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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2010 180 dossier thématique Risques organiques Partie I Complications✓des✓chimiothérapies✓ anticancéreuses✓sur✓le✓système✓nerveux✓ périphérique✓et✓la✓moelle Chemotherapy-induced toxicity on peripheral nervous system  and spinal cord P. Landrieu* * Neuropédiatre, CHU Paris Sud, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre. L e traitement chimiothérapique des leucémies et cancers comporte deux grands types de compli- cations pour le système nerveux périphérique (SNP). Certaines molécules administrées par voie générale ont une neurotoxicité périphérique dose-dépendante, le plus souvent insidieuse, avec une susceptibilité indi- viduelle variable. Les traitements dirigés contre les envahissements méningés, particulièrement dans les leucémies aiguës et les lymphomes, comportent des risques propres, liés à leur administration intrathécale (IT). RÉSUMÉ Summary » Les complications des chimiothérapies anticancéreuses sur le système nerveux périphérique sont principalement de deux ordres. Le premier concerne les neuropathies périphériques liées aux médications administrées par voie générale ; ce sont des polyneuropathies axonales qui prédominent habituellement sur le versant sensitif, la plus fréquente étant la neuropathie à la vincristine, administrée lors des phases d’induction et de consolidation des leucémies aiguës lymphoblastiques et des lymphomes non hodgkiniens. Pour chaque médication en cause, on s’efforce d’identifier le profil clinico-physiologique de la neuropathie, la dose cumulative à risque et le mécanisme biologique. Ces neuropathies donnent lieu à divers pièges : potentialisation de la neurotoxicité par un médicament autre, révélation par la chimiothérapie d’une neuropathie constitutionnelle préexistante, survenue d’un syndrome de Guillain-Barré fortuit ou favorisé par une réactivation virale. L’autre type de complications concerne la toxicité médullaire liée aux injections intrathécales comportant de l’aracytine, notamment dans les leucémies soumises à un traitement d’intensification. Le tableau est celui d’une paraplégie où prédomine nettement l’atteinte du neurone moteur périphérique, d’évolution aiguë et de récupération médiocre. La gravité de cette complication, de type ”non prévisible“, a amené à diverses mesures de prudence, notamment à disjoindre dans le temps les chimiothérapies systémiques à haute dose et les injections intrathécales. Mots-clés✓:✓Complications✓des✓chimiothérapies✓anticancéreuses✓–✓ Leucémies✓–✓Système✓nerveux✓périphérique. Two types of side effects are observed on PNS during chemotherapies against cancer. The first covers the peripheral neuropathies related to drugs given by systemic route; they are axonal polyneuropathies, usually predominating on the sensory nerve fibers. The most frequent is the neuropathy due to vincristine, administered during the induction and consolidation phases in acute leukemias. For each drug, efforts are made to determine the clinico-physiological pattern of the neuropathy, the biological mechanism and the at-risk cumulative doses. Various clinical traps have to be known: potentiation of the neurotoxicity by another drug, revelation of a preexisting constitutional polyneuropathy, occurrence of a Guillain-Barré disease after reactivation of a virus. The second type covers the spinal toxicity due to the intrathecal administrations of drugs including aracytine C, especially in leukemias submitted to intensification treatment. The picture is an acute paraplegia, in which motor neurons are predominantly affected; the outcome is poor. This severe, “unpredictable complication” led to various preventive measures, including a chronological disconnection between systemic high-dose chemotherapies and intrathecal injections. Keywords: Chemotherapy-induced toxicity – Cancer – Leukemias – Peripheral nervous system.

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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2010180

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Risques organiquesPartie I

Complications✓des✓chimiothérapies✓anticancéreuses✓sur✓le✓système✓nerveux✓périphérique✓et✓la✓moelleChemotherapy-induced toxicity on peripheral nervous system and spinal cordP. Landrieu*

* Neuropédiatre, CHU Paris Sud, hôpital Bicêtre,

Le Kremlin-Bicêtre.

L e traitement chimiothérapique des leucémies et cancers comporte deux grands types de compli-cations pour le système nerveux périphérique

(SNP).✓✓ Certaines molécules administrées par voie générale

ont une neurotoxicité périphérique dose-dépendante,

le plus souvent insidieuse, avec une susceptibilité indi-viduelle variable.

✓✓ Les traitements dirigés contre les envahissements méningés, particulièrement dans les leucémies aiguës et les lymphomes, comportent des risques propres, liés à leur administration intrathécale (IT).

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y » Les complications des chimiothérapies anticancéreuses sur le système nerveux périphérique sont principalement de deux ordres. Le premier concerne les neuropathies périphériques liées aux médications administrées par voie générale ; ce sont des polyneuropathies axonales qui prédominent habituellement sur le versant sensitif, la plus fréquente étant la neuropathie à la vincristine, administrée lors des phases d’induction et de consolidation des leucémies aiguës lymphoblastiques et des lymphomes non hodgkiniens. Pour chaque médication en cause, on s’eff orce d’identifi er le profi l clinico-physiologique de la neuropathie, la dose cumulative à risque et le mécanisme biologique. Ces neuropathies donnent lieu à divers pièges : potentialisation de la neurotoxicité par un médicament autre, révélation par la chimiothérapie d’une neuropathie constitutionnelle préexistante, survenue d’un syndrome de Guillain-Barré fortuit ou favorisé par une réactivation virale. L’autre type de complications concerne la toxicité médullaire liée aux injections intrathécales comportant de l’aracytine, notamment dans les leucémies soumises à un traitement d’intensifi cation. Le tableau est celui d’une paraplégie où prédomine nettement l’atteinte du neurone moteur périphérique, d’évolution aiguë et de récupération médiocre. La gravité de cette complication, de type ”non prévisible“, a amené à diverses mesures de prudence, notamment à disjoindre dans le temps les chimiothérapies systémiques à haute dose et les injections intrathécales.

Mots-clés✓:✓Complications✓des✓chimiothérapies✓anticancéreuses✓–✓Leucémies✓–✓Système✓nerveux✓périphérique.

Two types of side effects are observed on PNS during chemotherapies against cancer. The fi rst covers the peripheral neuropathies related to drugs given by systemic route; they are axonal polyneuropathies, usually predominating on the sensory nerve fi bers. The most frequent is the neuropathy due to vincristine, administered during the induction and consolidation phases in acute leukemias. For each drug, efforts are made to determine the clinico-physiological pattern of the neuropathy, the biological mechanism and the at-risk cumulative doses. Various clinical traps have to be known: potentiation of the neurotoxicity by another drug, revelation of a preexisting constitutional polyneuropathy, occurrence of a Guillain-Barré disease after reactivation of a virus. The second type covers the spinal toxicity due to the intrathecal administrations of drugs including aracytine C, especially in leukemias submitted to intensification treatment. The picture is an acute paraplegia, in which motor neurons are predominantly aff ected; the outcome is poor. This severe, “unpredictable complication” led to various preventive measures, including a chronological disconnection between systemic high-dose chemotherapies and intrathecal injections.

Keywords: Chemotherapy-induced toxicity – Cancer – Leukemias – Peripheral nervous system.

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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2010 181

Complications des chimiothérapies anticancéreuses sur le système nerveux périphérique et la moelle

Ces risques peuvent se cumuler avec ceux des chimiothérapies systémiques, surtout s’il existe des lésions de la barrière hémato-nerveuse. Ils ne sont guère ”prévisibles“ et sont d’autant plus difficiles à prévenir que ces approches sont indispensables au traitement préventif des rechutes neurologiques des leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) ou des lymphomes non hodgkiniens (LNH), en particulier pour les groupes ayant des facteurs pronostiques péjoratifs qui justifient une intensification de ce trai-tement ciblant le système nerveux central : injections IT triples (ITT) et chimiothérapies systémiques à haute dose (méthotrexate et aracytine).Rappelons que les protocoles de LAL de l’enfant, pris ici comme exemple type, étaient associés, au début des années 1970, à un risque de rechute isolée au niveau du système nerveux central (SNC) de l’ordre de 30 à 40 %, après rémission obtenue par chimio-thérapie seule. La thérapie présymptomatique de ces localisations neuroméningées fut d’abord fondée sur la radiothérapie (encéphale + axe spinal), puis sur l’association radiothérapie de l’encéphale (jusqu’à C2) + injections IT de méthotrexate. Ce traitement prophylactique fi t descendre à moins de 5 % le risque de rechute neuro-méningée, et permit à plus de 50 % des enfants une survie à long terme. Cependant, le retentissement neuro cognitif, endocrinien et osseux s’avéra considérable, et le risque de tumeur cérébrale secondaire non négligeable. C’est ainsi que l’on fut amené à concevoir les chimio thérapies IT capables de se substituer à la radiothérapie. Cela fut obtenu par l’augmentation du nombre d’IT de méthotrexate, puis leur association à un corticoïde et à la cytarabine. C’est alors que furent observées ces complications neuro-logiques, rares mais habituellement dramatiques.À la toxicité des molécules sur la cellule nerveuse elle-même s’ajoute un risque de toxicité sur le tissu arachnoïdien, responsable d’une ”arachnoïdite“ sus-ceptible de léser les racines nerveuses qui le traversent ainsi que la pie-mère médullaire et les vaisseaux qui la pénètrent.D’autres complications iatrogéniques occasionnelles sur le SNP sont arbitrairement exclues du présent cadre : celles liées aux traitements antidouleurs, aux infections sévères et processus dysimmunitaires secondaires à l’immunodépression iatrogène, à la neurochirurgie d’implantation de réservoirs permet-tant de distiller un traitement intrathécal régulier, et dans les rechutes neuroméningées sévères de LA. En revanche, bien que le muscle ne fasse pas partie stricto sensu du SNP, de rares atteintes iatrogènes sont évoquées.

Principaux tableaux neurologiques : traitements en cause

Le SNP comporte essentiellement les nerfs périphé-riques, composés des prolongements axonaux des neurones moteurs, sensitifs et autonomes. Cependant, comme les corps cellulaires de ces cellules se trou-vent en position centrale (intramédullaire ou intra-rachidienne), les syndromes médullaires font partie des atteintes du SNP dès lors qu’ils impliquent ces structures, qui ont pour nom ”corne antérieure” (moto-neurones périphériques), ”ganglion pararachidien postérieur” (premier neurone sensitif périphérique) ou ”colonne intermedio-lateralis” (neurones de la motricité autonome). Rappelons que, à l’inverse, une majeure partie des corps cellulaires du système nerveux autonome postganglionnaire est située en position très périphérique (ganglions et plexus intra-organes).Au cours d’un processus toxique sur le nerf périphé-rique, il est classique de faire la part entre ce qui relève d’une toxicité purement ”axonale“, reconnaissable par son caractère ”longueur-dépendant” et sa prédomi-nance clinique distale, et ce qui relève d’une toxicité s’exerçant au niveau du corps cellulaire. Cette possibilité existe, mais n’a pas été clairement démontrée par l’iden-tifi cation de protéines-cibles qui se révéleraient d’une densité nettement diff érente sur l’une ou l’autre partie du neurone. En règle générale, une toxicité neuronale insidieuse retentira d’abord sur la machinerie cellulaire responsable des fl ux axonaux et manifestera donc une prédominance clinique distale. À l’inverse, une toxicité aiguë, induisant une mort rapide du corps cellulaire et de ses prolongements, aura un retentissement à la fois proximal et distal. Quant à une éventuelle toxicité sur la cellule de Schwann et/ou la myéline périphérique, elle n’a pas de traduction clinique clairement démontrée dans les chimiothérapies habituelles.De manière générale, les médicaments dont la toxi-cité neurologique est la plus importante sont les plus lipophiles ; ce sont ceux dont la diff usion à travers les membranes est la plus aisée : agents alkylants (métabo-lites du cyclophosphamide et de l’ifosfamide, thiotépa, melphalan à forte dose), busulfan, dérivés du platine, aracytine, méthotrexate.

Neuropathie✓périphérique✓axonaleLes neuropathies périphériques liées aux médications anticancéreuses prédominent habituellement sur les neurones sensitifs, la toxicité s’exerçant soit au niveau de l’axone, soit au niveau du ganglion rachidien postérieur, d’où leur fréquente révélation par des douleurs ou des

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Risques organiquesPartie I

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paresthésies. Dans un objectif pratique d’anticipation du risque, on tend à distinguer les neuropathies aiguës, susceptibles d’intervenir après une exposition courte, et les neuropathies insidieuses, apparaissant après une exposition prolongée. Dans les deux cas, on cherche à déterminer les types de doses à risque, qui varient en fonction du médicament et de son mode d’adminis-tration : dose ponctuelle quand la toxicité semble liée au pic plutôt qu’à l’accumulation ; dose cumulative par cycle et numéro du cycle à risque maximal lorsqu’il s’agit d’administrations séquentielles ; dose cumulative totale. Cette détermination n’est pas toujours possible, autant par manque d’études de grandes cohortes que parce que chacun des divers métabolites secondaires de la médication en cause a une toxicité et une clairance propres, que nous restons habituellement incapables de déterminer. Les autres facteurs de risque principaux sont l’administration simultanée d’autres médications neurotoxiques (encore que certains eff ets positifs para-doxaux soient parfois enregistrés), l’âge du patient, le contexte nutritionnel et d’éventuelles intoxications non médicamenteuses.L’archétype est la neuropathie liée à l’administration des alcaloïdes de la pervenche. La vincristine – utilisée dans les protocoles de LAL, de lymphomes T ou de mala-dies de Hodgkin, de l’enfant comme de l’adulte – a une action qui s’exerce principalement à l’encontre des micro-tubules nucléaires au moment de la mitose. Son eff et neurotoxique relève probablement d’un mécanisme similaire sur les microtubules du cyto squelette axonal. La neuropathie est corrélée à un eff et cumulatif des doses par cycle, avec une susceptibilité individuelle variable. Pour des doses de l’ordre de 5 mg/ m² par cycle, elle reste habituellement infra-symptomatique, se traduisant par une simple abolition des réfl exes ostéotendineux et une altération des tests fi ns de la sensibilité à conduction rapide. Lorsqu’elle est symptomatique, elle apparaît au bout de 2 mois environ, annoncée habituellement par des troubles sensitifs (paresthésie, hypoesthésie distale) suivis d’un défi cit moteur prédominant sur les releveurs du pied et les muscles de la main. Fréquemment, des signes dysautonomiques coexistent, comme une consti-pation pouvant aboutir à l’iléus paralytique ou une réten-tion d’urine. L’électromyoneurographie montre un profi l de neuropathie axonale, avec des vitesses de conduction nerveuse (VCN) normales ou subnormales, des potentiels musculaires ou nerveux post-stimulation diminués paral-lèlement à l’intensité de la perte axonale. Bien qu’une aggravation puisse se poursuivre pendant plusieurs semaines au-delà de l’interruption du traitement (jusque dans un quart des cas, pour C.C. Verstappen et al.) [1], la réversibilité des formes patentes est bonne en moins

d’une année après arrêt du traitement, de même que la réversibilité des formes légères après réduction des doses, du moins chez l’enfant.Cette neuropathie soulève occasionnellement des diffi cultés de diagnostic. Dans sa forme aiguë, avec atteinte motrice patente, le diagnostic diff érentiel prin-cipal est celui d’une polyradiculonévrite aiguë de type Guillain-Barré, c’est-à-dire d’origine infl ammatoire et auto-immune, que celle-ci soit postinfectieuse (réacti-vation d’un virus EBV, par exemple) ou paranéoplasique. Le contexte anamnestique, l’hyperprotéinorachie isolée, les signes neurophysiologiques de démyélinisation aiguë (blocs de conduction puis abaissement des VCN) permettent en principe de faire la diff érence, mais il peut être impossible de trancher, notamment parce que l’hyperprotéinorachie n’a pas de spécifi cité et qu’il existe des formes purement axonales du syndrome de Guillain-Barré. Dans les formes patentes, où une erreur dans les doses administrées a été éliminée, il faut se poser la question d’une potentialisation de la neurotoxicité par un autre facteur. Le plus classique et le plus facile à mettre en évidence est la préexistence d’une neuropathie génétique infraclinique de type Charcot-Marie-Tooth (2), maladie dont la prévalence est de l’ordre de 1 pour 2 500 : l’anamnèse personnelle, l’anamnèse familiale (la plupart des formes sont héri-tées de manière dominante), les paramètres électro-physiologiques et leur évolution, ainsi que les tests génétiques permettent d’établir le bon diagnostic. Une autre possibilité est qu’un autre agent thérapeutique ait potentialisé la neurotoxicité. Cela semble établi pour des médications antifongiques comme les nouveaux azolés (itraconazole et posaconazole), la cyclospo-rine, l’isoniazide ou la nifédipine, probablement par modifi cation des cytochromes 3A4 ou des pompes à P-glycoprotéine. L’érythromycine a aussi un eff et poten-tiateur de neurotoxicité, pour la vincristine comme pour d’autres antimitotiques, probablement en partie par un eff et synergique au niveau des canaux hERG K+.La neurotoxicité de la vincristine est caricaturée par les conséquences de son injection intrathécale acciden-telle. Celle-ci engendre un tableau myélo-encéphalo-pathique dramatique, dominé par les signes cérébraux. L’évolution est généralement létale, mais un traitement neurochirurgical agressif de lavage-remplacement du liquide céphalo-rachidien (LCR) par du plasma peut être contributif lorsque l’erreur est détectée précocement (3). Le recensement de plusieurs dizaines de cas a conduit à des recommandations et mesures spécifi ques dans tous les centres concernés, notamment ceux où des injections intrathécales peuvent être pratiquées par des non-médecins.

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Risques organiquesPartie I

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Les principales autres médications anticancéreuses dont la neurotoxicité risque d’engendrer une neuropathie périphérique axonale, à prédominance sensitive, sont les suivantes (tableau).Le cisplatine a une neurotoxicité périphérique quasi-ment constante lorsque les doses cumulatives attei-gnent 600 mg/m². Le tableau est dominé par des douleurs et des dysesthésies en gants et en chaus-settes, alors que l’atteinte motrice est nulle ou légère. Des bourdonnements d’oreille et une perte d’audition sont possibles.L’oxaliplatine induit une neuropathie comparable, mais peut surtout provoquer une forme aiguë appa-raissant dans l’heure qui suit la perfusion, comportant à la fois des signes sensitifs et des signes d’hyper-excitabilité des unités motrices (fasciculations, myo-kymies, crampes). Elle disparaît en quelques jours ou quelques semaines, pour réapparaître de façon inconstante aux injections suivantes, en perdant parfois sa capacité de régression. On l’attribue à une action délétère sur la régulation calcique des canaux sodium voltage-dépendants.Les taxanes, promoteurs d’assemblage et de stabilisa-tion des microtubules, sont très utilisés dans le traite-ment des cancers du sein et de l’ovaire.

Le paclitaxel induit une neuropathie axonale, sensitive (paresthésies douloureuses en gants et chaussettes), puis sensitivo-motrice, qui semble corrélée à la fois à la dose ponctuelle et à la dose cumulative.Le bortézomib, tripeptide de synthèse à action inhibi-trice spécifi que sur le 27S protéasome, est surtout utilisé dans le traitement du myélome multiple et de certains lymphomes de l’adulte. Il entraîne une neuropathie dans 30 % des cas, qui prédomine sur les petites fi bres nerveuses et peut être douloureuse. Elle est liée à la dose cumulative, apparaît entre 3 semaines et 6 mois de traitement, et régresse correctement, sauf dans les 10 à 15 % de formes sévères.La procarbazine induit dans environ 17 % des cas une neuropathie sensitive (paresthésies, engourdissements distaux), après une durée d’exposition de quelques semaines. Elle est souvent utilisée en conjonction avec la vincristine (protocoles de type MOPP, COPP ou BEACOPP). Il semble qu’il n’y ait pas d’eff et additif de leur neurotoxicité respective.La thalidomide est utilisée dans le traitement de cer-tains myélomes et leucémies myéloblastiques aiguës de l’adulte. Elle induit une neuropathie insidieuse au bout de 1 à 9 mois de traitement par des doses usuelles (25-100 mg/j), par un eff et cumulatif de doses habi-

Tableau. Principales médications à neurotoxicité périphérique après administration systémique : type de neuropathie et type de dose à risque (valeurs indicatives).

Médication(exemple de dose usuelle)

Neuropathie aiguëaprès exposition courte

(dose cumulative à risque)

Neuropathie insidieuseaprès exposition prolongée(dose cumulative à risque)

Réversibilité(forme chronique

après arrêt, sujet jeune)

Cible de la toxicité neurono-axonale

Vincristine1,5 mg/m² (maximum 2 mg)× 4 sur 4 semaines (induction LAL enfant)

++(> 30 mg cumul)

+ Bonne Déceler la présence de microtubules

dans l’axone

Cisplatine 50-120 mg/m² toutes les 4 semaines (adulte/enfant)

+/– ++(> 420 mg/m²)

Imparfaite ?

Oxaliplatine85 mg/m²/toutes les 2 semaines(adulte)

+++(dose usuelle)

++ Bonne Savoir si les canaux sodium sont voltage-

dépendants

Procarbazine5 mg/kg/j pendant 10-15 j/mois(adulte)100 mg/m²/j × 15 j (enfant)

+ +(> 1,50 g/m² cumul)

Bonne ?

Paclitaxel175 mg/m² toutes les 3 semaines

++(> 175 mg/m2/cycle)

++ Bonne Déceler la présence de microtubules

dans l’axone

Bortézomib1,3 mg/m² × 8/cycle (adulte)

+/– ++> 7 mg/m² cumul

Bonne Inhib. protéasome ?Apoptose

mitochondriale ?

Thalidomide200 mg/j en cycles de 6 semaines(adulte)

++(> 20 g cumul)

Médiocre ?

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tuellement supérieures à 20 grammes. Elle est d’abord sensitive, puis plus tardivement motrice, prédominant volontiers sur le nerf saphène externe et sur le nerf médian. Sa récupération après arrêt du traitement est souvent partielle, notamment en ce qui concerne les douleurs.Des neuropathies démyélinisantes, aiguës ou subaiguës, sont occasionnellement observées lors de traitements par des médications antirejet (cyclosporine, tacrolimus, sirolimus). Leur mécanisme semble essentiellement infl ammatoire et dysimmunitaire, sortant de ce fait du cadre du présent travail.

Paraplégie✓aiguë✓par✓myélopathieUne paraplégie est une paralysie limitée aux membres inférieurs et à la partie inférieure du tronc. Lorsqu’elle est aiguë, elle est généralement d’origine médullaire et s’accompagne d’un syndrome lésionnel plus ou moins complet, en tout cas d’une limite supérieure au-dessus de laquelle il n’y a pas de défi cit neurologique. Cette limite peut évoluer au cours de la phase active de la maladie (généralement en s’étendant vers le haut). Lorsque cette limite est située au niveau cervical ou au niveau du tronc cérébral, le tableau est celui d’une tétraplégie. Lorsque le défi cit concerne uniquement les territoires lombo-sacrés, sans signe de souff rance de la moelle sus-jacente (absence de signes pyramidaux), le tableau est celui d’un syndrome de la queue de cheval, évoquant alors des lésions du trajet intrathécal des racines terminales, plutôt que de leur origine intra-médullaire. Ces tableaux doivent être distingués des polyneuropathies diff uses prédominant nettement aux membres inférieurs, dans lesquelles il n’y a pas de syndrome médullaire ni radiculaire, et pour lesquelles l’examen retrouve des signes défi citaires discrets au niveau des membres supérieurs et de la face.Le tableau typique est décrit au décours d’injections ITT, associant méthotrexate + cytarabine + corticoïde (ce dernier, variable selon les protocoles utilisés, est le plus souvent du Depo-Medrol® ou de l’hémisuccinate d’hydrocortisone), telles celles incluses dans les proto-coles anti-LAL utilisés de manière ubiquitaire depuis les années 1980. Nous avons pu observer 11 cas chez des enfants, sur une période de 6 ans. La paraplégie s’installait après un nombre variable de 3 à 16 injec-tions. Elle s’annonçait par des douleurs des membres inférieurs et était dominée par une paralysie motrice de ces membres, qui survenait dans un délai de quelques heures à quelques jours après la dernière IT. La phase d’aggravation s’étendait sur 1 à 4 semaines, gagnant les membres supérieurs chez 3 patients. À la phase d’état, tous les patients sauf 1 avaient perdu la station debout ;

le défi cit moteur prédominait de manière distale sur les releveurs ; les défi cits sensitifs étaient absents ou mineurs chez tous les patients, les troubles sphinc-tériens étaient présents chez 2 patients. La phase de récupération se dessinait au mieux à partir de 3 mois et le handicap à 2 ans restait majeur chez 8 patients sur 9. Les meilleures récupérations s’observaient sur les groupes musculaires initialement peu touchés. L’amélioration se poursuivait pendant plusieurs années, mais quelques patients développaient secondaire-ment, et de manière insidieuse, des signes d’atteinte du faisceau pyramidal. À la période aiguë, l’IRM était généralement normale, et l’analyse du LCR montrait une hyperprotéinorachie modérée chez 5 patients, sans réaction cellulaire. L’électromyogramme révélait une atteinte axonale motrice sévère, avec disparition progressive des réponses motrices à la stimulation du nerf moteur dans les territoires les plus atteints, alors que les potentiels sensitifs étaient respectés.L’impact lésionnel de cette neurotoxicité aiguë semble essentiellement intramédullaire, prédominant sur la corne antérieure. Dans les formes majeures et létales, des documents post mortem ont fait état de lésions de nécrose médullaire (4) ; dans des formes sévères avec paraplégie défi nitive, l’IRM peut montrer une atro-phie secondaire de la moelle thoraco-lombaire (� gure, p. 186). Cette toxicité pourrait porter également sur les racines de la moelle dans leur portion intraméningée, particulièrement les racines antérieures, comme le sug-gèrent certaines IRM montrant des signaux anormaux à ce niveau (5). Cependant, ces signaux radiculaires anor-maux pourraient aussi bien traduire une souff rance axo-nale aiguë en rapport avec la mort des motoneurones.L’agent causal est probablement la cytarabine ou bien l’association cytarabine + méthotrexate. En eff et, des paraplégies identiques ont été décrites après injection de cytarabine seule, alors que des paraplégies isolées, anciennement décrites au décours d’injections IT de méthotrexate seul, semblent plus rares, moins aiguës, plus bénignes et réversibles. Quant au corticoïde, il est improbable qu’il potentialise cette neurotoxicité, mais il n’est pas prouvé qu’il diminue la réaction infl ammatoire méningée secondaire à des injections IT séquentielles.Le traitement des LAL ou des LNH des groupes à risque élevé comporte aujourd’hui l’administration de chimiothérapies à haute dose : 1 à 8 g/m² par cure pour le méthotrexate administré en i.v. lente sur 4 à 36 heures, 1 à 3 g/m² par bolus pour l’aracytine passé le plus souvent en 3 heures, avec une dose totale par cure variable (4 à 36 g) répartie sur 1 à 6 jours. Ces hautes doses, qui permettent une pénétration nettement plus marquée à travers la barrière hémato-nerveuse,

Complications des chimiothérapies anticancéreuses sur le système nerveux périphérique et la moelle

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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2010186

Risques organiquesPartie I

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majorent à la fois le risque de neurotoxicité au niveau du SNC (6) [lire l’article de F. Bompaire et al., p. 191], mais très probablement aussi le risque local, intramédul-laire, par cumul des doses avec celles injectées par voie intrathécale.

Problème✓de✓l’arachnoïditeL’arachnoïde, méninge molle où circule le LCR, peut être le lieu d’une réaction infl ammatoire et fi bro-proliférative secondaire à l’injection IT de substances médicamen-teuses : on parle d’arachnoïdite chimique. Cela a été bien démontré pour des substances non directement neurotoxiques, comme les produits de contraste ou les anesthésiques. La réaction a une prédominance locale, donc lombaire. Elle se traduit par l’apparition progressive de lombalgies rebelles, d’une atteinte radiculaire intéressant l’une ou l’autre des 3 dernières racines lombaires, au maximum par un syndrome de la queue de cheval plus ou moins complet. La ponction lombaire montre une hyperprotéinorachie variable. L’IRM montre d’abord une prise de gadolinium sur les racines nerveuses, puis un épaississement méningé et un agglomérat des racines nerveuses, soit en position centrale au sein du sac thécal, soit en position périphé-rique de la méninge en laissant une apparence de sac vide. Dans les formes évoluées, un signal de tissu mou occupe la place de l’espace méningé (7), avec parfois formation de petits kystes arachnoïdiens secondaires aux troubles de la circulation du LCR.Le diagnostic d’arachnoïdite clinique ne saurait être retenu sur la simple constatation IRM d’un signal méningé anormal. Dans le contexte d’une myélo-pathie aiguë ou subaiguë survenant après injection de médications neurotoxiques, ce signal n’est proba-blement qu’un épiphénomène, parfois même préexis-tant à l’injection responsable, chez les patients déjà préalablement soumis à des injections IT (� gure). Une arachnoïdite chronique isolée, cliniquement patente, secondaire à l’administration IT d’antimitotiques est une complication certainement rare : depuis 20 ans (période de la diff usion de l’IRM), aucune observation convaincante n’a été publiée. En revanche, une arach-noïdite même infraclinique modifi e très probablement à la fois la circulation du LCR, donc la diff usion et la clairance méningée du médicament, et la perméabilité de la barrière hémato-nerveuse. Elle pourrait donc favoriser, au sein du tissu médullaire, la pénétration des antimitotiques administrés par voie générale ou par voie locale ; dissocier dans le temps ces 2 modes d’administration permet d’éviter au moins l’eff et cumu-latif ponctuel, surtout si la chimiothérapie systémique est donnée à haute dose.

MyolyseDans le cadre des leucémies aiguës, des épisodes de rhab-domyolyse sont décrits au cours de situations variées : les plus fréquentes sont celles résultant d’une infection bactérienne ou fongique sévère chez un patient immuno-

Figure. Images IRM de la moelle basse d’un enfant atteint de LAL, ayant présenté, 15 jours après un traitement d’intensi� cation comportant des injections ITT, une paraplégie aiguë � asque, avec séquelles notables. A. À la phase aiguë, la seule anomalie notée était une prise anormale de contraste sur les racines médullaires, avec signal méningé hétérogène (coupe axiale T1 au niveau du sac thécal, après injection de gadolinium). B. À la phase séquellaire, 5 ans plus tard, on note une cavitation centro-médullaire au niveau de la moelle lombaire (surtout aux dépens de sa partie antérieure), témoignant de ce que l’impact de la neurotoxicité avait été principalement intramédullaire (coupe sagittale T2).

B

A

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déprimé. D’autres sont rapportées après transplantation médullaire, au cours de traitements comportant notam-ment cyclophosphamide, 5-azacytidine, interleukine-2, interféron… De rares cas semblent pouvoir être rapportés à la seule chimiothérapie systémique, notamment à la cytarabine. Certains auteurs ont spéculé sur l’eff et, par-ticulier à ce médicament, de relargage du cytochrome C par la mitochondrie, qui pourrait déclencher à la fois une crise énergétique et un signal d’apoptose (8).

Traitement curatif, traitement préventif, perspectives

En matière de neurotoxicité périphérique, les progrès attendus tiennent d’une part aux résultats statistiques des protocoles successifs mis en place et de leurs adap-tations empiriques, mais aussi à une meilleure compré-hension physiopathologique.

Neuropathies✓liées✓à✓l’administration✓systémique✓d’antimitotiquesConcernant les neuropathies liées à l’administration systémique d’antimitotiques, aucun médicament n’a fait la preuve d’une effi cacité curative (9). Les mesures les plus utiles restent le traitement antidouleur et la physiothérapie. La neuropathie liée aux dérivés du pla-tine pourrait être partiellement sensible à un traitement préventif par vitamine E, avec une preuve de niveau 2 pour certains (10).La détermination préventive de profils pharmaco-logiques à risque dans la cinétique de la vincristine reste du domaine de la perspective, compte tenu du grand nombre de facteurs capables d’interférer : enzymes de son métabolisme intermédiaire, variétés de cytochrome p450 3A, taux d’expression de canaux hERG K+, de MDR (multidrug resistance proteins) et de protéines associées, polymorphismes des intermédiaires des voies de signa-lisation cellulaire comme p38-MAP kinase ou PI3K/Akt kinase. Une détermination systématique de tous ces fac-teurs serait très lourde et guère accessible à une techno-logie unique de microarrays. Ces mêmes remarques valent pour les autres médications à neurotoxicité périphérique.

Neurotoxicité✓médullaire✓liée✓aux✓injections✓ITDans ce domaine et bien qu’il n’y ait pas de preuve tangible, le traitement curatif a coutume d’utiliser les agents capables de favoriser la voie de la méthy-lation folate-dépendante, dès lors que les injections comportent du méthotrexate (S-adénosyl-méthionine ou autres donneurs de méthyl ; folinate de calcium ; cyanocobalamine ; méthionine).

PréventionEn matière préventive, l’expérience clinique a déjà conduit la plupart des groupes pédiatriques à modi-fi er leurs protocoles thérapeutiques, particulièrement pour les injections IT : maintien en décubitus dorsal, voire position de Tredelenburg, pendant une à plusieurs heures après l’injection (ces positions sont censées éviter la stagnation des médications au niveau du LCR lombaire) ; espacement des injections de 4 semaines au minimum, en dehors des patients à risque particulière-ment élevé ; disjonction dans le temps de l’administra-tion d’antimitotique par voie IT et par voie systémique à haute dose. Certains groupes ont renoncé à l’utilisation des injections ITT pour les LAL de risque standard, pour se contenter d’injections de méthotrexate seul. Dans une vaste cohorte, si cette dernière stratégie modifi ait légèrement le taux de rechutes cérébro-méningées de manière négative, elle ne modifi ait pas (ou modi-fi ait dans un sens positif paradoxal) le taux de survie à 6 ans (11).La recherche de formules pharmaceutiques capables de lisser la cinétique intrathécale et d’éviter le pic suc-cédant à l’injection a mené à concevoir la forme liposo-male de l’aracytine (Dépocyte®). Les données actuelles sur sa neurotoxicité, quoique incomplètes, incitent à la prudence : il ne faut pas l’administrer de manière synchrone à une chimiothérapie systémique à haute dose et on réservera son utilisation, dans le cadre des LAL, au traitement curatif des rechutes méningées (12).La recherche de variants pharmocogénétiques, susceptibles de modifi er dans le LCR une cinétique médicamenteuse connue pour ses larges variations interindividuelles, permettrait là aussi de personna-liser le programme thérapeutique. Que ce soit pour le méthotrexate ou pour l’aracytine, de nombreux enzymes ou protéines sont connus pour intervenir dans leur métabolisme intermédiaire, avec pour cer-tains des polymorphismes identifi és (l’exemple le plus accessible à l’étude clinique concerne les variants C677T et A1298C de l’enzyme MTHFR, bien qu’une liaison avec la neurotoxicité du méthotrexate ne soit pas clairement établie). Les techniques actuelles d’analyse génomique, capables de détecter des anomalies de copies de gène, des variants SNP (single nucleotid polymorphism), des mutations, que ce soit sur des gènes ciblés ou sur l’en-semble du génome codant, off rent ici aussi l’excitante perspective de pouvoir déterminer des profi ls à risque.La recherche de marqueurs fiables d’arachnoïdite chimique, donc de risque accru de pénétration intra-médullaire ou intraradiculaire à taux neurotoxique, per-mettrait de moduler les doses en conséquence. Avant tout programme d’injections IT chez des patients en

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Retrouvez �l’intégralité �des �références �

bibliographiques �sur �www.edimark.fr

R é f ér en c es

Complications des chimiothérapies anticancéreuses sur le système nerveux périphérique et la moelle

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Risques organiquesPartie I

d o s s i e r t h é m a t i q u e

ayant déjà reçu, une analyse plus systématique de l’IRM médullaire et de la simple protéinorachie constituerait probablement une avancée contributive dans l’évalua-tion du risque. Certains auteurs se sont intéressés au dosage de procollagène de type III, une molécule surex-primée au cours de la réaction fi broproliférative de nom-breux syndromes infl ammatoires, et ont retrouvé une augmentation signifi cative de cette molécule dans une série d’enfants leucémiques ayant subi des injections IT multiples (13). Malheureusement, l’absence d’étude de corrélation avec d’autres marqueurs d’arachnoïdite, cliniques ou paracliniques, rendent cette donnée peu utilisable.

Conclusion

L’atteinte du SNP rejoint la problématique générale de la détermination a priori du risque iatrogène en cancé-

rologie : être capable de dégager des profi ls à risque, de manière à personnaliser quasiment ”à la carte” les programmes thérapeutiques. Cet idéal, qui compte notamment sur les progrès de la pharmacogénomique, connaîtra certainement des avancées précieuses pour ce qui concerne les toxicités de type prévisible, dose-dépendantes. Il faut cependant rester conscient des limites pour ce qui est des accidents imprévisibles, dans lesquels peuvent interférer des facteurs multiples, certes génétiques mais aussi non génétiques, dont l’intégration restera malaisée (interférence transitoire d’ARN viraux ou de médications ponctuelles, stade de la réaction infl ammatoire arachnoïdienne d’origine chimique, etc.). L’étude de cohortes importantes, sou-mises à des programmes diff érenciés, reste donc fon-damentale. ■

Remerciements à Thierry Leblanc pour ses précieux conseils.

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Posologie* : La dose et la posologie dépendent de l’indication et de la réponse pharmacocinétique et clinique pour les traitements de substitution. A titre indicatif : Déficit immunitaireprimitif : Assurer un taux d’IgG résiduel d’au moins 4 à 6 g/l. La persistance des infections peut amener à maintenir un seuil d’IgG résiduel de 8 voire 10 g/l. Dose de charge : 0,4 à 0,8 g/kg suivied’une dose d’au moins 0,2 g/kg toutes les 3 semaines (doses d’IgIV nécessaires pour un taux résiduel de 6 g/l : 0,2 à 0,8 g/kg/mois). Intervalle entre les doses : 2 à 4 semaines. Perfusions plus fréquentessi survenue d’infections. Les niveaux résiduels doivent être mesurés afin d’ajuster la posologie et l’intervalle d’administration. Myélome ou leucémie lymphoïde chronique avec hypogammaglobulinémiesecondaire sévère et infections récurrentes ; infections récidivantes chez l’enfant infecté par le VIH : 0,2 à 0,4 g/kg de poids corporel toutes les 3 à 4 semaines. PTI : 0,8 à 1 g/kg à J1, éventuellementrenouvelé dans les 3 jours, ou 0,4 g/kg/j pendant 2 à 5 jours. Renouveler en cas de rechute. Syndrome de Guillain-Barré : 0,4 g/kg/j pendant 3 à 7 jours. Expérience clinique limitée chez les enfants. Maladiede Kawasaki : 1,6 à 2,0 g/kg administrés en plusieurs doses réparties sur 2 à 5 jours ou 2 g/kg en dose unique, associées à l’acide acétylsalicylique. Allogreffe de moelle osseuse : Lors de la phase de conditionnementet après la greffe. Traitement d’infections et prévention de la maladie du greffon contre l’hôte : posologie adaptée individuellement. Généralement 0,5 g/kg /semaine, 7 jours avant la greffe et jusqu’à 3 moisaprès la greffe. Si défaut persistant de production d’anticorps : 0,5 g/kg/mois jusqu’au retour à la normale. Mode et voie d’administration : Perfusion IV à un débit initial ≤ 1 ml/kg/h pendant 30 minutes.S’il est bien toléré, accélérer progressivement jusqu’à un maximum de 4 ml/kg/h. Contre-indications : Hypersensibilité à l’un des constituants de la préparation. Hypersensibilité aux Ig, en particulierchez les patients présentant un déficit en IgA et avec des anticorps circulants anti-IgA. Mises en garde spéciales et précautions d’emploi : Respecter le débit de perfusion recommandé. S’assurer initialementde la tolérance par une perfusion lente (≤ 1ml/kg/h). Garder les patients sous surveillance pendant toute la durée de la perfusion et pendant 20 mn après la perfusion voire 1h en cas de première perfusion,de changement de produit ou lorsque la dernière perfusion remonte à une longue période. Toutes les précautions doivent être prises chez les patients obèses et les patients présentant des facteurs de risquethrombotique préexistants (âge avancé, hypertension, diabète sucré, et antécédents de maladie vasculaire ou d’épisodes thrombotiques, troubles thrombotiques héréditaires ou acquis, périodes prolongéesd’immobilisation, patients sévèrement hypovolémiques et ceux atteints de maladies provoquant une augmentation de la viscosité sanguine). Chez les patients présentant un facteur de risque d’atteinte rénale(insuffisance rénale préexistante, diabète sucré, hypovolémie, surpoids, administration concomitante de médicaments néphrotoxiques ou sujet âgé de plus de 65 ans), l’utilisation d’IgIV sans saccharosedoit être envisagée. CLAIRYG ne contient pas de saccharose ni de maltose. En cas d’atteinte rénale une interruption d’IgIV doit être envisagée. Chez les patients à risque d’insuffisance rénale aiguë oude réaction thromboembolique : - débit de perfusion et dose minimaux - hydratation appropriée avant le début de la perfusion d’IgIV, - surveillance de la diurèse, - surveillance de la créatininémie, - éviterl’utilisation concomitante de diurétiques de l’anse, ou médicaments néphrotoxiques. En cas d’effets indésirables, diminuer le débit d’administration ou arrêter la perfusion. En cas de choc, instaurerun traitement symptomatique. En cas d’obésité (IMC ≥ 30), réduire la dose de 20% en cas d’immunomodulation ou l’adapter au poids maigre calculé. Utiliser avec précaution chez les patients ayantun traitement diurétique et les patients en état de déshydratation, en raison de la présence de mannitol (32 mg/ml). Les mesures de prévention du risque de transmission d’agents infectieux comprennentla sélection clinique des donneurs, la recherche des marqueurs spécifiques d’infection sur chaque don et sur les mélanges de plasma et la mise en œuvre dans le procédé de fabrication d’étapes efficacespour l’inactivation/élimination virale. Ces mesures sont considérées comme efficaces vis-à-vis des virus enveloppés tels que le VIH, le VHB et le VHC, et vis-à-vis des virus non enveloppés VHA et parvovirusB19. Cependant, le risque de transmission d’agents infectieux ne peut être totalement exclu. Interactions* : Risque d’altérer l’efficacité des vaccins constitués de virus vivants atténués pour une périodede 6 semaines à 3 mois (attendre 3 mois avant administration), voire de 1 an dans le cas de la rougeole (contrôle des anticorps protecteurs post-vaccinaux). Grossesse et allaitement : N’administrer chezla femme enceinte qu’en cas de nécessité bien établie. Passage dans le lait maternel. Effets indésirables* : Les plus fréquemment rapportés : fièvre pendant l’administration, céphalées dans les 24 heuresqui suivent la perfusion. Liés au traitement : Très fréquents : nausées, céphalées, hypertention, fièvre. Fréquents : frissons, légère augmentation réversible et transitoire de la créatinine sérique sans répercussionclinique. Décrits avec l’ensemble des IgIV : vomissements, réactions allergiques, arthralgie, baisse de la pression artérielle et lombalgies modérées. Rarement : chute brutale de la pression artérielle et dansdes cas isolés, chocs anaphylactiques. Cas de méningites aseptiques réversibles, cas isolés d’anémies hémolytiques/hémolyses réversibles et rares cas de réactions cutanées transitoires. Cas d’insuffisancerénale aiguë. Très rarement : réactions thromboemboliques telles que : infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, embolie pulmonaire, thrombose veineuse profonde. Surdosage : Pourrait entraînerune hypervolémie et une hyperviscosité, particulièrement chez les patients à risque. Incompatibilités : Ne mélanger avec aucun autre produit et (ou) médicament. Conservation : 18 mois entre 2 et 8°C (ou 12 mois ≤ 25°C sans être à nouveau réfrigéré avec inscription de la nouvelle date de péremption sur la boîte), à l’abri de la lumière. Ne pas congeler. Utiliser immédiatement après ouverture. Titulaire del’autorisation de mise sur le marché : LFB BIOMEDICAMENTS - 3 AVENUE DES TROPIQUES - ZA DE COURTABŒUF - 91940 LES ULIS. AMM n° 34009 576 186 7 4 (20 ml) - 34009 576 187 3 5 (50 ml)- 34009 576 189 6 4 (100 ml) - 34009 576 190 4 6 (200 ml) - 34009 576 191 0 7 (400 ml). DECEMBRE 2009. Conditions de prescription et de délivrance : Liste I. Médicament soumis à prescription hospitalière.La prescription par un médecin exerçant dans un établissement de transfusion sanguine autorisé à dispenser des médicaments aux malades qui y sont traités est également autorisée. 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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2010 165

Complications des chimiothérapies anticancéreuses sur le système nerveux périphérique et la moelle

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R é f é r e n c e s