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robotique SCIENCE & MÉDECINE événement Catherine Mary A vant de déplacer le cube bleu, il faut enlever le cube rouge », explique au robot iCub Gré- goire Pointeau, doctorant du groupe de recherche dirigé par Peter Dominey à l’Insti- tut Cellule souche et cerveau de Lyon (Inserm). iCub répète l’instruction, avance sa main vers le cube rouge, referme ses doigts dessus, puis le déplace vers la gauche. Il saisit ensuite le cube bleu pour le reposer à la place du rouge. « iCub a appris à décrypter le sens d’une phrase en fonction de l’ordre dans lequel sont placés les mots, et ses capacités de langage lui permettent d’interagir avec les humains », explique Peter Dominey. iCub, du mot anglais cub, qui désigne les petits des animaux, est un bébé robot. Avec le robot Nao ou le robot japonais HRP-4, il appar- tient à la toute dernière génération des robots humanoïdes. Leur apparence et leur gestuelle prêtent à confusion,et lorsque nous les rencon- trons nous leur disons spontanément bon- jour. En France, la société Aldebaran compte bien tirer parti de ces caractéristiques pour introduire Nao, qu’elle commercialise, à l’inté- rieur de nos vies quotidiennes. iCub, lui, est un robot de laboratoire. Il a le poids et la taille d’un enfant de 3 ans et demi et a été conçu pour mimer le processus d’ap- prentissage. Avec ses mains dotées de cinq doigts finement articulés, il peut saisir un objet avec précision ou l’attraper quand on le lui lance. Ses paupières s’ouvrent et se fer- ment au gré de ses interactions avec les humains et on est vite tenté d’interpréter les mouvements de sa tête comme l’expression d’un doute ou d’une hésitation. « Nous avons créé ce robot pour étudier le fonctionnement du cerveau lors de l’appren- tissage, qu’il s’agisse du langage ou de proces- sus cognitifs complexes comme suivre la tra- jectoire d’une balle et la saisir, explique Gior- gio Metta, de l’Institut italien de technologie (IIT), où fut lancé le projet. Pour cela, nous avons mis au point un robot capable d’appren- dre en interagissant avec les gens. » « Une des forces d’iCub est qu’il a des mains et des pieds sophistiqués, ainsi qu’une tête avec des outils d’expression importants pour l’interaction homme-machine », ajoute Pierre-Yves Oudeyer, de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), qui utilise le robot pour étudier la curiosité artificielle et qui vient d’écrire Aux sources de la parole. Auto-organisationet évolution (Odi- le Jacob, 300 p., 24,90 euros). Financée à hauteur de 8,5 millions d’euros sur cinq ans par l’Union européenne entre 2004 et 2010, la création d’iCub est le fruit d’une collaboration entre onze laboratoi- res européens au sein du consortium Robot- Cub, où sont représentées des disciplines aus- si variées que la psychologie développemen- tale, la neurophysiologieou encore l’informa- tique. A l’issue de son développement, iCub a acquis ses bras, ses mains, ses doigts, ainsi qu’un cerveau informatique lui permettant de traiter les informations et d’agir en tenant comptede ses expériences antérieures.Il pou- vait aussi saisir un objet, voir et reconnaître une voix. Il a ensuite été mis à la disposition de six laboratoires européens sélectionnés à la suite d’un appel d’offres, afin de poursui- vre ce développement dans différents domai- nes. C’est ainsi qu’il est arrivé, en 2009, au labo- ratoire de Peter Dominey, avec pour projet d’apprendre à utiliser le langage comme outil de coopération. « A son arrivée, iCub était capable d’assembler une table Ikea en exécutant les instructions qui lui étaient don- nées. Les fois suivantes, il parvenait à antici- per les tâches à effectuer pour ces assemblages iCub Robots L’intelligence en partage Apprentissage du langage, processus cognitifs complexes, curiosité artificielle : ladernièregénération de robots humanoïdes a bénéficié des progrès de la recherche collaborative. Des plates-formes standardisées permettent d’intégrer les programmes issus de différents laboratoires et disciplines « Avec iCub, nous avons mis au point un robot capable d’apprendre en interagissant avec les gens » Giorgio Metta Institut italien de technologie Taille 104 cm. Poids 22 kg. Développement Union européenne. Plate-forme robotique YARP. Nombre d’exemplaires 25. Coût 250 000 euros. Application Etude du processus d’apprentissage chez l’enfant. ÉMILE LOREAUX POUR « LE MONDE » 4 0123 Mercredi 4 septembre 2013

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r o b o t i q u e

SCIENCE&MÉDECINE é v é n e m e n t

CatherineMary

Avantdedéplacer le cubebleu,il fautenlever le cuberouge»,explique au robot iCub Gré-goirePointeau,doctorantdugroupe de recherche dirigépar Peter Dominey à l’Insti-

tut Cellule souche et cerveau de Lyon(Inserm). iCub répète l’instruction, avance samain vers le cube rouge, referme ses doigtsdessus,puis ledéplacevers lagauche. Il saisitensuite le cubebleupour le reposerà laplacedu rouge. «iCub a appris à décrypter le sensd’une phrase en fonction de l’ordre danslequel sont placés lesmots, et ses capacités delangage lui permettent d’interagir avec leshumains», expliquePeterDominey.

iCub, du mot anglais cub, qui désigne lespetits des animaux, est un bébé robot. Avec lerobotNaooulerobotjaponaisHRP-4,ilappar-tientà la toutedernièregénérationdes robotshumanoïdes. Leurapparenceet leur gestuelleprêtentàconfusion,et lorsquenouslesrencon-trons nous leur disons spontanément bon-jour. En France, la société Aldebaran comptebien tirer parti de ces caractéristiques pourintroduireNao,qu’ellecommercialise,àl’inté-

rieurdenosviesquotidiennes.iCub, lui, est un robot de laboratoire. Il a le

poids et la taille d’un enfant de 3ans et demiet a été conçupourmimer le processusd’ap-prentissage. Avec ses mains dotées de cinqdoigts finement articulés, il peut saisir unobjetavecprécisionoul’attraperquandon lelui lance. Ses paupières s’ouvrent et se fer-ment au gré de ses interactions avec leshumainset onest vite tenté d’interpréter lesmouvementsde sa tête comme l’expressiond’undouteoud’unehésitation.

«Nous avons créé ce robot pour étudier lefonctionnement du cerveau lors de l’appren-tissage,qu’il s’agissedu langageoudeproces-sus cognitifs complexes comme suivre la tra-jectoire d’une balle et la saisir, expliqueGior-gioMetta, de l’Institut italiende technologie(IIT), où fut lancé le projet. Pour cela, nousavonsmisaupointunrobotcapabled’appren-dre en interagissant avec les gens.» «Une desforces d’iCub est qu’il a desmains et des piedssophistiqués, ainsi qu’une tête avec des outilsd’expression importants pour l’interactionhomme-machine», ajoute Pierre-YvesOudeyer, de l’Institut national de rechercheen informatique et en automatique (Inria),qui utilise le robot pour étudier la curiositéartificielleetquivientd’écrireAuxsourcesde

laparole.Auto-organisationetévolution(Odi-le Jacob, 300p., 24,90euros).

Financéeà hauteurde 8,5millionsd’eurossur cinq ans par l’Union européenneentre2004 et 2010, la création d’iCub est lefruitd’unecollaborationentreonzelaboratoi-res européens au sein du consortiumRobot-Cub,oùsontreprésentéesdesdisciplinesaus-si variéesque lapsychologiedéveloppemen-tale,laneurophysiologieouencorel’informa-tique.A l’issuedesondéveloppement, iCubaacquis ses bras, ses mains, ses doigts, ainsiqu’un cerveau informatique lui permettantdetraiter les informationsetd’agir entenantcomptedesesexpériencesantérieures.Ilpou-vait aussi saisir un objet, voir et reconnaîtreune voix. Il a ensuite étémis à la dispositionde six laboratoires européens sélectionnés àla suite d’un appel d’offres, afin de poursui-vrecedéveloppementdansdifférentsdomai-nes.

C’estainsiqu’ilestarrivé,en2009,aulabo-ratoire de Peter Dominey, avec pour projetd’apprendre à utiliser le langage commeoutil de coopération. «A son arrivée, iCubétait capable d’assembler une table Ikea enexécutant les instructions qui lui étaient don-nées. Les fois suivantes, il parvenait à antici-perlestâchesàeffectuerpourcesassemblages

iCub

RobotsL’intelligenceenpartage

Apprentissage du langage, processus cognitifs complexes, curiosité artificielle : ladernièregénérationderobotshumanoïdesabénéficiédesprogrèsdelarecherchecollaborative.Desplates-formesstandardisées

permettentd’intégrerlesprogrammesissusdedifférentslaboratoiresetdisciplines

«Avec iCub,nousavonsmis aupoint

un robot capabled’apprendre

en interagissantavec les gens»

GiorgioMettaInstitut italiende technologie

Taille 104cm.

Poids22kg.

DéveloppementUnioneuropéenne.

Plate-formerobotiqueYARP.

Nombred’exemplaires25.

Coût250000euros.

ApplicationEtudeduprocessusd’apprentissagechez l’enfant.

ÉMILE LOREAUX POUR « LE MONDE »

4 0123Mercredi 4 septembre 2013

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é v é n e m e n t SCIENCE&MÉDECINE

car il les avait mémorisées.car il les avait mémorisées.Depuis, il a appris à com-prendre le sens des noms etmots grammaticaux, maisaussi à décrypter l’ordre deces mots dans une phrase»,,raconte Peter Dominey. Auraconte Peter Dominey. Aucours de cet apprentissage, iCubcours de cet apprentissage, iCubaaussiapprisàsesituerdansl’espa-aaussiapprisàsesituerdansl’espa-ceenreconnaissantsadroiteetsagau-ceenreconnaissantsadroiteetsagau-che.«C’est parce qu’on lui amontréplu-«C’est parce qu’on lui amontréplu-sieurs situationsdans lesquelles l’objet estsieurs situationsdans lesquelles l’objet estplacéàgauchequ’ila finipar intégreroùseplacéàgauchequ’ila finipar intégreroùsetrouve la gauche», expliqueMaxime Petit,, expliqueMaxime Petit,unautredoctorantdu laboratoire.unautredoctorantdu laboratoire.

Au total, 25 équipes de recherche collabo-Au total, 25 équipes de recherche collabo-rent en Europe au développement du robot,rent en Europe au développement du robot,quipeutêtreacquisauprixde250000eurosquipeutêtreacquisauprixde250000eurosauprès de l’IIT, qui l’assemble. Les projetsauprès de l’IIT, qui l’assemble. Les projetsincluent l’apprentissagedu langage, la curio-incluent l’apprentissagedu langage, la curio-sitéartificielleou l’interactionpar le toucher.sitéartificielleou l’interactionpar le toucher.Au laboratoire dirigé par la roboticienneAu laboratoire dirigé par la roboticienneAudeBillardàl’EcolepolytechniquedeGenè-AudeBillardàl’EcolepolytechniquedeGenè-ve, les bras du robot ont ainsi été couvertsve, les bras du robot ont ainsi été couvertsd’une peau artificielle dotée de capteurs quid’une peau artificielle dotée de capteurs quilui confèrent une sensibilité au toucher. Lelui confèrent une sensibilité au toucher. Lerobot apprend à ne pas laisser échapper unrobot apprend à ne pas laisser échapper unobjet de sa main, en faisant appel à cetteobjet de sa main, en faisant appel à cettemodalité sensorielle.

Plusieursprojets concernentégalement lePlusieursprojets concernentégalement lelangage. A l’université de Plymouth, aulangage. A l’université de Plymouth, auRoyaume-Uni, iCub a appris le sens de cer-Royaume-Uni, iCub a appris le sens de cer-tainsmots, dans le cadre duprojet européentainsmots, dans le cadre duprojet européenItalk. Le projet Poeticon ++ poursuit cetItalk. Le projet Poeticon ++ poursuit cetapprentissage en lui présentant des motsapprentissage en lui présentant des motsdans des contextes variés. «Le but est d’ap-«Le but est d’ap-prendre au robot le sens des motsprendre au robot le sens des mots remuer etcuillère. Le robot doit ensuite pouvoir com-. Le robot doit ensuite pouvoir com-prendre la question “peux-tu remuer le caféprendre la question “peux-tu remuer le caféaveclecouteau?”»,expliqueAngeloCangelo-,expliqueAngeloCangelo-si, de l’universitéde Plymouth, coordinateursi, de l’universitéde Plymouth, coordinateurduprojet.

Si chaqueéquipede recherche travaille deSi chaqueéquipede recherche travaille demanièreindépendante,leprojetiCubprévoitmanièreindépendante,leprojetiCubprévoitl’intégration des travaux, afin de faire évo-l’intégration des travaux, afin de faire évo-luer le robot. A chaque fois qu’un nouveaulogicielestmisaupoint,leschercheursleren-dent accessible, suivant le principe de l’opensource,sur laplate-formederobotiqueYARP.On peut ainsi demander au robot iCub deLyon de réfléchir aux mouvements qu’ilvient d’effectuer grâce à un logiciel puisédans YARP etmis au point au laboratoire dePlymouth. Sur l’écran de l’ordinateur qui lecommande,onvoit apparaître la représenta-tion de ces mouvements. «Les chercheursimpliqués dans le projet iCub forment unecommunautéautourdecetteplate-formequileurpermetd’échangerleursconnaissancesetleurs travaux. Cela fait d’iCubun projet assezunique», commenteGiorgioMetta.

Lancé dans les années 2000 avec la plate-formederobotiqueURBI,crééeparl’informa-ticienJean-ChristopheBaillie,cemodedecol-laboration marque un tournant dans laconception des robots. «Un robot, c’est aussicompliqué qu’un avion, et sa conception faitappel à des corps demétier et des compéten-cestrèsvariésallantdelareconnaissancevoca-le au contrôle des moteurs, explique Jean-Christophe Baillie, devenu directeur derecherchechezAldebaran.Avoirunecommu-nautédegensquicontribuentestaujourd’huiunatout indispensable.»

«Ces plates-formes intégratives rendentpossiblesdesrecherchesquinel’étaientpasily a unedizaine d’années. Elles ontun rôle decatalyseurentredeschercheursissusdedisci-plines variées», renchérit Pierre-YvesOudeyer, dont l’équipe vient de lancer unenouvelle plate-forme de robotique pour ledéveloppement d’un autre robot, Poppy,plus adapté qu’iCub pour l’apprentissage delamarche.«Avant,ilyavaitunemultitudederobotsetdesystèmesd’exploitationetilétaitplusdifficiled’échangerles logiciels.Aveccesplates-formes, on a des systèmes standards.Cela permet d’accélérer les progrès», com-mente encoreTonyBelpaeme, un roboticien

de l’université de Plymouth (Royaume-de l’université de Plymouth (Royaume-Uni). Cette standardisation concerneUni). Cette standardisation concerneaussi les robots nonhumanoïdes, com-aussi les robots nonhumanoïdes, com-mecespetitsmodulesà roulettes régu-mecespetitsmodulesà roulettes régu-lièrement enrôlés dans des compéti-lièrement enrôlés dans des compéti-

tionsde footballdestinéesà testertionsde footballdestinéesà testerdiverses capacités de per-diverses capacités de per-ceptionetdecoopérationceptionetdecoopération– et celles de leurs pro-– et celles de leurs pro-grammeurs.

«Ces plates-formescontribuent aussi à ladémocratisation de larobotique. Elles ren-dentaccessiblelafabri-cationd’unrobotàdespersonnes qui ne sontpas spécialistes de larobotique», remarqueFrédéric Fol Leymarie,du Goldsmiths Col-lege de Londres. Cer-

tains logiciels qui com-mandent les mouve-mandent les mouve-

ments du bras de Paul, unments du bras de Paul, unrobotartistequiaétémisaurobotartistequiaétémisau

point dans son laboratoire, ontpoint dans son laboratoire, ontété puisés dans la plate-formeété puisés dans la plate-forme

YARP, tandis que le bras lui-YARP, tandis que le bras lui-même a été commandé àmême a été commandé àune société coréenne.une société coréenne. «Enintégrantainsideslogicielsetintégrantainsideslogicielseten achetant des bouts deen achetant des bouts de

robot, dit-il,, dit-il, on peut se fabri-querlesienàdesprixmodiques,querlesienàdesprixmodiques,de l’ordrede 100à200euros.»de l’ordrede 100à200euros.»

Soitunefractionducoûtd’i-Soitunefractionducoûtd’i-Cub. Si celui-ci est un robot deCub. Si celui-ci est un robot derecherche,Naoestconçupourrecherche,Naoestconçupour

devenir un produit com-devenir un produit com-mercial. «Le parti prisd’Aldebaranestdefabri-quer un robot qui estplus un compagnonqu’unserviteur»,racon-

te Rodolphe Gelin, directeur de recherchechez Aldebaran après avoir effectué la pre-mièrepartiedesacarrièreauCommissariatàl’énergie atomique sur les robots de service.«Sa forme, sa taille (58cm) et ses expressionsfontquel’interactionaveclesgensestnaturel-le.QuandilspassentdevantNao, leurpremiè-re réaction est de faire un signe de lamain etde lui direbonjour.»

Depuis la création d’Aldebaran, en 2005,environ 3500 exemplaires de Nao ont étévendusà travers lemonde,essentiellementàdes chercheurs et à des enseignants. Au prixde 12000 euros, il est livré équipé d’unensemble de programmes à télécharger. Onchoisit ainsi de le doter de la capacité de par-ler, de danser, d’écouter ou encore de mar-cher.«Il s’agit d’unearchitectureouverte, quidonne aux gens la liberté de programmer cequ’ils veulent dans le robot ou d’utiliser nosprogrammes.Celasedistinguedel’opensour-ce par le fait que certains logiciels du robot,comme celui qui commande lamarche, sontprotégés par des brevets. Mais, si vous êtesexpertenmarcheetquenotreprogrammenevous convient pas, vous pouvez en faire unautrepour le remplacer», poursuitRodolpheGelin.

Endonnantainsi lapossibilitédemodifierses programmes, Aldebaran compte sur lacommunauté créée autour de Nao pour lesaméliorer. La société collabore ainsi avec deslaboratoiresderechercheeuropéensetaméri-cains pour développer des programmes quilui permettront, à terme, de conquérir desnichesdemarché.LeprojetALIZ-Ed’assistan-ce aux enfants diabétiques et aux enfantsautistes s’inscrit dans cette logique.«C’est enallant vers des populations qui ont un besoinsimple qu’on va d’abord rencontrer un pre-mier marché. Après, on ira vers les marchésplus grand public», explique encore Rodol-pheGelin.

S’ils risquent de modifier notre rapportauxmachines animées, les robots humanoï-des d’aujourd’hui sont pourtant encore loindes robots dont la science-fiction a nourrinotre imaginaire.«Il existeundécalageentrela réalité des robots et la façon dont ils sontappréhendés», commente Denis Vidal,anthropologueà l’Institutde recherche et dedéveloppement. «La science-fiction a ancrél’idée,dansl’imaginairecollectif,qu’ilsepasse-raitquelquechosed’inouïàpartirdumomentoù les robots deviendraient autonomes. C’estune représentation répandue à tous lesniveauxdelasociété,ycomprischezlesroboti-cienseux-mêmes», poursuit-il.

«Il ne faut pas imaginer une technologiedanssatourd’ivoireenpensantqu’ellevatoutrésoudre. Il faut d’abord aller vers les genspour comprendre leurs besoins», soulignePierre-YvesOudeyer.«Ilexisteencoredenom-breuxobstacles scientifiques, technologiques,sociétaux et éthiques avant d’envisager quedes robots puissent vraiment interagir avecles humains dans la vie quotidienne.Mais onpeut envisager des applications spécifiquescomme l’aide à la mobilité des personnesâgées au moyen de chariots motorisés capa-bles de s’adapter à leur rythme de marche»,conclut-il.p

HRP-4

Toutunmondederobots

Nao

Taille 151cm.

Poids 39kg.

DéveloppementProjetjaponais«HumanoidRoboticsProject».

CommercialisationKawada.

Plate-formerobotiqueOpenRTM-aist.

CoûtEnviron350000euros.

ApplicationsEtudede lamarche, des interactionsavecl’hommeet du contrôle demouvement.

Auxcôtés de l’Europe, le Japon, les Etats-Unis et la CoréeduSudhébergentdesprogrammesdedéveloppementde robotshumanoïdes.Au Japon, la plu-part des constructeurs automobiles et desuniversités ontmis aupoint leleur. Parmi les plus sophistiqués figurent le robotAsimo, deHonda, et lerobotHRP-4, développépar l’Institutnational de la scienceet des technolo-gies industrielles avancées (AIST), dans le cadre duprojet «HumanoidRobo-tic Project», financépar leministère japonais de l’économie, du commerce etde l’industrie (METI). Il est commercialisépar la sociétéKawadaet est utilisépour l’étudede la locomotionet des interactionshomme-machine.Unever-sionde ce robot,HRP-2, est disponible en France, au Laboratoired’analyse etd’architecturedes systèmes (LAAS)de Toulouse.Au Japon, le chercheurHiroshi Ishiguro (universitéd’Osaka)met aupointdes robots humanoïdesà l’apparence réaliste et dont le visage est capabledemimerdes expressionshumaines comme le sourire. En CoréeduSud, l’Insti-tut scientifiqueet technologique coréen (KIST) a développéun robothuma-noïdedénomméEngkey.Depuis 2010, il est utilisédans les classesd’école pri-maire commeassistant, à l’initiativedugouvernement sud-coréen.AuxEtats-Unis, la sociétéWillowGarage commercialiseun robot baptisé PR-2,associé à la plate-forme robotiqueopen sourceROS et vendu commeunrobotde recherche et d’innovation. La sociétéMekaRobotics commercialiseégalement, à l’attentiondes chercheurs, des robots dont onpeut choisir laconfigurationenpuisantparmiun choixde bras, de têtes et de jambes. Laplate-formerobotiqueest elle aussi accessible enopen source, et les robotsainsi configurésprésentent des caractéristiques comparables à celles d’iCub.

DR

Nao, futurassistantmédical?

L epetit robot humanoïdeNaopourrait-il aider les enfantsmala-des? C’est unedes questions

posées aux chercheursduprojet euro-péenALIZ-E, qui vise à étudier la rela-tionqu’unenfantpeut établir avec lerobot. Lancé en 2010, le projet estfinancéàhauteurde 8,3millionsd’eu-ros sur quatre anspar l’Unioneuro-péenne. Il impliqueplusieursuniversi-tés et hôpitauxeuropéens, ainsi que lasociétéAldebaran.

«Pour ce projet, Nao convient vrai-ment bien. Son prix est tout à fait abor-dablepour un robot etAldebarana faitun excellent travail de conception. Naoest amical, ses yeux et sa taille sont par-faits, en particulier pour les enfants,s’émerveilleTonyBelpaeme, de l’uni-versité dePlymouth (Royaume-Uni),coordinateurduprojet. Tous les cher-cheurs impliqués dans le projet tra-vaillent sur lamêmeversiondeNao, etquandun logiciel estmis aupoint enFrance, il peut immédiatementêtre uti-lisé auRoyaume-Uni.»

Despédiatresde l’hôpital SanRaffae-le deMilan (Italie) qui avaient la volon-té d’utiliser les robots auprèsdesenfantsmalades sont à l’origineduprojet. Il s’agissait, entre autres, dechercherune solutionde remplace-ment auxanimauxdomestiquesutili-sés commesoutienpsychologique,jugés trop coûteux etpas assezhygié-niques.«Les attentes desmédecinsenvers les robots étaient très élevées,raconteTonyBelpaeme. Ils pensaientqu’onpouvait faire faire des chosesincroyablesau robot, comme, parexemple, accueillir l’enfant à sonentréeà l’hôpital et l’emmenerdans sachambre. Celan’est pas possible. Lesrobotsmarchent trop lentement.»

D’où l’idée d’évaluer les bénéficesdu robot dans le casd’unemaladie spé-cifique comme le diabète.«C’est unemaladie en augmentation.Aumomentdudiagnostic, les enfants nonseulement sont traumatisés,mais ilsdoiventaussi apprendreà vivre avecleurmaladie et donc être éduqués»,poursuit-il.Durant les deuxpremièresannées, les chercheurs ont travaillé àlamise aupoint de logiciels répondantauxbesoinsdes enfants diabétiques,

dontdes questionnaires sur l’alimenta-tion et des jeux favorisant l’interac-tion. «L’idée est que le robotnon seule-ment soit perçu commeuncompa-gnonpour l’enfant,mais aussi qu’ilpuisse avoir une fonctionéducative»,expliqueTonyBelpaeme.

Sonéquipe a également travailléavec les différents acteurs concernésafind’évaluer leurs besoins. Enfants,médecins, parents, infirmiers et psy-chologuesont été consultés. Des testsont ensuite été réalisés auprèsd’unepopulationd’enfants entre 7 et 12 ans,atteints de troublesmétaboliques,dont le diabète et l’obésité. L’idée étaitde comparer les performancesobte-nues avec le robot à celles obtenuesavecd’autres outils tels que les tablet-tes électroniques.

ImportantsobstaclesLes chercheurs se sont ainsi rendu

compteque les enfants apprennentmieuxavec le robot, considéré commeunepersonnevivante àpart entière.«Le robot est vraiment là. L’enfantpeut le toucher et il se sent importantpour lui, ce qui l’aide à retrouver l’esti-mede lui-même, commenteTonyBel-paeme.Onpeut demander par exem-ple à l’enfant d’expliquer samaladieau robot et, en l’expliquant, il parvientmieuxà la comprendre.»

D’importantsobstacles demeurentpourtant avant d’envisager de vérita-bles interactions entre le robot et l’en-fant. La vision artificielle, par exem-ple, reste encore balbutiante,malgrédes années de recherchedans cedomaine, et Nao, aussi sympathiquesoit-il, est toujoursunemachine. «Onest plus près d’un programmede coa-chingque du robot tel qu’on le fantas-me, remarque Pierre-YvesOudeyer. Ilexiste peut-être des objets plus sim-ples, car Nao reste cher et peu accessi-ble par les hôpitaux.»

Outre lesprojets sur le diabète, Alde-barandéveloppeaussi des collabora-tions avec plusieurs institutions spé-cialiséesdans le domainede l’autisme.L’idée est de développerdes applica-tionspour assister les enfants autisteset de suivre leurs progrès.p

C.My

Taille 58cm.

Poids4,8kg.

Développement-commercialisationAldebaran.

Nombred’exemplairesEnviron3500.

Plate-formerobotiqueURBI.

Coût12000euros.

ApplicationRecherche,éducation.

ERIC PIERMONT/AFP

50123Mercredi 4 septembre 2013