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23 DOSSIER / 16 janvier 2015 / 16 janvier 2015 Au 1 er avril, il n'y aura plus de quotas laitiers. A l'échelle de la planète laitière, c'est un peu comme si le mur de Berlin tombait. Adieu les droits à produire qui restreignaient les ambitions et les projets, adieu aussi les assurances d'un marché laitier régulé et le confort d'un prix tellement stable. Cette échéance est dans toutes les têtes, que beaucoup ont déjà anticipée, à tel point que le trop de lait menace en cette fin de campagne laitière 2014-2015... Dopée par l'appétit du marché mondial, la filière laitière s'est mise en ordre de marche pour produire plus. Mais il est déjà temps de freiner alors que le marché s'encombre depuis le dernier trimestre 2014. Pour éviter de franchir la ligne blanche du dépassement de quota, il est encore temps de réagir en activant quelques leviers techniques. C'est le thème de ce dossier réalisé par le pôle herbivore des chambres d'agriculture de Bretagne. Paul Jegat Fin des quotas, attention au dépassement ! Coordination du dossier Roger Hérisset (Chambre d'agriculture de Bretagne avec Paul Jegat (Terra). Rédaction Chambres d'agriculture de Bretagne : Mathieu Merlhe, Gérard Losq et Roger Hérisset (pôle herbivores).

16 janvier 2015 D / 16 janvier 2015 Fin des quotas ... · / 16 janvier 2015 / 16 janvier 2015 / 16 janvier 2015 Simple, rapide et réversible, l’alimentation est un levier à

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Au 1er avril, il n'y aura plus de quotas laitiers. A l'échelle de la planète laitière, c'est un peu

comme si le mur de Berlin tombait. Adieu les droits à produire qui restreignaient

les ambitions et les projets, adieu aussi les assurances d'un marché laitier régulé et le

confort d'un prix tellement stable. Cette échéance est dans toutes les têtes, que

beaucoup ont déjà anticipée, à tel point que le trop de lait menace en cette fin de campagne

laitière 2014-2015... Dopée par l'appétit du marché mondial, la filière

laitière s'est mise en ordre de marche pour produire plus. Mais il est déjà temps de freiner

alors que le marché s'encombre depuis le dernier trimestre 2014. Pour éviter de franchir la ligne

blanche du dépassement de quota, il est encore temps de réagir en activant quelques leviers

techniques. C'est le thème de ce dossier réalisé par le pôle herbivore

des chambres d'agriculture de Bretagne.

Paul Jegat

Fin des quotas, attention au

dépassement !

Coordination du dossierRoger Hérisset (Chambre d'agriculture de Bretagne avec Paul Jegat (Terra).Rédaction● Chambres d'agriculture de Bretagne : Mathieu Merlhe, Gérard Losq et Roger Hérisset (pôle herbivores).

Roger Hérisset (Chambre d'agriculture de Bretagne avec Paul Jegat (Terra).Rédaction● Chambres d'agriculture de Bretagne : Mathieu Merlhe, Gérard Losq et Roger Hérisset (pôle herbivores).

Chambres d'agriculture de Bretagne : Mathieu Merlhe, Gérard Losq et Roger Hérisset (pôle herbivores).

Chambres d'agriculture de Bretagne :

jousseac35r
Mention Légale
Page 2: 16 janvier 2015 D / 16 janvier 2015 Fin des quotas ... · / 16 janvier 2015 / 16 janvier 2015 / 16 janvier 2015 Simple, rapide et réversible, l’alimentation est un levier à

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Après un début de campagne laitière 2014-2015 marqué par d’excellentes conditions de productions fourragères et un bon prix du lait, l’horizon de cette fin d’année laitière risque d‘être plus perturbé. Les éleveurs qui étaient sur une dynamique de production importante doivent dès aujourd’hui anticiper et s’adapter pour éviter un dépassement de leurs références.

Une année 2014 exceptionnelleLes éleveurs laitiers ont connu une année 2014 où tout était réuni pour produire du lait. Suite à une très bonne récolte de maïs en 2013, elle débute avec des stocks en quan-tité et de très bonne qualité. 2014 se pour-suit avec des pousses de l’herbe consé-quentes et persistantes sur l’ensemble de la période de pâturage. Ces bonnes conditions agronomiques sont couplées à un prix du lait en hausse qui atteint 407 €/1000 l en sep-tembre avant de fl échir en octobre. Les éle-veurs bretons ont su profi ter de ces deux aubaines pour produire 7% de plus sur les 9 premiers mois de 2014 1 .

Les marchés laitiers se fragilisent, les laiteries sont prudentesL’ensemble des grands bassins laitiers mondiaux (Nouvelle-Zélande, Europe et Etats-Unis) ont été sur des dynamiques de production comparables à celle de la Bretagne. L’offre de produits laitiers sur les marchés a donc fortement augmenté. Par ailleurs, la demande chinoise a connu un certain repli et l’embargo russe complique l’exportation des produits laitiers européens. Les prix des principaux produits industriels sont donc en baisse sur la fi n 2014 et les craintes d’une diminution du prix du lait sur le premier trimestre 2015 sont réelles. Face à cette situation, les laiteries sont d’autant plus prudentes qu’elles sont en avance de 5 à 15% sur leurs collectes. Les allocations de fi n de campagne sont donc restreintes entre 0 et +3% pour la plupart des col-lecteurs bretons (seul un groupe propose + 15%) et des systèmes de pénalités ou de prix dissuasifs devraient être appliqués pour limiter les dépassements.

Trouver les bons leviers pour s’adapter à la demandeMalgré un réajustement important du chep-tel avec des ventes de réformes en masse sur la fi n de l’été, on compte environ 15 000 vaches laitières supplémentaires par rap-

port à l’an dernier (source : Arsoe/EDE Bretagne), soit un peu plus d’une vache par exploitation. La récolte de maïs ensi-lage sur 2014 est de qualité et atteint des records en termes de quantité avec 1,5 à 4 TMS/ha en plus en fonction des zones par

Gestion de la fin de campagne laitière : ralentir pour s’adapter au marché

1 Livraisons de lait et prix payé au producteur en Bretagne

Réseau économique régional d'après Agreste Draaf Bretagne - Conjoncture au 09/12/2014.

La Bretagne a accueilli 15 000 vaches supplémentaires en 2014.

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Pour ajuster sa production au volume de lait restant à produire sur les 3 derniers mois de la campagne, des leviers tech-niques sont disponibles dans 3 domaines : l’alimentation, la conduite ou la traite.

Le choix d’un levier doit se faire en fonction du volume de lait à produire en plus ou en moins. Il est prudent de tenir compte de la réversibilité du levier (son arrêt permet-il de revenir à la situation initiale ?) et de sa rémanence (après son arrêt, y-a-t-il des effets sur la lactation en cours ou sur la lactation suivante ?). Le tableau suivant présente les leviers actionnables pour une réponse à court terme 2 .

Connaître les points de vigilance des leviersUne fois les leviers choisis, il faut être vigi-lant dans 4 domaines :

Le sanitaire : c’est notamment le cas des leviers conduite qui font appel à des achats d’animaux à l’extérieur de l’ex-ploitation. Des variations d’effectifs à la hausse en interne peuvent aussi conduire à des surcharges d’animaux en bâtiment. Une augmentation du taux de réforme, peut compromettre le potentiel de pro-

duction future si le renouvellement n’est pas assuré. A l’inverse, les années pas-sées, ont montré l’impact de la conser-vation de vaches incurables (par rapport aux mammites) sur la situation sanitaire du troupeau. Les leviers alimentation ou traite ne doivent pas dégrader la santé ou la reproduction future des animaux des animaux par amaigrissement. La mono-traite sera d’autant plus facile à mettre en œuvre que la situation de départ est saine en cellules et mammites.

Le travail : les leviers qui se traduisent par des modifi cations d’effectifs peuvent entraîner un surcroît d’astreinte.

L’économie : des leviers conduite (durée de tarissement, lait aux veaux) ou traite peuvent générer des pénalités cellules, la trésorerie peut être mise à mal par l’achat d’animaux, les coûts alimentaires peuvent s’envoler avec les leviers concentrés.

L’environnement : les variations d’ef-fectifs ou l’augmentation des apports de correcteur azoté doivent se faire dans le respect de la réglementation environnementale.

Gérard LosqPôle herbivores

Les 3 leviers de maîtrise de la production

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Gestion de la fin de campagne laitière : ralentir pour s’adapter au marché

Volume de lait à produire en plus ou en moins

Faible (< 5 %) Intermédiaire Important (> 10 %)

Leviers alimentaires : Jouer sur la quantité de concentré, le niveau azoté de la ration, la qualité des fourrages.

Leviers conduite : Réduire la durée de tarissement entre 45 et 60 jours, modifi er la date de réforme de quelques animaux, distribuer moins de lait aux veaux.

Leviers conduite : Avancer ou retarder les réformes, réduire la durée de tarissement entre 15 et 45 jours.

Leviers alimentaires : Jouer sur le niveau azoté de la ration, la qualité des fourrages.

Levier traite :Augmenter la fréquence de traite.

Leviers conduite : Acheter ou vendre des génisses pleines, des vaches en lait, supprimer le tarissement (effets opposés sur la lactation qui se termine et la sui-vante).

Leviers traite : Passer en monotraite.

2 Les leviers d’action court terme possibles en fonction de la variation du volume de lait à produire en plus ou en moins

En résumé, les leviers alimentaires permettent d’être réactif rapidement avec des réponses plus ou moins importantes, tandis que jouer sur les effectifs ou la fréquence de traite sont des leviers pour réduire ou accroître de façon notable les livraisons de lait.

rapport à 2013. Toutes les conditions sont donc une nouvelle fois réunies pour pro-duire du lait et les risques de dépasse-ment des références sont importants. Il semble nécessaire de s’adapter à ce contexte afi n de gérer au mieux la fi n de campagne. La série d’articles issus des travaux du pôle herbivores des chambres d’agriculture de Bretagne, qui paraîtra dans les prochains numéros de Terra, a pour objectif de donner des pistes tech-niques pour diminuer la production sur ces derniers mois de campagne laitière sans compromette le potentiel à moyen terme. Entre gestion du troupeau, de l’alimentation voire du rythme de traite, les leviers d’adaptation sont multiples et ont des conséquences plus ou moins marquées en termes d’impacts tech-niques et économiques.

Mathieu MerlhePôle Herbivores

Les leviers d'actions sur la production du lait ont des effets différents en terme de volume ou de délais.

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Simple, rapide et réversible, l’alimentation est un levier à privilégier pour faire varier le volume de lait à très court terme.

Modifi er la ration est un levier facile à mettre en œuvre, lorsqu’il s’agit d’ajuster à court terme le volume de lait à la hausse ou à la baisse. Il est possible de jouer sur la quan-tité de concentré de production, le niveau azoté de la ration. Pour améliorer la produc-tion, il faut aussi porter son attention sur la qualité des fourrages distribués.

De 0 à 15 % de lait par le concentréUne variation à la hausse ou à la baisse de la quantité de concentré de production distri-bué quotidiennement peut se traduire ins-tantanément par une variation dans le même sens du volume de lait produit. La réponse est fonction de la nature de la ration de base et du niveau de concentré initial. Le niveau de consommation des fourrages et le TP sont également affectés 3 .

Densité protéique et ingestionLa concentration azotée de la ration infl uence l’ingestion et donc la production de lait. Passer d’une densité de 100 à 110 g de PDI par UFL permet de gagner jusqu’à 0,9 kg de lait. Attention, le gain possible décroit au fur et à mesure de l’augmentation du rapport PDI/UFL et cette pratique doit aussi s’accompagner d’une augmentation des apports énergétiques de la ration 4 . Dans un objectif de baisse des volumes, une réduction de la densité protéique de la ration de 100 vers 80 g de PDI/UF permet un frei-nage de la production mais dans ce cas il faut rester vigilant quant à la baisse du TP et aux incidences sur la reproduction.

Ne négligeons pas les fourragesPour produire du lait, il faut tout mettre en œuvre pour maximiser l’ingestion des vaches laitières : par la distribution aux vaches des fourrages les plus appétants ou de meilleure qualité, en écartant tout ou partie des fourrages moins bien conser-vés (fronts de silo échauffés, moisissures, foins poussiéreux,…), le retrait quotidien des refus, la présence de points d’eau en quan-tité suffi sante.

L’incidence économiqueLorsqu’il s’agit d’augmenter les perfor-mances laitières par l’apport de concentré supplémentaire le lait produit en plus doit garder un niveau de rentabilité acceptable.

Pour un prix de lait donné, il convient de vérifi er l’infl uence sur le revenu d’un apport de concentré. Le tableau 5 montre cet effet avec différent niveau de prix du concentré.Le tableau 6 donne un exemple de l’impact du concentré de production d’une part sur le

volume de lait (avec 0,8 l vendu par kg apporté) et d’autre part sur le coût alimentaire.

Roger HérissetPôle herbivores

Ajuster le volume de lait par l’alimentation

Situation initiale de l’élevage Réponses à l’apport d’1 kg de concentré

Rations à base d’ensilage de maïs seul ou mixte, d’ensilage d’herbe ou de pâturage

Lait(kg)

TB(g/kg)

TP(g/kg)

Ingestion defourrage (kg MS)

L’élevage distribue moins de 100 g de concentré/kg de lait produit

- 0,6 + 0,2 - 0,4 + 0,9

L’élevage distribue de 100 à 200 g de concentré/kg de lait produit

+ 0,4 - 0,4 0 - 0,5

L’élevage distribue plus de 200 g de concentré/kg de lait produit

0 - 0,2 0 - 0,8

3 Réponse à l’apport d’un kilo de concentré de production supplémentaire (rations de base consommées à volonté)

La diminution d’un kilo de concentré de production produit les effets inverses sur les performances laitières et l’ingestion de fourrages.

4 Réponse à la variation de la concentration azotée de la ration

Rapport PDI/UFL de la ration (g/UFL) 80 90 100 110 120

Variation de production de lait (kg/j) -5 -1,7 témoin +0,9 +1,3

± 10 g de PDI/UFL, c’est ± 1 kg de tourteau de soja ou ± 1,5 kg de tourteau de colza. (Source : Inra 2007)

Des fourrages de qualité en bonne quantité favorisent la production.

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PRATIQUE

À suivre…Dans les prochains numéros de Terra, en complément des leviers "alimentation" présentés ici, nous vous présenterons en détails les leviers "conduite" et les leviers "traite".

6 impact du concentré de production dans le coût alimentaire

Production VL/jour (litre)

Ration30 l

Concentré 4 l

Ration de baseéquilibrée

26 l

Coût alimentaire VL/jour (€)

Ration3,40 €

Coût alimentaire des 1000 l de lait (€)

Ration383 €

Concentré298 €soit :

13% lait78% coût

Rationde base

équilibrée 85 €

lait par les concentrés

lait par la ration de base

Pour aller plus loin...

Le pôle herbivores des chambres d’agriculture de Bretagne a déve-loppé des supports pour vous aider à optimiser votre production laitière. Pour plus d'informations, une page est à votre disposition sur internet : http://www.synagri.com/synagri/fl exi-securite

Guide de la fl exi-sécurité en élevage : piloter mon exploitation dans un contexte ouvert. (80 pages, 15 €)

Fiches techniques de la fl exi-sécurité dans les exploitations laitières (13 fi ches techniques, avec incidence économique - disponible en ligne gratuitement).

Les modifi cations de la ration ont un effet immédiat sur le volume de lait.

Pour une ration de base de 16 kg MS d’ensilage de maïs (50 €/t), 2,8 kg brut de correcteur azoté (450 €/t) et 300 g d’AMV (500 €/t) à laquelle il est apporté 5 kg brut de concentré de production (238 €/t).Le concentré de production apporté représente 78 % du coût de cette ration en ne permettant que 13 % du lait.

200160120

8040

0-40-80

-120-160

250 270 290 310 330

Prix du lait (€/1 000 l)

Concentré à 200 €/T Concentré à 250 €/T Concentré à 300 €/T

5 Réponse à la variation de la concentration azotée de la ration

Exemple d’intérêt économique avec une réponse de 0,9 kg de lait produit par kg de concentré de production apporté. Pour que les opérations soit blanche, les 1000 l de lait doivent être payé au moins 50 € de de plus que le coût de la tonne de concentré.

Concentré 1,19 €

Ration de baseéquilibrée

2,21 €