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Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

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Page 1: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

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Page 2: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

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Quelle décentralisation

dans une Tunisie reconfigurée ?

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Page 3: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

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Page 4: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Table des matières

III

Table des matières

Avant-Propos ………………………………………………………………………….. V Introduction ……………………………………………………………………………. 01 Chapitre 1:L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie …………. 05

1. Le découpage administratif ……………………………………………… 06

1.1. Le découpage précolonial : une assise tribale ……………….. 06

1.2. Le découpage Colonial …………………………………………… 06

1.3. Le découpage administratif depuis l’indépendance …………. 08

1.3.1. Du tribal au spatial ……………………………………….. 08

1.3.2. La dimension politique du maillage spatial …………….. 10

2. Les disparités régionales ………………………………………………… 11

2.1. Les politiques successives de développement régional …… 11

2.2. Le constat alarmant des disparités régionales ……………….. 14

2.2.1. Inégalités des niveaux de vie ………………………….. 14

2.2.2. Pauvreté : des disparités profondes …………………… 16

2.2.3. Le cercle vicieux du chômage et de la pauvreté ……… 17

3. Les déséquilibres du système urbain …………………………………… 19

3.1. La primatialité du système urbain ………………………………… 19

3.2. Tunis et les petites villes ………………………………………….. 22

3.3. Le système urbain tunisien : pénurie en villes intermédiaires 25 Chapitre 2: La division du territoire ………………………………………………. 31

1. Nouvelles tendances internationales en matière d’organisation territoriale ………………………………………………………………………

32

2. Vers une nouvelle architecture institutionnelle ………………………… 35

3. Quelles municipalités ………………………………………………………… 38

4. Quelles régions ………………………………………………………………… 44

5. Quels districts …………………………………………………………………. 48

5.1. Les principes du découpage en district et du choix des capitales de district …………………………………………………………………

50

5.1.1. Le découpage en districts ………………………………... 50

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Page 5: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Table des matières

IV

5.1.2. Le choix des capitales ……………………………………. 52

5.1.3. Les districts et leur capital ……………………………….. 55 Chapitre 3: La répartition des compétences …………………………………….. 65

1. Le contexte constitutionnel ……………………………………………….. 66

2. Les principes de la répartition des compétences ……………………... 70

2.1. L’offre de biens et services publics par les collectivités locales 70

2.2. Les actions des collectivités locales …………………………….. 72

3. Un modèle de répartition des compétences …………………………… 74 Conclusion ……………………………………………………………………………… 81 Bibliographie …………………………………………………………………………… 89

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Page 6: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

V

AVANT-PROPOS

La révolution a mis en lumière certains dysfonctionnements et doit donc forcer les

décideurs politiques ainsi que tous ceux qui œuvrent autour d'eux à repenser la

gestion territoriale du pays. Cette révolution est donc à la fois une chance et un défi.

Elle doit désormais porter l’espoir d’une nouvelle Tunisie prospère où il fait bon vivre.

Cependant, on reconnait qu’il ne peut y avoir désormais de réponses à des

problèmes de cette ampleur que dans le cadre d’une vision stratégique du

développement régional. En effet, le développement est un processus endogène et

cumulatif de progrès de la productivité permettant à un grand nombre de citoyens de

passer d'une situation de précarité, de vulnérabilité à une situation de bien-être

supérieure.

La réalité est qu’hélas, aujourd’hui la Tunisie de l’intérieur et la Tunisie de la côte ne

se développent toujours pas au même rythme. On aura bientôt, si rien ne change, à

côté de la région du grand Tunis et de quelques métropoles régionales, un grand

désert tunisien. L’ampleur de ces inégalités, leur profondeur, leur hétérogénéité

posent de nouveaux problèmes. A constater toutes les disparités régionales qui

règnent dans notre pays, on mesure combien la Tunisie développée reste encore à

construire et sa réalisation s'avère de plus en plus nécessaire pour la cohésion du

pays. Une telle situation est aujourd’hui inacceptable et une autre politique de

développement territorial est non seulement possible mais nécessaire.

L’un des défis majeurs est donc de corriger les disparités régionales en permettant

aux ressources disponibles d’être plus dynamiques et de favoriser des synergies

entre les différents secteurs de l’économie. Une nouvelle politique de développement

territorial doit être orientée afin d’accroître le potentiel socio-économique et

environnemental ainsi que la compétitivité des territoires. Contrairement à certaines

idées reçues, ni la trappe à sous-développement ni le creusement des inégalités

entre régions ne sont inéluctables. Mais il n’est pas inutile de rappeler que la réussite

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 7: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Avant-Propos

VI

d'un processus de développement résulte, bien entendu, de la mise en œuvre d’une

" décentralisation efficace ", conçue comme un ensemble d’actions graduelles dans

le temps. Last but not least, la réussite d’une telle décentralisation dépend également

du niveau d’engagement des citoyens et leur degré d’implication dans ce processus.

L’Etat doit également jouer son plein rôle dans l’orientation de la politique de

développement en matière de répartition des richesses. Il est temps de rompre avec

un passé entaché d’irrégularités. En revanche, et pour aborder un thème fort

complexe comme la décentralisation, il est judicieux de poser les bonnes questions.

Il nous faut avant tout comprendre comment nous en sommes arrivés là. Comment la

décentralisation pourrait briser le cercle vicieux du sous-développement des régions

de l’intérieur ?

Il est important de souligner que le développement socio-économique de l’ensemble

du pays reste notre objectif primordial mais nous admettons qu’il est nécessaire de

revoir les principes et les modalités du développement territorial.

Nous avons fait appel dans ce cadre à Messieurs Ghazi BOULILA, Makram

MONTACER et Racem MEHDI pour préparer cette étude qui se veut comme un

rapport de réflexion pour une nouvelle vision du développement territoriale, basée

sur la décentralisation. Ainsi, de nombreux débats ont eu lieu avec des universitaires,

des hauts fonctionnaires et des spécialistes afin de présenter une analyse détaillée

et exempte de parti pris idéologique implicite.

C’est dans ce cadre que s’inscrit le présent travail qui se veut un éclairage des

principaux enjeux et défis relatifs à ce sujet. Cet exercice est destiné à définir un

cadre de référence pour un système décentralisé.

Zouhair EL KADHI

Directeur des Etudes et de la Recherche

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Page 8: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

1

Introduction

L’étincelle des événements qui se sont

déroulés entre le 17 décembre 2010 et le 14

janvier 2011 est un incident entre un vendeur

ambulant et un agent municipal. Ces

événements se sont soldés par un

rassemblement populaire devant le ministère

de l’intérieur, autorité de tutelle des affaires territoriales et locales. Ces éléments

dénotent de l’importance de la collectivité territoriale dans l’esprit du citoyen tunisien

dans la mesure où il la considère comme le prolongement de l’autorité centrale. Deux

ans après la chute de l’ancien régime, cet état d’esprit est toujours présent. Les

différentes manifestations finissent généralement par des rassemblements devant les

sièges de gouvernorats ou encore des actes de vandalismes contre les sièges des

pouvoirs locaux.

L’importance de la

collectivité territoriale dans

l’esprit du citoyen tunisien

dans la mesure où il la

considère comme le

prolongement de l’autorité

centrale.

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Page 9: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Introduction

2

Les différents débats politiques, économiques

et juridiques reviennent régulièrement sur la

question des pouvoirs à accorder aux

collectivités locales dans le cadre d’un

processus de décentralisation. Certains ne

voient dans la décentralisation qu’un artifice

dans un petit pays dont la population ne

dépasse guère 11 millions d’habitants et se

caractérise par une forte homogénéité linguistique, culturelle, religieuse et ethnique.

Pour d’autres, la décentralisation s’impose comme l’organisation administrative la

plus à même d’atteindre deux objectifs fondamentaux que sont la démocratisation,

sur la plan politique, et le développement local et régional, sur la plan économique.

Comme le montrent les expériences des pays d’Amérique Latine et d’Afrique, la

décentralisation et la démocratisation sont deux processus qui s’accompagnent

mutuellement (Ebel et Yilmaz, 2002). En particulier, la décentralisation a pour

corollaire indispensable l’instauration d’une véritable démocratie locale dans la

mesure où elle établit la libre administration des collectivités locales par des conseils

élus. De cette façon, elle offre aux citoyens une plus grande place dans le processus

de formation des décisions publiques qui affectent directement leur vie quotidienne,

en exerçant un contrôle a priori et a postériori sur leurs représentants politiques

locaux ou territoriaux. Cette configuration s’oppose à celle d’un Etat centralisé,

jusque-là synonyme d’oppression, qui s’avère être inapte à prendre des mesures

considérées localement comme crédibles ou même légitimes. La décentralisation

permettra donc d’impliquer les citoyens et la société civile dans un processus

participatif dans les affaires locales et régionales.

L’objectif de développement local et régional exige une plus grande efficacité des

actions publiques de développement économique et social des régions défavorisées,

et de lutte contre les disparités spatiales sans toutefois léser les régions les plus

développées ou freiner leur dynamique de croissance. L’Etat centralisé a fait preuve

Les différents débats

politiques, économiques et

juridiques reviennent

régulièrement sur la

question des pouvoirs à

accorder aux collectivités

locales dans le cadre d’un

processus de

décentralisation. Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 10: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Introduction

3

d’une incapacité à mener une politique harmonieuse de développement régional. Il

s’est essentiellement focalisé sur les territoires dotés des potentialités et des

opportunités leur permettant de participer à l’ouverture internationale de l’économie

tunisienne dans le cadre d’une intégration fondée sur une logique de sous-traitance

internationale, tout en délaissant les autres territoires, condamnés à demeurer dans

leur vocation économique traditionnelle sans perspectives de développement futur

solide et cohérent. En tant que mode

d’administration publique fondée sur une

fragmentation des centres décisionnels, la

décentralisation permet un rapprochement

salutaire entre les décideurs publics et les

territoires administrés, de manière à

assurer une adéquation entre les intérêts

propres des premiers et les enjeux

économiques des seconds, et une meilleure prise en compte des spécificités, des

contraintes et des opportunités locales et régionales.

La décentralisation apparaît aujourd’hui comme nécessité incontournable qui fait

écho aux revendications réclamant, à grand cris et au prix du sang versé, plus de

« liberté » et de « dignité » en faveur du citoyen tunisien. Les députés de la

constituante ont inscrit dans la constitution du 27 Janvier 2014 une nouvelle

organisation de l’Etat fondée sur le principe de la décentralisation. Ce principe prend

forme au travers de trois catégories de collectivités locales telles que mentionné

dans le chapitre 7 de la constitution et plus précisément dans l’article 131 : la

commune, la région et le district. Cependant, de nombreuses questions demeurent

en suspens. La première porte sur la répartition des compétences entre le niveau

central et les niveaux locaux et régionaux : Quelles fonctions l’Etat doit-il conserver ?

Quelles sont celles à transférer aux différents échelons décentralisés respectifs ? La

seconde question fondamentale concerne le cadre institutionnel dans lequel doivent

être exercées les compétences déléguées et/ou dévolues. La constitution précise

En tant que mode

d’administration publique

fondée sur une fragmentation

des centres décisionnels, la

décentralisation permet un

rapprochement salutaire entre

les décideurs publics et les

territoires administrés,

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Page 11: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Introduction

4

que les trois collectivités locales doivent couvrir tout le territoire national. Or, dans

l’état actuel des choses, les communes ne couvrent pas tout le territoire national et

les districts sont des entités qui restent à être définis et créés. Une des premières

étapes de la mise en place de la décentralisation est donc de délimiter ces

collectivités locales. En d’autres termes, la question est de savoir le découpage

territorial qui doit être préalablement opéré pour délimiter les différentes collectivités

locales appelées à jouer un rôle plus grand dans une Tunisie recomposée.

En répondant à toutes ces questions, ce document apporte une contribution au débat

portant sur la nouvelle architecture des institutions, des pouvoirs et des compétences

en Tunisie.

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Page 12: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

5

Chapitre

1

L’organisation administrative et

spatiale de la Tunisie

L’opérationnalisation de la décentralisation doit passer par la mise en place d’un

plan spatial pour le développement de la Tunisie. Le principal défi, que doit relever

ce plan, est de réduire les déséquilibres de nature spatiale, économique et sociale,

qui marquent le pays, grâce à une stimulation de la croissance et du développement

économique dans de nouveaux centres, sans toucher aux dynamiques de croissance

des principales agglomérations du pays.

L’objectif de ce chapitre est de poser le point de départ de notre réflexion en

dressant un état des lieux de la situation actuelle, tout en l’inscrivant dans une

perspective historique. Nous abordons ainsi le découpage territorial de la Tunisie, le

contexte économique et social qui caractérise les régions qui ressortent de ce

découpage et la structuration du système urbain national. Ce tour d’horizon permet

de mettre en exergue les principaux éléments qui sont à considérer, aujourd’hui, pour

la mise en place de politiques, de stratégies ou de plans spatiaux qui doivent

accompagner la décentralisation.

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Page 13: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

6

Le découpage administratif

Le découpage administratif du territoire national est l’héritage d’un processus

historique qui plonge ses racines dans la Tunisie précolonial. Il reflète, à chaque

étape de son évolution, des considérations purement politiques qui ont guidé les

orientations des détenteurs successifs du pouvoir.

1.1. Le découpage précolonial : une assise tribale

La Tunisie était traditionnellement organisée en 70 « Caïdats » correspondant

chacune à un territoire tribal où le responsable (Caïd) avait une fonction

essentiellement fiscale. La Macheikhat est une entité inférieure à la Caïdat où le chef

(Cheikh) est chargé par le Caïd de la collecte de l’impôt tout en étant le maillon entre

la population et le pouvoir local. Le cheikh est généralement un notable d’une

fraction de tribu, désigné par le Caïd parmi des notables choisis par la population.

1.2. Le découpage Colonial

Le protectorat français a gardé cette même structure spatiale, tout en réduisant le

nombre de Caïdats en le ramenant à 36 après un processus de fixation au sol des

populations. En parallèle, le protectorat français a soumis les Caïds aux contrôles

civils, rattachés directement à la Résidence Générale. Outre le contrôle des Caïds,

ces derniers étaient chargés localement de la sécurité et des services techniques.

L’importance de l’agriculture aux yeux des français a conduit à un découpage

administratif particulièrement serré au nord et très large dans le centre et le sud, ce

dernier étant sous administration militaire. Le nord était divisé en 11 contrôles civils,

alors que le centre et le sud en seulement 7. De très petites agglomérations

coloniales étaient désignées comme les chefs-lieux de ces contrôles civils, à l’instar

de Mjez el Bab, Siliana, Teboursouk, Gaafour, Souk l’Erbaa (Jendouba) et

Zaghouan.

1

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Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

7

A une échelle plus fine, figuraient les communes et les macheikhats. Alors que les

dernières étaient destinées aux populations tunisiennes essentiellement rurales, les

premières touchaient les espaces où les colonies françaises étaient présentes, à

savoir les centres de colonisation agricole ou minière et les villes littorales.

Carte 1 : Organisation administrative de la Tunisie en 1936

Source : Atlas de la Tunisie, Horizons de France, 1936.

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Page 15: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

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1.3. Le découpage administratif depuis l’indépendance

Au lendemain de l’indépendance, l’Etat s’est penché sur la restructuration du

découpage administratif du pays avec trois objectifs à atteindre : assoir l’autorité de

l’Etat, contrecarrer le contre-pouvoir traditionnel et fixer le cadre administratif dans

lequel devait s’opérer la mobilité et l’accumulation (Belhédi, 1989).

1.3.1. Du tribal au spatial

L'assise tribale de l'ancien découpage administratif et de l'organisation territoriale est

la première visée par cette restructuration. Ainsi, les Caïdats sont remplacées par les

« Délégations », dont le fondement est plutôt spatial que tribal, et les contrôles civils

changent d’appellation pour devenir des « Gouvernorats ».

Dans la région du nord, où le maillage territorial était dense, des regroupements de

certains contrôles civils sont réalisés dans un nombre réduit de gouvernorats. Ainsi,

le gouvernorat de Béja rassemble les contrôles civils de Béja, Mjez el Bab et

Teboursouk et celui de Jendouba regroupe ceux de Souk el Arba (Jendouba) et de

Tabarka. Le gouvernorat du Kef correspond au regroupement des contrôles civils de

Kef et de Makthar. De son côté, la région du sud est réorganisée en trois

gouvernorats : Gabès, Tozeur et Gafsa.

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Page 16: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

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Tableau 1 : Le passage des caïdats aux gouvernorats

Source : Décret du 21 juin 1956 portant organisation administrative du royaume, Journal officiel tunisien, 22 juin 1956

Gouvernorat Caïdats

Béja Béja, Mjez el Bab, Teboursouk

Bizerte Bizerte et Mateur Gabès Gabès, Matmata et Djerba Gafsa Gafsa et SidiBouzid

Jendouba Souk El Arba, Souk El Kemis et AînDraham

Kairouan Kairouan et Pichon Kasserine Thala et Sbeïtla Médenine Médenine et Tataouine

Monastir Monastir, Mahdia, Jemmal et Souassi

Nabeul Nabeul et Soliman Sfax Sfax, Djebeniana et Mahrès

Sousse Sousse, Monastir, Mahdia, Jemmal et Souassi

Tozeur Tozeur et Kébili

Tunis Médina de Tunis, CaÏdats de la Banlieue et de Zaghouan

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Page 17: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

10

1.3.2.La dimension politique du maillage spatial

Le découpage administratif de la Tunisie n’a

cessé de s’affiner de l’indépendance jusqu’au

milieu des années 1980 dans un souci de

détruire la dimension tribale de la société

tunisienne.

Entre 1956 et 1959, le nombre de communes passe de 75 à 112, pour atteindre 246

en 1987.Dans le même temps, le nombre de délégations passe de 86 à plus de 200

et celui des gouvernorats augmente de 13 à 23. Cet affinage territorial s’accompagne

d’une baisse des cheikhats (749, en 1961, et 642, en 1964, contre 743, en 1956). La

majorité des délégations, créées entre 1960 et 1969, se situe à l’intérieur et au sud

du pays, régions opposantes au PSD (Parti Socialiste Destourien). C’est dans cette

même logique que trois gouvernorats sont créés au centre ouest du pays à savoir :

Siliana, Sidi Bouzid et Zaghouan. L’opposition forte du Sahel à la politique

collectiviste a mené les autorités à le diviser en trois gouvernorats : Sousse, Monastir

et Mahdia. Les événements de 1980 sont, quant à eux, à l’origine de la création des

gouvernorats frontaliers de Kébili, Tozeur et Tataouine. Enfin, la révolte du pain de

1984 a pour conséquence une réorganisation de Tunis, avec la création des

gouvernorats de l’Ariana et Ben Arous.

Aujourd’hui, l’organisation administrative de la Tunisie s’articule autour de 24

gouvernorats répartis en 264 délégations, elles-mêmes réparties en 2 073 secteurs

(Imadas). Il s’agit de Circonscriptions Administratives, c’est-à-dire les espaces de la

déconcentration administrative. Ils couvrent l’ensemble du territoire et sont dirigés

respectivement par des Gouverneurs, des Délégués et des Chefs de secteur

(Omdas). L’armature institutionnelle comporte également des Collectivités

Territoriales qui se composent des Gouvernorats et des Communes administrés par

Le découpage administratif

de la Tunisie n’a cessé de

s’affiner de l’indépendance

jusqu’au milieu des années

1980 dans un souci de

détruire la dimension tribale

de la société tunisienne.

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Page 18: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

11

des conseils (respectivement Conseils Régionaux et Conseil Municipaux).Un flou

existe entre les Circonscriptions Administratives (CA) et les Collectivités Territoriales

(CT). L’organisation administrative est telle que

les pouvoirs attribués au Gouverneur, à la fois

exécutif de la CT et de la CA, constituent un

handicap majeur à la décentralisation. Si le

Gouverneur doit demeurer le seul représentant

de l’Etat dans le territoire que dessine son

Gouvernorat et garder ainsi son statut d’exécutif

de la CA dont il a la charge, il est amené à s’effacer de la future CT que représente la

Région, celle-ci devant être dirigée par un Conseil élu au suffrage universel comme

le stipule la constitution du 27 janvier 2014.

Les disparités régionales

Il ne fait aucun doute que les disparités régionales ont atteint, au cours des dernières

années, une grande ampleur et de nombreuses régions ont le sentiment aujourd'hui

d’être des laissées pour compte. Il n'en reste pas moins que ce constat n’est pas le

fruit du hasard, mais résulte clairement de mauvais choix et des politiques de

développement mal orientées. Rétrospectivement, le processus de développement

en Tunisie s’est caractérisé par la succession de plusieurs phases qui ne se

ressemblent guère. Mais le point commun des dites politiques de développement

régional est que les résultats sont restés, semble-t-il, en deçà des attentes.

2.1. Les politiques successives de développement régional

Depuis 1960, le processus de développement du pays s’est caractérisé par quatre

phases. La première phase, qui correspond aux années 60, s’est caractérisée par

l’intervention directe de l’Etat dans la promotion de l’équilibre régional à travers la

2

L’organisation administrative

est telle que les pouvoirs

attribués au Gouverneur, à la

fois exécutif de la CT et de la

CA, constituent un handicap

majeur à la décentralisation.

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Page 19: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

12

création des pôles de développement économiques. L’Etat est le principal

investisseur dans le pays en créant notamment des pôles industriels et en valorisant

des ressources naturelles dans les régions de l’intérieur. Dans ce contexte, ont été

créés des pôles industriels du textile au Centre du pays (à Ksar Hellal), un complexe

phosphato-chimique (Gabes) d’industrie lourde au Nord (Raffinerie à Bizerte), des

industries agroalimentaires au Nord-Ouest (Usine de production de sucre à Béja),

des services au Sud (Tourisme Jerba) et des industries de transformation au Centre-

Ouest (Usine de pâte à papier à Kasserine). Même si cette stratégie n’a pas promu le

développement général du pays dans la mesure où les pôles n’ont pas touché les

diverses régions du pays, nombreux sont les experts qui estiment que cette politique

a été proportionnellement performante. D’ailleurs, tous les pôles créés à cette

époque continuent d’apporter un soutien incontestable à l’économie tunisienne.

Quant à la deuxième phase qui s’est étalée sur la période 1972 à 1986, elle a

marqué le passage d’une économie d’intervention de l’Etat à une économie de

marché avec des politiques économiques d’inspiration plutôt libérale. Dans ce

contexte, de nombreuses initiatives et actions ont été entreprises afin de réduire les

disparités régionales. On peut citer les Programmes de Développement Rural (PDR),

les Programmes de Développement Rural Intégré (PDRI). Du côté institutionnel, le

Commissariat Général du Développement Régional, l'Office de Développement du

Sud et le Fond de Développement Rural Intégré (FODERI) ont été créés. Toutefois,

ces différentes actions et initiatives allaient s’avérer inefficaces dans une certaine

mesure.

S’agissant de la troisième phase, elle a donné une nouvelle orientation au processus

de développement en adoptant, en 1986, le Programme d’Ajustement Structurel

(P.A.S.) et ceci jusqu’en 2004. Théoriquement, le développement régional s’articule

autour de plusieurs axes. D’abord, et afin de lutter contre le sous-développement des

régions de l’intérieur, des offices de développement et des sociétés d’investissement

sont créés. De plus, il est prévu d’apporter une attention particulière aux

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 20: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

13

gouvernorats de l'Ouest en vue d'assurer leur intégration dans la dynamique de

développement. Ensuite, il a été jugé nécessaire que chaque région mobilise ses

propres atouts et potentialités pour créer une dynamique propre en s'appuyant sur le

développement du secteur privé et sur le renforcement des attributions des

collectivités locales, en particulier le Conseil Régional. Parallèlement, plusieurs

programmes ont eu lieu au profit des régions de l’intérieur dont notamment le

Programme Régional du Développement. Celui-ci a regroupé plusieurs programmes

régionaux tels que le PDR, le programme d’emploi des jeunes, le programme de la

famille productive ainsi que le Programme de Développement Urbain Intégré créé en

1993au profit des quartiers populaires déshérités connaissant des problèmes aigus

de chômages et de conditions de vie difficiles.

La quatrième et dernière phase date de 2004. La politique de développement

régional a été, depuis cette date, relativement renforcée en érigeant la région en

véritable pôle actif de développement. Ce constat est concrétisé dans les orientations

du XIème Plan de Développement (2007-2011). Les principales orientations, en

matière de développement régional, s’articulent autour des axes suivants : la

consolidation de la décentralisation et de la déconcentration, l’amélioration de la

compétitivité des régions et la poursuite de l’amélioration du cadre de vie dans les

régions et le renforcement de la complémentarité entre les régions.

Aujourd’hui, la Tunisie est subdivisée en quatre zones en fonction des avantages

accordés au développement régional. La première Zone de Développement Régional

Prioritaire (ZDRP) qui regroupe les gouvernorats frontaliers et les délégations les

plus démunies du pays. Les autres zones sont classées selon l’importance

décroissante des avantages accordés et la prise en charge assurée par l’Etat qui

varie de 8% à 15% et 25% de l’investissement global1.

1 Evidemment, les grandes régions du littoral sont exclues de ces avantages.

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Page 21: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

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2.2. Le constat alarmant des disparités régionales

Le bilan économique et social, auquel ont abouti les différentes politiques de

développement régional pendant cinquante années d’expérience, est très mitigé et

laisse de nombreuses interrogations en suspens. Le territoire tunisien est marqué par

de nombreuses fractures. Chômage, santé, éducation, revenus, les moyennes

nationales cachent des situations régionales très dissemblables.

L’un des indicateurs qui reflète le mieux les disparités spatiales est peut être celui du

niveau de vie et de la pauvreté. La connaissance de leur évolution au niveau régional

est reconnue pour être une nécessité permettant la visualisation et le suivi de

l’évolution des écarts sociaux et des disparités sociales et spatiales.

Il est largement admis que l’état des inégalités régionales en termes de

développement se répercute négativement sur la répartition des fruits de la

croissance économique. Ainsi, les gouvernorats du littoral profitent d’un niveau de vie

le plus favorable. Les Gouvernorats de l’intérieur dont l’activité économique est

souvent dépendante des aléas climatiques forment le groupe le plus défavorisé en

matière de niveau de vie.

2.2.1. Inégalités des niveaux de vie

En tant qu’indicateur de mesure de niveau de vie, la dépense de consommation

annuelle moyenne par personne (DAMP), exprimée en dinar courant, est fortement

corrélée avec le niveau de développement de la région. En effet, la DAMP dépasse

la moyenne nationale dans les régions du Grand-Tunis. Par contre, les dépenses

annuelles moyennes les plus faibles sont enregistrées dans les régions de l’intérieur.

De toute manière, ces inégalités spatiales mettent en exergue la concentration des

revenus et des richesses et par des écarts de développement significatifs au

détriment des régions de l’arrière-pays.

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Page 22: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

15

Tableau2 : Dépense moyenne annuelle par personne selon la région

1990 1995 2000 2005 2010 Croissance annuelle

Indice de dépenses

moyennes par habitant en

2010

Grand Tunis 1007 1289 1917 2609 3498 6,0% 134,5

Nord-Est 760 958 1292 1724 2241 5,4% 86,2

Nord-Ouest 501 677 1145 1466 1754 3,7% 67,4

Centre-Ouest 502 586 937 1173 1623 6,7% 62,4

Centre-Est 806 1275 1735 2245 3081 6,5% 118,5

Sud-Est 600 739 1158 1873 2464 5,6% 94,7

Sud-Ouest 521 711 1030 1510 2064 6,5% 79,4

Moyenne nationale 716 966 1424 1939 2601 6,1% 100,0

Source : INS, Enquête nationale sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages - 2010.

Selon les chiffres de l’enquête nationale sur le budget, la consommation et le niveau

de vie des ménages (2010), les régions de l’Est du pays (celles du littoral) dépensent

plus que celles de l’Ouest du pays. Les régions du Grand-Tunis et du Centre-Est se

démarquent par la moyenne de dépense la plus élevée par individu (3 498 dinars

pour le Grand-Tunis et 3081 pour le Centre-Est). Le Sud, avec une moyenne

annuelle de dépense par habitant de l’ordre de 2 264 dinars, est légèrement au-

dessus de la moyenne nationale. En revanche, les régions de l’Ouest consomment

beaucoup moins. La moyenne annuelle de dépense par individu est estimée à 2 064

dinars pour le Sud-Ouest, 1 754 dinars pour le Nord-Ouest et seulement 1 623 dinars

pour le Centre-Ouest. En termes d’évolution, il est important de souligner la

remarquable évolution des régions du Sud. En effet, les régions du Sud-Est et du

Sud-Ouest ont enregistré, durant les périodes 2005-2010, de bonnes performances

en termes de niveau de vie affichant une augmentation, respectivement de 5,6% et

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 23: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

16

de 6,5%, durant la période 2005-2010. La région du Centre-Ouest (Kasserine, Sidi

Bouzid et Kairouan) demeure la plus pauvre du pays.

En outre, l’expérience de la région du Sud est riche d’enseignements. En effet, alors

que cette région enregistre, en 2000, une moyenne annuelle de dépense par

habitant plus faible que celle des régions du Nord-Est et du Nord-Ouest, elle a atteint

en 2010 un niveau beaucoup plus élevé.

2.2.2. Pauvreté : des disparités profondes

La pauvreté on le sait est un sujet où le consensus, en particulier, sur la définition et

la méthodologie est difficile à obtenir. Mais sans entrer dans la polémique des

chiffres, les différents rapports nationaux et internationaux attestent du recul de la

pauvreté passant de 32,4%, en 2000, à 23,3%, en 2005, pour atteindre 15,5%, en

2010. Quant à la pauvreté extrême, elle est passée de 12,0%, en 2000, à 7,6%, en

2005, et 4,6%, en 2010.

Au-delà de cette performance, les chiffres de

l’enquête montrent de fortes disparités

régionales. Et les écarts sont tous aussi

sévères. La région du Centre-Ouest (Kairouan,

Sidi Bouzid et Kasserine) est relativement la

plus pauvre avec un taux de pauvreté de

32,3%, soit le double de la moyenne nationale.

Selon les données, il y a une distribution inégale des richesses entre les différentes

régions de la Tunisie. La pauvreté touche les régions à dominance rurale ayant peu

bénéficié des infrastructures économiques et sociales, alors qu’en milieu urbain,

celle-ci reste relativement modérée.

La région du Centre-Ouest

(Kairouan, Sidi Bouzid et

Kasserine) est relativement

la plus pauvre avec un taux

de pauvreté de 32,3%, soit

le double de la moyenne

nationale.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 24: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

17

2.2.3.Le cercle vicieux du chômage et de la pauvreté

La pauvreté est étroitement liée au chômage et

au niveau d’activité économique. En Tunisie,

les régions caractérisées par des taux de

pauvreté importants ont enregistré des taux de

chômage très élevés, ce phénomène est lié à

l’importance du sous-emploi dans ces

gouvernorats à dominance agricole.

Les régions caractérisées

par des taux de pauvreté

importants ont enregistré

des taux de chômage très

élevés Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 25: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

18

Figure1: Disparités régionales

Tunis

Ariana Ben Arous

Manouba

Nabeul

Zaghouan

Bizerte

Béja

Jendouba

Le Kef

Siliana

Sousse Monastir

Mahdia Sfax

Kairouan

Kasserine Sidi Bouzid

Gabès

Médenine

Tataouine

Gafsa Tozeur

Kébili

0

5

10

15

20

25

30

0 5 10 15 20 25 30

Ta

ux

de

pa

uvr

eté

en

%

Taux de chômage en %

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 26: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

19

Les déséquilibres du système urbain

La configuration spatiale de la Tunisie correspond à une configuration mono

centrique où la métropole de Tunis domine tous les autres centres. Plus précisément,

la hiérarchie fonctionnelle du système urbain tunisien est formée de 4 niveaux

(Belhédi, 1992 ; Montacer, 2012) :

Au sommet de la hiérarchie on trouve bien évidemment la métropole de

Tunis ;

Au deuxième niveau on trouve les agglomérations de Sousse et de Sfax

qui présentent des économies assez diversifiées soutenues par des

populations importantes ;

Au troisième niveau de la hiérarchie on trouve des centres,

généralement des chefs-lieux de gouvernorats, qui présentent des

tendances à la diversification limitées souvent par la taille réduite de

leurs populations ;

En queue de la hiérarchie, on trouve les autres villes chefs-lieux de

gouvernorats et les villes chefs-lieux des délégations où l’économie

locale est du type rural et est dominée par les fonctions administratives.

L’ampleur des déséquilibres existant entre ces différents niveaux peut être mesurée

grâce à de nombreux outils d’analyse empirique.

3.1. La primatialité du système urbain

La répartition spatiale de la population tunisienne s’est caractérisée par

l’accroissement continu de la part de la métropole tunisoise. Elle est passée de

3

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 27: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

20

16,5% en 1966 à 22,7% en 2004 et à 23,3% en 20132. Parallèlement, la région du

Nord-Est a connu une baisse de son poids démographique (14,3% en 1966 à 14%

en 2013). Cette évolution s’explique certainement par la forte polarisation qu’exerce

la métropole tunisoise sur sa périphérie (essentiellement Bizerte et Zaghouan).

La région du Nord-Ouest a également connu une baisse de son poids

démographique de 19,3%, en 1966, à 12,2%, en 2004, et à 11,2%, en 2013. Cette

diminution s’explique par une chute plus importante de croissance naturelle que dans

les autres régions (baisse du taux d’accroissement naturel de 2,25%, en 1984, à

0,86%, en 2007) et par l’exode vers les régions littorales.

Le Centre-Ouest affiche une certaine stabilité du poids de sa population depuis le

milieu des années 1970 et ce malgré un solde migratoire de plus en plus déficitaire

(24 000 entre 1989 et 1994, et 54 000 entre 1999 et 2004). Ceci s’explique par une

fécondité supérieure à la moyenne nationale.

Tableau 3 : Evolution de la répartition régionale de la population (en%)

1966 1975 1984 1994 2004

District de Tunis 16,5 18,8 20,0 20,8 22,7

Nord-Est 14,3 14,5 14,0 13,7 13,9

Nord-Ouest 19,3 17,4 15,9 14,0 12,2

Centre-Est 20,9 21,0 20,8 21,3 22,5

Centre-Ouest 11,2 14,2 14,5 14,7 13,7

Sud-Est 10,7 8,6 9,1 9,5 9,3

Sud-Ouest 7,1 5,5 5,7 6,0 5,7

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source : SDATN (2007) et RGPH (2004)

2 Prévisions de la population au 1

er juillet 2013 réalisées par l’INS

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 28: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

21

Le Centre-Est est la deuxième région du pays à connaître un poids démographique

qui augmente depuis 1984 (de 20,9%, en 1966, à 22,5%, en 2004, et à 23,5%, en

2013). La région du Sud-Est a connu également un accroissement de son poids

démographique depuis 1975 (8,6%, en 1975, contre 9,3% en 2004). L’attractivité des

zones touristiques et l’accroissement naturel de la population contrecarrent les

migrations internes et externes importantes (entre 1999 et 2004 plus de 10 000

personnes ont immigré vers l’étranger).

Le poids démographique de la région du Sud-Ouest est stable, entre 1984 et

2004,grâce aux comportements natalistes des populations oasiennes qui

compensent le solde migratoire déficitaire (entre 1999 et 2004, la région a enregistré

un solde des migrations internes de -10 085 et externes de -2 848).

De nombreuses études se sont penchées sur la question de la primatie de la région

capitale (Belhédi, 2004; IDEES, 2012; Messabi, 2014). Celles-ci montrent bien le

caractère primatial de la région tunisoise depuis l’indépendance. Pour mesurer cette

primatie nous utiliserons trois indices :

Le premier est un indice reflétant la part de la première ville dans la

population urbaine. Il s’écrit sous la forme : 𝑃1 =𝑃1

∑ 𝑃 . Il exprime le

poids de la ville primatiale par rapport à l’ensemble du système

urbain. Cet indice est égal à 0,325, soit 32,5% de la population

urbaine réside à Tunis.

Le deuxième est l’indice de Jefferson. Il est formulé par le rapport

entre la population de la première ville(Tunis), notée P1, et celle de la

seconde ville (Sfax), notée P2 : 𝐽 = 𝑃1

𝑃2. La valeur ainsi obtenue est

égale à 4,513. L’indice a connu une augmentation depuis

l’indépendance puisque sa valeur était alors de 2,6 (Belhedi, 2004).

3 Les valeurs obtenues sont calculées sur la base des données RGPH 2004.

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Page 29: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

22

La primatie de la région capitale est donc un phénomène qui tend à

se renforcer.

Le troisième est l’indice de Stewart : 𝑆 = 𝑃1

(𝑃2 + 𝑃3 + 𝑃4) . D’après notre

échantillon, P2 est la deuxième ville (Sfax), P3 est la ville de Sousse

et, finalement, P4 la taille de la population de la quatrième ville

englobant Nabeul, Hammamet et benikhiar). Cet indice est égal à

2,18.

En somme, il existe une distribution inégalitaire de la taille entre les villes

tunisiennes. En effet, il s’agit d’un système fortement hiérarchisé vu le poids

prépondérant caractérisant la capitale Tunis. Cette dernière jouit d’une position

polarisante et attractive aux niveaux démographiques, économiques, politiques et

culturels.

3.2. Tunis et les petites villes

Grâce à la localisation spatiale des villes tunisiennes, réalisée en respectant les

étalements urbains et les fusions qui caractérisent certaines agglomérations, nous

comptons, au total, 181 agglomérations urbaines. En éliminant les villes dont les

agglomérations comportent une population inférieure à 2 000 habitants, ce nombre

passe à 165.

Tableau 4 : Statistiques descriptives du système urbain tunisien

Nombre

de villes

Taille

moyenne

des villes

(population)

Taille

Minimum

Taille

Médiane

Premier

Quartile

Troisième

Quartile

165 38 804 2 121 12 255 5 849 20 294

Source : Nos calculs d’après le RGPH, 2004

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Page 30: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

23

En se référant à la loi de Zipf, nous obtenons

une courbe qui s’apparente à la courbe de Zipf.

Elle apparait linéaire et comporte un grand

nombre de petites villes. Le coefficient de Zipf,

inférieur à l’unité (0,797)4, montre que le

système hiérarchique urbain tunisien est dominé par les grandes villes. L’estimation

avec les modèles de l’économétrie spatiale confirme la domination des grandes

villes5.

Figure 2 : Représentation de la loi Rang-taille des villes tunisiennes, en 2004

Source : Nos calculs d’après le RGPH, 2004

4 Estimation réalisée par les MCO

5Messaabi, A., « xxxxxxxxxxxxxxxxxx », Mémoire de Mastère Economie du développement

régional, sous la Dir. De Makram Montacer, Université de Tunis, ESSEC, Février 2014.

le système hiérarchique

urbain tunisien est dominé

par les grandes villes.

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Page 31: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

24

Encadré 1 : La loi de Zipf

La loi de Zipf est un outil qui permet de donner une description synthétique

de l’organisation spatiale des populations. L’intérêt de cette loi est de

permettre de comparer une organisation existante à une organisation

théoriquement idéale.

La loi de Zipf a pour objectif de déterminer le degré des inégalités entre les

villes d’un même système urbain. Elle se résume en une seule valeur : le

coefficient de hiérarchisation.

La loi de Zipf, appelée également loi rang-taille, n’est autre qu’une

explication du rang d’une agglomération dans un système urbain par son

poids, en l’occurrence, sa population.

Il est possible d’estimer la loi de Zipf à partir d’une transformation

logarithmique. Ainsi, on peut écrire : PAR logloglog où est le

coefficient de hiérarchisation et qui est égale à 1 dans le cadre d’une

distribution normale, R est le rang de l’agglomération et P sa population.

L’estimation de la forme quadratique de la loi de Zipf6 atteste de la non linéarité de la

fonction de Zipf (termes quadratiques significatifs). La concavité de la courbe (valeur

négative du coefficient qui est égale à -0,68) traduit l’abondance des petites villes

dans la trame urbaine. Un peu plus de la moitié, soit 90 villes, ont une population

comprise entre 8 000 et 60 000 habitants. Neuf chefs-lieux de gouvernorats se

trouvent dans cette strate à savoir : Tataouine, Mahdia, Le Kef, Jendouba, Sidi

Bouzid, Tozeur, Kebili, Siliana et Zaghouan. Le tiers des villes ont une population

6

2logloglog PPAR .

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Page 32: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

25

comprise entre 2 000 et 8 000 habitants. Neuf villes ont une population comprise

entre 60 000 et 100 000 habitants et sept villes dépassent les 100 000 habitants.

L’élimination de la métropole tunisoise de notre échantillon permet au coefficient de

Zipf de passer de -0,7975 à -0,8291. Toutefois, il reste toujours inférieur à 1 et

dénote de la domination des grandes villes tunisiennes. La même tendance est

détectée en éliminant les trois principales agglomérations de notre échantillon ( =

-0,8656). Ceci confirme le nombre élevé de petites villes dans le système urbain

tunisien.

3.3. Le système urbain tunisien : pénurie en villes

intermédiaires

Ici, nous procédons à une comparaison de la distribution réelle des villes tunisiennes

à une configuration optimale. Notre objectif est de construire une grille de lecture

théorique qui nous permettra dans un premier temps de hiérarchiser le système

urbain tunisien. La comparaison des strates urbaines construites aux strates

urbaines réelles nous permet de nous prononcer, avec plus de détail que la loi de

Zipf, sur les déséquilibres du système urbain tunisien. Pour ce faire, nous faisons

appel à la théorie des places centrales (Christaller, 1933).

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Page 33: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

26

Encadré 2 : La théorie des places centrales

La théorie des places centrales suppose qu’une hiérarchie des lieux centraux

se met en place selon les services offerts. De nombreux travaux utilisent la

population comme indicateur de hiérarchisation de l’offre de services.

La théorie des places centrales peut être présentée comme l’un des

instruments théoriques les plus influents pour expliquer la loi rang-taille (loi de

Zipf). Christaller démontre que toutes les villes doivent atteindre un seuil

minimal de citoyens afin qu’elles soient en mesure de fournir certains biens et

services. Il se base sur une hypothèse de distance maximale selon laquelle,

les consommateurs, pour se fournir en un bien quelconque, sont prêts à se

déplacer une certaine distance. Cette dernière diffère de la nature du bien.

Christaller qualifie cette distance de portée géographique d’un bien.

Ainsi, une hiérarchie des villes se met en place au sein du système urbain.

Les villes, ayant une capacité d’offrir des biens et services diversifiés à

portées géographiques plus ou moins importantes,acquièrent des aires

d’influences relativement larges. Celles offrant des biens et services à portées

géographiques courtes obtiennent des aires d’influences réduites.

La théorie des places centrales suppose une organisation de l’espace sous

une forme d’aires hexagonales où une hiérarchie des places centrales se met

en place. Cette hiérarchie est conditionnée par la capacité d’offre de biens et

services de la part du centre. Souvent la population est considérée comme un

indicateur de hiérarchisation de l’offre de biens et services.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 34: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

27

Pour la construction théorique, nous retenons les deux hypothèses suivantes : Tunis

se trouve au sommet de la hiérarchie urbaine et garde sa localisation réelle. Nous

retenons uniquement deux villes au deuxième niveau de la hiérarchie urbaine afin de

se rapprocher de la réalité avec les villes de Sousse et Sfax.

La première étape de la construction théorique consiste à déterminer le nombre de

niveaux que l’espace tunisien est susceptible de contenir compte tenu des

hypothèses précédentes ainsi que la distance moyenne qui sépare deux villes dans

le semi-urbain tunisien.

La construction théorique commence par la détermination de la distance qui permet

de vérifier nos hypothèses. Il s’agit de créer graphiquement un hexagone dont le

centre correspond à la localisation réelle de Tunis et dont deux sommets se trouvent

à l’intérieur du territoire tunisien (deux villes de second rang). En outre, l’espace

tunisien ne doit pas contenir un autre hexagone de même taille dont le centre se

trouve dans l’espace tunisien (afin de respecter l’unicité du sommet). La troisième

étape consiste à calculer à chaque fois la distance qui sépare deux villes d’un même

rang jusqu’à se rapprocher de la distance moyenne réelle entre deux villes. La

dernière étape consiste à construire graphiquement les différents hexagones et à ne

considérer que les hexagones dont les centres se trouvent au sein de l’espace

tunisien. On peut ainsi déterminer le nombre de villes que l’espace tunisien est

susceptible de contenir ainsi que le nombre de villes par niveau ou rang de la

hiérarchie.

Toutefois, il faut rappeler que Christaller présente trois configurations de sa théorie

selon des principes qu’il qualifie de commerce, transport ou administratif. La

distinction entre ces trois principes réside dans la domination qu’exerce un lieu

central sur les centres voisins de rang inférieurs. Ainsi, une aire de marché doit

couvrir 3 aires de marché de centres de rang inférieurs selon le principe de

commerce, 4 aires selon le principe de transport et 7 aires selon le principe

administratif.

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Page 35: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

28

Dans cette partie du travail, nous présentons les résultats obtenus avec le principe

de commerce.

La distance séparant Tunis, sommet de la hiérarchie, des deux lieux centraux de

second rang est de 442,4 Km. La distance moyenne entre deux villes du système

urbain considéré est de 17,2 Km. La configuration spatiale qui nous permet de nous

rapprocher de cette distance (16,4 Km) comprend 7 niveaux.

Tableau 5: Répartition théorique des villes selon le modèle de Christaller (K=3)

Niveau Distance séparant deux villes de même rang(en

Km)

Nombre théorique de villes par niveau

1 16,384 171 2 28,379 62 3 49,153 20 4 85,136 7 5 147,460 2 6 255,408 2 7 442,379 1

La construction théorique nous a permis de déterminer le nombre de villes théorique

pour chaque niveau. Le nombre total de villes théoriques est de 265. Ce nombre

correspond presque au nombre des délégations (264). Il faut mentionner que le

nombre de villes obtenu est largement supérieur au nombre de villes du système

urbain retenu à savoir 165.Ceci s’explique certainement par la présence de vastes

étendues en Tunisie où la présence de villes, d’agglomérations où de concentrations

urbaines est impossible. Ces étendues correspondent à l’espace saharien.

Pour pouvoir comparer le système urbain tunisien à la configuration théorique

obtenue, il est nécessaire de créer sept niveaux de villes pour la trame urbaine

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 36: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

29

observée. Nous construisons ces sept niveaux en essayant de conserver les réalités

des différentes fonctions que possèdent les villes tunisiennes :

un premier niveau dont l’unique centre est la métropole de Tunis ;

un deuxième niveau comprenant deux villes : Sfax et Sousse ;

un troisième niveau comprenant les villes de plus de 200 000 et

moins de 350 000 habitants ;

un quatrième niveau pour les villes de 100 000 à 200 000 habitants ;

un cinquième niveau pour les villes de 60 000 à 100 000 habitants ;

un sixième niveau contenant les villes de 20 000 à 60 000 habitants ;

un septième niveau comprenant les villes de plus de 2 000 habitants.

Il apparaît que la localisation des deux villes de second rang est complètement

différente de celle de Sfax et Sousse. Elles se situeraient du côté des frontières

libyenne et algérienne dans les délégations de Ben Guerdane et Hazoua

respectivement.

Tableau 6: Comparaison des distributions théoriques et observée

Niveau Nombre

observée de villes

Nombre théorique de villes

(y compris l’espace saharien)

Nombre théorique de villes

(espace saharien exclu)

1er

rang 1 1 1

2ème

rang 2 2 2

3ème

rang 0 2 1

4ème

rang 5 7 6

5ème

rang 9 20 13

6ème

rang 38 62 39

7ème

rang 110 171 106

Total Villes 165 265 168

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 37: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre1 : L’organisation administrative et spatiale de la Tunisie

30

Force est de constater que la non prise en compte du Sahara permet au modèle

théorique de se rapprocher considérablement du système urbain tunisien. Ainsi, le

nombre théorique de villes passe de 265 à 168, suite à l’exclusion de l’espace

saharien, qui est presque le nombre de villes retenues dans notre système urbain. Il

est à signaler que les décalages entre le réel et le théorique sont au niveau des

rangs 3, 4 et 5.

Ainsi, la construction théorique a montré que

l’espace tunisien doit comporter une ou deux

villes de rang 3 alors qu’en réalité il n’existe pas

de ville en Tunisie avec une population comprise

entre 200 000 et 350 000 habitants. Toutefois, le

plus grand décalage est au niveau du rang 5 dans le sens où l’espace tunisien est

susceptible de contenir entre 13 et 20 villes dont la population est comprise entre

60 000 et 100 000 alors qu’on en trouve que 9. En d’autres termes, le système

urbain tunisien se caractérise par une pénurie en ville intermédiaire.

le système urbain tunisien

se caractérise par une

pénurie en ville

intermédiaire.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 38: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

31

Chapitre

2 La division du territoire

Nous avons mis l’accent, dans ce qui a précédé, sur les déséquilibres de nature

socioéconomique, le caractère primatial de la métropole de Tunis, de la hiérarchie

urbaine en Tunisie. Nous avons également montré que le système urbain tunisien est

un système pauvre en villes intermédiaires et relativement riche en petites villes.

L’objectif de ce chapitre est de proposer une nouvelle organisation administrative du

territoire, en fonction de critères élaborés en prenant en considération l’ensemble de

ces éléments, qui soit en mesure de relever le défi d’un développement équilibré de

l’ensemble du territoire. Nous commençons notre analyse en effectuant un

benchmark des expériences étrangère dans le domaine de l’organisation

administrative du territoire afin d’en tirer un enseignement pour le cas de la Tunisie.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 39: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

32

Nouvelles tendances internationales en

matière d’organisation territoriale

Pour tracer les perspectives futures et mener à bien la réflexion sur le redécoupage

territoriale de la Tunisie, il est indispensable de passer en revue les nouvelles

tendances internationales en matière d’organisation du territoire. Force est de

constater, à travers un benchmark international,

que la tendance au niveau des pays développés

est de réduire le nombre des collectivités locales

et plus particulièrement les municipalités.

La tendance à réduire le nombre des

collectivités locales, sous l’impulsion des

principes de « municipal amalgamation » et de « large-scale municipal reform », a

été initiée en Europe dès les années 1950 en Suède. La réforme municipale de la

Suède, réalisée sur deux phases, entamé en 1952 et terminée en 1974, a permis

entres autres de réduire le nombre de municipalités suédoises de 2 500 à 275 (290

aujourd’hui). L’idée principale de cette réforme était que chaque municipalité devait

atteindre un seuil de population et au minimum une ville principale capable de fournir

la population en biens et services basiques.

Le rapport ESDP (European Spatial Development Perspective), publié par la

commission européenne en 1999, est un document de référence pour la politique

spatiale européenne. Son objectif est de mettre en place un plan qui va permettre

d’assurer un développement équilibré et durable de l’Europe. Ils’est construit autour

du concept central le « polycentrisme » dans l’objectif d’une compétitivité territoriale

plus équilibré. Ce concept a été repris ensuite dans au moins 15 pays membres dans

leurs stratégies de planification spatiale (André, 2009). La majorité des plans

spatiaux des différents pays européens cherchent à équilibrer leurs systèmes urbains

et de les rendre moins disparates et moins déséquilibrés. Le développement des

1

tendance au niveau des

pays développés est de

réduire le nombre des

collectivités locales et plus

particulièrement les

municipalités.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 40: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

33

capitales des différents pays est une priorité des différents pays vu le rôle que ces

villes jouent dans la compétitivité du pays. Toutefois, certains pays vont chercher à

réduire la concentration de certaines fonctions économiques dans les capitales telles

que la France, le Luxembourg et l’Irlande alors que d’autres vont chercher à

développer encore plus le sommet hiérarchique de leurs systèmes urbains vu qu’il

est le centre principal de la compétitivité pays.

Tableau 7: Evolution du nombre de municipalités dans les pays européens

Pays Nombre de municipalités

Dans le passé 2009

Année Nombre

Danemark 1950 1 387 98 Lituanie 1950 581 60 Suède 1950 2 281 290 Grèce 1950 5 774 1 034

Royaume Uni 1950 2 028 435 Lettonie 1990 570 118 Belgique 1950 2 669 589 Pays Bas 1950 1 015 443

Allemagne 1950 25 930 12 229 Norvège 1950 744 431 Autriche 1950 3 999 2 357 Finlande 1950 547 348 Espagne 1950 9 214 8 111 Suisse 1950 3 097 2 758 Estonie 1990 254 227 France 1945 38 814 36 682

Pologne 1988 2 399 2 418 Hongrie 1980 3 122 3 153 Portugal 1974 304 308

Italie 1950 7 781 8 100 Sources : Banque Mondiale (2003); Dexia(2009/2010).

Les mouvements de réduction du nombre des collectivités locales, à l’étranger, ont

été accompagnés par la recherche d’une taille optimale des collectivités locales et

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 41: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

34

par la mise en place de critères qui vont guider ces plans de restructuration.

Différents rapports et études mettent l’accent sur l’importance de la prise en compte

des éléments suivants dans les politiques d’organisation spatiale du territoire :

Les économies d’échelles ;

L’espace sociogéographique ;

Limites fonctionnelles où aires de dessertes optimales ;

La viabilité financière ;

Les économies d’échelles : Plusieurs études se sont penchées sur la relation entre la

taille d’une collectivité locale et sa performance. Les résultats ne font pas l’unanimité

mais la tendance est vers l’existence d’une relation positive, c'est-à-dire que plus la

collectivité locale est grande de taille plus elle est efficiente.

L’espace sociogéographique : la mise en place de collectivités locales où la révision

de leurs frontières doit impérativement tenir compte des spécificités géographiques

ainsi que sociales, culturelles, etc. La proximité sociogéographique est un élément

crucial qui permettra aux populations de s’identifier en leurs collectivités locales.

Limites fonctionnelles où aires de dessertes optimales : le rôle principal des

collectivités locales est de fournir les populations en biens et services publics. Les

centres, lieu de fourniture de biens et services publics, doivent permettre d’assurer

une desserte optimale des aires qu’ils couvrent. Les aires de desserte optimale à

partir de centre n’est autre que la théorie des places centrales.

La viabilité financière : la taille d’une collectivité locale dépend également des

ressources financières disponibles. Celles-ci proviennent généralement de la fiscalité

locale. Donc plus la base fiscale est importante plus la collectivité dispose de

ressources plus elle a la capacité de fournir des biens et services de qualité. Plus

une collectivité locale dispose de ressources financières plus elle a de pouvoir de

négociation avec les autorités centrales. Plus la les collectivités locales sont de taille

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Page 42: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

35

réduite plus elles dépendent financièrement du centre. La dépendance financière des

collectivités locales peut jouer le rôle d’un frein ou obstacle à la décentralisation.

Vers une nouvelle architecture

institutionnelle

Le Plan Spatial du développement de la Tunisie doit émaner des caractéristiques du

niveau disparate de développement régional et du système urbain existant. Compte

tenu des enseignements précédents, le Plan Spatial doit viser à développer le

polycentrisme. Le concept du polycentrisme peut prendre l’une des deux formes

suivantes :

Polycentrique hiérarchisé : l’espace est organisé en plusieurs centres

urbains hiérarchisés dans la logique de la théorie des places centrales.

Dans cette structure les centres sont dominés par des centres de tailles

plus importantes essentiellement en matière de production de biens et

services spécialisés ;

Polycentrique complémentaire : l’espace est organisé en plusieurs

centres urbains organisés d’une manière complémentaire où les

relations de production ne sont plus des relations de domination mais

plutôt de complémentarité. Une coopération entre les centres urbains est

à promouvoir afin qu’elles atteignent ensemble une taille

qu’individuellement elles seraient incapables d’atteindre.

L’adoption d’une configuration par rapport à l’autre dépend de plusieurs facteurs dont

notamment la structure urbaine et fonctionnelle existante et l’espace considéré. Ainsi,

pour la configuration polycentrique hiérarchisée serait intéressante pour les niveaux

municipal et régional dans la mesure où elle permet une répartition efficace des lieux

de fourniture des biens et services publics de manière et, donc, de garantir l’équité

2 Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 43: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

36

en matière d’accès aux biens et services

publics. L’idée est de mailler les différents

centres de la structure urbaine de telle sorte

que tout le territoire national soit couvert par

l’ensemble des biens et services publics d’une

manière homogène. Le polycentrisme

complémentaire serait plus adéquat pour le

niveau des districts afin de mieux asseoir les politiques de développement régional.

Plus l’espace est large plus le polycentrisme recherché doit tendre vers une

configuration complémentaire afin que plusieurs centres de tailles proches

entretiennent des relations de complémentarité permettant un certain degré de

diversification économique et une certaine taille capable d’engendrer des externalités

positives, des économies d’agglomérations et des rendements d’échelles.

Pour construire un modèle théorique de collectivités locales, nous utilisons la théorie

des places centrales, particulièrement le principe administratif. Il apparait que cette

théorie reste jusqu’à nos jours le background théorique par excellence en matière

d’organisation spatiale. Comme dans l’illustration théorique précédente nous prenons

comme point départ le système urbain tunisien. Cette illustration va essayer de

retracer les trois niveaux de centres (municipal, régional et district) dans l’espace.

Plus que le positionnement géographique des centres, ce qui nous intéresse plutôt

c’est le nombre de ces centres.

Le polycentrisme

complémentaire serait plus

adéquat pour le niveau des

districts afin de mieux

asseoir les politiques de

développement régional.

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Page 44: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

37

Carte 3 : Illustration Théorique Carte 3 : Illustration théorique sans considérer le Sahara

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Page 45: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

38

La construction théorique nous a permis de recenser 238 centres sur le territoire

tunisien. Six de niveau départemental, 28 de niveau régional et 204 de niveau

municipal. Compte tenu des caractéristiques de son système urbain, la Tunisie en 3

niveaux de collectivités locales est censée contenir 238 municipalités, 34 régions et 6

départements (carte 2).

Toutefois, ce n’est pas l’ensemble du territoire tunisien qui est viable. Certaines

portions de la Tunisie ne peuvent pas abriter des concentrations urbaines ou villes

tels qu’ à titre d’exemple : le Sahara, Chott Jerid, El Ouara (entre Tataouine et Ben

Guredene). Ceci nécessite de recalculer le

nombre de centres après l’élimination de

l’espace saharien (carte 3). Ainsi, la

construction théorique de l’architecture des

collectivités locales donne approximativement

161 centres qui hiérarchisent l’espace en 161

municipalités, 23 régions et 5 départements.

Quelles municipalités

La configuration municipale de la Tunisie aujourd’hui correspond à une configuration

à la « gruyère ». Seuls les espaces considérés comme urbain (absence de critères

d’urbanisation et de définition de l’urbain) sont couverts par des municipalités.

Comme mentionné précédemment, la constitution prévoit que les municipalités

couvrent l’ensemble du territoire national. La question qui se pose est savoir

comment procéder à cette extension. Plusieurs alternatives sont possibles :

garder les anciennes municipalités et créer d’autres nouvelles,

distinguer entre les municipalités urbaines et rurales,

faire table rase de l’existant et redessiner l’ensemble du territoire.

3

la construction théorique de

l’architecture des collectivités

locales donne

approximativement 161

centres qui hiérarchisent

l’espace en 161 municipalités,

23 régions et 5 départements.

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Page 46: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

39

La leçon à tirer des analyses théoriques précédentes est que l’espace tunisien ne

peut pas contenir plus de municipalités qu’il en existe aujourd’hui. Dans ce cas, nous

pensons que l’augmentation du nombre de municipalités est un choix non efficace

dans le sens où il va fragmenter davantage un territoire de taille réduite. En outre, les

difficultés financières que presque la moitié des municipalités vivent aujourd’hui et

qui font que l’Etat les prend en charge en totalité montrent combien la situation est

délicate avec 264 municipalités. La stratégie d’augmentation du nombre des

municipalités en distinguant entre municipalités urbaines et municipalités rurales ou

pas prévoit de faire passer le nombre de municipalités à plus de 600.

Nous pensons que le nombre de municipalités tunisiennes doit être compris

approximativement entre 160 et 240 (résultats

de l’ensemble des analyses précédentes).

Nous pensons également que nos

municipalités futures doivent avoir un certain

seuil qui va leur permettre de réaliser des

économies d’échelles. Nos municipalités

futures doivent assurer l’intégration entre le

rural et l’urbain et non pas pousser à plus d’exclusion. Aujourd’hui la distinction entre

espaces urbain et rural n’est plus assez tranchée. L’urbain et le rural ne sont plus

assez différent et leurs relations sont de moins en moins dichotomique. De plus,

plusieurs études ont montré que les disparités spatiales et la pauvreté sont plutôt des

phénomènes qui caractérisent les espaces

ruraux. Le plan spatial doit miser sur une

meilleure intégration entre le centre et son

espace périphérique ou rural où un vrai

partenariat doit avoir une assise

institutionnelle. Nos municipalités futures

doivent être organisées autour de centres qui

vont permettre de fournir des biens et services publics de qualité en comptant sur

Nous pensons que le nombre

de municipalités tunisiennes

doit être compris

approximativement entre 160

et 240

Le plan spatial doit miser sur

une meilleure intégration

entre le centre et son espace

périphérique ou rural où un

vrai partenariat doit avoir une

assise institutionnelle.

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Page 47: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

40

leurs ressources financières et humaines. C’est pour cela que les municipalités

doivent être viables financièrement. Nos municipalités futures doivent regrouper des

populations autour de projets communs. Or ceci ne passe que par le sentiment

d’appartenance à un territoire.

L’ensemble de ces éléments plaident en faveur de deux scénarios :

Le premier est celui de redessiner les limites municipales en

détaillant les critères et en mettant des normes

Le deuxième est de s’appuyer sur une division existante moyennant

quelques arrangements et qui permet de satisfaire l’ensemble des

critères énoncés.

Nous optons dans le cadre de ce rapport au deuxième scénario pour des raisons de

délais et de coût.

Pour ce scénario nous pensons que les territoires municipaux futurs peuvent être

inspirés des territoires actuels des délégations. Celles-ci sont des entités à un centre

unique qui permet de desservir des espaces et des populations assez large ainsi que

des zones urbaines et des zones rurales. En outre, depuis la création de cet échelon

administratif après l’indépendance on sent aujourd’hui une certaine appartenance

des habitants à leurs délégations. En effet, la raison de la création de cet échelon

était entre autres de casser la dynamique tribale des populations.

La comparaison des limites réelles des délégations à des limites théoriques

construites (polygones de Thiessen) à partir de la notion d’aire de desserte optimale

(la logique des places centrales) montre une certaine correspondance surtout pour la

moitié nord de la ligne Amra (gouvernorat de Sfax) Fériana (gouvernorat de

Kasserine). La moitié sud est caractérisée par des décalages plus visibles entre les

délégations et les espaces construits qui s’expliquent par une taille plus importante

des délégations.

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Page 48: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

41

Carte 4 : Limites réelles et théoriques des délégations

Un regroupement de plusieurs délégations qui divisent une agglomération est

indispensable pour respecter le critère d’un centre par municipalité. Egalement les

phénomènes d’étalement urbain et d’extension urbaine sont à considérer dans le

regroupement des délégations.

Le traitement de l’ensemble de ces éléments nous a permis de dresser une carte

avec 200 municipalités, pour une population moyenne par municipalité qui avoisine

les 50 000 habitants, un minimum d’habitant de 4 000 habitants à Menzel Habib

(gouvernorat de Gabès) et un maximum de 730 000 à Tunis (tableau 6).

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Page 49: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

42

Tableau 8 : Statistiques descriptives des nouvelles municipalités

Minimum Maximum Moyenne Ecart type

Population des 200 municipalités 3 971 728 453 49 554 69 938

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Page 50: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

43

Carte 5 : Répartition de la population par municipalité

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Page 51: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

44

Quelles régions

L’analyse théorique, menée plus haut, a révélé que le nombre optimal de régions

que l’espace tunisien est susceptible de contenir est de 23, nombre qui coïncide

quasi-parfaitement avec celui des gouvernorats actuels, à savoir 24.

Une comparaison entre les limites réelles des gouvernorats et des limites théoriques,

construites à partir des zones de desserte optimale que les chefs-lieux de

gouvernorats sont susceptibles de desservir, révèle une certaine homogénéité des

tracés (carte 6). La concordance est frappante pour les gouvernorats dorsaux

(contigües à l’Algérie). Un décalage, entre formes théorique et réelle des

gouvernorats, caractérise la bande intermédiaire (Béja, Siliana, Kairouan, Zaghouan

et Sidi Bouzid). Ce décalage n’est pas sans effet sur les gouvernorats du littoral. Les

imperfections des formes de certains gouvernorats pourraient générer des espaces

sous-administrés qui auraient intérêt à être réaffectés vers d’autres gouvernorats.

Des études approfondies sont nécessaires pour statuer sur la possibilité de réaffecter

certaines municipalités à d’autres gouvernorats. Toutefois, il est à signaler que la

plupart des espaces qualifiés comme sous-administrés sont des espaces affichant

des indicateurs de développement régional parmi les plus faibles du pays7.

La majorité des villes détectées à la marge des frontières théoriques des

gouvernorats sont de petites villes (population inférieure à 10 000 habitants). La

position excentrée de ces agglomérations par rapport aux chefs-lieux de leur

gouvernorat respectif pourrait expliquer leur position au sein de la trame urbaine.

7Montassar (2012) et MDRP (2012).

4

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Page 52: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

45

Les chefs-lieux des gouvernorats respectent globalement le critère de centralité par

rapport à l’ensemble du territoire. Ceci permet de respecter le critère du

polycentrisme hiérarchique au niveau des régions à construire.

L’ensemble de ces éléments plaident en faveur de l’idée que le statu quo doit être

maintenu au niveau de la configuration des régions. Les limites géographiques des

futures régions doivent donc coïncider avec le tracé actuel des gouvernorats, dans la

mesure où ces derniers répondent aux critères retenus précédemment.

Carte 6 : Limites réelles et théoriques des régions

Cette configuration portera le nombre maximum de communes par région à 11 et le

minimum à 5 (tableau 12).

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Page 53: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

46

Tableau 9 : Nombre de municipalités par région

Nombre de communes

Nombre de communes

Tunis 5 Kasserine 11 Ariana 6 Sidi Bouzid 11 Ben Arous 6 Sousse 8 Manouba 8 Monastir 10 Nabeul 11 Mahdia 11 Zaghouan 6 Sfax 11 Bizerte 11 Gafsa 9 Beja 8 Tozeur 5 Jendouba 8 Kebili 4 Kef 10 Gabes 6 Siliana 10 Medenine 8 Kairouan 10 Tataouine 6

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Page 54: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

47

Carte 7 : Communes et régions

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Page 55: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

48

Quels districts

Selon la constitution de janvier 2014, les districts correspondent à des entités

régionales dotées d’un Conseil élu par les membres des Conseils municipaux et

régionaux, ce qui fait d’elles une innovation institutionnelle sans équivalent dans

l’architecture administrative précédente. En effet, aucune collectivité locale n’existait,

jusqu’à maintenant, au-delà des limites du gouvernorat. Les questions qui se posent

sont de savoir quelles sont les régions à regrouper au sein d’une même collectivité

locale et quelle sera leur capitale de district.

Pour répondre à ces questions, nous utilisons l’approche du polycentrisme

complémentaire. La complémentarité des

centres urbains et des territoires permet de

générer, au sein des districts, des effets

d’entrainement et de diffusion exercés par les

grandes agglomérations des régions

dynamiques sur les régions défavorisées. Ces

effets constituent un puissant vecteur de

développement spatial qui est à même

d’impulser une dynamique de développement

économique et social. Celle-ci sera certes

profitable aux régions sous-développées qui bénéficieront du dynamisme des

régions les plus avancées et de leur insertion dans l’économie internationale, et qui

seront en mesure de réduire efficacement les disparités socio-économiques dont

elles sont affectées. Elle le sera également aux régions les plus avancées dans la

mesure où elles pourront bénéficier de nouvelles sources de croissance économique

propres à un espace géographique large qui possède des potentialités spécifiques à

exploiter.

5

La complémentarité des

centres urbains et des

territoires permet de générer,

au sein des districts, des

effets d’entrainements et de

diffusion exercés par les

grandes agglomérations des

régions dynamiques sur les

régions défavorisées.

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Page 56: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

49

Pour favoriser et concrétiser le lien entre les régions avancées et les régions les plus

défavorisées, des projets fédérateurs pourront être mis en place dans des secteurs,

stratégiques et à forte valeur ajoutée, qui

impliquent le plus grand nombre de régions au

sein d’un même district. Même si ces projets

fédérateurs devront être conduits par les

districts eux-mêmes, en tant que collectivité

locale, l’Etat peut les accompagner en

introduisant dans le futur code

d’investissements des dispositions qui

prévoient des avantages financiers et/ou

fiscaux aux acteurs privés qui réalisent des

investissements dans les projets fédérateurs à

condition que ces investissements soient

localisés dans les districts concernés. Cela

suppose un code d’investissements dont les

avantages accordés se présentent sous la

forme d’une matrice qui lie la localisation

géographique d’un investissement – par

district – et la nature du projet

d’investissement – projet fédérateur ou non –

(voir, dans l’annexe 1, la matrice établie en

fonction des districts et des secteurs porteurs identifiés).

des projets fédérateurs

pourront être mis en place

dans des secteurs,

stratégiques et à forte valeur

ajoutée, qui impliquent le plus

grand nombre de régions au

sein d’un même district.

l’Etat peut les accompagner

en introduisant dans le futur

code d’investissements des

dispositions qui prévoient des

avantages financiers et/ou

fiscaux aux acteurs privés qui

réalisent des investissements

dans les projets fédérateurs à

condition que ces

investissements soient

localisés dans les districts

concernés.

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Page 57: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

50

5.1. Les principes du découpage en district et du choix des

capitales de district

5.1.1.Le découpage en districts

Rappelons que l’analyse théorique menée plus haut a révélé que le nombre optimal

de district, que l’espace tunisien est susceptible de contenir, est de cinq. Pour définir

les limités géographiques des cinq districts, nous retenons six critères qui se

conforment à l’objectif de développement régional et qui se plient à la nécessité de

former des ensembles cohérents et équilibrés sur le plan économique et politique :

l’ancrage régional et international,

la fonctionnalité,

l’efficience,

l’accessibilité,

la proximité,

l’équilibre.

L’ancrage régional et international : Il s’agit du premier critère qui découle

directement du principe de complémentarité. Celui-ci conduit au couplage entre les

territoires de l’intérieur et ceux du littoral. Afin d’insérer l’ensemble des districts dans

le processus d’internationalisation voire de mondialisation de l’économie, les entités

sont formées de manière à leur conférer un débouché sur la façade maritime et, si

possible, une frontière avec un pays voisin.

La fonctionnalité : Ce critère renvoie à l’intensité de la mobilité des individus et des

échanges de biens et de services autour d’une grande agglomération et entre les

régions. Les districts doivent s’appuyer sur une grande agglomération potentielle, de

façon à répondre aux exigences d’une économie moderne et ouverte sur le reste du

monde. La traduction spatiale de la mondialisation n’est autre que la métropolisation.

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Page 58: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

51

Les centres urbains occupent une fonction stratégique en tant que lieux

d’agglomération de populations, de richesses, de technologies et d’informations qui

agissent directement sur la productivité et la compétitivité des territoires.

L’efficience : Ce troisième critère se rapporte à la taille des districts en termes de

superficie, de population et de nombre de régions à incorporer. La taille doit être

efficiente, c’est-à-dire être suffisamment importante pour réaliser des économies

d’échelle dans la production de biens et de services publiques, pour procurer au

district une diversité de potentialités propres et, finalement, pour assurer l’efficacité

des politiques de développement.

L’accessibilité : Il s’agit d’un critère qui fait référence aux contraintes physiques

liées aux déplacements en transport des individus au sein d’un district, en vue de

travailler ou de réaliser des affaires économiques ou financières, d’accomplir des

formalités administratives ou d’avoir accès à un service public. Ce critère exige que

le temps nécessaire pour parcourir la distance entre un point quelconque dans le

district et la capitale du district doit permettre d’effectuer un aller-retour et de réaliser

les transactions économiques ou financières qui ont motivé le déplacement.

La proximité : le cinquième critère se rapporte à des considérations d’ordre

socioculturel. Il convient de prendre en compte, dans la formation des districts, les

affinités relationnelles qui existent entre des populations de régions différentes. Ces

affinités s’expriment notamment lors des migrations inter-gouvernorats puisqu’elles

amènent des individus à privilégier certaines régions plutôt que d’autres, en dehors

de leur région d’origine.

L’équilibre : Ce dernier critère instaure une contrainte d’équilibre sur le plan

économique et politique. Le découpage du territoire national en districts doit aboutir à

la formation d’ensembles équilibrés qui disposent tous des mêmes potentialités de

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Page 59: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

52

développement économiques et d’une taille démographique proche. De cette

manière, le risque de voir des entités ayant un poids et un pouvoir prépondérant

reléguer au second rang les autres districts est écarté.

Evidemment, les six critères exposés ci-dessous ne peuvent pas être tous satisfaits

simultanément de manière optimale. L’objectif du découpage territorial en district est

de se rapprocher le plus possibles de la totalité de ces critères.

5.1.2. Le choix des capitales

La capitale de districtcorrespond à la ville qui accueillera, avant tout, l’administration

de la nouvelle entité institutionnelle, mais également l’administration nationale

déconcentrée en lien avec les affaires du district et une agence de développement

qui regroupera les structures d’appui (APII, APIA, CEPEX, FIPA, office de

développement, etc.).

Il existe plusieurs approches pour définir la capitale d’une collectivité territoriale. Une

première consiste à choisir l’agglomération urbaine qui a le statut de pôle régional

dans la mesure où celui-ci renvoie à une ville qui abrite les universités, les

laboratoires de recherche, les plus grandes entreprises, les équipements et les

services spécialisés. Une deuxième approche consiste à faire le choix rationnel de la

ville qui bénéficie d’une position de centralité et qui permet de répondre à une

logique de desserte optimale.

L’approche retenue ici se plie à l’objectif de développement régional. Elle répond au

souci de mettre à niveau les régions les plus défavorisées et de créer les conditions

favorables à une convergence socio-économique des régions. En effet, elle consiste

à établir la capitale de district dans la ville chef-lieu de la région la plus en retard du

district. L’établissement de la capitale dans la région la plus défavorisée permettra à

celle-ci d’accueillir de nouveaux emplois publics, de nouvelles infrastructures

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Page 60: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

53

publiques et d’induire de nouveaux types d’activités dans le secteur privé,

notamment dans le secteur des services. Outre les perspectives économiques et

sociales qui s’ouvrent à la ville élevée au rang de capitale de district, un avantage

non négligeable, qui justifie cette approche, est celui de ne pas encombrer, voire de

décongestionner, la grande agglomération du district d’une nouvelle administration

publique qui viendrait s’insérer dans un tissu urbain déjà saturé dans la quasi-totalité

des cas.

Pour identifier la région la plus en retard, la solution la plus adéquate est de retenir

l’indicateur de développement régional (IDR) calculé par le Ministère du

développement régional et de la planification, en 2012. Il s’agit d’un indicateur qui

correspond à la moyenne simple de 18 variables se référant à quatre domaines :

savoir, richesse/emploi, santé/population et justice/équité (tableau 6).

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Page 61: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

54

Tableau 10 : Les composantes de l’indicateur de développement régional

Dimension Sous dimensions Variables

Indice du savoir

Education Taux des admis au baccalauréat (année 2010)

Taux de scolarisation de la population âgée de 6 à 14 ans (année 2010)

Taux d’analphabétisme (année 2010) communication

Pourcentage des ménages qui ont accès à internet (année 2007)

Densité téléphonique (FIXE et GSM) par gouvernorat (année 2004)

Indice richesse emploi

Emploi Taux de chômage par gouvernorat (année 2008)

Densité des PME (Nombre de PME pour 1000 habitants) (année 2009)

Richesse Taux de pauvreté (année 2005)

Taux de desserte en eau potable (année 2010)

Taux de branchement des ménages au réseau d’assainissement (année 2010)

Nombre de voiture pour 1000 habitants (année 2010)

Indice Santé et

population Population

ISF (indice synthétique de fécondité) (année 2009)

Mortalité infantile pour 1000 naissances (année 2009) Santé

Nombre de médecins pour 1000 habitants (année 2008)

Nombre de lits d’hôpitaux pour 100000 habitants (année 2008)

Indice justice et équité

Indice justice Taux de criminalité pour 1000 habitants (année 2009)

Indice égalité des sexes Différence entre taux de scolarisation hommes et

femmes (année 2005)

Différence entre taux d’activité hommes et femmes (année 2010)

Source : MDRP

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Page 62: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

55

5.1.3. Les districts et leur capital

L’application de la méthodologie définie précédemment conduit à proposer une

structuration du territoire national autour des districts suivants (carte 8) :

le district de la Majerda,

le district de Carthage,

le district du Cap Bon-Sahel,

le district du Grand Centre,

le district des Oasis et Ksour.

Carte 8 : Le découpage territorial en districts

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Page 63: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

56

Le district de la Majerda

Le district de la Majerda compte cinq régions : Bizerte, Jendouba, Béja, Le Kef et

Siliana. Il compte une population totale de 1,7 millions d’habitants et occupe une

surface de 20 130 km².

Selon le critère de l’IDR, la capitale de district devrait se situer dans la ville de

Jendouba. En effet, la région de Jendouba est celle qui possède l’IDR le plus bas

parmi ceux composent le district. Par ailleurs, elle correspond à la région qui

possède la population la plus élevés en dehors de la région qui abrite la grande

agglomération urbaine du district (Bizerte). Le critère de l’agglomération urbaine

retient Bizerte comme capitale de district alors que celui de la desserte optimale

confirme le choix de Jendouba.

La force de ce district est de détenir la plus grande zone de spécialisation agricole du

pays qui se situe dans le Nord-Ouest. Cette zone s’étale sur 18 délégations : 9

délégations de la région de Béja, 9 délégations de la région de Jendouba et une

délégation de la région de Siliana (voir annexe 2). Le district comporte également un

centre de forte présence industrielle dans la région de Bizerte, situé précisément

dans 9 délégations de la région(voir annexe 3), au sein duquel opèrent de manière

prépondérante des entreprises intervenant dans les secteurs des ITH, IEE, ICC et

IMM8.

La jonction entre la grande zone de spécialisation agricole du Nord-Ouest et le

centre industriel de Bizerte, au sein d’une même entité institutionnelle, peut

contribuer à la rationalisation des filières agroalimentaires qui constitue un premier

projet fédérateur pour le district de la Majerda. Un deuxième projet fédérateur,

prometteur et sans équivalent dans le reste du territoire national, consiste à bâtir un

8 Cf. Hamadi Tizaoui (2013).

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 64: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

57

tourisme de luxe sur toute la côte Corail qui part de Bizerte et qui continue jusqu’à

Tabarka. Le relief, les panoramas, la végétation qui y règnent est non sans rappeler

la côte d’Azure, sur l’autre rive de la méditerranée. Un troisième projet fédérateur

s’appuie également sur une dotation naturelle abondante dans le district : les

espaces montagneux et forestiers. Il s’agit de développer un écotourisme qui

s’appuierait sur un réseau de gites ruraux et de maisons d’hôtes.

Tableau 11 : District de la Majerda

Région IDR Population Superficie (en km²)

Population totale

Superficie totale

(en km²)

Bizerte 0,49 561 661 3 565 1 783 293 20 130

Jendouba 0,31 425 656 3 102

Béja 0,39 306 338 3 740

Le Kef 0,40 255 568 5 081

Siliana 0,36 234 070 4 642

Le district de Carthage

Le district de Carthage se compose du Grand Tunis (Tunis, Ben Arous, Ariana et

Manouba) auquel s’ajoute la région de Zaghouan. Il fait parti des districts les plus

peuplés, avec près de 2,6 millions d’habitants, tout en étant celui qui possède la plus

petite surface : 5 481 km².

La région qui connaît l’IDR le plus faible est celle de Zaghouan ce qui la place en

situation d’accueillir la capitale de district, selon le critère de l’IDR. La ville de

Zaghouan est, d’ailleurs, le seul chef-lieu de gouvernorat qui n’appartient pas à la

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Page 65: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

58

métropole tunisoise. Elle illustre, par excellence, l’intérêt de situer la capitale de

district dans la région la plus défavorisée dans la mesure où elle pourrait se muer à

terme en une grande ville capable à la fois d’améliorer le niveau et la qualité de vie

de sa population, et de décongestionner la métropole tunisoise. Tunis serait la

capitale de district si l’on retient le critère de l’agglomération urbaine alors que celui

de la desserte optimale confirme une nouvelle fois le choix issu du critère de l’IDR, à

savoir Zaghouan.

La présence de la métropole tunisoise fait la singularité du district de Carthage.

Celui-ci se trouve donc doté du principal pôle industriel du pays. Celui-ci est

particulièrement diversifié avec une surreprésentation des secteurs des IEE, IMM,

ICH et ICC9, localisé dans les délégations périphériques du centre tunisois (voir

annexe 3) avec une extension jusqu’au gouvernorat de Zaghouan qui profite d’une

tendance à la déconcentration industrielle de la métropole tunisoise. Les territoires

relativement spécialisés dans l’agriculture sont peu nombreux. Ils se trouvent dans la

délégation de Mornag à Ben Arous et de Jedaïda à la Manouba (voir annexe 2).

Compte tenu de cette particularité, les projets fédérateurs susceptibles de comporter

un enjeu économique partagé entre la capitale du pays, les régions composant la

métropole tunisoise et la région qui abrite la capitale de district se rapportent aux

activités de services spécialisés. En effet, la polarisation de l’économie nationale au

sein de la métropole tunisoise, dont la région de Zaghouan bénéficie des externalités

de proximité, y favorise l’économie de la connaissance. C’est dans le Grand Tunis

que se trouvent les principaux établissements universités et laboratoires de

recherche, les grandes entreprises, les équipements et les services de haut niveau,

etc. Les activités à y promouvoir renvoient notamment au développement des

technologies de l’information et de la communication (TIC), de la recherche et du

développement (R&D), des services bancaires, financiers ou médicaux.

9Cf. Hamadi Tizaoui (2013).

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Page 66: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

59

Tableau 12 : District de Carthage

Région IDR Population Superficie (en km²)

Population totale

Superficie totale

(en km²)

Tunis 0,76 1 004 534 356 2 716 831 5 481

Ben Arous 0,66 615 987 790

Ariana 0,69 540 377 356

Manouba 0,53 379 905 1 204

Zaghouan 0,39 176 028 2 775

Le district du Cap Bon-Sahel

Le district du Cap Bon-Sahel regroupe cinq régions : Nabeul, Sousse, Kairouan,

Monastir et Mahdia. Il correspond au district le plus peuplé, avec 2,8 millions

d’habitants, et occupe une surface de 16 139 km².

La région de Kairouan est celle où l’on rencontre l’IDR le plus faible dans le district.

C’est dans la ville de Kairouan que devrait être installée la capitale de district, selon

le critère de l’IDR. Selon le critère de l’agglomération urbaine, c’est la ville de Sousse

qui devrait être élevée au rang de capitale de district tandis que le critère de desserte

optimale rejoint une fois encore le choix auquel conduit le critère de l’IDR, c’est-à-dire

Kairouan.

Le district du Cap Bon-Sahel a comme atout de posséder à la fois deux zones de

spécialisation agricole et deux centres de fortes présences industrielles. Les régions

de Kairouan et de Nabeul renferment chacune d’elle une zone de spécialisation

agricole qui lui est propre. La zone de spécialisation agricole de Kairouan comme

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Page 67: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

60

celle de Nabeul s’étalent respectivement sur 3 délégations (voir annexe 2). La région

de Nabeul accueille également l’un des deux centres de forte présence industrielle

du district, localisé dans 11 de ses délégations (voir annexe 3). Ces activités

industrielles s’avèrent être une ramification du pôle industriel de la métropole

tunisoise et se caractérisent par une domination du secteur ITHC. Le second centre

de forte présence industrielle, situé dans 25 délégations de la région du Sahel (13

dans la région de Monastir, 10 dans celle de Sousse et 2 dans celle de Mahdia – voir

annexe 3) rencontre également une surreprésentation des industries ITHC, même si

la forte présence industrielle dans la région de Sousse est marquée une

diversification et une prépondérance des secteurs IEE, IMM et ICH10.

Etant donné la spécialisation du district autour des industries ITHC (aucun autre

district ne peut revendiquer une spécialisation dans un secteur donné), un premier

projet fédérateur consiste à favoriser l’émergence d’un véritable cluster dans le

secteur du textile, de l’habillement et du cuir qui permettrait une montée en gamme

d’une production qui reste aujourd’hui dominé par une logique de sous-traitance

internationale. Ainsi, la conception et la fabrication de produits textiles et habillement

à haute valeur ajoutée pourrait être encouragées, notamment dans le domaine des

« texticaments » qui laisse entrevoir d’importantes perspectives de développement.

Un second projet fédérateur s’appuie sur une autre spécialisation dans le domaine

des services fournis aux touristes étrangers et sur les dotations naturelles qui induit

une forte attractivité de la côte maritime du district : le développement de structures

d’accueil permanent pour les retraités étrangers.

10

Cf. Hamadi Tizaoui (2013).

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Page 68: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

61

Tableau 13 : District du Cap Bon-Sahel

Région IDR Population Superficie (en km²)

Population totale

Superficie totale

(en km²)

Nabeul 0,57 784 516 2 788 2 946 527 16 139

Sousse 0,62 655 872 2 669

Kairouan 0,25 571 279 6 712

Monastir 0,64 542 068 1 019

Mahdia 0,42 392 792 2 951

Le district du Grand Centre

Le district du Grand Centre rassemble quatre régions : Sfax, Kasserine, Sidi Bouzid

et Gafsa. Il est peuplé d’un peu plus de 2 millions d’habitants et s’étale sur 30 621

km².

Selon le critère de l’IDR, la capitale de district devrait être située dans la ville de

Kasserine compte tenu du faible IDR qui caractérise la région du même nom. Alors

que le résultat induit par le critère de l’IDR était confirmé par le critère de la desserte

optimale, une différence s’impose pour le district du Grand Centre puisque ce dernier

amène à choisir la ville de Sidi Bouzid. Choix encore différent si l’on retient le critère

de l’agglomération urbaine puisque c’est la ville de Sfax qui devrait alors être la

capitale de district.

La force du district du Grand Centre est de contenir trois types de spécialisation. Une

spécialisation agricole et industrielle comme les précédents districts auxquelles

s’ajoute une spécialisation dans le secteur des mines. La spécialisation agricole

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Page 69: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

62

s’inscrit dans une large zone qui embrasse les quatre régions du district et qui

dessine une continuité territoriale sur quatre délégations de Sfax, neuf délégations

de Sidi Bouzid, deux délégations de Kasserine et trois délégations de Gafsa (voir

annexe 2). Le centre de forte présence industrielle, relativement diversifié avec une

surreprésentation des secteurs ITHC, ICH et IAA11, sur situé sur 9 délégations de la

région de Sfax (voir annexe 3). La région de Gafsa contient l’aire de spécialisation

dans le secteur des mines avec les gisements de phosphates qui alimentent une

industrie en partie installée à Sfax.

Compte tenu du tissu économique du district du Grand Centre structuré autour d’une

spécialisation dans le secteur primaire avec une activité agricole significative et

l’extraction du phosphate, et dans le secteur industriel agroalimentaire et chimique, la

rationalisation des filières agroalimentaires, notamment l’arboriculture et la

production laitière, ainsi que la filière du phosphate correspondent à deux projets

fédérateurs par excellence.

Tableau 14 : District du Grand Centre

Région IDR Population Superficie (en km²)

Population totale

Superficie totale

(en km²)

Sfax 0,56 969 824 7 569 2 181 069 30 621

Kasserine 0,16 442 336 8 251

Sidi Bouzid 0,28 419 186 6 994

Gafsa 0,41 349 723 7 807

11

Cf. Hamadi Tizaoui (2013).

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Page 70: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

63

Le district des Oasis et des Ksour

Le district des Oasis et des Ksour inclus cinq régions : Médenine, Gabes, Kébili,

Tatouine et Tozeur. Il s’agit du district le moins peuplé avec une population de 1,2

millions d’habitants, tout en étant le plus vaste avec 83 269 km².

La ville de Médenine devrait accueillir la capitale du district, selon le critère de l’IDR.

En effet, l’IDR montre la région de Médenine est la plus défavorisée du district. Les

deux autres critères conduisent à des capitales différentes puisque le critère de

l’agglomération urbaine est en faveur de la ville de Gabes et celui de la desserte

optimale en faveur de la ville de Tataouine.

La particularité du district des Oasis et des Ksour est de ne posséder aucune

spécialisation significative contrairement aux autres districts. Bien que le

gouvernorat de Gabes comporte quatre délégations où l’industrie a un poids élevé et

hyperspécialisé dans la transformation des phosphates, il n’y existe pas un véritable

pôle industriel. Aucune délégation du Sud n’est considérée comme spécialisé dans

l’agriculture, malgré un poids élevé de ce secteur. Celui-ci est,en effet, dilué par le

poids également élevé de l’administration publique (y compris l’éducation et la

santé).

Il n’en demeure pas que le district possède des potentialités et des opportunités qui

traversent l’ensemble de son territoire et qui forment autant de projets fédérateurs

susceptibles de générer une dynamique de croissance économique inclusive et

durable. Le premier d’entre eux est la construction d’une véritable filière de l’énergie

solaire qui intègre l’exploitation du silicium local, la fabrication de panneau solaire, la

production de l’énergie solaire en passant par les activités de R&D. La valorisation

du mode de vie agropastorale, la culture locale et les spécificités gastronomiques

forment une autre forme de ressources qui constitue une richesse à exploiter dans le

respect de l’environnement et des populations. La mise en valeur de ce patrimoine

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Page 71: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre2 : La division du territoire

64

culturel et historique représente un projet qui concerne l’ensemble du district. Cette

ressource combinée à une autre richesse sans équivalent au niveau national, à

savoir le désert du Sahara, forme une base inestimable pour promouvoir un tourisme

« oasien » et « saharien » qui allie tourisme culturel, gastronomique, écologique et

sportif. Elle peut également être mise au service du développement d’une industrie

agroalimentaire fondée sur produits bio et d’autres labels de qualité. Enfin, un dernier

projet fédérateur consiste à développer le tissu industriel qui repose sur l’exploitation

des ressources locales en appuyant, outre une industrie agroalimentaire, le secteur

des matériaux de construction, de la céramique et du verre.

Tableau 15 : District des Oasis et Ksour

Région IDR Population Superficie (en km²)

Population totale

Superficie totale

(en km²) Médenine 0,50 474 231 9 167 1 258 807 83 269

Gabes 0,53 370 803 7 166

Kébili 0,50 156 894 22 454

Tatouine 0,55 148 203 38 889

Tozeur 0,51 108 676 5 593

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Page 72: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

65

Chapitre

3 La répartition des compétences

La logique qui a conduit au redécoupage territorial exposé dans le chapitre

précédent permet de dégager une répartition cohérente des compétences entre l’Etat

central, les districts, les régions et les municipalités. Chaque niveau institutionnel a

un rôle à jouer pour relever les deux principaux défis auxquels la Tunisie est

confrontée : l’aménagement du territoire national, qui doit avoir pour objectif la

réduction des disparités spatiales par le maillage des différentes concentrations

urbaines et productives du pays, et le développement régional, qui permet

d’améliorer la situation économique et sociale des territoires et des populations par

une meilleure exploitation des richesses et des avantages comparatifs locaux.

Dans ce chapitre, nous exposons les principes qui doivent conduire à l’attribution des

compétences pour chaque autorité publique et nous en déduisons une matrice

simplifiée des compétences. Nous commençons d’abord par remettre la question de

la répartition des compétences dans le contexte de la constitution du 27 janvier 2014.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 73: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

66

Le contexte constitutionnel

Nous rappelons ici, en soulignant les principales notions fondamentales, les articles

de la constitution du 27 janvier 2014 qui fixent un cadre, à la fois contraignant et

incomplet, à l’attribution des compétences aux collectivités locales et à ses

implications en termes de ressources financières et de relations entre les différents

niveaux d’autorités.

Article 134

Les collectivités locales ont des compétences propres, des compétences qu’elles

exercent conjointement avec l’autorité centrale et des compétences qui leur sont

transférées par elle. Les compétences conjointes et les compétences transférées

sont réparties sur la base du principe de subsidiarité.

Les collectivités locales disposent du pouvoir réglementaire dans le domaine de leurs

compétences, leurs décisions réglementaires sont publiées au journal officiel des

collectivités locales.

Article 135

Les collectivités locales disposent de ressources propres et de ressources qui leur

sont transférées par l’autorité centrale, ces ressources doivent être en adéquation

avec les prérogatives qui leur sont attribuées par la loi.

Toute création ou transfert de compétences de l'autorité centrale aux collectivités

locales doit s’accompagner d’un transfert des ressources correspondantes.

Les ressources qui proviennent de l’exploitation des richesses naturelles peuvent

être allouées à l’amélioration du développement régional sur le plan national.

Le régime financier des collectivités locales est fixé en vertu de la loi.

1

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Page 74: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

67

Article 136

L’autorité centrale se charge de fournir des ressources complémentaires pour

intervenir au profit des collectivités locales, en application du principe de solidarité et

suivant les modalités de la régulation et de l’adéquation.

L’autorité centrale œuvre à atteindre un équilibre entre les ressources et les charges

locales. Les ressources qui proviennent de l’exploitation des richesses naturelles

peuvent être allouées à l’amélioration du développement régional sur le plan

national.

Article 137

Les collectivités locales gèrent librement leurs ressources, dans le cadre du budget

qui leur est alloué, selon les règles de la bonne gouvernance et sous le contrôle de la

justice financière

Article 140

Les collectivités locales peuvent coopérer et créer des partenariats entre elles, en

vue de réaliser des programmes ou accomplir des actions d’intérêt commun.

Les collectivités locales peuvent aussi établir des relations extérieures de partenariat

et de coopération décentralisée. La loi définit les règles de coopération et de

partenariat.

L’article 134 illustre parfaitement le caractère primordial des dispositions

réglementaires qui restent à être édictées pour préciser le texte constitutionnel. En

effet, il soulève la problématique de la responsabilité partagée entre collectivité

locale et Etat dans la mesure où l’article 134 prévoit des compétences conjointes : le

partage concerne-t-il la codécision dans la définition du service à offrir, ou bien la

responsabilité mutuelle de la mise en œuvre, la cogestion ou encore le

cofinancement ?

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Page 75: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

68

Prenons à titre d’exemple l’enseignement primaire public. L’affirmation d’une

responsabilité partagée sans donner de détails peut aboutir à des situations

conflictuelles entre les collectivités locales et le

Ministère de l’Education. Pour prévenir les

conflits de compétences, chaque niveau

institutionnel doit être clairement doté d’une

responsabilité exclusive dans des domaines

spécifiques de l’éducation primaire. Pour cela,

il convient de désagréger la fonction de

production pour distinguer chaque intrant et

d’en attribuer la responsabilité au niveau

institutionnel le plus adéquat selon des

principes directeurs définis dans la section

suivante.

Pour prévenir les conflits de

compétences, chaque niveau

institutionnel doit être

clairement doté d’une

responsabilité exclusive dans

des domaines spécifiques de

l’éducation primaire. Pour

cela, il convient de

désagréger la fonction de

production pour distinguer

chaque intrant et d’en

attribuer la responsabilité au

niveau institutionnel le plus

adéquat selon des principes

directeurs définis dans la

section suivante.

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Page 76: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

69

Tableau 16 : Fonction de production désagrégée de l’éducation national

Attribution des responsabilités

Formation des enseignants

Salaires et statuts des

enseignants

Programmes scolaires

Matériel d’enseignement

Bâtiment, entretien et

construction

Gestion de l’école

Municipalité

Région

District

Etat centrale

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Page 77: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

70

Les principes de la répartition des

compétences

Pour pouvoir esquisser une maquette des attributions des collectivités locales, nous

puisons notre méthodologie dans les enseignements de la théorie des places

centrales et dans la nécessité d’un développement régional fondé sur les effets

d’entrainements et de diffusion qui nous a permis, dans la partie précédente, de

réorganiser le territoire tunisien en 200 communes, 24 régions et 5 districts.

La distinction des attributions peut se faire sur

la base de la portée géographique des biens

et services publics. Chaque juridiction

concernée devra assurer le maillage à

l’échelle de sa circonscription à travers la

mise en place et la gestion de biens et

services publics. L’affectation des

compétences doit également se concevoir à

travers la nature des actions qui doivent être

menées par chaque juridiction. Dans cette

perspective, le regroupement des tâches au sein d’un niveau institutionnel donné

répond à un souci de cohérence qui se lit à travers des objectifs socio-économiques

spécifiques à atteindre.

2.1. L’offre de biens et services publics par les collectivités

locales

Les biens et services publics sont multiples. Des critères doivent donc être adoptés

pour permettre de répartir la fourniture des biens et services publics entre les

différents échelons des collectivités locales et l’Etat. Nous en retenons quatre :

2

Chaque juridiction concernée

devra assurer le maillage à

l’échelle de sa circonscription

à travers la mise en place et

la gestion de biens et services

publics. L’affectation des

compétences doit également

se concevoir à travers la

nature des actions qui doivent

être menées par chaque

juridiction.

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Page 78: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

71

la proximité du bien ou service public

la coïncidence entre l’offre du bien ou service public et les

préférences des citoyens,

les économies d’échelle,

les effets de débordement.

Le premier critère intègre la disposition d’un citoyen à parcourir une distance donnée

pour se fournir en un bien ou un service donné. La classification des biens et

services publics en catégories par ordre de fréquence de consommation permettra

de les répartir entre les différents échelons de l’Etat réorganisé.

Le deuxième critère se fonde l’idée d’adapter l’offre de biens et de services publics

aux préférences des administrés. Cette idée renvoie au théorème d’Oates selon

lequel « chaque service public devrait être fourni par la juridiction exerçant un

contrôle sur le territoire géographique minimum permettant d’internaliser les

avantages et les coûts d’une telle prestation » (traduction de Dafflon et Madiès,

2008)12. D’un point de vue économique, une décision publique prise au niveau

institutionnel le plus proche des citoyens conduit à une offre de biens et services

publics plus efficace. En effet, elle permet

d’offrir des biens et services publics en

adéquation avec les préférences des

citoyens et des coûts de revient plus faibles.

En d’autres termes, l’offre de biens et de

services publics doit être assurée par

l’autorité publique qui possède la plus grande

proximité avec les citoyens.

12 DAFFLON Bernard et MADIÈS Thierry (2008), Décentralisation : quelques principes issus de la théorie du fédéralisme financier, Agence Française de Développement.

L’offre de biens et de services

publics doit être assurée par

l’autorité publique qui

possède la plus grande

proximité avec les citoyens.

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Page 79: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

72

Cependant, il existe des forces centripètes qui peuvent intervenir et amener à offrir

des biens et services publics par une juridiction de niveau supérieur. Ces forces

apparaissent avec les biens et services publics dont la production est à rendements

d’échelle croissants (exemple : eau, gaz, électricité, etc.) et ceux dont la

consommation est à l’origine d’effets de débordement (exemple : route, culture,

pollution, etc.). Le premier cas, qui correspond au troisième critère, renvoie aux biens

et services publics qui doivent être offerts par la juridiction comptant une population

suffisamment large pour obtenir les coûts unitaires les plus faibles. Le second cas,

qui correspond au quatrième critère, se rapporte aux biens et services qui doivent

être offerts par la juridiction en mesure d’internaliser les effets externes impliquant

plusieurs collectivités. En somme, en présence de rendements d’échelle croissants

et d’effets de débordement, c’est au niveau supérieur d'assumer la production et la

fourniture les biens publics concernés dans la mesure où ces deux phénomènes

dépassent les capacités de certaines collectivités locales de niveau inférieur.

2.2. Les actions des collectivités locales

Dans le domaine socio-économique, l’objectif

de l’Etat est de promouvoir le développement

national. A ce titre, l’Etat reste chargé de la

programmation, dans le temps et dans

l’espace, et de la réalisation de grands

équipements, d’investissements lourds ou de

grands projets de (re)structuration spatiale.

Néanmoins, il ne s’agit pas pour l’Etat

d’accomplir cette tâche de manière unilatérale qui privilégie une région au détriment

d’une autre, mais en concertation avec l’ensemble des collectivités locales dans le

cadre de l’élaboration du schéma d’aménagement national.

l’Etat reste chargé de la programmation, dans le temps et dans l’espace, et de la réalisation de grands équipements, d’investissements lourds ou de grands projets de (re)structuration spatiale.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 80: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

73

Comme il a été exposé plus haut, le rôle des

districts est d’œuvrer au développement

régional. Dans cette perspective, les districts

devront se constituer en une administration de

mission chargée de mettre à profit, de manière

optimale, tous ses avantages comparatifs locaux et d’améliorer l’attractivité et la

compétitivité de son territoire, en impliquant dans cette dynamique toutes les régions

qui le composent(rappelons que les phénomènes économiques de concentrations et

de spécialisations ont une dimension spatiale plus large que celle des frontières

d’une région).

La région devra se muter en une

administration de gestion au service d’un

objectif de mise à niveau des territoires en

retard. Ses actions interviendraient dans le

cadre d’une stratégie nationale de réduction

des disparités économiques, sociales et

spatiales, qui fait appel à la solidarité nationale.

Du fait de leur proximité avec l’ensemble des acteurs locaux, les municipalités

rempliront un rôle d’administration de gestion dont l’objectif est d’assurer le

développement local notamment en agissant en faveur de l’amélioration de la qualité

du lieu de vie des citoyens et de la cohésion entre l’urbain et le rural (compte tenu du

découpage présenté plus haut).

le rôle des districts est d’œuvrer au développement régional.

La région devra se muter en une administration de gestion au service d’un objectif de mise à niveau des territoires en retard.

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Page 81: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

74

Un modèle de répartition des compétences

Les principes fondamentaux, exposés précédemment, permettent de fixer les grands

axes de l’attribution des compétences des collectivités locales :

Les municipalités devront assurer la fourniture des biens et services

publics de proximité. Dans cette logique, il s’agit de l’échelon qui

aura en charge les innombrables tâches de proximité auxquelles

s’ajoutent l’urbanisme ou les écoles primaires.

Les régions se chargeront de la promotion du maillage intra-régional.

En d’autres termes, elle assurera la cohésion économique, sociale et

spatiale entre les différents territoires qui la constitue à travers des

interventions relatives aux actions sociales et sanitaires, au logement

ou aux établissements d’enseignement secondaire (collèges et

lycées).

Les districts rempliront les missions d’orientation (prospectives,

planification, aménagement du territoire), de prescription (mise en

œuvre des orientations par les autres collectivités ou intervenants),

de régulation (formations, développement économique, grandes

infrastructures) et d’innovation (recherche, nouvelles technologies,

énergies nouvelles).

L’Etat central gardera le monopole de la mise en place et de la

gestion des équipements, infrastructures et biens et services publics

de dimension nationale. La promotion du maillage interrégional à

travers les grandes infrastructures de transport (autoroutes, ligne

ferroviaire grande ligne, etc.), l’harmonisation des différentes

stratégies régionales de développement et la réorganisation spatiale

3

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Page 82: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

75

des complexes hospitalo-universitaires et des complexes

universitaires correspondent aux tâches de l’Etat central.

La matrice suivante expose la répartition des compétences entre les différentes

juridictions en fonction des principaux domaines d’interventions publiques

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Page 83: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

76

Commune Région District Etat Central

Culture

Création X Subvention aux associations X X

Bibliothèques X X X

Théâtres X X

Festivals X X

Patrimoine X X

Musée X X

Sport et Loisir

Equipements sportifs X X X Centres de loisirs (enfance) X X

Parcs de loisirs X Subvention aux associations X X

Education Préparatoire et primaire

X (construction, équipements,

entretien, cantine)

X (recrutement, formation et

rémunération des enseignants et des agents administratifs,

programme scolaire)

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 84: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

77

Secondaire

X (constructi

on, équipements,

entretien, cantine)

X (recrutement, formation et

rémunération des enseignants et des agents administratifs,

programme scolaire)

Supérieur X

Recherche Scientifique X X

Environnement

Espaces verts X

Espaces naturels X Parcs et réserves naturels X X

Eau (raccordement) X X

Déchets

X (collecte et traitements

des déchets ménagers)

X

(élimination des déchets industriels et dangereux)

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 85: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

78

Commune Région District Etat Central

Aménagement du Territoire

X (élaboration du

schéma d'aménagement

di district)

X (élaboration du schéma

d'aménagement national en concertation avec les collectivités locales)

Urbanisme X X (Mégaprojets)

Etat Civil X

Logement Politique logement X

Logement social X

Santé

CSB X

Hôpitaux de circonscription X

Hôpitaux régionaux X

Veille sanitaire X X

CHU X

Action sociale

Jardins d'enfants X Aides et transferts sociaux ciblés X

Etablissements sociaux ou médico-sociaux X

Subvention aux associations X X X

Voirie Route locale X

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 86: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

79

Route régionale X

Route nationale X

Autoroutes X

Transport

Scolaire X X

Routier en milieu urbain et hors milieu urbain X X

Ferroviaire léger X

Ferroviaire régional X

Ferroviaire grande ligne X

Emploi et formation professionnelle

Politique de l'emploi X

Insertion professionnelle X

Formation et apprentissage X

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 87: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Chapitre3 : La répartition des compétences

80

Commune Région District Etat Central

Economie

Agriculture X X Industrie X X Commerce X X Tourisme X X X Energie X X

Développement économique

Local et rural X Régional X National X

Police, ordre public et Protection civile

Circulation, stationnement X X Prévention de la délinquance X X Autorité de police générale et spéciale X

Protection civile X

Grands équipements

Ports maritimes X Aérodromes X Barrages X Centrales électriques X

Désalinisation de l'eau de mer X

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 88: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

81

Conclusion

La décentralisation prend principalement deux formes. La première est de nature

politique. Elle consiste à accorder davantage de pouvoirs décisionnels au niveau

local. Elle permet aux citoyens de participer aux décisions publiques qui les

concernent directement. Les actions entreprises par les responsables locaux

devront, en conséquence, coïncider avec les besoins des populations locales. Cette

forme de décentralisation ne peut pas être réellement effective sans élections

locales. La deuxième forme de décentralisation est de nature administrative. Elle

implique un transfert de compétences au profit des collectivités locales

(municipalités, régions et districts). L’Etat délègue la gestion de services publics et la

fourniture de biens publics aux administrations locales. Des compétences précises

sont alors accordées à chaque niveau d’intervenant. Cela implique une autonomie

financière de la part de ces collectivités pour qu’elles puissent assurer l’offre de biens

et services publics.

Globalement, l’impact de la décentralisation sur le bien-être des citoyens est la

résultante de deux effets opposés. L’effet positif réside dans l’instauration d’un

système démocratique local et d’une gouvernance locale et la possibilité donnée aux

citoyens de faire entendre leur point de vue ou d’avoir un meilleur accès aux services

de base. L’effet négatif provient de la possibilité que la décentralisation coûte chère à

la collectivité (multiplication des juridictions et des bâtiments, frais de fonctionnement

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 89: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Conclusion

82

accrus, etc.) et que le risque de conflits entre les différents niveaux d’autorités

publiques augmente le désordre et l’instabilité. La maximisation des effets positifs et

la minimisation des effets négatifs sont une condition nécessaire à toute réussite de

la décentralisation.

Un deuxième facteur de réussite repose sur le caractère progressif de la

décentralisation. Celle-ci doit avancer « étape par étape » en fonction de la capacité

administrative, technique et humaine des collectivités locales à prendre en charge de

nouvelles tâches et de gérer des ressources financières supplémentaires. Cette

capacité est appelée à se renforcer, au cours du temps, d’elle-même grâce à un effet

d’apprentissage et par la mise en place d’un système de formation dédié à la

fonction publique locale. Au départ, il s’agit de constituer des collectivités locales qui

formeraient un réseau d’administration spécialisée dont la répartition et

l’élargissement progressif des compétences s’effectueraient par « blocs des

compétences ». Chaque étape, ajoutant des compétences supplémentaires aux

collectivités locales, doit faire l’objet d’une évaluation systématique, au vue des

réalisations et des objectifs à atteindre, qui conditionne la réalisation de futurs

transferts de compétences. A terme, la municipalité pourrait notamment devenir le

niveau privilégié de l’administration générale, seule collectivité locale à bénéficier

d’une clause générale de compétence.

Enfin, pour en garantir la réussite, la décentralisation doit être mise au service de la

réduction des disparités spatiales, économiques et sociales par un meilleur maillage

du territoire national et un développement régional plus efficace. La résorption de ces

disparités passe par un compromis entre l'équité et l'efficacité. L'efficacité suggère

que les investissements en infrastructure sont susceptibles de produire les

rendements les plus élevés autour des grandes agglomérations côtières. L'équité

signifie que les investissements dans les régions en retard doivent être une priorité.

Cependant, comme les forces du marché ne peuvent pas attirer les entreprises et les

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 90: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Conclusion

83

personnes dans les territoires défavorisés, certains investissements publics peuvent

faire l’objet de gaspillage.

L’expérience internationale montre que la réduction des déséquilibres entre les

territoires passe par trois types de politique publique. Le premier revient à accroitre

l’investissement public et privé dans les régions en retard pour créer de la richesse et

de l’emploi. Le deuxième consiste à laisser le marché jouer son rôle ce qui accentue

les déséquilibres et les problèmes liés, et l’exode rural. Le troisième se rapporte à

une meilleure connexion des régions en retard avec celles développées où il y a plus

d’opportunités d’emplois. L'amélioration des services de transports est la politique

privilégiée pour rapprocher les individus à l'emploi, avec un moindre coût en termes

de temps et d’argent. La facilité de déplacement entre les régions permet aux

travailleurs de faire la navette et éviter les nuisances de l’exode rural.

En Tunisie, C’est le troisième instrument qui est le plus efficace à court terme. Les

grandes villes côtières qui bénéficient de l’avantage de l’effet agglomération

handicapent le développement des villes intérieures. L’amélioration des services de

transport entre ces régions facilite la mobilité des marchandises et des personnes.

Bien que le secteur de transport de marchandises tunisien ait été libéralisé dans les

années 1990, il reste fragmenté avec de nombreux petits opérateurs. Le marché de

transport de marchandise (fret) est opaque et non concurrentiel. L’activité souffre

d’un manque de coordination logistique et d’une faible efficacité opérationnelle

engendrant des coûts élevés et, ainsi, des prix élevés. En effet, il apparaît quel a

distance économique est élevée en Tunisie dans la mesure où les frais de transport

de marchandises internes sont très élevés. Les prix moyens du fret de camions, en

Tunisie, sont de 0,22 USD par tonne/km, soit seulement deux centimes de moins que

les prix moyens aux Etats-Unis (Banque mondiale, 2014).Le prix moyen du fret du

camion en Tunisie est beaucoup plus élevé que dans les autres pays en

développement comme le Vietnam (0,14 USD) et l'Inde (0,06 USD),bien que la

distance physique soit faible. Par exemple, pour se déplacer en voiture vers Slimane,

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 91: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Conclusion

84

une ville située à dans la banlieue sud de Tunis, à 25 kilomètres de la capitale, il

faudra environ 60 minutes. Cette durée a augmenté au cours des années suite à la

congestion autour de Hammam-Lif. Dans les pays avancés, les coûts de transport

baissent, les délais de livraison se réduisent et le temps mis pour se déplacer à

l’intérieur des villes et entre les villes diminue. Le développement de l’infrastructure

routière et l’aménagement des territoires ont contribué à ces performances. En

Tunisie, au contraire l’infrastructure routière se dégrade, les congestions augmentent

engendrant des coûts financiers et de transaction de plus en plus importants.

Les services de transport facilitent la circulation des biens et des personnes,

améliorent l’accès au travail, à l’école, à la santé etc. ils permettent l’accroissement

de l’activité économique et du revenu des ménages. Le transport de marchandise

contribue à la création de la richesse. Il est considéré comme un facteur de

croissance économique et de compétitivité. Il crée un lien direct entre les entreprises

et les marchés. En dépit de ces avantages, la Tunisie a pris un retard considérable

dans le développement des infrastructures de transport notamment ferroviaire.

La décentralisation, opérée dans le cadre d’une réorganisation territoriale qui fait

émerger des collectivités locales ayant une assise territoriale consistante,

correspond à un moyen efficace de conduire toutes les autorités publiques, quel que

soit leur échelon institutionnel, à réfléchir à de nouveaux moyens de transport

(voiture, train et autres transports en commun), une infrastructure adéquate, une

logistique moderne, une organisation urbaine et un aménagement du territoire

adaptés qui permettent aux personnes et aux biens de se déplacer plus vite et plus

loin avec un coût de plus en plus faible.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 92: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Conclusion

85

Annexe 1 : Matrice des avantages fiscaux et/ou financiers accordés par l’Etat

dans le cadre du Code d’investissement

District

de la

Majerda

District de

Carthage

District du

Cap Bon-

Sahel

District du

Grand Centre

District

des Oasis

et Ksour

Filières

agroalimentaires

x x x

Filière du

phosphate

x

Filière de

l’énergie solaire

x

IAA x

IMCCV x

ITHC à haute

valeur ajoutée

x

Tourisme de luxe x

Ecotourisme x

Tourisme oasien

et saharien

x

Structures

d’accueil

permanent pour

les retraités

étrangers

x

Services

spécialisés

x

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 93: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Conclusion

86

Annexe 2 : Zones riches et zones pauvres en Agriculture et Pêche

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 94: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Conclusion

87

Annexe 3 : Significativité des régimes spatiaux en Industrie Manufacturière

.

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 95: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

Conclusion

88

Institut Tunisien des Etudes Stratégiques

Page 96: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

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Page 99: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

ISBN : 978-9938-9565-2-8

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Page 100: Quelle décentralisation dans une Tunisie reconfigurée

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