpent de lune et parfumL'odeur du thé au jasminMonte à portée de la mainÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
Les faces aux teintes rayéesEn plein désert appuyéesJ'ai le coeur débarbouilléÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
Tout redevient neuf et beauMon âme marche en sabotsMes bras s'ouvriront demainL'avenir n'est pas si loinÀ moi, à moi, à moi l'Afrique
Jean FerratÀ SANTIAGO
À Santiago de CubaÀ Santiago de Cuba
Le carnaval nous entraîneQuatre nuits sans perdre haleineL'ordre oriental se déchaîneEt moi qui danse comme un troène
À Santiago de Cuba
Le rhum qui coule du tonnerreLa serviette en bandoulièreJ'avais l'air de quoi ma mèreMoi, moi qui danse comme une soupière
C'était durÀ Santiago de Cuba
Un sombrero fantastiqueUn cigare astronomiqueLa musique, la musiqueEt moi qui danse comme une barrique
C'était très durÀ Santiago de Cuba
Les petits seins des métissesDu miel et du pain d'épicesJe côtoie des précipicesEt moi qui danse comme une saucisse
Allez mon vieux, faut tenir, heinÀ Santiago de Cuba
Jean FerratAIMER À PERDRE LA RAISONParoles: Louis Aragon, musique: Jean Ferrat
Aimer à perdre la raisonPage 8
paroles ferratAimer à n'en savoir que direÀ n'avoir que toi d'horizonEt ne connaître de saisonsQue par la douleur de partirAimer à perdre la raison.
Ah, c'est toujours toi que l'on blesseC'est toujours ton miroir brisé,Mon pauvre bonheur ma faiblesseToi qu'on insulte et qu'on délaisseDans toute chair martyrisée.
Aimer à perdre la raisonAimer à n'en savoir que direÀ n'avoir que toi d'horizonEt ne connaître de saisonsQue par la douleur de partirAimer à perdre la raison.
La faim la fatigue et le froid,Toutes les misères du monde,C'est par mon amour que j'y croisEn elles je porte ma croixEt de leurs nuits ma nuit se fonde.
Aimer à perdre la raisonAimer à n'en savoir que direÀ n'avoir que toi d'horizonEt ne connaître de saisonsQue par la douleur de partirAimer à perdre la raison.
Jean FerratALLÉLUIAParoles et musique: Jean Ferrat
Ils ont déjà mis leur costumeEt leurs plus beaux souliers cirésQuand selon les us et coutumesLes cloches se mettent à sonnerChacun procède à sa manièrePour faire son vin ou ses enfantsMais c'est une toute autre affaireDe réussir un enterrement
Alléluia alléluia alléluia alléluia
Il faut savoir devant l'égliseBattre en retraite prudemmentEn direction de Marie-LouiseQui vous démarre au petit blancVoilà Pierrot et l'oncle EugèneLa casquette comme étendardLe petit blanc devient douzaineAvec Léon Jules et Gaspard
Alléluia alléluia alléluia alléluia
Pour peu que le De ProfondisArrive un quart d'heure en retardOn est au huitième pastisA la sortie du corbillardEt sur la route cahoteuseComme il n'est pas loin de midi
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paroles ferratOn se sent bientôt la dent creuseLa mort vous met en appétit
Alléluia alléluia alléluia alléluia
Les saucissons fondent à vue d'oeilLes langues claquent avec entrainSouviens-toi du bois du cercueilDu frère de la tante au cousinSouviens toi des temps mémorablesQu'on n'a jamais pu égalerOù l'on resta trois jours a tableA cause de trois macchabées
Alléluia alléluia alléluia alléluia
Mais dans ce monde de misère Le bonheur est vite enterré
Il faut regagner sa chaumièreRetrouver sa femme atterréeEn voyant l'état du costumeEt du bonhomme et des souliersA la maison comme de coutumeLes cloches se mettent à voler
Alléluia alléluia alléluia alléluia
Jean FerratARIANEParoles: Maurice Bourdet
Toutes les portes se ressemblentQuelque part dans ce grand ensembleAriane, Ariane m'attendMaudite soit ma maladresseJ'ai perdu sa nouvelle adresseAriane, Ariane m'attend
Toutes les portes se ressemblentLes escaliers montent ou descendentSelon le sens où on les prendLes judas me font la grimaceJe vais, je cours, les heures passentAu fil du temps l'amour se casseAriane, Ariane m'attend
Toutes les portes se ressemblentMais à tant crier il me sembleQu'Ariane, qu'Ariane m'entendEscalier cent-soixante-quatreMon coeur va-t-il cesser de battreAriane, Ariane m'attend
Ariane, vois ma triste postureDevant ces portes d'impostureAriane, ouvre-moi, je t'entendsMais luit où tant je tambourineJ'entrouvre et soudain je devineCe n'est qu'une télé-speakerineQui parle, qui parle du temps
Je veux hurler mais ma voix trembleJe pleure et je ris tout ensembleAriane, Ariane m'attend
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paroles ferratDevant ces mille et une portesJe sens que la colère m'emporteAriane, Ariane m'attend
Ariane, tu ne peux pas paraîtreIl me reste un moyen peut-êtreNous verrons bien si cela prendPar l'allumette que j'enflammeJ'en fonds cet ensemble sans âmeLe feu fera surgir la femmeAriane, Ariane, Ariane, ArianeAriane, Ariane, Ariane...
Jean FerratAU BOUT DE MON ÂGEPoème d'Aragon
Au bout de mon âgeQu'aurais-je trouvéVivre est un villageOù j'ai mal rêvé
Je me sens pareilAu premier lourdeauQu'encore émerveilleLe chant des oiseauxLes gens de ma sorteIl en est beaucoupSavent-ils qu'ils portentUne pierre au cou
Au bout de mon âgeQu'aurais-je trouvéVivre est un villageOù j'ai mal rêvé
Pour eux les miroirsC'est le plus souventSans même s'y voirQu'ils passent devantIls n'ont pas le sensDe ce qu'est leur vieC'est une innocenceQue je leur envie
Au bout de mon âgeQu'aurais-je trouvéVivre est un villageOù j'ai mal rêvé
Tant pour le plaisirQue la poésieJe croyais choisirEt j'étais choisiJe me croyais libreSur un fil d'acierQuand tout équilibreVient du balancier
Au bout de mon âgeQu'aurais-je trouvéVivre est un villageOù j'ai mal rêvé
Il m'a fallu naîtreEt mourir s'en suit
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paroles ferratJ'étais fait pour n'êtreQue ce que je suisUne saison d'hommeEntre deux maréesQuelque chose commeUn chant égaré
Au bout de mon âgeQu'aurais-je trouvéVivre est un villageOù j'ai mal rêvé
Jean FerratAU POINT DU JOURParoles: Henri Gougaud
Encore un jour qui vient au mondeDans le premier moteur qui grondeDans le premier enfant qui pleureJ'écoute monter la rumeurDu point du jour
Quelqu'un efface la buéeSur la vitre du boulangerLes arbres sont tout détrempésDéjà fument les cheminéesAu point du jour
Je vois ma rose s'éveillerSes yeux s'ouvrent sur l'oreillerIls regardent la fin d'un rêveEt puis ma rose, elle se lèveAu point du jour
Elle jette bas sa chemiseElle est nue comme une ceriseUn rayon de soleil l'inondeElle est la plus belle du mondeAu point du jour
La radio donne des nouvellesQuelque part la vie n'est pas belleDes bombes crient dans le lointainDéfense de voir le matinAu point du jour
Mon bonheur me fait un peu honteTandis que dans ma chambre monteLa bonne odeur de café noirEncore un jour, la vie, l'espoirLe point du jour
Jean FerratAU PRINTEMPS DE QUOI RÊVAIS-TU?
Au printemps de quoi rêvais-tu?Vieux monde clos comme une orangeFaites que quelque chose changeEt l'on croisait des inconnusRiant aux angesAu printemps de quoi rêvais-tu?
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paroles ferrat
Au printemps de quoi riais-tu?Jeune homme bleu de l'innocenceTout a couleur de l'espéranceQue l'on se batte dans la rueOu qu'on y danseAu printemps de quoi riais-tu?
Au printemps de quoi rêvais-tu?Poing levé des vieilles bataillesEt qui sait pour quelles semaillesQuand la grève épousant la rueBat la murailleAu printemps de quoi rêvais-tu?
Au printemps de quoi doutais-tu?Mon amour que rien ne rassureIl est victoire qui ne dureQue le temps d'un ave pas plusOu d'un parjureAu printemps de quoi doutais-tu?
Au printemps de quoi rêvais-tu?D'une autre fin à la romanceAu bout du temps qui se balanceUn chant à peine interrompuD'autres s'élancentAu printemps de quoi rêvais-tu?
D'un printemps ininterrompu
Jean FerratAUTANT D'AMOURS AUTANT DE FLEURSParoles: Henri Bassis
Il y a dans HarlemA se manger des yeuxUn couple d'amoureuxQui dansent et quand ils s'aimentLa nuit moule leurs corpsLeurs gestes et leurs phrasesEt leur rire est sonoreComme un sanglot de jazz
Autant d'amour autant de fleursY'en a de toutes les couleursDe flamme ou d'ombre, de neige ou mielToutes les roses se confondentTous les amours qui sont au mondeFont comme une arche d'arc-en-ciel
Il y a dans mon coeurUn cocktail d'amoureuxJ'invente les aveuxJe mêle les liqueursIl est noir, elle est blancheElle est jeune, il est beauLa main le long des hanchesGlisse comme un oiseau
Autant d'amour autant de fleursY'en a de toutes les couleursDe flamme ou d'ombre, de neige ou mielToutes les roses se confondent
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paroles ferratTous les amours qui sont au mondeFont comme une arche d'arc-en-ciel
Qu'importent le long des ruesLes regards qui s'attardentQu'importent les échardesAux amours défenduesIl y a dans mon coeurLibres comme les dieuxUn couple d'amoureuxQui croise ses couleurs
Autant d'amour autant de fleursY'en a de toutes les couleursDe flamme ou d'ombre, de neige ou mielToutes les roses se confondentTous les amours qui sont au mondeFont comme une arche d'arc-en-ciel
Jean FerratBERCEUSE
Dors, petit homme, dors, petit frèreLa nuit, à Bahia de tous les saintsBruisse de papier d'étainD'ombres dures et familièresLa nuit, tu t'endors le long des quaisPrès des fûts abandonnésPoings fermés dans la poussière
Dors, petit homme, dors, petit frèreLa faim met sa robe d'apparatC'est l'heure où l'on voit les ratsRegagner les grands naviresC'est l'heure où des financiers au brasLes putains ouvrent leurs drapsEn forme de tirelire
Dors, petit homme, dors, petit frèreParfois, tu écoutes les IndiensParler de mal et de bienSur leur siècle de misèreTu vois, le diable n'est qu'un pantinQui s'évanouit au matinQuand tu lèves la paupière
Dors, petit homme, dors, petit frèreHier, sur les toits jaune orangéL'oiseau qui te fait rêverA survolé la frontière
Jean FerratBERCEUSE POUR UN PETIT LOUPIOTParoles: Guy Thomas
Mon marmouset mon nouveau-néTu mériterais qu'on te grondeTu brailles comme un forcenéT'as pas l'air content d'être au mondeT'as le minois tout chiffonné
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paroles ferratPourtant tu devrais rire aux angesAvec ton lange enfarinéPour engraisser Monsieur Morhange
Fais dodo Colas mon petit frèreFais dodo mon petit loupiot
Si tu savais combien que c'est douxDe vivre et pi comment que c'est roseTu boirais ton biberon d'un coupPour engraisser Monsieur GuigozCar si tu bois bien ton loloSi tu veux la mettre en sourdineOn te paiera bientôt des petits potsPour engraisser Monsieur Blédine
Fais dodo Colas mon petit frèreFais dodo mon petit loupiot
On fera ton éducationÇa m'étonnerait pas qu'on t'achèteLes mémoires du roi des consPour engraisser Monsieur HachetteT'auras pas le phylloxéraGrâce aux vaccins systématiquesPour engraisser des scélératsDe l'industrie pharmaceutique
Fais dodo Colas mon petit frèreFais dodo mon petit loupiot
T'auras plus tard ta limousinePour engraisser Monsieur PeugeotAlors t'achèteras de la benzinePour engraisser Monsieur EssoT'auras ton coin de serpoletOn t'y permettra des culbutesAvec ta tente et ton duvetPour engraisser Monsieur la Hutte
Fais dodo Colas mon petit frèreFais dodo mon petit loupiot
T'auras beau crier les fachosEt les canons c'est dégueulasseUn jour c'est pas du gibier d'eauQu'on te dira de prendre en chasseTu feras la guerre à ceux d'en faceVous vous offrirez des pruneauxPour engraisser Monsieur DouglasPour engraisser Monsieur Dassault
Fais dodo Colas mon petit frèreFais dodo mon petit loupiot
Jean FerratBICENTENAIREParoles et musique Jean Ferrat, 1989
J'ai vu des ducs j'ai vu des princesDes barons des comtes des roisDes marquises à la taille minceQui dansaient au son des hautboisDans des châteaux pleins de lumièreOù les fêtes resplendissaient
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paroles ferratOù l'on chantait "il pleut bergère"Dans le velours et dans la soie
Mais dans sa chaumièreMais dans sa chaumièreJe n'ai pas vu pauvre MartinPauvre Martin pauvre misèreAvec sa femme et ses gamins
J'ai tremblé devant la colèreDes va-nu-pieds des paysansRenversant l'ordre millénaireDans la fureur et dans le sangJ'ai vu la terreur apparaîtreLes châteaux partir en fuméeLes délateurs régner en maîtresDans une France sans pitié
Mais dans sa chaumièreMais dans sa chaumièreJe n'ai pas vu pauvre MartinPauvre Martin pauvre misèreTremblant de froid mourant de faim
J'ai frémi pour ces grandes damesCes beaux seigneurs si émouvantsQui montraient tant de grandeur d'âmeDe noblesse de sentimentsAvant que leurs têtes grimacentAu bout des piques acéréesAgitées par la populaceDes sans-culottes avinés
Mais dans sa chaumièreMais dans sa chaumièreJe n'ai pas vu pauvre MartinPauvre Martin pauvre misèreCreusant la terre de ses mains
Deux siècles après quatre-vingt-neufIl fallait oser l'inventerA la télé on fait du neufEn acquittant la royautéDeux siècles après quatre-vingt-neufD'autres seigneurs veillent au grainEt toi qui vivais comme un boeufCe sont tes maîtres que l'on plaint
A six pieds sous terreTon bicentenaireIls l'ont enterré bel et bienPauvre Martin pauvre misèreC'est toujours le peuple qu'on craintPauvre Martin pauvre misèreC'est toujours le peuple qu'on craint
Jean FerratC'EST BEAU LA VIEParoles: Claude Delecluse, Michelle Senlis, musique: Jean Ferrat
Le vent dans tes cheveux blondsLe soleil à l'horizonQuelques mots d'une chansonQue c'est beau, c'est beau la vie
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paroles ferrat
Un oiseau qui fait la roueSur un arbre déjà rouxEt son cri par-dessus toutQue c'est beau, c'est beau la vie
Tout ce qui tremble et palpiteTout ce qui lutte et se batTout ce que j'ai cru trop viteÀ jamais perdu pour moi
Pouvoir encore regarderPouvoir encore écouterEt surtout pouvoir chanterQue c'est beau, c'est beau la vie
Le jazz ouvert dans la nuitSa trompette qui nous suitDans une rue de ParisQue c'est beau, c'est beau la vie
La rouge fleur éclatéeD'un néon qui fait tremblerNos deux ombres étonnéesQue c'est beau, c'est beau la vie
Tout ce que j'ai failli perdreTout ce qui m'est redonnéAujourd'hui me monte aux lèvresEn cette fin de journée
Pouvoir encore partagerMa jeunesse, mes idéesAvec l'amour retrouvéQue c'est beau, c'est beau la vie
Pouvoir encore te parlerPouvoir encore t'embrasserTe le dire et le chanterOui c'est beau, c'est beau la vie
Jean FerratC'EST SI PEU DIRE QUE JE T'AIMEPoème d'Aragon, musique: Jean Ferrat
Comme une étoffe déchiréeOn vit ensemble séparésDans mes bras je te tiens absenteEt la blessure de durerFaut-il si profond qu'on la senteQuand le ciel nous est mesure
C'est si peu dire que je t'aime
Cette existence est un adieuEt tous les deux nous n'avons d'yeuxQue pour la lumière qui baisseChausser des bottes de sept lieuesEn se disant que rien ne presseVoilà ce que c'est qu'être vieux
C'est si peu dire que je t'aime
C'est comme si jamais jamaisPage 17
paroles ferratJe n'avais dit que je t'aimaisSi je craignais que me surprenneLa nuit sur ma gorge qui metSes doigts gantés de souveraineQuand plus jamais ce n'est le mai
C'est si peu dire que je t'aime
Lorsque les choses plus ne sontQu'un souvenir de leur frissonUn écho des musiques mortesDemeure la douleur du sonQui plus s'éteint plus devient forteC'est peu des mots pour la chanson
C'est si peu dire que je t'aimeEt je n'aurai dit que je t'aime
Jean FerratC'EST TOUJOURS LA PREMIÈRE FOISParoles et musique: Jean Ferrat
Enfin enfin je te retrouveToi qui n'avais jamais étéQu'absente comme jeune louveOu l'eau dormante au fond des douvesS'échappant au soleil d'été
Tu peux m'ouvrir cent fois les brasC'est toujours la première fois
Absente comme souveraineQu'on voit entre deux haies passerO toi si proche et si lointaineDès que l'amour file sa laineEntre nos doigts désaccordés
Tu peux m'ouvrir cent fois les brasC'est toujours la première fois
La faim de toi qui me dévoreMe fait plier genoux et brasJe n'aurais pas assez d'amphoreNi de mots encore et encorePour y mettre son terme bas
Tu peux m'ouvrir cent fois les brasC'est toujours la première fois
La soif de toi par quoi je trembleMa lèvre à jamais desséchéeMon amour qu'est-ce qu'il t'en sembleEst-ce de vivre ou non ensembleQui pourra m'en désaltérer
Tu peux m'ouvrir cent fois les brasC'est toujours la première fois
L'amour de toi par quoi j'existeN'a pas d'autre réalitéJe ne suis qu'un nom de ta listeUn pas que le vent sur la pisteEfface avant d'avoir été
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paroles ferratTu peux m'ouvrir cent fois les brasC'est toujours la première fois
Jean FerratCAMARADEParoles et musique: Jean Ferrat, 1968
C'est un joli nom, camaradeC'est un joli nom, tu saisQui marie cerise et grenadeAux cent fleurs du mois de maiPendant des années, camaradePendant des années, tu saisAvec ton seul nom comme aubadeLes lèvres s'épanouissaientCamarade, camarade
C'est un nom terrible, camaradeC'est un nom terrible à direQuand, le temps d'une mascarade,Il ne fait plus que frémirQue venez-vous faire, camaradeQue venez-vous faire iciCe fut à cinq heures dans PragueQue le mois d'août s'obscurcitCamarade, camarade
C'est un joli nom, camaradeC'est un joli nom, tu saisDans mon coeur battant la chamadePour qu'il revive à jamaisSe marient cerise et grenadeAux cent fleurs du mois de mai
Jean FerratCARCOPoème d'Aragon
Dis qu'as-tu fait des jours enfuisDe ta jeunesse et de toi-mêmeDe tes mains pleines de poèmesQui tremblaient au bout de ta nuit
Il avait toujours dans la têteLe manège d'anciens tourmentsDe la fenêtre par momentParvenaient des bouffées de fête
Où sont les lumières lointainesVoici fermés les yeux éteintsCe chant des lilas au matinDe Montmartre à Mortefontaine
Dis qu'as-tu fait des jours enfuisDe ta jeunesse et de toi-mêmeDe tes mains pleines de poèmesQui tremblaient au bout de ta nuit
Tu meurs sans avoir vu le dramePage 19
paroles ferratCarco qui ne sus que chanterTe souviens-tu de cet étéDe Nice où nous nous rencontrâmes
On faisait semblant d'être heureuxLe ciel ressemblait à la merMême l'aurore était amèreC'était en l'an quarante-deux
Dis qu'as-tu fait des jours enfuisDe ta jeunesse et de toi-mêmeDe tes mains pleines de poèmesQui tremblaient au bout de ta nuit
Excuse-moi que je le diseDans ce Paris où tu n'es plusComme Guillaume l'a vouluQu'un nom qui se mélancolise
Que l'avenir du moins n'oublieCe qui fut le charme de l'airLe bonheur d'être et le vin clairLa Seine douce dans son lit
Dis qu'as-tu fait des jours enfuisDe ta jeunesse et de toi-mêmeDe tes mains pleines de poèmesQui tremblaient au bout de ta nuit
Ce coeur que l'homme avec lui porteNe change pas avec le ventNous mettrons demain comme avantDes coquelicots à nos portes
Les mots que nous avons cueillisLes voici pour celui qui meurtPassent les gens et tu demeuresO poète de mon pays
Dis qu'as-tu fait des jours enfuisDe ta jeunesse et de toi-mêmeDe tes mains pleines de poèmesQui tremblaient au bout de ta nuit
Jean FerratCASERNEParoles: Guy Thomas
Blanchis les troncs des marronniersTous au carré bien alignésRouges les toits rouges les briquesBleu le ciment patriotiqueEt pas une herbe dans la courPour nous passer le mal d'amourIci tout est réglementairePas un caillou n'est de traversMurs en béton chevaux de friseY'a que les barbelés qui frisent
En rang par trois pas cadencéSous l'oeil attendri des bouchersOn maquignonne il faudrait voirPour les augustes abattoirsIci le monde est chamboulé
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paroles ferratLes assassins sont galonnésPartout la crasse et la bêtiseCes deux vertus de l'entreprisePartout la raison du plus fortSous le badigeon tricolore
Je reste à toi ma solitudeDans le troupeau des habitudesEt jusque dans le désarroiQuand le poète est aux aboisPour tous les moutons qui consententJe suis la rage impénitenteSeul au milieu de la débineC'est à moi seul que je jaspineHolà de la philanthropilleY'a des consciences qui roupillent
Blanchis les troncs des marronniersTous au carré bien alignésRouges les toits rouges les briquesBleu le ciment patriotiqueEt pas une herbe dans la courPour nous passer le mal d'amour...
Jean FerratCE QU'ON EST BIEN MON AMOUR
Deux branches de tilleul entrent par la fenêtreLe ciel cligne des yeux entre les feuilles vertesCe qu'on est bien
Quatre papillons blancs dansent la passacailleUn lézard se hasarde au-delà des rocaillesCe qu'on est bien
Dans ce pays de vent, de genêts, de bruyèresDans ce pays brûlant de tendresse et colèreCe qu'on est bien
Seul le bruit du torrent déchire le silenceEt tu dis mon amour, nous avons trop de chance
Dans un rai de soleil la fumée qui pirouetteAu bout de tes longs doigts meurt une cigaretteCe qu'on est bien
Et moi le saltimbanque, et moi qui fais des signesA tes bras, à ta bouche, à tes jambes, ma vigneCe qu'on est bien
Dans ce pays si riche, dans ce pays si pauvreQu'on apprend chaque jour à devenir plus nôtreCe qu'on est bien
Arbre parmi les arbres de la forêt qui vibreEt tu dis mon amour, nous sommes seuls et libres
Jean FerratCHAGALLPoème d'Aragon
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paroles ferrat
Tous les animaux et les candélabresLe violon-coq et le bouc-bouquetSont du mariage
L'ange à la fenêtre où sèche le lingeDerrière la vitre installe un paysDans le paysage
Mon peintre amer odeur d'amandes
Les danseurs ont bu le grand soleil rougeQui se fera lune avant bien longtempsSur les marécages
Et le cheval-chèvre assis dans la neigeAimerait parler avec les poissonsQui sont trop sauvages
Mon peintre amer odeur d'amandes
Le peintre est assis quelque part dans l'ombreA quoi rêve-t-il sinon des amantsSur leur beau nuage
Au-dessus des toits à l'horizontaleDans leurs habits neufs avant d'être nusComme leurs visages
Mon peintre amer odeur d'amandes
Marchez sur les mains perdez votre têteLe ciel est un cirque où tout est jongléEt le vent voyage
Tous les animaux et les candélabresLe violon-coq et le bouc-bouquetSont du mariage
Mon peintre amer odeur d'amandes
Jean FerratCHAMBRES D'UN MOMENTPoème d'Aragon
Sur de blancs canotsSuivant les canauxOmbreux et tranquillesLes touristes fontLes chemins profondsQui baguent la ville
Les bars qu'on entendLes cafés-chantantsLes marins y régnentEt la rue a desSourires fardésSes enseignes saignent
Chambres d'un momentQu'importe commentOn se déshabilleTout est comédie
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paroles ferratHormis ce qu'on ditDans les bras des filles
Traîne sur les quaisL'enfance manquéeDes gamins étrangesQui parlent entre euxQui sait de quel jeuPeu fait pour les anges
Et dans ce quartierOù le monde entierCherche l'aventureCelui qu'on y joueMontre ses bijouxA la devanture
Chambres d'un momentQu'importe commentOn se déshabilleTout est comédieHormis ce qu'on ditDans les bras des filles
Femmes-diamantQui patiemmentAttendent preneurPour la somme dueQui débitent duRapide bonheur
Beaux monstres assisTout le jour ainsiPrès de leur fenêtreVivre ici les voueAux faux rendez-vousD'où rien ne peut naître
Chambres d'un momentQu'importe commentOn se déshabilleTout est comédieHormis ce qu'on ditDans les bras des filles
La main le rideauLe petit cadeauMets-toi là qu'on s'aimeLeurs habits ôtésCe que les beautésAu fond sont les mêmes
Souvenirs brisésBaisers ô baisersAmours sans amourUne fois de plusA HonoluluComme à Singapour
Chambres d'un momentQu'importe commentOn se déshabilleTout est comédieHormis ce qu'on ditDans les bras des filles
Les matelas crientLa même tuerieA d'autres oreilles
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paroles ferratEt les matelotsOnt même sanglotA moment pareil
Tous les hommes sontLa même chansonQuand c'est à voix basseEt leur coeur secretBat tant qu'on diraitQu'il manque de place
Chambres d'un momentQu'importe commentOn se déshabilleTout est comédieHormis ce qu'on ditDans les bras des filles
Jean FerratCHANSON POUR TOIParoles: Michelle Senlis, musique: Jean Ferrat
Quand l'aube se prend pour MatisseQuand les papillons se déplissentComme la fleur de grenadierQuand le premier soleil fragileFrappe aux volets clos de la villeUn à un pour les réveillerQuand le premier cheval qui trotteA de la fumée sous les bottesDe la terre sous les souliers
J'ouvre les yeux et je te voisJ'ouvre les yeux et je te croisJ'ouvre les yeux et c'est pour toiQue je veux vivre mon amour
Quand midi se prend pour CézanneQu'il met du vent dans les platanesEt du bleu dans les oliviersQuand tous les troupeaux s'effarouchentQue la chaleur les prend les coucheA l'ombre maigre d'un figuierQuand toutes les rues sont désertesQue nul n'offre une place verteUn refuge une ombre un sentier
J'ouvre les yeux et je te voisJ'ouvre les yeux et je te croisJ'ouvre les yeux et c'est pour toiQue je veux vivre mon amour
Quand le soir bleuit ses falaisesComme une estampe japonaiseComme un Renoir comme un ManetQuand le soleil ivre chavireDans l'océan et qu'il s'étireComme un éventail dépliéLorsque tout se métamorphoseEt que seul le parfum des rosesContinue de s'exaspérer
J'ouvre les yeux et je te voisJ'ouvre les yeux je tends les bras
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paroles ferratJ'ouvre les yeux et c'est pour toiQue je veux vivre mon amourMon amour
Jean FerratCHANTE L'AMOURParoles et musique: Jean Ferrat
Enfin le calme le silenceLa nuit se glisse à mes genouxEst-ce la chouette ou le hibouCe cri tendu de fer de lancePlus rien ne se métamorphoseMa vie se fige tout à coupOn dirait lorsque je composeQue je joue mon dernier atout
Chante chante chanteChante chante chanteChante chanteChante l'amour à haute voix
Un papillon cogne à la vitreAvec une ardeur obstinéeUne lumière sous le nezEt nous voilà faisant le pitreA chacun sa lampe sa sourceA chacun son maître à danserEmmène-moi sur ta Grande OurseÔ mon amour dont je suis né
Chante chante chanteChante chante chanteChante chanteChante l'amour à haute voix
Au loin les lumières s'allumentCe papier qui me tend les brasChaque fois que je prends la plumeJe tremble de peur et de froidJe vais j'hésite et je reculeQui veut se délivrer de moiQuel est donc ce feu qui me brûleQui sonne l'heure à ce beffroi
Chante chante chanteChante chante chanteChante chanteChante l'amour à haute voix
Le temps s'égrène sous a treilleLe crayon me glisse des doigtsQuand ta robe en passant m'éveilleL'amour est comme de la soieEnfants jouez à la marelleDehors la pluie claque des doigtsTes lèvres passent en bruit d'ailesJe n'ai jamais aimé que toi
Chante chante chanteChante chante chanteChante chanteChante l'amour à haute voix
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paroles ferrat
Jean FerratCHANTER
Ils m'addressent leurs chansonnettesAvec au coeur un fol espoirComme si j'avais le pouvoirDe faire d'eux une vedetteDe notre métier à facettesOn ne leur montre évidemmentQue le bon côté des paillettesSous les projecteurs éclatants
On se couche quand ils se lèventLe monde est beau et souriantEt notre vie n'est plus qu'un rêveDans leurs têtes d'adolescentsL'argent l'amour les grands voyagesLa gloire acquise à bon marchéToute la panoplie d'usageQue dément la réalité
ChanterCe n'est pas ce qu'on vous proclameChanterIl faut s'y jeter à tue-têteA bras le coeur à fendre l'âmeAvec un seul point au programmeCelui de n'être sûr de rienCelui de n'être sûr de rien
Avoir une santé de ferDe la chance avec le talentEt cette faculté de faireUn sourire en serrant les dentsEn écoutant claquer les portesSur votre nez à deux battantsPenser le diable les emporteCroire en hiver à son printemps
Pour une vedette miracleJ'en ai tant vu depuis dix ansDepuis vingt ans encore qui raclentLeur guitare dans les beuglantsLeur vie passe par des lueursD'espoir et de reconcementOn les voit marcher lentementUn ver qui leur ronge le coeur
ChanterCe n'est pas ce qu'on vous proclameChanterIl faut s'y jeter à tue-têteA bras le coeur à fendre l'âmeAvec un seul point au programmeCelui de n'être sûr de rienCelui de n'être sûr de rien
Mais si ces propos vous irritentDans leur sombre réalitéVous allez les jeter bien viteEt n'en faire qu'à votre idéeSi vous sentez du fond de l'âmeEt du ventre jusqu'à vos mainsBrûler cette petite flamme
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paroles ferratContre laquelle on ne peut rien
Dans l'allégresse ou la démenceVous partirez un beau matinEn suivant le chemin d'erranceDes saltimbanques musiciensQue vous soit belle la bohêmeQue soit clément votre destinIl faut vivre ce que l'on aimeEn payant le prix qui convient
ChanterCe n'est pas ce qu'on vous proclameChanterIl faut s'y jeter à tue-têteA bras le coeur à fendre l'âmeAvec un seul point au programmeCelui de n'être sûr de rienCelui de n'être sûr de rien
Jean FerratCOMPLAINTE DE PABLO NERUDAPoème d'Aragon
Je vais dire la légendeDe celui qui s'est enfuiEt fait les oiseaux des AndesSe taire au coeur de la nuit
Le ciel était de veloursIncompréhensiblementLe soir tombe et les beaux joursMeurent on ne sait comment
Comment croire comment croireAu pas pesant des soldatsQuand j'entends la chanson noireDe Don Pablo Neruda
Lorsque la musique est belleTous les hommes sont égauxEt l'injustice rebelleParis ou Santiago
Nous parlons même langageEt le même chant nous lieUne cage est une cageEn France comme au Chili
Comment croire comment croireAu pas pesant des soldatsQuand j'entends la chanson noireDe Don Pablo Neruda
Sous le fouet de la famineTerre terre des volcansLe gendarme te domineMon vieux pays araucan
Pays double où peuvent vivreDes lièvres et des pumasTriste et beau comme le cuivreAu désert d'Atacama
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paroles ferratComment croire comment croireAu pas pesant des soldatsQuand j'entends la chanson noireDe Don Pablo Neruda
Avec tes forêts de hêtresTes myrtes méridionauxÔ mon pays de salpêtreD'arsenic et de guano
Mon pays contradictoireJamais libre ni conquisVerras-tu sur ton histoirePlaner l'aigle des Yankees
Comment croire comment croireAu pas pesant des soldatsQuand j'entends la chanson noireDe Don Pablo Neruda
Absent et présent ensembleInvisible mais trahiNeruda que tu ressemblesÀ ton malheureux pays
Ta résidence est la terreEt le ciel en même tempsSilencieux solitaireEt dans la foule chantant
Comment croire comment croireAu pas pesant des soldatsQuand j'entends la chanson noireDe Don Pablo Neruda
Jean FerratCOMPRENDRE
Je t'apprendrai l'eau, la lumièreL'arbre, la source, le torrentLe secret des vignes et des pierresLe bruit du vent
Toi tu m'apprendras la panthèreLe chat, le renard et l'oiseauLe cri blessé du solitaireLoin du troupeau
Nous apprendrons à voir les chosesEt leur pourquoi et leur commentJ'aurai l'innocence des rosesToi des enfants
Comprendre la fleur et le fruitComprendre le monde aujourd'hui
Tu m'apprendras tes yeux de fleursTes bras colliers, tes hanches flammesTon rêve abeille et crève-coeurTon rire femme
Je serai l'ombre qui te suitCette part toujours en nous-mêmesQui se dérobe à l'autre et fuitCe que l'on aime
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paroles ferrat
Nous apprendrons à nous connaîtreEn jetant bas les interditsJe serai la fenêtre ouverteEt toi la nuit
Comprendre la fleur et le fruitComprendre ce qui nous unit
Nous conjuguerons l'avenirA chaque instant présent dans toiEn partageant le vin, le rireAvec ceux-là
Qui vivent plus haut que leurs songesQui haïssent la solitudeQui chassent l'ombre et le mensongeDes habitudes
Nous apprendrons à voir le mondeAvec ces hommes d'aujourd'huiDont les rêves aux nôtres se fondentA l'infini
Comprendre la fleur et le fruitComprendre l'homme d'aujourd'hui
Jean FerratCOMPTINE POUR CLÉMENTINEParoles: Guy Thomas
Qui frappe à coups redoublésA ta porte verrouilléeSans s'occuper des voisinsQu'aiment pas le tambourinC'est le méchant loup ma mieC'est le méchant loupC'est le méchant loup ma mieC'est le méchant loup
La clé fait deux petits toursEntrez monsieur mon amourEntrez mon printemps joliMon oiseau de paradisVoilà le muguet ma mieVoilà le muguetVoilà le muguet ma mieVoilà le muguet
Pour ta si cruelle absenceFaudra faire pénitenceUn pater c'est bien le moinsEt trois ave sur mon seinA ta volonté ma mieA ta volontéA ta volonté ma mieA ta volonté
Dieu nous donne le charbonAu diable tous tes juponsAccroche au clou tes dentellesEt cisaille tes ficellesTirons le rideau ma mieTirons le rideau
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paroles ferratTirons le rideau ma mieTirons le rideau
Oublions les hypocritesLes fabricants d'eau béniteVoilà le premier baiserQue tu dois apprivoiserComme un papillon ma mieComme un papillonComme un papillon ma mieComme un papillon
Il n'y a pas de moraleDans ma chanson de cigaleIl n'y a c'est instinctifQu'un petit cri subversifMerde à la fourmi ma mieMerde à la fourmiMerde à la fourmi ma mieMerde à la fourmi
Jean FerratCONCESSIONSParoles: Guy Thomas
Avant que je vous fréquenteJe vivais dans un taudisUne espèce de soupenteOù j'entassais mon fourbiJe veux bien ma chère EstelleRésider dans vos maisonsVivre dans vos grands hôtelsOu vos manoirs à la con
Mais pas dans un' forteressePour décrocher tes caresses
Avant que je sois sinoqueAffolé par vos appâtsJe vous aurais dit ton viocAu lieu de votre papaJe veux bien pour vous complaireApprendre votre jargonDire Monsieur votre PèreEst bête au lieu d'un peu con
Mais je dirai pas mes hommagesEn dégrafant ton corsage
Avant que je m'amouracheDe votre petit chignonJe vivais comme un apacheJe bouffais comme un cochonJe veux bien bergeronnetteVous faire une concessionMe servir dans une assietteSur une nappe à la con
Mais je prendrai pas des pincettesPour enlever ta jupette
Avant que je me dévoueAux travaux de CupidonJe menais je vous l'avoue
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paroles ferratUne vie de patachonJe veux bien mon églantineChanger mes fréquentationsMais j'userai pas mes bottinesDans tes cocktails à la con
Je mettrai pas de jaquettePour soulever ta liquette
Avant que je vous connaisseJe chopinais du rouquinVous buviez du vin de messeOu du Vichy CelestinsJe veux bien ma chère amieSacrifier quelques canonsMais je veux pas d'eau rougieNi de tisane à la con
Je ne boirai pas de la flottePour enlever ta culotte
Jean FerratCUBA SIParoles: Henri Gougaud
La nuit quand je m'en vais à rêves découvertsQuand j'ouvre mon écluse à toutes les dérivesCuba, dans un remous de crocodiles vertsCuba, c'est chez toi que j'arrive
Je rencontre un vieux nègre aux yeux de bois brûlantAssis devant la mer, grain de café torrideLe front dans le soleil il me montre en riantLà-bas, les côtes de Floride
Cuba, Cuba, Cuba síCuba, Cuba síCuba, Cuba, Cuba síCuba, Cuba... sí
Il dit j'ai vu Harlem, il dit j'ai vu New YorkEt noir, j'avais si peur devant les "Chien, sale nègre!"Que j'aurais préféré la peau rose d'un porcCollée sur ma poitrine nègre
Et maintenant Cuba, pauvre comme CubaJe suis libre, et ma femme a la couleur du sableS'il n'y a rien à manger, on danse la congaMais les chiens restent sous la table
Cuba, Cuba, Cuba síCuba, Cuba síCuba, Cuba, Cuba síCuba, Cuba... sí
Adieu Cuba, adieu mon rêve à la peau bruneMes éperons d'argent sonnent sur tes galetsEt mon cheval rêvé qui renifle la lunePiétine déjà l'eau salée
Que je devienne un jour un vieux singe ridéQue le ciel de Cuba se brise comme verreJe sais que l'on peut vivre ici pour une idéeMais ceci est une autre affaire
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paroles ferrat
Cuba, Cuba, Cuba síCuba, Cuba síCuba, Cuba, Cuba síCuba, Cuba... sí
Jean FerratD'OÙ QUE VIENNE L'ACCORDÉONParoles: Claude Delecluse
D'où que vienne l'accordéonD'Amsterdam ou de la BaltiqueIl connaît toutes les musiquesIl connaît toutes les chansons
Il a l'âme sentimentaleMais le coeur internationalL'accordéon des vieux faubourgsQui joue la peine et puis l'amourIl a chanté à VarsovieEn Ukraine et en RoumanieIl a bercé la vieille EuropeDevant un verre ou une chopeIl dit encore il dit quand mêmeQue le sang qui bat dans nos veinesQue le sang qui bat dans nos coeursA partout la même couleur
D'où que vienne l'accordéonD'Amsterdam ou de la BaltiqueIl connaît toutes les musiquesIl connaît toutes les chansons
Lui qui sait combien de drapeauxSe sont couchés à WaterlooEt que la chanson des soldatsFinit souvent la tête en basIl sait tout ça et plus encoreEt c'est pour ça qu'il crie si fortQue rien n'est plus beau que l'amourEt qu'il faudra bien un beau jourQue tous les gens de la planèteQu'ils soient de Chine ou de perpetteReprennent en choeur la chansonQue chantent les accordéons
D'où que vienne l'accordéonD'Amsterdam ou de la BaltiqueIl connaît toutes les musiquesIl connaît toutes les chansons
Jean FerratDANS LA JUNGLE OU DANS LE ZOOParoles et musique: Jean Ferrat
Ainsi donc ainsi doncIl n'y aurait plus rien à faireQu'à mettre la clé sous la porteDe ce château sombre et désertOù gisent nos illusions mortesAinsi donc ainsi donc
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paroles ferratVite fait serait l'inventaireDe ces chambres abandonnéesAux lits recouverts de poussièreAux parquets noirs de sang séchéEt sur les carreaux des fenêtresOn pourrait écrire à la craie:"Tout demain devra disparaîtreDes choses que l'on a cru vraies"Et dans ce monde à la dérivePareils aux autres animauxNous n'aurions d'autre choix pour vivreQue dans la jungle ou dans le zooNous n'aurions d'autre choix pour vivreQue dans la jungle ou dans le zoo
Ainsi donc ainsi doncIl n'y aurait plus rien à voirCirculez mais circulez doncAinsi finirait notre histoireSous le poids des malédictionsAinsi donc ainsi doncFaudrait faire amende honorableRaser les murs courber le dosSe résigner au pitoyableErrer de goulags en ghettosTout ne serait que simulacreToute espérance sans lendemainRien ne servirait de se battrePour un monde à visage humainIl faudrait brûler tous les livresRedevenir des animauxSans avoir d'autre choix pour vivreQue dans la jungle ou dans le zooSans avoir d'autre choix pour vivreQue dans la jungle ou dans le zoo
Ainsi donc ainsi doncContre la faim contre la haineContre le froid la cruautéDe la longue quête incertainePour affirmer sa dignitéAinsi donc ainsi doncIl nous faudrait tout renierDe la bataille surhumaineQue depuis l'âge des cavernesL'homme à lui-même s'est livréNe tirez pas sur le pianisteQui joue d'un seul doigt de la mainVous avez déchiffré trop vite"La musique de l'être humain"Et dans ce monde à la dériveSon chant demeure et dit tout hautQu'il y a d'autres choix pour vivreQue dans la jungle ou dans le zooQu'il y aura d'autres choix pour vivreQue dans la jungle ou dans le zooQue dans la jungle ou dans le zooQue dans la jungle ou dans le zoo
Jean FerratDANS LE SILENCE DE LA VILLEPoème d'Aragon
La la la...
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paroles ferratDerrière les murs dans la rueQue se passe-t-il quel vacarmeQuels travaux quels cris quelles larmesOu rien la vie un linge écru
Sèche au jardin sur une cordeC'est le soir cela sent le thymUn bruit de charrette s'éteintUne guitare au loin s'accorde
La la la...
Il fait jour longtemps dans la nuitUn zeste de lune un nuageQue l'arbre salue au passageEt le coeur n'entend plus que lui
Ne bouge pas c'est si fragileSi précaire si hasardeuxCet instant d'ombre pour nous deuxDans le silence de la ville
La la la...
Jean FerratDE NOGENT JUSQU'À LA MERParoles: Albert Gardy
Y'a de la brume dans tes yeux grisDe Nogent jusqu'à ParisLentement va mon chalandDe Paris jusqu'à RouenY'a du rêve dans tes yeux vertsDe Rouen jusqu'à la merLa mer où les grands bateauxPeuvent s'en allerDu Havre vers le monde entier
Tu t'éveilles et tu sourisDe Nogent jusqu'à ParisJe t'enlace doucementDe Paris jusqu'à RouenC'est l'amour qui nous est offertDe Rouen jusqu'à la merLa mer où les amoureuxPeuvent s'embarquerDu Havre vers le monde entier
Y'a de l'ennui dans tes yeux grisDe Nogent jusqu'à ParisEt plus rien n'est comme avantDe Paris jusqu'à RouenOn s'est dit tant de mots amersDe Rouen jusqu'à la merLa mer où tant d'inconnusPeuvent t'emmenerDu Havre vers le monde entier
Dans la brume y'a tes yeux grisQui s'estompent doucementEt je rentre tristementDe la mer jusqu'à Nogent
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paroles ferrat
Jean FerratDEUX ENFANTS AU SOLEIL
La mer sans arrêt roulait ses galèresLes cheveux défaits, ils se regardaientDans l'odeur des pins, du sable et du thymQui baignaient la plageIls se regardaient tous deux sans parlerComme s'ils buvaient l'eau de leur visageEt c'était comme si tout recommençait
La même innocence les faisait tremblerDevant le merveilleux, le miraculeux voyage de l'Amour
Dehors, ils ont passé la nuitL'un contre l'autre ils ont dormiLa mer longtemps les a bercésEt quand ils se sont éveillésC'était comme s'ils venaient au mondeDans le premier matin du monde
La mer sans arrêt roulait ses galèresQuand ils ont couru dans l'eau les pieds nusÀ l'ombre des pins se sont pris la mainEt sans se défendre sont tombés dans l'eauComme deux oiseauxSous le baiser chaud de leurs bouches tendresEt c'était comme si tout recommençait
La Vie, l'Espérance et la LibertéAvec le merveilleux, le miraculeux voyage de l'Amour.
Jean FerratDEVINEPoème d'Aragon
Un grand champ de lin bleu parmi les raisins noirsLorsque vers moi le vent l'incline frémissantUn grand champ de lin bleu qui fait au ciel miroirEt c'est moi qui frémis jusqu'au fond de mon sang
Devine
Un grand champ de lin bleu dans le jour revenuLongtemps y traîne encore une brume des songesEt j'ai peur d'y lever des oiseaux inconnusDont au loin l'ombre ailée obscurément s'allonge
Devine
Un grand champ de lin bleu de la couleur des larmesOuvert sur un pays que seul l'amour connaîtOù tout a des parfums le pouvoir et le charmeComme si des baisers toujours s'y promenaient
Devine
Un grand champ de lin bleu dont c'est l'étonnementToujours à découvrir une eau pure et profondeDe son manteau couvrant miraculeusement
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paroles ferratEst-ce un lac ou la mer les épaules du monde
Devine
Un grand champ de lin bleu qui parle rit et pleureJe m'y plonge et m'y perds dis-moi devines-tuQuelle semaille y fit la joie et la douleurEt pourquoi de l'aimer vous enivre et vous tue
Devine
Jean FerratDINGUEParoles et musique: Jean Ferrat
Pour faire ma pubeDescends ton slipJe te ferai un tubeAvec mon clipImage de fesseA bout portantIl pleut à verseSur mon écranOuvre les cuissesQue je te mateMon audimatEst au beau fixeLes idées-chocsLe poids du fricJe baisse mon frocSur cette éthique
La vie débloque à tout berzingueDans mon époque je deviens dingue
Au faire savoirSuccède le voirA défaut d'êtreIl faut paraîtreJ'ai la moutardeQui me monte au nezPasse la rhubarbeVoila le sénéA toi l'OscarA moi le Sept d'orA toi le CésarA nous le veau d'orTu seras au HitJe serai au TopJe te féliciteBravo mon pote
La vie débloque à tout berzingueDans mon époque je deviens dingue
Faut des gagneursFaut des perdantsMort aux losersPlace aux battantsVole une pommeEt tu es cuitDescends un hommeT'as du sursisUn flic tabasse
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paroles ferratUn jeune en loquesÇa laisse pas de tracesJustice en tocUn flic qui casseComme un canaquePutain de ta raceUn beur qui claque
La vie débloque à tout berzingueDans mon époque je deviens dingue
La France qui gagneLes petits boulotsLes années bagneMétro dodoLa France qui trinqueDans les banlieuesPasse-moi la seringueA être heureuxSi t'as des foisMal aux magouillesL'état de droitQui part en couillesSi ça te rongeAux entournuresPrends donc l'épongeAux fausses factures
La vie débloque à tout berzingueDans mon époque je deviens dingue
T'as pas 100 ballesPour le cancerT'as pas 100 ballesPour le sidaT'as pas 100 ballesPour la misèreT'as pas 100 ballesPendant ce temps-là500 milliardsPartent en fumée500 milliardsPartent en fusées500 milliardsAux militaires500 milliardsFoutus en l'air
La vie débloque à tout berzingueDans mon époque je deviens dingue
Maman boboJ'ai mal au coeurPapa RamboFait un malheurAvec sa guerreEn vidéoQui rassérèneLe populoAvec ses bombesAseptiséesSes hécatombesBanaliséesIl fait la retapeAu consensusSa force de frappeJe l'ai dans l'anus
La vie débloque à tout berzinguePage 37
paroles ferratDans mon époque je deviens dingue
Jean FerratEH L'AMOUR
Eh l'amour tes gigolos ont su trouver le filonQu'ils fassent la rue ou qu'ils fassent des chansonsDepuis le temps qu'ils s'occupent de croquer tes millionsEh l'amour t'as mauvaise mine tu sais dans tes romansEt dans ces films où tu parais tout le tempsEntre une voiture de sport et deux téléphones blancsEh l'amour si tu veux bien ce soirOublie donc tes trottoirsTes pin-ups tes dollarsEh l'amour et reviens-moi tout nu sur tes ergotsComme je t'ai connu quand on était jeunotEt qu'on n'avait rien sur le dos
Eh l'amour oui te voilà t'es bien toujours pareilT'as pas changé t'es comme cendre et soleilTout gris quand tu t'endors et bleu à ton réveilEh l'amour comme un grand frère viens t'asseoir à mes genouxTu sais très bien que je ne serai pas jalouxDe tes bonheurs d'un jour de tes mômes à deux sousEh l'amour quand tu défais leur litSi tu vois le paradisTu pourrais me faire des prixEh l'amour avant de courir vers d'autres rendez-vousMets tes dentelles et rejoue moi frou frouAttention au voisin d'en dessous
Eh l'amour pardonne-nous tous nos accordéonsPardonne-nous ces vers de mirlitonQu'on chante à ton baptême ou pour ton oraisonEh l'amour depuis le temps que tu rimes avec toujoursSi ça t'ennuie d'écouter nos discoursOn pourrait tous les deux s'en aller faire un tourEh l'amour tu sais bien qu'avec moiTu feras ce que tu voudrasQu'importe où l'on iraEh l'amour déploie tes ailes comme un vrai chérubinOn arrivera sans doute un beau matinAu septième ciel et même un peu plus loin
Jean FerratELLEPoème d'Aragon
Elle seule elle a le cielQue vous ne pouvez lui prendreElle seule elle a mon coeurQu'on l'ose arracher ou fendreElle seule atteint les songesQui mettent mes nuits en cendresElle seule échappe aux flammesComme fait la salamandre
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paroles ferratElle seule ouvre mon âmeA ce qui ne peut s'entendre
Elle seule et qui sait d'oùVient l'oiseau vers le temps doux
Elle seule qu'elle parleC'est comme faire un voyageElle seule et son silenceA la beauté des ombragesElle seule et tout l'amourMe sont un même visageElle seule et les merveillesS'étonnent de son passageElle seule et le soleilA peine y peut faire image
Elle seule et qui sait d'oùVient l'oiseau vers le temps doux
Elle seule et tout le resteS'en aille au diable vauvertElle seule et j'ai pour elleSeule ainsi vécu souffertElle seule ô ma romanceMon sang mes veines mes versElle seule et qu'elle sorteJe demeure dans l'enferElle seule et que m'importentCette vie et l'univers
Elle seule et je sais d'oùL'oiseau chante le temps doux
Jean FerratEN GROUPE EN LIGUE EN PROCESSIONParoles et musique: Jean Ferrat
En groupe en ligue en processionEn bannière en slip en vestonIl est temps que je le confesseA pied à cheval et en voitureAvec des gros des petits des dursJe suis de ceux qui manifestentAvec leurs gueules de traversLeurs fins de mois qui sonnent clairLes uns me trouvent tous les vicesAvec leur teint calamiteuxLeurs fins de mois qui sonnent creuxD'autres trouvent que c'est justice
Je suis de ceux que l'on fait taireAu nom des libertés dans l'airUne sorte d'amoralisteLe fossoyeur de nos affairesLe Déroulède de l'arrièreLe plus complet des défaitistesL'empêcheur de tuer en rondPerdant avec satisfactionVingt ans de guerres colonialistesLa petite voix qui dit nonDès qu'on lui pose une questionQuand elle vient d'un parachutiste
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paroles ferrat
En groupe en ligue en processionDepuis deux cents générationsSi j'ai souvent commis des fautesQu'on me donne tort ou raisonDe grèves en révolutionsJe n'ai fait que penser aux autresPareil à tous ces compagnonsQui de Charonne à la NationEn ont vu défiler paroleDes pèlerines et des bâtonsSans jamais rater l'occasionDe se faire casser la gueule
En groupe en ligue en processionEt puis tout seul à l'occasionJ'en ferai la preuve par quatreS'il m'arrive Marie-JésusD'en avoir vraiment plein le culJe continuerai de me battreOn peut me dire sans rémissionQu'en groupe en ligue en processionOn a l'intelligence bêteJe n'ai qu'une consolationC'est qu'on peut être seul et conEt que dans ce cas on le reste
Jean FerratÉPILOGUEPoème d'Aragon
La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversentLes courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est ferméeIl s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armésLes herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on n'en peut plus baisser la herse
Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des angesAh comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieuxLe temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeuxEt ce qu'il en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux levent change
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battreQuitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chantJe suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champEt tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitudeVous n'aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas comprisNous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prixJe vois se plier votre épaule A votre front je vois le pli des habitudes
Bien sûr bien sûr vous me direz que c'est toujours comme cela mais justementSongez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenagePour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cageEst-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battreQuitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
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paroles ferratJe suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champEt tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Songez qu'on arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincu n'est trois fois rienEt que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'homme est comptableNous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d'épouvantablesCar il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien
Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoireRappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sont montésArracher le drapeau de servitude à l'Acropole et qu'on les a jetésEux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l'histoire
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battreQuitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chantJe suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champEt tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néantEn face pour savoir en triompher Le chant n'est pas moins beau quand il déclineIl faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'écho dans les collinesNous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l'ensemble des chants
Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'une voix se taiseSachez-le toujours le choeur profond reprend la phrase interrompueDu moment que jusqu'au bout de lui-même Le chanteur a fait ce qu'il a puQu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une hypothèse
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battreQuitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chantJe suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champEt tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Jean FerratET POUR L'EXEMPLEParoles: Philippe Pauletto
On l'a clouéEt sa misèreSur un mur blancAu grand soleilUn clou au coeurEt pour l'exempleIl a saignéSur le soleil
Dans le ciel blancLes oiseaux noirsChantent sa mort
On l'a clouéEt son espoirSur le silenceDes grands étésUn clou au coeurEt pour l'exempleIl s'est fanéUn jour d'été
Dans le silencePage 41
paroles ferratLes mouches noiresDansent sa mort
Gens qui passezVous ne voyezNi mort ni sangSur le soleilNi oiseaux noirsDans le ciel blancNi mouches noiresEntre ses dents
Vous ne voyezQue son espoirSur le soleilQue votre espoirAu grand soleil
Jean FerratÉTAT D'ÂME
L'aube se lève grise et saleSur la sinistre cour pavéeJ'entends résonner sur les dallesLes bidons tristes du laitierC'est toujours quand 5 heures sonnentQu'on réveille les condamnésLes feuilles des arbres frissonnentIl va bien falloir y aller
Hay, hay, hayA l'heure où les croissants sont chaudsJe n'ai pas l'âme d'un bourreauDe travail
A l'idée de l'exécuterJ'ai le moral en marmeladeSi le travail c'est la santéTous mes copains en sont maladesFaites-le mettre à la torturePar ceux qui en font leur régalBien au chaud sous mes couverturesJe ne le toucherai pas d'un poil
Hay, hay, hayA l'heure où l'on boit l'apéroJe n'ai toujours pas l'âme d'un bourreauDe travail
Si je dois l'abattre sans pitiéAvant d'abandonner mon litJe voudrais bien voir changer la vieDans la nouvelle sociétéJe voudrais voir les flics au boulotLes tenants du grand capitalLes PDG, les générauxGoûter aux cadences infernales
Hay, hay, hayCe n'est sans doute pas de sitôtQue j'aurai l'âme d'un bourreauDe travail
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paroles ferrat
Jean FerratEXCUSEZ-MOI
Excusez-moi
De ne pas être plus habileDe ne pas danser sur un filDe ne pas me tenir très droitJe ne ferai pas de claquettesNi de culbutes sur la têteJe ne sais quoi faire de mes bras de mes bras
Excusez-moi
Si je n'arrive pas à direTout ce que je voudrais vous direA belle à claire à haute voixLouer le ciel la nuit le jourEt l'évidence de l'amourSimplement comme je le dois je le dois
Excusez-moi
Quand ma chanson deviendra tristeC'est que j'ai sous les yeux la listeDes hommes partout mis en croixJe ne manque pas de courageMais nous vivons au moyen-âgeLes bras m'en tombent quelquefois quelquefois
Excusez-moi
Je rêve de chansons trempéesTranchantes comme un fil d'épéeEt ne manie qu'un sabre en boisUn jour j'en ris l'autre j'en pleureEt qu'importe si c'est un leurreJe pourrai dire que j'y crois que j'y crois
Excusez-moi
Quand ma chanson deviendra folleJe n'y aurai pas d'autre rôleQue de vous chanter qu'à CubaOn prend l'argent pour seule cibleOn dit que rien n'est impossibleEt que l'homme seul comptera comptera
Excusez-moi
De ne pas être plus habileDe ne pas danser sur un filDe ne pas me tenir très droitJe ne courberai pas la têteA la fin de mes chansonnettesJe préfère vous regarder droit vous regarder droit
Jean FerratFEDERICO GARCÍA LORCA
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paroles ferratLes guitares jouent des sérénadesQue j'entends sonner comme un tocsinMais jamais je n'atteindrai Grenade"Bien que j'en sache le chemin"
Dans ta voixGalopaient les cavaliersEt les gitans étonnésLevaient leurs yeux de bronze et d'orSi ta voix se brisaVoilà plus de vingt ans qu'elle résonne encoreFederico García
Voilà plus de vingt ans, camaradesQue la nuit règne sur Grenade
Il n'y a plus de prince dans la villePour rêver tout hautDepuis le jour où la guardia civilT'a mis au cachot
Et ton sang tiède en quête de l'auroreS'apprête déjàJ'entends monter par de longs corridorsLe bruit de leurs pas
Et voici la porte grande ouverteOn t'entraîne par les rues désertéesAh! Laissez-moi le temps de connaîtreCe que ma mère m'a donné
Mais déjàFace au mur blanc de la nuitTes yeux voient dans un éclairLes champs d'oliviers endormisEt ne se ferment pasDevant l'acre lueur éclatant des fusilsFederico García
Les lauriers ont pâli, camaradesLe jour se lève sur Grenade
Dure est la pierre et froide la campagneGarde les yeux closDe noirs taureaux font mugir la montagneGarde les yeux clos
Et vous Gitans, serrez bien vos compagnesAu creux des lits chaudsTon sang inonde la terre d'EspagneO Federico
Les guitares jouent des sérénadesDont les voix se brisent au matinNon, jamais je n'atteindrai Grenade"Bien que j'en sache le chemin"
Jean FerratFRÉDO LA NATUREFavre - Ferrat
En poussant comme un pauvre gosseSur un tas de caillouxOn a des idées précoces
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paroles ferratEt comme les voyousTu passais devant l'écoleLa fleur à la mainD'Attila moi je m'en colleJe reviendrai de mainMais il y a eu des demainÀ n'en plus finirTu fréquentas les cheminsOù fleurit le plaisirÀ seize ans tu cueilles une roséDéjà bien fanéeTu apprends toutes les chosesDe l'amour damné
REFRAIN:Dis-moi Fredo la natureQu'as-tu fait de ta vieC'est l'heure de payer la factureOn fait plus crédit
De l'amour ton seul domaineTu devins l'expertMais tu n'avais qu'une rengaine"Je veux me mettre au vertJardinier pendant que ces damesEn toutes saisonsArpentaient le macadamTu coupais le gazonMais il a fallu qu'un poteSans ta permissionVienne un jour fourrer ses bottesDans tes plantationsD'un coup de sécateur rapideTu lui as coupéUn petit morceau de carotideC'était régulier
REFRAIN
Assez joué mon petit bonhommeRéglons l'additionUn coup de parabellumVoilà ta rationT'auras droit à toute la cliqueÊtes cérémoniesDes couronnés de la musiqueEt tous les amisEn écoutant l'harmoniumPenseront souventÀ toi sous les géraniumsTu les aimais tantTu nous quittes sans manièreEt ces dames en pleursFeront graver sur la pierreAu milieu des fleursFredo aimait la natureLe voilà serviCouché parmi la natureII finit sa vie.
Jean FerratHEUREUX CELUI QUI MEURT D'AIMERPoème d'Aragon
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paroles ferrat
O mon jardin d'eau fraîche et d'ombreMa danse d'être mon coeur sombreMon ciel des étoiles sans nombreMa barque au loin douce à ramerHeureux celui qui devient sourdAu chant s'il n'est de son amourAveugle au jour d'après son jourSes yeux sur toi seule fermés
Heureux celui qui meurt d'aimerHeureux celui qui meurt d'aimer
D'aimer si fort ses lèvres closesQu'il n'ait besoin de nulle choseHormis le souvenir des rosesA jamais de toi parfuméesCelui qui meurt même à douleurA qui sans toi le monde est leurreEt n'en retient que tes couleursIl lui suffit qu'il t'ait nommée
Heureux celui qui meurt d'aimerHeureux celui qui meurt d'aimer
Mon enfant dit-il ma chère âmeLe temps de te connaître ô femmeL'éternité n'est qu'une pâmeAu feu dont je suis consuméIl a dit ô femme et qu'il taiseLe nom qui ressemble à la braiseA la bouche rouge à la fraiseA jamais dans ses dents formée
Heureux celui qui meurt d'aimerHeureux celui qui meurt d'aimer
Il a dit ô femme et s'achèveAinsi la vie, ainsi le rêveEt soit sur la place de grèveOu dans le lit accoutuméJeunes amants vous dont c'est l'âgeEntre la ronde et le voyageFou s'épargnant qui se croit sageCriez à qui vous veut blâmer
Heureux celui qui meurt d'aimerHeureux celui qui meurt d'aimer
Jean FerratHOP-LÀ NOUS VIVONSParoles: Henri Gougaud
Avec nos dents nickeléesEt nos coeurs battant la fêteL'oiseau rouge dans la têteLes cheveux mal ficelés
Hop-là hop-là hop-là nous vivonsHop-là hop-là hop-là nous vivons
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paroles ferrat
Avec nos rires barbaresComme des couteaux jetésDans le soleil qui nous faitLa peau couleur de guitare
Hop-là hop-là hop-là nous vivonsHop-là hop-là hop-là nous vivons
Sous les buildings de ParisOn chante comme l'orageEt la liberté fait rageDans nos coeurs mal équarris
Hop-là hop-là hop-là nous vivonsHop-là hop-là hop-là nous vivons
Nous sommes quelques millionsPour qui la vie se dévoreEn rêves multicoloresA belles dents de lion
Hop-là hop-là hop-là nous vivonsHop-là hop-là hop-là nous vivons
Nous habitons sur les routesQui mènent à l'amour fouNous marcherons jusqu'au boutJusqu'à en crever sans doute
Hop-là hop-là hop-là nous vivonsHop-là hop-là hop-là nous vivons
Et nous serons tous pareilsAu bout de l'heure dernièreNous chanterons pour nos frèresPour un éternel soleil
Hop-là hop-là hop-là nous vivonsHop-là hop-là hop-là nous vivons
Jean FerratHORIZONTALEMENTParoles: Roland Valade
VerticalementTu n'es pas une affaireJe sais bienMais horizontalementC'est toi que je préfèreEt de loin
Je me sens le plus tristeDes cruciverbistesCar je suisDerrière une grilleSeul où toi ma filleTu m'as misPour trouver ta définitionJe n'ai pas trente-six solutionsBelle comme l'amour futée comme un balaiTu es la source de tous mes mots croisés
VerticalementPage 47
paroles ferratTu n'es pas une affaireJe sais bienMais horizontalementC'est toi que je préfèreEt de loin
Après les extasesTu as quelques casesMal rempliesEn libertinageTu as pour ton âgeDu génieEn cinq lettres sur mon journalOn demande au trois verticalUn mal qui peut se dissiper la nuitEn pensant à toi j'ai trouvé l'ennui
VerticalementTu n'es pas une affaireJe sais bienMais horizontalementC'est toi que je préfèreEt de loin
Pourquoi dans nos phrasesTous nos mots se croisentPleins d'aigreurIdiots que nous sommesPuisque la nuit gommeNos erreursAu fond de notre carrée noireM'arrive une lueur d'espoirAlors j'oublie ce qui m'obsède chez toiQui n'as pas inventé l'eau tiède crois-moi
VerticalementTu n'es pas une affaireJe sais bienMais horizontalementC'est toi que je préfèreEt de loin
Mais horizontalementC'est toi que je préfèreEt de loin
Mais horizontalementC'est toi que je préfèreEt de loin
Jean FerratHOSPITALITÉParoles: Guy Thomas
Quand vous viendrez chez moi n'aura pas à s'en faireLa porte s'ouvrira n'aura le corridorEt vous serez chez vous souris dans un gruyèreLes volets seront mis pour oublier dehors
Je vous verrai venir ô ma moitié d'orangeJe vous attends depuis si longtemps souffle courtJe serai tout à coup saisi d'un mal étrangeJe serai sans parler je serai sans bonjour
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paroles ferrat
Mais vous aurez déjà posé votre mantilleVous m'aurez rapporté de la tarte aux copeauxDe la glace aux genêts du pâté de jonquillesVous saurez tout déjà vous serez du bateau
Vous serez au courant vous serez affranchieVous prendrez votre assiette au fond du poussiéreuxEt je vous couperai le quignon d'anarchieDans la miche du pauvre avec un couteau feu
Le chien n'est pas méchant qui grogne à tous les diablesQui m'aide à renvoyer proprement les salaudsIl viendra simplement se coucher sous la tableEt donner de la gueule aux coups de godillots
O ma cruelle amante, ô ma fragile épauleMa nudité ma blonde ô mon secret miroirVous viendrez sur mon lit vous viendrez dans ma geôleEt vous approcherez doucement l'éteignoir
Quand vous viendrez chez moi n'aura pas à s'en faireLa porte s'ouvrira n'aura le corridorEt vous serez chez vous souris dans un gruyèreLes volets seront mis pour oublier dehors
Jean FerratHOU HOU MÉFIONS-NOUS
On s'était connus à PigalleChez la femme d'un députéChez la femme d'un députéQui avait le goût du scandaleÉtant de la majoritéÉtant de la majoritéAvec sa barbe et son teint pâleSes cheveux pendant sur le couSes cheveux pendant sur le couSon vieux blue jean et ses sandalesIl paraissait vraiment dans le coupIl paraissait vraiment dans le coup
Hou hou méfions-nousLes flics sont partoutHou hou méfions-nousLes flics sont partout
Il m'entraîna tout feu tout flammeA une grande manifestationA une grande manifestationDe celles qui rassemblent à PanameLa fine fleur de la nationLa fine fleur de la nation"Allons faire la révolution"S'écrie mon étrange quidamS'écrie mon étrange quidam"Foutons les banquiers au violonFoutons le feu à Notre-DameFoutons le feu à Notre-Dame"
Hou hou méfions-nousLes flics sont partoutHou hou méfions-nous
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paroles ferratLes flics sont partout
"On va faire chanter le plasticAux oreilles du grand patronAux oreilles du grand patron"Rugit mon barbu frénétiqueEn fouillant dans son pantalonEn fouillant dans son pantalonDevant le peuple méduséIl n'en sortit qu'un étendardIl n'en sortit qu'un étendardOn rigolait à l'ElyséeC'était râpé pour le grand SoirC'était râpé pour le grand Soir
Hou hou méfions-nousLes flics sont partoutHou hou méfions-nousLes flics sont partout
Voyant sa tactique faillirVoilà qu'il m'invite à boire un coupVoilà qu'il m'invite à boire un coupDans sa chambre pour mieux saisirLa pensée de Mao Tsé-ToungDieu seul sait quel fut mon suppliceQuand je lui grimpais sur le dosQuand je lui grimpais sur le dosMais pour une fois que la policeOn peut la baiser comme il fautOn peut la baiser comme il faut
Hou hou méfions-nousLes flics sont partoutHou hou méfions-nousLes flics sont partout
L'assaut fut sans doute si rudeQu'il partit les jambes à son couQu'il partit les jambes à son couEn qualifiant mon attitudeDe trop avant-garde à son goûtDe trop avant-garde à son goûtDepuis qu'on sait son aventureJusqu'au revers de la médailleJusqu'au revers de la médailleIl paraît qu'à la préfectureY'a des volontaires en pagailleY'a des volontaires en pagaille
Hou hou méfions-nousLes flics sont partoutHou hou méfions-nousLes flics sont partout...
Jean FerratHOURRAH
On a les yeux de toutes les couleursLe rire aux lèvres et la colère au coeurEt des milliers de chansons dans la voixVous mes amis que je ne connais pas
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paroles ferratJe ne vous connais pasMais je vous imagineRien d'autre comme en moiQu'un rêve qui s'obstineHourrah!
On a le front mouillé de tous les cielsOn a l'amour aux rythmes essentielsDes rivages d'étoiles sous nos pasVous mes amis que je ne connais pas
Je ne vous connais pasMais je sais qui vous êtesDe grands poissons lilasDansent dans votre têteHourrah!
Depuis le temps qu'on joue les mêmes billesQue le temps passe au bras des mêmes fillesEt qu'à la source on boit le même vinVous mes amis je vous connais si bien
Et le temps d'un refrainEt l'espace d'un criEt le temps d'un refrainC'est pour vous que je crieHourrah!
Pour chaque fruit mûrit une saisonC'est en été que tombent les prisonsGrenade un jour aura brisé ses liensVous mes amis que je connais si bien
L'avenir, l'avenirOuvre ses jambes bleuesFaudra-t-il en mourirOu bien n'est-ce qu'un jeu?Hourrah!
Paris s'endort à l'heure où le matinUn autre monde est à moitié cheminEn nous aidant le Ciel nous aideraVous mes amis que je ne connais pasEn nous aidant le Ciel nous aideraVous mes amis que je ne connais pasHourrah!
Jean FerratILS VOLENT VOLENT VOLENT
Ils volent volent volentIls volent volent les ballonsDes petits joueurs de footballQui savent que leur monde est rondIls volent volent volentIls volent volent dans les ruesLes petits joueurs de footballDe l'Amérique aux pieds nus
Pour sortir de la favelaIl faut devenir championLa faim leur donne des ailesC'est la seule chance qu'ils ont
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paroles ferratLeurs yeux jettent des éclairsLe vent brûle leurs poumonsCourez courez, la misèreVous grignote les talons
Ils volent volent volentIls volent volent les dix doigtsDes petits joueurs de guitareCouleur de bossa-novaIls volent volent volentIls volent volent dans les ruesLes petits joueurs de guitareDe l'Amérique aux mains nues
Et leurs mains sont des oiseauxRafraîchissant de leurs ailesL'ombre chaude des ruellesDe l'Amérique en ponchosEt leur voix devient tonnerreEt leur chant devient frissonJouez jouez, la misèreCourt derrière vos chansons
Ils volent volent volentIls volent volent les espoirsDes petits joueurs de footballDes petits joueurs de guitareIls volent volent volentIls volent volent dans les ruesEn incarnant les symbolesDe l'Amérique aux pieds nusDe l'Amérique aux mains nues...
Jean FerratINDIEN
Pauvre pauvre pauvre IndienPlante un à unPlante plante un à unLe maïs en grains
Dure est la terreQue l'on arrache à la forêtDure est la terreOù il vivra jusqu'à l'étéSolitaireLa faim au ventreIl attendra de voir monterLa faim au ventreLes maigres tiges à récolterEntre les pierres
Pauvre pauvre pauvre IndienPlante un à unPlante plante un à unLe maïs en grains
Dans son villageIl a laissé femme et enfantsDans son villageQui l'attendent depuis longtempsSans colèreLa terre est rouge
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paroles ferratRouges ses mains rouge son coeurLa terre est rougeFrère sa peau a la couleurQui nous est chère
Pauvre pauvre pauvre IndienPlante un à unPlante plante un à unLe maïs en grains
Jean FerratINTOX
Quand je me sens malDans ma peauJe peux faire la malleIllicoDès que la speakerineOuvre son tiroirJ'ai mon héroïneAvec télé-soir
Je vois des chauve-souris rosesJe suis sûr d'avoir ma doseIntox intox intoxiquéOpium opium télévisé
Si je n'ai pas de veineJ'ai du pifQuand je change de chaîneC'est du kifJe me fais des piqûresFort économiquesAvec leurs figuresDe barbituriques
Je vois les chauve-souris rosesJe sens que j'ai déjà la doseIntox intox intoxiquéOpium opium télévisé
Quand ma viragoFait des dramesEn tournant le dosA mon âmeAvec leur programmePas besoin de femmesC'est un C.D.R.Qui m'envoie en l'air
Je suis une chauve-souris roseJe sens que j'ai la super doseIntox intox intoxiquéOpium opium télévisé
Mais j'arrive au boutDe mon rouleauQuand y'a le présidouAu microJe suis plus dans la courseSur mon canapéJe me le tape en douceComme du L.S.D.
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paroles ferrat
Je vois même la vie en roseJ'ai dû dépasser la doseIntox intox intoxiquéJe suis fou je suis fou je suis fou à lier...
Jean FerratJ'AI FROID
Le vent du midi s'abat en rafalesSur la vallée noire où les arbres ploientLeurs bras désolés fument des gitanesJ'ai froidUne fois de plus tous les droits de l'hommeSont foulés aux pieds sont jetés à basLes maîtres sanglés dans leurs uniformesJ'ai froid
Une fois de plus la grande injusticeLa force imbécile triomphe du droitQuand la liberté tombe sa pelisseJ'ai froidEncore une fois les lettres anonymesLa bêtise épaisse en guise de loiLa salve éclatant au milieu de l'hymneJ'ai froid
Si la bête immonde sort de sa tanièreNous retrouverons le chemin des boisMets dans ma valise un gros pull-overJ'ai froidDans tes yeux soudain ivres de colèreLa révolte éclaire un grand feu de boisQuand fera-t-il donc le tour de la terreJ'ai froid
Quand fera-t-il donc le tour de la terreJ'ai froid
Jean FerratJ'ARRIVE OÙ JE SUIS ÉTRANGERPoème d'Aragon
Rien n'est précaire comme vivreRien comme être n'est passagerC'est un peu fondre comme le givreEt pour le vent être légerJ'arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontièreD'où viens-tu mais où vas-tu doncDemain qu'importe et qu'importe hierLe coeur change avec le chardonTout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempeTouche l'enfance de tes yeuxMieux vaut laisser basses les lampesLa nuit plus longtemps nous va mieux
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paroles ferratC'est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automneMais l'enfant qu'est-il devenuJe me regarde et je m'étonneDe ce voyageur inconnuDe son visage et ses pieds nus
Peu à peu tu te fais silenceMais pas assez vite pourtantPour ne sentir ta dissemblanceEt sur le toi-même d'antanTomber la poussière du temps
C'est long vieillir au bout du compteLe sable en fuit entre nos doigtsC'est comme une eau froide qui monteC'est comme une honte qui croîtUn cuir à crier qu'on corroie
C'est long d'être un homme une choseC'est long de renoncer à toutEt sens-tu les métamorphosesQui se font au-dedans de nousLentement plier nos genoux
O mer amère, ô mer profondeQuelle est l'heure de tes maréesCombien faut-il d'années-secondesA l'homme pour l'homme abjurerPourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n'est précaire comme vivreRien comme être n'est passagerC'est un peu fondre comme le givreEt pour le vent être légerJ'arrive où je suis étranger
Jean FerratJ'AURAIS SEULEMENT VOULU
Qu'aurais-je été qu'aurais-je étéSi ce n'est au violon ce qu'est la chanterelleCette corde que fait chanterVivaldi au printemps couleur de tourterelle
J'aurais simplement voulu être heureuxJ'aurais simplement vouluLa la la la la la la laJ'aurais seulement voulu
Qu'aurais-je été qu'aurais-je étéS'il ne montait ce chant au travers de ma gorgeTémoin de la réalitéDu monde de malheur que les hommes se forgent
J'aurais simplement voulu être heureuxJ'aurais simplement vouluLa la la la la la la laJ'aurais seulement voulu
Qu'aurais-je été qu'aurais-je étéSinon cet inconnu qui croit qu'on lui pardonne
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paroles ferratPour son accent de véritéDe ravir au passant la chanson qu'il fredonne
J'aurais simplement voulu être heureuxJ'aurais simplement vouluLa la la la la la la laJ'aurais seulement voulu
Qu'aurais-je été qu'aurais-je étéSinon cette vallée que tous les vents traversentMes certitudes ballottéesCes mots à peine éclos à mes lèvres qui gercent
J'aurais tant voulu vivre un monde heureuxJ'aurais seulement vouluLa la la la la la la laJ'aurais seulement voulu
Jean FerratJ'ENTENDS J'ENTENDSPoème d'Aragon
J'en ai tant vu qui s'en allèrentIls ne demandaient que du feuIls se contentaient de si peuIls avaient si peu de colère
J'entends leurs pas j'entends leurs voixQui disent des choses banalesComme on en lit sur le journalComme on en dit le soir chez soi
Ce qu'on fait de vous hommes femmesO pierre tendre tôt uséeEt vos apparences briséesVous regarder m'arrache l'âme
Les choses vont comme elles vontDe temps en temps la terre trembleLe malheur au malheur ressembleIl est profond profond profond
Vous voudriez au ciel bleu croireJe le connais ce sentimentJ'y crois aussi moi par momentsComme l'alouette au miroir
J'y crois parfois je vous l'avoueA n'en pas croire mes oreillesAh je suis bien votre pareilAh je suis bien pareil à vous
A vous comme les grains de sableComme le sang toujours verséComme les doigts toujours blessésAh je suis bien votre semblable
J'aurais tant voulu vous aiderVous qui semblez autres moi-mêmeMais les mots qu'au vent noir je sèmeQui sait si vous les entendez
Tout se perd et rien ne vous touchePage 56
paroles ferratNi mes paroles ni mes mainsEt vous passez votre cheminSans savoir que ce que dit ma bouche
Votre enfer est pourtant le mienNous vivons sous le même règneEt lorsque vous saignez je saigneEt je meurs dans vos mêmes liens
Quelle heure est-il quel temps fait-ilJ'aurais tant aimé cependantGagner pour vous pour moi perdantAvoir été peut-être utile
C'est un rêve modeste et fouIl aurait mieux valu le taireVous me mettrez avec en terreComme une étoile au fond d'un trou
Jean FerratJ'IMAGINEParoles: Henri Gougaud
J'imagineLa révolte prêchée par quelques douces femmesDeux mille ans de prisons dévorés par les flammesJ'imagineL'amour faisant l'amour, la vie faisant le resteUne révolution sans un mot, sans un geste
Et la grande liberté au poing la roseEt la grande liberté la rose au poingEt la grande liberté la rose au poing
J'imagineUn peuple dynamite et pourtant sans défenseTout en lui ne serait qu'amour et transparenceJ'imagineUn hiver tout de neige et fleurissant quand mêmePour des femmes chansons, pour des hommes poèmes
Et la grande liberté au poing la roseEt la grande liberté la rose au poingEt la grande liberté la rose au poing
J'imagineL'Occident sans ghettos, le Brésil sans tortureEt l'Afrique riant comme source d'eau pureJ'imagineLe soleil se levant sur l'Asie douce et libreLa vie enfin, la vie comme il faudra la vivre
Et la grande liberté au poing la roseEt la grande liberté la rose au poingEt la grande liberté la rose au poing
Jean FerratJE MEURS
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paroles ferratParoles: Pierre Grosz
Je meurs d'une petite fièvreAvec un prénom sur mes lèvresEt quelques souvenirs heureuxQuelque part au fond de mes yeux
Je vois la chose comme un acteurQue ses amis trouvent menteurQuand son coeur à son dernier bondLe fait grimacer pour de bon
Alors moi je ris doucementComme on rit aux enterrementsEn me disant qu'au fond mourirC'est ne plus s'arrêter de rire
Je meurs d'une petite fièvreAvec un prénom sur mes lèvresEt quelques souvenirs heureuxQuelque part au fond de mes yeux
Je m'en vais comme je suis venuUn peu plus calme un peu moins nuJe pars en voyage vers la terreQui peut m'expliquer ce mystère
A moins peut-être qu'un de ces quatreJ'entende enfin au transistorDes nouvelles du vaccin-miracleQui guérira l'homme de la mort
Je meurs d'une petite fièvreAvec un prénom sur mes lèvresEt quelques souvenirs heureuxQuelque part au fond de mes yeux
Jean FerratJE NE CHANTE PAS POUR PASSER LE TEMPSParoles et musique: Jean Ferrat
Il se peut que je vous déplaiseEn peignant la réalitéMais si j'en prends trop à mon aiseJe n'ai pas à m'en excuserLe monde ouvert à ma fenêtreQue je referme ou non l'auventS'il continue de m'apparaîtreComment puis-je faire autrement
Je ne chante pas pour passer le temps
Le monde ouvert à ma fenêtreComme l'eau claire le torrentComme au ventre l'enfant à naîtreEt neige la fleur au printempsLe monde ouvert à ma fenêtreAvec sa dulie ses horreursAvec ses armes et ses reîtresAvec son bruit et sa fureur
Je ne chante pas pour passer le tempsPage 58
paroles ferrat
Mon Dieu mon Dieu tout assumerL'odeur du pain et de la roseLe poids de ta main qui se poseComme un témoin du mal d'aimerLe cri qui gonfle la poitrineDe Lorca à MaiakowskiDes Poètes qu'on assassineOu qui se tuent pourquoi pour qui
Je ne chante pas pour passer le temps
Le monde ouvert a ma fenêtreEt que je brise ou non la glaceS'il continue à m'apparaîtreQue voulez-vous donc que j'y fasseMon coeur mon coeur si tu t'arrêtesComme un piano qu'on désaccordeQu'il me reste une seule cordeEt qu'à la fin mon chant répète
Je ne chante pas pour passer le temps
Jean FerratJE NE PUIS VIVRE QUE DE TOI
Comme à l'amour est l'eau fraîcheQuand tu me dis boisComme le sont à l'ArdècheSes landes ses boisComme Marie dans la crècheAttendait les roisJe ne puis vivreJe ne puis vivre que de toi
Je passais sans t'apercevoirComme le vent dans les lilasComme les peuples dans l'histoireMais il fallait que je te voie
Le torrent laisse sa traceAu flanc du rocherSi demain le temps effaceCe que j'ai étéQu'il me laisse au moins ma placeEn tes bras creuséeOù j'ai pu vivreOù j'ai pu vivre et t'aimer
Mon amour ma cartomancienneL'avenir point entre tes brasComme l'aube entre les persiennesIl sera ce qu'on veut qu'il soit
Comme à l'amour est l'eau fraîcheQuand tu me dis boisComme le sont à l'ArdècheSes landes ses boisComme Marie dans la crècheAttendait les roisJe ne puis vivreJe ne puis vivre que de toiJe ne puis vivre
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paroles ferratJe ne puis vivre que de toi
Jean FerratJE NE SUIS QU'UN CRIParoles: Guy Thomas
Je ne suis pas littératureJe ne suis pas photographieNi décoration ni peintureNi traité de philosophie
Je ne suis pas ce qu'on murmureAux enfants de la bourgeoisieJe ne suis pas saine lectureNi sirupeuse poésie
Je ne suis qu'un cri
Non je n'ai rien de littéraireJe ne suis pas morceaux choisisJe serais plutôt le contraireDe ce qu'on trouve en librairie
Je ne suis pas livre ou bréviaireNi baratin ni théorieQu'on range entre deux dictionnairesOu sur une table de nuit
Je ne suis qu'un cri
Je n'ai pas de fil à la patteJe ne viens pas d'une écurieNon je ne suis pas diplomateJe n'ai ni drapeau ni patrie
Je ne suis pas rouge écarlateNi bleu ni blanc ni cramoisiJe suis d'abord un cri pirateDe ces cris-là qu'on interdit
Je ne suis qu'un cri
Je ne suis pas cri de plaisanceNi gueulante de comédieLe cri qu'on pousse en apparencePour épater la compagnie
Moi si j'ai rompu le silenceC'est pour éviter l'asphyxieOui je suis un cri de défenseUn cri qu'on pousse à la folie
Je ne suis qu'un cri
Pardonnez si je vous dérangeJe voudrais être un autre bruitÊtre le cri de la mésangeN'être qu'un simple gazouillis
Tomber comme un flocon de neigeÊtre le doux bruit de la pluieMoi je suis un cri qu'on abrègeJe suis la détresse infinie
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paroles ferrat
Je ne suis qu'un cri
Jean FerratJE VOUS AIME
Pour ce rien, cet impondérableQui fait qu'on croit à l'incroyableAu premier regard échangéPour cet instant de trouble étrangeOù l'on entend rire les angesAvant même de se toucherPour cette robe que l'on frôleCe châle qui tend vos épaulesEn haut des marches d'escalierJe vous aimeJe vous aime
Pour la lampe déjà éteinteEt la première de vos plaintesLa porte à peine referméePour vos dessous qui s'éparpillentComme des grappes de jonquillesAux quatre coins du lit seméesPour vos yeux de vague mouranteEt ce désir qui s'impatienteAux pointes de vos seins levéesJe vous aimeJe vous aime
Pour vos toisons de ronces doucesQui me retiennent, me repoussentQuand mes lèvres vont s'y noyerPour vos paroles, démesuresLa source, le chant, la blessureDe votre corps écarteléPour vos reins de houle profondePour ce plaisir qui vous inondeEn long sanglots inachevésJe vous aimeJe vous aime
Jean FerratL'ADRESSE DU BONHEURParoles: Henri Gougaud
Le jour où un oeil froid, un arbre écheveléÉmerge de la brume en ébrouant ses branchesLes trottoirs de Paris rechaussent leurs souliersOn rêve encore un peu d'une aube toute blancheLes gares grises s'ouvrent aux regards exilés
Dis-moi l'adresse du bonheur
Je sors les yeux gonflés d'un rêve éblouissantSur la rumeur du monde à peine je surnage
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paroles ferratJ'étais dans les nuées, je descends, je descendsUn transistor me crache une bordée d'oragesDans mon regard se noient des millions de passants
Dis-moi l'adresse du bonheur
J'aimerais me saouler d'une goulée d'air purDroit sous des palmeraies que le soleil parfumeBoire loin de Paris l'alcool de l'aventureLà-bas dans l'or du sable et l'argent de l'écumeLà-bas tellement loin qu'on dirait le futur
Dis-moi l'adresse du bonheur
Je marche malgré l'ordre et le poids du travailEt jeudi midi sonne aux clochers des usinesHors des chemins battus je cherche mon bercailL'enfant Fraternité dans les rues sans vitrinesPour tout illuminer d'un rire de corail
Dis-moi l'adresse du bonheur, enfantDis-moi l'adresse du bonheur
Jean FerratL'AMOUR EST CERISE
Rebelle et soumisePaupières baisséesQuitte ta chemiseBelle fiancéeL'amour est ceriseEt le temps presséC'est partie remisePour aller danser
Autant qu'il nous sembleRaisonnable et fouNous irons ensembleAu-delà de toutPrête-moi ta bouchePour t'aimer un peuOuvre-moi ta couchePour l'amour de Dieu
Laisse-moi sans crainteVenir à genouxGoûter ton absintheBoire ton vin douxO rires et plaintesO mots insensésLa folle complainteS'est vite élancée
Défions le mondeEt ses interditsTon plaisir inondeMa bouche ravieVertu ou licencePar Dieu je m'en fousJe perds ma semenceDans ton sexe roux
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paroles ferratO Pierrot de luneO monts et merveillesVoilà que ma plumeTombe de sommeilEt comme une louveAux enfants frileuxLa nuit nous recouvreDe son manteau bleu
Rebelle et soumisePaupières lasséesRemets ta chemiseBelle fiancéeL'amour est ceriseEt le temps passéC'est partie remisePour aller danser
Jean FerratL'ÂNEParoles: Guy Thomas
Il est au milieu de la routeLe stupide aliboronIl est là qui nous écouteAvec sa tête de cochonIl poussera pas sa barbaqueIl est guère accommodantAh vraiment la tête à claquesAh l'âne de Buridan
Il obstrue la voie publiqueAvec son vieux char-à-bancsIl comprend pas nos mimiquesNos solides argumentsIl a rien dans la cabocheLe baudet récalcitrantIl mériterait des talochesIl est pas intelligent
Il aurait pu l'imbécileProvoquer des accidentsFroisser nos automobilesDéranger les occupantsAllons viens vite hue cocottePar ici t'auras du sonIl comprend pas la carotteIl comprend pas le bâton
Surtout faut pas qu'on y toucheIl a des plaies sur la peauAvec du sang pour les mouchesDu pus pour les asticotsIl manquerait plus qu'il s'affaleCe serait pas rigoloLe stupide onocéphaleAh le maudit bourricot
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paroles ferrat
Jean FerratL'ÉLOGE DU CÉLIBATParoles: Pierre Frachet
La fille que j'aurai un jourDans la peauJe crois bien qu'elle est toujoursAu berceauJe ne brûle jamais à ma flammeLe même boisJe suis de ceux qui n'aiment qu'une femmeA la foisComme dit le proverbe normandFamilierFaut pas mettre tous ses oeufs dansLe même panierJe suis pas le client de monsieur le maireDieu merciJe suis un célibataireEndurci
Tous les deux ou trois dimancheEn dansantJe me cueille par les hanchesUne enfantJe l'effeuille sans préludesEt pardiJe la renvoie à ses étudesLe lundiJe mène ainsi bien à l'aiseGrâce au cielDans mon année douze ou treizeLunes de mielJ'ai pas l'occasion de m'en faireDieu merciJe suis un célibataireEndurci
Tu raisonnes de la sorteJusqu'au jourOù le petit Jésus t'apporteUn amourUne môme ni plus ni moins belleQue beaucoupMais qui mettra la ficelleA ton couOn a soudain moins envieDe changerElle est si blonde qu'on oublieLe dangerEt un beau soir on enterreEntre amisSa vie de célibataireEndurci
Quand la morale d'une histoireEst tiréeComme dit l'autre il faut la boireDe bon gréA ma chanson y en a uneQue voiciElle me vaudra des rancunesMais tant pisDans le célibat on se ménageDu bon tempsMais son plus bel avantageCependant
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paroles ferratMa femme dira pas le contraireJe parieC'est quand un célibataireSe marie
Jean FerratL'EMBELLIE
Écris quelque chose de joliDes vers peut-être ou de la proseUn instant de rêve et de pauseDans le tumulte de la vieÉcris quelque chose de joliQuelques mots de bleu et de roseUn moment de métamorphoseQue tu nommerais l'embellie
L'embellie l'embellieL'embellie l'embellie
Verse un peu de joie dans nos coeursAvec des riens qui vous délivrentUn peu d'espoir et de douceurOn en a tant besoin pour vivre
Écris quelque chose de joliL'odeur des lilas et des rosesChante-nous la beauté des chosesDans les yeux de l'homme éblouiÉcris quelque chose de joliL'aube entre nos bras qui reposeLa seconde où lèvres mi-closesLe plaisir vient comme la pluie
L'embellie l'embellieL'embellie l'embellie
Ces mots à peine murmurésDans la tendresse qu'on devineBaigné de musique angevineLe temps sur nous s'est refermé
Je l'aurais voulu si joliCe poème en bleu et en roseCet instant de rêve et de pauseDans le tumulte de la vieJe l'aurais voulu si joliMon amour en qui tout reposeEt que nul ne puisse ni n'oseDouter que tu es dans ma vie
L'embellie l'embellieL'embellie l'embellie
Jean FerratL'HOMME À L'OREILLE COUPÉE
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paroles ferratParoles: Claude Delecluse et Michelle Senlis
Ce qui poussait toujours VincentA peindre ces incandescentsSoleils jaunes et tournoyantsTout ce qui a fait de LautrecCet oiseau noir claquant du becAux carreaux des bistrots du TertreEt ce qui en poussa bien d'autresGueules d'archange, gueules d'apôtreA se fuir dans tous les miroirsC'était le même désespoir
Et l'homme à l'oreille coupéeMe traînait toujours à ses piedsComme la terre à ses souliers
Ce qui chassait toujours VincentDu chemin des honnêtes gensJusque dans sa chambre aux murs blancsTout ce qui a fait grimacerToulouse durant des annéesDu même rire désespéréEt ce qui en chassa bien d'autresGueules d'archange, gueules d'apôtreDe l'aube grise jusqu'au soirC'était le même désespoir
Et l'homme à l'oreille coupéeMe traînait toujours à ses piedsComme la terre à ses souliers
Ce qui a crucifié VincentSur sa toile durant trente ansUn pinceau bleu entre les dentsEt ce qui épingla LautrecSous les lampes comme un insecteDu Moulin Rouge à la rue BertheOui, ces deux-là et tous les autresGueules d'archange, gueules d'apôtreOnt-ils enfin trouvé l'espoirDe l'autre côté du miroir
Jean FerratL'HOMME SANDWICH
L'homme sandwich a de la peineIl voudrait bien aller flânerAvec les gens qui se promènentSous le soleil des beaux quartiersL'homme sandwich traîne la semelleSa silhouette sur le boulevardPrend des allures de caravelleBattu par les vents du hasard
Il y a la mer immenseEt des visages qui défilent devant luiIl y a Paris qui mène le tapageEt qui roule comme la vieIl cueille le soleilLes rires des enfantsEt des morceaux de ciel
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paroles ferratDans les yeux des amantsDes feuilles et des papiers multicoloresQu'il remet à tous les passantsS'envolent pour le suivre longtemps encoreEn tourbillonnant dans le ventEt les mains dans les pochesIl s'éloigne en rêvantTandis que deux gavrochesLes ramassent en riant
L'homme sandwich a de la peineIl voudrait bien aller flânerAvec les gens qui se promènentSous les soleils des beaux quartiers
Il voit mille étalages la lumièreRuisselant au nez des badaudsIl voit blotti sous les porte cochèreL'amour éclater en sanglotsTandis que par leurs crisDe bar les camelotsEssaient de faire la pigeAux marchands de journauxSortie des magasins et des usinesTout s'embrouille dans son esprit
Taxi métro vélo les gens piétinentEn se bousculant dans la nuitEt chipant au passageCe dont il a envieIl cueille des imagesDans le coeur de Paris
L'homme sandwich traîne la semelleEn croisant la foule du soirOui mais la foule comme la SeineS'écoule en lui disant bonsoir
Jean FerratL'IDOLE À PAPA
Il y avait deux clans dans la familleDu temps où j'étais un moufletTino Rossi faisait pâmer les fillesEt tous les garçons rigolaientEt je me dis qu'aujourd'hui mêmeC'est peut-être pareil pour moiLes unes rêvent en murmurant "Je t'aime"Les autres ricanent tout bas
Tu peux m'ouvrir cent fois les brasC'est toujours la première foisTu peux m'ouvrir cent fois les brasC'est toujours la première fois
Évidemment, après trente ans passésA écouter "Marinella"Même en ayant de la suite dans les idéesOn ne se bat plus comme chien et chatOn dit plutôt dans un sourire"Il était pas si mal que çaDepuis le temps que nous entendons pire"En sera-t-il pareil pour moi?
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paroles ferrat
Pourtant, que la montagne est belleComment peut-on s'imaginerEn voyant un vol d'hirondellesQue l'automne vient d'arriver?
Oui dans trente ans du train où vont les chosesDieu sait ce qu'il adviendra de moiMais s'il me reste à la bouche une roseQui jette encore un peu d'éclatQuand de jeunes contestatairesMettront leurs grands pieds dans mon platJe leur dirai "Tino, que je suis fierD'être encore l'idole à Papa"
Faut-il pleurer, faut-il en rireFait-il envie ou bien pitiéJe n'ai pas le coeur à le direOn ne voit pas le temps passer
Jean FerratLA BOLDOCHÉVIQUE
Si les paysans bretonsSi les paysans bretonsVous font pousser des boutonsVous font pousser des boutonsSi vous avez des vapeursDevant les viticulteursSi les cris des commerçantsSi les cris des commerçantsRamollissent vos tympansRamollissent vos tympansSi devant les ouvriersVous vous sentez des nauséesNe soyez donc plus si moroseUn petit régime s'impose
La boldochévique la boldochéviqueLa bonne tisane du bourgeoisLa boldochévique la boldochéviqueLa bonne tisane du bourgeois
Si devant les fonctionnairesSi devant les fonctionnairesVous durcissez des artèresVous durcissez des artèresSi devant les étudiantsVous avez très mal aux dentsSi devant les professeursSi devant les professeursVous éprouvez tant d'aigreursVous éprouvez tant d'aigreursSi même vos policiersArrivent à vous constiperNe vous rongez plus la cervelleVous retournerez à la selle
La boldochévique la boldochéviqueLa bonne tisane du bourgeoisLa boldochévique la boldochéviqueLa bonne tisane du bourgeois
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paroles ferratSi ces sacrés syndicatsSi ces sacrés syndicatsVous démolissent le foieVous démolissent le foieSi devant les grandes grèvesVotre estomac se soulèveSi les manifestationsSi les manifestationsFont sauter votre tensionFont sauter votre tensionSi devant l'unité d'actionVous frisez la congestionVotre régime en est la causeUn petit changement s'impose
La boldochévique la boldochéviqueLa bonne tisane du bourgeoisLa boldochévique la boldochéviqueLa boldochévique vous guérira
Jean FerratLA BOURRÉE DES TROIS CÉLIBATAIRES
Avec le commodore et avec l'ami PierreCe qu'on va s'en payer mes petits rigolosEn dansant la bourrée des trois célibatairesNos femmes ont fait la malle avec leur libido
La belle GinetteQui faisait la fêtePlus qu'il n'eût falluAujourd'hui pauvretteVoilà qu'elle regretteSes moeurs dissoluesC'est dans une secteEn mal de prophèteQu'elle prêche à gogoParait que c'est une phasePour être en extaseAvec son égo
Avec le commodore et avec l'ami PierreCe qu'on va s'en payer mes petits rigolosEn dansant la bourrée des trois célibatairesNos femmes ont fait la malle avec leur libido
La grande GertrudeQui jouait les prudesAvec son mariLe nez long d'un mètreNe passait pas pour êtreUne affaire au litVoilà qu'à son âgeChangement d'herbageRéjouit les veauxC'est trois fois dans l'heureQu'elle fait le bonheurDe son gigolo
Avec le commodore et avec l'ami PierreCe qu'on va s'en payer mes petits rigolosEn dansant la bourrée des trois célibatairesNos femmes ont fait la malle avec leur libido
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paroles ferrat
Quant à la GermaineAvec ses migrainesA longueur d'annéeLes jours de reprocheSes yeux dans les pochesMe faisaient loucherPlus je voyais doublePlus j'avais des troublesInconsidérésC'est d'une overdoseDe sa ménopauseQue j'ai succombé
Avec le commodore et avec l'ami PierreCe qu'on va s'en payer mes petits rigolosEn dansant la bourrée des trois célibatairesNos femmes ont fait la malle avec leur libido
A vivre en ménageTout trois sans nuageOn est décidéDu côté cuisineSans être misogyneOn sait se débrouillerPour la bagatelleOn verra lequelSera désignéC'est pas dans les livresQu'on apprend à vivreEn communauté
Avec le commodore et avec l'ami PierreCe qu'on va s'en payer mes petits rigolosEn dansant la bourrée des trois célibatairesNos femmes ont fait la malle avec leur libido
Jean FerratLA CAVALE
Vingt ans au bagne ou à perpetteLes gaffes collés sur les arêtesComme des empreintes digitalesMalgré les chaînes et les bouletsVissés dans l'âme et dans les piedsLes assassins et les pédalesElle reste nichée dans ta têteAvec des couleurs de pâqueretteDe petite fleur qui met les voiles
La cavale, la cavale
Avec ces amours qui s'arrêtentPas plutôt dites qu'aussitôt faitesPour devenir loi conjugaleTrois mômes et la vie à perpetteAvec une femme qui te débecteComme un paquet de linge saleElle est nichée dans ta cervelleAvec des allures de pucelleQu'on finit pas d'ôter ses voiles
La cavale, la cavalePage 70
paroles ferrat
Malgré l'avenir qu'on projetteSur tes vingt ans comme une arêteOu tu t'étrangles ou tu l'avalesAvoir à l'âge de la retraiteQuatre poireaux en vinaigrettePour satisfaire ta fringaleElle te fait sortir dans la rueEn levant tes deux poings aux nuesPour tenter d'atteindre une étoile
La cavale, la cavale
Avec pour couronner la fêteCe régime sur les arêtesQu'en finit pas de faire la malleAvec ses requins ses pouletsAvec ses banquiers ses valetsEt leurs discours sur la moraleElle reste nichée dans ta têteAvec des couleurs de pâqueretteDe petite fleur qui met les voiles
La cavale, la cavale...
Jean FerratLA COMMUNEParoles: Georges Coulonges
Il y a cent ans commun communeComme un espoir mis en chantierIls se levèrent pour la CommuneEn écoutant chanter PotierIl y a cent ans commun communeComme une étoile au firmamentIls faisaient vivre la CommuneEn écoutant chanter Clément
C'étaient des ferronniersAux enseignes fragilesC'étaient des menuisiersAux cent coups de rabotsPour défendre ParisIls se firent mobilesC'étaient des forgeronsDevenus des meublots
Il y a cent ans commun communeComme artisans et ouvriersIls se battaient pour la CommuneEn écoutant chanter PotierIl y a cent ans commun communeComme ouvriers et artisansIls se battaient pour la CommuneEn écoutant chanter Clément
Devenus des soldatsAux consciences civilesC'étaient des fédérésQui plantaient un drapeauDisputant l'avenirAux pavés de la ville
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paroles ferratC'étaient des forgeronsDevenus des héros
Il y a cent ans commun communeComme un espoir mis au charnierIls voyaient mourir la CommuneAh! Laissez-moi chanter PotierIl y a cent ans commun communeComme une étoile au firmamentIls s'éteignaient pour la CommuneÉcoute bien chanter Clément
Jean FerratLA JEUNESSEParoles: Georges Coulonges
Quand tu applaudiras sur la cendre du stadeLes garçons de l'été au torse de couleurLorsque tu les verras vibrer devant l'estradeOù Vilard et Blanchon se firent bateleursLorsque tu les verras sur les neiges en penteÉcrire en noir et blanc et le risque et l'effortQuand les filles riront avec leur peau brûlanteEt la mer qui ruisselle attachée à leur corps
Alors tu comprendras, alors tu aimerasLa jeunesse, la jeunesse, la jeunesse
Quand ils t'agaceront, ces sourires futilesCes vacarmes du soir, ces indécents chahutsQuand tu t'affligeras du juke-box imbécileEt des danses nouvelles que tu ne danses plusQuand le monôme idiot te barrera la routeRevient donc sur tes pas, ils mènent au printempsEt tu murmureras pour celle qui t'écoute"Lorsque je faisais ça, moi j'avais dix-sept ans"
Alors tu comprendras, alors tu aimerasLa jeunesse, la jeunesse, la jeunesse
Quand tu seras ému devant leur joie de vivreDevant leur soif d'amour quand tu auras pleuréPour un Alain-Fournier vivant le temps d'un livreOu bien pour Guy Moquet mourant au temps d'aimerLe temps d'aimer se perd, le temps est ce qui passeLe temps est ce qui meurt, l'espoir est ce qui naîtRegarde ces garçons, ces filles qui s'embrassentIl va naître pour eux le temps que tu voulais
Alors tu aimeras, alors tu saluerasLa jeunesse, la jeunesse, la jeunesse
Jean Ferrat et Christine SèvresLA MATINÉE
La matinée se lèveToi debout, il est temps
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paroles ferratAttends encore, attendsJ'ai pas fini mon rêve
Le soleil nous inondeRegarde-moi ce bleu
Attends encore un peuJe refaisais le monde
Lève-toi donc, respireQuel printemps nous avons
J'efface mille avionsUne guerre, un empire
Faut labourer la terreEt tirer l'eau du puits
Changer la vie et puisAbolir la misère
Regarde l'alouetteIl est midi sonné
Le monde abandonnéJe le donne au poète
Allons, viens dans la vigneLe soleil est très haut
Le monde sera beauJe l'affirme, je signe
Le monde sera beauJe l'affirme, je signe
Jean FerratLA MONTAGNE
Ils quittent un à un le paysPour s'en aller gagner leur vieLoin de la terre où ils sont nésDepuis longtemps ils en rêvaientDe la ville et de ses secretsDu formica et du cinéLes vieux, ça n'était pas originalQuand ils s'essuyaient machinalD'un revers de manche les lèvresMais ils savaient tous à proposTuer la caille ou le perdreauEt manger la tome de chèvre
Pourtant que la montagne est belleComment peut-on s'imaginerEn voyant un vol d'hirondellesQue l'automne vient d'arriver?
Avec leurs mains dessus leurs têtesIls avaient monté des murettesJusqu'au sommet de la collineQu'importent les jours, les annéesIls avaient tous l'âme bien néeNoueuse comme un pied de vigne
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paroles ferratLes vignes, elles courent dans la forêtLe vin ne sera plus tiréC'était une horrible piquetteMais il faisait des centenairesA ne plus savoir qu'en faireS'il ne vous tournait pas la tête
Pourtant que la montagne est belleComment peut-on s'imaginerEn voyant un vol d'hirondellesQue l'automne vient d'arriver?
Deux chèvres et puis quelques moutonsUne année bonne et l'autre nonEt sans vacances et sans sortiesLes filles veulent aller au balIl n'y a rien de plus normalQue de vouloir vivre sa vieLeur vie, ils seront flics ou fonctionnairesDe quoi attendre sans s'en faireQue l'heure de la retraite sonneIl faut savoir ce que l'on aimeEt rentrer dans son H.L.M.Manger du poulet aux hormones
Pourtant que la montagne est belleComment peut-on s'imaginerEn voyant un vol d'hirondellesQue l'automne vient d'arriver?
Jean FerratLA FEMME EST L'AVENIR DE L'HOMME
Le poète a toujours raisonQui voit plus haut que l'horizonEt le futur est son royaumeFace à notre générationJe déclare avec AragonLa femme est l'avenir de l'homme
Entre l'ancien et le nouveauVotre lutte à tous les niveauxDe la nôtre est indivisibleDans les hommes qui font les loisSi les uns chantent par ma voixD'autres décrètent par la bible
Le poète a toujours raisonQui détruit l'ancienne oraisonL'image d'Eve et de la pommeFace aux vieilles malédictionsJe déclare avec AragonLa femme est l'avenir de l'homme
Pour accoucher sans la souffrancePour le contrôle des naissancesIl a fallu des millénairesSi nous sortons du moyen âgeVos siècles d'infini servagePèsent encore lourd sur la terre
Le poète a toujours raisonQui annonce la floraison
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paroles ferratD'autres amours en son royaumeRemet à l'endroit la chansonEt déclare avec AragonLa femme est l'avenir de l'homme
Il faudra réapprendre à vivreEnsemble écrire un nouveau livreRedécouvrir tous les possiblesChaque chose enfin partagéeTout dans le couple va changerD'une manière irréversible
Le poète a toujours raisonQui voit plus haut que l'horizonEt le futur est son royaumeFace aux autres générationsJe déclare avec AragonLa femme est l'avenir de l'homme
Jean FerratLA FÊTE AUX COPAINSParoles: Georges Coulonges
C'est la fête aux copainsC'est la fête à PantinC'est la fête à PanameC'est la fête aux LilasLa fête ici et làC'est la fête à mon âme
Il y a du défiléDu bal dans les quartiersDes mouflets que l'on grondeC'est la fête aux barbusC'est la fête aux cocusC'est la fête à tout le monde
Quatorze, c'est fou ce que t'es tristeQuand sur un édificeT'es suivi de dix-huitQuatorze, c'est fou ce que t'es gaiQuand au calendrierT'es suivi de Juillet
C'est la fête aux copainsC'est la fête aux trottinsQui suivent la musiqueC'est la fête aux marinsQui montrent dans un coinComme on danse en Afrique
C'est la fête à TaupinLe vieux républicainQui règle les sous-tassesC'est la fête aux tamboursC'est la fête à l'amourOù tout le monde s'embrasse
Allez, allez, allez, viens...
C'est la fête à MeudonC'est la fête aux lampionsC'est la fête aux étoiles
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paroles ferratC'est la fête en plein airIl y a de la joie dans l'airEt du vent dans les voiles
C'est la fête à la rueOù tous ces inconnusVont ranimer leur flammeC'est la fête où l'on ritEn voyant que ParisSera toujours Paname
Allez, allez, allez, viens...
C'est la fête à nous deuxSi tu me pousse un peuJe t'ai dit "je t'adore"Quand tu m'as réponduMa parole t'as foutuMon coeur en tricolore
Et c'est la fête à toiEt c'est la fête à moiC'est la fête aux bêtisesDans une rue perdueQuand je te dis "veux-tu?"Je vois tes yeux qui disent...
Ah, ça ira, ça ira, ça ira...Ah, ça ira, ça ira, ça ira...Ah, ça ira, ça ira, ça ira...
Jean FerratLA LEÇON BUISSONNIÈREParoles: Guy Thomas
C'est au numéro trente-deuxDe l'avenue de la RépubliqueQue j'enseigne aux petits merdeuxLes théories philosophiques
Que je traduis le De BelloQue je trahis les PhillipiquesPour aider les petits salaudsLes premiers prix de gymnastique
Je reçois la progénitureDu brasseur du primeur en grosJe suis le marchand de cultureL'empêcheur de petits zéros
Je suis le bon dieu des rombièresL'ange du baccalauréatLe petit besogneux pas cherLe pédago petit format
Pendant que le petit crapaudApprend Caesar pontem fecitQu'il cherche l'ablatif en oQu'il bafouille le prétérit
J'ai le front contre mon carreauJe rêve au loin j'hélicoptèreJ'écoute siffler les bateaux
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paroles ferratJe fais la leçon buissonnière
C'est au numéro trente-deuxDe l'avenue de la RépubliqueAu-dessus du Café des Flots BleusQue je cingle vers les tropiques
Et que je deviens vieillard hideuxBatelier de la rhétoriqueEn aidant les petits merdeuxA rester des enfants de bourriques
Jean FerratLA LIBERTÉ EST EN VOYAGEParoles et musique: Jean Ferrat
Avec des plumes bleuesDes poissons dans son litEt le canard boiteuxQui me tient compagnieAvec un bout de zanDeux mètres de ficelleUn coup de ran plan planUn zeste de ma belle
Fermez vos grilles fermez vos cagesLa liberté est en voyage
Sur l'aile des casquettesEt des trains de banlieueLe temps d'une risetteOù tu veux quand tu veuxAvec une musetteUn souffle de vin blancAvec l'escarpoletteAh jetez-moi dedans
Fermez vos grilles fermez vos cagesLa liberté est en voyage
Avec l'étouffe crasseLe pauvre Harry CowL'inutile grandasseEt ses cocoricosAvec le corniflardLes écrase-torchonsLes oncles grésillardsEt les petits Ducon
Fermez vos grilles fermez vos cagesLa liberté est en voyage
Avec le pingouin mauveQui mange les méchantsLes penseurs aux yeux chauvesLes Ma Soeur bien pensantAvec un crocodileOui berce les enfantsAvec indélébileQui marque jusqu'au sang
Fermez vos grilles fermez vos cagesLa liberté est en voyage
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paroles ferrat
Avec zouli zoulisTes profonds reindibusTes palmes lapidusEt ton joli ziziAvec ta flamme bruneEt la source au milieuAvec je te prie DieuEt ta main dans ma hune
Fermez vos grilles fermez vos cagesLa liberté est en voyage
Avec le beau le laidLe droit et le torduAvec la soupe au laitEt le rien ne va plusAvec des Nom de DieuAvec des noms de fleursEt des prénoms de feuEt des surnoms de coeur
Fermez vos grilles fermez vos cagesLa liberté est en voyage
Jean FerratLA PAIX SUR TERREParoles et musique: Jean Ferrat
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
La force de la France c'est l'esprit des LumièresCette petite flamme au coeur du monde entierQui éclaire toujours les peuples en colèreEn quête de justice et de la liberté
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
Parce qu'ils ont un jour atteint l'UniverselDans ce qu'ils ont écrit cherché sculpté ou peintLa force de la France c'est Cézanne et RavelC'est Voltaire et Pasteur c'est Verlaine et Rodin
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garants
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paroles ferratDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
La force de la France elle est dans ses poètesQui taillent l'avenir au mois de mai des motsCouvrez leurs yeux de cendre tranchez leur gorge ouverteVous n'étoufferez pas le chant du renouveau
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
La force de la France elle sera immenseDéfiant à jamais et l'espace et le tempsLe jour où j'entendrai reprendre ma romanceDans la réalité de la foule chantant
Nous ne voulons plus de guerreNous ne voulons plus de sangHalte aux armes nucléairesHalte à la course au néantDevant tous les peuples frèresQui s'en porteront garantsDéclarons la paix sur terreUnilatéralement
Jean FerratLA PETITE FLEUR QUI TOMBEParoles: Henri Gougaud
La petite fleur qui tombePourrait faire un bruit de bombeÉcoutez écoutezLa petite fleur profaneCelle qui jamais ne fanePlace de la Liberté
Les deux pieds dans Paris le front dans l'avenirLa main tendue à qui voulait bien la tenirJe fus heureux je vous le jureLes chansons crépitaient à chaque coin de rueEt moi frappé au coeur d'une rose perdueJ'en garde encore une blessure
La petite fleur qui tombePourrait faire un bruit de bombeÉcoutez écoutezLa petite fleur profaneCelle qui jamais ne fanePlace de la Liberté
Aujourd'hui que l'hiver a séparé nos mainsJe vais obstinément sur le même cheminEntre la rage et la tendresseDans Paris aux murs gris jusqu'au-dessus des toitsUne petite fleur me dit rappelle-toiNe me laisse pas en détresse
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paroles ferrat
La petite fleur qui tombePourrait faire un bruit de bombeÉcoutez écoutezLa petite fleur profaneCelle qui jamais ne fanePlace de la Liberté
Jean FerratLA PORTE À DROITEParoles: Guy Thomas
On m'a dit tes idées ne sont plus à la modeQuand on veut gouverner ce n'est pas si commodeIl faut évidemment s'adapter au terrainMettre jour après jour un peu d'eau dans son vin
On m'a dit dans la jungle il faut qu'on se débrouilleOn est bien obligé d'avaler des magouillesDe laisser dans un coin les projets trop coûteuxOn va pas tout rater pour des canards boiteux
La porte du bonheur est une porte étroiteOn m'affirme aujourd'hui que c'est la porte à droiteQu'il ne faut plus rêver et qu'il est opportunD'oublier nos folies d'avant quatre-vingt-un
On m'a dit qu'il fallait prêcher le sacrificeA ceux qui n'ont pas pu s'ouvrir un compte en SuisseQu'il fallait balayer tous nos vieux préjugésEt que ceux qui travaillent étaient privilégiés
On m'a dit tu comprends tes idées archaïquesNe feront qu'aggraver la crise économiqueAinsi la liberté dans un monde plus justeFait partie des slogans qui sont un peu vétustes
La porte du bonheur est une porte étroiteOn m'affirme aujourd'hui que c'est la porte à droiteQu'il ne faut plus rêver et qu'il est opportunD'oublier nos folies d'avant quatre-vingt-un
Puis d'autres sont venus beaucoup moins présentablesQui parlaient de la France en tapant sur la tableQui disaient faut changer c'est la loi du penduleOn va pour commencer supprimer la pilule
Ensuite il faudra bien flytoxer la vermineRétablir la morale avec la guillotineEt pi n'a qu'à virer les mauvais syndicatsPour conserver celui qui plaît au patronat
La porte du bonheur est une porte étroiteOn m'affirme aujourd'hui que c'est la porte à droiteQu'il ne faut plus rêver et qu'il est opportunD'oublier nos folies d'avant quatre-vingt-un
Ils ont dit qu'il fallait se montrer réalisteQu'il y avait du bon dans les journaux racistesQu'il fallait nettoyer ce cher et vieux paysSi l'on ne voulait pas qu'il devienne un gourbi
Dois-je vous l'avouer ces propos me renversentPage 80
paroles ferratQuand je vais boire un verre au café du commerceParfois je crois revoir sur du papier jauniLa photo de Pétain dans mon verre de Vichy
La porte du bonheur est une porte étroiteQu'on ne me dise plus que c'est la porte à droiteQu'il ne faut plus rêver et qu'il est opportunD'oublier nos folies d'avant quatre-vingt-un
Jean FerratLA VOIX LACTÉE (S.G.D.G.)Paroles et musique: Jean Ferrat
Avant que mes chansons ne fassent des recettesJ'étais un paria du monde des affairesIl parait qu'à présent c'est fou ce qu'on m'achète
Je suis considéré autant qu'un camembert
Jésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de France
J'aurais pu après tout n'être que concoyotteQue fourme méconnu qui reste sur l'étalQue ces petits carrés à la crème pâlotte
Qui n'ont aucune chance avec le Capital
Jésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de France
Bien qu'étant de la gueule si je ne suis en faitPour les uns qu'un fromage pour les autres un poèteJe vous avoue messieurs n'avoir pas méritéNi cet excès d'honneur ni cette indignité
Jésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de France
J'étais un bon garçon ni plus fin ni plus bête
Qu'un tas de va-nu-pieds qui n'en font qu'à leur tête
Mais depuis que mon jour de gloire est arriveJe dois faire des choses dont je n'avais pas idée
Jésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de France
Pour avoir en effet goûté ses coups de triqueJe n'étais pas copain de la force publiqueBousculé par la foule je me vois aujourd'huiContraint d'appeler les flics et de leur dire merci
Jésus-MarieQuelle décadence
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paroles ferratQuelque chose est pourriDans mon royaume de France
je tapote des joues j'embrasse des enfantsEt je fais des risettes autant qu'un présidentSi je n'avais encore un peu d'égards pour moiJe dirais que je suis une vraie fille de joie
Jésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de France
Mais qu'on soit fille de joie ou fromage ou poèteOn vous jette dehors quand boude le clientMoi Messieurs des Finances qui sait ce que vous êtesJe n'attendrai pas d'être tout à tait coulant
Jésus-MarieQuelle décadenceQuelque chose est pourriDans mon royaume de France
Jean FerratLE BILAN
Ah ils nous en ont fait avaler des couleuvresDe Prague à Budapest de Sofia à MoscouLes staliniens zélés qui mettaient tout en oeuvrePour vous faire signer les aveux les plus fousVous aviez combattu partout la bête immondeDes brigades d'Espagne à celles des maquisVotre jeunesse était l'histoire de ce mondeVous aviez nom Kostov ou London ou Slansky
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattreEt qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Ah ils nous en ont fait applaudir des injuresDes complots déjoués des dénonciationsDes traîtres démasqués des procès sans bavuresDes bagnes mérités des justes pendaisonsAh comme on y a cru aux déviationnistesAux savants décadents aux écrivains espionsAux sionistes bourgeois aux renégats titistesAux calmniateurs de la révolution
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattreEt qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Ah ils nous en ont fait approuver des massacresQue certains continuent d'appeler des erreursUne erreur c'est facile comme un et deux font quatrePour barrer d'un seul trait des années de terreurCe socialisme était une caricatureSi les temps on changé des ombres sont restéesJ'en garde au fond du coeur la sombre meurtrissureDans ma bouche à jamais le soif de vérité
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattreEt qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Mais quand j'entends parler de "bilan" positifPage 82
paroles ferratJe ne peux m'empêcher de penser à quel prixEt ces millions de morts qui forment le passifC'est à eux qu'il faudrait demander leur avisN'exigez pas de moi une âme de comptablePour chanter au présent ce siècle tragédieLes acquis proposés comme dessous de tableLes cadavres passés en pertes et profits
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattreEt qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
C'est un autre avenir qu'il faut qu'on réinventeSans idole ou modèle pas à pas humblementSans vérité tracée sans lendemains qui chantentUn bonheur inventé définitivementUn avenir naissant d'un peu moins de souffranceAvec nos yeux ouverts et grands sur le réelUn avenir conduit par notre vigilanceEnvers tous les pouvoirs de la terre et du ciel
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattreEt qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Jean FerratLE BRUIT DES BOTTESParoles: Guy Thomas
C'est partout le bruit des bottesC'est partout l'ordre en kakiEn Espagne on vous garotteOn vous étripe au ChiliOn a beau me dire qu'en FranceOn peut dormir à l'abriDes Pinochet en puissanceTravaillent aussi du képi
Quand un Pinochet rappliqueC'est toujours en généralPour sauver la RépubliquePour sauver l'Ordre moralOn sait comment ils opèrentPour transformer les espritsLes citoyens bien pépèresEn citoyens vert-de-gris
A coup d'interrogatoiresDe carotte et de bâtonDe plongeon dans la baignoireDe gégène et de tisonIl se peut qu'on vous disloqueOu qu'on vous passe à tabacQu'on vous suicide en lousdocAu fond d'un commissariat
Il se peut qu'on me fusillePour avoir donné du feuPour avoir joué aux billesAvec un petit hébreuOn va t'écraser punaisePour avoir donné du painPour avoir donné du pèzeAu petit nord-africain
Il se pourrait qu'on m'accusePage 83
paroles ferratAvec un petit gourdinD'avoir étudié MarcuseD'avoir été sartrienIls auront des électrodesIls diront tu veux du jusPour connaître la périodeOù j'étais au P.S.U.
A moins qu'ils me ratatinentPour mon immoralitéPour avoir baisé DelphinePour avoir été pédéA moins qu'ils ne me condamnentA mourir écarteléEntre l'amour de RoxaneEt celui du beau Dédé
Il se peut qu'on me douillettePour que je veuille attesterQu'en mil neuf cent soixante-septJe lisais l'HumanitéIl se peut qu'on me tourmenteEt qu'on me fasse avouerQue dans les années soixanteJ'étais à la C.G.T.
A moins qu'ils me guillotinentPour avoir osé chanterLes marins du PotemkineEt les camps de déportésA moins qu'avec un hachoirIls me coupent les dix doigtsPour m'apprendre la guitareComme ils ont fait à Jara
C'est partout le bruit des bottesC'est partout l'ordre en kakiEn Espagne on vous garotteOn vous étripe au ChiliIl ne faut plus dire qu'en FranceOn peut dormir à l'abriDes Pinochet en puissanceTravaillent aussi du képiTravaillent aussi du képi
Jean FerratLE BUREAU
Ils ne savent pasPourquoi ils attendentIls voudraient partirIls restent làLeur vie se dévideA l'amble ou au pasUn jour une rideOù blesse le bâtL'écho d'un soupirL'ombre d'une joieLa chance à venirQui ne viendra pas
Assis sur leur chaiseDerrière leur bureauComme un long malaise
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paroles ferratQui colle à la peau
Les jeunes les vieuxLes garçons les fillesOnt les mêmes yeuxPâles de vanilleD'avoir trop fixéD'un regard glacéLa pendule lenteSur six heures trenteLeur vie s'achemineVers on ne sait quoiComme un bout de rimeQui ne rime pas
Assis sur leur chaiseDerrière leur bureauComme un long malaiseQui colle à la peau
Et puis quelquefoisLas de trop attendreL'un d'eux tout à coupHurle comme un loupIls ne savent pasCe qu'il faut comprendreChacun le regardeVaguement jalouxOn croit qu'il divagueOn dit qu'il est fouEt s'éteint la vagueAvec le remous
On donne sa chaiseEt son porte-manteauUn long soupir d'aiseMonte du bureau
Jean FerratLE CHÂTAIGNIERParoles: Guy Thomas
J'entends les vieux planchers qui craquentJ'entends du bruit dans la baraqueJ'entends j'entends dans le grenierChanter chanter mon châtaignier
Bien à l'abri dans ma soupenteMoi j'entends chanter la charpenteJ'entends les poutres qui se plaignentCe n'est pas du bois vermouluDe ne plus donner de châtaignesEn supportant mon toit pointu
J'entends les vieux planchers qui craquentJ'entends du bruit dans la baraqueJ'entends j'entends dans le grenierChanter chanter mon châtaignier
Quand on devient poutre-maîtresseC'est tout le toit qui vous oppresseIl faut chanter tout doucementLa chanson de ses originesCelle qu'il me chante en sourdine
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paroles ferratEn y mettant du sentiment
J'entends les vieux planchers qui craquentJ'entends du bruit dans la baraqueJ'entends j'entends dans le grenierChanter chanter mon châtaignier
C'est surprenant mais c'est logiqueIl chante la chanson magiqueQu'il a apprise au fond des boisIl me chante une chanson tendreQue je suis le seul à comprendreQuand la nuit vient à petits pas
J'entends les vieux planchers qui craquentJ'entends du bruit dans la baraqueJ'entends j'entends dans le grenierChanter chanter mon châtaignier
C'est vrai pourtant qu'il nous protègeContre le froid contre la neigeTout en berçant mes insomniesCe n'est pas une chanson tristeMon châtaignier est un artisteQui continue d'aimer la vie
J'entends les vieux planchers qui craquentJ'entends du bruit dans la baraqueJ'entends j'entends dans le grenierChanter chanter mon châtaignier
Jean FerratLE CHEF DE GARE EST AMOUREUXParoles: Guy Thomas
Quand il sort le matin de la gareChacun sourit chacun se marreQuand il passe au milieu de la rueChacun murmure il est cocu!Chacun chantonne il a des cornesSa connerie n'a pas de bornesChacun le croit dur de la feuilleChacun se met le doigt dans l'oeil!
Plaignez pas l'imbécile heureuxLe chef de gare est amoureux!
Chacun raconte à sa manièreLes safaris de sa panthèreElle a la cuisse hospitalièreOui mais quand même elle exagèreTout le monde est passé dessusA part les trains bien entenduChacun décrit chacun relateSa façon de lever la patte!
Plaignez pas l'imbécile heureuxLe chef de gare est amoureux!
Chacun siffle la chansonnetteQuand on aperçoit sa casquetteIl est un peu bas-du-plafondIl a rien dans son pantalon!
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paroles ferratCocu content laissons les direC'est la bêtise qui transpireEt de la bêtise il s'en foutLaissons glouglouter les égouts!
Plaignez pas l'imbécile heureuxLe chef de gare est amoureux!
Il n'a qu'une idée dans la têteLe train de neuf heure cinquante-septCar tout son bonheur en descendC'est une fille de seize ansElle est charmante elle est discrèteEt c'est dans un wagon-couchetteQue tous les soirs les deux amantsSe font un petit appartement!
Plaignez pas l'imbécile heureuxLe chef de gare est amoureux!
Jean FerratLE COEUR FRAGILEParoles: Guy Thomas
Si je meurs un beau soir d'hiverOn dira que c'est d'un cancerOu bien d'un truc à quelque choseIl peut se trouver des expertsQui décréteront au contraireQue c'était la tuberculose
C'est pourquoi je prends les devantsPour affirmer dès maintenantCroyez pas ces vieux imbécilesJ'avais une santé de ferJe n'avais qu'un petit traversJ'avais le coeur un peu fragile
Le coeur fragileLes mains fébrilesLa bouche offerteJ'aurai vécuSans avoir cruL'île déserteEn attendantLe coeur battantLa découverteJe veux dormirJe veux mourirLa porte ouverte
Quand on prend tout d'un coeur légerIl paraît qu'on vit sans dangerQue la mort longtemps nous éviteMais j'ai voulu croire au bonheurEt j'ai pris tant de choses à coeurQue mon coeur a battu trop vite
Au lieu d'être un homme avertiQui se passionne au ralentiJ'ai pris le parti des poètesC'est en cherchant la toison d'orQue mon coeur a battu si fortQuand j'y pense encore il s'arrête
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paroles ferrat
Le coeur fragileLes mains fébrilesLa bouche offerteJ'aurai vécuSans avoir cruL'île déserteEn attendantLe coeur battantLa découverteJe veux dormirJe veux mourirLa porte ouverte
On me dira c'est pas sérieuxOn ne s'en va pas pour si peuIl faut des raisons bien plus fortesMais je n'ai pas d'autres raisonsDe mettre sous le paillassonLa petite clé de ma porte
On peut mourir tout doucementD'un petit baiser qu'on attendD'une voix froide au téléphoneD'un mot qu'on lance à bout portantD'une confiance qu'on reprendD'un amour qui vous abandonne
Le coeur fragileLes mains fébrilesLa bouche offerteJ'aurai vécuSans avoir cruL'île déserteEn attendantLe coeur battantLa découverteJe veux dormirJe veux mourirLa porte ouverte
Jean FerratLE DIABLE AU COEURParoles: Cécile Laggiard
Un soleil farouchePèse sur ma boucheEn pétales d'orUn soleil de fièvrePèse sur mes lèvresPèse sur mon corpsEt l'étéCe presque rienCe presque toutCe comédienQui se glisseDans ma vieComme un amiEt l'étéCe Jean la fleurCe Jean le fortCe baroudeurQui me metLe diable au corps
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paroles ferratLe diable au coeur
Je voudrais t'écrireJe voudrais te direJe m'ennuie de toiMais les heures passentMon désir se lasseAu fil de ma joie
Un soleil farouchePèse sur ma boucheEn pétales d'orUn soleil de fièvrePèse sur mes lèvresPèse sur mon corpsEt l'étéCe presque rienCe presque toutCe comédienQui se glisseDans ma vieComme un amiEt l'étéCe Jean la fleurCe Jean le fortCe baroudeurQui me metLe diable au corpsLe diable au coeur
D'autres me regardentMon rêve balladeUn peu dans leurs brasC'est déjà sourireC'est déjà le direC'est vouloir déjà
Un soleil farouchePèse sur ma boucheEn pétales d'orUn soleil de fièvrePèse sur mes lèvresPèse sur mon corpsEt l'étéCe presque rienCe presque toutCe comédienQui se glisseDans ma vieComme un amiEt l'étéCe Jean la fleurCe Jean le fortCe baroudeurQui me metLe diable au corpsLe diable au coeur
Qui me metLe diable au corpsLe diable au coeur
Jean FerratLE FANTÔME
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paroles ferrat
Quand ils commencèrentLa chasse aux sorcièresJ'étais jeune apparitionSans grande expérienceLeurs cris de démenceMe glaçaient jusqu'au trognonA longueur d'antenneJ'agitais mes chaînesSans faire la moindre impressionMaintenant on me respecteJe suis un vieux spectreBien connu dans la maison
Je suis l'âme en peineQui secoue ses chaînesAu studio des Buttes-ChaumontL'onde est mon royaumeJe suis le fantômeDe la télévision
Je fais des chatouillesA ceux qui magouillentDans le sondage bidonJe fais des gratouillesA ceux qui glandouillentDans le débat-mirontonJe fous les chocottesA ceux qui fayotentDans la désinformationJe fous la paniqueA ceux qui forniquentLa liberté d'expression
Je suis l'âme en peineQui secoue ses chaînesAu studio des Buttes-ChaumontL'onde est mon royaumeJe suis le fantômeDe la télévision
En vingt ans de dur labeurJ'ai connu vingt directeursQui partirent à ma chasseMais avant qu'ils ne m'attrapentIls passaient tous à la trappeMoi je suis toujours en place
Y'en a qui m'envientDe passer ma vieA côtoyer les ZitronsLes grands publicistesTous ceux qui insistentPour vous lessiver l'oignonLes gens qui surnagentGrâce au matraquageDes ritournelles à la conLes brosses à reluireDes princes-sans-rireQui vous forment une opinion
Mais tout n'est pas drôleQuand on joue le rôleLe rôle d'apparitionL'onde est mon royaumePlaignez le fantômeDe la télévision
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paroles ferratIci y'a des dinguesQui prennent leurs flinguesPour trouer mon courant d'airDe sombres figuresQuand je dis cultureQui sortent leurs revolversSitôt que je bougeY'en a qui voient rougeFaut qu'ils se fassent une raisonY'a pas qu'en EcosseQue mon petit négoceFait partie des traditions
Y'a tant d'âmes en peineQui secouent leurs chaînesAu studio des Buttes-ChaumontL'onde est un royaumeRempli de fantômesA la télévision
Jean FerratLE GRILLONParoles et musique: Jean Ferrat
Quand l'hiver a pris sa besaceQue tout s'endort et tout se glaceDans mon jardin abandonnéQuand les jours soudain rapetissentQue les fantômes envahissentLa solitude des alléesQuand la burle secoue les portesEn balayant les feuilles mortesAux quatre coins de la vallée
Un grillon un grillonUn grillon dans ma cheminéeUn grillon un grillonUn grillon se met à chanter
Il n'a pourtant dans son assiettePas la plus petite herbe verteLa plus fragile graminéeA se mettre sous la luetteQuand le vent souffle la tempêteEt qu'il est l'heure de dînerQue peut-il bien manger ou boireA quoi peut-il rêver ou croireQuel espoir encore l'habiter
Un grillon un grillonUn grillon dans ma cheminéeUn grillon un grillonUn grillon se met à chanter
Son cri n'a d'autre raison d'êtreQue son refus de disparaîtreDe cet univers désoléPour le meilleur et pour le pireIl chante comme je respirePour ne pas être asphyxiéSait-il au fond de sa mémoireQue c'est du coeur de la nuit noireQu'on peut voir l'aube se lever
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paroles ferrat
Un grillon un grillonUn grillon dans ma cheminéeUn grillon un grillonUn grillon se met a chanter
Jean FerratLE JOUR OÙ JE DEVIENDRAI GROS
Séchez vos pleurs belles maîtressesNous ne nous choquerons plus les osVoici venir des jours de liesseVoici venir l'amour nouveauSur mes genoux comme à confesseVous pourrez vous tenir au chaud
Le jour le jour le jour le jourOù je deviendrai gros
Plus s'agrandira ma bedainePlus s'amoindrira mon cerveauComme Jeanne filant la laineEntendait les voix du très hautPlût à vous vierges souverainesQue je ne sois qu'un peu dévot
Le jour le jour le jour le jourOù je deviendrai gros
Tous les soirs au café de FranceDevant mon troisième pernodA des notables d'importanceJe réciterai mon crédoQue je suis fier de notre FranceDe ses bourgeois et généraux
Le jour le jour le jour le jourOù je deviendrai gros
La rosette à la boutonnièreJe saluerai bas le drapeauJ'écouterai les légionnairesChanter le temps du sable chaudEn versant des larmes amèresSur nos colonies, les salauds
Le jour le jour le jour le jourOù je deviendrai gros
Le doute se glisse en mon âmeMe met des frissons dans le dosC'est le régime que ma femmeVoudra m'imposer illicoDevrai-je vivre autant de dramesQue je mangerai de perdreaux
Le jour le jour le jour le jourOù je deviendrai gros
Puisque contre moi tout se ligueComment choisir entre deux mauxÊtre un semblant d'escartefigueOu bien rester dedans ma peauSi je suis gras comme une figueJe serai con comme un pruneau
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Le jour le jour le jour le jourOù je deviendrai gros
Jean FerratLE KILIMANDJAROParoles: Guy Thomas
Tu me dis souvent sans ambagesQue je travaille du chapeauQue j'ai le front dans les nuagesEt du givre après mes carreaux
Tu me traites d'idéalisteDe poète de chat perchéQui fait pas grand-chose en touristeQui se plaît pas sur le plancher
Tu dis que je suis égoïsteQue je veux que du cousu mainQu'il faut être un peu réalisteAimer les trucs américains
Que la vie c'est du terre à terreQu'on peut pas être himalayenSept jours sur sept et qu'il s'avèreQu'il faut savoir être moyen
Tu comprends pas c'est ça qu'est tristeQue j'aimerais vivre moins hautÊtre un amoureux plus simplisteAvoir l'altitude à zéro
Je veux ton cul dans les nuagesMais c'est pas pour baiser plus hautQue les copains du voisinageJe suis le Kilimandjaro
Jean FerratLE MALHEUR D'AIMERPoème d'Aragon
Que sais-tu des plus simples chosesLes jours sont des soleils grimésDe quoi la nuit rêvent les rosesTous les feux s'en vont en fuméeQue sais-tu du malheur d'aimer
Je t'ai cherchée au bout des chambresOù la lampe était alluméeNos pas n'y sonnaient pas ensembleNi nos bras sur nous refermésQue sais-tu du malheur d'aimer
Je t'ai cherchée à la fenêtreLes parcs en vain sont parfumésOù peux-tu où peux-tu bien êtreA quoi bon vivre au mois de maiQue sais-tu du malheur d'aimer
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Que sais-tu de la longue attenteEt ne vivre qu'à te nommerDieu toujours même et différenteEt de toi moi seul à blâmerQue sais-tu du malheur d'aimer
Que je m'oublie et je demeureComme le rameur sans ramerSais-tu ce qu'il est long qu'on meureA s'écouter se consumerConnais-tu le malheur d'aimer
Jean FerratLE P'TIT JARDINParoles: Michelle Senlis
Il perd un jardin par semaineMon petit coin là-bas près de la SeineIl perd chaque mois une fritureIl y gagne quoi la blessureD'une maison de vingt étagesOù l'on mettra les hommes en cage
Avant c'était pas la même choseAvant j'y découvrais des chosesJ'y emmenais Lulu et RoseDans mon petit coin de paradisC'était ma Corse mon midiMes lauriers roses en Italie
Il perd ses lilas par centainesMon petit coin là-bas près de la SeineIl perd ses chinois ses arabesEt tous ses vieux toits et ses arbresLe soir on dirait l'AmériqueAvec ses buildings fantastiques
Avant c'était pas la même choseAvant j'y découvrais des chosesJ'y emmenais Lulu et RoseDans mon petit coin de paradisC'était ma Corse mon midiMes lauriers roses en Italie
Et j'ai peur des fois quand j'y penseQu'un beau jour tu sois sans défenseQue tu perdes aussi l'innocenceDe tes grands yeux gris que tu changesQue tu maquilles ton visageA tous les néons de passage
Je voudrais que tout reste la même choseQu'on s'aime qu'on s'aime avant toute choseMême sans lilas et sans rosesToi qui remplaces mon paradisEt puis ma Corse mon midiMes lauriers roses en Italie
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Jean FerratLE PETIT TROU PAS CHERParoles: Guy Thomas
C'est dans du bois d'ébénisteQu'on enterre les gens tristesDans du cèdre ou du noyerDu chêne ou du cerisierL'ébène au vilain coucouAu notaire l'acajouL'acajou
Au musicien faméliqueAu poète à l'anti fricLe sapin c'est la calèchePour se tailler de la dècheC'est le fiacre anti grigouQui se moque des gros sousDes gros sous
C'est au trou qu'on se retrouveCeux qu'en ont pis qui les couventEt ceux qu'en n'ont pas un brinLe riche et le purotinC'est la crèche désiréeC'est le clou de la soiréeC'est le clou
C'est l'auberge avantageuseT'en fais pas ma ravageuseOn s'en ira deux par deuxLa pouilleuse et le pouilleuxLe loup reverra la louveC'est au trou qu'on se retrouveC'est au trouC'est au trou
FerratLE POLONAIS
Le polonais traînait encore son vieux chagrinIl est venu s'asseoir, a demandé du vinEt les deux mains posées sur la table de boisIl a servi deux verres, et puis il a dit: "Bois"
Il a parlé longtemps à son chagrin têtuEn lui disant: "Va-t-en, tu vois, je n'en peux plus""Cette fois, c'est fini, je veux vivre sans toi""Vieux chagrin, je t'enterre pour la dernière fois"
C'étaient deux compagnons qui venaient de très loinL'un dans l'autre habitant, se partageant le painComme ces vieux chevaux qu'on attelle aux laboursIls s'étaient rencontrés à la fin d'un amour
Dans le petit bistro, tout le monde attendaitPour savoir celui qui, le premier, partiraitMais quand l'homme est sorti, derrière lui, pas à pasSon chagrin l'a suivi, comme les autres fois
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paroles ferratAlors le polonais a sorti son couteauEt à son vieux chagrin, il lui a fait la peauEt puis il s'est couché, sans bien savoir pourquoiDans le lit sans mémoire d'une fille à soldats
Quand ont sonné midi à l'horloge d'en basIl est redescendu, sa veste sur le brasIl a tourné au coin de la rue du MarocEt puis il a pleuré, tout seul, le long des docks
Jean FerratLE SABRE ET LE GOUPILLONParoles et musique: Jean Ferrat
Comme cul et chemise comme larrons en foireJ'ai vu se constituer tant d'associationsMais il n'en reste qu'une au travers de l'histoireQui ait su nous donner toute satisfaction
Le sabre et le goupillon
L'un brandissant le glaive et l'autre le ciboireLes peuples n'avaient plus à se poser de questionsEt quand ils s'en posaient c'était déjà trop tardOn se sert aussi bien pour tondre le mouton
Du sabre que du goupillon
Quand un abbé de cour poussait une bergèreVers des chemins tremblants d'ardente déraisonLa belle ne savait pas quand elle se laissait faireQu'ils condamnaient l'usage de la contraception
Le sabre et le goupillon
Et maintes éminences et maints beaux capitainesReposaient le guerrier de la même façonDans le salon chinois où Madame GermaineGrâce à ses pensionnaires réalisait l'union
Du sabre et du goupillon
C'était le temps rêvé de tous les militaires
On leur offrait des guerres et des expéditionsQue de manants joyeux sont partis chez Saint-PierreLe coeur plein de mitraille et de bénédictions
Du sabre et du goupillon
Quand ils s'en revenaient et d'Asie et d'AfriqueIls faisaient régner l'ordre au sein de la nationLes uns possédaient l'art d'utiliser la triqueLes autres sans le dire pensaient qu'elle a du bon
Le sabre et le goupillon
On ne sait plus aujourd'hui à qui faire la guerreÇa brise le moral de la générationC'est pourquoi les crédits que la paix nous libèreIl est juste qu'il aillent comme consolation
Au sabre et au goupillon
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paroles ferratL'un jouant du clairon l'autre de l'harmoniumIls instruiront ainsi selon la traditionDes cracks en Sambre et Meuse des forts en Te DeumQui nous donneront encore bien des satisfactions
Du sabre et du goupillon
Jean FerratLE SINGEParoles: Guy Thomas
Dans mon jardin zoologiqueJe suis vraiment dans du cotonJ'ai des cocotiers métalliquesJ'ai des bananiers en cartonJ'ai ma falaise en céramiqueAu-dessus d'une mare en bétonPi j'ai du soleil électriquePour me réchauffer les arpions!
C'est fou ce que je m'acclimateAu jardin d'acclimatationOù l'on conserve les primatesEn bon état de conservation!
J'ai des gardiens très sympathiquesOn surveille avec attentionMes réactions psychologiquesOn me soigne aux petits oignonsEt quand je suis mélancoliqueOn est dans la consternationOn m'apporte un nouveau portiqueDes trapèzes des pièjacons!
C'est fou ce que je m'acclimateAu jardin d'acclimatationOù l'on conserve les primatesEn bon état de conservation!
Un vétérinaire authentiqueVient pour m'ausculter les poumonsUn docteur en diététiqueM'évite les indigestionsOn pense à tout c'est magnifiqueOn m'a fait venir une guenonPour me rappeler les tropiquesPour soigner ma masturbation!
C'est fou ce que je m'acclimateAu jardin d'acclimatationOù l'on conserve les primatesEn bon état de conservation!
Oui mais sur ma branche en plastiqueJe lui parais pas folichonElle a pour moi rien d'érotiqueSur son baobab en bétonL'amour c'est pas de la gymnastiqueC'est pas prenez la positionC'est la liberté frénétiqueÇa fleurit pas dans les prisons
C'est fou ce que je m'acclimateAu jardin d'acclimatationOù l'on conserve les primates
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paroles ferratEn bon état de conservation!
Jean FerratLE TIERS CHANTPoème d'Aragon
Te prendre à Dieu contre moi-mêmeÉtreindre étreindre ce qu'on aimeTout le reste est jouer aux désSuivre ton bras toucher ta boucheÊtre toi par où je te toucheEt tout le reste est des idées
Je suis la croix où tu t'endorsLe chemin creux qui pluie imploreJe suis ton ombre lapidéeJe suis ta nuit et ton silenceOublié dans ma souvenanceTon rendez-vous contremandé
Te prendre à Dieu contre moi-mêmeÉtreindre étreindre ce qu'on aimeTout le reste est jouer aux désSuivre ton bras toucher ta boucheÊtre toi par où je te toucheEt tout le reste est des idées
Le mendiant devant ta porteQui se morfond que tu ne sortesEt peut mourir s'il est tardéEt je demeure comme meurtA ton oreille une rumeurLe miroir de toi défardé
Te prendre à Dieu contre moi-mêmeÉtreindre étreindre ce qu'on aimeTout le reste est jouer aux désSuivre ton bras toucher ta boucheÊtre toi par où je te toucheEt tout le reste est des idées
Jean FerratLES BEAUX JOURS
Les beaux jours de notre vieSont à ton imageLes uns pleurent, les autres rientEt c'est bien ainsiNos beaux jours tombent des nuitsComme du ciel l'orageLes beaux jours de notre vieSont verts et gris
Irrémédiable au temps d'aimerCouleur de sable du sablierChaque seconde de ce mal qui courtCreuse la tombe de nos amours
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paroles ferratLes beaux jours sont faits ainsiOn tourne la pageEt demain après aujourd'huiTremble dans mes nuitsNos beaux jours, mon tendre amourMettons-les en cageAvant qu'un dernier ravageLes ait flétris
Jean FerratLES BELLES ÉTRANGÈRESParoles: Michelle Senlis, musique: Jean Ferrat
Les belles étrangèresQui vont aux corridasEt qui se pâment d'aiseDevant la muletaLes belles étrangèresSous leurs chapeaux huppesOnt le teint qui s'altèreA l'heure de l'épéeAllons laissez-moi rireOn chasse on tue on mangeOn taille dans du cuirDes chaussures on s'arrangeEt dans les abattoirsOù l'on traîne les boeufsLa mort ne vaut guère mieuxQu'aux arènes le soir
Les belles étrangèresQuand montent les clameursSe lèvent les premièresEn se tenant le coeurLes belles étrangèresSe jurent a jamaisDe chasser OrdonezDe leurs rêves secretsAllons laissez-moi rireQuand le toro s'avanceCe n'est pas par plaisirQue le torero danseC'est que l'Espagne a tropD'enfants pour les nourrirQu'il faut parfois choisirLa faim ou le toro
Les belles étrangèresVégétariennes ou pasQuittent leur banc de pierreAu milieu du combatQuittent leur banc de pierreAu milieu du combat
Jean FerratLES CERISIERSParoles: Guy Thomas
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paroles ferratJ'ai souvent pensé c'est loin la vieillesseMais tout doucement la vieillesse vientPetit à petit par délicatessePour ne pas froisser le vieux musicien
Si je suis trompé par sa politesseSi je crois parfois qu'elle est encore loinJe voudrais surtout qu'avant m'apparaisseCe dont je rêvais quand j'étais gamin
Ah qu'il vienne au moins le temps des cerisesAvant de claquer sur mon tambourinAvant que j'aie dû boucler mes valisesEt qu'on m'ait poussé dans le dernier train
Bien sûr on dira que c'est des sottisesQue mon utopie n'est plus de saisonQue d'autre ont chanté le temps des cerisesMais qu'ils ont depuis changé d'opinion
Moi si j'ai connu des années funestesEt mes cerisiers des printemps pourrisJe n'ai pas voulu retourner ma vesteNi me résigner comme un homme aigri
Ah qu'il vienne au moins le temps des cerisesAvant de claquer sur mon tambourinAvant que j'aie dû boucler mes valisesEt qu'on m'ait poussé dans le dernier train
Tant que je pourrai traîner mes galochesJe fredonnerai cette chanson-làQue j'aimais déjà quand j'étais gavrocheQuand je traversais le temps des lilas
Que d'autres que moi chantent pour des prunesMoi je resterai fidèle à l'espritQu'on a vu paraître avec la CommuneEt qui souffle encore au coeur de Paris
Ah qu'il vienne au moins le temps des cerisesAvant de claquer sur mon tambourinAvant que j'aie dû boucler mes valisesEt qu'on m'ait poussé dans le dernier train
Jean FerratLES DEMOISELLES DE MAGASIN
Les demoiselles de magasinFont sonner leur réveille-matinPour s'en aller prendre leur trainLes demoiselles de magasinElles ne s'intéressent à rienA part ces amants incertainsQui leur filent entre les mainsLes demoiselles de magasin
Et puis un beau jourCes petites amoursElles plient leurs beaux tabliersLaissent le rideau de fer baisséEt les voilà les bras croisésDevant leurs comptoirs désertés
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paroles ferratLes demoiselles de magasinQui menaient leur petit train trainS'apprêtent à faire un de ces foinsLes demoiselles de magasinElles font grève avec entrainEn croisant sagement leurs mainsSur leurs belles cuisses satinLes demoiselles de magasin
Et puis un beau jourCes petites amoursLes voilà qui vont défilerUn drapeau rouge dépliéEt volent volent leurs baisersSur les ouvriers d'à côté
Les demoiselles de magasinDisaient leurs chefs avec chagrinCachaient un serpent dans leur seinLes demoiselles de magasinCausez toujours tristes pantinsElles ne pensent plus qu'au grand brunQui leur a dit: dimanche prochainLes demoiselles de magasin
Vous verrez qu'un jourCes petites amoursElles finiront par se marierAvec ces gars du défiléHistoire de réconcilierL'amour avec la liberté
Jean FerratLES DERNIERS TZIGANESParoles: Michelle Senlis
C'en est bien finiNous ne verrons plusDe l'AndalousieLes gitans venusLa chemise ouverteSur leur peau brûléeLes roulottes vertesAu milieu des blésEt coquelicotsA vous arracherLes grands calicotsPlace du marché
Le ciel se fait lourd, les roses se fanentNous vivons le temps des derniers tziganes
Disparu l'enfantVoleur de cerceauxLes chevaux piaffantDe tous leurs naseauxDisparus les ânesAvec leurs paniersLes belles gitanesSous les marronniersEn ce temps qui vaQui va dévorant
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paroles ferratOn n'a plus le droitD'être différent
Le ciel se fait lourd, les roses se fanentNous vivons le temps des derniers tziganes
Plus de feux de campPrès des HLMRévolu le tempsDes anciens bohèmesFinis l'esplanadeEt les tambourinsLes derniers nomadesClaquent dans leurs mainsEt la libertéFemme de gitanTombe poignardéeSous l'effet du temps
Le ciel se fait lourd, les roses se fanentNous vivons le temps des derniers tziganes
Jean FerratLES ENFANTS TERRIBLES
Les enfants terribles marchent dans les ruesSi leur ciel est vide s'ils ne savent plusLeurs mains sont avides d'étreindre demainLes enfants terribles n'épargneront rien
Soyez terribles terriblesSoyez terribles les enfants
Les enfants terribles ont des dents de loupsSi vous en doutez prenez garde à vousLeur soif n'a d'égal que leur appétitLes enfants terribles luttent pour la vie
Soyez terribles terriblesSoyez terribles les enfants
Quand l'orage tonne les enfants sourientIls sont sûrs d'eux-mêmes et durs pour autruiMais quand l'amour vient les cueillir au nidLes enfants terribles tremblent dans la nuit
Soyez terribles terriblesSoyez terribles les enfants
Avec leurs grands rires avec leurs façonsDe toujours remettre le monde en questionCe sont eux qui font les révolutionsLes enfants terribles ont toujours raison
Soyez terribles terriblesSoyez terribles les enfantsLes enfantsLes enfants...
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paroles ferrat
Jean FerratLES FEUX DE PARISPoème d'Aragon
Toujours quand aux matins obscènesEntre les jambes de la SeineComme une noyée aux yeux fousDe la brume de vos poèmesL'Île Saint-Louis se lève blêmeBaudelaire je pense à vous
Lorsque j'appris à voir les chosesO lenteur des métamorphosesC'est votre Paris que je visIl fallait pour que Paris changeComme bleuissent les orangesToute la longueur de ma vie
Mais pour courir ses aventuresLa ville a jeté sa ceintureDe murs d'herbe verte et de ventElle a fardé son paysageComme une fille son visagePour séduire un nouvel amant
Rien n'est plus à la même placeEt l'eau des fontaines WallacePleure après le marchand d'oubliesQui criait le Plaisir MesdamesQuand les pianos faisaient des gammesDans les salons à panoplies
Où sont les grandes tapissièresLes mirlitons dans la poussièreOù sont les noces en chansonsOù sont les mules de RéjaneOn ne s'en va plus à dos d'âneDîner dans l'herbe à Robinson
Qu'est-ce que cela peut te faireOn ne choisit pas son enferEn arrière à quoi bon chercherQu'autrefois sans toi se consumeC'est ici que ton sort s'allumeOn ne choisit pas son bûcher
A tes pas les nuages bougentVa-t'en dans la rue à l'oeil rougeLe monde saigne devant toiTu marches dans un jour barbareLe temps présent brûle aux Snack-barsSon aube pourpre est sur les toits
Au diable la beauté lunaireEt les ténèbres millénairesPlein feu dans les Champs-ElyséesVoici le nouveau carnavalOù l'électricité ravaleLes édifices embrasés
Plein feu sur l'homme et sur la femmeSur le Louvre et sur Notre-DameDu Sacré-Coeur au PanthéonPlein feu de la Concorde aux TernesPlein feu sur l'univers modernePlein feu sur notre âme au néon
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paroles ferratPlein feu sur la noirceur des songesPlein feu sur les arts du mensongeFlambe perpétuel étéFlambe de notre flamme humaineEt que partout nos mains ramènentLe soleil de la vérité
Jean FerratLES FILLES LONGUES
Les filles longues longues longuesSans autre ornement ni bijouQue leurs cheveux qui tombent tombentSur leurs genouxLes filles folles folles follesSans autre probité candideQue leur fourrure qui frôle frôleMa bouche avide
Peut-être passeront-elles fièresQuand je les verrai de nouveauComment allez-vous bien ma chèreLe temps va-t-il se mettre au beau
Les filles longues longues longuesSans autre geste ni discoursQue ce froissement de leurs onglesSur mon veloursLes filles lasses lasses lassesDe rechercher au petit jourLeur linge fin avec leur masqueD'avant l'amour
Vous pourraiz jeter feux et flammesUn autre jour en d'autres lieuxMoi je n'entendrai plus madameQue cette voix disant mon Dieu
La fille longue longue longueSans autre ornement ni bijouQue ses cheveux qui tombent tombentA mes genouxLa fille folle folle folleSans autre probité candideQue sa fourrure qui frôle frôleMa bouche avide
Jean FerratLES GUÉRILLEROS
Avec leur barbe noireLeurs fusils démodésLeurs fusils démodésLeurs treillis délavésComme drapeau l'espoirComme drapeau l'espoirIls ont pris le parti
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paroles ferratDe vivre pour demainIls ont pris le partiDes armes à la mainLes guérillerosLes guérilleros
S'ils sont une poignéeQui suivent leur cheminQui suivent leur cheminAvant qu'il soit demainIls seront des milliersIls seront des milliersIl y a peu de tempsQue le nom des sierrasDe tout un continentRime avec GuevaraLes guérillerosLes guérilleros
Ce qu'ils ont dans le coeurS'exprime simplementS'exprime simplementDe mots pleins de douceurDe mots rouges de sangDe mots rouges de sangCent millions de métisSavent de quel côtéSe trouve la justiceComme la dignitéLes guérillerosLes guérilleros
Deux petits mots bien lissesQui valent une arméeQui valent une arméeEt toutes vos policesN'y pourront rien changerN'y pourront rien changerMes frères qui savezQue les plus belles fleursPoussent sur le fumierVoici que sonne l'heureDes guérillerosDes guérilleros
Jean FerratLES INSTANTS VOLÉSParoles: Pierre Grosz
Le chèvrefeuille de la terrasseMet des ombres sur nos visagesAu ciel pas le moindre nuageEt je souris au temps qui passeA travers un verre de vin
J'aime ces instants volésAu grand vacarme de la vieLà si je veux je peux parlerSeulement des petits soucisÉcouter rêver les amisDériver et me délivrerDu poids du monde et de la vieDu poids du monde et de la vie
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paroles ferrat
A Roger nous avons dit "Passe"Et il est venu en voisinIl vit sur la colline en faceEntre nous le silence tisseDes liens que nous aimons si bien
J'aime ces instants volésAu grand vacarme qui nous mèneLà si je veux je peux rêverToute une moitié de semaineÉcouter rêver les amisDériver et me délivrerDu poids du monde et de la vieDu poids du monde et de la vie
A l'heure du souper peut-êtreDes copains d'il y a longtempsViendront cogner à la fenêtreEt nous aurons le sentimentDe ne pas s'être quittés vraiment
J'aime ces instants volésAu grand vacarme de la vieLà si je veux je peux parlerSeulement des petits soucisÉcouter rêver les amisDériver et me délivrerDu poids du monde et de la vieDu poids du monde et de la vie
Jean FerratLES JEUNES IMBÉCILESParoles et musique: Jean Ferrat
Ils ont troqué leur col MaoContre un joli costume trois-piècesIls ont troqué leurs idéauxContre un petit attaché-caseCitoyens de Paris ma villeLa plage est loin sous les pavésVivez en paix dormez tranquillesLe monde n'est lus à changer
Ce n'était alors que jeunes imbécilesLe poil au mentonCe n'était alors que jeunes imbécilesLes voilà vieux cons
Ils ont troqué leur col MaoPour une tenue plus libéraleLe vieux slogan du père GuizotEst devenu leur idéalNos soixante-huitards en colèreReprennent un refrain peu banalC'est enrichissez-vous mes frèresEn guise d'Internationale
Ce n'était alors que jeunes imbécilesLe poil au mentonCe n'était alors que jeunes imbécilesLes voilà vieux cons
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paroles ferrat
Ils ont troqué leur col MaoEt leur vieux look égalitairePour un costume plus rigoloC'est la chasuble humanitaireIls font la quête avec déliceChez ceux qu'ont plus rien à donnerEt pour établir la justiceS'en remettent à la charité
Ce n'était alors que jeunes imbécilesLe poil au mentonCe n'était alors que jeunes imbécilesLes voilà vieux cons
Ils ont troqué leur col MaoPour des tenues plus officiellesDepuis qu'ils fréquentent à gogoLes cabinets ministérielsAh quel plaisir en redingoteSur le perron de l'ElyséeDe se faire lécher les bottesPar des journalistes avisés
C'est toujours avec les jeunes imbécilesQu'on le veuille ou nonC'est toujours avec les jeunes imbécilesQu'on fait les vieux cons
Jean FerratLES LILASPoème d'Aragon
Je rêve et je me réveilleDans une odeur de lilasDe quel côté du sommeilT'ai-je ici laissé ou là
Je dormais dans ta mémoireEt tu m'oubliais tout basOu c'était l'inverse histoireÉtais-je où tu n'étais pas
Je me rendors pour t'atteindreAu pays que tu songeasRien n'y fait que fuir et feindreToi tu l'as quitté déjà
Dans la vie ou dans le songeTout a cet étrange éclatDu parfum qui se prolongeEt d'un chant qui s'envola
O claire nuit jour obscurMon absente entre mes brasEt rien d'autre en moi ne dureQue ce que tu murmuras
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paroles ferratJean FerratLES MERCENAIRESDauvilliez - Ferrat
Nous marchons par tous les tempsMême par l'oragePar les plaines et par les champsEt dans les villagesLes gens nous montrent du doigtEn nous regardant passerMais les filles quelque foisNous réchauffent d'un baiser
REFRAIN:Nicolas, NicolasC'est vingt années de misèreNicolas, NicolasQue j'ai connues avant toiNicolas, NicolasPlutôt vingt ans de galèreNicolas, NicolasQue d'être un soldat du roi
Sans argent et sans métierQue pouvions-nous fairePas besoin d'être bachelierPour partir en guerreCar on ne possédait rienQue des souliers fatiguésQue les herbes des cheminsLa nuit pour se reposer
REFRAIN
Depuis des milliers d'annéesUn bon militaireNe doit pas savoir penserMais surtout se taireQuand tous les tambours battaientMoins que nos coeurs de soldatsNotre régiment chargeaitPour la France et pour le roi
REFRAIN
De la France on s'en foutaitComme de l'EspagneMais l'argent qu'on nous donnaitFallait qu'on le gagneEn combattant les anglaisLes russes ou les autrichiensEn combattant sans arrêtPour une bouchée de pain
REFRAIN
Jean FerratLES NOCTAMBULESParoles: Claude Delecluse et Michelle Senlis
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paroles ferratIls sont de tous les vestibulesDe tous les salons majusculesLes Noctambules
Soir après soir ils font les boîtesLe cul posé sur de la ouateLes Noctambules
Le teint blafard et l'oeil vitreuxIl se couchent tard et dorment peuMais tous les soirs c'est immuableIls ont un whisky sur la tableLes Noctambules
A Saint-Tropez, à Sainte-CanailleIls se retrouvent vaille que vailleLes Noctambules
Les Petits Lits Blancs faut bien les faireIls aiment soulager la misèreLes Noctambules
Les yeux bouffés par la fuméeLes joues bouffies par le whiskyIls s'emmerdent avec éléganceDe Paris à Saint-Paul-de-VenceLes Noctambules
Dans tous les endroits à la modeOn en trouvera toujours en soldeDes Noctambules
Ils auront toujours une premièreOui, mais le jour de leur dernièreLes Noctambules
Faudra les voir sous l'orchidéeDans la Jaguar des trépassésEt je me demande si dans la boîteIls échangeront encore leur carteLes Noctambules
Jean FerratLES NOMADESParoles: Michelle Senlis
Ils sont nés près de BarceloneIls ont grandi en AustralieIls se sont aimés à ParisMais ils s'en vont encore d'iciLes Nomades
Ils ont habité la roulotteLes quatre planches qui cahotentDe Saint-Ouen aux Saintes-MariesMais ils s'en vont encore d'iciLes Nomades
Ni la couronne d'orangerNi la cheminée de faux marbreNe leur mettent racine au piedIls ne sont pas comme les arbres
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paroles ferratLes Nomades
Ils vont toujours de ville en plaineIl n'y a rien qui les retienneEux c'est la route qui les mèneEn dimanche comme en semaineLes Nomades
Ils ont eu froid comme personneIls ont chanté mieux que nous tousMais c'est la route qui les pousseAvec des fifres à leurs troussesLes Nomades
Qu'ils soient venus du fond des âgesTous les gitans, tous les tziganesUn violon leur a brisé l'âmeIls en gardent parfois des larmesLes Nomades
Ni la peur de mourir un jourDans quelque ville frontalièreSans tenir la main d'un amourNe les arrête sur la terreLes Nomades
Et quand on voit sous les platanesPasser les mulets et les ânesOn a beau être des profanesOn voudrait suivre la caravaneDes Nomades
Jean FerratLES OISEAUX DÉGUISÉSPoème d'Aragon
Tous ceux qui parlent des merveillesLeurs fables cachent des sanglotsEt les couleurs de leur oreilleToujours à des plaintes pareillesDonnent leurs larmes pour de l'eau
Le peintre assis devant sa toileA-t-il jamais peint ce qu'il voitCe qu'il voit son histoire voileEt ses ténèbres sont étoilesComme chanter change la voix
Ses secrets partout qu'il exposeCe sont des oiseaux déguisésSon regard embellit les chosesEt les gens prennent pour des rosesLa douleur dont il est brisé
Ma vie au loin mon étrangèreCe que je fus je l'ai quittéEt les teintes d'aimer changèrentComme roussit dans les fougèresLe songe d'une nuit d'été
Automne automne long automneComme le cri du vitrierDe rue en rue et je chantonneUn air dont lentement s'étonne
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paroles ferratCelui qui ne sait plus prier
Jean FerratLES PETITES FILLES MODÈLESParoles et musique: Jean Ferrat
Les Petites Filles modèlesNe jouent plus à la poupéeNe jouent plus à la marelleA la corde à chat perchéBranchées grâce au MinitelSur le marché financierLes Petites Filles modèlesS'amusent à boursicoter
C'est à ce jeu qu'elles excellentFruit de la modernitéAh la belle ah la belle ah la belle société (bis des 3 vers)
Les Petites Filles modèlesQuel exemple à méditerS'émerveillent pleins de zèleCes messieurs de la téléEn vantant leur grandeur d'âmeLeur louable vocationApplaudissez messieurs damesLeur goût des bonnes actions
C'est à ce jeu qu'elles excellentIl faut les encouragerAh la belle ah la belle ah la belle société (bis des 3 vers)
Leur prince de référenceLeur nouveau preux chevalierC'est le golden boy en transeQui joue les petits PoucetsEt se taille avec vaillanceUn empire à bon marchéSur les ogres des financesQu'il finit par dévorer
C'est à ce jeu qu'elles excellentVivent les contes de féesAh la belle ah la belle ah la belle société (bis des 3 vers)
Leur plus beau rêve de gosseC'est un autre emprunt GiscardMais quand la fée CarabosseLeur donne des cauchemarsAdieu châteaux et carrossesC'est le krach ô désespoirQui voit leur champion féroceSe flinguer sur le trottoir
C'est à ce jeu qu'elles excellentElles seront tôt consoléesAh la belle ah la belle ah la belle société (bis des 3 vers)
Pourtant mes enfants bien sagesMéfiez-vous des aventuresNe soyez pas trop volagesN'investissez qu'à coup sûrCar vos tendres pucelages
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paroles ferratPourraient choir comme fruits mûrsSous les OPA sauvagesDe raiders aux noyaux durs
Puisqu'à ce jeu elles excellentIl faudra les marierAh la belle ah la belle ah la belle société
Puisqu'à ce jeu elles excellentL'avenir est assuréAh la belle ah la belle ah la belle société
Jean FerratLES PETITS BISTROTSParoles: Claude Delecluse et Michelle Senlis
Les petits bistrotsAu pinard fleuriNappes à carreauxEt bifteck garniLes petits bistrotsOù l'on vient goûterDevant le percoLe premier café
Les petits bistrotsQui n'ont pas de juke-boxSeulement la radioPour suivre la boxeLes petits bistrotsOù j'ai des amisRobert et JojoEt Simone aussi
La patronne est à la cuisineLe patron derrière son comptoirOn parle du Tour et du RacingDevant un rouge ou un petit noir
Les petits bistrotsQuand je suis loin d'iciA Londres à TokyoJ'en rêve et je me disQue les petits bistrotsQui sont à ParisJe les reverrai bientôtSalut les amis
Les petits bistrotsAu poêle à charbonAvec l'apéroLa belotte au fondLes petits bistrotsC'est comme un béguinToujours on y revientDans les petits bistrots
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paroles ferratJean FerratLES POÈTESExtrait du poème d'Aragon "Prologue"
Je ne sais ce qui me possèdeEt me pousse à dire à voix hauteNi pour la pitié ni pour l'aideNi comme on avouerait ses fautesCe qui m'habite et qui m'obsède
Celui qui chante se tortureQuels cris en moi quel animalJe tue ou quelle créatureAu nom du bien au nom du malSeuls le savent ceux qui se turent
Machado dort à CollioureTrois pas suffirent hors d'EspagneQue le ciel pour lui se fît lourdIl s'assit dans cette campagneEt ferma les yeux pour toujours
Au-dessus des eaux et des plainesAu-dessus des toits des collinesUn plain-chant monte à gorge pleineEst-ce vers l'étoile HölderlinEst-ce vers l'étoile Verlaine
Marlowe il te faut la taverneNon pour Faust mais pour y mourirEntre les tueurs qui te cernentDe leurs poignards et de leurs riresA la lueur d'une lanterne
Étoiles poussières de flammesEn août qui tombez sur le solTout le ciel cette nuit proclameL'hécatombe des rossignolsMais que sait l'univers du drame
La souffrance enfante les songesComme une ruche ses abeillesL'homme crie où son fer le rongeEt sa plaie engendre un soleilPlus beau que les anciens mensonges
Je ne sais ce qui me possèdeEt me pousse à dire à voix hauteNi pour la pitié ni pour l'aideNi comme on avouerait ses fautesCe qui m'habite et qui m'obsède
Jean FerratLES SAISONS
Oh, les saisons, oh, les saisons
Je ne me lasse pasD'en rêver les odeursD'en vivre les couleursD'en trouver les raisons
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paroles ferratOh, les saisons, oh, les saisons
Je serai l'automne à tes piedsTu seras l'été à ma boucheL'hiver aux doigts bleus qui se couchentNous serons printemps fou à lier
Oh, les saisons, oh, les saisons
Je vais sans me lasserEn guetter les rumeursEn voler les ardeursEn vivre à tes côtés
Oh, les saisons, oh, les saisons
Voir un seul hiver t'affamerEncore un été t'épanouirEncore un printemps t'enflammerUn seul automne pour en rire
Oh, les saisons, oh, les saisons
Je ne me lasse pasD'en distiller les fleursD'en jalouser chaque heureD'en mourir sans raison
Oh, les saisons, oh, les saisons
Jean FerratLES TOURISTES PARTIS
Les touristes, touristes partisLe village, petit à petitRetrouve face à lui-mêmeSa vérité, ses problèmesLes touristes, touristes partis
La vie semble marquer la pauseLes belles n'iront plus au boisJe vous aime métamorphosesDes saisons vertes aux aboisDe champignons et de châtaignesDe terre et de genêts mouillésLe coin des cheminées s'imprègneDu parfum des longues veillées
Les touristes, touristes partisLe village, petit à petitRetrouve face à lui-mêmeSa vérité, ses problèmesLes touristes, touristes partis
Les vieux se chauffent en silenceSur cette place sans un bruitUn soleil pâle de faïenceSur leurs épaules s'assoupitOn parle de pêche et de chasseOn joue aux dés ou au tarotLes enfants montent d'une classeLes femmes changent de tricot
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paroles ferratLes touristes, touristes partisLe village, petit à petitRetrouve face à lui-mêmeSa vérité, ses problèmesLes touristes, touristes partis
Les rivalités de clocherEn de secrets conciliabulesLe long des ruelles cachéesCouvent au feu du crépusculeIci nul n'oublie jamais rienNi ce que fut votre grand-pèreNi ce vous faisiez gaminQuand vous alliez à la rivière
Les touristes, touristes partisLe village, petit à petitRetrouve face à lui-mêmeSa vérité, ses problèmesLes touristes, touristes partis
Partout les hommes sont les mêmesIci sans doute comme ailleursIls lancent au loin leurs "je t'aime"Le ventre noué par la peurLe ventre noué par la peurDe l'avenir insaisissableToujours en quête d'un coupableToujours en quête du bonheur
Jean FerratLES TOURNESOLSParoles et musique: Jean Ferrat
Mon prince noir et faméliqueMa pauvre graine de clodoToi qui vécus fantomatiqueEn peignant tes vieux godillotsToi qui allais la dalle en penteToi qu'on jetait dans le ruisseauQui grelottais dans ta soupenteEn inventant un art nouveauT'étais zéro au Top cinquanteT'étais pas branché comme il fautAvec ta gueule hallucinantePour attirer les capitaux
Mais dans un coffre climatiséAu pays du Soleil-LevantTes tournesols à l'air penchéDorment dans leur prison d'argentLeurs têtes à jamais figéesNe verront plus les soirs d'erranceLe soleil fauve se coucherSur la campagne de Provence
Tu allais ainsi dans la vieComme un chien dans un jeu de quillesLa bourgeoisie de pacotilleTe faisait le coup du méprisEt tu plongeais dans les ténèbresEt tu noyais dans les bistrots
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paroles ferratL'absinthe à tes pensées funèbresComme la lame d'un couteauTu valais rien au hit-paradeNi à la une des journauxToi qui vécus dans la panadeSans vendre un seul de tes tableaux
Mais dans un coffre climatiséAu pays du Soleil-LevantTes tournesols à l'air penchéDorment dans leur prison d'argentLeurs têtes à jamais figéesNe verront plus les soirs d'erranceLe soleil fauve se coucherSur la campagne de Provence
Dans ta palette frémissanteDe soufre pâle et d'infiniTa peinture comme un défiLance une plainte flamboyanteDans ce monde aux valeurs croulantesVincent ma fleur mon bel oiseauTe voilà donc EldoradoDe la bourgeoisie triomphanteTe voilà star du Top cinquanteTe voilà branché comme il fautC'est dans ta gueule hallucinanteQu'ils ont placé leurs capitaux
Mais dans un coffre climatiséAu pays du Soleil-LevantTes tournesols à l'air penchéDorment dans leur prison d'argentLeurs têtes à jamais figéesNe verront plus les soirs d'erranceLe soleil fauve se coucherSur la campagne de Provence.
Jean FerratLES YEUX D'ELSAParoles: Louis Aragon, musique: Jean Ferrat, Maurice Vandair
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boireJ'ai vu tous les soleils y venir se mirerS'y jeter à mourir tous les désespérésTes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
A l'ombre des oiseaux c'est l'océan troubléPuis le beau temps soudain se lève et tes yeux changentL'été taille la nue au tablier des angesLe ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blésLes vents chassent en vain les chagrins de l'azurTes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luitTes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluieLe verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisureMère des Sept douleurs ô lumière mouilléeSept glaives ont percé le prisme des couleursLe jour est plus poignant qui point entre les pleursL'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèchePar où se reproduit le miracle des Rois
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paroles ferratLorsque le coeur battant ils virent tous les troisLe manteau de Marie accroché dans la crèche
Une bouche suffit au mois de Mai des motsPour toutes les chansons et pour tous les hélasTrop peu d'un firmament pour des millions d'astresIl leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles imagesEcarquille les siens moins démesurémentQuand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mensOn dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande oùDes insectes défont leurs amours violentesJe suis pris au filet des étoiles filantesComme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblendeEt j'ai brûlé mes doigts à ce feu défenduO paradis cent fois retrouvé reperduTes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisaSur des récifs que les naufrageurs enflammèrentMoi je voyais briller au-dessus de la merLes yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa
Jean FerratLOIN
Loin, loin, il y a loinDe l'aube grise où vos rêves frissonnentLoin, loin, il y a loinA la vérité des matinsLoin, loin, il y a loinDe la vie d'homme à laquelle on aspireLoin, loin, il y a loinA celle qui vous glisse des mains
Loin, loin, entre nos mainsIls sont truqués, les dés que l'on nous donneLoin, loin, à coups de poingIl faut se frayer son cheminLoin, loin, j'irai plus loinTant pis si cela doit me coûter cherLoin, loin, j'irai plus loinJe paierai le prix qui convient
Loin, loin, changer d'habitChanger de rue, de métier, de frontièresLoin, loin, changer d'amisIl faut savoir en payer le prixLoin, loin, changer de vieChanger d'état, de décor, d'habitudesLoin, loin, changer de vieC'est ma liberté d'aujourd'hui
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paroles ferrat
Jean FerratLORSQUE S'EN VIENT LE SOIRPoème d'Aragon
Lorsque s'en vient le soir qui tourne par la porteVivre à la profondeur soudain d'un champ de bléJe te retrouve amour avec mes mains trembléesQui m'es la terre tendre entre les feuilles mortesEt nous nous défaisons de nos habits volés
Rien n'a calmé ces mains que j'ai de te connaîtreGardant du premier soir ce trouble à te toucherJe te retrouve amour si longuement cherchéeComme si tout à coup s'ouvrait une fenêtreEt si tu renonçais à toujours te cacher
Je suis à tout jamais ta scène et ton théâtreOù le rideau d'aimer s'envole n'importe oùL'étoile neige en moi son éternel mois d'aoûtRien n'a calmé ce coeur en te voyant de battreIl me fait mal à force et rien ne m'est si doux
Tu m'es pourtant toujours la furtive passanteQu'on retient par miracle au détour d'un instantRien n'a calmé ma peur je doute et je t'attendsDieu perd les pas qu'il fait lorsque tu m'es absenteUn regard te suffit à faire le beau temps
Lorsque s'en vient le soir qui tourne par la porteVivre à la profondeur soudain d'un champ de bléJe te retrouve amour avec mes mains trembléesQui m'es la terre tendre entre les feuilles mortesEt nous nous défaisons de nos habits volés
Jean FerratMA FILLEParoles: Jamblan
Ça fait longtemps que je te surveilleTu deviens belle tu te poses un peu làQuand le fils du boucher te fait du platT'as sûrement pas froid aux oreillesTu cours même après les garçonsAvec tes petits yeux qui pétillentJe vais te mettre en chanson ma filleJe vais te mettre en chanson
Tu me frôles comme un chatte de gouttièreC'est-y pour mordre ou ronronnerMais quand je sens ton nez près de mon nezD'instinct je fais un bond en arrièreAlors tu me récites ta leçonQuand tu voudras je serai bien gentilleJe vais te fiche en chanson ma filleJe vais te fiche en chanson
Et puis tout de même réflexion faiteEn te voyant tellement prête à toutA provoquer tous les matousAu fond de moi je me dis ce que je suis bêteD'ailleurs aujourd'hui la chanson
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paroles ferratÇa rapporte plus rien que des vétillesJe vais te foutre en maison ma filleJe vais te foutre en maisonJe vais te foutre en maison ma filleJe vais te foutre en maison
Jean FerratMA FRANCE
De plaines en forêts, de vallons en collinesDu printemps qui va naître à tes mortes saisonsDe ce que j'ai vécu à ce que j'imagineJe n'en finirai pas d'écrire ta chansonMa France
Au grand soleil d'été qui courbe la ProvenceDes genêts de Bretagne aux bruyères d'ArdècheQuelque chose dans l'air a cette transparenceEt ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sècheMa France
Cet air de liberté au-delà des frontièresAux peuples étrangers qui donnaient le vertigeEt dont vous usurpez aujourd'hui le prestigeElle répond toujours du nom de RobespierreMa France
Celle du vieil Hugo tenant de son exilDes enfants de cinq ans travaillant dans les minesCelle qui construisit de ses mains vos usinesCelle dont Monsieur Thiers a dit: qu'on la fusilleMa France
Picasso tient le monde au bout de sa paletteDes lèvres d'Éluard s'envolent des colombesIls n'en finissent pas tes artistes-prophètesDe dire qu'il est temps que le malheur succombeMa France
Leurs voix se multiplient à n'en plus faire qu'uneCelle qui paie toujours vos crimes, vos erreursEn remplissant l'histoire et ses fosses communesQue je chante à jamais celle des travailleursMa France
Celle qui ne possède en or que ses nuits blanchesPour la lutte obstiné de ce temps quotidienDu journal que l'on vend le matin d'un dimancheA l'affiche qu'on colle au mur du lendemainMa France
Qu'elle monte des mines, descende des collinesCelle qui chante en moi, la belle, la rebelleElle tient l'avenir inséré dans ses mains finesCelle de trente-six à soixante-huit chandellesMa France
Jean FerratPage 119
paroles ferratMA MÔMEParoles: Pierre Frachet, musique: Jean Ferrat
Ma môme, elle joue pas les starlettesElle met pas des lunettesDe soleilElle pose pas pour les magazinesElle travaille en usineÀ Créteil
Dans une banlieue surpeupléeOn habite un meubléElle et moiLa fenêtre n'a qu'un carreauQui donne sur l'entrepôtEt les toits
On va pas à Saint-Paul-de-VenceOn passe toutes nos vacancesÀ Saint-OuenComme famille on n'a qu'une marraineQuelque part en LorraineEt c'est loin
Mais ma môme, elle a vingt-cinq bergesEt je crois bien que la Sainte ViergeDes églisesN'a pas plus d'amour dans les yeuxEt ne sourit pas mieuxQuoi qu'on dise
L'été quand la ville s'ensommeilleChez nous y a du soleilQui s'attardeJe pose ma tête sur ses reinsJe prends tout doucement sa mainEt je la garde
On se dit toutes les choses qui nous viennentC'est beau comme du VerlaineOn diraitOn regarde tomber le jourEt puis on fait l'amourEn secret
Ma môme, elle joue pas les starlettesElle met pas des lunettesDe soleilElle pose pas pour les magazinesElle travaille en usineÀ Créteil
Jean FerratMA VIE, MAIS QU'EST-CE QUE C'EST?
Ma vie, mais qu'est-ce que c'est?C'est rien du tout sans toiMa vie c'est un reflet,Un reflet que l'amourFait naître dans tes yeux.Ma vie c'est leurs couleursQu'ils soient tristes ou joyeuxSeuls maîtres de mon coeurII suffît d'un regard
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paroles ferratPour me faire la loi.
Mon amour,Combien nous reste-t-il?Combien d'heures et de joursPour épuiser nos rêves?
Le temps a des secretsMais aujourd'hui crois-moiMa vie, mais qu'est-ce que c'est?C'est l'air d'une chansonQui ressemble à la joie.Si les oiseaux peuvent s'enfuirD'un battement d'aileRegarde-les sans jalousiePuisqu'à chaque heure de notre vieNous irons plus loinQue les hirondellesNous irons plus loinPuisque l'on s'aime
Ma vie, mais qu'est-ce que c'est?C'est rien du tout sans toi.Ma vie c'est un reflet,Un reflet que l'amourFait naître dans tes yeux.Ma vie c'est leurs couleursQu'ils soient tristes ou joyeux,Seuls maîtres de mon coeur,II suffît d'un regardPour me faire la loiMa vie sera toujoursPareille à la chanson,Des rues et des faubourgsQui depuis des saisonsChantent le même amourAvec l'accordéon.
Jean FerratMARIA
Maria avait deux enfantsDeux garçons dont elle était fièreEt c'était bien la même chairEt c'était bien le même sang
Ils grandirent sur cette terrePrès de la MéditerranéeIls grandirent dans la lumièreEntre l'olive et l'oranger
C'est presqu'au jour de leurs vingt ansQu'éclata la guerre civileOn vit l'Espagne rouge de sangCrier dans un monde immobile
Les deux garçons de MariaN'étaient pas dans le même campN'étaient pas du même combatL'un était rouge et l'autre blanc
Qui des deux tira le premierLe jour où les fusils parlèrentEt lequel des deux s'est tué
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paroles ferratSur le corps tout chaud de son frère
On ne sait pas, tout ce qu'on saitC'est qu'on les retrouva ensembleLe blanc et le rouge mêlésA même les pierres et la cendre
Si vous lui parlez de la guerreSi vous lui dites libertéElle vous montrera la pierreOù ses enfants sont enterrés
Maria avait deux enfantsDeux garçons dont elle était fièreEt c'était bien la même chairEt c'était bien le même sang
Jean FerratMES AMOURSParoles: Michelle Senlis
Mes amoursVous qui me savez des vôtresVous qui me savez si pauvreSi pauvre et si nu pourtantMes amoursLa vie n'est qu'une chimèreSi l'amour n'y vient pas faireSa ronde d'oiseau géantMes amoursMoi qui ai cette fortuneEntre mes mains désarméesJe pense à ceux qui n'ont qu'uneChanson triste pour pleurerMes amoursMais il faut tant de chansonsDe poèmes d'AragonPour sauver encore le nomDe l'amour
Mes amoursVous qui me savez offertMoi qui suit la bonne fertePour votre coeur vagabondMes amoursLa cruauté n'est qu'un leurreN'attendez pas que j'en pleurePour partager ma chansonMes amoursVous et moi c'est la conquêteDans ce monde dévastéLe soleil à la fenêtrePar dessus les cheminéesMes amoursMais il faut tant de chansonsDe poèmes d'AragonPour sauver encore le nomDe l'amour
Mes amoursMais si vous savez m'entendreSi vous savez me comprendreQue je chante juste ou nonMes amours
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paroles ferratVoici la terre promiseQuoi qu'on fasse quoi qu'on diseLe coeur n'a qu'une chansonMes amoursVous voici en terre douceLa peur a cloué son becToujours coulera la sourceSous le caillou le plus secMes amoursIl y a tant de chansonsDe poèmes d'AragonQue l'on sauvera le nomDe l'amour
Jean FerratMIS À PART
Autrefois quand les mignonnesGaspillaient leurs avantagesEn dehors, Dieu me pardonne,Des liens du mariageLes malheureuses étaient misesAu ban de la sociétéMais aujourd'hui c'est la criseDans la Chrétienté
Mis à part les curésPar devant et par derrièreMis à part les curésPersonne ne veut se marier
Autrefois les belles fillesN'avaient souvent qu'une idéeLaisser voir le plus possibleLeur peau dénudéeMais la mode est versatileLe maxi est arrivéEt les voilà qui s'habillentJusqu'aux doigts de pied
Mis à part les curésPar devant et par derrièreMis à part les curésPersonne veut plus se dévoiler
On fabriquait des garçonsPar douzaines, et les famillesMontraient leur désolationQuand naissait une filleAujourd'hui, bulle ou pas bulleDu pape, garçon ou pasQu'on prenne ou non la piluleC'est plus du tout ça
Mis à part les curésPar devant et par derrièreMis à part les curésPersonne ne veut engendrer
L'habitude séculaireDe bien boire et bien mangerA l'heure où la foi se perdFait aussi pitiéOn préfère à la prière
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paroles ferratEt aux plats gastronomiquesUn régime alimentaireMacrobiotique
Mis à part les curésPar devant et par derrièreMis à part les curésNul ne va plus gueuletonner
Les distractions les plus sainesDisparaissent des citésTélé, voiture et week-endLes ont remplacéesElles pleurent leur clientèleDu samedi des temps passésLes péripatéticiennesQuand Guy Lux paraît
Mis à part les curésPar devant et par derrièreMis à part les curésPersonne ne veut plus monter
Les religieux en colèreRevendiquant nos péchésOn ne sait plus bien sur TerreA quel saint se vouerSi le ciel tourne à l'enferPour le mettre sur ses piedsJe ne vois plus que Saint-PierrePour tout arranger
Mis à part les curésIntroduits chez LuciferMis à part les curésTout le monde sera sauvé
Jean FerratMON AMOUR SAUVAGEParoles et musique: Jean Ferrat
Mon amour sauvageMon amour sauvageNe va pas t'apprivoiserToi qui ne connais pas de cageEt rugis en liberté
Face au lancinant messageQue Mandela dans sa cageLance d'Afrique du SudOse à la face du mondeQuand souffle la bête immondeAffirmer ta négritude
Mon amour sauvageMon amour sauvageNe va pas t'apprivoiserToi qui ne connais pas de cageEt rugis en liberté
Ris de ces nouveaux rois magesQui n'ont messie ni messageAutre que des cours boursiersQue nulle ambition ne mène
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paroles ferratPour notre aventure humaineQu'un rêve de boutiquier
Mon amour sauvageMon amour sauvageNe va pas t'apprivoiserToi qui ne connais pas de cageEt rugis en liberté
Par ces temps de Moyen ÂgeOù les religions font rageSous le joug des hezbollahsClame haut ton athéismeEt champion de l'humanismeLa venue de l'homme roi
Mon amour sauvageMon amour sauvageNe va pas t'apprivoiserToi qui ne connais pas de cageEt rugis en liberté
Par ces temps d'anniversaireOù sur nos faibles lumièresRetombe l'obscuritéGarde ton âme utopiqueReste sombre et magnifiqueIndomptable et révolté
Mon amour sauvageMon amour sauvageNe va pas t'apprivoiserToi qui ne connais pas de cageEt rugis en liberté
Ouvre grandes les fenêtresSur un autre monde à naîtreQu'il faudra bien inventerPour qu'ensemble se fiancentDans une même espéranceSocialisme et liberté
Mon amour sauvageMon amour sauvageNe va pas t'apprivoiserMon amour sauvageMon amour sauvagePour toute l'humanité
Jean FerratMON BEL AMOUR
Mon bel amour graveMon bel amour jeuMon bel amour sageComme tu le veuxMon bel amour flammeMon bel amour feuMon bel amour femmeMon bel amour Dieu
Mon bel amour du mal de vivreEntre mes mains seul étonné
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paroles ferratD'être à l'instant où te livresPareil aux pages de ces livresQu'on en finit pas de couper
Mon bel amour fêteMon bel amour deuilMon bel amour chouetteLionne et chevreuilMon bel amour songeMon bel amour veilleTon amour me rongeComme il m'émerveille
Mon bel amour de flamme sombreL'instant d'après anéantiRien qu'à ta paupière cette ombreEt me voilà chiffre sans nombreEt comme un noyau sans le fruit
Mon bel amour mauveMon bel amour bleuMon bel amour fauveTant que tu le veuxMon bel amour drameMon bel amour jeuMon bel amour femmeMon bel amour Dieu
Jean FerratMON CHANT EST UN RUISSEAUParoles: Henri Gougaud d'après un poème de Vitezslav Nezval
Quand le monde sera une étable combléeQuand les guerres seront finiesAlors buvez mon chant comme du thé au laitDans des tasses myosotis
Vous affamés d'hier ombres maigres et duresMon chant est un ruisseau mon chant est une mûre
Quand le choeur des humains fera sonner le mondeComme un atelier de potierAlors mangez mon chant dans une assiette rondeOrnée d'un motif d'oignon bleu
Vous affamés d'hier ombres maigres et duresMon chant est un ruisseau mon chant est une mûre
Dans ce monde incertain comme barque qui pencheMordez dans mon chant travailleursComme dans le pain blanc du matin à dents franchesLe pain blanc à la fraîche odeur
Vous affamés d'hier ombres maigres et duresMon chant est un ruisseau mon chant est une mûre
O ma patrie de monts et de rivières vertesMoi qui t'invoque à chaque instantJe suis comme le coq dressant au ciel sa crêteJe chante et chante tout le temps
Vous affamés d'hier ombres maigres et duresPage 126
paroles ferratMon chant est un ruisseau mon chant est une mûreMon chant est un ruisseau mon chant est une mûre
Jean FerratMON PALAIS
Mon PalaisMon PalaisCe n'est pas un Palais comme les autresSans colonnes de marbreSans glaces de VeniseMon PalaisMon PalaisQuatre planches une estradeEt la foule assembléeMon PalaisMon PalaisCette complicité qui fait qu'on se connaît sans être présentéPar la vertu des mots magie de la musique sous cette voute immenseMoi petit tout petit perdu dans ces milliers de visages amisMains battant la cadence succédant au silence en rafales de pluieMon PalaisMon PalaisD'ombre et de lumière de mains ouvertesMon PalaisMon PalaisDes sports et des coeurs ma découverteMon PalaisMon PalaisCe n'est pas un Palais comme les autresSans chef de protocoleSans gardes chamarrésMon PalaisMon PalaisQuatre planches une estradeEt je vous dis entrezMon PalaisMon PalaisCette fraternité qui fait qu'on se tutoie sans s'être rencontréEt me voilà soudain par la grâce du chant comme un miroir immenseMon petit tout petit noyé dans ces milliers de prunelles amiesReflétant en silence et à corps et à cris les mêmes espérancesMon PalaisMon PalaisDe souffle et d'espace aux mains ouvertesMon PalaisMon PalaisDes sports et d'espoir ma découverteMon PalaisMon Palais...
Jean FerratMON PAYS ÉTAIT BEAU
Mon pays était beauD'une beauté sauvageEt l'homme le cheval et le bois et l'outil
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paroles ferratVivaient en harmonieJusqu'à ce grand saccagePersonne ne peut plus simplement vivre ici
Il pleut sur ce villageAux ruelles obscuresEt rien d'autre ne bougeLe silence s'installe au pied de notre litO silenceTendre et déchirant violonGaie fanfareRecouvre-nousDu grand manteau de nuitDe tes ailes géantes
Mon pays était beauD'une beauté sauvageEt l'homme le cheval et le bois et l'outilVivaient en harmonieJusqu'à ce grand saccagePersonne ne peut plus simplement vivre ici
Jean FerratMOURIR AU SOLEIL
Je voudrais mourir debout, dans un champ, au soleil,Non dans un lit aux draps froissés,A l'ombre close des volets,Par où ne vient plus une abeille,Une abeille...
Je voudrais mourir debout, dans un bois, au soleil,Sans entendre tout doucement,La porte et le chuchotement,Sans objet des gens et des vieilles,Et des vieilles...
Je voudrais mourir debout, n'importe où, au soleil,Tu ne serais pas là j'aurais,Ta main que je pourrais serrer,La bouche pleine de groseilles,De groseilles...
Jean FerratMUSIQUE DE MA VIEPoème d'Aragon
Musique de ma vie ô mon parfum ma femmeEmpare-toi de moi jusqu'au profond de l'âmeMusique de ma vie ô mon parfum ma femme
Entre dans mon poème unique passionQu'il soit uniquement ta respirationImmobile sans toi désert de ton absenceQu'il prenne enfin de toi son sens et sa puissanceIl sera ce frémissement de ta venueLe bonheur de mon bras touché de ta main nueIl sera comme à l'aube un lieu de long labourQuand l'hiver se dissipe et l'herbe sort au jour
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paroles ferrat
Musique de ma vie ô mon parfum ma femmeEmpare-toi de moi jusqu'au profond de l'âmeMusique de ma vie ô mon parfum ma femme
Entre dans mon poème où les mots qui t'accueillentOnt le palpitement obscur et doux des feuillesOù t'entourent la fuite et l'ombre des oiseauxEt le cheminement invisible des eauxTout t'appartient Je suis tout entier ton domaineMa mémoire est à toi Toi seule t'y promènesToi seule va foulant mes sentiers effacésMes songes et mes cerfs t'y regardent passer
Musique de ma vie ô mon parfum ma femmeEmpare-toi de moi jusqu'au profond de l'âmeMusique de ma vie ô mon parfum ma femme
Que je n'entende plus qu'en moi ce coeur domptéAssieds-toi c'est le soir et souris c'est l'étéDu jardin que les murs de tous côtés endiguentOù l'ombre a la senteur violente des figuesMais déjà c'est ta lèvre et ce couple c'est nousC'est toi le clair de lune où je tombe à genouxEt la terrasse y tremble et la pierre se troubleÉtoiles dans ma nuit ma violette double
Musique de ma vie ô mon parfum ma femmeEmpare-toi de moi jusqu'au profond de l'âmeMusique de ma vie ô mon parfum ma femme
Jean FerratNAPOLÉON IV
Parce qu'un Corse lui fit la courAu doux temps de ses illusionsMe mère en me donnant le jourMe prénomma NapoléonEn haut d'un vieil hôtel miteuxJe règne sur une chaise et un pieuMes Tuileries donnent au fond de la courJe suis le Napoléon des faubourgs
Si ma JoséphineC'est une chouette gamineElle est vite à bout d'argumentsPour me faire oublier le temps présentMais sans crier gareQuand j'en aurai marreDe jouer à cache-cache avec la mouiseJe croquerai la dot à Marie-Louise
Je travaillais chez Pitt & CobourgDes gars qui ne font jamais de cadeauxEt ne vous laissent sur les osQue de quoi faire la peau d'un tambourAu blocus de mon estomacIls s'amusèrent pendant des moisPour me vider comme dans l'histoireDe leur usine de Trafalgar
Je suis dans la débimeEt ma JoséphineQui ne vit pas que de l'air du temps
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paroles ferratVa me laisser choir sur le champSur le champ de batailleQuand l'amour se tailleOn arrive au bout de son rouleauMoi je viens de connaître mon Waterloo
J'ai eu beau faire donner la gardeA trop compter sur les sourisOn se retrouve dans un terrain vagueDu côté de la Plaine Saint-DenisC'est là que sans pognon sans amourComme Napoléon dans son îleJe finirai ma vie en exilMais dans cet exil des faubourgs
J'aurai pas la veineComme à Sainte-HélèneDe voir le soleil sur la merJouer au fond les golfes clairsJe suis rayé de l'HistoireJusqu'au jour de gloireOù les pieds joints, le teint livideOn me fera l'honneur des Invalides
Jean FerratNOUS DORMIRONS ENSEMBLEPoème d'Aragon
Que ce soit dimanche ou lundiSoir ou matin, minuit, midiDans l'enfer ou le paradisLes amours aux amours ressemblentC'était hier que je t'ai ditNous dormirons ensemble
C'était hier et c'est demainJe n'ai plus que toi de cheminJ'ai mis mon coeur entre tes mainsAvec le tien comme il va l'ambleTout ce qu'il a de temps humainNous dormirons ensemble
Mon amour, ce qui fut seraLe ciel est sur nous comme un drapJ'ai refermé sur toi mes brasEt tant je t'aime que j'en trembleAussi longtemps que tu voudrasNous dormirons ensemble
Jean FerratNUIT ET BROUILLARDParoles et musique: Jean Ferrat
Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers,Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants,Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent.Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres:
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paroles ferratDepuis longtemps leurs dés avaient été jetés.Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre,Ils ne devaient jamais plus revoir un été
La fuite monotone et sans hâte du temps,Survivre encore un jour, une heure, obstinémentCombien de tours de roues, d'arrêts et de départsQui n'en finissent pas de distiller l'espoir.Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel,Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou,D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel,Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.
Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage;Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux?Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âgeLes veines de leurs bras soient devenus si bleues.Les Allemands guettaient du haut des miradors,La lune se taisait comme vous vous taisiez,En regardant au loin, en regardant dehors,Votre chair était tendre à leurs chiens policiers.
On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours,Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour,Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire,Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare.Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter?L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été,Je twisterais les mots s'il fallait les twister,Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez.
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers,Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants,Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.
Jean FerratNUL NE GUÉRIT DE SON ENFANCEParoles et musique: Jean Ferrat
Sans que je puisse m'en défaireLe temps met ses jambes à mon couLe temps qui part en marche arrièreMe fait sauter sur ses genouxMes parents l'été les vacancesMes frères et soeur faisant les fousJ'ai dans la bouche l'innocenceDes confitures du mois d'août
Nul ne guérit de son enfance
Les napperons et les ombrellesQu'on ouvrait à l'heure du théPour rafraîchir les demoisellesRoses dans leurs robes d'étéEt moi le nez dans leurs dentellesJe respirais à contre-jourDans le parfum des mirabellesL'odeur troublante de l'amour
Nul ne guérit de son enfance
Le vent violent de l'histoirePage 131
paroles ferratAllait disperser à vau-l'eauNotre jeunesse dérisoireChanger nos rires en sanglotsAmour orange amour amerL'image d'un père évanouieQui disparut avec la guerreRenaît d'une force inouïe
Nul ne guérit de son enfance
Celui qui vient à disparaîtrePourquoi l'a-t-on quitté des yeuxOn fait un signe à la fenêtreSans savoir que c'est un adieuChacun de nous a son histoireEt dans notre coeur à l'affûtLe va-et-vient de la mémoireOuvre et déchire ce qu'il fût
Nul ne guérit de son enfance
Belle cruelle et tendre enfanceAujourd'hui c'est à tes genouxQue j'en retrouve l'innocenceAu fil du temps qui se dénoueOuvre tes bras ouvre ton âmeQue j'en savoure en toi le goûtMon amour frais mon amour femmeLe bonheur d'être et le temps doux
Pour me guérir de mon enfance
Jean FerratODEUR DES MYRTILSPoème d'Aragon
Odeur des myrtilsDans les grands paniersQue demeure-t-ilDe nous au grenierOdeur des myrtilsDans les grands paniers
Ombre mon royaumeJe retrouveraisLes anciens arômesEt les noirs portraitsLes enfants qui dormentLes fauteuils boiteuxLes ombres difformesLa trace des jeux
Odeur des myrtilsDans les grands paniersQue demeure-t-ilDe nous au grenierOdeur des myrtilsDans les grands paniers
C'était moi peut-êtreOu peut-être vousLes yeux des fenêtresSont vides et fous
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paroles ferratDans les mois de pailleIl fait doux guetterLe cri court des caillesDivisant l'été
Odeur des myrtilsDans les grands paniersQue demeure-t-ilDe nous au grenierOdeur des myrtilsDans les grands paniers
Le vent se reposeAux bords bleus du tempsLes hérons gris-roseMarchent sur l'étangIl me semble entendreUn train loin d'iciDans les osiers tendresLe jour est assis
Odeur des myrtilsDans les grands paniersQue demeure-t-ilDe nous au grenierOdeur des myrtilsDans les grands paniers
La fin d'août paresseEt les arbres fontDe lentes caressesAux plafonds profondsMémoire qui meurtPhotos effacéesRumeur ô rumeurDes choses passées
Odeur des myrtilsDans les grands paniersQue demeure-t-ilDe nous au grenierOdeur des myrtilsDans les grands paniers
Jean FerratON NE VOIT PAS LE TEMPS PASSER
On se marie tôt à vingt ansEt l'on n'attend pas des annéesPour faire trois ou quatre enfantsQui vous occupent vos journéesEntre les courses la vaisselleEntre ménage et déjeunerLe monde peut battre de l'aileOn n'a pas le temps d'y penser
Faut-il pleurer, faut-il en rireFait-elle envie ou bien pitiéJe n'ai pas le coeur à le direOn ne voit pas le temps passer
Une odeur de café qui fumeEt voilà tout son univers
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paroles ferratLes enfants jouent, le mari fumeLes jours s'écoulent à l'enversA peine voit-on ses enfants naîtreQu'il faut déjà les embrasserEt l'on n'étend plus aux fenêtresQu'une jeunesse à repasser
Faut-il pleurer, faut-il en rireFait-elle envie ou bien pitiéJe n'ai pas le coeur à le direOn ne voit pas le temps passer
Elle n'a vu dans les dimanchesQu'un costume frais repasséQuelques fleurs ou bien quelques branchesDécorant la salle à mangerQuand toute une vie se résumeEn millions de pas dérisoiresPrise comme marteau et enclumeEntre une table et une armoire
Faut-il pleurer, faut-il en rireFait-elle envie ou bien pitiéJe n'ai pas le coeur à le direOn ne voit pas le temps passer
Jean FerratOURAL OURALOU
C'est dans l'aube chère à VerlaineQue tu courais notre domaineHumant l'air des quatre saisonsOdeurs de thym et de bruyèreSous tes pattes fraîches légèresS'élevaient comme une oraisonBerger des landes familièresTu vivais digne et solitaireAnimal doué de raisonJ'écris ce jour anniversaireOù tu reposes sous la terreA deux pas de notre maison
Hourrah oural ouralouOural ouralou
Hourrah oural ouralouOural ouralou
On voit souvent des souverainesA la place des rois qui régnentRien qu'en posant leurs yeux dessusIl faut se méfier du paraîtreDe nous deux qui était le maîtreNous ne l'avons jamais bien suTu vécus la vie parisienneLa nuit sur les quais de la SeineLes music-halls et les tournéesEt cette vie qui fût la mienneIl me semble que tu l'entraînesA la semelle de tes souliers
Hourrah oural ouralouOural ouralou
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paroles ferrat
Hourrah oural ouralouOural ouralou
Jour après jour il faut l'admettreVoir ceux qu'on aime disparaîtreC'est ce qui fait vieillir trop tôtAu paradis des chiens peut-êtreTon long museau à la fenêtreTu nous accueilleras bientôtAu triple galop caracoleJe vois tes pattes qui s'envolentChevauchant l'herbe et les nuéesLe vent siffle dans ton pelageVole vole mon loup sauvageComme au temps des vertes années
Hourrah oural ouralouOural ouralou
Hourrah oural ouralouOural ouralou
Jean FerratPABLO MON AMIPoème d'Aragon
Pablo mon ami qu'avons-nous permisL'ombre devant nous s'allonge s'allongeQu'avons-nous permis Pablo mon amiPablo mon ami nos songes nos songes
Nous sommes les gens de la nuit qui portons le soleil en routeIl nous brûle au profond de l'êtreNous avons marché dans le noir à ne plus sentir nos genouxSans atteindre le monde à naître
Pablo mon ami qu'avons-nous permisL'ombre devant nous s'allonge s'allongeQu'avons-nous permis Pablo mon amiPablo mon ami nos songes nos songes
Je connais ce souffrir de tout qui donne bouche de tourmentAmère comme aubépineA tous les mots à tous les cris à tous les pas les errementsOù l'âme un moment se devine
Pablo mon ami qu'avons-nous permisL'ombre devant nous s'allonge s'allongeQu'avons-nous permis Pablo mon amiPablo mon ami nos songes nos songes
Pablo mon ami tu disais avec ce langage angoissantOù se font paroles étrangesN'est large espace que douleur et n'est univers que de sangSi loin que j'aille rien n'y change
Pablo mon ami qu'avons-nous permisL'ombre devant nous s'allonge s'allongeQu'avons-nous permis Pablo mon amiPablo mon ami nos songes nos songes
Pablo mon ami le temps passe et déjà s'effacent nos voixPage 135
paroles ferratOn n'entend plus même un coeur battreTout n'était-il que ce qu'il fut tout n'était-il que ce qu'on voitTout n'était-il que ce théâtre
Pablo mon ami qu'avons-nous permisL'ombre devant nous s'allonge s'allongeQu'avons-nous permis Pablo mon amiPablo mon ami nos songes nos songes
Jean FerratPARDONNEZ-MOI MADEMOISELLEParoles: Guy Thomas
Pardonnez-moi mademoiselleJe suis plein de confusionD'avoir frôlé vos dentellesEffleuré vos bas nylonJ'ai pas d'excuse officielleNi de justificationVraiment vous étiez si belleEt puis vous sentiez si bon
C'est vrai je suis pas sortableJ'ai pas de conversationJe m'ennuie chez les notablesDans les repas les salonsJ'ai l'oreille imperméableJe n'entends pas les questionsJ'ai le cerveau sous la tableOu je dessine au plafond
J'ai des goûts épouvantablesDes idées de petit conL'Economie ça m'accableAutant que la ReligionTous les sujets honorablesLe Sport et l'EducationLes maladies incurablesÇa me donne le bourdon
J'aimerais mieux je vous jureUn petit air d'accordéonUne balade en voitureUn sandwich au saucissonUn petit coin de verdureUne rivière un pinsonVotre main sur la figurePour un baiser polisson
Le soir vous seriez enclineA venir dans ma maisonUne boîte de sardinesSerait pour nous du saumonEn délaçant vos bottinesEn arrachant vos boutonsPour vous convaincre en sourdineJ'aurais de la conversation
Pardonnez-moi mademoiselleJe suis plein de confusionD'avoir frôlé vos dentellesEffleuré vos bas nylonJ'ai pas d'excuse officielleNi de justification
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paroles ferratVraiment vous étiez si belleEt puis vous sentiez si bon
Jean FerratPARIS AN 2000Paroles: Henri Gougaud
Des cages s'ouvrent sur des cagesIl y a dans l'air comme un naufrageUn coeur quelque part ne bat plusParisUn coeur quelque part ne bat plusParis
Nous n'irons plus flâner aux HallesAu petit jour à peine pâleNous ne vous tendrons plus la mainAndré Breton, ApollinairePoètes de la ville lumièreParis magique s'est éteintCouleur de fer coule la SeineQuelle injure crient tes sirènesCapitale prostituéeQuand nos regards sans transparenceNoyés dans des tonnes d'essencePleurent des larmes polluées
Les cages s'ouvrent sur des cagesIl y a dans l'air comme un naufrageUn coeur quelque part ne bat plusParisUn coeur quelque part ne bat plusParis
Il n'est de Paris que son ombreDes chercheurs d'or sur les décombresDressent des banques de bétonL'ordre massif règne immobileLe pauvre habite en bidonvilleLe riche à la ville bidonDans les rues tracées à la triqueVoici l'acier géométriqueDes Bastilles de la fureurReviendrons-nous un jour les prendreAvant que mille ne tombent en cendresDu front de Paris crève-coeur
Les cages s'ouvrent sur des cagesIl y a dans l'air comme un naufrageUn coeur quelque part ne bat plus
Jean FerratPARLE-MOI DE NOUSParoles et musique: Jean Ferrat
Parle-moi tout basParle-moi de toiParle-moi de nous
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paroles ferratDes hauts et des basDe la vie qui vaDes riens qui font toutParle-moi des chosesQue jamais l'on n'oseSe dire entre nousIndéfinissablesPetits grains de sableDont je suis jaloux
Parle parle parle-moi de toiParle-moi de nous
Parle-moi des peinesQui parfois nous viennentOn ne sait trop d'oùComme ces étoilesQui filent leurs toilesDans la nuit d'aoûtQuels rêves t'entraînentQuand l'aube incertaineVient à pas de loupVérité mensongeLa vie est un songeA dormir debout
Parle parle parle-moi de toiParle-moi de nous
Dans ce monde atroceOù l'homme férocePour l'homme est un loupLe ciel de l'ArdècheEst comme une pêcheAu-dessus de nousGarde-moi ma placeCe havre de grâceEntre tes genouxOù se désaltèrentA ta source amèreMes rois et mes fous
Parle parle parle-moi de toiParle-moi de nous
Jean FerratPAUVRE BORISParoles et musique: Jean Ferrat
Tu vois rien n'a vraiment changéDepuis que tu nous a quittéLes cons n'arrêtent pas de volerLes autres de les regarderSi l'autre jour on a bien riIl paraît que le déserteurEst un des grands succès de l'heureQuand c'est chanté par AnthonyPauvre Boris
Voilà quinze ans qu'en IndochineLa France se déshonoraitEt l'on te traitait de vermineDe dire que tu n'irais jamais
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paroles ferratSi tu les vois sur leurs guitaresAjuster tes petits coupletsAvec quinze années de retardCe que tu dois en rigolerPauvre Boris
Ils vont chercher en AmériqueLa mode qui fait des dollarsUn jour ils chantent des cantiquesEt l'autre des refrains à boireEt quand ça marche avec DylanChacun a son petit VietnamChacun son nègre dont les osLui déchirent le coeur et la peauPauvre Boris
On va quitter ces pauvres mecsPour faire une java d'enferManger la cervelle d'un évêqueAvec le foie d'un militaireFaire sauter à la dynamiteLa bourse avec le PanthéonPour voir si ça tuera les mythesQui nous dévorent tout du longPauvre Boris
Tu vois rien n'a vraiment changéDepuis que tu nous a quitté
Jean FerratPAUVRES PETITS C...
On parle de vous sans cesseDe vos opinionsVos voitures vos maîtressesVos clubs en renomVous avez pour vous la presseLa télévisionVous vous dites la jeunessePauvres petits c...Vous vous dites la jeunessePauvres petits cons
Fils de bourgeois ordinairesFils de Dieu sait quiVous mettez les pieds sur terreTout vous est acquisSurtout le droit de vous tairePour parler au nomDe la jeunesse ouvrièrePauvres petits c...De la jeunesse ouvrièrePauvres petits cons
Vos guitares vos idolesEt vos James BondJe m'en contre-foutrai commeDe colin-tamponSi celui-ci que l'on berneNe prenait pour de bonVos vessies pour des lanternesPauvres petits c...Vos vessies pour des lanternes
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paroles ferratPauvres petits cons
Quand le temps de vos colèresQuand vos contorsionsNe seront plus qu'éphémèresEt vieilles illusionsFils de bourgeois ordinairesPour qui nous savonsVous voterez comme vos pèresPauvres petits c...Vous voterez comme vos pèresPauvres petits cons
Je ne partirai pas en guerreContre vos moulinsSi à la prochaine guerreLe fait est certainQui se fera casser la gueulePour vos opinionsC'est encore nous ma parolePauvres petits c...C'est encore nous ma parolePauvres petits cons
Si votre papa fait mineDe couper les fondsSi vos petites combinesNe tournent plus rondSi votre moi vous chagrinePlus que de raisonIl y a des places en usinePauvres petits c...Il y a des places en usinePauvres petits cons
Jean FerratPETITParoles: Guy Thomas
Petit mon dangereux pirateLes pieds nus dans le caniveauMon matelot qui carapateAprès tes voiliers tes vaissauxMon amateur de confituresJe pourrais ronchonner bientôtRéglementer tes aventuresMettre du lest à tes bateaux
Petit mon voyou mon apacheMon amoureux du fil de l'eauJe pourrais friser ma moustacheEt t'inviter dans mon bureau
Petit qui sur les bancs de l'écoleA toujours l'air d'un étrangerQui comprends pas le protocoleLa bête noire du surgéLe blâmé du conseil de classeCelui qui saura pas nagerDans la société des rapacesEt des gangsters autorisés
Petit mon malheureux potacheMon amoureux du fil de l'eauJe pourrais friser ma moustache
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paroles ferratEt te reprocher tes zéros
Petit mon dangereux gauchisteMon enragé mon anarchoQui me trouve trop légalisteEt pour tout dire un peu cocoQui trouve nos combats fadassesQui voudrait détruire illicoLes injustices dégueulassesEn embauchant le sirocco
Petit mon voyou mon apacheMon amoureux du fil de l'eauJe pourrais friser ma moustacheJe pourrais freiner ton galop
Oui mais quand je pense à tes SocrateA tes cornacs à tes mentorsY'a de quoi me couper les pattesY'a pas de quoi jouer les cadorsC'est vrai qu'elle a triste figureCette planète où nous vivonsÇa pue la haine et la tortureLa guerre et la bombe à neutrons
Ah vivre un monde un peu moins vacheUn peu plus libre un peu plus beauPetit mon voyou mon apacheMon amoureux du fil de l'eau
Jean FerratPICASSO COLOMBEParoles: Henri Gougaud
Il était un homme oiseauQui cueillit le monde rondL'ouvrit de ses doigts pipeauxL'enfouit dans son oeil citron
Puis déshabilla les dieuxLes fit danser dans les boisLes croqua de ses dents bleuesLes enivra de hautbois
Picasso colombe au laurierFit Guernica la mort aux cornesPour que dans un monde sans bornesLa nuit ne vienne plus jamaisLa nuit ne vienne plus jamais
Il était un homme fruitQui roula dans l'herbe crueSur une femme pétriePar un dieu Pan au poil dru
Femme, il fendit ton chignonD'un coup de soleil tranchantLe fendit comme un oignonDans la cuisine des champs
Picasso colombe au laurierFit Guernica la mort aux cornesPour que dans un monde sans bornes
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paroles ferratLa nuit ne vienne plus jamaisLa nuit ne vienne plus jamais
Il était un homme enfinPrit le fruit et le croquaPrit l'oiseau, le fit humainColoriant aux éclats
But le temps et s'enivraBut le vin qui devint purPrit la cage et la brisaSur la porte du futur
Picasso colombe au laurierFit Guernica la mort aux cornesPour que dans un monde sans bornesLa nuit ne vienne plus jamaisLa nuit ne vienne plus jamaisLa nuit ne vienne plus jamais
Jean FerratPOTEMKINEParoles: Georges Coulonges
M'en voudrez vous beaucoup si je vous dis un mondeQui chante au fond de moi au bruit de l'océanM'en voudrez vous beaucoup si la révolte grondeDans ce nom que je dis au vent des quatre vents
Ma mémoire chante en sourdinePotemkine
Ils étaient des marins durs à la disciplineIls étaient des marins, ils étaient des guerriersEt le coeur d'un marin au grand vent se burineIls étaient des marins sur un grand cuirassé
Sur les flots je t'imaginePotemkine
M'en voudrez vous beaucoup si je vous dis un mondeOù celui qui a faim va être fusilléLe crime se prépare et la mer est profondeQue face aux révoltés montent les fusiliers
C'est mon frère qu'on assassinePotemkine
Mon frère, mon ami, mon fils, mon camaradeTu ne tireras pas sur qui souffre et se plaintMon frère, mon ami, je te fais notre alcadeMarin ne tire pas sur un autre marin
Ils tournèrent leurs carabinesPotemkine
M'en voudrez vous beaucoup si je vous dis un mondeOù l'on punit ainsi qui veut donner la mortM'en voudrez vous beaucoup si je vous dis un mondeOù l'on n'est pas toujours du côté du plus fort
Ce soir j'aime la marinePotemkine
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paroles ferrat
Jean FerratPOUR ÊTRE ENCORE EN HAUT DE L'AFFICHE
La langue française a fait son tempsParaît qu'on n'arrête pas le progrèsQue pour être vedette à présentIl vaut mieux chanter en anglaisEt moi et moi pauvre de moiQui me tais depuis si longtempsFaudrait que je fasse gaffe à tout çaQue je me reconvertisse à tempsJ'ai pris la méthode assimilMy tailor in the pocketPour avoir l'air comme les débilesD'arriver du MassachusettsPour être encore en haut de l'afficheFaudrait que je sussure en anglicheSi je veux coller à mon époqueIl me faut braire en amerloque
Singing in the rainSinging in the trainSinging my heartSinging in the woodsSinging in the bloodIt is not the tarte
S'il n'y a plus rien d'autre à fairePour échapper à la misèreSi c'est le seul moyen ici-basD'intéresser les mass médiaSi le français ou le bretonSi l'occitan ou l'auvergnatComme on me le dit sur tous les tonsLe show-business il aime pas çaY'a peut-êtr' quand même un avantageA cette évolution sans freinOn pourra chanter sans entraveQuand les gens n'y comprendront rienPour être encore en haut de l'afficheJe pourrai sussurer en anglicheSi je ne veux pas finir en loqueJe pourrai braire en amerloque
Singing in the rainSinging in the trainSinging my heartSinging in the woodsSinging in the bloodIt is not the tarte
J'entends les copains ricanerQue j'ai plutôt l'accent manoucheIls sont jaloux de mon petit succèsQuand j'ai de la bouillie plein la boucheGrâce aux sondages indiscutablesDans l'âme du français moyenIl paraît que nos responsablesSavent tout du goût de chacunPlaire à tout le monde et à personneC'est pas donné à n'importe qui
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paroles ferratN'allez pas croire qu'ils s'en tamponnentS'ils nous transforment en coloniePour être encore en haut de l'afficheJe commence à penser en anglicheQuand j'aurai le feeling ad hocÇa va faire mal en amerloque
Singing in the rainSinging in the trainSinging my heartSinging in the woodsSinging in the bloodIt is not the tarte
Jean FerratPOURTANT LA VIEPoème d'Aragon
A voir un jeune chien courirLes oiseaux parapher le cielLe vent friser le lavoir bleuLes enfants jouer dans le jour
A sentir fraîchir la soiréeEntendre le chant d'une porteRespirer les lilas dans l'ombreFlâner dans les rues printanières
Rien moins que rien pourtant la vie
Rien moins que rien Juste on respireEst-ce un souffle une ombre un plaisirJe puis marcher je puis m'asseoirLa pierre est fraîche la main tiède
Tant de choses belles qu'on toucheLe pain l'eau la couleur des fruitsLà-bas les anneaux des fuméesUn train qui passe et crie au loin
Rien moins que rien pourtant la vie
A doucement perdre le tempsSuivre un bras nu dans la lumièreEntrer sortir dormir aimerAller devant soi sous les arbres
Mille choses douces sans nomQu'on fait plus qu'on ne les remarqueMille nuances d'êtres humainesA demi-songe à demi-joie
Rien moins que rien pourtant la vie
Celui qui le veut qu'il s'enivreDe la noirceur et du poisonMais le soleil sur ta figureEst plus fort que l'ombre qu'il fait
Et qu'irais-je chercher des rimesA ce bonheur pur comme l'airUn sourire est assez pour dire
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paroles ferratLa musique de l'être humain
Rien moins que rien pourtant la vie
Jean FerratPRISUNICParoles: Henri Gougaud
Prisunic aux soleils d'aluminium fleuriJe flâne en vos jardins d'ustensiles étrangesPrisunic Prisunic en passant je sourisAux petites vendeuses couleur de pschitt orange
O vendeuses chéries en matière plastiquePrenez mon plasti-coeur et mes plasti-baisersPuis nous nous coucherons dans l'herbe synthétiqueNous ferons des enfants à l'âme triphasée
Sur des arbres en carton y'a de la plasti-mousseEt des plasti-nuages accrochés aux néonsOh le celluloïd comme il a la peau douceLa machine à laver où l'as-tu vue Léon
Moi je n'ai d'yeux que pour les Prisunic vendeusesEngrangeant des étoiles aux réfrigérateursImaginez-les donc en robes vaporeusesElles mettraient un cochon dedans votre moteur
Prisunic aux soleils d'aluminium tout grisLa musique vous prend dans ses douces volutesPrisunic Prisunic vos néons sont fleurisParaît que le nylon ça brûle en deux minutes
Jean FerratQUAND ON N'INTERDIRA PLUS MES CHANSONS
Quand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon bon bon bon bon bon bonQuand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon à jeter sous les ponts
Je ne chanterai plus que les petits oiseauxL'amour le ciel la terre et l'eauDans la fanfare oppositionJe soufflerai plus d'héliconJe ferai plus mal à personneJ'aurai la plume aseptiséeJ'aurai plus la voix qui détonneDans les grands shows télévisés
Quand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon bon bon bon bon bon bonQuand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon à jeter sous les ponts
Je serai le champion du bofPage 145
paroles ferratToujours au côté du plus fortUn genre de nouveau philosopheAvec l'idéal au point mortJe serai plus l'affreux jojoQui met ses rimes où il faut pasQui fait de la peine aux collabosFigaro-ci Figaro-là
Quand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon bon bon bon bon bon bonQuand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon à jeter sous les ponts
La majorité silencieuseAyant enfin trouvé sa voixJe serai plus la maladie honteuseLe chantre qu'on cache à papaJ'incarnerai ces pauvres typesLes masochistes du pouvoirQui se régalent par principeEn recevant des coups de barre
Quand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon bon bon bon bon bon bonQuand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon à jeter sous les ponts
Enfant chéri des monopolesJ'aurai mon avenir assuréJ'inventerai plus de carmagnolesQu'avec l'accord de l'ElyséeJe deviendrai super enzymeJe deviendrai super gloutonEn glorifiant à plein régimeL'Europe des supers patrons
Quand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon bon bon bon bon bon bonQuand on n'interdira plus mes chansonsJe serai bon à jeter sous les ponts
Jean FerratQUATRE CENTS ENFANTS NOIRSParoles: Michelle Senlis
Quatre cents enfants noirsDans un journal du soirEt leur pauvre sourireCes quatre cents visagesA la première pageM'empêchent de dormir
Toi, tu dors près de moiHeureuse, et je le saisTu dors comme autrefoisMoi aussi je dormaisSi la nuit est venuePourtant Paris n'est plusQu'un effrayant silence
J'attends que le jour vienneJ'attends que l'on éteigne
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paroles ferratJ'attends qu'un oiseau chanteQu'un oiseau chante
Quatre cents enfants noirsSans manger et sans boireAvec leurs grands yeux tristesCes quatre cents prièresDans un hebdomadaireRappellent qu'ils existent
Toi, tu dors malgré toutDe ton sommeil heureuxTu dors et tout à coupJe suis seul avec euxLe soleil s'est levéL'arroseur est passéA Paris c'est dimanche
Ceux qui veillaient s'endormentCeux qui dormaient s'étonnentQuelque part rien ne changeRien ne change, rien ne change
Jean FerratQUE SERAIS-JE SANS TOILe poème d'Aragon
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontreQue serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormantQue cette heure arrêtée au cadran de la montreQue serais-je sans toi que ce balbutiement
J'ai tout appris de toi sur les choses humainesEt j'ai vu désormais le monde à ta façonJ'ai tout appris de toi comme on boit aux fontainesComme on lit dans le ciel les étoiles lointainesComme au passant qui chante on reprend sa chansonJ'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontreQue serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormantQue cette heure arrêtée au cadran de la montreQue serais-je sans toi que ce balbutiement
J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerneQu'il fait jour à midi qu'un ciel peut être bleuQue le bonheur n'est pas un quinquet de taverneTu m'as pris par la main dans cet enfer moderneOù l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deuxTu m'as pris par la main comme un amant heureux
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontreQue serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormantQue cette heure arrêtée au cadran de la montreQue serais-je sans toi que ce balbutiement
Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristesN'est-ce pas un sanglot de la déconvenueUne corde brisée aux doigts du guitaristeEt pourtant je vous dis que le bonheur existeAilleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nuesTerre terre voici ses rades inconnues
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paroles ferrat
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontreQue serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormantQue cette heure arrêtée au cadran de la montreQue serais-je sans toi que ce balbutiement
Jean FerratQUI VIVRA VERRAPoème d'Aragon
Dans les premiers froids de MadridJ'habitais la Puerta del SolCette place comme un grand videAttendait quelque nouveau CidDont le manteau jonchât le solEt recouvrît ces gueux sordidesQu'on jette aux mendiants l'oboleMontrez-moi le peuple espagnol
Qui vivra verra le temps roule rouleQui vivra verra quel sang coulera
Passant les bourgs de terre cuiteLes labours perchés dans les airsSur un chemin qui fait des huitComme aux doigts maigres des jésuitesLeur interminable rosaireLe vent qui met les rois en fuiteFouette un bourricot de misèreVers l'Escorial-au-Désert
Qui vivra verra le temps roule rouleQui vivra verra quel sang coulera
D'où se peut-il qu'un enfant tireCe terrible et long crescendoC'est la plainte qu'on ne peut direQui des entrailles doit sortirLa nuit arrachant son bandeauC'est le cri du peuple martyrQui vous enfonce dans le dosLe poignard du cante jondo
Qui vivra verra le temps roule rouleQui vivra verra quel sang coulera
Qu'au son des guitares nomadesLa gitane mime l'amourLes cheveux bleuis de pommadeL'oeil fendu de SchéhérazadeEt le pied de BoudroulboudourIl se fait soudain dans GrenadeQue saoule une nuit de vin lourdUn silence profond et sourd
Qui vivra verra le temps roule rouleQui vivra verra quel sang coulera
Il se fait soudain dans GrenadeQue saoule une nuit de sang lourdUne terrible promenade
Il se fait soudain dans GrenadePage 148
paroles ferratUn grand silence de tambours
Jean FerratRACONTE-MOI LA MERParoles: Claude Delecluse, musique: Jean Ferrat
Raconte-moi la merDis-moi le goût des alguesEt le bleu et le vertQui dansent sur les vagues
La mer c'est l'impossibleC'est le rivage heureuxC'est le matin paisibleQuand on ouvre les yeuxC'est la porte du largeOuverte à deux battantsC'est la tête en voyageVers d'autres continentsC'est voler comme IcareAu devant du soleilEn fermant sa mémoireA ce monde cruelLa mer c'est le désirDe ce pays d'amourQu'il faudra découvrirAvant la lin du jour
Raconte-moi la merDis-moi ses aubes pâlesEt le bleu et le vertOu tombent les étoiles
La mer c'est l'innocenceDu paradis perduLe jardin de l'enfanceOù rien ne chante plusC'est l'écume et le sableToujours recommencésEt la vie est semblableAu rythme des marées
C'est l'infinie détresseDes choses qui s'en vontC'est tout ce qui nous laisseA la morte saisonLa mer c'est le regretDe ce pays d'amourQue l'on cherche toujoursEt qu'on n'atteint jamais
Raconte-moi la merDis-moi le goût des alguesEt le bleu et le vertQui dansent sur les vagues
Jean FerratREGARDE-TOI PANAME
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paroles ferratParoles: Pierre Frachet
Ne crâne donc pas tant PanameJe ne voudrais pas te faire de peineMais on peut voir couler la SeineAilleurs qu'au pied de Notre-Dame
De Châtillon à l'estuaireElle baigne bien d'autres lieuxGrâce en soit rendue au Bon DieuY'a pas que Paris sur la terre
Paname si tu te crois belleC'est que tu ne t'es pas regardéeDu côté du quai de GrenelleOu de Maubert/Mutualité
Paris le soir Paris la nuitTu bois tu gambilles tu t'empiffresEt tu noies dans le son des fifresTa solitude et ton ennui
Paris tu vas paumer ta ligneA force de mordre au gâteauTu prends du ventre à RambuteauT'es moins jeune et tu te résignes
Paname tu te crois mariolleMais tu ne t'es pas regardéeSur le vieux pont des BatignollesY'a longtemps qu'on ne va plus danser
Tu trouves la misère importuneMais tu portes tes beaux quartiersComme leurs bagues et leurs colliersLes vieilles cocottes sans fortune
Mais à trois pas de tes loubardsEn face du quai de PassyY'a des mômes de par iciQui n'ont jamais grimpé aux arbres
Va rhabiller tes faux poètesPaname t'as perdu la mainT'es plus bonne qu'aux AméricainsQui viennent se soûler à tes fêtes
Troupeau de toi fleuve tranquilleCiel généreux pavé têtuGrande gueule et petite vertuPaname t'es quand même ma ville
Y'a des revers à tes médaillesDes rimes pauvres à tes poèmesPour cent palais pour cent ripaillesCombien de taudis de carêmes
Et pourtant je n'ai pas l'envieDe traîner ailleurs mes souliersC'est là que j'ai commencé ma vieC'est là que je la finirai
Jean FerratPage 150
paroles ferratRESTERA-T-IL UN CHANT D'OISEAUParoles: Claude Delecluse
Que restera-t-il sur la terreDans cinquante ansOn empoisonne les rivièresLes océansOn mange des hydrocarburesQue sais-je encoreLe Rhône charrie du mercureDes poissons morts
Pour les enfants des temps nouveauxRestera-t-il un chant d'oiseau
Le monde a perdu la boussoleQu'a-t-il gagnéDes plages noires de pétrolePour se baignerL'atome va régner sur terreComme un SeigneurQu'en ferons-nous c'est une affaireQui me fait peur
Pour les enfants des temps nouveauxRestera-t-il un chant d'oiseau
A peine le malheur des hommesEst-il moins grandQue déjà pourrissent les pommesDes nouveaux tempsEnfants enfants la terre est rondeCriez plus fortPour que se réveille le mondeS'il n'est pas mort
Pour les enfants des temps nouveauxRestera-t-il un chant d'oiseau
Jean FerratRIEN À VOIRParoles: Henri Gougaud
Des poèmes écrits sur les automobilesUn grand nu de Renoir peint sur le Sacré CoeurDe longues femmes fleurs au sourire immobileChantant au coin des rues des chansons crève-coeur
Et dans les prisons rien à voirRien à voir rien à voir
Des fruits mal défendus et des filles gourmandesCinglant vers le bonheur toutes voiles dehorsArmstrong et Beethoven dans les champs de lavande"La vie en rose" hurlée aux monuments aux morts
Et dans les casernes rien à voirRien à voir rien à voir
Des chemins tout tracés pour la joie des instablesDes chemins qui ne vont à Rome ni ailleursLa multiplication des pains sur chaque table
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paroles ferratPar un Jésus faisant l'amour parmi les fleurs
Et dans les églises rien à voirRien à voir rien à voir
Les vieux dans les pommiers et du vent dans les branchesLes oiseaux de malheur enfin dynamitésUn hymne national qui te prend par les hanchesPour te faire danser en plein coeur de l'été
Et dans le soleil tout à voirTout à voir tout à voir
Jean FerratROBERT LE DIABLEPoème d'Aragon
Tu portais dans ta voix comme un chant de NervalQuand tu parlais du sang jeune homme singulierScandant la cruauté de tes vers réguliersLe rire des bouchers t'escortait dans les HallesTu avais en ces jours ces accents de gageureQue j'entends retentir à travers les annéesPoète de vingt ans d'avance assassinéEt que vengeaient déjà le blasphème et l'injure
Je pense à toi Desnos qui partis de CompiègneComme un soir en dormant tu nous en fis récitAccomplir jusqu'au bout ta propre prophétieLà-bas où le destin de notre siècle saigne
Debout sous un porche avec un cornet de fritesTe voilà par mauvais temps près de Saint-MerryDévisageant le monde avec effronterieDe ton regard pareil à celui d'AmphitriteÉnorme et palpitant d'une pâle buéeEt le sol à ton pied comme au sein nu l'écumeSe couvre de mégots de crachats de légumesDans les pas de la pluie et des prostituées
Je pense à toi Desnos qui partis de CompiègneComme un soir en dormant tu nous en fis récitAccomplir jusqu'au bout ta propre prophétieLà-bas où le destin de notre siècle saigne
Et c'est encore toi sans fin qui te promènesBerger des longs désirs et des songes brisésSous les arbres obscurs dans les Champs-ElyséesJusqu'à l'épuisement de la nuit ton domaineO la Gare de l'Est et le premier croissantLe café noir qu'on prend près du percolateurLes journaux frais les boulevards pleins de senteurLes bouches du métro qui captent les passants
Je pense à toi Desnos qui partis de CompiègneComme un soir en dormant tu nous en fis récitAccomplir jusqu'au bout ta propre prophétieLà-bas où le destin de notre siècle saigne
La ville un peu partout garde de ton passageUne ombre de couleur à ses frontons salisEt quand le jour se lève au Sacré-Coeur pâliQuand sur le Panthéon comme un équarissageLe crépuscule met ses lambeaux écorchés
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paroles ferratQuand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-ChangeQuand le soleil au Bois roule avec les orangesQuand la lune s'assied de clocher en clocher
Je pense à toi Desnos qui partis de CompiègneComme un soir en dormant tu nous en fis récitAccomplir jusqu'au bout ta propre prophétieLà-bas où le destin de notre siècle saigne
Jean FerratSACRÉ FÉLICIEN
Sachez qu'en mon paysAvec tous mes amisDe veille et de bambocheIl faut se lever tôtPour avoir le droit auTitre de roi des clochesBoire et jouer pour deuxAimer à qui mieux mieuxTraiter Dieu de fantocheEn réfléchissant bienJe n'en vois guère qu'unPour qui c'est dans la poche
Sacré FélicienTu mérites bienLa cloche d'airainSacré Félicien
Tous les soirs au pokerParadis et enferMon coeur cesse de battreQuand tremble sa casquetteAu regard qu'il me jetteEn abattant ses cartesSi je sens aussitôtPousser sous mon chapeauDes cornes qui se cachentC'est qu'au jeu de pokerIl dit qu'il vaut mieux faireLe boucher que la vache
Sacré FélicienTu mérites bienLa cloche d'airainSacré Félicien
Au tendre jeu d'aimerSa force est de flairerL'anguille sous la rochePeu lui chaut tout à faitQue la belle ait le nezEn forme de galocheMais qu'un morceau de roiSuivi d'un échalasA petit pas s'approcheIl me dit aussitôt"Ben, mon pauvre JeannotLa tienne est plutôt moche"
Sacré FélicienTu mérites bien
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paroles ferratLa cloche d'airainSacré Félicien
Quand on va braconnerLa truite et le gibierJe guette le gendarmeS'il est petit et grosSuant sous son chapeauIl me dit: "Pas d'alarmeTe casse pas la têteCelui-là est si bêteD'après ce qu'on raconteQue même ses collèguesQui ne sont pas des aiglesOnt pu s'en rendre compte"
Sacré FélicienTu mérites bienLa cloche d'airainSacré Félicien
Jean FerratSAINTE CANAILLEParoles: Pierre Cour
Petite Sainte NitoucheTu viens sur ma boucheChercher ton plaisirMais tu t'effarouchesQuand ma main te touchePour te retenirTu joues et tu rusesCe que tu t'amusesDe mon désarroiEt puis soudain griseTe voilà soumiseAu creux de mes bras
Petite Sainte CoquetteTu veux que la fêteDure jusqu'au jourTu fais l'innocentePour mieux que j'inventeDes jeux à l'amourTu mords et tu griffesEt tu te rebiffesPour t'apaiser mieuxEt pour plus de charmeTu cherches une larmeAu bord de tes yeux
Petite Sainte CanailleGarde ta médailleAutour de ton couTout le reste sombreQuelque part dans l'ombreJeté n'importe oùSavoir si je t'aimeC'est ton seul problèmeTu n'en sauras rienCar le jour éclateEt comme une chatteTu t'endors si bien
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paroles ferrat
Jean FerratSI J'ÉTAIS PEINTRE OU MAÇON
Si j'étais peintre ou maçonMétallo ou forgeronQue je travaille à la chaîneEn écoutant ma rengaineVous vous feriez une raisonSi j'étais peintre ou maçon
Mais je gagne des millionsEt combats à ma façonVotre bien-aimé systèmeEt votre teint devient blêmeQuand je dis révolutionMoi qui gagne des millions
Vous avez peur d'une chansonPeur de l'avenirVous manquez d'imaginationJusqu'à en mourir
Si je sortais de prisonSi je couchais sous les pontsVous vous diriez c'est la haineCe serait pour votre aubaineUne belle explicationSi je sortais de prison
Moi qui croque vos millionsQuand je chante abolissonsVotre bien-aimé systèmeVous criez que je blasphèmeDe vos profits le saint nomMoi qui croque vos millions
Vous avez peur d'une chansonPeur de l'avenirVous manquez d'imaginationJusqu'à en mourir
Quand je chantais pour deux rondsDormais sur un paillassonVous disiez c'est la bohèmePassé le temps des cafés-crèmeIl changera d'opinionQuand je chantais pour deux ronds
Avec ou sans vos millionsDissipez vos illusionsVous ne m'aurez pas quand mêmeÊtre fidèle à moi-mêmeReste ma seule ambitionAvec ou sans vos millions
Nous qui sommes des millionsVous déclarons sans façonGardez bien votre systèmeCar il changera quand mêmeQue vous le vouliez ou nonNous qui sommes des millions
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paroles ferrat
Jean FerratSI JE MOURAIS LÀ-BASPoème de Guillaume Apollinaire, musique: Jean Ferrat
Si je mourais là-bas sur le front de l'arméeTu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aiméeEt puis mon souvenir s'éteindrait comme meurtUn obus éclatant sur le front de l'arméeUn bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclate dans l'espaceCouvrirait de mon sang le monde tout entierLa mer les monts les vals et l'étoile qui passeLes soleils merveilleux mûrissant dans l'espaceComme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes chosesJe rougirais le bout de tes jolis seins rosesJe rougirais ta bouche et tes cheveux sanglantsTu ne vieillirais point toutes ces belles chosesRajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folieDe jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeurMon sang c'est la fontaine ardente du bonheurEt sois la plus heureuse étant la plus jolie
O mon unique amour et ma grande folie
Jean FerratSI NOUS MOURONS (Lettre d'Ethel Rosenberg à ses enfants)
Vous apprendrez un jour mes fils vous apprendrezPourquoi nous reposons sous terreLe livre à moitié lu le chant interrompuEt la besogne inachevée
Ne pleurez plus mes fils mes fils ne pleurez plusLe monde entier saura le pourquoi du mensongeEt de la calomnie le monde entier sauraNos pleurs et notre peine
Joyeux et vert mes fils mes fils joyeux et vertSera le monde au-dessus de nos tombesLes tueries cesseront la terre fleuriraDans la paix fraternelle
Travaillez construisez mes fils un monumentA l'amour à la joie à la valeur humaineEt à la foi que nous avons gardéePour vous mes fils mes fils pour vous
Jean FerratTA CHANSON
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paroles ferrat
Non je ne veux pas croireQue dans d'autres mémoiresIl ne resterait rienRien de notre bel âgeNi des mille visagesDe notre amour sans finSi j'allais disparaîtreQui sait demain peut-êtreA moitié du cheminSans faire ta chanson
Mon amour ma faiblesseTrop de rimes se pressentDans la jungle d'idéesQui courent dans ma têteIl faut être poètePour les apprivoiserDe tous ces mots à naîtreQui resteront peut-êtreDans ma gorge serréeEst faite ta chanson
Que de rudes bataillesAvons-nous vaille que vailleDû livrer chaque jourChacun tenant son rôleÉpaule contre épauleEt gagnant malgré toutDe ce temps de patiencePour que la vie commenceA se mettre à genouxEst faite ta chanson
S'ils sont toujours les mêmesLes mots de ce poèmeN'appartiennent qu'à nousQue ma voix se déchireLes gens peuvent bien rireEt me traiter de fouCe soir hors de moi-mêmeJe veux crier "Je t'aime"Comme peuvent hurler les loupsPour faire ta chanson ta chanson
Jean FerratTOUJOURS LA MÊME G...
Je rêvais d'un véloEt j'ai trois bagnolesTélé et frigoÇa irait tout seulMais y'a un' petite chose qui m'ennuieC'est de me voir le jour et la nuitToujours la même gueuleToujours la même gueuleJe pourrais me faire refaire bien sûrLe nez au milieu de la figureMais ce que j'ai derrière la façadeJ'ai bien peur que ça reste en rade
Je rêvais d'une MargotPage 157
paroles ferratJ'accueille des beautésToujours stéréoStéréotypéesEt je retrouve le jour la nuitAu cinéma ou dans mon litLes mêmes petites gueulesLes mêmes petites gueulesJe pourrais leur faire refaire bien sûrLe nez à côté de la figureMais ce qu'elles ont derrière la façadeJ'ai bien peur que ça me rende malade
Je rêvais d'un amiM'en voilà deux centsQui s'esclaffent et rientQuand je desserre les dentsMais y'a une petite chose qui m'ennuieC'est qu'ils se regardent quand je suis partiAvec une sale gueuleAvec une sale gueuleJe peux pas leur faire refaire bien sûrLe nez de l'autre côté de la figureMais ce qu'ils ont derrière la façadeÇa vaut pas que je me rende malade
Quand j'aurai cesséD'être un sous-produitManufacturéJe m'en irai d'iciMais ça ne changera rien à l'affaireMême les vaches me verront faireToujours la même gueuleToujours la même gueule
Jean FerratTOUT CE QUE J'AIMEParoles: Philippe Pauletto
La mer et les oiseaux envolés du sommeilLa pierre du seuil usée par le pas des saisonsRoses d'écume et fruits vermeilsLe vent rêvant sur ma maisonLe feu qui veilleL'or des poissonsLe soleilLes moissons
Tout ce que j'aimeTout ce que j'aime au creux des mains
Combats d'hier combats toujours recommencésPremier cri de la vie graines de l'avenirUn pas de plus vers la beautéRêves réels qui vont fleurirL'espoir gagnéSavoir s'unirLa bontéRebâtir
Tout ce que j'aimeTout ce que j'aime mène à demain
Le goût de vivre enfin sans mesure sans frontièresPage 158
paroles ferratLes raisons de l'amour les raisons de la vieDeux bras comme un grand livre ouvertUne chanson contre l'oubliJustes colèresMystères conquisLa lumièreL'infini
Tout ce que j'aimeTout ce que j'aime t'appartient
Jean FerratTU AURAIS PU VIVREParoles et musique: Jean Ferrat
Tu aurais pu vivre encore un peuPour notre bonheur pour notre lumièreAvec ton sourire avec tes yeux clairsTon esprit ouvert ton air généreux
Tu aurais pu vivre encore un peuMon fidèle ami mon copain mon frèreAu lieu de partir tout seul en croisièreEt de nous laisser comme chiens galeux
Tu aurais pu vivre encore un peu
T'aurais pu rever encore un peuTe laisser bercer près de la rivièrePar le chant de l'eau courant sur les pierresQ'uand des quatre fers l'été faisait feu
T'aurais pu rêver encore un peuSous mon châtaignier à l'ombre légèreLaisser doucement le temps se défaireEt la nuit tomber sur la vallée bleue
T'aurais pu rêver encore un peu
Tu aurais pu jouer encore un peuAu lieu de lâcher tes boules peuchèreAujourd'hui sans toi comment va-t-on faireDans notre triplette on n'est plus que deux
Tu aurais pu jouer encore un peuNe pas t'en aller sans qu'on ait pu faireA ces rigolos mordre la poussièreAvec un enjeu du tonnerre de Dieu
Tu aurais pu jouer encore un peu
On aurait pu rire encore un peuAvec les amis des soirées entièresSur notre terrasse aux roses trémièresParfumée d'amour d'histoires et de jeux
On aurait pu rire encore un peuEt dans la beauté des choses éphémèresCaresser nos femmes et lever nos verresSans s'apercevoir qu'on était heureux
On aurait pu rire encore un peuPage 159
paroles ferrat
Tu aurais pu vivre encore un peuNe pas m'imposer d'écrire ces versToi qui savais bien mon ami si cherA quel point souvent je suis paresseux
Tu aurais pu vivre encore un peu
Jean FerratTU NE M'AS JAMAIS QUITTÉ
Chaque jour que Dieu me donneSoirs d'hiver, matins d'étéAu printemps ou en automneTu ne m'as jamais quitté
A travers d'autres amoursC'est toujours toi que je fuisJe n'ai plus assez de joursJe n'ai plus assez de nuitsPour pouvoir t'oublier, mon amour
Et dans la vie, je m'aperçoisQue tout m'est inconnuJe ne sais rien qu'à travers toiMais ma vie continue
Les gens me parlent et je sourisJe ris même aux éclatsJe leur dis non, je leur dis ouiMais au fond de moi
Chaque jour que Dieu me donneSoirs d'hiver, matins d'étéAu printemps ou en automneTu ne m'as jamais quitté
A travers d'autres amoursC'est toujours toi que je fuisJe n'ai plus assez de joursJe n'ai plus assez de nuitsPour pouvoir t'oublier, mon amour
Jean FerratTU VERRAS TU SERAS BIEN
J'aurais bien voulu te prendreAvec nous comme autrefoisMais Suzy m'a fait comprendreQu'on est un peu à l'étroitIl faut être raisonnableTu ne peux plus vivre ainsiSeule si tu tombais maladeOn se ferait trop de souci
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paroles ferratTu verras tu seras bien
On va trier tes affairesLes photos auxquelles tu tiensCelles de papa militaireDes enfants et des cousinsC'est drôle qu'une vie entièrePuisse tenir dans la mainAvec d'autres pensionnairesVous en parlerez sans fin
Tu verras tu seras bien
Oui je vois le chat s'agiteOn ne trompe pas son instinctMais il oubliera très viteDès qu'il sera chez les voisinsT'auras plus de courses à faireDe ménage quotidienPlus de feu en plein hiverT'auras plus souci de rien
Tu verras tu seras bien
Ton serin chante à tue-têteAllons maman calme-toiOui le directeur accepteQue tu le prennes avec toiY'a la télé dans ta chambreEn bas y'a un beau jardinAvec des roses en décembreQui fleurissent comme en juin
Tu verras tu seras bien
Et puis quand viendra dimancheOn ira faire un festinJe me pendrai à ta mancheComme quand j'étais gaminTu verras pour les vacancesTous les deux on sortiraLà où l'on chante où l'on danseOn ira où tu voudras
Tu verras tu seras bien
Jean FerratUN AIR DE LIBERTÉ
Les guerres du mensonge les guerres colonialesC'est vous et vos pareils qui en êtes tuteursQuand vous les approuviez à longueur de journalVotre plume signait trente années de malheur
La terre n'aime pas le sang ni les orduresAgrippa d'Aubigné le disait en son tempsVotre cause déjà sentait la pourritureEt c'est ce fumet-là que vous trouvez plaisant
Ah monsieur d'OrmessonVous osez déclarer
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paroles ferratQu'un air de libertéFlottait sur SaigonAvant que cette ville s'appelle Ville Ho-Chi-Minh
Allongés sur les rails nous arrêtions les trainsPour vous et vos pareils nous étions la vermineSur qui vos policiers pouvaient taper sans freinMais les rues résonnaient de paix en Indochine
Nous disions que la guerre était perdue d'avanceEt cent mille Français allaient mourir en vainContre un peuple luttant pour son indépendanceOui vous avez un peu de ce sang sur les mains
Ah monsieur d'OrmessonVous osez déclarerQu'un air de libertéFlottait sur SaigonAvant que cette ville s'appelle Ville Ho-Chi-Minh
Après trente ans de feu de souffrance et de larmesDes millions d'hectares de terre défoliésUn génocide vain perpétré au Viêt-NamQuand le canon se tait vous vous continuez
Mais regardez-vous donc un matin dans la glacePatron du Figaro songez à BeaumarchaisIl saute de sa tombe en faisant la grimaceLes maîtres ont encore une âme de valet
Jean FerratUN CHEVAL FOU DANS UN GRAND MAGASINParoles: Henri Gougaud
Je suis un arbre un vélo une orangeUn grand bateau un café sur le zincJe suis un fleuve une hirondelle un angeUn cheval fou dans un grand magasin
J'aime bien Julie Lulu et le Grand JacquesJ'aime le vin le sucre et l'aïoliLe pain trempé dans un aphrodisiaqueLes giboulées sous un grand parapluieLe pain trempé dans un aphrodisiaqueLes giboulées sous un grand parapluie
J'ai visité les Indes la BelgiqueLes noirs les blancs les jaunes les bossusA cloche-pied j'ai traversé l'AfriqueEt d'est en ouest les pôles le nord et sud
Bref j'ai tout vu j'ai tout fait plus encoreTout exploré tout comme tout goûtéLes minéraux les faunes et les floresLes gens d'ici les singes d'à côtéLes minéraux les faunes et les floresLes gens d'ici les singes d'à côté
Pourtant hélas je cherche encore la FemmeQui aimera mes folies mes secretsLa Femme Fée la rose pour ma flammeMa grande amour pour la vie pour de vrai
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paroles ferrat
Pour elle seule je veux être une orangeUn grand bateau un café sur le zincUn arbre un fleuve une hirondelle un angeUn cheval fou dans un grand magasinUn arbre un fleuve une hirondelle un angeUn cheval fou dans un grand magasin
Jean FerratUN ENFANT QUITTE PARISParoles: Georges Coulonges, musique: Jean Ferrat
Il s'en allait courantIl s'en allait criantIl s'en allait hurlantLes mains sur les oreillesOn voyait qu'il fuyaitOn voyait qu'il pleuraitOn voyait qu'il tremblaitOn disait qu'est-ce que c'est
Un entant quitte ParisIl s'en va vers des merveillesLes merveilles de ces paysOu l'oiseau fait encore son nid
Il a dit ça fait malC'est dur c'est trop brutalCe vacarme infernalÇa casse les oreillesIl a dit les autosLes camions le métroLes usines les radiosLes bennes les marteaux
Un enfant quitte ParisIl s'en va vers des merveillesLes merveilles de ces paysOù l'oiseau fait encore son nid
Qu'est-ce que nous deviendronsSi les enfants s'en vontSi le soir nous n'avonsPlus jamais leur sourireEt j'ai voulu crierJ'ai voulu appelerJ'ai voulu alerterToute la société
Mais y avait les autosLes camions le métroLes usines les radiosLes marteaux et les bennesIl y avait tout ParisQui faisait trop de bruitEt nul ne m'entenditIl y a trop de bruit
Il y a trop de bruitIl y a trop de bruit
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paroles ferrat
Jean FerratUN JEUNE
On connaît l'ornithoryngulusUn des monstres de la préhistoireLe plésiosaure-diplodocusQui hante encore toutes nos mémoiresOn se souvient du pithécanthropeEt de l'homme du NéanderthalJusqu'à l'homo sapiens de St-TropL'évolution restait très normale
Mais dites-moi mais dites-moiA quoi peut correspondre en notre tempsUn jeuneUn jeuneRépublicain-Indépendant
Un crocodile avec des moustachesÇa pourrait amuser les enfantsUn évêque qui crie mort aux vachesÇa peut inquiéter les possédantsUn morceau choisi de DéroulèdeÇa peut faire pleurer les adjudantsUne fille même la plus laideÇa peut vous faire passer du bon temps
Mais dites-moi mais dites-moiA quoi peut bien servir en notre tempsUn jeuneUn jeuneRépublicain-Indépendant
Dans la marmite aux idées toutes faitesLeur bouillie cuit depuis si longtempsQu'ils ont déjà l'âge de la retraiteSans jamais avoir eu mal aux dentsComme la roue à l'électroniqueComme le pétard à la fuséeLe silex à l'énergie cosmiqueLeur avenir est dans les musées
Car dites-moi oui dites-moiCe qui peut justifier en notre tempsUn jeuneUn jeuneRépublicain-Indépendant
Jean FerratUN JOUR FUTURParoles: Henri Gougaud
Un printemps s'est levé aux couleurs d'incendieA chaque cri vivant des grenades répondentHommes de cinquante ans qu'avez-vous fait du mondeRegardez-le l'enfant qui se dresse et qui dit
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paroles ferratUn jour futur puis des millions de joursJ'avancerai parmi des millions d'hommesBrisant les murs de ce siècle trop lourdCroquant l'amour comme la rouge pomme
Regardez-le l'enfant qui se dresse et qui ditJe ne connaissais pas la beauté des colèresJe veux faire tomber ce vieux monde en poussièreL'avenir l'avenir ne sera pas maudit
Un jour futur puis des millions de joursJ'avancerai parmi des millions d'hommesBrisant les murs de ce siècle trop lourdCroquant l'amour comme la rouge pomme
Mon coeur est le pavé d'une rue de ParisDésormais le bonheur me tient par les ruellesJ'invente des chansons et je les trouve bellesJ'interdis d'interdire et ma tête fleurit
Un jour futur puis des millions de joursJ'avancerai parmi des millions d'hommesBrisant les murs de ce siècle trop lourdCroquant l'amour comme la rouge pomme
Jean FerratUN JOUR, UN JOURPoème d'Aragon
Tout ce que l'homme fut de grand et de sublimeSa protestation ses chants et ses hérosAu-dessus de ce corps et contre ses bourreauxA Grenade aujourd'hui surgit devant le crime
Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tuEmplissant tout à coup l'univers de silenceContre les violents tourne la violenceDieu le fracas que fait un poète qu'on tue
Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orangeUn jour de palme, un jour de feuillages au frontUn jour d'épaule nue où les gens s'aimerontUn jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Ah je désespérais de mes frères sauvagesJe voyais, je voyais l'avenir à genouxLa Bête triomphante et la pierre sur nousEt le feu des soldats porte sur nos rivages
Quoi toujours ce serait par atroce marchéUn partage incessant que se font de la terreEntre eux ces assassins que craignent les panthèresEt dont tremble un poignard quand leur main l'a touché
Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orangeUn jour de palme, un jour de feuillages au frontUn jour d'épaule nue où les gens s'aimerontUn jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Quoi toujours ce serait la guerre, la querelleDes manières de rois et des fronts prosternésEt l'enfant de la femme inutilement néLes blés déchiquetés toujours des sauterelles
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paroles ferrat
Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roueLe massacre toujours justifie d'idolesAux cadavres jetés ce manteau de parolesLe bâillon pour la bouche et pour la main le clou
Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orangeUn jour de palme, un jour de feuillages au frontUn jour d'épaule nue où les gens s'aimerontUn jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Jean FerratUNE FEMME HONNÊTE
Vous allez ma fille voguer vers CythèreMais j'ai le devoir de vous avertirPuisqu'il faut parler de choses vulgairesÉvoquant les feux qui vous font frémirÉvoquant les feux qui vous font frémirUne femme honnête n'a pas de plaisir
Qu'elle soit couchée ou genoux en terrePoint d'égarement s'enfuit sans soupirEn cris émouvants "Ah! Je vais mourir"Prise de cent mille ou d'une manièrePrise de cent mille ou d'une manièreUne femme honnête n'a pas de plaisir
Assaillie devant, brisée par derrièreSi vous vous sentiez prête à défaillirSongez à l'enfer, songez aux martyrsC'est en revivant ce qu'ils ont souffertC'est en revivant ce qu'ils ont souffertQu'une femme honnête n'a pas de plaisir
Monsieur le curé le disait naguèreA la frêle enfant en proie au désirOn peut succomber, mais ne point faillirMême en se livrant aux joies solitairesMême en se livrant aux joies solitairesUne femme honnête n'a pas de plaisir
Cédant aux folies d'autres partenairesS'il vous arrivait de vous divertirEn brisant les liens que l'hymen inspireSachez qu'au sein même de l'adultèreSachez qu'au sein même de l'adultèreUne femme honnête n'a pas de plaisir
Et si votre époux glacé de colèreÉperdu d'amour et fou de désirVous criait un jour: "On dirait ta mère!"Ce beau compliment devrait vous réjouirCe beau compliment devrait vous réjouirUne femme honnête n'a pas de plaisir
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paroles ferratJean FerratVIENS MON FRELOTParoles: Guy Thomas
Viens mon frelot viens ma petioteMa tendresse ma libertéDans ce jardin barricadéPour les dingos pour les dingottesJ'aurai des mots si tu sanglotesSi doux si bons si parfumésDes mots qu'ils n'ont pas bousillésDes mots tout chauds si tu grelottesDes mots tout chauds si tu grelottes
Tu me diras tes meurtrissuresTout ce que t'as pas supportéMoi j'ai le temps de t'écouterJ'aime ta bouche et son murmureTu me diras tes déchiruresQu'ils ont remplies d'aciditéJ'aurai pour toi des mots sucrésJ'aurai pour toi des confituresJ'aurai pour toi des confitures
Tu me diras tes dérobadesTon envie de te foutre à l'eauDe te jeter sous le métroDe sauter de la balustradeOn parlera des gens maladesC'est-à-dire des gens normauxDe ceux qui sont bien dans leur peauQui n'ont jamais rêvé noyadeQui n'ont jamais rêvé noyade
On parlera des joyeux drillesQui n'ont pas besoin d'être aimésMais seulement de consommerUne existence à la vanilleIls sont bien vus dans les famillesAvec leur envie de bâfrerMême s'il faut tout écraserCeux-là n'ont pas besoin de grillesCeux-là n'ont pas besoin de grilles
Malgré les pions qui nous surveillentLes infirmiers les carabinsJe prendrai tendrement ta mainMon frelot ma petite abeilleEt je te dirai des merveillesQue c'est peut-être pour demainLe fabuleux voyage en trainEt le grand bateau de MarseilleEt le grand bateau de Marseille
Jean FerratVIPÈRES LUBRIQUESParoles: Guy Thomas
Je te mange à la croque au selTon vice est mon péché vénielMais si je dis dans ma chanson
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paroles ferratQu'aimer c'est pas la communionQue les versets de mes prièresSont bannis dans nos séminairesQue je te prends très rarementComme on prend le saint sacrement
Il est certain que mes écritsFeront de la peine au papeIl est certain que ses écritsFeront de la peine au papeJe crains que les enfants de MarieA jamais ne m'échappentIl craint que les enfants de MarieA jamais ne lui échappent
Si je racontais nos fantasmesEt comment tu prends ton orgasmeComment tu peux trouver suaveDe jouer ma petite esclaveComment c'est bien plus rigoloD'être ton petit gigoloComment parfois je tyranniseTendrement ma putain soumise
Je me ferais traiter de sadoDe petit sadiqueIl se ferait traiter de sadoDe petit sadiqueJe me ferais planter dans le dosL'épée juridiqueIl se ferait planter dans le dosL'épée juridique
C'est pourquoi j'aime mieux qu'on taiseCe qui brûle en tes yeux de braiseCar si je disais par ailleursQue je suis même un peu voyeurQue parfois je suis ton sujetQue je puis être un homme-objetQu'en rêvant tu me mets des chaînesTu me prends pour ton bois d'ébène
Je me ferais traiter de masoDe masochisteIl se ferait traiter de masoDe masochisteJe me ferais broyer les osPar les moralistesIl se ferait broyer les osPar les moralistes
Si je disais qu'en plus de çaLes pédés ne me gênent pasQue je n'ai rien contre les gouinesQue sont nos deux jolies voisinesSi j'ajoutais qu'il nous arriveDe faire la fête avec des JuivesEt de danser jusqu'au matinChez des amis nord-africains
On verrait dans le ParisienMa figure hirsuteOn verrait dans le ParisienSa figure hirsuteLa belle tête d'assassinÉcrirait MinuteLa belle tête d'assassinÉcrirait Minute
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paroles ferrat
Jean FerratY AURAIT-IL?Paroles: Pierre Louki
Y aurait-il des soleils denses de douze moisHiver été menant la danse frères siamoisY aurait-il des saisons même hors de saisonSi tu n'étais toi toi que j'aime dans ma maison
Y aurait-il des matins tendres à s'éveillerDes matins que l'on fait attendre sur l'oreillerAvec des émois de baptême thème d'émoiSi tu n'étais toi toi que j'aime dans mon chez-moi
Y aurait-il des fruits aux branches de nos dessertsEt des éclats de rire aux hanches de nos concertsAurais-je des goûts de poèmes à tes genouxSi tu n'étais toi toi que j'aime dans mon chez-nous
Y aurait-il des mots sans suite sans suite enfinAvec tant de bonheur ensuite suite sans finTant oui tant de bonheur que même nos corps se nouentSi nous n'étions toi moi qui s'aiment tous deux dans nous
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