Mémoire de stage
Master II Réservoirs Géologiques
Remplissages karstiques et variations du niveau de base
Exemple des paléokarsts de la région de Ganges (34)
Eglantine HUSSON
Maître de stage : Michel SERANNE
Tuteur : Jean-Jacques CORNEE
Rapporteur : Aurélien GAY
Soutenu le 18 juin 2010 devant la commission d'examen Réservoirs Géologiques
Remerciements
Toute ma gratitude vient en premier lieu, à M. Seranne, pour m'avoir encadré durant
ce stage. Je lui suis très reconnaissante de m'avoir accordé autant de disponibilité et de
m'avoir sincèrement guidée dans mon travail. Ce stage à été pour moi, l'occasion de vivre, pas
à pas l'élaboration d'un raisonnement scientifique, avec des avancées, des remises en question,
des recommencements...
Je tiens ensuite à remercier toute l'équipe Bassins, et plus particulièrement J-J. Cornée,
M. Lopez, et A. Gay, pour leur conseils avisés et leurs points de vue percutants.
Je remercie également P-J. Combes pour m'avoir fait partager son savoir de la région,
et ses nombreuses idées sur le sujet, qui seraient trop longues à développer, mais dont j'espère
me servir par la suite.
Un grand merci à Marie-José Fondecave-Wallez et Bernard Peybernès, de s'être
déplacé de Toulouse; sans eux les datations n'auraient pas été possible, et je n'en serais pas là!
Je remercie aussi Mihaela Melinte de GeoEcomar de Bucarest pour sa détermination sur
nanofossiles calcaires; et Hubert Camus, pour m'avoir fait partager sa connaissance sur les
karsts et paléokarsts de la région.
Je tiens aussi à remercier C. Nevado et D. Delmas, de l'atelier de litholamellage, pour
leur considérable travail et les très nombreuses lames minces que je leur ai fait faire.
Enfin, merci à L. De Min, pour ce magnifique soutien mutuel, durant toutes ses nuits
passées devant l'ordinateur.
1
Sommaire
Remerciements
Sommaire 1
Introduction 2
Partie 1. Contexte géologique 3
Partie 2. Karsts et paléokarsts : Origine et formation 7
2.1. Terminologie et géomorphologie du karst 7
2.2. Le remplissage karstique 8
2.3. Variation du niveau de base : processus de formation des paléokarsts. 10
Partie 3. L'étude des remplissages des paléokarsts de la région de Ganges 12
3.1. La morphologie des remplissages 12
3.2. Les différents faciès des remplissages 18
3. Contenu paléontologique des remplissages et datations 22
3.4 Discussion des observations 25
Partie 4. Quantification des amplitudes de variation du niveau de base et
discussion sur les causes de telles variations. 30
4.1. Quantification de l'amplitude des variations du niveau de base responsables
de la formation des paléokarsts de la région de Ganges 30
4.1.1. Les paléokarsts du Jurassique supérieur 31
4.1.2. Les paléokarsts du Paléocène 32
4.1.3. Les paléokarsts du Néogène au Quaternaire 34
4.2. Les causes des variations du niveau de base responsables de telles amplitudes 34
4.2.1. L'eustatisme 34
4.2.2. La géodynamique 35
4.2.3. L'hypothèse d'un bassin endoréique au Paléocène 39
Conclusion 45
Bibliographie 47
Annexes 49
2
Introduction
Parmi toutes les provinces karstifiées péri-Méditerranéennes, le Languedoc est une de
celles où la géodynamique est la plus diversifiée et la mieux contrainte [Arthaud&Laurent,
1993 ; Combes,1990 ; Seranne,1999]. En Languedoc, au cours des 100 derniers millions
d'années, se sont succédés orogenèses, riftings, et endoréisme, qui ont soulevé, enfoui,
déformé, translaté, fracturé, et segmenté les massifs carbonatés téthysiens.
La formation et l'architecture des réseaux karstiques, souvent superposés et réactivés,
dépendent en premier lieu de l'évolution géodynamique des provinces carbonatées situées
entre zones amonts et la Méditerranée [Camus, 2003]. En particulier, uplift, subsidence,
assèchement et ennoiement déterminent des variations du niveau de base, responsable de
karstification, colmatage et décolmatage. Les épisodes successifs de karstification sont autant
d'épisodes de formation de réservoirs.
L'étude des paléokarsts des massifs du Nord de Ganges s'inscrit dans une étude qui
vise à caractériser les propriétés des réseaux karstiques, dont la géométrie 3D résulte de
l'interaction entre la géodynamique et l'évolution du niveau de base lors d'épisodes successifs
de karstification. L’analyse des paléokarts et des remplissages karstiques de la région de
Ganges qui fait l’objet de cette étude, vise à développer un nouvel "outil paléokarst" en tant
qu'enregistreur des évènements géodynamiques. D’autre part, la découverte de paléokarsts à
remplissages marins Paléocène dans cette région [Combes et al, 2007] remet en cause sa
paléogéographie, fournit un moyen de dater certains remplissages et contraint la position du
massif par rapport au niveau de la mer. L'objectif de ce travail consiste à mesurer les
amplitudes de variations du niveau de base et d’en discuter les causes.
La quantification des variations du niveau de base est permise grâce à l'incision des
canyons du Rieutord et de l'Hérault au sein des massifs calcaires, formant des gorges très
encaissées, de plusieurs centaines de mètres de profondeur. C'est le seul endroit dans la région
où l'incision récente des cours d'eau, permet l'observation des cavités karstiques remplies de
sédiments internes, sur plus de 400 mètres de dénivelé.
Cette étude, axée sur la cartographie des systèmes karstiques et l'étude
sédimentologique du remplissage, distingue plusieurs types de remplissages, de faciès et
d'âges différents, permettant la discussion de leur répartition spatiale en terme d'évolution du
niveau de base au cours du temps. Les phases successives de karstification et de remplissage
sédimentaire, sont placés dans l’évolution géodynamique de la région. Aussi, la quantification
des variations du niveau de base apporte des contraintes sur l’origine eustatique ou tectonique
de ces variations.
3
1. Contexte géologique
La zone d'étude se situe à l'interface entre le socle des Cévennes et les séries
Mésozoïques carbonatées de la couverture, les Causses et les Garrigues. La faille des
Cévennes héritée de structures hercyniennes, partage les terrains en deux grands ensembles :
au Nord-Ouest, la terminaison méridionale des Cévennes qui disparait sous la surface des
Grands Causses, grands plateaux de séries tabulaires datant du Jurassique ; au Sud-Ouest, la
zone des Garrigues : une succession de collines calcaires Mésozoïques et de petits bassins
continentaux du Cénozoïque (fig 1).
Figure 1 : Carte géologique simplifiée (Seranne, 2002), présentant la zone étudiée dans son contexte
géologique actuel.
4
En Languedoc Roussillon, les séries Mésozoïques marines sont déposées lors de
l'ouverture de la Téthys, dont le rifting commence au Trias à l'Hettangien. Les failles des
Cévennes et de Nîmes, d'orientation SW-NE, jouent alors en failles normales. La région se
trouve, sur la marge Nord Téthysienne à la transition entre un haut-fond et le domaine marin
franc du bassin du Sud-Est [Baudrimont & Dubois, 1977 ; M.Gottis, 1957], à des
bathymétries peu profondes et sous un climat chaud, favorable à la mise en place d'une
plateforme carbonatée qui prend forme au Lias et se développe jusqu'au Tithonien
(Jurassique supérieur). Les séries s’épaississent vers le bassin (fig 2).
Au Jurassique supérieur, la plateforme carbonatée connait son apogée. Elle débute à
l'Oxfordien, largement transgressif, signant le début d'un nouveau grand cycle sédimentaire.
La stratigraphie évolue jusqu'au Tithonien avec le développement d'une barrière récifale
positionnée sur les failles bordières de la zone [Baudrimont & Dubois, 1977].
Au Crétacé inférieur, la région enregistre une sédimentation marno-calcaire qui montre
l'approfondissement du bassin vers l'Est. Au Crétacé "moyen", la région connait une
émersion : l'Isthme Durancien . Cet évènement se traduit par un uplift responsable de l'érosion
de la couverture Néocomienne [Amouroux, DEA ,2003 ; Seranne et al, 2002]. La présence de
bauxites, issues de l’altération des marno-calcaires et du socle, reposent sur la surface
d’érosion allant du Valanginien au Jurassique moyen [PJ Combes, 1990] et sont recouvertes
par le Maastrichien continental (Rognacien). Cela met en évidence cette longue période de
hiatus, d'environ 70Ma (fig 3).
Zone d'étude
Figure 2 : Coupe NW-SE de la marge occidentale de la Téthys. Localisation de la zone d'étude sur la bordure du bassin, à la limite avec les Cévennes.
5
Figure 3 : Reconstitution paléogéographie du Sud de la France, lors de la période de l'Isthme Durancien,
zone émergée, séparant le bassin Vocontien et le bassin sud Provencale. (Combes, 1990)
La période du Crétacé supérieur au Néogène était considérée continentale jusqu'à
récemment, mais la découverte de dépôts marins épars, sur les Causses et les Garrigues
[Alabouvette et al,1984 ; Alabouvette et al, 1988] montre des signes de transgressions
marines au cours du Crétacé terminal.
Dans la région, l'enregistrement sédimentaire reprend à l'Eocène inférieur, avec des
dépôts syntectoniques continentaux mis en place lors de la compression Pyrénéenne. On
observe donc une lacune de dépôts datant du Paléocène. Cependant de récents travaux ont
montré localement, la présence de sédiments marins, datés du Paléocène, piégés dans des
karsts [Combes et al 2007].
Le massif étudié se trouve au Nord de Ganges (annexe 1), entre les canyons de
l’Hérault, du Rieutort et de la Vis, donnant une morphologie et une typologie de domaine
karstique en amont du paysage (fig 4). Il présente des traces d'anciens épisodes de
karstification (paléokarst), structures héritées de l'histoire postérieure à l'émersion de la
plateforme Mésozoïque.
6
Figure 4 : Position des karsts de la bordure sud cévenole, sur le transect géologique entre les Cévennes et la Méditerranée (d'après Camus, 2003).
S N
7
2. Karts et Paléokarst : Origine et formation
2.1. Terminologie et géomorphologie du karst.
Le karst est un paysage qui se développe en domaine calcaire; tout du moins, dans une
formation susceptible de se dissoudre sous l'action de l'eau météorique. Les pré-requis
nécessaires au développement d'un karst sont donnés par des facteurs externes et des facteurs
internes [Flugël, 2004]. Les facteurs intrinsèques influençant le développement du karst sont
la lithologie même du massif (composition minéralogique, pureté de la roche, texture...) et ses
propriétés structurales (perméabilité, fractures...). Le facteur externe prépondérant, concerne
la nature du fluide, qui doit être sous saturé en éléments solubles et chargé en CO2, lui
procurant un caractère acide qui accélère la dissolution. Les autres facteurs externes sont le
climat, le niveau de base, la végétation et le temps de karstification. Les conditions
climatiques influent sur le type de paysage permettant une karstification plus ou moins
développée [James&Coquette, 1988]. La terminologie et la caractérisation géomorphologique
faites ci-après permettent une visualisation schématique, mais standard permettant la
définition des termes du modèle karstique. Il faut avant tout différencier le karst en terme de
karstogenèse et d'hydrogéologie. Le terme "karstogenèse" définit la morphologie du karst, et
les termes hydrogéologiques, sa fonction (fig 5).
Figure 5 : Distribution spatiale des processus et des morphologie karstiques d'après Camus, (2003).
Définitions hydrodynamiques et morphologiques.
8
2.2. Le remplissage karstique
Il existe plusieurs types de remplissages karstiques. D'une part, on différencie les
dépôts karstiques au sens strict du terme. Ils sont liés au fonctionnement hydrodynamique
propre au karst, issus de l'altération et la dissolution du massif incorporant des éléments
allochtones détritiques. On obtient trois types de remplissages par ce processus [Camus,
2003]:
- les remplissages détritiques argileux, dont les plus répandus sont des argiles de décantation
très souvent remaniées au sein du massif karstique,
- les remplissages détritiques fluviatiles composés de dépôts clastiques et sableux, dont la
nature nous renseigne sur leur provenance.
- les spéléothèmes et ciments calciques. Le concrétionnement est particulièrement abondant
dans les premières dizaines de mètres sous la surface. Les ciments calciques eux, permettent
de différencier le domaine dans lequel ils se développent et de distinguer le milieu météorique
vadose du domaine météorique phréatique (fig 6).
Figure 6 : Mise en évidence des différents domaines (phréatique ou vadose) au sein d'un karst sous
influence marine et météorique d'après James&Choquette, (1988)
D'autre part, on trouve dans les massifs karstifiés, des remplissages intrakarstiques
issus d'un autre processus, dont la cause n'est plus liée au fonctionnement hydrodynamique
karstique. C'est le cas de remplissages causés par des dépôts volcaniques (volcano-
sédimentaires) ou marins qui sont piégés dans le karst.
Le remplissage de dépôts intrakarstiques marins ou karstiques dépend de la position
du massif par rapport au niveau de base, d'où l'introduction de cette notion importante.
Le niveau de base représente une surface théorique dynamique contrôlée par
l'interaction de deux facteurs qui sont l'eustatisme mondial et la géodynamique. Il est à
l'origine, de la morphologie des profils d'équilibre des cours d'eau, ainsi que la répartition
entre érosion, transport et dépôt (fig 7).
9
Figure 7 : Schéma présentant le niveau de base, dont la position répartie les zones d'érosion, de transport
et de dépôt, en fonction d'un profil amont-aval.
Le niveau de base karstique est interne au karst, en relation avec le point
topographique le plus bas sur lequel se cale l'exutoire du massif. Il conditionne le
fonctionnement, l'état énergétique et la structure du système karstique [Camus, 2003]. La
notion d'équilibre dynamique des systèmes karstiques en découle directement, notamment à
l'échelle de l'évolution sur une longue durée, contrôlant la transformation de la structure du
drainage par adaptation continue et progressivement, par ouverture, isolation ou fermeture du
système karstique [Camus, 2003].
Au sein d'un karst, la position du niveau de base est responsable d'une répartition des
faciès de remplissages. Au dessus du niveau de base, on observe un colmatage des réseaux par
écoulements torrentiels, donnant un sédiment témoignant d'une haute énergie (fig 8.1). En
dessus du niveau de base, on observe l'ennoyage des réseaux par inondation donnant un dépôt
de sédiments fins laminés (fig 8.2).
Figure 8 : Type de dépôts associés à l'hydrodynamique souterraine,
suivant sa position amont-aval, d'après Seranne (2009).
1
2
10
2.3. Variation du niveau de base : processus de formation des paléokarsts.
D'après Camus (2003), "le terme de paléokarst est employé pour définir tout type de
formes ou de sédiments karstiques ou intrakarstiques scellés au sein des couches
géologiques." La formation d'un paléokarst modélise le comblement et la fermeture d'un
système karstique. La notion de niveau de base est fondamentale pour comprendre ce
phénomène, car ces variations sont à l'origine même de la formation des paléokarsts. Lors de
la baisse du niveau de base, la karstification s'encaisse plus profondément dans le massif. Lors
de la remonté, les cavités créées par l'épisode de karstification antérieur se ré-ennoient.
Les causes de variations du niveau de base sont liées aux variations eustatiques et/ou
aux mouvements verticaux du massif (surrection, subsidence).
Concernant les variations eustatiques, la chute du niveau marin entraine la baisse du
niveau de base vers un nouvel équilibre. Lors d'une transgression, le niveau de base remonte,
jusqu'au recouvrement du massif par la mer dans certains cas (fig 9.1). Lors de mouvements
causés par la géodynamique, le niveau de base doit accommoder la subsidence ou la
surrection, entrainant respectivement la hausse du niveau de base ou son encaissement au sein
du massif, afin de retrouver sa position d'équilibre (fig 9.2).
Il existe des paléokarsts dans de nombreux endroits au monde. L'intérêt de leur étude
est maintenant reconnu, pour de nombreuses raisons. Ils ont attiré l'attention des géologues
minier car ils présentent souvent des gisements de bauxites, de phosphates, de PB-Zn
[Aubagne, 1974], et peuvent constituer des réservoirs pétroliers comme dans le cas de celui de
Rospo Mare en mer Adriatique [Soudet et al, 1994]. Ils sont de plus en plus considérés
comme des réservoirs potentiels hydrogéologiques. De plus c'est un nouvel outil en tant
qu'enregistreur aussi bien géomorphologique que de paléofonctionnements (fluviales, niveau
de base), ou paléoclimatiques (altération, indicateur de pédogénèse tropicale, action
cryoclastique), ainsi qu'en tant que marqueurs géologiques (jalon chronostratigraphique).
11
Figure 9 : 1) Considérons une région sans
bouleversements tectoniques majeurs.
Etape 1 : niveau eustatique = niveau de base, si les
conditions climatiques le permettent, la plateforme
carbonaté se développe.
Etape 2 : une régression marine, entraine la chute
du niveau de base qui crée une karstification qui se
développe jusqu'au nouveau profil d'équilibre,
directement lié à la nouvelle position du niveau de
base.
Etape 3 : une transgression marine, entraine une
remontée du niveau de base, le niveau
piézométrique de l'aquifère remonte avec celui ci.
Si la remontée eustatique est très importante, le
niveau marin peut passer au dessus du sommets
des massifs, l'ennoyer et déposer des sédiments
marins dans les cavités créées précédemment.
2) Considérons un niveau eustatique fixe.
Etape 1 : niveau de base = niveau eustatique, le
massif est sous l'eau.
Etape 2 : Imaginons un uplift qui survient dans la
région créant la surrection du massif. Le niveau de
base, relié à la mer, s'encaisse, ou s'enfonce en
développant son réseau karstique.
Etape 3 : Imaginons une subsidence, responsable
de l'enfoncement du massif, dont le sommet
repasse sous le niveau eustatique. La mer ré-ennoie
le système et dépose au sein du karst, des dépôts
marins.
1
2
12
3. L'étude des remplissages des paléokarsts de la région de
Ganges (34)
Dans la région de Ganges (annexe2), on observe des remplissages de cavités et de
fissures par des sédiments, postérieurs à la mise en place du massif. L'étude des remplissages
paléokarstiques, éléments d'enregistrement sédimentaire, permet une nouvelle approche de
l'histoire géologique qu'a subit ces massifs. Le remplissage paléokarstique possède un
potentiel d'enregistrement des évènements sédimentaires et tectoniques important. Cette
propriété est due à sa position protégée et confinée au sein même du massif qui permet la
préservation du sédiment interne en profondeur, dont l'équivalent en surface peut disparaître
plus facilement, par altération ou érosion. L'étude du remplissage peut alors apporter des
nouvelles connaissances sur l'évolution qu'à subi le massif après sa mise en place.
La caractérisation du remplissage se fait suivant sa morphologie, son faciès ainsi
qu'une éventuelle datation permise par son contenu fossile.
3.1. La morphologie des remplissages.
Au moment du dépôt, les éléments qui contrôlent la forme du remplissage karstique
sont la forme de la cavité, l'hydrodynamique au sein du karst, le type de matériel transporté et
le soutirage karstique. Après son dépôt, le remplissage continue d'être affecté par le soutirage
jusqu'à sa lithificaction. De plus, il peut être remodelé par les évènements tectoniques
(déformations, failles, chevauchements, effondrements...).
Dans la plupart des cavités observées, le remplissage karstique semble horizontal (fig
10). Souvent, les strates sub-horizontales sont clairement visibles et mesurables. Mais par
endroits, différents processus post- dépôts affectent la morphologie du remplissage et faussent
la lecture du pendage originel.
Figure 10 : Alternance de croissance de calcite drusique phréatique et séquence de remplissage horizontal.
N S
13
Le cas le plus fréquent est due au soutirage karstique. Ce phénomène est due à la
déformation des sédiments internes vers le bas, par entrainement gravitaire, à la manière d'un
entonnoir. On l'observe aussi bien à l'échelle d'une poche karstique (fig 11.2), qu'à celle de
l'échantillon (fig 11.1) ; c'est le même principe à l'échelle d'une grande cavité (fig 11.3).
Malgré ces interférences -liées au fonctionnement même du karst- on peut affirmer
qu'en intégrant les pendages centripètes des cavités soumises à soutirage, une grande partie du
remplissage karstique de cette région est horizontal.
Il existe deux cas, où le remplissage n'est pas considéré comme tel :
- Lorsque celui ci est clairement parallèle à la stratigraphie, qui a un pendage de 20°
vers le Sud. Ce cas est observable côté rive gauche du Rieutord, (emplacement 1, fig 12.1) à
une altitude d'environ 390m (fig 13). L'échantillon prélevé sur cet affleurement est EG7
(fig12.1). C'est le seul affleurement où l'on voit le sédiment clairement contenu dans la
stratigraphie, avec le même pendage.
Figure11 : Soutirage karstique. 1) visible à l'échelle de l'échantillon. 2) dans une petite cavité de taille centimétrique. 3) dans une poche karstique de l'ordre de la dizaine de mètres.
1cm
1 2
3
14
Profil Rieutord Profil Hérault
1)
2)
3)
Figure 12 : Position des échantillons sur les profil le long du Rieutord et de l'Hérault présentant 1) la disposition
du remplissage. 2) les faciès de remplissage. 3) et leur datation. Les traits des coupes de l'Hérault et Rieutord se
trouvent en annexe 1.
15
- Lorsque le remplissage est affecté par des phénomènes tectoniques postérieurs au
dépôt, la restitution du pendage interne initial est compliquée. En effet, sur le terrain, on
observe la déformation du remplissage causée par différents processus tectoniques. Côté rive
gauche de l'Hérault (emplacement 2, fig 12.1), on trouve une poche karstique dont les
sédiments internes sont affectés par un pli déversé vers le Nord (fig 14.1). Cette structure
inexplicable par soutirage karstique, résulte d'un chevauchement entrainant la formation d'un
pli dans les sédiments internes (fig 14.2). Ces structures correspondent à une compression NS.
Le long de la route D988, (emplacement 3, fig12.1), on trouve des miroirs de failles
décrochantes conjuguées (N150 et N040) (fig15). Ces failles présentent des stries qui
Figure 14 : Exemple de remplissages karstique affecté par un chevauchement. 1) photo. 2) schéma interprété
Figure 13 : 1) Morphologie de remplissage lorsque celui ci est basculé avec la stratigraphie. 2) Morphologie d'un remplissage dit horizontal.
N
NE SW
1
2
1
2
16
affectent un remplissage karstique rouge, et des cristaux de calcite dans les zones abritées,
donnant le sens de déplacement (fig 15.1 et 15.2). Selon l'orientation des décrochements et
des stries, on en déduit une direction de contrainte NS. Sur l'un des plans de faille, on observe
le remplissage d'une petite poche karstique, non déformé ni affecté par les stries, en relief sur
le miroir (fig 15.3 et 15.4). Il s’agit donc d’un remplissage karstique distinct, postérieur à
l’activité de la faille.
Figure 15 : Exemple de failles décrochantes. 1) Miroir de faille décrochante : N150 60W 10N dextre. 2)
zoom montrant la croissance de calcite dans les zones abritées, donnant le sens de déplacement de la faille.
3) Miroir de faille normale décrochante N035 60NW 15NE senestre. 4) zoom montrant un remplissage
postérieur à cette faille.
1 2
3 4
17
De l'autre côté du massif du Mont-Méjan, sur la rive droite du Rieutord (emplacement
4, fig 12.1), on observe dans un ensemble bréchique, une poche karstique contenant un
remplissage affecté par une faille normale 070N 50°S (fig 16.1 et 16.2). Quelque soit la
géométrie initiale du remplissage karstique, il est recoupé par la faille qui développe des
structures de cisaillement.
Figure 16 : 1) photo de faille normale affectant une poche de remplissage karstique. 2) Schéma
interprétatif.
L’ensemble de ces observations dans le massif entaillé par le Rieutord et l'Hérault,
montre plusieurs types de remplissages (fig 12.1) :
- un remplissage parallèle à la stratigraphie de l'encaissant calcaire (EG7). Le sédiment interne
s'est donc déposé quand les couches du massif calcaire étaient encore horizontales, donc avant
le basculement de la série.
- un remplissage horizontal, qui s'est mis en place une fois le massif basculé.
- un remplissage affecté par deux tectoniques différentes : l'une compressive, avec la
formation de chevauchements et de failles décrochantes, montrant une direction de contraintes
NS ; l'autre distensive, avec la présence d'une faille normale correspondant à une extension
orientée NS.
Le remplissage permet d'enregistrer et de conserver des informations au sein du karst,
et donne une datation relative de ces dépôts par rapport aux évènements tectoniques qui
affectent la région depuis la mise en place de la plateforme carbonatée Mésozoïque ; les
principaux étant l'Isthme Durancien, l'orogenèse Pyrénéenne, et l'ouverture du Golfe du Lion.
N S
18
3.2. Les différents faciès des remplissages. (planche P1a et P1b)
Il est difficile de classer le remplissage karstique en faciès, car le plus souvent, le
sédiment interne subi plusieurs histoires depuis son dépôt jusqu'à sa lithification. Il peut être
remanié plusieurs fois, lors de karstifications ultérieures, ou lors de phénomènes dit de remise
en charge du karst. La diagenèse du sédiment piégé dans le karst, transforme et recristallise
l'ensemble en effaçant l'information première. De plus, il existe une répartition des dépôts liée
à l'organisation du réseau karstique, qui rend la classification des faciès complexe.
A l'échelle macroscopique, la distinction de faciès se fait en fonction de la couleur de
l'échantillon -le plus souvent contrôlée par sa teneur en oxydes-hydroxydes- de sa texture et
sa structure sédimentaire interne ; le plus souvent laminé, mais parfois massif ou bréchique.
A l'échelle microscopique, les faciès se distinguent plus facilement, en terme de source
d'apport et de condition de dépôt. L'étude en lame mince couplée à l'observation
macroscopique permet de regrouper en 4 faciès l'ensemble des échantillons prélevés sur le
terrain :
Faciès A :
A l'échelle de l'échantillon, ce faciès se présente sous la forme d'une "pâte calcique"
type wakestone, beige à légèrement rosée, parfois ocre jaune ou ocre rouge suivant la
composition des oxydes-hydroxydes qu'il contient. Il est laminé, cela étant dû à une
alternance de granulométrie (fine à très fine) contrôlée par la nature des apports (P1a, A.1).
Le microfaciès associé est une micrite grise à microsparite de boue carbonatée avec
quelques petits grains de quartz. Le litage visible à l'échelle macroscopique résulte de la
présence de niveaux très riches en débris coquillés et fossiles marins (échinodermes, bivalves
à coquilles fines, Aptychus...) (P1a, A.2)
Faciès B :
A l'échelle de l'échantillon, ce faciès ressemble à un grès très fin à moyen, de couleur
beige à rouge, laminé. Le litage observé correspond à des niveaux plus ou moins chargés en
oxydes-hydroxydes. (P1a, B.1)
Au microscope, le remplissage correspond à un mélange de microsparite et de grains
de quartz dont la teneur varie de 10 à 50%. La présence d'oxydes-hydroxydes associée à ce
faciès est responsable de la lamination visible à l'échelle macroscopique et liée à la nature des
apports constituant le sédiment interne. (Pa, B.2)
Faciès C :
Il s'agit d'un faciès assez hétérogène. Il correspond à un remplissage calcique assez pur
et/ou d'une boue carbonatée de couleur rouge-ocre souvent laminée et parfois massif.(P1a,
C.1). A l'échelle microscopique, la boue calcique est souvent associée à des micro-nodules
d'oxydes de fer, donne une micrite à microsparite souvent fortement recristallisée. Sa couleur
rouge-orangée est liée à la présence d'oxyde-hydroxydes diffusés dans le milieu,. Ce
remplissage est souvent associé à une croissance de calcite sparitique qui se développe dans
les vides du remplissage ou de la cavité. Cependant, on observe aussi le faciès C qui rempli
les géodes de calcite.(P1a, C.2)
19
Planche 1a : les faciès A, B et C
Faciès A : 1) Echantillon de remplissage à granulométrie très fine, laminations par la présence d'oxydes-
hydroxydes, dont la précipitation se fait séquente aux dépôts. Echantillon EG8 représentatif du faciès A. 2)
micrite à microsparite, chargée en débris coquillés, échinodermes et cristaux de calcite.
Faciès B : 1) Echantillon de remplissage de calcite gréseuse, présentant des lamines causées par la présence
d'oxydes-hydroxydes et des figures de déformation. 2) microsparite à sparite noyée dans une matrice
fortement chargée en oxydes-hydroxydes, forte présence de quartz, ici supérieur à 50%.
Faciès C : 1) Echantillon composé d'une éponte de croissance de calctique phréatique et d'un sédiment
interne rouge, de type silts vadose. 2) micrite très fine de couleur rouge sombre à grise associée à une
dolomitisation secondaire.
2 1
1 2
2 1
20
Planche 1b : le faciès D
Faciès D : 1) Echantillon de remplissage (EG13) à granulométrie moyenne, laminé à sa base, recouvert par
une série de dépôt plus grossier constitué de galets roulé de quartz, de schistes verts, et de nodules de fer. 2)
première séquence de dépôt constituée de petits éléments détritiques (quartz, feldspath, éléments ferreux,
micas), interpénétrée lors d'un second dépôt des même éléments, mais plus grossiers cimentés par de la
calcite.
2
1
21
Faciès D :
A l'échelle de l'échantillon, ce faciès varie d’un conglomérat à un grès fin. Lorsque les
éléments le constituant sont visibles, on peut y déceler des petits galets de quartz roulés, des
nodules de fer, et des morceaux de schistes des Cévennes verts, dans une matrice de calcite.
(P1b, D.1)
On retrouve ces éléments lors de l'étude microscopique, dont la granulométrie varie
suivant les échantillons prélevés. (P1b, D.2)
Par sa composition, ce faciès se distingue des autres. Il signe une source d'apports
détritiques (quartz, schiste, nodule de fer) à rechercher dans les Cévennes.
En replaçant les différents faciès sur les profils NS des massifs de la région, côté
Rieutord et côté Hérault, on peut observer la distribution de ces faciès sur une coupe verticale
de près de 400 mètres d'épaisseur. On remarque une disposition non aléatoire de certains
faciès (fig 12.2).
Le faciès A, se retrouve surtout dans les zones sommitales des massifs et n'apparaît
plus en dessous 390 mètres d'altitude (fig 12.2). Les échantillons sont composés d'une micrite
fine et homogène, pas du tout à faiblement oxydés, laminés mais sans trace d'énergie
hydrodynamique, dont le processus de dépôt s'apparenterait à de la décantation dans un
environnement calme.
Le faciès B, riche en quartz, est essentiellement concentré dans les zones basses de la
topographie mais se retrouve sur l'ensemble de la hauteur du massif (fig 12.2). La forme des
dépôts perturbés et chargés en oxydes-hydroxydes, signe la présence d'un courant et d'une
énergie hydrodynamique. Certains échantillons montrent une déformation causée par une
surpression hydrostatique, qui écrase le sédiment. Cette morphologie de remplissage est une
conséquence directe de la dynamique type karstique. De plus la présence non négligeable de
grains de quartz témoigne d'un apport extérieur au massif calcaire.
Le faciès C, recouvre l'ensemble de la zone des massifs (fig 12.2), des sommets
jusqu'au fond du lit des deux canyons. C'est un dépôt propre au fonctionnement du karst, entre
apports lors d'infiltration et croissance de cristaux de calcite phréatique.
Le faciès D se retrouve à différentes altitudes et le long des deux profils (fig 12.2). Sa
composition signe un environnement détritique, qui trouve sa source dans les Cévennes. Les
échantillons de faciès D situés dans les parties les plus hautes, correspondent à des micro-
conglomérats de petits galets agglomérés, typiquement représenté par l'échantillon EG13 (fig
12.2, P1b.D) , alors que ceux retrouvés sur les bas de pentes et dans le lit des canyons
(EG23, EG31), possèdent une granulométrie inférieure, présent sous forme de grès grossiers à
moyens (fig 12.2).
22
3.3 Contenu paléontologique des remplissages et datations (planche P2)
Les déterminations des faunes se font par étude en lames minces, faites à partir des
échantillons prélevés sur le terrain. La détermination faunistique a été réalisée par Bernard
Peybernès et Marie-José Fondecave-Wallez (Toulouse). Par cette méthode, on distingue deux
âges dans ces remplissages.
Le premier, mésozoïque au sens large, est signé par la présence d'Aptychus (becs
d'ammonite, (P2, A)) qui sont difficiles à identifier à cause de la recristallisation de leur
structure interne. Dans les lames minces, associés à cette espèce, on retrouve des
échinodermes, des bivalves à coquilles fines, des pentacrines et de nombreux fragments
coquillés, qui signent un environnement de dépôt marin. Plus précisément, la présence de
microfilaments, permet d'affiner la datation de ce premier remplissage qui serait d'âge
Jurassique supérieur.
L'origine de la faune contenue dans les remplissages karstiques peut poser des
problèmes : est ce que les fossiles contenus dans l'encaissant calcaire peuvent, par dissolution
différentielle, se retrouver dans le remplissage? On observe un affleurement sur le chemin du
Mont-Méjan, où l'on voit se dégager de l'encaissant calcaire, des pentacrines (emplacement 2,
fig 12.1 et fig 17.1), que l'on retrouve mélangées aux sédiments de remplissage, plaqués sur
ce même calcaire (fig17.2). Ce cas n’a été observé qu’une seule fois et son cas ne peut pas
être généralisé.
Figure 17 : 1) Pentacrines contenues dans l'encaissant calcaire. 2) Pentacrines retrouvées dans le
remplissage lors de la dissolution de l'encaissant.
L'identification de foraminifères planctoniques (P2, B), trouvés par Marie-José
Fondecave-Wallez et Bernard Peybernès, dans certaines lames minces, permet de mettre en
évidence un second remplissage, dont le dépôt s'est fait au Paléocène (tableau1). L'ensemble
des foraminifères déterminés en lames minces est détaillé en annexe 3. La présence de cette
faune témoigne, là encore, de l'origine marine certaine de ces sédiments internes, mais
différente de celle du Jurassique. Les échantillons à faune Jurassique du faciès A n’ont pas
livré de foraminifères du Paléocène, et inversement.
23
Planche P2 : la faune contenue dans les remplissages
A) Faune Mésozoïque :
=> Ap, Aptychus et Ec, échinodermes
B) Faune Paléocène :
Quelques exemples de foraminifères planctoniques trouvés dans certaines lames, permettant de
rapporter le remplissage à un épisode marin au Paléocène. Le détail des foraminifères trouvés dans chaque
lames est répertorié tableau 1 et en annexe 3.
MM1, Morozovella EG62, Parasubbotina variospira EG46, Globanomalina imitata
EG14, Eoglobigerina spiralis EG59, Praemurica EG59, Subbotina triloculinoides
EG62, Igorina pusilla EG8, Acarinina strabocella EG21, Igorina pusilla
Ap
Ec
24
De plus une étude de quelques échantillons, sur nanofossiles, confirme l'origine marine au
Paléocène. L'échantillon EG10, présente les espèces suivantes : Sphenolithus primus,
Neochiastozygus perfectus, Prinsius cf. martini, Ellipsolithus macellus, Toweius sp.,
Fasciculithus sp., Braarudosphaera bigelowii, Thoracosphaera sp., correspondant à la
biozone N4 de la zonation de Martini (1971), d'âge fin Danien-début Sélandien.
Ces datations, permettent donc de distinguer deux épisodes distincts de remplissage
marin. Les âges correspondant aux échantillons datés ont été replacés sur les profils NS des
massifs de la région coté Rieutord et côté Hérault (fig 12.3).
La compilation des espèces trouvées dans les différentes lames permet de dresser un
tableau d’occurrence de ces foraminifères dans ces lames minces (tableau 1). Si le
remplissage marin du Paléocène n'appartient qu'à un seul évènement, on pourrait dater cet
épisode assez précisément, grâce à la faune trouvée dans les lames minces. Si on superpose
les intervalles d’existence de ces foraminifères planctoniques (tableau1) , on observe que
l'intervalle commun correspond à la zone P3, au début du Selandien (-61/-58,7Ma).
Tableau 1 : Distribution stratigraphique des foraminifères planctoniques observés dans les échantillons de
remplissage des paléokarsts échantillonnés, d'après Olsson&al (1999). Mise en évidence d'une période
réstreinte pouvant permettre le dépôt des tous ces foraminifères. Les lames PCD, ne sont pas représentés
sur les différentes coupes de l'étude, mais proviennent des mêmes massifs du Nord de Ganges.
Jusqu'à présent, aucun remplissage échantillonné ne contient de mélange
paléontologique d'âge différent, permettant d'exclure un éventuel remaniement entre les
sédiments présents.
25
3.4 Discussion des observations
En reportant les observations faites précédemment, sur une coupe passant par les deux
canyons du Rieutord et de l'Hérault (fig 18), on peut discuter et croiser les informations
récoltées sur le terrain .
On remarque que plusieurs faciès différents sont datés du même âge, Paléocène. On
peut avancer plusieurs hypothèses concernant cette observation.
Le faciès A se situe uniquement sur les hauteurs; on ne le retrouve pas, en dessous de
390 mètres. On pourrait penser qu'une telle distribution est directement liée à l'organisation
interne de karst. Mais contrairement aux autres faciès qui se retrouvent sur toute l’épaisseur
du massif, c'est le seul faciès qui est limité à une position du massifs. L'ensemble des faciès ne
semble donc pas contrôlé par ce phénomène de karstogenèse. Le faciès A ne présente aucune
structure d'énergie de dépôt, ce qui suggère un processus de décantation. Il est souvent riche
en débris coquillés, et totalement dépourvu d'éléments détritiques. Ce faciès A représente un
dépôt intrakarstique, issu d'un processus extérieur à l'hydrodynamique karstique. Lors de ce
dépôt, le karst ne possède plus sa fonction propre, c'est un autre processus qui rempli son
réseau. Ce pourrait être le sédiment typique, piégé dans un karst, lorsque celui-ci est
entièrement recouvert par l'eau à une bathymétrie relativement importante.
Le faciès B a été différencié par la présence de quartz dans la plupart des échantillons,
révélant une provenance d'éléments détritiques extérieurs au massif calcaire. La déformation
des lamines de ce sédiment interne tend à montrer que son dépôt se fait sous pression
hydrostatique importante, qu'il y a du transport et de l'énergie. Ce faciès représente un dépôt
karstique, causé directement par le fonctionnement propre du karst : les éléments issus de
l'altération et de la dissolution de l'encaissant calcaire incorporent des éléments extérieurs au
massif. Ils sont entrainés lors de l'infiltration et sédimentent dans le karst. Malgré cette part
détritique, ce faciès contient, dans au moins un échantillon (EG46), des foraminifères
planctoniques marins datés du Paléocène. Ce faciès pourrait être la conséquence directe d'un
remplissage causé par le mélange entre la dynamique hydraulique du karst transportant une
part détritique liée à l'infiltration et un apport intrakarstique contenant une faune marine. Ce
faciès se retrouve sur toute la hauteur de la coupe, des sommets jusque dans les lits des cours
d'eau, prouvant que ce processus affecte l'ensemble du massif.
On retrouve ce même type de faciès dans la région, à 40 km au Sud Ouest de Ganges,
sur le Causse de Campestre, dans le bassin de Lodève. Ce massif présente des paléokarsts à
remplissages marins, dotés d'une fraction gréseuse non négligeable. De plus, on retrouve des
traces de sédimentation de domaine marin qui affleurent en on-lap, à la surface de ce massif
(fig19). Cette sédimentation est causée par une montée du niveau de base. Ce type
d'affleurement est le résultat de l'interaction entre la dynamique karstique du massif aérien et
une influence marine que l'on trouve dans des îles en domaine littoral (fig19).
26
Mont Méjan
Figure 18 : Coupe transversale SW-NE des massifs au Nord de Ganges. Les échantillons sont reportés sur un même trait de coupe (annexe 1), afin de faire
ressortir leur disposition verticale. On superpose sur ce profil le faciès des échantillons et les âges des remplissages pour les échantillons datés.
27
Figure 19 : représentation schématique du cas de Campestre, dont le dénivelé de la base, au sommet est
d'environ 150 mètres. Massif à l'heure actuelle présentant des remplissages paléokarstiques témoignant
d'apports mixtes (marins et continentaux) recouvert par des patches de résidus sédimentaires marins. La
couleur des traits pointillés modélise le niveau marin responsable du dépôt associé.
Le faciès C est un dépôt typiquement karstique (lié au fonctionnement même du
karst), mais la proportion extrêmement faible de quartz (apports extérieurs incorporés) que
l'on retrouve dans ce faciès n'est en aucun cas comparable à celle contenue dans le faciès B.
En revanche il signe la même interférence entre dynamique karstique et apports marins
(présence de foraminifères). La deuxième hypothèse pouvant être faite, pour justifier la
présence de foraminifères planctoniques marins du Paléocène dans le faciès C, serait
d'impliquer un processus de remaniement. Dans ce cas, ce phénomène pourrait avoir eu lieu,
après l'épisode de remplissage marin Paléocène. Le massif, se retrouvant à l'air libre et au
dessus du niveau de base, il aurait repris une fonction hydrodynamique karstique, permettant
lors de mise en charge brutale du karst, un décolmatage des cavités précédemment remplies
de sédiments marins. Les sédiments marins précédemment intrakarstiques, se retrouvent alors
remaniés et transformés en sédiments karstiques lors de leur re-dépôt.
La disposition des faciès A, B et C, dans le massif suggère (au moins) deux phases
distinctes de remplissage.
Le faciès A présente une sédimentation calme marine au sein du karst, pouvant
représenter le stade où le massif karstifié est totalement sous le niveau marin, avec une
bathymétrie plus ou moins importante. Le fait de ne retrouver ces faciès qu'aux niveaux les
plus hauts du massif appuie cette hypothèse (fig 20).
La présence du faciès B signe un mélange d'apports marins (signés par la faune
marine contenue dans le remplissage), avec un apport aérien ou continental transporté par la
partie émergée du massif calcaire soumis à karstification. Ce faciès ce retrouvant à plusieurs
altitudes (fig 18), montre que ce mélange s'est fait sur l'ensemble du massif. On peut supposer
qu'il se met en place lors de conditions littorales, dont la position varie en fonction de la
montée et la descente du niveau marin (fig 20).
Les remplissages datés du Paléocène comportent ces deux faciès (fig 18). Il est donc
possible que ces deux stades soient survenus l'un après l'autre, avec une étape où le massif est
28
totalement immergé (faciès A), et une étape intermédiaire, qui pourrait marquer la montée ou
la baisse de ce niveau de base. Dans ce modèle, on peut interpréter le faciès C, comme le
témoin de la phase de karstification survenant après l'ennoiement, lors de l'émersion du
massif. Le fonctionnement karstique redevient alors, le facteur contrôlant la sédimentation au
sein du massif, avec ses caractéristiques propres, dont l'éventuel remaniement des sédiments
marins déposés précédemment.
Figure 20 : Exemple de disposition des faciès à un temps donné suivant l'ennoiement du système, dans un
modèle paléogéographique de type îles isolés.
Le faciès D que l'on trouve dans certains sédiments de remplissage, n'est pas daté par
des fossiles. Cependant, sa composition signe un environnement détritique, distinct des autres
faciès, avec la présence de quartz, nodules de fer et de schistes.
Dans notre zone d'étude, on trouve des sédiments résiduels conglomératiques signant
des paléo-surfaces recouvertes par des galets de quartz roulés et d’exsudats de quartz de
différentes tailles, mélangés à des alluvions sidérolithiques et à des galets de schistes. La
présence de ce dernier élément, suggère un apport depuis l’amont cévenol situé au nord. Ces
dépôts n'ont pu se faire qu'après le rifting de la Méditerranée occidentale (Oligo-Aquitanien),
lorsque le sens des écoulements a commencé à ce faire du Nord vers le Sud [Maerten et
Seranne, 1995]. En aval de Ganges, sur le Thaurac et le le plateau du Causse de la Selle, on
observe des conglomérats composés de ces même clastes. Ils sont interprétés comme des
sédiments fluviatiles Miocène [Eme, DEA, 2007]. Ce paléo-épandage d'alluvions dont
l'apport venait des Cévennes (paléo-Hérault), recouvrait le massif étudié (fig 21). Ce faciès se
retrouve le long des versants jusque dans le lit des cours d'eau (fig 21), et signe l’incision des
cours d’eau depuis la paléo-surface. L’incision de ce réseau se situe dans l'intervalle
Serravalien-Tortonien [Seranne et al, 2002]. Le développement du réseau fluvio-karstique
[Baschet, 2002] formé par "dissolution sous couverture alluviale", s'est ensuite enfoncé
progressivement suivant la baisse du niveau de base du paléo cours d'eau de l'Hérault.
29
Mont-Méjan
Figure 21 : coupe SW-NE, modélisant les paléosurfaces sur lesquelles ont retrouve les alluvions du Miocène inférieur. L'échantillon le plus représentatif des
résidus de cette paléosurface est l'EG13, trouvé dans une poche aérienne, présentant un remplissage fluvio-karstique (P1b.D)
30
4. Quantification des amplitudes de variation du niveau de
base et discussion sur les causes de telles variations.
La datation de la faune contenue dans les remplissages montre que les paléokarsts de
la région au Nord de Ganges ont connu plusieurs épisodes de remplissages marins, d'âge
Mésozoïque et Paléocène.
Les remplissages marins du Jurassique supérieur se situent uniquement sur la partie
haute des massifs, au dessus de 390 mètres (fig 18). En revanche le remplissage Paléocène
affecte l'ensemble du massif sur toute sa hauteur (fig 18). Etant donné que le remplissage se
fait dans des cavités préexistantes, on peut donc en déduire que le phénomène de
karstification responsable de la création des cavités où l’on trouve ces deux remplissages
distincts, correspond à deux évènements distincts et espacés dans le temps : d’abord
karstification affectant uniquement la partie supérieure du massif, suivit du remplissage
Jurassique supérieur ; ensuite, une karstification affectant la totalité du massif avant le
remplissage Paléocène.
Pour chaque cycle de karstification-remplissage marin, le niveau de base est d’abord
abaissé pour permettre la karstification puis le niveau de base (dans ce cas, le niveau marin)
remonte jusqu'en haut du massif pour ennoyer le système et y déposer les sédiments marins
(fig 22).
Figure 22 : Schéma du processus de karstification-remplissage marin sur une échelle verticale
approximative. 1) Le niveau de base du massif équivaut au niveau marin, lorsque les conditions le
permettent, la plateforme carbonatée se développe. 2) Chute du niveau de base soit par surrection du
massif ou régression qui permet une karstification jusqu'au nouveau niveau de base. 3) remontée du
niveau de base et ennoiement du système par la mer.
4.1. Quantification de l'amplitude des variations du niveau de base responsables
de la formation des paléokarsts de la région de Ganges
Pour modéliser les variations du niveau de base, notamment au Jurassique et au
Paléocène, on choisit de représenter dans un premier temps, ce niveau de base fixe, en
positionnant le massif par rapport à celui-ci (fig 23). On visionne ainsi l'amplitude de ces
variations en s'affranchissant des facteurs responsables de la position du niveau de base
31
(eustatisme et géodynamique). Nous discuterons dans un premier temps la disposition des
évènements à l'origine de la formation des paléokarsts au cours des 150 Ma passées, ainsi que
la variation du niveau de base responsable de leur création.
4.1.1. Les paléokarsts du Jurassique supérieur :
La karstification responsable de leur formation s'est faite obligatoirement avant la fin
du Tithonien, puisque la faune marine du remplissage a livré un âge Jurassique supérieur. La
présence de deux remplissages contenant du Jurassique supérieur observés dans le Tithonien
(EG11) et dans la partie supérieure du Kimmeridgien (EG7, fig 18) conduit à proposer deux
hypothèses différentes, sur les conditions de formation de ce paléokarst Jurassique supérieur.
- Si on associe ces deux échantillons au même épisode de remplissage, la karstification
a donc affecté une épaisseur minimum comprise entre les sommets actuels et l'altitude de la
cavité à sédiments internes Jurassique (EG7, fig 18). Il s'agirait dans ce cas d'une séquence de
karstification, produite pendant le Tithonien, et suffisamment développée pour atteindre le
Kimméridgien. On l'appellera la karstification intra-Tithonienne.
- Si on considère que les deux remplissages sont des épisodes distincts, on admet alors
plusieurs cycles de karstification-remplissage pendant le Jurassique supérieur. En faveur de
cette hypothèse, le remplissage EG11, trouvé plus haut, contient des Aptychus beaucoup
moins bien conservés, dans une matrice carbonatée fortement chargée en oxydes-hydroxydes ,
présentant un faciès différent de l'échantillon EG7, qui pourrait être un faciès de remaniement.
L'EG7 se situe au sommet du Kimméridgien et pourrait correspondre à un phénomène
d'émersion rapide qui s'observe dans la région au cirque du Bout du Monde [J. Champagne,
2007 ; Charcosset, 1998 ; M. Lopez, 1992], dans le Bathonien. De plus, au Ranc de Banes,
contrastant avec le Kimméridgien franchement marin, le Tithonique inférieur présente des
faciès de démantèlement et des indices d'émersion qui montrent un changement radical dans
la paléogéographie régionale [Le Strat 1976].
Quantification de l'amplitude des variations du niveau de base au Jurassique (fig23):
Dans le cas d'une karstification unique pendant le Tithonien, il est impossible de
quantifier exactement la variation du niveau de base car, l'épaisseur de Tithonien préservée
sur les points hauts est d'environ une centaine de mètres, alors que la formation complète du
Tithonien atteignait 300 mètres [Le Strat, 1976] à la fin de sa mise en place. Cette épaisseur
est représentée par la barre d'erreur (fig 23) à l'étape de remplissage. Cette érosion empêche
d'évaluer l'épaisseur de Jurassique supérieur affectée par cette karstification. En revanche,
cette karstification est au moins égale à l’épaisseur comprise entre le sommet (520m) et la
cavité échantillonnée de remplissage Jurassique supérieur (390 mètres). La chute du niveau de
base responsable de cette karstification possède une amplitude d'au mois 130 mètres.
Par la suite, l'amplitude de remontée du niveau de base est au moins égale à sa chute,
afin de ré-ennoyer le karst, le remplir et fermer le système. Ensuite, le niveau de base continue
de monter afin de créer de l'espace et déposer la fin de la plateforme Tithonique. Dans ces
conditions, la formation du paléokarst du Jurassique, est causée par une amplitude de
variations du niveau de base de 130 mètres, au minimum.
32
Dans le cas d'émersions multiples pendant le Tithonien, les chutes du niveau de base
sont minimes (quelques mètres). Elles sont responsables de l’altération des surfaces
d'émersion, qu’on ne peut pas appeler karstification. La remontée se fait avec la même
amplitude et remplit les vides laissés par l'émersion, puis continue jusqu'à la fin de la mise en
place de la plateforme Jurassique. Ce cas de figure n'est pas représenté sur la figure 23; il
s'agit d’amplitudes de variation du niveau de base minimes.
4.1.2. Les paléokarsts du Paléocène
La karstification à l'origine des cavités comblées par le remplissage marin d'âge
Paléocène, s'est obligatoirement faite avant ce dépôt. Dans la région, au NW de notre zone
d'étude, sur les Grands Causses [Alabouvette et al, 1984], on retrouve des sédiments à faciès
marins datés du Turonien-Santonien, ainsi que des sédiments aux faciès : littoraux d'âge
Turonien, marin d'âge Coniacien et puis lacustre au Campanien-Maastrichtien [Seranne et al,
2002]. De plus au SE de Ganges, dans le fossé de Montoulieu [Alabouvette et al, 1988], la
présence de faune marine du Campanien suggère que le niveau de base de la région, des
Grands Causses jusque dans la zone des Garrigues est proche du niveau marin durant tout le
Crétacé supérieur. Ce n'est qu'au Maastrichtien avec l'apparition de faciès lacustres, que le
niveau de base s'abaisse. Il est important de souligner qu’on ne retrouve aucune trace de cet
épisode marin dans le remplissage paléokarstique. Si le massif avait été karstifié avant cette
époque, on devrait retrouver dans le remplissage lié à cette karstification, une faune marine
datée du Crétacé supérieur. La karstification responsable de la présence des remplissages du
Paléocène, se serait donc produite au Maastrichtien-début du Paléocène (fig 23). De plus, le
faciès du Maastrichtien trouvé sur les Causses montre une tendance de baisse du niveau de
base en allant vers des faciès lacustre [Seranne et al, 2002].
Quantification de la variation du niveau de base au Paléocène (fig 23):
Considérons le fait que la karstification s'est faite en une seule fois, avant l'épisode de
remplissage au Paléocène. L'ensemble du massif étant affecté par un réseau karstique sur
toute la hauteur de canyon visible de nos jours (350 mètres), indique qu’il a été émergé d’au
moins autant (fig 23). Le remplissage s'est fait ensuite sur toute la hauteur du massif. Il a donc
fallu que le niveau de base remonte d'au moins 350 mètres pour ennoyer le massif (fig 23). La
barre d'erreur de cet épisode d'ennoiement représente la bathymétrie, qui ne devait pas être
négligeable car l'ensemble de la faune Paléocène découverte dans les sédiments interne sont
des foraminifères planctoniques vivant dans un domaine de mer ouverte. De plus, on peut
émettre l'hypothèse d'un événement d'une plus grande ampleur encore : sur la rive gauche de
l'Hérault (localisation 2, fig 12), en fond de vallée, on observe une grande poche karstique (30
mètres de large environ) remplie de sédiments internes, qui présentent des formes de soutirage
karstique. Ceci indique que le réseau du Paléokarsts du Paléocène, s'étend encore plus
profondément. Cette observation suggère que l'amplitude de variation responsable de la
formation des paléokarsts remplis de Paléocène, est supérieure à 350 mètres. C'est ce
qu’indique la barre d'erreur correspondant à l'épisode de karstification du Crétacé supérieur.
33
Figure 23 :
Evolution du
massif par rapport
au niveau de base
depuis le
Jurassique
supérieur jusqu'à
l'actuel. On ne
représente ici que
la partie visible de
l'affleurement,
d'une hauteur de
400 mètres.
La barre d'erreur
représente les
incertitudes de
position du massif
par rapport au
niveau de base.
34
4.1.3.Les paléokarsts du Néogène au Quaternaire
Le faciès D que l'on trouve dans certains sédiments de remplissage, n'est pas daté.
Cependant, sa composition détritique lui a permis d'être attribué à un âge dont les plus vieux
dépôts sont du Miocène inférieur.
Quantification de l'amplitude des variations du niveau de base du Miocène jusqu'à
l'actuel (fig 23):
Sur la figure 23, on peut superposer la paléo-surface du Miocène avec le niveau de
base de cette époque. Cette paléo-surface se retrouve actuellement jusqu'à 400 mètres
d'altitude (fig 21).
L'assèchement de la Méditerranée au cours du Messinien, donc plus tardif que
l’incision observée, n'est en rien la cause du creusement des canyons de l'Hérault et du
Rieutord. La baisse du niveau de base responsable de l'assèchement de la Méditerranée et de
l'enfoncement des réseaux karstiques est évaluée d'environ 1500 à 2000 mètres [Clauzon et al,
2005]. Dans les terrains calcaires, l'abaissement du niveau de base Messinien s'est exprimé
par l'enfoncement du réseau karstique [Seranne et al, 2002 ; Camus, 2003], invisible
aujourd'hui, car sous le niveau actuel des cours d'eau. Enfin, la morphogenèse Plio-
Quaternaire correspond à l'accentuation des éléments acquis. L'incision du réseau
hydrographique de la zone se poursuit, grâce aux multiples abaissements de niveau de base de
forte amplitude d'origine glacio-eustatique [Seranne, 1999]. Cette période est représentée en
pointillé sur la figure 23 avec une barre d'erreur importante, représentant l'incertitude de la
position de massif par rapport au niveau de base.
4.2. Les causes des variations du niveau de base responsables de telles
amplitudes
Quelles pourraient être les causes de telles variations du niveau de base, responsable
de la formation de ces différents paléokarsts? On a vu précédemment, que celui-ci était
fonction, à la fois, des variation eustatiques et de la géodynamique. En corrélant les variations
minimales observées du niveau de base, avec la courbe eustatique et les événements
tectoniques recensés qui ont affecté la région du Languedoc, on peut tenter d’expliquer ces
changements du niveau de base.
4.2.1 L'eustatisme (fig 24)
Afin de quantifier la part de l'eustatisme responsable ce ces variations du niveau de
base ; on replace les blocs dont on a évalué la hauteur de karstification au dessus du niveau
marin de l'époque (fig 24). Lors du remplissage daté par la faune marine de ce dépôt, le bloc
de massif est alors sous le niveau eustatique. Si l'eustatisme est l'unique facteur contrôlant ces
variations du niveau de base; lorsque l'on replace l’évolution du massif sur la courbe des
variations eustatiques de Haq (1987), ils devraient être tous alignés à la même altitude. Ainsi,
les variations eustatiques devraient modéliser les séquences de karstification-remplissage. Or
35
ce n'est pas le cas, même en ne comptant qu'avec les variations minimales du niveau de base
(fig 24).
Au Jurassique, dans le cas de la karstification appelée précédemment intra-
Tithonienne, la courbe eustatique ne peut pas justifier l'épisode de karstification qui se fait au
minimum sur une centaine de mètres. Alors que dans le cas de surfaces d'émersion au
Kimméridgien-Tithonien inférieur, des variations eustatiques d’amplitude métrique, pourrait
l’expliquer. Ne disposant pas dans notre étude de la résolution chronologique suffisante pour
comparer avec la courbe eustatique haute résolution, on ne peut pas modéliser ce phénomène
sur la figure n°24, mais cette surface d'émersion peut sembler plausible.
Dans certain cas, on peut justifier ces variations du niveau de base, uniquement par
les variations eustatiques. C'est le cas au Crétacé supérieur, où on peut aligner les blocs de
façon à obtenir, au sommets des massifs étudiés, des faciès littoraux au Turonien, marin au
Coniacien et jusqu'au lacustre au Maastrichtien, disparus par érosion par la suite (fig 24).
Pour le bloc Miocène, on replace la paléo-surface correspondant au lit du paléo-
Hérault, aujourd'hui à 100 mètres sous les sommets du massif, à 75 mètres au dessus du
niveau de la mer. Cette position est calculée par rapport à sa position actuelle : le niveau de
base de notre zone d'étude est donné par l'altitude de l'Hérault dont le lit est à 150 mètres au
dessus de la mer.
Cette altitude est fonction de la position du massif dans le profil d'équilibre du cours
d'eau, déterminé par le niveau de la mer actuelle. Aujourd'hui, le niveau de base s'élève à 150
mètres pour une distance de 100 kilomètres à la mer. Au Miocène, la mer était dans le bassin
de l’Hérault, à environ 50 kilomètres de notre zone d'étude. On peut déterminer
approximativement que le niveau de base était donc positionné à 75 mètres au-dessus du
niveau de la mer (fig 24).
L'amplitude de variation du niveau de base au Paléocène, déduite de notre étude, est
très importante et les variations eustatiques ne peuvent absolument pas les expliquer.
4.2.2 La géodynamique (fig 25)
Si l'eustatisme n'explique pas à lui seul, toutes les variations du niveau de base
enregistrées dans les paléokarsts de la région du Nord de Ganges, la géodynamique, peut créer
des mouvements verticaux parfois très importants, et abaisser ou remonter, le niveau de base.
Peut être que l’introduction des évènements tectoniques connus dans la région, pourrait
expliquer l'amplitude des variations du niveau de base observée (fig 25).
Au Jurassique supérieur :
Dans le cas où les paléokarsts Jurassique sont créés par une amplitude de variation du
niveau de base d'une centaine de mètres (fig 24), excédant les valeurs possibles d’eustatisme,
il faudrait envisager des mouvements d’uplift et de subsidence. Cependant, on ne connait pas
de mouvements tectoniques à cette période pouvant créer une surrection de plus d'une
centaine de mètres au sein du Tithonien.
36
Figure 24 :
Superposition du
massif (400m) sur la
courbe de Haq (1987)
au cours du temps.
La partie émergée du
massif est au dessus
de la courbe
eustatique. Dans ce
cas, la barre d'erreur
correspond à une
incertitude. Au
Paléocène, elle
représente une
éventuelle
karstification plus en
profondeur,
impossible à
déterminée, car non
affleurante.
Lorsque le massif
contient de la faune
marine, il est sous la
courbe. La barre
d'erreur représente
alors l'épaisseur de
Jurassique sus-jacent
ou la bathymétrie
dans le cas du
Paléocène.
37
Figure 25 :
Superposition des
évènements
géodynamiques sur la
figure précédente,
intégrant ainsi le
calendrier tectonique
de la région.
38
Sans éléments supplémentaires, on ne retiendra alors que la première hypothèse de formation
des remplissages Jurassique : celle de la surface d'émersion à la base du Tithonien.
Ce remplissage paléokarstique Jurassique nous informe quand même sur un point : si
on intègre le fait que le remplissage Jurassique supérieur est basculé avec la stratigraphie,
alors que le reste du remplissage, horizontal, étant en partie daté du Paléocène, on peut
affirmer que le basculement général de la stratification de 20° au S-SE, s'est fait après le dépôt
contenu dans le paléokarst Jurassique supérieur et avant le dépôt des remplissages d'âge
Paléocène. Cet intervalle correspond au Crétacé, dont l'événement tectonique le plus
important rapporté à cette période en Languedoc, est l'Isthme Durancien. Il a été démontré,
lors d'étude thermochronologique de traces de fission sur apatites [Seranne et al,2002 ;
Barbarand et al,2001] que la première phase de surrection et de dénudation des Cévennes se
serait produite à l'Albien-Aptien causé par le bombement de l'Isthme Durancien. Cette phase
de soulèvement d'environ 1500 à 2000 mètres, est responsable du décapage de la couverture
Néocomienne recouvrant les Cévennes [Seranne et al, 2002]. Nous proposons que le
basculement de la zone d'étude se soit produit lors de cette surrection, au Crétacé « moyen ».
Au Paléocène :
L'amplitude de variation du niveau de base est très importante au Paléocène. Elle est
supérieure à 350 mètres et ne peut être expliquée par des variations eustatiques.
L'épisode géodynamique le plus important dans la région, contemporain au Paléocène,
est l'orogenèse Pyrénéenne qui s'exprime par une série de chevauchements et de synclinaux
dans la zone des Garrigues [Seranne et al, 1995], attestant d'une surrection correspondant à
cette époque. En revanche les évènements majeurs de la compression Pyrénéenne les plus au
Nord, comme le chevauchement du Pic Saint loup, sont plus tardifs : les sédiments
syntectoniques sont datés du Bartonien [Philip et al, 1978]. De plus, notre zone d'étude se
situe au NW de la faille des Cévennes, qui a accommodé par un décrochement senestre la
déformation du bloc SE, alors que le bloc NW restait quasiment indéformé. Enfin, On
retrouve des sédiments de remplissage Paléocène affectés par des chevauchements signant
une compression NS (décrochements conjugués) associés à la compression Pyrénéenne du
Bartonien.
La karstification identifiée de la fin du Crétacé-début Paléocène, ne peut donc pas être
expliquée par une surrection liée à la mise en place de la chaine Pyrénéo-provençale.
L'amplitude de variation du niveau de base au Paléocène, ne s'explique pas non plus, avec des
surrections et des subsidences liées à l’histoire tectonique connue de la région. (fig 25).
Au Miocène :
La position du bloc de massif au Miocène par rapport à sa position au Paléocène, peut
être justifiée par l'orogenèse Pyrénéenne (fig 25). Son apogée à l'Eocène conduit à la
formation de plis de grandes amplitudes dans les Garrigues et un soulèvement général dans
les Grands Causses [Seranne et al, 2002], qui peut expliquer la surrection de ce massif, et
donc une position plus élevée qu’au Paléocène.
La position actuelle du massif (fig 25) résulte, de la surrection du substratum se situant
entre l'intervalle Serravalien-Tortonien, contemporain du volcanisme effusif affleurant sur le
pourtour des Cévennes [Seranne et al, 2002]. La surrection a induit le creusement des canyons
39
des Causses et des Garrigues. Le réseau hydrographique comportant une partie
hydrodynamique fluvio-karstique, typique d'un environnement calcaire, on peut trouver les
restes de cet ancien réseau sur toute la hauteur des canyons de l'Hérault et du Rieutord, qui se
sont déposés au cours de l'incision Miocène supérieur.
4.2.3. L'hypothèse d'un bassin endoréique au Paléocène
Si on intègre cette discussion portant sur les massifs du Nord de Ganges, aux dernières
découvertes faites dans toute la région du SE de la France, on remarque qu'il existe en fait
plusieurs cycles de karstification-remplissage dans l'intervalle du Paléocène. Combes et al
(2007), ont identifié au moins trois phases de remplissages marins entre la fin du Danien et le
début Sélandien, datées par une faune marine contenue entre l'intervalle P1c et P3 b (tableau
1). Sachant qu'on ne peut relier ces trois transgressions aux variations eustatiques, ce
polyphasage entre remplissage marin et karstification, amène alors des variations du niveau
de base à des fréquences totalement irréalistes pour une cause géodynamique de type
surrection et subsidence (fig 26).
Le fait qu'on ne retrouve pas de Paléocène marin affleurant dans la région, met en
évidence une série de transgressions extrêmement rapides et brèves, suivie de périodes
d'érosion, ne permettant pas la préservation d'une éventuelle série marine Paléocène. Après le
Vitrollien (Paléocène continental), le plus vieux dépôt conservé dans la région, est daté de
l'Eocène inférieur qui se trouve dans le bassin de Saint Martin de Londres (Philip et al, 1978.
On observe donc une lacune de dépôt affleurant en surface. En revanche on retrouve la trace
de ces évènements marins au sein des paléokarsts de la région du Languedoc Roussillon
[Combes et al, 2007], mais aussi jusque dans les Pyrénées [Fondecave-Wallez M. J et al,
2006].
L'analogie des faciès et du contenu micropaléontologique des remplissages marins des
karsts, suggère une même séquence d'évènements sur l'ensemble de la zone du Bas-
Languedoc jusqu'aux Pyrénées : soit trois phases successives d'uplift et de subsidence, soit
trois épisodes d'assèchement et d'ennoyage d'un bassin.
L'hypothèse qui suit a été présentée par Combes et al (2007), et Seranne et al (2009),
qui propose un mécanisme d'assèchement et d'ennoiement d'un bassin. Il s'agirait d'un bassin
endoréique formé sur une croute continentale et encerclé par le Massif Central au Nord, et le
bloc Ibérie-Corso-Sarde au Sud (présentation Combes & Seranne (fig17.1)) ; la limite
orientale reste mal contrainte. Ce bassin fermé serait contrôlé par une tectonique Pyrénéenne
précoce, dont le seuil se situerait à la place actuelle des Pyrénées, où existe un "Sillon
Paléocène Pyrénéen". Sous l’influence des variations eustatiques, même minimes, ce passage
entre l'Atlantique et le bassin endoréique serait responsable de l'assèchement (fig 27.3) et de
l'ennoiement (fig 27.2) de ce bassin à seuil. Le fonctionnement de ce dernier serait contrôlé
par les mouvements tectoniques le long de l'axe orogénique actif de la chaîne pyrénéenne et
les variations eustatiques globales.
Ce modèle est inspiré de celui de la crise de salinité Messinienne, provoquant
l'assèchement de la Méditerranée et l'enfoncement brutal des réseaux karstiques [Audra P et
al, 2005] reliés à la mer ; avec cependant quelques différences.
40
Figure 26 : Rajoue
des trois variations du
niveau de base misent
en évidence par
Combes et al, 2007,
excluant les causes
eustatiques et
géodynamiques pour
expliquer l'amplitude
de ces variations.
41
- Le bassin Paléocène étant installé sur la croûte continentale, les amplitudes de
variations de niveau de base sont inférieures à celles enregistrées dans le bassin Algéro-
Provençal Messinien, installé sur croûte océanique.
-Les émersions cumulées au Paléocène ont duré plus longtemps. On peut donc penser
que les phénomènes karstiques paléocènes ont été plus important que ceux du Messinien. Par
exemple, certains karsts noyés profonds, actuellement sous le niveau de la mer, pourraient
correspondre à des structures paléocènes réactivées au Messino-Pliocène.
- On ne connaît pas au Paléocène l'équivalent des évaporites messiniennes. Il est
probable que la fermeture du détroit ait été totale et que les évaporites induites par
assèchement aient été ensuite rapidement dissoutes. Toutefois, la fréquente dolomitisation
secondaire des carbonates mésozoïques de l'encaissant, dans les zones à paléokarsts
paléocènes, pourraient être due à l'existence d'épisode sur-salés.
- Les morphologies exokarstiques paléocènes ne sont pas recouvertes par d'épaisses
séries détritiques de type Gilbert-delta comme celles du Pliocène. Au Paléocène, les sources
continentales proches étaient essentiellement carbonatées et soumises à dissolution.
Ce modèle permet une amplitude de variation extrêmement importante et rapide du
niveau de base de ce bassin (fig 26), qui au Nord de Ganges est supérieur à 400 mètres. Dans
notre zone d'étude, la couleur rouge des sédiments paléokarstiques Paléocène, signe une
portion continentale non négligeable dans ces remplissages marins. Cela suggère que les
massifs au Nord de Ganges se trouvaient en réalité, à l'extrémité Nord de ce bassin. Lors des
assèchements consécutifs, l'érosion et la karstification se sont alors beaucoup plus
développées sur les bords, que dans le fond du bassin. En revanche en cas d'assèchement total
du bassin, les variations du niveau de base observées en son centre devraient être supérieures
à celle observées sur les bords du bassin. L'amplitude des variations du niveau de base sont
donc peut être encore plus importantes au Sud de Ganges.
42
Figure 27 : 1) Situation paléogéographique approximative du bassin endoréique Paléocène, contrôlé par le
"Sillon Paléocène Pyrénéen" lors de son ennoiement (d’après Combes et al, 2007). Son étendue reste à
délimiter, notamment la l'Est et au Sud. 2)Lorsque le niveau eustatique est suffisamment haut , le niveau
marin passe le seuil et envahit le bassin endoréique. 3) Lorsque le niveau eustatique se trouve sous le seuil
les apports sont stoppés, et le bassin s'assèche.
1
2 3
43
En corrélant notre étude des remplissages avec ces dernières découvertes, on peut
déterminer des épisodes cycliques de karstification-ennoiement marin. On peut replacer la
disposition des faciès au sein d'une figure schématique représentant un cycle de
d'ennoiement/karstification (fig 28) :
1) Un cycle d'ennoiement/karstification d'un massif calcaire, débute avec la mise en place
d'un réseau karstique, dont la profondeur initiale dépend du niveau de base lors de sa
formation. Le karst en condition aérienne, sédimente en son sein des sédiments karstiques
dont la nature varie suivant les apports en surface.
2) Lors d'une hausse du niveau de base, l'ennoiement des cavités par la mer au cours de sa
remonté, se fait progressivement. Lors de cette étape de transgression, l'interaction entre le
domaine marin et continental se traduit par le mélange d'apport sédimentaire marin et
détritique, responsable de la mise en place des remplissages caractérisés par le faciès B
(P1a.B).
3) Lorsque le massif est entièrement sous l'eau, le processus de sédimentation dominant se fait
par la décantation des particules d'argiles, et du plancton au sein du karst. Suivant la
bathymétrie à laquelle se trouve le massif, le sédiment est plus ou moins riches en débris et
tests coquillés divers, nannofossiles ou en foraminifères planctoniques. Le faciès représentatif
de cette étape est le faciès A (P1a..A).
4) Lors de la chute du niveau de base, le massif émerge. Il est alors soumis, de nouveau, à
karstification. Celle-ci crée de nouveaux réseau de drainage qui se mettent en place en amont
ou réemprunte d'anciennes cavités, remaniant le sédiment intrakarstique déposé pendant
l'épisode marin. En aval, la couche d'argile riche en foraminifères planctoniques est altérée et
transformée en cuirasse latéritique.
5) Si le niveau de base reste bas, suffisamment longtemps, la cuirasse latéritique s'altère. Ses
résidus sont entraînés dans le karst avec la faune qu'elle contenait et sédimentés avec les
apports continentaux. Le remaniement de tous ces éléments donne le faciès C (P1a.C).
Lors de variations du niveau de base donnant tour à tour, des épisodes marins et
continentaux, le cycle se répète. La superposition des évènements entraine un remaniement
propre à chaque cycle, qui complexifie le système.
Le remplissage paléokarstique daté du Paléocène, que l'on retrouve actuellement au
Nord de Ganges est le résultat d'une fossilisation du polyphasage de l'évènement Paléocène et
des séquences de tous ces cycles surimposés.
44
Figure 28 : Schématisation d'un cycle de
karstification/ennoiement d'un massif par la mer, dans
le cadre des épisodes marins Paléocène.
45
Conclusion
L’objectif de cette étude était de quantifier l’amplitude des variations du niveau de
base responsable des phases de karstification et de remplissage affectant un massif calcaire
de la région de Ganges. Celui-ci étant recoupé par des canyons de 400m de profondeur on a
pu observer les systèmes karstiques et leurs remplissages sur une grande extension verticale,
unique dans la région. Les variations du niveau de base résultant soit de variations
eustatiques, soit de surrection / subsidence, on souhaitait développer un nouvel outil
permettant de reconstituer l’évolution géodynamique du massif par l’enregistrement
karstique.
On a montré que ce massif avait subi plusieurs phases de karstification, suivi d’ennoiement
marin :
- au Jurassique supérieur ; mais la contrainte sur la variation du niveau de base n’est pas
suffisante avec les rares échantillons trouvés. Soit il s’agit de karstifications par
altération de surfaces temporairement émergées pendant le Jurassique supérieur ; soit
il s’agit d’un cycle de karstification puis d’ennoiement unique d’une amplitude d’une
centaine de mètres.
- Au Crétacé terminal/Paléocène inférieur une phase de karstification résulte d’un
abaissement du niveau de base de plus de 400m.
- Au Paléocène inférieur (Danien-Sélandien) le karst est ennoyé par la mer, suite à une
remontée du niveau de base d’au moins 400m.
- Au Miocène inférieur, le niveau de base (fond de vallée) est reconnu dans le massif à
environ 400 mètres d'altitude.
- Au miocène supérieur , le niveau de base s’abaisse de 1500 à 2000 mètres.
- Toutes les phases de karstification depuis l’émersion définitive de la région (après le
Paléocène) se sont superposées les unes aux autres.
Les variations de niveau de base du Crétacé terminal au Paléocène sont d’amplitude
excessive pour résulter de l’eustatisme. Replacé dans le cadre géologique régional, où on ne
connaît pas de tectonique de cet âge, et où il est géologiquement invraisemblable de
considérer une surrection de 400m immédiatement suivie d’une subsidence d’autant, au
Paléocène Inférieur, nous proposons l’hypothèse d’un bassin fermé à seuil dont l’assèchement
et la remise en eau expliquent des variations du niveau de base de plus de 400m.
L'étude des paléokarsts apporte de nouvelles informations. Ils enregistrent les
variations du niveau de base passées, difficiles d’accès par d’autres méthodes. Le remplissage
contenu dans le karst, est préservé et comporte des informations disparues de la surface.
Le meilleur exemple reste le paléokarst du Paléocène qui enregistre des évènements
comparable à l’assèchement Messinien de la Méditerranée, suivit de l’ennoiement Pliocène,
mais sur une échelle de temps bien plus longue, sans laisser la moindre trace en surface. La
formation d'un bassin endoréique intracontinental au Paléocène, contrôlé par un seuil, permet
la mise en place d'un réseau karstique très profond, calé sur le fond du bassin asséché. Il est
possible que ce réseau soit réactivé lors de l'évènement Messinien.
46
On a pu mettre en évidence que la région du Languedoc Roussillon a subi de
nombreuses variations du niveau de base de grandes ampleurs, qui en se surimposant les une
autres construisent un paysage calcaire , au réseau karstique compliqué, sans cesse réactivé et
pouvant être très profond. L'épisode Paléocène enregistré dans le paléokarst est sans doute
l'un des épisodes de karstification des plus importants de l'histoire de la plateforme
Téthysienne.
Ces résultats permettent d’améliorer la connaissance géologique de la région ; ils ont
des conséquences sur la connaissance des réservoirs karstiques qui constituent un aquifère de
grande importance dans toutes les régions méditerranéennes.
47
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Bulletin de la Société Géologique de France, 173(2): 97-112.
Séranne, M., Camus, H., Combes, P.J., Peybernès, B. and Fondecave-Wallez, M.J., 2009.
Géodynamique du Bassin du Sud-Est et karstifications: conséquences sur les réservoirs
carbonatés. In: AFTP (Editor), Bassins Sédimentaires Français : Actualité de la
Connaissance, Rueil-Malmaison
Soudet, H.-J., Sorriaux,P., Rolando, j.P., 1994. Liaison fracturation karstification. Le
paléokarst de Rospo Mare (Italie). Elf Aquitaine production, 258-289.
49
Annexes
Annexe 1 : Carte topographique IGN, présentant la région de notre zone d'étude et les
tracés des traits des coupes utilisées dans la partie 3.
Coupe "Hérault"
Coupe "Rieutord"
Coupe SW-NE
de synthèse
50
Sumène
. .
L'HERAULT Les gorges du Rieutord
La Vis
N Annexe 2 :
La zone
échantillonnée
couvre une
partie des
massifs de part
et d'autre de
l'Hérault et du
Rieutord entre
Ganges et
Sumène.
Disposition des
waypoints acquis
par GPS sur
image aérienne
Google Earth,
donnant la
localisation des
affleurements
échantillonnés.
CEVENNES
S
51
Annexe 3 : dessins des foraminifères présents dans les lames minces de l'étude. (par
Marie-José Fondecave-Wallez)
EG 59a
1- Subbotina triloculinoides (PLUMMER) [P1b-P4]
2- Praemurica cf. uncinata (BOLLI) [P2-P3 (basal part)]
EG 62
1- Parasubbotina variospira (BELFORD) [P3a-P4 (lower part)]
2- Globanomalina ehrenbergi (BOLLI) [P2-P4]
3- Igorina pusilla (BOLLI) [P3-P4 (lower part)]
PCD 417
Acarinina strabocella (LOEBLICH & TAPPAN) [P3a-P4a]
EG 46
Globanomalina imitata (SUBBOTINA) [P1b-P6]
PCD 414a
Morozovella angulata (WHITE) [P3a-lower-mid P4]
EG 21
Igorina pusilla (BOLLI) [P3-P4 (lower part)]
MM1
Morozovella angulata (WHITE) [P3a-lower-mid P4]
EG 12
Praemurica cf. uncinata (BOLLI) [P2-P3 (basal part)]
EG 14
Eoglobigerina spiralis (BOLLI) [P2-P3a; uppermost P1c]
EG 8
Acarinina strabocella (LOEBLICH & TAPPAN) [P3a-P4a]
PCD 414
Igorina tadjikistanensis (BYKOVA) [P3b-P5]
EG 41a
Morozovella angulata (WHITE) [P3a-lower-mid P4]