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DROIT JUDICIAIRE PRIVEQUESTIONS SPECIALES DE DROIT JUDICIAIRE PRIVE
TOME I
Hakim BOULARBAH
Avec la collaboration de Vronique PIREet de Xavier TATON
1reanne du grade de Master en Droit
2medition 2010-2011
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OUVRAGES ET ETUDES GENERAUX CITES SOUS LE SEUL NOM DE LEUR(S)
AUTEUR(S)
H. BOULARBAH (ed.), Le nouveau droit de lexpertise judiciaire en
pratique, Bruxelles, Larcier, 2007, cit comme H. BOULARBAH, Expertise judiciaire.
H.BOULARBAHet J-F.VAN DROOGHENBROECK (ed.), Les dfenses en droit
judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2010.
C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, Tome II - Comptence, Bruxelles,
Larcier, 1981, cit comme C. CAMBIER, Comptence.
M. CASTERMANS, Gerechtelijk recht : algemene beginselen, bevoegdheid
en burgerlijke rechtspleging, Gand, Academia Press, 2004, cit comme M.
CASTERMANS, Gerechtelijk recht.
G. DE LEVAL, Elments de procdure civile, 2me dition, Bruxelles,
Larcier, 2005, cit comme G. DE LEVAL, Elments.
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, 2medition, Lige, Facult de Droit,
1993, cit comme G. DE LEVAL, Institutions.
J. ENGLEBERT(ed.), Le procs civil acclr ?, Bruxelles, Larcier, 2007,
cit comme J. ENGLEBERT, Procs civil acclr ?
A. FETTWEIS, Manuel de procdure civile, 2me dition, Fac. Dr. Lige,
1987, cit comme A. FETTWEIS, Manuel.
A. FETTWEIS, Prcis de droit judiciaire, Tome II - La comptence,
Bruxelles, Larcier, 1971, cit comme A. FETTWEIS, La comptence.
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E. GUTTet A.-M.STRANART-THILLY, Examen de jurisprudence (1965
1970) - Droit judiciaire priv , R.C.J.B., 1973, pp. 91-229 et R.C.J.B., 1974, pp. 91-186, cits comme E. GUTTet A.-M.STRANART-THILLY, Examen .
E. GUTT et J. LINSMEAU, Examen de jurisprudence (1971 1978) -
Droit judiciaire priv , R.C.J.B., 1980, pp. 417 et s.; R.C.J.B., 1982, pp. 219 et s. et
R.C.J.B., 1983, pp. 63 et s., cits comme E. GUTTet J. LINSMEAU, Examen .
J. LAENENS, K. BROECK et D. SCHEERS, Handboek Gerechtelijk recht,Anvers, Intersentia, 2004, cit comme J. LAENENS, Handboek.
J. LAENENS, Overzicht van rechtspraak - De bevoegdheid (1979-
1992) , T.P.R., 1993, pp. 1479 et s., et T.P.R., 2002, pp. 1497 et s. cit comme J.
LAENENS, Examen .
J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, Examen de
jurisprudence (1985 1996) Droit judiciaire priv , R.C.J.B., 1997, pp. 495-625,
R.C.J.B., 1999, pp. 59-186 et J. VAN COMPERNOLLE,G.CLOSSET-MARCHAL, J.-F. VAN
DROOGHENBROECK, A. DECROSet O. MIGNOLET, Examen de jurisprudence (1991
2001) Droit judiciaire priv , R.C.J.B., 2002, pp. 437 et s. et pp. 653 et s., cits
comme J. VAN COMPERNOLLEE.A., Examen .
G. CLOSSET-MARCHAL, J.-F. VAN DROOGHENBROECK, A. DECROS et S.
UHLIG, Examen de jurisprudence (1991 2001) Droit judiciaire priv , R.C.J.B.,
2006, pp. 83 et s., pp. 271 et s. et pp. 619 et s., cits comme G. CLOSSET-MARCHAL
E.A., Examen .
G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de
recours en droit judiciaire priv, Bruylant, Bruxelles, 2009.
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AVERTISSEMENT
Le prsent syllabus constitue le support crit des cours de Droit judiciaire priv et
Questions spciales de droit judiciaire priv enseigns en premire anne de la
Matrise en Droit.
Les passages en caractres plus petits sont rservs au cours de Questions
spciales de droit judiciaire.
Le prsent syllabus doit tre utilement complt par les notes prises lors du coursoral propre chacun des enseignements ainsi que par la lecture et lutilisation du
Code judiciaire.
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INTRODUCTION : OBJET, SOURCES ET PRINCIPES DU DROIT
JUDICIAIRE PRIVE
CHAPITRE I - LOBJET : LE DROIT JUDICIAIRE PRIVE
1. Le droit judiciaire priv ne comporte pas seulement la procdure au sens
strict du terme.
Il comprend ltude des principes gnraux de la procdure, de l'organisation
judiciaire, de la comptence, de la procdure, des voies conservatoires, des voies
d'excution, du rglement collectif de dettes ainsi que la matire de l'arbitrage et de la
mdiation.
On trouvera donc, dans le droit judiciaire priv, certains aspects qui ont trait
l'administration de la justice en droit belge, et plus particulirement la procdure,
celle-ci tant la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice,
dfendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les
excuter1.
Le droit judiciaire priv dpasse donc largement la notion de procdure,
particulirement lorsque celle-ci est entendue dans son sens assez pjoratif de
chicane .
CHAPITRE II - LE CODE JUDICIAIRE
2. Le Code judiciaire a t promulgu par la loi du 10 octobre 1967 et ses travaux
prparatoires, extrmement intressants, ont fait l'objet d'un supplment la
Pasinomie.
1POTHIER, Trait de procdure civile, d. 1848, n 1, T. 10.
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Ce Code est trs homogne, grce au fait qu'il a t adopt lissue dun rapport sur
la Rforme judiciaire tabli par un Commissaire royal spcialement nomm cet
effet, le Btonnier VAN REEPINGHEN, galement professeur de droit judiciaire lUniversit Catholique de Louvain, et ensuite, aprs le dcs de celui-ci au cours des
travaux, le procureur gnral mrite Ernest KRINGS, alors avocat gnral prs la
Cour de cassation et professeur de droit judiciaire lULB, aids par de nombreux
collaborateurs de qualit.
Le Code judiciaire fut relativement peu modifi depuis 1967, bien que des
amliorations aient t frquemment proposes, notamment pour tenter dersoudre l'arrir judiciaire ou que de nouvelles matires, par exemple l'astreinte,
soient venues s'ajouter la lgislation de base.
La dernire rforme dampleur fut constitue par la loi du 3 aot 1992, entre en
vigueur le 1er janvier 19932, qui a modifi de faon importante plusieurs parties du
Code judiciaire sans toutefois que l'on puisse parler de vritable refonte du droit
judiciaire, terme utilis lors du remplacement, en 1967, du Code de procdure civile
par le Code judiciaire. De nouvelles rformes plus ponctuelles sont encore
intervenues en 2007 avec lintroduction de la rptibilit des frais et honoraires
davocat (loi du 21 avril 2007), la lutte contre larrir judiciaire (loi du 26 avril 2007) et
la modification des rgles relatives lexpertise judiciaire (loi du 15 mai 2007)3.
3. Le Code judiciaire comporte sept parties :
1. Les principes gnraux.
2. L'organisation judiciaire (organes du pouvoir judiciaire, fonctions judiciaires,
barreau, huissiers de justice, ).
2 Voy. sur le bilan de cette rforme aprs dix ans dapplication, Dix ans dapplication de la loi du 3 aot2002, M. STORMEet P. TAELMAN(eds), Bruges, La Charte, 2004.
3 Les lois de 2007 sur la rptibilit et sur lexpertise ont elles -mmes donn lieu des modificationsponctuelles (parfois qualifies de lois de rparation ), respectivement en date du 22 dcembre 2008et 21 janvier 2010 ( rptibilit ) et du 30 dcembre 2009 ( expertise ).
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3. La comptence (c'est--dire le pouvoir du juge de connatre la cause qui lui est
dfre).
4. La procdure civile (assistance judiciaire, instance, voies de recours, ).
Cette mme partie comporte galement les procdures particulires qui ne
sont gnralement pas enseignes dans le cadre du cours de droit judiciaire
priv, certaines ressortissant la matire du droit judiciaire notarial (vente
d'immeubles, partages et licitations, etc...) ou du droit de la famille et des
personnes (demandes en divorce et sparation de corps), ou encore desprocdures trs particulires qui n'ont pu tre insres dans un texte plus
gnral.
5. Les saisies conservatoires, les voies d'excution et le rglement collectif de
dettes.
6. L'arbitrage.
7. La mdiation4.
4. Pour rappel, le Code judiciaire est le droit commun de la procdure. Cela signifie
que sauf drogation expresse dans une procdure particulire, le Code judiciaire est
applicable tous les litiges, quelle que soit la matire concerne (article 2 du Code
judiciaire)5.
Les rgles du Code judiciaire ne trouvent pas non plus sappliquer lorsque les
principes de droit qui rgissent la procdure en cause sont incompatibles avec
lapplication de ces rgles.
4 Voy. P. VAN LEYNSEELEet F. VAN DE PUTTE, La mdiation dans le Code judiciaire , J.T., 2005, pp.
297 et s.5 Voy. A.KOHL, Le Code judiciaire, droit commun de la procdure , Ann. Fac. Dr. Lige, 1975, pp.401 et s.
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Cest ainsi que pendant trs longtemps, la Cour de cassation a dcid que les rgles
du Code judiciaire relatives au caractre contradictoire de lexpertise en matire civile
(art. 962 et s.) ne sappliquaient pas en matire pnale en raison des principes de
droit rgissant la procdure pnale6. Cette jurisprudence a t remise en cause tout
dabord par la Cour constitutionnelle7 et, plus rcemment, par la Cour europenne
des droits de lhomme8. La Cour de cassation a elle-mme opr un timide
revirement pour les expertises menes devant la juridiction pnale de jugement
appele statuer sur les intrts civils, dans un arrt du 8 fvrier 20009.
CHAPITRE III - LES PRINCIPES
SECTION I - INTRODUCTION
5. Il existe dans le monde divers systmes judiciaires en matire de procdure
civile et l'on rappelera ici brivement les caractristiques essentielles du systme
belge.
Ces caractristiques sont en grande partie influences par les exigences du procs
quitable et, en particulier, par l'article 6, 1er, de la Convention europenne de
sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales (CEDH) qui
possde un effet direct en droit interne et qui dispose que toute personne a droit
ce que sa cause soit entendue quitablement, publiquement et dans un dlai
raisonnable, par un tribunal indpendant et impartial, tabli par la loi, qui dcidera soit
des contestations sur ses droits et obligations de caractre civil, soit du bien-fond de
toute accusation en matire pnale dirige contre elle.
6. On rappelle quil rsulte de la jurisprudence de la Cour europenne des droits
de lhomme que cette disposition garantit non seulement le droit daccs concret et
6Cass., 24 juin 1998, Pas., I, n332; Cass., 24 novembre 1998, Pas., I, n490.7
C.A., 30 avril 1997, n24/97. Comp. avec C.A., 24 juin 1998, n74/98 et C.A., 13 janvier 1999, n1/99.8 CEDH, 2 juin 2005, Cottin c. Belgique.9 Cass., 8 fvrier 2000, Pas., I, n100.
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effectif un tribunal10, ce qui implique labsence dobstacles financiers ou juridiques
entravant cet accs mais galement le droit un juge indpendant et impartial11.
Larticle 6, 1er, de la CEDH offre encore un certain nombre de garanties
procdurales: la publicit de la procdure12, le dlai raisonnable dans le traitement
dune cause13, la motivation des dcisions de justice14, lgalit des armes et le
respect du contradictoire15.
Enfin, larticle 6, 1er, de la CEDH garantit galement le droit lexcution de la
dcision judiciaire
16
.
SECTION II - PUBLICITE DES AUDIENCES
7. La publicit des audiences est un principe garanti la fois par la Constitution
belge (articles 148 et 149), sous la rserve de quelques cas de huis clos, et par
larticle 6, 1er
, de la CEDH.
Le but de cette mesure est videmment d'entraver l'arbitraire en permettant aux
parties et l'opinion de suivre la marche du procs et de contrler l'activit des cours
et des tribunaux.
En application de ce principe, l'article 757 du Code judiciaire prvoit que les
plaidoyers, rapports et jugements sont publics.
10CEDH, 21 fvrier 1975, Golder/Royaume Uni, srie A, n18, 36.11CEDH, 1eroctobre 1982, Piersack/Belgique, srie A, n53, 30.12CEDH, 23 juin 1981 et 10 fvrier 1983, Le Compte/Belgique, srie A, nns 43 et 58.13CEDH, 28 juin 1978, Knig/RFA, srie A, n27.14
CEDH,19 avril 1994, Van den Hurk/Pays-Bas.15CEDH, 27 octobre 1993, Dombo Beheer/Pays-Bas.16CEDH, 19 mars 1997, Hornsby/Grce, R.T.D.Civ., 1997, p. 1009.
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On en excepte les mesures relevant de l'instruction de l'affaire, telles que les
enqutes, les expertises et l'interrogatoire des parties, sauf lorsque l'instruction est
faite l'audience.
Y chappent galement les causes dont la loi prescrit l'instruction en chambre du
conseil, par exemple parce qu'elles ont trait l'intimit de la vie familiale.
SECTION III - LE PRINCIPE DISPOSITIF
Sous-Section I - Notion
8. Selon le principe dispositif, le procs civil est la chose des parties . Comme
le soulignent les travaux prparatoires du Code, la direction du procs par les
parties est un postulat de notre droit judiciaire.
Cela signifie qu'il revient au demandeur de libeller dans l'acte introductif d'instance
ses prtentions et l'expos des faits sur lesquels il les fonde ainsi que la partie contrelaquelle il dirige sa demande.
A son tour, le dfendeur prend attitude. Sauf s'il s'incline, il opposera des exceptions,
des fins de non-recevoir ou des dfenses au fond, chacune des parties appuyant les
dveloppements juridiques de sa thse sur les faits qui, son estime, la justifient.
Chaque partie apportera ainsi la preuve des faits qu'elle allgue.
En cours d'instance, les parties pourront, sous rserve de l'ordre public, transiger ou
se dsister. Elles pourront galement, sous la mme rserve, conclure des accords
sur certains points de droit ou de fait par lesquels elles lieront le juge17.
Ce sont donc les parties qui fixent le cadre du litige (parties, objet et cause) qu'elles
soumettent au juge. Les contours du procs et de leur contestation leur sont
17 Cass., 2 juin 2005, Pas., I, 1167.
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abandonns de sorte que le juge ne peut, en rgle, mettre doffice des tiers la
cause (article 811 du Code judiciaire), statuer sur des choses non demandes (on
dirait alors qu'il statue ultra petita), ou en se fondant sur des faits non invoquspar une partie et ce, mme si la loi qui accorde un droit l'une des parties est d'ordre
public18.
En d'autres termes, si, comme nous le verrons, le rle du juge dans linstruction et la
direction de linstance n'est pas passif, il lui est toutefois interdit de susciter des
contestations qu'il n'est pas venu l'esprit des parties d'lever ou de dvelopper. A
cet gard, le contenu du principe dispositif dpend notamment de la dfinition qui estretenue pour les notions dobjet et de cause de la demande. Or, ces notions ont
donn lieu une importante controverse, qui sera examine ci-dessous.
Compte tenu du rle de plus en plus actif du juge dans le droulement du procs, il
est plus exact aujourdhui de dfinir le principe dispositif comme signifiant que le
litige est la chose des parties . Le procs et sa direction chappent par contre de
plus en plus la seule disposition des parties.
Sous-Section II - Exceptions
9. Le principe dispositif connat cependant des exceptions. Dans certains cas, le
juge pourra doffice 1 appeler la cause des tiers, 2 modifier lobjet de la demande
ou encore 3 se fonder sur dautres faits que ceux invoqus par les parties.
1 En ce qui concerne la possibilit pour le juge dappeler doffice la cause des tiers
au litige, il faut notamment signaler l'article 331decies, alina 2, du Code civil qui, en
matire de filiation, droge l'article 811 du Code judiciaire (lequel interdit la mise en
cause de tiers par une dcision que prendrait d'office le juge), et donne ce dernier
la facult d'ordonner mme d'office que soient appels la cause tous les
intresss auxquels il estime que la dcision doit tre rendue commune.
18 Cass., 13 avril 1972, Pas., I, 747.
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Relevons par ailleurs que dans un important arrt du 3 avril 2006 (C.04.0079.N et
C.04.0080.N), la Cour de cassation a dcid que le juge ne viole pas le principe
dispositif ou larticle 811 du Code judiciaire lorsquil ordonne la rouverture des
dbats afin dattirer lattention dune partie sur la possibilit ou lintrt de mettre la
cause un tiers.
2 Dans certains cas exceptionnels, le juge peut galement modifier lobjet de la
demande et accorder plus au demandeur que ce que ce dernier a sollicit. Ainsi,
larticle 6, 3, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail prvoit que le juge
qui statue sur les droits de la victime ou des ayants droit, vrifie doffice si lesdispositions de la prsente loi sont observes. Il peut notamment suppler la
demande de la victime lorsquil considre celle-ci comme insuffisante19. Lorsquune
partie demande la condamnation de lautre une astreinte en cas dinexcution de la
condamnation principale prononce par le juge, ce dernier peut galement fixer une
astreinte dun montant suprieur celui suggr par la partie demanderesse20.
3 Enfin, il est admis que le juge puisse galement se fonder sur des faits qui, bien
que non invoqus par les parties, sont notoires ou constituent des rgles
dexprience commune21.
SECTION IV - PROCEDURE ACCUSATOIRE
10. La procdure civile en droit belge est en grande partie accusatoire . Ce sonten effet les parties qui doivent prendre linitiative dintroduire le procs et des
diffrentes dmarches procdurales qui jalonnent celui-ci.
19 Cass., 21 octobre 1996, Pas., I, n391.20Cass., 22 avril 1993, Pas., I, 384.21 Voy. par ex. Cass., 28 juin 1971, Pas., I, 1063 : Il est dexprience notoire que la pluie diminuefortement le pouvoir dadhrence dune chausse asphalte ou encore Cass., 21 octobre 1988,Pas., 1989, I, 196 : est de commune renomme la distance entre deux communes belges . Par
contre, de manire plus surprenante, Cass., 14 novembre 2002, Pas., I, 2175 : en relevant que latexture des parois latrales (d'un pneu) est plus tendre que celle de la bande de roulement, les jugesd'appel se sont fonds sur une donne de l'exprience commune .
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Lorsque c'est un magistratassis ou deboutqu'il appartient de prendre l'initiative
du procs et des diffrentes tapes de son droulement, on qualifie la procdure
dinquisitoire . La procdure pnale belge revt globalement ce caractre.
En dautres termes, le principe dispositif gouverne le fond du litige (parties, objet et
cause) et le principe accusatoire caractrise lintroduction et le droulement de la
procdure civile.
Comme on la dj indiqu, le Code judiciaire a cependant renforc les pouvoirs du
juge dans certains domaines, notamment en ce qui concerne l'administration de lapreuve (il a le pouvoir dordonner doffice certaines mesures dinstruction destines
apporter la preuve de faits ou dactes contests), ou encore en lui permettant de
prendre un certain nombre de mesures dans la conduite de linstance, qui ne
constituent pas proprement parler des actes de juridiction, mais qui ont
incontestablement une incidence sur le cours du procs (par exemple, dcider qu'une
affaire sera remise et non pas renvoye au rle).
Il faut donc considrer que, mme si globalement, la procdure civile demeure de
type accusatoire , elle a progressivement intgr certains aspects inquisitoires
en ce sens que le juge ne joue plus un rle passif dans le droulement et linstruction
du procs.
Cette tendance a encore t renforce par deux lois rcentes qui ont
considrablement renforc le rle actif du juge dans linstruction du litige. La loi du 26
avril 2007 modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre larrir judiciaire
permet ainsi au juge de fixer, mme dautorit, des dlais pour l change de
conclusions et une date daudience ds laudience dintroduction ou dans les six
semaines de celle-ci (art. 747 C. jud.). La loi du 15 mai 2007 modifiant le Code
judiciaire en ce qui concerne lexpertise confre au juge des pouvoirs tendus en ce
qui concerne la surveillance et le contrle des expertises judiciaires (art. 972 et s. C.
jud.).
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11. Relevons quune importante drogation au caractre accusatoire de la
procdure civile, et qui a donn lieu diverses controverses, tait la possibilit pour
le tribunal de commerce de prononcer d'office la faillite d'un commerant (article 442ancien du Code de commerce). En effet, au contraire des procdures ordinaires o le
tribunal doit tre saisi par l'une ou l'autre des parties pour pouvoir statuer, il pouvait ici
exercer un pouvoir d'office, en l'absence de tout acte de saisine.
La loi du 8 aot 1997 sur les faillites a abrog cette disposition. La loi sur le concordat
judiciaire du 17 juillet 1997 avait cependant rintroduit quatre hypothses dans
lesquelles le tribunal de commerce pouvait prononcer doffice la faillite en cas dchecdu concordat. Dans ces quatre cas, le tribunal pouvait toujours prendre lui-mme
linitiative de prononcer la faillite sans que personne ne doive la requrir. Le tribunal
de commerce pouvait ainsi, lorsquil rejetait la demande en concordat, se saisir
doffice de la question de la faillite alors mme que laction qui avait entran sa
saisine ne visait pas la faillite mais uniquement le concordat judiciaire22.
La loi du 31 janvier 2009 relative la continuit des entreprises a supprim la
possibilit dune faillite doffice. Lorsque la continuit de tout ou partie de lactivit ne
peut plus tre assure au regard de lobjectif de la procdure, le tribunal peut, sur
requte du dbiteur ou sur citation du ministre public ou de tout intress dirige
contre le dbiteur, ordonner la fin anticipe de la procdure (article 41, 1er, alina
2). Le tribunal peut prononcer par le mme jugement la faillite du dbiteur ou,
sagissant dune socit, la liquidation judiciaire, lorsque la citation tend galement
cette fin et que les conditions en sont runies (article 41, 1 er, alina 3). Le
dbiteur est donc partie au jugement prononant la fin anticipe de la procdure et la
faillite.
Dans certaines autres matires particulires, la loi prvoit galement la possibilit
pour le juge de se saisir doffice dune demande. Ainsi, selon larticle 488bis-B, 1er,
alina 2, le juge de paix peut, lorsquil est saisi dune demande tendant provoquer
une mesure de protection relative la personne dun malade mental (L. 26 juin 1990,
22Voy. sur cette question, Ph. GERARD, J. WINDEYet M. GREGOIRE, Le concordat judiciaire et la faillite,Bruxelles, Larcier, 1997, p. 104, n96.
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art. 5, 1er), doffice envisager de dsigner un administrateur provisoire charg de
grer les biens de cette personne.
SECTION V - PROCEDURE ECRITE ET ORALE
12. La procdure est, en Belgique, la fois crite (citation, requte, conclusions) et
orale (audience et plaidoiries).
Le Code permet de renoncer aux plaidoiries et de recourir de commun accord la
seule procdure crite (article 755 du Code judiciaire).
Il faut observer que dans la pratique, en procdure civile, l'crit est de rigueur, sous
rserve de la procdure en dbats succincts (applicable pour les affaires qui ne
prsentent aucune complexit) o les conclusions peuvent tre orales (article 735,
1er
du Code judiciaire).
En effet, il arrive trs souvent qu'un certain laps de temps s'coule entre le moment
o il a t plaid dans une affaire et le moment o le jugement sera rendu. Dans son
dlibr, c'est donc essentiellement aux pices crites de la procdure et notamment
aux conclusions ainsi quaux pices produites par les parties que le magistrat aura
gard.
SECTION VI - LES DROITS DE LA DEFENSE - LE PRINCIPE DU
CONTRADICTOIRE
13. En droit priv, les droits de la dfense englobent le droit la libre contradiction.
Cela signifie qu'une partie ne peut tre correctement juge sans avoir t entendue
ou mise en mesure d'tre entendue, et sans avoir connu exactement la demande deson adversaire, ses moyens et ses pices.
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Le lgislateur a rig en principe fondamental le respect de ces rgles, chaque partie
devant recevoir ainsi communication de tous les documents invoqus, et devantdisposer du temps ncessaire pour y rpondre (articles 736 et 740 du Code
judiciaire). Tous mmoires, notes ou pices non communiqus la partie adverse
sont carts doffice des dbats.
Dans le mme ordre d'ide, les parties doivent sous la surveillance du juge,
collaborer dans l'administration de la preuve et apporter au dbat l'ensemble des
lments utiles pour que la cause soit instruite de manire complte et correcte. Encas de non-collaboration dune partie ladministration de la preuve, le juge peut, la
demande dune partie ou doffice, ordonner une ou plusieurs des mesures
dinstructions prvues aux articles 871 et suivants du Code judiciaire.
Le juge lui-mme est tenu de respecter ces principes. En effet, une partie doit aussi
pouvoir prsenter ses observations lorsque le juge soulve d'office une rgle de droit
que les parties navaient pas invoque devant lui (article 774, alina 2 du Code
judiciaire), ou modifie doffice la qualification juridique des faits23. Dans de telles
circonstances, le juge est oblig dordonner la rouverture des dbats au sujet de la
rgle ou de la qualification quil a souleves. Dans le mme sens, les mesures
d'instruction dcides d'office doivent tre excutes contradictoirement.
Le cas chant, le magistrat devra rouvrir les dbats s'il envisage d'appliquer une ou
plusieurs rgles juridiques dont les parties n'ont pas dbattu devant lui.
23 Si larticle 774, alina 2, du Code judiciaire nnonce la rgle quen matire de rejet de la demandesur la base dune exception non invoque par les parties, le principe du contradictoire imposedtendre cette rgle toute hypothse dans laquelle une rgle de droit est souleve doffice par le
juge. Voy. J. KIRKPATRICK, Un principe gnral du droit plus fort que la loi : le respect du droit dedfense en cas de dcision judiciaire fonde sur un moyen pris doffice, in Imperat Lex - Liberamicorum Pierre Marchal, Bruxelles, Larcier, 2003, pp. 281 et s.
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SECTION VII - LE DROIT A UN JUGEMENT DANS UN DELAI RAISONNABLE ET
LARRIERE JUDICIAIRE
14. Un des problmes importants de la justice belge demeure celui de l'arrir
judiciaire, mme si, selon certains, celui-ci semblerait lheure actuelle tre
essentiellement localis devant les juridictions de larrondissement judiciaire de
Bruxelles et devant certaines cours dappel .
Il y a arrir judiciaire au sens strict du terme ds qu'il n'est pas possible d'obtenir
une dcision dans un dlai raisonnable pour des affaires en tat d'tre juges.
Il ne faut pas confondre l'arrir judiciaire avec le retard dans la mise en tat des
causes. Il y a retard dans la mise en tat des causes ds qu'il n'est pas possible de
contraindre un plaideur ngligent ou dloyal de prendre ses conclusions dans un
dlai raisonnable. De tels retards sont aujourdhui en principe inconcevables compte
tenu des rgles prvues dans le Code judiciaire, sauf accord des deux plaideurs pour
ne pas mettre leur affaire en tat dtre juge.
L'arrir judiciaire est d principalement des cadres insuffisants, une organisation
matrielle des cours et tribunaux souvent dsute, une comprhension souvent
goste de certaines dispositions librales de la loi de 1967 et enfin une application
stricte de la loi du 15 juin 1935 sur lemploi des langues en matire judiciaire qui
compromet le recrutement de magistrats Bruxelles.
On peut citer, titre d'exemple, que la dure moyenne d'un procs civil en premier
degr est de l'ordre de 12 mois, et que devant certaines cours d'appel le dlai de
fixation d'une cause en tat d'tre plaide peut atteindre plus de deux ans (plus de
quatre ans devant la cour d'appel de Bruxelles).
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Cette situation est en contradiction flagrante avec larticle 6, 1er, de la CEDH qui
garantit, comme on la vu, le droit ce que la cause soit juge dans un dlai
raisonnable. Elle a dailleurs rcemment entran la condamnation de lEtat belge24
.
15. Depuis plusieurs annes, certaines mesures lgislatives ont t adoptes pour
tenter de lutter contre l'arrir judiciaire mais elles ne paraissent pas encore porter
leurs fruits dans les grands arrondissements judiciaires ou ressorts de cours dappel
comme Bruxelles ou Anvers25.
La loi du 26 avril 2007, dj cite, constitue la dernire mesure adopte afin de luttercontre larrir judiciaire. Malgr son intitul, cette loi acclre essentiellement le
processus de mise en tat des causes, en prvoyant la fixation automatique, sauf
accord contraire exprs de toutes les parties, dun calendrier dchange de
conclusions et dune date daudience ds le dbut du procs. Elle ne contient aucune
mesure concrte afin de rduire la priode qui stend entre la fin de la mise en tat
de la cause et la date daudience.
SECTION VIII - INTERDICTION DU DENI DE JUSTICE
16. Il y a dni de justice lorsque le juge refuse de juger, sous quelque prtexte que ce
soit, mme du silence, de l'obscurit ou de l'insuffisance de la loi (article 5 du Code
judiciaire).
Le juge qui commet un dni de justice est celui qui s'abstient de juger et est pour cela
civilement (dommages et intrts) et disciplinairement punissable. Ne commet pas un
dni de justice le juge qui rend un jugement inexact ou mauvais ou celui qui rend un
jugement dincomptence ou dirrecevabilit de la demande. Si le juge ne peut
24 Voy. Civ. Bruxelles, 6 novembre 2001, R.G.D.C., 2002, p. 15, note H. VUYE et K. STANGHERLIN, LEtat belge responsable de larrir judiciaire... et pourquoi (pas)? ; Bruxelles, 4 juillet 2002,
J.L.M.B., 2002, p. 1184 ; Cass., 28 septembre 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1548, notes J. W ILDEMEERSCHet M. UYTTENDAELE.25 Sur tout ceci, voy. X., Larrir judiciaire nest pas une fatalit, Bruxelles, Bruylant, 2004.
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dcouvrir dans la loi aucune solution au litige qui lui est soumis, il lui appartient de
statuer selon la solution qui lui parat la plus quitable, mais il doit ncessairement se
prononcer.
On considre que cette obligation est une contre-partie au quasi monopole (on
excepte l'arbitrage) que possde l'Etat en matire judiciaire.
Il faut en effet souligner que le rle primordial du juge est de mettre fin un litige, de
dire le droit l'occasion d'une contestation.
Cette acception du mot justice ne recouvre pas ncessairement la vertu du mme
nom, sentiment d'quit que l'on porte au fond de soi-mme.
Dans le mme ordre d'ide, la chose juge est considre comme tant la vrit,
mme si cette vrit judiciaire ne concide pas avec la vrit objective.
On notera encore que la rgle rappele par l'adage de minimis non curat praetor
ne constitue pas une rgle de droit positif belge. Il y aurait en effet dni de justice si
le juge refusait de trancher un litige dont il trouverait que les intrts sont trop peu
importants.
SECTION IX - LES JUGES NE PEUVENT PRONONCER PAR VOIE DE
DISPOSITION GENERALE
17.Larticle 6 du Code judiciaire prvoit que les juges ne peuvent prononcer par voie
de disposition gnrale et rglementaire sur les causes qui leur sont soumises.
Cela implique que les juges doivent trancher au cas par cas les litiges qui leur sont
soumis. Ils ne peuvent prendre des dispositions gnrales et rglementaires et le
prcdent judiciaire na pas de force contraignante pourlavenir.
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Ce principe interdit notamment que le juge puisse fonder sa dcision sur la
jurisprudence, ft-elle celle de la Cour de cassation, sans indiquer les raisons pour
lesquelles il sy rallie et attribue ainsi cette jurisprudence une porte gnrale etrglementaire26.
26Cass., 12 avril 1994, Pas., I, 360; Cass., 24 juin 1998, Pas., I, n337.
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PREMIRE PARTIECONCEPTS GNRAUX
CHAPITRE I - LACTION EN JUSTICE
SECTION I - DEFINITION ET MODALITES DEXERCICE
Sous-Section I - Dfinition et distinction
18.La notion d'action en justice est controverse, et c'est sans doute la raison pour
laquelle le lgislateur n'a pas voulu, dans le Code, en noncer la thorie.
Dans la conception moderne, l'action en justice est le pouvoir lgal de soumettre une
prtention un juge pour l'obliger l'entendre et dire si cette prtention est bien ou
mal fonde en droit.
Pour le dfendeur, l'action est le droit de contester la recevabilit ou le fondement de
cette prtention.
19.On a frquemment le sentiment que le droit et l'action se confondent, mais cette
conception n'est pas exacte dans la mesure o, notamment en droit priv, il existe un
contentieux objectif (actions non fondes sur un droit subjectif) : procdure
d'interdiction, pourvoi dans l'intrt de la loi, action possessoire, etc..., tandis qu'il
existe galement des droits dmunis d'actions (notamment les obligations naturelleslorsqu'elles n'ont pas t converties).
Il ne faut pas non plus confondre l'action et la demande : cette dernire est l'exercice,
la mise en oeuvre de la premire, par la partie qui saisit le juge d'une prtention.
L'action est la facult de saisir la justice; la demande est le fait de la saisir, c'est
l'action effectivement exerce. La distinction est, nous le verrons, importante
notamment en ce qui concerne les conditions dexistence et dexercice du droitdaction.
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Sous-Section II - Un droit susceptible dun usage abusif ou
fautif
A. - Principe et critres
20.L'accs la justice est libre, mais l'abus du droit d'agir, comme celui du droit de
se dfendre (demande ou dfense tmraire ou vexatoire) ou celui de pratiquer saisie
conservatoire ou excution, est prohib.
Dans un important arrt du 31 octobre 2003, la Cour de cassation a confirm quune
procdure peut revtir un caractre vexatoire non seulement lorsquune partie est
anime de lintention de nuire une autre mais aussi lorsquelle exerce son droi t
dagir en justice dune manire qui excde manifestement les limites de lexercice
normal de ce droit par une personne prudente et diligente27.
B. - Sanctions
21. Labus du droit daction en justice est normalement rpar par des dommages et
intrts au profit de la partie qui a subi un dommage rparable par suite de la faute
commise par son adversaire. Depuis lentre en vigueur, le 1erjanvier 2008, de la loi
du 21 avril 2007 sur la rptibilit des frais et honoraires davocat, ce prjudice doit
tre distinct des frais de dfense qui sont dj indemniss par lindemnit de
procdure (art. 1022 C. jud.).
Depuis la loi du 26 avril 2007, larticle 780bisdu Code judiciaire prvoit que la partie
qui utilise la procdure des fins manifestement dilatoires ou abusives peut tre
condamne une amende de 15 euros 2500 euros sans prjudice des dommages
et intrts seraient rclams.
27 Cass., 31 octobre 2003, J.T., 2004, p. 135, note J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Labus procdural,
une tape dcisive . Voy. g. G. CLOSSET-MARCHAL, Les droits de la dfense et les voies derecours , in Les perversions du droit de la dfense, Bruxelles, Kluwer-Bruylant, 2000, pp. 46 et s.
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Cette amende qui peut le cas chant tre prononce doffice par le juge est
recouvre par ladministration des domainesau profit de lEtat.
SECTION II - RECEVABILITE DE LACTION
22.La recevabilit d'une action est constitue par l'ensemble des conditions exiges
pour que la juridiction comptente puisse statuer sur le fond de la cause.
En ayant l'esprit la distinction opre ci-dessus entre l'action et la demande, on peut
dire que les principales conditions de recevabilit de l'action sont l'intrt et la qualit
comme lnoncel'article 17 du Code judiciaire qui dispose que l'action ne peut tre
admise si le demandeur n'a pas qualit et intrt pour la former.
Dautres obstacles lgaux peuvent galement entraner lextinction ou la suppression du droit dagir, on
pense spcialement lautorit de chose juge ainsi quaux dlais de prescription, prfix ou de
forclusion. On les examinera ultrieurement avec ltude des moyens de dfense que peut opposer le
dfendeur lencontre de laction forme contre lui par le demandeur.
Sous-Section I - Lintrt
A. - Dfinition et moment auquel lintrt sapprcie
23. L'intrt est le rsultat, l'avantage, matriel ou moral, effectif et non thorique,
que recherche le demandeur en soumettant au juge la prtention dont il souhaite
entendre reconnatre le bien-fond.
Lintrt agir sapprcie au jour au moment o la demande est introduite28.
Toutefois, si une partie perd son intrt agir en cours dinstance, la demande
devient dpourvue dobjet.
28 Cass., 24 avril 2003, Pas., I, 854.
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B. - L'intrt doit prsenter certaines caractristiques
24. L'avantage recherch doit tre effectif et non thorique. Le droit que le juge dit etapplique doit avoir une incidence concrte sur la situation des parties. En d'autres
termes, l'action qui tend seulement obtenir une sorte de consultation juridique est
irrecevable29. Mais l'intrt ne cesse pas d'tre effectif par le fait qu'il est moral et n'a
pas d'incidence sur le patrimoine : qu'il s'agisse de dfendre sa rputation ou de faire
trancher une contestation ayant trait au statut personnel, l'action est recevable.
Sauf abus de droit, le caractre infime de l'intrt allgu n'entrane pas
l'irrecevabilit de l'action, et c'est tort que l'on se rfrerait la maxime de minimis
non curat praetor.
25. L'intrt doit tre licite30, c'est--dire conforme l'ordre public et aux bonnes
moeurs. Celui qui poursuit le maintien dune situation contraire lordre public na
partant pas un intrt licite31. Par contre, le simple fait que lobjet de la demande
puissepar ailleurssusciter des questions dordre fiscal ou urbanistique ne conduit
pas lirrecevabilit de laction ds lors que celle-ci ne vise pas uniquement le
maitien dune situation contraire lordre public32.
26.Il doit tre direct et personnel33, ou encore propre au demandeur, cest--dire
que le rsultat de laction doit profiter au demandeur lui-mme et plus
particulirement son patrimoine, son honneur ou sa rputation34. En dautres
termes, larticle 17 du Code judiciaire prohibe laction exerce uniquement dans
lintrt dautrui et qui ne profite en aucune faon au demandeur.
29Pour des exemples, voy. E. GUTTet J. LINSMEAU, Examen , R.C.J.B., 1981, p. 423, n 7.30 Cass., 7 octobre 2003, Pas., I, 1562.31 Ibidem. A propos dune hypothse dans laquelle le demandeur sollicitait de pouvoir conserver unevilla construite en violation de la lgislation en matire durbanisme.32 Voy. par ex. Cass., 2 mars 2006, C.05.0061.N, www.cass.be, propos dune action en paiement deprestations effectues dans le contrat dun contrat dentreprise sans quune facture ait t mise par ledemandeur ou encore Cass., 2 avril 1998, Pas., I, 431 propos du paiement dune indemnit
dassurance pour lincendie dune caravane construite sans permis de btir.33 Cass., 4 avril 2005, Pas., I, 757.34 Cass., 19 septembre 1996, Pas., I, 830.
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Cette exigence suscite spcialement des difficults et des contestations sagissant
des personnes morales qui seront examines ci-aprs.
27.L'article 18 du Code judiciaire dispose encore que l'intrt doit tre n et actuel au
moment de lintroduction de laction. Cela signifie qu'un intrt purement ventuel ne
suffit pas pour qu'une action soit recevable. Toutefois, il nest pas requis quau
moment de lintroduction de laction, le demandeur ait dj subi un dommage ou ait
pay une indemnit un tiers35.
L'alina 2 de larticle 18prvoit cependant que l'action peut tre admise lorsqu'ellea t intente, mme titre dclaratoire, en vue de prvenir la violation d'un droit
gravement menac.
Le texte est trs prudent puisque, si le Code autorise le recours la justice titre
prventif (ou ad futurum ) ou simplement dclaratoire, c'est la condition que le
pril soit certain. Il faut plus particulirement que deux conditions soient runies:
a) Le demandeur doit tablir l'existence d'une menace grave et srieuse au point de
crer un trouble prcis36; il faut en dautres termes que le droit ou lexercice du droit
apparaisse srieusement contest ou menac, quil y ait une prtention immdiate et
actuelle faisant prsager ou annonant dune manire suffisamment probable et
srieuse la mise en pril dun droit ou la ralisation dun dommage37 ;
35 Cass., 29 fvrier 1996, Pas., I, 224. En lespce, le demandeur qui avait fait transporter par ledfendeur des marchandises pour le compte dun client demandait des dommages et intrts audfendeur pour linexcution fautive de la convention les liant. Les juges dappel avaient dclarlaction irrecevable au motif que le demandeur pourtant tenu vis--vis de ses propres clients nedmontrait pas avoir subi effectivement un dommage ou effectivement pay une indemnit.36
Ainsi, ne justifie pas dun intrt n et actuel obtenir une mesure, le demandeur qui fait tat dunprjudice ventuel susceptible de provenir dune dcision administrative future dont la teneur esttotalement inconnue au moment o le juge statue (Bruxelles, 1erfvrier 2007, J.L.M.B., 2007, p. 881).De mme, nest pas recevable laction purement dclaratoire quun commerant introduit afin de
demander au juge de dire pour droit que la publicit quil entend raliser est lgale (Bruxelles, 13octobre 1995, J.T., 1996, p. 27).37 Lige, 15 juillet 2004, J.T., 2004, p. 892.
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b) La dcision prventive ou dclaratoire doit avoir une utilit concrte, clarifier la
situation, mettre un terme la menace qui a justifi l'action, faire reconnatre
l'existence ou l'inexistence d'un droit.
Les cas classiques d'actions prventives sont ceux o le juge des rfrs
ordonne une enqute ad futurum s'il est constant que tout retard apport
l'audition du tmoin doit faire craindre que le tmoignage ne puisse plus tre recueilli
ultrieurement (article 584, alina 4 du Code judiciaire), la demande de vrification
d'criture et le faux civil qui peuvent tre introduits titre principal (articles 883 et 895
du Code judiciaire), enfin, l'hypothse o le juge est saisi d'une demande principaleayant pour seul objet la dsignation d'un expert charg de procder des
constatations ou de donner un avis d'ordre technique (article 962 du Code
judiciaire)38.
Mais les actions prventives sont galement admises en matire de prvention des
dommages lis notamment latteinte la vie prive. Ainsi, le demandeur peut-il faire
interdire prventivement la diffusion dune mission de tlvision qui serait de
nature porter atteinte, sans ncessit, l'honneur, la rputation et la vie prive
de la personne vise par la communication au public d'informations inexactes, non
vrifies ou manquant d'objectivit 39.
En matire de pratiques du commerce, on admet galement laction en cessation
prventive en vue de faire cesser une pratique qui na pas encore eu lieu mais dont le
caractre imminent est certain.
A ct des actions prventives, on peut galement distinguer les actions
dclaratoires, cest--dire celles par lesquelles le demandeur sollicite une dclaration
38Est prmature la demande adresse au juge des rfrs de commettre un expert charg d'valuerles incidences de travaux lorsqu'elle intervient un moment o le dprissement des preuves n'estpas craindre et o la procdure relative ce permis est toujours en cours en sorte que pourrait
intervenir une dcision de refus ou d'octroi sous des conditions garantissant le respect des droits desriverains (Lige, 15 juillet 2004, J.T., 2004, p. 892).39Cass., 2 juin 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1403 ; Civ. Lige (rf.) 14 avril 2004, J.L.M.B., 2004, p. 788.
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ngative ou positive de la part du juge qui est destine clarifier la situation et viter
ainsi la ralisation dun prjudice ou dinconvnients imminents.
En matire dexcution, la jurisprudence admet ainsi que le crancier dont lactualit
ou lefficacit du titre excutoire est conteste puisse agir titre dclaratoire devant le
juge des saisies avant que toute procdure d'excution force n'ait t initie ou
encore pour faire liquider une astreinte dont la dbition ferait lobjet de
contestations40.
Par contre, la jurisprudence refuse quune demande de dclaration de conformitdune pratique une lgislation dtermine soit soumise titre prventif au juge des
cessations41.
C. - L'intrt des personnes morales
28.Les personnes morales sont celles qui sont revtues de la personnalit juridique
(A.S.B.L., S.A., S.P.R.L., ...).
Les personnes morales de droit public et de droit priv sont mises sur le mme pied
que les personnes physiques, et peuvent agir en justice, quand elles y ont un intrt
personnel et direct.
La jurisprudence a eu connatre diverses reprises de la possibilit pour une
association dment constitue d'obtenir rparation du prjudice caus l'ensemblede ses membres ou son but associatif.
On songe, par exemple, divers procs o des organismes, comme la Ligue des
droits de l'homme, ont voulu se constituer agir en justice afin de dfendre leur objet
40Arr. Lige, 22 avril 2004, J.L.M.B., 2004, p. 1485.41Prs. Comm. Bruxelles, 9 dcembre 2004, R.A.B.G., 2005, p. 966, et la note I. BUELENSqui propose
de reconnatre la possibilit dune action dclaratoire ngative lorsquil existe une menace srieuse decontestation de la pratique concerne; Bruxelles, 13 octobre 1995, J.T., 1996, p. 27 ; Ann. Prat.Comm.& Conc., 1996, p. 96, note A. PUTTEMANS.
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social quil sagisse de critiquer la lgalit dun acte ou obtenir la rparation dun
dommage caus par la commission dun acte contraire leur objet social.
Dans l'tat actuel de la lgislation, pareille action n'est pas recevable, l'intrt gnral
n'tant pas l'intrt exig par l'article 17 du Code judiciaire. La jurisprudence de la
Cour de cassation, trs controverse, est constante sur ce point. Selon la Cour de
cassation, l'intrt personnel d'une personne morale, dont celle-ci doit justifier pour
exercer une action en justice, ne comprend que ce qui concerne l'existence de cette
personne, ses biens patrimoniaux et ses droits moraux, spcialement son honneur et
sa rputation
42
. La jurisprudence de la Cour de cassation statue ainsi l'inverse decelles du Conseil d'Etat et de la Cour constitutionnelle, qui admettent depuis de
nombreuses annes la recevabilit des recours en annulation introduits par des
associations se prvalant pour agir d'une atteinte porte par l'acte incrimin aux
intrts collectifs dont elles assument statutairement la dfense.
29. On constate nanmoins une volution lgale et jurisprudentielle lente mais
favorable ce type d'action43.
Ainsi, des dispositions lgislatives permettent des groupements constitus d'agir en
justice pour veiller la dfense d'intrts collectifs (par ex. loi du 14 juillet 1991 sur
les pratiques du commerce : l'action en cessation est ouverte aux associations
jouissant de la personnalit juridique ayant pour objet la dfense des intrts des
consommateurs; loi du 30 juillet 1981 tendant rprimer certains actes inspirs par
le racisme et la xnophobie : elle donne le droit d'ester en justice tout tablissement
d'utilit publique ou toute association jouissant de la personnalit juridique depuis
au moins cinq ans la date des faits lorsqu'un prjudice est port aux fins statutaires
qu'ils se sont donns pour mission de poursuivre; loi du 12 janvier 1993 crant un
droit daction en matire denvironnement qui confre le droit dagir aux associations
sans but lucratif et aux tablissements dutilit publique, dote de la pe rsonnalit
42 Cass., 19 novembre 1982, Pas., 1983, I, 338.43 Pour un expos de synthse, voy. G. CLOSSET-MARCHAL, Vers une reconnaissance
jurisprudentielle de laction dintrt collectif, J.T., 1999, pp. 441 et s. et Laction dintrt collectifau regard de la jurisprudence de la Cour de cassation , in Les actions collectives devant lesdiffrentes juridictions, CUP, volume 47, mai 2001, pp. 7 et s.
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juridique depuis trois au moins, dont lactivit relle concerne lintrt collectif de
lenvironnement quils visent protger; ...).
Dautre part, certaines dcisions se fondant sur des dispositions de conventions
internationales liant la Belgique (spcialement, la Convention europenne des droits
de lhomme) ont cart larticle 17 du Code judiciaire en permettant des
associations dagir en justice pour la dfense de leur objet statutaire44.
D. - L'intrt des associations de fait
30.Les associations de fait sont des groupements d'individus unis par un ou
plusieurs buts communs mais qui n'empruntent pas l'une des formes prvues par la
loi pour jouir de la personnalit juridique.
Par exemple, un comit de quartier peut vouloir bnficier de la personnalit
juridique (notamment, justement, pour pouvoir ester en justice) et se constituera alors
en A.S.B.L.
Ce mme comit peut n'en rien faire (car, l'inverse, on ne pourra ester contre lui : il
faudra attraire la cause tous ses membres individuellement).
Lorsqu'une association de fait, dpourvue de la personnalit juridique, veut intenter
une action en justice, l'action doit tre intente la requte de tous ses membres,
mais ceux-ci ont le loisir de se faire reprsenter par un mandataire. La rgle nul neplaide par procureur (exprime par l'article 702 du Code judiciaire lorsqu'il impose,
peine de nullit, d'indiquer dans l'acte introductif d'instance les nom, prnom et
domicile du demandeur ) signifie simplement que les parties sont obliges d'indiquer
dans les actes de procdure qui les concernent leur identit ct de celle du
mandataire et, le cas chant, d'tablir le mandat. Ce qui signifie que le mandataire
44 Voy. par exemple, Mons, 15 dcembre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 685; Civ. Tournai, (rf.), 16dcembre 1998, J.T., 1999, p. 451.
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ad litem doit fournir le nom de son mandant et le cas chant de tous ses
mandants.
Le droit positif connat toutefois des exceptions la rgle gnrale : les ordres
professionnels organiss par la loi peuvent ester en justice pour la dfense de la
profession, et les organisations reprsentatives de travailleurs, quoique ne disposant
pas de la personnalit juridique, ont galement accs aux tribunaux dans certaines
matires relevant du droit collectif du travail (par exemple en matire dlections
sociales).
Sous-Section II - La qualit
A. - Notion
31.La qualit est traditionnellement dfinie comme le titre juridique en vertu duquel
une personne est investie du pouvoir de soumettre son litige une juridiction.
L'exigence de la qualit dans le chef du demandeur emporte un corollaire dans lechef du dfendeur, l'action doit tre forme contre celui qui a qualit pour y rpondre.
B. - La qualit, titre en vertu duquel une personne dispose du droit dagir en
justice
32.La qualit, titre juridique en vertu duquel une personne est investie du pouvoir de
soumettre son litige une juridiction, se confond frquemment avec l'intrtpersonnel et direct agir lorsque l'action tend la reconnaissance d'un droit subjectif
et qu'elle est exerce par le titulaire de ce droit qui, de ce fait, a qualit pour agir.
La partie au procs qui prtend tre titulaire du droit subjectif a lintrt et la qualit
pour introduire une action en justice, mme si ce droit est contest. Lexamen ou la
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porte du droit subjectif invoqu par le demandeur relve non pas de la recevabilit
mais du bien-fond de la demande45.
Cependant, la qualit revt une dimension particulire dans les actions dites attitres,
cest--dire celles pour lesquelles lintrt agir ne suffit pas, seules certaines
personnes tant habilites agir. Cest ainsi par exemple que seuls les poux
peuvent agir en divorce, que seules certaines personnes disposent de laction en
dsaveu de paternit (article 318 du Code civil), que les grand-parents ne peuvent
agir en vue de se voir accorder le droit lhbergement, celui-ci tant un attribut de
lautorit parentale
46
ou encore que seules les personnes protges par une rgleimprative peuvent agir en nullit relative dun acte accompli en mconnaissance de
celle-ci.
Cest la raison pour laquelle on a plus rcemment dfini la qualit comme le titre
juridique en vertu duquel une personne agit en justice cest--dire le lien de droit
existant entre elle - sujet actif ou passif de laction - et lobjet de la demande, le droit
subjectif quelle allgueou conteste.
C. - La qualit, pouvoir en vertu duquel une personne forme une demande en
justice
33. Ds lors que lon admet que le droit dagir en justice est distinct du droit
substantiel en litige, il faut admettre la possibilit dune non-concidence entre les
titulaires de lun et de lautre.
Tel est notamment le cas lorsque l'action est exerce par un reprsentant, que celui-
ci soit impos par la loi (le tuteur d'un mineur) ou dsign par la justice (le curateur
d'une faillite) ou encore qu'il s'agisse d'un mandataire librement dsign par le
titulaire du droit47.
45 Voy. not. Cass., 26 fvrier 2004, Pas., I, 335; Cass., 2 avril 2004, Pas., I, 573; Cass., 11 fvrier
2005, Pas., I, 350.46 Voy. not. Mons, 10 janvier 1991, J.L.M.B., 1992, p. 249, obs.47 Lorsque l'action est exerce par un mandataire, ce dernier ne peut se prsenter comme agissant en
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L'action est galement parfois exerce par le crancier, autoris par la loi agir en
lieu et place de son dbiteur, dans les conditions de l'article 1166 du Code civil.
Dans ces cas, le reprsentant ou celui qui agit au nom et pour le compte dautrui doit
justifier de sa qualit, cest--dire de lexistence et de ltendue de son pouvoir dagir
pour le compte dautrui. On aperoit immdiatement que la qualit revt ici un
contenu diffrent. Elle nest plus une condition dexistence du droit daction (qui existe
dans le chef de la personne au nom de laquelle on agit) mais une condition de la
mise en oeuvre de ce droit par lintroduction dune demande en justice. En dautrestermes, la qualit est la comptence ou le pouvoir de former une demande en justice.
Elle nest plus une condition de laction mais une condition de recevabilit de la
demande en justice.
Sous-Section III - La capacit
34.La question de savoir si la capacit est une condition de recevabilit de l'actionest discute en doctrine et en jurisprudence.
Il chet de prciser que la capacit est la norme, et dans les cas d'incapacit, un
systme de reprsentation est gnralement organis48.
35.Suivant certains auteurs et tribunaux, la condition de capacit serait exige de la
manire la plus absolue pour agir en justice. La sanction dcoulant du dfaut decapacit - ainsi que les conditions dans lesquelles elle peut tre prononce - sont
cependant plus discutes. Lincapable qui agit en justice se voit-il en effet opposer
son nom personnel, mais est au contraire tenu de rvler l'identit de son mandant. Il sagit delapplication de ladage Nul ne plaide par procureur lgalement consacr par larticle 702, 1, duCode judiciaire qui exige, peine de nullit, que lexploit de citation indique les nom, prnom etdomicile du demandeur. On prcise cet gard que lorsque le titulaire du droit est une personnemorale, la dcision d'agir relve de son organe comptent qui, la diffrence des mandatairesclassiques, incarne vritablement la personne morale.48
Cest ainsi notamment que larticle 567 du Code judiciaire dispose que le tribunal saisi dunedemande peut nommer un tuteur ou un administrateur lgal ad hoc pour remplacer dans linstancele tuteur ou ladministrateur lgal absent ou empch.
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une fin de non-recevoir ou une exception dilatoire jusqu ce que ses reprsentants
lgaux interviennent linstance ? Lincapable peut-il par ailleurs agir en justice seul
dans les cas dabsolue ncessit, en rfr, titre conservatoire ou lorsquil est en
conflit avec ses reprsentants lgaux? Ces questions sont loin dtre rsolues.
36.Aussi, suivant une autre partie de la doctrine, la capacit n'est pas considre
comme une condition distincte de recevabilit de l'action.
La capacit ne constitue en effet pas une condition dexistence du droit daction mais
uniquement une condition de mise en oeuvre de ce droit, par son exercice concret,cest--dire lintroduction dune demande en justice49. Or, si la capacit sidentifie
laptitude ou au pouvoir dagir, elle recoupe en tous points la condition de qualit
conue comme le pouvoir de former une demande en justice et perd tout contenu
propre.
49
La Cour de cassation a ainsi dcid que lintroduction dune demande en justice requiert, en tantquacte juridique valable, la volont dobtenir des effets juridiques (Cass., 5 fvrier 1998, Pas., I,180).
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CHAPITRE II - LA DEMANDE
SECTION III - DEFINITION DE LA DEMANDE EN JUSTICE
37. La demande en justice est l'action exerce, soumise la justice par l'un des
modes d'introduction de l'instance ou par des conclusions. Laction en justice
constitue un droit subjectif qui est mis en oeuvre, actualis, par la demande en
justice, acte de procdure qui saisit effectivement le juge et formule la prtention
juridique dont ce dernier a connatre. Laction en justice est la facult de saisir la
justice, la demande est le fait de la saisir.
Bien que les notions soient frquemment confondues dans la pratique, il convient ds
lors de clairement distinguer, pour la suite de lexpos, laction de la demande en
justice.
SECTION IV - LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA DEMANDE EN JUSTICE
38.La demande en justice suppose un ou des sujet(s) actifs et un ou des sujet(s)
passif(s) : les parties, par opposition aux tiers, qui peuvent, le cas chant, devenir
parties au procs, dans les cas d'intervention volontaire ou force50. La demande
prsente galement comme caractristiques de possder un objet et une cause.
Relevons enfin que la demande doit en outre tre porte devant le juge comptentpour en connatre.
50 A ct des catgories des parties et des tiers , il existe une troisime catgorie, qui est
celle des personnes convoques ou entendues . Le rgime qui est applicable cette catgorieintermdiaire, fait lobjet de nombreuses hsitations. Voy. H. BOULARBAH, Requte unilatrale etinversion du contentieux, Larcier, Bruxelles, 2010, pp. 74 115.
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Sous-Section I - L'objet de la demande
39.L'objet de la demande est la prtention de celui qui l'introduit, ce quil rclame, cequ'il souhaite voir dcider et consacrer par le juge, par exemple, le paiement d'une
somme d'argent, la rsolution d'un contrat, le divorce, etc.... Cest en quelque sorte la
matrialisation, la concrtisation ou encore le prolongement de lintrt agir. Il sagit
de l'avantage moral, social ou conomique qui est concrtement recherch et postul
par le demandeur.
40.Le juge doit qualifier juridiquement cet objet si les parties ne l'ont pas fait ou le
requalifier si elles ont propos une qualification inexacte en recherchant la volont
relle de la partie demanderesse. Ce que recherche cette partie, cest en effet un
rsultat concret et non une qualification juridique.
La Cour de cassation a expressment consacr cette solution dans un arrt du 23
octobre 2006 en matire de paiement de rmunration51. Oprant un revirement par
rapport sa jurisprudence antrieure52, la Cour a considr que lorsquun travailleur
introduit une action contractuelle en paiement de rmunrations impayes, le juge
peut requalifier cette demande en action extracontractuelle en paiement de
dommages-intrts pour dlit de non-paiement de rmunrations, et ce afin de faire
bnficier le demandeur de la prescription de 5 ans de larticle 26 du titre prliminaire
du code de procdure pnale, plutt que dappliquer la prescription dun ande larticle
15 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail.
Toutefois, sauf lorsquil y est autoris expressment par un texte lgal 53, il est interdit
au juge de statuer infra ouultra petita(article 1138, 2 et 3, du Code judiciaire). Il ne
peut modifier l'objet de la demande soit en l'amplifiant, soit en substituant une
51J.L.M.B., 2007, p. 698.
52Cass., 13 juin 1994, J.T.T., 1994, p. 406 ; Cass., 19 juin 2000,Arr. Cass., 2000, p. 1145.53
On songe notamment larticle 780bisdu Code judiciaire (amende civile pour abus de procdure)ou la libert dans la fixation du montant de lastreinte ds lors que le principe de celle -ci a tdemand par une des parties.
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prtention une autre, soit encore en rduisant lobjet de la demande qui nest pas
contest par le dfendeur54.
Ainsi violerait-il le principe dispositif en octroyant un avantage non sollicit par l'une
des parties (et ce quand bien mme la matire serait dordre public). De mme, une
partie ne peut tre condamne au profit d'une autre qui n'a rien demand contre elle.
Cest sur cette base quun arrt de la Cour de cassation du 8 fvrier 2001 a considr
quun juge ne pouvait pas requalifier une demande dannulation dun contrat en
demande de rsolution de ce contrat
55
. Certains auteurs considrent que la Cour decassation devrait prochainement abandonner cette jurisprudence, la suite de larrt
prcit du 23 octobre 2006.
41. L'objet doit tre possible. A dfaut d'objet, ou si celui-ci cesse d'exister, la
demande est irrecevable dfaut d'intrt.
L'objet de la demande ne peut bien entendu tre contraire l'ordre public ou aux
bonnes moeurs, conformment l'article 6 du Code civil.
42.Lobjet de la demande peut tendre des mesures provisoires, cest--dire des
mesures pralables destines soit instruire la demande, soit rgler provisoirement
la situation des parties (article 19, alina 2, du Code judiciaire). Le juge peut donc
prendre, sans lier le juge du fond, les mesures ncessaires pour diminuer les
inconvnients qui rsulteraient de la longueur de la procdure. La comptence en
matire provisoire est attribue aux prsidents des tribunaux sigeant en rfr ou
sur requte unilatrale (articles 584 et 1280 du Code judiciaire) ou au juge du fond
lui-mme, en vertu de l'article 19, alina 2, du Code judiciaire.
43.La demande peut galement comporter un objet subsidiaire, soit celui qui n'est
postul qu' titre de position de repli, pour le cas o lobjet de la demande prsent
titre principal serait rejet. Ainsi, le demandeur peut solliciter titre principal la
54Cass., 31 mars 2006, C.04.0257.F.,www.cass.be;Cass., 28 avril 1992, Pas., I, 761.55Cass., 8 fvrier 2001, R.G.D.C., 2002, p. 446.
http://www.cass.be/http://www.cass.be/http://www.cass.be/http://www.cass.be/7/22/2019 Tome_I_-_version_2010-2011.pdf
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rsolution d'un contrat et titre subsidiaire des dommages intrts pour mauvaise
excution de celui-ci.
Dans un arrt du 8 janvier 2004, la Cour de cassation a prcis que le demandeur
qui, en application dune disposition prvoyant cette procdure, a rgulirement
introduit sa cause par la voie dune requte contradictoire peut introduire une
demande subsidiaire par la mme voie, mme si, introduite titre principal, cette
dernire demande devait ltre par voie de citation56.
Sous-Section II - La cause de la demande
A. - Introduction
44. La notion de cause de la demande a pendant longtemps t l'une des plus
controverses du droit judiciaire. Elle a oppos la doctrine, pratiquement unanime, et
la jurisprudence de la Cour de cassation soutenue par certains auteurs. Si lon
saccordait sur le fait que la cause constitue le fondement de la demande, la naturede ce fondement (factuel, juridique, ...) restait prement discute.
45.Suivant une certaine interprtation de la jurisprudence de la Cour de cassation,
celle-ci aurait traditionnellement dfini la cause de la demande en justice comme
tant son fondement juridique ou son titre juridique57. Ds lors, le juge saisi d'une
action ne pourrait modifier d'office les dispositions lgales invoques lappui de la
demande mme si les dispositions lgales quil souhaiterait leur substituer sont
d'ordre public. Trs concrtement, le juge saisi dune demande dindemnisation
fonde sur larticle 1382 du Code civil ne pourrait faire droit cette demande sur la
base dune autre disposition comme larticle 1384, alina 3, du mme Code.
56 Cass., 8 janvier 2004, R.A.B.G., 2004, p. 621, note B. MAES; R.W., 2004-05, p. 64, note J.
LAENENS; J.J.P., 2004, p. 388, note S. MOSSELMANS.57 Cass., 4 mars 1972, Pas., I, 806, concl. du Procureur gnral W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH;Cass., 20 mars 1980, Pas., I, 887, concl. de l'avocat gnral E. KRINGS.
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46. La doctrine estime par contre que la cause de la demande est constitue de
l'ensemble des faits allgus pour obtenir que le juge, appliquant la norme juridique
adquate, prononce la condamnation sollicite aprs avoir dclar la demanderecevable et fonde. Dans cette conception, la cause de la demande est le complexe
de faits gnrateurs de droit invoqus par le demandeur l'appui de sa prtention. Le
choix et l'application de la norme juridique relvent de l'office du juge, le rle des
parties tant d'allguer et de prouver les faits qui tablissent l'existence du droit
revendiqu travers la prtention. Dans le cadre de cette ventuelle requalification
des faits, le juge doit bien entendu respecter le principe de la contradiction des dbats
en invitant les parties sexprimer sur la requalification envisage.
Cette thse est notamment fonde sur la considration, consacre par la Cour de
cassation, que la partie qui s'adresse au juge n'est tenue ni de qualifier en droit les
faits qu'elle allgue ni d'indiquer les normes juridiques que le juge doit appliquer pour
dire la demande recevable et fonde58.
B. - Solution de la controverse
47. Dans des arrts rcents, la Cour de cassation a dfinitivement abandonn la
conception de la cause comme tant le fondement juridique de la demande et a
considr que celle-ci est compos de lensemble des faits et actes, mme non
juridiquement qualifis, invoqus par le demandeur lappui de ses prtentions.
Ainsi, dans un arrt du 14 avril 2005
59
, la Cour a considr que le juge est tenu detrancher le litige conformment la rgle de droit qui lui est applicable. Il a
lobligation, en respectant les droits de la dfense, de relever doffice les moyens de
droit dont lapplication est commande par les faits spcialement invoqus par les
parties au soutien de leurs prtentions. Le juge qui, sans rechercher si, sur la base
des faits spcialement invoqus lappui de la demande, la responsabilit
contractuelle du dfendeur nest pas engage, dcide de ne pouvoir examiner la
58
Cass., 24 novembre 1978, Pas., 1979, I, 372.59 Cass., 14 avril 2005, J.T., 2005, p. 659, note J. VAN COMPERNOLLE, La cause de la demande : uneclarification dcisive .
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demande sur cette base au seul motif que seule la responsabilit quasi dlictuelle de
la partie dfenderesse est invoque par la partie demanderesse, ne justifie pas
lgalement sa dcision.
Sous-Section III - Les parties ou sujets de la demande
48.La demande comporte en principe un ou plusieurs sujet(s) actif(s), le(s)
demandeur(s) et un ou plusieurs sujet(s) passif(s), le(s) dfendeur(s), qui constituent
les parties linstance.
Lon peut ainsi opposer les parties aux tiers la p rocdure, qui ne sont pas parties
la cause. La notion de tiers la procdure est importante plusieurs gards,
notamment pour dterminer ltendue de lautorit de la chose juge, quelles
personnes peuvent tre appeles ou agir en intervention ou encore qui sont les
titulaires de la tierce opposition, voie de recours rserve aux tiers.
Classiquement, on considre que sont seules parties la cause, la partiedemanderesse, la partie dfenderesse60 ainsi que les parties intervenantes,
volontaires ou forces6162. Le tiers est celui qui na pas t prsent au procs ou qui
60 Mme si elle ne dispose pas de la personnalit juridique ds lors quelle est condamne par lepremier juge, Cass., 13 septembre 1991, Pas., 1992, I, 33.61 Voy. Cass., 18 mai 1998, Pas., I, 617 ( propos des parties en degr dappel) et en doctrine, K.BROECKX, Gehoord worden is nog niet meteen partij worden , note sous Civ. Bruges, 27 juin 1997,J.J.P., 1999, p. 397-399 ; E. KRINGS, conclusions prcdant Cass., 23 mars 1990, Arr. Cass., 1989-1990, n 442.62
Comp. en droit franais, F. BUSSY, La notion de partie linstance en procdure civile, D., 2003,pp. 1376-1379 ; Ph. THRY, R.T.D.civ., 2003, pp. 627-630 ; C. LEFORT, Le tiers dans le nouveauCode de procdure civile , in Liber amicorum en lhonneur de Raymond Martin, Bruxelles-Paris,Bruylant-LGDJ, 2004, pp. 153 et s. Le droit franais comprend notamment une importante distinctionentre les intervenants principaux (art. 329 NCPC) et les intervenants accessoires (art. 330 NCPC) auxtermes de laquelle seuls les premiers sont de vraies parties la cause bnficiant de tous les attributsattachs cette qualit, notamment en ce qui concerne les voies de recours (voy. F. BUSSY, op. cit., p.1377, n10-11 et p. 1378, n21 ; Ph. THRY, R.T.D.Civ., 2003, p. 629 ; C. LEFORT, op. cit., pp. 172 et s.,ns 25-32). Le droit belge ne fait pas de diffrence, sur le plan de lattribution de la qualit de partie, ence qui concerne lintervention agressive ( celle qui tend au prononc dune condamnation) etlintervention simplement conservatoire ( celle qui tend la sauvegarde des intrts delintervenant ou de lune des parties en cause) [art. 15, alina 2, C. jud.]. Cette distinction prsentetoutefois un intrt en ce qui concerne la recevabilit de la demande et son autonomie ou sa
dpendance par rapport la demande principale (voy. G. CLOSSET-MARCHAL, Demande principale etdemande incidente : dpendance ou autonomie? , in Le procs au pluriel, Bruxelles, Kluwer-Bruylant,1997, pp. 36 et s., ns 16-29, spc. n24 et 26).
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ny a pas t reprsent, par mandataire ou autrement63. Le tiers doit tre demeur
compltement tranger la cause, cest--dire quil ne peut avoir t partie au litige
quelque titre que ce soit ft-ce comme intervenant volontaire ou forc64
.
49. On prcise encore que lorsque la demande est introduite, dans les cas
expressment autoriss par la loi, par requte unilatrale, la procdure ne comprend
quune seule partie, le demandeur65. Mme si la demande est dirige contre une
personne dtermine, celle-ci, qui nest pas appele comparatre, demeure un tiers
la procdure et dispose par consquent pour attaquer la dcision rendue de la voie
de recours extraordinaire que constitue la tierce opposition.
SECTION V - LES DIFFERENTES CATEGORIES DE DEMANDES EN JUSTICE
Sous-Section I - Distinctions
50.Les articles 12 16 du Code judiciaire rgissent la classification des demandes
en justice.
On classe d'une part, la demande principale ou introductive d'instance, celle qui ouvre
le procs (article 12, alina 2, du Code judiciaire), cest--dire la demande initiale qui
saisit le juge et, d'autre part, les demandes incidentes qui sont toutes les demandes
formes en cours de procdure (article 13 du Code judiciaire). Ces dernires ont pour
objet soit de modifier la demande originaire ou dintroduire de nouvelles demandes
entre parties, soit de faire entrer dans la cause des personnes qui ny ont pas t
appeles.
63 G. VAN DER MEERSCH, conclusions avant Cass., 24 janvier 1974, Pas.,I, 547.64 Cass., 24 janvier 1974, Pas., I, 544, concl. G. VAN DER MEERSCH. Voy. aussi Cass., 20 janvier1977, Pas., I, 545; Cass., 1er mars 1993, Pas., I, 228; Lige, 5 janvier 1990, Pas., 1990, II, 138;Anvers, 18 janvier 1990, Pas., 1990, II, 144; Civ. Huy, 24 mars 1994, J. dr. jeun., 1994, n 136, p. 45.65
Dans le cadre dune procdure sur requte unilatrale, sont seules considrer comme partiescelles qui ont introduit la requte et celles qui ont form intervention volontaire (Bruxelles, 10 fvrier1997, J.L.M.B., 1997, p. 300).
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L'introduction de demandes incidentes peut entraner des drogations aux rgles
applicables en matire de comptence et de ressort (articles 563, 564, 618, 620 et
621 du Code judiciaire).
Sur le plan de la procdure, la demande introductive d'instance requiert en principe
un exploit d'huissier (article 700 du Code judiciaire). La demande incidente peut tre
introduite par conclusions (articles 809, 1, et 813 du Code judiciaire) chaque fois
qu'elle est forme entre parties dj prsentes au procs.
Sous-Section II - La modification ou lextension par le
demandeur de la demande originaire
A. - La demande additionnelle
1 Dfinition
51.Les demandes additionnelles sont celles qui constituent le prolongement
immdiat de la demande introductive d'instance, qui la compltent par une
rclamation accessoire ou qui l'tendent pour tenir compte des faits survenus depuis
la citation tout en constituant une consquence de ceux qui y ont t invoqus 66. Il
sagit des demandes prprogrammes ou encore des demandes virtuellement
comprises dans la demande originaire67.
La demande additionnelle porte donc sur des rclamations qui sont implicitement
comprises dans les termes de l'acte introductif d'instance et ce mme si le fait sur
lequel elle est fonde se produit au cours de l'instance elle-mme. On peut par
exemple citer l'chance de nouveaux termes de loyers, darrrages ou dintrts, qui
n'taient pas encore dus au moment de l'introduction de l'instance.
66
Mons, 26 janvier 1988, Pas., II, 106.67A cet gard, la citation en justice interrompt la prescription pour la demande quelle introduit et pourcelles qui y sont virtuellement comprises (Cass., 24 avril 1992, Pas., I, 745).
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2 Conditions de recevabilit
52.L'article 808 du Code judiciaire autorise les demandes additionnelles en tout tatde cause jusqu la clture des dbats, mme par dfaut et en degr d'appel (par
application de larticle 1042 du Code judiciaire). Mme dfaillant, le dfendeur doit
savoir que le montant de la demande additionnelle s'ajoutera celui de la demande
initiale et c'est pourquoi elle est recevable en tout tat de cause.
3 Forme de la demande additionnelle
53.Conformment larticle 809 du Code judiciaire, la demande additionnelle est
introduite par voie de conclusions.
B. - La demande nouvelle
1 Dfinition
54. La demande nouvelle est celle par laquelle le demandeur originaire68tend ou
modifie lobjet ou la cause de sa demande tout en ne modifiant toutefois pas
compltement la cause de celle-ci. La demande nouvelle doit, en effet, tre fonde
sur un acte ou un fait invoqu dans lacte introductif dinstance.
Ainsi, une demande d'excution d'un contrat peut-elle tre transforme en une
demande de rsolution de celui-ci.
Linvocation de nouveaux moyens ou darguments supplmentaires ou encore la
seule modification du fondement juridique de la demande originaire sans
modification de lobjet de la demande ne constitue pas en principe lintroduction
68
Larticle 807 du Code judiciaire suit le demandeur originaire jusqu la fin de la procdure, mmesil revt entre-temps la qualit de partie appelante ou intime (concl. av. gn. THIJSavant Cass., 29novembre 2002, Pas., I, 2303) ou encore de partie cite sur opposition.
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dune demande nouvelle69. La rclamation de dommages et intrts pour faute
contractuelle peut galement tre modifie en une mme rclamation fonde sur
l'article 1382 du Code civil, sans respecter les conditions de larticle 807 du Codejudiciaire.
Le mcanisme de la demande nouvelle ne peut cependant tre utilis que pour
modifier lobjet ou, partiellement, la cause de la demande originaire et non pour
formaliser une demande contre une partie la cause en une autre qualit70.
2 Conditions de recevabilit
55.En vertu de larticle 807 du Code judiciaire, la demande nouvelle est autorise
moyennant deux conditions.
a) La demande nouvelle doit tre fonde sur un fait ou un acte invoqu dans la
citation ou dans la requte.
Lorsque la demande modifie ou largie repose sur les mmes faits que ceux
invoqus dans la citation, il nest pas exig que le demandeur ait dj dduit, dans la
citation originaire, une consquence de ces faits en ce qui concerne le bien fond de
la demande71.
La Cour de cassation a prcis diverses reprises que le texte n'impose pas que la
demande nouvelle soit fonde exclusivement sur un fait invoqu dans l'acteintroductif d'instance72. Elle peut galement tenir compte de faits non invoqus dans
69G. DE LEVAL, Elments de procdure civile,op. cit., p. 44, n25. Voy., dans ce sens, mais proposdune demande originaire non juridiquement qualifie, Cass., 8 septembre 1986, Pas., 1987, I, 28.Adde.en matire de contentieux fiscal, Civ. Hasselt, 23 juin 2003, F.J.F., 2003, p. 993 ; Les moyensnouveaux ne modifient pas la demande , Fiscologue, 2004, n932, pp. 1-2 et G. DE LEVAL et J.F. VANDROOGHENBROECK, Principe dispositif et droit judiciaire fiscal , R.G.C.F., 2004, p. 13, n7.70
Cass., 26 octobre 1995, Pas., I, 947.71Cass., 28 avril 1994,Pas., I, 418.72Cass., 11 mai 1990, Pas., I, 1047.
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l'acte introductif d'instance mais qui sont survenus ou qui ont t dcouverts
postrieurement et qui exercent une influence sur le litige73.
Mis part le rappel de ces quelques lignes directrices qui se dgagent de la
jurisprudence de la Cour de cassation, il est particulirement dlicat de prciser de
manire abstraite quand la demande nouvelle est fonde, ft-ce en partie, sur un acte
ou un fait invoqu dans lacte introductif dinstance74. La Cour de cassation oscille
manifestement entre deux tendances. Selon la premire, extensive75, un lien, mme
trs lche, entre un fait ou un acte invoqu dans la citation et lobjet de la demande
modifie ou tendue parat suffire76
. Par contre, et cest manifestement le courantmajoritaire, une interprtation plus stricte conduit rejeter lextension ou la
modification de la demande qui ne prsente aucun lien direct avec un fait ou un acte
invoqu dans la citation mais ne sy rattache que de manire trs loigne 77. Tout est
donc en la matire question de cas despce et les pronostics savrent toujours
risqus78.
73 Cass., 4 octobre 1982, Pas., 1983, I, 158. En revanche, lextension de la demande en vue
dobtenir des dommages et intrts relatifs un accident ultrieur, tranger un premier accident, nestpas fonde sur un acte invoqu dans la citation faite sur la base dun contrat dassurance en vertu delaquelle des dommages et intrts relatifs au premier accident sont demands (Cass., 8 janvier1998, Pas., I, 48). Cest dans cette mesure quon peut parler de demande nouvelle par changement decause. Voy. toutefois, Cass., 6 juin 2005, Pas., I, 1212, qui considre que nest pas recevable lademande nouvelle en indemnisation fonde notamment sur la non-excution par lautre partie dunedcision judiciaire prcdemment rendue, au cours de la mme instance, par la cour dappel. 74 Une tude de S. MOSSELMANSpublie dans le Rapport annuel de la Cour de cassation 2002contientun tableau qui rsume de manire schmatique et chronologique la jurisprudence (trs contraste) dela Cour.75 G. DE LEVAL, Elments de procdure civile, op. cit., pp. 43-44, note (109).76Ainsi dans son arrt du 19 dcembre 2003 (Pas., I, 2059), la Cour admet que les juges dappel aientdclar recevable la demande tendant lannulation dun commandement pralable saisie-excution
immobilire non vis par lopposition du saisi (laquelle visait un autre commandement) ds lors que ces commandements et saisie sont la suite d'une application conteste de l'astreinte et sont doncvirtuellement viss dans l'exploit d'opposition . Voy. g., Cass., 11 mars 2004, Pas., I, 424, qui admetla recevabilit dune demande nouvelle fonde sur le dfaut de conformit du produit vendu ds lorsque la citation invoquait linsuffisance de linformation figurant sur ltiquette contenant le modedemploi dudit produit.77 Par exemple, la Cour de cassation a censur larrt qui a dclar recevable une demande nouvelleen paiement des frais dassainissement dun terrain expropri, au motif quelle se fonde sur le fait delexpropriation laquelle elle est intimement lie, lorsque la demande principale en rvision duneindemnit dexpropriation provisoire alloue repose dans la citation sur la contestation de lvaluationdu bien expropri (Cass., 19 avril 2002, Pas., I, 939). De mme, nest pas recevable la demandenouvelle en indemnisation forme par un fonctionnaire vinc en raison dune dsignation fautive dunconcurrent, annule par le Conseil dEtat postrieurement la citation, dans laquelle le demandeur
dduisait la faute de lEtat belge de deux autres dsignations prcdemment annules (Cass., 26 mars2004,Pas., I, 518).78 J. LAENENS,K.BROECKX, D. SCHEERS,Handboek, p. 440, n940. Tout lart de lavocat qui introduit
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b) La demande nouvelle doit tre introduite par conclusions un moment o la
procdure est contradictoire79
.
Elle ne peut donc tre introduite lorsque la partie adverse fait dfaut. Il s'agit de
respecter les droits de la dfense du dfendeur dfaillant.
3 La demande nouvelle en degr dappel
56. Il rsulte de la combinaison des articles 807 et 1042 du Code judiciaire que lademande nouvelle est recevable en degr d'appel80.
Dans deux importants arrts du 29 novembre 200281, la Cour de cassation a lev toute ambigut sur
le rgime de la demande nouvelle forme pour la premire fois en degr dappel. Celle -ci nest pas
soumise dautres conditions (supplmentaires ou restrictives) que celles nonces par larticle 807
du Code judiciaire. Il nest notamment pas requis que lextension ou la modification de la demande
lgard de la partie contre laquelle la demande originaire a t dirige ait t porte devant le premier
juge82ou soit implicitement (ou virtuellement) contenue dans la demande originaire.
4 Nature de larticle 807 du Code judiciaire - Consquences
une demande nouvelle ou du juge qui entend laccueillir sera donc de motiver de manireparticulirement soigneuse le lien qui peut exister entre celle-ci et un fait ou un acte invoqu dans lacitation.79Cest la raison pour laquelle il est traditionnellement enseign que la demande nouvelle nest pasrecevable en cas de procdure sur requte unilatrale.80Cass., 4 mars 1988, Pas., I, 804.81 Cass., 29 novembre 2002, Pas., I, 2297, et, Pas., I, 2301, avec les conclusions de lavocat gnraldlgu THIJS. Voy. g. Cass., 16 dcembre 2004, R.A.B.G., 2005, p. 820, note R. VERBEKE. Lesarrts du 29 novembre 2002 clarifient ainsi lambigut qui pouvait rsulter des arrts des 9 mars 1972(Pas., I, 639), 24 novembre 1972 (Pas., 1973, I, 293) et 2 dcembre 1982 (Pas., 1983, I, 412) quiavaient pu tre interprts comme exigeant que la demande tendue ou modifie en degr dappel aitdj t introduite devant le premier juge. Tel ntait cependant pas le cas. Ces arrts condamnaienten ralit plus la cration dune nouvelle relation procdurale au sens des articles 811 -814 du Code
judiciaire que la modification de la relation procdurale entre parties originaires au sens des articles807-810 du Code judiciaire (concl. prcites de lavocat gnral THIJS, Pas., 2002, I, 2304).82 Voy. g. Cass., 11 fvrier 2005, R.W., 2004-2005, p. 1619.
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57.Larticle 807 du Code judiciaire nest pas dordre public83de sorte que la violation
de cette disposition ne peut tre invoque pour la premire fois devant la Cour de
cassation84
et que les parties peuvent dun commun accord convenir dtendre leursdemandes au-del des limites prvues par cette disposition.
5 Forme de la demande nouvelle
58.Conformment larticle 809 du Code judiciaire, la demande nouvelle est
introduite par voie de conclusions.
Sous-Section III - Lintroduction par le dfendeur dune
demande contre le demandeur : la demande
reconventionnelle
A. - Dfinition
59.La demande reconventionnelle est la demande incidente qui mane du dfendeur
quel quil soit85 (originaire, sur intervention, voire mme sur reconvention) contre un
demandeur (originaire, sur reconvention ou sur intervention) et qui tend faire
prononcer une condamnation charge du demandeur (article 14 du Code
judiciaire).
B. - Conditions de recevabilit
60. En premire instance, la demande reconventionnelle nest assortie da
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