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Executive Master Communication
Promotion « Pierre Lévy »
2013/2015
Mémoire professionnel
Bernard Gaudin
Octobre 2015
RÉINVENTER LA COMMUNICATION INTERNE
À L’ÈRE COLLABORATIVE
Mémoire professionnel – Page 1/117
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Mémoire professionnel – Page 2/117
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Sommaire
Remerciements ................................................................................................................................. 4
Introduction ....................................................................................................................................... 6
1. 30 ans de transformations : placer la communication interne dans une
perspective historique pour comprendre son évolution ....................................................... 10
1.1 « Années 80 » : éclosion, paillettes et promesses ............................................................... 11
1.1.1 L’éclosion de la communication d’entreprise dans un contexte de rupture ............... 11
1.1.2 L’image de l’entreprise idéalisée à tout prix .............................................................. 13
1.2 « Années 90 » : froideur corporate et professionnalisation de la « com’interne » ............... 14
1.2.1 La naissance du « corporate » .................................................................................. 14
1.2.2 Les communicants internes se regroupent ............................................................... 15
1.3 « Années 2000 » : maturité de la fonction communication interne et remise en
cause .................................................................................................................................... 16
1.3.1 La maturité des communicants… .............................................................................. 16
1.3.2 … et la maturité des publics ...................................................................................... 18
1.3.3 Les discours internes remis en cause ....................................................................... 19
1.4 « Années 2010 » : bouleversements et transition ................................................................ 19
1.4.1 Une société en pleine transition ................................................................................ 19
1.4.2 Une fonction en pleine transition ............................................................................... 22
2. Le triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » : un angle d’analyse
pour mieux comprendre les enjeux de la communication interne ....................................... 23
2.1 Le collaboratif au cœur des organisations ........................................................................... 23
2.1.1 L’émergence de l’ère collaborative et son impact sur l’entreprise ............................. 24
2.1.2 La force de l’échange social et de la contribution ..................................................... 36
2.1.3 De la théorie à la pratique : quand les entreprises adoptent le collaboratif ............... 39
2.2 Le nouveau visage des collaborateurs ................................................................................. 44
2.2.1 Un récepteur-consommateur informé et exigeant ..................................................... 44
2.2.2 Plus qu’un émetteur, un média potentiel ................................................................... 48
2.2.3 Un mix générationnel inédit ....................................................................................... 51
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2.3 Le communicant interne « multifonctions » .......................................................................... 57
2.3.1 Un communicant avant tout… ................................................................................... 58
2.3.2 Un « chef d’orchestre » ............................................................................................. 59
2.3.3 Un « sociologue » ...................................................................................................... 61
2.3.4 Un « ministre de la culture d’entreprise » .................................................................. 62
2.3.5 Un « responsable des relations internes » ................................................................ 65
2.3.6 Un « coach du changement » ................................................................................... 68
3. Vers un modèle plus horizontal : nos recommandations pour faire évoluer la
communication interne pour qu’elle s’adapte à ces nouveaux enjeux ............................... 72
3.1 Passer d’un projet de communication à un projet d’entreprise ............................................ 73
3.1.1 Amener la direction à donner la « direction » ............................................................ 73
3.1.2 Lever les craintes face une prise de parole plus ouverte .......................................... 74
3.1.3 « Embarquer » les autres fonctions transverses ....................................................... 77
3.2 Préparer un environnement propice aux échanges et à la prise de parole .......................... 79
3.2.1 Oublier la langue de bois, promouvoir le parler-vrai pour redonner confiance .......... 79
3.2.2 Favoriser la reconnaissance comme moteur des échanges ..................................... 82
3.2.3 Apprendre le numérique, apprendre du numérique .................................................. 84
3.3 Appuyer le dispositif de communication sur un modèle collaboratif ..................................... 85
3.3.1 « Co-Construire », « Co-Former », « Co-Animer » ................................................... 86
3.3.2 Regrouper les moyens de communication sur une plateforme unique ..................... 89
3.3.3 Placer les collaborateurs au cœur du dispostif : « the staff is the media » ............... 91
Conclusion ...................................................................................................................................... 94
Derniers remerciements ................................................................................................................. 97
Bibliographie ................................................................................................................................... 98
Annexes ......................................................................................................................................... 104
Mémoire professionnel – Page 4/11
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Remerciements
Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance envers Murielle Porte, directrice de la
Communication Interne et Institutionnelle du groupe Société Générale et Stéphanie Larcheron,
directrice de la Communication de la Direction des Ressources et de l’Innovation, d’avoir fait le
« pari » d’intégrer un ingénieur dans leur équipe, de m’avoir fait confiance et de m’avoir
accompagné dans ce master, expérience hors norme, qui m’a fait grandir tant
professionnellement que personnellement.
Je remercie l’équipe en charge de l’Executive Master Communication de Sciences Po,
Ambroisine Bourbon, Hélène Tinlot, Myriam Zazzaron, Katia Dumoulin, pour leur bienveillance et
leur accompagnement, ainsi que tous les intervenants pour la qualité de cette formation.
J’adresse mes remerciements à ma tutrice Estelle Maione, mais aussi à Jean-Baptiste Perrin,
pour leurs conseils pertinents, structurants, rassurants et leur très grand professionnalisme.
Je tiens à remercier chaleureusement les professionnels et spécialistes1 que j’ai pu interroger
d’avoir pris le temps de partager leurs connaissances, leur expérience et leur vision. Autant
d’échanges passionnants qui ont enrichi ma réflexion et sans lesquels ce mémoire n’aurait pu
aboutir.
Merci à toutes les personnes qui ont répondu au questionnaire ; à mes proches et collègues qui
m’ont apporté leurs idées, leurs suggestions.
Un grand merci à Sophie, Céline et Pauline pour leur relecture efficace et précieuse.
J’ai une pensée toute particulière pour l’ensemble de mes collègues de la promotion « Pierre
Levy » pour l’indescriptible complicité qui nous a uni pendant ces deux années inoubliables.
Je remercie enfin ma famille : mes parents pour leur soutien mais aussi de m’avoir donné l’envie
d’apprendre, de regarder le monde sous un autre angle ; mes enfants, Maïa, Théo et Timothée,
pour leur incroyable patience face au temps passé à la conception de ce mémoire et les
changements d’humeurs que j’ai pu avoir ; Nadine, mon épouse, source infinie de support,
d’encouragement et d’inspiration à qui je dédie ce travail.
1 Liste fournie page suivante
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Professionnels et spécialistes interrogés, en face en face ou par téléphone :
• Frédérique ABELLA, directeur du Digital et de l’Information, Unilens • François D’ANSELME, responsable des approches collaboratives de la direction de la
Communication, Groupe Atos • Christine BALAGUE, vice-présidente du Conseil National du Numérique Christine (titulaire
de la Chaire « réseaux sociaux » à l’Institut Mines-Télécom) • Sarah-Pearl BOKOBZA, directrice de la Communication Interne, Groupe Atos • Vincent BRULOIS, directeur de l’UFR des Sciences de la Communication, Paris XIII • Jean-Marie CHARPENTIER, consultant Etudes Communication et Social, vice-président
de l’Afci (Association française de communication interne), • Jean-Paul CHAPTON, directeur de la Communication Digitale et de l’e-reputation,
Société Générale • Philippe CHARTON, directeur du projet Services Collaboratifs et Communications
Unifiées d’EDF (ancien directeur adjoint de la Communication d’EDF) • Stéphanie CRESPIN, responsable de la communication internationale div. Innovation
Marketing et Technologies, Orange • Bertrand DUPERRIN, responsable du pôle transformation Digitale, Emakina France • Emmanuel FRIZON DE LAMOTTE, responsable des projets transversaux à la direction de
la communication d’Axa France • Caroline GUILLAUMIN, directrice de la Communication, Groupe Société Générale • Aymeril HOANG, directeur de l’Innovation, Groupe Société Générale • Charles HUFNAGEL, directeur de la Communication, Groupe AREVA • Claude ISIDORE, responsable de projets de conduite du changement, AGIRC-ARRCO • Franck LAPINTA, chef de Projet Programme Banque Privée Digitale, Société Générale • Christophe LACHNITT, fondateur de Croisens (ancien directeur de la Communication de
DCNS et de Microsoft) • Cécile LEPRINCE, directrice conseil, Publicis Consultant Verbe • Ziryeb MAROUF, directeur Applicatifs RH Groupe et Réseaux Sociaux, Orange • Denis MARQUET, directeur de la Communication, Groupe Crédit Agricole • Edouard MARTEAU d’AUTRY, président d’Axelya • Marie-Gaëlle MICHELIN, directrice de la Communication Interne, Laboratoires IPSEN
(ancienne directrice de la Communication Interne de Castorama), • Pierre MILCENT, responsable France des offres collaboratives, IBM • Olivier MURAT, community manager, Groupe Poult • Brunot PAILLET, président du cabinet Conseil et Annonceurs Associés (ancien directeur
de la Communication du Gan) • Philippe PINAULT, fondateur et président de TALK SPIRIT • Anthony PONCIER, directeur Social Business EMEA, Publicis Consultant • Murielle PORTE, directrice de la Communication Interne et Institutionnelle, Société
Générale • Thierry RAYNARD, responsable pôle conseil et intelligence collective, SNCF • Aurélie RENARD, déléguée générale de l'Association française de communication interne
(Afci) • Edouard RENCKER, président de Makheia Group • Nathalie RICARD DEFFONTAINE, directrice de la Communication Interne, Groupe
Numericable-SFR • Laurent SABBAH, directeur de la Communication Interne, Club Med • Vincent SCHILTZ responsable de la Communication Financière, Groupe Auchan • Nadine THOMAS, formatrice en Discipline Positive, membre de l’ADPF (Association de
Discipline Positive France)
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Introduction
« Puisque tout est à refaire, puisque tout reste à inventer »2
Dans son livre « Petite Poucette », Michel Serres nous explique à quel point les nouvelles
technologies numériques bouleversent notre conception du temps, de l’espace, du savoir et nos
relations dans la société. Une période de transformation, de transition, que le philosophe
compare à celle de l’invention de l’écriture ou de l’invention de l’impression.
Une « ère numérique » où les individus sont connectés les uns aux autres, faisant voler en éclats
les frontières qui les séparaient, qu’il s’agisse de frontières géographiques, culturelles, sociales
ou hiérarchiques.
Une « ère collaborative » où les individus « consomment », partagent et produisent, en quelques
jours, plus d’informations et de connaissances que l’humanité n’en a jamais produit jusqu’à
présent.
Face à ces « mutations », les entreprises doivent s’adapter, se transformer et repenser leurs
modes de fonctionnement. Nouveaux canaux, nouveaux médias, nouveaux outils mobiles et/ou
collaboratifs : la communication des entreprises se réinvente dans sa relation avec les clients et
le public.
Qu’en est-il de la communication interne ?
Les nouveaux modes de communication « bousculent » les organisations : les collaborateurs,
notamment la nouvelle génération, souhaitent travailler dans un environnement relationnel plus
horizontal que vertical, s’attendent à donner leur avis, à contribuer, à… collaborer davantage.
Par ailleurs, chacun de ces collaborateurs par les outils qu’il a sa disposition, professionnellement
ou personnellement (réseaux sociaux d’entreprise, médias sociaux, smartphones, etc.) est lui
même un formidable vecteur de communication tant interne qu’externe.
D’où notre problématique : comment réinventer la communication interne à l’ère
collaborative ?
2 Serres, Michel. Petite poucette. Editions le Pommier, 2012.
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Pour y répondre, nous allons d’abord placer la communication interne dans une perspective
historique (Partie 1). Nous pourrons ainsi comprendre ses évolutions, partant du constat que
cette fonction a elle-même connu de nombreuses transformations depuis son apparition, au
début des années 80.
Nous nous intéresserons ensuite aux enjeux actuels de la communication interne à travers le
triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » (Partie 2). L’analyse du « Collaboratif » a
pour objectif de mieux appréhender ce que nous avons appelé « l’ère collaborative » et ces
impacts sur les modes de communication, en dehors et au sein de l’entreprise. L‘étude du
« Collaborateur » nous permettra de comprendre ses nouveaux comportements et ses attentes.
Enfin, les recherches autour du « Communicant » viseront, quant à elles, à mieux cerner les
conséquences de ces bouleversements sur son métier.
Fort de ces analyses, nous pourrons alors proposer des préconisations pour passer à un modèle
plus horizontal et répondre aux enjeux actuels auxquels est confrontée la communication interne
(Partie 3).
_________
Méthodologie
A) Définitions
Bien que dans ce mémoire nous aborderons essentiellement la communication interne, il
nous semble important de poser les distinctions que nous ferons entre :
• La communication interne qui regroupe l'ensemble des actions de communication
mis en œuvre au sein d’une entreprise à destination de ses salariés.
• La communication institutionnelle ou communication d’entreprise qui regroupe
l’ensemble des actions de communication qui visent à promouvoir l’image de
l’entreprise vis-à-vis de ses clients et différents partenaires.
• La communication produit qui regroupe l’ensemble des actions de communication
publicitaire destinées à promouvoir un produit ou service.
B) Notre champ d’études
La communication interne, …
Pourquoi avoir choisi la communication interne comme sujet de nos recherches ? Nous
avons constaté que, face au « digital », les efforts pour transformer la communication se sont
principalement concentrés sur l’externe. Certes, de nouveaux canaux de communication
apparaissent dans l’entreprise (réseau social d’entreprise, Intranets collaboratifs, etc.) mais,
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sauf exception, « l’écosystème » de communication interne n’est pas repensé. Des
professionnels du secteur nous ont d’ailleurs parlé de la fonction comme « du parent pauvre
des stratégies de communication ». Nous avons donc pensé qu’il serait plus intéressant
d’axer nos recherches sur cette fonction.
Cependant, l’objectif n’est pas d’analyser ses différentes missions (éditorial, évènementiel,
communication managériale, communication de crise, etc.), qui pourraient chacune faire
l’objet d’un mémoire à part entière. Nous avons préféré étudier la communication interne
dans sa globalité, de comprendre les problématiques que la profession rencontre aujourd’hui
et tenter d’y répondre, notamment à travers le « collaboratif ».
… le « collaboratif »…
Nous avions l’intuition que le potentiel des nouveaux modes de communication apportés par
les modèles collaboratifs (qui, à l’extérieur, amènent les individus à se connecter les uns aux
autres, à partager, à produire de l’information, etc.) était, à de rares exceptions près, sous-
exploité en interne. Une intuition qui s’est confirmée tout au long de nos recherches. Comme
nous l’a expliqué, Bruno Paillet, président du cabinet Conseil et Annonceurs
Associés (ancien directeur de la Communication du Gan) : « le rôle de la communication
interne est de considérer les personnes comme la richesse de l’entreprise… Le paradoxe,
c’est qu’on est plus aujourd’hui soucieux de séduire à l’extérieur, que de s’intéresser aux
"troupes", alors que ce sont elles qui sont les fondamentaux de l’entreprise ».
… dans les grandes entreprises.
Nous avons choisi de concentrer notre analyse sur les grandes entreprises pour deux
raisons. Tout d’abord parce que leur mode de fonctionnement le plus souvent « pyramidal »
et cloisonné conduit à des communications encore très « descendantes ». Les changements,
pour amener à des modes de communication plus horizontaux, sont donc plus structurants,
représentant ainsi, à nos yeux, un champ d’études plus intéressant.
C) Notre approche Une phase exploratoire (juillet 2014 à mai 2015)
Nous avons commencé par une période de recherches exploratoires basées sur :
• des lectures (autour de la sociologie, de « l’ère numérique », de « l’ère collaborative »,
de l’organisation des entreprises, des différences générationnelles et bien évidemment
de la communication globale et interne),
• des rencontres informelles (collègues, connaissances et proches).
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Cette première phase nous a permis de réorienter la première partie du mémoire que nous
avions d’abord axée sur les générations et leur appréhension du « collaboratif ». Bien qu’il
existe effectivement des différences, cela ne nécessitait pas d’y consacrer toute une partie.
Nous avons alors préféré nous concentrer sur l’historique de la communication interne. Nous
avons pu également durant cette phase identifier les personnes que nous souhaitions
rencontrer.
Une phase d’observation et d’approfondissement (mai à août 2015)
Durant cette phase :
• Nous avons continué nos lectures notamment autour des retours d’expériences, des
pratiques du collaboratif, etc.
• Nous avons lancé un questionnaire anonyme à plus de 500 personnes (contacts sur
les réseaux sociaux, proches, connaissances, etc.) pour avoir leur avis, en tant que
collaborateur, sur la communication interne et les approches collaboratives, au sens
large et dans leur entreprise. Nous avons collecté près de 220 réponses (de mai à
mi-juillet) dont environ 160 concernant les grandes entreprises. Les résultats de ce
questionnaire nous ont permis d’illustrer tout au long de ce mémoire la vision des
collaborateurs. (Les questions sont fournies en annexe)
• Nous avons réalisé une trentaine d’entretiens (en face à face ou par téléphone)
avec des professionnels et des spécialistes de la communication, du digital ou des
approches collaboratives. Des personnalités d’horizons variés : grandes entreprises,
agences de communication, associations. Nous avons eu la chance de pouvoir
également rencontrer les auteurs de livres qui nous avaient particulièrement inspiré :
Vincent Brulois & Jean-Marie Charpentier (« Refonder la communication en
entreprise ») et Édouard Rencker (« le nouveau visage de la com’interne »).
D) Nomenclature
Enfin, comme nous citons certaines personnes que nous avons lues mais aussi rencontrées,
nous avons choisi d’avoir une nomenclature différente entre les citations issues d’entretiens
(nous utiliserons Prénom Nom), et celles issues de nos lectures (nous utiliserons alors
P.Nom).
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1. 30 ans de transformations : placer la communication interne dans une perspective historique
pour comprendre son évolution
Avant de pouvoir aborder les transformations actuelles de la communication interne, il nous est
apparu important de la placer dans une perspective historique, de comprendre son évolution.
Cette évolution peut se résumer à travers quatre grandes phases :
• De la fin des années 70 à la fin des années 80 : l’entreprise vient de connaître une
transformation de l’organisation du travail sans précédent et la fonction communication
apparaît « officiellement » ; en interne, elle explique son fonctionnement et son
organisation, en externe elle façonne son image,
• Les années 90 : dans un contexte de mondialisation de l’économie, la « com’ interne » se
professionnalise et s’outille pour mobiliser les collaborateurs cette fois autour de l’image
de l’entreprise ; les communicants internes se rassemblent avec l’Association Française
de la Communication Interne (Afci),
• Les années 2000 : phase de maturité de la communication interne, mais également de
maturité des collaborateurs qui ne sont plus naïfs face aux messages véhiculés par
l’entreprise ; une entreprise bousculée sur son rôle et sa responsabilité dans la société,
• Et enfin depuis 2010 : la transition numérique bouleverse la société et les usages ; peut-
on encore parler de communication interne avec une porosité interne/externe de plus en
plus forte ? Comme pour toutes les fonctions de l’entreprise, une réflexion en profondeur
est nécessaire sur les rôles et les missions de la « com’interne » pour s’adapter au
changement sociétal. Doit-on en conclure que la « com’ interne » n’existait pas avant les années 80 ? Comme le
rappelle P.Labasse3, les premières politiques d’information interne apparaissent au début du XXe
pour accompagner le « paternalisme » grandissant des entreprises. C’est la naissance des
journaux d’entreprise (le Bulletin des Usines Peugeot en 1918). Les premiers communicants
internes sont des « journalistes d’entreprise » qui exercent en toute indépendance. En 1955, une
étude montre que la majorité des sujets traités alors dans ces publications « internes » sont
essentiellement éloignés des activités économiques de l’entreprise : actualités des associations
sportives du personnel, conseils pour la vie quotidienne, etc. L’objectif est de divertir, on est
3 Labasse, Pierre. « Brève histoire de la communication interne » Les cahiers de la communication interne, no 25,
décembre 2009.
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encore loin d’une démarche d’information et de communication sur l’activité de l’entreprise, son
fonctionnement, etc.
La communication d’entreprise n’existe pas à proprement parler, on parle alors de « relations
publiques » le plus souvent confiées à des conseillers ou agences externes. La fonction de
« relations publiques » évolue timidement dans les années 70 vers de la communication.
Notamment à travers la révision, en 1974, du code de l’AFREP (l’Association Française des
Relations Publiques, créée en 1952, qui regroupe les professionnels des relations publiques)
comme le montre J.Walter4 : « dans le code de 1954, le conseiller de relations publiques était
défini comme "un conseiller en opinion"; celui de 1974 le représente comme un professionnel
chargé de définir et mettre en œuvre une politique permanente de communication ». En parallèle
apparaissent les premiers « services Information – Communication » (Saint-Gobain 1970,
Peugeot 1970, L’Oréal 1973, Renault 1973, Air France 1974,...)5. La véritable éclosion des
services de communication date des années 80.
1.1 « Années 80 » : éclosion, paillettes et promesses
1.1.1 L’éclosion de la communication d’entreprise dans un contexte de rupture
« Pourquoi l’éclosion de la communication d’entreprise a-t-elle lieu dans les années 80 ? »
s’interrogent V.Brulois et J-M.Charpentier dans leur ouvrage passionnant « Refonder la
communication en entreprise »6. Deux raisons sont évoquées :
• La concurrence économique : les chocs pétroliers des années 70, amènent les
entreprises à se restructurer pour rester compétitives. Les marchés s’internationalisent.
Les monopoles tombent. Il faut se différencier. La communication externe, notamment à
travers la publicité, va façonner l’image des entreprises, valoriser leurs produits.
• La contestation des années 68 : avec en arrière-plan, pour les salariés, le rejet du
taylorisme et de son compromis social : accroissement de la productivité contre salaire
élevé. « Gagner plus » ne suffit plus, un besoin pressant de replacer l’humain dans
l’environnement de travail se fait sentir.
Sur ce dernier point il est important de comprendre, qu’au-delà des avancées qu’apportent les
travaux de M.Crozier & E.Friedberg, puis de R.SainSaulieu sur la place et le rôle l’individu au sein
des organisations, une véritable réflexion de rupture s’installe au niveau du patronat français,
dans les années 70. Une réflexion, pour reconsidérer « l’organisation du travail et les rapports
4 Walter, Jacques. Directeur de communication / les avatars d’un mode-èle professionnel. Paris: Editions
L’Harmattan, 1995. 5 Le Moënne, Christian. « Communication “by smiling around” et crise managériale ». Réseaux, no 64, avril 1994. 6 Brulois, Vincent et Jean-Marie Charpentier. Refonder la communication en entreprise. FYP EDITIONS, 2013.
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sociaux au sein de l’entreprise »7. « Un mouvement réformiste », selon D.Chauvin8, dont
l’impulsion est donnée par l’ouvrage de F.Bloch Lainé de 1963 « Pour une réforme de
l’entreprise » et qui répond « aux maux chroniques dont pâtissent les entreprises : grèves,
absentéisme, turn-over, faible implication des salariés, etc. » comme le souligne S.Olivesi9.
Rapports et lois se succèdent alors (comme l’indique, de manière non exhaustive, le schéma ci-
dessous) pour aboutir en 1981 au rapport Auroux dont l’objectif est de faire des travailleurs « des
acteurs du changement et des citoyens à part entière dans l’entreprise ». À la suite de ce dernier,
4 lois seront promulguées en 1982 : les lois Auroux relatives aux libertés des travailleurs dans
l’entreprise, au développement des institutions représentatives du personnel, à la négociation
collective et au règlement des conflits du travail, aux comités d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail.
« Le mouvement réformiste » : du « Rapport Bloch-Lainé » aux « Lois Auroux »10
Ces réformes qui « étendent et balisent le droit d’expression des salariés »11, auxquelles
s’ajoutent les nouvelles formes d’organisation (comme les cercles de qualité au début des
années 80) « favorisent l’émergence de la fonction communication interne » selon
D.Chauvin12, notamment à travers l’apparition de nouvelles thématiques autour du
dialogue, de l’expression et de l’information destinées aux salariés.
7 Olivesi, Stéphane. La Communication au travail. PUG, 2006. 8 Chauvin, Didier. « La fonction « communication interne » en crise ? » Communication et organisation, no. 38
(Décembre 2010) 9 Ibidem 10 Schéma réalisé pour résumer les dates clés que nous avons collectées sur les réformes de l’organisation du travail 11 Olivesi, Stéphane. Ibidem 12 Chauvin, Didier. Ibidem
1963%Ouvrage%de%Bloch3Lainé%(“Pour%un
e%Réforme%de%l’entreprise”)%
1968%Accords%de%Grenelle%
1972%Rapport%CJD%(L’informaLon%dans%l’entreprise)%
1973%CréaLon%d
e%l’ANACT%(Agence%N
aLonale%po
ur%l’A
mélioraLon%des%
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1975%Rapport%%Sudreau%(Réforme%de%l’entreprise)%
1977%Loi%sur%le%bilan%social%
1978%Rapport%Couste%(Travail%tem
poraire)%
1979%Rapport%Lucas%(Tem
ps%parLel)%
1980%Rapport%Giraudet%(Durée%du
%travail)%
1973
%Loi%sur%le%licenciement%(Cause%réelle%et%sérieuse)%
1981%Rapport%Auroux%sur%le%droit%de%travailleurs%
1979
%Réforme%des%prud’ho
mmes%
1982%Lois%Auroux%sur%le%droit%d
u%travail%
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1.1.2 L’image de l’entreprise idéalisée à tout prix
Les services de communication des années 80 vont alors accompagner les entreprises dans leur
transformation.
D’un point de vue externe, dans un contexte nouveau de concurrence, nous le disions,
l’objectif est de valoriser l’entreprise, ses produits, de les différencier. Tout est misé sur
l’image. C’est l’âge d’or de la publicité, les budgets sont colossaux. Nous ne nous
attarderons pas sur cette partie de « communication produit », mais nous ne pouvons nous
empêcher de donner un exemple qui illustre toute la démesure de certaines campagnes de
l’époque : le spot publicitaire « Citroën Visa GTi »13 confié à l’agence de Jacques Séguéla
(RSCG) et réalisé par Jean Becker en 1985. Une Visa GTi se mesure avec un avion de chasse,
décolle du porte-avion Clémenceau, plonge dans la mer et en ressort sur le pont d’un sous-marin,
sur un générique de Julien Clerc avec des prises de vues en hélicoptère !
D’un point de vue interne, les premières priorités vont être d’expliquer l’entreprise et de
rassurer les salariés. Expliquer le fonctionnement de l’entreprise, ses activités, ses enjeux :
« les plans de com’ sont quasiment structurés sur les différentes fonctions et organisés comme
un organigramme » remarque E.Rencker dans son livre très intéressant « Le nouveau visage de
la com’ interne »14. Rassurer, car, après les chocs pétroliers, les restructurations pour rester
compétitifs inquiètent les employés. Une certaine démotivation apparaît. Mettre en place une
culture d’entreprise semble être la réponse appropriée, analysent V.Brulois et J-M.Charpentier.
Une culture d’entreprise, d’une part pour valoriser l’image de la compagnie (« On est les
meilleurs ! ») et d’autre part pour engager les collaborateurs (« On fait partie de la même
famille ! »). Là aussi, les moyens sont conséquents ! Les supports évoluent : on passe du bulletin
d’entreprise monochrome à la quadrichromie, voire au journal interne téléphoné. C’est l’apparition
de la vidéo avec des chaînes de télévision internes (E.Rencker donne l’exemple de « Ricard
Vidéo Actualités » : quatre journalistes, une documentaliste, un technicien vidéo, deux
caméramans et quatre secrétaires pour un magazine mensuel de 25 minutes !). C’est l’époque
également des galas somptueux et des soirées dans des lieux exceptionnels, privatisés pour
l’occasion, souvent autour d’un patron charismatique qui « emporte » les foules (Bernard Tapie,
patron emblématique des années 80). Rien n’est assez grand pour valoriser l’image de
l’entreprise en pleine prospérité !
C’est à cette période aussi que les directions du personnel se renomment « direction des
ressources humaines » : « on ne gère plus le personnel, mais des individualités, des talents, des
parcours, des carrières ». 15 Dans cette approche, la communication, tant en externe qu’en
13 http://www.dailymotion.com/video/x3a2qr_pub-tv-citroen-visa-gti_ads 14 Rencker, Edouard. Le Nouveau Visage de La Com’ Interne. Eyrolles. Ressources Humaines, 2007. 15 Rencker, Edouard. Ibidem
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interne, fournit l’image d’une entreprise idéalisée, la promesse d’une entreprise qui « se
pose comme le lieu privilégié de socialisation des individus et de construction du lien
social comme l’institution sociale centrale et principal acteur de l’espace public
démocratique »16
1.2 « Années 90 » : froideur corporate et professionnalisation de la « com’interne »
1.2.1 La naissance du « corporate » Dans les années 90, la mondialisation de l’économie sous fond de crises politiques, sociales et
financières (guerre du Golfe en 90, records de chômage en Europe, récession en 92-93, etc.)
replonge les entreprises dans la tourmente.
La rentabilité à tout prix ! Se succèdent alors les restructurations, les plans sociaux ; les
délocalisations s’accélèrent ; le rôle de l’actionnaire est renforcé avec l’apparition de la
gouvernance d’entreprise (« corporate governance »), qui « rappelle aux dirigeants, par de
nouvelles règles du jeu, leur objectif de maximisation de la richesse des actionnaires »17.
La complexité de cet environnement va obliger les directions de communication à
évoluer : « la créativité ne suffit plus » remarquent V.Brulois & J-M Charpentier, il faut se
professionnaliser. Deux axes vont être privilégiés selon ces deux auteurs : d’un côté une
« cartographie plus fine des publics (financiers, institutionnels, etc.) » afin d’adapter les
messages (on segmente alors les publics externes et internes) ; et de l’autre, une vision globale
de l’entreprise prise comme un tout. Ce sont les débuts de la « communication stratégique », une
manière finalement d’asseoir la légitimité de la fonction.
En externe, la communication financière devient reine : il faut démontrer la rentabilité de
l’entreprise. Cependant, il n’est pas question de publier des informations non vérifiées. De
nouveaux circuits de validation, souvent contraignants, apparaissent. Dans le même temps, il est
à noter que les budgets médias baissent en faveur des hors-médias (on parle d’ailleurs de la
crise de la publicité).
Dans l’entreprise, la « com’interne » s’organise, se professionnalise : des responsables et
des chargés de communication sont nommés. Les nouveaux services de « com’ interne » (en
1992, seuls 13 % de ces services ont plus de deux ans d’ancienneté18) doivent mobiliser plus que
jamais des salariés qui perçoivent le décalage entre les discours idéalisés des années
précédentes et la réalité du contexte social et économique. Des salariés qui sont la cible
16 Brulois Vincent et Jean-Marie Charpentier. Ibidem 17 Klein, Olivier. “ L’évolution du principe et de la pratique de la gouvernance d’entreprise à travers les différents
âges du capitalisme.” Le Blog Note d’Olivier KLEIN, Septembre 2011. 18 Rencker, Edouard. Ibidem
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prioritaire des actions de communication interne. L’heure est à la pédagogie, on explique le
changement, les contraintes, « on sensibilise le personnel aux enjeux de l’entreprise, on répond
aux besoins d’information, on construit un esprit d’équipe » observe l’étude Inergie de 1991
(« Communication interne : 10 ans, l’âge de raison » ?) que cite D.Chauvin dans son article19.
Cependant, les messages véhiculés en interne n’échappent pas aux circuits de validation,
la peur de la « gaffe » supprime la moindre aspérité des discours, comme le souligne
E.Rencker. Les communications sont « corporates », descendantes, formatées et froides.
L’auteur parle de la « langue de bois » qui s’initie ainsi dans les messages, sans compter la
« maladie du secret » des dirigeants, avec des résultats parfois désastreux lorsque les salariés
apprennent le rachat de leur société suite à une fuite dans la presse.
1.2.2 Les communicants internes se regroupent
On ne peut pas parler de professionnalisation sans aborder la création de l’Afci.
Face à la diversité des actions des services de communication interne, le flou de leurs missions
et pour répondre à besoin d’institutionnalisation et de professionnalisation, un professeur de
marketing de l’ESCP, Christian Michon, aidé d’un groupe de communicants, crée en 1989
l’Association Française de Communication Interne (l’Afci). Dans un article20 qui retrace l’histoire
de l’association (numéro spécial « Cahier de la communication interne » pour les 20 ans de
l’Afci), L.Hurstel, déléguée générale de l’époque, cite un texte de Christian Michon (nommé
premier président en 1989), texte qu’il nous paraît important de reprendre ici tant il résonne
encore aujourd’hui !
« L’accélération des changements, la dureté de la compétition qui s’internationalise, l’importance
croissante de l’homme au centre des ressources de l’entreprise, conduisent à une recherche plus
performante du management des organisations. La communication d’entreprise est l’une des
composantes de cette recherche. L’entreprise a besoin de communication externe pour s’affiner
et acquérir une image forte et durable, elle a besoin de communication interne pour piloter le
changement, tous ensemble et tous en même temps. La communication interne n’est pas un
simple credo incantatoire ou un outil a la mode, elle n’est pas un instrument de plaisir, mais bien
un levier de stratégie du changement, et c’est pour cela qu’aujourd’hui, elle trouve ses titres de
noblesse et légitime sa fonctionnalité dans l’entreprise, à la croisée des chemins entre les métiers
de la communication et les métiers de la gestion des ressources humaines. Pourtant si la
communication interne prend du corps et crée son territoire, elle n’est pas sans s’interroger sur sa
légitimité, sur sa place dans l’entreprise, sur son existence et son avenir ».
19 Chauvin, Didier. Ibidem 20 Hurstel, Laurence. « L’Afci À 20 Ans ! » Les Cahiers de La Communication Interne, no. 25 (décembre 2009).
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Les premières rencontres sont rapidement organisées sous forme de débats et d’ateliers.
Christian Michon, dans la première lettre d’information en 1991, exprime son souhait de « faire de
la communication interne une science appliquée et une fonction reconnue à sa juste valeur ».
Pour accélérer son développement (l’association ne compte que 20 adhérents en 1992) et mener
à bien ses missions (professionnaliser, échanger, rayonner), l’Afci s’associe avec un cabinet de
conseil en management et communication Inergie. Dès lors les adhésions s’accélèrent.
Aujourd’hui l’Afci regroupe près de 500 membres de plus 400 organisations différentes.
En 1994, l’Afci publie le premier référentiel de la fonction communication interne avec pour
objectif de cadrer la fonction et définir ses missions, ses pratiques. Ce référentiel s’articule
autour de 6 activités : investigation et études, conseils aux managers, information, animation et
coordination, organisation des manifestations, formation à la communication. Ce référentiel sera
adapté en 2005, nous le verrons plus tard, pour répondre aux évolutions des entreprises.
En 1997, est publié le premier numéro des « Cahiers de la communication interne », véritable
vitrine de l’Afci, comme l’indique L.Hurstel.
Enfin en 1999, l’Afci se dote d’un organisme de formation avec les « Universités Afci de la
communication interne » pour développer les compétences des communicants. La profession
s’est définitivement ancrée dans les organisations.
Nous pouvons citer également le travail de l’UJJEF (« Union des Journaux d’Entreprise de
France ») qui va œuvrer dans les années 80-90 à légitimer la place de la communication dans
l’entreprise et le rôle du journal d’entreprise dans cette fonction. Créée en 1947 pour fédérer les
professionnels de la presse d’entreprise, cette organisation va progressivement s’ouvrir à tous les
métiers de la communication d’entreprise. Renommé en 2003 « UJJEF — Communication et
Entreprise », et avec plus de 1 700 adhérents, elle est aujourd’hui la plus importante association
des métiers de la communication institutionnelle en France.
1.3 « Années 2000 » : maturité de la fonction communication interne et remise en cause
1.3.1 La maturité des communicants…
Comme l’explique E.Rencker, « avec les années 2000 on passe à l’ère de la maturité ». Une
maturité qui se retrouve à tous les niveaux de la « com ‘interne » :
• Au niveau organisationnel : quand elle n’est pas rattachée aux ressources humaines, la
communication interne fait généralement partie désormais de la communication
d’entreprise ou communication institutionnelle, (ou « com’ corporate »), qui réunit toutes
les fonctions en charge de la promotion de l’entreprise (l’institution) que ce soit en externe
ou interne.
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• Au niveau des missions : face aux transformations de l’entreprise (notamment liées aux
Nouvelles Technologies de l’Information et de la communication - NTICs), l’Afci revoit en
2005 son référentiel autour de 5 missions principales comme le montre le schéma de la
page suivante.
Le référentiel Afci d’activités et de compétences du Responsable Communication Interne publié en 2005
• Au niveau des cibles : une cartographie toujours plus fine des parties prenantes permet
d’ajuster les messages. Il est à noter, comme le fait remarquer D.Chauvin, que si la cible
privilégiée de l’interne dans les années 80 était les salariés, ce sont les managers qui
intéressent les communicants dans les années 2000. Avec l’apparition de l’e-mail, l’idée
est de faire des managers des relais de l’information à tous les niveaux de l’organisation.
Un rôle qui aura ses limites, nous le verrons, les managers devenant plus en plus des
« passe-plats », par manque d’accompagnement de la part de la fonction communication.
• Au niveau des sujets : face au questionnement des publics (que nous abordons juste
après), la communication interne doit adapter ses discours. Expliquer les rouages de
l’entreprise ne suffit plus, il faut donner une vision, décrypter le rôle de l’organisation dans
la société, sa responsabilité, répondre aux nouvelles interrogations qu’amène la
Responsabilité Sociale d’Entreprise et ses enjeux de développement durable sur le plan
environnemental, sociétal ou économique. Autant de sujets que la communication interne
doit maîtriser afin de les restituer et les rendre les plus compréhensibles aux salariés.
Missionset activitésdu Responsable de Communication
nterne
Écoute et comprendle corps social
Conseillele management
Élabore et faitcirculer l’information
Développela dynamique collective
Manage son équipePilote la fonction
• Assure une fonction d’écoute informelle• Assure une fonction d’écoute formelle
• Conseille les dirigeants• Apporte un appui opérationnel aux managers• Participe à la gestion de crise
• Élabore la politique d’information interne• Pilote la réalisation du dispositif d’information interne
• Fait vivre et évoluer la culture interne• Organise le débat• Crée des événements
• Manage l’équipe de communication interne• Anime et gère le réseau des communicants• Négocie et élabore les budgets de communication
interne• Assure la veille externe sur les pratiques de
communication
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• Enfin au niveau des pratiques : la généralisation de l’usage des NTICs au sein des
entreprises, comme nous le verrons en deuxième partie, donne les moyens à la
« com’interne » de renforcer son dispositif de diffusion. Elle adopte ainsi rapidement un
certain nombre de nouveaux outils qui lui permettent d’adapter les messages (mais aussi
leurs formes) selon les cibles et les objectifs de communication : e-mails d’information,
Intranet, blogs des dirigeants, etc.
1.3.2 … et la maturité des publics
Si les NTICs, notamment grâce à Internet et aux e-mails, permettent aux entreprises de
communiquer plus facilement et plus efficacement, elles fournissent également aux publics
(qu’ils soient externes ou internes) une formidable source d’informations, de partage qui
va désacraliser l’image de l’entreprise idéalisée, « toute-puissante » et amener des
questionnements sur les messages qu’elle transmet. Ainsi l’actualité de la fin des années 90 et du début des années 2000, ponctuée de scandales
écologiques (Erika en 1999), sanitaires (grippe aviaire en 2001) ou financiers (affaires Enron en
2001 ou WorldCom en 2003, patrons surpayés) dévoile les dérives des entreprises. Des
entreprises et des dirigeants à la recherche d’une rentabilité à tout prix, dans un contexte de
mondialisation et de dérèglementation économique. Des scandales qui auront deux
conséquences majeures :
• l’entreprise doit désormais rendre des comptes : d’abord aux régulateurs et
réglementations mis en place pour endiguer ces dérives, mais aussi aux ONG
(Organisations Non Gouvernementales), aux associations de consommateurs, etc.,
véritables, « contre-pouvoirs » qui s’appuient sur Internet pour mieux s’organiser, informer
et attaquer l’image des organisations peu scrupuleuses. Le concept de Responsabilité
Sociale d’Entreprise (RSE), apparu dans les années 50 et que le sommet de la Terre à
Johannesburg en 2002 remet en avant, amène à revoir la manière dont la performance
des entreprises est mesurée : la performance économique ne suffit plus, il faut aussi
prendre en compte leurs performances sociales et environnementales.
• « L’entreprise n’est plus crue sur parole » : comme le remarquent V.Brulois &
J-M.Charpentier, le décalage entre l’actualité et les messages véhiculés par les
entreprises délégitime le discours de ces dernières. Un décalage encore aggravé, lorsque
« flairant » l’impact de la RSE sur l’opinion publique, certaines organisations se sont
« engagées » dans cette voie, sans aucune conviction sociale, mais avec la seule volonté
de parfaire leur image et d’optimiser leurs profits. Mais les « contre-pouvoirs » qu’ils soient
officiels ou non officiels « veillent », vérifient l’information, la confrontent et surtout
partagent leurs analyses !
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1.3.3 Les discours internes remis en cause
En interne, les salariés ne sont plus naïfs. D’une part, ils ont accès à d’autres sources
d’informations que celles fournies par leur entreprise, ils peuvent vérifier les messages qui
circulent ! La langue de bois n’a plus sa place dans les organisations ! D’autre part, la
« communication » qui était réservée jusque-là aux dirigeants et aux services de « com’interne »
fait partie à présent du quotidien de tous les salariés. Le travail se fait en communiquant, à tous
les niveaux de l’organisation : échanges d’e-mails, réunions, séminaires, etc. Se crée alors une
communication de terrain bien éloignée de l’information formatée et descendante véhiculée par la
« com’ », dont la portée s’essouffle peu à peu. Un essoufflement symptomatique du fossé qui se
creuse entre le discours des dirigeants et les besoins des salariés. V.Brulois & J-M.Charpentier
citent d’ailleurs une enquête TNS–Sofres–Publicis Consultant de 2010 indiquant « que 87 % des
salariés en France se disent convaincus que les intérêts des dirigeants et des salariés ne vont
pas dans le même sens ».21 Des salariés dont le rapport au travail évolue également, avec
l’arrivée de la loi Aubry en 2002 sur la Réduction du Temps de Travail qui selon l’ANACT
(L’Agence Nationale de l’Amélioration des conditions de travail) « conduit au développement de
la flexibilité et à une conciliation des temps entre vie professionnelle et vie privée ».
Au moment même où la communication interne atteint un certain niveau de maturité, les
discours qu’elle véhicule, toujours centrés sur l’image, sont remis en cause par des
salariés qui attendent plus d’adéquation avec la réalité du terrain, plus d’authenticité, plus
d’humanité et plus d’interactions, à l’image finalement de la communication dont ils sont
acteurs au quotidien dans leur travail.
1.4 « Années 2010 » : bouleversements et transition
1.4.1 Une société en pleine transition
Certes, la communication interne réagit : les Intranets deviennent « interactifs » (les
collaborateurs peuvent donner leur avis, « liker », commenter les articles publiés), les réseaux
sociaux s’installent dans les organisations (avec divers niveaux d’adoptions selon les
entreprises). Elle va également faire évoluer son dispositif évènementiel notamment à travers les
initiatives d’engagements solidaires (pour supporter des associations caritatives) auxquelles sont
conviés les salariés, donnant une dimension plus humaine à leurs activités. Mais dans la majorité
des cas, ces approches traduisent simplement l’utilisation de nouveaux canaux de diffusion, le
traitement de nouvelles thématiques qui s’ajoutent à celles existantes.
21 Romagnan, Barbara. Rapport d’enquête de la commission d’enquête sur l’impact sociétal, social, économique et
financier de la réduction progressive du temps de travail. Assemblée nationale, 2014.
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Il manque une réflexion en profondeur sur les changements à apporter pour s’adapter aux
transformations que vit la société depuis la fin de la dernière décennie et que nous avons
abordées dans l’introduction.
Nous voyons dans ces transformations trois grandes tendances qui bouleversent les modèles
existants : la prolifération des communautés et des réseaux, l’abolition des frontières,
l’accélération des pratiques et l’explosion des contenus.
La prolifération des communautés et des réseaux : l’avènement du « Web social », dont parle
N.Vanbremeersch22, qui « relie directement les internautes » et « qui répond à une logique
d’échange, de partage, de conversation, de rencontre », amène les gens à se connecter, se
regrouper par métiers, intérêts, convictions politiques, cultures, hobbies, etc. Des communautés
qui ne sont pas hermétiques et qui interagissent. « Les nouveaux services (blogs, réseaux
sociaux) replacent l’individu au cœur de l’action, en lui permettant de se mettre en réseau avec
d’autres ». Comme l’écrit D.Serfaty (le fondateur et PDG de Viadéo) dans la préface du livre
« Facebook, Twitter et les autres… »23 : « avec les réseaux sociaux, le Web s’humanise, les
échanges se concrétisent. Des échanges dont la richesse permet désormais à tout à chacun de
partager bien plus que de simples mots, pour échanger des idées, des lectures, des expériences
ou des opinions ». L’entreprise n’échappe pas à ce nouveau mode de fonctionnement : les
communautés se créent à tous les niveaux de l’organisation bouleversant les frontières
comme nous le verrons un peu après. Il est important de noter l’impact de ces communautés sur
l’espace public de J.Habermas dont Thierry Paquot 24nous donne la définition : « L’espace public
correspond à la publicité d’une conviction privée qui vient alimenter le débat collectif et participer
à l’élaboration d’une opinion publique ». Dès lors, tous ces échanges constituent un
« formidable élargissement de l’espace public » comme le remarque N.Vanbremeersch, voire
un éclatement d’un espace public unique en une multitude d’espaces publics à grandeurs et
géométries variées.
L’abolition des frontières : Internet en connectant les individus a aboli un grand nombre de
frontières qu’elles soient physiques ou culturelles ; frontières géographiques (les individus se
connectent instantanément entre eux, quelle que soit leur localisation), frontières sociales (les
individus échangent, quel que soit leur milieu social), frontières « générationnelles », frontières de
« connaissances » (certaines connaissances réservées auparavant à une certaine élite sont
aujourd’hui accessibles et partagées par tous), etc. Au sein de l’entreprise également les
frontières sautent : frontières « hiérarchiques », « professionnelles (les différents métiers de
l’entreprise sont amenés à échanger entre eux), « organisationnelles » (les échanges se font 22 Vanbremeersch, Nicolas. De La Démocratie Numérique. Médiathèque. Paris: Seuil : Presses de Sciences Po, 2009. 23 Balagué, Christine & David Fayon. Facebook, Twitter et les autres... 2e Revue et complétée. Pearson, 2012. 24 Paquot, Thierry. L’espace public. Nouvelle édition Paris: La Découverte, 2015.
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entre les différents départements d’une entreprise). Enfin, l’entreprise n’est plus un vase clos :
d’une part, les salariés échangent régulièrement avec les différentes parties prenantes (clients,
fournisseurs, associations, etc.), mais surtout ils n’hésitent pas à échanger sur leurs activités
privées dans leur milieu professionnel et vice-versa, créant une véritable porosité « interne-
externe », sur laquelle nous reviendrons. « Le rapport intérieur/extérieur a changé, et c’est
souvent la culture de l’extérieur qui s’impose » précise D.Wolton25. Une disparition de frontières
entre la sphère privée et la sphère professionnelle qui se fait également ressentir au niveau des
usages liés à la technologie, comme le souligne B.Menard26 : « alors qu’auparavant, et ce fut le
cas pendant plusieurs dizaines d’années, les technologies de l’information dédiées au monde de
l’entreprise tiraient le marché, en terme d’innovations et d’usages, aujourd’hui c’est quasiment
l’inverse : les usages privés, par des utilisateurs disposant d’un niveau élevé de maturité,
bousculent les entreprises ».
L’accélération des pratiques et l’explosion des contenus : comme nous le disions dans
l’introduction, les nouvelles technologies ont modifié notre rapport au temps, tout s’accélère.
« L’humanité produit autant d’informations en deux jours qu’elle ne l’a fait en deux millions
d’années »27. Les deux schémas qui suivent illustrent ce phénomène. Le premier montre le temps
qu’il a fallu à différents « médias » pour atteindre un niveau d’adoption de masse (50 millions
d’utilisateurs) :
Temps pour atteindre 50 millions d’utilisateurs28
La comparaison est impressionnante : quand il a fallu 38 ans à la radio pour atteindre ce niveau,
il n’a fallu qu’un mois au jeu Angry Birds (application pour téléphones mobiles) pour y arriver.
25 Wolton, Dominique. « Pourquoi La Communication Des Entreprises Est Devenue Inaudible. » Le Monde Economie,
novembre 2012. 26 Ménard, Bruno. L’entreprise numérique : Quelles stratégies pour 2015 ?Editions Nuvis, 2010. 27 Gabriel, Siméon. « Données Le Vertige. » Libération, décembre 2012. 28 Schéma construit à partir des sources suivantes : http://fr.slideshare.net/ValaAfshar/50-stunning-mobile-
statisticsvalaafshar & http://visual.ly/reaching-50-million-users
Angry&Birds&
Instagram&
Ipod&
Facebook&
Internet&
Télévision&
Radio&Radio&
Télévision&
Internet&
Facebook&
Ipod&
Instagram&
Angry&Birds&
38&ans&
13&ans&
4&ans&
3.5&ans&
6&mois&
1&mois&
3&ans&
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Le deuxième schéma nous indique l’activité « frénétique » que l’on peut observer chaque minute
sur Internet :
Une minute sur Internet29
1.4.2 Une fonction en pleine transition Quel modèle doit alors adopter la communication interne ? Face à ces communautés qui
communiquent et interagissent entre elles sans intermédiaires, quel rôle doit-elle jouer ?
Comment, face à la démultiplication des flux, des émetteurs et la rapidité de la circulation de
l’information, la communication interne doit-elle se placer pour assurer un minimum de
cohérence, tout en répondant aux besoins d’authenticité des salariés ?
Enfin, peut-on encore parler de « com’interne » alors que, nous l’avons vu, les frontières « interne-
externe » s’efface progressivement ? V.Brulois & J-M.Charpentier, dans leur ouvrage, parlent de
communication en entreprise pour aborder cette fonction. Non pas que la communication interne
disparaisse (et nous verrons dans les parties suivantes qu’elle doit être plus que jamais « au cœur
des projets de l’entreprise et non plus seulement en appui »30), mais plutôt dans un souci de
précision de langage et afin de ne pas restreindre ses actions à « l’interne » seulement, car tout
l’enjeu est là : en améliorant la communication au sein de l’entreprise, l’objectif est aussi de
pouvoir véhiculer en externe la véritable identité de l’organisation. Nous utiliserons donc cette
expression également dans la suite de notre document. 29 Schéma construit à partir des sources suivantes : http://www.blogdumoderateur.com/60-secondes-Internet-2014/ &
http://www.directioninformatique.com/wp-content/uploads/2013/03/Intel_WhatHappensInInternetMinute.jpg 30 Brulois Vincent et Jean-Marie Charpentier. Ibidem
4millionsderecherchesGoogleeffectuées
347000photospartagéessurWhatsApp
277000tweets envoyés
216000photospartagéessurInstagram
8300vidéosVinepartagées
3500Imagesépinglées
surPinterest
72hdevidéotéléchargées
surYouTube
48000applications
téléchargéessurl’Applestore
26400nouvellesrevuespostéessurYelp
23300hdeconnexion
surSkype
24,6millionsdecontenuspartagés
surFacebook204millionsd’e-mailsenvoyés
60secondes
surInternet
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2. Le triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » : un angle d’analyse pour mieux comprendre
les enjeux de la communication interne
Nous venons de le voir, les impacts des technologies sur la société (notamment à travers la
prolifération des communautés et des réseaux, l’abolition des frontières, l’accélération des
pratiques et l’explosion des contenus) amènent la fonction « communication en entreprise » à
s’interroger sur son rôle. Pour essayer d’appréhender ses nouveaux enjeux, nous avons orienté
nos recherches autour de 3 axes :
• Le collaboratif : pour comprendre ce que nous appelons « l’ère collaborative » et
comment l’avènement des outils collaboratifs, en connectant les individus et en abolissant
les frontières, bouleversent les modèles existants et les modes de communication tant en
dehors qu’au sein de l’organisation,
• Le collaborateur : pour comprendre les nouveaux comportements d’un collaborateur qui
jusqu’à présent avait un rôle passif et qui est aujourd’hui un contributeur à part entière en
attente d’une communication plus authentique, plus humaine, plus interactive,
• Le communicant : pour comprendre les conséquences de ces bouleversements sur son
métier, l’évolution de ses missions face à une multiplicité d’émetteurs et une accélération
du temps.
2.1 Le collaboratif au cœur des organisations
« Pour moi, ce n’est pas l’ère de l’information, c’est l’ère de l’intelligence en réseau. C’est une ère
de grandes promesses, une ère de collaboration »31 explique D.Tapscott, un des spécialistes
mondiaux de l’innovation et de l’économie digitale, auteur avec A.Williams du best-seller
« Wikinomics ».
D.Tapscott résume parfaitement le changement que nous vivons : la collaboration est
aujourd’hui au cœur de nos modes de fonctionnement et bouleverse nos modes de
communication. Nous avons donc pensé qu’il était essentiel de comprendre ces
transformations, leurs impacts sur l’entreprise et les mécanismes sociaux de la collaboration.
Nous terminerons par quelques exemples d’approches collaboratives que nous avons pu
collecter lors des rencontres avec des professionnels de la communication.
31 Tapscott Don : Quatre principes pour un monde ouvert, TEDx, juin 2012.
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2.1.1 L’émergence de l’ère collaborative et son impact sur l’entreprise
De même que nous avons placé la communication interne dans une perspective historique, il
nous est apparu important d’appréhender les grandes étapes qui ont amené à ce que nous
appelons « l’ère collaborative » (l’idée n’est pas d’être exhaustif, mais de mettre en avant les
grandes dates qui ont progressivement changé les usages). Nous verrons ensuite l’impact de ces
changements au sein des organisations.
Nous commençons par une infographie qui résume l’évolution des outils collaboratifs, car depuis
l’apparition du « Web » en 1989, ces outils ont progressivement transformé et façonné les modes
de communication, amenant des nouveaux usages collaboratifs. Nous avons construit cette
infographie sur la base d’informations collectées sur Internet depuis un grand nombre de sources
que nous ne pourrons citer ici. 32
32 Nous proposons néanmoins de visiter le très intéressant site « Blog du modérateur »
(http://www.blogdumoderateur.com) qui publie régulièrement des études et statistiques sur les usages du « Web ».
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Premièresplateformesgrandpublic.
Précurseurdesréseauxsociaux,lesforumssontdevéritablesespacesdedialogueetd’entraide,
oùlesmessagessontaffichésparordrechronologique.
Le« WorldWideWeb »apparaîtavecunsystèmedenavigationbasésur« despageswebs »
etdeslienshypertextes.
Naissancedu« Web » 1989
Aujourd’hui
Premièresservicesdemessageriesgrandpublic.L’e-mailmodifieprofondémentleséchangesentrelesindividusenabolissantlesfrontières
etenlesconnectantimmédiatement.Apparitiondespremièresmessageries
instantanées grandpublic(échangedemessagestexteendirectavecsescontacts)
.
Forumsdediscussions1994
Aujourd’hui
Messageriesélectroniques 1996
Trèsvite, ildevient lemoteurderéférence.Enindexantlecontenudeplusde
30000milliardsdepages,Googlerévolutionnel’accèsàl’information etàlaconnaissance.
.
LancementdeGoogle1998
Aujourd’hui
Premièresplateformesgrandpublic.Réservés jusqu’alorsauxinformaticiens,lesblogs semultiplient.Unblogestsite
surlequell’auteurvapublierrégulièrementdes« billets »sursapropreactualité,celle
d’unsujetoud’uneprofessionenparticulier.
Blogs1999
Le« web »devient« collaboratif »(onparlede« web2.0 »)avecnotammentlelancementde« Wikipédia », projetd’encyclopédieuniverselleà
laquelle toutinternautepeutcontribuer
Wikipédia 2001
Milliards175 d’e-mails échangésquotidiennementdans le monde
de pages vues en 2014 sur REDDITundesplusgrosforumsdediscussionsactuels
Milliards3 de requêtes effectuéestous les jours(10 000 en 1998)
de blogs créés tous les mois toutes plateformes confondues
Aujourd’hui
Millions410 de visites effectuéestous les jours (17 millions d’articles)
Milliardde sites Internet1 Milliards
d’internautes3
Aujourd’hui
Milliards75
Millions3
L’avènementdesoutilscollaboratifs
Aujourd’hui
Le« web2.0 »prenddelavitesseaveclanaissancedesréseauxsociauxetdu
« microbloging »quibouleversentcomplètementl’usaged’Internet.Chaqueinternautepeut
deveniracteurduréseau,partageantsesexpériences,seshumeurs,sesgoûts,
sonactualitéetseconnectantàunemultitudedecommunautés.L’informationcircule
et sepropage àunevitesseinédite.
Lesréseauxsociaux 20022003 Linkedin Millions380d e m e m b r e s
Aujourd’hui
2004 Facebook d e m e m b r e sMilliard1,4Aujourd’hui
2005 YouTube d e m e m b r e sMilliard1
Aujourd’hui
2006 Twitter d e m e m b r e sMillions300
Lasortie del’iPhone révolutionnel’accèsàInternet,enpermettantàchacund’être
connectén’importeoù,n’importequand.Associéau« web2.0 »,l’Internetmobileaccélère
latransformationdelasociété
L’Internetmobile 2007
Aujourd’hui
Milliard1,2 Smartphones vendus dans le monde en 2014 (toutes marques confondues)
Foursquare introduitlanotiondegéolocalisationdanslesréseauxsociauxetdonneainsila
possibilitéàsesmembresd’indiqueroùilssetrouventetderecommanderdeslieuxdesortie
(restaurants,commerce,etc.)..
Géolocalisation2009
Aujourd’hui
d ’ a v i s
sur Tripadvisor «la plus grande agence de voyages du monde »
Millions125Visiteurs/mois
Millions260Lesapplicationsmobilesdemessagerie
instantanéeconnaissentunsuccèsfulgurant
Aujourd’hui
2010 Instagram de photos partagées en 2014Milliards30
Aujourd’hui
2010 Pinterest d e m e m b r e sMillions100Aujourd’hui
2011 Google+ d e m e m b r e sMillions350
Aujourd’hui
2009Whatsapp700 millions d’utilisateurs,
envoyés chaque jour 10 milliards de messages
Aujourd’hui
2011Snapchat100 millions d’utilisateurs,
envoyés chaque jour 2milliards de messages
Aujourd’hui
2011Wechat*700 millions d’utilisateurs,
envoyés chaque jour 30 milliards de messages
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(* Wechat que nous mentionnons dans l’infographie de la page précédente est principalement
utilisé en Chine33 où en plus de la messagerie instantanée, l’application offre des services
d’appels audio/vidéo, de partage de photos, de portefeuilles électroniques, etc.)
Il est intéressant de noter que la majorité de ces outils ou réseaux sociaux est gratuite et
extrêmement facile à utiliser.
L’explosion sur Internet de ces nouvelles pratiques de communication, d’échanges et de
partages bouleverse également les modes de consommation. On parle alors d’économie
de partage ou d’économie collaborative qui comprend deux grandes notions :
• le financement participatif (ou « crowdfunding » en anglais) qui offre la possibilité à
des particuliers de financer des projets (KickStarter, Ulule, KissKissBankBank,
MyMajorCompany. etc.). En 2014, environ 300 plateformes dans le monde ont ainsi
récolté plus de 16 milliards de dons et de prêts. À noter, également le
« crowdspeaking » : au lieu d’investir de l’argent dans un projet, les internautes sont
invités à soutenir un projet sur les réseaux sociaux. Thunderclap, le leader mondial du
secteur compte plus de 3 millions d’internautes qui ont touché près de 3,5 milliards de
personnes à travers le monde depuis la création du site. En 2013, Barack Obama a lancé
une campagne sur Thunderclap pour demander aux Américains d’adresser un message
« antiviolence » au Congrès afin que ce dernier accepte les propositions du Président.
• La consommation collaborative : les internautes achètent, échangent, partagent ou
louent entre eux des biens ou des services. Ebay fut l’un des premiers en 1995 à
proposer aux particuliers de vendre leurs biens sur Internet sous forme d’enchères. En
1999 le site « CouchSurfing » propose à ses membres de dialoguer et demander
l’hospitalité aux autres membres, puis en 2000 Zipcar propose la location de voitures
entre particuliers (le site est maintenant le leader mondial de l’autopartage : une flotte de
véhicules est mise à disposition en libre-service à ses membres). Tous les secteurs sont
aujourd’hui impactés : la location chez l’habitant (ex : Airbnb lancé en 2008, près de
1 million de chambres proposées à l’heure actuelle), le covoiturage (ex : le site français
Blablacar lancé en 2006, 10 millions de membres à ce jour), la location de biens (ex : Zilok
en 2007, « l’Ebay de la location », représente aujourd’hui près de 350 000 objets à la
location), le stockage (ex : le site français Costockage représente 200 000 m3 de stockage
cumulé), etc. Ce phénomène touche aussi les services : Taskrabbit un des pionniers de
« l’emploi à la demande » (ou « jobbing »), lancé en 2008 aux États-Unis, met en relation 33 Il intéressant de noter que la Chine, censurant l’accès à la plupart des réseaux sociaux mondiaux, a développé ses
propres réseaux et applications : Qzone l’équivalent de Facebook (630 millions de membres), Weibo l’équivalent de Twitter (500 millions de membres), Line l’équivalent de Whatsapp (450 millions d’utilisateurs), etc.
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des personnes en recherche de « petits jobs » avec des particuliers qui ont des offres à
proposer (« Je me propose », site français lancé en 2012, propose 100 000 annonces à
ses 250 000 membres »). Ce sont aussi des plateformes d’échanges de services qui sont
proposées comme en France « Le Bon échange » (qui reprend le principe du site de
petites annonces « Le Bon Coin », mais pour l’échange), « LesTrocsHeures » une
initiative lancée par Castorama pour l’échange d’heures de bricolage, mais aussi des
réseaux d’entraide, etc.
Ce sont ainsi des centaines de sites de finance participative ou de consommation collaborative
qui sont à présent à la disposition des particuliers34.
Un autre aspect de cette économie collaborative : le « co-working ». Ce sont des lieux de
travail où se réunissent des travailleurs indépendants qui vont pouvoir non seulement partager le
coût des infrastructures (locaux, matériels informatiques, etc.), mais également partager leurs
expériences, leurs compétences, leurs idées, tout en renforçant leur réseau. Véritables espaces
de travail collaboratif, ces nouveaux lieux favorisent la créativité, l’ouverture, etc. Une trentaine
d’espaces de co-working existent aujourd’hui à Paris, dont les plus connus sont « La mutinerie »,
« Numma », « Player », etc. On retrouve également la notion de « Fab’lab », des ateliers de
fabrication (« Fabrication laboratory » en anglais) partagés, ouverts à tous, le plus souvent
équipés de matériels de type « impression 3D ».
Selon une étude du cabinet PricewaterhouseCoopers35, « Le marché mondial de l’économie
collaborative devrait atteindre près de 335 milliards de dollars d’ici à 2025, contre 15 milliards en
2014 ».
Nous voyons que les transformations de ces 15 dernières années ont profondément changé
le quotidien des individus habitués désormais à partager, à donner leur avis, à contribuer.
Chaque individu a aujourd’hui la possibilité de collaborer à une communauté mondiale, sans
frontières, sans limites, en mutation permanente.
Qu’en est-il dans l’entreprise ?
À la fin des années 1990, l’usage des messageries électroniques se démocratise au sein
des entreprises et accompagne la naissance des grands groupes internationaux de l’époque.
Très vite, « l’e-mail » devient un des outils quotidiens principaux pour échanger des informations
dans l’organisation, connectant les personnes, quels que soient leur pays, leur entité, etc. Il
représente, à cette époque, un des premiers outils facilitant la coopération. Pour la
34 Nous vous invitons à regarder le Blog ConsoCollaborative et notamment sa page. « 100 sites de consommation
collaborative », janvier 2013. http://consocollaborative.com/1704-100-sites-de-consommation-collaborative.html. 35 Communiqué de presse PWC. « Le marché mondial de l’économie collaborative devrait atteindre près de 335
milliards de dollars d’ici à 2025, contre 15 milliards en 2014 », mai 2015
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communication en entreprise qui se professionnalise, l’e-mail un outil idéal pour diffuser,
facilement et rapidement des informations à un maximum de personnes. D’autant plus idéal
qu’il est alors plus facile et moins risqué, la communication devenant « corporate », d’envoyer un
e-mail que d’organiser la prise de parole d’un dirigeant qu’on ne maîtrise pas totalement. Les
milliards d’e-mails échangés quotidiennement semblent avoir dénaturé le contenu des échanges
(« mon collègue m’a envoyé un e-mail alors qu’il est dans le bureau d’à côté… »). Une saturation
se fait ressentir par les utilisateurs (« je reçois pas loin de 300 e-mails par jour, je ne sais plus
comment les traiter, si je ne veux pas passer la journée à ça ! »). À noter aussi l’arrivée
quelque temps après, de la messagerie instantanée, qui permet aux collaborateurs
d’échanger en direct des messages texte.
Enfin, la messagerie d’entreprise deviendra mobile avec l’apparition du « BlackBerry » en
1999 (près de 46 millions d’utilisateurs en 2010) puis des smartphones.
L’entreprise s’équipe également d’outil d’audio et visioconférence permettant d’organiser
des réunions entre collaborateurs de différents sites. Les outils vont évoluer pour permettre aux
utilisateurs d’organiser des réunions « virtuelles » avec d’autres collègues, de se connecter à des
visioconférences depuis leur poste de travail (des « Skype » d’entreprise comme Webex ou plus
récemment Lync).
Ces premiers outils, qu’il s’agissent des messageries (traditionnelles ou instantanées) ou
d’audio/visioconférence, vont progressivement favoriser une communication de terrain, liée à
l’activité quotidienne des collaborateurs, créant ainsi un décalage, nous l’avons dit, avec la
communication descendante de plus en plus « aseptisée ».
Au début des années 2000, les « Wikis » d’entreprise vont apparaître et vont apporter les
premières approches collaboratives à proprement parler au sein des organisations, à
travers une collaboration interne autour de la connaissance et du savoir. À la manière de
Wikipédia, les procédures, les fonctionnements internes sont ainsi décrits et mis à jour sur
ces « Wikis ». Les experts, notamment les informaticiens, aiment également à échanger au sein
de forums de discussions internes autour de problématiques techniques.
À la même époque, les blogs se répandent dans l’organisation, notamment à travers les
blogs de dirigeants, ou les blogs d’experts. Certaines sociétés vont pousser la pratique,
comme IBM avec ses plus de 26 000 blogs internes / externes qui permettent aux experts de la
firme américaine de partager leurs connaissances, aux dirigeants et managers d’exprimer leur
vision, leur questionnement, comme nous expliquait Pierre Milcent, responsable France des
offres collaboratives d’IBM.
Toujours à partir de 2000, les Intranets prolifèrent en entreprise, après leurs premières
apparitions dans les années 1995. Ce sont des sites « Web » internes, inaccessibles depuis
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l’extérieur mis en place pour une entité, un projet, une activité transversale, etc. et permettant de
publier des informations accessibles à une large audience ou des publics plus restreints, de mettre
ces informations à jour en temps réel, etc. Pour la « com’interne », c’est un excellent moyen de
mettre à disposition des collaborateurs toutes les informations concernant l’entreprise, son
organisation et ses métiers, son actualité interne et externe. Néanmoins, le décalage de ces
nouveaux canaux (ventant la « grandeur » des organisations et de leurs réussites) et les scandales
que connaissent les entreprises à cette époque creusent encore plus la distance entre la vision du
terrain et celle des dirigeants. D’autant plus que les collaborateurs ont la possibilité à travers Internet,
nous l’avons vu, de comparer les discours de l’entreprise avec celui des journalistes.
Ce n’est qu’à partir de 2010 que les pratiques du « Web 2.0 », après quelques balbutiements
en entreprise, se démocratisent. Les Intranets se regroupent pour former des « portails », ils
deviennent collaboratifs en s’ouvrant aux commentaires et avis.
En parallèle, les réseaux sociaux d’entreprise sont mis en place, soit pour une partie de
l’organisation, soit de manière transversale. À titre d’exemple, en France, une étude de 2015 montre
que 80 % des sociétés du CAC 40 ont installé un réseau social36.
Les collaborateurs qui ont répondu à notre questionnaire, confirment que ces solutions sont bien
présentes : Est-ce que votre entreprise a déjà mis en place :
… des Intranets ou blogs ouverts aux commentaires ?
… un réseau social d’entreprise ?
Il est intéressant de noter qu’environ 5 % des personnes interrogées ne savent pas si ces
solutions ont été installées ou non dans leur environnement.
Cependant, bien que ces outils offrent de nouveaux espaces de dialogue et facilitent la
circulation de l’information, les organisations ne sont pas forcément plus collaboratives pour
autant. Si certains modes de fonctionnement évoluent, les outils seuls ne suffisent pas à
changer les comportements au sein de l’entreprise.
36 Crochet Antoine. « 80% des groupes du Cac 40 équipés d’un réseau social d’entreprise », Journal du Net, février
2015. Cependant cette étude est relativiser puisque la notion de réseau social est prise au sens large, incluant des outils comme « Sharepoint », etc.
77%#
18%#
5%#
Oui NonNe sait
pas
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Oui NonNe sait
pas
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Nous avons trouvé deux causes principales au problème d’évolution de ces comportements.
Premièrement, ces outils ont été introduits dans des organisations pyramidales qui ont des
modes de fonctionnement hiérarchiques depuis des années. Notamment en France, où le
management reste fortement attaché à ce modèle pyramidal. Comme l’explique le sociologue
D.Martin37 « La tradition de l’entreprise française n’est pas d’accepter le collectif, sauf à l’encadrer
et le soumettre à l’autorité hiérarchique. Il faut donc ici accomplir une profonde révolution que les
décennies de taylorisme ont retardée : la reconnaissance des collectifs comme acteurs de
l’innovation et de la transformation des régulations organisationnelles ». Une révolution à la fois
managériale mais également au niveau des salariés et de leur perception de leur rôle sur
l’organisation. Un véritable changement que le communicant doit accompagner, comme
nous l’aborderons plus tard. B.Duperrin constate, en effet, que « les entreprises ont fait perdre à
leurs collaborateurs la conscience de leur impact sur l’activité de l’entreprise » et que
« l’entreprise d’aujourd’hui voit le sens de la collaboration bridée par son business-modèle même
et la conception de son offre ».38 J-F.Noubel, cofondateur d’AOL France et fondateur du
Collective Intelligence Research Institute, va plus loin : « le modèle pyramidal est dépassé : il ne
produit guère de résultats probants sur le plan économique et provoque des tensions, des
blocages et du gâchis sur le plan humain »39. Du coup, s’il est facile pour un individu, à titre
personnel de partager, de collaborer, d’exprimer ses idées sur Internet, la démarche au
sein de l’entreprise, en tant que collaborateur est loin d’être évidente et naturelle. Nous le
verrons, cela nécessite la mise en place d’un environnement propice aux échanges, basé sur la
bienveillance, la confiance et la reconnaissance. Un environnement promu à la fois par la
communication, les dirigeants, les RH et le management. Par ailleurs, ces organisations
pyramidales, en favorisant les silos, génèrent des modes de fonctionnement diamétralement
opposés aux réseaux sociaux présents sur Internet : dans ces derniers, la pratique par défaut, est
de partager et de choisir spécifiquement ce qui est privé alors que dans l’entreprise, par défaut
tout est privé, et il faut spécifier ce qui est partageable.
Deuxièmement, ces outils, au fil des années, se sont ajoutés les uns aux autres sans
forcément de réflexion globale quant à leur utilisation. Il s’agit plus de nouveaux canaux,
que de nouveaux modes de communication et de collaboration, à proprement parler. « Si on
trouve de nombreux réseaux sociaux d’entreprise, la tentation de les utiliser comme des Intranets
est grande, car la plupart des entreprises rencontrent des difficultés à appréhender ces nouveaux
espaces d’expression » rappellent A.Poncier et S.Faure de Publicis Consultants dans leur livre
37 Dominique Martin. Démocratie industrielle : La participation directe dans les entreprises. PUF, 1994 38 Bertrand Duperrin. « L’entreprise de demain sera collaborative, celle d’aujourd’hui non ». Bloc-Notes de Bertrand
Duperrin, avril 2015. 39 Afci, « Les nouvelles formes de l’intelligence collective (Soirée débat -Synthèse des échanges) », septembre 2014.
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blanc sur la transformation digitale40. Ainsi, la circulation de l’information reste
principalement descendante, à travers de nombreux canaux. Une multiplicité qui pose
problème aux collaborateurs se retrouvant à face à un nombre croissant de sources
d’informations et qui souhaiteraient d’ailleurs voir converger ces canaux (nous présentons
quelques verbatims en ce sens un peu plus tard, p.48).
Lorsque nous interrogeons les personnes sur les usages qu’elles ont de ces solutions, les
résultats indiquent que ces outils sont pour l’instant plus des outils de consultation que des outils
de contribution. Quels usages de ces offres avez-vous ?
Nous le disions, les outils ne suffisent pas : « passer en mode collaboratif » nécessite une
véritable « approche collaborative » avec une volonté de redonner la parole aux
collaborateurs. Marie-Gaëlle Michelin nous expliquait quelle avait été la démarche de
Castorama, lorsqu’elle en était directrice de la communication interne : « en introduisant du
collaboratif, notre objectif était de donner la parole aux collaborateurs, de libérer leurs initiatives,
mais surtout de renforcer la confiance en eux ou de la développer, puisque jusqu’alors on ne
faisait jamais appel à eux, à leurs idées ».
Une telle approche peut prendre plusieurs formes. Dans la majorité des entreprises concernées, ce sont des projets collaboratifs pour
accompagner des changements (notamment des projets liés à la transition numérique et ses
impacts sur les métiers), résoudre des problématiques internes ou externes ; des projets de
débats, rencontres, concours à idées, etc. Sur ce dernier point, nous pouvons noter l’apport de
l’innovation participative dans ces nouveaux modes de collaboration. Présente depuis
longtemps dans les entreprises (les premières « boîtes à idées » sont apparues chez Michelin et
des constructeurs automobiles dans les années 80), l’innovation participative est une méthode de
management qui consiste à solliciter les collaborateurs afin de faire émerger des idées pour
40 Poncier, Anthony et Sébastien Faure. « Transformation digitale : effet de mode ou révolution ? » Publicis
Consultants, juillet 2015.
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Des intranets ou blogs ouverts aux commentaires Un réseau social d'entreprise (équivalent de Facebook, etc.) Une démarche collaborative (débat, innovation participative, etc.)
Jamais Rarement Souvent Régulièr. Jamais Rarement Souvent Régulièr.
Je contribue Je consulte
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améliorer le fonctionnement de l’organisation. Une méthode qui s’est enrichie des nouvelles
possibilités d’interactions qu’offrent aujourd’hui les solutions que nous avons présentées.
L’innovation participative a pu ainsi « créer les conditions favorables à l’expression des salariés »
et « contribuer à améliorer les rapports entre salariés et la hiérarchie » remarquent L.Garcia et
D.Peganow, auteures du livre « Innovation participative : remettre l’humain au cœur de
l’entreprise »41.
Dans certains cas, l’approche collaborative peut être globale : l’ensemble des modes de
fonctionnement de l’entreprise est alors repensé. Une telle démarche implique un fort
changement à tous les niveaux de l’organisation.
Nous présenterons quelques exemples de ces approches collaboratives (qu’elles soient globales
ou sous forme de projets) à la fin de cette première partie.
Enfin, n’oublions pas que le collaboratif ne se fait pas uniquement à travers des outils et
des réseaux sociaux. Au contraire, les rencontres « réelles », qu’elles soient formelles
(réunions, séminaires, séances de brainstorming, de créativité, etc.) ou informelles (café,
déjeuner, célébrations, etc.), sont essentielles, car elles favorisent les échanges d’émotions,
via le contact humain, des échanges indispensables à la construction du collectif (nous
reviendrons sur ce point après).
À travers notre questionnaire, nous avons également voulu comprendre le comportement des
collaborateurs face à ces approches :
Est-ce que votre entreprise a déjà mis en place
une démarche collaborative (débat, innovation participative, etc.) ?
Si votre entreprise a déjà lancé une approche collaborative avez-vous participé ?
41 Garcia, Muriel et Nadège de Peganow. Innovation participative : Remettre l’humain au coeur de l’entreprises.
Scrineo, 2012.
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pas
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Oui NonNe sait
pas
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Pour les deux tiers des personnes ayant participé, nous avons voulu savoir ce qui les motivait :
Si vous avez participé, quelles ont été vos motivations ?
Nous remarquons à quel point le sentiment de pouvoir contribuer à la vie de l’entreprise et
à son évolution est une motivation pour les salariés. Nous verrons que ces approches
collaboratives représentent un véritable levier pour renforcer l’engagement des collaborateurs.
Dans les autres réponses qui nous ont été données, certains ont remonté le challenge de
« gagner un prix » (notamment dans les concours d’innovation), ou d’autres « le besoin de sortir
du quotidien ». Nous avons également remarqué, en analysant les données par tranches d’âge,
une légère différence pour les 19-25 ans pour qui le fait de confronter leurs idées est également
un facteur de motivation.
Pour le tiers de personnes ayant répondu ne pas avoir participé, nous avons voulu comprendre
les freins : Si vous n’avez pas participé, qu’est-ce qui vous en a empêché ?
Deux points ressortent : le manque de temps et le fait, là aussi, de ne pas être informé. Dans nos
rencontres avec des collaborateurs, nous avons compris que le manque de temps était souvent
lié au fait que ces démarches se rajoutaient à une activité déjà chargée, et qu’aucune indication
n’était donnée pour prioriser ces approches par rapport aux tâches en cours. Par ailleurs,
en analysant les réponses en fonction des tranches d’âge, nous avons pu identifier le besoin des
55-65 d’être mieux formés aux outils utilisés. Enfin, dans les autres freins qui ont été remontés :
le sentiment que « les débats se font dans le vide, sans vraiment de changement après », que
« les idées ne sont pas prises en compte ».
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Le plaisir de partager Confronter mes idées
Rencontrer ou être en contact avec des collaborateurs que je
ne connais pas
Le sentiment de contribuer à la vie de
l'entreprise, à son évolution
Autre (veuillez préciser)
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Je n'étais pas informé(e) à ce moment là de cette
démarche
La peur de confronter mes idées / l'avis des autres
Le manque de formation aux outils utilisés
Ce type de démarche ne m'intéresse pas, je n'en comprends pas l'utilité
Le manque de temps Autre (veuillez préciser)
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Ce sont d’ailleurs des éléments que nous retrouvons lorsque nous demandons aux personnes
leur avis sur ces pratiques :
De manière générale, que pensez-vous de ces démarches collaboratives ?
Si la majorité considère que le collaboratif est essentiel pour répondre aux transformations que
vivent les entreprises aujourd’hui42, près de 40 % des collaborateurs sont encore à convaincre,
car au-delà des personnes qui ne se sentent pas concernées et celles qui trouvent que ces
démarches sont « gadgets », la plupart des « autres réponses » expriment leur déception par
rapport aux expériences précédentes : « Utiles, mais rarement suivies d’effets (véritables) »,
« Utile, mais l’utilisation qui en est faite devient inutile », etc.
D’où l’importance d’avoir une démarche collaborative qui ait du sens, expliquée, suivie
dans le temps, avec un accompagnement effectif de l’ensemble des populations
concernées.
Les bénéfices de telles approches sont alors multiples :
• Elles apportent plus d’horizontalité dans l’organisation, nous l’avons vu, par la
transversalité des outils qui abolissent les frontières nationales, hiérarchiques et d’entités.
• Elles renforcent la proximité et les échanges. « Comme les individus s’efforcent a priori
spontanément de trouver un équilibre entre leur travail et leur vie sociale, les solutions de
travail collaboratif bien conduites améliorent la vie de l’organisation et la performance au
travail, en favorisant l’interconnexion des connaissances, des compétences et des
affects » constate I.Comtet.43
42 A noter que pour près de 80% des 19-25 ans et 26-35 ans ces approches sont essentielles à l’entreprise 43 Comtet Isabelle « Les environnements collaboratifs de travail au service de l’intelligence collective économique ? »
Communication & Organisation 42 (février 2012).
62%$19%$
6%$
13%$
Essentielles aux nouveaux modes de
fonctionnement des entreprises
Utiles, mais je ne me sens pas
concerné (e)
Inutiles, c'est une mode un peu "gadget"
Autre (veuillez préciser)
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• Elles améliorent la circulation de l’information et l’accès au savoir. Selon une
enquête de McKinsey citée par A.Poncier et S.Faure dans leur livre blanc, « 77 % des
entreprises ont augmenté la rapidité d’accès des collaborateurs au savoir » grâce au
collaboratif.
• Elles favorisent la créativité via l’émergence d’une intelligence collective (« Nous
sommes plus intelligents à plusieurs ! » nous rappelait Christophe Lachnitt, fondateur de
Croisens et ancien directeur de la Communication de DCNS et de Microsoft).
• Elles redonnent du sens, renforcent le sentiment d’appartenance, en plaçant le
collaborateur au cœur de la réflexion et de l’évolution de l’entreprise « Dans un
contexte où près des deux tiers des salariés se disent aujourd’hui en perte de sens dans
leur emploi, ces nouveaux modes de collaboration sont gagnant-gagnant »44
Et au-delà de ces bénéfices, un changement inéluctable de la manière de fonctionner des
entreprises se dessine. B.Duperrin note que « le futur de l’entreprise passe par la collaboration
de nouvelles formes d’organisation où le pouvoir est plus distribué, les compétences et savoirs
plus partagés »45. Dans tous les secteurs, les organisations réinventent leurs modèles, en
plaçant la collaboration et les échanges au cœur de leurs modes de fonctionnement.
Comme le remarque Frédérique Abella, directeur du Digital et de l’Information chez Unilens :
« les modèles que nous avons actuellement en entreprise ont été construits pour organiser des
métiers "manuels" où le "corps" formait la ressource. Avec un environnement économique basé
sur les services, la ressource, aujourd’hui, c’est le "cerveau". Nos modèles d’organisation ne sont
plus adaptés. Il faut les réinventer ». Les auteurs D.Tapscott, et A.D.Williams, sur le site dédié à
leur livre « Wikinomics »46, remarquent que « de profonds changements dans la nature de la
technologie, de la démographie et de l’économie mondiale donnent lieu à de nouveaux modèles
de production efficaces, basés sur l’importance de la communauté, de la collaboration et de
l’organisation personnelle plutôt que sur la hiérarchie et le contrôle ». En effet, nous l’avons vu dans la première partie, notre société est en pleine transition, et dans
cet environnement les changements sont continus. Face à ces changements, la rigidité des
modèles hiérarchiques ne permet pas aux entreprises de s’adapter et de se transformer
rapidement. Les organisations se doivent d’être agiles, et comme le souligne P.Pinault
« l’entreprise agile est celle qui sera capable de mobiliser les bonnes ressources au bon moment
et dans les meilleures conditions pour réaliser une mission […] les outils collaboratifs offrent
aux organisations l’opportunité de répondre à ces problématiques ». 47
44 Pinault, Philippe. « Nouveaux pouvoirs et modes de travail pour l’entreprise collaborative », mars 2013. 45 Dupperin, Bertrand. Ibiddem 46 Don Tapscott, et Anthony D. Williams. « Comment l’intelligence collaborative bouleverse l’économie », octobre 2013. 47 Pinault, Philippe. Ibidem
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Pourquoi ces approches collaboratives impactent-elles ainsi les entreprises ? Pourquoi
répondent-elles à un besoin croissant des salariés « d’exister » au sein de l’organisation ?
L’échange social et la contribution étant au cœur de la collaboration, il nous est apparu
intéressant d’en comprendre les mécanismes.
2.1.2 La force de l’échange social et de la contribution
Nous nous sommes d’abord intéressé en particulier aux travaux du sociologue français Norbert
Alter à travers son livre passionnant « Donner et prendre : la coopération en entreprise »48.
Pour N.Alter, la complexité croissante des organisations et du travail ne permet pas au
collaborateur « de détenir à lui seul toutes les connaissances nécessaires à la réalisation de sa
tâche ». Cela génère une « compétence collective » qui demande à chacun de savoir travailler et
échanger avec l’autre. La force d’une organisation dépend ainsi des espaces d’échanges
qu’elle peut offrir à ses collaborateurs.
L’auteur décrit l’échange social à travers 3 étapes :
• Donner : c’est d’abord « un acte volontaire et non obligatoire », qui doit se faire en
toute liberté sans être dicté ni par la hiérarchie ni par les procédures et qui n’a pas de
finalité économique. Il implique, selon N.Alter la « consumation » d’une ressource, c’est-
à-dire la dépense d’un bien que nous avons : du temps, une connaissance, un savoir, etc.
• Recevoir : c’est manifester le fait que nous avons reçu le don ; un regard, un sourire,
quelques mots, etc. autant de moyens de « célébrer » ce don. Deux éléments clés à cette
étape : premièrement, ce geste « inscrit la relation dans la durée et dans la
confiance », constate l’auteur, une sorte de contrat implicite entre la personne qui reçoit
et la personne qui donne. Il y aura un « contre-don », mais pas forcément immédiatement.
Du coup sans cette étape l’échange social n’existe pas en tant que tel, le contrat n’est pas
« signé ». Deuxième élément important du « recevoir » : « le don émeut ». Recevoir le
don montre que nous avons été touchés par ce geste inhabituel, ce que l’auteur appelle
« la manifestation de l’émotion ». Il explique que, les émotions, loin du stéréotype qu’elles
peuvent générer en entreprise, « guident la rationalité ». Pour cela, il s’appuie sur le cas
de Phineas Gage, un contremaître américain, à la fin du XIXème siècle, qui survit à un
terrible accident : suite à une explosion, une barre de métal traverse son crâne, touche
son cerveau au niveau du cortex préfrontal, lieu de traitement des émotions.
Physiquement indemne, Phineas Gage change cependant totalement de comportement,
devient asocial, délinquant, etc. Les études montreront qu’ayant perdu « sa sensibilité
émotionnelle », « le caractère émotionnel positif ou négatif de ses actions a disparu. Du 48 Alter, Norbert. Donner et prendre : la coopération en entreprise. Paris: LA DECOUVERTE, 2010.
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coup, il ne parvient plus à distinguer l’avantage ou l’inconvénient qu’il y a à fréquenter telle
ou telle personne ou à agir de telle ou telle manière ». Il a perdu sa rationalité. L’échange
social par le partage d’émotions favorise donc la rationalité au sein de
l’organisation. Enfin, le sociologue constate que souvent l’entreprise ne prend pas
le temps de « recevoir », de célébrer les dons de ses salariés, qui sont alors en
recherche de reconnaissance, et à terme se désengagent.
• Rendre : c’est donner à son tour. Il n’y a pas nécessairement de lien de valeurs entre le
don et le « contre-don », l’essentiel étant de rendre le geste. Le sociologue indique que
dans le monde du travail, il peut s’agir « d’une information, d’un service, d’un soutien,
d’une alliance stratégique, d’un partage d’émotions, etc. ». Selon l’auteur, un des
principes forts qui guide cette étape et amène l’autre à rendre est le principe de
« gratitude » qui « scelle durablement les relations entre les partenaires d’un
échange social ». Au-delà du mécanisme de l’échange social, N.Alter décrit l’impact de ces échanges sur leurs
acteurs : « le fait de participer à un système d’échange conduit à éprouver un sentiment rare :
celui de la fusion dans un être collectif, sentiment de l’ordre du plaisir ». Dans l’organisation,
cela donne ainsi au collaborateur « le sentiment d’exister ». Les commentaires que certains
salariés ont laissés durant le questionnaire vont dans ce sens : « Pour la première fois depuis 10
ans dans l’entreprise, j’ai eu l’impression d’appartenir à un même groupe, une même "famille" »,
« J’avais tout simplement le sentiment d’exister plus dans l’organisation, parce qu’on me
demandait mon avis » « En fait, je suis devenu un "collaborateur", au sens vrai du terme ; je
n’étais plus un individu lambda qui fait juste son boulot dans une boîte, je me sentais collaborer à
un objectif commun ».
N.Alter rajoute que « bien plus que d’éprouver des émotions, c’est leur partage qui produit le
sentiment d’exister et oriente les phénomènes collectifs » d’où l’importance, pour
l’organisation de créer les conditions favorisant ce partage. Nous nous sommes alors
interrogé sur ce que l’entreprise devait mettre en place pour y arriver. Selon, le sociologue
français, P.Zarifian49 « communiquer c’est se parler à propos de quelque chose ». Il différencie
bien la notion de « parler » de celle de « se parler » qui nécessite la réciprocité dans l’échange et
la compréhension de l’autre, de sa culture, de son environnement. Trois modes sont possibles
pour « se parler » : l’usage de la parole (par oral ou par écrit), l’usage du geste et l’usage des
expressions du visage. Selon P.Zarifian, ce dernier mode est « essentiel pour le partage social
des émotions, leur communication […] les muscles du visage autorisant une grande diversité
d’expressions ». Or, lors des communications à distance, soit « les gestes et l’expression des
49 Zarifian, Philippe. « La communication dans le travail ». Communication & Organisation, no 38 (mars 2010).
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visages disparaissent » (à travers les e-mails, réseaux sociaux, etc.) ; soit « leur transmission »
(via le téléphone, la vidéo, etc.) est dégradée. Nous voyons ainsi la force de la présence
« physique » des acteurs de l’échange social sur le partage des émotions. Des échanges
« réels » que les nouveaux canaux de communication ne doivent pas faire oublier. Il
reviendra donc à l’organisation de s’assurer que ses collaborateurs puissent se rencontrer
« réellement » de manière formelle ou informelle. Pour revenir sur le sentiment d’exister, nous nous sommes également intéressé aux travaux
d’Alfred Adler50, médecin et psychiatre autrichien du début du XXème siècle et fondateur de la
psychologie individuelle. Nadine Thomas, formatrice en Discipline Positive51, nous expliquait que
pour Adler, « l’être humain est un être social », dont l’épanouissement et le développement
reposent sur deux « besoins » fondamentaux :
• Le sentiment d’appartenance : le sentiment par lequel l’individu va se sentir appartenir à
un groupe social (famille, entreprise, etc.) et pouvoir s’en revendiquer. Développant une
fierté d’appartenance, il fera alors tout pour aller vers le bien du groupe.
• Le sentiment d’importance : le sentiment par lequel l’individu va comprendre la place
qu’il a dans ce groupe, la valeur qu’il a. Un sentiment qu’il va construire en prenant
conscience de l’influence de son action.
Selon Adler, le mécanisme le plus efficace pour répondre à ces besoins est de donner à
l’individu la possibilité de contribuer au groupe. En effet, en contribuant, une personne va
pouvoir faire l’expérience de plusieurs certitudes (« je suis relié aux autres », « j’agis
avec d’autres », je « suis capable », « je suis responsable », « je sais où je vais et pourquoi »,
« je suis utile », « je compte », etc.), renforçant à la fois le sentiment d’appartenance et le
sentiment d’importance. Bien évidemment la contribution doit se faire sur un projet
commun significatif, qui va donner de la valeur à cet acte. La reconnaissance des autres
membres du groupe va aussi jouer un rôle essentiel dans le développement de ces
sentiments, en renvoyant à l’individu l’effet de sa propre action sur les autres. Nous aimerions revenir rapidement sur les échanges informels (ce que Taylor appelait « les
flâneries ») et leur rôle dans l’organisation. Le sociologue D.Cardon52 constate que « de
nombreux travaux ont été menés sur l’informel dans l’entreprise et ont montré que, pour
beaucoup, ce qui fait tenir l’organisation c’est tout ce qui se passe avant et après la réunion, ces
moments où vont s’échanger des informations qui donnent le contexte d’interprétation des 50 Dreikurs-Ferguson, Eva. Adlerian Theory: An Introduction. BookSurge Publishing, 2009. 51 La Discipline Positive est une approche de l’éducation basée sur les philosophies d’Alfred Adler (1870-1937) et de
Rudolf Dreikurs (1897-1972) 52 Cardon, Dominique. « Web 2.0 : il n’y a pas de déterminisme technologique ». Les cahiers de la communication
interne, no 34 (juin 2014).
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informations officielles ». Pour lui, « l’informel n’est pas un contre-pouvoir contre le formel : il
permet aux acteurs de leur donner les conditions de compréhension du formel ». Nous
sommes donc loin de l’image d’inutilité que le taylorisme avait donnée à ces instants de
« bavardages », ce qui peut rassurer certains dirigeants ou managers qui s’inquiètent de la
« futilité » de certains échanges sur les nouveaux moyens de communication interne.
Comme le résume N.Alter, « ce qui circule entre les membres d’une entreprise c’est précisément
la totalité des composantes de la vie professionnelle », et le collaboratif, notamment à travers
les réseaux sociaux internes, permet cette réflexivité.
Alors que des études53 montrent que dans le monde seulement 13 % des salariés se sentent
engagés (9 % en France !), nous voyons dans l’échange social et la contribution, et donc
les approches collaboratives qui favorisent ces échanges, une formidable opportunité de
redonner du sens. 2.1.3 De la théorie à la pratique : quand les entreprises adoptent le collaboratif
Nous allons maintenant présenter quelques exemples d’approches collaboratives que nous
avons trouvées intéressantes lors de nos recherches (nous résumons ici ces approches avec
leurs principaux impacts sur la communication interne, un descriptif un peu plus détaillé est fourni
en annexe). Nous nous attarderons plus particulièrement sur deux entreprises dont les initiatives
nous ont « impressionné » :
• Poult54 dont le modèle complètement collaboratif « fascine » les grandes entreprises qui
envoient des équipes pour l’étudier,
• Atos qui a complètement changé son mode de fonctionnement en plaçant le collaboratif
au cœur de son activité.
Les autres approches, que nous avons choisi de présenter, illustrent les différentes possibilités
d’actions collaboratives qui peuvent se mettre en place au sein des organisations.
53 Gallup. « Worldwide, 13% of Employees Are Engaged at Work ». Gallup.com, octobre 2013. 54 Bien que Poult soit une entreprise de taille intermédiaire (850 salariés et donc hors de notre champ d’études), nous
l’avons intégrée dans notre analyse, tant son modèle collaboratif est intéressant. Une entreprise dite « libérée », qui répond en partie aux doutes qu’émettait, en 1994, le sociologue D.Martin (déjà cité précédemment) « le rêve d’une entreprise totalement démocratique reste une utopie. » et à son hypothèse : « Il faut sans doute attendre que les forces vives de la société produisent un nouvel imaginaire de la citoyenneté en entreprise. Que cette dernière soit moins astreinte à la lutte pour la survie et la compétitivité et devienne plus soucieuse de la qualité de ses rapports sociaux »
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ENTREPRISE APPROCHE COLLABORATIVE IMPACTS SUR LA COM. INTERNE
Agroalimentaire 800 salariés sur 5 sites en France Entretien avec Olivier Murat, community manager du groupe
L’entreprise collaborative !
Contexte : En 2006, afin d’éviter de nouveaux plans sociaux, le directeur du Groupe Poult fait appel aux salariés pour réinventer le fonctionnement de l’entreprise. Pendant près de six mois, les 500 salariés du groupe réfléchissent sur un nouveau modèle. Très rapidement, l’organisation est remise en cause, trop de silos, trop de niveaux hiérarchiques (freins à la prise de décision, à la prise d’initiative et au développement de l’innovation).
Approche collaborative : « Déhiérarchisation » de la structure et plus grande autonomie des collaborateurs. Comité de direction remplacé par une équipe « projet entreprise » composée d’une quinzaine de salariés (ouvriers, employés, cadres), un autre collectif gère les rémunérations et les investissements (membres renouvelés tous ans sur la base du volontariat). Postes de DRH, directeur commercial, etc. supprimés ; équipes autonomes, avec un leadership tournant. Décisions prises collectivement dans les équipes de production ; tâches de contrôles, de planification sont assurés à tour de rôle. Résultats : Entre 2008 et 2010, chiffre d’affaires doublé. Formidable satisfaction des salariés. (Certains managers qui ne se sont pas retrouvés dans le modèle ont démissionné).
3 dispositifs de communication interne : un journal trimestriel le "Minimag", coordonné par une dizaine de volontaires renouvelés tous les ans. (rédaction/publication/impression gérées par un prestataire, tous les collaborateurs peuvent contacter le prestataire pour proposer des articles. des écrans de télévision, chaque site est indépendant sur le choix des informations à diffuser, une diffusion coordonnée par un collaborateur. un réseau social d’entreprise mise en place seulement depuis un an, administré par un community manager. Pas de service de communication ! (Par contre, une équipe de marketing accompagne les lignes de produits).
SSII 93 000 salariés sur 72 sites dans le monde Entretien avec Sarah-Pearl Bokobza, directrice de la Communication Interne et François D’Anselme responsable des approches collaboratives de la direction de la Communication
L’entreprise « Zéro Email » !
Contexte : En 2011, le PDG Thierry Breton lance le programme « Zéro Email », partant du constat que la surabondance d’e-mails polluait l’activité de l’entreprise. Un groupe de travail (l’ensemble des jeunes "talents" d’Atos et une centaine de collaborateurs identifiés sur leurs idées innovantes) a été invité à repenser le modèle en réduisant la place de l’e-mail et en renforçant le collaboratif au quotidien. Approche collaborative : Un nouveau mode de fonctionnement en communautés qui s’entrecroisent : communautés de projets, communautés d’experts, communautés d’intérêts et communautés organisationnelles. 3 outils pour remplacer l’e-mail quand c’était possible: une messagerie instantanée pour les échanges directs entre collaborateurs, un Intranet collaboratif pour stocker les documents et partager l’information « statique » (missions, etc.) et un réseau social d’entreprise pour le travail collaboratif. Une entité dédiée pour piloter cette transformation et accompagner les changements de comportements : 3 500 managers formés. Résultats : En 2014, le nombre d’e-mails échangés en interne a baissé de 60%, la collaboration globale a été multipliée par 20.
Sarah-Pearl Bokobza anime son équipe mondiale de communicants à travers une communauté : prise de décision, travail sur les publications, conseils mutuels, partage de bonnes pratiques, relais des initiatives locales, etc.
Une évolution du rôle du communicant vers plus d’écoute (de ce qu’il se passe dans les communautés) et l’orchestration des contenus entre le local et le global. L’organisation en communautés favorise la diffusion de l’information par propagation. Une communauté « News you can use » permet de diffuser l’information aux 28 000 abonnés qui la propage au reste du groupe. Prise directe avec les salariés : possibilité de les interroger instantanément et d’améliorer les publications en conséquence.
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ENTREPRISE APPROCHE COLLABORATIVE IMPACTS SUR LA COM. INTERNE
Grande distribution 12 500 salariés en France Entretien Avec Marie-Gaëlle Michelin, ancienne directrice de la Communication Interne de Castorama,
L’intelligence collective des collaborateurs comme moteur de croissance
Contexte : À partir de 2003, la direction de Castorama France recherche de nouveaux moteurs de croissance. Elle décide de s’appuyer sur les collaborateurs pour réinventer le métier. Approche collaborative : Le collaborateur devient un acteur du changement avec à sa disposition : Un dispositif d’écoute et d’échange, « Vizavi », qui invite les collaborateurs et les dirigeants à débattre sur un plateau TV sur des sujets de société. Une plateforme participative « Castoramoa » : espace de partage et de co-construction. Le remplacement du journal interne remplacé par « CastoTV » un programme hebdomadaire qui diffuse sur toutes les télévisions des salles de pause des vidéos faites par les équipes locales ou des reportages de l’équipe « corporate », mais toujours sur des initiatives locales. Résultats : De nombreux projets en mode collaboratif: nouvelles tenues de travail, innovation, satisfaction client…
La communication interne accompagne le changement, à travers les dispositifs cités (cf : colonne de gauche) pour changer les habitudes et faire de Castorama « une entreprise qui se parle ». Les approches collaboratives ont permis de créer un lien entre les différents magasins, jusqu’à présent très indépendants les uns des autres. Une plus grande visibilité des initiatives locales. La suppression du journal interne représente est une réelle transformation après 27 ans de publication.
Banque, Assurance 161 000 collaborateurs dans 59 pays Entretien avec Emmanuel Frizon de Lamotte, responsable des projets transversaux (direction de la Communication d’Axa France)
« One » :un portail unique pour favoriser l’intelligence collective
Contexte : En 2010, AXA souhaite rassembler l'ensemble du groupe sur une même plate-forme collaborative afin de favoriser l'intelligence collective. Approche collaborative : Le portail « One » lancé en 2012 et qui réunit, sur une même plateforme, un Intranet, un réseau social et un espace documentaire. « One » a été placée au centre de l’activité quotidienne, en incluant sur son interface l’accès aux applications métiers des collaborateurs. Résultats : 18 000 utilisateurs en France et 100 000 à l’étranger. Un décloisonnement et un partage de connaissances renforcés par l’activité des 2 000 communautés. Un taux de satisfaction de 60 %.
Remplacement de tous les Intranets par « One » Une libération de la parole à travers les blogs, les communautés, etc. Un changement de posture des collaborateurs face à l’information (Avant : recherche / demande ; aujourd’hui : partage / contribution)
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ENTREPRISE APPROCHE COLLABORATIVE IMPACTS SUR LA COM. INTERNE
Tourisme 15 000 salariés de près de 100 nationalités différentes Entretien avec Laurent Sabbah directeur de la Communication Interne
Une plateforme digitale pour incarner la culture d’entreprise et partager les émotions.
Contexte : « L’esprit Club Med » représente à la fois le cœur de la culture d’entreprise et un avantage compétitif. Comment partager et faire vivre cette culture avec les 7500 G.O répartis sur toute la planète, jeunes et pour la majorité privilégiant le téléphone mobile comme outil de communication. Approche collaborative : Lancement en 2013 d’une plateforme digitale (« enjoy ! ») accessible depuis n’importe quel équipement (smartphone, tablette, ordinateur). Un contenu bilingue mettant en valeur les initiatives locales remontées par les G.Os qui deviennent contributeurs. La réaction aux publications se fait via des émotions (enthousiasme, fierté, intérêt, déception, etc.) et qui remplace le « Like ». Résultats : 3 400 inscrits sur les 7 500 ciblés, 52 nationalités représentées, 860 contenus, etc.
« enjoy ! » est un véritable moyen de faire vivre la culture du Club Med, en connectant les G.O entre eux, en leur permettant de partager leurs initiatives locales, leurs émotions et de remonter les sujets qui les intéressent. Une communication très visuelle avec des photos, des vidéos, etc. L’équipe de communication coordonne la publication du contenu pour assurer une ligne éditoriale, une dynamique (réécriture de certains contenus, mis en forme).
Banque, Assurance 150 000 collaborateurs dans 76 pays Expérience personnelle en tant que responsable de communication du projet
Un débat collaboratif sur la transition numérique ouvert à tous les salariés
Contexte : De mai 2013 à juillet 2013, Société Générale a invité l’ensemble de ses collaborateurs à réfléchir aux mutations liées à la transition numérique et ont pu contribuer en soumettant leurs propres suggestions sur trois thématiques : les changements en matière de relation clients, les évolutions de leurs conditions de travail et les impacts sur les systèmes technologiques. Approche collaborative : 4 étapes : une première étape de préparation (d’avril à mai 2013) avec près de 100 volontaires convaincus de l’initiative ; ensuite un mois de débat collaboratif; une période de votes (3 jours fin juin) ; un évènement pour clôturer la démarche avec des personnalités (le philosophe Michel Serres, Christine Balagué vice présidente du conseil numérique, etc.). Résultats : Plus de 1 000 idées proposées, 19 pays participants, 3 000 commentaires, 12 000 « likes », 16 000 votes collectés en 3 jours Priorisation des choix et accélération de la transition numérique du groupe (mise en place du télétravail, du Cloud, du Bigdata, etc.).
Le projet a créé une dynamique autour du réseau social, qui ne comptait que 8000 membres avant ce projet, et qui a vu son nombre doubler à la fin du débat. Ce sont aujourd’hui près de 60 000 personnes inscrites, plus de 1 000 communautés et 26 000 photos chargées. La communication des grands projets se fait désormais aussi sur le réseau social, avec une communauté dédiée avec des échanges entre membres de l’équipe projet et le reste des collaborateurs (par exemple le programme de transformation digitale du groupe).
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Quels constats pouvons-nous faire face à ces exemples ?
• Lorsqu’il y une nécessité de faire évoluer la culture d’entreprise, ou faire évoluer
l’entreprise tout simplement, la démarche est portée au plus haut niveau de
l’organisation, avec un accompagnement fort des managers et collaborateurs,
• Ces démarches placent les salariés au cœur de la transformation dont ils
deviennent eux même les acteurs, aussi bien dans la préparation des approches
collaboratives que dans la dynamique collective qui s’en suit,
• Des démarches qui amènent à rationaliser les outils de communication, autour de 3
axes : l’information (ex. : Intranet) ; la collaboration (ex. : réseau social) partage de
documents) ; l’échange (messagerie instantanée, e-mail), des outils qui favorisent les
liens, le partage d’information, les remontées du « terrain », etc.
Enfin, nous aimerions revenir rapidement sur Poult. Il est en effet étonnant d’apprendre qu’il n’y a
pas d’équipe de communication. Nous avons analysé néanmoins que la fonction est présente
avec :
• une équipe de salariés qui coordonne la publication du journal interne ; un prestataire qui
en assure l’écriture, la mise en page et l’impression ;
• un community manager qui diffuse des informations « corporate » (actualités,
organigrammes, etc.) à travers le réseau social et qui accompagne les métiers sur
l’utilisation de l’outil ;
• enfin lors de l’entretien, il nous a été expliqué que l’équipe « innovation » envisage
d’utiliser le réseau social pour favoriser une culture commune.
Ce modèle (une communication interne, sans équipe dédiée, dont les missions sont réparties
dans l’organisation) est-il envisageable pour les grandes entreprises ? S’il est adapté pour des
structures plus petites, comme le groupe Poult, nous pensons qu’il ne l’est pas pour engager
efficacement des milliers de salariés autour d’un projet et d’une culture commune tout en
assurant la cohérence des informations circulant dans une telle organisation. Cependant, l’idée
que la communication puisse s’appuyer sur des volontaires pour participer au dispositif de
communication nous paraît très intéressante, nous reviendrons sur ce point ultérieurement.
_______
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Nous venons de voir, dans cette section, que les approches collaboratives, à travers des
mécanismes d’échanges sociaux et de contribution, représentent un formidable levier
d’engagement des salariés.
Cependant, de telles approches nécessitent un environnement propice au dialogue et un
accompagnement à tous les niveaux de l’organisation, notamment auprès des collaborateurs et
leur prise de parole.
Intéressons-nous à présent à ces collaborateurs et à leurs comportements à face à l’information.
2.2 Le nouveau visage des collaborateurs
« Jusqu’ici, le monde se partageait entre ceux qui faisaient l’information et ceux qui la
consommaient. Producteurs et consommateurs étaient face à face. Chacun avait sa place.
Chacun jouait son rôle. Internet a tout changé. Désormais, il n’y a plus que des contributeurs.
Production et consommation de l’information deviennent simultanées et instantanées. Chacun est
à la fois auteur, acteur et spectateur de la communication » constate sur son blog55, S.Perez,
fondateur et PDG des Ateliers Corporate, société de conseil en communication corporate.
Ce changement de paradigme bouleverse également les codes au sein de l’entreprise. Nous
allons analyser dans cette section comment le comportement du collaborateur a évolué face à
l’information. Une information qu’il « consomme » en tant que récepteur, une information qu’il
produit en tant qu’émetteur. Nous nous intéresserons aussi à la question générationnelle, car les
collaborateurs qui se côtoient au travail sont aujourd’hui issus d’au moins trois générations
différentes. L’idée est de mieux connaître ce « nouveau » collaborateur afin de pouvoir adapter
les modes de communication interne et répondre à ses besoins.
2.2.1 Un récepteur-consommateur informé et exigeant
Le collaborateur n’est plus depuis longtemps « l’exécutant » dont rêvait Taylor. Nous le disions
précédemment, il n’est plus un simple récepteur naïf. G.Aper, responsable de l’Afci, remarque
à propos du public interne : « En matière de communication, c’est certainement le public le plus
difficile, car c’est un public d’experts... ils décryptent vite ce qu’on leur dit, car ils vivent leur
organisation de l’intérieur et au quotidien ».56 Le collaborateur est aujourd’hui informé en ayant
accès, en temps réel, depuis son poste de travail ou son smartphone, à une incroyable masse
d’informations. Interrogé dans le cadre d’une enquête menée par le cabinet Inergie et l’Afci57, un
55 Perez, Serge. « Réinventer la communication interne ». Le blog de Serge Perez, mars 2011. 56 Brulois Vincent, et Philippe Robert-Tanguy. « Entretien croisé avec Guillaume Aper (Afci) et Christine Donjean
(Abci) ». Sociologies pratiques, no 30 (janvier 2015) 57 Inergie & Afci « Étude qualitative sur l’identité professionnelle du communicant interne menée par le cabinet
Inergie et l’Afci »., Juin 2013.
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responsable de communication témoigne : « Les collaborateurs ne viennent pas dans l’entreprise
en laissant leur cerveau à l’extérieur. Ils viennent avec tout ce qu’ils engrangent à la télévision,
sur le Web, à travers les réseaux sociaux… »
Au sein de l’entreprise, le collaborateur peut aussi facilement échanger avec ses collègues
(directement ou par téléphone, e-mail, messagerie instantanée, etc.) et se faire un jugement.
D’ailleurs à la question « Quelles sont les sources d’informations que vous utilisez le plus
régulièrement ? », la majorité des personnes interrogées privilégie leurs collègues ou leur
responsable :
Quelles sont les sources d’informations que vous utilisez le plus régulièrement ?
De plus, chaque individu a pris l’habitude, à titre personnel, de « consommer » l’information
selon ses propres besoins et ses intérêts. L’information de masse ne l’intéresse plus. Il
s’abonne à des fils d’informations, il suit sur Twitter les personnes dont les publications le
touchent et l’intéressent. Il se désabonne quand il estime que ces publications ne sont plus à la
hauteur de ses attentes ou que ses propres centres d’intérêt évoluent. Il s’attend à pouvoir faire
de même dans l’entreprise. Comme nous l’expliquait Charles Hufnagel, directeur de la
Communication du Groupe AREVA : « les collaborateurs sont devenus des consommateurs de
médias et d’informations internes, exigeants comme ils le sont pour les médias externes ».
Les collaborateurs ne sont donc plus naïfs : ils jugent, ils évaluent, ils vérifient
l’information qu’ils reçoivent.
0
20
40
60
80
100
120
Collègues Responsable hiérarchique
Intranets Journaux électroniques
(Newsletter) pour l'entreprise, votre département, etc.
Outils collaboratifs (réseau social
d'entreprise, etc.)
Vidéos Live chats / Conférences
téléphoniques / Visio
Réunions d'informations /
Séminaires
Blogs de dirigeants, managers, etc.
Evènements de type "Team
Building", sportifs, associatifs, etc.
Quotidiennement
Quelques fois par
semaine
Quelques fois par mois
Quelques fois par an
JamaisNon
applicable
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Ainsi lorsque nous les interrogeons, s’ils n’ont globalement aucun doute sur l’importance de la
communication interne…:
La communication interne est selon vous ?
... ils sont néanmoins plus critiques sur la qualité de la communication en entreprise au
sein de leur organisation :
Êtes-vous satisfait de la communication interne de votre entreprise ?
Comment évalueriez-vous la communication interne de votre entreprise dans ces différents rôles ?
73%$
25%$
1%$
Essentielle Importante Secondaire Inutile
2%#
46%#
37%#
15%#
Très satisfait
SatisfaitAssez
satisfaitPas du tout
satisfait
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Sensibiliser le personnel aux enjeux de l’entreprise
Répondre aux besoins d’information des collaborateurs
Développer une identité d’entreprise, une culture
commune
Accompagner les collaborateurs dans le changement
Stimuler la motivation, développer l’enthousiasme.
Prévoir et résoudre les situations de crise
Excellent Très bon Bon Moyen Mauvais
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Aussi en analysant les plus de 400 commentaires58 de notre questionnaire, nous avons pu
identifier des remarques récurrentes que nous avons regroupées en grandes thématiques et que
nous proposons d’illustrer par quelques-uns de ces commentaires (nous rappelons que ce
questionnaire était anonyme)
Un décalage entre les informations transmises et la réalité du terrain : • « La communication en elle-même est plutôt bonne. Cependant, le décalage entre la réalité, les
obstacles rencontrés, fait que les employés perdent confiance dans cette communication qu’ils
considèrent comme des vœux pieux plus que de réelles informations ».
• « Elle a cependant tendance à être "excessivement positive", au point où elle en devient non crédible,
proche de l’outil de propagande. Une communication plus juste (les bonnes ET les mauvaises
informations doivent être passées avec la même régularité et clarté auprès du staff). La communication
positive est utile, le positivisme excessif est une faille dans laquelle il ne faut pas tomber ».
• « J’ai souvent du mal à m’identifier au message top level que je reçois, je ne vois pas le reflet de ce que
je vis au quotidien »
Un langage « corporate », trop « langue de bois » : • « Rendre moins la com’ interne "professionnelle". Elle est aujourd’hui trop léchée, trop pesée, pas
suffisamment naturelle »
• « Plus de sincérité et moins de corporate ; plus de transparence et moins de politique »
• « Plus sociale, plus proche, plus tournée vers les préoccupations des salariés et moins de la
poudre aux yeux »
Un décalage entre les sujets abordés et les intérêts des collaborateurs au quotidien : • « Il faut arriver à capter l’intérêt des employés déjà noyés sous un flux permanent de messages
(ceci dès leurs premiers pas sur le chemin du travail, jusqu’au soir dans leur lit...). On frise
l’overdose ».
• « Trouver des sujets d’intérêts pour les collaborateurs (souvent repris par les informations
syndicales) »
• « Je chercherai à avoir plus de proximité avec les collaborateurs et je m’assurerai que les
messages sont passés ».
• « Une communication ciblée en fonction du type de collaborateur »
Des communications trop nombreuses qui nuisent à leur lisibilité : • « Parfois trop de com. Difficile de tout lire ou retenir ».
• « Sans hésiter le nombre de communications que l’on reçoit : entre les communications du groupe,
celles de la direction où l’on travaille et celles de mon département… Sans compter les newsletters
des projets transverses, les trucs et astuces… Un vrai problème !!! »
58 Notamment plus de 250 commentaires en réponse à deux questions ouvertes : « Si vous pouviez changer quelque
chose dans la communication interne de votre entreprise, que feriez-vous ? » et « Avez-vous des remarques ou des commentaires à faire sur la communication interne, en général ou dans votre entreprise ? »
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• « Eviter des doublons, trop d’information la tue »
• « J’ai l’impression que les communicants de ma boîte sont évalués au nombre de messages qu’ils
envoient ! Cela fait 10 ans que je travaille pour le même groupe, j’ai l’impression d’en recevoir plus
chaque année… je ne lis même plus »
• « J’aime parler aux gens. La com de masse c’est pas trop mon truc ».
Le besoin de centraliser les outils de communication pour faciliter l’accès et la recherche
d’informations : • « l’information est diffuse avec peu de moyens de recherche, elle est du coup certainement
présente, mais peu accessible. Mieux la structurer me semble difficile et contraignant. Améliorer
son accessibilité (via réseau social interne, moteur de recherche) me semblerait judicieux ».
• « Intégrer davantage dans le quotidien et les outils du quotidien des collaborateurs avec moins de
mails. Les Intranets institutionnels sont rarement visités et les e-mails rarement lus. En revanche,
en intégrant cette communication dans les outils collaboratifs, le résultat me semblerait plus
efficace »
• « Tout centrer sur un moteur unique de partage d’info collaboratif (facebook like). Réduire la
dispersion d’information ».
• « Un seul canal où toutes les informations sont accessibles »
Enfin, il nous semble intéressant de remonter le témoignage d’un salarié que nous avons
rencontré, chef de projet dans une grande entreprise. Il nous a expliqué, un peu désabusé, que
les communications internes « officielles » qu’il recevait lui apparaissaient tellement
déconnectées de son quotidien (« toujours trop optimistes par rapport à ce que je vis, ou des
sujets trop "high level" du coup je ne me sens pas concerné ») qu’il avait fini par créer des règles
automatiques dans sa « boîte mail » pour effacer ces messages dès leur réception. Il a
également rajouté qu’il n’était pas le seul dans son entourage !
2.2.2 Plus qu’un émetteur, un média potentiel
Autre aspect qui éloigne le collaborateur du « taylorisme et du déni de la participation »59, il peut
désormais émettre de l’information. Pour Laurent Sabbah, directeur de la communication
interne du Club Med, « le rôle du collaborateur n’est plus d’être uniquement un récepteur
d’information, mais d’être, et il a les moyens techniques de le faire aujourd’hui, un émetteur
d’opinions, de sentiments, de preuves d’une stratégie qui avance, etc. Il émet de l’information ».
Malgré la porosité interne-externe qui existe aujourd’hui, il nous semble important dans un
premier temps de bien comprendre toutes les possibilités qui permettent au collaborateur
d’émettre de l’information au sein de l’entreprise. Nous reviendrons juste après sur l’externe et
sur cette question de porosité. 59 Martin, Dominique. Démocratie industrielle : La participation directe dans les entreprises. PUF, 1994.
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En interne donc, selon les outils et les espaces de dialogue mis à disposition, plusieurs niveaux
d’actions sont envisageables, engageant plus ou le moins le salarié.
• Relayer, partager un contenu existant : l’acte le plus simple. Le collaborateur relaie
auprès de ses contacts un contenu qu’il a reçu, qui lui semble intéressant ou susceptible
d’intéresser ses collègues. Il est à noter que jusqu’à présent ce relai s’effectuait
essentiellement à travers la messagerie, nécessitant de la part du collaborateur de choisir
des personnes à qui transmettre ce contenu. Nous l’avons vu, l’introduction dans
l’entreprise des outils collaboratifs (type réseau social d’entreprise), avec la notion de
partage, a changé le mécanisme de diffusion des informations dans l’organisation. On
parle de propagation. En un « clic », le collaborateur partage un contenu existant auprès
de sa ou ses communautés. Selon sa pertinence, l’information se propage alors, à
travers l’organisation, de communauté en communauté. Une propagation sur laquelle
devra s’appuyer le communicant comme nous le verrons par la suite. Notons également
que le partage d’information dans un espace collaboratif expose nettement plus le
collaborateur que le transfert d’e-mail dans un environnement fermé.
• Donner son avis sur un contenu existant : autre apport des outils collaboratifs, la
possibilité, quand la fonction est activée, d’évaluer ce qui est lu (quel que soit l’auteur de
la publication : un service de communication ou autre, un dirigeant, un autre
collaborateur). C’est le fameux « Like » (et toutes ses significations60), la notation à travers
une graduation (1 à 5 étoiles par exemple). Cette action engage un peu plus le
collaborateur qui va exprimer son opinion non seulement auprès de la personne ou du
service qui a publié le contenu, mais vis-à-vis de la communauté qui y accède. D’ailleurs
dans la majorité des cas en entreprise les outils ne proposent que des évaluations
positives, il est rare de pouvoir exprimer « qu’on n’aime pas » une publication.
Ces avis représentent une opportunité pour les communicants d’avoir un retour en
temps réel sur la perception des collaborateurs, de mieux appréhender leurs goûts et
intérêts, et ainsi d’adapter et cibler plus finement les futures publications.
• Commenter une publication : le salarié prend la parole pour exprimer sa pensée face à
un contenu existant (là aussi quel qu’en soit l’auteur). Il peut alors l’enrichir à travers son
expertise, son expérience, sa créativité… il peut également exprimer son désaccord,
orienter vers d’autres pistes, etc. En entreprise, pour rester constructif, les commentaires
étant rarement anonymes, le collaborateur est donc identifié lorsqu’il commente une
60 Un très bon article de Nicolas Delesalle décline touts les significations que peut porter un « like » :
http://www.telerama.fr/medias/de-quoi-le-bouton-like-de-facebook-est-il-le-nom,87567.php
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publication. Il expose alors sa compréhension du sujet, son raisonnement, ses
connaissances, mais aussi son style d’écriture, son jugement, etc.
L’acte de commenter génère un véritable acte de communication, car un échange
s’effectue entre l’auteur du commentaire et l’auteur de la publication. Pour les
communicants, au-delà d’une vision plus fine de ce qu’il se passe dans l’organisation, ces
commentaires, lorsqu’ils sont faits sur des publications « officielles », instaurent un
dialogue directement avec les lecteurs, ce que permettaient plus difficilement les
messages descendants.
• Publier du contenu : le collaborateur devient communicant. Essentiellement à travers
des blogs ou un réseau social d’entreprise lorsqu’ils sont disponibles, le salarié publie un
contenu dont il est l’auteur, qu’il s’agisse d’un « post » de quelques lignes ou d’un article.
Jusqu’à présent, il s’agissait principalement d’experts et de managers qui exprimaient à
travers ces publications une réflexion, témoignaient d’une expérience, d’une histoire,
engageaient une discussion sur un sujet particulier. Une situation qui évolue comme nous
l’expliquait lors d’un entretien Jean-Marie Charpentier61, vice-président de l’Afci,
enseignant à Paris XIII « Le travail devient en partie communication et le collaborateur a
acquis des compétences non seulement communicationnelles, mais aussi digitales
qui lui permettent de prendre la parole dans l’entreprise ».
Pour les communicants, le changement est fondamental : ils doivent accepter de ne
plus être la seule source d’informations dans l’entreprise, ils doivent aussi accepter
de laisser circuler une communication de terrain, sans beaucoup de contrôle. Par
contre, cela leur donne la possibilité de ne plus être uniquement des
producteurs/diffuseurs de contenu et de se positionner comme des conseillers, des
formateurs qui accompagnent les collaborateurs dans cette prise de parole au sein de
l’organisation.
Cette prise de parole bien évidemment ne se fait pas uniquement en interne.
En externe, nous retrouvons les différents niveaux d’actions que nous venons d’évoquer
(Relayer – Partager/Donner son avis/Commenter/Publier un contenu). Par contre, comme nous
l’avons vu précédemment, la prolifération, ces dernières années, des médias sociaux et leur
adoption massive par les internautes ont bouleversé les habitudes. Comme le précise
O.Lanusse-Cazalle en France « Les 26 millions de comptes chez FaceBook, 7 millions chez
Twitter, 5 millions chez Viadeo, et quelques millions de blogs thématiques font de chacun d’entre
nous un émetteur »62.
61 Auteur avec Vincent Brulois du livre « Refonder la communication en entreprise » que nous avons évoqué
précédement 62 Lanusse-Cazale, Olivier. « Communication interne... Ton univers impitoya-a-ble ! » Cercle Les échos. mars 2012.
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Ce qui change en externe : c’est l’audience. Le public interne d’une entreprise se limite à son
nombre de collaborateurs. En externe, il n’y a pas de limites ! Nous l’avons vu aussi, ce sont
plus de 3 milliards d’internautes dans le monde, dont 54 millions d’internautes rien qu’en France
(83 % de la population française)63.
Avec une porosité interne-externe, tant technologique que culturelle (qui s’accentue avec les
générations à venir, nous y reviendrons), l’entreprise n’est plus un vase clos. Glassdoor est
probablement le meilleur exemple de cette nouvelle porosité. Ce site, crée en 2007 aux États-
Unis (et qui n’est arrivé en France qu’en octobre 2014) a pour objectif de compiler sur une même
plateforme les offres d’emplois et les avis des employés (actuels ou anciens) des entreprises
concernées : leurs expériences, l’ambiance au travail, les possibilités d’évolution, etc. Le slogan
de la plateforme « Découvrez la boîte. Décrochez le job » résume parfaitement cette volonté.
Cinq mois après son lancement en France, Glassdoor comptait déjà 50 000 avis postés sur plus
de 3 200 entreprises françaises !
Pour le communicant, le défi est alors de pouvoir fournir au collaborateur un environnement qui
va favoriser cette prise de parole, tout en la « cadrant » à minima à travers un accompagnement,
des guidelines, des chartes, etc.
D’ailleurs, les collaborateurs interrogés via notre questionnaire remontent ce besoin :
« Je ferais une communication plus participative avec plus d’initiatives des salariés ». « Je
préfèrerais une approche collaborative plutôt que descendante » « Pourquoi ne pas inviter à la
production de contenus collaboratifs ? » « Restent les contenus et applications à développer et à
diffuser pour que communication rime avec collaboration », etc.
2.2.3 Un mix générationnel inédit
Pour mieux appréhender les collaborateurs, il nous a semblé important d’aborder la question
générationnelle, car aujourd’hui, trois voire quatre générations sont amenées à travailler
ensemble en entreprise : les « Vétérans », les « Baby-boomers », la « Génération X » et une
certaine « Génération Y ». Un tel mix générationnel est inédit. Nous avons repris le travail de
C.Dejoux et H.Wechtler64 qui synthétisent dans un tableau leurs recherches sur ces générations
(page suivante) :
63 « Chiffres Internet - 2015 ». Blog du Modérateur.. http://www.blogdumoderateur.com/chiffres-Internet/ 64 Dejoux, Cécile et Heidi Wechtler. « Diversité générationnelle : implications, principes et outils de management ».
Management & Avenir 43 (mars 2011).
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VÉTÉRANS (1920-1945) Génération adaptative
BABY BOOMERS (1946-1964) Génération idéaliste
Contexte : la grande dépression, la Seconde Guerre Mondiale. Valeurs : famille, patriotisme, « loyauté hiérarchique »
Attitudes : dévotion, travail, honnêteté, respect des autorités, respect des valeurs traditionnelles, discipline, loyauté organisationnelle, résistance au changement. Aspiration : style directif qui soit simple et clair. Comme à l’armée, ces hommes ont développé un sentiment de loyauté envers l’organisation au sein de laquelle la hiérarchie était bien définie, avec des relations formelles.
Contexte : les droits civils, JFK, les mouvements féministes, le plein emploi, la croissance économique. Valeurs : succès matériel, libre expression, réforme, équité, « autonomie de chacun » Attitudes : optimisme, gratification personnelle, réussite sociale, estime de soi, importance de la carrière. Aspiration : style collégial et consensuel. Ils sont soucieux de la qualité du climat social. Ils s’appuient sur la communication, le partage des responsabilités, le respect de l’autonomie de chacun. Respect des institutions et loyauté envers l’entreprise et la hiérarchie
GÉNÉRATION X (1965-1980) Génération réactive
GENERATION Y (1981-2000) Génération civique
Contexte : le SIDA, les défis globaux, Tchernobyl, le choc technologique, la Guerre froide. Valeurs : compétences plutôt que diplômes, équilibre de vie « autonomie du groupe » Attitudes : diversité, informalité, scepticisme, individualisme, désir d’équilibre, peu de loyauté organisationnelle. Aspiration : justes, compétents et directs. Ils ne respectent pas l’autorité comme l’ont fait les générations antérieures. Ils aiment être confrontés à des défis et ont du succès face au changement. L’honnêteté brutale est la marque distinctive de cette génération.
Contexte : la mondialisation, le respect de l’enfant, les attentats terroristes, les catastrophes environnementales, les réseaux sociaux. Valeurs : famille, partage, équilibre, « loyauté transactionnelle » Attitudes : optimisme, confiance en soi (enfant-roi), conscience civique, importance de l’immédiat, niveau de scolarité élevé, recherche de défis, de reconnaissance et d’équilibre vie privée-travail. Aspiration : ils aiment les leaders qui rassemblent les hommes. Ils montrent une prédilection pour l’action collective et pour le désir de changement. Ils veulent donner un sens à leur action tout en agissant et progressant vite.
« Diversité générationnelle » (C.Dejoux, et H. Wechtler)
Génération Y ou Culture Y ?
« Nos jeunes ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité, et n’ont aucun respect pour
l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans ».
La question de la nouvelle génération et des changements sociétaux qu’elle génère a depuis
longtemps été au cœur des débats. Cette citation attribuée à Socrate nous en donne la preuve et
résonne tout autant aujourd’hui.
Nos lectures nous ont amenés à nous interroger sur les caractéristiques de cette fameuse
« Génération Y » régulièrement mise en avant dans les médias, des caractéristiques qui la
rendraient différente des générations précédentes (une génération connectée, ayant un
rapport différent à l’autorité, un fort besoin de reconnaissance, recherchant l’équilibre entre
vie privée et vie professionnelle, impatiente, etc.). En effet, certaines publications65 remettent
en question le principe de « génération Y », en mettant en avant qu’il s’agit plus probablement d’un
changement sociétal que les caractéristiques d’une génération à proprement parler. B.Meyronin
dans son article « Digital or not digital ? La génération Y et l’entreprise » cite J.C. Levison, (l’auteur
65 Notamment les articles cités dans la bibliographie : « Le mythe bien commode de la Génération Y ». « Digital or
not digital ? La génération Y et l’entreprise. « Les “Y”sont-ils vraiment des mutants ? » « Génération Y : une question de culture bien plus que de classe d’âge ».
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du livre « La Guerilla Marketing ») « A ce jour, il n’y a pas suffisamment d’éléments probants pour
affirmer que la génération Y diffère fondamentalement des générations précédentes ».
Une étude a plus particulièrement attiré notre attention : « Pour en finir avec la génération
Y... enquête sur une représentation managériale ».66 Constatant le manque de fiabilité des
études existantes, F.Pichault, et M.Pleyers67 ont souhaité mieux comprendre le rapport au
travail des générations « Baby-Boomers », « Génération X » et « Génération Y ». Ils ont
ainsi interrogé en Belgique plus de 800 personnes de 20 à 59 ans sur les
« caractéristiques supposées » de la « Génération Y ». Ils ont ainsi pu étudier s’il existait des
différences significatives entre ces générations. Les résultats de leur enquête sont très
intéressants :
CATÉGORIE
CARACTÉRISTIQUES SUPPOSÉES DE LA GÉNÉRATION Y ITEMS DE L’ENQUÊTE
DIFFÉRENCES SIGNIFICATIVES
ENTRE GÉNÉRATIONS
Recherche de sens au travail
Sens moral et civique, besoin d’un travail avec signification
Sentiment d’être utile aux autres Non
Besoin d’accomplissement
Intérêt pour le travail et les défis proposés, attentes en matière d’éducation continuée, attitude positive à l’égard du travail
Réalisation d’un projet personnel clair Non
Développement des compétences Oui Possibilité de se développer Non
Importance des programmes de formation continuée pour attirer/retenir
Non
Recherche de feedback Besoin de gratification rapide en termes monétaires ou de promotion une fois les objectifs atteints, recherche de feedback par rapport à l’engagement professionnel
Besoin de reconnaissance Non
Souci de bénéficier d’une rémunération nette suffisante
Non
Intégration vie privée/vie professionnelle
Indifférenciation temps de travail/temps de loisir, forte importance accordée aux loisirs, au divertissement, aux amis, à la famille, recherche du plaisir et de l’épanouissement au travail, capacité d’être multitâche
Équilibre vie privée/vie professionnelle Non
Possibilité d’aménager son temps de travail
Non
Crainte de ne pas trouver un emploi qui plaise
Oui
Opportunisme Poursuite d’un agenda personnel, opportunisme, agissements de free lancers, individualisme, estime de soi, besoin de s’affirmer
Comportement individualiste comme source de démotivation
Non
Construire soi-même son futur et ne compter que sur soi
Non
Non-respect de règles de déontologie ou de valeurs
Oui
Esprit de groupe Intérêt pour le travail en équipe et les collaborations
Plus fort ensemble Non
Solidarité et esprit d’équipe Non
Faible loyalisme institutionnel
Peu de sentiment d’appartenance à l’entreprise, méfiance envers l’autorité et les institutions
Besoin de changer régulièrement
Oui
Difficulté à se projeter dans le long terme
Incertitude sur l’avenir, difficulté à se projeter dans le futur, difficulté à s’engager et à faire des choix, primat de l’instantané
Attente que l’entreprise fasse preuve d’innovation et d’anticipation du futur
Non
66 Pichault, François et Mathieu Pleyers. « Pour en finir avec la génération Y... enquête sur une représentation
managériale ». Annales des Mines - Gérer et comprendre 108 (février 2012) 67 Respectivement professeur à HEC-École de gestion de l’Université de Liège et à ESCP Europen, professeur invité à
l’Université Libre de Bruxelles.)
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Sur 20 éléments de l’enquête, seuls 4 diffèrent significativement : par rapport aux
générations précédentes, la « Génération Y » est plus en recherche de développer ses
compétences ; s’inquiète plus de ne pas trouver un emploi qui réponde à ses attentes ; aime
changer d’environnement plus régulièrement (changer d’environnement ne veut pas dire
forcément changer d’entreprise systématiquement précisent les auteurs) et se sent moins
concernée par les règles et la déontologie (dont l’absence dans l’organisation démotive les
générations X et « Baby-Boomers »).
La communication devra donc veiller sur ce dernier point à « éduquer » la jeune génération
au partage de l’information et de prise de parole tant au sein de l’entreprise qu’à l’extérieur,
tout en co-construisant avec elle les guidelines nécessaires pour cadrer ces actions.
Notons que l’enquête montre que la principale source de motivation des quatres générations
est le sentiment de sentir utile. Des générations qui se retrouvent aussi dans un fort besoin
de reconnaissance et la recherche de l’esprit de groupe dans l’entreprise. Ce sont des
éléments clés qui favorisent le déploiement d’approches collaboratives dans les
organisations.
Cependant, comme le remarque B.Meyronin68, cette étude ne parle pas du rapport de ces
générations au numérique. Comme beaucoup d’autres études, elle part du postulat que « la
Génération Y » est la « génération digitale » qui a la connaissance et la maîtrise des nouvelles
technologies. Nous avons donc très peu d’éléments pour comprendre les spécificités de ces
compétences par rapport aux autres générations.
Les usages numériques s’étant fortement démocratisés ces dernières années, nous retrouvons
dans toutes les couches générationnelles des compétences et connaissances nécessaires
pour appréhender ces technologies. Nos observations nous amènent à penser que les
différences sont plus au niveau des appétences individuelles qui varient selon l’éducation, le
milieu socioprofessionnel, etc.
Nous voyons à travers ces constations que les caractéristiques supposées de la « Génération
Y » sont pour la plupart transgénérationnelles et plus liées à un changement sociétal qu’à une
tranche d’âge en particulier. Comme le résume A.Truchet, chargée de transformation digitale au
sein du Groupe Danone, « Davantage qu’en une génération Y, je crois en une culture Y qui
traverse les générations ».69
68 Meyronin, Benoît. « Digital or not digital ? La génération Y et l’entreprise ». & Dominique-Anne Michel. « Les
“Y”sont-ils vraiment des mutants ? » ; L’Expansion Management Review 153 (février 2014). 69 Boidin-Dubrule Marie-Hélène et Aurélie Truchet, Laetitia Puyfaucher. « Faut-il avoir peur du digital ? » Les
cahiers de la communication interne, no 34 (juin 2014).
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Génération Z, la vraie rupture…
Pour terminer sur les générations, nous aimerions évoquer rapidement la « Génération Z » (née
après 1995, ou après 2000, selon les définitions), qui n’est pas encore dans l’entreprise, mais qui
en est « à ses portes », la génération de la « Petite Poucette » de M.Serres.
La première enquête en France sur le sujet publiée en janvier 2015, « La Grande InvaZion »70,
nous incite à croire que la vraie rupture sera portée par cette génération « impatiente, plus
connectée, plus créative, plus décomplexée » que la génération précédente :
• Un rapport à la connaissance et à l’apprentissage complètement différent : seuls
7,5 % d’entre eux pensent que les études seront une source d’apprentissage d’ici 10 ans.
Pour eux, tout est source d’apprentissage : un MOOC (Massive Open Online Course,
cours en ligne ouvert à tous) une vidéo Youtube,... l’école est simplement « un canal
parmi d’autres ». Une génération qui apprend pour l’instant présent, pour ce dont elle a
besoin « maintenant », et capable de se remettre en cause si nécessaire. « Apprendre
partout sur tout : curiosité maximale, ouverture au monde, la génération Z ne pose pas de
limite à la connaissance ».
• Un rapport au temps et à l’espace, là aussi différent : « Besoin de rythme et un rythme
d’enfer » précisent les auteurs, la « Génération Z » est hyperactive et ne veut pas
s’ennuyer. Une génération nomade, qui travaille là où elle peut se connecter (39 % se
sentent citoyens français, 34 % citoyens du monde ; 68 % se voient travailler à l’étranger).
• Une génération d’auto-entrepreneurs autodidactes : débordant d’énergie la
« Génération Z » est la génération de l’imprimante 3D et du « Do it yourself ». Ils sont
décrits comme débrouillards, la recherche de solutions et la prise de risque ne leur faisant
pas peur. 47 % se voient d’ailleurs auto-entrepreneurs dans le futur.
• Une génération multi-identités : on les appelle les « Slashers », en référence au signe
« Slash », le « / », qui permet de combiner plusieurs groupes d’appartenance, plusieurs
statuts, plusieurs identités pour définir et revendiquer leur personnalité du moment.
• Une génération encore plus connectée : pour 40 % d’entre eux, le réseau est la clé de
la réussite bien avant le bon CV (26 %) ou le bon diplôme (24 %).
Une telle génération a beaucoup d’attentes vis-à-vis de l’entreprise et considère d’ailleurs que
cette dernière doit s’adapter, et non l’inverse : un environnement « fun » (pour 25 % d’entre eux,
70 BNP Paribas et The Boson Project. « La Grande Invazion : la Génération Z et sa vision de l’entreprise », (janvier
2015).
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c’est un critère pour choisir son job), car le travail doit rimer avec plaisir ; un manager qui doit
savoir faire confiance (67 % considèrent que c’est une qualité importante) et être à l’écoute
(62 %) ; des tâches variées, des défis au quotidien et de la mobilité pour ne pas s’ennuyer ; etc.
L’entreprise et les communicants ont du travail ! Quand on interroge les membres de la
« Génération Z » sur ce qu’ils pensent de l’entreprise, le verdict est sans appel : « ils sont
extrêmement négatifs » nous informent les auteurs de cette étude. L’entreprise est « dure »,
« compliquée », « difficile », « impitoyable », « fermée » et pour certains même une « jungle ». Le
nuage de mots suivant, extrait de cette enquête, illustre parfaitement cette vision :
L’entreprise vue par la « Génération Z » (enquête « La Grande InvaZion » BNP Paribas et the Boson Project)
_______________
Pour terminer cette section sur le nouveau visage des collaborateurs, nous aimerions rappeler les
constats que nous avons faits :
Le collaborateur est devenu un récepteur-consommateur informé et exigeant qui amène les
communicants à partager une information plus authentique, plus humaine, plus adaptée,
plus simple, plus accessible, etc. Plus qu’un émetteur, le collaborateur est devenu un
véritable média. Une « conversation digitale »71 s’installe au sein de l’organisation qui permet
aux communicants de mieux connaître le public interne et pouvoir répondre ainsi à ses attentes.
Une opportunité aussi pour ces communicants de voir évoluer leur rôle vers plus de
conseil, d’accompagnement des salariés, tout en construisant un environnement interne
favorisant cette « conversation digitale » et le cadre nécessaire pour qu’elle puisse
s’étendre en dehors des frontières de l’entreprise sans problème.
Enfin, les collaborateurs présents aujourd’hui dans l’entreprise sont issus de 4
générations différentes. Des générations qu’il faut connaître sans pour autant généraliser et
classer leurs aptitudes face au numérique. L’importance est surtout d’avoir une vision claire
71 Terme utilisé par Emmanuel Frizon de Lamotte, responsable Innovation Participative et réseau social AXA France,
lors d’un entretien que nous avons eu.
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des forces qui composent l’organisation et de pouvoir donner à chacun la possibilité de
participer à ces nouvelles approches collaboratives.
Un vrai défi pour des communicants internes dont nous avons voulu comprendre les missions
aujourd’hui face à ces changements.
2.3 Le communicant interne « multifonctions »
En première partie, nous montrions que la communication en entreprise, après de nombreuses
transformations, se trouvait dans une phase de questionnement sur son rôle. Un questionnement
d’autant plus justifié à une époque où le collaboratif, nous l’avons vu, bouleverse les modes de
communication et où le collaborateur n’est plus un récepteur naïf, mais un émetteur exigeant
devenu un média à part entière, comme nous venons de le présenter.
Nos différentes recherches et les entretiens que nous avons eus avec des professionnels de
communication nous amènent à penser que la communication en entreprise est, plus que
jamais, essentielle. Comme l’explique E.Rencker72, « les salariés sont ballotés au cœur de
crises multiples » : « une crise politique » (« en 2006, 75 % des Français se méfiaient des élus, il
n’était que 55 % en 1985 ») ; une « crise médiatique » (« Près de 50 % des Français se disent
désormais méfiants vis-à-vis des médias ») ; « crise sociale » (questions sur les retraites, le
chômage). « D’où la tentation », selon l’auteur, « de reporter sur l’entreprise des attentes plus
"idéologiques", car elle est souvent le seul lien (et lieu) de référence et de reproduction, en
miniature, d’un contrat social qui, malgré de nombreux défauts, fonctionne. Un contrat qui rend la
communication interne essentielle ».73
Un rôle clé également face à la surabondance d’informations, dont nous avons parlée dans
la première partie, et qui pose un problème aussi aux organisations. O.Cimelière74, l’auteur du
site « le Blog du Communicant » explique « que le risque d’avoir une communication éparse,
voire incohérente, est plus grand qu’il ne l’a jamais été auparavant. Heureusement, l’idée que la
communication bien réfléchie en amont et exécutée en aval peut être génératrice de valeur pour
l’entreprise ou l’institution commence petit à petit à faire son chemin ».
Nous avons donc voulu comprendre les impacts de ce contexte sur le rôle du communicant en
entreprise, sur son métier. Étonnamment, nous avons constaté que le métier lui-même n’a
pas forcément changé. En effet, quand nous reprenons les missions que proposait déjà le
72Rencker, Edouard. Le nouveau visage de la com’ interne. Eyrolles. Ressources Humaines, 2007. 73 Des attentes qui peuvent paraître contradictoires, remarque l’auteur, quand on connaît le taux de désengagement
des salariés. 74 Cimelière, Olivier. « Dircoms, l’heure est venue de se réinventer … ou de disparaître à terme ! » Le blog du
Communicant, juillet 20015.
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référentiel de l’Afci en 2005 (référentiel dont nous avons parlé dans la première partie (p.17),
nous nous rendons compte qu’elles sont toujours d’actualité :
Les missions du Responsable Communication Interne selon le référentiel Afci publié en 200575
« Ce qui change, ce n’est tant pas le métier que nous faisons, mais c’est la manière dont
nous le faisons » constate Caroline Guillaumin, directrice de la communication du Groupe
Société Générale, que nous avons rencontrée.
Nous allons donc étudier ces évolutions, en nous inspirant d’un article de L.Sabbah « Et si le
Dalaï-lama, Spielberg, Bourdieu venaient nous aider ? »76, dans lequel il explique que le
communicant d’aujourd’hui est amené à « jouer, tour à tour, le rôle d’André Malraux (« Ministre
de la culture d’entreprise », « garant de la culture d’entreprise »), de Steven Spielberg (« Metteur
en scène », qui « transforme une information en récit »), du Dalaï-lama (« Moine Boudhiste »,
« professionnel en résonance affective ») de Pierre Bourdieu (« Sociologue », « capable de
jongler avec différents enjeux sociétaux ») et de Didier Deschamps (« Coach » qui accompagne
le changement) ». Nous reprendrons certaines de ces « fonctions » que nous complèterons par
d’autres, tout en nous appuyant sur le référentiel de l’Afci.
2.3.1 Un communicant avant tout…
Ne l’oublions pas, un communicant en entreprise est un avant tout… un communicant.
Comme nous le rappelait Philippe Charton, directeur du projet Services Collaboratifs et
Communications Unifiées d’EDF (ancien directeur adjoint de la Communication d’EDF),
« fondamentalement le communicant est une personne qui trouve des sources, qui les recoupe,
75 Afci. « Le référentiel Afci d’activités et de compétences du responsable communication interne ». 2005 76 Sabbah, Laurent. « Et si le Dalaï-lama, Spielberg, Bourdieu venaient nous aider ? » Les cahiers de la
communication interne, no 34 (juin 2014).
MissionsduR.C.I
Managersonéquipe etpiloterlafonction
Élaboreretfairecirculerl’information
Écouteretcomprendrelecorpssocial
Développerladynamiquecollective
Conseiller lemanagement
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qui les vérifie, qui après crée du contenu, les valide, trouve des moyens de les diffuser et gère
des audiences ».
C’est la mission « Élaborer et faire circuler de l’information » du référentiel Afci. À ce titre, le
communicant définit une stratégie de communication, une ligne éditoriale, etc., et « pilote la
réalisation du dispositif d’information » au sein de l’organisation.
En tant que communicant il va également « conseiller le management » : notamment en
« amenant les dirigeants à intégrer la dimension communication dans leurs décisions
stratégiques », en accompagnant les managers dans la communication de leurs projets (nous
verrons un peu après que cette mission a évolué) et en participant au dispositif de crise de
l’entreprise.
Enfin, il doit « manager son équipe et piloter la fonction » de communication interne tout en
« animant un réseau de communicants » et en « veillant aux évolutions des pratiques de
communication ».
Bien qu’importantes, ces missions aujourd’hui ne suffisent plus. Le communicant se doit
d’être « multifonctions ».
2.3.2 Un « chef d’orchestre »
Quand nous avons interrogé des professionnels de la communication interne sur la manière dont
ils percevaient leur rôle aujourd’hui, la notion de « chef d’orchestre » a été fréquemment citée
et souvent en premier. Notion que l’on retrouve aussi dans l’enquête qualitative menée par le
cabinet Inergie et l’Afci77, « Le communicant est homme-orchestre (souvent une femme), à la fois
dans l’empathie et dans la décision, dans l’action et dans la réflexion, dans le dialogue et dans
l’écriture ».
Un « chef d’orchestre » qui face à l’accélération du temps, dont nous avons parlée dans la
première partie, doit donner la cadence, le tempo (« nous sommes passés d’une publication
mensuelle ou trimestrielle à une publication en temps réel, tout s’accélère ! » nous confiait une
chargée de communication dans une grande entreprise).
Un « chef d’orchestre », qui face à la multiplicité des émetteurs (« le contenu vient de
partout »), doit avoir une vision globale pour assurer une cohérence de l’ensemble tant
interne (« Ces évolutions nous poussent aussi à être les chefs d’orchestre d’une communication
latérale », souligne C.Donjean, responsable de l’Abci, l’équivalent belge de l’Afci78),
qu’interne/externe : « dans une logique de cohérence et de complémentarité, de plus en plus
77 Inergie, Afci « Étude qualitative sur l’identité professionnelle du communicant interne menée par le cabinet Inergie
et l’Afci ». Afci, Juin 2013. 78 Brulois, Vincent et Philippe Robert-Tanguy. Ibidem.
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d’entreprises mutualisent leur programmation de contenus externes et internes », constate Cécile
Leprince, directrice conseil chez Publicis Consultant Verbe.
Philippe Charton, lorsqu’il était directeur adjoint de la communication d’EDF et en charge de
« l’éditorial digital », avait ainsi mis en place une « conférence de rédaction » hebdomadaire, où
l’ensemble des sujets remontés par ses équipes était croisé avec les évènements structurants
pour le Groupe des deux semaines à venir (évènements internes et externes). La programmation
des contenus permettait alors de mixer l’ensemble des sources, de choisir les canaux les plus
adaptés, qu’ils soient internes, externes ou les deux, garantissant ainsi la cohérence des
informations circulant au sein et en dehors de l’organisation. « Le produit fini de la
communication c’est la confiance », nous a-t-il expliqué, « cette confiance se construit sur les
mesures d’écarts que peuvent faire les collaborateurs entre ce que leur dit l’entreprise, ce qu’ils
vivent au quotidien et ce qui est publié en externe ».
Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, le collaboratif a fait évoluer le mode de
circulation de l’information. Désormais, les collaborateurs partagent, relayent des contenus :
l’information se propage. Philippe Charton y voit un changement majeur dans le métier du
communicant : « jusqu’à présent, nous contrôlions la diffusion de l’information, une information
que nous diffusions à des cibles par l’intermédiaire de relais. Aujourd’hui, on ne parle plus de
diffusion, mais de propagation. Vous émettez un contenu, s’il est intéressant, il se propage
d’individu en individu ». Une propagation que doit donc orchestrer le communicant. Non pas
pour contrôler sa circulation, mais pour préparer au mieux un contenu en amont et favoriser
ainsi sa propagation. Le communicant est ainsi amené à structurer l’information
disponible et faciliter son accès aux salariés. Comme le constate Sarah-Pearl Bokobza,
directrice de la communication interne d’Atos « aujourd’hui c’est le collaborateur qui vient
chercher l’information. Il doit donc savoir où elle est et la trouver facilement ». Le communicant
doit aussi s’assurer que le contenu qu’il émet soit suffisamment intéressant pour être
propagé. « Le “je suis informé donc je suis” ne suffit pas. Chacun aspire à être reconnu comme
une personne, avec ses potentialités propres, et accepte de moins en moins d’être traité comme
un numéro » souligne E.Rencker79. Le communicant se met alors à l’écoute de
l’organisation, des individus qui la composent pour mieux les connaître et ainsi mieux les
comprendre.
79 Rencker, Edouard. « La Communication Interne à l’heure du Blog ». L’Expansion Management Review, no 129
(février 2008).
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2.3.3 Un « sociologue »
Une des missions que propose le référentiel de l’Afci est justement « d’écouter et comprendre
le corps social », notamment à travers deux axes : une « écoute formelle » (enquêtes,
questionnaires, baromètres, etc.) et une « écoute informelle » qui consiste à comprendre la
réalité de l’entreprise.
« Un besoin de compréhension qui n’a jamais été aussi fort », constatent V.Brulois &
J-M.Charpentier80, suite à des entretiens qu’ils ont réalisés auprès de professionnels de la
communication interne. Face à la complexité croissante des organisations, les différentes crises
et incertitudes que peuvent vivre les salariés, ces communicants se retrouvent devant des
situations que seules leurs compétences communicationnelles ne peuvent décoder.
« L’entreprise est un système social vivant »81, qui nécessite des « capacités analytiques
jusqu’à alors sous-estimées, mais seules susceptibles de capter des éléments de connaissance
du corps social, de les analyser et de les utiliser pour agir. Ces dernières puisent à la source des
sciences sociales… des sciences sociales considérées comme "des clés de compréhension
de phénomènes qu’on ne peut pas comprendre autrement" » expliquent les auteurs.
Des compétences de « sociologue » pour reprendre le terme de L.Sabbah et qui permet au
communicant d’entreprise « d’explorer la dynamique entre le "je", le "nous" et le "ils" ; entre
l’organisation et ses environnements, mais aussi entre l’individu et le collectif ».
Avoir une vision systémique de l’organisation, comprendre les sous-groupes sociaux qui la
composent, comprendre les échanges sociaux qui animent les individus (comme nous l’avons vu
dans la partie sur le collaboratif), mieux connaître ces individus, leurs besoins
fondamentaux, dont nous avons parlés précédemment, leurs attentes (notamment liées à leurs
générations)… autant d’atouts pour les professionnels de la communication en entreprise, aussi
bien pour communiquer efficacement que pour faciliter une dynamique collective.82
« Les apports de la sociologie sont importants pour l’analyse des acteurs, pour mettre en œuvre
des solutions plus appropriées, pouvoir aborder la question de la reconnaissance, mieux
comprendre les rouages, les coopérations», témoigne l’un d’entre eux, dans « l’étude qualitative
sur l’identité professionnelle du communicant interne » (Inergie-Afci) que nous avons déjà citée.
80 Brulois, Vincent, et Jean-Marie Charpentier. « Communication en entreprise et sciences sociales : un
rapprochement nécessaire ». Les cahiers de la communication interne, décembre 2010. 81 Si les éléments cités dans ce paragraphe proviennent de l’article ci-dessus, cette citation est tirée du livre
« Refonder la communication en entreprise » des mêmes auteurs 82 Il peut aussi se faire aider par des professionnels de la sociologie d’entreprise, qui vont pouvoir fournir un
diagnostic sociologique pour comprendre finement le fonctionnement d’une organisation et aider à débloquer certaines situations. Il pourra également, quand ces pratiques seront plus répandues en entreprise, s’appuyer sur des technologies de type Big Data appliquées à la masse d’informations circulant dans l’organisation.
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2.3.4 Un « ministre de la culture d’entreprise »
Autre mission que précisait déjà le référentiel Afci, en 2005 : « Développer la dynamique
collective » notamment en « faisant vivre et évoluer la culture interne ». Une mission plus que jamais nécessaire. Nous l’avons dit, près de 80 % des salariés dans le
monde ne se sentent pas engagés.83 Comment « réengager » ces collaborateurs souvent
désorientés face à un mouvement et un changement permanent ? Comme le souligne Cécile
Leprince, directrice conseil chez Publicis Consultant Verbe, « la motivation première du
collaborateur n’est plus la rémunération, mais bien ce qu’il fait dans l’entreprise, la façon dont il le
fait, l’interaction qu’il peut avoir avec les autres. Il veut comprendre à quoi il sert ». Une attente
encore plus forte auprès de la Génération Z, comme évoqué précédemment.
C.Lachnitt explique, dans son livre « Donner du sens, il vous rendra »84, que les collaborateurs
d’une entreprise sont animés par deux types de motivations : « une motivation intrinsèque
(l’adhésion à un projet, l’amour de son activité, la stimulation intellectuelle, …) et une motivation
extrinsèque (la recherche de récompense financière, l’évitement d’une sanction…) » qui
impactent différemment l’engagement des salariés. Il précise, en effet, « que les individus animés
d’une motivation intrinsèque et extrinsèque sont moins investis et performants que ceux qui ne
sont mus que par une motivation intrinsèque ». Il cite, à ce titre, deux études85 qui montrent que
« les entreprises dont les collaborateurs comprennent et adhèrent à la mission, aux
valeurs et objectifs, bénéficient d’une rentabilité supérieure de 29 % en moyenne à celle
des autres et les personnes qui trouvent du sens dans leur travail sont 1,7 plus heureuses et s’y
investissent 1,4 fois davantage que les autres ».
« Or le sens est le plus fort vecteur de motivation intrinsèque. Il représente de ce fait la
ressource ultime pour maximiser l’épanouissement et l’investissement des individus dans
leur travail ».
Une notion de « sens », à la fois pour donner « le sens », la direction (répondre à la question
« où allons-nous ? »), mais aussi donner « un sens », une explication (répondre à la question
« pourquoi nous le faisons ? »).
Une notion qui est souvent revenue dans les rencontres et les recherches que nous avons faites :
« Communiquer c’est mobiliser des gens autour d’un projet, d’une vision » nous disait
Anthony Poncier. Marie-Gaëlle Michelin nous expliquait que « la communication interne a pour
83 Gallup. Ibidem 84 Lachnitt, Christophe. Donnez du sens, il vous le rendra : La pertinence du management et de la communication à
l’ère de Twitter, de Snapchat et de la génération Z. Paris: Books on Demand, 2015. 85 L’étude “Connecting Organizational Communication To Financial Performance – 2003/ 2004 Communication ROI
Study“, Watson Wyatt Worldwide, 2004 et la recherche de « The Energy Project » & « The Harvard Business Review » publiée en juin 2013.
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mission de donner un sens commun qui permet à chacun de se sentir utile dans sa
contribution à une œuvre commune, et se sentir connecté, aligné aux autres, utile et
ensemble ». Vincent Schiltz responsable de la Communication Financière du Groupe constate
que « finalement le "business", les chiffres, les collaborateurs peuvent les trouver ailleurs. Ce que
les gens ne connaissent pas c’est ce que pense le DG, sa vision. C’est d’autant plus dur
quand on est dans l’opérationnel, loin du "siège" ».
« Il faut aujourd’hui répondre à l’inconfort des salariés, leur dire dans quel sens on va et
quel est le projet de l’entreprise », témoigne G.Aper, directeur adjoint de la communication de
JCDecaux et président de l’Afci86.
« Coopérer, c’est opérer ensemble, agir ensemble, travailler conjointement, et cet agir ensemble
ne peut se consolider, en entreprise, que si l’on partage des enjeux communs » rappelle le
sociologue P.Zarifian.87 Il rajoute dans un autre article88 : « C’est parce que nous nous fixons
sur le même horizon et nous projetons dans la même anticipation des actions qui vont être
engagées, que nous pouvons réellement coopérer ».
« Il ne suffit pas de diffuser de l’information. Il faut que les objectifs soient partagés. Les
salariés ne sont pas des récepteurs d’informations dépourvus de pensée autonome. Leur
adhésion est nécessaire : la communication n’est pas ce qui est dit, mais ce qui est mis en
commun ».89
Nous le voyons le rôle du communicant est clé pour répondre à ce besoin de sens. Il peut
alors s’appuyer sur la plateforme de marque, pour revenir au projet d’entreprise et susciter à
nouveau l’engagement des collaborateurs. La plateforme de marque est ce qui définit son
identité, la différencie des autres. Bien qu’il n’existe pas de modèle unique, elle repose
généralement sur les principes suivants :
86 Brulois,Vincent et Philippe Robert-Tanguy. Ibidem 87 Zarifian, Philippe. « La communication dans le travail ». Communication & Organisation, no 38 (mars 2010). 88 Zarifian, Philippe. « Les conditions de l’intercompréhension ». Les cahiers de la communication interne, nᵒ 36 (Juin
2015). 89 Extrait d’un manuel de management de J.F Soutenain, cité par Nicolas Kaciaf, Jean-Baptiste Legavre.
« Communication, organisation, changement : associer pour mieux comprendre ». L’Harmattan, 2011.
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Les grands principes de la plateforme de marque90
Bruno Paillet nous expliquait l’importance de cet outil : « la plateforme de marque est
essentielle. C’est un fondamental qu’il faut absolument travailler avant d’aller dans la
stratégie de moyens, sinon le reste ne suit pas. Les opérations de communication interne ne sont
intéressantes que si on a du sens ».
C’est à ce niveau que le communicant interne devient le « ministre de la
culture d’entreprise », comme le souligne L.Sabbah, « c’est le premier de ses métiers. En
étant le gardien du temple de la culture, il consolide l’univers de la marque corporate, de la
marque commerciale et de la marque employeur auprès des publics internes. Il enrichit le sens
et les points de repère des collaborateurs. Il leur permet d’être les porteurs d’une identité
clairement marquée. Il leur permet aussi de développer une fierté d’appartenance à une
histoire singulière. Dans des environnements croulant sous une multitude d’informations de
toutes sortes, c’est un atout important pour la marque de pouvoir se distinguer et exister. La
culture est le fondement de la marque ».
À condition que la plateforme de marque soit construite avec sincérité, en cohérence avec
l’histoire de l’entreprise et avec la réalité du terrain que vivent les salariés au quotidien. Il
ne faut pas retomber dans l’outil de communication superficiel, simplement basé sur l’image
comme ce fut le cas dans les années 90, où les valeurs ont finalement été perçues comme « de
la philo-pipo » remarque E.Rencker. « Les valeurs internes doivent faire sens et trouver une
résonance réelle auprès des salariés sous peine d’incompréhension de rejet et donc d’échec.
La communication interne doit donner du corps aux valeurs et montrer en quoi celles-ci
participent à la stratégie de l’entreprise ».91 Véhiculer la culture d’entreprise, c’est aussi
véhiculer ce qu’il s’y passe. Pouvoir illustrer concrètement comment la stratégie est applicable
et appliquée localement, les difficultés que certains peuvent rencontrer à le faire, les astuces des
90 D’autres éléments peuvent compléter cette plateforme de marque : le positionnement, le slogan, le style, etc.
Schéma construit à partir des sources suivantes : http://www.cheeeeese.com/fr/brandbook-et-plateforme-de-marque, http://www.economie.gouv.fr/apie/marques-strategie 91 Rencker, Edouard. Le nouveau visage de la com’ interne. Eyrolles. Ressources Humaines, 2007.
Promesse:engagementdelamarqueauprèsdesespublics
publicsauxquelslamarques’adresseetpourquiellemetenœuvresamission
Mission:raisond’êtredel’entrepriseoudelamarque
projectiondelamissiondansl’avenirsouslaformed’ambitions etd’objectifs
grandsprincipesquiguident l’organisationetfondentsaculture.
Lamarque
Vision:
Valeurs:
Cibles:
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autres et répondre ainsi au besoin de proximité que recherchent les collaborateurs dans
les communications qui circulent dans l’organisation. Le communicant devient alors
« metteur en scène » « d’un fil narratif », explique L.Sabbah, en construisant « la grande Histoire
de l’entreprise » à partir d’une « succession de petites histoires individuelles ou collectives », une
mission qui « nécessite une maîtrise des techniques de storytelling, une capacité à transformer
une information en récit », « un récit fédérateur » « dans lequel chacun peut s’inscrire, se
retrouver, s’identifier et se projeter ».
Pour faire vivre cette culture d’entreprise, engager réellement les individus, nous le
voyons, transmettre de l’information ne suffit plus. Jean-Marie Charpentier nous expliquait
qu’« aujourd’hui il faut toujours transmettre, bien sûr cette dimension de transmission est
importante, mais elle est insuffisante, parce qu’au sein des entreprises, dans le contexte de
transformation que nous vivons et qui s’accélère avec le numérique, il y a besoin de faire lien,
d’établir des relations, de faire société. Le rôle du communicant est donc moins de relayer
que de relier ».
2.3.5 Un « responsable des relations internes »
« Faire société » disait G.Simmel, « l’être humain est un être sociable, qui a besoin de
sociabilité ».92 « La capacité d’une société ou d’une organisation est déterminée par sa richesse
et sa surabondance n’ont pas matérielles, mais relationnelles et institutionnelles », constatent
M.Crozier et F.Friedberg, dans leur livre « L’acteur et le système »93.
Or nous l’avons vu, non seulement les salariés se sentent désengagés, mais un sentiment de
défiance s’est installé dans l’organisation. En ne communiquant que sur l’image (le plus souvent
en décalage avec la réalité du terrain), en « aseptisant » les messages (le fameux message
« corporate » : vérifié, validé, mais vide de sens), l’entreprise a « déshumanisé » les
échanges, a déconnecté les dirigeants des collaborateurs, éloigné les métiers les uns des
autres.
Pour « développer la dynamique collective », le communicant en entreprise va donc devoir
« relier » les individus, les reconnecter. Plus encore, Vincent Brulois nous disait que le
communicant doit être finalement le « responsable des relations internes » qui reconnecte
le « haut et le bas de l’organisation, mais aussi de manière transversale les équipes entre
elles, les collaborateurs entre eux ». Il doit créer, là aussi, de la proximité.
Une compétence que relève « l’enquête qualitative sur « l’identité professionnelle du
Communicant Interne », précédemment citée : « une aptitude générale à entrer en relation avec
92 Simmel, Georg. « « La sociabilité. Exemple de sociologie pure et formale » (chap.3) ». In Sociologie et
épistémologie. PUF, 1981. 93 Crozier, Michel & Friedberg, Erhard. L’acteur et le système : Les contraintes de l’action collective. Points, 1977
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les autres pour être à l’écoute, favoriser le dialogue, capter l’information, développer la relation
(faire preuve d’empathie, d’humilité, de curiosité et d’une grande capacité d’adaptation) ».
C’est ainsi que le communicant va mettre en place des espaces d’échanges et de dialogue
pour relier les personnes. Des espaces qui, nous l’avons vu quand nous avons abordé le
collaboratif, sont la force d’une organisation. D’une part parce qu’ils vont favoriser le sentiment
d’exister et d’autre part parce qu’ils vont permettre le partage des émotions qui au-delà d’amener
plus de rationalité dans l’entreprise « représente un puissant vecteur d’intégration sociale »94.
(Des émotions qui, selon L.Sabbah, « n’ont pas bonne presse en entreprise, parce qu’elles ne
sont pas mesurables et parce qu’on considère qu’elles sont de l’ordre de l’intime. Pourtant, nous
ne sommes pas seulement des êtres de raison ! On sait que les émotions négatives génèrent des
tensions dans un groupe et que les émotions positives rassemblent, ressoudent et créent de la
solidarité. Elles sont un formidable levier de collaboration et de créativité, donc de
performance »).
Une fois de plus, il ne s’agit pas d’instaurer un dialogue « superficiel » pour donner l’image
d’une entreprise « ouverte et à l’écoute », ou de se contenter d’un dialogue « stérile » où les
problèmes ne sont jamais abordés, déconnecté de la réalité de l’entreprise. Ce type d’échange
renforce la frustration des collaborateurs et agrandit la distance qui les sépare des dirigeants. Le
communicant a ici un rôle déterminant pour installer un vrai dialogue, un débat, où toutes
les idées et les opinions circulent, pour autant qu’elles restent constructives et
respectueuses. Nous revenons au principe de réflexivité qui fait que l’ensemble de ces
échanges doit refléter ce qu’est l’organisation. « Communiquer s’est faire s’exprimer les
différentes façons d’envisager l’activité, faire apparaître les points d’accord et de désaccord,
rendre possible l’arbitrage »95. Le communicant ne doit pas avoir peur de la critique, il doit
même démontrer aux dirigeants et aux managers à quel point elle est fondamentale pour
l’évolution de l’entreprise. C’est justement parce qu’il y a contradiction dans les débats qu’ils
vont plus loin et qu’ils font grandir. « S’expliquer et pas seulement expliquer » concluent
V.Brulois et J-M.Charpentier96.
Pour animer ces relations, « organiser le débat » (pour rependre les termes du référentiel Afci)
et proposer des espaces de dialogue, les communicants peuvent s’appuyer sur deux leviers
essentiels :
• Les outils collaboratifs, et les approches collaboratives qui y sont associées qui vont
permettre aux individus de l’entreprise de se connecter les uns les autres, de se relier, 94 Norbert Alter. ibidem 95 Brulois, Vincent, et Jean-Marie Charpentier. « Communication en entreprise et sciences sociales : un
rapprochement nécessaire ». Les cahiers de la communication interne, Décembre 2010. 96 Brulois, Vincent, et Jean-Marie Charpentier. Refonder la communication en entreprise. Ibidem.
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nous l’avons vu, en abolissant les frontières de régions, de métiers, de hiérarchies. Ces
solutions offrent différents types d’échange, comme l’illustre le schéma suivant :
Les différents types d’échanges proposés par les outils collaboratifs97
• Les rencontres « physiques » : lorsque nous avons abordé « le collaboratif », nous
avons évoqué l’importance de la rencontre « réelle », plus efficace dans le partage des
émotions que les nouveaux canaux de communication digitaux. Denis Marquet, directeur
de la Communication du Groupe Crédit Agricole, va plus loin. « Le collaboratif sans la
rencontre s’essouffle. Le digital permet de créer le lien et de le maintenir, la
rencontre de mieux se connaître. Pour moi, le communicant est un facilitateur de
rencontres, car les personnes qui se connaissent vont mieux travailler ensemble,
des synergies vont pouvoir s’établir ». C’est ainsi que Denis Marquet et ses équipes
rythment l’année d’évènements officiels (séminaires, conférences à thèmes, etc.), de
célébrations (« Fête de la musique », « Fête des voisins », etc.). Des rencontres
auxquelles participent tous les niveaux de l’organisation (le directeur général, en invité
surprise, a joué un morceau de guitare électrique lors de la « Fête de la musique » !). « Le
digital va alors nous permettre de préparer ces évènements (appels à volontaires, choix
de certains sujets ou de chansons pour la "Fête de la musique" par exemple, etc.), de
réagir pendant l’évènement (une vraie "frénésie" en voyant le DG monter sur scène) et de
continuer la dynamique après l’évènement (échanges, retours, etc.) ». D.Marquet souligne
la nécessité par ces rencontres de rapprocher également les dirigeants des
collaborateurs. « Par exemple, en plus des petits-déjeuners réguliers avec les équipes,
notre DG a serré la main de l’ensemble des 3 500 collaborateurs du site de Montrouge !
Quelques minutes passées avec chacun, quelques échanges autour d’une ou deux
questions. Les retours que nous avons sont extraordinaires ! L’objectif d’ici deux ans est
d’avoir couvert l’ensemble du Groupe ».
En permettant aux individus de se connecter, d’échanger, de se relier, des communautés vont
ainsi émerger, partager de l’information, se croiser et modifier profondément les échanges dans
l’entreprise. Comme le rappelle E.Rencker : « les salariés, organisés en communautés affectives
97http://www.mediassociaux.fr/2011/02/06/description-des-differents-types-de-medias-sociaux/
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(par métiers, par sites, par affinités, etc.), vont tisser des liens qui feront voler en éclats les
systèmes tant hiérarchiques que matriciels ». Un changement de plus, parmi tant d’autres,
que le communicant va devoir accompagner.
2.3.6 Un « coach du changement »
Nous l’avons vu à plusieurs reprises, le numérique et le collaboratif transforment les
organisations leurs modes de fonctionnement. L’entreprise est en perpétuel mouvement, ce
qui impacte fortement le rôle du communicant. Bruno Paillet, constate, à ce titre, « qu’il existe une
confusion entre informer et communiquer. Informer, c’est mettre à disposition des données.
Communiquer, c’est créer des conditions qui vont changer les perceptions et les
comportements. Le communicant doit devenir un acteur de la transformation de
l’entreprise ». Marie-Gaëlle Michelin confirme cette tendance : « le métier du communicant a
évolué. Autrefois, il était un journaliste, un organisateur de l’information. Aujourd’hui il doit être
une locomotive, un provocateur de changement pour faire grandir une culture d’entreprise
vers l’orientation stratégique qui est donnée par la direction générale ».
C’est ainsi que le communicant devient un « coach » comme le souligne L.Sabbah « pour
accompagner à tous les niveaux de l’entreprise ces transformations et apporter des premières
réponses. Le travail pédagogique du coach et la valeur de ses conseils sont d’autant plus
nécessaires que le digital interpelle l’organisation sur ses modes de fonctionnement et ses
dysfonctionnements. Il les amplifie et les rend donc plus visibles ».
Un coach que nous avons appelé « coach du changement » et qui va donc aider les salariés à
comprendre les enjeux de ces transformations pour l’entreprise, l’impact sur son activité, l’impact
sur leurs activités au quotidien, etc. Un coach qui doit agir avec pédagogie pour véhiculer un
message adapté aux réalités du terrain et compréhensible par tous (« Ce que nous avons
communiqué, c’est ce que l’autre a compris »98). Comme nous faisait remarquer Laurent Sabbah,
« les messages concernant la stratégie, son évolution, doivent être à portée humaine, si c’est trop
conceptuel, ça n’embarque pas ».
Un coach qui va accompagner également les managers et les collaborateurs dans les
nouveaux modes de communication qu’amènent le digital et le collaboratif.
Au niveau des managers, jusqu’à présent, la communication s’appuyait sur ces derniers pour
« cascader » l’information. À ce titre, le manager de proximité était le dernier relai « officiel » de
communication avant que l’information arrive au collaborateur. Les outils collaboratifs apportent
aujourd’hui de nouveaux moyens de communication qui permettent de toucher directement les
collaborateurs sans avoir forcément à passer par leur hiérarchie. Nous voyons dans ce
changement, deux conséquences importantes :
98 B.Paillet, cité par Edouard Rencker dans son livre « Le nouveau visage de la com’ interne ». Ibidem
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• Sur le rôle du manager, qui croit perdre une partie de son pouvoir : le pouvoir de
l’information. « Ils pensent que communiquer, donner de l’information, c’est se mettre en
danger. On est encore dans une culture où information égale pouvoir », témoigne un
professionnel de la communication dans l’enquête Afci. Nous voyons surtout un
changement de paradigme : Christophe Lachnitt nous expliquait « le manager qui aura
plus de succès à l’avenir, ne sera plus celui qui construit son empire, son silo et son petit
pouvoir, mais celui, au contraire qui sera un carrefour et un vecteur de partage des
informations, car ça sera celui vers lequel tout monde se tournera naturellement à la fois
pour obtenir des informations, mais surtout pour les décrypter ». C’est au communicant
de lui expliquer ce nouveau rôle, de lui donner les clés et les bénéfices d’une
information partagée. C.Donjean, de l’Abci, estime « qu’iI faut vraiment un lâcher-prise des
managers. Il faut des leaders qui puissent faire émerger les talents de leur équipe ».99Une
attente forte d’ailleurs de la part des générations qui arrivent. Le communicant devra travailler
les RH pour faire évoluer les missions du manager dans ce sens.
• Sur la communication managériale, qui doit évoluer. Édouard Rencker, lors de
l’entretien que nous avons eu avec lui, soulignait que « la communication managériale,
qui se contente d’imposer une fonction communication à des managers qui ne l’ont pas
choisie, de leur envoyer des kits de communication, ne peut pas fonctionner. Cela amène
à des situations désastreuses, auxquelles j’ai pu assister, où le manager sur un ton
monocorde et sans aucune conviction, fait défiler la présentation qu’il a reçue... ». Il faut
donc passer de la « com’ managériale » à de la « relation managériale » où la
communication vient en appui aux RHs pour accompagner les managers, les relier
les uns autres, les animer, les écouter, les former à ces nouveaux modes de
communication.
Au niveau des collaborateurs, l’accompagnement va se faire sur la prise la parole. Une
prise de parole qui n’est pas forcément évidente au sein d’une organisation. tant pour les plus
jeunes générations habituées à tout partager et qui auront besoin d’être guidées vis-à-vis à
des règles en vigueur dans l’entreprise, que pour les populations mal à l’aise face à l’usage
des outils collaboratifs ou moins habituées à s’exprimer dans des espaces de dialogue
ouverts et qu’il va falloir former. Comme le témoigne L.Sabbah « privilégier l’horizontalité du
Web à la verticalité de l’entrepris : ce n’était pas gagné ! Il a fallu faire de la pédagogie active
pour expliquer que désormais chaque collaborateur pouvait être un «média » en soi à travers sa
production éditoriale mise à la disposition de tous ». Nous verrons plus tard que le
communicant peut s’appuyer, dans cette démarche, sur les différents collaborateurs, en 99 Vincent Brulois, et Philippe Robert-Tanguy. Ibidem
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mettant œuvre leurs connaissances respectives pour se former les uns les autres. Il est
intéressant de noter la règle du « 90.9.1 » de J.Nielsen100 pour décrire le niveau de participation
dans les médias sociaux ou les communautés en ligne et qui s’applique également au sein de
l’organisation : 90 % des personnes observent, 9 % des personnes réagissent, 1 % des
personnes crée du contenu. Aux communicants donc d’amener les salariés à faire évoluer cette
tendance. De manière générale, dans le contexte de transition numérique, il faut aussi
s’assurer d’un niveau d’acculturation digitale le plus homogène possible dans
l’organisation. Cette dernière « digitalise » ces processus amenant à des nouveaux usages
numériques que chacun doit pouvoir s’approprier.
Enfin, c’est aussi accompagner les collaborateurs dans leurs prises de parole externes sur
les réseaux sociaux, en s’assurant qu’ils aient les éléments de langage suffisants et les
formant aux bons usages. Comme l’explique L.Sabbah : « l’utilisation par les collaborateurs des
réseaux sociaux nécessite également un accompagnement. Quelle est la responsabilité de
chacun vis-à-vis de son entreprise ? Peut-on tout dire ? Où s’arrêtent les frontières de la
confidentialité et celles de la liberté ? Le champ des interrogations est vaste »
« La communication devient un centre d’expertise qui accompagne l’ensemble des parties
prenantes dans cette transformation en les soutenant et les aidant à s’organiser et en
coordonnant l’ensemble de ces apports collaboratifs pour donner du sens et soutenir la vision de
l’entreprise en interne et en externe » résument A.Poncier et S.Faure101
_______________
« Chef d’orchestre », « sociologue », « ministre de la culture d’entreprise », « responsable des
relations internes », « coach du changement » et tant d’autres missions (« metteur en scène »
« storyteller », « veilleur », etc.). E.Rencker102 organise ces missions autour de trois fonctions
principales, qu’il appelle « les fonctions primaires de la communication interne » :
• La fonction « Repères » : tous les éléments pour « mieux comprendre l’entreprise, son
organisation, sa structure, ses marchés, l’environnement... Il s’agit de donner des clés aux
salariés pour mieux appréhender ses missions ».
• La fonction « Miroir » : les actions qui permettent de montrer l’entreprise telle qu’elle est,
en adéquation avec la réalité du terrain, dans laquelle chacun se retrouve.
100 Nielsen, Jakob. « Participation Inequality: The 90-9-1 Rule for Social Features », octobre 2006. 101 Poncier, Anthony et Sébastien Faure. « Transformation digitale : effet de mode ou révolution ? ». Ibidem 102 RenckerEdouard. Le nouveau visage de la com’ interne. Eyrolles. Ressources Humaines, 2007.
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• La fonction « Boussole » : l’objectif ici est de « donner la direction, précise où doit aller
l’entreprise, en décrit les enjeux, les défis, souligner les efforts à accomplir, le chemin à
parcourir, les étapes-clés ».
Nous aimerions néanmoins rajouter une autre fonction indispensable à l’ère collaborative :
• La fonction « Connexion » : l’ensemble des actions à mettre en œuvre pour connecter
les personnes de l’entreprise, les relier et les faire « se parler », quelle que soit leur place
dans l’organisation, leur métier, leur région, etc.
Les fonctions primaires de la communication interne 103
Enfin, nous souhaiterions conclure cette section sur les communicants, par une citation de
P.Zarifian qui résume parfaitement à nos yeux les enjeux que nous venons de voir : « les apports
d’une communication réussie sont importants : apport central pour la coopération dans le travail et
donc pour l’efficience de l’entreprise ; apport pour le « faire société », pour la cohésion sociale, le
dépassement des fractures et désintégrations actuelles, la réunion autour d’enjeux d’entreprise qui
soient partagés ; apport pour produire du sens, individuel et collectif, ce qui impose de pouvoir
s’exprimer, être écouté, co-élaborer sens et valeurs de vie communs au travail ; apport pour
l’articulation entre communication interne et communication avec les clients, usagers, publics. Ce
sont des enjeux d’aujourd’hui et plus encore de demain ».104
103 Schéma adapté du concept d’E.Rencker, 104 Zarifian, Philippe. « La communication dans le travail ». ibidem
Repères Miroir Boussole Connexion
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3. Vers un modèle plus horizontal : nos recommandations pour faire évoluer la communication interne pour qu’elle s’adapte à ces nouveaux enjeux
Dans la première partie de ce mémoire, nous avons exposé comment la communication interne
s’est transformée ces trente dernières années. Une fonction aujourd’hui en pleine transition,
bouleversée par les nouveaux modes de communication qu’amènent les solutions collaboratives.
Des nouveaux enjeux, que nous avons essayé de comprendre, dans la deuxième partie, à
travers le triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant ». Cette analyse a mis en avant
la nécessité de faire évoluer les modes de fonctionnement des organisations vers plus
d’horizontalité, de mettre en place des espaces de dialogue ouverts à tous,
d’accompagner les managers et les collaborateurs dans ces changements, d’élaborer un
dispositif de communication plus authentique, plus humain, plus interactif, plus structuré,
plus simple, en résonnance avec la réalité de l’entreprise.
Nous allons proposer dans cette troisième partie des recommandations dans ce sens à travers
une approche en trois étapes :
• Passer d’un projet de communication à un projet d’entreprise: les transformations
dont nous parlons représentent des évolutions structurantes à tous les niveaux de
l’organisation et que la communication interne ne peut porter à elle seule. Tout en
impliquant la direction, elle doit pouvoir « embarquer » les autres fonctions transversales
• Préparer un environnement propice aux échanges et à la prise de parole : le modèle
pyramidal, nous l’avons vu, a façonné des comportements inadaptés à l’horizontalité des
approches collaboratives et au dialogue. Sans modifier ce modèle, l’objectif ici est de
proposer un nouvel environnement dans l’organisation favorisant les échanges et à la
prise de parole de chacun.
• Appuyer le dispositif de communication sur un modèle collaboratif : les
collaborateurs sont la richesse d’une organisation, nous proposons donc de les placer au
cœur de la stratégie de communication, tant pour « co-construire » le nouveau modèle
que pour être les ambassadeurs de la culture d’entreprise.
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3.1 Passer d’un projet de communication à un projet d’entreprise
Tendre vers un modèle plus horizontal conduit à des transformations et des changements
de comportements à tous les niveaux de l’organisation. Notamment au niveau des
managers, qui vivent un nouveau paradigme, comme évoqué précédemment et comme le
souligne F.Fréry105 : « loin du management classique décrit par Fayol (prévoir, organiser,
commander, coordonner, contrôler), ils doivent plutôt élaborer, initier, filtrer, animer et incarner la
décision collective. Historiquement décideurs, ils deviennent mentors, modérateurs ou porte-
parole ». Or aujourd’hui, la majorité des entreprises sont organisées de manière pyramidale et
restent fortement attachées à un fonctionnement hiérarchique, cloisonné qui, nous l’avons vu, ne
favorise pas les approches collaboratives. Comme, il n’est pas envisageable, à court terme, de
révolutionner le mode de fonctionnement des organisations, nous devons trouver un levier qui
puisse néanmoins faire évoluer les postures face aux nouvelles pratiques. Ce levier, c’est
l’implication des dirigeants, des dirigeants que la communication en entreprise doit
accompagner à la fois pour qu’ils donnent leur vision, la « direction », mais aussi pour les
rassurer sur les éventuelles craintes qu’ils peuvent avoir. Enfin la fonction « communication
interne », ne peut pas piloter seule cette transformation, elle doit pouvoir s’appuyer les autres
fonctions transverses.
3.1.1 Amener la direction à donner la « direction »
« Dans un modèle hiérarchique, si le patron n’est pas convaincu, il sera difficile de faire bouger
les lignes » témoignait Éric, un manager que nous avons rencontré.
L’implication des dirigeants est ainsi déterminante, des dirigeants qui par leur conviction
et leur vision doivent donner la « direction » où aller.
Marie-Gaëlle Michelin nous confiait que « notre directeur était convaincu que notre prochain
levier de croissance était l’énergie et la capacité des hommes et des femmes du groupe à faire
évoluer l’entreprise. Une telle conviction, venant de la direction générale, fut un véritable
tapis rouge pour mettre en route ce type de stratégie collaborative ». Christophe Lachnitt
nous expliquait « que l’engagement du comité exécutif, qui doit être exemplaire, est essentiel
pour faire bouger les différentes strates managériales ». Enfin, comme rappellent A.Poncier et
S.Faure, dans leur livre blanc sur la transformation digitale106 : « les projets français dont on parle
souvent ont été sponsorisés au plus haut niveau et ce sponsorship a été une des clés du succès
de l’utilisation des outils digitaux ». C’est l’occasion de donner plus de visibilité aux
dirigeants, en interne, pour qu’ils puissent exprimer leur vision : blogs vidéo, « webcast »,
« roadshow », rencontre avec les équipes, etc. Une étude Meaning/ Harris Interactive107 montre
105 Fréry, Frédéric. « Le management 2.0 ou la fin de l’entreprise ? » L’Expansion Management Review 137, no 2 (2010). 106 Anthony Poncier, et Sébastien Faure. « Transformation digitale : effet de mode ou révolution ? ». Ibidem 107 Meaning/ Harris Interactive. « Les salariés jugent la parole en entreprise », octobre 2012.
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d’ailleurs que seuls 42% des employés ont entendu leurs dirigeants prendre la parole et 66 %
préféreraient qu’il s’adressent à eux, en direct, lors de visites sur leur lieu de travail. « Les
salariés attendent la parole et de la présence sur le terrain de la part de leurs dirigeants ».108
Il ne s’agit pas pour autant d’imposer une démarche, mais d’insuffler une nouvelle
dynamique, de donner l’élan. « Je voulais que les employés tombent amoureux de la
"destination", qu’ils aient une vision du futur qui les motive au lieu de leur faire peur » témoigne
V.Nayat, auteur du best-seller « Employees first, customer second », et ex-PDG du géant de
l'informatique HCL Technologies (V.Nayat a révolutionné le fonctionnement de son entreprise en
inversant, en quatre ans, la pyramide organisationnelle et en redonnant le pouvoir aux employés).
« Le collaboratif ne se force pas, chacun doit y trouver son utilité » nous disait Bertrand Duperrin,
responsable du pôle Transformation Digitale chez Emakina France. L’implication des dirigeants a
donc pour objectif d’expliquer l’approche, de lui donner un sens (« Pourquoi on le fait »). Il est là
aussi important de ne pas rester dans le conceptuel, mais de démontrer concrètement la
nécessité du changement pour l’entreprise et répondre à la question : « Que se passe-t-il si
on ne le fait pas ? ». La communication devra alors être déclinée par entité pour donner les
éléments qui permettent à chacun de comprendre les raisons du changement, son rôle dans ces
transformations et l’intérêt qu’il a d’y contribuer. Bertrand Duperrin rajoute : « Il y a deux éléments
clés à la réussite du collaboratif dans l’entreprise : l’implication de la direction générale et un
"sentiment d’urgence" à se transformer, un sentiment qui doit être à la fois compris et partagé par
le "haut" et le "bas" de l’organisation. Si seul le "haut" a compris qu’il fallait bouger, cela ne suffit
pas et les changements ne se font pas. Si c’est le "bas" seulement, les gens partent et vont voir
ailleurs ».
Si pour certains dirigeants ce changement de cap est naturel, pour d’autres il ne l’est pas
forcément, notamment lorsqu’il subsiste des craintes quant à l’horizontalité des échanges dans
l’entreprise.
3.1.2 Lever les craintes face une prise de parole plus ouverte
Ouvrir des espaces de dialogue, donner la parole aux collaborateurs dans des organisations peu
habituées à le faire, amènent les managers et les dirigeants à émettre des craintes quant aux
risques que ces approches peuvent engendrer. Nous proposons ici de résumer dans un tableau
les différentes craintes et les « contre-arguments » que nous avons pu collecter lors de nos
recherches :
108 Brulois, Vincent, et Jean-Marie Charpentier. Refonder la communication en entreprise. Ibidem.
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CRAINTES CONTRE-ARGUMENTS OUTILS ASSOCIES
Comportement ou contenu
inapproprié (crainte d’un débordement comme il est possible d’en
trouver sur Internet)
Pour, A.McAfee, directeur de recherches au Center for Digital Business du MIT et auteur de « Enterprise 2.0 »109, ces débordements ont peu de chances d’arriver :
1. Contrairement à Internet, la prise de parole n’est pas anonyme. Chacun étant identifié, ce type de risque est extrêmement limité.
2. Comme tout fonctionnement en communauté, il existe une autorégulation entre les membres. Si un des participants ne respecte pas les règles de la communauté, il y aura toujours d’autres membres pour lui signaler.
3. Contrairement à Internet, une présence hiérarchique permet également une autorégulation ou d’intervenir en cas de problème.
Charte interne d’utilisation des
espaces de dialogue et des outils collaboratifs
Acculturation aux
usages
Community Managers
Contenu négatif (crainte d’une
remise en question du
fonctionnement de l’entreprise)
A.McAfee explique dans son livre :
1. Là aussi, le fait d’être identifié amène les personnes à être constructives et évite le dénigrement gratuit.
2. Lorsque la critique est constructive, cela représente une formidable opportunité de dialogue dans l’entreprise. Comme nous l’indiquions dans la deuxième partie, le dialogue est authentique lorsque la totalité des idées circule. Il répond à une forte attente des collaborateurs et contribue à l’attractivité de l’entreprise.
3. Opportunité pour la direction de comprendre les problèmes et de pouvoir y répondre ou y remédier.
Charte interne d’utilisation des
espaces de dialogue et des outils collaboratifs
Acculturation aux
usages
Community Managers
Écoute active des espaces de dialogue
par les fonctions RH/COM pour identifier
les signaux faibles
Perte de pouvoir du manager
(« l’information, c’est le pouvoir »)
1. Comme évoqué précédemment, il ne s’agit pas d’une perte de pouvoir, mais d’un changement de paradigme, d’un modèle « prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler » « élaborer, initier, filtrer, animer et incarner la décision collective ».
2. Le manager devient le garant de la nouvelle dynamique de l’entreprise, « un carrefour et un vecteur de partage des informations, car ça sera celui vers lequel tout monde se tournera naturellement à la fois pour obtenir des informations, mais surtout pour les décrypter » pour reprendre les mots de Christophe Lachnitt que nous avons déjà cités.
Charte des managers
Accompagnement RH (nouveau rôle,
nouvelles missions, etc.)
Accompagnement
COM (prise de parole, etc.)
Témoignages
d’entreprise où le modèle fonctionne
Manque/Perte de temps
(crainte de ne pas avoir le temps de
contribuer ou crainte que les
modes collaboratifs
soient une perte de temps)
1. Une étude de McKinsey110 de 2012 montre qu’en entreprise
28 % de la semaine est passée à répondre à des e-mails (650 heures par an) et 19 % à chercher des informations. Des approches bien pensées, basées sur des outils collaboratifs permettent de réduire l’utilisation des e-mails (pour rappel, Atos a réduit de 60 % les échanges d’e-mails internes) et favorisent l’accès au savoir (nous l’avons vu, 77 % des entreprises ont augmenté la rapidité d’accès des collaborateurs au savoir, par des approches collaboratives)
2. Une autre étude McInsey111 indique 80 % des entreprises ayant développé des approches de type Web 2.0 ont connu une augmentation de leurs bénéfices de 5 %.
Un dispositif collaboratif
adapté à l’entreprise
Charte interne d’utilisation des
espaces de dialogue et des outils collaboratifs
Acculturation aux
usages
109 McAfee, Andrew. Enterprise 2.0: New Collaborative Tools For Your Organization’s Toughest Challenges. 1re éd.
Boston, Mass: Harvard Business Review Press, 2009. 110 McKInsey « The social economy: Unlocking value and productivity through social technologies | McKinsey &
Company », juillet 2012. 111 McKinsey. « The rise of the networked enterprise: Web 2.0 finds its payday | McKinsey & Company », décembre
2010.
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Fracture numérique au sein
de l’entreprise (Crainte de créer
une fracture numérique soit de
génération/soit par l’accès aux
outils numériques)
1. Les entreprises passées en mode collaboratif accompagnent leurs collaborateurs dans la démarche (formation, MOOC, etc.).
2. Des initiatives reverse-mentoring entre générations favorisent le partagent de connaissance et le sentiment de contribution.
3. La plupart des solutions collaboratives sont accessibles depuis des équipements mobiles (smarphones, tablettes, etc.) et permettent à chacun de s’y connecter. Les techniques de BYOD (« Bring Your Own Device ») donnent même la possibilité d’y accéder depuis un équipement personnel.
Conduite du
changement/acculturation numérique
Reverse-Mentoring
Dispositif collaboratif
accessible sur smartphone
Autoriser le BYOD
Par ailleurs, au-delà des bénéfices que nous avons déjà présentés (plus d’horizontalité, une
proximité et des échanges renforcés, une meilleure circulation de l’information et un accès au
savoir optimisé, une créativité favorisée via l’émergence d’une intelligence collective, un
renforcement du sentiment d’appartenance, en plaçant le collaborateur au cœur de la réflexion et
de l’évolution de l’entreprise), il est intéressant de pouvoir montrer les risques potentiels à ne pas
adopter de tels usages112 :
• Un problème de capitalisation du savoir : les messageries sont des systèmes
d’échanges fermés. « Quand une personne quitte l'entreprise, c'est tout son savoir qui
part en même temps. La personne qui la remplace n'a que rarement accès à l'historique
de ses e-mails ». Les outils collaboratifs ont pour avantage de conserver l’ensemble des
échanges et d’en faciliter l’accès, tout en évitant la duplication des savoirs.
• Une innovation moins efficiente : « Chaque personne peut être porteuse d’idées
nouvelles, ne serait-ce que dans l’amélioration de processus opérationnels. Chaque
employé a une perception de l’entreprise. Ces remontées “terrains” ne peuvent qu’aider à
prendre les bonnes décisions ». Ne pas mobiliser l’intelligence collective freine ainsi la
capacité d’une entreprise à innover plus vite, plus efficacement.
• Une perte de productivité liée aux e-mails : nous l’avons vu dans le tableau précédent
et plus tôt dans le mémoire, les collaborateurs sont saturés par la surabondance des e-
mails, avec un impact direct sur la productivité, comme le démontre l’étude de McKinsey
que nous venons de citer. Ne pas adopter ces approches collaboratives prive
l’organisation d’outils qui favorisent la performance au travail, avec des fonctionnalités
optimisées pour chaque usage. Par ailleurs, l’e-mail n’est quasiment plus utilisé par les
générations qui arrivent.
112 Nous nous sommes inspiré du livre blanc produit à l’éditeur de solutions collaboratives TalkSpirit. « Vers
l’entreprise collaborative, un projet qui a du sens, Livre Blanc ». 2013.
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• Un frein à l’attractivité de l’entreprise : comment une organisation peut-elle être encore
attractive, retenir ses talents, quand ses modes de fonctionnement sont diamétralement
opposés aux pratiques de partage et de collaboration que connaissent les salariés à titre
privé ? Nous l’avons vu, la Génération Z a des attentes très fortes vis-à-vis des
employeurs. Les sites de notation de type de « Glassdoor », dont nous avons parlé, vont
vite renvoyer une image négative des sociétés qui seront en retard sur ces sujets et qui
apparaîtront comme « dépassées ».
Nous le voyons, les arguments pour convaincre ne manquent pas. Il peut être également
intéressant, pour faciliter la prise de décision de sa propre direction, d’organiser des rencontres,
des « learning expeditions » ou des conférences avec les dirigeants des entreprises, des start-
ups, en France ou à l’étranger, ayant déjà adopté ce type de fonctionnement.
Les changements que représentent ces approches collaboratives ne peuvent être pilotés
uniquement par la fonction « Communication », qui outre l’implication des dirigeants doit pouvoir
s’appuyer sur les autres fonctions transverses.
3.1.3 « Embarquer » les autres fonctions transverses
Comme le souligne A.Poncier et S.Faure dans leur livre blanc, la fonction « Communication » et
notamment la « Communication interne » (COM) est légitime pour piloter ce type de projet
car la culture d’entreprise, les modes de communication et de diffusion de l’information « sont les
premiers impactés ».
Cependant, ce projet étant un véritable projet d’entreprise, la communication ne doit pas
« être seule à le porter », et doit pouvoir à la fois « embarquer » la fonction « Ressources
Humaines » (RH), la fonction « Innnovation » (INNO), la Direction des Systèmes d’Information
(DSI) et les métiers. Comme l’expliquent les auteurs, il n’existe pas de gouvernance type, et
chaque entreprise doit trouver la gouvernance la plus adaptée à son organisation. Lorsque c’est
possible, nous recommandons, pour notre part, la gouvernance suivante (nous donnerons
également les facteurs de motivations qui permettent « d’embarquer » ces fonctions
transverses) :
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ROLE PROPOSITION MISSIONS
SPONSOR Direction Générale
Donne une vision et insuffle une dynamique pour faciliter l’adoption du projet à tous les niveaux de l’organisation.
PILOTAGE Fonction Communication Interne
Pilote et anime le projet « Ministre de la culture d’entreprise » : donne un sens à la démarche, l’explique, en assure la cohérence avec la culture interne, quitte à faire évoluer la plateforme de marque pour mieux traduire les changements en cours (à travers de nouvelles valeurs par exemple ou une nouvelle promesse, etc.). « Responsable des relations internes » : connecte les équipes, relie les individus, les fait « se parler ». « Coach du changement » : accompagne les managers et les collaborateurs sur les nouveaux modes de communication.
CONDUITE DU CHANGEMENT
Fonction Ressources Humaines
Pilote la conduite du changement et engage un travail de fond sur les compétences Nouveau référentiel de compétences, catalogue de formations adaptées à ce référentiel, objectifs individuels d’évolution et méthodes d’évaluation qui prennent en compte ces nouvelles compétences, etc.
Facteur de motivation : Impacts positifs des approches collaboratives sur l’attractivité de l’entreprise et la marque employeur (notamment auprès de la Génération Z).
DÉPLOIEMENT TECHNIQUE
Direction des Systèmes d’Information
Pilote le déploiement technique Met en œuvre les outils collaboratifs, ou fait évoluer des outils existants vers plus de fonctionnalités collaboratives113 (nous préconisons que la communication accompagne le choix des outils notamment dans leur ergonomie, une ergonomie déterminante pour la réussite de leur prise en main).
Facteur de motivation : Les équipes techniques sont amenées à travailler sur des technologies qui renouvellent les systèmes d’information de l’entreprise : solutions mobiles (tablettes, smartphones, BYOD), outils collaboratifs, etc.
BESOINS OPERATION-
NELS Métiers
Remonte les besoins métiers et pilote la déclinaison des usages dans les entités Assure que ces approches soient le plus adaptées possible aux réalités du terrain (des outils, choisis par des directions centrales qui ne répondraient pas aux besoins opérationnels des collaborateurs, amèneraient à une adoption partielle des solutions collaboratives et auraient un impact négatif sur la dynamique collective).
Facteur de motivation : Les approches collaboratives apportent des gains de productivité, une capitalisation du savoir, une plus forte attractivité vis-à-vis des jeunes talents, etc.
VEILLE DES
TENDANCES
Fonction « Innovation »
Assure une veille des tendances liées au collaboratif dans le secteur et l’environnement de l’entreprise Engage le réseau d’innovateurs dans le projet si une démarche d’innovation participative existe dans l’organisation.
Facteur de motivation : Les approches collaboratives vont favoriser/dynamiser l’innovation participative.
113 Attention, c’est une partie du projet qui peut s’avérer complexe à plusieurs niveaux : hétérogénéité des outils déjà
présents dans l’entreprise, difficultés à « migrer » les solutions existantes et leurs contenus vers les nouveaux outils, des infrastructures technologiques inadaptées (peu d’interconnexions techniques entre les sites par exemple), des règles de sécurité de l’information contraignantes, etc. Un sponsoring à un haut niveau permettra de débloquer certaines de ces problématiques (budgets supplémentaires, acceptation du risque, etc.), cependant elles doivent être prise en considération le plus en amont possible pour ne pas freiner le projet
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Il est intéressant de noter que les approches collaboratives ont donné l’occasion à certaines
organisations de mettre en avant des directeurs d’entités (66 % des employés interrogés par
Meaning/ Harris Interactive estiment que ces directeurs – RH, COM, etc.- ne prennent jamais ou
rarement la parole). Ainsi chez IBM, comme nous l’a indiqué Pierre Milcent, responsable France
des offres collaboratives d’IBM, la DRH du Groupe, à travers son blog, interroge régulièrement
les employés sur des sujets de stratégie RH. La dernière question, posée quelques semaines
avant notre entretien, comptabilisait près de 53 000 vues et 1 300 commentaires.
Une fois les dirigeants impliqués et la gouvernance établis, nous préconisons de faire évoluer
l’environnement de travail.
3.2 Préparer un environnement propice aux échanges et à la prise de parole
Rendre les échanges plus horizontaux, favoriser les dialogues à tous les niveaux de
l’organisation nécessitent que les collaborateurs se sentent dans des conditions favorables : des
échanges basés sur la confiance, une entreprise dans laquelle ils se sentent considérés, des
usages et des enjeux numériques qu’ils comprennent.
3.2.1 Oublier la langue de bois, promouvoir le parler-vrai pour redonner confiance
Nous l’avons évoqué, les collaborateurs ont un œil très critique sur la communication
« corporate », trop langue de bois à laquelle ils ne croient plus. Pire, « la langue de bois est
un accélérateur d’angoisse ».114
Qu’entendons-nous par « langue de bois » ? Nous avons trouvé la définition suivante
particulièrement intéressante :
« La langue de bois est une langue qui prétend servir à communiquer, mais qui en réalité fait tout
le contraire : c’est une langue qui donne au mal l’apparence du bien, qui fait passer le négatif
pour positif, le déplaisant pour attirant ou, du moins, tolérable. La langue de bois est une langue
qui évite ou déplace la responsabilité, une langue qui est en désaccord avec son sens véritable
ou supposé. C’est une langue qui dissimule ou entrave la pensée : plutôt que de lui permettre de
s’étendre, la langue de bois en réduit la portée »115.
Comment alors éviter la langue de bois et aller vers plus de parler-vrai pour redonner confiance ?
114 Bertrand Cizeau, directeur de la communication de Cetelem, cité par E.Rencker dans son livre « Le nouveau
visage de la com’interne » 115 Nowicki, Joanna, et Michaël Oustinoff. « La langue de bois, notion clé du monde contemporain ». Hermès, La
Revue n° 71 (avril 2015).
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Nous proposons, premièrement, de poser quelques questions avant de véhiculer un
message :
• Est-il crédible ? C’est-à-dire, les informations qu’il contient sont-elles vérifiables par les
lecteurs ?
• Reste-t-il crédible dans le temps ?
• Est-il cohérent avec ce qui a été déjà énoncé ? S’il ne l’est pas, la différence doit être
expliquée.
• Est-il cohérent avec ce qui est dit à l’externe ? S’il ne l’est pas, la différence doit être
expliquée.
• Est-il compréhensible par les populations ciblées ? Doit-il être décliné de manière
différente selon les populations ?
• Est-il en adéquation avec la réalité du terrain ?
• Les mots et le ton choisis vont-ils toucher les personnes ciblées ? Ces dernières questions renvoient à la nécessité de faire référence à la « vraie vie » des
collaborateurs, comme le souligne E.Recker116. « Les salariés sont désormais en attente d'une
communication plus chaleureuse et surtout plus vraie […] que l'on s'occupe d’eux avec des vrais
mots et des vrais sujets de préoccupation […] Plus l'entreprise prend la parole en tant
qu'institution plus il est indispensable de donner place au terrain à la réalité quotidienne ».
C’est un élément fondamental à nos yeux, afin que le parler-vrai ne devienne pas lui-même
une langue de bois et réponde bien aux besoins des collaborateurs. Deuxièmement, nous pensons que le format est important également pour minimiser l’effet
langue de bois et favoriser le parler-vrai. Tout d’abord, quel que soit le support (écrit,
audio, ou vidéo) choisir des formats courts, qui si nécessaire peuvent faire appel à des
supports de référence plus complet. Les collaborateurs, nous l’avons dit, sont d’une part
submergés d’informations et d’autre part sont habitués à des formats de plus en plus en courts
sur Internet (les 140 caractères d’un tweet, les informations sous forme de brèves, etc.). Ensuite,
les images ont un potentiel de plus en plus fort aujourd’hui, potentiel que le communicant
ne doit pas oublier, comme le souligne C.Dubos, directrice associée de Vae Solis Corporate,
cabinet de conseil en stratégie d’information et gestion de crise117 : « parce qu'elle est
immédiatement compréhensible par tous, l'image est un fabuleux vecteur, particulièrement
adapté aux nouveaux codes et usages de la communication ». Attention de ne pas tomber dans
« l’image langue de bois », ces images « corporate », très conceptuelles, que proposent les
116 Rencker, Edouard. Le nouveau visage de la com’ interne. Ibidem. 117 Dubos, Corinne. « Trois tendances pour repenser la communication “corporate”’ ». La Tribune, avril 2014.
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photothèques du marché. « Comme pour les mots, les choix des photos relèvent d'une vision
stratégique et éditorialisée » ajoute C.Dubos. Une occasion, à travers ces images, de mettre en
valeur les collaborateurs et la réalité du terrain. Enfin, le parler-vrai doit-il être synonyme de transparence en entreprise ? Les analyses semblent
montrer que la transparence totale est une « illusion ». Une valeur par ailleurs totalement
décrédibilisée par des groupes comme Vivendi ou Enron qui, avant leur scandale, la prônaient
comme un engagement fondamental. Comme le suggère C.Dubos : « la transparence n’existe
pas… Parce qu'elle est une surpromesse, de celles qui ne sont, par nature, pas tenables. Elle
n'est même pas un idéal à viser. La communication, comme l'information, ce sont des
contenus choisis, des partis pris éditoriaux assumés, des angles, des infos sélectionnées,
travaillées, creusées… Assumer d'être dans une information choisie, c'est redonner sens à
ce que l'on dit. C'est aussi une des conditions de restauration de la confiance d'une opinion
toujours plus sceptique, critique à l'égard des dirigeants politiques ou économiques ».118 À la transparence, nous préférons la sincérité. Y.Blot119, professeur à l’université de Nice
rappelle que la sincérité recouvre 3 sens :
• « La qualité de quelqu’un : la personne sincère est celle qui ne cache pas ses pensées ».
• « Le caractère de ce qui est sincère, de ce qui est exprimé de façon sincère : on sort alors
de la personne, ce qu’elle est, pour s’intéresser à ce qu’elle exprime : ce qu’elle exprime
par des actes ou ce qu’elle exprime par un comportement ».
• « L’authenticité ; le caractère authentique de quelque chose », l’absence de trucage, de
contrefaçon.
Dans un cadre de respect et de bienveillance, un dirigeant, des managers, une
communication, authentique et sincère apporteront ainsi plus de confiance, voir plus
d’humanité, dans les échanges et dans l’organisation. O.Bas, vice-président de Havas
Worldwide « prône une communication empathique et sincère, qui considère à égalité le client et
le salarié, et qui permet d’activer la confiance ».120
Une fois cette démarche de confiance engagée, il faut pouvoir dynamiser les échanges entre les
individus.
118 Dubos, Corinne. Ibidem 119 Bot, Olivier Le, et Collectif. La Sincerite en Droit. Nice : Bruxelles: Larcier, 2011. 120 Thiriet, Richard, Olivier Bas, et Jean-Paul Charlez. « Vers de nouveaux modèles sociaux ? » Les cahiers de la
communication interne, no 36 (Juin 2015).
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3.2.2 Favoriser la reconnaissance comme moteur des échanges
Aussi basique que cette affirmation puisse paraître, pour que les individus puissent échanger,
s’impliquer dans des approches collaboratives, il faut qu’ils se sentent « bien », satisfaits dans
leur travail. Comment aller vers l’autre si l’on est soi-même dans un sentiment de frustration, voire
désengagé ? Nous voyons dans la reconnaissance un formidable levier pour dynamiser les
échanges. En effet, de nombreuses études montrent que la reconnaissance est au cœur des attentes
des collaborateurs (qui souffrent de son absence), et qu’elle a un rôle clé dans la satisfaction
au travail : « Les salariés déclarent ainsi souffrir notamment d’un manque de reconnaissance
personnelle vis-à-vis de leur travail : seulement 30 % pensent que l’encadrement de leur
entreprise valorise le travail bien fait et les efforts supplémentaires »121 « 78 % des employés
considèrent la reconnaissance un facteur de motivation »122, « les actifs qui se sentent reconnus
par leurs supérieurs hiérarchiques sont ainsi 94 % à se déclarer "heureux" dans leur travail,
contre seulement 57 % pour ceux qui ne se sentent pas reconnus ».123 Un besoin de
reconnaissance exprimé d’ailleurs par les salariés quelles que soient leur génération,
comme nous l’avons vu.
Un tel impact s’explique notamment parce que la reconnaissance, en renvoyant l’image de sa
propre action sur les autres, répond à deux besoins fondamentaux de l’individu, que nous
avons évoqués précédemment : le sentiment d’appartenance et le sentiment d’exister.
Par ailleurs, la reconnaissance joue un rôle majeur dans l’échange social, à travers le
mécanisme « donner-recevoir-rendre » que nous avons présenté dans la deuxième partie de
ce mémoire. Selon le niveau de reconnaissance, c’est l’étape du « recevoir » (reconnaître par le
remerciement, la célébration, etc.) ou l’étape du « rendre » (reconnaître par la confiance,
l’autonomie donnée, etc.).
Comment développer la reconnaissance ? Nous avons vu que la rémunération n’est plus la
motivation première, il faut chercher d’autres leviers. J-P.Brun, professeur de management et
directeur de la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail à l’université Laval de
Québec, explique que les rétributions symboliques sont aussi importantes dans la
reconnaissance. Il définit quatre catégories de reconnaissance pour lesquelles il donne des pistes
de ces rétributions. Nous avons résumé, dans le tableau page suivante, ces catégories que nous
complétons par des exemples d’actions que peut mettre en place la communication en
entreprise.
121 Great Place to Work France. « Etude : 1 salarié français sur 2 est confronté à une situation de burn-out », janvier 2015. 122 Le blog du Communicant. « Communication interne : 10 leviers pour améliorer l’engagement des collaborateurs ».
Le blog du Communicant, janvier 2015.. 123 ANACT. « Les salariés font de la reconnaissance un élément clé de la qualité de vie au travail », janvier 2014.
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TYPE DESCRIPTION EXEMPLES D’ACTIONS DE COMMUNICATION
Reconnaissance existentielle
Principe : s’intéresse à la personne ou au collectif de travail, valorise tout ce qui respecte le salarié comme une personne importante dans l’organisation. Exemples : Saluer ses collègues lors de l’arrivée le matin, consulter les salariés avant de prendre une décision, les tenir au courant des décisions prises, de l’évolution de l’entreprise, etc.
Dialogue avec les collaborateurs avant de faire évoluer la plateforme de marque (notamment sur les valeurs). Prise de parole des dirigeants (vidéos, rencontres, blogs, etc.).
Reconnaissance de la pratique
Principe : porte principalement sur la manière d’exécuter le travail, qu’il s’agisse des comportements, des compétences ou des qualités professionnelles du ou des travailleurs. Exemples : Souligner la qualité d’un travail bien fait, pas simplement d’évoquer les problèmes, mais aussi de valoriser les dimensions cachées du travail comme la créativité, l’innovation ou l’autonomie.
Interview d’un collaborateur ou d’une équipe avec un focus sur les compétences des qualités mises en œuvre. Mise en avant de ces compétences dans la prise de parole d’un manager, d’un dirigeant.
Reconnaissance de
l’investissement
Principe : s’intéresse aux efforts consentis indépendamment des résultats obtenus. Exemples : Remerciements pour les efforts accomplis. S’il agit de l’investissement dans un projet, on confiera au salarié des responsabilités plus grandes. De ce point de vue, la logique de la délégation peut être signe de reconnaissance et de confiance.
Interview d’un collaborateur ou d’une équipe avec un focus sur les efforts fournis (chiffres, situation de départ, etc.). Mise en avant de ces efforts dans la prise de parole d’un manager, d’un dirigeant.
Reconnaissance des résultats
Principe : porte principalement sur le produit final : rendement, travail accompli. Exemples : Que ce soit sous forme de prime au rendement, de rétribution symbolique en termes de statut ou parfois même de courrier personnalisé envoyé pour souligner que l’objectif a été atteint ou de « pot » après la fin d’un projet, les gratifications sont les bienvenues.
Célébration des résultats par des « pots », des soirées, etc. Communication sur les résultats avec mise en avant des collaborateurs et des équipes concernées.
Au-delà des actions de communication que nous donnons en exemple, la reconnaissance est
avant tout un outil managérial que les RH doivent intégrer dans leurs référentiels, et
auquel les responsables doivent être formés.
En effet, l’exemplarité des dirigeants et des managers dans ces pratiques de
reconnaissance permettra sa déclinaison à tous les niveaux de l’organisation : entre
collaborateurs, entre équipes, favorisant un environnement de travail propice aux échanges.
Des échanges qui se font dans une organisation en pleine transformation face au numérique,
amenant de nouveaux enjeux que l’ensemble des salariés doit assimiler.
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3.2.3 Apprendre le numérique, apprendre du numérique
« Le digital est aujourd’hui ce qu’a été le téléphone au début du XXème siècle : seules les
entreprises qui l’ont adopté ont survécu ».124
Le numérique, le digital, est partout. L’entreprise se « digitalise », on parle de transition
numérique, de transformation digitale. Les organisations sont alors amenées à lancer des
programmes d’« acculturation digitale» de leurs employés, « une acculturation
indispensable, à tous les niveaux, pour faire comprendre aux salariés ces nouveaux
enjeux, leurs impacts sur l’activité de l’entreprise, sur leur propre activité et de les former
à l’usage des outils qui sont mis en place », selon Christine Balagué, vice-présidente du
Conseil National du Numérique (titulaire de la Chaire « réseaux sociaux » à l’Institut Mines-
Télécom). Plusieurs axes sont possibles, que nous proposons de résumer dans le tableau ci-
dessous :
Moyens Description Porteurs
Conférences à thème/ Interventions
L’objectif est de familiariser les employés à la fois sur les enjeux de la transition numérique, sur les grandes tendances du digital (e-commerce, Cloud, Big Data, etc.), sur leurs impacts sur l’économie, sur le secteur de l’entreprise ou sur les autres secteurs. De nombreux conférenciers sont disponibles sur le marché, tant des philosophes qui peuvent intervenir sur les impacts sociétaux, que des chefs d’entreprises ou des start-ups sur leur propre expérience, des experts sur des thématiques particulières, etc. Il est important que ces évènements soient accessibles au plus grand nombre à travers des solutions audio ou visioconférences, de webcast125 interne lorsque c’est possible, ou des diffusions vidéo en différé. Le principe est également de faire intervenir ce même type de conférenciers lors d’évènements spécifiques avec des audiences plus restreintes : conventions, séminaires.
COM, RH, INNO, selon les entreprises
Ateliers numériques
Le principe est de créer des ateliers ouverts à tous, où les collaborateurs vont pouvoir tester les nouveaux usages, prendre en main les nouveaux outils, poser des questions à des experts. Des ateliers à décliner dans les entités ou les sites. Ces ateliers sont aussi l’occasion de valoriser les employés qui ont un usage avancé des nouvelles pratiques (« des early adopters ») en leur proposant de partager leur expérience.
COM, DSI, INNO
Académie numérique
L’objectif est de donner la possibilité à chacun de se former à « la demande » sur le numérique ou l’usage des nouveaux outils (notamment collaboratif) à travers des MOOCs, des tutoriaux, des vidéos, des « serious games », etc.
RH, COM
Actualité numérique
L’idée est de mettre à disposition des informations sur l’avancement de la transition numérique de l’entreprise, les étapes franchies, les étapes à suivre, le positionnement sur le marché, les actualités liées aux impacts du digital sur le secteur, etc.
COM, INNO
Formation Le principe est de rajouter aux catalogues de formations, des sessions plus approfondies pour permettre d’acquérir de nouvelles compétences sur le numérique.
RH
124 Boidin-Dubrule, Marie-Hélène et Aurélie Truchet, Laetitia Puyfaucher. « Faut-il avoir peur du digital ? » Les
cahiers de la communication interne, no 34 (juin 2014). 125 Le webcast en entreprise est une technique qui permet de se connecter à des visioconférence depuis son poste de travail
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« Acculturer » au digital est aussi l’occasion de mettre en avant des pratiques liées à la culture
numérique qui ont un impact positif sur la communication en entreprise :
PRINCIPE DESCRIPTION IMPACTS SUR LA COMMUNICATION
« Try and Learn »
Jusqu’à présent, les entreprises cadraient excessivement en amont les projets pour assurer leur réussite et éviter toute erreur. La culture numérique apporte une autre manière de fonctionner plus agile, par itérations, où à chaque étape un point est fait avant de passer à l’étape d’après. Cela introduit le droit d’apprendre de ses erreurs126, l’incertitute, etc.
Le droit d’apprendre de ses erreurs conduit à des échanges plus humains, des communications moins langue de bois.
Le partage et les
communautés
La culture numérique est motivée par le partage du savoir et l’entraide (open source, open data), l’intelligence est collective.
Le partage et l’entraide favorisent les mécanismes de l’échange social que nous avons présentés (donner-recevoir-rendre).
« Do it yourself »
Le partage du savoir via le numérique, conduit les nouvelles générations à être des « makers » (ils font eux même) et des « slashers » (« plusieurs identités »).
Plus de créativité dans les échanges. La communication peut aussi mettre à contribution les talents artistiques des collaborateurs (photographie, dessin, etc.), nous reviendrons plus tard sur ce dernier point.
Plaisir La culture numérique est également une culture du jeu, du plaisir. Plaisir de l’échange, du partage, des rencontres. Le jeu devient aussi une forme d’apprentissage, moins contraignante.
Des dispositifs de communication plus ludiques : « serious games », faire passer des messages à travers des concours internes (avec des lots à gagner) Importance des célébrations, du « team building », etc. Un ton décalé quand le sujet le permet.
Un environnement basé sur la confiance, où chacun se sent reconnu ; des enjeux numériques
compris par tous ; l’organisation peut travailler sur son modèle collaboratif.
3.3 Appuyer le dispositif de communication sur un modèle collaboratif
Pour être honnête, nous pensions arriver, à cette étape du mémoire, à proposer un modèle
collaboratif générique sur lequel pourrait s’appuyer un nouveau dispositif de
communication standard. Or les différentes entreprises que nous avons pu rencontrer, les
retours d’expériences que nous avons pu lire, nous montrent qu’il n’y a pas de modèle
standard. Chaque organisation met en place une approche qui lui est propre. Comme nous
le disait Laurent Sabbah, « l’important est que la démarche soit en résonnance avec l’entreprise».
126 Nous préférons parler du « droit d’apprendre de ses erreurs » que du « droit à l’erreur », car il manque dans cette
dernière expression, une notion d’apprentissage, indispensable à l’amélioration de l’individu.
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Nous préconisons néanmoins trois composantes qui nous semblent essentielles pour le
succès de la démarche :
• La « co-construction » : les approches qui ont fonctionné sont celles qui ont été « co-
construites » et non imposées, car elles sont adaptées aux réalités du terrain, facilitant
ainsi leur appropriation,
• Un portail unique : nous l’avons dit, la multiplicité des outils est un facteur de frustration
pour les collaborateurs et le nouveau modèle doit amener à une mutualisation des
moyens de communication,
• Le collaborateur au cœur du dispositif : les collaborateurs, nous l’avons évoqué, sont
les nouveaux vecteurs de l’information et doivent être au cœur de la nouvelle dynamique
de communication.
3.3.1 « Co-Construire », « Co-Former », « Co-Animer »
Nous en avons parlé, la contribution joue rôle un essentiel pour renforcer le sentiment
d’appartenance et le sentiment d’exister des individus dans une organisation. Nous avons
également vu que les salariés se sentaient désengagés, en manque de reconnaissance. Enfin,
nous avons évoqué que le besoin de sentir utile était la principale source de motivation des
salariés, quelles que soient les générations. Nous pensons donc que les amener à contribuer
à la mise en place d’un nouveau modèle collaboratif est une formidable opportunité de les
réengager et de créer une dynamique collective dans l’entreprise autour d’un projet
commun. Nous préconisons plusieurs axes de contribution : la « co-construction », la « co-formation » et la
« co-animation ».
• « Co-construire » :
Principe
Une fois la vision donnée par les dirigeants, l’idée est de « co-construire » une approche
collaborative définie par :
- des modèles de collaboration : comment collaborent les équipes et les individus ?
- des modèles de communication : comment les équipes, les individus, les différents
niveaux de l’organisation échangent entre eux et communiquent ?
- des modèles d’information : qui gère quelle information ? Où trouver l’information ?
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Moyens
Nous proposons une démarche en 4 étapes :
- des ateliers de réflexion, avec des volontaires représentant les différents métiers et
niveaux de l’organisation pour remonter les besoins et les idées répondant aux
questions ci-dessus. Ces ateliers doivent être préparés en amont avec un format
permettant de ressortir des idées concrètes et constructives,
- la consolidation des ateliers par l’équipe projet qui aboutit à une première
approche,
- une phase de tests et d’ajustements avec des volontaires pour valider l’approche,
- la finalisation de l’approche et sa mise en œuvre progressive.
Nous sommes conscient qu’un tel processus est long, mais nous parlons d’une
transformation majeure des modes de fonctionnement de l’entreprise et des comportements
des individus qui ne peut se faire que progressivement. L’entreprise peut évidemment se
faire accompagner dans cette démarche par des sociétés de conseil spécialisées dans la
conduite du changement lié au collaboratif. Par ailleurs, un tel processus permettra, si
besoin, de réadapter le modèle quand les évolutions des tendances le demandent.
Bénéfices
- La démarche aboutit à un modèle collaboratif (et des guidelines si nécessaire) adapté
aux besoins et à la réalité du terrain, par conséquent plus facilement appropriable
par l’organisation,
- Le travail en « co-construction » met en œuvre une intelligence collective
permettant de faire émerger des idées, que des directions centrales, moins proches
du terrain, n’auraient pas forcément imaginées,
- Le travail en ateliers permet à des personnes de métiers et de niveaux différents de
se rencontrer et de créer des liens qui vont lancer une dynamique d’échange,
- Enfin, comme nous l’expliquait Claude Isidore, responsable de projets de conduite du
changement d’AGIRC-ARRCO, « l’approche en "co-construction" donne la
possibilité d’en parler ensuite à travers des célébrations, des articles sur le travail
des équipes qui ont participé, leurs efforts, etc. ».
Une fois cette approche mise en place et prise en main par les premières populations
d’utilisateurs, l’objectif est de « co-former » le reste de l’organisation à ces nouvelles pratiques.
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• « Co-former » :
Principe
Au-delà des formations et des « Académies » qui peuvent être mises à disposition, nous
préconisons de s’appuyer sur des volontaires parmi les « early adopters », mais aussi
parmi les nouvelles générations habituées aux échanges collaboratifs.
Moyens
- Ateliers numériques où les volontaires partagent leurs expériences, forment les
autres collaborateurs aux nouveaux usages et modes de communication,
- La possibilité de contacter un des « early adopters » de son entité pour lui poser des
questions, etc.
Bénéfices
- De telles formes de « co-formations » permettent aux volontaires de participer et
contribuer au changement de l’entreprise,
- Une occasion de faire se rencontrer des collaborateurs qui ne travaillent pas
forcément ensemble,
- S’appuyer sur les nouvelles générations pour former les autres permet des échanges
intergénérationnels bénéfiques à la dynamique collective.
Lancer une approche et des outils collaboratifs ne suffit pas, il faut pouvoir animer la démarche
au quotidien.
• « Co-animer»:
Principe
Pour les outils collaboratifs, la fonction « communication en entreprise » va s’appuyer sur des
« community managers » qui lui sont rattachés. Ils ont pour mission d’administrer ces outils,
d’assurer leur cohérence (éviter les doublons de communautés par exemple), d’apporter du
support aux équipes dans la prise en main des outils et des usages, d’animer les échanges
qui s’y déroulent (en relançant les discussions et les contributions, etc.).
Quand la taille de l’entreprise est conséquente, la communication interne peut également
mettre en place un réseau de « correspondants communication », plus proches des équipes
de terrain pour les accompagner dans leur communication opérationnelle.
Cependant, la dynamique collaborative ne doit pas venir uniquement des
communicants, elle doit pouvoir émerger à tous les niveaux de l’organisation. Il peut
alors être intéressant de s’appuyer sur un réseau de volontaires qui vont aider la
communication à :
- Relayer la démarche dans les entités,
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- Donner l’exemple en contribuant (commentaires, appréciations, publication de
contenus, etc.),
- Lancer des débats, relancer des discussions, etc.
Moyens
- Un réseau de volontaires : « early adopters », experts, managers, etc.
Bénéfices
- L’animation de l’approche n’est pas perçue uniquement comme issue des directions
centrales ou du management.
- La dynamique collaborative est plus large, donc plus riche.
Il est à noter que les managers, dans leur nouvelle fonction, sont bien évidemment amenés à
animer et relayer le collaboratif dans leurs équipes.
Nous avons à plusieurs reprises préconisé l’appel à des volontaires dans les différents axes de
contribution présentés ci-dessus. Pour qu’une telle démarche puisse fonctionner, il faut d’abord
s’assurer auprès de leur manager qu’un temps nécessaire à ces actions leur soit accordé,
mais surtout la reconnaissance va jouer un rôle déterminant dans leur implication. Ces
volontaires doivent être reconnus dans les efforts et les qualités qu’ils mettent en œuvre pour la
transformation de l’entreprise : mise en avant des équipes et des personnes concernées dans les
publications internes ou externes, rencontre avec les dirigeants, célébrations quand des étapes
sont franchies, etc.
Nous l’avons vu, les outils collaboratifs sont apparus les uns après les autres dans l’entreprise,
s’ajoutant aux outils existants sans forcément qu’une réflexion globale ait été initiée. Les
démarches de « co-construction » que nous venons de présenter doivent amener à plus de
cohérence dans l’usage de ces outils, quitte à les faire évoluer, en supprimer certains, en faire
converger d’autres, ou mettre en place d’autres solutions plus adaptées. Un nouveau modèle
collaboratif sur lequel vont pouvoir s’appuyer les moyens de communication.
3.3.2 Regrouper les moyens de communication sur une plateforme unique
Le nombre croissant de canaux de communication est une frustration remontée par les
collaborateurs.
Nous voyons, dans la mise en place d’un nouveau modèle collaboratif, une opportunité de
répondre à cette frustration, en centralisant les moyens de communication sur une
plateforme unique, autour de 3 fonctions : l’information, la collaboration, l’échange.
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Nous proposons une plateforme unique
• L’information : les informations publiées soit par la communication interne (plateforme de
marque, organisation de l’entreprise, actualités de l’entreprise, etc.), soit par les équipes
ou les individus (actualités projets, blogs, etc.), avec des mécanismes d’abonnement,
• La collaboration: les outils collaboratifs permettant de travailler en communautés, de
partager des documents, etc.
• L’échange : les outils permettant aux individus d’échanger directement entre eux de
manière synchrone (messagerie instantanée, chat, etc.) et/ou asynchrone (e-mails par
exemple).
Une telle plateforme ne prend de sens que si l’ensemble des solutions qu’elle centralise se base
sur un annuaire de profils commun, facilitant ainsi le partage d’information, la collaboration et
les échanges.
L’accès à cette plateforme doit pouvoir se faire depuis n’importe quel équipement (ordinateur,
smartphone, tablette, etc.) avec une interface personnalisable afin que le collaborateur puisse
l’adapter à ses besoins et ses intérêts.
La plateforme va permettre également, en centralisant les outils, de faciliter la recherche
d’informations, en indexant l’ensemble de leurs contenus (bien évidemment en respectant les
droits d’accès). Aymeril Hoang, directeur de l’Innovation de Société Générale, constate que « ne
pas trouver de l’information est un irritant. Nous avons pris l’habitude, sur Internet, d’avoir une
"barre de recherche" qui nous permet de la trouver instantanément. Or aujourd’hui dans
l’entreprise, il est très difficile de pouvoir trouver une information parmi tous les canaux, les outils
INFORMATION
PlateformedemarqueOrganisationActualitésBlogs….
ECHANGE
Echangessynchrones ouasynchrones
PILOTAGEFonction
Communicationinterne
COLLABORATION
CommunautésTravailcollaboratif
Partagededocuments….
ANNUAIREDE
PROFILS
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d’échanges et collaboratifs». Un constat que confirment de nombreuses études127 (le temps
passé à chercher de l’information est estimé à 30 % de l’activité quotidienne).
Enfin, cette plateforme doit être au cœur de l’activité des collaborateurs qui vont jouer un rôle clé
dans la création, le partage et la propagation des informations.
3.3.3 Placer les collaborateurs au cœur du dispostif : « the staff is the media »
Nous avons commencé la troisième partie de ce mémoire par les dirigeants, nous
souhaitons la terminer par les collaborateurs. « Le rôle de la communication interne est de
considérer les personnes comme la richesse de l’entreprise… », nous expliquait Bruno Paillet.
Nous voyons effectivement la parole du collaborateur comme une « richesse », un
formidable vecteur de la culture de l’entreprise.
Mais avant de développer ce point, nous aimerions aborder une autre « richesse » moins
évidente en entreprise : les talents personnels des collaborateurs. Outre les compétences
liées à leur métier, certains employés ont aussi des talents, notamment artistiques (photographie,
musique, peinture, etc.), qui peuvent être valorisés à travers des expositions, des concerts, des
représentations, etc. Ces talents peuvent également contribuer à des actions de
communication internes :
• Couverture photographique d’un évènement,
• Illustration d’une publication, d’un article,
• Animation d’une soirée d’entreprise (Groupe de musique constitué par des collaborateurs,
ou un collaborateur ayant des talents de « DJ »), etc.
D’ailleurs dans notre questionnaire, 70 % des personnes interrogées sont prêtes à « être
occasionnellement sollicitées par les services de communication pour contribuer à des
publications ou des évènements pour lesquels leur hobby pourrait être utile » (parmi les 70 %,
10 % le feraient, seulement s’ils étaient rémunérés).
Là aussi, la reconnaissance est clé pour favoriser et pérenniser ce type d’initiatives.
Revenons à la première « richesse » dont nous parlions : la parole du collaborateur. En quoi est-elle une richesse ?
• C’est une parole qui permet au communicant d’ajuster son dispositif lorsqu’il
interroge le collaborateur sur ses attentes,
127 La page suivante renvoie vers quelques une de ces études : http://cottrillresearch.com/various-survey-statistics-
workers-spend-too-much-time-searching-for-information/
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• C’est une parole qui, lorsqu’elle circule dans l’entreprise, reflète la vraie vie de
l’organisation, que le communicant peut relayer et qui lui donne la possibilité de
comprendre et d’anticiper les intérêts des salariés,
• C’est surtout une parole considérée comme la source d’information sur l’entreprise la
plus crédible selon le « Baromètre Confiance Edelman 2015»128.
D’ailleurs, le collaborateur est déjà un « porte-parole » (en parlant à ses collègues, à ses
proches), une prise de parole démultipliée par les médias sociaux. « Aujourd’hui, le collaborateur
a un effet multiplicateur exceptionnel sur la communication, qu’elle soit interne ou externe »,
constate Caroline Guillaumin, directrice de la Communication du groupe Société Générale.
La question fondamentale est alors : « comment faire pour que l’information se
propage ? »
Nous voyons trois éléments indispensables à la propagation d’un contenu, quel qu’en soit
l’émetteur :
• Des conditions favorables :
- Un environnement de confiance, porté par la direction et le management, où
chacun se sent reconnu,
- La valorisation, par l’organisation, des compétences comportementales liées
à la collaboration, au partage, notamment dans les systèmes d’évaluation,
- Des espaces de dialogues permettant la propagation du message, qu’il
s’agisse de rencontres réelles ou d’outils collaboratifs,
- Un accès facilité à ces outils tant internes qu’externes (réseaux sociaux
d’entreprise, médias sociaux, etc.). Il est intéressant de noter à ce sujet que
certaines entreprises donnent la possibilité de partager directement un contenu
interne vers l’externe (lorsque celui-ci a été également prévu pour l’externe), via
des boutons de partage,
- La compréhension des usages de ces espaces de dialogue et de ces outils,
mais aussi de leurs enjeux (en particulier une priorisation claire entre ces
nouvelles « activités » et les tâches existantes),
- Des guidelines, des bonnes pratiques, assimilées par tous, pour accompagner
la prise de parole sur les espaces de dialogues tant internes qu’externes,
- …
128 Edelman. « Trust in Institutions Drops to Level of Great Recession ». Edelman, janvier 2015.
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• Un contenu qui donne envie d’être partagé :
- Un parler-vrai, compréhensible par chacun, un ton et des mots choisis qui
touchent,
- Un sujet qui répond aux attentes liées à l’actualité de l’entreprise,
- Des informations en adéquation avec la réalité du terrain, mettant en valeur
les équipes, les collaborateurs, leurs efforts, leurs compétences,
- Un format court, vivant et qui privilégie l’image, faisant référence à des
contenus plus longs si nécessaire,
- …
• Un intérêt pour le collaborateur à le partager :
- Un succès auquel il a contribué, lui permettant de valoriser, en interne et en
externe, ses compétences,
- Une information qui touche son domaine d’expertise et qui permet d’alimenter
des échanges avec ses pairs,
- Un sujet qui lui tient à cœur (engagement sociétal de l’entreprise par exemple),
- La mise en avant (sous forme de scores par exemple) des collaborateurs les plus
actifs dans la propagation,
- …
Marie-Gaëlle Michelin, directrice de la Communication Interne des Laboratoires IPSEN résume
ainsi ce nouvel enjeu des communicants en entreprise : « si nous avons bien réussi notre travail
de communication, on doit avoir permis au collaborateur d’avoir suffisamment été convaincu,
enthousiasmé ou tout simplement bien informé pour en devenir lui-même le vecteur. Il en parle à
ses collègues, autour de lui à titre personnel, il raconte son histoire, il donne des anecdotes qui
viennent apporter une preuve ou compléter des éléments de communication »
Communicant de masse à une masse de communicant Placés au cœur du dispositif de communication, les collaborateurs deviennent ainsi les
premiers médias de l’entreprise, tant en interne qu’en externe : « the staff is the media ».
129
129 Pour paraphraser le fameux concept de M.l McLuhan « The medium is the message », tout en nous inspirant d’un
poste de Frédéric Abella sur son blog « Du contenu au Client » « 7 milliards de médias : 5 actions pour changer de paradigme », décembre 2014. http://ducontenuauclient.fr/2014/01/12/7-milliards-de-medias-5-actions-pour-changer-de-paradigme/
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Conclusion
Comment réinventer la communication en interne à l’ère collaborative ?
Tout au long de ce mémoire, nous avons vu à quel point le numérique transformait les modes et
les pratiques de communication tant : en reliant les individus tout en abolissant les frontières
physiques et culturelles qui les séparaient jusque là, en accélérant la production, le partage
d’informations et de connaissances, en dynamisant les échanges sociaux par la collaboration.
Nous pourrions donc imaginer une organisation sans communicant, avec une information
qui se partage et se propage entre collaborateurs. Cependant, au-delà des modes de
communication, c’est la société tout entière qui se transforme ; une société en pleine
transition : transition numérique, dont nous avons parlée, mais aussi transition énergétique,
transition démocratique, etc. « Dans un système complexe, une transition décrit le passage d’un
état de départ devenu instable à un état d’arrivée stable ou en tout cas, adapté aux conditions du
moment », explique le think-tank Fing, dans un livre blanc sur les transitions.130 Or
aujourd’hui, ces états « d’arrivée » deviennent rapidement instables, obligeant les entreprises à
s’adapter sans cesse, un mouvement permanent, infini, que N.Alter appelle la «dynamique sans
aboutissement »131.
Nous sommes aujourd’hui convaincu que la communication interne joue ici un rôle plus que
jamais fondamental, à travers les compétences de ses équipes, pour expliquer ces
transitions, les transformations qu’elles engendrent, leur donner un sens et rassembler les
collaborateurs autour d’un projet commun (le communicant devient « ministre de la culture
d’entreprise »).
Et c’est à ce niveau, qu’elle doit se réinventer, car les salariés ne se contentent plus d’une
information de masse, ventant sans fin les réussites de l’organisation. Ils sont devenus, nous
l’avons vu, et c’est encore plus vrai pour la génération qui arrive, des récepteurs exigeants, en
attente d’une communication authentique, humaine, plus proche de leur réalité, plus interactive, à
laquelle ils veulent contribuer. Des employés, qui viennent chercher dans l’entreprise des repères
qu’ils ne trouvent plus forcément dans la société (« dirigeants charismatiques », travail, protection
sociale, etc.). Enfin, des collaborateurs qui, paradoxalement, se sentent désengagés,
« désabusés » par langue de bois de leur employeur, les promesses impossibles et les scandales
financiers (rappelons qu’en France seuls 9 % d’entre eux se sentent engagés).
130 FING Association. « Transitions - Cahier d’enjeux et de prospective ». avril 2015. 131 Alter, Norbert. Donner et prendre. LA DECOUVERTE, 2010.
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Nous proposons donc que, pour se réinventer, la communication en entreprise s’appuie
sur le « collaboratif ». D’une part, parce qu’en développant les échanges sociaux et la
contribution, « le collaboratif » favorise le sentiment d’appartenance et le sentiment d’exister,
essentiels à l’engagement des collaborateurs. D’autre part, parce qu’il répond aux attentes de ces
derniers de vouloir … collaborer davantage. Le communicant est alors « responsable des
relations internes », connectant les individus les un aux autres, créant des espaces de
dialogues, etc. Néanmoins, la communication interne ne peut pas être la seule à porter cette
transformation dans l’entreprise. Elle doit s’assurer de l’implication des dirigeants, les
accompagner pour qu’ils puissent donner leur vision, lever leurs craintes face à dialogue plus
ouvert dans l’organisation, tout en « embarquant » les autres fonctions transversales.
Se réinventer également à travers une culture du « parler-vrai », d’un discours
« authentique », adapté à la réalité du terrain, compris par tous. (Cela nécessite de connaître
l’organisation, les individus qui la composent, leurs besoins, les échanges qui les animent, etc. :
les compétences du « sociologue » que nous avons évoquées). Un parler-vrai qui va redonner
confiance, « libérer la parole ». Une prise de parole des salariés qui ne peut se faire qu’au sein
d’un environnement dans lequel ils se sentent considérés avec des usages et des enjeux
numériques qui leur ont été expliqués. Des changements d’habitudes et de comportements qu’il
faut bien évidemment accompagner : c’est la mission du « coach du changement ».
Se réinventer surtout, en plaçant le collaborateur au cœur de la stratégie, tant pour « co-
construire » un modèle collaboratif sur lequel va s’appuyer le nouveau dispositif de
communication, qu’en considérant sa parole comme une richesse. Une parole qui va aider le
communicant à adapter ce dispositif de communication aux intérêts et aux attentes des salariés.
Une parole qui reflète la vraie vie de l’organisation et que le communicant peut relayer. Enfin, une
parole qui est perçue, aujourd’hui, plus crédible que celle de l’entreprise. Au communicant donc
d’ « orchestrer » cette prise de parole et de la laisser se propager tant en interne qu’en
externe et faire des collaborateurs les premiers médias de l’entreprise.
Peut-on alors encore parler de communication interne ? Au-delà de la précision de langage, dont
nous parlions en fin de première partie, c’est surtout l’image actuelle de la « com’interne »
(information descendante, langue de bois, éloignée de la réalité, etc.) qui nous amène à préférer
les termes de « communication en entreprise ». Dès lors que nous faisons évoluer la
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fonction, que le modèle se réinvente, nous proposons de faire évoluer également son nom.
Oublions « la communication interne » et revoyons sa définition132 :
« Communication en entreprise : regroupe l'ensemble des actions qui coordonnent et
favorisent la communication au sein de cette entreprise. »
Une définition qu’il faudra sans doute revoir dans les quelques années à venir, tant l’organisation
du travail évolue rapidement (éclatement des lieux de travail, intégration des clients dans la
chaîne d’innovation et de production, etc.). Des transformations qui conduiront la communication
en entreprise à s’adapter, voire à se réinventer de nouveau.
« Puisque tout est à refaire, puisque tout reste à inventer »133
132 Pour rappel, nous donnions la définition suivante dans l’introduction : La communication interne ou
communication en entreprise regroupe l'ensemble des actions de communication mis en oeuvre au sein d’une entreprise à destination de ses salariés.
133 Serres, Michel. Petite poucette. Editions le Pommier, 2012.
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Derniers remerciements
Je tenais également à remercier les professionnels que j’ai pu interrogés et que je n’ai pas cités.
et que . LeuProfessionnels et spécialistes interrogés, en face en face ou par téléphone, cités
dans ce mémoire :
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• Camille Laval. « Du “zéro email” à la “social collaboration” - JDN », mai 2015.
http://www.journaldunet.com/solutions/expert/60798/du--zero-email--a-la--social-collaboration.shtml
• Communication & entreprise. « Renault et la communication interne », mai 2008.
http://www.communicationetentreprise.com/le-kiosque/webzin/detail-webzin/article/renault-et-la-commun.html
• Maillard, Ingrid. « Une démarche participative pour construire un plan stratégique Groupe ». AFCI, mars 2014.
http://www.afci.asso.fr/publications/toutes-les-publications/une-demarche-participative-pour-construire-un-plan-strategique-
groupe/
• Octo Technology. Les Géants du Web : Culture - Pratiques - Architecture. Octo, 2012.
• Vincent, Claude. « Transformation numérique : les plus belles initiatives du CAC 40 ». lesechos.fr, décembre 2014.
http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/lenjeu-du-mois/0203730853183-transformation-numerique-les-plus-belles-
initiatives-du-cac-40-1039142.php#Xtor=AD-6000
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Annexes
Quand les entreprises adoptent le collaboratif .......................................................................... 105
POULT : l’entreprise collaborative ! .......................................................................................... 105Atos : l’entreprise « Zéro EMail » ! ............................................................................................ 107Castorama : l’intelligence collective des collaborateurs comme moteur de croissance ........... 109Axa : « One » « One » un portail unique pour favoriser l’intelligence collective ....................... 110Club Med : Une plateforme digitale pour incarner la culture d’entreprise et partager les
émotions ............................................................................................................................. 111Société Générale : un débat collaboratif sur la transition numérique ouvert à tous les
salariés ............................................................................................................................... 112
Questionnaire « Communication Interne et approches collaboratives » ................................ 113
Introduction ............................................................................................................................... 113Questionnaire ............................................................................................................................ 113
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Quand les entreprises adoptent le collaboratif
POULT : l’entreprise collaborative !
Secteur : agroalimentaire
Nombre de salariés : 800 salariés sur 5 sites en France
Fondé en 1883, le groupe Poult est le deuxième fabricant de biscuits sucrés en France après LU.
Le groupe fabrique des biscuits pour des marques comme Auchan, Carrefour, etc., et est à ce
titre, le leader en France de la Marque de Distributeur (MDD) (40 % de part de marché). En 2006,
afin d’éviter de nouveaux plans sociaux, le directeur du groupe, Carlos Verkaeren, fait appel aux
salariés pour réinventer le fonctionnement de l’entreprise qui connaît des difficultés financières.
Pendant près de six mois, les 500 salariés du groupe réfléchissent sur un nouveau modèle. Très
rapidement, l’organisation est remise en cause, trop de silos, trop de niveaux hiérarchiques qui
nuisent à la prise de décision, à la prise d’initiative et par conséquent au développement de
l’innovation du groupe. Il est alors décidé de « déhiérarchiser » la structure et de rendre plus
autonomes les collaborateur. Le comité de direction est remplacé par une équipe « projet
entreprise » composée d’une quinzaine de salariés (ouvriers, employés, cadres) qui choisissent
collectivement les orientations stratégiques de l’entreprise ; un autre collectif gère les
rémunérations et les investissements. Les membres de ces équipes sont renouvelés tous les
ans, sur la base du volontariat. Les postes de DRH, de directeur commercial, etc. sont supprimés
et leurs équipes sont rendues autonomes, avec un leadership tournant. De même pour les
équipes de production, dans lesquelles les décisions sont également prises collectivement par les
ouvriers prenant désormais à tour de rôle les tâches de planification, de contrôles, etc. Ce qui a
généré la démission d’un certain nombre de cadres intermédiaires et de quelques ouvriers qui ne
se retrouvaient pas dans ce modèle.
Afin que chacun puisse prendre les bonnes décisions à son niveau, ces changements ont
nécessité une plus grande transparence notamment sur les chiffres et les résultats.
Des résultats qui sont au rendez-vous : entre 2008 et 2010, le chiffre d’affaires du groupe a
doublé, avec une formidable satisfaction des collaborateurs comme le témoigne cette opératrice
travaillant dans le groupe depuis plus de 20 ans134 « si l’on me proposait aujourd’hui le double de
mon salaire pour aller dans une autre entreprise qui fonctionne comme avant, je refuserais. On
n’est plus l’employé d’usine à qui on dit "fait-ci fait-ça, pointe, rentre chez toi, reviens demain". On
organise notre journée selon le travail qu’on a à faire ; je travaille bien sûr avec mes bras et mes
134 Les témoignages de salariés de Poult sont issus d’un reportage d’ ARTE : Le bonheur au travail !, février 2015.
https://www.youtube.com/watch?v=S8oi1meqUDo.
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jambes, mais on travaille aussi avec beaucoup la tête et avec une conscience professionnelle ».
Un autre opérateur : « Avant j’étais comme un robot qui faisait ce qu’on lui demande. Maintenant,
je ne fais pas ce qu’on me demande : je fais ce qui est bien… Aujourd’hui, je sais que mes
collègues sont mes clients. Si je ne fais pas bien mon travail, je les mets en difficulté. S’ils ont un
problème, ils viennent me voir et je vois comment je peux améliorer mon produit ». Un cadre
explique également que cela n’a pas forcément été simple au début de trouver ses marques,
mais à quel point son travail est désormais valorisant en comparaison du contrôle et du suivi qu’il
devait effectuer en tant que chef d’équipe : « Il a fallu d’abord que je m’affranchisse de mon rôle
hiérarchique pour que je m’épanouisse dans mes nouvelles missions. Mon métier maintenant
c’est d’accompagner les opérateurs pour qu’ils se sentent bien dans leur travail et qu’ils
accomplissent dans les meilleures conditions ».
En termes de communication : ne connaissant pas encore le fonctionnement de Poult, nous
avons eu quelques difficultés à trouver un référent sur la communication interne de l’entreprise.
Nous avons été alors en contact avec Olivier Murat, « community manager » du groupe, qui nous
a indiqué qu’il n’y avait pas de service de communication ! (Par contre, une équipe de marketing
accompagne les lignes de produits). Avant la mise en place d’un réseau social il y a un an, au-
delà de l’échange d’e-mails entre les différents sites, deux dispositifs de communication interne
avaient été mis en place : un journal trimestriel le « Minimag » et des écrans de télévision dans
les salles de repos, où tout autre lieu choisi par les salariés. Le journal est coordonné par une
dizaine de volontaires (là aussi, renouvelés tous les ans), aidés par un prestataire qui s’occupe
de la rédaction, de la mise en page et de son impression. Chaque collaborateur du groupe est
libre de contacter directement ce prestataire pour proposer un sujet pour le prochain numéro.
Contrairement à ce journal dont la publication est la même pour toute l’entreprise Poult, chaque
site est libre de diffuser les informations qu’il souhaite sur ses télévisions. Un collaborateur de ce
site est alors en charge de cette diffusion. Olivier Murat, qui fait partie de l’équipe « innovation »
nous a expliqué que le réseau social, étonnamment, n’est arrivé qu’il y a à peine un an dans
l’entreprise, un projet piloté d’ailleurs par une quinzaine de volontaires qui ont choisi l’outil et
recruté le « community manager » ! « Un réseau social d’entreprise dans une telle entreprise est
un véritable levier d’appropriation de la communication interne », constate Olivier Murat, qui s’en
est servi dans un premier temps « à contre-pied » comme un outil de diffusion d’information du
groupe. Il a ensuite accompagné les différents projets pour créer des communautés et faciliter
ainsi la communication et la prise de décision entre les membres d’un même collectif. Le cabinet
Lecko, spécialisé dans les audits de plateformes collaboratives, a par ailleurs évalué le réseau
social interne de Poult plus performant que des dispositifs déjà audités sur 30 entreprises du
CAC40. Enfin sur la communication externe, Olivier Murat nous indiquait que chaque
collaborateur est libre de répondre à la presse s’il est interrogé « Le modèle étant basé sur la
transparence et la bienveillance, il y a peu de risques que ces témoignages se passent mal ».
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La prochaine étape pour l’équipe « innovation » est de s’appuyer sur ce réseau social pour
favoriser une culture commune et pour le « community manager » d’embarquer les opérateurs
qui dans leur quotidien n’ont pas nécessairement accès au réseau social.
Atos : l’entreprise « Zéro EMail » !
Secteur : SSII
Nombre de salariés : 93 000 salariés sur 72 sites dans le monde
Créé en 2000, Atos est aujourd’hui l’un des leaders mondiaux des entreprises de services du
numérique, et leader du Cloud en Europe. En 2011, son PDG Thierry Breton annonce le
lancement du programme « Zéro Email », partant du constat que la surabondance d’e-mails
polluait l’activité de l’entreprise. L’objectif : « communiquer et travailler de façon plus efficace en
se débarrassant du surplus d’e-mails considérés comme une perte de temps, une source de
stress ».135 Un groupe de travail, composé de la « Scientific Community » et du « Junior Group », 136a été invité à repenser le modèle en réduisant la place de l’e-mail et en renforçant le
collaboratif au quotidien. Une réflexion a été faite pour identifier les usages qui ne nécessitaient
pas d’e-mails et qui pouvaient s’appuyer sur d’autres outils plus collaboratifs (des guidelines ont
été publiées : « E-mail étiquette »). Une autre réflexion a été faite sur les autres moyens de
communication à mettre en place pour remplacer l’utilisation de l’e-mail quand c’était possible.
Trois outils ont été retenus : une messagerie instantanée pour les échanges directs entre
collaborateurs (qui sert également pour se connecter en visioconférence), un Intranet collaboratif
(de type « Sharepoint ») pour stocker les documents et partager l’information « statique »
(organigrammes, missions, etc.) et enfin un réseau social d’entreprise pour le travail collaboratif.
Ce réseau social est au cœur de l’activité d’Atos avec un nouveau mode de fonctionnement en
communautés qui s’entrecroisent : communautés de projets, communautés d’experts,
communautés d’intérêts et communautés organisationnelles. Chaque collaborateur appartient
ainsi à plusieurs communautés auxquelles il contribue, avec lesquelles il partage de l’information,
etc. « C’est une vraie révolution d’entreprise, un nouveau paradigme qui nécessite à la fois un
changement de culture, un changement managérial et un changement de comportement », nous
expliquait Sarah-Pearl Bokobza, directrice mondiale de la communication interne d’Atos. Une
entité dédiée au changement a été mise en place et pilote cette transformation. 3500 managers
135 Certaines citations de ce chapitre sont issues d’un interview de Sarah-Perak Bokobza par Camille Laval. « Du
“zéro email” à la “social collaboration” - JDN », Mai 2015. http://www.journaldunet.com/solutions/expert/60798/du-zero-email-a-la-social-collaboration.html
136 La « Scientific Community » compte 100 collaborateurs d’Atos qui en plus de leur métier ont été identifiés comme ayant des idées innovantes ; le « Junior Group » est constitué des jeunes talents qui suivent un cursus interne pour être les managers de demain. Ces deux groupes sont régulièrement sollicités pour réfléchir sur des problématiques du groupe, comment ils imaginent le futur.
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du groupe ont suivi un cursus appelé « LITZEC : Leadership In The Zero Email Company » pour
qu’ils s’approprient leur nouveau rôle, chaque manager étant invité à animer son équipe à travers
une communauté. Des managers, régulièrement accompagnés par des « Community Leaders »
qui ont une vision globale de la démarche, des outils, de leurs usages et qui peuvent ainsi
capitaliser sur les succès collectés dans le groupe. Les collaborateurs ont également été formés
à appréhender ces nouveaux modes de communication. Un collaborateur qui « va retrouver
confiance dans sa valeur ajoutée dans l’entreprise, dans son expertise, ce qui est un des objectifs
initiaux du programme. In fine, il n’est plus seul avec son manager et son environnement. Il va
créer des relations multiples qui vont l’accompagner dans ses projets… La culture “Zéro e-mail”
est très présente chez l’ensemble des collaborateurs, mais on est plus aujourd’hui sur la "social
collaboration" »137 précise S-P.Bokobza. En février 2014, Thierry Breton se réjouissait des
résultats : « En 3 ans, le nombre d’e-mails échangés en interne a baissé de 60 % et la
collaboration globale a été multipliée par 20 » (300 000 contributions chaque mois sur le réseau
social, 7 500 communautés, etc.). Un cadre que nous avons rencontré témoigne « c’est un
véritable changement ! En tant que responsable de missions, mon équipe est rarement réunie,
disséminée chez le client et notre communauté est un formidable outil pour échanger, partager
des informations, nos expériences : c’est la mémoire de notre mission ». Un autre cadre nous a
confié « On a un accès direct au patron France qui s’adresse à nous régulièrement via le réseau
social ». Une jeune diplômée recrutée dernièrement nous raconte : « cette approche a pour moi
changé beaucoup de choses. D’abord sur la gestion de mon temps : savoir utiliser le bon moyen
de communication pour le bon usage fait gagner énormément de temps, évite les e-mails inutiles
et accélère le temps d’accès à l’information. Ensuite, au niveau du contact avec les autres
collaborateurs : ces outils permettent plus de proximité et changent les rapports humains. Avec
l’e-mail, on s’adresse à une personne totalement fictive cachée dernière une adresse. Avec le
réseau social et la messagerie instantanée, on s’adresse à des personnes, on peut voir leur
photo, leur profil, etc. Cela redonne une dimension humaine très importante, de mon point de
vue, dans le cadre professionnel et notamment en ce qui concerne le bien-être au travail ».
En termes de communication : Sarah-Pearl Bokobza nous expliquait les impacts d’un tel
fonctionnement sur la communication interne. D’abord au niveau de son équipe mondiale, qu’elle
anime sur une communauté du réseau social : « Cela nous permet non seulement de travailler
ensemble sur nos publications, de nous conseiller mutuellement sur nos projets de
communication, mais aussi de partager sur les initiatives locales, des initiatives que chacun peut
relayer auprès de ses propres communautés », précise-t-elle. « C’est surtout pour moi la
possibilité d’avoir une vision plus claire de ce qu’il se passe dans les régions et de pouvoir
reprendre facilement en global des bonnes pratiques locales. Mon rôle devient de plus en plus
137 Camille Laval. ibidem.
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celui d’un chef d’orchestre, d’un conseiller ». Pour diffuser de l’information aux salariés d’Atos,
une communauté a été mise en place : « News you can use ». « Ce qui change ici c’est le mode
de diffusion. Nous poussons l’information dans cette communauté, et les personnes intéressées
(la communauté est suivie par plus de 28 000 collaborateurs) viennent chercher cette information.
Ensuite s’ils pensent que cela peut les intéresser, ils la partagent auprès de leurs collègues ».
L’information se propage ainsi de communauté en communauté. Sarah-Pearl Bokobza remarque
ainsi que « si la publication à la base est verticale, la diffusion par propagation est finalement
horizontale ». Le réseau social offre l’avantage de savoir qui lit, d’avoir un retour en direct sur ce
qui plaît ou ce qui ne plaît pas et d’adapter les communications en fonction. « Nous faisons
régulièrement des petits sondages pour ajuster nos publications en conséquence. Des
améliorations qui semblent être appréciées, car le nombre d’abonnés ne cesse de s’accroître ».
La prochaine étape est de centraliser les trois outils sur une même plateforme pour enrichir
encore l’expérience utilisateur. À terme, c’est également « la gouvernance de l’entreprise qui va
probablement évoluer vers un fonctionnement en communauté, tant nous voyons les bénéfices
sur notre activité », selon François d’Anselme, responsable des approches collaboratives de la
direction de la communication.
Castorama : l’intelligence collective des collaborateurs comme moteur de croissance
Secteur : Grande distribution
Nombre de salariés : 12 500 en France
À partir de 2003, la direction de Castorama France recherche de nouveaux moteurs de
croissance. En effet, d’une part, l’enseigne de Bricolage ne peut plus compter sur une extension
à l’international, car depuis son rachat par le groupe KingFisher en 2002, ce dernier gère les
filiales de Castorama à l’étranger ; d’autre part, la possibilité d’extension en France est limitée
avec déjà plus de 100 magasins couvrant largement le territoire. Un programme de
« revitalisation » est alors engagé qui s’appuie sur « l’énergie, la motivation des hommes et leur
capacité à réinventer le métier » comme levier de croissance, nous a expliqué Marie-Gaëlle
Michelin, ancienne directrice de la Communication Interne de Castorama, désormais de directrice
de la Communication Interne des laboratoires IPSEN. « L’objectif était alors de trouver ensemble
des nouveaux modes de distribution, des nouveaux produits et d’améliorer la productivité
quotidienne », mais aussi de replacer le personnel au cœur des décisions, pour réengager les
collaborateurs dans une dynamique commune et développer ainsi un sentiment d’appartenance.
Des études montrent en effet à cette période qu’un certain désengagement des salariés se fait
ressentir dans les magasins au détriment de la satisfaction client. Trois dispositifs collaboratifs
sont alors mis en place pour faire de Castorama « une entreprise qui se parle ». Un premier
dispositif d’écoute et d’échange, « Vizavi », invite les collaborateurs et les dirigeants à débattre
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sur un plateau TV sur des sujets de société tels que « Est-ce que l’entreprise me mérite ? »
« L’avenir est-il féminin ? » Comme nous le confiait Marie-Gaëlle Michelin, cette initiative est
aussi une réponse à la promesse de la grande distribution de faire grandir les hommes. Un
deuxième dispositif a été implémenté : la plateforme participative « Castoramoa », véritable
espace de partage et de co-construction. Un des premiers projets lancés sur « Castoramoa » fut
le renouvellement de la tenue de l’entreprise. « Cela a donné lieu à une libération complète de la
prise de parole, à beaucoup d’humour, de créativité », l’équipe de marketing se chargeant
simplement de donner quelques consignes, d’alimenter le débat avec des témoignages
extérieurs, les enjeux de la marque, pour nourrir les capacités de réflexions des collaborateurs.
Un comité de pilotage a ensuite pris les décisions sur les tendances qui étaient ressorties de ce
débat. Un binôme pour chaque magasin a finalement été convié à une cérémonie festive au
« Studio Gabriel » à Paris, avec défilé pour présenter la nouvelle tenue. Chaque binôme est
ensuite reparti avec un kit de communication leur permettant de « cascader » sur leur site les
principes de cette nouvelle tenue. De nombreux projets de co-construction (autour de
l’innovation, la satisfaction clients, etc.) ont été ainsi été menés sur « Castoramoa » permettant
de créer un lien entre les différents magasins, qui étaient jusqu’à présent très indépendants les
uns des autres. Troisième dispositif mis à disposition des collaborateurs : « CastoTV » qui diffuse
tous les lundis matin un programme de 10 minutes sur toutes les télévisions des salles de pause.
Ce programme est constitué de vidéos faites par les équipes locales ou des reportages de
l’équipe « corporate », mais toujours sur des initiatives locales et qui répondent
systématiquement à une ligne éditoriale commune ayant un double objectif : « le premier est
de montrer comment la stratégie de l’entreprise se met en œuvre à travers son acteur principal :
le collaborateur ; le deuxième est de valoriser ce collaborateur en tant qu’individu, en tant que
personne privée avec ses talents » nous indiquait Marie-Gaëlle Michelin.
À noter également en externe, le lancement du site « LesTrocsHeures » une initiative lancée en
2011 par Castorama pour l’échange d’heures de bricolage entre particuliers.
Axa : « One » « One » un portail unique pour favoriser l’intelligence collective
Secteur : Banque Assurance
Nombre de salariés : 161 000 collaborateurs dans 59 pays.
En 2010, AXA souhaite rassembler l'ensemble du groupe sur une même plate-forme collaborative
afin de favoriser l'intelligence collective. Nous avons rencontré Emmanuel Frizon de Lamotte,
responsable des projets transversaux à la direction de la Communication d’Axa France, qui nous
a présenté le portail « One » lancé en 2012, après deux ans de réflexions et de tests. Ce portail
réunit, sur une même plateforme, un Intranet, un réseau social et un espace documentaire. La
particularité de la démarche est d’avoir placé ce portail comme un outil de travail clé au cœur de
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l’activité quotidienne des collaborateurs. En effet, l’accès aux applications « métiers » passe par
« One » : ainsi se retrouvent réunis sur un même site les informations « Top down » de l’Intranet,
le travail collaboratif des 2000 communautés (essentiellement sur des projets, 50 % d’entre elles
sont mises à jour tous les mois), les partages d’expérience des blogs personnels (notamment
ceux de champions digitaux qui diffusent leurs usages numériques), la base documentaire et
l’accès aux outils de travail. « L’idée c’est de dire quand je suis sur "One" : je travaille » remarque
Emmanuel Frizon de Lamotte, « notre objectif est de transformer la manière de travailler et de
montrer que l’utilisation des outils va apporter une efficacité réelle ». Les différents métiers sont
par ailleurs accompagnés pour enrichir les modèles et les usages de « One » (portail utilisé par
18 000 personnes en France et 100 000 à l’étranger ; plus de 60 % de collaborateurs satisfaits,
nombre de membres doublé en deux ans). La prochaine étape en cours d’étude et de pouvoir
intégrer à la plateforme une application de traduction automatique afin de faciliter encore plus les
échanges entre pays. Ce dispositif vient compléter d’autres démarches collaboratives :
l’innovation participative lancée en 2006 (plus de 10 000 idées collectées depuis sa création) et
une association de talents artistiques internes créée en 2008 pour soutenir près de 200
collaborateurs dans leurs passions (musique, peinture, photographie, etc.) à travers des concerts,
des expositions, etc. ; une salariée a même sculpté le modèle des Trophées d’Entreprise.
« Échangeons nos connaissances, mais partageons aussi nos passions ! »
Club Med : Une plateforme digitale pour incarner la culture d’entreprise et partager les émotions
Secteur : Tourisme
Nombre de salariés : 15 000 salariés de près de 100 nationalités différentes
« Depuis 65 ans, notre métier c’est vendre du bonheur », nous expliquait, lors d’un entretien,
Laurent Sabbah, directeur de la Communication Interne du Club Med. « "L’esprit Club Med" c’est
notre culture d’entreprise et c’est l’avantage compétitif que nous vendons à nos clients. Cette
culture nous devons la partager, la faire vivre, la nourrir, la dynamiser, la faire la connaître,
l’incarner, etc. ». C’est dans cette optique qu’une plateforme digitale interne, « enjoy ! », a été
lancée en 2013, plaçant la culture d’entreprise et ceux qui la portent, les fameux G.O (les
animateurs, « Gentil Organisateur), au cœur de la dynamique. Une plateforme qui repose su 4
piliers138 : un contenu, « Culture first » ; une écriture, « Visual first » (photos et vidéos sont
privilégiées) ; un support, « Mobile first » (pour permettre à tous de se connecter quel que soit
leur pays, tout en s’adaptant aux nouveaux usages des G.O dont la moyenne d’âge est de 24
ans) ; une audience « G.O. first ». Ces mêmes G.O. qui ont été accompagnés afin de faire
138 Nous avons complété ce témoignage par des informations que nous avons trouvées dans un article : Laurent
Sabbah. « Et si le Dalaï-lama, Spielberg, Bourdieu venaient nous aider ? » Les cahiers de la communication interne, nᵒ 34 (Juin 2014).
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comprendre à chacun qu’il pouvait être « un média » à part entière et mettre à disposition de tous
leurs propres expériences. Une plateforme qui permet donc de faire vivre au quotidien cet « esprit
Club Med », et d’aider les nouveaux arrivants à le comprendre et à se l’approprier. Pour
compléter le dispositif, Laurent Sabbah a souhaité que la réaction à une publication ne se fasse
pas à travers une simple fonction « like », mais via une application, « Wifeel », qui donne la
possibilité au lecteur de partager son émotion parmi les dix qui lui sont proposées (enthousiasme,
fierté, intérêt, déception, etc.). Selon lui « Aujourd’hui, Club Med est la seule entreprise en France
à avoir implémenté un tel mécanisme pour de la communication interne ». « C’est une façon
d’inscrire la culture du Club Med dans cette dimension affective, émotionnelle, humaine qui fait
partie de son identité » nous précise-t-il, en racontant le témoignage de certains G.O : « Ça
correspond à ce que l’on peut ressentir quand on est dans nos villages, c’est cohérent avec la
culture et la promesse d’entreprise ». « enjoy ! » comptabilise désormais 860 contenus bilingues,
plus de 3 400 inscrits depuis juillet 2013 (sur un objectif de 7 500 G.O) représentant 52
nationalités.
Société Générale : un débat collaboratif sur la transition numérique ouvert à tous les salariés
Secteur : Banque, Assurance
Nombre de salariés : 150 000 collaborateurs dans 76 pays
De mai 2013 à juillet 2013, Société Générale a lancé une expérience collaborative qui a associé
l’ensemble de ses collaborateurs dans le monde à une démarche de co-construction. Ils ont été
invités à réfléchir aux mutations liées à la transition numérique et ont pu contribuer en soumettant
leurs propres suggestions sur trois thématiques : les changements en matière de relation clients,
les évolutions de leurs conditions de travail et les impacts sur les systèmes technologiques. Cette
démarche s’est déroulée en 4 étapes : une première étape de préparation (d’avril à mai) avec
près de 100 volontaires convaincus de l’initiative ; ensuite un mois de débat collaboratif (plus de
1000 idées proposées, 19 pays participants, 3000 commentaires, 12 000 « likes ») ; une période
de votes (16 000 votes collectés en 3 jours) ; un évènement pour clôturer la démarche avec des
personnes de renom (le philosophe Michel Serres, Christine Balagué vice présidente du conseil
numérique, etc.). L’initiative a non seulement permis de prioriser les choix et d’accélérer la
transition numérique du groupe (mise en place du télétravail, du Cloud, du Bigdata, etc.), mais a
aussi suscité un vrai engouement auprès des salariés « C’était extra de pouvoir commenter une
idée qui avait été émise à New-York et de voir, le lendemain, que mon commentaire avait été liké
à Singapore » témoigne un collaborateur. Par ailleurs, le réseau social, qui ne comptait que 8000
membres avant ce projet, a vu son nombre doubler à la fin du débat. Ce sont aujourd’hui près de
60 000 personnes inscrites, plus de 1000 communautés et 26 000 photos chargées.
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Questionnaire « Communication Interne et approches collaboratives »
Introduction
Le questionnaire, développé sur la plateforme « Survey-monkey », a été envoyé à 558
personnes. 227 réponses ont été collectées, dont 159 concernant les grandes entreprises. Voici
la composition de ces 159 personnes :
Questionnaire 1. La communication interne est selon vous ?
• Essentielle • Importante • Secondaire
2. Les rôles de la communication interne dans l'entreprise. Selon vous, quels sont les rôles principaux de la communication interne ? (Plusieurs réponses de même niveau possible - par exemple vous pouvez considérer que tous ces rôles sont prioritaires)
• Sensibiliser le personnel aux enjeux de l’entreprise • Répondre aux besoins d’information des collaborateurs • Accompagner les collaborateurs dans le changement • Développer une identité d’entreprise, une culture commune • Stimuler la motivation, développer l’enthousiasme. • Prévoir et résoudre les situations de crise • Commentaire
Populations par tranches d’âges
Populations par tranches secteur d’activité
0
10
20
30
40
50
60
Agroalimentaire Energie Finance & Assurance
Industrie Luxe Pharmacie Services Autre
Homme Femme
35%
65%0
10
20
30
40
50
60
70
80
19-25 26-35 36-45 46-55 55-65
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3. La communication interne de votre entreprise 1/5 Comment évalueriez-vous la communication interne de votre entreprise dans ces différents rôles ?
• Sensibiliser le personnel aux enjeux de l’entreprise • Répondre aux besoins d’information des collaborateurs • Accompagner les collaborateurs dans le changement • Développer une identité d’entreprise, une culture commune • Stimuler la motivation, développer l’enthousiasme. • Prévoir et résoudre les situations de crise
4. La communication interne de votre entreprise 2/5 Pensez-vous que la communication interne de votre entreprise s'est améliorée sur ces sujets ces 4 dernières années ?
• Sensibiliser le personnel aux enjeux de l’entreprise • Répondre aux besoins d’information des collaborateurs • Accompagner les collaborateurs dans le changement • Développer une identité d’entreprise, une culture commune • Stimuler la motivation, développer l’enthousiasme. • Prévoir et résoudre les situations de crise Commentaire
5. La communication interne de votre entreprise 3/5 Comment jugez vous l'information diffusée au sein de votre entreprise ?
• Fiable / Objective • Vraie / Honnête • Utile / Intéressante • Claire / Structurée • Adaptée à mon besoin • Facilement accessible • Cohérente avec la com. externe • Mise à jour régulièrement / à temps Commentaire
6. La communication interne de votre entreprise 4/5 Etes-vous satisfait de la communication interne de votre entreprise ?
• Très satisfait • Satisfait • Assez satisfait • Pas du tout satisfait • Ne se prononce pas Commentaire
7. La communication interne de votre entreprise 5/5 Si vous pouviez changer quelque chose dans la communication interne dans votre entreprise, que feriez-vous ? (organisation, stratégie…) : 8. Avez-vous des remarques ou des commentaires à faire sur la communication interne, en général ou dans votre entreprise ? 9. Quels outils / actions de communication (en dehors de l'email) sont à votre disposition dans votre entreprise ?
• Intranets • Journaux électroniques (Newsletter) pour l'entreprise, votre département, etc. • Blogs de dirigeants, managers, etc. • Outils collaboratifs (réseau social d'entreprise, etc.) • Live chats / Conférences téléphoniques • Vidéos • Réunions d'informations / Séminaires • Evènements de type "Team Building, sportifs, associatifs, etc. • Messagerie instantanée • Application dédiée • Autre (veuillez préciser)
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10. Quelles sont les sources d'informations que vous utilisez le plus régulièrement (Quotidiennement ; Quelques fois par semaine ; Quelques fois par mois ; Quelques fois par an ; Jamais) ?
• Intranets • Journaux électroniques (Newsletter) pour l'entreprise, votre département, etc. • Blogs de dirigeants, managers, etc. • Outils collaboratifs (réseau social d'entreprise, etc.) • Live chats / Conférences téléphoniques / Visio • Vidéos • Réunions d'informations / Séminaires • Evènements de type "Team Building", sportifs, associatifs, etc. • Collègues • Responsable hiérarchique Commentaire
11. De manière générale quels outils ou actions utilisez-vous quand vous voulez personnellement partager de l'information au sein de l'entreprise (Quotidiennement ; Quelques fois par semaine ; Quelques fois par mois ; Quelques fois par an ; Jamais)?
• Téléphone • Conférences téléphoniques / Visio • Emails • Messagerie instantanée • Outils collaboratifs (réseau social d'entreprise, etc.) • Réunions • Rencontres informelles (café, déjeuner etc.) • Collègues • Responsable hiérarchique Commentaire
12. Avez-vous des remarques ou des commentaires à faire sur les outils de communication interne, en général ou dans votre entreprise ? 13. Est ce que votre entreprise a déjà mis en place :
• Des intranets ou blogs ouverts aux commentaires • Un réseau social d'entreprise (équivalent de Facebook, etc.) • Une démarche collaborative (débat, innovation participative, etc.) • Autre (veuillez préciser)
14. Quelles usages de ces offres avez-vous ? (Attention plusieurs réponses par ligne : Je consulte très régulièrement ; Je consulte souvent ; Je consulte rarement ; Je ne consulte jamais ; Je contribue très régulièrement ; Je contribue souvent ; Je contribue rarement ; Je ne contribue jamais)
• Des intranets ou blogs ouverts aux commentaires • Un réseau social d'entreprise (équivalent de Facebook, etc.) • Une démarche collaborative (débat, innovation participative, etc.) • Autre (veuillez préciser)
15. Si votre entreprise a déjà lancé une approche collaborative (débat, concours d'idées, innovation participative, etc.) avez vous participé ?
• Oui • Non • Non applicable Commentaire
16. Si vous avez participé, quelles ont été vos motivations ?
• Le plaisir de partager • Confronter mes idées • Rencontrer ou être en contact avec des collaborateurs que je ne connais pas • Le sentiment de contribuer à la vie de l'entreprise, à son évolution • Autre (veuillez préciser)
17. Si vous n'avez pas participé, qu'est-ce qui vous en a empêché ?
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• Je n'étais pas informé(e) à ce moment là de cette démarche • La peur de confronter mes idées / l'avis des autres • Le manque de formation aux outils utilisés • Ce type de démarche ne m'intéresse pas, je n'en comprends pas l'utilité • Le manque de temps • Autre (veuillez préciser)
18. De manière générale, que pensez-vous de ces démarches collaboratives ?
• Essentielles aux nouveaux modes de fonctionnement des entreprises • Utile, mais je ne me sens pas concerné(e) • Inutiles, c'est une mode un peu "gadget" • Autre (veuillez préciser)
19. Si vous avez un hobby (photographie, graphisme, dessin, musique, etc.) seriez vous prêt à :
• Le partager avec d'autres collègues (ou je le partage déjà) • Etre sollicité(e) occasionnellement par les services de communication pour contribuer à des publications ou des
événements pour lesquels mon hobby pourrait être utile • Etre sollicité(e) occasionnellement par les services de communication pour contribuer à des publications ou des
événements pour lesquels mon hobby pourrait être utile, seulement si vous êtes rémunéré(e)s • Aucune des propositions ci-dessus, ce qui est privé reste privé • Commentaire
20. Etes-vous ?
• Une femme • Un homme
21. Quel âge avez-vous ?
• 19-25 • 26-35 • 36-45 • 46-55 • 55-65
22. Dans quel secteur d'activité travaillez-vous ?
• Agroalimentaire • Energie • Finance & Assurance • Industrie • Luxe • Pharmacie • Services • Autre (veuillez spécifier)
23. Quelle est la taille de votre entreprise ?
- de 20 salariés • de 20 à 250 salariés • de 250 à 5 000 salariés • de 5 000 à 10 000 salariés • plus de 10 000 salariés