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Page 1: RACCOLTA DI SCRITTI DEDICATI A ORSOLINA MONTEVECCHI I || Hymnes de Sévère et sur Sévère

Hymnes de Sévère et sur SévèreAuthor(s): Enzo LucchesiSource: Aegyptus, Anno 88, RACCOLTA DI SCRITTI DEDICATI A ORSOLINA MONTEVECCHI I(2008), pp. 165-197Published by: Vita e Pensiero – Pubblicazioni dell’Università Cattolica del Sacro CuoreStable URL: http://www.jstor.org/stable/41217512 .

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«Aegyptus» 88 (2008), pp. 165-198

Hymnes de Sévère et sur Sévère

I. Encore une hymne de Sévère d'Antioche en grec

Nous avons tout récemment identifié, ici même (1), trois hymnes de Sévère d'Antioche dans des papyrus grecs et des extraits de chaîne, et ce grâce à la version syriaque de Paul d'Édesse révisée par Jacques d'Édesse (2).

(1) E. Lucchesi, La version copte de l'homélie LX de Sévère d'Antioche, «Aegyptus» 84 (2004), pp. 207-216, en part. Appendice II, "Une hymne de Sévère d'Antioche sur le Centurion dans un papyrus grec de Vienne", pp. 215-216. On complétera notre bibliographie par le renvoi tardif au Repertorium der griechischen christlichen Papyri de K. Aland et H.-U. Rosenbaum, II/l (Patristische Texte und Studien, 42), Berlin - New York 1 995, pp. 569-57 1 , où ce papyrus de Vienne porte le sigle KV 87, ainsi qu'aux Christliche Texte (1989 - August 1996) de C. Römer, «Arch. Pap.» 43 ( 1 997), p. 1 1 8, sub 1 0. De son côté et indépendamment de nous, Fr. Petit a identifié cette même hymne sur le Centurion dans son ouvrage Sévère d'Antioche. Fragments grecs tirés des chaînes sur les derniers livres de l 'Octateuque et sur les Règnes (Traditio Exegetica Graeca, 1 4), Lovanii 2006, p. XXVIII, note 54. Dans le commentaire ad 2 Reg. 23, 15-17, Fr. Petit, ibid., nr. 35, pp. 120-123, a non moins méritoirement identifié une autre hymne de Sévère sur les Martyrs, correspondant au nr. 171 de Brooks (cité note suiv.), «Pair. Orient.», pp. 631[219]-632[220] du t. VIL Je suis d'autant plus heureux de rendre hommage à l'éminente éditrice belge des chaînes exégétiques, que Sévère d'Antioche nous rapproche ainsi à notre insu, après qu'une autre passion commune, Philon d'Alexandrie, eut donné lieu, dans le passé, à de multiples et fructueux échanges épistolaires, qu'il nous plaît de remémorer. Ces découvertes inattendues d'hymnes grecques de Sévère sont bien mises en valeur par L. Van Rompay, Severus, Patriarch ofAntioch (512-538), in the Greek, Syriac, and Coptic Traditions, «J. Canad. Soc. Syr. St.» 8 (2008), pp. 3-22, ici 6 et notes 22-26 correspondantes. L'étude que nous venons de citer est une synthèse remarquable, qui servira désormais de référence, de la tradition plurilingüe de Sévère.

(2) Éd. et trad. E.W. Brooks, James ofEdessa. The Hymns of Severus ofAntioch and Others, «Pair. Orient.», VI et VII, Paris 1909 et 191 1, nrr. 39, 69 et 148: les index des deux volumes en pagination continue sont relégués à la fin du fase. 1 du t. XIV (1920) de la «Pair. Orient.». On sait que la collection des hymnes de Sévère, désignée primitivement par le terme 'Avxicpcova, mais connue surtout sous le nom à'Octoechus (qui évoque les huit tons selon lesquels les hymnes étaient rangées pour être chantées dans la liturgie), est irrémédiablement perdue dans l'original grec, à l'exception des fragments signalés par Petit et nous-même, d'autant plus précieux qu'ils sont rares. Le recueil syriaque, qui remédie à cette perte, ne comprend pas moins de 365 hymnes, dont 295 sont nommément attribués à Sévère, qui en avait donc composé la plus grande partie. Sur les tons musicaux dans l'hymnographie grecque, cf. C. Grassien-Yang, Le

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C'est un fragment grec d'une autre hymne de Sévère que nous vou- drions aujourd'hui porter à la connaissance des papyrologues.

Ce fragment de parchemin a été découvert sur le site archéologique de Qasr Ibfïm, en Nubie égyptienne, durant l'expédition de 1963-1964 par Y Egypt Exploration Society, mais a été publié seulement en 1992 avec d'autres fragments liturgiques (3).

P. Vindob. G 40064 et les attestations papyrologiques du ton musical dans les hymnes chrétiennes byzantines, in B. Palme (Hrsg.), Akten des 23. internationalen Papyrologen-kongresses, Wien, 22.-28. Juli 2001 (Pap. Vind., 1), Wien 2007, pp. 249-254.

(3) W.H.C. Frend, G. Dragas, S. Kontoyiannis, Some Further Greek Liturgical Fragments from Q'asr ¡brim, «Jb. Ant. Chr.» 35 (1992), pp. 119-134 et pli. 1-4. Derniers à être publiés, ceux-ci faisaient partie d'un lot de fragments grecs découverts sur le même site, dont la publication est due principalement au Prof. Frend dans une série d'articles (nous citons ici les éditions de fragments strictement liturgiques): W.H.C. Frend, I. A. Muirhead, The Greek Manuscripts from the Cathedral of Q'asr ¡brim, «Le Muséon» 89 (1976), pp. 43-49; W.H.C. Frend, Greek Liturgical Documents from Q'asr Ibrim in Nubia, «Atti del IX Congresso di archeologia cristiana», II, Città del Vaticano 1978, pp. 295-306; Id., Some Greek Liturgical Fragments from Q 'asr Ibrim in Nubia, «Studia Patristica» XV (Texte Unters. Gesch. altchr. Lit., 128), Berlin 1984, pp. 545-553 (avec 1 planche); Id., A Eucharistie Sequence from Q'asr Ibrim, «Jb. Ant. Chr.» 30 ( 1 987), pp. 90-98 et pli. 1 -2. Pour les fragments relatifs aux anaphores, voir la réédition de J. Hammerstaedt, Griechische Anaphorenfragmente aus Ägypten und Nubien (Pap. Col., 28), Opladen 1999, pp. 102-137, qui améliore considérablement l'édition princeps; voir aussi du même, Papierfragmente der Markusliturgie aus byzantinischer Zeit in Qasr Ibrim, «ZPE» 104 (1994), pp. 287-291. Ces fragments en parchemin ou en papier, gisant pêle-mêle avec d'autres fragments en vieux-nubien (et en moindre proportion en copte et en arabe), étaient les pauvres restes de livres liturgiques ayant, selon toute probabilité, appartenu à la bibliothèque de la cathédrale-forteresse de Qasr Ibfïm. Le Prof. Frend, n'ayant pas toujours réussi - et pour cause - à leur trouver un modèle copte, en conclut un peu hâtivement que: «This in itself suggests a liturgy, Monophysite certainly, but no slavishly [c'est nous qui soulignons] beholden to Coptic models. This is further indicated by the manuscript discoveries made in the other important ecclesiastical site in northern Nubia, Q'asr Ibrim», Some Greek ..., cit., p. 546; et encore: «The texts shows that the Nubians did not copy slavishly [c'est nous qui soulignons] existing Monophysite liturgies», Some Further ..., cit., p. 134. C'est une illusion d'optique, qui tient avant tout à la carence de documents, et mon sentiment profond est que des modèles coptes, ou plutôt grecs, ont dû exister quelque part en Egypte, et que la perte de ces modèles est seule responsable, qui nous empêche d'apprécier à leur juste valeur les liens étroits qui unissaient la liturgie nubienne avec celle de l'Église mère. Ici comme ailleurs, c'est la transmission défectueuse des sources qui fausse la perspective (on pourrait dire que notre documentation pèche par défaut et non par manque). A fortiori, nous nous dissocions des réflexions du Prof. Frend dans «Byzantinoslavica» XXVIII (sic pour XXIX) (1968), pp. 319- 326, qui fait de la Nubie un avant-poste de l'influence culturelle byzantine! Or il se pourrait que de nouvelles trouvailles ou l'identification de fragments déjà mis au jour modifient radicalement ce point de vue. En somme, le dernier mot n'est pas dit, et je souscris pour finir à l'assertion plus prudente du même Prof. Frend: «Even at present Nubian liturgy remain obscure», qui ouvre la notice "Nubian Liturgy" de la «Coptic Encyclopedia» citée dans l'excursus ci-après, auquel

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE ' 67

II s'agit du fragment Q.I. 1964, 6a, présenté comme "Fragment of Hymns (?) relating to the Birth of Jesus" (4). Le texte du verso (ou présu- mé tel) correspond textuellement à une hymne de Sévère sur la Nativité, plus exactement à l'hymne 5 selon la numérotation de Brooks (5). Pour le texte du recto, sur lequel nous nous promettons de revenir (6), nous n'avons trouvé d'équivalent dans aucune des hymnes de Sévère conser- vées en version syriaque, non plus du reste que pour les autres fragments édités sous la rubrique d'Hymnes à la Vierge ("Hymns to the Virgin") (7).

nous renvoyons le lecteur pour la question épineuse de la langue liturgique sur les bords du Nil entre Egypte et Ethiopie. Sur le lieu et les circonstances de la découverte de Qasr Ibrim, cf. J.M. Plumley, Qasr Ibrim 1963-1964, «JEA» 50 (1964), pp. 3-5 avec 2 planches, et W.H.C. Frend, The Qasr Ibrim Expedition (Dec. 1963-Febr. 1964), «Akten des VII. internationalen Congresses für christliche Archäologie» (St. ant. crist., 27), Città del Vaticano 1969, I, pp. 531-538, et II, pli. CCLVIII-CCLXIII. Pour un premier aperçu sommaire des manuscrits retrouvés dans les ruines de l'église cathédrale et aux alentours, à caractère essentiellement ecclésiastique, cf. J.M. Plumley, The Christian Periodai Qasr Ibrim. Some notes on the MSS Finds, in K. Michalowski (éd.), Nubia. Récentes recherches, Varsovie 1975, pp. 101-107 (avec planches). Pour le «Textual Record», cf. W. Y. Adams, Qasr Ibrim. The Late Mediaeval Period, «Egypt Exploration Society, Excavation Memoir», 59, London 1996, pp. 213-243. Sur Qasr Ibrim (Primis en grec, Phrim en copte), à environ 235 km au sud d'Assouan, cf. aussi «The Coptic Encyclopedia», VII, New York 1 99 1 , pp. 2036-2038 (W. Y. Adams).

(4) Some Further ..., cit., pp. 122-123 et pl. Id. Nous présumons que ce fragment est le même que celui qui est désigné dans les articles antérieurs du Prof. Frend tantôt comme «A hymn or homily based on a birth Narrative of Jesus», tantôt comme «A homily (?) based on a Birth-narrative of Jesus», tantôt comme «small fragments of Birth Narrative».

(5) Op. cit., VI, pp. 48-49. (6) II pourrait bien s'agir de deux hymnes différentes, eu égard aux mots rubriques des

lignes 5-6, précédés d'un trait de séparation. (7) Au point A, pp. 1 19-126. Parmi les "Liturgical Fragments", au point B, pp. 126-131, les

trois fragments regroupés sous le numéro d'inventaire Q.I. 1964, 4/12 (pp. 127-128 et pl. 3a/f) et qualifiés de "Prayer relating to the Censing" ont reçu un traitement beaucoup plus adéquat de la part de J. Hammerstaedt, Griechische ..., cit., qui a bien vu que les fragments 1/2 et 4 n'en forment qu'un. Ce n'est donc pas, comme le croient Frend et alii, d'une prière pour l'encensement de l'autel qu'il est question, mais plus précisément, suivant Hammerstaed, d'"Interzessionen der Markos/Kyrillos-anaphora" (pp. 127-134): cette précision a permis à ce dernier, non seulement de rétablir les vrais recto et verso, inversés par les premiers éditeurs (la prière pro itinerantibus précédant normalement dans tous les rites qui la comportent, y compris l'Élévation de l'encens, celle pro offerentibus, dans laquelle le prêtre demande à Dieu d'agréer les offrandes), mais de proposer de meilleures lectures et restitutions grâce aux nombreux parallèles textuels repérés. Nous ferons seulement remarquer, pour le (vrai) verso (prière pour les oblations) du fr. 1/2+4 (Hammerstaedt, Griechische ..., cit., p. 130), qu'à la ligne 6 la lecture èM,o[yiuov], proposée par Hammerstaedt en apparat critique et correspondant à voepóv ou ÀoyiKÓv dans d'autres textes parallèles, est plus que certaine, car ce mot, associé à GixJiaaiTpiov et à (£7i)oi)pdviov, se

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Pour qu'on puisse mieux se rendre compte des correspondances lit- térales, nous reproduisons la traduction anglaise de la version syriaque

retrouve, pour une prière équivalente, en copte même, entre autres dans le Missale de R. Tuki, Rome 1763, Sde partie, p. 80, et dans le Pontificale du même Tuki, Rome 1761, p. 346, «Accipe eas (se. oblationes) super altare tuum sanctum, intellectuale (exxoriMON), caeleste in odorem suavitatis» (cf. Éph. 5, 2). De même, pour le (vrai) recto (prière pour la montée des eaux) du fragment 3 (Hammerstaedt, Griechische ..., cit., pp. 1 29- 1 30), on peut ajouter aux «Paralleltexte» de la p. 1 33 le nr. 29 de P.E. Kahle, Bala 'izah. Coptic Texts from Deir el-Bala 'izah in Upper Egypt, I, London 1 954, p. 406 (òmyvikaZpv èv fjuiv xòv axécpavov too evioruToö ttjç xp^^xOTriTOç go'>), ainsi que la prière correspondant au nr. 16 ap. H. Junker, W. Schubart, Ein griechisch-koptisches Kirchengebet, «ZÄS» 40 (1902/3), p. 25 (eutaSyriGov èv rpiv ktL); tandis que pour le (vrai) verso du même fragment (Hammerstaedt, Griechische ..., cit., p. 131), si à la ligne 1 d'autres lectures sont possibles (par exemple ogicotoctod au lieu de áyicoidioD, etc., ce qui n'a pas grande importance en soi), nous suggérons de lire au début de la ligne 2 [toö dcßßa ou rccuca] 'ko(ávvo)i), qui serait le nom du patriarche en exercice ou éventuellement de l'évêque du lieu: cette lecture, si elle était avérée, constituerait une donnée précieuse et inespérée pour la datation des documents de Qasr Ibrim, encore qu'il pourrait y avoir hésitation entre plusieurs patriarches du nom de Jean, sans parler de métropolites locaux. En tout état de cause, si l'installation d'un évêque et l'érection d'une cathédrale dans la forteresse remontent au VIIe siècle, le support en papier des trois fragments au moins discutés ici, fait qu'ils ne peuvent être antérieurs à l'importation de cette matière dans la région (Hammerstaedt, Papierfragmente..., cit., p. 287, conjecture le Xe-XP siècle: «die vermutlich aus dem 10. oder 11. Jh. stammenden Fragmente», mais le XIIe siècle paraît préférable, auquel cas Jean V [1 147-1 167] se trouverait être le patriarche nommé, ce qui coïnciderait plus ou moins avec la résidence de l'éparque de Faras à Qasr Ibrim, qui devient alors de facto le siège principal); d'autre part, la restitution de ce qui suit Gi)VT[npG)v G')VTTìp]f]Gov t]uív [orÒTÓv] est d'autant plus vraisemblable qu'elle correspond mot pour mot à la prière copte pour l'évêque du nr. 30 de Kahle, op. cit., p. 408 (xeKXC 2Noy2xpe2 eK62'pe2 epoq, «ut custodia custodias eum»), faisant écho à celle pour l'archevêque (= patriarche) et le corévêque du Grand Euchologe du Monastère Blanc (éd. E. Lanne, «Pair. Orient.», XXVIII/2, Paris 1958, p. 336, 1. 14), X6KXC 2NOY2'pe2 6K62xpe2 epooy, «afin de les garder avec vigilance» (trad. Lanne), cf. p. 296, 11. 28-29, 2Noy2xpe2 2xpe2 epooy nxn, «avec vigilance garde-les nous» (trad. Lanne), qui est la transposition littérale de GDVTnpœv GuvrnpfJGov; on ajoutera enfin aux "Paralleltexte" de la p. 134 l'ostracon édité par C. Römer, «ZPE» 145 (2003), p. 201. Au reste, et en rigueur de termes, ces prières d'intercession (qu'on appelle parfois litanies, en copte t(DB2, en arabe talabât ou abrûsat, du copte npoceysxcee = grec npooEVÎpodE, mot par lequel commence chaque prière - rien que cet indice trahirait un substrat grec!) étant récurrentes dans le cadre de diverses cérémonies liturgiques (par ex. dans l'office de la Semaine Sainte ou dans le rituel des sacrements), indépendamment de la levée de l'encens, il est finalement difficile, sur la base de ces quelques bribes, de préciser la nature exacte du rite en question. Mais il est hautement probable qu'il s'agisse du service préanaphorique, où interviennent ces prières litaniques (Gvvanxr' en grec), dites aussi prière universelle, mais le plus souvent ôiockovikoc, en tant qu'elles sont récitées par le diacre. Le format même du manuscrit, de dimensions modestes, fait penser à un livre tel que le diakonikon ou diaconal.

On trouve une foule d'exemples de ces litanies d'intercession dans les papyrus grecs et gréco-coptes, notamment dans le bilingue P.Madrid 189, édité pour la première fois en 1963

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intégrale de cette hymne 5 avec en regard l'original grec entièrement reconstitué, que nous ferons suivre d'une traduction latine pour garder l'ordre des mots. Bien entendu, la découverte du parallèle syriaque nous a permis de confirmer ou d'infirmer telle ou telle restitituion des éditeurs, et de combler certaines lacunes qui subsistaient encore.

Syriaque Grec (= syr, l. 7) The Shepherd of the heavenly spiritual hosts and Maker of all creation, suprasensual and perceived by the senses, having become incarnate without variation of the Holy Spirit and of the God-bearer Mary and become man, was born as a little child in Bethlehem of Judah, which means 'house of bread': and the shepherds, having been enlightened as to this xr'] Beiot mi ov- by the divine glory, which shone from heaven, and pavico ôo^T] 7io[iuéveç (pomaBévieç (8), having seen the army of angels and the company of xr'v á]yy£^iKf|V oipaxeíav Beaoáuevoi spiritual beings, and heard them chanting and singing mi ')[uvoí)VTac í)uv]ov àico'uaavTeç a hymn of praise, searched and sought eagerly and kniCftxovGiv Gepuwç, said to one another, «Let us go and make our way to «8i[é^9cou£v] Ôfj ecoç Bethlehem»; and, as in a figure, they by this fore- Br|6Àeeu» ^éyovieç Kai ioi)ç Tfjç shadowed the shepherds and priests of the church, è[KKÀrjGÎaç 7ipo]ru7io')VT£Ç rcoiuévaç (9) who set themselves constantly to seek the heavenly m' lepeiç, oîç ëpyov x[òv oúpáviov ap- bread, and «the Lamb of God which taketh away the t]ov £7iiCr|T£Ìv (10) Kai xòv àuvòv toû sin of the world» and is mysteriously sacrificed upon 6eo') tov [a'ípovxa xf|v áu]apxíav xov his altar every day according to the riches of his great koouod mi udgtikcoç k[oc9' f|uépav le-

mercy. poi)]pyouuevoç (11) mia to uéya etaoç.

(N.B.: les textes sont composés «en drapeau» pour permettre la comparaison li- gne à ligne entre le syriaque et le grec.)

(en dépit du bon sens) par Penelope Photiades («Klio» 41, pp. 234-235) et "revisité" en 1996 par L. MacCoull qui aime bien à "revisiter" («ZPE» 112, pp. 285-286), sans connaître les "revisitations" précédentes de K. Treu en 1964 («Klio» 42, pp. 337-339) et de H. Quecke en 1965 («Le Muséon» 78, pp. 349-354) ni, bien entendu, maints parallèles, dont celui du Vatican, Borgia Copio 109/101, édité jadis par A.A. Giorgi, Fragmentum Evangelii S. Iohannis..., Romae 1789, p. 360, et récemment réédité par Jutta Henner, Fragmenta Liturgica Coptica (St. Texte Ant. Chr., 5), Tübingen 2000, pp. 170-171 . Nous tenons, par ailleurs, à rappeler que le Fragment XIV b que Frend et alii présentent, pp. 130-131 (cf. pl. 4a), sous le titre "Offertory Prayer" est à rétablir d'après une inscription strictement parallèle de Faras (éd. J. Kubinska, Prothesis de la Cathédrale de Faras. Documents et recherches, «Rev. Arch. Hist.», 9, 1976, pp. 7-37, ici 26), comme l'a bien vu A. Lajtar, Varia Nubica III. Ein liturgisches Gebet aus Qasr Ibrim, «ZPE» 112 (1996), pp. 140-142. Nous reproduisons le texte (en corrigeant tacitement les graphies erronées du manuscrit): [K(-úpi)e ó 9(8o)ç t]uû)]v ó 7tpo[o8d;au£vo]ç rcapà twv [áyícov

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Traduction latine . . . divina et caelesti gloria pastores illuminati (cf. Luc. 2, 9), angelicam militiam

videntes et canentes hymnum audientes (cf. ibid., 12-13), quaerunt ardenter, «tran- seamus usque Bethlehem» {ibid., 15) dicentes et ecclesiae praefigurantes pastores et sacerdotes, quorum opus (est) panem caelestem quaerere et agnum Dei tollentem peccatum mundi (cf. loh. 1, 29) et mystice cotidie sacrificatum secundum magnam misericordiam {Dan. 3, 42; cf. Ps. 50, 3). Amen.

On aura sans doute remarqué que le syriaque est plus développé que le grec, mais il n'y a pas lieu de s'en émouvoir quand on sait que le réviseur Jacques d'Édesse n'as pas supprimé les additions du premier traducteur Paul d'Édesse, additions qui, sous la forme de doublets ou de synony- mes, étaient destinées à conserver le rythme de la phrase grecque. Du reste, Jacques d'Édesse a tenu à distinguer, selon son propre témoignage, «between the words of the doctor [= Severus] and those that were added by the same Mar Paul in order that the number of rhythmical divisions

GO!)] 7l(CXT£)p(OV T]UG)V (lO)} 'AßpOla|X K(CCl) 'IgOCCCK KOtl 'I(XKG)ß, Ó TtpOGÔe^CC { l }(U£VOÇ) ôlOt

tod öiK(ai)oi) "AßeÄ, xà Ôcapa, Nwe iàç Bugîocç, ipiwv god [rcaiôjcov (euxaç), TtpOGÖe^ou [xf|v óta)K]áp7t(OGi[v toö 0(01^01)) öov OJ71G0Ç K[(xp7to(popo')Giv mia] io ETtayyeAua- ... et interprétons (en latin pour respecter l'ordre des mots): Domine Dem nos ter, qui suscepisti ex sanctis tuis patribus nos tris Abraham et Isaac et Iacob, qui suscepisti per iustum Abel dona, Noe sacrificia, trium tuorum puerorum <preces>, suscipe oblationem servi tui, ut fructificent (sic) secundum promissionem (cf. Me. 4, 20)... Ce texte se raccorde, ainsi que l'a remarqué Lajtar, à celui du fragment complémentaire (paléographiquement parlant) édité par Frend et Muirhead sous le même titre ("Offertory prayer") dans l'art, cité {supra, note 3), pp. 45-46, recto, 11. 1-5, et que H. Brakmann («Or. Chr.» 66, 1982, note 15, pp. 120-121), en restant dans le même registre ("Opferannahmgebet"), avait déjà rapproché de l'inscription de Faras, ce qui semble avoir échappé à Lajtar.

(8) Ou TCeipCÛTlGfiEVOl. (9) rcoiu£veç ms. À ce propos, la comparaison, bien comprise, entre les bergers de Bethléem

et les prêtres de l'Église n'implique aucune trace d'apocryphes dans ce texte, ainsi que le prétendent Frend et alii: «The one trace of apocryphal material is the mention of "priests" accompanying shephards to Bethlehem», p. 133.

( 1 0) £7iiÇr|T£iç perperam ed. (11) Sic. Lege iepoi)]pYO')U£vov {sc. oblatum in sacrificium). Ce participe se retere en eiiet

à l'agneau immolé sur l'autel 'chaque jour' au moment du sacrifice eucharistique. On peut voir là un indice implicite que la messe était célébrée quotidiennement à Antioche au temps de Sévère (début VIe siècle): cf. à ce sujet R. Taft, La fréquence de l'eucharistie à travers l'histoire, «Concilium» 172 (1982), éd. française, pp. 27-44; voir aussi le nr. 242,2 (2005) de «La Maison-Dieu», consacré à Eucharistie dominicale et eucharistie quotidienne, et plus spécialement l'article de A. de Vogué, Le passage de la messe du dimanche à la célébration quotidienne chez les moines (IVe-Xe siècle), pp. 33-44.

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might be equal when the words are pronounced, on account of the brevity and succinctness of the expressions of this Syriac language in comparison with the Greek language, by writing the words of the doctor in ink, and writing those that were added in red paint (aripiKov); while the words which the translator altered, for the same reason, inserting one expression in place of another, in order that the measure of the period might agree with the rhythm of the Greek words. . .» (12).

Ce fragment grec, nouvellement identifié, d'une hymne de Sévère nous aide donc à faire le départ entre le texte original et les adjonctions dont Paul d'Édesse est à l'origine et, d'une manière générale, à mieux évaluer la technique des traducteurs syriaques aux prises avec ces textes poéti- ques grecs.

Comme nous l'avions laissé entendre dans l'appendice à notre précé- dent article, il reste certainement encore d'autres odes de Sévère (et sur Sévère) à identifier dans V indigesta moles des fragments grecs et coptes, édités ou inédits, sur quelque support que ce soit (papyrus, parchemin, ostracon, papier). Nous-même en avons déjà reconnu un certain nombre, que nous ne manquerons pas de faire connaître le moment venu.

Excursus

La découverte en milieu nubien de fragments liturgiques grecs ne doit point nous étonner, s'il est vrai qu'au XIIIe siècle, au témoignage d'Abü al-Makärim (alias Abu Sâlih), The Churches and Monasteries of Egypt Attributed to Abu Sài ih, the Ar- menian, éd. B.T.A. EvETTS (Anecdota Oxoniensia, Semitic Series, 7), Oxford 1895, p. 125 du texte arabe et p. 272 de la traduction anglaise, la langue liturgique des chrétiens nubiens était encore le grec: «The land of Nubia is under the jurisdiction of the see of Saint Mark the Evangelist, which consecrates [their bishops] for them; and their liturgy and prayers are in Greek» (cf. P. Peeters, Traductions et traduc- teurs dans l'hagiographie orientale à l'époque byzantine, «Anal. Boll.», 40, 1922, pp. 241-298, ici 247). Semblablement, la Description de la Nubie de l'historien al- Uswânî (Xe s.), connue à travers la compilation cî'al-Maqrïzï (XIVe s.), rapporte à propos des 'Aiwa, dont le royaume s'étendait à l'extrême sud de la Nubie: «Les

(12) Trad. Brooks, op. cit., VII, pp. 801[389]-802[390]. En d'autre mots, dans sa révision, qui nous est seule parvenue, Jacques d'Édesse s'est limité à écrire en noir les mots qui se trouvaient dans le grec et en rouge les mots ajoutés par Paul, tout en indiquant au-dessus de la ligne les nouvelles interprétations qu'il proposait, ce que la typographie de la «Patrologia Orientalis» essaie de reproduire par la variété et l'alternance des caractères.

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'Aiwa sont chrétiens Jacobites et leurs évêques, comme ceux des Nubiens, sont sous la juridiction du Patriarche d'Alexandrie. Leurs livres liturgiques sont en grec, et ils les traduisent dans leur langue» (trad. G. Troupeau, «Arabica», 1, 1954, p. 288; cf. J. Cuocq, Islamisation de la Nubie chrétienne VIIe -XVIe siècle, Paris 1986, p. 105). Le nombre considérable de fragments liturgiques grecs de Qasr Ibrim, joints à ceux de l'île Sminarti édités par C. Detlef G. Müller, Deutsche Textfunde in Nubien, in E. Dinkler (Hrsg.), Kunst und Geschichte Nubiens in christlicher Zeit, Reckling- hausen 1970, pp. 245-258, ici 251-258 (avec planches), confirment admirablement la véracité de ces témoignages. Le fin connaisseur du Christianisme nubien qu'était W.H.C. Frend l'écrit sans ambages: «The normal languages of liturgy were Greek, and from tenth century onwards Greek and Nubian», Some Greek ..., cit., p. 546; et de nouveau: «The liturgical language remained Greek... Greek and Old Nubian Texts were clearly in use together», Some Further ..., cit., p. 133. Voir aussi du même le jugement à peine plus nuancé dans la notice "Nubian Liturgy" de la «Coptic Encyclopedia», VI, pp. 1 8 1 6- 1 8 1 7. H. Brakmann, Neue Funde und Forschungen zur Liturgie der Kopten, in M. Rassart-Debergh, J. Ries (édd.), Actes du IVe congrès copte. Louvain-la-Neuve, 5-10 septembre 1988, II, Louvain-la-Neuve 1992, pp. 419- 435, ici 427, n'est pas moins affirmatif: «Das liturgische Beten Nubiens blieb grie- chisch, wie neuere Hss. -Funde bestätigen. Ausser einer Art Präsanktifikatenlirurgie, gleich zweimal bezeugt, und einzelnen Gebeten liegen jetzt in Qasr Ibrim entdeckte Fragmente der Markos-Liturgie vor, Bindeglied zwischen den alten Papyri und den mittelalterlichen Handschriften.». L'utilisation majoritaire, sinon exclusive, du grec dans la liturgie se maintiendra pratiquement jusqu'à l'écroulement du royaume chré- tien de Nubie au XVe siècle et l'islamisation forcée qui s'ensuivit.

Il en allait probablement de même en Moyenne et Haute-Egypte (pour Alexan- drie et le Delta, la question se pose différemment), où la liturgie (nous devrions dire les liturgies) n'a jamais abandonné l'usage du grec, tout au moins jusqu'à la réforme liturgique du patriarche Gabriel ibn Turayk (XIIe s.), parachevée et fixée définiti- vement par Gabriel V (XVe s.), ayant entraîné l'uniformisation et la bohaïricisation systématique de la liturgie dans la vallée du Nil, sous l'influence déterminante du Monastère de Saint-Macaire. On ne s'expliquerait pas autrement la raison d'être d'innombrables manuscrits liturgiques grecs ou bilingues gréco-coptes, retrouvés un peu partout dans la région du Sa*ïd et s 'échelonnant sur plusieurs siècles, notamment les beaux codices de la Bibliothèque du Monastère Blanc, dont certains relativement tardifs. Ce qui tendrait à prouver que, dans la liturgie (et pas seulement dans la li- turgie) de ce monastère, le sahidique ne s'est jamais totalement substitué au grec, si substitution il y a eu (je parlerais plus volontiers de superposition ou de juxtaposi- tion), mais que les deux langues ont plutôt alterné et fait pour ainsi dire bon ménage. Pourquoi, sinon, continuer à copier tant de textes liturgiques grecs? Que, par ailleurs, le grec ne fut plus compris, je ne dis pas du peuple, mais des célébrants eux-mêmes, comme l'attestent certaines graphies aberrantes, c'est un autre problème.

N'est-ce pas du reste pour cette raison que, dans certains bilingues, le sahidique fait figure d'auxiliaire et semble suppléer à la compréhension défaillante du grec,

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comme plus tard l'arabe vis-à-vis du bohaïrique, un peu comme dans nos vieux mis- sels où couraient sur deux colonnes le texte latin et sa traduction en langue vulgaire, à la différence que le sahidique paraît avoir fait partie intégrante de la liturgie au même titre que le grec, alors que le latin, langue morte, avait seul droit de cité dans la liturgie avant la réforme du Concile Vatican II? Le but premier des Scalae gréco- coptes ou copto-arabes, ces véritables instruments de philologie, n'était-il pas aussi d'aider à la compréhension des textes liturgiques du temps où le grec et le sahidique, tous deux menacés à la fois par le bohaïrique et l'arabe, commençaient à donner des signes d'essoufflement?

On sait que dans le Sud profond prévalait une assez grande diversité en matière de liturgie, comme en témoigne Abu al-Barakât dans sa Lampe des Ténèbres, et tout porte à croire que, de même que le grec parlé et lu ou, si l'on veut, le bilinguisme a tenu bon et n'a succombé en réalité qu'à l'assaut de l'arabe - ce qui nous a fait écrire que, paradoxalement, «c'est l'arabe, et non pas le copte, qui a détrôné le grec» sur le plan littéraire (cf. «Or. Chr. Per.» 73, 2007, p. 506) -, de même des îlots de li- turgie grecque ont résisté à l'avancée progressive du sahidique, et l'adoption, quand elle a eu lieu, de la langue vernaculaire ne s'est jamais faite au détriment du grec. Celui-ci n'a véritablement été banni, et encore, de la liturgie que par le bohaïrique imposé d'en haut, bien plus, semble-t-il, que par le sahidique, avec lequel le grec, qui régnait au départ sans partage, avait longtemps coexisté en parfaite entente, fût-ce à l'état de fossile. À son tour, le bohaïrique, devenu langue liturgique dominante dans toute l'Egypte, subira peu à peu le même sort et fera les frais de l'arabe, qui lui sera d'abord associé, - d'où les nombreux manuscrits bilingues copto-arabes, qui, dès le XIIe siècle, une fois les réformes patriarcales mises en application, répondront aux mêmes exigences et joueront le même rôle que les codices bilingues gréco-coptes. L'arabe finira même par supplanter le bohaïrique, tant et si bien que de nos jours, quand on participe à une liturgie copte, l'on constate, à son grand étonnement, que c'est l'arabe qui se taille la part du lion, tandis que le bohaïrique, censé être la langue liturgique officielle de l'Église copte, est réduit à la portion congrue.

Il y a des faits qui ne trompent pas. Dans le manuscrit palimpseste P.Berlin 9755 du XIIe siècle (cf. W. Beltz, Katalog der koptischen Handschriften der Papyrus- Sammlung der Staatlichen Museen zu Berlin, «Arch. Pap.» 26, 1978, pp. 109-1 10), le texte supérieur est grec et le texte inférieur copte, alors que, dans la logique des cho- ses, c'est l'inverse qu'on attendrait. Même phénomène pour le P.Vindob. G 31487, où le texte sous-jacent est copte et le texte rescriptus grec (cf. C. Grassien, «Tyche» 14, 1999, pp. 88-92). Ce phénomène aurait peu de sens ou serait moins justifié, si la théorie traditionnelle selon laquelle la liturgie égyptienne évolue naturellement du grec vers le copte (c'est-à-dire que le copte a tendance à prendre le pas sur le grec, voire à l'évincer) avait tant soit peu de crédibilité. Il n'est pas besoin de rappeler la nature liturgique de ces palimpsestes.

Avec le P.Gr. Wess. Prag. 3 (éd. Widman, in R. Pintaudi, R. Dostalova, L. Wid- man [edd.], Papyri Graecae Wessely Pragenses, I, Florence 1988, pp. 30-41 et pli. 5-13), daté du XIe siècle, nous sommes de nouveau confrontés au problème de la

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survivance du grec dans la liturgie égyptienne en plein processus d'arabisation, com- me le souligne L. MacCoull, Further Notes on RGr Wess. Prag. 3: Greek Psalm Antiphons in the 11th Century Egypt, «Ephem. Liturg.», 106 (1992), pp. 167-170, ici 169-170: «We are thus brought once again face to face with the phenomenon of the survival of Greek-language liturgical material, imperfectly undestood [c'est nous qui soulignons] in Coptic Egypt, moreover at time when Coptic was begin- ning to be swamped by Arabic in everyday life and even in literary composition.» Pour soulever le problème du bilinguisme, Mme MacCoull n'en reste pas moins prisonnière de la thèse traditionnelle. Si, en effet, elle s'imagine que le copte est la langue liturgique "normale", comme il appert d'une autre de ses affirmations: «The treatment of the text in this MS [= Insinger 41] probably indicates that the people using it used Coptic as their normal spoken vernacular and were less familiar with Greek, but continued to use Greek on formal liturgical occasions» (Chant in Coptic Pilgrimage, in D. Frankfurter [ed.], Pilgrimage and Holy Space in Late Antique Egypt [Relig. Gr.-Rom. World, 134], Leiden 1998, pp. 403-413, ici 409), je crains qu'elle ne soit, une fois de plus, dans l'erreur. Dans la perspective qui est la nôtre, il n'y a pas eu empiétement du sahidique sur le grec, mais tout au plus cohabitation, et s'il arrive que des parties de la liturgie soient traduites en copte (il est acquis que la majorité, sinon la totalité, des textes liturgiques coptes sont traduits du grec), ce n'est pas, aussi paradoxal que cela puisse paraître, pour remplacer les parties grec- ques, mais pour leur être adjointes. C'est, en tout cas, ce qu'avance Brakmann, Neue Funde..., cit., p. 426, qui a bien cerné le problème: «Ältere Handschriften zeigen, dass die Schriftlesungen zunächst griechisch vorgetragen wurden, dann koptisch.» Ainsi, la prééminence du grec n'étant pas remise en cause et le copte, relégué au second plan, faisant figure d'appoint, si ce n'est de doublet, s'élaborait une forme de liturgie parallèle, surtout au niveau des lectures et des chants. Mais, en dépit d'un certain bilinguisme, la liturgie restait grecque en profondeur.

La même L.S.B. MacCoull, Greek Pascal Troparia in MS Paris Copte I292i' «Le Muséon» 117 (2004), pp. 93-106, en publiant quelques textes liturgiques grecs d'après un codex bilingue originaire du Monastère Blanc, particulièrement une hymne pascale alphabétique, dont elle semble ignorer l'édition par De Lacy O'Leary (cf. E. L., Répertoire des manuscrits coptes (sahidiques) publiés de la Bibliothèque Nationale de Paris, «Cahiers d'Orientalisme», I, Genève 1981, p. 53), est bien consciente que «the Greek language was still being used for religious literature in mediaeval Egypt even after it had ceased to be used for documentation» (Abstract, p. 106), mais elle part du principe (ou "cliché", pour employer son propre mot) que dans l'Egypte "de-Hellenized", comme elle l'appelle, «Coptic-language liturgical texts incorporate wholesale Greek-language items», alors que, de notre point de vue, c'est exactement le contraire qui s'est produit.

Le bilinguisme est une ancienne tradition en Egypte, pour reprendre l'expression heureuse du P. Ugo Zanetti, Bohairic Liturgical Manuscripts, «Or. Chr. Per.» 61 (1995), p. 66. En liturgie, moins qu'ailleurs, il n'était pas question de renoncer au grec, fût-il devenu inintelligible. C'est seulement dans la mesure où, d'une part, le

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dialecte local n'a jamais supplanté le grec dans la liturgie de Moyenne et Haute- Egypte et où, d'autre part, le copte ne s'est jamais élevé au rang de langue littéraire, traditionnellement réservé au grec, que l'on peut comprendre ce phénomène singu- lier, auquel on assiste au plus fort de l'arabisation du pays: alors même que l'arabe phagocytait le grec comme langue littéraire et le copte comme langue vivante, la liturgie, elle, continuait à être... grecque.

À la vérité, le grec n'a jamais totalement disparu de la liturgie, comme le fait jus- tement remarquer Brakmann dans le rapport quadriennal déjà cité {Neue Funde..., p. 426), où, moyennant quelques exemples typiques, il insiste sur le bilinguisme liturgique: «Es [das Griechisch] ist noch heute präsent, auffálligerweise besonders in Formeln, die das Volk angehen.» De quoi se fait écho U. Zanetti, Bohairic ..., cit., pp. 65-94, ici 65-66: «A sure indication of the former importance of the Greek language in Coptic Liturgy is the very high number of Greek words and whole sen- tences which remained in Greek up to now [c'est nous qui soulignons]; e.g., the bid- dings of the deacon are even nowadays [c'est nous qui soulignons], quite often made in Greek». Queje sache, M. Brakmann est le seul à avoir posé en termes appropriés la question de la langue liturgique dans la sphère égyptienne et nubienne, cf. par ex. H. Brakmann, Die Kopten - Kirche Jesu Christi in Ägypten. Ihre Geschichte und Liturgie, in A. Gerhards, H. Brakmann (Hrsg.), Die koptische Kirche. Einführung in das ägyptische Christentum, Stuttgart-Berlin-Köln 1994, p. 18 et notes corres- pondantes, qui reprend presque mot pour mot les considérations des Neue Funde. En Egypte comme en Nubie - en Nubie peut-être plus qu'en Egypte -, l'habitude invé- térée du grec s'est perpétuée à travers les âges par une sorte d'attachement viscéral, et le copte ou le nubien ont fait leur apparition dans la liturgie plutôt sous forme de cohabitation que de substitution. Reste à savoir dans quelles proportions exactes.

Vue sous cet angle, l'affirmation de W.Y. Adams, Qasrlbrîm, cit. (supra, n. 3, in fine), comme quoi «The Nubian clergy must have learned their Greek locally, since Greek was not used in the Egyptian Church ...» (p. 221), nous semble pour le moins gratuite.

En dehors du domaine liturgique, Adel Sidarouss a bien fait ressortir la perma- nence d'une certaine culture hellénisante en Haute-Egypte durant la période islami- que, et ce jusqu'au XVe siècle: cf. A. Sidarous, La tradition sahidique de philologie gréco-copto-arabe (manuscrits des XIIIe-XV siècles), in N. Bosson (éd.), Études coptes VIL Neuvième journée d'études coptes, Montpellier 3-4 juin 1999 (Cah. Bibl. Copte, 12), Paris-Louvain 2000, pp. 265-304, ici 292-293; Id., Plurilinguisme en Egypte sous la domination gréco-romaine, «J. Copt. St.» 10 (2008), pp. 183-202, ici 190-191. Mais si, en Haute-Egypte, dans un contexte d'arabisation, la connaissance du grec et l'intérêt pour cette langue se sont maintenus envers et contre tout, n'est-ce pas précisément parce que, comme l'écrit Adel Sidarous, «l'usage du grec dans la liturgie (et non seulement dans des partie limitées) s'est maintenu plus longtemps en Haute qu'en Basse Egypte» (Tradition ..., cit., p. 293)? «Les moines de cette épo- que tardive», écrit encore Adel Sidarous, «s'intéressent à des textes gréco-coptes... De plus, le Triadon, ce long poème anonyme à contenu religieux datant de 1322 et constituant le "chant du cygne" de la littérature en langue copte (sahidique), est truf-

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fé de grécismes à tel point que l'on peut postuler un modèle grec pour une partie au moins du texte» {Plurilinguisme ..., cit., p. 191). Le dernier représentant de cette tra- dition bilingue sur le déclin est sans aucun doute Athanase de Qous (XIVe siècle).

Adel Sidarous a observé, après Brakmann, que l'évêque de Qous était encore ca- pable de résumer en grec (à l'intention, oserions-nous ajouter, de l'église nubienne, plus "grecque" que celle d'Egypte) le compte rendu de la consécration et de l'intro- nisation de Timothée comme évêque de Pachoras/Faras (dont nous rappelons que le siège avait été transféré à Qasr Ibrim) en 1371 - nous renouons ainsi avec Qasr Ibrim, la Nubie et ses attaches avec l'Egypte. Force est donc de constater qu'Atha- nase de Qous, l'un des évêques consécrateurs, savait encore peu ou prou manier la langue grecque. La relation écrite par le même Athanase de Qous sur la coction du Myron en 1374 AD, contenue dans un manuscrit liturgique de la Bibliothèque pa- triarcale du Caire, est également emblématique de cette culture hellénisante qui ne veut pas mourir, et témoigne du même multilinguisme. Youhanna Nessim Youssef, Les [derniers] textes en dialecte sahidique du ms 106 Lit, Bibliothèque patriarcale - au Caire (La coction <du> Myron), «BSACopte» 37 (1998), pp. 121-133, ici 133, qui a donné un avant-goût de ce manuscrit liturgiquement très important (cf. aussi Id., Consecration of the Myron at Saint Macarius Monastery, «Coptica» 2, 2003, pp. 106-120) en conclut avec raison que «le Sahidique est resté vivant plus que l'on ne pense avec le Grec au moins pour la liturgie, ce qui est déjà noté par l'Historien arabe Macrizi», mais nous aurions envie de préciser que c'est grâce à la liturgie si le grec et le sahidique, l'un et l'autre voués à une mort prochaine, ont résisté plus longtemps à la pression de l'arabe. Ce sont là les derniers sursauts d'une identité linguistique en pleine mutation. On ne peut pas ne pas être frappé du fait que le grec et le sahidique ont disparu de la scène conjointement, au moment même où le bohaï- rique, dialecte de Basse-Egypte, s'est imposé partout dans la liturgie, ouvrant ainsi la brèche qui conduira à l'abandon définitif du grec, en tant que langue littéraire, et du copte, en tant que langue parlée, au profit de l'arabe.

Par analogie avec l'Egypte et la Nubie, on pourrait inférer que la situation était la même en Ethiopie - la Nubie étant le Corridor to Africa, suivant le joli titre de l'ouvrage de W.Y. Adams, Princenton 1977 -, où le grec a dû être la langue liturgique usuelle bien au-delà de l'époque axoumite - malheureusement, les documents font défaut -, et où l'emploi du guèze n'a peut-être été introduit qu'assez tardivement et ne s'est dirions-nous généralisé que par suite - et comme par contrecoup - de la ré- forme liturgique égyptienne engagée au XIIe siècle à laquelle nous faisions allusion -, ce qui expliquerait aussi en partie que l'on n'ait conservé aucun manuscrit éthiopien antérieur à cette date, en particulier aucun codex d'œuvres en guèze qu'on dit traduites directement du grec. C'est en effet à partir du XIIIe siècle qu'on assiste à un afflux de plus en plus massif de traductions éthiopiennes (liturgiques ou autres), faites non plus sur le grec, mais sur l'arabe, qui est devenu par rapport au copte ce que le copte était par rapport au grec. Dans cette longue chaîne ininterrompue de traditions liturgiques, l'éthiopien est à l'arabe ce que l'arabe est au copte, ce que le copte est au grec.

Certes, la liturgie éthiopienne, qui était sans doute la réplique de liturgies du Sa'ïd

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aujourd'hui disparues, à la faveur de l'éloignement géographique, ne sera pas balayée par la réforme liturgique au même titre que celle de Haute-Egypte - d'autant que le

patriarche Gabriel Ibn Turayk eut quelques démêlés avec les Éthiopiens -, et gardera certaines particularités qui lui venaient de son modèle de base, telles par exemple les fameuses anaphores, qui ne sont pas plus éthiopiennes que tout le reste et remontent en principe à des originaux grecs (grecs d'Egypte s'entend). C'est ce que laisse enten- dre aussi A. Gerhards: «Es ist aber mit der Möglichkeit zu rechnen, daß ägyptische Anaphora-Schöpfungen in äthiopischer Übersetzung erhalten sind» (A. Gerhards, H. Brakmann [Hrsg.], Die koptische Kirche . . ., cit.), p. 52. Ces anaphores ont circulé en leur temps dans les églises et monastères égyptiens, avant leur introduction en Ethio-

pie, et il y a fort à parier pour que les sables d'Egypte ou de Nubie nous restituent un

jour, si ce n'est déjà fait, des fragments grecs ou coptes, comme pour les hymnes de Sévère. À titre d'exemple, les Vestiges de concélébration eucharistique ..., bien mis en évidence par René-Georges Coquin («Le Muséon» 80, 1967, pp. 37-46) chez les Melkites d'Egypte comme chez les Éthiopiens ne sont pas - tant s'en faut - d'origne melkite, mais sont un 'legs égyptien", et ce malgré le fait que les monitions diacona- les qui en trahissent l'existence ancienne soient absentes du textus receptus bohaïri-

que de l'anaphore de Marc/Cyrille. Ce qui revient à dire que la liturgie éthiopienne reflète des pratiques bien réelles de l'Église copte de jadis.

Pour quitter le champ de la liturgie, R. Beylot, Du Kebra Nagast, «Aethiopica» 7 (2004), pp. 74-83, ici 82-83, se demande non sans quelque vraisemblance «si l'his- toire de Ménélik elle-même ne s'est pas d'abord développée en Nubie» et pense que le fameux colophon du Kebra Nagast «s'expliquerait mieux si ce dernier avait pour origine un texte copte beaucoup plus court, circulant en Nubie, remanié ensuite et traduit simultanément en arabe, puis en ge'ez à l'intention des Éthiopiens» (cette idée originale resurgit çà et là dans la Présentation très fouillée à la traduction du Ke- bra Nagast par le même Beylot, La Gloire des Rois ou l 'Histoire de Salomon et de la Reine de Saba [Apocryphes, 12], Turnhout 200%, passim). Quoi qu'il faille penser de cette intuition de Beylot, les textes, comme les hommes, suivent les mêmes voies de communication.

La Nubie apparaît donc comme le trait d'union naturel entre l'Egypte et l'Éthio-

pie. Ce n'est pas sans raison que, se situant du point de vue iconographique, Mme M. Rassart(-Debergh) parle de la Nubie chrétienne comme d'une terre de rencontre de l'Egypte copte et de l'Ethiopie chrétienne («AlPhO» 20, 1969-1972, pp. 363- 377, avec une carte et 2 planches); elle déclare notamment: «La Nubie chrétienne nous apparaît donc comme la charnière entre les royaumes africains: l'Ethiopie et

l'Egypte» (p. 372). Aussi, sans préjuger de l'avenir, une conclusion s'impose dès à

présent: les christianismes d'Egypte, de Nubie et d'Ethiopie ont toujours été inti- mement liés, beaucoup plus qu'on ne l'imagine, à telle enseigne que, au lieu de les aborder séparément, il faudrait parler de "chrétientés du Nil", comme titre excel- lemment un article de U. Zanetti, Les chrétientés du Nil: Basse et Haute Egypte, Nubie, Ethiopie, in R.F. Taft (ed.), The Christian East. Its Institutions & its Thought. A Critical Reflection. Papers of the International Scholarly Congress for the 75th

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Anniversary of the Pontifical Oriental Institute Rome, 30 May - 5 June 1993 (Or. Chr. Anal., 251), Rome 1996, pp. 181-216.

Nous sommes bien conscient du caractère provisoire de ce qui, dépassant la limite tolerable d'une note infrapaginale, a pris involontairement le tour d'une digression et nous ne nous cachons pas la fragilité inhérente à certaines de nos propositions, qui de- manderaient à être davantage étayées et développées. Nous aurons, si Dieu le veut, bien d'autres occasions de préciser et affiner notre pensée, en argumentant davantage, mais d'ores et déjà il était bon de soulever toutes ces questions en guise de pierres d'attente, pour ébranler quelques opinions préconçues et ouvrir de nouvelles pistes de recherche.

P.S. - Nous regrettons de n'avoir pas pu utiliser dans le présent excursus l'étude récente de H. Brakmann, Defunctus adhuc loquitur Gottesdienst und Gebetslitera- tur der untergegangenen Kirche in Nubien, «Archiv für Liturgiewissenschaft» 48 (2006), pp. 283-333, et notamment la partie sur Qasr Ibrîm, pp. 294-295.

IL D'une Vie de Sévère à une hymne sur Sévère

Dans son catalogue sommaire des manuscrits coptes, pour la plupart bohaïriques et originaires du Monastère de Saint-Macaire dans le Wâdï al-Natrûn, appartenant à 1' Universitäts-Bibliothek de Leipzig {codices Tischendorfianî), J. Leipoldt (13) décrivait ainsi le fol. 16 du codex XXV

(un volume factice de 41 folios issus de divers manuscrits [«aus verschie- denen Hss.»]):

16 x 22 cm. Untere Hälfte eines Blattes. Mindestens 21 Zeilen. - Anfang unlesbar. Ende: ceNXTeNecDNK exexNXCioc XN'ü)(Dm naofmx- aikoc. - Lobrede auf den seligen Patriarchen Severus. Er wird mit Basilius und Athanasius verglichen. Vgl. Crum S. 163 Nr. 349 (der äthiopische Text wird demnächst in Graffin-Naus Patrologia Orientalis von E. J. Goodspeed veröffentlicht werden).

C'est en effet ce que W.E. Crum déclarait dans son Catalogue of the

Coptic Manuscripts in the British Museum (14), sub num. 349, identifié comme un fragment sahidique d'un encomium sur Sévère d' Antioche, cor-

respondant à un passage de la version éthiopienne complète, «though not

verbally identical with the Coptic»: «A Boh. version is represented by the

(13) Ap. K. Völlers, Katalog der islamischen, christlichen-orientalischen, jüdischen und samaritanischen Handscriften der Universitäts-Bibliothek zu Leipzig, Leipzig 1906, pp. 388- 425, ici 404.

(14) London 1905.

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 79

frgt, Leipzig, Vol. XXV, f. 16» (p. 163b, note 3). L' encomium auquel se réfère Crum n'est autre que la Vie de Sévère d'Antioche, écrite sous forme de panégyrique et attribuée à Athanase d'Antioche (BHO 1062), dont l'ori- ginal grec, probablement de souche égyptienne, n'a pas laissé de traces.

Dans un article-compte rendu au catalogue de Leipoldt, Crum (15), sous l'item "Severus of Antioch" (p. 306), rapprochait du fol. 16 le fol. 37 du même volume: «XXV, 37 is, I think, the upper half of XXV, 16», sans toutefois se reporter à la note de son propre catalogue. Ce fol. 37 était décrit par Leipoldt comme suit:

13x21 cm. Mindestens 1 1 Zeilen. Oberer Rand eines Blattes. -Anfang; cxxi Mni'no[c. Ende: MnecMOKMeK ceeN'q[. v oben: nxT]pixpxHc [(rot). - Inhalt umbestimmbar. Erwähnt: Maria; Juda.

Sans doute Crum s'était-il, entre-temps, aperçu que son identification pre- mière ne tenait pas la route. Sinon dans son édition, l'année suivante, des fragments coptes (y compris BM 349) de la Vie de Sévère par Athanase, en complément à l'édition de la version éthiopienne par E.J. Goodspeed (16), il n'aurait pas omis, sans s'en expliquer, les deux fragments de Leipzig, for- mant selon ses dires un seul et même folio, alors qu'il éditait un fragment bohaïrique du British Museum (= nr. 916 du Catalogué) d'origine identi- que («brought from the Nitrian monasteries»).

Outre le fait qu'en haut du verso du fol. 37, Leipoldt était parvenu à déchiffrer le lemme rubriqué (ni)nxT]pixpXHC, "le Patriarche", une men- tion qui équivaut à Sévère d'Antioche, considéré chez les Coptes comme le Patriarche par antonomase et souvent cité dans les manuscrits comme le Patriarche tout court (17), le raccord proposé par Crum n'a pu lui être dicté que par la ressemblance d'écriture, trompeuse en l'occurrence.

(15) Hagiographicafrom Leipzig Manuscripts, «Proceed. Soc. Bibl. Arch.», 29 (1907), pp. 289-296 et 301-307, ici 306. Similitude paléographique d'une part, convergence onomastique de l'autre, tout était réuni pour rattacher ces fragments au même codex, sinon au même feuillet.

(16) The Conflict of Severus, Patriarch of Antioch, by Athanasius , in «Pair. Orient.», I V/6, Paris, 1908. La version arabe sous-jacente à l'éthiopien - mais non sa Vorlage à proprement parler - a été redécouverte et publiée dernièrement par Youhanna Nessim Youssef dans la «Pair. Orient.», XLIX/4, Turnhout 2004.

( 1 7) Comme Crum lui-même a eu à le rappeler: «... pour ses admirateurs égyptiens il [= Severe] est resté le patriarche mi' eÇo^nv», «Rev. Or. Chr.» 3[23], 1922/23, p. 97, note 5. A contrario, pour s'en tenir à l'hymnographie, s'expliquerait le fait qu'une doxologie (cf. note 20), conçue d'abord pour le Patriarche (se. Sévère), ait fini par s'appliquer à tout patriarche en général.

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180 ENZO LUCCHESI

Une reproduction photographique que nous avons pu obtenir (18) est ve- nue confirmer ce que nous soupçonnions déjà, à savoir que ces deux frag- ments de Leipzig, malgré un air de parenté, ne ressortissent pas au même codex et qu'ils ne sont donc pas complémentaires. En effet, le fol. 37 se

rapporte sans conteste à une Chaîne sur les Évangiles, où Sévère est large- ment mis à contribution et dont nous reparlerons dans l'Appendice I.

Le fol. 16, quant à lui, a trait non pas à une Vie de Sévère, mais à une

hymne sur Sévère, connue en double version sahidique et bohaïrique, et encore inédite lors des publications précitées de Crum, puisque la première édition de l'Antiphonaire copte pour l'année entière, où elle apparaît, verra le jour seulement une vingtaine d'années plus tard par les soins de De Lacy

O'Leary(19). La version bohaïrique concordante de cette hymne (ou doxologie ou psa-

lie ou tarh [glose], comme on voudra) sur Sévère, qui se présente de façon segmentée dans l'édition O'Leary aux trois fêtes du Patriarche (2 Babah, 10 Kîhak et 14 Amsïr), a été naguère rééditée par Youhanna Nessm Youssef, qui la compare au texte sahidique parallèle, tiré de Y Antiphonaire du Ms. Morgan M 575 (20).

Or, pour identifier le fol. 16, point n'était besoin de recourir à la photo. Le desinit indiqué par Leipold aurait suffi, qui trouve son correspondant,

(18) Grâce à l'extrême l'obligeance du Dr. Steffen Hoffmann, de 1' Universitätsbibliothek de Leipzig (Bereich Sondersammlungen), que nous remercions encore.

(19) TheDifnar (Antiphonarium) of the Coptic Church, 3 vols., London 1926-1930 (cité ci- dessous: Difnar). L'édition moins scientifique de 1922 par Dümädiyüs al-Baramûsï (cf. infra, note 26), d'ailleurs limitée aux six premiers mois de l'année, ne comporte pas cette psalie.

(20) A Contribution to the Coptic Biography oj òeverus oJAntioch, in M. immerzeel, j. van der Vliet (eds.), Coptic Studies on the Threshold of a New Millennium, I. Proceedings of the Seventh International Congress of Coptic Studies Leiden, 27 August - 2 September 2000 (Or. Lov. Anal, 133), Leuven 2004, pp. 407-419 (abrégé ci-dessous: Contribution). Deux stances de cette hymne sur Sévère d'après V Antiphonaire sahidique M 575, en tant qu'elles correspondent aux doxologies 'Batos' min agli al-ab al-batriyark et li-agli anbâ Sâwlrus al-batriyark se suivant immédiatement dans l'édition de Claude Labib, Al-Ibsalmüdiyyah al-sanawiyyah al- muqaddasah, Le Caire 1 908, pp. 399-40 1 , avaient été publiées précédemment par Yassa Abd al-Masih, Doxologies in the Coptic Church, «BSA Copte» 5 (1939), pp. 175-191, ici 181-182. Pour la description du manuscrit M 575, cf. L. Depuydt, Catalogue of Coptic Manuscripts in the Pierpont Morgan Library (Corpus of Illuminated Manuscripts, 4, Oriental Series, 1), Leuven 1993, nr. 58, pp. 107-112, ainsi que les pli. 65-66 et 210 de V Album of Photographie Plates. Cette version sahidique, comprenant 12 antiennes, numérotées de cm? à CNfT, est encore partiellement inédite.

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE ' 8 1

à une légère variante près (cGNXTGNecDNGK pour XNXTeNGCDNeK), dans la quatrième strophe de cette doxologie en l'honneur de Sévère, telle qu'elle se lit dans l'édition de Youhanna Nessim (p. 413): xnaini mbx- C1AIOC XNXTGNGœNeK eX0'NXClOC XNXCpœni NAOFMATIKOC M<f>pH+ NKYPiAAOC. Mais les correspondances ne s'arrêtent pas là.

Naturellement, Youhanna Nessim ignore tout du témoin parallèle de Leip- zig, si tant est qu'il ait songé à compulser le catalogue de Leipoldt. À plus forte raison méconnaît-il un autre témoin, ou plutôt une autre recension bohaïrique de cette doxologie pour Sévère, figurant sur deux bifolios conti- gus, ayant formé autrefois la moitié centrale d'un quaternion, dont la pagi- nation fait défaut mais qui, à l'instar des fragments de Leipzig, proviennent assurément du Monastère de Saint-Macaire. Ces deux bifolios séparés d'un codex en parchemin (tout comme le précédent) appartiennent aujourd'hui à la Papyrussammlung de Vienne sous les cotes respectives K 6441a-b et K6445a-b(21).

Les restes des deux antiphonaires de Vienne et de Leipzig se rappor- tent au mois de Mechir (= Amsïr). Une trentaine de feuillets en papier détachés d'un hymnaire du XIIP-XIVe siècle et relatifs au mois de Pa- opi (= Bâbah), provenant également de Saint-Macaire et conservés pré- sentement à la "Staats- und Universitätsbibliothek" de Hambourg (22),

(2 1 ) La doxologie pour Sévère, inscrite au 1 4 Mechir ou Amsir (jour de la commémoration de sa mort), débute par un lemme sans doute rubriqué (mais notre photo en noir et blanc ne permet pas de le confirmer) à la 1. 12 du verso de K 6445a pour s'achever au recto de K 6441b, immédiatement suivie de l'hymne en l'honneur de Macaire le Grand, au 27 Phamenôth ou Baramhât. Au sommet du recto de K 6445a commence la doxologie pour le prêtre Syméon (Le. 2, 25-35), au 8 Mechir (fête de la Présentation au Temple), elle-même précédée de l'hymne en l'honneur de l'Abbé Longin, au 2 Mechir. Cette même succession Longin/Syméon s'observe dans un autre hymnaire en parchemin, hélas! lacuneux, de Saint-Macaire, décrit par H. G. Evelyn-White, The Monasteries ofWadi 'n Natrûn, Part I: New Coptic Texts from the Monastery of Saint Macarius, New York 1926, pp. 216-219, ici 217, encore que la commémoraison du prêtre Syméon y soit inscrite curieusement au 1 5 Mechir.

(22) Cf. L. Störk, Koptische Handschriften 2. Die Handschriften der Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg, Teil 2: Die Handschriften aus Anbä Maqar (Verzeichnis der orientalischen Handschriften in Deutschland, 21/2), Stuttgart 1995, pp. 404-41 1 (nr. 195 [Hymn. 32]), ici 409 (pour un autre témoin, cf. ibid., nr. 288 [Hymn. 125], p. 597). D'après Störk, qui renvoie à la pl. XX, B de H.G. Evelyn-White, op. cit., «Weitere Bl(ätter) dieser Hs. liegen im Koptischen Museum zu Kairo», folios que De Lacy O'Leary a édités dans ses Fragmentary Coptic Hymns from the Wadi n-Natrun, London 1924, p. 22 (nr. XX), 23 (nr. XXI, cf. infra, note 18) et 27 (nr. XXVI). Youhanna Nessim Youssef, Severus ofAntioch in the Coptic Liturgical Books, «J. Copt. St.» 6 (2004), pp. 139-150, ici 145 et note 41, fait expressément référence à cette psalie de Störk.

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182 ENZO LUCCHESI

contiennent, selon une recension apparemment distincte des précédentes, des éléments de la même psalie, car tels incipit et desinit indiqués par Störk pour chaque folio se retrouvent dans les autres témoins, soit sahidi- que, soit bohaïriques.

Sous des formes rédactionnelles variant d'un témoin à l'autre, notam- ment en ce qui concerne le nombre et la disposition des strophes interchan- geables à souhait, subissant tantôt des amputations, tantôt des interversions, oscillant entre modes "Adam" et "Batos", bref avec des remaniements et arrangements constants et successifs tendant à la simplification, dont il est difficile de suivre les avatars, c'est donc bien la même hymne sur Sévère qui revient dans tous ces antiphonaires macariotes (23).

Cette hymne à la tradition manuscrite mouvante, qui était fort déve- loppée à l'origine et dont la forme la plus accomplie est représentée par le Ms. Morgan M 575, s'est vue effilocher au fil du temps, jusqu'à être réduite à sa plus simple expression. De celle-ci ne subsistent plus que quelques maigres stances dans l'actuelle édition du Difnâr (24) ou dans la Psalmodie annuelle (Y Ibsalmüdiyyah as-sanâwiyyah), un livre liturgique proche de V Antiphonaire (25).

La présence de cette hymne sévérienne, indépendamment de ses dif- férentes recensions, dans plus d'un antiphonaire de Saint-Macaire n'est d'ailleurs pas pour surprendre, car Sévère d'Antioche y était vénéré tel un saint de Scété, du fait que c'est précisément dans une église du désert scétiote qu'eut lieu, selon le Synaxaire (au 2 Bâbah), le célèbre miracle

(23) Cette liberté rédactionnelle que s'accorde chaque compilateur n'étonnera pas ceux qui savent qu'une pareille fluctuation textuelle est commune à beaucoup d'autres doxologies, ce qui a fait dire au P. Paul Peeters, à l'occasion du compte rendu du premier tome de l'édition de De Lacy O'Leary: «Un texte qui offre une telle variété dans un nombre restreint de manuscrits, passera difficilement pour avoir été stable. On est porté à croire que chaque église ou chaque monastère l'accommodait à sa façon.» Notre petite incursion dans une ode à la louange de Sévère corrobore ce jugement, qui pourrait se résumer ainsi: quoi codices, tot recensiones.

(24) Nous voulons parler de celle de Bani Suwayf par I'Anba Mata'us, sans date (la préface est datée de 1985), cf. pp. 61, 179 et 296.

(25) Voir la traduction italienne, sur l'édition de Claude Labib, op. cit., chez M. Brogi, La santa Salmodia annuale della Chiesa copta (St. Orient. Chr. Aegyptiaca), Le Caire 1962, pp. 105-106.

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 83

de la messe interrompue (26), et que c'est au couvent même de Saint- Macaire que, d'après la Vie de Sévère par Athanase (cf. Goodspeed, op. cit., p. 714), le patriarche aurait trouvé refuge dans son errance de cou- vent en couvent. Il importait donc, à l'occasion de l'identification d'un fragment de Leipzig, de signaler qu'une hymne en l'honneur de Sévère, transmise en versions sahidique et bohaïrique, et dans ce dernier dialecte en plusieurs rédactions, était au programme dans les antiphonaires les plus anciens de ce monastère.

D'autre part, certaines composantes de cette doxologie copte dépendent étroitement d'hymnes sur Sévère écrits par Jean de Beith-Aphtonia, ce que

(26) À propos de cette légende, dont on connaît une variante "cairote", voir H. Brakmann, Hagiographie im Dienst hierarchischer Ambitionen. Eine ägyptische Wundererzählung im Umfeld der Vita BHO 1062 des Severos von Antiochien, «Aegyptus Christiana. Mélanges d'hagiographie égyptienne et orientale dédiés à la mémoire du P. Paul Devos Bollandiste» (Cah. Orient., 25), Genève 2004, pp. 279-285. L'épisode a fourni matière à une doxologie, cf. Kitâb al-Tamâgid al-muqaddasah (éd. Dümädiyüs al-BaramösT), Le Caire 1922, pp. 274-275, doxologie à laquelle renvoie Youhanna Nessim Youssef, Un témoin méconnu de la littérature copte, «BSACopte» 32 (1993), pp. 139-147, ici 146-147, en référence à la seconde édition, "revue et augmentée", des Tamâgid par les soins du P. Attallah Arsanios al-Moharraqi, Le Caire 1972, p. 350; le même Youhanna Nessim, Contribution ..., cit., pp. 418-419, a commis une traduction anglaise (partielle) de la notice du Synaxaire au 2 Paopl. Un fait similaire, survenu à Sévère durant son exil en Egypte et qu'on pourrait appeler le miracle de l'icône, a fait l'objet d'une autre doxologie pour le 2 Bâbah et le 14 Amsïr, dont le Difnâr de Manchester (de 1 799), correspondant aux quatre premiers mois de l'année liturgique copte, décrit par W.E. Crum dans son Catalogue of the Coptic Manuscripts in the Collection of the John Ry lands Library, Manchester, Manchester 1909, nr. 453, pp. 210-215, est, avec le Vaticanus Copt. Borgia 59 (de 1737), couvrant les quatre mois suivants, l'un des rares témoins connus à ce jour (l'anecdote n'est relatée par aucune biographie de Sévère qui nous soit parvenue: l'auteur aurait-il puisé à une Vie perdue?): «The notice of Severus of Antioch (2nd Bâbeh) makes reference to his exile in Egypt; how, on attending a church there and finding none to whom he might give the áG7taGuóc, he kisses the picture of the Virgin and Child, whereupon his lips cleave thereto and he is thus recognized by the congregation» (p. 211). C'est sur ces deux Antiphonaires assez récents, que De Lacy O'Leary a basé l'édition respectivement du premier et du deuxième volume de son Difnâr, d'où Youhanna Nessim, Contribution ..., cit., pp. 417- 418, a reproduit le texte de la doxologie en question avec traduction anglaise, susceptible d'être améliorée {e.g., au lieu de «his lips embraced those of our Saviour», il faut entendre, comme Crum que le traducteur aurait eu intérêt à consulter, «his lips cleaved to those of our Saviour», ce qui est bien le sens qui se dégage). Dans le Difnâr de Barîî Suwayf, cit., pp. 60 et 296, le texte copte de cette dernière psalie 'Batos' est drastiquement amputé (ce qui en dit long sur la réception du bohaïrique dans l'Église copte actuelle) et ne comporte plus que les deux premiers distiques (reliquat symbolique d'un texte tombé en désuétude), tandis que le tafslr arabe est, lui, beaucoup plus développé.

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184 ENZO LUCCHESI

Youhanna Nessim n'a pas bien mis en relief (27). Pour mieux marquer cette dépendance, nous mettons en parallèle un passage de Y Antiphonaire sahidique de New York, selon notre propre traduction faite sur l'édition en fac-similé de H. Hyvernat (28), avec l'hymne nr. 1 sur Sévère par Jean de Beth-Aphtonia, conservée en version syriaque, d'après la traduction française de A. Kugener (29) (en italique les mots grecs d'emprunt en copte et en syriaque; entre crochets droits les mots ajoutés par le premier traducteur syriaque; en apparat les variantes ou corrections de Jacques d'Édesse placées au-dessus de la ligne, cf. supra, note 12; textes composés «en drapeau», pour permettre la comparaison ligne à ligne entre copte et syriaque):

Copte Syriaque Les enseignements du grand Sévère, ce sage Les doctrines du sage [et grand] Sévère sont patriarche, sont Y exacte production de tous l'image de tous les docteurs [orthodoxes et les saints docteurs. En lui se manifestent les mystiques] de l'Église. En lui, en effet, on peut paroles ardentes d'Ignace le théophore et le martyr, voir1 les paroles [saintes et] inspirées de Dieub avec les saints enseignements du docteur d'Ignace le théophore et le martyr [éprouvé]; Athanase, ce grand pontife et apostolique, la science étendue et exacte de la foic avec la sublime théologie de Basile le Grand d'Athanase, l'illustred [lutteur et athlète]; et de Grégoire, ces sages qui ont revêtu le Christ, la prédication0 sublime de la théologie de Basile et les enseignements spirituels de Jean Chryso- et de Grégoire; stome, lesquels se répandaient largement l'érudition catéchétique - qui se déversait et comme une mer, avec Y enseignement distingué s'étendait comme une mer - de Jean (Chryso- des saints dogmes de Cyrille, ce sage et grand patriarche, stome); l'exactitude de l'enseignement En lui apparaissent aussi la pureté de leur vie dogmatique, de Cyrille1; et leurs saintes pratiques et leurs ascèses. la pureté de vie [et des belles manières] de tous

ensemble.

a En lui il montre. - b Éprouvées par l'Esprit. - c Pure de la vérité. - d Le grand. - c L'éloquence. - f L'enseignement dogmatique de l'exact Cyrille.

(27) II se contente de remarquer que «This part of the Antiphonarion is a free translation of the hymn of John of Beith-Aphthonia on Severus of Antioch» {Contribution ..., cit., p. 416), alors qu'il s'agit en fait d'une traduction des plus littérale.

(28) Bybliothecae Pierpont Morgan codices Copiici photographiée expressi, Romae 1922, XX, tabb. 95-96. On remplira la lacune dont souffre l'édition de Youhanna Nessim {Contribu- tion ..., cit., p. 415, 1. 17) par la lecture mntaitxckxai* (post correctionem).

(29) «Pair. Orient.» II/3, pp. 327[243]-328[244]. Voir aussi la traduction anglaise de E.W. Brooks, in «Pair. Orient.», VII/3, pp. 653[241]-654[242], ainsi que la traduction française de Fr. Nau, in «Rev. Or. Chr.», 7 (1902), p. 133.

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 85

Dans un fragment de psalie en version bohaïrique, édité par De Lacy O'Leary (30) sous le titre "Commemoration of saints and of patriarchs of Alexandria", un passage est également emprunté à cette hymne de Jean de Beth-Aphtonia (par le truchement du sahidique, cela va sans dire). Nous en reproduisons la traduction anglaise de O'Leary (31), dont nous mettons en italique les mots d'origine grecque et corrigeons au passage deux malheureux contresens:

The doctrines of Severus the learned patriarch are an unerring summary (32) of all the holy Scripture [lire: of all the wise doctors]. In him (+ yap) are manifest the words of fire of Ignatius the theophoros and holy martyr, and the perfect [litt, pure, toykhoyt] doctrine of Athanasius the Great and apostolic high priest. And the lofty theology of the the great Basil and Gregory, the wise men who contended for Christ [lire: who clad (cpopeiv) Christ, gr. xpioxocpopoi]. And the ethical doctrines of John Chrysostom . . .

Pareillement, une autre tirade que nous lisons dans le Vindobonensis K 6445 aussi bien que dans le Hamburgensis Störk 195 (= Hymn. 32) se révèle être la copie conforme de l'hymne 4 de Jean de Beth-Aphtonia, comme nous aurons plus tard l'opportunité de le montrer.

Dans sa forme primitive, l'hymne copte en l'honneur de Sévère s'ins- pirait donc moins de la Vie de Sévère par Athanase ou de telle ou telle autre biographie de Sévère, comme le prétend Youhanna Nessim, que des hymnes sur Sévère par Jean de Beith-Aphtonia (composés originellement en grec, il convient de ne pas l'oublier), sans exclure pour autant d'autres influences possibles. D'ailleurs, s'il ne fait pas de doute que la ou les ver- sions bohaïriques sont de simples transpositions d'un modèle sahidique, il est encore moins douteux que le traducteur et à la fois compilateur du texte sahidique, si la compilation n'était pas préexistante à la version, opérait à partir de matériaux grecs, dont l'espoir est permis de retrouver les vestiges comme pour l'hymne de Sévère sur la Nativité, exhumée, contre toute attente, des ruines de l'église de Qasr Ibrim.

(30) Fragmentary Coptic Hymns ..., cit. , p. 23 (nr. XXI). Comme nous l'avons dit à la note 22, les deux folios de ce fragment XXI, paginés respectivement 30 et 31 (mais, malgré la pagination continue, on est bien obligé de constater une solution de continuité), faisaient partie du Difnâr dont un lot de 32 feuillets est échu à Hambourg (= Störk 195).

(31) /6/é/., p. 49 (XXI). (32) Copte nyNXî» = grec niva<^ ('table récapitulative', 'récapitulation'). Ce mot correspond

à 6MNP2CDK ('production') du sahidique et à r¿_i.a c'_» (= eiKcov, 'icône') du syriaque.

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186 ENZO LUCCHESI

Appendice I

Un second témoin de la Chaîne bohaïrique sur les Évangiles Citation de l'homélie XX de Sévère d'Antioche

Les Catenae in Evangelia Aegyptiacae quae supersunt de Paul de Lagarde (Got- tingae 1886) furent éditées d'après un manuscrit unique et incomplet (de 889 AD), que Robert Curzon avait acquis en 1 830 au Monastère des Syriens {Dayr al-Suryân) dans le Wâdî al-Natrûn, mais dont le lieu d'origine n'est autre que le Monastère de Saint-Macaire {Dayr abû Maqâr), situé non loin du Monastère des Syriens (33). En raison de l'absence de traduction en langue occidentale - Lagarde était avare de traductions (34), qui seules témoignent en fin de compte du degré de compréhension des éditeurs -, et malgré un index des auteurs patristiques cités, ces chaînes ont été peu utilisées par les chercheurs.

Pour ce qui est de la Chaîne sur Matthieu, une version arabe faite sur un modèle copte ne coïncidant pas en tout et pour tout avec le texte de Lagarde a été depuis pu-

(33) Le manuscrit, qui se trouve à présent à la British Library (Or. 8812), a été amplement décrit par B. Layton, Catalogue of Coptic Literary Manuscripts of the British Library Acquired Since the Year 1906, London 1987, nr. 249, pp. 389-392: l'auteur rétablit notamment la "Correct Sequence of leaves" et signale un fragment complémentaire du même dépôt londonien (le BM 740), déjà catalogué et identifié par Crum, puis édité par A. Hebbelynck dans «Le Muséon» 41 ( 1 928), pp. 1 1 1 - 1 1 3 (ce folio venait en tête de la Chaîne sur Matthieu et arborait les mpdttaxioc ou tît^oi, c'est-à-dire les tables).

(34) Lagarde, qui s'est borné à relever les références bibliques et les noms des auteurs cités, se devait d'autant plus de faire œuvre de traducteur que, comme il le remarque avec un dédain ironique doublé d'une fausse modestie dans la Préface à son édition de la Didascalia Apostolorum Syriace (Gottingae 1854), les lecteurs capables de comprendre ces langues orientales pouvaient se compter sur les doigts d'une main (ce qui n'a pas beaucoup changé depuis!): «Nomen meum edentis celavi, ne quis me e fide satis illa quidem molesta et taedii plenissima describendi gloriolam captare velie dicat. vereor praeterea ne nomini vesaniae crimen inuratur quod homo egestate oppressus aeris alieni magnum pondus contraxi quo ederem quae per Europam vix homines quinqué intelligunt, nemo accuratius lecturus est, omnes judicabunt» (p. VII). Mais personne ne se serait avisé de lui demander une rétroversion grecque comme il dit l'avoir tentée pour la Didascalie: «graecam orationem e versione syriaca refingere conatus sum, at postquam bis manu mea integram descripsi - licet alticinctus et impigerrimus ad laborem sim - opus unum omnium difficillimum, ni sex menses quietis dati fuerint, adumbilicum adducere despero» {ibid.). Il n'en faut pas moins rendre hommage à Paul de Lagarde, qui, tout en livrant des matériaux bruts, a rendu un grand service à la science. Aussi bien nous faisons nôtres les mots de J. Irmscher, Coptic Studies in the German Democratic Republic, «Mélanges Korostovtsev», Moscou 1975, p. 173: «we must concede that - as he said of himself- he had copied and compared more Coptic manuscripts than any other German scholar of his day».

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 87

bliée par le P. Fr.J. Caubet Iturbe (35), qui la compare minutieusement à la Chaîne bohaïrique éditée.

Nous voudrions aujourd'hui attirer l'attention sur un autre témoin bohaïrique lar- gement lacunaire, provenant lui aussi du Monastère de Saint-Macaire, dont l'écri- ture en fait un contemporain du précédent et qui était passé inaperçu jusqu'ici, bien qu'EvELYN-WHiTE, dans son ouvrage monumental The Monasteries ... New Coptic Texts ... (36), en ait répertorié neuf fragments (37), tous déposés au Musée Copte du Caire, et signalé plusieurs autres (p. 198, note 3): «Other leaves from this work are at Leipzig (Cod. Tisch, xxvii [lire xxvm], 8-15) and doubtless belong to the same ms. Fragments of another Nitrian copy are in the British Museum, Add. 14740 a, foil. 10, 11, 24: see Crum, Cat., no. 914» (38).

En poussant plus loin ses investigations, Evelyn- White, dont la mort prématurée l'en a peut-être empêché, aurait pu ajouter un autre fragment de Leipzig, le Cod. Tisch. XXVI, 37, qui se rattache indubitablement au même manuscrit et que nous identifions ici pour la première fois (39). Il se serait en outre aperçu que les folios E 14 et E 15 du Cod. Tisch. XXVIII, quoique attribuables à la même main, n'ont pas d'équivalent dans les Chaînes et relèvent finalement d'un codex différent.

Les huit folios en parchemin du Codex Tischendorfianus XXVIII, E 8 à E 15, avaient été catalogués, sans être formellement identifiés, par Leipoldt (40), à qui il n'avait pourtant pas échappé que les citations patristiques étaient «nach Art der sog.

(35) F. J. Caubet Iturbe, La cadena árabe del Evangelio de San Mateo, 2 voll. (Studi e Testi, 254-255), Città del Vaticano 1969-1970. L'édition repose sur une dizaine de manuscrits, le témoin de base étant le Vai. ar. 452, qui est aussi le plus ancien (1214). L'éditeur distingue trois groupes ou familles de manuscrits (cf. vol. I, pp. XLVII-L [Relaciones mutuas entre todos estos manuscritos]), mais ces divergences s'expliquent, pensons-nous, à l'intérieur de la tradition manuscrite arabe. Sur les rapports entre la Chaîne copte et la Chaîne arabe, voir en part. pp. LI-LIV. Aussi ce qu'affirme L. van Rompay, art. cit., p. 12, en reprenant les conclusions de Caubet Iturbe: «... an Arabie Catena on the Gospel of Matthew, preserved in ms. Vat. Ar. 452, which - as he was able to prove - is basically [c'est nous qui soulignons] an Arabic translation of the Bohairic Catena», en entendant par là la Chaîne de Lagarde, demande-t-il à être nuancé à la lumière de ce second témoin bohaïrique.

(36) Op. cit., pp. 198-199. (37) Les fragments 1 à 7 ont tous leur correspondant dans Lagarde, tandis que les fragments

8 et 9 restent pour le moment "Unidentified". N'ayant pu étudier ces fragments pour la raison que nous avons été interdit d'accès aux manuscrits du Musée Copte, nous ne sommes pas en mesure de dire si ces deux fragments appartiennent à la Chaîne exégétique, mais nous le soupçonnons fortement (le fragment 9 arbore même un lemme, où l'attribution à Basile de Cesaree se laisse rétablir, ce qui devrait en faciliter l'identifìcaion), étant donné que les témoins arabes attestent des scolies absentes de Lagarde mais ayant à coup sûr existé en copte. Il s'ensuit que nos deux Chaînes bohaïriques n'étaient pas en tous points identiques, quelle que soit par ailleurs l'explication qu'on en donne (voir infra).

(38) Evelyn-White se dit redevable à Crum de ces informations. Cf. aussi A. Hebbelynck, A. Van Lantschoot, Codices Copiici Vaticani..., I, Città del Vaticano 1937, in ima pagina 382.

(39) Voir plus haut, p. 180. (40) Op. cit., pp. 419-420.

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188 ENZO LUCCHESI

Katenen». En effet, la nature caténique des fol. E 8 à E 13 saute immédiatement aux yeux, eu égard à la fréquence des lemmes. À l'exception du fol. E 11 qui a trait à la Chaîne sur Luc (ch. 19), les cinq autres folios se rapportent tous à la Chaîne sur Matthieu (ch. 21 et 23). Voici les correspondances textuelles avec l'édition Lagarde (dans l'ordre):

E 8 = Lagarde, p. 57, 1. 2-30; E 9 = Lagarde, p. 57, 1. 36(?)-p. 58, 1. 28; E 12 = Lagarde, p. 63, 1. 36-p. 64, 1. ?; E 13 = Lagarde, p. 64, 1. 31 -p. 65, 1. 25; E 10 = Lagarde, p. 72,1. 13-38; E 11 = Lagarde, p. 168,1. 10-?. Quant au Cod. Tisch. XXVI, fol. 37, il correspond à Lagarde, p. 1 19, 1. 10-28 (Le.

1, 34-37), et contient trois extraits mis au nom de Sévère d'Antioche (qui restent à identifier).

Nous avons déjà dit, dans la seconde partie de notre article, que Sévère compte, avec Cyrille d'Alexandrie et Jean Chrysostome, parmi les auteurs les plus exploités par le compilateur de la Chaîne. Sur le fol. E 8, après un extrait de Jean Chrysosto- me, on lit le lemme (rubriqué): eese-hecD NeMnicHX ceyHpoc ninxTpi['pXHC (Au sujet de l'ânesse et de l'ânon [Mt. 21,1 sqq.]. Sévère d'Antioche). L' incipit -heœoy nt6+m6t[. . . (lege: -heœ oyN ne -f MeT['TCOYeN<J>NOY+]) et le desinit'4'A' NXcpn onconi (lege: nmanxcdn n coni) indiqués par Leipoldt cor- respondent mot pour mot au texte de Lagarde (p. 57, 1. 6-31) (41). La source de cet extrait est à identifier avec l'homélie XX Sur la fête des Hosannas de Sévère, dont la version syriaque est disponible dans «Pair. Orient.», XXXVII/1, pp. 47 à 63, bien que les points de contact avec cette dernière ne ressortent pas de prime abord.

Ce témoin de Leipzig est ignoré de Youhanna Nessim Youssef qui a réédité d'après Lagarde et traduit tant bien que mal en anglais tous les extraits de la Chaîne sur Matthieu relatifs à Sévère d'Antioche (42). Dans son effort d'identification, You- hanna Nessim n'a pas été plus heureux que Caubet Iturbe, autant dire qu'il s'en est tenu aux identifications de celui-ci, qui souvent déclare forfait (43). Pour la longue citation touchant Mt. 21, 1-13, Youhanna Nessim (p. 113, note 38), dans le sillage de Caubet Iturbe, pense à tort qu'il est «inspired from the Second hymn attributed to Severus of Antioch, cf. PO 6 p. 95 L. 4-p. 96 1.5» (44).

(41) Texte arabe parallèle dans Caubet Iturbe, op. cit., I, pp. 181-182 (texte), et II, pp. 195-196 (trad.).

(42) The Coptic Catena on the Four Gospels According to Severus of Antioch, I. The Gospel of Matthew, «BSACopte» 43 (2004), pp. 95-120.

(43) Cet effort d'identification avait donc été fourni pour l'essentiel par Caubet Iturbe, et Youhanna Nessim, qui ne reconnaît pas ouvertement sa dette, n'a eu qu'à récolter les fruits.

(44) Art. cit., p. 113, note 38. Du moins Caubet Iturbe peut-il alléguer une bonne excuse, du fait que la version syriaque de l'hom. XX était encore inédite à la date de publication de son ouvrage. Pour ce qui regarde les citations imputées à Sévère, L. van Rompay, art. cit., p. 12, résume ainsi les données de Caubet Iturbe: «All the Severus quotations of the Coptic Catena

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 89

À notre avis, cet excerptum, présent dans les deux témoins bohaïriques, n'a rien à voir avec l'hymne de Sévère, mais, comme nous l'avons anticipé, la source est à chercher dans l'homélie XX de Sévère (les points de rencontre sont sans équivoque), quoiqu'il s'agisse d'une compilation, ou mieux d'un pastiche (ou d'un patchwork), plus que d'une citation littérale, du moins par rapport à la version syriaque, seule connue actuellement. Mais il ne faudrait pas trop vite en conclure à une réécriture du compilateur de la Chaîne, puisqu'on peut envisager l'hypothèse que l'excerpteur de la Chaîne copte - ou plutôt de la Chaine grecque sous-jacente, car tout semble re- monter au grec via le sahidique - avait à sa disposition un meilleur témoin que celui attesté par la version syriaque. C'est même à cette seconde hypothèse que vont nos préférences, depuis que nous avons démontré que le témoin copte de l'homélie XIV est plus fiable et plus complet que celui de la version syriaque (45). Toute la question est donc de savoir si le traducteur copte travaillait directement sur un modèle grec préfabriqué, comme c'est la règle, ou si d'aventure le caténiste procédait à partir de versions coptes préexistantes, ce qui semble a priori moins plausible dans le proces- sus de formation de la Chaîne.

Quoi qu'il en soit, un autre témoin bohaïrique vient s'ajouter à celui déjà connu et édité, et nous ne serions pas surpris qu'on découvre tôt ou tard le modèle sahidi- que de cette Chaîne, voire son substrat grec. À vrai dire, les vestiges d'une Chaîne sahidique nous les tenons bel et bien dans le Parisinus Copticus 13 17, f. 24, un feuillet intact d'un codex de petit format: des trois citations qu'il renferme, les deux premières, tirées de Cyrille et de Jean Chrysostome, se retrouvent telles quelles à la fois dans le bohaïrique de Lagarde et dans l'arabe de Caubet Iturbe; la troisième en revanche, tirée également de Jean Chrysostome, est absente de Lagarde mais

exist here in Arabie! Among the 53 scholia carrying Severus' name . . ., Caubet Iturbe was able to identify only 26 in the published works of Severus, mostly in the Cathedral Homilies, and in three cases in the hymns». Il apparaît maintenant que des trois cas d'emprunt aux hymnes, un au moins ne résiste pas à l'analyse. Dans une publication ultérieure, F.J. Caubet Iturbe (La ca- dena copto-àrabe de los evangelios y Severo de Antioquía, in L. Alvarez Verdes, K.J. Alonso Hernandez [eds.], Homenaje a Juan Prado. Miscelánea de estudios bíblicos y hebraicos, Madrid 1975, pp. 421-432), insiste sur la «parte muy notable» (p. 426) ré- servée à Sévère d'Antioche dans la Chaîne copto-arabe, surtout dans la Chaîne sur Marc, avec ses 58 scolies attribuées à Sévère, si bien que «Sumando (...) la parte domi- nante que tiene en los escolios de san Marcos, y la importante que se le reserva en los otros tres Evangelios, es Severo, después de san Cirilo de Alejandría, el comentarista más representado en la cadena copto-árabe, aun más que Juan Crisòstomo» (p. 428).

(45) Voir E. Lucchesi, L'homélie XIV de Sévère d'Antioche: un second témoin copte, «Aegyptus» 86 (2006), pp. 199-205. Comme le relève L. van Rompay, art. cit., p. 11, G. Garitte, Textes hagiographiques orientaux relatifs à saint Léonce de Tripoli, IL L'homélie copte de Sévère d'Antioche, «Le Muséon» 79 (1966), pp. 335-386, spec. 352-353, a aussi démontré que «le copte présente une rédaction plus complète et certainement plus proche de l'original que le (sic) version syriaque, qui est abrégée». Ce phénomène de "récriture" par rapport aux extraits de Sévère se constate aussi au niveau du grec dans les Chaînes sur l'Ancien Testament, cf. Fr. Petit, La Chaîne sur l'Éxode, I. Fragments de Sévère d'Antioche (Traditio Exegetica Graeca, 9), Louvain 1999, introd., p. XII et notes 7-8.

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trouve son parallèle dans l'arabe, qui représenterait donc le même type de Chaîne

que le fragment sahidique. Nous irions même plus loin: la Chaîne sahidique, dont le Parisinus est pour le moment le seul survivant connu (mais nous espérons lui

joindre d'autres feuillets complémentaires), pourrait bien se révéler le modèle direct de notre second témoin bohaïrique, dont serait dérivé à son tour le prototype de la Chaîne arabe.

Quant aux folios intrus E 14 et E 15 de Leipzig, nous nous limiterons cette fois-ci à l'identification du premier, à cause de la portée et, si j'ose dire, du côté sensation- nel de la découverte. Ce E 14 atteste en effet une version copte, dont on ignorait jusqu'à l'existence, des Capita centum de perfezione spirituali ou Cent chapitres gnostiques de Diadoque de Photicé (CPG 6106) (46) et contient en gros les chapitres 46 à 48 (les numéros d'ordre 47 et 48 en rouge se lisent clairement dans la marge du fragment de Leipzig et avaient été relevés par Leipodt dans sa description). Nous reviendrons ultérieurement sur le fol. E 15, qui n'a rien non plus d'une Chaîne et dont le caractère homilétique se laisse deviner au premier regard (deux folios ayant appartenu, non seulement au même codex, mais au même cahier que le Lipsiensis reposent aujourd'hui à la Papyrussammlung de Vienne).

Signalons pour terminer que, dans l'impressionnante "Bibliographie" de Jean Doresse (t 24 mai 2007), parue en complément à la publication, tant attendue, de sa Thèse de Doctorat (47), figure parmi les "Inédits", au nr. 172, un titre ainsi libellé: Chaînes coptes sur les évangiles, analyse et traduction des Catenae in Evangelia Aegyptiacae éditées par hagarde. Thèse de l'E.P.H.E, 5e Section (Sciences religieu- ses), 1945 (?). On ne peut que regretter que ce travail n'ait jamais vu le jour, ce qui a bien failli arriver aussi à sa Thèse d'État (pillée de tous côtés et jamais citée!), dont nous devons la parution au dévouement du Prof. Rodolphe Kasser et de son épouse Anna Di Bitonto, sans oublier le méritoire effort du P. Philippe Luisier pour la mise à jour bibliographique.

(46) Éd. et trad. É. des Places, Diadoque de Photicé Œuvres spirituelles (Sources Chrétiennes, 5ter), Paris 1966, pp. 1 11-1 12. Lorsque nous publierons ce feuillet - ce que nous

avons l'intention de faire avec l'aimable permission des autorités de la Bibliothèque de Leipzig -, nous aurons tout loisir de comparer la version bohaïrique (en passant par le sahidique) à

l'original grec, mais d'ores et déjà nous pouvons affirmer que les coïncidences textuelles sont

frappantes d'exactitude. (47) J. Doresse, Les anciens monastères coptes de Moyenne-Egypte. . ., III (Neges bbnx, 5),

Yverdon-les-Bains 2000, pp. 843-855, ici 853, cf. I, p. XV. Nous signerons dans le prochain numéro d'Aegyptus la nécrologie de Jean Doresse.

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 9 1

Appendice II

Sévère d'Alexandrie et Sévère de Rome

Dans un article succinct en deux parties, paru dans l'un des derniers numéros du «BSACopte» (45, 2006, pp. 147-151) et intitulé The Pseudo Severii (sid) (48), You- HANNA Nessim Youssef, souvent cité dans les pages précédentes et qui désormais ne pourra plus nous reprocher d'ignorer ses travaux (49), discute deux textes de nature liturgique où il est question respectivement de "Sévère, patriarche d'Alexandrie", et de "Sévère, patriarche de Rome".

Au point I, l'auteur nous apprend que dans le lectionnaire (Qatamârus) copto- arabe annuel de l'Église copte, imprimé en 1974 (50), on trouve, pour le jour du 14 Misrâ, «la commémoraison du miracle que Dieu opéra dans la ville d'Alexandrie par la main de Théophile, pape d'Alexandrie, et la commémoraison d' Anba Sevère, pape d'Alexandrie».

Autant le titre de patriarche d'Alexandrie convient à Théophile, autant les mots "Sévère, pape d'Alexandrie" jurent entre eux, et Youhanna Nessim a raison d'agiter la question, mais c'est l'explication proposée qui nous laisse perplexe: «It seems that Severus of Alexandria was invented as a summer feast for Severus of Antioch com- memorated on the 14 Mashir (sic).. . The editor or the scribe of the lectionary found that Severus of Antioch has three commemorations in the year and he preferred to attribute the fourth commemoration to the fictive Severus Patriarch of Alexandria» (p. 148).

Si le faussaire avait voulu faire en sorte que son "invention" ne passât pas inaper- çue, il ne s'y serait pas pris autrement. On ne voit pas du reste ce qui empêcherait Sévère d'Antioche, qui a déjà à son actif trois fêtes dans l'année, d'en avoir une qua- trième supplémentaire, puisque, par exemple, l'archange Michel, sans parler de la Vierge Marie, n'en compte pas moins de douze, une pour chaque mois de l'année!

Pour ma part, je n'aurais pas donné tant d'importance à ce qui n'est peut-être au bout du compte qu'une vulgaire faute typographique ou erreur de transcription, héritée de l'édition bilingue du Katameros de 1900 par Claude Labib, à laquelle celle de 1974 est en tous points conforme. Et surtout nous n'aurions pas échafaudé d'hypothèse prématurée avant d'avoir vérifié si cette leçon est appuyée par un ma-

(48) Ce barbarisme latin qui dépare le titre et que, à la première lecture, nous avions imputé à une faute de frappe, due peut-être à la Rédaction de la revue (dont Peter Grossmann est l'actuel directeur), revient deux lignes plus bas dans le corps de l'article.

(49) Cf. «BSACopte» 46 (2005), p. 164. (50) Le titre arabe du lectionnaire égyptien, ainsi que la rubrique qui pose problème, sont

cités à la note 2, mais l'arabe de la ligne 4 (renvoi aux lectures du 17 Hatur) est rendu illisible par suite d'un accident informatique qui a bouleversé l'ordre des mots (à rétablir comme suit: 3-4-5-6-1-2).

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192 ENZO LUCCHESI

nuscrit quelconque qui aurait servi de base à l'édition égyptienne du Actionnaire (51). En somme, la leçon "Sévère, pape d'Alexandrie" serait un lapsus calami par contamination du précédent "Théophile, pape d'Alexandrie". Ainsi tout rentrerait dans l'ordre.

Car il est fort à craindre que nous soyons en présence d'un cas semblable à celui qui est arrivé à l'édition du rituel baptismal, attribué à Sévère d'Antioche et traduit en syriaque par Jacques d'Édesse dans la seconde moitié du vne siècle. Ce rituel a été publié et traduit en latin en 1572 à Anvers par Guy Le Fèvre de la Broderie (Guido Fabricius Boderianus) sous le nom de Sévère d'Alexandrie, sans que cet étrange accouplement de mots ait fait sourciller l'éditeur.

Il appartenait au grand Renaudot de pointer du doigt cette erreur monumentale: «Non tarnen existimare quisquam débet ex ilio titulo, Severum ullum patriarcham Alexandrinum fuisse, quod Guido Fabricius Boderianus absque ulla autor itate om- nibus prope per suasit, cum edidit Ritualem Baptismi librum, sub Severi Patriarchae Alexandrini nomine, cum nullus inter permultos, qui in Bibliothecis extant, Codici- bus (sic), hunc titulum praeferat» (52).

Et Renaudot d'insinuer que cette confusion était à mettre au compte des relations fort étroites qui lièrent le siège d'Alexandrie à celui d'Antioche après le schisme de Chalcédoine, «ob arctissimam sedis Alexandrinae Jacobitae cum Antiochena conjunctionem» (53).

Au point 2 du même article, Youhanna Nessim signale la mention, qui sonne encore plus faux, de "Sévère, patriarche de Rome". Pas plus que la précédente, cette mention ne serait à prendre en considération, si elle n'était cette fois attestée par un manuscrit, quoique tardif (1815 AD), du Monastère de Saint- Antoine près de la Mer Rouge. Dans cet homéliaire du Carême, la brève lecture prévue pour le samedi de la première semaine, serait placée - nous parlons au conditionnel, n'ayant pas personnellement contrôlé le manuscrit - sous le nom d'"Anba Sevère de Rome" (anbâ Sawïrus Rûmiyyah).

(51) Le P. Ugo Zanetti, que nous avons consulté et que nous remercions amicalement, nous certifie qu'aucun des nombreux manuscrits qu'il a étudiés ne porte cette curieuse leçon. Cependant, le lectionnaire n'est pas le seul à attester cette mention aberrante. VEuchologe ou Missel copte attribue lui aussi une forme de l'Ave Maria à Sévère, patriarche "d'Alexandrie": cf. G. Giamberardini, II culto ifiariano in Egitto, I, Jérusalem 1975, pp. 233-234. Giamberardini explique cette étrangeté par le fait que Sévère est «ritenuto "alessandrino" per adozione», en tant qu'il étudia à Alexandrie et mourut exilé en Egypte, et surtout par le fait que Sévère est mentionné dans le diptyque ou memento des patriarches alexandrins après Timothée III. Là encore, les mêmes causes ont dû produire les mêmes effets.

(52) E. Renaudot, Liturgiarum orientalium collectio, 2e éd., Francofurti ad Moenum 1847, 1, p. 282; et de nouveau au t. II, p. 330: «Edidit Guido Fabricius Boderianus Officium Baptismi, quod apud Syros vulgo usurpatur, et Severo tribuitur, Antiocheno scilicet, ut habent omnes Codices, et res ipsa demonstrat: non Alexandrino, qui nullus unquamfuit». Cf. aussi I.A. Fabricii Bibliotheca Graeca, Editio nova, X, Hamburgi 1807, pp. 622-624.

(53) Loc. laud.

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 93

Une hirondelle ne fait pas le printemps! De même, l'autorité d'un seul manuscrit est quasiment nulle {unus testis, nullus testis). Aussi, en attendant de voir la leçon de ce manuscrit confirmée par d'autres témoins et si, d'ici là, on veut la conserver à tout prix, pensons-nous que rûmiyyah n'a pas ici le sens, qui prévaudra, de Rome, mais qu'elle désigne, comme chez les auteurs arabes médiévaux, Byzance ou l'empire byzantin - au même titre que les Byzantins sont communément appelés ar-rüm -, et en ce sens, on comprend aisément que Sévère soit regardé par des monophysites comme le Patriarche de la "Romanie" (54), c'est-à-dire de l'Orient byzantin dans son ensemble.

Encore faudrait-il essayer d'identifier le texte parénétique en question, qui, com- me l'a bien vu Youhanna Nessim, est une mosaïque de citations scripruraires, et s'assurer qu'il émane d'un écrit conservé de Sévère, ce que nous comptons faire dès que l'occasion se présentera.

Voilà, en tout cas, élucidées deux cruces philologiques, qui n'étaient somme toute qu'apparentes.

Appendice III

Jules d'Aqfahs et Sévère d'Antioche

Dans une autre publication plus ancienne, où il propose Une relecture des glorifi- cations coptes (55), le même Youhanna Nessim Youssef se penche sur une doxologie (56) en l'honneur de Jules d'Aqfahs. Voici ce qu'il écrit:

Pour Jules d' Akfahs, le livre des glorifications mentionne au premier quatrain les quatre sièges apostoliques. Après, il précise le nom du saint commémoré. [Nous omettons le texte copte] «Ton nom fut réputé dans toutes (ces villes), ô saint Jules, l'aide d'Akfahs». Dans aucun martyre attribué à Jules d'Akfahs, ni dans sa vie nous ne trouvons qu'il fût allé à Rome ou à Ephèse. Par contre nous trouvons dans une doxologie de Sévère d'Antioche: [Nous omet- tons le texte copte]

(54) Pour ne citer qu'un exemple, dans les Vertus de S. Macaire (éd. E. Amélineau, Monuments pour servir à l 'histoire de l 'Egypte chrétienne. Histoire des monastères de la Basse-Egypte ... [Annales du Musée Guimet, 25], Paris 1894, p. 190), il est dit que «sa bonne renommée couvrit la Romanie et les lieux de l'Orient». Aussi, lorsque le pape de Rome Libère est qualifié d'archevêque de la Romanie (i-pœMXNix, avec article: cf. infra, note 58), faut-il l'entendre, non pas seulement de Rome, mais de tout le pays 'des Romains', ce que confirme à sa manière la traduction arabe rûmiyyah wa-mâ ma 'ahâ ('Rome et son territoire', litt, 'ce qui est avec elle'). L'expression peut aussi se traduire 'Rome et ses alentours'.

(55) «BSACopte», 34 (1995), pp. 77-83, ici 77-78. (56) Ou, si l'on veut, 'glorification', qui est une traduction littérale de l'arabe tamgid.

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194 ENZO LUCCHESI

«Lis soigneusement, les livres de Basile et Grégoire, ces sages, saints évêques. Médite, avec droiture, les enseignements d'Athanase l'alexandrin et Jules le ro- main. Que les douze chapitres de Cyrille, cet exégète élu, te soient les lois».

Après avoir constaté, à propos de la doxologie de Sévère, que «Les mêmes paro- les se répètent dans le difnar» et cité le texte copte parallèle avec sa traduction, que, non plus que les précédentes, nous n'aurons garde de cautionner, Youhanna Nessim en déduit, par ce qui ressemble fort à une petitio principii, que le quatrain qui, dans la doxologie de Jules d'Aqfahs, mentionne les quatre sièges patriarcaux «était, en principe, destiné à Jules de Rome qui a accueilli saint Athanase, d'où la citation des quatre sièges».

J'avoue ne pas saisir la subtilité du raisonnement de l'auteur, qui procède un peu par raccourci. Que Jules d'Aqfahs, qui séjournait à Alexandrie, ne soit jamais allé à Rome ou à Éphèse, bien qu'il se soit rendu à Antioche pour récupérer et rapatrier la dépouille mortelle du martyr Nahroou (57), n'empêche nullement que son nom y fut célèbre (epcœiT).

On a peine à comprendre que pour célébrer l'illustre biographe des martyrs et martyr lui-même, égyptien de naissance sinon d'origine, l'auteur (ou le compilateur) de la doxologie en son honneur, comme en manque d'inspiration, soit allé emprunter une strophe à la doxologie, toute hypothétique, d'un pape de Rome (58). Il faut bien convenir qu'à part l'homonymie, c'est en vain que Jules de Rome et la doxologie de Sévère sont ici invoqués.

Comme toujours, la vérité est beaucoup plus simple. Youhanna Nessim a oublié que dans les Actes de Jules d'Aqfahs, et plus précisé-

ment dans les "Miracles", édités et traduits par E. Cerulli d'après la version éthio- pienne (59), on lit dans le deuxième miracle, où il est question d'une apparition de Jules d'Aqfahs à l'empereur Constantin, qu'il a sauvé des mains des Perses, pour lui intimer l'ordre de bâtir une église en son nom - c'est Alexandre d'Alexandrie, à qui sont attribués ces récits (60), qui parle:

L'Imperatore aveva ordinato il concilio in Nicea, capitale della Bitinia. Si riuni- rono là 318 Vescovi ed i quattro Seggi maggiori. Fra essi: Eusebio, Patriarca di Roma; Dionisio, Patriarca di Antiochia; Leyoryos (61), Patriarca di Efeso; ed io, Alessandro di Alessandria (p. 42).

(57) Cf. E. Lucchesi, Un feuillet inédit du martyre d'Apa Nahroou, «Anal. Boll.» 124 (2006), pp. 253-258.

(58) La seule doxologie queje connaisse d'un pape de Rome est celle de Libère (cf. De Lacy O'Leary, Difnar, I, cit., p. 32, où d'ailleurs Libère est dit «archevêque de -hpcDMANix», 'la Romanie', en arabe rûmiyyah, cf. supra, App. II et note 54).

(59) Atti di Giulio di Aqfahs (Corp. Script. Chr. Or., 190-191/Aeth. 37-38), Louvain 1959.

(60) Sur cette attribution légendaire au patriarche Alexandre, cf. U. Zanetti, Une pseudo- homélie d'Alexandre d'Alexandrie sur saint Jules d'Aqfahs (CPG 2017), «Anal. Boll.», 115 (1997), pp. 130-132.

(61) Lire sans aucun doute "Gregorio".

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 95

II ne fait pas de doute à nos yeux que la première stance de la doxologie qui intri- gue Youhanna Nessim, est une reminiscence de ce passage des "Miracles" de Jules d'Aqfahs. Ceux qui sont familiers des «glorifications» - et qui l'est davantage que Youhanna Nessim? - savent que les hymnographes et autres auteurs de Tamâgld s'inspirent bien souvent des biographies des saints dont ils entendent honorer la mémoire (62).

Il n'était donc nul besoin de recourir à Jules de Rome, et encore moins à Sévère d'Antioche, pour expliquer la mention des quatre patriarcats.

Il est d'autant plus surprenant que Youhanna Nessim n'ait pas songé à chercher dans les Actes de Jules d'Aqfahs la source de son fameux quatrain, que sa disserta- tion doctorale (inédite), ainsi qu'il le rappelle lui-même à la note 2 de son article, portait sur. . . Jules d'Aqfahs.

En spécialiste reconnu - et merito quidem - de Jules d'Aqfahs, Youhanna Nessim aurait dû être le dernier à ignorer que niKOHOoc (sous-entendu NKOMeNTxpicioc) ne signifie pas "aide" au sens de protecteur, mais bien "l'aide- commentariensis", épithète habituel de Jules d'Aqfahs et que, par conséquent, la bonne traduction du copte rmoHeoc Np6MXB62C eût été "Faide-commentariensis (63), originaire d'Aqfahs" (64), ou, si l'on préfère, "le greffier d'Aqfahs".

(62) Pour citer un autre exemple, la "laudation" concernant Macaire le Grand (ou l'Égyptien ou l'Ancien) n'est pas à rapprocher, comme l'imagine Youhanna Nessim dans le même article (p. 79), du Livre de la consécration du sanctuaire de Benjamin (éd. R.-G. Coquin, Bibliothèque d'études coptes, 13, Le Caire 1975, pp. 120-121) - dans un article antérieur, Un témoin ... , cit., p. 144, il avouait humblement ne pas connaître la source de ce texte -, mais plutôt des apophtegmes du Chérubin, qui se lisent dans les Vertus de S. Macaire (éd. Amelineau, op. cit., pp. 118 et 190), à propos desquels cf. P. Devos, S. Macaire le Grandet S. François d'Assise, «Anal. Boll.», 104 (1986), pp. 221-231, ici 223-225; tandis que la grappe de raisin vendangée est une allusion évidente à Apoc. 14, 18-19. Une petite rectification en passant: corriger, dans l'édition des Tamâgîd, NixepoyBiM en nixepoyKiM et, dans la traduction de Youhanna Nessim, «Notre Sauveur parla aux Chérubins qui étaient avec lui depuis le début» en «Notre Sauveur parla avec le Chérubin qui lui était attaché dès le début».

(63) C'est-à-dire celui qui aide le notaire en charge des actes officiels, autrement dit un commis aux écritures, un sous-secrétaire, un fonctionnaire subalterne placé sous les ordres du Koufievxapioioç, bref son adjoint. Comme on sait d'autre part que Jules d'Aqfahs visitait et assistait volontiers les martyrs en prison, l'autre signification de "commentariensis", à savoir 'gardien de prison', pourrait éventuellement entrer en ligne de compte (là encore, cf. la remarque pertinente de P. Devos, in «Anal. Boll.» 67, 1949, p. 160 et note 2). Toujours est-il que l'activité principale de Jules consistait à rédiger les Actes des martyrs avec sa cohorte de domestiques.

(64) Litt, "l'homme de Chbehs", c'est-à-dire natif ou citoyen de Chvehs ou Kbahs (forme copte d'Aqfahs).

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196 ENZO LUCCHESI

Appendice IV

De la Vie de Sévère à la Vìe de Pamin

Parmi les membra disiecta d'un codex du Monastère Blanc, réunis et édités (ou réédités) par Tito Orlandi (65), il y avait notamment le Parisinus Copticus 12914, f. 139 (renversé dans la reliure), un fragment de 7/8 lignes à peine, où se lit effective- ment le nom de Sévère (ceyHpoc) à la ligne 3 du verso actuel qui se trouve être le vrai recto (le folio étant donc doublement à l'envers!).

Son écriture diffère nettement de celle des autres fragments, ce qui aurait dû dis- suader le Prof. Orlandi de le rattacher au codex dont, sur les brisées de Crum et de Till, il propose la reconstitution et qui contenait, outre la Vie (sous la forme d'un encomium) de Sévère, celles de l'Évangéliste Marc et d'Athanase d'Alexandrie (ce qui veut dire que Sévère d' Antioche était mis sur le même plan que les deux person- nages les plus marquants de l'Église égyptienne).

De surcroît, contrairement aux autres fragments ressortissant à la Vie de Sévère, ce Paris 12914, 139 ne se recoupait pas avec la version éthiopienne complète de la même Vie (66). La version arabe, d'où dépend la traduction éthiopienne, et qui n'a été publiée que récemment (67), n'offre pas non plus de parallèle textuel à ce frag- ment (68).

Et pour cause, car le fragment parisien se raccorde, matériellement parlant, avec un autre du fonds de Paris, à savoir le 12913, f. 8, édité jadis par Amélineau comme appartenant à la Vie de Pamin (69), cette attribution étant d'ailleurs hors de discus- sion, puisque le nom de Pamin y figure en toutes lettres.

(65) T. Orlandi, Un codice copto del «Monastero Bianco». Encomii di Severo diAntiochia, Marco Evangelista, Atanasio di Alessandria, «Le Muséon» 81 (1968), pp. 351-405, ici 373. Le fragment concerné est le seul à n'avoir pas été traduit, sans doute en raison de son état délabré.

(66) Éditée par Goodspeed, op. cit. (67) Éd. Youhanna Nessim Youssef, An Arabie Life ofSeverus ofAntioch Attributed to

Athanasius ofAntioch, «Pair Orient.», XLIX/4, nr. 220, Turnhout 2004. (68) Dans le tableau de concordance, dressé par Youhanna Nessim (introd., p. 377), entre

la version arabe et les fragments des versions sahidique et bohaïrique, le Paris 12914, 139 est le seul à n'avoir pas d'équivalent dans l'arabe, ce qui aurait dû faire réfléchir l'éditeur de la version arabe, eu égard à sa source d'information.

(69) E. Amélineau, Monuments pour servir à l 'histoire de l 'Egypte chrétienne aux IVe, Ve, VIe et VIIe siècles (Mémoires publiés par les membres de la Mission archéologique française au Caire, 4, 2e fase, en pagination continue), Paris 1895, pp. 737-738.

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HYMNES DE SÉVÈRE ET SUR SÉVÈRE 1 97

II faut donc retrancher le Paris 12914, 139vr de la Vie de Sévère et le restituer à la Vie de Pamin, dont il semble que le père, qui était prêtre (npecRYTePoc)> se nom- mait précisément Sévère.

Nous avions nous-même fait connaître autrefois un fragment inédit de la Vie copte de Pamin (70), qui se soudait également avec un autre publié par Amélineau mais relevant d'un codex distinct, car la Vie de ce moine-martyr sans effusion de sang est attestée par deux codices sahidiques, tous deux en provenance de la Bibliothèque du Monastère Blanc.

Nous rouvrirons un jour, s'il plaît à Dieu, le dossier copte de Pamin (important pour l'histoire du schisme mélétien), auquel seront versées de nouvelles pièces. Qu'il suffise maintenant d'avoir replacé dans son feuillet et son codex d'origine un fragment égaré dans la Vie de Sévère.

Enzo Lucchesi

(70) Cf. «Anal. Boll.» 98 (1980), p. 422. Dans sa chronique annuelle, T. Orlandi (cf. «Vet. Chr.» 18, 1 98 1 , p. 2 1 3) signalait un fragment soi-disant oublié de Michigan (Univ. Libr. 1 58.43), qui, malgré les apparences, nous était parfaitement connu. C'était même écrit noir sur blanc dans la première épreuve de notre "pagelle" (que nous avons conservée) - ce qu'Orlandi ne pouvait savoir -, mais, à cause d'un ajout de dernière minute, nous avions dû, par manque de place, supprimer cette précieuse référence. Il faut dire, par ailleurs, que M. Orlandi et nous-même, nous tenions cette information de l'inventaire dactylographié du fonds de Michigan.

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