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RAPPORT MONDIAL SUR LA CORRUPTION 2008La corruption dans le secteur de leau

Plus dun milliard de personnes dans le monde ne bncient pas dun accs une eau potable propre la consommation, et les consquences de ce constat savrent dramatiques tant au niveau de la subsistance et de la vie que du dveloppement humain. Le rapport mondial sur la corruption 2008 de Transparency International dmontre dans sa partie thmatique de quelle manire la corruption se trouve tre, soit lorigine de la crise dans le secteur de leau, soit encore le catalyseur de cette crise dont les consquences savreront dautant plus alarmantes du fait du changement climatique. La corruption touche tous les domaines du secteur de leau, quil sagisse de la gestion des ressources en eau, de la fourniture deau potable, de lirrigation ou de lnergie hydraulique. Tout au long de ce rapport, des experts et des professionnels illustrent de manire pertinente limpact de la corruption dans le secteur de leau, laide dtudes de cas menes dans le monde entier, permettant ainsi davancer des suggestions dordre pratique en faveur du changement. La seconde partie du rapport mondial sur la corruption 2008 offre un instantan de ltat du dveloppement li la corruption dans trente cinq pays issus de toutes les rgions du monde. La troisime partie, proposant des rsums de recherches portant sur le thme de la corruption, met particulirement laccent sur des mthodologies innovantes et de nouvelles conclusions empiriques permettant dune part, de mieux comprendre les dynamiques de la corruption, et dautre part, damliorer lefcacit des stratgies anti-corruption. Transparency International (TI) est lorganisation de la socit civile la tte de la lutte mondiale contre la corruption. Forte dun rseau de plus de quatre-vingt-dix sections nationales prsentes dans le monde entier et dun secrtariat international bas Berlin, en Allemagne, TI uvre en faveur dune sensibilisation accrue aux effets dvastateurs de la corruption, aux cts de partenaires publics, privs et issus de la socit civile, an de dvelopper et de mettre en place des mesures efcaces permettant de sattaquer ce problme. Pour plus dinformations, veuillez consulter: www.transparency.org.

Rapport mondial sur la corruption 2008La corruption dans le secteur de leau

Premire dition en anglais en 2008 par : Cambridge University Press Cambridge, New York Melbourne, Madrid, Cape Town, Singapore, Sao Paulo En association avec Transparency International Alt Moabit 96, 10559 Berlin, Allemagne www.globalcorruptionreport.com Transparency International 2008 ISBN 978-3-935711-07-4 Cambridge University Press et Transparency International ne peuvent garantir la permanence ou la justesse des liens vers les sites internet de tierces parties mentionns dans ce livre, de mme ils ne peuvent garantir que le contenu de ces sites est ou restera exact ou appropri. Sous la direction de : Dieter Zinnbauer et Rebecca Dobson En collaboration avec : Krina Despota, Craig Fagan, Michael Grifn, Robin Hodess et Mark Worth Coordination de l'dition franaise : Sarah Svedin et Stphane Stassen Traduction de : Olivier Jacoulet, JacoMedia, Meyreuil, France et de Zinbe Maach, Londres, Royaume-Uni

Sommaire

Illustrations Collaborateurs Prface Huguette Labelle Contribution spciale : Leau et ltre humain limportance de lintgrit Wangari Maathai Remerciements Rsum excutif Transparency International

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Premire partie: La corruption dans le secteur de leau1 Introduction sur leau et la corruptionEau et corruption : un partenariat destructeur Janelle Plummer La corruption dans le secteur de leau une question de vie ou de mort Charles Kenny 3 18

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La gestion des ressources en eauCorruption et gestion des ressources en eau : la qualit, laccs quitable et le caractre durable de lenvironnement menacs Kristen Lewis et Roberto Lenton Le changement climatique : faire monter les enchres pour liminer la corruption dans la gouvernance de leau Transparency International La gestion intgre des ressources en eau peut-elle empcher la corruption ? John Butterworth Afghanistan : du pouvoir en amont la souffrance en aval Drewery Dyke 21

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La corruption alimente le boom immobilier et la pression sur les ressources en eau le long de la cte espagnole Enriqueta Abad Corruption sans Frontires les enjeux de la gestion transfrontalire de l'eau Transparency International

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Leau et lassainissementDe leau pour les populations pauvres : lapprovisionnement en eau et lassainissement en proie la corruption Muhammad Sohail et Sue Cavill La corruption et les usages urbains de leau des plus dmunis Bernard Collignon Renforcer lintgrit dans le secteur de leau : le point de vue des oprateurs deau privs Jack Moss La corruption de leau dans les pays industrialiss : sagit-il vraiment de petite corruption ? Per Ljung La corruption dans le domaine de leau : face publique et face prive Transparency International En Colombie et en Argentine, les fabricants de canalisations sengagent contre la corruption Virginia Lencina, Lucila Polzinetti et Alma Roco Balczar 48 63

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Nettoyer leau trouble : des groupes luttent contre la corruption grce linformation publique en Inde 77 Venkatesh Nayak

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Leau et lagricultureLeau la base de la nutrition : la corruption dans les systmes de distribution de leau Frank R. Rijsberman Pouvoir, pots-de-vin et quit dans les systmes dirrigation par canaux du Pakistan Jean-Daniel Rinaudo Des contrats dirrigation suspects font des difcults rencontres par les agriculteurs philippins Sonny Africa 80

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Ancrer lassistance dans le secteur de leau la lutte contre la corruption : modalits dinterventions et responsabilits des donateurs Grit Martinez et Kathleen Shordt

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Leau et lnergieLes ressources nergtiques de leau : la corruption dans le secteur de lhydrolectricit Lawrence Haas La corruption dans le secteur hydrolectrique et les politiques de dplacement et de rinstallation des populations Thayer Scudder Disparition des maisons et des indemnisations : lexemple du barrage des Trois-Gorges Grild M. Heggelund Le point de vue de lindustrie Secteur hydrolectrique priv et public : comment minimiser les risques de corruption Kathy Shandling et Reinier Lock Grands projets Grande corruption ? Peter Bosshard et Nicholas Hildyard 102

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ConclusionsLutter contre la corruption dans le secteur hydraulique Stratgies, outils et avenir Donal T. OLeary et Patrik Stlgren 127

Deuxime partie : tudes de pays7 Regards nationaux sur la corruptionIntroduction Rebecca Dobson (Transparency International) 145

7.1

Afrique et Moyen orientCameroun Raymond Doua et Maurice Nguefack (TI Cameroon) Kenya Lisa Karanja, Kennedy Masime, Fred Owegi et Lawrence Gikaru (TI Kenya) Niger Idrissa Alichina Kourgueni (Association Nigrienne de Lutte contre la Corruption TI Niger) 148 153 160

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Lautorit palestine Frosse Dabit (Transparency Palestine AMAN) Sngal Semou Ndiaye (Forum Civil TI Senegal)

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Sierra Leone 172 Yusuf Umaru Dalhatu (National Accountability Group TI partenaire local, Sierra Leone) Zambie Louis Bwalya, Goodwell Lungu et Kavwanga Yambayamba (TI Zambia) 178

7.2

EuropeRoumanie Iulia Cospanaru, Matthew Loftis et Andreea Nastase (TI Romania) Suisse TI Switzerland 184 190

Troisime partie : rechercheIntroduction Dieter Zinnbauer (Transparency International) 196

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Le cadre gnral mesure de la corruption et des progrs en matire de normes (benchmarking) dans le combat contre la corruptionIndice de perceptions de la corruption (IPC) 2007 Johann Graf Lambsdorff (universit de Passau) Le Baromtre mondial de la corruption 2007 Juanita Riao (Transparency International) Le rapport de Global Integrity Jonathan Werve et Nathaniel Heller (Global Integrity) Le Baromtre des Amriques 2006 : rapport sur la corruption Mitchell A. Seligson et Dominique Zphyr (Vanderbilt University) valuation de la gouvernance mondiale : la corruption et les autres dimensions de la gouvernance Verena Fritz et Marta Foresti (Overseas Development Institute) Ken Mease et Goran Hyden (University of Florida) Rgle de notation du Systme national dintgrit Sarah Repucci (Transparency International) 199 206 210 215

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Aperus sectoriels dterminer les risques de corruption et la performance dans les secteurs clefsProjet Promoting Revenue Transparency : de la maldiction des ressources au bienfait des ressources ? Juanita Olaya (Transparency International) Crinis: mesure de la redevabilit, la divulgation et le contrle des sources de nancement des partis politiques Bruno W. Speck (universit dtat de Campinas) et Silke Pfeiffer (Transparency International) 227

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Comprendre les dtails enquter sur la dynamique de la corruptionCombler le foss entre lexprience de la corruption et sa perception Richard Rose (University of Aberdeen) et William Mishler (University of Arizona) La rciprocit corrompue Johann Graf Lambsdorff (universit de Passau) Aspects conomiques fondamentaux de lextorsion : tmoignages recueillis sur la route emprunte par les chauffeurs de poids lourds Aceh Benjamin Olken (Harvard University) et Patrick Barron (Banque mondiale) Corruption, normes et application de la loi : le cas des contraventions pour stationnement illgal des diplomates Ray Fisman (Columbia University) et Edward Miguel (University of California, Berkeley) 235 240

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La petite corruption dans les services publics : la dlivrance des permis de conduire Delhi 251 Rema Hanna (New York University); Simeon Djankov (Banque mondiale); Marianne Bertrand (University of Chicago) et Sendhil Mullainathan (Harvard University) Corruption et conance institutionnelle en Afrique sub-saharienne Emmanuelle Lavalle (DIAL) 254

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Illustrations

Illustrations

Figures1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 tendue et conditions favorisant la corruption dans le secteur hydrolectrique Exprience de la petite corruption dans le monde Pot-de-vin vers la police et au pouvoir judiciaire par rgion Secteurs et institutions les plus touchs par la corruption : perceptions mondiales Quel est ltat de la lutte anti-corruption dans le monde ? Pourcentage des personnes sollicites Pourcentage des personnes victimes de corruption au moins une fois au cours des douze derniers mois valuation totale pour la libert dexpression et le contrle de la corruption Foss entre la perception et lexprience de la corruption Rciprocit corrompue les gains des tudiants Rciprocit corrompue Comportement des tudiants Raction des acteurs des milieux daffaires lopportunisme Raction des acteurs des milieux daffaires (tudiants de Clausthal) lopportunisme Nombre total mensuel dinfractions au stationnement commises New York par des diplomates (1997-2005) Rsultats en fonction de la location ou non des services dun agent 106 208 208 209 214 216 218 221 237 240 241 242 243 250 253

Tableaux1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Schma de la chane de valeur interactions de la corruption depuis la phase dlaboration de la politique jusqu la distribution de leau La corruption dans le domaine de leau : face publique et face prive Mcanismes permettant la participation et le contrle des citoyens Raisons pour lesquelles la lutte contre la corruption est dans lintrt de toutes les parties prenantes long terme Indice de perceptions de la corruption 2007 Classication rgionale Pourcentage des rpondants signalant avoir t sollicits pour verser un pot-de-vin Domaines et principes de gouvernance couverts par ltude WGA Tests de terrain sur laccs linformation Qualit de la rponse des diffrentes parties prenantes Pincipaux rsultats du projet Crinis Exprience des contacts et de la corruption 8 70 74 108 201 207 217 220 231 232 233 238

Illustrations

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Moyenne annuelle par pays des contraventions impayes New York pour stationnement illgal de diplomates, (novembre 1997 - novembre 2005) Obtention du permis, par groupe Corrlations entre la corruption et la conance institutionnelle selon le niveau de bureaucratie

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Encadrs1 2 La gestion intgre des ressources en eau (Integrated Water Resources Management GIRE) et les Principes de Dublin Rformer le systme : comment mettre en place des services deau mme de rendre des comptes ? 31 58

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Collaborateurs

Collaborateurs

Enriqueta Abad Transparency International Sonny Africa IBON Foundation Federico Arenoso Poder Ciudadano (TI Argentine) Martn Astarita Poder Ciudadano (TI Argentine) Sona Ayvazyan Centre pour le dveloppement rgional (TI Armnie) Alma Roco Balczar Transparencia por Colombia (TI Colombie) Patrick Barron Banque mondiale Paramjit S. Bawa TI Inde Marianne Bertrand University of Chicago Peter Bosshard International Rivers John Butterworth Centre international de l'eau et de l'assainissement Louis Bwalya TI Zambie Vanja Calovic Le rseau dafrmation du secteur ONG (MANS) Sue Cavill Loughborough University Camrin Christensen TI Gorgie Bernard Collignon Hydroconseil Iulia Cospanaru TI Roumanie Frosse Dabit Transparency-Palestine (AMAN) Yusuf Umaru Dalhatu National Accountability Group (partenaire local de TI, Sierra Leone) Ramesh Nath Dhungel TI Npal Simeon Djankov Banque mondiale Raymond Doua TI Cameroun Drewery Dyke Amnesty International Dolores Espaol TI Philippines Carlos Filrtiga TI Paraguay Ray Fisman Columbia University Marta Foresti Overseas Development Institute Verena Fritz Overseas Development Institute Zanda Garanca TI Lettonie Lawrence Gikaru Consultant, Kenya Syed Adil Gilani TI Pakistan Lawrence Haas Ancien membre de la Commission mondiale des barrages Rema Hanna New York University Grild M. Heggelund Fridtjof Nansen Institute Nathaniel Heller Global Integrity Nicholas Hildyard Corner House Goran Hyden University of Florida Lisa Karanja TI Kenya Tamuna Karosanidze TI Gorgie

Collaborateurs

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Anung Karyadi TI Indonsie Charles Kenny Banque mondiale Idrissa Alichina Kourgueni Association nigrienne de lutte contre la corruption (TI Niger) Huguette Labelle Transparency International Johann Graf Lambsdorff Universit de Passau Aileen Laus TI Philippines Emmanuelle Lavalle DIAL, Paris Virginia Lencina Poder Ciudadano (TI Argentine) Roberto Lenton Global Water Partnership Kristen Lewis Consultante Per Ljung PM Global Infrastructure Reinier Lock International Private Water Association Matthew Loftis TI Roumanie Goodwell Lungu TI Zambie Wangari Maathai Green Belt Movement Tanvir Mahmud TI Bangladesh Grit Martinez Ecologic Institute for International and European Environmental Policy Olga Mashtaler NGO Anticorruption Committee (Groupe de contact national de TI en Ukraine) Kennedy Masime Centre for Governance and Development, Kenya Kenneth Mease University of Florida Edward Miguel University of California, Berkeley William Mishler University of Arizona Jack Moss Aquafed Sendhil Mullainathan Harvard University Andreea Nastase TI Roumanie Doron Navot Hebrew University and the Israel Democracy Institute Venkatesh Nayak Commonwealth Human Rights Initiative Semou Ndiaye Forum Civil (TI Sngal), Universit Cheikh Anta Diop de Dakar Natalie P. W. Ng TI Malaysie Maurice Nguefack TI Cameroun Juanita Olaya Transparency International Donal T. OLeary Transparency International Benjamin Olken Harvard University Minoru Ouchi TI Japan Fred Owegi Kenya Institute for Public Policy Research and Analysis Silke Pfeiffer Transparency International Janelle Plummer Consultante Lucila Polzinetti Poder Ciudadano (TI Argentine) Sarah Repucci Transparency International Juanita Riao Transparency International Frank B. Rijsberman Google.org Jean-Daniel Rinaudo Bureau de recherches gologiques et minires Byron Lpez Rivera Grupo Civico tica y Transparencia (TI Nicaragua) Segundo Romero TI Philippines Richard Rose University of Aberdeen Gastn Rosenberg Poder Ciudadano (TI Argentine)

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Collaborateurs

Dagmar Schrder-Huse TI Allemagne Thayer Scudder California Institute of Technology Pablo Secchi Poder Ciudadano (TI Argentine) Mitchell Seligson Vanderbilt University Kathy Shandling International Private Water Association Kathleen Shordt Centre international de l'eau et de l'assainissement Emilia Sic kov-Beblava TI Slovaquie Hubert Sickinger TI Autriche Muhammad Sohail Loughborough University Felipe de Solar Corporacin Chile Transparente (TI Chile) Bruno W. Speck Universit dtat de Campinas Liga Stafecka TI Lettonie Patrik Stlgren Universit de Gteborg Varina Suleiman Poder Ciudadano (TI Argentine) TI Papouasie-Nouvelle-Guine (Inc.) TI Suisse TI Royaume Uni TI USA Transparencia Mexicana (TI Mexique) Toru Umeda TI Japon Manuel Villoria TI Espagne Jonathan Werve Global Integrity Keiichi Yamazahi TI Japon Kavwanga Yambayamba TI Zambie Anna Yarovaya NGO Anticorruption Committee (Groupe de contact national de TI en Ukraine ) Richard Y. W. Yeoh TI Malaisie Iftekhar Zaman TI Bangladesh Dominique Zphyr Vanderbilt University

PrfaceHuguette Labelle, Prsidente de Transparency International

Le Rapport mondial sur la corruption est la publication phare de Transparency International (TI), il analyse de quelle manire la corruption ronge les fondements de nos socits et propose un certain nombre de suggestions quant aux solutions possibles pour nous permettre de renverser cette tendance. En 2008, le rapport sintresse particulirement la question cruciale de leau, Il analyse dans quelle mesure lincapacit grer cette ressource essentielle de manire plus transparente et redevable a des consquences considrables sur notre vie daujourdhui et sur celle des gnrations futures. Dans sa septime anne, la publication de ce Rapport mondial sur la corruption sattache dcrire scrupuleusement comment la corruption constitue un frein lautodtermination dmocratique ainsi quune entrave ladministration de la justice. Documents lappui, le rapport dmontre que la corruption est nfaste pour la libert, la prosprit et le renforcement de la responsabilit individuelle. Bas sur lexpertise du mouvement de TI, et tout particulirement de ses sections nationales, ce rapport propose une perspective originale sur ltat de la corruption dans le monde ainsi que les nombreuses initiatives entreprises pour la juguler. Cette anne, le rapport consacr particulirement la corruption dans le secteur de leau, dmontre que, peut-tre encore plus que dans dautres secteurs, la corruption dans ce secteur affecte directement et profondment la vie et les moyens de subsistance de milliards de personnes. Leau est une ressource naturelle, une matire premire lorigine de toute forme de vie sur notre plante. Cest la raison pour laquelle nous avons dcid de consacrer cette thmatique une place spciale dans le rapport de cette anne. Il est difcile de surestimer limportance cruciale de leau lorsquil est question de sant et des moyens de subsistance, de dveloppement conomique, dintgrit environnementale et de cohsion sociale. Comme il est afrm dans le Rapport du millnaire du Secrtaire gnral des Nations Unies en 2000 : Nulle autre mesure que lapprovisionnement en eau et un assainissement adquat pour tous ne contribuera autant la rduction des maladies et sauver des vies dans les pays en dveloppement. Il est galement difcile de surestimer la porte et les consquences de la crise actuelle de leau, barrant laccs leau potable plus dun milliard dtres humains. Dans le mme temps, la multiplication des pnuries deau, exacerbe par la corruption, constitue une menace pour le dveloppement et la stabilit politique. Gardons lesprit ce dont nous sommes capables de raliser dans le secteur de leau ainsi que le chemin restant parcourir avant de pouvoir dclarer victoire. Nulle autre domaine que celui de laccs gnralis au progrs ne confronte autant nos russites les plus audacieuses nos checs les plus retentissants dans le domaine du dveloppement humain. Lintroduction du service public de leau et des systmes dassainissement a marqu le dbut dun progrs cat-

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Prface

gorique des conditions de vie et ce dans un laps de temps rduit : il y peine cent ans, la mortalit infantile dans les centres urbains dEurope tait aussi leve quelle lest aujourdhui en Afrique sub-saharienne. Et pourtant, lheure actuelle, plus de 2,6 milliards dhabitants nont toujours pas accs aux systmes dassainissement qui sont si cruciaux pour garantir la sant humaine. Les experts estiment que la crise de leau est en fait une crise de la gouvernance de leau. La corruption nest pas la seule mise en cause mais, comme le dmontre le Rapport mondial sur la corruption, il sagit dun facteur essentiel catalyseur de cette crise. Les articles du rapport analysent avec force dtails de quelle manire la corruption se manifeste tous les niveaux du secteur de leau, notamment lorsque les prix de leau potable sont majors en Inde, au Kenya et ailleurs, lorsque lirrigation au Pakistan ou les grands barrages dAmrique latine sont mal grs ou encore en permettant la pollution de svir sur une grande chelle en Chine. Dans de nombreux pays industrialiss, la corruption simmisce dans la gestion de leau avec un impact sur ladaptation au changement climatique encore plus nocif. Le plus souvent, ce sont les femmes et les pauvres qui payent le prix fort de la corruption dans la gestion de leau, ce qui sanctionne injustement les plus dmunis de nos socits. Il est, toutefois, permis dentrevoir un germe despoir travers ltendue colossale de la corruption dans le domaine de la gouvernance de leau. Et cela reprsente aussi une occasion unique de forger une alliance puissante en faveur du changement. La lutte contre la corruption dans le secteur de leau est de lintrt gnral de ceux qui se soucient de la pauvret, de la scurit alimentaire et du progrs conomique, en favorisant un environnement durable et la scurit climatique, la sant et lgalit entre les sexes et la cohsion sociale. La communaut internationale sest profondment engage dans le sens de lamlioration de la vie des plus pauvres dans le cadre des objectifs du Millnaire pour le dveloppement ; objectifs qui souscrivent lengagement en faveur dun accs durable une source deau meilleure. Il est dsormais de la responsabilit de cette mme communaut, et de toutes les parties prenantes impliques dans le secteur de leau, de veiller ce que la corruption ne nuise pas la ralisation de cet objectif. Transparency International continuera uvrer dans le but daccrotre et de dynamiser la fdration mondiale des nombreuses parties prenantes impliques dans le secteur de leau pour la lutte contre la corruption. Notre travail en partenariat avec le Rseau dintgrit de leau (Water Integrity Network WIN) ; un groupe international dexperts dans le domaine de leau, actifs sur le terrain, universitaires et activistes dvous la lutte contre la corruption dans ce secteur, offre TI une excellente occasion de poursuivre et de renforcer les efforts anti-corruption dans le secteur de leau. Ce Rapport mondial sur la corruption, en tant que premier document du genre consacr ltude de la corruption dans la gestion de leau, constitue une forte invitation associer ses forces dans ce combat important et gratiant. La responsabilit nous incombe de librer nos socits du joug de la corruption et dutiliser cette ressource vitale quest leau en faveur dun dveloppement humain meilleur et plus durable.

Contribution spciale Leau et ltre humain : limportance de lintgritHon. Prof. Wangari Maathai1

Leau est le moteur indispensable au fonctionnement de la nature. Elle est au cur mme de nos systmes cologiques. Elle est indispensable notre sant et la sant de tous. Elle est la source de notre vie spirituelle. Elle relie tous les tres humains par le biais des cours deau et le partage des sources deau. Elle faonne notre relation avec la nature travers la politique et lconomie qui en dcoulent. La gestion pondre des ressources en eau est dautant plus vitale notre avenir tant le d semble difcile relever. Les visions nonces dans le domaine de la gouvernance de leau entrent en comptition avec des valeurs et des intrts divergents. Toutefois il existe un point clair sur lequel tous convergent : nous sommes les seuls responsables de la crise globale de leau qui dtruit les sources et les cours deau, coupe laccs leau potable une grande partie de lhumanit, dtruisant des vies et des moyens de subsistance dans le monde entier en continuant provoquer des dsastres cologiques homriques toujours plus nombreux. Cette crise de la gouvernance est le fait de lhomme, elle est motive par lignorance, lappt du gain et la corruption, le pire de ses maux tant la corruption. Corruption rime avec pouvoir illimit. Elle donne ceux qui dtiennent le pouvoir les moyens de sopposer aux rgles xes par les populations elles-mmes et de les contourner. La corruption dans le secteur de leau en est, tout au plus, prjudiciable. Elle permet aux puissants de saffranchir des rgles qui prservent les habitats et les cosystmes, de gaspiller et de polluer leau dont dpendent des rgions entires, de dtourner largent destin fournir les plus pauvres en eau. Non seulement la corruption empche les petits exploitants davoir accs leau ncessaire lirrigation des plantations, mais elle est responsable du dplacement des populations, et ce, en toute impunit lors de la construction de barrages. La corruption fait des accords patiemment labors pour le partage transfrontalier de leau, et elle permet aux populations les pauvres et les moins informes de mener des activits nuisibles lenvironnement et dommageables pour leurs propres moyens de subsistance. Ainsi, les consquences pour la durabilit environnementale, la cohsion sociale et la stabilit politique en sont dautant plus retentissantes. Toutefois, il nen demeure pas moins que la puissance funeste de la corruption menace de crer une situation dans laquelle les rgles continuent de jouer en faveur de ceux qui dtiennent le pouvoir et les efforts de rformes restent, quant eux, lettre morte. Par consquent, la lutte contre la corruption dans le secteur de leau constitue une condition

1 Hon. Prof. Wangari Maathai est le laurat du Prix Nobel de la Paix 2004 et le fondateur de Green Belt Movement.

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Contribution spciale

sine qua non pour juguler la crise mondiale de leau. Face ces enjeux de taille, le Rapport mondial sur la corruption 2008 de Transparency International ne pouvait pas tomber plus propos. Ce rapport constitue un outil permettant de mieux apprhender les diffrentes formes que peut revtir la corruption en dcrivant, dans les dtails, les dommages quelle engendre. Enn, par-dessus tout, ce rapport ne sachve pas sur une note sombre, mais il prsente des approches concrtes et utiles pour mener bien le combat contre la corruption dans le secteur de leau. En nul autre lieu quen Afrique est-il tout au plus choquant de constater les ravages persistants des crises globales de leau engendres par la corruption. Une lite puissante et riche gre une rgion naturellement prospre dans laquelle vit une population des plus dmunies et dnue de pouvoir. Mais lAfrique nest pas un cas isol. Les tudes menes dans le monde entier, gurant dans ce rapport, dmontrent clairement que la corruption dans le secteur de leau est un phnomne global. Il est global la fois parce quil se manifeste dans toutes les rgions du monde, conrmant ainsi que les pays industrialiss nen sont pas moins concerns, mais aussi parce que cette crise est de la responsabilit internationale de toutes les parties prenantes ; des populations locales, des lgislateurs, des milieux daffaires, de la socit civile et des bailleurs de fonds. Mon exprience de militant minvite penser que lanalyse prsente dans ce rapport apporte limpulsion ncessaire au rapprochement urgent entre les gouvernements, les entreprises et les militants de la socit civile qui luttent en faveur de plus de justice environnementale et moins de pauvret, ainsi que pour encourager la bonne gouvernance an de former une coalition solide pour combattre la corruption dans le secteur de leau. Jai toujours pens que notre faon de grer les ressources naturelles retait la puissance de nos socits. Comme le souligne ce rapport, nous avons tous la possibilit dagir et de contribuer cet effort. Cest en agissant ensemble que nous parviendrons progresser ensemble de manire durable. Le bien-tre de notre monde en dpend.

Remerciements

Le Rapport mondial sur la corruption 2008 naurait jamais pu voir le jour sans les efforts soutenus de nombreuses personnes, et tout particulirement des auteurs qui ont travaill sur leur contribution avec passion et motivation. Nous tenons remercier le mouvement de Transparency International (TI), les sections nationales de par le monde entier ainsi que le Secrtariat de TI Berlin, pour leur participation et leur enthousiasme. Une mention spciale doit tre dcerne aux sections de TI qui ont rgulirement aliment en informations et en expriences riches de qualit, la partie consacre aux tudes de pays dans ce rapport. Nous sommes tout particulirement reconnaissants envers les membres de notre groupe consultatif ditorial dont les recommandations et lexpertise nous ont permis dlaborer et damliorer ce rapport, notamment en ce qui concerne la partie thmatique consacre leau : Dogan Altinbilek, Eduardo Bohrquez, Jermyn Brooks, Sarah Burd-Sharps, Piers Cross, Hansjrg Elshorst, Hkan Tropp, Tony Tujan, Surya Nath Upadhyay et Frank Vogl. Les membres du Comit consultatif sur les indices de TI ont galement fait de nombreuses suggestions qui ont contribu enrichir la partie recherche de ce rapport : Jeremy Baskin, Julius Court, Steven Finkel, Johann Graf Lambsdorff, Daniel Kaufmann, Emmanuelle Lavalle, Richard Rose et Susan Rose-Ackerman. Merci galement tous ceux qui ont gracieusement harmonis les contributions de ce rapport et qui ont propos des rponses approfondies : David Abouem a Tchoyi, Andrew Aeria, Graham Alabaster, Andrew Allan, Laurence Allan, Jens Andvig, Dominique Arel, Livingston Armytage, Manuhuia Barcham, Linda Beck, Predrag Bejakovic, Bernhard Bodenstorfer, Emilio Crdenas, Jos Esteban Castro, Emil Danielyan, Marwa Daoudy, Phyllis Dininio, Gideon Doron, Juris Dreifelds, Anton Earle, Eduardo Flores-Trejo, Elizabeth Fuller, Michelle Gavin, Mamoudou Gazibo, Charles Goredema, se Grdeland, Ernest Harsch, Clement Henry, Paul Heywood, Jonathan Hopkin, Jarmo Hukka, Karen Hussmann, Sorin Ionita, Michael Johnston, John-Mary Kauzya, George Kegoro, Michael Kevane, Gopathampi Krishnan, Daniel Kbler, Peter Lambert, Evelyn Lance, Peter Larmour, Nelson Ledsky, Michael Likosky, Joan Lofgren, Xiaobo Lu, Cephas Lumina, Stephen Ma, Richard Messick, Arnauld Miguet, Stephen Morris, Andrew Nickson, Bill O'Neill, Katarina Ott, Michael Palmer, Jan Palmowski, Heiko Pleines, Som Nath Poudel, Miroslav Prokopijevic, Gabriella Quimson, Isha Ray, William Reno, Carlos Buhigas Schubert, Anja Senz, Erik Swyngedouw, Celia Szusterman, Madani Tall, Anthony Turton, Nicolas van de Walle, Shyama Venkateswar, Jeroen Warner, Kai Wegerich, Laurence Whitehead, Melvin Woodhouse, Jos Zalaquett, Mark Zeitoun et Darren Zook.

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Remerciements

Nous voudrions galement rendre un hommage particulier aux personnes qui ont mticuleusement vri les faits avancs dans ce rapport : Cecilia Fantoni, Yolanda Fernandez, Tita Kaisari, Steven Liu, Charlotte Meisner, Friederike Meisner, Ariana Mendoza, Pamela Orgeldinger, Sarah Pellegrin, Veronica Rossini et Katherine Stecher. Merci aussi Kathleen Barrett, Joss Heywood, Richard Leakey, Kyela Leakey, Susan LeClercq, Agatha Mumbi, Mijako Nierenkoether, David Nussbaum, Paula OMalley, Jamie Pittock, David Tickner, Lucy Wanjohi et Petra Weigmink pour toutes leurs suggestions ainsi que pour leur aide prcieuse. Une fois de plus, nous tenons remercier le cabinet davocats Covington and Burling pour leurs conseils gracieux en matire de diffamation, et en particulier : Enrique Armijo, Sara Cames, Jason Criss, Tim Jucovy, Raqiyyah Pippins, Eve Pogoriler, Brent Powell, Sumit Shah, Robert Sherman, Jodi Steiger, Lindsey Tonsager et Steve Weiswasser. Merci galement Finola OSullivan, Richard Woodham, Daniel Dunlavey et Mainda Kiwelu de Cambridge University Press pour leurs conseils et leur professionnalisme. Jill Ervine, Diane Mak et Dian Rodriguez ont apport leur contribution inestimable ds les premires tapes de llaboration de ce rapport et nous tenons particulirement remercier Mark Worth, rdacteur extrieur, pour avoir apport de nombreuses touches nales. Comme notre habitude, nous tenons adresser des remerciements tous particuliers Michael Grifn, rdacteur extrieur, pour sa nesse desprit et la justesse de ses corrections. Nous sommes reconnaissants Robin Hodess pour ses suggestions ditoriales et son soutien sans faille tout au long du processus de production de ce rapport. Il naurait pas t possible de raliser avec succs cette analyse de la corruption dans le secteur de leau dans ce Rapport mondial sur la corruption 2008 sans laide, lexpertise et le soutien nancier du Rseau dintgrit de leau (Water Integrity Network WIN), que nous remercions et, en particulier, Jens Berggren, Manoj Nadkarni et Birke Otto au Secrtariat de WIN pour leur soutien continu et leur sens de lhumour. Nous sommes aussi reconnaissants aux membres, actuels et passs, du Comit de pilotage du WIN pour leurs conseils prcieux : Franz-Josef Batz, John Butterworth, Piers Cross, Grit Martinez, Jack Moss, Henk van Norden, Donal T. OLeary, Janelle Plummer, Kathleen Shordt, Patrik Stlgren, Hkan Tropp et Tony Tujan. Le Rapport mondial sur la corruption 2008 a reu un nancement spcial du WIN et de leurs partenaires nanciers ; lAgence de coopration au dveloppement international de Sude (Swedish International Development Cooperation Agency), la Coopration nerlandaise au dveloppement et le ministre fdral de la Coopration conomique et du dveloppement dAllemagne (BMZ).for Economic Cooperation and Development. Dieter Zinnbauer, Rebecca Dobson et Krina Despota, responsables ditoriaux.

Rsum excutif : Rapport mondial sur la corruption 2008 La corruption dans le secteur de leauTransparency International

La corruption dans le secteur de leau met en jeu la vie et les moyens de subsistance de milliards dindividus. Comme le dmontre le Rapport mondial sur la corruption 2008, le dbut du rchauffement climatique et le stress hydrique croissant dans le monde entier rendent encore plus urgent le combat contre la corruption. Sans une augmentation des actions de plaidoyer pour faire cesser la corruption dans le secteur de leau, lhumanit devra en assumer les graves consquences en termes de dveloppement conomique et humain, de destruction dcosystmes indispensables, dalimentation des foyers de tensions sociales voire de conits portant sur cette ressource vitale. Ce rapport montre clairement que le d de la corruption doit tre intgr dans les nombreuses initiatives politiques mondiales en matire de durabilit environnementale, de dveloppement et de scurit en lien avec leau. Comme le prsente le Rapport mondial sur la corruption 2008, plusieurs initiatives prises dans le monde sont encourageantes car elles ont permis de remporter des succs dans la lutte contre la corruption. Il sagit l du message central que tiennent souligner plus de 20 experts et praticiens tout au long de cet ouvrage. De plus, le rapport (le premier de ce type valuer comment la corruption affecte tous les aspects de leau) analyse ce qui peut tre fait pour veiller ce que la corruption ne continue pas dtruire cette ressource essentielle de base, si fondamentale la vie de tous les tres humains de la plante.

Leau et la corruption : la mise en danger de vies, de moyens de subsistance et du dveloppement durableLeau est vitale. Il nen existe aucun substitut. Et pourtant, la crise de leau englobe de nombreuses rgions du monde. Prs de 1,2 milliards dindividus dans le monde nont pas un accs leau et plus de 2,6 milliards ne disposent pas de systme dassainissement adquat, ce qui a des consquences dramatiques pour la rduction de la pauvret et le dveloppement. Dans les dcennies venir, la course pour leau deviendra de plus en plus froce. En raison dune surconsommation ainsi que de la pollution, les cosystmes qui dpendent de leau sont considrs comme les ressources naturelles les plus dgrades de la plante. Les pnuries en eau affectent des rgions sur chaque continent et dici 2025, plus de 3 milliards dindividus seront victimes de stress hydrique.

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Les consquences humaines de cette crise de leau, exacerbe par la corruption, sont graves et affectent surtout les pauvres et les femmes. Dans les pays en voie de dveloppement, environ 80% des problmes de sant sont dus une eau de pitre qualit et linsufsance de systme dassainissement, faisant chaque anne prs de 1,8 millions de morts parmi les enfants et une perte estime 443 millions de journes dcole pour les enfants qui souffrent de maladies lies une eau impropre. En Afrique, des femmes et des lles doivent faire plus de 10 kilomtres pied pour collecter de leau pour leur famille lors des saisons sches et on estime quun montant quivalent environ 5% du PIB est perdu cause des maladies et des dcs provoqus par une eau sale et un assainissement inadquat. Sans accs une eau propre, les risques sont trs levs. Le Rapport mondial sur la corruption 2008 dmontre que la crise de leau est en fait une crise de la gouvernance de leau dont la corruption est une des causes profondes. La corruption dans le secteur de leau est endmique et rend leau impropre la consommation, inaccessible et coteuse. Ceci est une vidence dans le creusement de puits en Afrique subsaharienne, dans la construction dusines de traitement des eaux uses dans les centres urbains dAsie, dans ldication de barrages hydrolectriques en Amrique latine ainsi quau vu des abus et des dtournements quotidiens de leau dans le monde entier.

Gravit et tendue du d de la corruption dans le secteur de leauLe Rapport mondial sur la corruption 2008 analyse la corruption dans le secteur de leau dans quatre sous-secteurs importants. La gestion des ressources en eau (GRE), qui implique de sauvegarder la durabilit et lutilisation quitable dune ressource pour laquelle il nexiste aucun substitut, risque dtre dtourne pour satisfaire les intrts dlites puissantes, ainsi que le montre le rapport. La pollution de leau est rarement sanctionne et les fonds affects la GRE atterrissent souvent dans les poches de fonctionnaires corrompus. En Chine, par exemple, la corruption empche lapplication des rglementations environnementales et contribue une situation o les nappes aquifres de 90% des villes sont pollues et o plus de 75% des cours deau qui passent dans les centres urbains sont considrs comme impropres la consommation ou pour la pche. Le besoin de sadapter au changement climatique rend dautant plus urgente la ncessit de juguler la corruption dans les ressources en eau. Des cours deau modis et des crues en augmentation exigent des investissements normes dans les infrastructures hydrauliques, le dplacement et la rinstallation de plus de 200 millions dhabitants de la plante et des efforts humanitaires plus frquents. Tous ces phnomnes sont vulnrables la corruption, comme le montre le Rapport mondial sur la corruption 2008. Lorsque la corruption nuit au partage quitable de leau entre des pays ou des populations locales, elle menace galement la stabilit politique et la scurit rgionale. Aujourdhui, dans le monde, deux personnes sur cinq vivent dans des bassins hydrauliques internationaux et plus de cinquante pays sur cinq continents ont t identis comme des points chauds pour de futurs conits portant sur leau. Le vol de lor bleu , lappropriation irresponsable ou le dtournement de leau, sans aucune considration pour les autres utilisateurs, encourag par la

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corruption, peut transformer des tensions en conits ouverts. Leau potable et les services dassainissement constituent le deuxime sous-secteur que le Rapport mondial sur la corruption 2008 explore, et o la corruption peut tre observe chaque point de la chane de distribution de leau : de llaboration des politiques et des affectations budgtaires jusquaux travaux et aux systmes de facturation. La corruption affecte les services privs et publics de leau et nuit tous les pays, riches ou pauvres. Dans les pays plus riches, les risques de corruption sont concentrs dans lattribution de contrats pour la construction et la gestion des infrastructures hydrauliques municipales. Les enjeux sont immenses : cest un march annuel de 210 milliards de dollar US en Europe de lOuest, en Amrique du Nord et au Japon seulement. Dans les pays en voie de dveloppement, on estime que la corruption accrot de 30% le cot de raccordement au rseau dun foyer. Cela gone de plus de 48 milliards de dollars US la facture pour parvenir aux objectifs du Millnaire pour le dveloppement en ce qui concerne leau et lassainissement, pierre angulaire des remdes apporter pour rsoudre la crise de leau. Lirrigation agricole,le troisime sous-secteur analys dans le rapport, reprsente 70% de la consommation deau. leur tour, les terres irrigues permettent de produire 40% de lalimentation mondiale. Et pourtant les systmes dirrigation peuvent parfois tomber entre les mains de certains grands exploitants. Au Mexique, par exemple, les fermiers les plus importants, qui reprsentent 20% des exploitants, bncient de plus de 70% des subventions lirrigation. De plus, la corruption dans les systmes dirrigation exacerbe linscurit alimentaire et la pauvret. Les systmes dirrigation, qui sont difciles surveiller et qui exigent des techniciens pour assurer leur maintenance, offrent plusieurs points dentre la corruption, ayant pour effet de gaspiller des fonds, daugmenter les cots et dassurer une irrigation incertaine pour les petits exploitants. Lun des problmes spciques concerne la rglementation de lirrigation partir des ressources souterraines. En raison dune rglementation inadquate, les grands exploitants, comme en Inde ou au Mexique, peuvent asscher les ressources souterraines en toute impunit, dpossdant les petits exploitants dune ressource indispensable pour assurer leur subsistance. En Inde, le fardeau total de la corruption portant sur les contrats dirrigation reprsente plus de 25% du volume du contrat, que se partagent les fonctionnaires avant dtre dtourns vers le haut par le biais du systme politique, ce qui rend difcile les initiatives visant briser le cycle de la collusion. Le quatrime sous-secteur couvert par le Rapport mondial sur la corruption 2008 est celui de lhydrolectricit et des barrages. Il existe peu dautres infrastructures qui ont autant dimpact sur lenvironnement et les populations. Les volumes dinvestissement normes du secteur hydrolectrique (estim entre 50 et 60 milliards de dollars US chaque anne pour les dcennies venir) ainsi que les projets dingnierie, extrmement complexes et conus sur mesure, peuvent servir de terreau pour alimenter la corruption dans la conception, les appels doffres et la construction de grands barrages dans le monde entier. Cependant, limpact de la corruption ne concerne pas uniquement les surcots des projets. En effet, les fonds rservs aux

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dplacements et la rinstallation des populations et les programmes de compensation qui accompagnent les projets de barrage sont eux aussi permables la corruption, ajoutant ainsi une nouvelle pierre ldice des risques de corruption dans le secteur.

La corruption dans le secteur de leau : un d qui va au-del du secteurLimportance de leau pour le dveloppement humain ainsi que pour la durabilit environnementale est bien tablie et la crise globale de leau est au coeur du dbat sur le dveloppement et lenvironnement. Le Rapport mondial sur la corruption 2008 souligne que la corruption dans le secteur de leau constitue un facteur dterminant de cette crise et, partant, une question prioritaire pour llaboration de politiques publiques globales. Limpact de la corruption dans le secteur de leau sur les vies, les moyens de subsistance, la scurit alimentaire et la coopration internationale souligne galement les nombreux liens qui se sont tisss entre les diverses proccupations lies llaboration de ces politiques globales. La corruption dans le secteur de leau nest pas une proccupation cantonne au seul secteur. Elle complique galement le d mondial pour traiter le changement climatique et doit tre aborde dans le cadre de llaboration de la gouvernance qui actualise en ltendant le protocole de Kyoto. De plus, la corruption dans le secteur de leau doit faire partie des priorits de tous les dbats sur le dveloppement durable. Elle importe galement en ce qui concerne lordre du jour de la scurit mondiale qui se proccupe des causes profondes des conits, de la monte des extrmismes et des Etats dfaillants. Enn, la corruption doit tre reconnue comme un obstacle lengagement de la communaut internationale du progrs pour tous tel quil est dtaill dans les objectifs du Millnaire pour le dveloppement et les initiatives politiques connexes.

Leau : un secteur haut risque pour la corruptionLe Rapport mondial sur la corruption 2008 labore certaines conclusions prliminaires sur les raisons qui font que leau est particulirement sensible la corruption. La gouvernance de leau dborde le seul cadre des agences. Souvent, leau reprsente un d aux classications lgales et institutionnelles, crant une lacune rglementaire et dispersant la gouvernance entre diffrents pays et diffrentes agences gnrant de nombreuses failles exploitables. Dans la plupart des pays, on considre la gestion de leau comme une question technique. La gouvernance de leau est le plus souvent considre comme un d technique. Les dimensions politiques et sociales de leau, y compris les questions relatives la corruption, sont gnralement ignores. Le secteur de leau implique dimportants ux nanciers. Leau mobilise deux fois plus de capitaux que nimporte quel autre service public. La gestion des grands cours deau, lirrigation et les barrages sont difciles standardiser, ce qui fait que les achats peuvent se

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rvler trs lucratifs et les manipulations difciles dtecter. Linvestissement priv dans le secteur de leau est en augmentation dans les pays dj connus pour leurs risques levs de corruption. Neuf des dix principaux marchs mergents dans lesquels participe le secteur priv pour leau et lassainissement se trouvent dans des pays o les risques de corruption sont levs, ce qui reprsente des ds spciques pour les investisseurs internationaux. Les fournisseurs informels, souvent vulnrables la corruption, continuent de jouer un rle central dans la distribution de leau aux pauvres. Les fournisseurs informels deau ont des fonctions relais importantes dans de nombreux pays en voie de dveloppement pour acheminer leau aux dmunis. Toutefois, ils oprent souvent dans une zone grise, rendant leurs oprations permables lextorsion et la corruption. La corruption dans le secteur de leau affecte surtout ceux dont la voix est rarement entendue. La corruption dans le secteur de leau touche avant tout les populations marginalises, les pauvres ou, dans le cas de limpact sur lenvironnement, les gnrations futures. Ce sont des parties prenantes dont le point de vue est facilement ignor et qui nont pas le pouvoir dexiger que des comptes leurs soient rendus. Leau est rare et le deviendra encore plus. Le changement climatique, la croissance dmographique, les modications des habitudes alimentaires et le dveloppement exacerbent tous les pnuries locales en eau. Moins il y a deau disponible, plus les risques de corruption sont levs dans le contrle de la gestion des ressources en eau.

Du diagnostique laction : quelques leons pour lutter contre la corruption dans le secteur de leauLes tudes de cas et les expriences prsentes dans le Rapport mondial sur la corruption 2008 permettent de tirer quatre leons importantes pour combattre la corruption dans le secteur de leau. Premire leon Prvenir la corruption dans le secteur de leau : essayer de lutter conte la corruption aprs coup est plus difcile et plus coteux. Lorsque la corruption provoque la contamination de leau potable et la destruction des cosystmes, les consquences dramatiques sont souvent irrversibles. Lorsque les subventions leau donnent naissance une industrie agricole et des groupes de pression puissants, il devient plus ardu de redistribuer les subsides aux plus dmunis. Deuxime leon Comprendre lenvironnement local du secteur de leau ; sinon les rformes choueront. Il ny a pas de remde unique dans la lutte contre la corruption, et ceci est particulirement vrai dans le secteur de leau o les conditions de loffre et la demande, les infrastructures existantes et les systmes de gouvernance varient normment dune rgion une autre. Comprendre les conditions locales et les systmes particuliers dincitations qui sous-tendent la corruption est une prcondition pour concevoir des rformes efficaces. Troisime leon Juguler la corruption dans le secteur de leau ne doit pas tre incom-

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patible avec les besoins des pauvres. Les cots de la corruption dans le secteur de leau sont supports de manire disproportionne par les plus dmunis. Les efforts de lutte contre la corruption orients plus particulirement lattention des plus pauvres (dits pro-pauvres ) devraient se concentrer sur les types de prestations les plus indispensables aux pauvres, comme des fontaines publiques ou le creusement de puits en milieu rural. De tels efforts ont besoin dtre conus de sorte ce quils ne nuisent pas aux moyens de subsistances de base des pauvres : par exemple des mesures de rpression contre les fournisseurs informels de services pourraient risquer en mme temps dliminer un moyen essentiel permettant aux pauvres davoir accs leau. Quatrime leon Accrotre la pression en faveur des rformes dans le secteur partir de la base et du sommet. Mettre fin la corruption dans le secteur de leau exige de briser le cycle des intrts et des relations troites qui perptuent le problme de la corruption. Il sagit l dun dfi immense. Lautorit manant du sommet est essentielle si lon veut crer la volont politique ncessaire aux rformes institutionnelles. Les approches impliquant la base sont toutes aussi importantes pour juguler la corruption, en ajoutant une composante participative de contrle de ceux qui sont aux commandes dun pays, comme par exemple la surveillance des flux montaires ou llaboration de normes concernant les performances des services publics.

Endiguer la vague de la corruption : recommandations en faveur de rformesLe Rapport mondial sur la corruption 2008 prsente diffrentes stratgies et outils prometteurs pour lutter contre la corruption dans la gestion de la ressource en eau, de leau potable et de lassainissement ainsi que de lirrigation et de lhydrolectricit. Le contexte spcique chaque pays dtermine la combinaison adquate et la squence des rformes anti-corruption, mais on trouvera ci-dessous un rsum des recommandations les plus intressantes : Premire recommandation : tendre et afner le diagnostique de la corruption dans le secteur de leau la dynamique et lefcacit des rformes en dpendent. Il reste encore beaucoup faire dans ltude de ltendue et de la nature de la corruption dans le secteur de leau. Des outils tels que les valuations de limpact de la corruption dans les diffrents domaines du secteur de leau, la traabilit des dpenses publiques ou la pauvret et la dtermination des risques de corruption clairent de faon utile les diffrents aspects de ce casse-tte. Ces outils ont cependant besoin dtre affins, adapts tous les acteurs du secteur de leau et adapts au contexte local spcifique afin ddifier les fondations pour des rformes cibles. Deuxime recommandation : renforcer le contrle rglementaire de la gestion et de lutilisation de leau. Le gouvernement et le secteur public continuent de jouer un rle central dans la gouvernance de leau et devraient tablir des mcanismes de contrle rglementaire efficaces, que

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cela soit pour lenvironnement, leau et lassainissement, lagriculture ou lnergie. Il existe un certain nombre de rformes institutionnelles pour rduire les risques dappropriation rglementaire aux mains dintrts troits : renforcement des capacits, formation des employs, ressources adquates (humaines, financires, techniques et administratives), cration dun mandat institutionnel clair, mise en oeuvre de principes de fonctionnement transparents, introduction de la consultation publique et des procdures dappel. Troisime recommandation : garantir une concurrence loyale et la mise en oeuvre responsable des contrats deau. Dans de nombreux pays, le secteur priv a adopt des mesures anti-corruption de base dans le cadre de leurs procdures normales de fonctionnement, mais il convient de faire plus pour que cela ait un effet sur le secteur de leau. Les gouvernements et les entreprises peuvent passer des Pactes dintgrit pour les procdures des marchs publics. Limportante demande dinvestissements dans le secteur de leau signifie que les agences de crdits lexportation, les banques commerciales et les organes de prts des institutions financires internationales peuvent jouer un rle pivot dans la lutte contre la corruption. Ceux-ci devraient tendre leur obligation de diligence et adopter des dispositions anti-corruption. Quatrime recommandation : adoption de la transparence et de la participation comme principes directeurs pour lensemble de la gouvernance de leau. La transparence est le fondement du contrle public et de la redevabilit. Elle doit devenir la caractristique de la gestion du secteur de leau tant par les parties prenantes publiques que prives. Trop souvent, les engagements en faveur de ce principe ne sont pas traduits dans les faits. Le Rapport mondial sur la corruption 2008 prsente cependant des exemples de transparence applique au secteur de leau comme par exemple la transparence dans les propositions de budgets ou la divulgation des indicateurs de performance. De tels exemples doivent tre multiplis et servir de rfrences pour en tirer les enseignements indispensables et progresser sur cette voie. Le Rapport mondial sur la corruption 2008 expose dans le dtail laugmentation de la participation comme mcanisme visant rduire linfluence indue et la satisfaction dintrt troits dans le secteur. Limplication des groupes marginaliss au budget et la conception des politiques permet dajouter une composante pro-pauvres aux dpenses envisages. Limplication des populations locales dans le choix des lieux pour le creusement de puits en milieu rural et la gestion des systmes dirrigation permet de garantir que les petits exploitants ne sont pas lss dans leur accs leau. La participation de la socit civile en matire daudit, de cartographie des pollutions et de surveillance des performances du service public de leau constitue un mcanisme de vrification supplmentaire essentiel. La transparence et la participation dveloppent la confiance vitale quexige une gouvernance de leau redevable et la socit civile joue un rle dterminant dans la traduction de linformation et des opportunits de participation en contrle public efficace.

xxviii Rapport mondial sur la corruption 2008

Crer une dynamique du changement : une coalition mondiale contre la corruption dans le secteur de leau.La mise en uvre de ces recommandations exige une vision stratgique. Le d mondial que reprsente la corruption dans le secteur de leau ncessite une rponse globale, une expertise locale, ladaptation et la participation dun vaste ventail de parties prenantes. Lexprience de Transparency International (TI), avec son rseau de spcialistes et dactivistes engags dans des actions de plaidoyer contre la corruption dans plus de 90 pays, peut y contribuer de manire signicative. Ainsi, par exemple, les efforts entrepris pour dvelopper la transparence dans le secteur de leau peuvent bncier de la grande exprience de TI en matire dtudes et dactions de plaidoyer pour renforcer le droit linformation et la transparence dans les systmes de gouvernance dans le monde entier. Les initiatives lances en faveur de plus dintgrit dans la participation des entreprises dans le secteur de leau peuvent se servir des outils anti-corruption pour le secteur priv mis au point par TI ainsi que du travail approfondi men par TI en matire dachats publics transparents. Le Water Integrity Network (WIN) ; une coalition internationale dynamique dexperts dans le secteur de leau, de chercheurs sur le terrain, duniversitaires et dactivistes qui a collabor avec TI pour ce rapport, est la tte du combat contre la corruption dans le secteur de leau. Le Rapport mondial sur la corruption 2008 nonce les raisons fondamentales pour lesquelles de nombreux individus devraient participer cette lutte et aider ainsi gnrer un lan en faveur de rformes durables. Lamorce du changement climatique et la multiplication des situations de stress hydrique signient que nous sommes un carrefour crucial. Comme le montre le Rapport mondial sur la corruption 2008, lutter contre la corruption dans le secteur de leau est non seulement un impratif moral qui sert lintrt gnral, en particulier celui des pauvres, cest galement faisable. Il est temps dagir.

Premire partie La corruption dans le secteur de leau

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Introduction sur leau et la corruption

Dans le chapitre principal de la section thmatique du Rapport mondial sur la corruption 2008, Janelle Plummer met en vidence les principaux paramtres responsables de la crise mondiale de leau. travers une perspective densemble des diffrents types de corruption et de leur dynamique, elle examine leurs consquences dans ce secteur. Charles Keny ajoute cette tude des calculs permettant dapporter un clairage sans concession sur les consquences dramatiques de la corruption dans le secteur de leau.

Eau et corruption : un partenariat destructeurJanelle Plummer1Leau est une ressource vitale pour les tres humains, indispensable lalimentation, lnergie et lenvironnement. Lorsque leau vient manquer, les gouvernements et les citoyens en payent un prix exorbitant, tant sur le plan conomique, que social, culturel ou environnemental. La corruption a pour effet pernicieux dexacerber limpact de cette pnurie et damplier lenjeu crucial de la gouvernance dans le secteur de leau. Cest pourquoi il est urgent dentreprendre des actions de mobilisation impliquant toutes les parties prenantes concernes an de les exhorter concevoir des moyens pratiques de lutte contre la corruption dans tous les domaines du secteur de leau. Cest l le message fondamental du Rapport mondial sur la corruption 2008.

La crise mondiale de leau une crise de la gouvernanceLhistoire de la corruption dans le domaine de leau est celle dune forme de corruption affectant des ressources et des services dordre essentiel la vie et au dveloppement de lhumanit. Cest galement lhistoire dun secteur en crise. Chaque anne, des millions de personnes meurent cause de maladies transmises par leau, faute, de la part des responsables, davoir

1 Janelle Plummer est conseillre sur la gouvernance la Banque Mondiale. Ce chapitre sappuie sur J. Plummer et P. Cross, Tackling Corruption in the Water and Sanitation Sector in Africa: Starting the Dialogue, in E. Campos and S. Pradhan (eds.) The Many Faces of Corruption (Washington DC: World Bank, 2007). Les points de vue exprims dans cet article sont ceux de lauteur et ne retent pas ncessairement le point de vue de la Banque Mondiale ou des pays que celle-ci reprsente.

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La corruption dans le secteur de leau

trait en priorit la mise en place dun rseau deau potable et dassainissement. En 2004, plus dun milliard de personnes navaient pas accs leau potable et deux milliards ntaient pas relies un rseau de traitement des eaux uses. En dpit de rsultats satisfaisants dans certaines parties du monde, on observe toutefois que la proportion de la population mondiale qui na pas accs un service deau ne cesse daugmenter. Les pratiques corrompues viennent encore creuser les ingalits car elles participent la suppression des investissements qui serviraient, le cas chant apporter ces services aux franges de la population les plus dmunies. De plus, les pratiques corrompues contribuent au dtournement de largent destin lentretien de structures qui se dtriorent ainsi quau prlvement dune dme parmi les populations les plus modestes. Ces derniers se trouvent alors contraints daffronter la hausse des cots et de payer des pots de vin pour avoir accs leau potable. La raret de leau constitue galement un problme crucial dont limportance devient urgente. La survie de centaines de millions de personnes dans le monde est menace par les restrictions deau ncessaire lirrigation. Lagriculture consomme environ 70% de leau prleve dans les rivires et les nappes phratiques. Lintensit croissante des activits humaines et les pressions combines dune demande deau en augmentation et dune population toujours plus nombreuse, prlvent une part grandissante de cette ressource naturelle 2. Le changement climatique ajoute une nouvelle donne au problme. cette allure, dici 2025, plus de trois milliards de personnes pourraient vivre dans un pays endurant un stress hydrique 3. Dans les dcennies venir, les rendements des rcoltes seraient amens chuter de 25% et en mme temps, la malnutrition dans le monde pourrait augmenter de manire identique si les prvisions actuelles lies aux consquences du changement climatique savraient exactes 4. Une gestion satisfaisante de leau exige de maintenir un quilibre dlicat entre scurit alimentaire, rduction de la pauvret et protection des cosystmes. La dgradation de lcosystme accrot le risque de catastrophe naturelle en supprimant les protections contre le risque dinondations, les scheresses et autres calamits naturelles. Limpact dune dgradation de lenvironnement, dune mauvaise gestion des ressources en eau et dun sous-investissement chronique sont connus : la tragdie du Darfour rsulte, la fois, de la combinaison dun chec de la gouvernance et dune dgradation des ressources en eau et de la terre, dbouchant sur un dsastre humanitaire dune ampleur sans prcdent. Au cur de ces checs se matrialise une crise de la gouvernance de leau il sagit dune crise relative lutilisation du pouvoir et lautorit sur la gestion de leau 5. Cest galement une crise de la gestion des questions ayant trait leau par les nations. Cependant, si leau est une ressource essentielle la subsistance des citoyens et la croissance du pays, sa gouvernance napparat pas quant elle, comme un objectif prioritaire. Le dysfonctionnement institutionnel,

2 Programme des Nations Unies pour le Dveloppement, Human Development Report 2006. Beyond Scarcity : Power, Poverty and the Global Water Crisis, (New York: PNUD, 2006). 3 PNUD, 2006. 4 Ibid. 5 Adapt du Dpartement pour le dveloppement international (DFID), Governance, Development and Democratic Politics, DFIDs Work in Building more Effective States (London: DFID, 2007).

Introduction sur leau et la corruption

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la mauvaise gestion nancire et le manque de redevabilit placent de nombreux gouvernements dans lincapacit de rpondre la crise, et leurs citoyens, tout comme les ONG, se trouvent dans lincapacit dexiger des changements faute de disposer de comptences sufsantes ou dune relle conscience du problme.

Leau et la corruption un d pour tousLa corruption, la fois lintrieur et lextrieur du dveloppement du secteur de leau, constitue un facteur cl dans lchec de la gouvernance. Cet chec devient vident lorsquil est question du forage de puits dans les villages dAfrique subsaharienne ou de mettre en place des usines de traitement des eaux dans les zones urbaines dAsie, ou encore de construire des barrages hydrolectriques en Amrique latine et dans le monde en gnral, o lon observe des malversations et des abus quotidiens des ressources en eau, gres par un gouvernement ou par tout autre dcisionnaire. Les efforts de lutte contre les formes multiples de corruption constituent la phase critique de la bataille pour approvisionner en eau ceux qui en ont le plus besoin. La corruption est la fois la cause et la consquence dune mauvaise gouvernance de leau. Limpact de la corruption est plus marqu dans les pays en dveloppement. Toutefois ce phnomne ne touche pas exclusivement les pays revenus faibles ou revenus moyens. En Europe, en Amrique du Nord et en Australie, on observe couramment lexistence de pratiques corrompues affectant les ressources et les services ddis leau. Les pays industrialiss ont leurs propres formes de npotisme sigeant aux conseils dadministration et au sein des institutions. A ce propos, des escroqueries et autres malversations sont rgulirement rapportes dans la presse. En dpit de lexistence de rglements stricts et dun contrle important, la corruption sest dveloppe l o les secteurs public et priv se rejoignent, particulirement lorsque la gouvernance et les contrles sont insufsants. La communaut internationale sest mobilise pour pallier les insufsances endures par les franges de la population les plus dmunies en matire deau potable et dassainissement. Ce mouvement a ouvert des perspectives sans prcdent permettant aux gouvernements, au secteur priv et la socit civile duvrer cte cte dans la lutte contre la corruption affectant les secteurs de leau et de lassainissement. An dacclrer les progrs de la lutte contre la pauvret, cent quatre-vingt-neuf pays se sont engags en 2000 pour soutenir la Dclaration du Millnaire des Nations Unies 6. Parmi les huit objectifs du Millnaire pour le dveloppement (OMD) xs par la Dclaration, un approvisionnement et un assainissement de leau qui soient de qualit gurent en bonne place. Les gouvernements se sont engags atteindre dici 2015 ces objectifs. Les objectifs du Millnaire pour le dveloppement sont lis les uns aux autres de manire inex-

6 En consquence, en 2002, le volet sur lassainissement a t adopt. Ceci a marqu une tape importante, car lassainissement nest souvent pas pris en compte.

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La corruption dans le secteur de leau

tricable. Ainsi lamlioration des rseaux de leau et dassainissement de leau devrait se rpercuter de manire positive sur les autres objectifs, notamment par une rduction de la pauvret et de la faim, une chute des taux de mortalit infantile et maternelle ainsi quune disparition des ingalits entre les sexes. Si des obstacles primaires telles que la corruption ne sont pas identis et traits la source, il ne sera pas possible de rduire de moiti le nombre de personnes nayant pas accs leau potable et un assainissement de base, comme le prvoient les objectifs du Millnaire pour le dveloppement. Une gestion budgtaire inefcace se trouve lorigine de ce gchis nancier. Selon les estimations par pays et par rgions labores par les Nations Unies, cinquante-cinq pays natteindront pas lobjectif x dapprovisionnement en eau potable et soixante-quatorze autres pays nauront pas la capacit de faire face leur engagement damlioration du rseau dassainissement de leau 7. LAfrique subsaharienne se trouve tre lune des rgions o les progrs sont lents se mettre en place et de ce fait, les enjeux lis la corruption y revtent une importance cruciale. LIndice de perceptions de la corruption (IPC) 2007 de Transparency International dmontre que prs de la moiti des vingt nations gurant en bas de tableau dans cet Indice est issue de cette rgion du monde 8. Selon les dernires donnes, 63% de ses habitants ne disposaient pas dinstallations dassainissement de base, un chiffre rvlant un progrs drisoire compte tendu des 68% relevs en 1990, anne de rfrence dsigne dans le cadre de la Dclaration des objectifs du Millnaire pour le dveloppement dont lchance de ralisation est xe en 2015 9. Sur la mme priode, on observe en ralit une augmentation de plus de 20% du nombre de personnes dAfrique subsaharienne nayant toujours pas accs leau en raison de taux de natalit levs 10. Leau constitue un enjeu hautement politique ouvrant la voie non seulement des manipulations sur le plan mondial et national, mais galement des dtournements et des conits au cur mme des communauts et des foyers. Les dimensions de ce problme micro et macro impliquent que le dialogue sur la corruption dans le secteur de leau se doit de reter dlement la diversit ; tant des pratiques, que des acteurs, ainsi que leurs motivations et leurs consquences. Il est essentiel que lensemble des pays se penche de toute urgence sur le problme endmique de la corruption dans le secteur de leau. Il est tout autant urgent den identier les consquences et dadopter des politiques et des mesures pratiques et cibles.

7 PNUD, 2006. 8 Ces chiffres se basent sur lIndice de perceptions de la corruption 2007 (IPC) que lon peut consulter sur : www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2007. 9 Donnes bases sur des chiffres 2004 des Nations Unies Africa and the Millennium Development Goals, 2007 Update, (New York : United Nations Department of Public Information, 2007). 10 Les donnes composites sont trompeuses, mais il existe galement un dbat sur la justesse des donnes par pays et sur les disparits internes et les ingalits horizontales qui sont caches par les statistiques agrges.

Introduction sur leau et la corruption

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La nature et ltendue de la corruptionLa corruption, dnie gnralement par labus dun service des ns prives, est un phnomne observ travers un large ventail dinteractions divers niveaux et dans nombreuses branches du secteur de leau. Toutefois, lheure actuelle, le diagnostic de la corruption dans ce domaine reste g dans la phase de dveloppement et les efforts de lutte portent souvent la marque de ltroitesse des points de vue et dune perception errone de la corruption en tant que telle, ainsi que du niveau et de la localisation des risques de corruption. An de pouvoir surmonter ces obstacles, il est ncessaire davoir une meilleure comprhension des formes que revt la corruption dans ce domaine, ainsi que du niveau o elle se produit et des avantages quelle engendre au bnce des intervenants. Lenjeu est de taille si lon considre la fois la diversit du secteur de leau et de lassainissement, de lirrigation, de la gestion des ressources en eau (GRE) et les problmes de lnergie hydrolectriques. On observe la prsence de la majorit des moyens de corruption lintrieur du secteur de leau. Lorsquil sagit de corruption bureaucratique dite galement petite corruption, il sagit de fonctionnaires, au rang plus ou moins lev, abusant de leur pouvoir an dobtenir des pots-de-vin ou des faveurs. Un agent charg de relever les compteurs deau proposera ainsi de rduire la facture dun consommateur en change dune certaine somme, alors quun responsable de service ne rpondra aux rclamations dun usager uniquement la condition de recevoir une faveur en change. La grande corruption intervient quant elle, dans un cadre troit, impliquant dune part, des acteurs des secteurs publics et privs et dautre part, des sommes considrables. Ainsi les fonds publics destins un rseau deau agricole sont dtourns pour tre reverss aux responsables dun ministre, ou encore un important contrat de construction de barrage est con un groupe dentreprises cooptes. En cas de captation de ltat, le processus de dcision et la mise en application de politiques de leau se trouvent fausss pour favoriser les intrts dune poigne dutilisateurs ou fournisseurs deau au dtriment de lensemble du public 11. Le diagramme des risques de corruption permet de visualiser la palette tendue des types dactions illgales dans le secteur de leau couvrant lescroquerie, le dtournement de fonds, lentente illgale et le npotisme. Ce graphique expose les diffrents types de sollicitations perus par les intervenants et les outils existants permettant de lutter contre ce problme. Il existe trois principaux cas de gures dinteractions corrompues : La corruption dans le secteur de leau a lieu entre deux responsables publics. Dans ce cas de gure, on observe des pratiques malhonntes dattribution de quotas deau : notamment, le dtournement de fonds destins un rseau dapprovisionnement en eau pour nancer la rfection dune route situe proximit du domicile dun responsable politique. On observe galement des versements de pots-de-vin an dinuencer des dcisions relevant de la gestion du personnel, notamment lorsquun individu peroit une somme an de nommer ou de transfrer quelquun un poste lucratif. Plus le salaire est lev, plus le pot de vin vers permettant dobtenir le poste sera consquent.

11 Cette dsagrgation de la corruption est cite dans Look Before you Leap: Notes for Corruption Fighters daprs M. Schacter et A. Shah, Institute on Governance Policy Brief No. 11 (Ottawa: Institute on Governance, 2001).

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La corruption peut galement se matrialiser entre responsables publics et acteurs privs. Elle englobe dans ce cas toutes les formes de corruption et descroquerie releves dans un contexte dobtention dautorisation, de passation de march et de construction. Lentente illgale et le trucage dappels doffres constituent des malversations caractristiques des processus de soumissionnement dans les pays dvelopps et les pays en dveloppement, et ces pratiques concernent autant les entreprises internationales que les socits nationales 12. La corruption se situe enn entre responsables publics, usagers, citoyens et consommateurs. Ces pratiques, que lon qualie de corruption administrative ou de petite corruption, permettent aux mnages ncessiteux, aux agriculteurs ainsi qu dautres utilisateurs, dtre approvisionns en eau et ce plus rapidement ou un meilleur prix. Les pratiques corrompues dans le secteur de leau se dclinent depuis la satisfaction dintrts troits jusquau droulement de transactions public/priv plus ou moins importantes. Elles intgrent galement les interactions au point de livraison de leau. On peut graduer ces malversations sur une chane de valeurs de leau . Le tableau 1 dtaille ces trois niveaux dinteractions selon les fonctions exerces dans le secteur de leau dmarrant par un cycle dlaboration de politiques et de rglementations, de budgtisation et de planication, suivi de llaboration et de la gestion de programme, du lancement dappels doffres et de passation de marchs, jusqu la construction, la mise en uvre et lentretien, et enn le contrle et la mise en application.Tableau 1 : Schma de la chane de valeur interactions de la corruption depuis la phase dlaboration de la politique jusqu la distribution de leauPublic Public Public Priv Public Consommateur / Socit civile

laboration de politiques et de rglementations

Dtournement de politiques et de rglementation de la gestion de la ressource en eau (concurrence et monopole) au prot dintrts particuliers Collusion interministrielle / consquences environnementales et sociales des projets hydrolectriques passes sous silence

Dtournement de dcisions Pots-de-vin politiques portant sur les permettant dacheter objectifs du Millnaire pour le silence de le dveloppement, au prot lopinion publique dintrts particuliers sur les consquences Pots-de-vin pour des droits sociales et sur leau, extorsion de permis environnementales et dlivrance de permis Captation rgulire (par ex., exonrations dautorisations, contournement des valuations de limpact sur lenvironnement, non prise en compte des impacts sociaux)

Planication et budgtisation

Prises de dcisions Pots-de-vin pour fausses par les hommes pour inuencer politiques (localisation + lattribution de type dinvestissement) fonds des projets Dtournement de fonds dinvestissement au prot dindividus au capital lev dautres projets, pots-de-vin (par ex., fourniture interministriels pour importante deau au lobtention de fonds lieu damliorer

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12 Sil est possible que des interactions au sein du secteur priv ou entre secteur priv et ONG soient galement prdominantes dans le secteur (par exemple, corruption ou escroquerie entre contractant et sous-contractant), ces interactions ne peuvent tre dfinies comme de la corruption que si lentreprise ou lorganisation sest vue confier une mission de service public.

Introduction sur leau et la corruption

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Tableau 1 (continue)Public Public Public Priv Public Consommateur / Socit civile

Corruption du budget local (escroquerie, falsication de comptes ou de documents, collusion au niveau du village Financement des donateurs, nancement et transferts scaux Collusion du donateur et du gouvernement pendant les ngociations pour correspondre aux objectifs de dpenses, damlioration et de qualit an dinuencer le type dinvestissement dans le secteur Pots-de-vin an dassurer les transferts de fonds entre le ministre des Finances et les ministres du secteur

le rseau ou dopter our des solutions p moindre cot)

Collusion entre les donateurs et les oprateurs nationaux privs (en dehors des accords commerciaux lgaux)

Gestion et laboration du projet

Corruption du personnel Pots-de-vin pour de gestion : modier les projets - Paiement pour des postes an daccrotre les lucratifs (par ex., directeur pots-de-vin des services publics, postes potentiels et les de gestionnaires de projet) escroqueries - pots-de-vin pour obtenir des promotions, des transferts, des augmentations de salaire Prise de dcisions fausses (collusion avec les leaders de la slection + approbation des plans et des projets Corruption du gouvernement local, dans la planication dpartementale et la gestion du budget Pots-de-vin pour dtourner la gestion de l'eau et la construction de canaux au bnce de responsables

Inuence sur les dcisions de projets an de faire bncier certains usagers (au niveau du projet : slection du site, quipement, construction) Pots-de-vin an de dtourner la gestion de leau, la construction de canaux et lordonnancement au prot dusagers riches ou puissants

Soumissionnement Corruption administrative et appels doffres (escroquerie, falsication de documents, paiements occultes) Collusion entre dpartements et services sur des appels doffres frauduleux et des constructions illgales Paiements en change du silence en lien avec les appels doffres frauduleux Pots-de-vin sous forme despces ou demplois pour inuencer des politiciens en faveur dun entrepreneur

Pots-de-vin pour inuencer lorganisation du contrat Pots-de-vin pour remporter des projets grande chelle, pour sassurer des contrats, pour inuencer les ngociations, pour des informations Corruption dans les appels doffres dapprovisionnements : surestimation de devis pour des travaux, la fourniture de produits chimiques, de vhicules, dquipements. Corruption dans la dlgation

(continue)

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Tableau 1 (continue)Public Public Public Priv Public Consommateur / Socit civile

des oprations et de la maintenance : attribution de contrats, surestimation dactifs, slection, type et dure des concessions, exclusivit, dcisions sur les montants des subventions Documentation frauduleuse, matriaux non certis employs dans la construction Construction Paiement pour couvrir des manuvres frauduleuses et sassurer du silence des personnes impliques Pots-de-vin et escroqueries dans la construction : - non conforme aux spcications, dissimulation de travail en de des normes, matriaux non agrs, sous-paiement des ouvriers - non respect des dlais et des travaux demands facturation frauduleuse : - prix en hausse, sur-facturation des fournisseurs Corruption dans la construction locale (avec des types de pratiques similaires aux interactions public-priv)

Mise en uvre et entretien

Sur-facturation de Corruption fournisseurs, vols, administrative pour dtournements de matires leau (accs leau, (produits chimiques) installation ou Non respect de la dissimulation de rglementation, des branchements spcications, des rgles illgaux, coupures dhygine et de scurit deau non effectues, Falsication des comptes approvisionnement Pots-de-vin pour le illicite deau en dtournement de leau utilisant les vhicules des ns commerciales pour du service) lirrigation ou pour Corruption admin. lindustrie pour acclrer ou Pots-de-vin pour couvrir des obtenir un traitement rejets deaux uses ou des prfrentiel dans les pollutions rparations de canaux dirrigation ou les nouveaux branchements Pots-de-vin pour des approvisionnements excessifs pour le compte de lindustrie Pots-de-vin, collusion dans la facturation frauduleuse dans le secteur de lirrigation commerciale et lindustrie Corruption admin. - double paiement ou double facturation pour le secteur de leau et de lassainissement ainsi que pour leau dirrigation lecture frauduleuse du compteur, non paiement ou paiement partiel, sur-facturation

Paiement (en change de services)

Source: Adapt de Plummer et Cross, 2007 13

13 J. Plummer et P. Cross, Tackling Corruption in the Water and Sanitation Sector in Africa: Starting the Dialogue, E. Campos et S. Pradhan (eds.) The Many Faces of Corruption (Washington DC: Banque mondiale, 2007).

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Les accords et les aspects lgaux viennent ajouter leur charge de complexit au diagramme de la corruption dans le secteur de leau. Ces interactions concourent se renforcer mutuellement pour doubler les effets de la corruption. La dcision lgale de construire un barrage permettant aux responsables de dtourner des ressources, donne loccasion aux contractants privs de sapproprier les prots et aux responsables ofciels de faire usage de leur pouvoir pour dtourner leau du barrage au prot de puissants propritaires terriens en change de pots-devin. Le cot cumul de ces interactions est tout aussi lev que le nombre de personnes dpourvues au cours de ce processus nfaste. Enn, les scnarios de corruption diffrent grandement selon les contextes. Notamment, les rgimes politiques, le cadre lgal, le degr de dcentralisation, les disparits rgionales ou encore les relations de pouvoir, les normes culturelles et le niveau de transparence ( par exemple, entre ltat et la socit civile ) viennent inuencer les formes et les risques de corruption. Si la connaissance des rseaux de corruption est efcace, il devient alors possible dempcher quelle ne se produise. Llaboration dun diagramme permet didentier les points chauds dans un contexte donn ; ces points reprsentent les zones o la corruption a tendance se concentrer sur la chane de valeur de leau.

Limpact de la corruption : des milliards de vies sont en jeuLimpact de la corruption se traduit en termes nanciers, conomiques, environnementaux et sociopolitiques. Cet impact se rpercute notamment sur la scurit. Il nest pas ais de chiffrer de manire prcise le cot exact de la corruption. Si lon retient un scnario favorable, on considre que 10% du nancement destin au secteur sont dtourns chaque anne. Dans un scnario moins optimiste, ce chiffre monte 30%. Des estimations ont permis de chiffrer la somme ncessaire la ralisation des objectifs du Millnaire pour le dveloppement 11,3 milliards de dollars US supplmentaires par an. Si ces chiffres savrent exacts, un taux de fuite de 30% signierait que la corruption aurait pour consquence une augmentation du cot de cette action de dveloppement fondamentale de plus de 48 milliards de dollars US sur les dix annes venir 14. La faible gouvernance et la corruption endmique exercent un impact social que les calculs nanciers ne parviendront jamais chiffrer. Les difcults daccs aux rseaux deau se concentrent de manire disproportionne sur les franges de la populations les plus dmunies, et ce, quelle que soit la rgion du monde. Les mnages les plus pauvres font tat de taux daccs chroniquement bas et par consquent, de nombreux foyers trouvent un moyen parfois assez cratif de recevoir de leau de manire illgale. Ils multiplient notamment les sources partir desquelles ils sapprovisionnent en eau et paient des prix plus levs lorsquils peuvent se le permettre. Ainsi les foyers les plus pauvres du Salvador, de la Jamaque et du Nicaragua dpensent plus de 10% de leur revenu en eau alors que ceux des pays riches tels que les tats-Unis ne sacquittent que du tiers de cette somme 15. Dans de nombreux cas, les marchs corrompus

14 Organisation mondiale de la sant et UNICEF Water for Life. Making it Happen, (Genve : Service de presse de lOMS, 2005). 15 PNUD, 2006.

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entre fournisseurs illgaux et responsables des services publics se trouvent tre responsables de ces prix levs. Toutefois il est ncessaire dexaminer la pauvret sous un angle multidimensionnel. De la mme manire, les cots domestiques ne sont pas tous de nature nancire. Que les foyers les plus pauvres soient ou non affects par les pratiques corrompues, ils endurent les consquences de linefcacit engendre par la corruption. Lorsque la corruption supprime ou augmente les cots daccs leau, il est possible den mesurer les effets en termes de journes perdues, de dveloppement des conditions de vie et de pertes humaines. On observe ainsi des liens troits de cause effet entre laccs une eau de qualit et la mortalit infantile, lducation des lles et la prpondrance de maladies vhicules par leau 16. Les problmes lis leau ne sont pas seulement troitement inhrents la pauvret. Leau reprsente galement un facteur cl dans la croissance car elle constitue un lment indispensable la production (dans lagriculture, lindustrie, lnergie et les transports). lheure actuelle, on constate une faiblesse importante du niveau dinfrastructures hydrauliques et des capacits de gestion de la ressource en eau dans les pays les plus pauvres. Ce constat contribue attnuer limpact des tentatives de gestion de la prcarit de laccs leau 17. La capacit de stockage des rservoirs deau (par tte) dans des pays tels que le Maroc ou lInde est infrieure un dixime du volume mis en place en Australie 18. Dans de nombreux pays dAfrique, la pluviomtrie extrmement variable et les scheresses rcurrentes frappant certaines parties du continent viennent branler les conomies des pays. En thiopie par exemple, on estime que la prcarit des infrastructures hydrauliques cote lconomie thiopienne plus dun tiers de son potentiel de croissance 19. Les rapports sur la catastrophe naturelle de la Nouvelle-Orlans en 2005 dmontrent que la catastrophe na pas t seulement naturelle, mais quelle a t amplie par des dcisions prises sans fondement ni justication 20. La corruption minimise le niveau dinvestissement inject dans les infrastructures, elle constitue un frein la fois pour rsister aux catastrophes et pour la croissance. La corruption dans le secteur de leau se traduit galement par des rpercussions sur le plan environnemental. Dans les pays en dveloppement, linsufsance dinfrastructures de gestion de leau, quelles soient articielles (par exemple, sous la forme de barrages, bassins de rtention, irrigation, approvisionnement en eau) ou naturelles (par exemple, sous la forme de ligne de partage des eaux, lacs, aquifres, zones humides) reprsente un enjeu de gestion quasiment sans prcdent 21. Les consquences nocives du changement climatique en augmentation constante combines lincapacit humaine et nancire grer la question de leau produisent des rsultats bien plus marqus dans les pays en voie de dveloppement, exposant les pays pauvres une vulnrabilit accrue. Les pratiques corrompues accentuant les effets de la pollution, puisant dans la nappe phratique et accroissant la salinit, sont deve-

16 Voir page 34 et page 48. 17 Banque mondiale, Managing Water Resources to Maximize Sustainable Growth : A Country Water Resources Assistance Strategy for Ethiopia (Washington D.C. : Banque mondiale, 2006). 18 PNUD, 2006. 19 PNUD, 2006. LEthiopie sest place 138me sur 180 dans lIndice de perceptions de la corruption de TI. 20 Voir page 34. 21 D. Grey et C. Sadoff, Water for Growth and Development : A Framework for Analysis, Baseline document for the fourth World Water Forum, (Washington D.C. : Banque mondiale, 2006).

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nues manifestes dans de nombreux pays. Les consquences de ces pratiques sont troitement lies la dforestation et la dsertication dans le monde. Il est vital de juguler la fuite des fonds de ce secteur an de pouvoir traiter ces problmes inhrents. Limportance de leau dans le domaine de la sant, la pauvret, le dveloppement et lenvironnement, souligne combien cette question est lie celle du pouvoir et de la scurit. La corruption instrumentalise le contrle de leau pour en faire une force accentuant les tensions sociales, les querelles politiques et les conits rgionaux. Les tensions sur les questions ayant trait leau sont frquentes au sein des tats. De svres pnuries deau en gypte taient ainsi lorigine de soulvements et de blocages des routes au cours de lt 2007. Le sentiment que la corruption tait lorigine de cette crise de leau est venu nourrir le ressentiment populaire 22. En Sierra Leone, le direct