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42 | La Lettre du Neurologue Vol. XIII - n° 2 - février 2009 MISE AU POINT Complications neurologiques des chimiothérapies Neurologic complications of chemotherapy agents D. Psimaras 1 , D. Leclercq 2 , C. Dehais 1 , D. Ricard 1, 3 1 Service de neurologie Mazarin, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 2 Service de radiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 3 Service de neurologie, hôpital des Armées, Val-de-Grâce, Paris. L a neurotoxicité des chimiothérapies est fréquente et représente le principal facteur limitant du traitement après la toxicité héma- tologique. Sa détection précoce est capitale et peut modifier la prise en charge thérapeutique ultérieure afin de limiter ou de faire régresser les désordres induits. Le développement de nouvelles thérapies en oncologie – souvent associées aux thérapies conven- tionnelles – s’accompagne de nouvelles neurotoxicités iatrogènes et justifie la présente mise au point. L’atteinte neurologique peut concerner le système nerveux central (SNC), le système nerveux périphé- rique (SNP) ou les deux simultanément. La barrière hémato-encéphalique (BHE) constitue un moyen de protection essentiel pour le système nerveux. Néanmoins, la BHE n’est pas infaillible particuliè- rement pour les agents utilisés, par exemple dans le traitement des tumeurs cérébrales qui la traversent, a fortiori s’ils sont délivrés à haute dose, par voies intraveineuse (i.v.) ou intrathécale (i.t.). On s’intéressera dans cette mise au point aux toxi- cités neurologiques des produits les plus utilisés en cancérologie, mais également à celles des molécules les plus récentes. Atteinte du système nerveux Toutes les complications du SNC sont énumérées en fonction du temps d’apparition pour chaque molécule (tableau I). Les atteintes du SNC les plus fréquentes sont les encéphalopathies (EP), aiguës ou chroniques, de diagnostic différentiel souvent difficile à établir (tableau II). Au sein des EP aiguës, il faut distinguer des autres EP plus diffuses le syndrome de leuco-encéphalopathie postérieure réversible (PRES ou posterior reversible encephalopathy syndrome), une complication radio-clinique aiguë et fréquente pour diverses molécules utilisées en cancérologie (tableau III, p. 44). Le traitement des complications du SNC passe par l’arrêt immédiat de la chimiothé- rapie. Dans de rares cas un traitement antagoniste spécifique peut être administré (comme dans la situation, par exemple, de l’EP liée à l’ifosfamide pour laquelle on dispose d’un traitement par le bleu de méthylène). L’atteinte du SNP est beaucoup plus fréquente en raison de la fragilité de la barrière hémato- nerveuse au niveau du nerf périphérique à la fois en proximal (ganglion rachidien) mais aussi en dista- lité (tableau IV, p. 44). Les neuropathies périphéri- ques (NP) constituent ainsi un facteur limitant majeur pour l’administration des traitements de chimio- thérapie. Il s’agit de NP axonales, dose-dépendantes, cliniquement le plus souvent sensitives. Bien qu’il existe une toxicité bien établie pour chacun de ces médicaments, une prédisposition individuelle est néanmoins constatée, de même que des facteurs favorisant le développement de ces NP (tableau V, p. 44). Le reste du SNP est peu touché. Neurotoxicité des médicaments Alkylants Il s’agit de molécules potentiellement neurotoxiques, car certaines d’entre elles traversent facilement la BHE. Busulfan (Myleran®) Il s’agit d’un traitement utilisé dans la leucémie myéloïde et dans le conditionnement à l’allogreffe. À haute dose, le busulfan provoque des crises d’épi- lepsie chez 10 % des patients. Le principal facteur de risque est la dose cumulée. L’incidence de cette

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42 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 2 - février 2009

mise au point

Complications neurologiques des chimiothérapiesNeurologic complications of chemotherapy agents

D. Psimaras1, D. Leclercq2, C. Dehais1, D. Ricard1, 3

1 Service de neurologie Mazarin, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.2 Service de radiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.3 Service de neurologie, hôpital des Armées, Val-de-Grâce, Paris.

La neurotoxicité des chimiothérapies est fréquente et représente le principal facteur limitant du traitement après la toxicité héma-

tologique. Sa détection précoce est capitale et peut modifier la prise en charge thérapeutique ultérieure afin de limiter ou de faire régresser les désordres induits. Le développement de nouvelles thérapies en oncologie – souvent associées aux thérapies conven-tionnelles – s’accompagne de nouvelles neurotoxicités iatrogènes et justifie la présente mise au point.L’atteinte neurologique peut concerner le système nerveux central (SNC), le système nerveux périphé-rique (SNP) ou les deux simultanément. La barrière hémato-encéphalique (BHE) constitue un moyen de protection essentiel pour le système nerveux. Néanmoins, la BHE n’est pas infaillible particuliè-rement pour les agents utilisés, par exemple dans le traitement des tumeurs cérébrales qui la traversent, a fortiori s’ils sont délivrés à haute dose, par voies intraveineuse (i.v.) ou intrathécale (i.t.).On s’intéressera dans cette mise au point aux toxi-cités neurologiques des produits les plus utilisés en cancérologie, mais également à celles des molécules les plus récentes.

Atteinte du système nerveux

Toutes les complications du SNC sont énumérées en fonction du temps d’apparition pour chaque molécule (tableau I). Les atteintes du SNC les plus fréquentes sont les encéphalopathies (EP), aiguës ou chroniques, de diagnostic différentiel souvent difficile à établir (tableau II). Au sein des EP aiguës, il faut distinguer des autres EP plus diffuses le syndrome de leuco-encéphalopathie postérieure réversible (PRES ou posterior reversible encephalopathy syndrome), une complication radio-clinique aiguë et fréquente

pour diverses molécules utilisées en cancérologie (tableau III, p. 44). Le traitement des complications du SNC passe par l’arrêt immédiat de la chimiothé-rapie. Dans de rares cas un traitement antagoniste spécifique peut être administré (comme dans la situation, par exemple, de l’EP liée à l’ifosfamide pour laquelle on dispose d’un traitement par le bleu de méthylène).L’atteinte du SNP est beaucoup plus fréquente en raison de la fragilité de la barrière hémato-nerveuse au niveau du nerf périphérique à la fois en proximal (ganglion rachidien) mais aussi en dista-lité (tableau IV, p. 44). Les neuropathies périphéri-ques (NP) constituent ainsi un facteur limitant majeur pour l’administration des traitements de chimio- thérapie. Il s’agit de NP axonales, dose-dépendantes, cliniquement le plus souvent sensitives. Bien qu’il existe une toxicité bien établie pour chacun de ces médicaments, une prédisposition individuelle est néanmoins constatée, de même que des facteurs favorisant le développement de ces NP (tableau V, p. 44). Le reste du SNP est peu touché.

Neurotoxicité des médicaments

Alkylants

Il s’agit de molécules potentiellement neurotoxiques, car certaines d’entre elles traversent facilement la BHE.

Busulfan (Myleran®) ◆

Il s’agit d’un traitement utilisé dans la leucémie myéloïde et dans le conditionnement à l’allogreffe. À haute dose, le busulfan provoque des crises d’épi-lepsie chez 10 % des patients. Le principal facteur de risque est la dose cumulée. L’incidence de cette

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résumé

mots-clésChimiothérapieNeurotoxicitéEncéphalopathiesNeuropathies périphériquesPrévention

Tableau I. Atteinte du système nerveux central.

délai/traitement 0-4 semaines 4 semaines-6 mois > 6 mois

encéphale

Encéphalopathie Cisplatine, étoposide, cyclo- phosphamide, méthotrexate, 5-FU, capécitabine, vinca- alcaloïdes, taxanes, ifosfamide, aracytine, gemcitabine, bévacizumab, sorafénib

Méthotrexate Méthotrexate i.t., carmustine i.v., platine i.v. (favorisépar corticoïdes au long cours)

Épilepsie Ifosfamide, cisplatine, méthotrexate i.t., taxanes

Syndrome cérébelleux Aracytine, vincristine, carmustine, procarbazine

5-FU

Syndrome parkinsonien/ dystonies

5-FU, doxorubicine

Accident vasculaire cérébral Cyclophosphamide, 5-FU, cisplatine, gemcitabine, méthotrexate i.t., carboplatine

Cyclophosphamide, 5-FU, cisplatine, gemcitabine, méthotrexate i.t., carboplatine

Troubles cognitifs Cyclophosphamide, Thiotepa®, cisplatine, méthotrexate i.t.

Endocrinopathie : SIADH* Cisplatine, cyclophosphamide, vinca-alcaloïdes

moelle

Myélopathie Méthotrexate i.t., cytarabine i.t., vinca-alcaloïdes

Sels de platine

méninges

Méningite aseptique Méthotrexate i.t.,aracytine i.t., triphosphoramide i.t.

* SIADH : syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique.

Tableau II. Diagnostics différentiels devant un tableau d’encéphalopathie aiguë chimio-induite (23).

effet des traitements concomitants : antiviraux, antibiotiques, antiépileptiques, antiémétiques (neuroleptiques ou anti-HT3), corticoïdes, antidépresseurs, antalgiques

encéphalopathies métaboliques (hyponatrémie, hypercalcémie, hyperammoniémie)

Signes dus à une tumeur cérébrale ischémique ou hémorragique

accident vasculaire cérébral

thrombophlébite cérébrale

syndrome neurologique paranéoplasique

infections du système nerveux central

méningite carcinomateuse

summaryNeurological dysfunction is a common side effect of many chemotherapy drugs. For several agents neurotoxicity is common, severe and can be dose-limiting. This is a review of the clinical features of chemo-therapy-induced syndromes involving the central and peripheral nervous system.

KeywordsChemotherapy

Neurotoxicity

Encephalopathy

Peripheral neuropathy

Prevention

la neurotoxicité des agents chimiothérapiques est fréquente. elle est parfois sévère et le plus souvent dose- »dépendante. nous nous intéressons dans cette mise en point aux agents neurotoxiques pour le système nerveux central et périphérique.

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complication serait diminuée par un traitement antiépileptique prophylactique, en particulier la phénytoïne ou le clonazépam.

Cyclophosphamide (Endoxan ◆ ®)Largement utilisé en hématologie et dans les tumeurs solides, de rares cas d’EP aiguë ou d’ac-cident vasculaire cérébral (AVC) chez les sujets à risque ont été décrits après l’administration de très hautes doses de cyclophosphamide.

Ifosfamide (Holoxan ◆ ®)La complication la plus connue est l’EP aiguë ; son incidence est fréquente (entre 10 et 30 % des patients). Elle se manifeste par un syndrome confu-sionnel qui peut parfois évoluer vers un coma, ou être associé à une ataxie ou à des crises d’épilepsie (1). Sa durée ne dépasse pas habituellement 4 jours. L’IRM est normale. L’EP survient en général pendant ou juste au décours des perfusions et est le plus souvent réversible en quelques jours. Le bleu de méthylène par voie i.v. pourrait accélérer la régression.

Nitrosourées ◆

Les agents les plus couramment utilisés (traite-ment des gliomes, du mélanome et du lymphome du SNC) sont la carmustine (Bicnu®), la lomustine (Belustine®) et la fotémustine (Muphoran®). À dose conventionnelle et par voie i.v., il n’a pas été décrit de neurotoxicité significative. Il existe en revanche des cas d’EP secondaire à l’administration de fortes doses de carmustine, en particulier chez des patients traités préalablement par radiothérapie.

Procarbazine (Natulan ◆ ®)Utilisé dans le traitement des gliomes (protocole PCV), des lymphomes et du cancer du poumon, le procarbazine se retrouve en forte concentration dans le SNC, car il traverse facilement la BHE et la barrière hémato-méningée. De discrets troubles neuro- psychologiques (troubles de la mémoire, apathie, etc.) ont été décrits chez les patients traités pour un gliome. Par ailleurs, il existe de rares cas de NP, peu sévères et réversibles.

Triphosphoramide (Thiotepa ◆ ®)Cette molécule est utilisée dans le traitement des tumeurs du sein, des métastases méningées et dans le conditionnement avant transplantation médullaire. Lorsqu’elle est associée à de fortes doses de busulfan dans le traitement des récidives des lymphomes primitifs du SNC traités par intensifi-cation de la chimiothérapie avec greffe de cellules

Tableau III. Cas rapportés de syndrome de leuco-encéphalopathie postérieure réversible (PRES).

Hypertension artérielle

Éclampsie et pré-éclampsie

Interaction entre l’anesthésie générale et les médicaments cytotoxiques

Insuffisance rénale

Médicaments cytotoxiques et immunosuppresseurs :bévacizumab, cisplatine, cyclosporine A, cytarabine, dexaméthasone, gemcitabine, interféron α, méthotrexate, rituximab, sorafénib, tacrolimus

Tableau IV. Atteinte du système nerveux périphérique.

délai/traitement 0-4 semaines 4 semaines-6 mois > 6 mois

muscle

Myalgies Vinca-alcaloïdes*, taxanes, cisplatine

Myopathie Taxanes

Crampes Taxanes, vinca-alcaloïdes, cisplatine, oxaliplatine

Myasthénie Cisplatine

nerf périphérique

Paresthésies Vinca-alcaloïdes, oxaliplatine

Abolition RoT** Vinca-alcaloïdes, taxanes

Neuropathie sensitivo-motrice

Taxanes Vinca-alcaloïdes, sura-mine, bortézomib

Taxanes

Neuronopathie sensitive Cisplatine, oxaliplatine, bortézomib

Cisplatine, oxaliplatine

Neuropathie sensitive Taxanes Épothilones Thalidomide, taxanes, lénalidomide

nerfs crâniens

II Sels de platines, vincristine, taxanes, bévacizumab

Vinca-alcaloïdes

III-VI-VII-VIII-X Aracytine, 5-FU, lomustine,méthotrexate i.t.

Vinca-alcaloïdes,

ototoxicité Cisplatine

système nerveux végétatif

Troubles génito-sphinctériens

Vinca-alcaloïdes

Constipation Vinca-alcaloïdes

* Vinca-alcaloïdes : alcaloïdes de la pervenche ; ** RoT : réflexes ostéo-tendineux.

Tableau V. Facteurs de risque favorisant le développement d’une neuropathie périphérique.

Âge

Chimiothérapie utilisée

modes de traitement : dose, espacement des cures, durée

Chimiothérapie ou radiothérapie associéestabagisme actif

neuropathie préexistante (héréditaire, acquise, liée à la maladie, carentielle et diabète, alcool)

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mise au point

souches périphériques, des cas d’EP aiguës et chro-niques retardées ont été rapportés, en particulier chez les sujets âgés ou préalablement traités par radiothérapie (RT). Le triphosphoramide peut être utilisé par voie i.v. ou par voie i.t. En pratique courante, le triphosphoramide (au même titre que la cytarabine) est utilisé après échec ou contre-indi-cation du méthotrexate. La toxicité pour ces trois médicaments est la même (céphalées, vertiges, myélopathies, aréflexie).

Antimétabolites

Capécitabine (Xeloda ◆ ®)La capécitabine (formulation orale du 5-FU) est une chimiothérapie surtout utilisée dans les tumeurs mammaires et gastro-intestinales. Médicament très peu neurotoxique, il existe quelques petites séries d’EP rapportées (2). Celles-ci diffèrent de l’EP induite par le 5-FU par une apparition plus précoce (en quel-ques jours) et une récupération rapide, également en quelques jours. Il existe par ailleurs quelques cas anecdotiques d’ataxie cérébelleuse, de syndrome neuromyotonique, de troubles de l’équilibre ou de confusion (3).

Cytarabine (Aracytine®) ◆

La cytarabine est un analogue nucléotidique qui inhibe la DNA polymérase, et qui est utilisée dans les leucémies et les lymphomes non hodgkiniens (LNH). Avec des traitements à haute dose, il a été décrit des ataxies cérébelleuses irréversibles ainsi que des cas d’EP, néanmoins souvent réversibles après quelques semaines ou quelques mois. La voie d’administration est i.v. mais peut également être i.t. (Depocyte®), en particulier dans le traitement ou la prophylaxie des lymphomes ou des ménin-gites carcinomateuses. Les complications les plus fréquentes par voie i.t. sont les méningites asep-tiques isolées, rapportées dans certaines études jusqu’à 25 % des cas. Il est recommandé d’utiliser systématiquement du dexaméthasone pendant quelques jours après chaque injection. Plus rare-ment, des cas d’encéphalomyélopathie ont été décrits, à évolution clinique variable mais pouvant conduire au décès.

Gemcitabine (Gemzar ◆ ®)La gemcitabine est un analogue nucléotidique, très utilisé dans le cancer pancréatique, le cancer urothé-lial et le cancer pulmonaire non à petites cellules. Cette chimiothérapie est peu neurotoxique, à condi-

tion d’éviter son association avec la RT. Il existe dans la littérature quelques cas anecdotiques d’EP, souvent a minima et réversibles (4).

5-fluorouracile (Fluorouracile ◆ ®)Le 5-fluorouracile (5-FU) a été initialement utilisé dans le traitement des cancers du côlon et du sein. Les complications neurologiques sont possibles (5). Deux principales complications sont décrites :– les complications aiguës, qui se manifestent sous la forme d’une EP ou d’un syndrome cérébelleux, dose-dépendants et le plus souvent réversibles ;– les complications cérébrales subaiguës ou chroni-ques qui apparaissent après quelques mois et qui sont considérées d’origine inflammatoire démyélinisante, répondant aux corticoïdes. L’IRM cérébrale montre souvent des hypersignaux de la substance blanche en séquences T2 et FLAIR, se rehaussant après injection de gadolinium sur les séquences T1, sans effet de masse. Le pronostic est habituellement favorable après arrêt du traitement. La littérature rapporte des épisodes dystoniques focaux associés parfois à un syndrome extrapyramidal transitoire, ou à un syndrome de somnolence par atteinte spécifique du splénium du corps calleux, également d’évolution favorable.

Méthotrexate ◆

Il s’agit d’une chimiothérapie largement utilisée dans le traitement des lymphomes, des leucémies, des choriocarcinomes, des cancers du sein et des métastases leptoméningées. Sa toxicité peut être aiguë, subaiguë ou tardive.- La toxicité aiguë concerne essentiellement les injec-tions i.t. Dix pour cent des patients présentent des symptômes de méningite aseptique, régressifs dans les trois jours. Des doses massives de méthotrexate (MTX) sont responsables de tableaux extrêmement sévères de myélo-encéphalopathies. Les facteurs de risque (6) des myélopathies transverses secondaires au MTX i.t. sont les hautes doses de MTX (ou des doses supérieures à 50 mg en une fois), des injections répétées à moins d’une semaine d’intervalle, un traitement par RT ou MTX systémique concomi-tants, ainsi qu’une maladie évolutive du SNC (par exemple, une leucémie méningée). Toutefois, cette complication peut survenir sans que ces facteurs de risque soient présents.– La toxicité subaiguë survient quelques semaines à quelques mois après l’administration systémique. Il s’agit le plus souvent d’EP diffuses peu sévères, de PRES (figure 1, p. 46) ou d’épisodes pseudo-vasculaires (symptômes cliniques neurologiques régressifs).

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Figure 1. Anomalies de signal IRM dans le cadre d’une PRES après traitement concomitant de ciclosporine et de méthotrexate.Hypersignaux en séquence pondérée en diffusion (à gauche) et en séquence FLAIR (à droite) bilatéraux et symétriques de la protubérance, des hémisphères cérébelleux, des thalamus, et atteinte cortico-sous-corticale de la région temporo-occipitale (postérieure).

Figure 2. IRM en coupes axiales, séquence FLAIR, après chimiothérapie intensive et greffe de cellule périphérique pour un lymphome cérébral. Hypersignal en plage de la substance blanche périventriculaire, épargnant la substance blanche sous-corticale.

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Complications neurologiques des chimiothérapiesmise au point

– La toxicité tardive survient souvent 6 mois après le traitement par MTX, administré en i.v. ou en i.t. Il s’agit d’une EP (figure 2) avec installation progres-sive d’un syndrome démentiel irréversible associé à une ataxie et à des troubles sphinctériens. L’at-teinte cognitive peut être associée à des anomalies de signal et à une atrophie de la substance blanche mises en évidence par l’IRM cérébrale. Le risque est considérablement accru lorsque la chimiothérapie est combinée à la radiothérapie cérébrale, comme cela est souvent le cas dans le traitement des lymphomes cérébraux, en particulier chez les sujets âgés.

Modificateurs de l’ADN

Les antitopo-isomérases I ▶ (irinotécan [Campto®], topotécan [Hycamtin®]) ne provoquent pas de toxicité neurologique particulière (à noter cependant un cas anec-dotique de dysarthrie transitoire avec l’irinotécan).

Les antibiotiques antitumoraux ▶ (doxorubicine, idarubicine ou mitoxantrone) sont des agents inter-calants dont la toxicité est essentiellement hémato-logique et cardiologique.

Poisons du fuseau

Ils comprennent les alcaloïdes de la pervenche, les taxanes et les podophyllotoxines qui inhibent tous la division cellulaire (poisons du fuseau cellulaire).

Alcaloïdes de la pervenche ◆

Cette classe de molécules empêche la formation normale de la tubuline au niveau du fuseau. Il existe trois principaux médicaments : la vincristine (Oncovin®), la vinblastine (Velbé®) et la vinorelbine (Navelbine®). Leur toxicité est essentiellement hématologique, mais elle est également nerveuse, en particulier au niveau du SNP.La vincristine, molécule la plus ancienne et la plus neurotoxique de cette classe médicamenteuse, est encore largement utilisée dans les leucémies, les lymphomes, les myélomes et certains sarcomes. La toxicité est essentiellement périphérique, sous forme d’une polyneuropathie axonale, sensitivomotrice, dose-dépendante. Son incidence est estimée jusqu’à 57 % selon les séries, avec une réversibilité de la neuropathie dans 66 % des cas (7), mais souvent incomplète. Une atteinte dysautonomique (constipa-tion, hypotension orthostatique ou troubles sphinc-tériens) est fréquente et caractéristique. L’atteinte des paires crâniennes est possible, mais rare.

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La vinblastine et la vinorelbine sont de moindre toxicité : cette dernière se limite au niveau périphérique à des paresthésies et à une aréflexie sans déficit moteur.L’atteinte du SNC est peu fréquente et uniquement décrite avec la vincristine. Elle peut se manifester par une EP, une épilepsie ou une ataxie. Des cas de SIADH (syndrome inapproprié de sécrétion d’hor-mone antidiurétique) ont également été décrits.

Taxanes ◆

Le paclitaxel (Taxol®) et le docétaxel (Taxotère®) sont deux traitements utilisés essentiellement dans les cancers du poumon, du sein et de l’ovaire. Ils sont souvent pres-crits en association avec les sels de platine entraînant alors des NP plus précoces et plus sévères (8).Ils présentent une toxicité nerveuse périphérique, longueur-dépendante, distale et symétrique. Cette toxicité est plus prononcée pour le paclitaxel que pour le docétaxel. Toutes les modalités sensitives peuvent être atteintes et les réflexes ostéo-tendineux (ROT) sont précocement diminués. Des anomalies cliniques motrices sont souvent associées mais discrètes. La neuropathie aux taxanes est le plus souvent réversible ; des troubles sensitifs peu gênants peuvent cependant persister au long cours dans une minorité de cas.La forme de taxane la plus récente, le paclitaxel albumine-bound, semble avoir une meilleure effi-cacité sur la réponse tumorale, mais également un taux de NP plus important, bien qu’il s’agisse de NP sensitives, peu sévères cliniquement et régressives après l’arrêt du traitement.Sur le plan central, les taxanes à hautes doses sont potentiellement responsables d’EP aiguës, souvent potentialisées par des coprescriptions (phénobarbital, facteurs de croissance). Il existe également, à la fin de la perfusion de paclitaxel, 20 % de scotomes sans baisse d’acuité visuelle associée, de pronostic favorable.

Podophyllotoxines ◆

L’agent le plus couramment utilisé est l’étoposide (VP16), le plus souvent en association avec les sels de platine dans plusieurs types de cancer. La littérature rapporte peu de données concernant sa neurotoxicité potentielle propre qui est faible à dose conventionelle. Pour de fortes doses de podophillines, une ataxie, des myélopathies, des EP et également des NP ont été décrites.

Sels de platine

Les sels de platine sont des antimitotiques utilisés dans de nombreuses tumeurs solides. Les repré-

sentants de cette classe médicamenteuse sont le cisplatine (Cisplatyl® ou CDDP), le paraplatine (Carboplatine®) et l’oxaliplatine (Eloxatine®).L’atteinte du SNP, sous la forme de NP, est la complication la plus fréquente. La mieux décrite est l’atteinte par le cisplatine : il s’agit d’une poly-neuropathie sensitive pure ataxiante par lésion ou perte de fibres de gros diamètre. L’existence d’un signe de Lhermitte inconstant et d’une atteinte cochléaire peut orienter le diagnostic (9). Il s’agit d’une polyneuropathie dose-dépendante qui peut parfois s’installer quelques semaines après l’arrêt de la chimiothérapie (10). Dans un premier temps, après l’arrêt du traitement, les symptômes peuvent en effet continuer à s’aggraver. Ce phéno-mène est appelé coasting. Assez caractéristique de la complication liée au cisplatine, ce phéno-mène a également été décrit avec le traitement par vincristine ou par taxanes. La détection de la NP doit être précoce. L’EMG pourrait être une aide diagnostique précieuse, mais sa réalisation dans la pratique courante n’est possible qu’après l’appari-tion de signes cliniques. L’arrêt du traitement est suivi d’une amélioration dans deux tiers des cas (le plus souvent partielle).La toxicité du carboplatine est voisine de celle du cisplatine, mais d’expression beaucoup plus modérée. Elle est décrite pour de très hautes doses chez seule-ment 6 % des patients. L’oxaliplatine, issu des dérivés de platine, est le plus récent. Il est essentiellement utilisé dans les cancers colorectaux. Il induit deux tableaux distincts.

Des tableaux aigus caractéristiques avec, ▶dans les heures suivant l’injection, l’apparition de paresthésies des extrémités et de contractions musculaires chez 80 % des patients, et plus parti-culièrement lors de l’exposition au froid. Moins fréquemment sont observés des troubles visuels, des paresthésies péribuccales ou des troubles laryngés. Ce tableau, reflet d’une hyperexcitabi-lité des fibres nerveuses périphériques par blocage des canaux sodiques (11), est systématiquement réversible sous 15 jours.

Des polyneuropathies sensitives chroniques, ▶mais avec une moindre fréquence et une moindre sévérité que celles secondaires au cisplatine. Elles dépendent de la dose cumulée avec une grande variabilité individuelle.L’atteinte du SNC est beaucoup plus rare, voire exceptionnelle. Il est décrit dans la littérature des EP (PRES le plus souvent) avec le cisplatine ou même avec l’oxaliplatine. Il existe aussi de rares cas d’accidents vasculaires. ▶▶▶

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Complications neurologiques des chimiothérapiesmise au point

Autres agents

Antiangiogéniques ◆

Le bévacizumab (Avastin®) est un anticorps mono-clonal anti-VEGF utilisé en particulier dans les cancers colorectaux, du rein, du sein et plus récemment dans les gliomes malins. En dehors de la microangiopathie thrombotique fréquente, la littérature rapporte un cas anecdotique de PRES et quelques cas de neuro-pathies optiques et de dysphonies.

Anticorps monoclonaux ◆

Il existe des cas anecdotiques d’EP décrits pour les anticorps monoclonaux comme le gemtuzamab (anti-CD33) et le rituximab (anti-CD20) [molécules de plus en plus utilisées en hématologie] ou le tras-tuzumab (Herceptin®), utilisé dans le cancer du sein. Pour les anticorps anti-EGF-R (cétuximab [Erbitux®] et panitumumab [Vectibyx®]), couramment utilisés pour les cancers du côlon, il n’est pas rapporté de toxicité sur le système nerveux.

Épothilones ◆

Les épothilones constituent une nouvelle classe de stabilisateurs des microtubules, de mécanisme commun avec les taxanes, auxquels ils se substituent souvent comme traitement de deuxième intention, en particulier dans le cancer du sein métastatique. Il existe différents sous-types (de A à F), et le plus communément utilisé est actuellement l’épothi-lone B de première (patupilone) et deuxième géné-rations (ixabepilone). Leur toxicité neurologique est essentiellement périphérique (12). Il s’agit de NP sensitives souvent peu sévères.

Inhibiteurs de tyrosine kinases ◆

Les traitements comme l’erlotinib (Tarceva®), le gefitinib (Iressa®), l’imatinib (Glivec®) ou le sora-fenib (Nexavar®) ne présentent pas de neurotoxi-cité connue, sinon sur le SNC. Des cas de PRES ont été décrits avec le sorafenib ou d’œdème cérébral avec l’imatinib.

Inhibiteurs du protéasome ◆

Le bortézomib (Velcade®) appartient à la nouvelle classe thérapeutique des inhibiteurs du protéasome. Ces dernières années, il a favorisé un grand progrès dans le traitement du myélome multiple. Actuellement indiqué en traitement de deuxième intention, il est de plus en plus utilisé en première ligne, toujours associé à la dexaméthasone. Le principal effet secondaire limitant est la NP qui survient chez au moins un tiers des patients (13) et qui est le plus souvent dose-dépendante. Il existe une bonne récupéra-tion clinique avec 71 % des patients présentant une amélioration à 2 mois de la fin du traite-ment. La préexistence fréquente d’une polyneu-ropathie (de grade 1 ou 2) chez les sujets avec myélome multiple (jusqu’à 15 % des patients) [13] prédispose au même titre que le diabète au développement d’une polyneuropathie plus sévère (de grade 3 ou 4). Il s’agit le plus souvent d’une polyneuro pathie cliniquement sensitive avec atteinte motrice peu sévère mais fréquente sur le plan électrophysiologique (14). La physio-pathologie en est encore inconnue (15). Toutes les fibres nerveuses sont touchées et il semble exister une toxicité sur l’axone mais également sur le ganglion rachidien postérieur (14). La diminution des doses de même que l’espace-ment des séances de traitement permettent souvent une amélioration de la symptoma-tologie neurologique. Des recommandations ont ainsi été établies pour adapter les doses en fonction de la survenue d’une neuropathie (tableau VI).Il est aujourd’hui fréquent d’associer ce traitement à la thalidomide ou au lénalidomide dans le cadre de la prise en charge du myélome multiple. Il ne semble pas que l’association de ces médicaments, individuellement potentiellement toxiques, soit à l’origine d’une toxicité combinée cumulée. À l’inverse, et possiblement à cause du caractère anti-inflammatoire de la thalidomide mais aussi du lénalidomide, la toxicité sur le nerf périphé-rique est moindre, avec moins de neuropathies de grades 3 et 4.

Lénalidomide (Revlimid ◆ ®)Le lénalidomide est un nouvel analogue de la thalido-mide, d’utilisation de plus en plus fréquente dans le myélome et dans les myélodysplasies (13, 16). Dans l’étude de A. List et al. (16) sur 148 patients traités par 10 mg/j de lénalidomide, aucune NP chimio-induite (NPCI) n’a été mentionnée comme effet secondaire.

Tableau VI. Recommandations pour l’adaptation du traitement en cas de neuropathie induite par le bortézomib (9).

Sévérité de la neuropathie Adaptation des doses et fréquence d’administration

Paresthésies ou abolition des réflexes Pas de modification

Douleurs ou symptômes entraînant une gêne sans limitation de l’autonomie

Réduction des doses à 1 mg/m2

Douleurs ou symptômes entraînant une limitation de l’autonomie

Arrêt jusqu’à la résolution des symptômes puis reprise à 0,7 mg/m2 1 fois par semaine

Atteinte sensitive permanente avec gêne Arrêt du traitement

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mise au point

En revanche, dans l’étude de P.G. Richardson et al. (17) 15 des 102 patients traités par 30 mg/jour de lénalidomide présentaient des signes de NPCI, mais 3 seulement avec des symptômes invalidants. À ce jour, il est communément accepté que la neuro-toxicité du lénalidomide sur le SNP est moindre que celle de la thalidomide, alors que son action antitumorale semble identique.

Suramine ◆

Traditionnellement instaurée dans le traitement des maladies parasitaires, la suramine est aujourd’hui utilisée dans les études de phases I et II, chez des patients atteints de tumeurs solides, en particulier le cancer pulmonaire non à petites cellules. Sa toxicité est essentiellement périphérique. Deux types d’atteintes sont décrits. La première – la plus fréquente, qui touche plus de 20 % des patients – est sensitivomotrice, axonale et peu sévère. La seconde est une atteinte démyélinisante aiguë (syndrome de Guillain-Barré), présente dans à peu près 10 % des cas, dont l’évolution peut être sévère.

Thalidomide ◆

La thalidomide est un médicament ancien avec de nouvelles applications cliniques, en particulier dans les hémopathies. Son mécanisme d’action, mal connu, est probablement en rapport avec une action immunomodulatrice et antiangiogénique.L’atteinte du SNP est fréquente, jusqu’à 81 % des cas dans certaines séries (18), mais tardive. Il s’agit d’une polyneuropathie axonale, longueur-dépendante, à nette prédominance sensitive et douloureuse qui le plus souvent ne régresse pas à l’arrêt du traitement. L’atteinte motrice quand elle existe, est peu sévère. Une étude récente, menée sur 75 patients avec myélome multiple, a montré une corrélation entre l’apparition des symptômes et la durée du traitement (18). La comparaison entre 6 et 12 mois de traitement par thalidomide indiquait une NPCI dans 38 % et 78 % des cas respectivement. Cette étude démontre également qu’il existe des séquelles électrophysiologiques sensitives, le plus souvent infracliniques, dans 39 % des cas. Dans les formes sévères de neuropathie à la thalidomide, la récupération reste très modérée (19). D’après cette étude et une méta-analyse de 12 autres études, les auteurs suggèrent de ne pas dépasser les 6 mois de traitement. Cela n’est cependant pas forcément respecté en pratique clinique et, à l’inverse, son utilisation a tendance à s’élargir dans le traitement d’entretien du myélome à cause de l’impact sur la survie du patient.

Sur le plan central, la toxicité est très rare. Il peut y avoir une recrudescence des crises d’épilepsie chez les patients traités pour tumeur gliale.

Prise en charge des complications induites par la chimiothérapie

La possibilité d’une prévention de la neurotoxicité centrale ou périphérique serait utile. Dans le cadre des NPCI en particulier, différents agents (oxcarbamazépine, amifostine, Org 2766, vitamine E) ont été étudiés (20). Les résultats semblent encourageants, mais ces molécules n’ont pas fait l’objet de grandes études randomisées. En pratique, aucun de ces agents n’est utilisé de manière systématique, à l’exception des perfusions de calcium et de magnésium en association avec l’oxaliplatine pour la prévention des NPCI (21). D’autres études sont aujourd’hui en cours et la créa-tion en 2008 d’un réseau européen (PERINOMS) devrait aider à mieux collecter ces données et à mettre en place des études thérapeutiques prospec-tives multicentriques. À ce jour, la prévention passe essentiellement par la modification ou l’arrêt des traitements afin de minimiser la toxicité (comme avec le bortézomib).Dans le cadre des atteintes centrales, les compli-cations aiguës entraînent l’arrêt de l’agent respon-sable et nécessitent parfois la mise sous corticoïdes. Lorsque la toxicité est installée et la chimiothérapie arrêtée, en dehors du cas de l’ifosfamide et du bleu de méthylène, il faut entreprendre un traitement symptomatique.Il convient dans tous les cas de prendre en charge le retentissement psychologique et social, les troubles cognitifs, la fatigue ou la douleur mais aussi les déformations osseuses, les ulcères ou les troubles de la marche associés.

Conclusion

La neurotoxicité peut constituer le facteur limitant du traitement oncologique et être responsable d’un impact sur la qualité de vie. Cette toxicité dépend bien sûr de la voie d’injection du traitement (systé-mique ou i.t.), mais elle est surtout fonction de la capacité des agents cytotoxiques à traverser la BHE. Les médicaments diffusant aisément (agents alky-lants, dérivés du platine, aracytine ou méthotrexate) sont ceux dont la toxicité neurologique est la plus importante. Malgré une meilleure connaissance à

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Complications neurologiques des chimiothérapiesmise au point

l’heure actuelle des différents tableaux neurologiques susceptibles de survenir, du fait de la multiplicité des traitements reçus potentiellement neurotoxiques (autres chimiothérapies, médicaments associés, neurochirurgie, radiothérapie), il est parfois difficile d’affirmer formellement la responsabilité d’un médi-cament. Celle-ci doit en tout cas être évoquée après s’être assuré de l’absence des différents diagnostics différentiels.

Les troubles les plus fréquents et les mieux docu-mentés sont les EP et les NP. La prise en charge en est très complexe et nécessite des consultations spéciali-sées multidisciplinaires afin d’éviter l’installation des symptômes, sinon de les détecter le plus précocement possible pour limiter le risque de séquelles irréversi-bles. À l’avenir, un effort particulier devra être porté sur les traitements préventifs afin de renforcer les résultats à ce jour encourageants. ◼

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Références bibliographiques

Nouveau !La Lettre du Neurologuevient d’être indexée dans la base Pascal de l’Institut de l’information scientifique et technique du CNRS (INIST-CNRS).