16
COMMENT LES BANQUES, CAISSES DE PENSIONS ET FONDS SPÉCULATIFS SE RENDENT COMPLICES DE LA FAIM DANS LE MONDE ALIMENTAIRE

Speculation alimentaire

Embed Size (px)

DESCRIPTION

"COMMENT LES BANQUES, CAISSES DE PENSIONS ET FONDS SPÉCULATIFS SE RENDENT COMPLICES DE LA FAIM DANS LE MONDE"

Citation preview

Page 1: Speculation alimentaire

COMMENT LES BANQUES, CAISSES DE PENSIONS ET FONDS SPÉCULATIFS SE RENDENT COMPLICES DE LA FAIM DANS LE MONDE

ALIMENTAIRE

Page 2: Speculation alimentaire

Sommaire

SPÉCULATION ALIMENTAIRE 3 1. LA FAIM DANS LE MONDE 4Trois crises alimentaires en six ans 5La mondialisation engendre des relations de dépendance 5 2. CONSÉQUENCES DE LA SPÉCULATION SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES 6Extension massive de la spéculation boursière 6Des denrées alimentaires sont stockées 6Impact majeur sur les prix des denrées alimentaires 7 3. QUI SONT LES PERSONNES QUI SPÉCULENT? 8Rôle central des banques 8Risque systémique des opérations pour compte propre 8La spéculation dans les fonds de placement: un sport populaire 9Jouer en bourse avec des produits structurés 9Des opérations de gré à gré exemptes de tout contrôle 10Les banques suisses jouent un rôle important 10Terrain de jeu pour les fonds spéculatifs 11Les caisses de pensions fournissent les capitaux 11 4. QUELLES SONT LES MESURES PRISES POUR LUTTER CONTRE LA SPÉCULATION ALIMENTAIRE? 12Des efforts de réforme aux Etats-Unis 13Atermoiements dans l’UE et au G20 13Les campagnes sont efficaces 13Que se passe-t-il en Suisse? 13 5. LA SÉPARATION DES RENDEMENTS PAR RAPPORT À L’ÉCONOMIE RÉELLE EST UN JEU MORTEL 14

Lectures complémentaires 15

2

Page 3: Speculation alimentaire

SPÉCULATION ALIMENTAIRE

Par Daniel Stern

Les centaines de millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde ne le doivent pas au simple hasard, à leur seule faute ou aux intempéries. Bien souvent, suffisamment de denrées alimentaires sont disponibles; ces personnes n’y ont cependant pas accès. En effet, le prix de nombreuses denrées alimentaires de première nécessité s’est envolé au cours des dernières années. L’une des causes de cette augmentation est la spéculation boursière sur les matières premières. De plus en plus d’études corroborent ce lien, même si les banques continuent d’affirmer que leur spéculation est un jeu à somme nulle, qui n’influence en rien les prix réels.

Pourtant, la dérégulation des marchés financiers, débutée dans les années 1990, a trans-formé les bourses de matières premières en de gigantesques casinos. Les banques et les fonds spéculatifs y mettent en jeu leurs fonds propres, ainsi que l’argent de leurs clients. Les caisses de pensions viennent y chercher les rendements qu’elles ne peuvent plus obte-nir sur les autres marchés. Ce sont les consommateurs qui en paient le prix fort, notamment dans les pays les plus pauvres où les denrées alimentaires de première nécessité constitu-ent les principaux postes de dépenses. Des voix s’élèvent parmi les personnes concernées, les personnalités politiques, les organisations non gouvernementales (ONG), mais aussi les agences des Nations Unies, pour réclamer un durcissement des réglementations afin d’enrayer la spéculation sur les denrées alimentaires. Face à la pression de l’opinion pub-lique, certaines banques ont annoncé qu’elles arrêtaient leurs activités dans ce domaine. Nous sommes pourtant loin d’assister à une avancée fondamentale. Grâce à un lobbying intensif, le secteur financier a jusqu’à présent réussi à vider de son sens, voire à bloquer totalement, tout projet de réglementation.

3

Page 4: Speculation alimentaire

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), près de 870 millions de personnes souf-frent, aujourd’hui, d’un manque chronique de nourriture. Cela correspond à 12,5% de la population mondiale. En examinant l’évolution de ces vingt dernières années, on peut, à première vue, faire preuve d’un certain optimisme: en 1990, un milliard de personnes étaient sous-alimentées. Ce chiffre a donc diminué, et ce malgré une forte hausse de la démographie mondiale.

Cependant, en détaillant les statistiques de la FAO, on s’aperçoit que ce recul concerne uniquement certaines régions d’Asie et d’Amérique latine. En Afrique subsaharienne, en revanche, le nombre de personnes sous-alimentées est passé de 170 à 234 millions. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, il a également augmenté, passant de 22 à 41 millions. Ajoutons une autre re-striction: les progrès réalisés dans la lutte contre la faim datent essentiellement d’avant 2007. Selon le rapport de l’ONU sur la faim dans le monde, «les progrès mondiaux de la lutte contre la faim ont, depuis, ralenti et faibli».1

Pourtant, les denrées alimentaires ne manquent pas. Elles serai-ent disponibles en quantités suffisantes. La production des prin-cipales denrées alimentaires de première nécessité a progressé d’environ un quart au cours des dix dernières années. En 2011, les récoltes ont même battu tous les records. Par ailleurs, mal-gré la sécheresse aux Etats-Unis, la FAO estime qu’à l’échelle mondiale, la récolte 2012 sera presque aussi abondante que celle de 2008, soit la deuxième meilleure année jamais enregist-rée.2 En effet, les principaux produits alimentaires de base, com-me le riz, le maïs et le blé, sont aujourd’hui, en moyenne, deux fois et demie plus chers qu’il y a dix ans. En monnaie constante, cela représente une augmentation de plus de 70% en dix ans.3

Lorsque les cours des produits alimentaires de base augmen-tent dans les pays industrialisés, ce phénomène a relativement peu d’impact sur le niveau de vie de la population moyenne. Dans ces pays, les foyers consacrent entre 10 et 15% de leur budget à l’alimentation. Dans les pays en voie de développe-ment, il en va tout autrement: les populations dépensent entre 50 et 90% de leurs revenus en nourriture.4

1 Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation: «L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde», 2012.

4

1. LA FAIM DANS LE MONDE

Prix du maïs en dollars US par tonne métrique (907,17 kg)

300

250

200

150

100

50

02001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Source: Indexmundi

2 FAO, L’offre et la demande de céréales, novembre 2012.3 FAO, Indice des prix des produits alimentaires, novembre 2012.4 FMI, d’après l’organisation World Development Movement:

«The Great Hunger Lottery», juillet 2010.

Page 5: Speculation alimentaire

Trois crises alimentaires en six ans

Depuis 2007, les bourses des produits alimentaires ne cessent d’enregistrer des hausses massives des cours, qui menacent gravement la sécurité alimentaire des pays en voie de déve-loppement. La flambée des prix de 2007 et 2008 a eu un im-pact particulièrement dramatique: dans près de soixante pays à travers le monde, les populations se sont alors opposées à l’accroissement des prix alimentaires, du Nigeria au Bangla-desh, en passant par les Philippines, Haïti ou le Mexique. El-les sont descendues dans la rue manifester leur colère, allant jusqu’à saccager des magasins d’alimentation. La population pauvre urbaine a été la plus durement touchée par l’envolée des prix. Elle est plus dépendante des marchés internationaux que la population rurale.

Au milieu de l’année 2008, les cours des matières premières agricoles se sont rétractés, à l’instar du pétrole brut. Toutefois, ce recul s’est répercuté sur les marchés locaux avec un décala-ge considérable. Fin 2008, la FAO annonçait que le nombre de personnes sous-alimentées avait progressé de 40 millions au cours de l’année.5

En 2010, les prix sont repartis à la hausse et, pour certains produits, encore plus fortement que deux ans auparavant. Une sécheresse en Europe de l’Est et en Russie présageait des ré-coltes moins volumineuses. A l‘époque, la Banque mondiale a estimé que cette situation allait précipiter 40 millions de person-nes supplémentaires dans la misère absolue.6 L’augmentation des prix a également posé de gros problèmes au Programme ali-mentaire mondial de l’ONU, dont le budget n’était pas suffisant pour nourrir près de 90 millions de personnes avec des produits de première nécessité de plus en plus onéreux. Au milieu de l’année 2011, les cours ont fléchi, avant d’atteindre de nouveaux sommets un an plus tard. La sécheresse aux Etats-Unis était cette fois en cause. Nous connaîtrons l’impact concret de cette hausse en 2013.

Différentes raisons sont avancées pour expliquer ces flambées des prix. On fait souvent valoir que les prix s’envolent lorsque les conditions météorologiques annoncent une mauvaise récolte. Les épisodes de sécheresse et d’inondation, qui se multiplient avec le changement climatique, ont une part de responsabili-té. Par ailleurs, l’accroissement des dépenses énergétiques a également un impact financier sur la production des produits agricoles. Une autre raison évoquée est l’augmentation de la consommation de viande d’une part croissante de la population mondiale, notamment en Asie. Lorsqu’elles disposent de plus de moyens, les populations ont tendance à manger davantage de viande. Les animaux d’engraissement, tels que le porc, le bœuf ou le poulet, sont généralement nourris au soja, maïs et blé, ce qui intensifie la demande pour ces produits. De plus en plus de surfaces agricoles sont exploitées pour nourrir les bêtes, au détriment des humains. L’alimentation des populations pâtit éga-lement de la production de carburant d’origine végétale. Ainsi, plus de 40% du maïs produit aux Etats-Unis sert aujourd’hui à fabriquer de l’éthanol, qui est ensuite mélangé à l’essence. Les Etats-Unis cultivent en grande majorité du maïs et ils en sont également les premiers exportateurs au monde.

La mondialisation engendre des relationsde dépendance

Un facteur clé de l’augmentation des prix est le mode de pro-duction et de commercialisation des denrées alimentaires de première nécessité, comme le maïs et le blé. Dans différentes régions de la planète, l’agriculture est pratiquée sur de vastes étendues, avec des machines et des engrais. Cette production quasi-industrielle a, dans un premier temps, largement réduit les coûts. Cela a permis à de petits exploitant-e-s agricoles, qui ne pouvaient pas réaliser d’importants investissements, d’entrer sur le marché. Dans les années 1990, les cours du blé et du maïs étaient encore très bas. La suppression des barrières com-merciales a, dans de nombreux pays, intensifié la pression sur les prix. Les fermiers américains ont ainsi inondé le Mexique de leur maïs subventionné par l’Etat et forcé de nombreux petits exploitant-e-s agricoles locaux, incapables de faire face à cette concurrence, à abandonner leurs cultures de maïs. Depuis, le maïs servant à fabriquer la tortilla est américain et le Mexique encore plus dépendant des variations des prix sur le marché des Etats-Unis.

Les hausses de prix massives des dernières années posent le problème central suivant: au lieu d’être cultivés localement en quantité suffisante, les produits alimentaires de première né-cessité sont soumis aux règles du jeu de la mondialisation. Les denrées, telles que le blé, le maïs et le soja, sont devenues des matières premières, de simples marchandises. Les investisseurs parient en bourse sur l’évolution de leur cours et les fluctuations de l’offre et de la demande mondiales dictent les augmentations et les diminutions de prix. Cette situation présente un risque de concentration majeur: plus de 80% des céréales exportées dans le monde sont produits par seulement cinq grands pays et contrôlés par quatre multinationales.7 Ces groupes se nomment Cargill, ADM, Bunge et Louis Dreyfus Commodities. Un tiers du commerce mondial des céréales et graines oléagineuses passe par les services commerciaux genevois de ces entreprises.8

Ainsi, le prix pratiqué au Mexique pour le maïs a peu à voir avec l’agriculture locale. Il dépend en effet d’une éventuelle sécheres-se en Ukraine, d’une potentielle augmentation de la production d’éthanol des Etats-Unis, de la progression du cours du pétrole ou d’un accroissement de la consommation de viande en Chine.

Les sommes investies dans le commerce de ces matières pre-mières par les banques, les caisses de pensions et les fonds spéculatifs, qui cherchent à optimiser leurs gains grâce aux fluc-tuations des cours boursiers, constituent néanmoins un autre facteur clé. En outre, les hausses de prix des produits massi-vement commercialisés, comme le maïs, le soja et le blé, ont un impact sur les cours d’autres denrées, vers lesquelles de nombreux consommateurs et consommatrices se tournent en cas d’augmentation des prix. Par exemple, la demande en riz s’accroît, ce qui entraîne également une hausse des prix.

5

7 Oxfam: «Les crises alimentaires vouées à se répéter tant que les leaders ne trouveront pas le courage de résoudre les vrais problèmes», août 2012.8 Déclaration de Berne: «Agropoly», avril 2011.

5 Die Wochenzeitung WOZ, n° 5/2009.6 Foodwatch: «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.

Page 6: Speculation alimentaire

Le rôle de la spéculation dans le commerce des produits de gran-de consommation, comme le blé et le maïs, n’est pas nouveau. La bourse des matières premières de Chicago existe depuis plus d’un siècle. Sa fonction a longtemps été d’offrir aux agri- culteurs et aux agricultrices une certaine sécurité concernant leurs produits. Des contrats dits à terme leurs permettent de vendre leur récolte en avance sur les marchés et leur garantit ainsi de ne pas devoir brader leurs marchandises après la ré-colte. Ce système offre également une certaine sécurité aux acheteurs et aux acheteuses. En effet, si la récolte se passe mal, les accords préalables leur évitent de payer le prix fort. Les inst-ruments appelés options sont venus compléter cette protection: les bons d’option donnent le droit d’acheter une marchandise à un moment donné et à un prix prédéfini. Les acheteurs et ache-teuses de matières premières peuvent ainsi se prémunir con-tre l’augmentation des prix. Si, toutefois, le cours d’un produit s’effondre contre toute attente, ils ne sont pas obligés de con-vertir l’option et peuvent profiter d’une offre plus favorable. Les agriculteurs et les agricultrices tirent, eux aussi, parti du marché d’options. Si finalement leurs produits ne peuvent être vendus qu’à un prix très bas, ils touchent quand même les montants prédéfinis de la vente des options.

Les spéculatrices et spéculateurs en bourse ont toujours existé et négociaient, de leur côté, des contrats à terme et des op-tions – permettant ainsi, dans le meilleur des cas, que le mar-ché dispose de liquidités toute l’année. Ainsi, les agricultrices et agriculteurs pouvaient vendre leurs produits aux échéances des contrats et les grossistes et entreprises de transformation les acheter au moment où ils avaient besoin de marchandises.

Dans les années 1990, cependant, les règles du jeu ont consi-dérablement changé aux Etats-Unis, qui constituent la première plateforme d’échange des matières premières agricoles. Après un lobbying intensif de la part des banques, les limites dites de position imposées aux spéculatrices et spéculateurs ont été assouplies. Les limites de position ont pour but d’empêcher que des protagonistes puissent, à eux seuls, faire pression sur les prix grâce à leur pouvoir d’achat. Il s’agit d’une sorte de restriction d’accès: une seule spéculatrice ou un seul spécula-teur ne peut acquérir qu’un certain nombre de contrats à terme et d’options sur un produit donné.

En outre, dans les années 1990, les banques ont réussi à obtenir une libéralisation globale de leur système. Ainsi, la spécialisa-tion des activités bancaires a été abolie, laissant aux banques d’investissement le champ libre pour jouer en bourse avec de l’argent emprunté à des taux très bas. Par ailleurs, les banques avaient désormais la possibilité de contourner la bourse et de vendre directement à leurs clients des options sur des achats d’or et de devise, mais aussi de céréales. Ces opérations di-tes de gré à gré échappent à tout contrôle des autorités. Les banques peuvent ainsi prendre des risques impossibles à éva-luer de l’extérieur.

6

Pourtant, les banques en veulent toujours plus. Depuis 2000, elles ont obtenu la suppression de toutes les limites de posi- tion dans le commerce des matières premières. Leur argument a été le suivant: vu que leurs clients pouvaient intervenir sur le marché des matières premières (par le biais des opérations de gré à gré, par exemple), elles devaient pouvoir se protéger sur les bourses des matières premières, à l’instar des entreprises de transformation et des agricultrices et agriculteurs, qui n’étaient pas concernés par les limites de position.

Extension massive de la spéculation boursière

Dans le sillage de la libéralisation aux Etats-Unis, la spéculation du secteur financier s’est développée de façon massive et gé-nérale, même sur les produits agricoles. Si, en 2003, les fonds indiciels sur les matières premières (voir ci-dessous) détenaient 3 milliards USD dans le secteur agricole, ce chiffre atteignait 80 milliards USD en 2011.9 De même, les données de l‘autorité américaine chargée de la régulation des marchés des matières premières (Commodity Futures Trading Commission, CFTC) sont sans équivoque: la part des spéculatrices et spéculateurs exclusifs dans le commerce du maïs, équivalant à plus de 10% en 2005, a, par moments, connu une augmentation supérieure à 50% lors des flambées des prix observées durant ces dernières années.10

Les banques affirment que cette spéculation a peu d’impact sur la formation des prix. Selon elles, leurs activités sur les marchés des matières premières sont utiles, car elles permettent aux in-vestisseurs de se protéger contre l’inflation. Ainsi, les détenteurs de nombreuses actions peuvent acquérir, en guise de garantie, des contrats à terme ou des options sur le maïs. Dans le cas où une forte inflation ferait sérieusement chuter la valeur de leurs actions, cette perte serait compensée par la croissance atten-due du cours du maïs.

Paul Krugman, prix Nobel d’économie, apporte de l’eau au moulin des spéculatrices et spéculateurs: il nie leur rôle dans les hausses de prix, car les spéculatrices et spéculateurs ne stockent aucune matière première. Selon lui, l’offre n’est donc pas réduite de façon artificielle. Les prix des contrats à terme ne sont, pour lui, qu’une anticipation du marché sur l’état de l’offre et de la demande à un moment donné.

Des denrées alimentaires sont stockées

Cependant, personne ne connaît vraiment la quantité de denrées alimentaires stockées. Le ministère américain de l’Agriculture et la FAO publient régulièrement des chiffres sur les stocks de cé-réales, mais ces derniers se fondent sur les seules indications

2. CONSÉQUENCES DE LA SPÉCULATION SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES

9 World Development Movement: «Broken markets», septembre 2011.10 U. S. Commodity Futures Trading Commission: www.cftc.gov/oce/web/corn.htm

Page 7: Speculation alimentaire

7

fournies par les gouvernements. Les quantités réelles stockées dans leurs réseaux d’entrepôts à travers le monde par les grands groupes, tels que le géant suisse Glencore Xstrata issu de la récente fusion de Glencore et Xstrata, échappent à tout contrô-le. Les informations sur leurs stocks sont confidentielles.11 Ces entreprises ont donc toute latitude pour commercialiser leurs marchandises en fonction des cours de la bourse.

S’ajoute à cela le nombre incalculable de silos à grains détenus par les agricultrices et agriculteurs. La construction de ces silos a connu un «essor phénoménal» ces dernières années, comme le souligne l’analyste Michael Swanson dans un article du «Fi-nancial Times». En quatre ans, il y a eu plus de silos construits aux Etats-Unis qu’au cours des 30 dernières années réunies. Les agricultrices et agriculteurs américains, pour la plupart très attentifs à l’évolution des cours boursiers des matières premiè- res, peuvent ainsi tirer leur épingle du jeu de la spéculation ban-caire et vendre leurs marchandises lorsque les prix sont favora-bles.12

Conformément aux préceptes de l’économie libérale, c’est ainsi que se comportent les personnes qui vendent et achètent des biens réels. Ils font ce qui est le mieux pour eux. «En cas de hausse de prix provoquée par des investisseurs dont les stra-tégies commerciales ne se basent pas sur les fondamentaux, mais uniquement sur l’amplification des tendances, il est sim-plement logique pour les négociants de stocker d’abord leur marchandise; toute autre action serait stupide», écrit Oliver de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation.13 En raison de l’augmentation du nombre de spé-culatrices et spéculateurs présents sur les marchés, les agri-cultrices et agriculteurs, ainsi que les acheteuses et acheteurs de marchandises, deviennent, à leur tour, des spéculatrices et spéculateurs.

Mais les banques se sont mises, elles aussi, à stocker des mar-chandises. Par exemple, la banque d’investissement Goldman

Impact majeur sur les prix des denréesalimentaires

Les conséquences de la spéculation financière sur les prix des matières premières ont fait l’objet d’une pléthore de recherches scientifiques. Une étude datant de juillet 2010, réalisée par les célèbres économistes John Baffes et Tassos Haniotis, con-clut que «l’activité des fonds indiciels a joué un rôle clé dans la flambée des prix de 2008». M. Baffes analyse les marchés des matières premières à la Banque mondiale et M. Haniotis occupe la même fonction à la Direction générale de l’Agriculture au sein de l’Union Européenne.15 Une étude du «New England Complex System Institute» est, elle aussi, catégorique. Cet in-stitut scientifique a créé un modèle de calcul utilisant les don-nées boursières et les chiffres disponibles sur la production, la consommation et le stockage de céréales dans le monde et a défini, après consultation des négociants et des productrices et producteurs, les mécanismes de la formation des prix sur les marchés au comptant, c’est-à-dire là où s’effectuent les achats directs. Selon ses calculs, l’envolée des cours des céréales en 2007/2008 et 2010/2011 est liée «en particulier à la spéculation des investisseurs».

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le dé-veloppement (CNUCED) arrive également à un résultat sans équivoque: plusieurs études ont souligné la forte corrélation entre les prix pratiqués sur les marchés des matières premières et d’autres marchés spéculatifs, pour les devises et les actions par exemple. Par conséquent, les cours des matières premières ont suivi, durant les dernières années, la même évolution que les cours des actions et des devises, indépendamment des prévi- sions de récolte ou de la hausse de la consommation de viande en Asie. Pour la CNUCED, la conclusion est claire: les marchés des matières premières font désormais partie du marché finan-cier, ce qui explique qu’aujourd’hui le volume des contrats négo-ciés en bourse sur les matières premières est 20 à 30 fois plus élevé que la production elle-même.16

La flambée des cours boursiers est donc, en partie du moins, autoréférentielle. Les «données fondamentales», telles que les prévisions de récolte, ne sont pas les seuls critères importants. Le capital investi sur le marché, couplé au fait que des actrices et acteurs importants soient prêts à prendre un risque et à pa-rier sur une hausse des cours, comptent également. Ce con-stat réduit à néant l’argument initial des banques, selon lequel les marchés des matières premières évoluent différemment des marchés des actions et offrent une garantie contre l’inflation. En réalité, les marchés des matières premières dépendent beau-coup plus de l’argent spéculatif disponible et des fluctuations des autres marchés.

Sachs a racheté, en 2010, l’entreprise Metro International, l’un des premiers exploitants d’entrepôts du monde. La même an-née, JP Morgan a absorbé l’entreprise commerciale spécialisée dans les matières premières, RBS Sempra Commodities, ainsi que l’entreprise logistique Henry Bath. La banque est ainsi deve-nue propriétaire, entre autres, de 130 entrepôts.14

11 Foodwatch: «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.12 Financal Times, 6 avril 2011.13 Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.

15 Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim».16 CNUCED, Synthèse 25, septembre 2012.

14 Die Wochenzeitung WOZ, n°10/2011.

Page 8: Speculation alimentaire

Lors de la crise financière qui a éclaté en août 2007, la vérité est apparue au grand jour: les dérégulations du système bancaire et la mondialisation des marchés financiers ont considérable-ment aggravé le risque d’une bulle spéculative. Peu importe qu’il s’agisse d’actions, d’obligations, de titres immobiliers ou même de la spéculation sur le prix du pétrole brut, des métaux ou des produits alimentaires: une meute de personnes prêtes à investir cherchent en permanence à étancher leur soif de profits. La der-nière tendance à la mode est la spéculation foncière. De plus en plus de capitaux sont investis dans l’achat de surfaces agri-coles, notamment dans les pays en développement. Sur place, l’exploitation industrielle de cultures commerciales (comme les graines oléagineuses, les fleurs, le café ou le coton) doit ensuite générer des revenus continus. Les familles locales, qui se con-sacrent à l’élevage et à l’agriculture sont évidemment délogées, au motif qu’elles ne possèdent pas les titres fonciers idoines, exigés par la loi. Certaines ONG parlent d’«accaparement de terres». Les banques, elles, évoquent un investissement sûr. Avec la hausse de la démographie mondiale, il y a fort à parier que la valeur des terrains continue d’augmenter.

Les banques ne cessent de créer de nouveaux instruments qui promettent, selon les modalités, plus de sécurité avec moins de rendements ou plus de risque mais avec des revenus plus alléchants. Cet univers ne laisse guère de place à la morale. Il réagit uniquement lorsque l’opinion publique se réveille, me-naçant ainsi sa réputation, ou qu’une loi l’oblige à changer ses pratiques.

8

Rôle central des banques

Suite aux dérégulations des dix dernières années, les banques sont devenues les principaux acteurs de la spéculation sur les matières premières. Produits agricoles, sources d’énergie ou métaux, cela n’a guère d’importance. La dérégulation des marchés des matières premières leur a offert une myriade de possibilités d’investissement à des fins spéculatives, aussi bien grâce à leurs propres capitaux qu’à l’argent de leurs clients. De nouveaux instruments financiers sont apparus, qui permettent de parier directement ou indirectement sur la hausse et la bais-se des prix. Avant la crise financière de 2007, entre 10 et 14 grandes banques se partageaient le gâteau de la spéculation et enregistraient, au total, un profit de près de 14 milliards USD par an.17

Avec la crise financière, le durcissement législatif aux Etats-Unis et la mise en place de réglementations internationales plus sévères en matière de capitaux, le nombre de grands noms du secteur financier est descendu à cinq: les trois banques améri-caines d’investissements JP Morgan, Morgan Stanley et Gold-man Sachs, l’allemande Deutsche Bank et la britannique Bar-clays. Elles contrôlent aujourd’hui environ 70% du marché. Le

Risque systémique des opérations pour compte propre

Les opérations pour compte propre, autrement dit la spécula- tion avec ses propres capitaux, sont particulièrement lucratives pour les banques, car ces dernières peuvent avoir accès à des crédits avantageux. Par ailleurs, elles bénéficient généralement d’une avance considérable en termes d’informations par rapport aux autres acteurs du marché. Travaillant directement sur les places boursières, leurs opératrices et opérateurs obtiennent, grâce aux nombreux mandats de clients, des indications subs-tantielles sur l’évolution future du marché.

Toutefois, les grandes banques représentant un risque sys-témique, il est aujourd’hui nécessaire que les opérations pour compte propre soient plus complexes à pratiquer pour elles. Au 1er janvier 2013, des réglementations plus sévères en matière de capitaux devraient entrer en vigueur sous le nom de «Bâle III». Conformément à ces dispositions, les grandes banques doi- vent investir davantage de fonds propres dans des placements sûrs et, par conséquent, consacrer moins de capitaux à la spé-culation. Cependant, le secteur financier américain a réussi à repousser l’application de ces réglementations. Dans un premier temps, la réforme de Bâle III ne sera pas appliquée aux Etats-Unis. Cela a provoqué l’intervention des banques européennes qui réclament d’être traitées de la même manière par l’Union Européenne (UE) et exigent également un report des réglemen-tations.

Crédit Suisse (CS) se classe juste derrière les cinq banques de tête, suivi, quelques rangs après, par UBS.

Au total, les banques réalisent, aujourd’hui encore, près de 7 mil-liards USD de bénéfices grâce aux transactions sur les matières premières. Cela ne veut pas dire, pour autant, que la spéculation recule sur les bourses des matières premières, mais simplement qu’elle est pratiquée par d’autres actrices et acteurs. En un an, les banques ont «perdu une myriade de négociants de matières premières au profit des entreprises commerciales et des fonds spéculatifs plus généreux», constate une analyse de l’agence Reuters.18

3. QUI SONT LES PERSONNES QUI SPÉCULENT?

17 Reuters: «Banks struggle to adapt or survive in commodities», 5 novembre 2012. 18 Reuters: «Banks struggle to adapt or survive in commodities», 5 novembre 2012.

Page 9: Speculation alimentaire

9

La spéculation dans les fonds de placement: un sport populaire

En proposant différents types de fonds, les banques ont trans-formé la spéculation sur les marchés des matières premières en un véritable sport populaire. Quiconque possède un peu d’argent de côté peut s’acheter des parts dans l’un des innom-brables fonds et espérer une hausse des prix. Entre 2003 et début 2012, la valeur de ces fonds spécialisés dans les matiè- res premières a grimpé de 13 à 419 milliards. Selon la banque britannique Barclays, 90 milliards ont été misés sur les matières premières agricoles pour le seul mois de janvier 2012.19

Dans le domaine de la spéculation alimentaire, une nette préfé-rence est accordée aux fonds indiciels qui misent sur l’évolution des prix d’un panier de titres donné, formulé par un indice. Les deux indices les plus répandus sont le SP GSCI (Standard & Poor’s Goldman Sachs Commodity Index) et le DJ UBSCI (Dow Jones UBS Commodity Index). Dans l’indice SP GSCI, les pro-duits énergétiques sont prépondérants et représentent près de 70% du panier, tandis que les produits agricoles équivalent à 16%. Dans l’indice DJ UBSCI, les biens agricoles s’élèvent à 30% environ.

Plus un fonds est fourni en capitaux, plus les gestionnaires se prémunissent avec des montants importants sur les marchés des matières premières, grâce aux contrats à terme de leur panier cible. Les fonds de placement ne possèdent jamais de marchandises réelles. Avant l’échéance des contrats à terme et la remise des marchandises, lesdits contrats sont revendus et remplacés par de nouveaux contrats dont l’échéance est fixée quelques mois plus tard. Du fait de ce «roulement», les fonds indiciels parient, en réalité, uniquement sur des prix à la hausse. Ils espèrent que les contrats à terme achetés aient pris de la valeur au moment où ils les revendront. Plus les gestionnaires sont actifs, plus ils font monter les prix, car une demande crois-sante est confrontée à une offre constante. Comme les fonds ne retirent jamais les produits du marché, les prix s’effondrent régulièrement après avoir atteint des sommets. En effet, la vola- tilité des prix des contrats à terme sur le blé, par exemple, a con-sidérablement augmenté au cours des dernières années. Les fonds spéculatifs valorisent leurs capitaux en spéculant active-ment, autrement dit en faisant circuler rapidement des parts de patrimoine.

Une personne souhaitant acheter des matières premières, qui a besoin, à un moment donné, de blé ou de maïs pour les trans-former, doit, dans le pire des cas, compter sur des prix exor-bitants et s’en protéger sur les marchés, par le biais d’options par exemple. Finalement, cette personne va payer plus cher et répercuter les coûts supplémentaires sur le consommateur final. Cet argent supplémentaire remplit les poches des personnes qui spéculent, qui s’interposent de plus en plus entre, d’une part, les agricultrices et agriculteurs et, d’autre part, les ache-teuses et acheteurs de matières premières. Le résultat n’est en aucun cas un jeu à somme nulle, comme le prétendent nombre d’économistes. L’insécurité du marché provoquée par les per-sonnes qui spéculent entraîne, au contraire, une modification du système de répartition.

Avec certains fonds indiciels, les banques font doublement af-faires: non seulement, elles gèrent les fonds et facturent des frais pour leurs activités sur les marchés des matières premi-ères; mais elles vendent également les parts des fonds sur les marchés et sont également indemnisées pour cette prestation. Ces fonds d’investissement sont appelés ETF ou «exchange tra-ded funds». Il existe également des ETF spécialisés dans les matières premières.

19 Barclays Capital, Commodities Research, 29 février 2012.

Jouer en bourse avec des produits structurés

Les banques proposent aux petits et aux gros investisseurs une kyrielle de placements dans les matières premières, qui ne font pas intervenir de fonds, mais pour lesquels la banque fait, en quelque sorte, office de bureau de paris. Cette dernière vend ce que l’on appelle des «produits structurés», comme par exem-ple des ETC (exchange traded commodities), autrement dit des titres négociables, qui gagnent ou perdent de la valeur en fonc- tion de l’évolution du cours de certaines matières premières. Généralement, la banque se prémunit au moment de l’émission de ces titres en faisant des acquisitions correspondantes sur les marchés des matières premières. Avec les produits structurés, l’imagination des banques ne connaît plus de limites. Par exemp-le, la personne qui investit peut se voir promettre une part définie d’un capital placé ou une plus ou moins-value disproportionnée, selon qu’un produit de base donné (comme le maïs) se situe au-dessus ou en dessous d’une certaine valeur.

Page 10: Speculation alimentaire

10

Les banques suisses jouent un rôle important

En 2011, le Crédit Suisse (CS) a réalisé un bénéfice de 321 mil-lions USD grâce aux opérations de spéculation sur les matières premières. Chez UBS, ce chiffre atteignait 152 millions USD.21 Le CS est la troisième banque européenne pour les opérations sur les matières premières et UBS la cinquième.

Durant l’été 2011, le CS a largement intensifié ses opérations pour compte propre sur les matières premières. L’établissement a fondé le Global Proprietary Trading Group, un groupe de cour-tage au capital de départ de 500 millions USD, basé à New York. Cette nouvelle entité a commencé par des opérations sys-tématiques, basées sur des modèles informatiques et des ana-lyses des fluctuations de cours. Le CS a formé cette nouvelle équipe en débauchant des collaboratrices et des collaborateurs chez ses concurrents.

Après la crise financière de 2008, UBS avait fermé son dépar-tement des matières premières. Cependant, à l’automne 2010, la banque a annoncé sa volonté de reprendre cette activité de façon plus intensive. Elle a également indiqué vouloir, à l’avenir, concentrer son activité sur les matières premières agricoles. Son objectif est de devenir leader dans ce domaine, comme l’a expliqué au «Financial Times» John Bourlot, ancien directeur des opérations internationales sur les matières premières chez UBS. UBS avait également recruté, dans ce but, des collaboratrices et des collaborateurs dans d’autres banques.22

Toutefois, il est aujourd’hui difficile de prédire si le CS et UBS poursuivront leur stratégie d’expansion. Le durcissement des réglementations en matière de capitaux en Suisse rend les opé-rations pour compte propre, du moins, plus difficiles à réaliser. Tandis que le CS affichait encore, dans son bilan annuel 2011, une exposition au risque très élevée dans le domaine des ma-tières premières, cette valeur avait considérablement diminué dans les résultats trimestriels du milieu de l’année 2012.23 De son côté, USB a signalé, fin octobre 2012, son intention de ré-duire fortement les activités de ses banques d’investissement et de supprimer 10’000 postes. Les opérations pour compte propre s’en verront également considérablement réduites.

UBS est la première banque suisse dans le domaine des ETC. Elle propose un large éventail de produits. Dans différentes de-vises, ses clients peuvent miser sur un panier de titres, dans le segment agriculture et également dans le sous-segment alimen-tation. Par ailleurs, UBS possède aussi des ETC sur le cours boursier des produits comme le blé, le riz et le maïs. Ainsi, en juin 2012, la valeur d’un ETC d’UBS sur le maïs a progressé de plus de 50% en un mois. «Le maïs est la troisième céréale après le riz et le blé», écrit l’établissement, dans son prospectus destiné aux investisseurs. Et d’expliquer clairement pourquoi les placements dans le maïs valent la peine: «l’approvisionnement a du mal à suivre la cadence de la demande croissante».

La banque privée suisse Vontobel offre, elle aussi, de nombreux produits structurés sur les denrées alimentaires. Elle promet à ses investisseurs de profiter des «tendances majeures mondia-les», telles que la «croissance démographique des pays en voie de développement», grâce à son indice «Agriculture Total Return Index».

Les grandes banques et Vontobel participent également aux ETF et aux fonds de placement qui investissent dans les den-rées alimentaires. Le CS détient, par exemple, un fonds, intitulé «Commodity Index Plus», qui injecte plus d’un tiers de ses ca-pitaux dans les matières premières agricoles. Fin juillet 2012, ce fonds a enregistré une plus-value mensuelle de près de 6%, notamment grâce à l’accroissement des prix du maïs: «le maïs a obtenu les meilleurs résultats de l’indice», commente le CS, qui explique cette situation par les «mauvaises conditions cli-matiques».24

Les banques privées suisses Sarasin et Julius Bär, ainsi que la ZKB (Zürcher Kantonalbank) qui bénéficie de la garantie de l’Etat, proposent, elles aussi, des placements dans des fonds de matières premières. Le fonds de placement de la ZKB est indexé sur le DJ UBS Commodity Index. Il investit près de 8% de son capital dans le blé et 6% dans le maïs. Selon la ZBK, ce fonds vise à «surpasser le benchmark», autrement dit l’indice, grâce à une «gestion de portefeuille active».25 Swisscanto, le promoteur de fonds des banques cantonales suisses, est également pré-sent sur ce secteur d’activité. Swisscanto propose, par exem-ple, un «Commodity Selection Fund» destiné aux investisseurs

Des opérations de gré à gré exemptes de tout contrôle

Outre les transactions officielles, destinées aux particuliers fortunés et aux investisseurs institutionnels, les grandes banques proposent, dans le cadre des opérations de gré à gré, tout un éventail de produits répondant aux besoins spécifiques de leurs clients. Les modalités de ces produits ne sont pas rendues pub-liques et une autorité de surveillance fait cruellement défaut. La plupart du temps, ces opérations impliquent les investisseurs institutionnels, tels que les caisses de pensions, les assurances et les fondations, qui brassent des sommes d’argent colossales. Les produits appelés swaps représentent une part importante de ces opérations de gré à gré. Avec les swaps, la banque orga-nise une sorte d’échange entre deux clients. Cette transaction a pour but de se protéger contre les risques liés au change.

Cependant, les opérations de gré à gré comportent souvent des risques difficiles à déceler. Ainsi, la propagation effrénée des contrats d’échange sur défaut de crédit (CDS) a transformé la crise immobilière américaine de 2007 en une crise financière mondiale. Plus personne ne savait qui détenait des placements immobiliers aux Etats-Unis par l’intermédiaire de ces swaps et risquait donc subir des pertes substantielles. Selon Gary Gens-ler, directeur de l’autorité de surveillance américaine CFTC, le volume des opérations de gré à gré sur les matières premières est sept fois plus important que celui négocié en bourse.20

20 Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.21 The Globe and Mail, 20 mars 2012.22 Financial Times, 30 novembre 2010.

23 Reuters, 31 juillet 2012.24 Fiche technique Fonds Crédit Suisse (Lux) Commodity Index Plus (Sfr), 31 juillet 2012.25 Fiche technique ZKB Fonds de matières premières CHF Catégorie A, 31 octobre 2012.

Page 11: Speculation alimentaire

11

Terrain de jeu pour les fonds spéculatifs

Les fonds spéculatifs valorisent leurs capitaux en spéculant acti- vement, autrement dit en faisant circuler rapidement des parts de patrimoine. C’est pourquoi, les marchés des matières premiè- res constituent, pour eux, un terrain de jeu privilégié. La plupart de ces fonds sont enregistrés dans des paradis fiscaux et ne sont soumis à aucune surveillance officielle. De même, l’action des fonds spéculatifs sur les marchés des matières premières est purement financière et ne vise pas à acquérir physique-ment un produit. Toutefois, à la différence des fonds indiciels, les fonds spéculatifs essaient de réaliser des gains, même sur les cours à la baisse. De nombreux investisseurs institutionnels confient également leur argent à des fonds spéculatifs. Ces der-niers leur facturent jusqu’à 2% des sommes investies et dédui-sent, de surcroît, jusqu’à 20% des plus-values réalisées. Tandis qu‘elle oscillait entre 20 et 30% avant 2004, elle s‘est hissée à 70% ces dernières années.27 Par conséquent, les contrats à terme ne permettent plus de réduire l‘insécurité, comme l‘affirme la théorie; ils en engendrent au contraire davantage.

Les caisses de pensions fournissent les capitaux

Les caisses de pensions sont des bailleurs de fonds essentiels pour les banques et les fonds spéculatifs qui négocient sur les marchés des matières premières. Actuellement, dans les pays de l’OCDE, les caisses de pensions gèrent près de 20’100 mil-liards USD.28 De loin les plus dotées en capitaux, les caisses

institutionnels, qui consacre 70% de son panier aux produits agricoles. Ce fonds est conçu pour les investisseurs, «qui se basent sur un appétit croissant pour les matières premières et une pénurie de ces dernières».26

de pensions américaines détiennent 10’600 milliards USD. Les caisses suisses administrent, quant à elles, près de 700 mil- liards USD. La Suisse se situe à la 7e place en termes de volu-mes. En Europe, les caisses britanniques et néerlandaises sont les seules à gérer des sommes supérieures.

Les caisses de pensions sont sans cesse confrontées au pro-blème de trouver des placements sûrs et, en même temps, les plus rentables possibles, dans le but ultime d’honorer les engagements de retraite faits à leurs assuré-e-s. En Suisse, l’engagement de retraite est fixé par l’administration à l’aide du taux de conversion et du taux d’intérêt minimal. Actions, obli-gations et titres immobiliers sont, depuis longtemps, les prin-cipales catégories d’actifs des caisses de pensions suisses. Face à la dégringolade de nombreuses obligations et actions, les placements dits alternatifs ont gagné en importance depuis quelques années. Il s’agit notamment de placements dans des fonds spéculatifs, des fonds de matières premières et des so-ciétés de capital-investissement. Selon les dispositions légales sur la prévoyance professionnelle, les caisses de pensions peu-vent investir au maximum 15% de leur patrimoine dans ce type de placement. D’après une étude du Crédit Suisse, au deuxième trimestre 2012, les caisses de pensions ont consacré 5,2% de leur richesse aux placements alternatifs; et force est de consta- ter une «redistribution continuelle des investissements réalisés dans les fonds spéculatifs vers des placements en matières premières».29 Une enquête de KPMG révèle qu’en 2009, les caisses de pensions suisses ont investi 1,75% de leurs capitaux dans des matières premières. Sur une richesse totale d’environ 700 milliards, ce pourcentage représente plus de 12 milliards CHF. En supposant que 20% de ce chiffre ont été placés dans des produits alimentaires, l’investissement est égal à 2,4 milli-ards. Selon KPMG, 11% des caisses de pensions suisses inter-rogées avaient, en outre, réservé plus de 15% de leurs capitaux aux placements alternatifs.30 Légalement, la limite de 15% peut être dépassée dans des cas justifiés.

26 Fiche technique Swisscanto (CH), Commodity Selection Fund 1, novembre 2012. 27 Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.28 NZZ, 27 septembre 2012.

29 Crédit Suisse, Indice des caisses de pensions suisses, 2e trimestre 2012.30 KPMG: Asset Management bei Pensionskassen, 1er juin 2011.

Page 12: Speculation alimentaire

12

Depuis quelques années, l’opinion publique est davantage sen-sibilisée au sujet de la spéculation sur les produits alimentaires. Avant la crise alimentaire majeure de 2007/2008, des banques faisaient encore de la publicité pour leurs fonds de matières premières sur des pages entières, invitant, sans vergogne, les lecteurs et lectrices à prendre part à la flambée des prix. La Deutsche Bank distribuait même, à des fins publicitaires, des sachets de pain, portant l’inscription «réjouissez-vous de la hausse des prix». En outre, l’«Agriculture Euro Fonds» propo- sait aux investisseurs de «contribuer au développement de sept grandes matières premières agricoles».

Mais lorsque, durant l’été 2012, la banque autrichienne ÖVAG s’est mise à vanter les mérites de son certificat sur les matières premières «Agrar Rohstoff Garant 2» en promettant «100% de chances de rendement» et en assurant que la «pire sécheresse que les Etats-Unis ont connue depuis plus de cinquante ans» aurait un impact positif sur les prix, les responsables de la banque ont dû faire face une vague d’indignation. L’établissement fi-nancier a immédiatement interrompu la vente de son certificat et s’est, en outre, engagé à ne plus s’adonner désormais à la spéculation sur les produits alimentaires.

4. QUELLES SONT LES MESURES PRISES POUR LUTTER CONTRE LA SPÉCULATION ALIMENTAIRE?

Quelques jours auparavant seulement, la deuxième banque alle-mande, la Commerzbank, avait déjà annoncé qu’elle renonçait à cette activité. Cette décision a été prise, en partie, sous la pres-sion d’une vaste campagne menée par des ONG. L’organisation allemande Foodwatch a qualifié les établissements bancaires de «spéculateurs de la faim». A la suite de cette campagne, la Deutsche Bank a déclaré qu’à partir de 2012, elle ne propo-serait plus de produits de placement basés sur des matières premières agricoles.

Au Royaume-Uni, des ONG reprochent à la banque Barclays d’avoir, en deux ans seulement, engrangé 500 millions GBP en spéculant sur des produits alimentaires. Le World Development Movement accuse l’établissement britannique de «profiter de la faim».31 Désireuse de calmer les esprits, Barclays affirme que ses activités sur les marchés des matières premières lui permet-tent seulement d’aider ses clients à «gérer les risques».

Lors de la crise alimentaire de 2008, une première vague de banques a déjà renoncé à la spéculation sur les produits alimen-taires. A l’époque, la banque privée genevoise Lombard Odier Darier Hentsch, par exemple, a déclaré ne plus vouloir proposer ce type de produit pour des raisons d’éthique.

31 www.wdm.org.uk

Page 13: Speculation alimentaire

Des efforts de réforme aux Etats-Unis

Après la crise financière et alimentaire de 2007/2008, le milieu politique a également commencé à s’impliquer. Aux Etats-Unis, le Congrès a tenu des audiences sur le rôle des banques dans les envolées des prix. A la suite de ces débats, la Dodd Frank Act a été adoptée en juillet 2010. Il s’agit d’un important ensem-ble de lois, visant à prévenir de futures bulles spéculatives et à renforcer la réglementation bancaire. Ce document prévoit notamment des limites de position en cas de spéculation sur les matières premières, ainsi qu’une bien meilleure transparence dans les transactions boursières et les opérations de gré à gré.

Cependant, cette loi a, jusqu’à présent, été mollement appli-quée. La nouvelle majorité à la Chambre des représentants, en fonction depuis janvier 2011, a voté la suppression du budget nécessaire à la CFTC, l’autorité de surveillance boursière. En coulisses, les banques font pression par tous les moyens pour vider de son sens la Dodd Frank Act. Dans une lettre du 13 février 2012 aux autorités de régulation américaines, le Crédit Suisse s’indigne, lui aussi, face au durcissement des conditions des opérations pour compte propre sur les matières premières.32

Les élections de début novembre 2012 n’ont donné aucun signe clair sur l’évolution de la Dodd Frank Act, car la Chambre des représentants sera toujours composée d’une majorité de Répu-blicains opposés à toute réforme.

Atermoiements dans l’UE et au G20

Au sein de l’Union Européenne, certains responsables impor-tants réclament depuis longtemps une réglementation plus sévère, notamment en matière de spéculation sur les produits alimentaires. Cependant, ce type de réglementation doit être adopté par le Conseil des Ministres, composé des 27 Etats membres. Le Royaume-Uni s’oppose à tout projet, car il dispose, avec Londres, d’un des principaux marchés des matières premiè- res du monde. Actuellement, le Conseil européen des Ministres des Finances se penche sur ce thème. Des ONG font pression pour qu’enfin quelque chose se passe: fin octobre 2012, douze organisations allemandes ont adressé un courrier au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, pour le sommer d’«arrêter cette folie».33 De même, les tentatives d’adoption de règles contraignantes au niveau du G20, composé des princi-paux pays industrialisés de la planète, sont, pour le moment, res-tées lettre morte. Le précédent Président français, Nicolas Sar-kozy, a échoué sur ce sujet lors du sommet de Cannes de 2011.

Les campagnes sont efficaces

Pourtant, les campagnes menées contre la spéculation alimen-taire ont déjà porté leurs fruits. Les banques doivent se justifier et battre un peu en retraite. Par ailleurs, les caisses de pensions subissent, elles aussi, une pression. Ainsi, après une campag-ne réalisée par des ONG américaines, CalPERTS, l’immense caisse de pensions des fonctionnaires californiens, a réduit de 2,5 milliards ses investissements prévus dans les matières pre-mières agricoles – qui s’élevaient tout de même encore à 150 millions USD.

Que se passe-t-il en Suisse?

Jusqu’à présent, les caisses de pensions suisses ont subi assez peu de pression pour justifier leur spéculation sur les produits alimentaires. Elles sont pourtant contrôlées par des commis-sions paritaires et les assuré-e-s disposent donc d’un droit de regard.

Mais sur le plan politique, les lignes bougent: une initiative popu-laire, intitulée «Pas de spéculation sur les denrées alimentaires», recueille actuellement des signatures. Son but est d’interdire aux banques, aux assurances et aux caisses de pensions, de spécu-ler sur les matières premières agricoles.

Même si cette initiative récoltait les signatures requises et était adoptée par le peuple et les cantons, elle ne résoudrait pas tous les problèmes, car les marchés financiers sont mondialisés et les capitaux ne connaissent pas les frontières nationales. Néan-moins, la récolte des signatures et une éventuelle campagne de votation permettent de sensibiliser la population à la spécula- tion alimentaire et d’intensifier la pression sur les banques et les caisses de pensions afin qu’elles cessent leurs activités dans ce secteur. Enfin, l’adoption de cette initiative constituerait, notamment en direction des autres Etats, un signal fort contre la spéculation alimentaire.

13

32 www.sec.gov/comments/s7-41-11/s74111-260.pdf33 www.foodwatch.de

Page 14: Speculation alimentaire

L’assertion assez largement répandue, selon laquelle de plus en plus d’habitant-e-s de la planète peuvent se nourrir en quantité suffisante, est loin d’être une évidence. La mondialisation, la libé-ralisation de l’économie et des priorités politiques mal définies ont, dans de nombreuses régions, affaibli l’agriculture locale et rendu la population dépendante du commerce international. Les terres arables ne sont pourtant pas exploitées en priorité pour fournir à la population mondiale des calories en quantités suffi-santes. Sur le marché mondial, les monocultures ciblées servent souvent à nourrir le bétail et à fabriquer des carburants, devenus l’objet d’une demande croissante. Le changement climatique apporte une incertitude supplémentaire. Les épisodes de sé-cheresse et d’inondation se multiplient et, avec eux, le risque de mauvaises récoltes.

Dans ce contexte, la spéculation croissante sur les produits ali-mentaires de base, comme le blé et le maïs, génère davantage d’insécurité et entraîne des variations de prix encore plus impor-tantes. Si ces dernières font le bonheur des personnes inves-tissant en bourse, car elles augmentent leurs chances de réali-ser des profits élevés, elles sont synonymes de jeu mortel pour des millions de personnes, qui consacrent la majorité de leurs revenus aux produits alimentaires de première nécessité. «Les personnes qui spéculent sur les produits alimentaires sont des requins tigres», écrit Jean Ziegler, sociologue genevois et ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation,

5. LA SÉPARATION DES RENDEMENTS PAR RAPPORT À L’ÉCONOMIE RÉELLE EST UN JEU MORTEL

14

dans son neuvième ouvrage.34 Selon lui, leur seul objectif est de «satisfaire leur avidité, c’est-à-dire leur quête insatiable de profit».

Finalement, la spéculation alimentaire n’est qu’une manifestation de la tendance qui se propage depuis vingt ans: la financiarisa-tion croissante de l’économie. Hypothèques, titres fonciers ou contrats d’achat sur des denrées alimentaires, tous sont con-vertis en valeurs boursières négociables partout dans le monde, sans pour autant générer des logements, des surfaces agricoles ou des denrées alimentaires supplémentaires. L’objectif des banques et des fonds spéculatifs, qui jouent avec leurs propres capitaux, ainsi que l’argent des personnes qui investissent des sommes plus ou moins importantes et des caisses de pensions, est toujours le même: réaliser un rendement élevé à partir d’un capital donné. Et ce, quel qu’en soit le prix.

Dans les arrière-salles des établissements financiers, des «pro-duits» toujours plus extravagants sont imaginés, sans aucune exigence de production de biens réels consommables. Dans le même temps, de nombreux agriculteurs et agricultrices des pays en voie de développement manquent des moyens techniques les plus rudimentaires pour accroître leur production, tels que des tracteurs, des réseaux d’irrigation ou des entrepôts. Des crédits avantageux les aideraient. Mais les grandes banques et les fonds spéculatifs tiennent le même discours: impossible d’en octroyer.

34 Jean Ziegler: «Wir lassen sie verhungern», éditions C. Bertelsmann, 2012.

Page 15: Speculation alimentaire

15

Lectures complémentaires

Déclaration de Berne: Agropoly. Ces quelques multinationales qui contrôlent notre alimentation. Zurich 2012. A consulter sur: http://www.evb.ch/fr/p25019384.html

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture: L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde. La croissance économique est néces-saire, mais insuffisante pour accélérer le recul de la faim et la malnutrition. Rome 2012. A consulter sur: www.fao.org/docrep/016/i3027e/i3027e.pdf

Foodwatch: Les spéculateurs de la faim. Comment la Deutsche Bank, Goldman Sachs & Co spéculent sur les denrées alimentaires au détriment des plus pauv-res. Berlin 2011. A consulter sur: http://foodwatch.de/foodwatch/content/e10/e45260/e45263/e45318/foodwatch-Report_Die_Hungermacher_Okt-2011_ger.pdf

Institut pour la politique agricole et commerciale: La spéculation excessive sur les matières premières agricoles. Sélection d’articles de 2008 à 2011. A consulter sur: http://www.iatp.org/documents/excessive-speculation-in-agriculture-commodities

Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement: Il faut cesser de blâmer les marchés: la financiarisation est à l’origine de la volatilité des prix du pétrole et des matières premières. Genève 2012. A consulter sur: http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/presspb2012d1_en.pdf

Die Wochenzeitung WOZ: Crise alimentaire. La mondialisation de l’agriculture n’est pas une solution. Dossier de textes archivés sur ce thème de 2008 à 2012. A consulter sur: www.woz.ch/d/nahrungsmittelkrise

Banque mondiale: Food Price Watch. Washington 2012. A consulter sur: http://siteresources.worldbank.org/EXTPOVERTY/Resources/ 336991-1311966520397/Food-Price-Watch-August-2012.pdf

World Development Movement: The great hunger lottery. Comment la spécula-tion bancaire provoque des crises alimentaires. Londres 2010. A consulter sur: www.wdm.org.uk/sites/default/files/hunger%20lottery%20report_6.10.pdf

World Development Movement: Back to fundamentals. Pourquoi les limites de position sont nécessaires pour prévenir les flambées des prix alimentaires. Londres 2012. A consulter sur: www.wdm.org.uk/sites/default/files/Back%20to%20fundamentals%20report%20WEB.pdf

Jean Ziegler: Wir lassen sie verhungern (Nous les laissons mourir de faim). Die Massenvernichtung in der Dritten Welt (L’extermination de masse dans le Tiers Monde). Editions C. Bertelsmann. Munich 2012.

Page 16: Speculation alimentaire

av. Warnery 10 | CP 1151 | 1001 LausanneTél.: 021 601 21 61 | Fax: 021 601 21 69 [email protected] | www.solidar.ch Compte postal: 10-14739-9

LES PROJETS DE SOLIDAR SUISSE DANS LE MONDE

© P

hoto

s: p

age

1: k

k-ar

twor

ks/F

otol

ia.c

om; p

age

3: fe

fufo

to/F

otol

ia.c

om; p

age

4: A

ngel

Sim

on/F

otol

ia.c

om e

t veg

e/Fo

tolia

.com

;pa

ge 7

: zig

zagm

tart/

Foto

lia.c

om;

page

11:

spa

cepo

rt9/F

otol

ia.c

om; p

age

12: S

chlie

rner

/Fot

olia

.com

; pag

e 14

: Sol

idar

Sui

sse.

2

3

4

7

8 10 129

11

5

6

1

1. El Salvador 2. Nicaragua 3. Bolivie 4. Burkina Faso

5. Mozambique 6. Afrique du Sud 7. Serbie 8. Kosovo

9. Syrie 10. Pakistan 11. Sri Lanka12. Chine

Le label de qualité atteste: d’un usage conforme au but, écono-

mique et performant de vos dons d’informations transparentes et

de comptes annuels significatifs de structures de contrôle

indépendantes et appropriées d’une communication sincère et

d’une collecte équitable des fonds

Solidar Suisse/OSEO est certifiéepar ZEWO depuis 1947.