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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 1

CHAPITRE 18

ANESTHESIE POUR LA

CHIRURGIE DE L’AORTE

Mise à jour: Septembre 2013

Précis d’Anesthésie Cardiaque

PAC •

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Table des matières Classification 2 Dissection de l’aorte 3 Anévrysmes thoraciques 8 Athéromatose aortique 11 Rupture traumatique 12 Coarctation 14 Syndrome aortique aigu 15 Moyens diagnostiques 18

Indications et résultats chirurgicaux 22 Corrélations anatomo-clinqiues 22

Anesthésie pour l’aorte ascendante 24 Préparation 24 Monitorage 24 Chirurgie 26 Anesthésie 29 Anesthésie pour la crosse 32 Effets cérébraux de l’hypothermie 32 Arrêt circulatoire 34 Protection cérébrale 35 Monitorage 39 Chirurgie 42 Anesthésie 42

Anesthésie pour l’aorte descendante 46 Effets du clampage aortique 46 Ischémie médullaire 49 Protection médullaire 53 Clinique et chirurgie 59 Anesthésie 60 Cas particulier : la coarctation 65 Anesthésie pour l’aorte abdominale 66 Effets du clampage 67 Insuffisance rénale 70 Chirurgie 72 Anesthésie 72 Anesthésie loco-régionale 74 Anesthésie pour les endoprothèses 77 Endoprothèses thoraciques 78 Endoprothèses abdominales 81 Opérations hybrides 83 Bibliographie 85 Auteurs 93

Classification La chirurgie de l'aorte pose un défi intéressant à l'anesthésiste parce qu'elle impose des altérations hémodynamiques majeures, requiert des techniques sophistiquées, et intervient sur des malades souffrant en général de graves comorbidités, telles la coronaropathie, la bronchopneumopathie, la maladie cérébrovasculaire ou le grand âge. Les problèmes auxquels doit faire face l'anesthésiste dépendent de la zone concernée. On en distingue quatre (Figure 18.1):

L'aorte ascendante ; La crosse de l'aorte ; L'aorte descendante thoracique et thoraco-abdominale ; L'aorte abdominale sous-rénale.

Chaque zone présente des problèmes spécifiques. Les pathologies chirurgicales de l'aorte thoracique se divisent en cinq types de lésions, qui sont par ordre de fréquence: la dissection, l'anévrysme, l'athéromatose, la rupture traumatique et la coarctation. Les lésions réclamant un traitement urgent sont regroupées sous le terme de syndrome aortique aigu ; elles comprennent la dissection, la rupture traumatique, l’athérome perforant et l’hématome intramural.

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Dissection de l'aorte La dissection est une rupture de la média avec apparition d’une zone hémorragique intrapariétale [120]. L’origine est une déchirure intimale proximale (point d'entrée) qui se prolonge entre les couches interne et externe de la média et dissèque l'aorte sur une longueur variable, créant une fausse lumière dont le flux sanguin ressort par une ou plusieurs déchirures distales. La dissection peut être associée à un anévrysme. La force qui dissocie les tissus est liée à trois mécanismes :

Vélocité d'éjection du flux (contractilité ventriculaire, dP/dt du VG) ; Pression artérielle aortique maximale (systolique) ; Pulsatilité artérielle (Pression pulsée = PAsyst – PAdiast).

L'intima se déchire aux endroits de stress maximum: la racine de l'aorte ascendante (68% des cas) et l’isthme (24%) [121]. L'incidence de la maladie est de 5-10 cas par million d'habitants et par année ou 3.2 par 100'000 autopsies [236]. La mortalité de la dissection aortique est de 50% à 48 heures et de 90% à 3 mois [121]. Plusieurs étiologies sont possibles [144]:

Hypertension artérielle; c'est le facteur de risque le plus important ; Médianécrose aortique: environ 20% des cas; 40% des cas de syndrome de Marfan

développent une dissection; Ectasie aortique; Athérosclérose (athérome ulcéré); Rupture de vasa vasorum; Complication iatrogène de la canulation aortique de CEC;

Art carotide gauche Tronc brachio-céphalique Art sous-clavière gauche Crosse de l’aorte Isthme

Aorte ascendante Sinus de Valsalva (+ coronaires) Aorte descendante Diaphragme Tronc coeliaque Art mésentérique supérieure Artères rénales Aorte abdominale sous-rénale Art mésentérique inférieure Artères iliaques

Jonction sino-tubulaire

© Chassot 2012

Figure 18.1 : Anatomie de l’aorte normale. L’isthme de l’aorte est situé approximativement 2 cm au-delà du départ de l’artère sous-clavière gauche. Les branches de l’aorte sont : les artères coronaires, le tronc brachio-céphalique (artère sous-clavière droite et carotide primitive droite), l’artère carotide primitive gauche, l’artère sous-clavière gauche, les artères intercostales (tout au long de l’aorte descendante), le tronc coeliaque, l’artère mésentérique supérieure, les artères rénales, l’artère mésentérique inférieure et les artères lombaires (au niveau abdominal). Elle se bifurque en deux artères iliaques primitives.

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Traumatisme thoracique (étiologie rare); La bicuspidie valvulaire aortique est fréquemment associée.

Il existe trois classifications des dissections de l'aorte. La plus ancienne est celle de DeBakey: les lésions sont réparties en trois types selon la localisation de la déchirure proximale et l'étendue de la lésion (Figure 18.2) [70]:

Type I: aorte ascendante et descendante ; Type II: aorte ascendante seule ; Type III: aorte descendante, avec extension possible au niveau abdominal.

Cette classification a été simplifiée par D. Cooley en deux types (Figure 18.3) [54]. Comme le facteur pronostique déterminant est l'implication de l'aorte ascendante dans la dissection, indépendamment de la localisation de la déchirure proximale, des points de sortie et de l'étendue distale de la lésion, le groupe de Stanford a établi une classification en deux groupes répartis selon la sanction thérapeutique (Figure 18.4) [65]. C'est la classification la plus utilisée actuellement.

Figure 18.2 : Classification des dissections de l'aorte thoracique en trois types selon deBakey [70].

Figure 18.3 : Classification des dissections de l'aorte thoracique en deux types selon Cooley [34].

Figure 18.4 : Classification des dissections de l'aorte thoracique en deux types selon la classification de Stanford [65]. Le type A est caractérisé par une déchirure dans l’aorte ascendante, quelle que soit son extension distale. Le type B est défini par une déchirure limitée à l’aorte descendante.

Type A Type B

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Type A: dissection de l'aorte ascendante, avec ou sans la crosse et l'aorte descendante, dont la thérapeutique est chirurgicale d'emblée (Figure 18.5 et Figure 18.6) [144].

• Incidence: 65-85% des cas ; incidence des cas aigus: 80% ; • Age moyen: 50 ans ; • Insuffisance aortique: présente dans 50% des cas ; • Déchirure intimale proximale toujours présente ; • Mortalité aiguë: ≥ 90% ; causes du décès : rupture, tamponnade, effondrement

circulatoire, AVC, ischémie viscérale ; • Traitement: chirurgie d'urgence ; • Mortalité chirurgicale: 10% ; 20% à 1 mois (mortalité du traitement médical seul: 88%).

Figure 18.5 : vue d’une dissection A de l’aorte ascendante en échocardiographie transoesophagienne (ETO). La flèche verte indique la membrane (flap) qui flotte dans la lumière aortique. Ao : aorte ascendante. VAo : valve aortique. CCVG : chambre de chasse du VG. CCVD : chambre de chasse du VD.

Ao

OG

VAo

OG

CCVG Ao asc

CCVD

A

B C

Figure 18.6 : Dissection A (images ETO). A: Membrane s’insérant dans la coronaire droite et la disséquant partiellement. B: désinsertion de la cuspide coronaire gauche et de la cuspide non-coronaire. C : flux diastolique à travers la déchirure d’une dissection A située dans la cuspide coronarienne droite.

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Type B: dissection de l'aorte descendante seule, avec ou sans extension abdominale, dont le traitement primaire est médical (Figure 18.7) [5].

• Incidence: 30-35% des cas ; • Age moyen: 65 ans ; • Association à l'hypertension et à l'artériosclérose: 80% des cas ; • Déchirure intimale: peut être absente (10% des cas) ; • Mortalité aiguë (sans traitement): 40% ; • Traitement: équilibration médicale, opération ultérieure élective ; • Mortalité chirurgicale: 19-32%; mortalité du traitement médical: 10% ; • Indication opératoire: douleur persistante, dilatation anévrysmale (> 5.5 cm), déficit

neurologique, ischémie rénale ou digestive, insuffisance valvulaire aortique sévère, HTA non-contrôlable. L’endoprothèse aortique immédiate ne modifie pas le pronostic par rapport au traitement médical optimal [178]. En indication élective, au contraire, elle diminue de 3 fois (OR 3.41) le risque opératoire par rapport au remplacement chirurgical lorsqu’elle est techniquement possible [84].

Figure 18.7 : Dissection B. Vues échocardiographiques transoesophagiennes de l’aorte descendante, qui est séparée en 2 lumières par une membrane (flèche verte). En systole, on aperçoit un passage de sang (jet de couleur) entre la vraie lumière (VL) et la fausse lumière (FL), dans laquelle le flux est lent (présence de contraste spontané indiquant la stase). La présence ou l'absence, le nombre et la localisation des points de sortie sont sans signification pronostique. Immédiatement après correction chirurgicale, la fausse lumière reste perméable chez la majorité des patients [116] ; elle thrombose secondairement. Le pronostic est plus réservé lorsque sa perméabilité est conservée. On voit alors une aorte en "double canon", avec deux lumières contenant toutes deux un flux, séparées par une membrane épaissie et fibrosée (Figure 18.8). Le risque tient au fait que certains organes peuvent se trouver perfusés par la fausse lumière et souffrir d’ischémie chronique. La dissection aiguë se manifeste cliniquement par des douleurs rétrosternales ou interscapulaires d'apparition brusque et par un déséquilibre hémodynamique grave: poussée hypertensive, choc hypovolémique, insuffisance gauche congestive (due à une insuffisance aortique aiguë), tamponnade (la majeure partie de l'aorte ascendante est intrapéricardique). La symptomatologie peut mimer un infarctus myocardique, mais débute souvent par des signes neurologiques fugaces. Selon l'extension de la dissection, on peut rencontrer un accident vasculaire cérébral (10 % des Type A), une paraplégie (5 % des cas), des troubles neurologiques passagers ou une ischémie des membres inférieurs [8]. L'histoire naturelle de la dissection est dramatique: mortalité à 2 jours jusqu'à 50%, survie à 3 mois de 10% [121].

FL VL VL

FL

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Figure 18.8 : Aorte descendante en « double canon » suite à une dissection chronifiée. La flèche verte désigne la membrane épaissie et fibrosée. Le flux aortique passe dans la vraie lumière (VL) et dans la fausse lumière (FL).

Dissection aortique Rupture dans la média créant une fausse lumière où le sang pénètre par une déchirure proximale de l’intima ; présence d’une membrane (flap) flottant dans l’aorte. Mécanismes dissociant les tissus : - Vélocité d’éjection du VG (contractilité) ; - Pression artérielle systolique ; - Pulsatilité (Pression pulsée = PAsyst – PAdiast). Type A : dissection de l’aorte ascendante (± crosse et descendante), insuffisance aortique fréquente ; traitement chirurgical d’emblée. Type B : dissection de l’aorte descendante seule ; traitement médical ; indications chirurgicales : ischémie, dilatation, douleurs, déficit neurologique. Hématome intrapariétal Bien que la dissection démarre par une déchirure intimale, il se peut qu’une hémorragie des vasa vasorum provoque un clivage au sein de la paroi aortique et donne naissance à un hématome pariétal circulaire qui correspond à une dissection localisée sans communication avec la lumière aortique ; la paroi mesure > 7 mm d’épaisseur (Figure 18.9 et Figure 18.10) [48]. Cette lésion se manifeste par des douleurs violentes comme une dissection. Elle est située dans l’aorte descendante dans 60% des cas [149]. Elle se présente au CT-scan, à l’IRM ou à l’ETO comme un épaississement hyperdense en croissant sur la paroi aortique. L’hématome intramural évolue vers le pseudo-anévrysme ou la dissection, avec un risque de rupture de 20-45%, notamment lorsque l’épaisseur de paroi est > 16 mm ; seuls 10% régressent spontanément [179]. La lésion est donc une indication au remplacement chirurgical ou à l’endoprothèse à cause du risque de rupture ; non opéré, l'hématome intrapariétal a une mortalité à 30 jours de 46% [205], alors que la mortalité opératoire est de 14% [149].

VL

FL

FL

VL

A B

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Anévrysmes thoraciques L'anévrisme est un élargissement localisé de plus de 50% par rapport au diamètre normal de l’aorte à cet endroit, sacculaire ou fusiforme, dont la paroi est constituée des trois couches normales, amincies et soumises à d'autant plus de tension que le diamètre est agrandi (loi de Laplace) [120,129]. Il peut se rencontrer sur toutes les portions de l'aorte (Figure 18.11). Les dimensions normales maximales de l’aorte (dilatation non chirurgicale) sont 4.5 cm pour la portion ascendante, 4.0 cm pour la crosse et 3.5 cm pour la descendante. L’indication opératoire est posée pour un diamètre > 5.5 cm dans l’aorte ascendante et la crosse (> 5.0 cm en cas de syndrome de Marfan) et > 6 cm dans l’aorte descendante [120] ; l’évolution vers la rupture est plus lente dans la descendante que dans l’ascendante. L'incidence

A

C

B

Déchirure dans la membrane Fausse lumière

Plaque ulcérée pénétrant la paroi aortique

Hématome intrapariétal

© Chassot 2012

Figure 18.9 : lésions pariétales aortiques caracté-ristiques du syndrome aortique aigu. A : dissection ; une membrane sépare la vraie et la fausse lumières ; l’origine est une déchirure intimale. B : une plaque athéromateuse ulcérée pénètre dans la paroi aortique et érode les couches ; elle peut provoquer une dissection ou une rupture. C : hématome intrapariétal sur rupture de vasa vasorum ; il cause une dissection au sein de la paroi mais sans contact avec le flux sanguin [48].

Figure 18.10 : Hématome intrapariétal circulaire de l’aorte ascendante à l’IRM.

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est d'environ 400 cas pour 100'000 autopsies, et jusqu'à 670 pour 100'000 au-delà de 80 ans ; l’incidence des anévrysmes abdominaux est d’environ 2.5% au-delà de 65 ans [15,236]. La répartition anatomique est la suivante [25]:

Aorte ascendante: 50 % des cas ; Aorte descendante: 30 % des cas ; Crosse de l'aorte: 10 % des cas ; Aorte thoraco-abdominale: 10 % des cas.

Une dilatation de moins de 50% du diamètre normal est une ectasie. Le pseudo-anévrysme est une disruption pariétale avec extravasation de sang dans une poche dont la paroi n’est constituée que par l’externa et le tissu adventiciel périaortique [120]. Lorsqu’il s’étend vers les sinus de Valsalva et la valve aortique, l’anévrysme provoque une insuffisance aortique (IA) par dilatation de l’anneau ; cette IA peut être majeure (Figure 18.12). Figure 18.11 : Images ETO d'anévrysmes de l'aorte thoracique. En haut: anévrysme localisé de la crosse de l'aorte. La partie proximale est à droite de l'écran. En bas: thrombus intraluminal dans un anévrysme de l'aorte descendante (diamètre 6.5 cm). Il existe plusieurs étiologies à un anévrysme aortique [186] :

Aorte

Anévrysme

Thrombus

OG

IA

Aorte

Figure 18.12 : Anévrysme de l’aorte ascendante chez un malade souffrant de syndrome de Marfan (ETO). L’aorte est très dilatée (diamètre 6 cm, double flèche verte) ; l’anneau aortique est également dilaté et la valve fuit massivement. L’insuffisance aortique (IA) se manifeste par un large flux tourbillonnaire diastolique dans la chambre de chasse (IA sévère).

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Artériosclérose: 60% des cas (dans les cas d'anévrismes abdominaux, la proportion est de

95%); en général fusiformes, ils sont situés le plus souvent sur l'aorte descendante et thoraco-abdominale.

Dissection aortique (15% des cas): en cas de non-rupture, la paroi amincie de la fausse lumière se dilate progressivement.

Médianécrose d’origine génétique (Marfan, Ehlers-Danlos): défaut de synthèse de la glycoprotéine appelée fibrilline, qui est un des éléments du tissu élastique de la média [88]; une bicuspidie et/ou une insuffisance valvulaire aortique sont fréquemment associées.

Aortite (syphilis, maladies granulomateuses, PCE, maladies de Takayashu, de Kawasaki, de Behcet, de Reiter): 10% des cas; en général sacculaires, situés le plus souvent sur l'aorte ascendante ou sur la crosse.

Rupture traumatique (10% des cas): en cas de survie, l'hématome pariétal est circonscrit par l'adventice et le tissu médiastinal péri-aortique (faux-anévrisme); il se dilate progressivement; la localisation est en général à l'isthme, juste après le départ de l'artère sous-clavière gauche.

Anévrisme mycotique: endocardite chronique, immunosuppression, abus de drogues intraveineuses.

Les facteurs le plus souvent associés sont la fumée (risk ratio : 5.0), l'âge et l'hypertension. Spontanément, les anévrysmes augmentent de dimensions à raison de 0.1 – 0.4 cm par an [108,120]. Ceux de la crosse ont la croissance la plus rapide; les abdominaux sont les plus lents (0.28 cm/an). Globalement, le taux de rupture est de 23% [133]. Lorsqu'ils ont plus de 6 cm de diamètre, leur risque de rupture est cinq fois plus élevé [194]. La probabilité de rupture est de 43% à 1 an et de 100% à 5 ans lorsque l'anévrysme mesure plus de 6 cm et que le patient est hypertendu ou porteur d’une bicuspidie [60].

Anévrysme de l’aorte thoracique Définition : dilatation localisée de > 50% du diamètre normal à cet endroit. Dimensions normales de l’aorte : - Racine de l’aorte 3.5 – 3.9 cm (+ IA majeure) - Aorte ascendante (partie tubulaire) 2.9 cm (IA fréquente) - Crosse 2.5 – 2.8 cm - Aorte descendante 2.4 – 2.9 cm - Aorte abdominale 2.4 – 2.7 cm Indications opératoires en cas d’anévrysme : - Aorte ascendante > 5.5 cm (> 5.0 cm en cas de syndrome de Marfan) - Aorte descendante > 6.0 cm - Elargissement > 0.5 cm/an - Douleurs, compression, facteurs de risque (Marfan) - Insuffisance aortique majeure La symptomatologie est celle de douleurs thoraciques ou abdominales, dues à la dilatation ou à l'érosion osseuse d'une vertèbre sous-jacente. Les symptômes d'appel les plus fréquents sont liés à la compression de structures du voisinage; on peut rencontrer une raucité de la voix (lésion du nerf récurrent gauche), un syndrome de Horner (compression du ganglion stellaire), une atélectasie ou une pneumonie lobaire (compression bronchique), une dysphagie (compression de l'oesophage), un oedème en pèlerine (compression de la veine cave supérieure), une hémoptysie ou une hématémèse (rupture en viscère creux). Il arrive qu'on ausculte un thrill ou qu'on palpe une masse pulsatile, ou que les pouls périphériques soient asymétriques, mais beaucoup de cas sont des découvertes fortuites chez

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des malades asymptomatiques. L'évolution naturelle est la rupture, d'autant plus rapide que l'anévrisme est grand; après diagnostic, la survie est de 40% à deux ans pour les anévrysmes thoraciques et de 65% pour les anévrysmes abdominaux [140]. Comme l'incidence d'artériosclérose et d'HTA est très élevée dans ce type de lésion aortique, l'aortographie et la coronarographie sont nécessaires avant une sanction chirurgicale. L'indication opératoire est posée sur la persistance de la douleur, sur l’importance de l’insuffisance aortique, sur l'accroissement progressif du diamètre (≥ 0.5 cm/an), ou à partir d'un diamètre de 5.5 cm (aorte ascendante) à 6.0 cm (aorte descendante). Une fuite hémorragique est évidemment une indication à intervenir d'urgence. Athéromatose aortique La maladie artérioscléreuse touche tous les vaisseaux. L'athéromatose de l'aorte ascendante est présente chez 38% des patients au-dessus de 50 ans (Figure 18.13) [69]. Les principaux facteurs associés sont l’âge, le diabète et la vasculopathie périphérique. L’athéromatose est un facteur de risque majeur en chirurgie cardiaque parce que l’aorte ascendante est manipulée, canulée et clampée dans toute intervention sur le coeur. Des fragments d'athérome peuvent alors emboliser en périphérie, particulièrement dans le cerveau; ils sont un des principaux facteurs responsables des AVC postopératoires en chirurgie cardiaque : le risque d’AVC est de 1.5% en l’absence de lésion, mais de 6-9% en présence de plaques athéromateuses. Le risque emboligène dépend de la morphologie, de la taille et de la localisation des plaques.

Le risque est majeur lorsque les plaques mesurent plus de 4 mm d’épaisseur [28]. Plus les lésions sont étendues, plus le risque augmente, mais la partie antéro-latérale distale

(juste en amont du tronc brachio-céphalique) est l’endroit où les athéromes présentent la plus forte association avec les AVC postopératoires [249].

Les lésions ulcérées et les lésions diffuses englobant toute la paroi (aorte porcelaine) présentent le plus haut risque emboligène [4].

Le risque d’AVC s’élève jusqu’à 45% en présence d’athérome mobile [69]. Figure 18.13 : Athéromes de l’aorte descendante vus en ETO. A : masse grumeleuse partiellement calcifiée avec protubérances importantes (athérome degré IV) sur une vue transverse de l’aorte descendante. B : sur une vue longitudinale, on voit une masse athéromateuse à laquelle est attachée un filament mobile flottant dans la lumière de l’aorte (athérome degré V). La flèche rouge indique le sens du flux.

A B

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L'ETO est très performant pour évaluer l'aorte descendante, mais ne permet pas de visualiser correctement l'aorte ascendante. En effet, seule est visible la partie proximale de l’ascendante jusqu'à son croisement avec l'artère pulmonaire droite ; au-delà de ce niveau, l’interposition de la bronche souche entre l’œsophage et l’aorte bloque le passage des ultrasons et empêche de voir la moitié distale de l’ascendante. L’ETO n'est donc pas un moyen sûr pour mettre en évidence les lésions athéromateuses sévères de l'aorte ascendante [141]. Comme la palpation chirurgicale est peu fiable, on peut contourner ce problème de deux manières :

Echocardiographie épiaortique ; un capteur de type transthoracique est placé dans une housse stérile et manipulé dans le champ opératoire au contact de la face antérieure de l’aorte ascendante [201,210] ; cette technique est considérée comme l’étalon standard pour détecter la présence d’athéromes en peropératoire (voir Chapitre 27 page 86, Echographie épiaortique).

Après l’intubation, on peut introduire dans la bronche souche gauche un cathéter sur lequel est monté un ballonnet rempli de NaCl qui rétablit la vision sur toute la longueur du vaisseau en assurant la transmission des US ; par rapport à la précédente, cette technique a une valeur prédictive positive de 67% et négative de 97% [250,251]. L’examen se fait pendant une période d’apnée.

L’athérome peut parfois pénétrer la paroi aortique et térébrer à travers toute son épaisseur (Figure 18.9). Il peut être le précurseur d'une dissection aortique localisée ou d’une rupture de l’externa [114]. Il se manifeste essentiellement dans l’aorte descendante. Si la lésion est stable (cratère et aorte de dimension non évolutive au CT-scan, à l’IRM ou à l’ETO), elle peut être suivie médicalement, mais si elle s’agrandit ou que l’aorte augmente de taille, une intervention est impérative car le risque de dissection et de rupture d’un athérome térébrant est aussi élevé que celui d’une dissection [48].

Athéromatose aortique L’athérome présente un risque embolique majeur. Dans l’aorte ascendante, il est directement associé aux AVC postopératoires. Facteurs de risque : âge > 50 ans, diabète, vasculopathie périphérique. ETO : excellente vue de l’aorte descendante, mais amputation de la moitié distale de l’aorte ascendante. Si doute en peropératoire : échographie épiaortique. Classification des athéromes (risque embolique croissant) 1 – paroi lisse épaissie < 3 mm ;

2 – épaississement lisse de 3 – 5 mm ; 3 – athéromes irréguliers jusqu’à 5 mm ; 4 – athéromes sessiles > 5 mm ; 5 - athéromes mobiles (quelle que soit la taille)

Rupture traumatique Une décélération brutale cisaille l'aorte aux endroits situés entre ses parties libres et ses portions fixées, c'est-à-dire au niveau des ostia coronaires (35 % des cas), à l'isthme juste après le départ de la sous-clavière gauche (50% des cas), et, rarement, au hiatus diaphragmatique; environ 20% des traumatismes thoraciques fermés autopsiés ont une rupture aortique [192]. Pour que la rupture ait lieu, il faut que le moment de la décélération maximale coïncide avec la télésystole ou la protodiastole d'un cycle cardiaque. A ce moment, en effet, le ventricule s’est vidé, alors que l'aorte ascendante et la crosse sont pleines du volume systolique; ces dernières sont donc plus lourdes et sont projetées par leur masse cinétique dans la direction du mouvement; au contraire, le coeur vide et l'aorte descendante fixée à la colonne ont peu d'énergie cinétique et sont décélérés comme le reste de l'organisme. La

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lésion cause la mort de 15 % des traumatismes thoraciques fermés, pour une incidence de 0.5% des traumas thoraciques [176]. Elle est immédiatement fatale pour 85% des patients, notamment lorsque la déchirure a lieu à la racine de l'aorte, car l'hémorragie intrapéricardique cause une tamponnade foudroyante [100]. Chez les survivants, la déchirure isthmique (2 cm après le départ de la sous-clavière gauche) est de loin la plus fréquente (90 % des cas chirurgicaux); ces rescapés ont une mortalité de 30% pendant les 6 premières heures, de 50% à 24 heures et de 90% dans les 4 mois [100]. La rupture peut survenir en deux temps, parfois espacés de plusieurs semaines. Passé ce délai, elle peut évoluer vers le faux-anévrysme chronique, mais les risques de rupture persistent, même faibles. Malheureusement, rien ne permet de prévoir l’évolution à partir des caractéristiques de la lésion aiguë. La triade diagnostique classique se retrouve dans plus de la moitié des cas:

Hypertension dans les membres supérieurs ; Diminution du pouls et de la pression dans les membres inférieurs ; Elargissement médiastinal radiologique, épanchement pleural (en général gauche).

On rencontre également: douleurs rétrosternales ou interscapulaires, dysphagie, dyspnée, raucité de la voix, douleurs ischémiques des membres inférieurs. Le traitement est chirurgical, mais, malgré une intervention urgente, la mortalité reste de 10-20% [15]. Le risque de paraplégie est de 5-15%, et celui d'insuffisance rénale de 27% [48,140]. Les possibilités d’investigation sont limitées par le temps et par l'état critique du patient. L'ETO et le CT-scan sont les examens de première ligne. Le CT-scan spiralé offre une bonne définition de ce type de lésion, mais n'apporte aucun élément fonctionnel; il impose un déplacement du malade. L’IRM est très difficile, voire impossible, dans les conditions d'un malade choqué, multiperfusé et ventilé. L'aortographie n’est indiquée que s'il est nécessaire de visualiser les axes vasculaires (carotides, aorte abdominale, coronographie). La probabilité de trouver une rupture aortique à l'arcographie en cas d'élargissement traumatique du médiastin ne dépasse pas 15% [77]. L'innocuité de l'ETO, sa rapidité et son apport au diagnostic hémodynamique (volémie, fonction myocardique, tamponnade, lésion valvulaire, etc) en font l'examen de choix à réaliser en premier lieu dans les traumatismes thoraciques fermés graves (Figure 18.14) [142]. La seule contre-indication est la fracture instable de la colonne cervicale. Dans le cas du traumatisme thoracique, sa sensibilité (95%) et sa spécificité (90%) sont supérieures à celles de l'arcographie, mais inférieures à celles du CT-scan et de l’IRM [38]. Malheureusement, il n’existe aucun moyen de différencier les petites ruptures endothéliales bénignes de celles qui vont évoluer en quelques heures vers la dissection et la rupture [48]. Figure 18.14 : Images ETO de rupture traumatique de l'aorte isthmique. A : coupe transverse de l'aorte au niveau du départ de l'artère sous-clavière gauche. Une rupture pariétale est visible sur la gauche de l'écran; la flèche indique le faux-anévrysme créé par la rupture. B : coupe transverse de l’isthme aortique avec présence d’une déchirure pariétale. C: coupe longitudinale de l'aorte descendante; une fine déchirure intimale est bien visible (flèche).

C

Rupture A. ss-clav. G

A B

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La réparation chirurgicale d’une rupture de l’isthme aortique consiste en une résection de la zone contuse et réanastomose avec ou sans interposition d’une prothèse tubulaire. L’opération a lieu par thoracotomie gauche, nécessite un tube à 2-lumières, saigne beaucoup et comporte un risque de paraplégie proportionnel à la durée du clampage et à la longueur de la prothèse. La mortalité opératoire voisine 15% et le taux de paraplégie 8% [128]. L’avènement des techniques endovasculaires a modifié radicalement la prise en charge initiale. En effet, la mise en place d’une endoprothèse en urgence évite la thoracotomie, l’exclusion pulmonaire, le clampage aortique et l’héparinisation. Aucun décès ni aucune paraplégie n’ont été rapportés jusqu’ici, bien que l’ancrage proximal de la prothèse recouvre fréquemment l’origine de la sous-clavière gauche [13,48]. Toutefois, on manque de recul pour connaître les résultats à long terme des interventions endovasculaires (voir Endoprothèses de l’aorte thoracique, page 77).

Rupture traumatique (traumatisme thoracique fermé) Survient aux endroits de cisaillement en cas de décélération : racine de l’aorte, isthme. Mortalité : 30% à 6 heures, 50% à 24 heures. Symptômes : douleurs, compression, hypotension aux membres inférieurs. Examens d’urgence : CT-scan, ETO. Traitement chirurgical d’emblée : endoprothèse (si < 1/3 de la circonférence), remplacement aortique par thoracotomie gauche. Coarctation de l'aorte Il s'agit d'une affection congénitale qui survient dans 0.2‰ des naissances. Elle se manifeste en général chez le petit enfant par une absence de pouls aux membres inférieures, une hypertension artérielle des membres supérieurs et une surcharge de pression du VG. Un canal artériel est présent dans 20% des cas et une bicuspidie aortique dans plus de 50% des cas. Les obstructions peu sévères se découvrent à l'adolescence (Figure 18.15). Les manifestations cliniques sont les mêmes que chez l’enfant: HTA prédominant aux membres supérieurs, hypertrophie ventriculaire gauche concentrique, stimulation sympathique centrale; mais un réseau collatéral très important par les artères périscapulaires, mammaires internes, cervicales et intercostales assure une perfusion au-dessous de la lésion; les intercostales dilatées sont à l'origine des entailles (notching) que l'on aperçoit à la radio du thorax au bord inférieur des côtes. Les différences de pouls ne peuvent apparaître qu'à l'effort. Ces patients meurent en général au début de l'âge adulte (âge de survie moyenne: 34 ans) d'insuffisance congestive gauche, d'endocardite, de rupture aortique haute ou d'hémorragie cérébrale [261] (pour la chirurgie et l'anesthésie: voir page 64).

Figure 18.15 : vue ETO longitudinale de l’isthme aortique avec présence d’une coarctation, apparaissant comme une membrane épaisse et subocclusive ne laissant qu’un fin passage en son centre.

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Syndrome aortique aigu Le syndrome aortique aigu (SAA) est une entité dans laquelle sont regroupées des affections aortiques potentiellement létales qui nécessitent une prise en charge immédiate intensive, le plus souvent chirurgicale. Elles sont caractérisées par une disruption de la media et une séparation des couches de la paroi aortique par une extravasation sanguine (voir Figure 18.9, page 8) [179]. Une déchirure intimale (dissection), un ulcère térébrant dans une plaque athéromateuse ou une rupture de vasa vasorum (hématome intramural) permettent au sang de s’infiltrer au sein de la media, qui se distend et peut se rompre. Cliniquement, le SAA se manifeste par une douleur soudaine, térébrante et violente, qui peut être thoracique, cervicale, dorsale ou abdominale selon la pathologie. La douleur est souvent accompagnée d’un état de choc et d’une cascade de symptômes : troubles neurologiques transitoires, différences de pression entre les membres, ischémie digestive, souffle d’insuffisance aortique, compression d’organes voisins (trachée, bronche souche gauche, œsophage, nerf phrénique, nerf récurent). La mortalité à 30 jours est de 25-50%. Les origines sont diverses [149,179].

Dissection (70% des cas de SAA) o Type A: aorte ascendante; mortalité 1-2%/heure; traitement chirurgical (mortalité

opératoire 10-35%). o Type B: aorte descendante; traitement primairement médical (mortalité 10-25%).

Hématome intramural (5-20% des cas de SAA) o Rupture de vasa vasorum ; rarement, dissection localisée sans déchirure intimale

visible. o 60% des cas dans l’aorte descendante. o Risque de rupture : 20-45% si épaisseur de paroi > 16 mm ; régression spontanée :

10%. Athérome térébrant (ulcération pénétrante d'une plaque) (2-10% des cas de SAA)

o Plaque athéromateuse bourgeonnante et ulcérée, infiltrant la paroi et provoquant une hémorragie intrapariétale qui conduit à la dissection ou à la rupture.

o Le plus souvent dans l’aorte descendante, accompagné d’une réaction inflammatoire importante.

o Risque de rupture : 38%. o Indication opératoire : diamètre > 20 mm et profondeur > 10 mm.

Rupture traumatique ou iatrogène o Traumatisme thoracique fermé. o Canulation aortique de CEC.

Le SAA est subdivisé en deux types selon la localisation de la pathologie. Cette subdivision est basée sur l'option thérapeutique préférentielle.

Type A : toutes les affections englobant l’aorte ascendante ; sanction thérapeutique chirurgicale d'urgence.

Type B : toutes les affections épargnant l’aorte ascendante; la thérapeutique est primairement médicale (β-bloqueur, vasodilatateur, opiacés), la chirurgie étant réservée aux complications.

La dissection aortique est la pathologie la plus fréquente (70% des cas). L’insuffisance valvulaire aortique, la tamponnade et l’épanchement pleural sont des complications courantes. Les facteurs de risque principaux sont l’hypertension artérielle, l’athéromatose, le tabagisme, l’abus de stimulants (cocaïne, amphétamines) et l’affaiblissement génétique de la média et des vasa vasorum. Le diagnostic est suspecté par la clinique et par l’élévation des D-dimères (> 500mcg/L, diagnostic différentiel avec l'embolie pulmonaire) et des smMHC (smooth muscle myosin heavy chain, > 10 ng/mL). Il est confirmé par un CT-scan et/ou une échocardiographie transoesophagienne (ETO); l'IRM n'est pas envisageable dans les conditions d'une réanimation mais présente d'excellentes sensibilité et spécificité. L'échocardiographie transthoracique (ETT) est un examen de triage en urgence. Les ultrasons intravasculaires (IVUS) sont très utiles pendant la mise en place d'une endoprothèse parce

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qu'ils offrent une grande précision dans la localisation des lésions. La radiographie du thorax et l’angiographie ont peu de pertinence (Tableau 18.1A) [180a].

CT-scan (multibarettes) o Rapide, très sensible et très spécifique, il diagnostique les principales causes de SAA ;

sa résolution spatiale est supérieure à celle de l'IRM. o Désavantages : déplacement du malade, produit de contraste.

IRM o Très sensible et très spécifique, elle diagnostique les principales causes de SAA sans

utiliser de produit de contraste ni de radiations ionisantes; idéal pour le suivi. o Désavantages : lenteur, impossibilité en urgence/réanimation, impossibilité de

poursuivre la prise en charge invasive pendant l’examen. ETO

o Très sensible et très spécifique pour les dissections et les anévrysmes, possible au lit du malade ou dans le déchocage, réanimation possible pendant l’examen; mise en évidence de tamponnade, insuffisance aortique et ischémie myocardique.

o Désavantages : semi-invasif, non-visibilité de l’aorte ascendante distale et des gros vaisseaux, artéfacts.

ETT o Examen de triage simple, rapide, non-invasif et réalisé au lit du malade; met en

évidence tamponnade, insuffisance aortique et ischémie myocardique. o Désavantages: vue de l'aorte limitée à la racine de l'ascendante.

Rx thorax o Rapide et simple, mais peu spécifique et très peu sensible; le déplacement d'une sonde

gastrique est un signe d'hématome. Angiographie

o Sensible et spécifique pour les dissections et les plaques ulcérées, mais non pour les hématomes intramuraux ou les petites déchirures ; la seule indication actuelle est la nécessité éventuelle d'une coronarographie.

o Désavantages : déplacement du malade, invasivité, dose élevée de contraste. IVUS

o Très précis pour la localisation des lésions en peropératoire (endoprothèse). o Désavantages: invasif (canulation artérielle) et onéreux.

La prise en charge immédiate du SAA consiste à limiter le stress de paroi sur l’aorte, à assurer la réanimation et à définir au plus vite les options thérapeutiques.

Baisse du dP/dt par un béta-bloqueur (esmolol, labetalol); doit intervenir avant la vasodilatation artérielle à cause du risque de tachycardie réflexe lors de cette dernière.

Baisse de la pression artérielle avec un vasodilatateur systémique (nitroprussiate, clevidipine). Analgésie (opioïdes), sédation, éventuellement anesthésie et intubation. Réanimation liquidienne, transfusions et facteurs de coagulation selon besoins.

D’une manière générale, les lésions de l’aorte ascendante sont une indication à la chirurgie d’emblée : excision de la déchirure d’entrée, remplacement de l’aorte ascendante par une prothèse tubulaire et matelassage de la dissection distale, accompagnée ou non d’intervention sur la valve aortique (plastie, resuspension, prothèse), éventuellement opération hybride (voir Opérations hybrides). La mortalité opératoire oscille entre 10% et 30% [179]. Les lésions de l’aorte descendante font l’objet d’un traitement médical, sauf en cas de complications : dissection progressive, menace de rupture, expansion de > 1 cm/an, diamètre > 5.5 cm, ischémie viscérale, paraplégie, douleur persistante, hypertension réfractaire. Dans les dissections de type B, la mortalité opératoire est de 10-35% pour la chirurgie à ciel ouvert, de 7% pour l’endoprothèse et de 10% pour le traitement médical seul [10,189]. Malheureusement, on ne dispose d’aucune donnée sur le devenir à long-terme des endoprothèses.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 17

Tableau 18.1 A

Comparaison des techniques d'imagerie pour les syndromes aortiques aigus (SAA)

Sensibilité Spécificité Remarques Angio-CT 95% 95% Rapide, efficace, mais transfert et contraste ETO 95% 90% Sur place, rapide, semi-invasif ETT < 50% 70% Simple, si lésions cardiaques, IA, tamponade IRM > 98% > 98% Impossible si réanimation / urgence Angiographie 85% 90% Non recommandé, sauf si coronarographie IVUS > 95% > 95% Précis en peropératoire, invasif, onéreux (D'après références 179, 180a)

Tableau 18.1B Comparaison des techniques d'imagerie pour la dissection aortique

CT scan IRM Aortographie ETO Détection du flap +++ +++ ++ +++ Points de déchirure ++ +++ + +++ Différentiation des 2 lumières +++ +++ ++ +++ Dynamique des flux 0 + ++ +++ Evaluation de la crosse +++ +++ +++ + Définition des gros vaisseaux ++ ++ +++ 0 Insuffisance aortique 0 ++ +++ +++ Epanchement péricardique +++ +++ 0 +++ Fonction du VG 0 ++ ± +++ (D'après référence 104) Les athéromes térébrants et les hématomes intramuraux sont des indications à une intervention chirurgicale d’urgence lorsqu’ils sont situés dans l’aorte ascendante (type A), mais à un traitement médical suivi ou non d’une endoprothèse lorsqu’ils sont localisés dans la descendante (type B) [149,179].

Syndrome aortique aigu

Affections qui consistent en une dilacération intrapariétale de l'aorte et qui réclament un traitement immédiat, le plus souvent chirurgical. Comprend: - dissection - hématome intramural - athérome térébrant - rupture traumatique Prise en charge: - baisse du dP/dt - hypotension contrôlée - réanimation liquidienne Traitement prioritaire: - lésions de l'aorte ascendante (type A): option chirurgicale - lésions de l'aorte descendante (type B): traitement médical, chirurgie en cas de complications Examens de choix: CT-scan, ETO, IRM (impossible lors de réanimation)

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Moyens diagnostiques La symptomatologie des anévrysmes et des dissections aortiques est très voisine. De plus, elle peut mimer une embolie pulmonaire, un infarctus, une péricardite ou une oesophagite. Les moyens diagnostiques pour mettre en évidence les pathologies aortiques sont comparés dans le Tableau 18.1B [104,172]; ce sont essentiellement l'ETO, le CT-scan et l’IRM, auxquels il faut ajouter la radiographie du thorax et l'aortographie. Radiographie du thorax L'élargissement du médiastin est souvent présent, mais il est peu sensible et non spécifique. Lorsqu’elle est en place, la sonde gastrique est déplacée par un hématome péri-aortique. On peut voir un épanchement pleural (le plus souvent gauche) ou une disparition du bouton aortique. Des calcifications peuvent traduire la forme d'un anévrysme chronique. Dans 17% des cas, la radiographie thoracique est normale [77]. Son apport diagnostic est occasionnel [120]. CT-scan Le CT-scan permet de visualiser la totalité de l’aorte thoracique et abdominale, sa lumière, sa paroi et les tissus qui l’entourent. L'examen détermine la taille, la localisation et l'étendue de la lésion; il montre le départ des vaisseaux de la gerbe, le péricarde et l'espace pleural. Il met en évidence l’anévrysme, la dissection (flap), la plaque ulcérée pénétrant la paroi et l’hématome intrapariétal. Toutefois, il reste une imagerie statique qui ne permet pas d'estimer la fonction ventriculaire ni la présence d'une insuffisance aortique. Son inconvénient est l'utilisation de produit de contraste. Il nécessite le déplacement du malade dans le scanner, mais il est rapide. Les nouvelles techniques multibarettes et la reconstruction 3D lui donnent une sensibilité et une spécificité de 98 à 100% [120]. Echocardiographie transoesophagienne (ETO) L'ETO est le moyen d'investigation le plus rapide; il prend 15-20 minutes et se fait au lit du malade. Il permet d’évaluer la fonction ventriculaire, la volémie, l’état des valves et une éventuelle tamponnade. Il est le premier choix chez les patients en état de choc, mais nécessite une sédation ou une intubation préalable. Sa sensibilité et sa valeur prédictive positive sont supérieures à 95%; sa spécificité est d'environ 85% [147]. Malheureusement, il présente deux inconvénients majeurs :

La zone distale de l'aorte ascendante et la zone proximale de la crosse échappent à la visualisation depuis l'oesophage à cause de l'interposition de la trachée et de la bronche souche droite ;

La proximité et l’échogénicité de l’aorte induisent de nombreux artéfacts qui peuvent ressembler à s’y méprendre à une dissection ou à une rupture intimale ; l’expérience de l’observateur est primordiale.

L'ETO met en évidence différents éléments (Figure 18.16 et Figure 18.17) (voir Chapitre 27 page 90, Aorte thoracique):

Taille et diamètre interne de l’aorte, délimitation d’un anévrysme. Membrane pulsatile à l'intérieur de la lumière aortique (flap); extension de la dissection,

notamment dans les troncs coronariens ; visualisation de la vraie et de la fausse lumière; la vraie lumière est en général plus petite que la fausse; elle se dilate en systole.

Contraste spontané ou flux ralenti dans la fausse lumière ou dans l’anévrysme, parfois présence de thrombus.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 19

Les déchirures sont souvent localisables par les flux Doppler couleur: le flux passe de la vraie vers la fausse lumière en systole.

Déchirure intimale traumatique (essentiellement au niveau de l’isthme). Etat de l'anneau valvulaire aortique et des sinus de Valsalva (dilatation) ; examen de la valve

aortique: degré d'insuffisance, possibilité de plastie ou nécessité de remplacement. Mesure des diamètres de l'anneau aortique, des sinus de Valsalva, de la jonction sino-tubulaire

et de l'aorte ascendante au niveau de son croisement avec l’AP droite (Figure 18.18). L’excellente vue de l’aorte descendante permet d’y diagnostiquer et d’y quantifier facilement

l’importance de l’athéromatose (Figures 27.67 et 27.68) ; l’ETO est moins performant pour l’aorte ascendante (Figure 27.69). Toutefois, l’athéromatose de l’aorte descendante est très clairement associée à celle de l’ascendante. De ce fait, le degré d’athéromatose observé dans la descendante est directement lié au taux d’AVC postopératoire [115].

Dans les cas d'extrême urgence, l'indication opératoire est fréquemment posée sur la seule foi de l'échocardiographie. Toutefois, la précision de cette dernière est insufisante pour fournir tous les détails nécessaires à la mise en place d’une endoprothèse. Figure 18.16 : images ETO d’une dissection dans la crosse aortique avec la présence d’une déchirure dans la membrane (A). Au flux Doppler couleur, on voit le passage de sang de la vraie vers la fausse lumière (tourbillons colorés) (B). Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) L’IRM offre certainement les images de la meilleure qualité et ne nécessite pas l'utilisation de produit de contraste, sauf si l’on pratique une angiographie au gadolinium. Elle met superbement en évidence les anévrysmes, les dissections avec les points d'entrée et les éventuels thrombus, les lésions traumatiques et les hématomes intrapariétaux (Figure 18.19) [147]. On peut évaluer la fonction ventriculaire et la présence d'une insuffisance aortique (ciné-IRM). Toutefois, l'examen est long, il nécessite le déplacement du malade dans un endroit confiné et isolé, et ne permet pas d'examiner les patients dépendant d'un ventilateur et d'un monitorage complexe, car on ne peut pas introduire ce matériel dans la salle d'examen. Sa sensibilité et sa spécificité sont analogues ou supérieures à celles du CT-scan [120]. A noter que l’IRM et le CT-scan mesurent le diamètre externe de l’aorte, alors que l’ETO en mesure le diamètre interne ; ceci peut entraîner des divergences dans les résultats. La résolution spatiale du CT-scan est légèrement supérieure à celle de l’IRM.

B A

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 20

Figure 18.17 : distinction entre la vraie (VL) et la fausse lumière (FL) dans une dissection A. A : crosse de l’aorte ; la Vmax du flux est plus élevée dans la vraie lumière (turbulences orange) que dans la fausse (flux laminaire bleu foncé). B : aorte descendante ; la FL tend à être plus grande que la VL ; la VL est pulsatile, elle s’expand en systole. C : aorte descendante ; la VL est un mince croissant situé entre 12 et 3 heures ; il existe un fort contraste spontané dans la fausse lumière, traduisant un bas débit sanguin ; l’orifice de réentrée est marqué par un flux tourbillonnaire . D : schéma de C.

FL

FL

VL

A

VL FL

B

Fausse- lumière

Vraie- lumière

Passage vraie → fausse lumière

D VL

FL

C

1

2 3

Figure 18.18 : Illustration échocardiographique transoesophagienne des différents diamètres de l'aorte ascendante. 1: anneau de la valve. 2: jonction sino-tubulaire. 3: aorte ascendante au niveau du croisement avec l'art pulmonaire droite (APD). Flèche verte : diamètre au niveau des sinus de Valsalva. CCVG: chambre de chasse du VG. APD: artère pulmonaire droite.

© Chassot 2012

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 21

Moyens diagnostics Radiographie thoracique : élargissement médiastinal, épanchement pleural (généralement gauche) ; peu sensible et peu spécifique. CT-scan : la meilleure résolution spatiale ; sensibilité et spécificité ≥ 98% ; pas de diagnostic fonctionnel, pas de visualisation de l’IA. ETO : rapide, au lit du malade, diagnostic fonctionnel et valvulaire (IA) ; sensibilité 95%, spécificité 80% ; inconvénients : artéfacts, pas de vision de l’aorte ascendante distale. IRM : excellente résolution spatio-temporelle, diagnostic fonctionnel (IA) ; inconvénient : examen long dans une zone confinée où la réanimation est impossible. Angiographie : indiquée seulement pour visualiser les vaisseaux et les coronaires. Angiographie L'aortographie est mal adaptée aux cas d'urgence. Son intérêt est de visualiser les différentes branches de l'aorte, y compris les coronaires, mais l'examen est invasif, long (moyenne 71 minutes) et compliqué; il réclame le transport du malade et l'injection de grandes quantités de produits de contraste (risque d'insuffisance rénale). Sa sensibilité et sa spécificité ne dépassent pas 85% [180]. La dissection s'apprécie par la densitométrie et le délai de perfusion par rapport au flux dans la vraie lumière; si les flux sont identiques ou si la fausse lumière est thrombosée, la lecture devient très difficile. On n'effectue une aortographie que lorsqu’une angiographie des vaisseaux est requise ou lorsqu'une coronarographie est indiquée.

2

1

Figure 18.19 : Examen IRM d’une dissection A; 1: dissection dans l'aorte ascendante, qui est dilatée; 2: dissection dans l'aorte descendante [44].

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 22

Indications et résultats chirurgicaux L’indication opératoire des anévrysmes repose sur trois critères :

Diamètre > 5.5 cm (ascendante et crosse) ou > 6 cm (descendante), respectivement 5.0 et 5.5 cm en cas de syndrome de Marfan. Chez les patients subissant une intervention de chirurgie cardiaque en CEC, il est recommandé de remplacer l’aorte ascendante si celle-ci mesure > 4.5 cm ; chez les femmes avec un Marfan qui désirent une grossesse, il est recommandé d’opérer dès que le diamètre est > 4.0 cm [120].

Croissance de > 0.5 cm/an. Lésion symptomatique (douleurs thoraciques, compression) ou facteurs de risque (Marfan,

HTA, insuffisance aortique). La dissection de type A, la dissection de type B avec signes d’ischémie, l’hématome intrapariétal et la déchirure traumatique sont également retenus comme indications chirurgicales. La mortalité opératoire des anévrysmes est de 3% (aorte ascendante) à 6% (crosse et descendante) [144]. La dissection de type A requiert une intervention d'urgence, dont la mortalité est de 9-12%; la dissection de type B est en général orientée vers une stabilisation par traitement médical, et seuls les cas compliqués d'ischémie distale sont opérés. Un évènement neurologique majeur en préopératoire est une contre-indication à la chirurgie. Comme elle compromet momentanément la circulation dans les vaisseaux de la gerbe, la chirurgie de la crosse est grevée d'un taux de séquelles neurologiques de 3 à 20% [82]. La chirurgie de l'aorte descendante et thoraco-abdominale, dont la mortalité est de 4-10%, s'accompagne de paraplégie dans 3-10% des cas et d'insuffisance rénale dans 5-30% des interventions [33,48,52]. D’une manière générale, la chirurgie est indiquée lorsque le risque de rupture est plus important que celui de l’intervention. Dans l’attente, la thérapeutique médicale consiste en béta-bloqueur, inhibiteur de l’enzyme de conversion ou anti-angiotensine, statine, tétracycline (inhibiteur de la dégradation de l’élastine) et cessation de la fumée [68]. Le devenir des patients est aussi conditionné par leurs comorbidités. De nombreuses affections sont fréquemment associées à la pathologie aortique chez l'adulte. Ce sont par ordre de fréquence [194] :

Coronaropathies 66% Hypertension artérielle 42% BPCO 23% Vasculopathie périphérique 22% Maladie cérébro-vasculaire 14% Diabète 8% Insuffisance rénale 4%

Corrélations anatomo-cliniques La chirurgie de chacune des quatre parties anatomiques de l'aorte s'adresse à des pathologies différentes et implique des contraintes physiopathologiques spécifiques, qui vont déterminer la technique d'anesthésie. On peut les résumer de manière succincte:

Aorte ascendante:

• Risque de rupture, de dissection ou de tamponnade ; • Insuffisance valvulaire aortique ; • Chirurgie en CEC par sternotomie ; • Risque majeur: crise hypertensive, ischémie coronarienne ; • Complications: hémorragie, dysfonction VG, AVC.

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Crosse de l'aorte:

• Flux compromis dans les vaisseaux de la gerbe ; • Chirurgie en arrêt circulatoire complet et hypothermie profonde en CEC ; • Nécessité d'une protection cérébrale ; • Risque majeur: séquelles neurologiques cérébrales ; • Complications: AVC, hémorragie, coagulopathie, insuffisance rénale.

Aorte descendante et thoraco-abdominale:

• Clampage aortique distal à la crosse par thoracotomie gauche ; • Elévation aiguë de la postcharge du VG ; • CEC partielle en dessous du clamp aortique : • Risque majeur: ischémie médullaire, rénale et mésentérique ; • Complications: paraplégie, insuffisance rénale, hémorragie, dysfonction VG, SDRA.

Aorte abdominale:

• Anévrysme ou sténose (syndrome de Leriche) ; • Risque de rupture ou d'ischémie digestive et rénale ; • Association fréquente à la coronaropathie ; • Complications: infarctus myocardique, insuffisance rénale.

Syndrome aortique aigu

• Dissection ; • Hématome intramural ; • Athérome térébrant ; • Rupture traumatique ; • Prise en charge intensive immédiate et le plus souvent chirurgicale.

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Chirurgie de l’aorte ascendante Préparation Les lésions de l’aorte ascendante, essentiellement des anévrismes et des dissections, sont une indication opératoire à brève échéance, car ce vaisseau accueille le volume systolique dans toute sa force éjectionnelle sans aucun amortissement. La pression, le volume et la vélocité du sang à la sortie du coeur déterminent le stress exercé sur la paroi du vaisseau par chaque systole. Pendant la diastole, la tension de la paroi dépend des résistances périphériques et de l'étanchéité des valvules aortiques. La préparation hémodynamique va donc porter sur trois points [120].

Abaissement du dP/dt: la vélocité de l'ascension de pression est diminuée par les β-bloqueurs : o Esmolol 0.1-0.3 mg/kg/min, bolus répétés de 10 mg ; o Métoprolol bolus 5 mg iv/2 min, à répéter jusqu'à 20 mg max ; o Labétalol (α et β-bloqueur) bolus jusqu'à 50 mg iv lent, perfusion 5-10 mg/h ; o Anticalcique non-dihydropyridine (diltiazem, verapamil) en cas de contre-indication

aux β-bloqueurs. Abaissement de la fréquence cardiaque par des β-bloqueurs : le risque de rupture est

proportionnel au nombre de battements par minute ; la FC recherchée est 55-65 batt/min ; en cas de contre-indication aux β-bloqueurs, on utilise un anticalcique (diltiazem, verapamil).

Abaissement de la pression systolique, de la pression pulsée et des résistances périphériques (PAM 60-75 mmHg):

o Perfusion de nitroprussiate de sodium (1-8 mcg/kg/min), perfusion de fenoldopam (0.05-1.0 mcg/kg/min) ;

o Bolus répétés de phentolamine (1 mg) ; o Clevidipine (Cleviprex®) 1-2 mg/h en perfusion, à doubler toutes les 3-5 minutes

jusqu’à l’effet désiré (dose maximale : 32 mg/h) o Ne pas commencer les vasodilatateurs avant les béta-bloqueurs pour éviter la

tachycardie réflexe ; o Anesthésie à l’isoflurane.

La sédation et l'analgésie contribuent à limiter la pression. La présence d'une insuffisance aortique (IA) modifie le traitement à cause du risque de dilatation ventriculaire gauche en cas de bradycardie. Si l'IA est majeure, l'indication à un β-bloqueur devient très restrictive, et son administration est calibrée pour maintenir une fréquence d'au moins 70 battements par minute. Comme la majeure partie de l'aorte ascendante est intrapéricardique, toute hémorragie transpariétale peut conduire à une tamponnade. Il va sans dire que l'état de choc qui accompagne les lésions aiguës modifie la prise en charge médicale et oblige à maintenir l'hémodynamique avec des catécholamines; il faut toutefois veiller à ne pas basculer momentanément vers une poussée hypertensive. Monitorage Hormis le monitorage de base, la chirurgie de l'aorte ascendante présente certaines spécificités. Il est judicieux de disposer de deux cathéters artériels (Figure 18.20) :

Cathéter placé dans l'artère fémorale de moins bon calibre, l’autre étant laissée à disposition pour la canulation artérielle de la CEC ; l’extrémité de ce cathéter se trouve dans l’iliaque externe et y mesure la pression aortique sans subir l’amortissement dû à la vasoconstriction hypothermique, comme c’est le cas dans l’artère radiale. Alternative : 2 cathéters radiaux.

Cathéter radial droit : l'étendue de la lésion aortique pouvant amener l'opérateur à positionner le clamp distal très proche du tronc brachio-céphalique et restreindre le flux dans la carotide droite, ce monitorage permettra la surveillance de la circulation cérébrale droite ; dans ces

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conditions, la manchette à pression et le saturomètre sont placés au bras gauche, de manière à surveiller les deux extrémités.

Cathéter radial gauche en cas de canulation artérielle de CEC par la sous-clavière droite ; dans ce cas, la manchette à pression et le saturomètre sont placés au bras droit.

Le risque hémorragique par les grandes prothèses étant élevé, il faut se munir de voies veineuses de gros calibre (voies périphériques 14G, introducteur de Swan-Ganz). Le cathéter artériel pulmonaire est de rigueur pour les interventions sur l'aorte ascendante, à l'exception des plasties simples et des emballages. L'ETO peropératoire est capitale car elle a plusieurs fonctions (voir Chapitre 27 page 100, Aorte thoracique).

Monitorage de la fonction ventriculaire, de la volémie et de l’ischémie myocardique (éventuelles altérations de la cinétique segmentaire dues à une hypoperfusion coronarienne). En cas d'hypotension réfractaire, l’ETO permet le diagnostic différentiel entre dysfonction ventriculaire, hypovolémie, ischémie coronarienne et tamponnade.

Visualisation de l'étendue de la lésion en amont: déchirure ou désinsertion d'une valvule aortique, dilatation de l’anneau valvulaire, extension de la dissection dans un orifice coronarien (le plus souvent celui de la CD).

L'ETO est nécessaire pour identifier et quantifier l'insuffisance aortique qui accompagne souvent l’anévrysme et la dissection.

En cas de dissection aiguë, l’ETO peut mettre en évidence la déchirure primaire, estimer les orifices de sortie et évaluer l’extension du flap dans la descendante.

ScO2

CEC

A radiale droite

A fémorale

TBC

© Chassot 2012

Figure 18.20 : schéma de la chirurgie de l’aorte ascendante. Le clampage distal est plus ou moins proche du tronc brachio-céphalique (TBC). Un cathéter radial droit permet de contrôler le flux dans le TBC, donc dans la carotide droite. La canulation de CEC est en général fémorale, mais peut se placer en sous-clavière droite (flèche jaune) ; dans ce cas, on monitorise la pression de perfusion cérébrale par un cathéter radial gauche. Un cathéter fémoral renseigne sur la perfusion viscérale. Si le clampage est à bonne distance du TBC (ce qui n’est pas le cas dans le schéma), la canulation de CEC peut se situer dans la partie distale de l’aorte ascendante de manière standard.

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Le chirurgien est intéressé par la mesure des diamètres de l'anneau aortique, des sinus de Valsalva, de la jonction sino-tubulaire et de l'aorte ascendante au niveau de son croisement avec l’artère pulmonaire droite (Figure 18.18).

L’interposition de la trachée et de la bifurcation des bronches-souches entre l’oesophage et l’aorte crée une zone aveugle à l’ETO depuis la moitié de l’aorte ascendante jusqu’après le tronc brachio-céphalique (les ultrasons ne pénètrent pas dans l’air). L’aorte ascendante distale depuis le croisement de l’artère pulmonaire droite et la crosse proximale sont donc invisibles à l’ETO. On peut contourner ce problème de deux manières :

o Echocardiographie épiaortique ; un capteur de type transthoracique est placé dans une housse stérile et manipulé dans le champ opératoire au contact de la face antérieure de l’aorte ascendante [201] ;

o Après l’intubation, on peut introduire dans la bronche souche gauche un cathéter sur lequel est monté un ballonnet rempli de NaCl qui rétablit la vision sur toute la longueur du vaisseau en assurant la transmission des ultrasons [250,251].

En sortant de CEC, l’ETO offre la possibilité de contrôler la correction chirurgicale: évaluation de la plastie valvulaire aortique, flux résiduel dans la fausse lumière, diamètre du vaisseau.

Le monitorage est complété par la saturométrie cérébrale (ScO2) bilatérale par NIRS (near-infrared spectroscopy). Chirurgie Le but premier de l'intervention est de prévenir le décès. Dans les anévrysmes, on résèque la zone dilatée jusque dans le tissu sain. Dans les dissections, on vise à contrôler l'orifice d'entrée, mais non les orifices de sortie ni la totalité de la fausse lumière, qui restent momentanément perméables dans 60-80% des cas [48,116]. Le pronostic à long terme est plus réservé pour les cas dont la fausse lumière ne thrombose pas. Selon les circonstances, le chirurgien peut procéder à plusieurs interventions différentes.

Simple emballage de l'aorte ascendante par un mesh-graft. Plastie de réduction au cours d'une intervention sur la valve aortique. Remplacement de l'aorte ascendante (tube-graft), plus ou moins étendu vers la crosse (Figure

18.21) ; si le remplacement est court, il reste suffisamment d’espace entre le clamp aortique et le tronc brachiocéphalique (TBC) pour la canule artérielle de CEC. Si au contraire le remplacement est très étendu, le clamp est placé à proximité du TBC et peut en restreindre le flux. Il peut aussi arriver que l’anastomose distale doive se faire à ciel ouvert en arrêt circulatoire complet ; la perfusion cérébrale peut alors être assurée par une canulation sous-clavière droite (voir Figure 18.27).

Remplacements séparés de l'aorte ascendante par un tube de Dacron et de la valve aortique par une prothèse en cas d’IA sévère ou de lésion de la valve aortique ; cette opération est possible lorsque les dimensions de l’anneau aortique, des sinus de Valsalva et de la jonction sino-tubulaire sont normales (Figure 18.21).

Si l'anneau aortique, la jonction sino-tubulaire et l'aorte ascendante sont dilatés, on remplace en bloc l'aorte ascendante, l'anneau et la valve aortiques, et on réimplante les coronaire dans la prothèse (opération de Bentall) (Figure 18.22); parfois la réimplantation des coronaires se fait au moyen d'un tube séparé (opération de Cabrol).

Remplacement de l'aorte et plastie de suspension des valvules aortiques si ces dernières sont normales et si l'IA est due à une simple dilatation des sinus de Valsalva qui tire les commissures de chaque valvule vers l’extérieur (estimation par l'ETO peropératoire). Ceci est réalisé de deux manières différentes.

o Opération de Yacoub (Figure 18.23): la partie proximale de la prothèse est découpée comme un trèfle à trois feuilles et s’insinue dans chaque sinus de Valsalva pour le rétrécir ; les troncs coronariens sont réimplantés à leur place dans la prothèse.

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o Opération de Tirone David (Figure 18.24): la prothèse tubulaire est implantée sur l’anneau aortique, les commissures de la valve aortique sont suspendues à l’intérieur de la prothèse et les coronaires sont réimplantées ; le risque de dilatation secondaire est moindre qu’avec l’opération précédente.

Opération de Ross (Figure 18.25): explantation de la valve pulmonaire en position aortique après résection de la valve aortique pathologique, et mise en place d'une homogreffe ou hétérogreffe en position pulmonaire.

Figure 18.21 : schéma des interventions sur l’aorte ascendante. A : en cas de pathologie de l’aorte et de la valve aortique, on peut remplacer séparément la partie tubulaire de l’aorte par un tube en Dacron™ et la valve par une prothèse (mécanique ou biologique) ; les coronaires restent en place. Ceci n’est possible que si l’ETO peropératoire démontre que les diamètres de l’anneau valvulaire, des sinus de Valsalva et de la jonction sinutubulaire sont normaux. B : si la valve aortique ne fuit pas ou ne présente qu’une insuffisance mineure-à-modérée, on ne remplace que la partie tubulaire de l’aorte (IA ≤ degré II).

© Chassot 2012

A B

Figure 18.22 : Opérations pour dilatation de la racine de l’aorte : opération de Bentall. La prothèse comprend une valve prosthétique mécanique ou biologique et un tube. L'intervention remplace la valve aortique et l'aorte ascendante en bloc, les coronaires sont réimplantées dans la prothèse. Dans le cas présent, l'anastomose distale sur la crosse est réalisée à clamp ouvert en arrêt circulatoire. Un matelassage de l'orifice de la crosse permet de plaquer ensemble la paroi aortique et la membrane de la dissection pour isoler la fausse lumière.

© Chassot 2012

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Figure 18.25 : Opération de Ross. Après ablation de la valve aortique lésée, on prélève la valve pulmonaire avec un manchon d'artère pulmonaire et de chambre de chasse droite. La valve pulmonaire explantée est ensuite réimplantée en position aortique; les artères coronaires sont réinsérées dans la nouvelle racine aortique. La valve pulmonaire est remplacée par une homogreffe ou une hétérogreffe.

Figure 18.24 : Opérations pour dilatation de la racine de l’aorte. Dans l’opération de Tirone David, la prothèse tubulaire est implantée sur l’anneau aortique, les commissures de la valve aortique sont suspendues à l’intérieur de la prothèse et les coronaires sont réimplantées ; le risque de dilatation secondaire est moindre qu’avec l’opération de Yacoub. La valve aortique n’est pas remplacée.

Pseudosinus

Pseudosinus Suspension des

commissures

Figure 18.23 : Opérations pour dilatation de la racine de l’aorte. L’opération de Yacoub consiste à découper la partie proximale de la prothèse comme un trèfle à trois feuilles qui s’insinue dans chaque sinus de Valsalva ; ceci permet de resuspendre la valve aortique et de diminuer la fuite due à l’écartement des commissures entraînées vers l’extérieur par la dilatation des sinus. Les troncs coronariens sont réimplantés dans la prothèse.

Autogreffe pulmonaire

Autogreffe pulmonaire

Hétérogreffe pulmonaire

Autogreffe pulmonaire

Valve aortique lésée

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L'intervention se fait par sternotomie. La canulation artérielle de CEC est placée dans l'artère fémorale (en général gauche), dans l’artère sous-clavière droite ou dans l'aorte ascendante distale si la situation anatomique le permet (Figure 18.20). La canule veineuse est placée dans l'oreillette droite ou dans la veine fémorale. La mortalité opératoire est de 3 à 5% (moyenne 3%) pour les anévrismes et de 8-20% (moyenne 10%) pour les dissections [81,120,144]. Les complications postopératoires classiques sont les suivantes:

Hémorragie, tamponnade ; Infarctus myocardique ; Accident vasculaire cérébral (AVC) ; Insuffisance ventriculaire gauche aiguë ; Insuffisance aortique résiduelle.

La longue durée du clampage aortique crée un problème de préservation myocardique, d'où la nécessité d'une cardioplégie itérative par canulation coronarienne directe séparée (canules de Spencer). Malgré tout, la souffrance myocardique est fréquente, et se traduit pas une insuffisance ventriculaire au sortir de CEC; le soutien catécholaminergique doit être important. La fragilité des anastomoses et la friabilité des tissus (particulièrement chez les malades souffrant de syndrome Marfan) commande de maintenir la PAM entre 60 et 70 mm Hg dans le postopératoire, dans la mesure où le débit cardiaque et la perfusion rénale sont satisfaisants. En cas de réimplantation coronarienne (opération de Bentall, de Yacoub ou de Tirone David), le risque ischémique postopératoire est significatif. En cas de lésions athéromateuses étendues, friables (aorte porcelaine) ou pendulaires de l'aorte ascendante, il est recommandé de changer de stratégie chirurgicale pour la canulation aortique, car le risque d'embolies et d'AVC est excessif dans ces conditions [139,164]:

Utilisation d'une canule aortique avec filtre déployable (Embol-X™) ; Canulation artérielle fémorale ; Canulation artérielle sous-clavière droite ; Pas de canulation de cardioplégie ni de clampage aortique: opération à coeur battant ou en

fibrillation ventriculaire; Pour les pontages aorto-coronariens: greffes artérielles multiples à partir des artères

mammaires, épiploïques, sous-clavière ou aorte descendante évitant toute manipulation de l'aorte.

Lorsque l’opération comporte la mise en place d’une prothèse valvulaire mécanique, l’anticoagulation est nécessaire à vie ; dans le cas d’une bioprothèse, l’anticoagulation n’est prescrite que pour 3 mois. Pour les prothèses tubulaires et les plasties, seule l’aspirine est recommandée. Anesthésie Les déterminants de la technique d'anesthésie sont liés au maintien du meilleur compromis entre, d’une part, une tension de paroi aortique minimale et une réduction de l’IA, et, d’autre part, une pression de perfusion et une volémie maintenues pour la perfusion des organes. Il faut donc:

Maintenir une précharge normale (remplissage adéquat); Abaisser la postcharge (nitroprussiate, phentolamine, clevidipine, isoflurane); Abaisser la force d'éjection systolique (β-bloqueur, anesthésie profonde); Eviter la tachycardie, car elle augmente le nombre de stress de paroi par minute; Eviter la bradycardie à cause du risque de distension du VG par une trop longue diastole en

cas d’IA.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 30

Les valeurs hémodynamiques recherchées sont une PAsyst ≤ 120 mmHg, une PAM de 60-70 mmHg, une fréquence de 50-60 batt/min (70 batt/min si IA sévère), et un index cardiaque de 2-2.3 L/min/m2. Le taux de catécholamines intramyocardiques est anormalement bas chez les patients en dilatation ventriculaire chronique sur IA, phénomène qui implique une administration exogène continue [160]. La pression diastolique aortique basse et la pression télédiastolique ventriculaire gauche élevée réduisent dangereusement la pression de perfusion coronarienne. La titration des vasodilatateurs nécessaires à la diminution de la fraction régurgitée à travers la valve aortique, doit être adaptée à cette contingence; la surveillance du segment ST doit être continue (Tableau 18.2).

Tableau 18.2 Caractéristiques de l'anesthésie pour la chirurgie de l'aorte ascendante

Risques majeurs :

Rupture pariétale Aggravation de la dissection Insuffisance valvulaire aortique Tamponnade Ischémie coronarienne Dilatation / défaillance du VG

Priorités : Maintenir la pression systémique basse Prévenir la défaillance / ischémie du VG

Anesthésie : Eviter toute poussée hypertensive Vasodilatateur artériel (nitroprussiate de Na, phentolamine, clevidipine) Réduction de contractilité et de FC (esmolol, metoprolol, labetalol) Maintien : isoflurane, fentanyl/sufentanil

Monitorage : Artère fémorale + radiale droite/gauche selon canulation de CEC Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ETO Saturométrie cérébrale ScO2

Risques postopératoires : Hémorragie, tamponnade Ischémie – infarctus AVC IA résiduelle

Les médicaments anti-hypertenseurs et β-bloquants sont administrés à la prémédication, qui comprend une forte anxiolyse. Les perfusions en cours pour le maintien de l'hémodynamique (nitroprussiate, esmolol, labetalol, fenoldopam, etc) sont continuées pendant l'induction et jusqu'à la CEC, éventuellement en adaptant le régime vu la sympathicolyse de l'anesthésie générale. Compte tenu du fait que l'intervention a souvent lieu en urgence, la technique de choix est:

Induction par etomidate (0.3 mg/kg) pour les cas aigu ou instables ; propofol possible pour les cas stables ;

Analgésie par fentanyl (50 - 75 mcg/kg) ou sufentanil (15 - 25 mcg/kg); Curarisation par pancuronium (0.1 mg/kg) en cas d’IA majeure, sinon vécuronium,

cisatracurium ou rocuronium; suxaméthonium (1.5 mg/kg) pour l'intubation si le degré d'urgence l'exige;

Maintien du sommeil avec isoflurane (Fi 1-2%); pour le contrôle de la pression artérielle, la Fi de l’isoflurane peut être augmentée momentanément jusqu’à 5%;

Midazolam en appoint (bolus 1 mg); 5-15 mg lors du réchauffement de CEC. Si l'anastomose distale est trop proche du tronc brachio-céphalique, l'opérateur doit clamper ce dernier ou réaliser la suture distale à clamp ouvert sur la crosse; dans ces conditions, un arrêt circulatoire complet (ACC) en hypothermie profonde devient nécessaire, et les mesures appropriées sont mises en

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 31

route (voir page 41, Anesthésie pour la chirurgie de la crosse aortique). Lorsqu'il est prévisible que l'anastomose distale empiète sur la crosse, on peut utiliser l'artère sous-clavière droite pour la canulation artérielle de CEC et continuer de perfuser le cerveau à bas débit (500-1000 ml/min) pendant l'interruption du flux dans la crosse (Figure 18.20). Dans ce cas, le monitorage de la pression artérielle doit se faire par l'artère radiale gauche.

Anesthésie pour la chirurgie de l’aorte ascendante Pathologie : anévrysme, dissection (A, ou B rétrograde), insuffisance aortique (IA). Risques majeurs : aggravation de la dissection, rupture pariétale, tamponnade, ischémie coronarienne aiguë, dilatation/décompensation du VG. Facteurs aggravants : HTA, pulsatilité, hyperdynamisme du VG, tachycardie. Traitement : chirurgie d’emblée. Prise en charge : - Vasodilatateur artériel (phentolamine, nitroprussiate, clevidipine, diltiazem) ; - β-bloquant (esmolol, métoprolol) ; si contre-indication : diltiazem, verapamil ; - α et β-bloquant (labetalol, carvedilol) ; - Si IA sévère : ne pas ralentir < 70 batt/min. Anesthésie : maintenir la précharge normale, la contractilité basse et la postcharge basse ; fréquence basse si IA mineure. - Plein – mou – ouvert - lent - Induction : etomidate (propofol possible si stable) ; - Curare : pancuronium si IA sévère ; - Maintien : isoflurane, fentanyl/sufentanil. Monitorage : - Cathéter artériel fémoral + radial droit/gauche selon canulation de CEC ; - Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ; - ETO ; - Saturométrie cérébrale (ScO2).

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Chirurgie de la crosse aortique La réparation des lésions de la crosse aortique implique en général l'arrêt de la perfusion cérébrale pendant un certain temps, puisque les vaisseaux du cou en sont issus. Le risque d'ischémie cérébrale est de 3 à 24% selon l'âge, le degré de protection et les séries publiées [82,238]. En postopératoire, l'incidence d'AVC est de 3-10% et celle de séquelles neuropsychologiques est de 20%. La mortalité opératoire oscille entre 6% pour les anévrysmes et 10-25% pour les dissections aiguës [120,172]. Le problème dominant de ce type d'opération est celui de la protection cérébrale pendant l'ischémie induite par l'intervention. Plusieurs moyens sont à disposition; en général, on les combine entre eux pour avoir l'effet maximal:

Limitation de la durée de l'arrêt circulatoire complet (ACC) ; Hypothermie profonde: 18-20° C ; Moyens chirurgicaux: perfusion sélective, bas débit cérébral continu ; Position de Trendelenburg accentuée pour éviter les embolies gazeuses dans les carotides ; Protection cérébrale pharmacologique ; Normoglycémie ; Baisse de la consommation d'O2 (curarisation, anesthésie profonde).

Les facteurs de risque principaux dans la survenue de déficits neurologiques sont multiples:

Durée de l'arrêt circulatoire ; Pression artérielle et flux sanguin cérébral ; Température cérébrale ; Vitesse de refroidissement et de réchauffement ; Activité cérébrale électrique au moment de l'arrêt ; Homéostasie biochimique ; Age du patient ; AVC anamnestique.

Effets cérébraux de l'hypothermie Baisse du métabolisme L'hypothermie a des répercussions sur de nombreux systèmes (Tableau 18.3), mais nous n'aborderons ici que ses effets sur le cerveau. La baisse du métabolisme cellulaire par le froid permet de prolonger le temps d'ischémie d'une durée variable selon les organes et selon la température. Le métabolisme cellulaire diminue exponentiellement avec la température: il baisse de 7% par degré C. A 18°C, la consommation d'O2 du cerveau (CMRO2) est de 40% par rapport à sa valeur en normothermie [169]. Seule l'hypothermie permet une diminution du métabolisme cellulaire en dessous de 50%. De plus, elle touche l'activité électrique (50-60% de la CMRO2) aussi bien que le métabolisme basal des neurones (40-50% de la CMRO2), alors que les agents anesthésiques ne modifient que l'activité électrique synaptique [169,217]. Le coefficient d'abaissement du métabolisme par tranche de 10° C (Q10) est variable selon les températures, les espèces, les organes et les âges; pour le cerveau, sa valeur moyenne est de 2.5 chez l'adulte si son activité électrique a été supprimée, alors qu'il voisine 15 lorsque l'activité électrique persiste [170]. Bien qu'elle en soit l'agent principal, l'hypothermie confère un degré de protection qui ne peut pas être expliqué par la seule baisse de la CMRO2. Elle agit aussi par diminution de la libération de glutamate et de dopamine, et par freinage de l'activation des récepteurs NMDA [217]. Le couplage entre le flux sanguin (FSC) et le métabolisme (rapport normal FSC/CMRO2: 15/1) se modifie à froid: à basse température, le FSC devient luxuriant (rapport 30/1). L'autorégulation du flux

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sanguin cérébral est conservée en normocapnie et en hypothermie modérée (25-30° C) pour des régimes de pression artérielle moyenne de 50 à 80 mmHg. Elle est perdue en hypothermie profonde (< 25°C). Une mydriase bilatérale fixe s’installe en dessous de 25°, et l'EEG devient isoélectrique à 20°C. Toutefois, ces températures peuvent être inhomogènes; il peut exister des gradients entre le cortex et le bulbe. D'autre part, le lieu de mesure est important; les endroits les plus fiables sont le tympan (sonde tympanique spéciale) ou les cellules ethmoïdales (sonde standard introduite par le nez jusqu'à buter contre le rhinopharynx). La limite inférieure de température tolérée par le cerveau est probablement 12°C, à la condition que l'hypothermie soit uniforme [138]. En dessous de cette valeur, l'inhibition des transferts membranaires actifs (pompes Na+/K+ et Na+/Ca2+) permet aux ions de diffuser selon leurs gradients électrochimiques, ce qui induit un oedème intracellulaire progressif [199].

Tableau 18.3 Effets physiologiques de l'hypothermie

Cardiaques Diminution de la consommation d'oxygène

Maintien des stocks d'ATP Diminution des flux de Ca2+

Diminution de la compliance et de la contractilité Bradycardie, fibrillation ventriculaire < 28°C

Circulatoires Vasoconstriction périphérique (entre 36° et 25°C) Vasoplégie périphérique < 25°C Augmentation des RAP

Augmentation de la viscosité sanguine Viscosité stable si Ht (%) = T (°C)

Respiratoires Augmentation de l'espace-mort Baisse de la compliance Capillary leak syndrome Déplacement à gauche de la courbe de dissociation de l'Hb

Cérébraux Diminution de la consommation d'oxygène (CMRO2) Augmentation relative du flux sanguin cérébral (FSC) Perte de conscience < 30°C Perte de l'autorégulation < 25°C EEG isoélectrique < 20°C (mydriase bilatérale fixe)

Endocriniens Hyperglycémie (résistance à l'insuline, diminution d'utilisation du glucose) Augmentation des catécholamines et des hormones de stress

Coagulatoires Agrégation plaquettaire freinée < 33° Séquestration plaquettaire (foie) < 25° Diminution du fibrinogène et du plasminogène

Physiques Augmentation de la solubilité des gaz dans les liquides Diminution de la constante de dissociation chimique (pKa) Alcalose: élévation du pH de l'eau Correction d’acidose en hypothermie : protéines (fonction histidine)

Solubilité des gaz La solubilité des gaz dans les liquides augmente lorsque la température baisse. Ainsi, la valeur de la PCO2 mesurée dans un échantillon de sang normal (PCO2 = 40 mmHg) refroidi à 27° n'est que de 23 mmHg, quand bien même aucun échange n'a eu lieu avec l'extérieur, parce que la fraction dissoute du gaz [HCO3] a augmenté. A 20°, le pH apparent normal est de 7.7. En clinique, la régulation acido-basique peut se faire selon deux techniques.

Selon le mode alpha-stat, le plus souvent utilisé, le contenu total en CO2 est maintenu constant, la lecture se fait comme si le patient était normothermique. Comme la solubilité du gaz est augmentée en hypothermie, la pression partielle de CO2 est plus basse; le sang devient artificiellement alcalin et hypocapnique, mais le rapport [H+] / [OH-] reste constant. Dans cette situation, l'autorégulation cérébrale est intacte, l'acidose extracellulaire est diminuée, le pH

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intracellulaire est maintenu stable, et les fonctions enzymatiques sont conservées dans leur intégrité [257].

Dans le mode pH-stat, on maintient le pH du sang à 7.4 quelle que soit la température en ajoutant du CO2 au gaz ventilé; le contenu en CO2 augmente (hypercarbie apparente) et le pH baisse. Cette technique provoque une vasodilatation cérébrale hypercarbique qui induit une perfusion luxuriante et qui rend le flux pression-dépendant [174]; l'autorégulation est perdue, et les risques d'oedème cérébral et d'embolisation sont augmentés, mais l’homogénéité de la température est meilleure [232].

La technique alpha-stat est habituellement utilisée pour les CEC en hypothermie modérée (25 – 30°C), car les résultats neurologiques à 6 semaines sont sensiblement meilleurs dans ces conditions [195]. A l’opposé, la stratégie pH-stat offre l'intérêt de doubler le FSC et de déplacer la courbe de dissociation de l'Hb vers la droite. Comme l'homogénéité du FSC est améliorée, la technique pH-stat est indiquée pendant les périodes de refroidissement et de réchauffement des malades amenés à une basse température, car elle favorise la rapidité et l'uniformité des variations thermiques au sein du cerveau [7]. Mais il reste préférable d'assurer un contrôle de type alpha-stat lorsque la température est stable. Vu la modification de son pKa avec la température, le bicarbonate perd son pouvoir tampon en hypothermie profonde. Si l’on veut corriger une acidose dans ces conditions, il faut administrer des protéines (albumine, PFC), dont la fonction histidine conserve son pouvoir tampon à basse température. Réchauffement Le problème majeur survient au réchauffement, parce que le cerveau devient transitoirement hypertherme (38-39°) [26]. Cet effet rebond est d'autant plus prononcé que le réchauffement est plus rapide; il aggrave profondément la susceptibilité des neurones à l'ischémie et agrandit l'étendue des lésions focales [130,173]. Il diminue l'efficacité de l'autorégulation et rend le flux sanguin cérébral davantage pression-dépendant. Les séquelles neurologiques sont proportionnelles à la rapidité du réchauffement et à la chute de la saturation veineuse jugulaire pendant cette phase [61]. Les altérations neuro-psychologiques de type II diminuent lorsque le réchauffement est plus lent [110]. La vitesse de réchauffement ne devrait donc pas dépasser 4° C par 20 minutes (1°C/5 min), ni le gradient de température artère – oesophage la valeur de 2-3°C [32]. Le gradient thermique maximal acceptable est de 10°C entre la T° rectale et la T° oesophagienne (ou cérébrale), et de 10°C entre la T° du sang et celle de l'eau de l'échangeur thermique [112]. L'arrêt circulatoire L'abaissement du métabolisme autorise à interrompre la circulation cérébrale pendant un certain laps de temps. Cependant, il n'y a pas de températures ni de durées que l'on puisse considérer comme sans risque de séquelles neurologiques; seule la probabilité de lésions irréversibles est quantifiable. C'est ce qu'illustre la Figure 18.26, qui résume les durées dites "sûres" d'arrêt complet en fonction de la température [137,140]. Ces durées sont définies par le point d'inflexion de la courbe, auquel correspond une augmentation significative de la probabilité de séquelles neurologiques. Mais il ne s'agit que d'une probabilité: elle n'est jamais nulle, et tout allongement de la durée l'augmente. Un des problèmes de cette notion de "durée sûre" est la difficulté de définir un critère précis dans les résultats neurologiques à court et à long terme. De plus, ceux-ci dépendent largement de l'âge du patient et de son status vasculaire. Dans la chirurgie de la crosse de l'aorte, qui implique une interruption de la circulation cérébrale, les lésions neurologiques sont fonctionnelles, passagères ou permanentes; elles sont directement proportionnelles à la durée de l'arrêt et à l'âge du patient (> 60 ans). Elles ont une incidence de 3% à 24% des cas [238]. En hypothermie à 18°C, un arrêt de la perfusion cérébrale pendant 35 minutes

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n’aura probablement pas de conséquences neurologiques, alors qu’un arrêt d’une heure entraîne des séquelles; à cette température, la limite de sécurité se place à environ 45 minutes [157]. Les troubles neurologiques vont des hallucinations et modifications comportementales jusqu'aux convulsions (5-10%), choréo-atétose (1-12%) et coma profond (1.5%). Protection cérébrale Les seuls moyens éprouvés pour diminuer les séquelles neurologiques lors d’arrêt circulatoire sont au nombre de trois :

Limiter la durée de l’arrêt ; Maintenir un débit sanguin cérébral minimal ; Refroidir le cerveau à 18-20°C.

L'hypothermie induite par la CEC est la technique prioritaire pour protéger le cerveau des lésions ischémiques dues à un arrêt circulatoire complet. Elle s’accompagne d’un refroidissement externe (salle d’opération à 16°C, éventuellement casque de chimiothérapie ou glace pilée autour de la tête) pour limiter les risques de réchauffement du cerveau pendant qu’il n’est plus perfusé. La tendance actuelle est de privilégier une perfusion cérébrale continue et suffisante pour ne nécessiter qu’une hypothermie modérée (28°C), afin d’éviter les effets délétères de l’hypothermie profonde et et les risques du réchauffement cérébral. Mesures chirurgicales Pour maintenir un débit cérébral sélectif pendant l'ouverture de la crosse aortique, le chirurgien dispose de plusieurs techniques.

Bas débit continu hypothermique (10-15 mL/kg/min) par la canule artérielle de CEC placée en sous-clavière droite (Figure 18.27). Le tronc brachio-céphalique, la carotide gauche et la sous-clavière gauche étant clampés à leur départ de la crosse, le flux perfuse la carotide droite, puis la carotide gauche par l'intermédiaire du cercle de Willis et des anastomoses entre

Durée de l’arrêt (min)

37° 28° 18°

Durées « sûres » 37° 3 - 5 min 28° 12 min 18° 35 min

Probabilité de récupération neurologique totale

30 60 15 45

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

90

1.0

Figure 18.26 : Nomogramme d'une estimation de la probabilité de récupération neurologique complète après un arrêt circulatoire total à trois différentes températures du cerveau (d'après réf 138). Les durées dites sûres sont représentées par les flèches de couleur.

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carotides externes [89]. La pression de perfusion (idéalement 60 mmHg) est mesurée dans l'artère radiale gauche, perfusée par l’intermédiaire des collatérales entre la vertébrale et la sous-clavière gauches. La température de perfusion varie de 22° à 28°C selon les techniques.

Perfusion carotidienne sélective: les carotides sont canulées dans le champ opératoire et perfusée par la CEC à raison de 400 – 700 ml/min, à une pression de 50 – 70 mmHg (artère radiale); le sang est évacué par les jugulaires. Cette technique peut être encombrante dans le champ opératoire, et présente un risque significatif d'embolisation artérielle cérébrale (air, débris, athéromes délogés, etc).

Perfusion rétrograde: les veines jugulaires sont canulées et perfusées isolément depuis la CEC à raison de 200 – 500 ml/min à une pression inférieure à 25 mmHg (mesurée par le bras latéral de l'introducteur de Swan-Ganz). Le risque d'oedème cérébral est important en cas de surpression. L'avantage est de "laver" les carotides par un flux rétrograde, ce qui élimine les risques emboliques, mais cette technique n’améliore pas le status neurologique postopératoire et ne diminue pas l’incidence d’AVC ; elle tend à être abandonnée [109,113].

La position de Trendelenburg évite les embolisations d'air lorsque les vaisseaux sont ouverts ou manipulés, mais elle augmente la pression veineuse et peut de ce fait diminuer la pression de perfusion cérébrale effective (PPC) si elle est trop accentuée, puisque PPC = PAM – Pvein. La PPC est facile à calculer en mesurant la pression veineuse au bras latéral de l’introducteur de Swan-Ganz ; pour que la mesure de la PPC soit fiable, le capteur de pression doit être placé au niveau du conduit auditif externe.

Ces méthodes ne garantissent malheureusement pas une protection de la moelle, aussi sensible que le cerveau à l'ischémie. Le risque de paraplégie postopératoire est élevé (5%) [39]. C’est la raison pour laquelle on peut procéder à une canulation supplémentaire par l’artère fémorale afin d’assurer une perfusion de la moëlle et des viscères abdominaux ; un ballon occlusif introduit dans l’aorte thoracique

ScO2

CEC

A radiale gauche

A fémorale

CEC

© Chassot 2012

Figure 18.27 : Schéma des opérations sur la crosse aortique. La technique représentée ici combine les canulations artérielles de CEC dans l’artère sous-clavière droite et dans une artère fémorale. Lorsque l’aorte ascendante distale et la crosse sont ouvertes, le tronc brachio-céphalique, la carotide gauche et la sous-clavière gauche sont clampés à leur départ de la crosse par des ballonnets intravasculaires (en bleu). Le flux de la CEC (500-800 mL/min à 20°C, 1’000-1'500 mL/min à 28°) perfuse la carotide droite, puis la carotide gauche par l'intermédiaire du cercle de Willis et des anastomoses entre carotides externes. La pression de perfusion est mesurée dans l'artère radiale gauche, qui est perfusée par l’intermédiaire des collatérales entre la vertébrale et la sous-clavière gauches. Une canule artérielle placée en fémorale permet de continuer la perfusion des viscères sous-diaphragmatiques et de la moelle épinière (1’000-1'500 mL/min à 20°, 2’000-3'000 mL/min à 28°), l’aorte descendante étant clampée par une ballon intravasculaire (en bleu). Deux cathéters artériels sont nécessaires pour surveiller ces circulations séparées. ScO2 : saturation cérébrale en O2.

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descendante évite que le sang ne se déverse dans le thorax (Figure 18.27) [53]. Pour limiter les problèmes liés à l’hypothermie et les conséquences neurologiques du réchauffement, on peut maintenir la température de CEC à 28-30°C mais augmenter le débit de perfusion et l’assurer en continu pendant la prériode où la crosse est interrompue [190] :

Débit cérébral : 1’000-1'500 mL/min par la canule sous-clavière ; Débit splanchnique : 2’000-3'000 mL/min par la canule fémorale.

Mesures anesthésiques L'anesthésiste a également son rôle dans les mesures à prendre pour diminuer la probabilité de lésions neurologiques lors de l'arrêt circulatoire.

Normoglycémie: une hyperglycémie augmente les substrats à disposition pour le métabolisme anaérobique en cas d'ischémie, ce qui accroît l'acidose intracellulaire. Lors d'arrêt de perfusion cérébrale chez l'animal, la récupération est meilleure si la glycémie est inférieure à 15 mmol/L [150]. Bien que ce bénéfice soit encore contesté chez l'homme, il est prudent d'avoir maintenu la normoglycémie avant l'arrêt circulatoire. Vu la résistance tissulaire à l'insuline en hypothermie, il est conseillé de régler la glycémie à 8-10 mmol/L déjà en normothermie [90,161] (voir Chapitre 4 page 116, Contrôle métabolique).

Thiopental: les barbiturés diminuent la CMRO2 de 30%; ils améliorent la récupération des lésions focales, mais non celle de l'ischémie cérébrale globale [185,269]. Toutefois, lorsqu’elle est déjà réduite par l'hypothermie, la suppression de l'activité électrique cérébrale par un barbituré ne paraît pas apporter un avantage supplémentaire, si l'on en juge par l'absence de différence dans les séquelles neurologiques [212]. Son intérêt tient au fait qu'on ne dispose pas toujours de la preuve que l'EEG soit isoélectrique, que le refroidissement du cerveau n'est pas toujours homogène, et que son action est bénéfique sur les lésions focales de type emboliques, jamais exclues au cours des manipulations (embolies de bulles d'air ou de matériel athéromateux) [76]. La dose recommandée est 5-10 mg/kg administrée 3-5 minutes avant l'arrêt ; elle n’a pas d’incidence sur l’hémodynamique au réchauffement [202].

Stéroïdes: par son effet stabilisateur sur les membranes cellulaires, la méthylprednisolone diminue l'oedème périfocal entourant les tumeurs et les zones traumatisées ou embolisées. Bien que son efficacité soit peu probable dans le contexte de l'ischémie, l'innocuité d'une dose isolée, même importante, peut justifier son utilisation prophylactique, car on ne peut jamais exclure de lésions emboliques [18], mais la preuve de son efficacité n’a jamais été apportée. La dose est de 10-20 mg/kg, administrée 45 minutes avant l'arrêt.

Mannitol: il diminue l'oedème cérébral et contribue à une amélioration de la perfusion parenchymateuse; sa capacité à capter les radicaux libres offre la possibilité de diminuer les lésions de reperfusion. Il s'administre 20 – 30 minutes avant l'arrêt à la dose de 0.5 g/kg.

Bloqueurs calciques: la diminution du Ca2+ libre intracellulaire est un avantage contre les lésions de reperfusion; d'autre part, les anticalciques limitent la vasoconstriction artériolaire. Seule la nimodipine est efficace, car les autres substances ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique [234].

Magnésium: sous forme de sulfate ou de chlorure, il a une activité anticalcique prononcée et améliore la récupération neurologique dans certaines études [260]. La dose est 5 – 10 mmol 5 minutes avant l'arrêt.

Le refroidissement externe du cerveau par un casque de chimiothérapie ou de la glace pilée autour de la tête reste une mesure controversée parce qu’on n’a pas de preuves formelles de son efficacité clinique. Elle limite le réchauffement du cerveau pendant l’arrêt, contribue à son hypothermie et améliore l’homogénéité du refroidissement sans prolonger la CEC, mais le crâne est une barrière importante aux échanges thermiques, qui sont peu importants si la salle d’opération est correctement refroidie [111,271]. La technique est sans risque à la condition d’éviter la compression des globes oculaires et les gelures aux points d’appui, mais le système est encombrant et interfère avec le fonctionnement des électrodes d’EEG ou de ScO2.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 38

Il n'existe pas d'évidence claire que ces éléments prophylactiques modifient significativement la récupération cérébrale. Seules l'hypothermie, la perfusion continue et la brièveté de l'arrêt ont une incidence prouvée sur les résultats neurologiques à long terme. Toutefois, lorsqu'il survient, l'AVC est tellement catastrophique que le bénéfice du doute joue en faveur du maximum de protection. Habituellement, on combine plusieurs éléments en fonction de leur rapport risque / bénéfice potentiel. L'arrêt circulatoire cérébral ne peut intervenir que lorsque la température est de 18-20°C et l'EEG isoélectrique depuis 3 minutes ; les pupilles sont alors en mydriase [56]. Il est probable que les lésions surviennent en partie lors de la revascularisation et de l'apport soudain d'oxygène: peroxydation des lipides, formation de radicaux libres superoxydes, chute de l'ATP, augmentation du calcium ionisé. Dans ce sens, les bloqueurs calciques et le magnésium pourraient avoir un effet bénéfique. Le blocage neuro-musculaire et la profondeur de l'anesthésie doivent être adéquats pour éviter les frissons et diminuer au maximum toute consommation d'oxygène (VO2) périphérique. En CEC, la curarisation est susceptible de baisser la VO2 globale de 10-30% [127]. L’hématocrite est abaissé pour maintenir stable la viscosité, qui augmente avec la chute de température. La viscosité reste identique si la valeur de l’Ht en % est la même que celle de la température en °C. L'utilisation d'agents vasodilatateurs favorise un refroidissement harmonieux et évite l'apparition de gradients de température. Le refroidissement doit être lent pour être homogène: la durée optimale pour le cerveau est de 20 minutes [20]. De même, un gradient de > 10°C entre le rectum et le sang artérialisé sortant de l'échangeur thermique est à éviter lors du réchauffement ; le gradient optimal est de 4-6° C. Tous les médicaments doivent être administrés dans la pompe avant l'arrêt de cette dernière, après quoi l'anesthésiste n'a plus aucune possibilité d'intervention. Avant de reperfuser l'aorte, il faut contrôler et corriger si nécessaire l'équilibre acido-basique dans le perfusat de CEC. Une hyperkaliémie suggère un dommage tissulaire.

Crosse aortique Pathologie : anévrysme, dissection étendue (A, ou B rétrograde). Risques majeurs : ischémie cérébrale et AVC (3-10% des cas), arrêt cardio-circulatoire complet. Mortalité opératoire : 6% (anévrysmes) à 15-20% (dissections). Priorités :

- Limiter la durée de l’arrêt ; - Protéger le cerveau (hypothermie à 20-28°C, perfusion cérébrale continue) ; - Maintenir la pression de perfusion (PAM 80 mmHg).

Durées d’arrêt circulatoire tolérables par le cerveau : 3-5 min à 37°, 12 min à 28°, 35 min à 20°. Mesures de protection cérébrale : - Perfusion sélective continue ; - Hypothermie à 18-20°C, refroidissement et réchauffement homogènes et lents (1°/3-4 min) ; risque d’hyperthermie cérébrale au réchauffement ; - Hypothermie modérée (28-30°C), perfusions cérébrale + viscérale continues par canulations

sous-clavière droite et fémorale ; - Position de Trendelenburg ; - Normoglycémie, mannitol (↓ œdème cérébral) ; - Anesthésie profonde (curarisation) ; - Non-prouvés : Mg2+, thiopental, nimodipine, méthylprednisolone.

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Monitorage Surveillance hémodynamique La surveillance hémodynamique idéale comprend un cathéter artériel fémoral, dont la lecture reste fiable à basse température, et un cathéter radial, qui est plus proche de la pression de perfusion cérébrale ; le côté où est placé ce dernier est choisi en fonction de la canulation de CEC : à droite lors de canulation fémorale ou ascendante, et à gauche lors de canulation sous-clavière. La présence de deux cathéters est requise lors de double canulation de CEC pour perfusion simultanée du cerveau et des organes sous-diaphragmatiques (Figure 18.27). Un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est nécessaire, autant pour la phase peropératoire que pour le suivi postopératoire. L'ETO offre une excellente vision de la fonction cardiaque et de la volémie, et permet de contrôler le flux aortique après la réparation. Une mesure du métabolisme et de la fonction cérébrale est nécessaire. Plusieurs moyens sont à disposition. Electro-encéphalographie L'EEG ne reflète que l'activité corticale globale; des altérations à l'EEG sont visibles lorsque le flux sanguin cérébral a diminué de moitié. L'EEG est isoélectrique pour un flux sanguin de 15-20 mL/100g/min (valeur normale: 50 mL/100g/min). Une ischémie focale (embolie de gaz ou de matériel artériosclérotique, thrombus) peut échapper à cette surveillance. L'ischémie provoque une perte des signaux électriques rapides alpha (7-14 Hz) et béta (> 14 Hz), et une augmentation des signaux lents delta (0.5-3 Hz) et théta (4-7 Hz), puis une perte d'amplitude allant jusqu'au silence électrique [197]. Les modifications électriques surviennent avant les lésions cellulaires; les déficits neurologiques sont probables lorsqu'elles durent plus de 10 minutes. L'EEG est isoélectrique à 20°C.

Le système à 16 ou 20 canaux, encombrant et difficile à interpréter, est remplacé par un moniteur de fonction cérébrale type CSA (Compressed Spectral Array), qui affiche une analyse spectrale des ondes (transformation de Fourrier) et ne nécessite que quatre électrodes placées sur les apophyses mastoïdes et au milieu du rebord orbitaire frontal. Cette technique plus conviviale ne permet pas toujours de distinguer les ondes cérébrales des interférences comme l'activité cardiaque ou musculaire, l'effet des médicaments, de la température ou de la pCO2. Il est recommandé de n'arrêter la circulation que lorsque toute activité électrique a cessé.

Les potentiels évoqués (PE) du membre supérieur monitorent le cortex sensitif, mais sont un signal moins sensible de la réduction du flux sanguin cérébral que l'EEG. L'appareillage est encombrant et la valeur prédictive faible. Les potentiels évoqués moteurs surveillent la colonne antérieure de la moelle; la sensibilité est faible mais la spécificité est de 100% pour l'ischémie essentiellement médullaire. Plus intéressants sont les potentiels évoqués auditifs (PEA); la réponse auditive du tronc cérébral reflète l'activité neuronale entre le noyau cochléaire et le colliculus inférieur; elle n'est pas modifiée par les agents d'anesthésie, mais varie directement avec la température; elle est un excellent moyen de surveiller le degré d'inhibition neuronale par l'hypothermie [206]. L'index bispectral (BIS™) analyse 4 variables d'un tracé EEG bipolaire (amplitude, fréquence, composition et cohérence de phase); un algorithme (propriété du brevet et non explicité) le transforme en un nombre compris entre 0 (sommeil profond) et 100 (réveil) qui décrit la puissance relative dans un espace à 4 phases des bandes de fréquences les plus élevées de l'EEG/EMG [197]; ce chiffre représente la profondeur de l'anesthésie. Le point critique entre amnésie et souvenir se trouve vers 65 [223]. Bien qu’il puisse être utile pour éviter le réveil chez un patient curarisé, le BIS ne s’est pas révélé un instrument fiable pour garantir le sommeil [11]. D’autre part, le BIS™ est un moniteur global et non focal de l'activité cérébrale, même si quelques rapports ont indiqué un effondrement de

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sa valeur lors d’états hémodynamiques instables, d'épisodes de souffrance cérébrale ou d'AVC [80,258]. Lors d’ischémie cérébrale contrôlée, la valeur du BIS™ est sans corrélation avec l'état neurologique [72]. Le BIS n’offre donc pas de garantie sur le degré de protection cérébrale. Spectroscopie infrarouge La spectroscopie infrarouge (Near-infrared spectroscopy ou NIRS) permet la mesure locale de la saturation de l'hémoglobine cérébrale en oxygène (ScO2). Les deux diodes des capteurs sont écartées de 3 cm environ; chaque capteur est placé sur l'angle fronto-temporal, de chaque côté du crâne. La longueur d'onde laser émise (770 – 910 nm) pénètre la boîte crânienne et se trouve dispersée par la substance cérébrale où une partie spécifique du spectre est absorbée par l'hémoglobine oxygénée (HbO2) et une autre par l'hémoglobine réduite (Figure 18.28). La quantité de lumière réfléchie et le spectre d'absorption permettent de calculer la teneur en oxygène de la zone cérébrale explorée [223]. Les valeurs affichées, combinaison de valeurs artérielles, capillaires et veineuses, sont très voisines de la saturation veineuse cérébrale (SjO2) parce que les trois quarts du sang cérébral sont dans le réseau veineux et parce que l'appareil utilise les composantes non pulsatiles du spectre; la valeur normale oscille entre 60 et 75% [182]. Bien que l’évolution du chiffre et sa vitesse de variation soient plus significatives que sa valeur absolue, une ScO2 inférieure à 50% est clairement anormale. Il existe souvent une légère asymétrie entre les deux hémisphères, mais l’apparition d’une nouvelle asymétrie de plus de 10 points est pathologique. Une ischémie survenant dans une autre région que celle examinée échappe cependant à la surveillance ; par contre, la technique permet de différencier l'état des deux hémisphères. La ScO2 s'élève en hyperoxie et en hypothermie (baisse du métabolisme), mais aussi en état de mort cérébrale [244]. A cause de la vasoconstriction hypothermique, les valeurs de ScO2 sont plus basses en régulation alpha-stat que pH-stat [171].

Voûte crânienne

3-6 cm

Diodes laser

Compte photons

Cerveau

Spectroscope infra-rouge

Affichage ScO2 A

C B

Figure 18.28 : Spectroscopie infrarouge et mesure de la saturation de l'hémoglobine cérébrale en oxygène (ScO2). A : Les deux diodes de chaque capteur sont écartées de 3 cm environ; chaque capteur est placé sur l'angle fronto-temporal, de chaque côté du crâne. La longueur d'onde laser émise (770 – 910 nm) pénètre la boîte crânienne et se trouve dispersée par la substance cérébrale où une partie spécifique du spectre est absorbée par l'hémoglobine oxygénée (HbO2) et une autre par l'hémoglobine réduite. La quantité de lumière réféchie et le spectre d'absorption permettent de calculer la teneur en oxygène de la zone cérébrale explorée. B : électrodes de lecture en place au-dessus du rebord orbitaire sur la peau glabre du front ; elle doivent prendre l’angle fronto-temporal pour que les rayons des deux diodes soient concentriques. C : affichage de la ScO2 bilatérale.

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La question majeure est celle de la définition d'un seuil en dessous duquel les déficits neurologiques sont certains. Celui-ci est encore mal établi. En chirurgie carotidienne, une baisse de 20 points ou plus a une sensibilité et une spécificité de 80% et une valeur prédictive négative de 98% pour l’apparition de troubles neurologiques, mais une valeur prédictive positive de seulement 37% pour la présence de déficits neurologiques postopératoires [166]. Lors d'un arrêt circulatoire hypothermique, le nadir est atteint en 15-20 minutes; une baisse à une valeur de 30% signe une ischémie cérébrale; si elle dure plus de 10 minutes, elle est associée à des dysfonctions cognitives ; le seuil d'irréversibilité n'est pas connu pour l'instant [222]. La ScO2 minimale tolérée est en général de 35-40%; il faut prévoir une reperfusion cérébrale rapide lorsque cette valeur est dépassée (Figure 18.29). L'évidence clinique suggère une corrélation entre la baisse de la ScO2 et les séquelles neurologiques [6]. Dans l'état actuel de nos connaissances, on peut utiliser les repères suivants, bien qu’ils n’aient pas encore été validés :

Baisse de 5-15 points : normal lors d’arrêt circulatoire ; Baisse de < 20 points : faible probabilité de lésions neurologiques ; Baisse de > 20 points : seuil d’alerte ; ScO2 = 40%: limite de récupération neurologique certaine ; ScO2 ≤ 30%: seuil de déficits neurologiques postopératoires.

En cours de perfusion cérébrale à bas débit, on cherche à maintenir la ScO2 à ≥ 60% et à éviter une chute de plus de 20%. Figure 18.29 : Evolution de la saturation cérébrale en O2 (ScO2) au cours d’une perfusion carotidienne isolée (chirurgie de la crosse aortique). Pendant chaque arrêt circulatoire (ACC: arrêt circulatoire complet), la ScO2 baisse progressivement; la consommation en O2 persiste malgré l'hypothermie (20°C). Lors de chaque reperfusion par la canulation carotidienne, la ScO2 remonte et dépasse le niveau de base, car l'hypothermie diminue la CMRO2. La ScO2 est stable pendant une période de bas débit continu hypotherme (low-flow), puis dépasse sa valeur initiale à cause de la vasodilatation cérébrale (perfusion luxuriante double flèche rouge). Saturation jugulaire

La saturation veineuse jugulaire (SjO2) s'obtient par canulation rétrograde de la jugulaire interne (cathéter oxymétrique 5.5 French); elle est fonction de l'extraction cérébrale en O2 et de l'activité métabolique globale et non unilatérale. Sa valeur normale est 60-75% [148]. Elle augmente en cas d'hyperémie, d'hypercapnie, de fistule artério-veineuse ou d'hypothermie. Elle diminue pour des

10 min

ACC ACC ACC

Low-flow

Perfusion carotide

Perfusion carotide

Perfusion carotide

Reperfusion

ScO2

70

60

50

40

ACC ACC

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raisons systémiques (désaturation artérielle, hypocpanie, anémie aiguë, hypotension) ou cérébrale (hypertension intracrânienne, hyperthermie, convulsions, vasospasme). La valeur critique se situe autour de 50% [235]. Une valeur < 40% est associée à une souffrance cérébrale ischémique et à des séquelles neurologiques [225]. Elle peut être utile pour confirmer la baisse de la demande métabolique avant un arrêt circulatoire.

Monitorage pour la chirurgie de la crosse aortique Cathéter artériel fémoral + radial droit/gauche selon canulation de CEC ; Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ; ETO ; Saturométrie cérébrale (ScO2)

- seuil d’alerte : chute de > 20 points ou ScO2 < 40% - en hypothermie, la ScO2 doit d’élever.

Chirurgie L'intervention consiste à interposer une prothèse tubulaire entre l'aorte ascendante et l'origine de l'aorte descendante, en y réimplantant "en bloc" les vaisseaux de la crosse (tronc brachio-céphalique, carotide gauche et sous-clavière gauche) ou au moyen d’une prothèse comprenant les embranchements de la gerbe (Figure 18.30 et Figure 18.31). Si la lésion se prolonge dans l'aorte descendante, on peut y introduire une endoprothèse depuis l'aortotomie de la crosse (l'anastomose distale est alors amarrée à l'endoprothèse) ou utiliser une prothèse comprenant en une seule pièce le tube proximal pour la crosse et l’endoprothèse pour la descendante (elephant-trunk). Selon son positionnement, l’endoprothèse peut couvrir l’abouchement de l’artère sous-clavière gauche. Dans ce cas, la perfusion du bras est assurée par les collatérales issues de la carotide ; si celles-ci ne sont pas suffisantes (claudication postopératoire du bras gauche), l’intervention peut être secondairement complétée par un pontage carotido-sous-clavier gauche. Anesthésie La technique d'anesthésie importe moins que la gestion de la protection cérébrale (Tableau 18.4). La technique de choix est des plus classique: fentanyl (50-75 mcg/kg) ou sufentanil (15 - 25 mcg/kg), propofol, midazolam ou sevoflurane. Il est capital que le degré d'anesthésie et de curarisation soit profond au moment de l'arrêt circulatoire ou du bas débit cérébral. Une intervention sur la crosse peut être planifiée, ou survenir en cours d'intervention sur l'aorte ascendante parce qu'un anévrysme ou une dissection se prolongent distalement. L'abord de la crosse peut se faire par sternotomie ou thoracotomie gauche selon la portion d'aorte impliquée; dans le deuxième cas, une intubation bronchique sélective est de rigueur pour assurer un collapsus pulmonaire adéquat dans le champ opératoire. On utilise à cet effet un tube 2-L gauche. Un contact avec l'opérateur est essentiel pour planifier une stratégie commune; le type de canulation de CEC (fémorale, ascendante, sous-clavière droite), par exemple, commande les sites de canulation artérielle spécifiques pour le monitorage. Il faut éviter de placer les voies veineuses à haut débit au bras gauche, parce que l'opération peut occasionner une lésion de la veine innominée et compromettre l'apport de volume. Avant la CEC et pendant la phase de refroidissement, il est important de contrôler la glycémie afin d'éviter toute hyperglycémie au-delà de 10 mmol/L. Les mesures habituelles de protection cérébrale comprennent plusieurs points [39].

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Installation d'appuis aux épaules pour retenir le malade pendant la position de Trendelenburg nécessaire à la prévention d'embolisation gazeuse dans les vaisseaux de la gerbe;

Installation des capteurs de ScO2; Déplacement de la sonde de température oesophagienne dans le nez jusqu’à toucher les

cellules ethmoïdales pour enregistrer la température la plus voisine possible du cerveau; Refroidissement de la salle d’opération à 16°C, glace pilée autour de la tête, casque de

chimiothérapie ; S’ils sont utilisés comme protection cérébrale, la méthylprednisolone (20 mg/kg) et le

mannitol (0.5 gm/kg) sont administrés dans la CEC au minimum 30-45 minutes avant l'arrêt ; le thiopental (5-10 mg/kg) et le magnésium (10 mmol) sont injectés 2-3 minutes avant l’arrêt ;

Curarisation et approfondissement de l'anesthésie (midazolam 5-10 mg, Fentanyl 500 mcg) 10 minutes avant l'arrêt.

La durée de l'arrêt et du bas débit (500 – 1'000 ml/min) est chronométrée. La pression de perfusion cérébrale est lue dans l'artère radiale gauche en cas de perfusion sous-clavière droite ou dans les canules de CEC en cas de perfusion isolée des carotides. La pression veineuse jugulaire est mesurée dans la bras latéral de l’introducteur et lue sur le canal de la Swan-Ganz. En hypothermie profonde (20°C), les pupilles sont en mydriase bilatérale fixe ; elles reprennent spontanément leur motricité au réchauffement. Figure 18.30 : Schéma opératoire d'un remplacement de la crosse aortique. A : La prothèse tubulaire est anastomosée à l'aorte ascendante proximalement et à l'origine de la descendante distalement. Les vaisseaux de la gerbe (tronc brachio-céphalique, carotide gauche et sous-clavière gauche) sont réimplantés en bloc avec un patch de paroi aortique sur la grande courbure de la prothèse. B : Elephant-trunk. Une endoprothèse (aorte descendante) en montée en bloc sur la prothèse tubulaire (crosse) ; l’anastomose distale fixe la prothèse et amarre l’endoprothèse à la paroi aortique. Selon le positionnement, l’artère sous-clavière gauche peut être couverte par l’endoprothèse. Le but recherché par le chirurgien et l’anesthésiste est triple :

Restreindre au minimum la durée de l’ACC ;

Aorte descendante Aorte

ascendante

Manchon englobant les vaisseaux de la gerbe

A

Anastomose proximale Anastomose

distale

© Chassot 2012

Prothèse

Aorte descendante

Endoprothèse

Manchon englobant les vaisseaux de la gerbe

Aorte ascendante

B

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Assurer une perfusion cérébrale minimale pendant les temps critiques (PPC ≥ 60 mmHg, débit ≥ 800 mL/min) ;

Maintenir la ScO2 > 50%.

Tableau 18.4 Caractéristiques de l'anesthésie pour la chirurgie de la crosse aortique

Caractéristiques :

Risque ischémique cérébral Arrêt cardio-circulatoire Hypothermie profonde (< 18°C)

Risques majeurs : Lésions neurologiques cérébrales (AVC) Ischémie médullaire

Priorités : Protection cérébrale Briéveté de l'arrêt Perfusion cérébrale continue

Mesures de protection : Hypothermie profonde (Toeso < 18°C) Perfusion isolée / semi-sélective Trendelenburg, refroidissement cérébral Normoglycémie Mannitol, Mg ++ (Thiopental, nimodipine, méthylprednisolone)

Anesthésie : Maintenir normotension (PAM 80 mmHg) Légère hyperventilation (PaCO2 30-35 mmHg) Maintien : propofol ou sevoflurane, fentanyl/sufentanil Anesthésie et curarisation profondes Normoglycémie et équilibre acido-basique

Monitorage Artère fémorale + radiale gauche Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ETO Saturométrie cérébrale ScO2

Risques postopératoires : Séquelles neurologiques cérébrales (AVC) Insuffisance rénale Hémorragie sur troubles de la crase Vasoplégie prolongée SDRA

Après une hypothermie profonde, plusieurs conséquences dominent le postopératoire.

Une vasoplégie artérielle est fréquente pendant quelques heures à cause du réchauffement et de la libération d’endotoxines par l’ischémie digestive; une perfusion de nor-adrénaline est en général nécessaire ; si elle est insuffisante, on ajoute de la vasopressine.

Les hémorragies diffuses sur trouble de la crase sont importantes, car l’hypothermie freine l'agrégation plaquettaire (abolie < 30°), induit une séquestration périphérique des thrombocytes (< 25°), et diminue la quantité circulante de facteurs de coagulation, notamment de fibrinogène et de plasminogène [39]. Il faut prévoir l'administration de PFC, de plaquettes, et éventuellement de facteurs de coagulation, mais ces substances ne sont pas administrées avant que toute la protamine n'ait été injectée et qu’un test de coagulation comme un thromboélastogramme ait défini quelles sont les lacunes (voir Chapitre 8).

Une lactacidémie élevée peut persister 12-24 heures à cause des perturbations du métabolisme hépatique à basse température.

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Un syndrome de fuite capillaire est fréquent. La fragilité des tissus et des anastomoses oblige à maintenir la pression artérielle dans des limites très serrées. La crainte majeure est celle des séquelles neurologiques centrales.

Anesthésie pour la chirurgie de la crosse aortique Anesthésie : maintenir la précharge, la contractilité et la postcharge normales ; maintenir PAM ≥ 80 mmHg, ScO2 ≥ 60%. - Normotendu - normocarde - Induction : etomidate (propofol possible si stable) ; - Curare : pancuronium si IA sévère ; - Maintien : propofol ou sevoflurane, fentanyl/sufentanil ; - Surveillance normoglycémie et équilibre acido-basique ;

- Si sternotomie : tube simple ; si thoracotomie gauche : tube 2-L. Monitorage : - Cathéter artériel fémoral + radial droit/gauche selon canulation de CEC ; - Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ; - ETO ; - Saturométrie cérébrale (ScO2) ; - (Potentiels évoqués auditifs). Post-CEC : - Vasoplégie (RAS basses) ; - Hémorragie (coagulopathie) ; - Acidose métabolique ; - Syndrome de fuite capillaire

- Risque d’AVC et d’ischémie médullaire.

Reconstruction totale

Prothèse

Anastomose proximale

Anastomose distale

Figure 18.31 : Reconstruction totale de la crosse au moyen d’une prothèse comportant le départ des trois vaisseaux de la gerbe. L’avantage de cette technique est de ne laisser en place aucun tissu résiduel de la crosse malade. Mais ce type d’intervention réclame une stratégie chirurgicale très précise pour maintenir la perfusion cérébrale en modifiant les clampages au fur et à mesure de la reconstruction.

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Chirurgie de l’aorte descendante La chirurgie de l'aorte descendante concerne essentiellement les anévrysmes thoraco-abdominaux; ils sont classés en quatre types (Figure 18.32). Cette classification présente l'intérêt de déterminer le risque opératoire en fonction du type anatomique. Le type II, le plus étendu, a le plus mauvais pronostic. Effets hémodynamiques du clampage aortique Le clampage aortique au-delà de l'artère sous-clavière gauche a deux conséquences majeures qui commandent toute la prise en charge anesthésique (Figure 18.33).

En amont, une hypertension artérielle dans un lit vasculaire amputé des deux tiers de son

volume:

• ↑↑ postcharge du VG (↑ RAS de 40-100%) ; • ↑ PAM de > 40% ; • ↓ contractilité du VG (↓ Vcf, ↓ Vmax aortique) ; • ↓ débit cardiaque ; • ↓ ventilation / minute.

En aval, un effondrement de la pression de perfusion et une absence de perfusion des organes:

• Ischémie médullaire ; • Ischémie splanchnique ; • Ischémie rénale ; • Acidose métabolique ; • Vasodilatation et ↑ perméabilité capillaire.

Figure 18.32 : Les quatre types anatomiques d'anévrysmes thorac-abdominaux classés selon leur extension. Le type II porte le plus mauvais pronostic.

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Physiopathologie Le système veineux n'étant pas interrompu par le clampage de l’aorte descendante, le flux sanguin se redistribue rapidement depuis les compartiments distaux et le lit splanchnique vers les compartiments supérieurs où le débit est conservé ; cette fuite a lieu par les vaisseaux de capacitance [93,97]. Après l'occlusion aortique, la veine cave sous-diaphragmatique continue à se vider dans l'OD jusqu'à ce que leurs pressions s'égalisent; si la fonction cardiaque est intacte, cette autotransfusion augmente les pressions de remplissage et le débit cardiaque au-dessus du clamp [15]. Suite à l'élévation de la postcharge et de la précharge, le VG normal augmente ses dimensions télédiastoliques et télésystoliques. L'élévation de la tension de paroi en diastole a un effet inotrope positif (effet Frank-Starling); la tension systolique créée par le clampage (↑ impédance) élève la contractilité (effet Anrep). En adaptation à cette nouvelle demande en O2, le flux coronaire augmente de 45% [92]. Par contre, la perte des deux tiers du lit vasculaire diminue la demande systémique en oxygène, et le débit cardiaque, de même que la ventilation-minute, diminue progressivement. Ces données sont modifiées selon le niveau du clampage, le degré de collatéralisation, le flux aortique, la fonction myocardique, ou l'utilisation de shunt. Mais ces phénomènes évoluent dans le temps. La chute de la perfusion dans la partie inférieure du corps en dessous du clamp aortique tarit le flux dans la veine cave inférieure après quelques minutes : le retour de volume au coeur droit diminue. Cette baisse de la précharge fait diminuer le débit cardiaque en amont du clamp. Par la suite, la vasoplégie et l'augmentation de la perméabilité capillaire dues à l'acidose métabolique des tissus ischémiés en dessous du clamp vont conduire au stockage de volume dans la partie inférieure du corps. En amont, l'hypertension augmente le gradient de pression à travers la membrane capillaire, conduisant à une exsudation interstitielle progressive; celle-ci

© Chassot 2012

Deuxième temps • ↓ retour veineux par VCI • vasoplégie ischémique • ↓ DC et PAM sus-clampage

Sus-clampage: ↑↑ RAS de 100% ↑ PAM de 40% ↓ débit cardiaque ↑ PVC et PAPO

Sous-clampage: ↓↓ PAM de > 85% ischémie médullaire, splanchnique, rénale acidose, vasoplégie

P↓

P↑

Figure 18.33 : Effets hémo-dynamiques du clampage de l'aorte thoracique descendante. RAS : résistance artérielles systémique. PAM : pression artérielle moyenne. PVC : pression veineuse centrale. PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion. VCI : veine cave inférieure. DC : débit cardiaque.

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occasionne une perte de volume circulant et une surélévation des résistances périphériques [125]; elle contribue à la baisse du débit cardiaque. Ces adaptations sont conditionnées par l'état myocardique de base du malade. Si sa réserve fonctionnelle et sa compliance sont satisfaisantes, le coeur gauche assume les modifications opératoires sans ambages. S'il est défaillant ou ischémique, le VG se dilate sans pouvoir améliorer ses performances systoliques, alors que l'accroissement de tension dans sa paroi élève ses besoins en O2. Dans ces conditions, la PAPO augmente de 5-10 mmHg, le débit cardiaque et la fraction d'éjection baissent et il apparaît une onde "v" qui signe la régurgitation mitrale pathognomonique de la défaillance ventriculaire. L'ischémie par demande excessive devient probable. Un support inotrope est nécessaire, de même qu'un dérivé nitré. La régularisation de la postcharge du VG par du nitroprussiate est proscrite, car elle conduit malheureusement à approfondir l'hypotension d'aval de 30 à 50%, donc à y augmenter le risque ischémique, quand bien même le débit cardiaque augmente en amont du clamp [41]. L'ischémie d'aval libère des métabolites acides qui vont induire une myorelaxation vasculaire progressive et une accumulation de sang, particulièrement dans le lit mésentérique. Ce phénomène contribue à affaiblir le retour veineux au coeur droit, et rend le flux pression-dépendant en dessous du clamp. Le métabolisme anaérobique secondaire à l'ischémie distale au clampage provoque une acidose lactique d'autant plus importante que le rein et le foie, principaux émonctoires du lactate, sont eux-mêmes exclus de la circulation. Certains auteurs recommandent une administration continue de bicarbonate sodique (0.05 mEq/kg/min) pendant le clampage [15]. Comme la consommation d'O2 globale baisse, il arrive que la saturation et le contenu en O2 du sang veineux central (cathéter de Swan-Ganz) soient augmentés, parce que la masse tissulaire perfusée est très diminuée et que des shunts artério-veineux s'ouvrent en amont du clampage [96]. Le clampage de l'aorte descendante augmente de 100% les résistances artérielles mesurées ; il provoque également une libération de substances vasoactives, à commencer par les hormones de stress endogènes: adrénaline, noradrénaline et rénine-angiotensine [211]. S'y ajoutent le thromboxane, puissant vasoconstricteur, et des substances vasoconstrictrices au niveau pulmonaire: les cytokines, le TNF, les activateurs du complément C3a et C5a, et les radicaux libres. La signification clinique de ces différents médiateurs est difficile à apprécier, car leurs effets sont souvent opposés et dominés par les changements hémodynamiques majeurs [93]. Déclampage Le déclampage effondre soudainement l'impédance aortique, le volume circulant et la pression artérielle pour plusieurs raisons [49,229] :

Reperfusion du lit distal vasodilaté par l'anoxie ; Fuite transcapillaire interstitielle (↑ perméabilité due à l'anoxie) ; Baisse du retour veineux central (stockage de volume dans le lit reperfusé et vasodilaté) ; Mise en circulation des métabolites induisant:

• Acidose métabolique, lactacidémie : • Vasodilatation systémique ; • Vasoconstriction pulmonaire ; • Baisse de contractilité myocardique ;

Mise en circulation d'endotoxines bactériennes digestives ; Hémorragie par les anastomoses ; Hyperémie réactionnelle, maximale à 15 minutes.

L’efficacité des agents vasoconstricteurs est diminuée, car les vaisseaux situés en aval du clampage, qui restent maximalement vasodilatés à cause de l'acidose métabolique, sont peu réactifs et se contractent faiblement. Un déclampage progressif est essentiel, parce qu’il donne le temps de

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remplacer le volume perdu, de ralentir la libération des substances acides (↑ PetCO2), vaso-actives et cardio-dépressives, et de limiter les lésions de réoxygénation (radicaux libres, superoxydes, etc) [34]. En résumé, le clampage aortique haut se traduit par une incidence importante de décompensation cardiaque gauche, d'ischémie médullaire (paraplégie), d'insuffisance rénale, d'ischémie digestive et d'acidose métabolique. Le déclampage est associé à une hypotension sévère.

Chirurgie de l’aorte descendante Clampage de l’aorte descendante : - En amont : hypertension artérielle (risque de défaillance du VG) ; - En aval : ischémie (moelle, viscères, reins), acidose, vasoplégie. Hypotension au déclampage : - Hémorragie chirurgicale ; - Vasoplégie du lit ischémié, fuite capillaire ; pooling et baisse du retour veineux ; - Mise en circulation de métabolites acides et d’endotoxines digestives provoquant une vasoplégie systémique, une vasoconstriction pulmonaire et une baisse de contractilité. Priorité : restreindre la durée de l’ischémie médullaire. Risque de paraplégie : 3-15%. ….. Ischémie médullaire Le clampage de l'aorte thoracique descendante fait courir un risque majeur de lésion médullaire ischémique irréversible entraînant une paraplégie ou une paraparésie. L'incidence de cet évènement tragique varie de 3-15% des cas selon les séries [98,226]. Cette variation tient à plusieurs facteurs:

Durée et niveau du clampage ; Etendue de la lésion aortique (anévrysme de type II: jusqu'à 30%) ; Anatomie de la perfusion médullaire ; Age du patient (> 60 ans) ; Situation d'urgence ou élective ; Hypoperfusion peropératoire (hypotension, anémie, hypoxie) ; Technique chirurgicale (CEC distale, réimplantations artérielles) ; Technique anesthésique (contrôle hémodynamique, drainage lombaire).

La moelle est vascularisée par deux artères spinales postérieures et une artère spinale antérieure, discontinues sur la longueur du rachis; elles sont issues des artères vertébrales, mais, depuis la région médiothoracique, elles ne reçoivent que des apports étagés par 2 à 3 artères intercostales, et 1 à 2 artères ilio-lombaires (Figure 18.34) [73]. Les artères spinales postérieures sont plexiformes et forment un réseau continu, alors que l'artère spinale antérieure est un long vaisseau unique et discontinu qui nourrit les cornes antérieures motrices de la moelle; ces dernières sont donc plus à risque en cas d’interruption du flux sanguin. Au niveau médiothoracique (D4-D9), la vascularisation dépend étroitement d'un vaisseau nourricier majeur, l'artère d'Adamkiewicz (arteria radicularis magna), issue entre D9-D12 dans le 70% des cas, le plus souvent à gauche, mais dont l'origine peut s'étendre de D5 à L2 [256]. La zone de D4 à D9 est la plus fragile; c'est aussi celle où le canal rachidien est le plus étroit [2].

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La pression de perfusion locale de la moelle est égale à la différence entre la pression dans les artères médullaires et la pression ambiante entretenue par le LCR et par la PVC, selon laquelle est la plus élevée des deux (Figure 18.35):

Pperfusion médullaire (PPm) = Pmoy aorte distale (PAMdist) – PLCR (ou PVC) La baisse de la pression de perfusion médullaire qui conduit à l’ischémie peut donc survenir sur deux mécanismes différents :

Baisse de la pression artérielle dans l’aorte (hypotension, clampage) ; Augmentation de la pression du LCR et de la PVC.

La PPm minimale est de 40-50 mmHg [188]. La pression aortique moyenne doit donc être ≥ 50-60 mmHg pour maintenir une perfusion médullaire adéquate, puisque la pression du LCR est de 10-20 mmHg. En dessous de cette valeur, la pulsatilité normale de la moelle disparaît. Lorsqu’on clampe l’aorte thoracique descendante, la pression distale est trop basse pour remplir ces conditions et la moelle souffre d’ischémie. De plus, l'hémorragie rétrograde par les artères intercostales qui saignent dans l'aorte ouverte dans le champ opératoire "vole" du sang au lit médullaire et aggrave l'ischémie [74,264]. Les trois facteurs principaux qui déterminent la gravité des séquelles neurologiques sont :

A. spinale ant

A. radiculaires D3-D4

A. Adamkiewicz D9-D12

A. lombo-sacrées

A. vertébrale

A. basilaire

A. radiculaires C3 – C4 C5 – C6 C7 – C8

A. spinale postérieure

Artère cervicale ascend

Artère sous-clav

Figure 18.34 : Anatomie de la vascularisation médullaire, avec les trois principaux apports à l’artère spinale antérieure dorso-lombaire (d'après réf 73).

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Le niveau du clampage aortique ; L’étendue du clampage aortique ; La durée de l’ischémie médullaire.

Figure 18.35 : La pression de perfusion médullaire (PPm) est définie par la différence qui règne entre la pression moyenne dans l'artère spinale antérieure (PAM) et la pression du LCR (PLCR). Ce ΔP doit rester supérieur ou égal à 40 mmHg. La PAM est la pression dans l'aorte distale, soit celle de la CEC fémorale. Lorsque l’aorte est interrompue au niveau médiothoracique, la zone ischémiée correspond aux segments médullaires les plus fragiles parce que les plus dépendants de l’apport sanguin des branches intercostales et de l’artère d'Adamkiewicz (segments D3 à D10). La perfusion n’est assurée que par les collatérales issues de l’artère vertébrale et des premières intercostales depuis le haut et par les artères lombaires depuis le bas. La pression de perfusion proximale dépend de la pression fournie par le VG, alors que la pression distale dépend de celle assurée par la pompe de CEC (Figure 18.36). Il est évident que le risque augmente avec l’étendue de la zone aortique opérée. Comme l’anatomie de la perfusion médullaire est très variable selon les individus, le risque neurologique est toujours présent quel que soit le niveau de clampage de l’aorte. Il est le plus élevé au niveau médiothoracique, moins important au niveau diaphragmatique et le plus faible au niveau abdominal, mais il n’est jamais nul (Figure 18.37). Le deuxième facteur déterminant essentiel est la durée de l'ischémie. En dessous de 30 minutes, l'incidence des séquelles neurologiques est inférieure à 5%; au-delà de 60 minutes, elle dépasse 25% et peut atteindre jusqu'à 90% (Figure 18.38) [227,237]. En l'absence de complications ou de pathologies associées, la limite de durée "sûre" chez l'adulte est de 20 - 25 minutes de clampage. Au-delà de ce temps, des techniques de vicariance ou de protection doivent être envisagées. D'autres facteurs entrent encore en ligne de compte comme éléments de risque pour les séquelles neurologiques.

L'âge, particulièrement au-delà de 65 ans ; L'anatomie vasculaire et la présence de collatérales (absentes dans les cas aigus mais

développées dans les situations chroniques) ; La longueur du segment aortique remplacé (nombre d’artères et de collatérales exclues) ; Le remplacement préalable de l’aorte abdominale (perte de collatérales lombaires) ; La pression de perfusion médullaire (PPm) en dessous du clamp ; le flux dans les collatérales

est pression-dépendant, directement proportionnel à la PPm ; L'utilisation de technique protectrices médullaires (drainage du LCR) ou de techniques de

perfusion continue (CEC partielle).

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PAo distale = PAM fém PPm = PAM - PLCR PPm ≥ 40 mmHg

PLCR

PAM

ΔP = PPm

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La moelle court un risque ischémique également au moment du déclampage à cause de l’hypotension artérielle, de l’hypercarbie, de l’acidose métabolique et de l’œdème médullaire lié aux lésions de reperfusion [86].

D3

D12

Pompe: CEC

Moelle

Pompe: cœur (VG)

© Chassot 2012

Figure 18.36 : schéma d’une intervention sur l’aorte descendante dans sa partie médiothoracique. La perfusion de la crosse en amont du clamp est assurée par le VG, alors que la perfusion en aval du clamp est fournie par la pompe de CEC. La zone située entre les deux clamps n’est plus vascularisée. L’apport de sang pour la moelle épinière à ce niveau (D3-D12) dépend des collatérales venues de l’artère vertébrale et des artères lombaires ; si ce réseau est insuffisant, la moelle risque une ischémie, car ses vaisseaux nourriciers thoraciques (intercostales, artère d’Adamkiewicz) sont interrompus.

Chirurgie à ciel ouvert 14% 22% 10% 2% Endoprothèse 10% 19% 5% 3%

Figure 18.37 : incidence de l’ischémie médullaire en fonction du type d’anévrysme, de son étendue, et du mode de chirurgie (d’après références 105 et 231).

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Protection médullaire Toute une série de mesures peuvent diminuer l'incidence des séquelles neurologiques médullaires [86,98,99,231] :

Perfusion distale continue: • Shunt de Gott ; • CEC partielle ;

Drainage du LCR ; Technique chirurgicale:

• Réduction du temps de clampage ; • Réimplantation d'artères intercostales (patch de paroi postérieure implanté à la prothèse) ;

Hypothermie modérée (32°C) ; Normoglycémie ; Protection pharmacologique (douteuse) ; Monitorage de la perfusion médullaire (potentiels évoqués).

Les deux conditions essentielles pour diminuer le risque ischémique médullaire sont la réduction du temps de clampage et le maintien de la pression de perfusion de la moelle. Techniques de maintien du flux distal Le clampage de l'aorte thoracique descendante provoque d’une part une surcharge de pression massive pour le VG et d’autre part une ischémie des organes sous-diaphragmatiques et de la moelle. Pour remédier à ce double problème, on peut introduire dans la circulation un système qui décomprime le circuit au-dessus du clamp et perfuse les viscères situés distalement. Schématiquement, il existe trois moyens de le réaliser (Figure 18.39).

Durée (min) 15 45

Probabilité de dysfonction

0.1

30 60 90

0%

Incidence de paraplégie

3.5% 10% 13% 25%

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1.0 Figure 18.38 : Courbe de la tolérance ischémique de la moelle représentant la probabilité de paraplégie ou de paraparésie en fonction de la durée de l'interruption du flux sanguin (d'après réf 99 et 153).

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Un shunt prosthétique passif reliant l'aorte proximale à l'artère fémorale (shunt de Gott) permet de diminuer la postcharge du VG et d'assurer une perfusion distale au clampage. Les matériaux héparinés évitent l'anticoagulation systémique et diminuent le risque hémorragique, mais le diamètre du conduit (diamètre interne de 5-6 mm) ne permet pas de ramener la postcharge ventriculaire à la norme ni d'assurer une pression de perfusion adéquate distalement; le flux est variable et non contrôlable. Les risques de coudure et d'hémorragie aux sites d'implantation sont importants. L'utilisation de shunt n'a pas permis d'abaisser le taux de paraplégie [254].

Une pompe centrifuge non-occlusive (Biomedicus®), montée sur un circuit reliant l'OG à l'artère fémorale, maintient un débit programmé et une pression constante dans l'aorte distale. L'héparinisation n'est pas nécessaire. L'alimentation de la pompe provient de la précharge du VG: l'augmentation de son débit réduit le débit cardiaque, mais peut soulager le VG en cas de surcharge; les résultats sont encourageants [255].

Un circuit de CEC partielle fémoro-fémorale avec pompe et oxygénateur relié au patient par une canulation artérielle et une canulation veineuse fémorales assure une perfusion à débit et pression déterminés en dessous du clamp (Figure 18.40). Pour éviter une héparinisation systémique complète (héparine 3-4 mg/kg, ACT > 400 sec), on utilise de préférence des tubulures pré-héparinées qui ne nécessitent que 1 mg/kg d'héparine et un ACT de 250 sec. Le risque hémorragique et la morbidité pulmonaire sont augmentés, mais la technique autorise des temps de clampage prolongés, permet l’hypothermie et protège la fonction des viscères mésentériques, des reins et de la moelle; les résultats sont satisfaisants [145].

C

A B

D

Figure 18.39 : Techniques de perfusion en-dessous du clampage aortique. A: situation du clampage d'un anévrysme. B: shunt de Gott. C: pompe à débit continu entre l'OG et l'artère fémorale. D: CEC partielle fémoro-fémorale avec oxygénateur (d'après réf 186).

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Figure 18.40 : Schéma d'une CEC partielle lors de clampage de l'aorte descendante. La CEC maintient le sang artériel à 32°C dans l'aorte distale. La précharge (veine cave inférieure, VCI) est commune aux deux pompes. Les variations de pression des deux systèmes sont gérées en modifiant le retour vers le réservoir veineux (RV): le freiner accumule du sang pour la CEC, vide la VCI et baisse le retour au coeur, l’ouvrir freine son remplissage, maintient le volume de la VCI et augmente le retour au coeur. L'augmentation ou la diminution de la précharge modifie le débit du coeur, donc la pression artérielle en amont du clamp. La pression en aval du clamp est réglée par le débit de la CEC, qui est relativement fixe car le réservoir veineux sert de tampon. Pour l'anesthésiste, la priorité est au maintien d'une hémodynamique aussi stable que possible: limiter l'hypertension et le travail cardiaque en amont du clamp (PAM 70 mmHg), maintenir une perfusion satisfaisante en dessous du clamp (PAM 60 mmHg). Ces deux exigences sont partiellement contradictoires! En effet, l'organisme est coupé en deux circuits artériels distincts alimentés par deux pompes différentes mais partageant le même réseau veineux central (Figure 18.36 et Figure 18.40):

Le coeur et les poumons assurant la perfusion et l'oxygénation du cerveau et des membres supérieurs, alimentés par les veines caves supérieure et inférieure;

La CEC assurant la perfusion et l'oxygénation de l'abdomen (foie, reins, viscères), des membres inférieurs et du rachis (moelle), alimentée par la veine ilio-fémorale, donc la veine cave inférieure.

Ce partage de la précharge conduit à des transvasages liquidiens massifs et des échanges médicamenteux constants entre les deux circuits, alors que les pressions artérielles sont assurées par deux pompes séparées et indépendantes. La méthode la plus fiable pour régler la pression artérielle est de jouer sur la capacité de la CEC à stocker du sang. En cas d'hypertension en amont du clampage, le perfusionniste ouvre le retour au réservoir veineux et y emmagasine provisoirement du volume, ce qui diminue la précharge du cœur et baisse la pression d’amont. Au contraire, il freine le retour vers le réservoir de CEC en cas d'hypotension en amont, ce qui maintient le sang dans la VCI et augmente la précharge du cœur ; au besoin, il rajoute du volume dans la machine pour maintenir le débit de celle-ci. La précharge de la CEC est réglée par le débit de sortie du réservoir veineux. Le débit-machine doit rester d'environ 2 l/min, et la pression moyenne de perfusion de 60 mm Hg. L'adéquation de ces valeurs est jugée à la diurèse, qui doit être de 1 ml/kg/heure. La PAM d'amont est maintenue à 70 mmHg [177]. Le perfusionniste doit opérer constamment de petites corrections sur le retour veineux

2 pompes: - coeur

- CEC VCI: précharge commune Si ΔPA: régler le réservoir veineux PAM 65 mmHg Q CEC: 30 ml/kg

© Chassot 2012

RV

VCI

T 32°

Aorte clampée

CEC

Coeur

Organes sus-

clampage

Organes sous-

clampage

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au réservoir pour maintenir une certaine stabilité de la pression d’amont ; toute correction brusque aggrave le balancement de volume entre les deux circuits. Il faut cependant admettre un certain degré de "roulis rythmique" entre les deux pressions mesurées au-dessus (artère radiale) et au-dessous (artère fémorale) du clamp. On pourrait être tenté d'utiliser une perfusion de nitroprussiate pour soulager la postcharge du VG et corriger l'hypertension en amont du clamp. Malheureusement, elle se solde également par une hypotension en aval de celui-ci, qui diminue la pression de perfusion médullaire; de fait, son utilisation est associée à une augmentation du taux de paraplégie [156,213,228]. La vasodilatation artérielle est donc proscrite dans ce contexte. Les dérivés nitrés ont moins d'effets artériels, mais ils sont insuffisants pour abaisser significativement la postcharge du VG. La CEC partielle présente l'avantage de maintenir stable la pression de perfusion de la moelle et des viscères, et de perfuser les organes avec du sang oxygéné. Elle prévient l'acidose tissulaire et permet de contrôler les pressions au-dessus et au-dessous du clamp. Elle autorise aussi un certain degré de protection par une hypothermie modérée (T° vésicale 32°C). Au déclampage, elle permet une retransfusion rapide de sang réchauffé. L'utilisation de circuits pré-héparinés (heparin-coated) autorise des ACT de 250 msec, ce qui n'occasionne pas de saignements excessifs secondaires à l'anticoagulation. Ses inconvénients majeurs tiennent au risque de lésions vasculaires fémorales, à l’ischémie du membre dont la fémorale est canulée, à l'encombrement du champ opératoire, et au prolongement de la durée d'intervention [229]. Drainage du LCR Le clampage de l'aorte thoracique provoque une rapide augmentation de la pression du LCR pour deux raisons [74,86,196]:

Le flux sanguin cérébral est augmenté à la suite de l'hypertension artérielle céphalo-thoracique

proximale au clampage ; la pression intracrânienne augmente. Or le LCR est sécrété en fonction de la pression artérielle et du débit sanguin cérébral.

La résorption du LCR est diminuée car la pression veineuse jugulaire est elle aussi augmentée. Chez l'homme, la résorption du LCR est très rapide; elle est directement proportionnelle à la pression veineuse centrale, qui, de ce fait, contrôle indirectement la pression du LCR; on peut donc diminuer cette dernière par une baisse de la précharge [175].

Distalement au clamp, la pression artérielle est d'autant plus basse que la pression aortique est diminuée, alors que celle du LCR augmente; ceci crée une tamponnade médullaire. Il ne faut pas baisser la pression d'amont par un vasodilatateur artériel comme le nitroprussiate pour deux raisons.

La vasodilatation diminue les RAS en-dessus et au dessous du clamp ; elle abaisse donc la pression de perfusion médullaire distale ;

Elle augmente le flux sanguin cérébral par vasodilatation, donc élève la pression intracrânienne et celle du LCR [184]. De fait, l'utilisation de nitroprussiate aggrave le status neurologique postopératoire par baisse de la PPm : PPm (↓) = PAMdist (↓) – PLCR (↑).

La pression limite de sécurité se situerait entre 30 et 40 mmHg [188]. Mais cette approximation ne tient pas compte de la pression interstitielle médullaire (15-30 mm Hg), ni de la variation de la pression du LCR au long du rachis, ni du maintien fréquent d'une pression artérielle spinale supérieure à la pression aortique d'aval [227]. Le drainage peropératoire de LCR est une idée logique, qui permet d'améliorer effectivement la perfusion médullaire peropératoire en diminuant la PLCR [86,120,152]. Par un cathéter 16G intrathécal, on mesure la pression en continu et on prélève des échantillons de 10-20 ml de LCR pour

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maintenir la pression de celui-ci en dessous de 10-12 mmHg, ou une PPm ≥ 50 mmHg. Le total prélevé varie en général de 50 à 100 mL, à raison de 10-20 mL/heure au maximum [86]. Cette technique s’est montrée efficace pour diminuer les séquelles neurologiques du clampage aortique non seulement dans les expérimentations sur le chien mais également dans la situation clinique du remplacement aortique à ciel ouvert. Sur 17 études cliniques publiées jusqu'ici, seules trois sont contrôlées, prospectives et randomisées [57,59,239]. L'étude de Crawford n'a pas montré de différence dans les séquelles neurologiques dans le groupe chez qui le LCR était drainé au besoin, alors que les deux autres ont démontré une diminution du taux de paraplégie postopératoire, y compris par le drainage postopératoire en soins intensifs pendant les 24-48 premières heures s'il survient une paraplégie tardive [12]. Les séries non randomisées tendent à démontrer un avantage au drainage [86]. Une des dernières publications compare 741 cas avec drainage de LCR à 263 qui n'en ont pas bénéficié [215] ; les déficits neurologiques sont présents chez 2.4% des malades drainés, mais chez 6.8% des malades non drainés; la différence est plus marquée dans les anévrysmes à haut risque (type II): 6.6% versus 29%. Une méta-analyse des essais randomisés et des séries cliniques comparatives avec et sans drainage du LCR montre que l’odds ratio (OR) pour la paraplégie postopératoire est de 0.26-0.35 en faveur du drainage [47]. Souvent, la technique est associée à d'autres modalités: papavérine intrathécale, stéroïdes à hautes doses, barbituriques, bloqueurs calciques [124,231,241]. Le même bénéfice se retrouve lors de la pose d’endoptothèses (TEVAR : thoracic endovascular aortic repair) : les troubles neurologiques surviennent dans 8% des cas sans drainage, mais dans aucun lorsque le drainage est utilisé pour maintenir la PLCR < 15 mmHg (PAM ≥ 90 mmHg) [122]. Le drainage du LCR n’est pas dénué de risque et peut entraîner plusieurs complications qui, d’une manière générale, sont rares (1.5%) mais de mortalité élevée [83,152,266].

Lésion médullaire ou radiculaire directe au moment de la ponction. Hémorragie cérébrale ; une décompression rapide du LCR alors que la PVC et la PAM

intracrâniennes sont élevées peut occasionner une rupture de veines sous-arachnoïdiennes ou intracérébrales. Cet accident est rare (1-2.6%), mais sa mortalité élevée (40%).

Hématome intrarachidien ; la symptomatologie étant identique à celle de l’ischémie médullaire, il est capital de procéder immédiatement à une IRM pour faire la différence entre les deux entités, car le traitement de l’hématome est chirurgical d’emblée. Le CT-scan peut mettre en évidence l’hématome, mais, contrairement à l’IRM, ne peut pas diagnostiquer l’ischémie médullaire.

Infection ; plus longtemps le cathéter reste en place, plus le risque infectieux augmente. Il est logique de le conserver pendant 24-48 heures postopératoires car le drainage peut amender une paraplégie survenue secondairement. L’incidence de méningite est < 1%.

Les opiacés intrathécaux, qui pourraient être un mode d’analgésie efficace, se sont avérés exacerber des lésions ischémiques subcliniques et sont de ce fait déconseillés après la chirurgie aortique [136]. A l’inverse, la naloxone a un effet bénéfique sur l’incidence des séquelles neurologiques [9].

Autres techniques de préservation La consommation d'O2 du système nerveux central (CMRO2) diminue de 7% par degré centigrade; une hypothermie modérée de 32-34°C baisse les besoins de 25%. Une hypothermie sélective permet d'abaisser davantage la CMRO2, donc de prolonger la période de sécurité. Cette "spinoplégie" peut se réaliser par un circuit de CEC accompagné d'un échangeur de chaleur [50]. Expérimentalement, il a été possible de protéger efficacement la moelle par une perfusion intrathécale de Ringer ou de NaCl 0.9% à 4-6°C [22]. Ces techniques font courir le risque d'une hypothermie systémique accidentelle, avec arythmie grave (fibrillation ventriculaire) et coagulopathie. Comme pour le cerveau, l'hyperglycémie a un effet délétère sur la récupération neurologique lors d'ischémie médullaire [75]. Il faut donc veiller à maintenir une stricte normoglycémie peropératoire et éviter toute administration de solution glucosée [117].

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 58

Vu la gravité des conséquences d'une hypoperfusion médullaire, toute une série de substances dites protectrices a été essayées mais sans qu’aucune ne se soit révélée réellement efficace [9,153,230,241,265] :

Méthylprednisolone (20 mg/kg iv) ; Mannitol (0.5 g/kg) ; Magnésium (10-20 mmoles) ; Naloxone (1-2 mg) ; Nimédipine ; Thiopental (5-10 mg/kg); effet protecteur chez le chien, mais à des doses non transposables

chez l'homme. D'autres substances ont été administrées directement au contact de la moelle par voie intrathécale, sans plus de succès [22,241] :

Papavérine (1%) ; Bloqueurs de la NMDA ; Perfluorocarbone (15 ml/min pendant 15 min) ; NaCl froid (4-6°C).

Il faut encore citer les techniques d'identification, de perfusion et de réimplantation des artères intercostales, techniques longues, complexes et peu utilisées [240]. Comme l'étiologie de la paraplégie est multifactorielle, aucune technique isolée ne saurait la prévenir avec certitude. L'anatomie vasculaire et la pathologie aortique ne sont pas comparables entre l'homme et les mammifères de laboratoire, ce qui rend les résultats expérimentaux difficilement transposables en salle d'opération. Il est certain que la meilleure marge de sécurité est de diminuer autant que possible la durée et l'étendue du clampage aortique [229,231]. Ischémie d'autres organes L'incidence d'insuffisance rénale après clampage suprarénal en normothermie est de l'ordre de 10-20% [58,181]. Les principaux facteurs de risque sont la dysfonction rénale préopératoire, la durée de l'ischémie, et l'hypoperfusion rénale (hypovolémie, hypotension, bas débit cardiaque, anémie). De nombreux agents ont été envisagés à titre de protection prophylactique, mais tous restent controversés et aucun n’a fait preuve d’efficacité : mannitol (0.25-0.5 g/kg), furosémide (20 mg), dopamine (1-3 mcg/kg/min), bloqueurs calciques. Diverses techniques ont été comparées, sans qu'aucune ne s'impose réellement: clampage de courte durée, shunt distal, perfusion rénale avec du Ringer hypothermique (15°C). La rhabdomyolyse et la myoglobinurie dues à l’ischémie de la jambe dont la fémorale est canulée pour la CEC partielle est probablement un facteur majeur dans la genèse de l’insuffisance rénale [167]. Le maintien d'une volémie normale et d'une pression de perfusion adéquate pendant le clampage (CEC partielle, pompe centrifuge) sont probablement les deux points essentiels. Il faut surveiller soigneusement la diurèse dès le déclampage, et au besoin la stimuler avec du mannitol ou du furosémide, car elle est le principal signe d'une hypoperfusion rénale s'il existe une restriction au flux sanguin dans les artères rénales. Une anurie implique une exploration chirurgicale immédiate des artères rénales. Les 25-36% des patients présentent un SDRA postopératoire, avec oedème interstitiel et effet shunt intrapulmonaire [103]. Outre la combinaison malheureuse de la ventilation monopulmonaire et de la CEC, une série de facteurs sont en cause: hypervolémie, insuffisance ventriculaire gauche, vasoconstricteurs pulmonaires (rénine-angiotensine, thromboxane), augmentation de la perméabilité capillaire (endotoxines, interleukines, cytokines) et bronchoconstriction (C3a, C5a, prostaglandines, radicaux libres, cytokines, etc).

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Ischémie et protection médullaire

Le risque d’ischémie médullaire et de paraplégie est fonction de : - Faible collatéralisation de l’artère spinale antérieure ; - Etendue de la lésion et du remplacement aortique (anévrysme thoraco-abdominal, cure de AAA préalable) ; - Durée du clampage ; - Age (> 65 ans) ; - Hypoperfusion peropératoire (hypotension, hypovolémie, hypoxie, anémie) ; - Technique chirurgicale (réimplantation intercostale) ; - Technique d’anesthésie (contrôle hémodynamique, drainage lombaire). Pression de perfusion médullaire : PPm = PAM - Pression LCR. Mesures de protection médullaire : - CEC fémoro-fémorale ; - PAM en aval du clamp > 60 mmHg (en amont : 70 mmHg) ; - Drainage du LCR pour maintenir P LCR < 12 mmHg ; - Hypothermie modérée (32°C) ; - Normoglycémie ;

- Non-prouvés : mannitol, Mg2+, méthylprednisolone, naloxone, nimédipine. CEC partielle (fémoro-fémorale) : la circulation systémique comprend 2 pompes (VG au-dessus du clamp et pompe de CEC en dessous) mais une précharge commune (VCI). Maintenir : - PAM proximale : 70 mmHg ; - CEC : ≥ 2 L/min, PAM 60 mmHg ; - Pression LCR < 12 mmHg ; - Régler l’hémodynamique en modifiant la précharge par ouverture/fermeture du retour veineux vers le réservoir de la CEC. Clinique et chirurgie La pathologie cardiovasculaire est fréquemment associée à celle de l'aorte descendante: hypertension artérielle (70%), coronaropathie (44%), anévrisme préexistant déjà opéré (34%) [229,237]. Un tiers des patients souffre de bronchopathie chronique. De ce fait, la mortalité opératoire est dans 75% des cas d'origine cardiaque. Hormis les cas d’urgence, une investigation préopératoire poussée est nécessaire: échocardiographie, aortographie, coronarographie, artériographie périphérique, fonctions pulmonaires. A l'exception des ruptures traumatiques au niveau de l'isthme, la chirurgie de l'aorte descendante est le plus souvent élective. La mortalité chirurgicale de l'anévrisme thoracique reste d'environ 4-9% [48,237]. Elle est la plus élevée dans le type II (Figure 18.32). La paraplégie survient en moyenne dans 3% des cas, avec des extrêmes allant de 0.4 à 40% des cas [48,105]. L'incidence d'infarctus myocardique est de 11%, celle de SDRA de 30 % et celle d'insuffisance rénale de 10-20% [237]. Dans une série de 1'773 cas, la mortalité périopératoire est de 7.4%, le taux de paraplégie de 4.5% et celui d'insuffisance rénale de 6% ; la survie à cinq ans est de 74% [55]. Plus récemment, on a obtenu les résultats suivants avec une CEC partielle systématique : mortalité opératoire 5.3%, taux de paraplégie 2.7%, taux d’AVC 7.1%, survie à 5 ans 70% [168]. Une fois l'aorte préparée par une thoracotomie gauche ou une thoraco-phréno-lombotomie, l'intervention consiste à interposer une prothèse tubulaire pour ponter l'anévrysme, en y réimplantant

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 60

les éventuelles grosses artères intercostales visibles dans le champ opératoire (Figure 18.41). Dans les lésions thoraco-abdominales, on réimplante ensemble le tronc coeliaque et l'artère mésentérique supérieure. La technique consistant à suturer sur la prothèse un patch de paroi contenant les artères à revasculariser est actuellement remplacée par l'interposition d'une petite prothèse tubulaire, car la dilatation anévrysmale récidive sur la zone de paroi aortique utilisée pour le patch. Il arrive que l'on doive réaliser l'anastomose distale sans clampage distal; dans ce cas, la CEC est momentanément arrêtée. La coque de l'anévrysme est refermée sur la prothèse et contribue à en assurer l'étanchéité. Technique d'anesthésie Le retentissement cardiaque du clampage et les importantes variations de volume nécessitent un monitorage complexe [177].

Artère radiale droite (impératif, car la sous-clavière gauche peut être prise dans le clampage proximal): elle mesure le régime de pression entretenu par le VG en amont du clampage; manchette à pression et saturomètre sont placés au bras gauche.

Artère fémorale: elle mesure la pression de perfusion entretenue en dessous du clampage par le circuit de CEC partielle.

Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz: PVC, PAPO, débit cardiaque, résistances artérielles périphériques, SvO2.

ETO: évaluation de l'aorte descendante, fonction ventriculaire gauche et droite, surveillance de la volémie et de l’ischémie, détection d’une dilatation ventriculaire sur excès de postcharge, d'un épanchement péricardique ou pleural droit (controlatéral).

Potentiels évoqués sensitifs (PES): ils sont sensibles à l'ischémie, mais ils explorent la colonne postérieure; une paraplégie (lésion de la colonne antérieure) peut survenir à leur insu; l'appareillage est encombrant; l'hypothermie et les halogénés en altèrent la lecture (Figure 18.42) [162]. La sensibilité est modeste (62%), la valeur prédictive positive faible mais la valeur prédictive négative excellente (> 98%) [1].

Potentiels évoqués moteurs (PEM): monitorage de la colonne antérieure; la sensibilité est faible mais la spécificité est de 100% et la valeur prédictive négative excellente [79]; la curarisation est contre-indiquée; les agents d'anesthésie interfèrent avec la lecture.

© Chassot 2012

Coque de l’anévrysme

Pontage d’artères intercostales

Pontage du tronc coeliaque et de l’artère mésentérique supérieure

Prothèse

Figure 18.41 : Schéma opératoire d'un remplacement de l'aorte thoraco-abdominale par un greffon prosthétique tubulaire, avec réimplantation de deux artères intercostales et de l'ensemble du tronc coeliaque et de l'artère mésentérique supérieure.

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Pression du LCR (cathéter intradure-mérien lombaire) et calcul de la pression de perfusion médullaire (PPm = PAMdist – PLCR).

La mise en place du drainage de LCR est réalisée avant d’endormir le malade : ponction lombaire L3-L4 ou L4-L5 avec une aiguille Tuohy 14G et introduction d’un cathéter de type péridural 16-17G en position sous-durale sur environ 10 cm ; le cathéter est retiré graduellement en cas de paresthésies. Le cathéter est relié par un robinet 3-voies à un capteur de pression et à un système de drainage par gravité. Le remplissage du système est assuré par le LCR, mais on évite toute fuite externe qui décomprimerait prématurément le système nerveux central. Il est prudent de ne pas connecter au capteur un système de rinçage par flush pour éviter tout risque de surpression accidentelle ; le système n’est pas hépariné et n’est jamais rincé. On prélève du LCR par aliquot de 20 mL pour maintenir la pression à 10-12 mmHg, sans dépasser un débit maximal de 20 mL/heure [86]. Le niveau du capteur de pression est établi à celui de l’OD. Faut-il renvoyer l’intervention en cas de ponction hémorragique ? Si l’on admet que l’hémorragie intrarachidienne se tarit spontanément chez un individu dont la coagulation est normale, il est possible d’opérer après une deuxième ponction à un autre étage. L’héparinisation a lieu après un délai de plus de 2 heures, et l’utilisation de circuits héparinés autorise un dosage d’héparine de seulement 1 mg/kg, le même qu’en chirurgie vasculaire majeure. Mais la ponction est pratiquée avec une aiguille de grande taille, donc la lésion est potentiellement plus importante que dans les situations habituelles. D’autre part, l’opération s’accompagne de variations de pression intrarachidienne (élévation de la pression veineuse, drainage de LCR) qui peuvent favoriser une hémorragie secondaire. En l’absence de données chiffrées propres à cette situation, il est probablement prudent de renvoyer l’intervention en cas de ponction hémorragique lorsque la chirurgie est purement élective [267]. Toutefois, une menace de rupture anévrysmale peut forcer la main. Comme il faut rétracter complètement le poumon gauche, il est important de pouvoir assurer une ventilation monopulmonaire au moyen d'un tube à deux lumières (intubation bronchique gauche). Il est judicieux de placer le tube 2-lumières sous contrôle visuel direct par fibroscopie: un volumineux anévrisme peut comprimer la bronche souche gauche ou la carène et rendre l'intubation sélective gauche difficile, voire impossible. Si tel est le cas, il ne faut ni forcer ni insister; on change de technique et on utilise un tube monolumière avec bloqueur bronchique (Univent®) ou un tube 2-lumières droit, de manière à assurer le collapsus du poumon gauche. A la fin de l'opération, il est

0 min

30 min

50 min

Post

PES

Figure 18.42 : Potentiels évoqués sensitifs (PES) enregistrés pendant un clampage aortique. Les temps correspondent à la durée du clampage [53].

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habituellement nécessaire de transtuber le patient avant de se rendre aux soins intensifs. L'intervention est fréquemment associée à un oedème de la face et de la glotte à cause du clampage aortique et de la stase veineuse. Il faut donc être très prudent, procéder à une laryngoscopie pour évaluer la situation locale avant de transtuber, et de préférence échanger de tube sur un long mandrin. L'accès à l'aorte descendante se fait par thoracotomie postéro-latérale gauche (4ème-6ème espace intercostal), éventuellement prolongée en oblique sur l'abdomen (abord de l'aorte rétropéritonéale gauche par phréno-lombotomie). Le malade est installé en décubitus latéral droit partiel: le bras gauche est positionné comme pour une thoracotomie gauche classique, le thorax est tourné de 90° environ, la fesse gauche est surélevée (bassin incliné à 45°), les jambes sont en position neutre. Le chirurgien a ainsi accès au thorax et au pli inguinal gauche pour la canulation de CEC partielle. Les zones d’appui sont généreusement rembourrées. L'anesthésiste doit être prêt à faire face à plusieurs problèmes peropératoires:

Hémorragie (artères intercostales, viscère, sutures d'anastomoses) ; Perturbation de la coagulation (dysfonction plaquettaire, polytransfusions, fibrinolyse,

ischémie digestive, endotoxémie) ; Dépression de la contractilité myocardique (dilatation du VG, excès de postcharge) ; Ischémie myocardique et arythmies ; Acidose métabolique (ischémie viscérale) ; Vasoplégie.

La dilatation ventriculaire accompagnée d'une baisse brusque de la fraction d'éjection et de la vélocité de raccourcissement de paroi est une complication du clampage aortique qui est bien mise en évidence par l'ETO, bien plus performant que la Swan-Ganz pour ce monitorage. Sur le cathéter pulmonaire, l'apparition d'une onde "v" importante est pathognomonique mais tardive. Hormis la défaillance du VG, seule une augmentation simultanée et massive des résistances périphériques dans les deux circuits justifie la mise en route d'une perfusion de vasodilatateur. Le contrôle routinier de la pression est assuré par le réglage de la précharge au moyen du réservoir veineux de la CEC partielle (Tableau 18.5). D'une manière générale, il faut viser des valeurs de pression artérielle de 70 mmHg au-dessus du clamp et de 60 mmHg au-dessous. L’hypotension systémique est une des causes principales des séquelles neurologiques. An cas de poussée hypertensive, la première mesure est de stocker du volume dans le réservoir veineux de la CEC en l'abaissant et en ouvrant le retour. Si cela ne suffit pas (ce qui est rare) et/ou que surviennent des signe d'ischémie myocardique, une perfusion de nitroglycérine est mise en route. On ne devrait jamais utiliser de nitroprussiate. Une poussée hypertensive dans le circuit de la CEC en-dessous du clampage se maîtrise en baissant momentanément le débit de la pompe. En cas d'hypotension en amont, le premier geste est de freiner le retour veineux dans le réservoir de la CEC, ce qui augmente la précharge du coeur. Lors d'hypotension en aval, on augmente le débit de la pompe, au besoin en y rajoutant du perfusat. L'administration de vasoconstricteur est une mesure de deuxième recours. Si la pression de perfusion médullaire baisse en dessous de 40 mmHg ou que la pression du LCR dépasse 15 mmHg, on draine du LCR par le cathéter intrathécal à raison d'aliquots de 20 ml jusqu'à normalisation (< 12 mmHg); il faut veiller à ce que la pression de la CEC soit normale (PAM ≥ 60 mmHg) pendant ce temps. Le but est de maintenir une pression de perfusion médullaire d'au moins 50 mmHg et une PLCR de 10-12 mmHg [86]. La surveillance régulière de la SvO2 dans la canule veineuse de la CEC et dans le cathéter pulmonaire permet de déceler assez tôt l'installation d'une acidose métabolique secondaire à l'ischémie viscérale. Avant le déclampage. l'anesthésiste doit se préparer à affronter une hypotension sévère. Pour ce faire, il doit avoir du volume de perfusion à disposition: poches de sang contrôlées et réchauffées, PFC dégelés, colloïde (Voluven®), cristalloïdes, le tout déjà branché sur des voies veineuses de gros calibre. Momentanément, la FiO2 du ventilateur est réglée à 1.0.

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Tableau 18.5

Traitement hémodynamique lors de CEC partielle PA prox PA dist PAPO ETO Action (perfusionniste) ↑ ↓ ↓ ↓ taille ↑ débit pompe ↑ ↓ ↑ ↑ taille ↑ débit pompe ↑ drainage dans réservoir ↑ ↑ ↓ ↓ taille ↑ drainage dans réservoir ↑ ↑ ↑ ↑ taille ↑ drainage dans réservoir ↓ ↓ ↓ ↓ taille ↓ drainage dans réservoir ↓ ↓ ↑ ↑ taille ↑ débit pompe ↓ fonction inotrope ↓ ↑ ↑ ↑ taille ↓ débit pompe ↓ fonction inotrope ↓ ↑ ↓ ↓ taille ↓ drainage dans réservoir PA prox: pression aretérielle en radiale, au-dessus du clamp. PA dist: pression artérielle en fémorale, en-dessous du clamp. PAPO: pression artérielle pulmonaire d'occlusion. ETO: échocardiographie transoesophagienne La technique d'anesthésie la plus courante est une combinaison de fentanyl et d'isoflurane, de sevoflurane ou de propofol. Alors que l'isoflurane est un vasodilatateur artériolaire, le propofol baisse essentiellement la précharge; ceci peut compliquer le prise en charge peropératoire de la volémie. Le vaporisateur du ventilateur et celui de la CEC doivent afficher la même concentration inspirée de gaz halogéné, sans quoi celui-ci entre par un circuit et ressort par l'autre. L'anesthésie combinée avec une péridurale est formellement contre-indiquée dans ce type d'intervention: toute adjonction de volume dans l'espace péridural très peu compliant peut induire une dangereuse augmentation de pression et diminuer d'autant la perfusion médullaire déjà compromise. De plus, l'appréciation du status neurologique per- ou post-opératoire est impossible. Comme dans la chirurgie de la crosse, le maintien d'une stricte normoglycémie est impératif. En cas d'acidose métabolique sévère (ischémie digestive), l'addition de bicarbonate s'impose (Tableau 18.6).

Anesthésie pour la chirurgie de l’aorte descendante (I) Prise en charge hémodynamique lors de CEC partielle fémoro-fémorale avec clampage aortique :

- PAM proximale : 70 mmHg ; - CEC : ≥ 2 L/min, PAM 60 mmHg ; - Pression LCR < 12 mmHg ; - Régler l’hémodynamique en modifiant la précharge par ouverture/fermeture du retour veineux vers le réservoir de la CEC. Anesthésie:

- Isoflurane/sevoflurane ou propofol, fentanyl/sufentanil ; - Tube 2-lumières (thoracotomie gauche + phréno-lombotomie d’étendue variable) ; - Ventilation pulmonaire continue pendant la CEC (Fi halogéné identique sur CEC) ; - Drainage de LCR par cathéter sous-dural 16G lombaire (L2-L3 ou L3-L4) mis en place avant l’induction ; - Pas de péridurale.

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Anesthésie pour la chirurgie de l’aorte descendante (II) Monitorage : - Cathéter artériel fémoral + radial droit ; - Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ; - ETO ; - Pression LCR (cathéter lombaire) ;

- (Potentiels évoqués sensitifs / moteurs). Post-CEC : - Paraplégie ; - Insuffisance rénale, nécrose digestive ; - Vasoplégie (RAS basses) ; - Hémorragie (coagulopathie) ; - Insuffisance VG.

Tableau 18.6 Caractéristiques de l'anesthésie pour la chirurgie de l'aorte descendante

Caractéristiques :

Hypertension en amont du clamp Ischémie en aval du clamp 2 pompes artérielles (coeur + CEC) avec une précharge commune

Risques majeurs : Ischémie médullaire Ischémie splanchnique et rénale Acidose, vasoplégie, hémorragie

Priorités : Brièveté de l'ischémie médullaire PAM proximale 70 mmHg CEC: 2 l/min, PAM 60 mmHg PLCR: < 12 mmHg ΔPA: régler le réservoir veineux de CEC

Mesures de protection : CEC fémoro-fémorale Hypothermie modérée (Tvésicale 32°C) Drainage LCR PAM > 60 mmHg (> 70 mmHg en amont du clamp) Normoglycémie (mannitol, Mg 2+, méthylprednisolone)

Anesthésie : Maintenir PAM radiale à 70 mmHg Maintenir pression dans CEC à 60 mmHg Anesthésie et curarisation profondes: iso-/sevoflurane ou propofol, fentanyl Tube 2-lumières Pas de péridurale

Monitorage : Artère fémorale droite + radiale droite Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ETO Cathéter 16G pour drainage intrathécal

Risques postopératoires : Séquelles neurologiques: paraplégie Insuffisance rénale, nécrose digestive, SDRA Insuffisance VG Hémorragie sur troubles de la crase Vasoplégie prolongée

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Cas particulier: anesthésie pour la coarctation La coarctation de l'aorte s'opère en général chez l'enfant ou chez le jeune adulte (âge moyen: 21 ans). Toutefois, elle peut récidiver chez l'adulte. L'accès chirurgical est une thoracotomie gauche. Dans notre institution, l'équipement est semblable à ce qui vient d'être décrit:

Cathéter artériel en radiale droite ; manchette à pression et saturomètre au bras gauche ; Cathéter artériel fémoral; l'artère est en général très difficile à palper car le flux est dépulsé en

dessous de la coarctation ; 2éme saturomètre au pied ; Voie centrale à 2 lumières ; ETO ; Tube à 2-lumières ou à bloqueur bronchique (dès 15 kg) ; La péridurale est discutable en raison du risque d'ischémie médullaire pendant le clampage.

Le réseau collatéral est d'autant mieux développé que la sténose est plus serrée. Lorsque c'est le cas, le clampage de l'aorte n'occasionne pas une montée de pression de plus de 25-30 mmHg; si la pression d'amont augmente de plus de 30 mmHg, le réseau collatéral est insatisfaisant [261]. La courte sténose de la coarctation peut être réséquée sous simple clampage et l'aorte anastomosée bout à bout sans CEC. Si ce n'est pas possible, on peut réaliser un patch d'élargissement avec la sous-clavière gauche ou avec une pièce de dacron. La durée du clampage aortique est de 15 à 20 minutes. Pendant le clampage, il est de routine de perfuser de la nor-adrénaline afin de maintenir une PAM d'au-moins 60 mmHg en dessous du clamp, tout en évitant une hypertension trop importante au-dessus; celle-ci pourrait surcharger le VG et induire une hyperpression dans le LCR. La paraplégie sur ischémie médullaire survient chez 0.1-0.4% des patients. Ce risque est d'autant plus élevé que la sténose est peu importante et que le gradient de pression faible, parce que la collatéralisation est moins bien développée dans ce cas. Au déclampage, la baisse de gradient se traduit par une chute immédiate de la pression diastolique, pathognomonique de la levée de l'obstacle. Le déclampage est toujours un moment d'instabilité hémodynamique et de perte sanguine, qui réclame un apport de volume; l'acidose due à l'ischémie participe à l'hypotension. Dans le postopératoire, un effet rebond de l'hypertension est fréquent et nécessite en général une prise en charge médicale aggressive (perfusion de nitroprussiate). Cette hypertension postopératoire présente un pic à 12-24 heures, probablement dû aux décharges des barorécepteurs réglés pour l'hypertension sus-lésionnelle, et une seconde phase après 2 à 3 jours liée à un taux excessif de rénine et d'angiotensine. Elle persiste chez 20-50% des patients [154]. Dans les premiers jours postopératoires, une artérite mésentérique est fréquente; elle est due à l'hyperactivité sympathique et se traduit par des douleurs abdominales.

Anesthésie pour la cure de coarctation Hypertension en amont et hypotension en aval de la coarctation. Réseau collatéral ± développé. Le risque ischémique est plus grand lorsque le gradient de pression est faible (peu de collatéralisation). Résection/suture de l’isthme aortique par thoracotomie gauche (tube 2-L). Durée du clampage si anastomose directe : 20 minutes. Clampage aortique : si la PA d’amont ↑ > 30 mmHg, le réseau collatéral est insatisfaisant. Anesthésie : maintenir PAM en dessous du clamp > 60 mmHg (phényléphrine, noradrénaline) ; Monitorage : - Cathéter artériel radial droit et fémoral ; - Voie veineuse centrale ; - ETO.

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Chirurgie de l’aorte abdominale Epidémiologie L'incidence de l'anévrysme de l'aorte abdominale est de 0.4‰ dans la population occidentale; elle prédomine à partir de 50 ans. Dans 20% des cas, la lésion a plus de 7 cm de diamètre, et le taux de rupture moyen est de 20% [163]. Le facteur le plus important pour la rupture est la dimension de l'anévrysme. Alors qu'il est inférieur à 15% lorsque l'aorte mesure moins de 4 cm, le risque de rupture est de 30% à 6 cm, 50% à 7 cm et 75% à 8 cm [151]. Les patients porteurs d'un anévrysme ont deux fois plus de risque de décéder en périopératoire que les malades opérés pour une lésion occlusive de l'aorte (syndrome de Leriche). D'autre part, la mortalité périopératoire est fonction du niveau de clampage; de 2-5% en cas de clampage sous-rénal, elle passe à 13-20% lors de clampage supra-coeliaque (Figure 18.43) [14]. En cas de rupture, elle oscille entre 15 et 50%. Dans l'anévrysme, l'indication opératoire est la prévention de la rupture, alors que dans la maladie occlusive l'indication est posée en fonction de la symptomatologie des patients: ischémie digestive, claudication des membres inférieurs, neuropathie ischémique. La douleur, un diamètre supérieur à 5 cm et une croissance de plus de 1 cm par an sont des indications chirurgicales formelles [107].

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Sous-clampage: ↓ PAM de > 90% Ischémie rénale, splanchnique, acidose, vasoplégie

Art mésent sup

Art mésent inférieure

Art rénales

Sus-clampage: ↑↑ RVS ↑ PAM ↓ débit cardiaque ↑ PVC et PAPO

Tronc coeliaquee

Clampage sus-rénal

Clampage sous-rénal

Clampage supra-coeliaque

Flux des collatérales

Figure 18.43 : Illustration schématique des différents niveaux de clampage de l'aorte abdominale. Un clampage supracoeliaque coupe la vascularisation du foie, de la rate, du pancréas, des reins et de tout le tube digestif. Un clampage sus-rénal épargne le foie, la rate, le duodénum, l'intestin grêle et le pancréas. Le réseau des collatérales, dont le flux est pression-dépendant, assure un débit variable dans la zone distale au clamp.

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La prévalence de coronaropathie est très élevée dans les pathologies de l'aorte abdominale, mais elle est variable selon les populations. Par exemple, l’incidence d’angor clinique est de 20% en France et de 49% en Suède, et celui d’infarctus respectivement de 16% et 50% [17,123]. Plus de la moitié des patients sont hypertendus, un quart souffre de BPCO, et 10% sont diabétiques [63]. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion diminuent le risque de rupture, et les statines freinent la croissance des anévrysmes [107]. Le taux d'insuffisance rénale postopératoire nécessitant une hémofiltration ou une hémodialyse est de 5% dans la chirurgie sous-rénale, et de 17% lors de clampage sus-rénal [35]. Effets du clampage aortique abdominal D'une manière générale, deux données déterminent le retentissement hémodynamique du clampage de l'aorte.

Le degré de sténose aortique et de collatéralisation: l'effet du clampage est majeur dans les anévrysmes, parce que le flux était normal jusque-là, alors qu'il est minime dans une sténose qui ne laissait passer qu'un filet de sang; de plus, le développement des collatérales lors de sténose assure un flux distal malgré le clampage;

Le niveau du clampage: plus il est distal, moins le clampage a de retentissement hémodynamique (Tableau 18.7) et moins l'ischémie des organes abdominaux est importante.

Tableau 18.7

Effets hémodynamiques du clampage de l'aorte abdominale selon le niveau Supracoeliaque Sus-rénal Sous-rénal

Pression artérielle moyenne (mmHg) 54 5 2 PAPO (mmHg) 38 10 0 Surface télédiastolique VG (cm2) 28 2 9 Surface télésystolique VG (cm2) 69 10 11 Fraction d'éjection (%) - 38 - 10 - 3 Anomalies de la contraction segmentaire (%) 92 33 0 Infarctus périopératoire (%) 8 0 0

(D’après ROIZEN MF, BEAUPRE PN, ALPERT RA. Monitoring with two-dimensional transesophageal echocardiography: comparison of myocardial function in patients undergoing supraceliac, suprarenal-infraceliac or infrarenal aortic occlusion. J Vasc Surg 1984; 1:300-10)

Une ischémie médullaire survient de manière apparemment aléatoire dans 0.25% des cas ; parmi les origines possibles, on relève la durée du clampage, son niveau, l’hypotension pendant le clampage, l’embolisation depuis l’aorte, ou l’interruption du flux dans les iliaques internes ; mais aucune de ces causes ne s’est révélée déterminante [208]. Niveaux de clampage aortique On peut distinguer schématiquement trois niveaux de clampage (Figure 18.43).

Clampage supra-coeliaque, caractérisé par une ischémie de tout le réseau splanchnique (foie, viscères et reins). Le clamp est positionné au niveau ou au-dessus du diaphragme, ce qui présente un risque d’ischémie médullaire au même titre que la chirurgie de l’aorte descendante basse. On peut utiliser une CEC fémoro-fémorale pour maintenir le débit sanguin dans tout l’hémi-corps inférieur, ou perfuser sélectivement chacun des troncs artériels viscéraux pour

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 68

éviter l’ischémie digestive (mais non médullaire). La mortalité opératoire est directement liée à la durée de l’ischémie viscérale dès que celle-ci dépasse 30 minutes (odds ratio 10.8) [14] ; les complications digestives et l’insuffisance rénale affectent respectivement 34% et 23% des patients.

Clampage supra-rénal. L’insuffisance rénale postopératoire (incidence 22%) est directement liée à la durée de l’ischémie ; le taux de malades dialysés en postopératoire est de 4-10% ; il est directement proportionnel au niveau préopératoire de la créatinine ; la mortalité est de 3-11% [14,259].

Clampage infra-rénal. La mortalité est inférieure à 5% et le taux d’insuffisance rénale postopératoire de 3-5% [245].

Physiopatholgie du clampage aortique Le clampage cause une augmentation immédiate de l'impédance à l'éjection ventriculaire gauche. Pour vaincre cette résistance, le VG augmente son volume télédiastolique (phénomène de Frank-Starling) en augmentant sa précharge, et accroît sa contractilité (effet Anrep). De plus, une redistribution du flux coronaire vers le sous-endocarde augmente la perfusion dans les zones les plus sollicitées lorsque la tension de paroi s'élève. L'équilibre hémodynamique va dépendre du degré d'augmentation de la postcharge, des possibilités du VG à augmenter sa force, et du retour veineux effectif qui permet de régler la tension de paroi télédiastolique. L'hypertension d'amont est due à l'effet mécanique du clampage, mais aussi à la décharge sympathique (sécrétion d’adrénaline et de noradrénaline) et à l'activation du système rénine-angiotensine [94,95]. Pendant le clampage de l’aorte abdominale, le flux dans l’aorte thoracique descendante baisse d’environ 30% ; les signes de souffrance digestive (baisse du pHi gastrique) apparaissent lorsque le flux est < 0.8 L/min/m2, alors que la fonction gastro-intestinale est protégée s’il est > 1.2 L/min/m2 [143]. En cas de dysfonction systolique (FE < 0.4), le VG est extrêmement sensible à la postcharge. Son volume systolique baisse lorsque cette dernière augmente ; il dilate sans parvenir à augmenter sa force éjectionnelle. Sa pression de remplissage est élevée à cause de la défaillance ventriculaire; une onde "v" apparaît sur le tracé de la PAPO. Dans ce cas, un vasodilatateur artériel est nécessaire pour maintenir le débit cardiaque. En cas d'ischémie coronarienne, l'augmentation de la tension de paroi en systole (accroissement de postcharge) et en diastole (accroissement de précharge) provoque une dangereuse élévation de la demande en O2 et un risque élevé d'ischémie sous-endocardique. C'est un dérivé nitré qui est alors nécessaire pour baisser la précharge et améliorer le flux coronarien. Mais l'augmentation des pressions de remplissage peut aussi être due à une redistribution du volume sanguin. L’interruption du flux au-delà du clamp n’alimente plus le réseau veineux ; celui-ci se vide progressivement et la capacitance veineuse des organes diminue. Ceci correspond à un transfert de volume sanguin depuis la circulation splanchnique vers la circulation systémique de la partie supérieure du tronc et des bras, où la précharge augmente et où le débit double [93]. Dans les clampages sous-rénaux, ce phénomène est amorti parce que le lit splanchnique encore perfusé agit comme un réservoir et thésaurise le volume transféré ; la précharge et le débit cardiaque se modifient peu. Lorsque l'occlusion se prolonge, un deuxième phénomène entre en jeu : le lit vasculaire ischémié se vasodilate à cause de l'acidose, le sang y reste stocké, et le retour veineux baisse progressivement. Le ventricule ne dispose plus alors de la précharge nécessaire au développement d'une force contractile adéquate. Un apport de volume devient essentiel, quand bien même les pressions de remplissage ne sont pas basses. La précharge ventriculaire évolue donc en deux temps pendant un clampage de l’aorte abdominale :

Au début, augmentation lorsque la veine cave se vide progressivement dans l’OD ; Puis diminution lorsque cette source s’est tarie et que le réseau ischémié s’est vasodilaté

(stockage de sang perfusé par les collatérales).

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Un vasodilatateur artériel comme le nitroprussiate est susceptible de diminuer la postcharge par baisse des résistances artérielles au-dessus du clamp, mais il n'augmente pas le flux en dessous du clamp, car les vaisseaux y sont déjà maximalement dilatés à cause de l'ischémie. En effet, distalement au clampage, le flux dépend de la pression locale et non du débit cardiaque; il est assuré par la collatéralisation anatomique qui est d'autant plus importante que le clampage est distal, et par les collatérales qui se sont développées en cas d'obstruction aortique chronique. Dans les collatérales, le flux est pression-dépendant. L'utilisation de vasodilatateurs artériels en cours de clampage baisse encore la pression de perfusion résiduelle au-dessous du clamp et compromet davantage la survie tissulaire [93]. Elle n’est donc indiquée qu’en cas de défaillance prouvée du VG (par exemple dilatation ventriculaire à l’échocardiographie).

Clampage de l’aorte abdominale Anévrysme : flux conservé, le clampage augmente fortement la postcharge du VG. Sténose (syndrome de Leriche) : flux très faible, forte collatéralisation ; peu d’effet du clampage. Clampage supra-coeliaque : ischémie du foie, des viscères, des reins et de la moelle ; prise en charge comme la chirurgie de l’aorte descendante. Clampage sus-rénal : ischémie rénale ; insuffisance rénale postopératoire dans 22% des cas. Clampage sous-rénal : risque moindre. Physiopathologie du clampage aortique : - ↑ postcharge du VG ; - Le VG ↑ sa contractilité par effet Starling (↑ Vtd) ; - Après quelques minutes, le retour veineux par la VCI baisse ; l’ischémie provoque une vasodilatation et un stockage de sang en dessous du clamp ; - Le Vtd du VG doit être maintenu par du remplissage pour pouvoir bénéficier de l’effet Starling ; - Si VG dysfonctionnel (FE < 0.5), risque de dilatation aiguë sur ↑ postcharge. Même si la PAM est maintenue, l’augmentation de postcharge représente un stress majeur pour le VG, dont la performance systolique baisse momentanément (↓ FE, ↓ vélocité d’éjection, ↓ Vcf, ↑ durée d’éjection). L’importance des effets hémodynamiques est fonction du niveau de clampage. Les amines à effet béta augmentent la performance du VG, mais augmentent aussi sa VO2. Les vasodilatateurs artériels baissent la postcharge du VG ; mais ils baissent la pression de perfusion coronarienne et diminuent le flux collatéral qui maintient une perfusion minimale en dessous du clamp. Déclampage de l'aorte Le déclampage est un moment d'instabilité hémodynamique. La pression artérielle baisse brusquement pour plusieurs raisons [93,151]:

Baisse soudaine de la postcharge à l'ouverture du clamp ; Hémorragie chirurgicale par les anastomoses ; Séquestration de volume dans le lit distal vasodilaté par l'acidose ; Acidose métabolique systémique (retour veineux de sang acide depuis zones ischémiées) ; la

PetCO2 augmente ;

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Mise en circulation de substances vaso-actives (cytokines, TNF, kinines, interleukines, thromboxane, prostaglandines, radicaux libres peroxydants, cascade du complément) qui ont un effet vasodilatateur systémique, vasoconstricteur pulmonaire et cardio-dépressif [211] ;

Endotoxines bactériennes franchissant la barrière intestinale et colique à la faveur de l'ischémie tissulaire [209] ;

Hypérémie réactive des territoires ischémiés, maximale à 15 minutes. Le lit vasculaire qui était au-dessus du clamp répond mieux aux vasoconstricteurs artériels que le lit distal, encore vasoplégique à cause de l'ischémie et de l'acidose. Insuffisance rénale aiguë et protection rénale Les glomérules filtrent passivement le plasma; ils reçoivent la majorité du flux plasmatique rénal (FPR), mais consomment peu d'O2. La médullaire, au contraire, a un débit sanguin plus faible, mais consomme beaucoup d'O2 car elle opère tout le travail de concentration active de l'urine; elle est donc beaucoup plus sensible à l'ischémie et à l'hypovolémie [36]. L'ischémie est évidemment quasi-complète (90%) lors de clampage sus-rénal. Mais lors de clampage sous-rénal, le flux plasmatique rénal est tout de même diminué de 38% et la clearance à l'hippuran de 29%; les résistances vasculaires rénales augmentent jusqu'à 75%; ces phénomènes se prolongent jusqu'à 60 minutes après le déclampage et compromettent sérieusement la perfusion médullaire [91]. Le taux d'insuffisance rénale postopératoire est de 3-5% dans la chirurgie sous-rénale, et de 17-22% lors de clampage sus-rénal [35,245]; il s'élève jusqu'à 28% dans les cures d'anévrysmes thoraco-abdominaux [200]. La mortalité de l'insuffisance rénale postopératoire nécessitant une dialyse est de 20-30%. Une augmentation de > 50 µmol/L de la créatinine survient dans 15% des cas et correspond à une aggravation du pronostic : la mortalité passe de 1.4% à 7.7% lorsque ce seuil est franchi [78]. Les facteurs déterminants pour l'apparition d'une insuffisance rénale postopératoire sont les suivants [118,243] :

Hypovolémie et hypotension per- et postopératoires ; Durée de l'ischémie (clampage > 50 min) ; Anémie per- et postopératoire ; Néphropathie préexistante (créatinine > 200 µmol/L) ; Age du patient (> 65 ans) ; Maladie athéromateuse (risque embolique peropératoire) ; Réponse inflammatoire systémique (endotoxines, cytokines, etc).

L’hypotension peropératoire et le bas débit cardiaque postopératoire sont les principaux facteurs de risque indépendants [245]. Réduire la durée de l'ischémie rénale et maintenir l'adéquation hémodynamique constante (pression de perfusion et volémie) sont donc les deux facteurs prioritaires pour la préservation de la fonction rénale périopératoire. Agents néphroprotecteurs Le mannitol, les diurétiques de l'anse et la dopamine sont souvent utilisés dans le but de prévenir les lésions ischémiques rénales. Comme celles-ci sont dévastatrices, on a tendance à utiliser toute substance qui pourrait avoir une activité prophylactique, même douteuse, pour autant qu'elle soit inoffensive. Or ces trois agents ne sont pas innocents: les diurétiques provoquent une hypovolémie dont le danger pour la fonction rénale est beaucoup plus important que le gain escompté sur la protection ischémique; la dopamine a des effets alpha et béta (vasoconstriction, tachycardie, augmentation de la VO2) proportionnels à la dose administrée qui sont délétères en cas d'ischémie myocardique. Ces substances augmentent certes le débit urinaire, mais la diurèse en elle-même, aussi

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consolante qu'elle soit pour l'anesthésiste, ne modifie pas le pronostic de l'insuffisance rénale postopératoire [3]. La dopamine à raison de 1-3 mcg/kg/min augmente le FPR, la filtration glomérulaire et la diurèse. Son effet rénal est davantage tributaire de l'augmentation du débit cardiaque et du débit mésentérique que d'un mécanisme protecteur sur les reins. La dopamine prophylactique à "dose rénale" ne s'est avérée d'aucune incidence sur la fonction rénale postopératoire ni sur le devenir des patients en état critique [21]. Lorsque les malades sont euvolémiques, elle n'améliore pas la fonction rénale ni le pronostic dans le cadre de la chirurgie aortique ou des soins intensifs chirurgicaux [31,71]. Bien qu'elle ait un effet favorable sur la diurèse, aucune étude clinique concluante n'a démontré un quelconque bénéfice à l'utilisation prophylactique de la dopamine dans le cadre de l'insuffisance rénale postopératoire [155,187]. Le mannitol est filtré complètement dans les glomérules, et n'est pas résorbé dans les tubules. Il augmente le volume plasmatique et la diurèse par augmentation de l'excrétion d'eau et diminution de la réabsorption de sodium. De plus, il a une activité anti-oxydante et s'oppose aux effets des groupes hydroxyles ("radicaux libres") libérés lors de la revascularisation. Les preuves de son efficacité comme agent protecteur contre les effets de l'ischémie rénale sont très pauvres; aucune étude clinique n'a mis en évidence une amélioration quelconque du pronostic de l'insuffisance rénale postopératoire [219]. Le furosémide augmente le FPR et baisse les résistances vasculaires rénales en plus de son effet diurétique. Son utilisation prophylactique diminue clairement l'incidence de l'anurie, mais ne modifie pas le pronostic de l'insuffisance rénale [37]. Aucune étude randomisée n'existe dans le cadre de la chirurgie aortique. En peropératoire, il n'a sa place que pour la démonstration de la reprise de la fonction rénale après une période d'ischémie liée à une reconstruction aortique, lorsqu'il y a un doute sur la qualité de la revascularisation chirurgicale; dans ce cas, l'absence de diurèse malgré 10-20 mg de Lasix® est une indication à compléter immédiatement l'intervention par un pontage supplémentaire ou une réinsertion des artères rénales. Si la prophylaxie pharmacologique est sans effet, il n'en reste pas moins que quatre éléments ont une part prépondérante dans la genèse de l'insuffisance rénale postopératoire: la durée de l'ischémie, l'hypovolémie, l’hypotension et l’anémie. La première est du ressort de l'opérateur, mais la deuxième est entre les mains de l'anesthésiste. Le maintien d'un volume circulant et d'une pression de perfusion adéquate est la clef de la prévention rénale. L'incidence de dysfonction rénale postopératoire passe de 33% à 10% lorsque les pressions de remplissage sont maintenues élevées (PAPO > 12 mmHg) tout au long de l'intervention sur l'aorte abdominale [119].

Insuffisance rénale postopératoire L’incidence et la gravité de l’IR postopératoire sont fonction de :

- Fonction rénale préopératoire ; - Agents néphrotoxiques ; - Durée de l’ischémie peropératoire ; - Hypotension peropératoire (hypovolémie, vasoplégie) ; - Bas débit cardiaque ; - Anémie.

Aucun agent pharmacologique (dopamine, mannitol, diurétique) n’a d’effet protecteur significatif. La meilleure protection est le maintien de la PAM (≥ 80 mmHg), du volume systolique et de l’Hb.

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Chirurgie Il existe deux approches chirurgicales pour la chirurgie de l’aorte sous-diaphragmatique.

Après avoir récliné les anses digestives, l’approche transpéritonéale médiane offre un accès à la face antérieure de l’aorte jusqu’aux artères rénales vers le haut et jusqu’aux iliaques externes vers le bas ; cette laparotomie retarde la reprise du transit.

L’abord rétropéritonéal implique un bascule du bassin de 45° vers la droite et une position du thorax en décubitus latéral droit ; l’installation est semblable à celle requise pour la chirurgie de l’aorte descendante. L’incision s’étend depuis le bord gauche du muscle grand droit jusqu’à la 10-12ème côte (parfois réséquée). Cet abord permet un clampage sus- ou sous-diaphragmatique ; il diminue la durée de l’iléus et l’intensité de la douleur postopératoire.

Technique d'anesthésie La technique d'anesthésie est choisie en fonction de trois contraintes: la stabilité hémodynamique peropératoire, la haute prévalence de l'ischémie coronarienne, et le confort de la période postopératoire. Elle consiste en un opiacé (fentanyl, sufentanil) à doses permettant un réveil rapide, un curare (vecuronium, pancuronium, esmeron, cisatracurium), et un agent d'anesthésie assurant le sommeil. Le propofol a le défaut de diminuer la précharge et de bloquer la réponse tachycarde en cas d'hypovolémie [221] ; il n'offre pas de protection contre l'ischémie. Les halogénés, au contraire, ont un effet cardioprotecteur par leur action de préconditionnement, et sont particulièrement indiqués vu le risque ischémique [132,270]. L'isoflurane a un effet vasodilatateur artériel marqué, alors que le sevoflurane modifie moins les résistances artérielles systémiques. L'analgésie péridurale (niveau D8-D10) offre certainement la meilleure qualité de confort postopératoire, mais son utilisation en peropératoire aggrave souvent le déséquilibre hémodynamique (voir page 73, Anesthésie loco-régionale). Le monitorage de ces patients est étendu: ECG avec surveillance du segment ST, mesure invasive de la pression artérielle par un cathéter radial (si possible du côté non dominant), voie veineuse centrale (PVC). Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz n'est indiqué que si le malade présente une défaillance ventriculaire grave (FE < 0.4) ou une affection pulmonaire invalidante (hypertension pulmonaire, BPCO sévère) ; il n’est nécessaire que pour les clampages supra-coeliaques. Pour la surveillance cardiaque, il peut être remplacé efficacement par l'échocardiographie transoesophagienne (ETO) en peropératoire. L'ETO permet de surveiller très étroitement la réaction ventriculaire au clampage (dilatation du VG, fraction d’éjection, durée d’éjection, surfaces télésystolique et télédiastolique, apparition d'une insuffisance mitrale,) et l'adéquation du remplissage (précharge), mais elle n'est pas un moyen efficace pour la surveillance de l'ischémie. En effet, elle n'est pertinente que pour les ischémies tronculaires transmurales qui se traduisent par une modification de la contractilité segmentaire, mais non pour les lésions sous-endocardiques qui ne se manifestent pas par des altérations de la fonction segmentaire. Or le clampage aortique et l'élévation de postcharge augmentent la tension de paroi ventriculaire et mettent précisément en danger la couche sous-endocardique la plus fragile. De ce fait, la valeur prédictive de l'ETO n'est que de 32% en chirurgie non-cardiaque alors qu'elle est de 88% dans le cadre de la chirurgie coronarienne [51]. Le système PiCCO n’est pas fiable lors des variations brusques de l’impédance aortique ; il réclame un étalonnage à chaque clampage ou déclampage de l’aorte [44]. L'hypothermie est une menace constante lors d'une longue laparotomie pendant laquelle les anses digestives sont exposées à l'air. Elle est un facteur indépendant hautement prédictif des complications cardiaques per- et postopératoires et de retard à l'extubation [87]. Tout doit être mis en oeuvre pour la combattre.

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Clampage de l'aorte Le clampage est précédé de l’administration d’héparine (100 U/kg iv). La pression artérielle doit être maintenue assez haute pour assurer le maximum de débit par les collatérales distalement au clamp. L'ETO est très utile pour surveiller le risque de défaillance du VG face à cette augmentation de postcharge, surtout chez les patients qui ont une fonction systolique diminuée: la pression désirée est la PAM la plus élevée que le VG tolère sans dilatation (valeurs de PAM: 80-100 mmHg) et que le chirurgien tolère sans aggravation de l’hémorragie. Isoflurane, phentolamine en bolus et nitroprussiate en perfusion sont les moyens habituels de régler l'hypertension, mais au risque de compromettre la perfusion en dessous du clampage. En cas de modifications du segment ST, la nitroglycérine en perfusion est indiquée, en veillant à ce que la précharge et la PAM restent adéquates. Le jeu des transferts de volume entre compartiments vasculaires ischémiés et perfusés, puis la vasoplégie des territoires situés en aval du clamp, font que les pressions de remplissage, d'abord hautes, ont tendance à baisser progressivement au cours du clampage. Vu le rétrécissement des zones perfusées à la partie supérieure du corps, il est normal que la PaCO2 et la PetCO2 diminuent. Elles augmentent brusquement au déclampage. Déclampage de l'aorte Pour amortir les à-coups tensionnels au moment du déclampage, on dispose de plusieurs moyens:

Augmentation du volume circulant dans les minutes qui précèdent le déclampage (Ringer-lactate, colloïde) ;

Déclampage très progressif par l'opérateur ; Systèmes d'autotransfusion (Cell-Saver™) ; Perfusions accélérées de Ringer-lactate et de colloïde, éventuellement poches de sang ; Soutien hémodynamique avec de la dopamine ; Vasoconstricteurs artériels (néosynéphrine, nor-adrénaline) en cas de vasoplégie, en sachant

qu'ils agissent préférentiellement dans la zone située au dessus du clampage et non dans les zones ischémiées et vasoplégiques ;

Hyperventilation pour accélérer l'élimination des valences acides (↑ PaCO2).

Anesthésie pour la chirurgie de l’aorte abdominale Priorités : - Stabilité hémodynamique peropératoire ; - Risque ischémique myocardique (haute prévalence de coronaropathie) ; - Confort postopératoire. Anesthésie : - Dysfonction diastolique fréquente ; - Maintien par isoflurane/sevoflurane (protection ischémique par préconditionnement) ou propofol en perfusion ; - Monitorage : cathéter artériel radial, voie veineuse centrale, sonde urinaire ;

- Maintien PAM ≥ 80 mmHg.

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Cure d'anévrysme rompu L'intervention en urgence pour une rupture d'anévrysme abdominal est grevée d'une mortalité de 15-50%. L'élément le plus important pour le pronostic est la durée écoulée entre le début des symptômes aigus et le moment où l'hémorragie est contrôlée. Viennent ensuite une série de facteurs: l'âge (> 75 ans), une anamnèse d'insuffisance cardiaque ou d'insuffisance rénale, une hypotension artérielle de plus de 2 heures (PA systolique < 100 mmHg), une anurie depuis 12 heures. Le point capital est de pouvoir clamper l'aorte; on peut être amené à équiper le patient après l'induction, en se contentant d'une bonne voie veineuse et d'un tube oro-trachéal pour l'incision. L'hémorragie peut être cataclysmique. Anesthésie loco-régionale et combinée Le rationnel de l'anesthésie loco-régionale (ALR) ou de l'anesthésie combinée est triple:

Diminuer la réponse neuro-endocrine sympathique au stress ; Diminuer l'hypercoagulabilité périopératoire ; Diminuer le stress postopératoire (tachycardie, hypertension, douleur, hypoventilation).

D'une manière générale, les marqueurs de la réaction de stress sont abaissés chez les malades qui ont une péridurale thoracique: noradrénaline, adrénaline, cortisol, taux de lactate sont diminuées dans le sinus coronaire [85]. La fibrinolyse est accrue, moins de fibrine est formée [207]. Selon le niveau, les effets de l'anesthésie rachidienne ne sont pas identiques. Il faut distinguer la péridurale thoracique haute (C7-D4), la péridurale médio-thoracique (D5-D10), et la péridurale lombaire. Le niveau recommandé pour la chirurgie de l'aorte abdominale est D8-D11. L'analgésie thoracique haute (C7-D4) vasodilate le réseau coronarien et diminue l'angor, induit une bradycardie, améliore la fonction systolique et diastolique chez les coronariens [29,220.221]. Toutefois, la sympathectomie cardiaque peut diminuer la contractilité myocardique lorsque celle-ci est dépendante de la stimulation sympathique centrale [101]. Le bloc sympathique thoracique provoque une vasodilatation systémique et une hypotension. Chez les patients éveillés, ces effets sont compensés par une réaction sympathique réflexe dans les territoires non bloqués, pouvant d'ailleurs entraîner secondairement une augmentation de la postcharge. Sous anesthésie générale, par contre, on peut assister à une hypotension liée à une absence de réflexe vasoconstricteur dans les zones non bloquées et à une cardiodépression supplémentaire par les agents d'anesthésie [16]. Dans une péridurale lombaire ou thoracique basse (< D6), l'hypotension n'est pas accompagnée d'une baisse de consommation d'O2 myocardique par sympathectomie cardiaque; elle peut même être aggravée par la stimulation sympathique des segments supérieurs non bloqués par l'ALR [246]. Le flux coronarien en aval d'une sténose peut alors diminuer à cause de l'hypotension, quand bien même la demande en O2 augmente, aggravant ainsi la situation [165]. Avec une péridurale thoracique haute, au contraire, la diminution du flux coronarien est accompagnée d'une diminution de la demande en O2; l'équilibre du rapport DO2/VO2 est maintenu. Le même degré d'hypotension dans une ALR thoracique ne cause pas d'altération ischémique de la cinétique segmentaire à l'échocardiographie alors qu'il le fait dans une ALR lombaire [214]. Les études comparatives randomisées de l'anesthésie combinée et de l'anesthésie générale seule dans le cadre de la chirurgie aortique abdominale donnent des résultats conflictuels ou des avantages peu significatifs pour la péridurale [16,19,204,262,268]. Hormis une extubation précoce, l'anesthésie combinée ne crée aucune différence dans la mortalité, la morbidité ou le devenir des patients [183,191,203]. Toutefois, dans le sous-groupe des cas à haut risque cardiaque chez qui l'intervention est longue et difficile, la péridurale continue peut diminuer l'incidence de complications pulmonaires (14% versus 28%), cardiaques (10% versus 18%) et cérébrales (0.5% versus 5%) [19,191]. Il ressort également de certaines études que le taux de complications pulmonaires, de thromboses veineuses et

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 75

de reprises chirurgicales pour obstruction de pontages est diminué dans les groupes qui bénéficient d'une ALR [46,247]. Mais si la morbidité cardiaque est abaissée dans plusieurs publications, cela paraît davantage en relation avec la qualité de l'analgésie postopératoire, qui est indéniable, qu'avec la sympathectomie peropératoire [16,30,191]. Le clampage aortique occasionne de nombreux déséquilibres hémodynamiques (Figure 18.44). Le blocage sympathique de la péridurale diminue la poussée hypertensive en amont du clamp, mais baisse la pression résiduelle en aval et augmente considérablement les besoins liquidiens peropératoires pour compenser le stockage dans le réseau veineux. Le degré de veinodilatation dépend de l'étendue du bloc et de l'incorporation ou non du réseau splanchnique dans la zone vasodilatée. En effet, cette dernière fonctionne comme un réservoir qui stocke le sang si elle fait partie des territoires bloqués; si elle en est en-dehors, elle bénéficie de la vasoconstriction réflexe des territoires non bloqués et relargue le volume dans la circulation. L'utilisation d'anesthésiques locaux en péridurale pendant l'opération augmente considérablement les besoins liquidiens, ce qui tend à prolonger l’iléus postopératoire à cause de l’œdème tissulaire diffus. En outre, il est fréquemment nécessaire de mettre en route une perfusion de dopamine et/ou de noradrénaline pour contrebalancer les effets de la sympathectomie, et de donner un diurétique pour rétablir l'équilibre liquidien [198]. Avec une péridurale fonctionnelle, l'hypotension est accentuée au déclampage. Le bénéfice de la péridurale pour l’antalgie postopératoire est incontestable, mais son bilan en peropératoire est mitigé. L'utilisation optimale de la péridurale consiste à monter le bloc dès la fermeture du péritoine postérieur, de manière à bénéficier de l'analgésie maximale au moment du réveil du patient sans en avoir les inconvénients hémodynamiques en cours d’intervention. Seuls les

Clampage aortique

↑ postcharge VG ↑ catécholamines

Veinoconstriction Force contractile VG ↑

↑ précharge Déplacement splanchnique

↑ précharge si tonus veineux ↑

↓ précharge si tonus veineux ↓

↓ précharge avec acidose/ischémie

Maintien DC si flux coron ↑

↓ DC si ischémie

Effet Starling

↓ mVO2 si péri C7-D4

© Chassot 2012

Figure 18.44 : Effets hémodynamiques du clampage aortique. L'utilisation d'une péridurale en peropératoire diminue la sécrétion de catécholamines et la veinoconstriction (cadres bleus), donc la précharge; d'où augmentation des besoins liquidiens. Du côté artériel (cadres rouges), la baisse des catécholamines endogènes diminue certes la postcharge du VG, mais aussi sa contractilité. Ceci s'acompagne d'une baisse de la mVO2 en cas de bloc C7-D5, mais non en cas de bloc inférieur à D6; il y alors un risque d'ischémie myocardique.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 76

cas à haut risque d'ischémie myocardique bénéficient de l'utilisation peropératoire continue du bloc, parce qu’il diminue la nocivité de la stimulation sympathique [191]. Même si on ne l'utilise que pour le postopératoire, la péridurale doit être mise en place avant l'intervention, de manière à pouvoir faire un status neurologique immédiat et à maintenir un délai d'au moins une heure entre la pose du cathéter et l'administration d'héparine. De nombreux malades vasculaires sont sous antiplaquettaires. L’arrêt préopératoire de la bithérapie (aspirine + clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor) pendant 5-7 jours est obligatoire pour réaliser une ALR rachidienne, qui n’est possible que chez les patients sous aspirine seule (< 300 mg/j) [102]. L’interruption des antiplaquettaires fait courir un risque majeur d’infarctus, de thrombose de stent et de mortalité en périopératoire (taux d’infarctus 20-60%, mortalité moyenne 35%). Or la protection offerte par l’ALR rachidienne est très modeste dans ce contexte : la péridurale thoracique haute ne diminue la morbidité cardiaque que de 40%, et l’ALR réalisée en dessous de D6 n’a pas d’effets significatifs sur le risque cardiovasculaire ; dans les deux cas, la mortalité n’est pas modifiée. Il est donc évident que le risque encouru à l’arrêt des antiplaquettaires est largement supérieur au bénéfice escompté de l’ALR : l’interruption des antiplaquettaires au seul titre de pouvoir pratiquer une péridurale est injustifiée, même si le confort du patient et l’analgésie postopératoire sont de moindre qualité [42].

Anesthésie combinée (AG + péridurale) Absence de contre-indication (coagulopathie, antiplaquettaires) ; mise en place avant l’induction. Délai entre ponction en héparinisation : > 1 heure. Ponction péridurale D8-D11. L’anesthésie de ce niveau ne s’accompagne pas d’une sympathicolyse cardiaque ni d’une vasodilatation en amont du clamp. Avantage : confort postopératoire, extubation précoce, diminution des complications ventilatoires. Désavantage : augmente les besoins liquidiens et l’instabilité hémodynamique au clampage aortique. Utilisation optimale : monter le bloc dès la fermeture du péritoine postérieur (analgésie maximale au moment du réveil sans les effets hémodynamiques au clampage). La bithérapie antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor) est une contre-indication formelle à la péridurale, car les risques cardiovasculaires à l’arrêt de ces médicaments sont largement supérieurs au bénéfice escompté de l’ALR.

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Endoprothèses aortiques Ponter un anévrysme de manière non invasive avec une prothèse endovasculaire est une idée qui remonte aux années cinquante, mais dont la réalisation pratique date de 1990 [193]. Comparée au remplacement aortique à ciel ouvert, cette technique diminue les pertes sanguines, la morbidité et la durée du séjour hospitalier ; elle améliore la stabilité hémodynamique et autorise l’anesthésie locale ou loco-régionale [23]. La prothèse est un tube de Dacron™ armé imperméable prévu pour durer 10 ans (Figure 18.45). Elle est introduite pliée autour d'un guide par voie artérielle fémorale sous contrôle angioscopique, et se fixe à la paroi de l'aorte par de petits crochets ou par simple friction lorsqu'elle s'expand. Ceci requiert une certaine longueur de vaisseau sain pour que la partie proximale et la partie distale soient correctement amarrées: le collet supérieur doit mesurer au minimum 15 mm de long et ne doit pas dépasser 30 mm de diamètre, l’alignement entre le collet et l’anévrysme doit être satisfaisant [135]. Entre 20 et 50% des patients remplissent ces critères [107]. De nouvelles prothèses bifurquées ou fenestrées permettent de maintenir un débit normal dans les branches de l’aorte. Figure 18.45 : Endoprothèse aortique. A. Endoprothèse dépliée telle qu'elle se positionne dans l'aorte. B: Image ETO d'une coupe transversale de l'aorte thoracique descendante montrant une endoprothèse en place dans un anévrysme; dans ce cas, elle a pris une forme elliptique (1.75 cm x 2.40 cm). Une endofuite est caractérisée par un passage de sang entre l'endoprothèse et la coque de l'anévrysme, dans la cavité résiduelle au sein de laquelle il ne doit normalement plus y avoir de flux sanguin. Il persiste souvent de petites communications entre l'intérieur de la prothèse et l'anévrysme, appelées endofuites : elles peuvent survenir par défaut d’accolement aux extrémités de la prothèse, ou être dues à des déchirures du matériel (voir Figure 27.91, Chapitre 27 page 100). Ces fuites surviennent dans 17% des cas en salle d'opération, et dans 9% des cas à 30 jours [248]. Autour de la prothèse, l'anévrysme, exclu de la circulation, se thrombose et diminue progressivement de diamètre. Passée la courbe d'apprentissage de l'équipe chirurgicale, le taux de succès immédiat est de plus de 98% [248]. Le taux de conversion en tomie immédiate est de 0.7-3%, et à long terme de 7% [64]. La mortalité opératoire est de 1-2% et le taux de rupture secondaire de 1-1.7% / année [146]. Par rapport à la chirurgie à ciel ouvert, l’endoprothèse réduit la mortalité opératoire de 2 à 3 fois, mais n’offre pas d’avantage en terme de survie au-delà de 2 ans ; de ce fait, elle plus indiquée chez les personnes âgées que chez les jeunes [48]. Outre l’anévrysme, l’endoprothèse est indiquée dans les dissections B, les déchirures traumatiques localisées (< 1/3 de la circonférence), les athéromes ulcérés ; le syndrome de Marfan est une contre-indication car le vaisseaux continue à se dilater autour de la prothèse.

Endoprothèse

Anévrysme

A B

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Par rapport à une intervention conventionnelle par thoracotomie ou laparotomie, l'endoprothèse présente les caractéristiques suivantes:

Opération peu invasive et peu douloureuse; elle consiste en une ou deux incisions inguinales; elle dure 1-3 heures ;

Grande stabilité hémodynamique et neuro-humorale; les sécrétions d'adrénaline et d'hormones de stress sont significativement plus basses que dans la cure chirurgicale à ciel ouvert [216] ;

Pertes sanguines de 300 à 1000 mL, moyennes de 630 ml [24] ; Pas de clampage aortique; on peut seulement être amené à gonfler un ballon pour bloquer le

flux un court instant ou pour parfaire l'expansion de la prothèse pendant 20-40 secondes ; Possibilité d'envisager l'intervention chez des malades en mauvais état général ; Possibilité de traitement immédiat lors de rupture aortique chez des polytraumatisés ; Un axe ilio- fémoral au moins doit avoir un diamètre supérieur à 7.7 mm pour accepter le

passage de la prothèse pliée dans sa gaine ; Contrôles radioscopiques répétés, impliquant un taux d'irradiation significatif (durée moyenne

23 minutes) pour le malade (une fois) et pour le personnel (fréquemment) ; l’utilisation d’ultrasons intravasculaires (IVUS) diminue le taux d’irradiation [233] ;

Héparinisation systémique réduite (héparine 100 U/kg iv, soit 5'000 – 10'000 UI pour un adulte) ;

Pas de séjour en soins intensifs; reprise de l'alimentation per os 6 heures après l’intervention ; Diminution du séjour hospitalier (2-3 jours) ; Baisse significative des coûts hospitaliers, mais coût total peu modifié vu le prix des prothèses

(€ 6'000 – 15'000.- ) [40,62,107] ; Résultats à long terme (> 10 ans) inconnus; de ce fait, la chirurgie de l'aorte à ciel ouvert est

probablement préférable chez les patients jeunes [48,120]. Les patients sont extubés en fin d’intervention et placés sous aspirine (75-150 mg/j). Le clopidogrel n’est nécessaire que pour les endoprothèses carotidiennes. L'endoprothèse suscite une réaction inflammatoire systémique importante, qui se caractérise par de la fièvre, une élévation de la CRP et une leucocytose apparaissant entre le 2ème et le 10ème jour postopératoire [253]. Les endoprothèses sont homologuées par l’ISO pour une durabilité de 10 ans ; le taux de réintervention à 8 ans est de 30% [48]. C’est la raison pour laquelle on réserve cette technique aux personnes âgées ou aux patients à haut risque ; on préfère la chirurgie par thoracotomie ou laparotomie chez les patients jeunes. Endoprothèses de l'aorte thoracique La voie endovasculaire présente de nombreux avantages par rapport à la technique à ciel ouvert : réduction des saignements, meilleure stabilité hémodynamique, absence de thoracotomie, de ventilation mono-pulmonaire, de clampage aortique, de CEC et d’anticoagulation. Elle réduit la mortalité de la cure d’anévrysme descendant à 1-2% (20% par thoracotomie), et le taux de paraplégie à 3-5% (au lieu de 20%) [43]. Il en est de même dans les situations d’urgence (rupture traumatique, dissection B avec ischémie d’organes), où la mortalité est abaissée de 30% à 9% [131,224]. L'endoprothèse permet de couvrir de l'intérieur des anévrysmes de l'aorte thoracique descendante ou de la crosse distale (Figure 18.46), des dissections localisées, ou des ruptures traumatiques de l'isthme dont la paroi externe est préservée et qui représentent moins du tiers de la circonférence de l'aorte (Figure 18.47). Il peut arriver que l'artère sous-clavière gauche soit obstruée par la prothèse; dans ce cas, un pontage carotido-sous-clavier ultérieur peut rétablir le flux dans le bras gauche si cela s'avère nécessaire. Par contre, la structure étanche de la prothèse armée ne permet pas d'assurer la perméabilité des artères intercostales et médullaires, d'où le risque de lésions neurologiques (paraplégie) si l'étendue couverte est trop longue; ce risque varie de 1% à 10% selon le type de lésion et la longueur de la prothèse [66,67,105]. L'incidence d'AVC par embolisation cérébrale lors des manipulations des cathéters est de 1-3%. Lorsque l’anévrysme s’étend dans la crosse ou dans l’aorte abdominale, on peut utiliser des prothèses fenestrées ou munies d’embranchements, qui maintiennent

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le débit dans les vaisseaux émergents de l’aorte. On peut aussi ou avoir recourt à des interventions hybrides (voir ci-dessous Opérations hybrides, page 82). Figure 18.47 : Lésions traumatiques de l'isthme aortique qui sont d’excellentes indications à une endoprothèse. A: dissection traumatique de la paroi aortique (FL: fausse lumière); la lésion représente moins du tiers de la circonférence de l'aorte. B: déchirement intimal traumatique. Pour l’anesthésie, l'équipement consiste en un cathéter artériel radial droit et deux voies veineuses dont une de gros calibre (14-G); le saturomètre et la manchette à pression sont placés au bras gauche pour la surveillance du flux dans la sous-clavière gauche. Une voie centrale est indiquée de routine pour deux raisons : 1) l’instabilité hémodynamique peut nécessiter une perfusion de vasopresseurs ou de vasodilatateurs, 2) l’installation d’urgence sur le côté en cas de passage en thoracotomie gauche ne permet pas la mise en place de la voie centrale à la demande. L'ETO fait partie intégrante du monitoring des endoprothèses thoraciques. Elle est très utile pour guider l'opérateur lorsqu'il monte le mandrin qui doit se positionner dans la vraie lumière et éviter la fausse lumière ou le cul-de-sac de l'anévrysme, et lorsqu'il met en place la prothèse pour contrôler son niveau par rapport à la lésion et

PCC

Aorte

AP

TBC

Figure 18.46 : Endoprothèse aortique mise en place dans la partie terminale de la crosse et la partie proximale de l’aorte descendante, pour occlure un anévrysme sacculaire de la crosse distale. Comme la prothèse couvre la sous-clavière gauche et la carotide commune gauche, un pontage carotido-carotidien (PCC) extrathoracique avec un tube en Dacron armé a été réalisé en premier lieu. TBC : tronc brachio-céphalique. Dans ce cas, l’anesthésie a été réalisée par un bloc cervical superficiel bilatéral et une infiltration fémorale.

B A

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aux vaisseaux de la gerbe aortique ; elle permet le diagnostic et la réparation immédiate des endofuites [242]. De ce fait, une anesthésie générale est recommandée. Lors du déploiement de la prothèse, il est nécessaire de baisser la pression artérielle (PAM 40-50 mmHg) pour éviter que le flux sanguin ne la propulse vers le bas et qu'elle s'ancre trop distalement dans l'aorte. A cet effet, on utilise plusieurs moyens :

Isoflurane 5% ; PEEP momentanée à 20 cm H2O qui freine le retour veineux ; cette manœuvre a l’avantage

d’être totalement réversible ; Phentolamine (Régitine®), bolus répétés de 1 mg ; Pause systolique par un bolus d'adénosine (24-90 mg iv) [134] ; Pacing ventriculaire rapide à 180-220 batt/min ; la sonde est introduite par voie veineuse

fémorale ou placée par voie épicardique en cas de sternotomie pour une intervention hybride ; Gonflement d'un ballon dans l'OD (introduit par voie veineuse fémorale) pour baisser

abruptement la précharge [158]. Dès que la prothèse est en place, il est capital de maintenir une PAM ≥ 90 mmHg pour maximaliser le flux collatéral vers la moelle et diminuer le risque de paraplégie [45]. Dans les cas à haut risque neurologique postopératoire (anévrysmes thoraco-abdominaux, longues prothèses, cure d’anévrysme abdominal préalable), il est prudent d’installer un drainage lombaire de LCR (voir page 52, Protection médullaire). La découverte d’une paraplégie dans le postopératoire immédiat est une bonne indication à mettre en place un drainage lombaire en urgence [12].

Endoprothèses de l’aorte thoracique descendante La prothèse est un tube de Dacron™ armé imperméable introduit par voie percutanée (cathétérisme fémoral). Conditions de réalisation : - Vaisseau fémoral > 7.5 mm et axe ilio-aortique libre ; - Collet d’amarrage ≤ 30 mm de diamètre et ≥ 15 mm de longueur ;

- Longueur de la lésion < longueur de la prothèse ; - Rupture pariétale < 1/3 de la circonférence ; - Contrôle de la mise en place par fluoroscopie, ultrasons intravasculaires (IVOS) et ETO.

Indications : anévrysme, dissection, déchirure traumatique, athérome ulcéré. Opération peu douloureuse (incision inguinale), hémodynamiquement stable (pas de clampage aortique), héparinisation systémique (héparine 100 U/kg iv), pertes sanguines significatives. Bien adapté aux malades âgés ou critiques, déconseillé chez les patients jeunes et les Marfan. Taux de succès immédiat : 98%. Taux d’endofuites (fuites entre la prothèse et la paroi) : 9-17%. Taux de réinterventions à 8 ans : 30%. Mortalité opératoire 2-5 fois inférieure au remplacement chirurgical. Anesthésie générale (immobilité, tolérance de l’ETO, durée 1-3 heures) ; ALR lombaire possible (incision inguinale). Monitorage : cathéter artériel radial droit, voie veineuse centrale, ETO. Lors du déploiement de la prothèse, il est nécessaire de baisser la pression artérielle (PAM 40-50 mmHg) pour éviter que le flux sanguin ne la propulse vers le bas et qu'elle s'ancre trop distalement dans l'aorte. - Vasodilatation (isoflurane 5%, phentolamine) ; - Baisse du retour veineux (PEEP 20 cm H2O, ballonnet gonflé dans la VCI) ; - Pause systolique (adénosine).

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Endoprothèses de l'aorte abdominale L'endoprothèse est réservée à des lésions anévrysmales sous-rénales ou iliaques présentant un collet libre d'au moins 1.5 cm en dessous du départ des artères rénales et un bon alignement entre le collet et l’anévrysme ; le diamètre et la forme des artères iliaques doivent assurer une étanchéité distale adéquate [107]; 63% des anévrysmes abdominaux sont éligibles pour la technique [263]. La mortalité hospitalière de l’endoprothèse est 3-4 fois plus basse que celle de la cure ouverte (1.2% versus 4.8%) ; cette diminution est d’autant plus importante que le patient est plus âgé et présente davantage de risques [218]. Au-delà de la deuxième année, les mortalités sont identiques [233]. Les réinterventions vasculaires sont en général plus fréquentes lors d’endoprothèses que lors de cure par laparotomie (en moyenne 10.6% versus 4.2%) [27,106,218], mais leur taux chute à 1-2%/an dans les centres qui en ont une grande expérience [23]. Cependant, cet excès de réopérations vasculaires est compensé par une disparition des complications chirurgicales liées à la laparotomie (brides, occlusions, éventration, etc) [218]. La technique d'anesthésie est commandée par le fait que le patient doit rester immobile pendant 1-2.5 heures, mais que l'intervention est peu douloureuse. Seule l'ischémie de la jambe dont l'artère fémorale est clampée pour permettre le passage de l'endoprothèse peut occasionner une douleur que l'anesthésie locale ne contrôle pas. Trois techniques d'anesthésie sont possibles.

Anesthésie générale (AG avec masque laryngé ou tube endotrachéal) ; confortable pour le malade dont l'immobilité est assurée, elle n'a pas besoin d'être très profonde. Le patient est réveillé et extubé sur table en fin d'intervention; la douleur ischémique de la jambe est couverte. L’intubation offre la meilleure option en cas de passage en laparotomie et permet l’usage de l’ETO.

Anesthésie-analgésie péridurale (lombaire); elle est surtout indiquée pour les malades souffrant de pathologies respiratoires graves; le cathéter doit être mis en place assez tôt et retiré assez tard vu l'héparinisation systémique peropératoire. La sympathicolyse de la péridurale est moins efficace que lors de cure par laparotomie, car le taux de sécrétion des hormones de stress est de toute manière faible. Le gain sur les douleurs et le confort postopératoire est marginal parce que l'opération est peu douloureuse et l'amputation respiratoire minime [24,216].

Anesthésie locale et sédation; lorsque l'équipe chirurgicale est bien rôdée et le temps opératoire moyen inférieur à 1.5 heures, il est possible de pratiquer une infiltration inguinale (xylocaïne 0.5-1%, bupivacaïne 0.5%) accompagnée d'une simple sédation de confort (rémifentanyl, propofol ou midazolam); c'est la technique la plus simple, la plus stable hémodynamiquement, et celle qui offre le plus court séjour hospitalier [24]. Le patient peut ressentir des douleurs ischémiques du ou des membres inférieurs dont l’artère fémorale est clampée. Le confort de l’installation sur table est primordial. Le taux de conversion en AG est inférieur à 1% [233]. L’anesthésie locale offre une meilleure stabilité hémodynamique et réduit les besoins liquidiens [23,24].

L'équipement consiste en un cathéter artériel radial et deux voies veineuses, dont une de gros calibre (14-G). Une voie centrale n'est pas indiquée de routine [233]. Une sonde urinaire permet de monitorer la perfusion rénale après le placement de la prothèse. L'ETO n'est d'aucun apport pour les lésions abdominales, et le peu de perturbation hémodynamique ne justifie pas son utilisation pour la surveillance fonctionnelle. Lors du déploiement de la prothèse, il est nécessaire de baisser la pression artérielle (PAM 50 mmHg) pour éviter que le flux sanguin ne la propulse vers le bas et qu'elle s'ancre trop distalement dans l'aorte. Comme pour les endoprothèses thoraciques, on peut utiliser plusieurs moyens:

Isoflurane 5% ; PEEP momentanée à 20 cm H2O ; Phentolamine (Régitine®), bolus répétés de 1 mg ;

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Gonflement d'un ballon dans l'OD (introduit par voie veineuse fémorale) pour baisser abruptement la précharge [158] ;

Pause systolique par un bolus d'adénosine (24-90 mg iv) [134]. Lorsque l'opération se prolonge, l'hypothermie est fréquente. Il est donc nécessaire de placer une couverture chauffante sur le malade. Parmi les principales complications, on relèvera [233] :

Endofuites ; Néphropathie induite par le produit de contraste ; veiller à une hydratation suffisante ; Ischémie médullaire ; le risque est identique à celui de la cure ouverte (0.25%) ; Syndrome inflammatoire systémique postopératoire (fièvre, leucocytose , élévation de la CRP)

et hyperagrégabilité plaquettaire. Ces dernières années, l’indication à l’endoprothèse a été étendue aux anévrysmes abdominaux rompus. Les avantages sont significatifs : absence de clampage aortique (pas d’élévation de postcharge pour le VG, pas d’ischémie digestive), moins de saignements (absence de dissection rétropéritonéale), moins de complications abdominales (pas de laparotomie ni d’iléus), meilleure stabilité hémodynamique (maintien de la pression abdominale, pas de curarisation) [23]. La mortalité est de 8-20% au lieu de 30-40% pour la cure ouverte [252]. La prise en charge doi être rigoureuse :

Hypotension permissive : maintien de la plus petite pression systémique compatible avec la prefusion des organes pour diminuer le risque hémorragique ;

CT-scan en urgence ; Placement d’un guide dans l’aorte abdominale par voie fémorale ou axillaire ; Mise en place d’un ballon intra-aortique en position proximale de l’anévrysme pour réaliser

un clampage interne si nécessaire en cas perte de conscience et de choc hypovolémique ; Anesthésie locale possible mais difficile chez ces malades angoissés, agités et algiques ; Anesthésie générale en général préférable ; monitorage par cathéter artériel radial, voie

veineuse centrale, éventuellement ETO selon le risque cardiaque.

Endoprothèses de l’aorte abdominale La prothèse est un tube de Dacron™ armé imperméable introduit par voie percutanée (cathétérisme fémoral). Conditions de réalisation : - Vaisseau fémoral > 7.5 mm et axe ilio-aortique libre ; - Collet d’amarrage ≤ 30 mm de diamètre et ≥ 15 mm de longueur ;

- Longueur de la lésion < longueur de la prothèse ; - Contrôle de la mise en place par fluoroscopie et ultrasons intravasculaires (IVOS).

Lors du déploiement de la prothèse, il est nécessaire de baisser la pression artérielle (PAM 50 mmHg) pour éviter que le flux sanguin ne la propulse vers le bas et qu'elle s'ancre trop distalement dans l'aorte. - Vasodilatation (isoflurane 5%, phentolamine) ; - Baisse du retour veineux (PEEP 20 cm H2O) ; - Pause systolique (adénosine) rarement nécessaire. Anesthésie générale (immobilité, durée 1-2 heures), ALR lombaire (incision inguinale) ou anesthésie locale. Monitorage : cathéter artériel radial.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 83

Opérations hybrides Bien que certaines nouvelles prothèses soient fenestrées pour permettre le passage du sang vers les artères issues de l’aorte, il est fréquent que l’endoprothèse recouvre le départ de vaisseaux nourriciers importants. Pour bénéficier des avantages de l’endoprothèse par rapport à un remplacement de l’aorte, on a recourt à des opérations hybrides [5] :

Utilisation d’une endoprothèse pour exclure la zone pathologique et éviter un remplacement étendu de l’aorte (diminution de la morbi-mortalité) ;

Débranchement de l’origine des vaisseaux recouverts par la prothèse ; ils sont anastomosés à un endroit où la paroi vasculaire est saine et libre (debranching).

Vu la complexité des lésions et les nombreuses possibilités offerte par l’anatomie vasculaire, il existe d’innombrables cas de figure. On citera pour exemple (Figure 18.48) [126]. Figure 18.48 : Exemples d’interventions hybrides. A : l’anévrysme situé dans la crosse et la partie proximale de l’aorte descendante est exclu par une endoprothèse qui recouvre les orifices des trois troncs de la gerbe. Au préalable, un pontage chirurgical a été réalisé par sternotomie au moyen d’une prothèse bifurquée entre l’aorte ascendante d’une part et le tronc brachiocéphalique (TBC) et la carotide gauche (CG) d’autre part. Si le patient développe des signes d’ischémie dans le bras gauche, un pontage carotido-sous-clavier gauche peut être réalisé dans un deuxième temps. B : Exclusion d’un anévrysme sous-diaphragmatique étendu par une endoprothèse allant de la région thoracique jusqu’à la bifurcation iliaque ; par une laparotomie, le tronc coeliaque (TC), l’artère mésentérique supérieure (AMS) et les artères rénales (ARD et ARG) sont débranchés et réanastomosées à une artère iliaque au moyen d’une prothèses tubulaire à 4 branches (debranching) [126].

Exclusion d’un anévrysme situé dans la crosse et la partie proximale de l’aorte descendante par une endoprothèse qui recouvre les orifices des trois troncs de la gerbe ; un pontage

A B

TBC

CG

SCG

TC AMS

ARD ARG

A iliaque

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chirurgical est réalisé par sternotomie au moyen d’une prothèse trifurquée entre l’aorte ascendante d’une part et le tronc brachiocéphalique, la carotide gauche et la sous-clavière gauche d’autre part. Les recommandations actuelles incitent à transposer systématiquement la sous-clavière gauche lorsqu’elle est obstruée par la prothèse dans les cas électifs [159].

Exclusion d’un anévrysme sous-diaphragmatique étendu par une endoprothèse allant de la région thoracique basse jusqu’à la bifurcation iliaque ; par une laparotomie, le tronc coeliaque, l’artère mésentérique supérieure et les artères rénales sont anastomosées à une artère iliaque au moyen d’une prothèses tubulaire à 4 branches.

Les opérations hybrides s’adressent essentiellement à des malades en trop mauvais état pour subir un remplacement aortique traditionnel. Par rapport à une intervention purement endovasculaire, ces opérations se caractérisent pas d’importantes pertes liquidiennes et par des périodes d’ischémie tissulaire pendant la phase de reconstruction artérielle. La reperfusion des viscères s’accompagne d’une hypotension due à la vasodilatation des zones ischémiées et à la mise en circulation de métabolites acides et d’endotoxines digestives [126]. Il est en général nécessaire d’avoir recours à des vasopresseurs (noradrénaline, vasopressine) et à des agents inotropes (dobutamine).

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 18 Anesthésie pour chirurgie de l’aorte 85

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Auteur Pierre-Guy CHASSOT Ancien Privat-Docent, Maître d’enseignement et de recherche,

Faculté de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne (UNIL), CH - 1005 Lausanne Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), CH - 1011 Lausanne