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1 Faculté de Droit et des Sciences Economiques Année universitaire 2019-2020 Licence droit – 3 e année DROIT SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS Cours de M. Stephan REIFEGERSTE NB : Vous trouverez ci-après des éléments de cours (sources Juris-Classeur, Dalloz, Juris- Data, Légifrance et a.) relatifs aux deux chapitres qui n’ont pas pu être traités : la société anonyme (Chapitre II) et la société par actions simplifiée (Chapitre III). Chapitre II : La société anonyme La SA est une société commerciale par la forme dont le capital est divisé en actions réparties entre des actionnaires qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leur apport. C’est donc une société à risque limité. La SA est la société de capitaux par excellence : la responsabilité des actionnaires est bien entendu limitée au montant de leur apport (comme dans la SARL), et surtout la personne des actionnaires (et non les associés et ce contrairement à la SARL) n’a –en principe- aucune importance, et seul compte l’apport réalisé, qui détermine les pouvoirs politiques (droit d’information, droit de vote) et financiers (droit à une quote-part des bénéfices) de chaque actionnaire. Pour cette raison les actions sont en principe toujours librement négociables. La SA n’est pas conclue intuitu personae et l’actionnaire s’efface derrière son action. La SA est surtout une société hiérarchisée dans laquelle chacun des organes (CA, AGO, AGE, P, DG) dispose de pouvoirs qui lui sont propres et surtout chacun des organes ne doit pas empiéter sur les pouvoirs attribuées par la loi aux autres organes. L’arrêt Motte de 1946 est l’arrêt de principe qui a rappelé aux assemblées générales des actionnaires, le devoir de respecter les pouvoirs dévolus au conseil d’administration. C’est la forme sociale dont le fonctionnement est réglementé de la manière la plus précise et la plus stricte. Il y a fort peu de place ici pour l’expression de la liberté statutaire. Ainsi, la

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Faculté de Droit et des Sciences Economiques

Année universitaire 2019-2020

Licence droit – 3e année

DROIT SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS

Cours de M. Stephan REIFEGERSTE NB : Vous trouverez ci-après des éléments de cours (sources Juris-Classeur, Dalloz, Juris-Data, Légifrance et a.) relatifs aux deux chapitres qui n’ont pas pu être traités : la société anonyme (Chapitre II) et la société par actions simplifiée (Chapitre III). Chapitre II : La société anonyme La SA est une société commerciale par la forme dont le capital est divisé en actions réparties entre des actionnaires qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leur apport. C’est donc une société à risque limité. La SA est la société de capitaux par excellence : la responsabilité des actionnaires est bien entendu limitée au montant de leur apport (comme dans la SARL), et surtout la personne des actionnaires (et non les associés et ce contrairement à la SARL) n’a –en principe- aucune importance, et seul compte l’apport réalisé, qui détermine les pouvoirs politiques (droit d’information, droit de vote) et financiers (droit à une quote-part des bénéfices) de chaque actionnaire. Pour cette raison les actions sont en principe toujours librement négociables. La SA n’est pas conclue intuitu personae et l’actionnaire s’efface derrière son action. La SA est surtout une société hiérarchisée dans laquelle chacun des organes (CA, AGO, AGE, P, DG) dispose de pouvoirs qui lui sont propres et surtout chacun des organes ne doit pas empiéter sur les pouvoirs attribuées par la loi aux autres organes. L’arrêt Motte de 1946 est l’arrêt de principe qui a rappelé aux assemblées générales des actionnaires, le devoir de respecter les pouvoirs dévolus au conseil d’administration. C’est la forme sociale dont le fonctionnement est réglementé de la manière la plus précise et la plus stricte. Il y a fort peu de place ici pour l’expression de la liberté statutaire. Ainsi, la

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tenue des assemblées d’actionnaires doit obéir à des règles très strictes, et le statut ainsi que les pouvoirs des dirigeants sont définis La raison principale en est que la société anonyme est la seule forme de société, avec la société en commandite par actions, à pouvoir être cotée en bourse. Il est donc nécessaire d’encadrer très strictement son fonctionnement, pour éviter que les nombreux petits actionnaires (plus de 6 millions de français détiennent des actions de sociétés cotées) voient leurs intérêts et leurs économies menacés. Pendant très longtemps, l’histoire de la SA s’est confondue avec celle du développement du capitalisme. - HISTOIRE - Les innovations que nous tenons à relever ici sont les suivantes : - Loi d’Allarde 2 mars 1791, liberté de commerce et d’industrie pour la Constitution des sociétés par actions, aboutit en pratique a la ruine des petits actionnaires. - Contre réaction ; la convention interdit la constitution des Sociétés par actions. - Code de 1807, solution médiane, la SA doivent pour être constituées recevoir l’autorisation gouvernementale. Tel n’était pas le cas des SCA, d’ou à l’époque, l’engouement pour ces dernières. - Loi du 24 juillet 1867 : liberté de constitution des SA - l'institution, depuis la loi de 1966, de deux variétés de sociétés anonymes, dotées, l'une du conseil d'administration classique, l'autre d'un "directoire" placé sous le contrôle d'un conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-57 à L. 225-93) ; dans ce second type, inspiré du droit allemand et dû à une initiative de MM. Capitant et Le Douarec, on distingue administration et contrôle, alors que, du moins dans la loi de 1966, la société anonyme classique ne comprenait pas vraiment d'organe de contrôle, puisque les commissaires aux comptes n'ont pas à surveiller la gestion ; le choix entre ces deux types est laissé à la libre appréciation de chaque société à créer ou déjà existante ; cette innovation a beaucoup alourdi le texte de la loi, en obligeant à donner, pour ce second type, une réglementation parallèle à celle du premier sans oublier que la SA a directoire n’a jamais eu le succès escompté. - la loi du 2 juillet 1998 libéralise le rachat par la société de ses propres actions (C. com., art. L. 225-209) passant outre le principe selon lequel une personne ne peut être à la fois créancière et débitrice d'une même obligation - depuis la loi NRE du 15 mai 2001, les fonctions du conseil d'administration de la société anonyme classique ont été redéfinies; ses fonctions consistent à déterminer les orientations de l'activité de la société, délibérer sur toutes les questions qui la concernent, procéder aux contrôles et vérifications que le conseil juge opportuns ; c'est bien, en partie, un rôle de surveillance qui lui est confié ; - en outre, cette loi a séparé les fonctions du PDG de celle du Président du CA et du DG. la loi NRE change les textes ; elle permet de dissocier les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général, ce qui n'est pas sans rappeler le système existant jusqu'en 1940 ; les directeurs généraux de l'ancien article 115 de la loi de 1966 n'existent plus en tant que tels et sont remplacés par des "directeurs généraux délégués" (L. 15 mai 2001, art. 131, III) ; les statuts déterminent leur nombre qui ne peut dépasser cinq (C. com., art. L. 225-53) ;

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- la création d'une procédure simplifiée de constitution pour les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne (C. com., art. L. 225-12 à L. 225-16) ; la procédure de constitution des sociétés faisant appel publiquement à l'épargne est elle-même modifiée sur certains points ; notamment, en cas d'apport en nature, il n'y a plus de dualité d'assemblées constitutives : le ou les commissaires aux apports (dont le choix est réglementé) sont désignés par justice sur demande des fondateurs (C. com., art. L. 225-8) ; - depuis la loi NRE, la mention dans le rapport présenté à l'assemblée générale, de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés à chaque mandataire social, et des conséquences sociales et environnementales de l'activité de la société (C. com., art. L. 225-102-1) - depuis la loi du 15 mai 2001 également, la possibilité de recourir à des moyens de visioconférences pour les séances du conseil d'administration (C. com., art. L. 225-37) ou du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-82) et à des moyens de télécommunication depuis la loi Breton de 2005 et de visioconférence ainsi que de télécommunication pour les assemblées générales (C. com., art. L. 225-107) ; - Réforme du commissariat aux comptes, soigneusement réglementé, depuis la loi NRE et la loi de sécurité financière de 2003, par le Titre II du Livre VIII du Code de commerce - la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978 avait introduit une nouveauté importante dans le droit des sociétés anonymes par la création d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote; l'ordonnance du 24 juin 2004 crée les actions de préférence. - Dans les sociétés anonymes, il faut remarquer la modification du quorum des assemblées générales extraordinaires (1/4 et 1/5 – loi Breton du 26 juillet 2005 – au lieu de 1/3 et 1/4 remplaçant, en 1966, 1/2, 1/3, 1/4) et la suppression de l'assemblée réunie sur troisième convocation ; la loi Breton de 2005 abaisse aussi le quorum des assemblées ordinaires (1/5 au lieu de 1/4) - L’ordonnance du 22 janvier 2009 sonnant la fin de la notion française d'appel public à l'épargne, supprime en outre tout montant minimum légal spécifique du capital social en cas d'offre au public de titres financiers: – Avant 2009, la fixation d'un capital minimum 37 000 et de 225 000 euros si la société fait publiquement appel à l'épargne, (C. com., art. L. 224-2) ; avec l’ordonnance du 22 janvier 2009 suppression de cette différence entre les sociétés cotées ou non pour ne retenir que le plus faible des deux montants : 37 000 euros - La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », intéresse le droit des sociétés, tout particulièrement celui applicable aux sociétés par actions, notamment en procédant à une réforme du système de la rémunération des dirigeants sociaux dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Section 1. - Constitution §1. Conditions de fond – La constitution de la SA se réalise selon les règles du droit commun des sociétés, auxquelles viennent toutefois s’ajouter quelques spécificités liées à cette forme particulière de société. A/ Les actionnaires Avant le 12 septembre 2015, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015, le nombre des actionnaires ne pouvaient être inférieur à 7. Depuis cette date, il est de 2, sauf en ce qui concerne les SA dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation pour

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lesquelles le nombre minimal d’actionnaires reste fixé à 7 (C. com., art. L. 225-1, al. 2). Il ne comporte pas de maximum. N’ayant pas la qualité de commerçant, les actionnaires ne sont soumis à aucune exigence particulière de capacité. En outre, aucune interdiction ou incompatibilité ne limite leur accès à cette forme sociale. B/ Les apports et le capital social S’agissant du capital social, celui-ci doit être au minimum de 37 000 euros. Il est à relever que, depuis l’ordonnance du 22 janvier 2009, il n’est plus fait de distinction, quant au montant du capital social, selon que la SA se constitue avec ou sans offre au public (C. com., art. L. 224-2, al. 1er). Enfin, dans le cadre de la SA, il n’est pas possible de stipuler une clause de variabilité (C. com., art. L. 231-1, al. 1er). Quant aux apports, la SA ne peut recevoir que des apports en numéraire et en nature, les apports en industrie lui étant, en effet, strictement interdits. Si les apports en nature doivent être intégralement libérés lors de leur souscription, la libération des apports en numéraire peut être progressive : au minimum la moitié lors de la souscription, le solde devant être libéré dans les 5 ans à compter de l’immatriculation à la demande du conseil d’administration ou du directoire, selon le cas (C. com., art. L. 225-3 sur renvoi de C. com., art. L. 225-12). §2. Conditions de forme – L’établissement d’un projet de statuts ne revêt aucun caractère obligatoire. Toutefois, la pratique montre que, le plus souvent, il en est établi un. En sus des mentions habituelles exigées par l’article L. 210-2 du Code de commerce , les statuts doivent contenir les indications énumérées aux articles L. 225-14 et R. 224-2 du Code de commerce. Ils doivent également indiquer, suivant les prescriptions de l’article L. 225-16 du Code de commerce , l’identité des premiers administrateurs ou des premiers membres du conseil de surveillance, ainsi que celle des premiers commissaires aux comptes. La procédure de constitution des SA ne faisant pas offre au public suit les conditions de forme et de publicité imposées par le droit commun des sociétés. Il y a lieu toutefois ici de rappeler :

• la double obligation de dépôt des fonds, en cas d’apports en numéraire et, sous réserve des cas de dispense d’évaluation de certains apports consentis à la société lors de sa constitution introduits par la loi Warsmann II n° 2012-387 du 22 mars 2012 (V. C. com., art. L. 225-8-1 sur renvoi de C. com., art. L. 225-12), de nomination d’un ou plusieurs commissaires aux apports, en cas d’apports en nature et d’avantages particuliers, cette nomination pouvant s’effectuer, depuis cette même loi, à l’unanimité des fondateurs (C. com., art. L. 225-8, al. 1er) ;

• le dépôt au greffe du tribunal, pour être annexé au registre du commerce et des sociétés, d’un document relatif aux bénéficiaires effectifs (C. monét. fin., art. L. 561-46 . – C. monét. fin., art. R. 561-55).

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Section 2. - Administration et direction de la SA §1. - Administrateurs A. - Nomination – Capacité – Le droit des sociétés ne contient aucune disposition imposant une capacité particulière à l'administrateur. S'appliquent les règles de droit commun des personnes physiques auxquelles il faut ajouter d'une part des règles spécifiques prévoyant des interdictions résultant de condamnations à un certain nombre d'infractions pénales et de la faillite personnelle (C. com., art. L. 653-2 et L. 653-8) et d'autre part des incompatibilités résultant d'activités professionnelles particulières. La Cour de cassation s’est prononcée récemment sur la possibilité de révoquer un mandat posthume (Cass. 1re civ., 10 juin 2015, n° 14-10.377 : JurisData n° 2015-013654 ; Bull. Joly Sociétés 2015, p. 574, note H. Lecuyer). Une personne morale peut être nommée administrateur. La loi a créé un statut original de représentant permanent de la personne morale administrateur. Cette situation se rencontre tout particulièrement dans les groupes de sociétés. – Élection – À la création de la société, si la société ne fait pas d'offre au public, les premiers administrateurs sont nommés dans les statuts. En cours de vie sociale, c'est l'assemblée générale ordinaire qui désigne les administrateurs, sauf hypothèse de cooptation par le conseil dans des cas particuliers. B. - Statut des administrateurs – Nature des fonctions – La nature exacte des fonctions des administrateurs n'est pas donnée précisément par la loi, qui évoque tantôt les fonctions des administrateurs, tantôt le mandat des administrateurs. Mais cette question est d'un intérêt réduit dans la mesure où le statut de l'administrateur est réglementé par de nombreux textes qu'illustre une jurisprudence abondante. 1° Durée des fonctions a) Durée normale – Fixation de la durée –

Selon l'article L. 225-18, alinéa 1 du Code de commerce (mod. L. 22 mars 2012, n° 2012-387), la durée des fonctions d'administrateur « est déterminée par les statuts sans pouvoir excéder six ans ». - Les statuts doivent déterminer précisément la durée et ne peuvent se contenter

d'une durée maximale. La nomination prend effet à partir de l'acceptation de l'administrateur.

La loi n'exige pas le renouvellement en bloc tous les six ans. - En général les statuts prévoient un mode de renouvellement partiel qui permet

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o de conserver une partie de la mémoire du conseil et o d'intégrer des personnalités nouvelles.

- Le tableau de roulement est souvent établi à l'origine par voie de tirage au sort et agencé de telle sorte qu'aucun administrateur ne reste en fonction au-delà du terme fixé par la loi.

– Fin des fonctions –

La fin des fonctions - à l'issue de la durée fixée - devrait avoir lieu à la date anniversaire de la nomination. - Mais cette date pourrait ne pas coïncider avec la date de réunion d'une assemblée

générale. - Aussi l'article R. 225-15 du Code de commerce précise-t-il que les fonctions

prennent fin o à l'issue de la réunion de l'assemblée générale des actionnaires o ayant statué sur les comptes de l'exercice écoulé et o tenue dans l'année au cours de laquelle expire le mandat dudit

administrateur. b) Cessation anticipée liée à la personne de l'administrateur – Diversité des cas –

Diverses circonstances peuvent entraîner la cessation anticipée des fonctions de l'administrateur et sont liées à sa personne : - certaines sont indépendantes de sa volonté, comme le décès, l'incapacité, la

déchéance, la limite d'âge ou la démission d'office (Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-17.732 : JurisData n° 2011-010933 ; Dr. sociétés 2011, comm. 172 , obs. D. Gallois-Cochet ; Bull. Joly Sociétés 2012, p. 22, note F.-X. Lucas) ;

- d'autres en sont directement la conséquence, comme la démission volontaire. o Démission – Quant au second type de cas, celui de la démission, il a été

éclairé par la jurisprudence en ce qui concerne la liberté de la démission et le moment de la fin des fonctions.

§ Cette liberté de la démission est fondamentale car les administrateurs en désaccord avec le conseil d'administration doivent pouvoir le quitter quand ils le veulent.

§ À défaut ils pourraient courir le risque de voir leur responsabilité engagée pour n'avoir pas suffisamment manifesté leur opposition à la politique de la société.

§ En conséquence, la jurisprudence admet qu'un administrateur peut mettre fin à ses fonctions à tout moment.

§ Quant au moment de la prise d'effet de la démission, la Cour de cassation a décidé que la démission est un acte unilatéral, qui prend effet dès qu'elle est portée à la connaissance de la société (Cass. com., 22 févr. 2005, n° 03-12.902 : JurisData n° 2005-027127

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2° Révocation des administrateurs – Principe –

o Selon la loi, « les administrateurs peuvent être révoqués à tout moment par

l'assemblée générale ordinaire » (C. com., art. L. 225-18). o Cette règle connue sous le nom de « révocation ad nutum » (sur un signe de

tête) est très ancienne. § Elle a souvent été critiquée, mais elle subsiste encore aujourd'hui. § Ce principe d'ordre public signifie que les administrateurs peuvent

être révoqués par les actionnaires • sans motif, • sans préavis et • sans indemnité.

§ Le caractère d'ordre public de cette règle affirmée par la doctrine et la jurisprudence,

• explique la nullité de conventions faisant obstacle, directement ou indirectement, à la révocation des administrateurs (Cass. com., 26 mai 2004, n° 01-03.569 : JurisData n° 2004-024063 ; JCP E 2004, 1344 , note A. Viandier. – Cass. com., 26 avr. 2017, n° 15-12.888 : Rev. sociétés 2018, p. 107 , note E. Schlumberger, décidant la nullité d’une clause d’un pacte d’actionnaire portant atteinte à la libre révocabilité de l’administrateur).

• Sont aussi nulles les conventions prévoyant le versement d'indemnités ayant pour effet de mettre à la charge de l'actionnaire majoritaire le paiement d'une somme qui le dissuaderait de voter la révocation (Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845 : JurisData n° 2013-009387 ; Dr sociétés 2013, comm 157 , note M. Roussille ; Rev. sociétés. 2013, p. 567, note B. Saintourens ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 634, note A. Gaudemet).

– Mise en œuvre de la révocation –

o La loi prévoit une décision de l'assemblée générale ordinaire, mais une

décision de juges du fond a admis la compétence de l'assemblée générale extraordinaire (CA Rennes, 25 févr. 1972 ; JCP G 1972, II, 17220, note Synvet).

o Pour permettre plus aisément la révocation de l'administrateur, la loi décide que même si la question n'est pas inscrite à l'ordre du jour l'assemblée peut, en toutes circonstances, révoquer un ou plusieurs administrateurs (C. com., art. L. 225-18, al. 2).

– Contrôle du juge –

o Le principe de la révocabilité ad nutum des administrateurs limite

naturellement le contrôle du juge qui ne peut pas apprécier la réalité et le sérieux de la révocation.

o Ne relève de son pouvoir que l'appréciation de l'abus dans l'exercice de ce droit de révocation.

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§ Il est ainsi de jurisprudence constante que la révocation intervenue de manière précipitée, entourée de circonstances injurieuses ou vexatoires, permet à l'administrateur révoqué d'obtenir des dommages et intérêts ( CA Paris, 30 juin 2016 : Dr. sociétés 2016, comm. 208 , note C. Coupet ; Rev. soc. 2016, p. 743, note J.-P. Mattout).

§ Ceux-ci ne réparent pas le dommage causé par la révocation elle-même mais simplement le dommage causé par les circonstances de la révocation.

§ Depuis une vingtaine d'années est apparue une nouvelle source d'abus qui prend de l'importance dans la jurisprudence et à laquelle la pratique doit être attentive :

• est considérée comme abusive une révocation qui intervient sans que soient respectés le principe de la contradiction ou les droits de la défense.

o L'administrateur doit avoir été mis en mesure de connaître les motifs de la décision prise à son encontre et de présenter ses observations avant que la décision ne soit prise (Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22. 845 : Dr. sociétés 2011, comm. 157 , note S. Torck ; JurisData n° 2011-009654 ; D. 2013, p. 2319, note B. Dondero ; Rev. sociétés 2013, p. 567 , note B. Saintourens ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 634, note A. Gaudemet).

o Mais il ne peut se plaindre s'il se dispense lui-même de débattre (Cass. com., 10 juill. 2012, n° 11-23.280 : JurisData n° 2012-015635 ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 29, note J.-F. Barbiéri).

o Dans des arrêts récents, la Cour de cassation abandonne le fondement du principe de la contradiction pour se référer à « une obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation » (Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845 , préc. n° 11. – Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-21.865 ; Bull. Joly Sociétés 2017, p. 604, note P. Kasparian).

o Le respect de cette obligation n’impose pas le respect d’un délai particulier pour la préparation de sa « défense » par le dirigeant (Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-27.967 : JurisData n° 2015-009969 ; Rev. sociétés 2015, p. 371, note A. Viandier).

3° Cumul de mandats d'administrateurs – Principe –

o Le principe est celui d'une limitation du nombre de mandats qu'une même

personne peut détenir, sous réserve d'exceptions au profit de certains administrateurs.

§ La loi du 16 novembre 1940 avait, la première, prévu des règles limitant le cumul de mandats.

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§ Le mouvement général de la législation est allé dans le sens d'une plus grande rigueur, c'est-à-dire d'une restriction relative des cumuls de mandats et l'on évoque une réforme à venir qui pourrait suivre cette même tendance.

§ Depuis la loi NRE du 15 mai 2001 , modifiée par une loi du 29 octobre 2002, la réglementation impose un double plafond,

• l'un au niveau des seuls mandats d'administrateurs et de membres du conseil de surveillance,

• l'autre au niveau global de toutes les fonctions de dirigeant. – Plafond spécial des mandats d'administrateur –

o Ce plafond limite leur nombre à cinq par personne physique (C. com., art.

L. 225-21). o Il ne concerne que les sociétés ayant leur siège social en territoire français. o Il existe des règles spéciales dans les groupes de sociétés.

§ Les représentants permanents sont considérés comme des administrateurs du point de vue de l'application de ces règles, ce qui est beaucoup plus sévère que dans le droit antérieur issu de la loi de 1966.

§ En revanche, deux autres règles apportent des dérogations qui assouplissent notablement le plafond de cinq mandats.

• D'abord un administrateur, même s'il est déjà titulaire de cinq mandats, peut être administrateur sans limitation dans d'autres sociétés, si ces dernières sont contrôlées par une société dont il est administrateur.

• Ensuite cinq mandats d'administrateur de sociétés non cotées contrôlées par une même société (c'est-à-dire de sociétés sœurs) ne comptent que pour un mandat.

• Pour l'application de ces dispositions, les deux catégories de mandat d'administrateur et de mandats de membre du conseil de surveillance sont assimilées (C. com., art. L. 225-94).

– Plafond global –

o Un plafond global se superpose à ces limitations propres aux fonctions

d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-94-1).

o Une même personne ne peut pas exercer simultanément plus de cinq mandats de directeur général, de membre du directoire, de directeur général unique, d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français.

o La loi Macron n° 2015-690 du 6 août 2015 abaisse le plafond global de cumul des mandats pour les dirigeants de sociétés cotées de grande taille (C. com., art. L. 225-94-1):

§ ce nombre est réduit à trois pour les mandats sociaux exercés dans des sociétés cotées sur un marché règlementé par un directeur général ou un membre du directoire exerçant ses fonctions dans une société anonyme dont les titres sont cotés sur un marché réglementé et qui emploient au moins 5000 salariés permanents dans la société et

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ses filiales directes ou indirectes situées en France ou au moins 10000 salariés dans la société et ses filiales directes ou indirectes situées en France et à l’étranger.

§ La loi a ainsi voulu restreindre le cumul de certains dirigeants de sociétés cotées, mais l’interprétation du nouveau dispositif est délicate (Communic. ANSA, n° 15-052).

§ Cette disposition nouvelle est applicable dans le délai d’un an à compter du 7 août 2015 (L. n° 2015-990, 6 août 2015, art. 211, II).

o Il est apporté trois dérogations, qui assouplissent les règles du cumul. § D'abord, si un administrateur est également directeur général de la

même société, il est réputé n'exercer qu'un seul mandat. • Cette première dérogation permet de compter la fonction de

président-directeur général qui est à la fois administrateur et directeur général pour un seul mandat.

§ Ensuite la loi indique qu'elle ne prend pas en compte les mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance dans les sociétés contrôlées.

§ Enfin la loi Macron exclut du cumul les mandats d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance exercés par le directeur général, les membres du directoire des sociétés dont l’activité principale est d’acquérir et de gérer des participations

- Les mandats de gérant de sociétés en nom collectif, en commandite simple ou par

actions, de SARL, de SAS ou de sociétés civiles ne sont pas pris en considération dans le cadre de ce plafond global qui n'envisage que des mandats sociaux de sociétés anonymes.

– Sanctions –

o La loi sanctionne les règles concernant le plafond spécial des fonctions

d'administrateur et de membre du conseil de surveillance et le plafond global des fonctions de dirigeant de société anonyme.

o Toute personne physique qui se trouve en infraction avec ces dispositions relatives au cumul doit se démettre de l'un de ses mandats - celui de son choix - dans les trois mois de sa nomination.

o Elle dispose du même délai, quand l'une des conditions d'une dérogation (par exemple la perte du contrôle de la société où le cumul est exercé) fait défaut.

§ Ce délai est calculé à partir de l'événement ayant provoqué la disparition d'une de ces conditions.

o À l'expiration du délai de trois mois, si la personne n'a pas régularisé sa situation elle est réputée s'être démise du nouveau mandat ou du mandat qui ne bénéficie plus d'une dérogation.

o Elle doit restituer les rémunérations perçues liées au mandat, semble-t-il, depuis l'expiration du délai de trois mois.

o L'irrégularité du cumul ne remet pas en cause la validité des délibérations auxquelles elle a pris part.

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4° Cumul d'un mandat d'administrateur et d'un contrat de travail – Principe –

o Cette situation conduit à ce que la même personne soit administrateur et

salarié de la même société. o Cette dualité de fonctions présente des avantages et des inconvénients :

§ elle permet une promotion des cadres salariés de l'entreprise, § mais elle peut faire craindre que l'administrateur ne recherche la

qualité de salarié plus pour la sécurité relative qu'elle donne que pour les obligations qu'elle impose.

o Pour certaines formes de société, le droit des sociétés ne pose pas de règles. § Ainsi en va-t-il pour la société par actions simplifiée ou pour la société

anonyme à directoire. o Le droit des sociétés impose au contraire une réglementation originale pour

ce qui est de la société anonyme à conseil d'administration, en distinguant la possibilité de l'accès des salariés au conseil d'administration et l'interdiction pour un administrateur de devenir salarié.

– Ancienneté du contrat de travail –

o L'article L. 225-22, alinéa 1 du Code de commerce prévoit qu'un salarié ne

peut devenir administrateur et conserver son contrat de travail que si son contrat de travail correspond à un emploi effectif.

o Cette formule signifie que seule une personne déjà liée à la société par un contrat de travail peut devenir administrateur.

o Le Code de commerce n'impose pas un délai d'ancienneté particulier. § Un salarié ayant conclu son contrat de travail quelques jours avant sa

nomination comme administrateur peut donc cumuler valablement les deux statuts.

§ Mais il ne serait pas possible d'accéder le même jour aux deux statuts. – Effectivité du contrat de travail –

o Cette condition, posée par l'article L. 225-22, alinéa 1, va de soi au regard du

seul droit du travail (sur la preuve du contrat de travail : Cass. soc., 14 juin 2017, n° 15-26.675 : Bull. Joly Sociétés 2017, p. 597, note D. Baugard).

§ En effet il ne faudrait pas que le contrat de travail devienne purement fictif et soit en réalité absorbé par la fonction d'administrateur (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-28.020 : Bull. Joly Sociétés 2013, p. 392, note B. Saintourens).

§ Cette obligation d'effectivité impose que les fonctions résultant du contrat de travail existent en tant que telles –

• c'est-à-dire soient distinctes des fonctions résultant de l'administration de la société –

• qu'elles s'exercent sous la subordination de l'employeur o (Cass. soc., 29 juin 2017, n° 16-15.814 : Dr. sociétés

2017, comm. 189, note J. Heinich, décidant qu’il n’existe pas de subordination du président du conseil d’administration dans une petite structure familiale) et

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• qu'elles soient rémunérées par un salaire. o Comme ce risque de fictivité du contrat de travail est

réel, la Cour de cassation a imaginé une solution originale et pragmatique : le contrat de travail qui serait absorbé par les fonctions d'administrateur est automatiquement suspendu (Cass. soc., 8 oct. 2003, n° 01-43.556 : JurisData n° 2003-020473 ; Bull. civ. 2003, V, n° 253 ; JCP E 2004, 29 , obs. J.J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker. – Cass. soc., 12 nov. 2008, n° 07-44.636 : RJDA 2009 n° 222).

o Cette solution résout beaucoup des difficultés qu'aurait posées la découverte du caractère fictif du contrat de travail.

o Elle a en outre l'avantage de permettre au dirigeant concerné de retrouver son contrat de travail à la fin de son mandat social (ancienneté, pension de retraite).

C. - Conventions passées entre l'administrateur et la société – Origine de la règle –

La loi a réglementé de manière spécifique ce type de conventions - dans la mesure où celles-ci peuvent mettre l'administrateur dans une situation de

conflit d'intérêts préjudiciable pour la société, o qui verrait l'administrateur s'avantager aux dépens de la société.

- La loi a traité distinctement trois situations différentes : les conventions interdites, les conventions réglementées et les conventions libres.

1° Conventions interdites – Nature des opérations interdites –

Certaines opérations confèrent par leur nature propre un avantage à l'administrateur. - Pour cette raison, elles sont totalement interdites par la loi, sans qu'il soit tenu

compte du fait qu'elles portent ou non préjudice à la société. - L'interdiction ne concerne que les personnes physiques et non pas les personnes

morales, o car la loi n'a pas voulu interdire les prêts et avances intra-groupes :

« À peine de nullité du contrat, il est interdit aux administrateurs autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de se faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers […] La même interdiction s'applique au directeur général, aux directeurs généraux délégués et aux représentants permanents des personnes morales administrateurs. Elle s'applique également aux conjoints, ascendants et descendants des personnes visées au présent article ainsi qu'à toute personne interposée » (C. com., art. L. 225-43 ).

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– Sanctions – La réalisation d'une opération interdite est sanctionnée sur le plan civil par la nullité de l'opération. - Il s'agit de protéger les intérêts des actionnaires et des créanciers de la société, dont

les biens constituent le gage général de ces derniers, - mais aussi de moraliser l'administration de la société par l'interdiction de pratiques

risquant de nuire au crédit de celle-ci. - Selon la Cour de cassation,

o la nullité est absolue et d'ordre public et o la prescription est de cinq ans (Cass. com., 25 avr. 2006, n° 05-

12.734 : JurisData n° 2006-033262 ; Dr sociétés 2006, comm 109 , note J. Monnet ; Bull. Joly Sociétés 2006, p. 1024, note J.-C. Hallouin).

o Elle peut donc être invoquée aussi bien § par les associés que § par les créanciers justifiant d'un intérêt légitime.

En outre le dirigeant concerné engage - sa responsabilité civile et - éventuellement pénale par le biais de l'abus de biens sociaux.

2° Conventions réglementées – Nature des opérations –

Ces opérations sont les conventions passées entre la société et les administrateurs ou dirigeants. - La procédure d'autorisation concerne aussi bien les conventions écrites que celles

qui résultent d'un accord verbal (Cass. com., 27 févr. 2001, n° 98-14.206 : JurisData n° 2001-008370 ; Bull. civ. 2001, IV, n° 47 ; Bull. Joly Sociétés 2001, p. 614 , note J-J. Daigre ; Rev. sociétés 2001, p. 617 ; RTD com. 2001, p. 467, obs. J.-P. Chazal et Y. Reinhard).

- En revanche un engagement unilatéral n'est pas un contrat et échappe à cette réglementation.

– Personnes concernées La procédure d'autorisation s'applique - au directeur général, - au directeur général délégué et - aux administrateurs (C. com., art. L. 225-38, al. 1). - La loi vise également des situations proches :

o interposition de personne, intérêt indirect du dirigeant concerné ( I. Parachkévova, L’intérêt indirect dans les conventions réglementées, Bull. Joly Sociétés 2016, p. 450), entreprises ayant des dirigeants communs (« conventions intervenant entre une société et une entreprise, si le directeur général, l'un des directeurs généraux délégués ou l'un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise » (C. com., art. L. 225-38, al. 3)).

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- La loi du 15 mai 2001 a étendu cette procédure, jusque-là réservée aux administrateurs et dirigeants, aux actionnaires qui détiennent une fraction de droit de vote supérieure à 10 % du capital de la société (C. com., art. L. 225-38, al. 1).

- Le champ d’application de cette procédure d’autorisation est, on le voit, particulièrement vaste ;

o les groupes de sociétés sont un terrain d’élection des conventions réglementées (B. Dondero, Conventions réglementées : conventions avec une filiale et groupe international : Bull. Joly Sociétés 2015, p. 322. – S. Schiller, V. Magnier et alii, Les conventions réglementées dans les groupes de sociétés : Actes prat. et ing. sociétaire 2015, n° 142, dossier 4).

- La Cour de cassation a décidé que cette procédure ne pouvait pas être appliquée aux dirigeants de fait (Cass. com., 3 mai 2012, n° 10-20.998 : Bull. Joly Sociétés 2012, p. 562, note H. Barbier).

- En principe cette procédure ne s’applique que lorsque le contrat est conclu durant l’exercice de ses fonctions par le dirigeant.

o La Cour de cassation a admis cependant qu’une convention peut être annulée si elle a été frauduleusement conclue dans le dessein de l’exclure du champ d’application des conventions réglementées (Cass. com., 5 janv 2016, n° 14-18.688 : JurisData n° 2016-000012 ; Rev. soc. 2016, p. 293 , note D. Schmidt ; Bull. Joly Sociétés 2016, p. 205 , note B. Dondero ; Dr. sociétés 2017, comm. 57, note M. Roussille).

– Procédure –

Elle suit plusieurs étapes obligées :

• information du conseil d'administration : o l'administrateur ou le dirigeant qui souhaite effectuer une opération

réglementée doit en informer le conseil. o Cette information doit être préalable à la conclusion de la convention (C.

com., art. L. 225-40, al. 1). o Depuis l’ordonnance n° 2014-863 du 30 juillet 2014 , le conseil

d’administration doit motiver son autorisation « en justifiant de l’intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées » (C. com., art. L. 225-38, al. 4).

o Cette exigence facilitera le rapport du commissaire aux comptes (B. Dondero, Le nouveau droit des conventions réglementées dans les sociétés anonymes : JCP E 2014, 1466 . - D. Schmidt, Dispositions relatives aux conventions réglementées dans les sociétés anonymes : Rev. sociétés 2014, p. 616. - Conac, Dispositions relatives aux conventions réglementées dans les sociétés anonymes : Rev. sociétés 2015, p. 422) ;

• délibération du conseil : o le conseil est appelé à statuer sur l'opération présentée. o Lorsque plusieurs opérations sont inscrites à l'ordre du jour d'une même

réunion, chaque opération doit § être examinée de manière indépendante et § faire l'objet d'une délibération particulière.

o Le conseil doit se prononcer par un vote. § Le dirigeant intéressé ne peut pas prendre part au vote § et il n'est normalement pas tenu compte de sa voix pour le calcul du

quorum et de la majorité ;

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• information et rapport du commissaire aux comptes : o le commissaire aux comptes présente un rapport spécial à l'assemblée qui

statue sur ce rapport (C. com., art. L. 225-40, al. 3 . - Cass. com., 26 févr. 2013, n° 11-22.531 : Dr. sociétés 2013, comm. 82 , obs. D. Gallois-Cochet ; JurisData n° 2013-003228 ; Rev. sociétés 2013, p. 588, note D. Schmidt).

o Le commissaire aux comptes devra en particulier exposer les motifs justifiant l’intérêt de la convention, dont il aura connaissance par l’autorisation motivée du conseil d’administration.

• vote de l'assemblée générale : o l'intéressé ne peut prendre part au vote. o Les conventions, approuvées ou désapprouvées par l'assemblée générale,

produisent normalement leurs effets à l'égard des tiers (C. com., art. L. 225-41).

o Mais le vote de l'assemblée n'est pas dépourvu d'effet, puisque les conséquences préjudiciables à la société peuvent être mises à la charge de l'intéressé et éventuellement des autres membres du conseil d'administration en cas de vote désapprouvant la convention (Cass. soc., 11 juin 2008, n° 07-42.214 : Bull. Joly Sociétés 2009, p. 25 , note Le Cannu. – CA Paris 19 mars 2013, n ° 12/00020 : JurisData n° 2013-004751 : Bull. Joly Sociétés 2013, p. 651, note J.-F. Barbiéri).

– Sanctions en cas de non-respect de la procédure –

La procédure prévue par la loi comporte plusieurs moments et il convient de distinguer les sanctions selon la phase en cause :

• défaut d'autorisation préalable du conseil : o dans ce cas la loi prévoit que la convention peut être annulée, si elle a eu des

conséquences dommageables pour la société (Cass. soc., 12 juin 2012, n° 11-10.135 : JurisData n° 2012-019324 ; Dr. sociétés 2012, comm. 161, obs. M. Roussille).

o Lorsque la nullité est prononcée par le juge, la convention est réputée n'avoir jamais existé et il devra être procédé à une restitution de la part du dirigeant si l'opération a déjà donné lieu à exécution.

o L'action en nullité se prescrit par trois ans à partir de la convention (Cass. com., 8 févr. 2011, n° 10-11.896 : JurisData n° 2011-001329 ; Dr. sociétés 2011, comm. 70 , note M. Roussille ; Rev. sociétés 2011, p. 288 , note P. Le Cannu ; JCP E 2011, 1151 , note B. Dondero ; Bull. Joly Sociétés 2011, p. 297, note C.N. Ohl et D. Schmidt).

o Mais l'écoulement du délai de prescription ne laisse pas la société sans défense.

§ En effet en application du droit commun la société pourra toujours opposer l'exception de nullité si le dirigeant cherche à faire exécuter la convention en justice.

§ Le défaut d'autorisation préalable peut faire l'objet d'une régularisation par un vote de l'assemblée générale.

§ Le commissaire aux comptes doit alors présenter un rapport spécial exposant les circonstances en raison desquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie (C. com., art. L. 225-42, al. 3).

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§ Il faut distinguer ce cas de nullité de la convention pour défaut d'autorisation du conseil d'administration de la nullité toujours possible de la convention pour des raisons de droit commun (V. sur la prescription de droit commun Cass. com., 3 avr. 2013, n° 12-15.492 : JurisData n° 2013-006247 ; Dr. sociétés 2013, comm. 138 , note M. Roussille ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 459 , note S. Messaï-Bahri ; Dr. sociétés 2013, comm. 138 , obs. M. Roussille). Il faut aussi distinguer la nullité spécifique des conventions réglementées et la nullité générale du droit des sociétés (Cass. com., 21 janv. 2014, n° 12-29.452 : JurisData n° 2014-000591 ; Dr. sociétés 2014, comm. 65 , note M. Roussille ; Bull. Joly Sociétés 2014, p. 168, note B. Dondéro).

• défaut de rapport du commissaire aux comptes : l'assemblée générale est nulle et l'on est renvoyé au cas suivant ;

• défaut d'approbation par l'assemblée générale : o selon la jurisprudence, la sanction ne peut pas être plus forte qu'en cas de

refus d'approbation par l'assemblée générale ; o la convention reste donc valable sauf fraude.

3° Conventions libres – Notion –

Il existe enfin des conventions définies par la loi comme des « opérations courantes conclues à des conditions normales » (C. com., art. L. 225-39, al. 1), qui paraissent beaucoup moins dangereuses que les précédentes et qui n'ont pas à être autorisées par la société (CA Paris, 18 oct. 2012 : JurisData n° 2012-027289 ; Dr. sociétés 2013, comm. 120, obs. D. Gallois-Cochet). - Elles n'étaient à l'origine soumises à aucun formalisme. - Les lois du 15 mai 2001 et du 1er août 2003 les avaient soumises à une obligation de

communication dans certains cas. - Cette obligation disparaît avec la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 . On est revenu à

la situation antérieure.

§2. Le conseil d’administration – Information des administrateurs –

Les administrateurs doivent être suffisamment informés de la marche de la société pour exercer utilement leurs fonctions. - La loi du 15 mai 2001, modifiée par la loi du 1er août 2003, est venue relayer une

jurisprudence attentive à cette information. - Il est maintenant prévu par la loi que « le président ou le directeur général de la société

est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à sa mission » (C. com., art. L. 225-35, al. 3).

– Compétence générale du conseil d'administration –

Avant la loi du 15 mai 2001 les compétences du conseil d'administration et du président-directeur général étaient définies dans les mêmes termes :

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- ils avaient les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société.

o Cette confusion des pouvoirs avait pu paraître étrange, même si la pratique s'en était arrangée.

Le législateur de 2001 a paru vouloir modifier l'équilibre général de l'ensemble, en insistant sur les pouvoirs d'orientation et de contrôle du conseil d'administration. Selon le nouvel article L. 225-35 du Code de commerce , le conseil d'administration se voit attribuer trois missions :

• déterminer les orientations de la société et veiller à leur mise en œuvre ; • se saisir de toute question intéressant la bonne marche de la société ; • procéder aux contrôles et vérifications jugés opportuns.

Cette énumération ne semble pas changer fondamentalement les choses, de telle sorte que les pouvoirs du conseil semblent aussi vastes que précédemment. Un défaut de vigilance du conseil d’administration peut entraîner un partage de responsabilité avec un tiers ayant causé un préjudice à la société (Cass. com., 26 avr. 2017, n° 15-18.908 : JurisData n° 2017-007781 ; Rev. soc. 2017, p. 559, note J. Heinich). – Autorisation des cautions, avals et garanties –

Le Code de commerce a estimé que ces opérations dangereuses pour la société devaient être approuvées par le conseil d'administration (C. com., art. L. 225-35, al. 4). - Le conseil d'administration peut donner son accord au cas par cas ou il peut donner

une délégation au directeur général, en fixant un montant global au-delà duquel le dirigeant ne peut pas engager la société.

- Le défaut d'autorisation est sanctionné par le juge qui déclare l'inopposabilité à la société des cautions, avals et garanties conclus sans l'autorisation du conseil d'administration (Cass. com., 15 janv. 2013, n° 11-27.648 : JurisData n° 2013-000320 ; Dr. sociétés 2013, comm. 64 , obs. M. Roussille ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 186 , note J.-F. Barbiéri. – V. aussi n° 57 sur la question de la faute séparable).

- Une jurisprudence relativement fournie a eu à se prononcer sur le point de savoir dans quelle mesure une lettre d'intention d'une société mère en faveur de sa fille est une garantie soumise à ce régime d'autorisation.

o Il semble que, depuis l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés qui définit la lettre d'intention comme une sûreté personnelle, cet acte juridique doive être dans tous les cas autorisé par le conseil d'administration de la société mère (CA. Paris, 18 oct. 2011 : RTD com. 2012, p. 139, obs. P. Le Cannu et B. Dondero). En revanche la garantie de passif ne relève pas de ce régime d'autorisation (Cass. com., 12 juill. 2011, n° 10-16.118 : JurisData n° 2011-014306 ; Dr. sociétés 2011, comm. 173 , obs. D. Gallois-Cochet ; Rev. sociétés 2012, p. 102, note J.-J. Daigre).

§3 - Les dirigeants – Choix ouverts à la société –

Sous l'empire de la loi de 1966, - la société était dirigée par un président du conseil d'administration

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- que la pratique dénommait président-directeur général, - qui remplissait les fonctions

o de président du conseil d'administration o et de directeur général o et qui avait tous pouvoirs pour agir au nom de la société.

La loi du 15 mai 2001 a permis par la suite aux sociétés de choisir une formule nouvelle qui dissocie les fonctions de président et de directeur général. - Celle-ci s'explique par les idées de « corporate governance » venues d'Outre-

Atlantique : o diviser les pouvoirs pour mieux les contrôler. o Le directeur général devrait être contrôlé de manière plus efficace

§ par un conseil d'administration § qui est présidé par une autre personne, le président du conseil

d'administration. Ce choix entre deux types de directions, une direction par un président-directeur général ou par un président et un directeur général, n'est pas opéré dans les statuts. - Ceux-ci doivent simplement indiquer les conditions du choix qui sera effectué par le

conseil d'administration. - Dans le cadre de ces conditions, le conseil d'administration dispose d'un pouvoir

important : o c'est lui qui nomme

§ le président et le directeur général si les fonctions sont dissociées ou § le président-directeur général, si les fonctions sont réunies,

o mais il peut aussi, selon les besoins du moment, décider § de réunir les deux fonctions sur la tête d'une même personne ou § dissocier les deux fonctions.

Que les fonctions de président et de directeur général soient réunies ou dissociées, il peut être nommé de un à cinq directeurs généraux délégués, chargés d'assister le directeur général. A. - Nomination – Principe –

C'est le conseil d'administration qui désigne le président et le directeur général, que les fonctions soient dissociées ou réunies sur la tête d'une seule personne (CA Paris, 1er févr. 2012 : Rev. sociétés 2012, p. 504, note J.-P. Mattout). - Le président est nécessairement un administrateur et doit donc remplir les

conditions imposées par le statut d'administrateur. - Le directeur général n'est pas forcément administrateur,

o même si la pratique conduit assez souvent à ce que le directeur général soit aussi administrateur, pour qu'il puisse avoir accès à toutes les séances du conseil d'administration.

- Le président et le directeur général sont forcément des personnes physiques (V. S. Schiller, La protection de la société contre l'état de vulnérabilité de son dirigeant : RJDA 2012, p. 411).

- Il existe une limite d'âge prévue par la loi.

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o Art. L. 225-48, al. 1er : « Les statuts doivent prévoir pour l'exercice des fonctions de président du conseil d'administration une limite d'âge qui, à défaut d'une disposition expresse, est fixée à soixante-cinq ans ».

La désignation d'un directeur général délégué relève de la compétence du conseil d'administration, sur proposition du directeur général. - Elle n'est soumise à aucune autorisation préalable de l'assemblée générale ni à aucune

autorisation particulière des statuts. B. - Statut – Principe –

Le Code de commerce pose certaines règles pour le président et d'autres pour le directeur général. - Si le président est aussi directeur général, il est soumis à l'ensemble de ces règles. - Pour ce qui est du cumul de mandats sociaux, la loi a prévu qu’une personne peut

exercer deux mandats de directeur général ou de membre du directoire de société non cotée et par dérogation un autre mandat de directeur général ou de membre du directoire dans une société contrôlée par la société dont il est directeur général (C. com., art. L. 225-54-1).

- En outre s’applique un plafond global de mandats sociaux qu'il n'est pas possible de dépasser. Ce plafond global a déjà été exposé dans ses grandes lignes à propos des administrateurs (V. n° 16).

- conventions emportant une délégation des pouvoir ?

o Une convention de management par laquelle un DG délègue une partie de ses fonctions à une société dont le gérant et associé unique est ce même DG est dépourvue de cause (Cass. com., 23 oct. 2012, n° 11-23.376 : Dr. sociétés 2013, comm. 27 , note M. Roussille ; JurisData n° 2012-023965 ; Rev. soc. 2013, p. 161 , note A. Reygrobellet ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 18, note N. Ferrier).

§ « Mais attendu qu'après avoir relevé qu'aux termes de la convention litigieuse, la société Mécasonic avait confié à la société PGCD les prestations de création et développement de filiales à l'étranger, d'organisation et (ou) de participation à des salons professionnels, de définition des stratégies de vente dans les différents pays visés et de recherche de nouveaux clients à l'étranger, l'arrêt retient qu'une telle convention constitue une délégation à la société unipersonnelle dont M. X... est le gérant d'une partie des fonctions de décision, de stratégie et de représentation incombant normalement à ce dernier en sa qualité de directeur général de la société Mécasonic et qu'elle fait double emploi, à titre onéreux pour cette société, avec lesdites fonctions sociales ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les obligations stipulées à la charge de la société Mécasonic étaient dépourvues de contrepartie réelle, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à faire la recherche dès lors inopérante visée à la seconde branche, que la convention litigieuse était dépourvue de cause et devait en conséquence être annulée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches » ;

• rem : disparition de la cause depuis la réforme de 2016

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• mais : art. 1169 C. Civ. : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire ».

• c’est donc désormais au titre de la contrepartie que ce type de convention pourrait être critiqué

o Un arrêt plus ambigu admet des prestations qui ne recouvrent pas l’ensemble des fonctions de direction générale (Cass. com., 6 déc. 2016, n° 15-11.105 : Dr. sociétés 2017, n° 41, note C. Coupet ; Bull. Joly Sociétés 2017, p. 177 , note A. Reygrobellet. – Sur cette question, V. Reygrobellet, Les conventions de management fees : Bull. Joly Sociétés 2018, p. 120).

§ « Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que les sociétés NSA et GSC réclamaient la restitution des sommes qu'elles avaient versées à la SHGI en exécution de conventions dont elles ne demandaient pas l'annulation, la cour d'appel, qui a relevé que ces conventions portaient sur des prestations de management directorial et commercial qui ne recouvraient pas l'ensemble des fonctions de direction générale exercées au sein des sociétés NSA et GSC, a pu, sans se contredire, retenir que le versement de ces sommes ne correspondait pas à la rémunération d'un mandat social ; que le moyen, qui est inopérant en ses première, deuxième et cinquième branches, et qui, en sa troisième branche, critique une erreur de plume qui n'a pas d'incidence sur la solution du litige, n'est pas fondé pour le surplus »

• rem : il importe donc que les conventions n’aient pas pour objet le mandat social …

– Révocation –

La loi pose des règles différentes - pour le président du conseil d'administration et pour le président-directeur général

(révocation ad nutum), - pour le directeur général et pour le directeur général délégué (dommages et intérêts

si la révocation est sans justes motifs). La structure du groupe de sociétés peut expliquer une révocation dans plusieurs sociétés à la fois (Cass. com., 10 nov. 2015, n° 14-20.301 : Dr sociétés 2016 comm 29, note D. Gallois-Cochet : JurisData n° 2015-025184 ; Bull. Joly Sociétés 2016, p. 84, note. T. Favario). Quelle que soit la fonction en cause, les droits de la défense doivent être respectés, comme il a été vu à propos des administrateurs (Cass. com., 28 févr. 2006, n° 04-17.566 : JurisData n° 2006-032472 ; Dr. sociétés 2006, comm. 75 , note H. Hovasse ; JCP E 2006, 1538 . – Cass. com., 15 mai 2007, n° 05-19.464 : JurisData n° 2007-038949 ; LPA 12 juin 2008, n° 118, p. 13 , note Emy. – Cass. com., 29 mars 2011, n° 10-17.667 : JurisData n° 2011-004950 ; Dr. sociétés 2011, comm. 130 , note M. Roussille ; Rev. soc. 2011, p. 563, note J.-F. Barbiéri). - Dans des arrêts récents, la Cour de cassation abandonne le fondement des droits de

la défense pour se référer à « une obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation » (Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845 et Cass. com., 10 févr 2015, n° 13-27.967 , cités n° 13. – Cass. com., 3 mars 2015, n° 14-12.036 : JurisData n° 2015-004181 , Bull. Joly Sociétés 2015, p. 286, note D. Poracchia) .

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Il est parfois prévu que la révocation conditionne une promesse de rachat des actions possédées par le dirigeant (Cass. com., 16 avr. 2013, n° 09-14.999 : JurisData n° 2013-007447 ; Dr. sociétés 2013, comm. 122 , obs. D. Gallois-Cochet. – Cass. com., 8 nov. 2016, n° 14-29.770 : JurisData n° 2016-023306 ; Bull. Joly Sociétés 2017, p. 112, note H. Barbier). - Mais, de toutes façons, le prix à payer pour ce rachat ne doit pas dissuader la société

ou les actionnaires de procéder à la révocation. La fonction de directeur général délégué peut en outre prendre fin de manière spécifique dans un cas particulier, qui n'est pas au sens propre un cas de révocation. - En cas de cessation des fonctions du directeur général, le directeur général délégué

conserve ses fonctions, sauf décision contraire du conseil d'administration, jusqu'à la nomination du nouveau directeur général (C. com., art. L. 225-55).

- Ce dernier pourra proposer au conseil la reconduction du mandat de directeur général s'il le souhaite.

– Obligation de loyauté du dirigeant

Même si la loi est muette sur ce point, la jurisprudence a peu à peu dégagé ce devoir du dirigeant (L. Nurit-Pontier, La loyauté en droit des sociétés : Actes prat. ing. sociétaire 2011, n° 116, dossier 3). - La Cour de cassation l'avait déjà proclamé

o quand un dirigeant acquiert de façon dolosive les titres de certains de ses actionnaires (Cass. com., 27 févr. 1996, n° 94-11.241 : JurisData n° 1996-003972 ; JCP E 1996, II, 838, note D. Schmidt et N. Dion) ou

o quand un dirigeant dissimule aux associés cédants « une information de nature à influer sur leur consentement » (Cass. com., 12 mai 2004, n° 00-15.618 : JurisData n° 2004-023739 ; Dr. sociétés 2013, comm. 139 note F.-G. Trébulle ; Rev. soc. 2005, p. 140 , note L. Godon ; RTD civ. 2004, p. 500 , obs. Mestre et Fages ; Bull. Joly Sociétés 2004, p. 1114 , note D. Schmidt ; JCPE 2004, 1393, note F.-G. Trébulle. – Cass. com., 12 mars 2013, n° 12-11.970 : JurisData n° 2013-004378 ; Dr. sociétés 2013, comm. 78, obs. R. Mortier).

o Elle a estimé par la suite que le dirigeant - en l'occurrence un gérant de SARL – ne pouvait pas négocier en qualité de dirigeant d'une autre société un marché dans le même domaine d'activité (Cass. com., 15 nov. 2011, n° 10-15.049 : JurisData n° 2011-025126 ; Dr. sociétés 2012, comm. 24 , obs. M. Roussille ; Bull. Joly Sociétés 2012, p. 112, note H. Le Nabasque ; JCPE 2011, 1893, note A. Couret et B. Dondéro ; D. 2012, p. 134, note T. Favario) ou capter une opportunité d'affaires (Cass. com., 18 déc. 2012, n° 11-24.305 : JurisData n° 2012-030284 ; Dr. sociétés 2013, comm. 48 , obs. M. Roussille ; Rev. soc. 2013, p. 362 , note Th. Massart ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 200, note B. Dondero. – Loyauté et impartialité en droit des affaires : Gaz. Pal. 2012, n° 144-145 ; G. Helleringer, Le dirigeant à l'épreuve des opportunités d'affaires : D. 2012, p. 1560).

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C. - Conventions passées entre les dirigeants et la société – Principe –

Ces conventions qui sont susceptibles d'engendrer des conflits d'intérêts sont soumises aux mêmes règles que celles qui ont été exposées pour les conventions passées entre les administrateurs et la société (V. n° 23 à 30). D. - Pouvoirs – Pouvoir de chaque dirigeant –

Le positionnement à la tête de la société de dirigeants différents conduit à distinguer les pouvoirs de chacun :

• le directeur général est investi de deux pouvoirs essentiels : o celui de représenter la société dans ses rapports avec les tiers et o celui d'assumer la direction générale de la société,

§ sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration (C. com., art. L. 225-56, I) ;

• le président o organise et dirige les travaux du conseil, o veille au bon fonctionnement des organes de la société et o s'assure que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission (C.

com., art. L. 225-51) ; • le président-directeur général,

o si la société a choisi de réunir les deux fonctions sur une même tête, o détient les deux compétences qui viennent d'être décrites ;

• le directeur général délégué o voit ses pouvoirs fixés par le conseil d'administration en accord avec le

directeur général. o Mais, à l'égard des tiers, il dispose des mêmes pouvoirs que le directeur

général. §4. - La société anonyme à directoire – Principe –

La société anonyme n'est pas gouvernée par un conseil d'administration désignant et contrôlant un président-directeur général ou un directeur général, mais, selon un modèle allemand qui distingue mieux la fonction de gestion et la fonction de surveillance, la société anonyme est gouvernée par des organes collectifs, relativement autonomes, qui sont un directoire et un conseil de surveillance. A/ Directoire – Le directoire est en principe un organe collectif. Le nombre des membres est fixé par les statuts. La loi limite à cinq leur nombre. Mais il existe deux exceptions :

• dans les sociétés dont le capital est inférieur à 150 000€, le conseil de surveillance peut désigner un seul directeur ;

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• dans les sociétés cotées sur un marché réglementé, le directoire peut compter jusqu'à sept membres.

La nomination des membres du directoire est de la compétence du conseil de surveillance. - Le conseil de surveillance désigne aussi spécialement le président du directoire. - Les membres du directoire sont nommés pour une durée comprise entre deux et six

ans. o À défaut de clause statutaire, cette durée est de quatre ans.

- Si la révocation d’un membre du directoire est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages et intérêts (C.com., art. L. 225-61. – Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-27.967 , cité n° 13. – Cass. com., 3 mars 2015, n° 14-11.840 : JurisData n° 2015-004170 ; Dr. Sociétés 2015, comm. 90 , note D. Gallois-Cochet. – CA Paris, 7 déc. 2017, n° 16/01013 : Dr. sociétés 2018, comm. 64 , note J. Heinich).

- Les circonstances de la révocation peuvent donner lieu à dommages et intérêts si elles sont abusives ou vexatoires (à propos d’un président du directoire : CA Paris, 26 mai 2016 : JurisData n° 2016-011984 ; Bull. Joly Sociétés 2016, p. 655 , note I. Parahkévova ; Dr. sociétés 2016, comm. 186, note M. Roussille).

Le Code de commerce confère au directoire le pouvoir pour agir au nom de la société (C. com., art. L. 225-64). - Mais le pouvoir de représentation est normalement dévolu au seul président du

directoire. - La loi permet cependant au conseil de surveillance d'attribuer le pouvoir de

représentation à un ou plusieurs autres membres du directoire. B/ Conseil de surveillance – Le statut des membres du conseil de surveillance est semblable en principe à celui des administrateurs dans les sociétés à conseil d'administration. - Il y a cependant une différence importante, qui touche à la question du cumul du

contrat de travail. - La loi permet, depuis 1994, le cumul du contrat de travail avec la qualité de membre

du conseil de surveillance, sous la réserve que le nombre des salariés ne dépasse pas le tiers des membres du conseil.

En revanche les compétences du conseil de surveillance sont de manière générale plus réduites que celles du conseil d'administration, dans la mesure où elles portent essentiellement sur le contrôle de l'action du directoire. §5. - Les mandataires sociaux dans les sociétés cotées A. - Statut – Particularités du statut –

Ce qui a été dit précédemment du statut des administrateurs et des dirigeants dans la société anonyme à conseil d'administration ou du statut des membres du directoire et du conseil de surveillance est également vrai quand la société anonyme est cotée. - Il s'y ajoute certaines particularités : ainsi en ce qui concerne les titres des

mandataires sociaux.

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- Ceux-ci doivent mettre au nominatif leurs titres (C. com., art. L. 225-109) et déclarer leurs transactions à l'AMF (C. monét. fin., art. L. 621-18-2, a).

o Cette dernière mesure issue de la directive Abus de marché a pour fonction de prévenir les délits d'initié.

Le dispositif le plus original est l'existence de codes de gouvernement d'entreprise dont le plus abouti est le « Code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées » qui a été rédigé par l'AFEP et le MEDEF (dernière édition en juin 2018). - Ce code qui est un instrument de soft law présente des recommandations sur le

fonctionnement du conseil d'administration et le statut des administrateurs et dirigeants (V. M. Germain, V. Magnier et M.A. Noury : JCP E 2013, 1638 . – S. Schiller et alii, Le nouveau code AFEP-MEDEF : Actes prat. ing. sociétaire 2014, n° 134, dossier 2 ; P. Durand-Barthez, Le guide de la gouvernance des sociétés, Dalloz 2016).

- Un guide d’application du code AFEP-MEDEF est mis à jour périodiquement par le Haut comité du gouvernement d’entreprise, dit HCGE.

- L’AMF a rendu public son rapport en novembre 2017 sur le gouvernement d’entreprise, la rémunération des dirigeants, le contrôle interne et la gestion des risques (V. Dr. sociétés 2018, comm. 25, note C. Coupet).

B. - Rémunérations – Cas des rémunérations post-mandat –

Le législateur s'est peu à peu résolu à encadrer plus strictement ce type de rémunérations, pour les présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués et membres du directoire. - Dans un premier temps, par la loi du 26 juillet 2005, il a décidé que toute

rémunération de ce genre devait être soumise à la procédure des conventions réglementées.

- Dans un second temps, la loi du 21 août 2007 a durci cette réglementation. o Elle introduit en effet dans la procédure des conventions réglementées, qui

s'appliquait depuis la loi du 26 juillet 2005, des obligations nouvelles liées à un contrôle de la qualité du travail des dirigeants :

§ le versement de rémunérations différées doit être subordonné à des conditions de performance prévues dans la convention passée entre le dirigeant et la société et ceci selon un formalisme particulier (C. com., art. L. 225-42-1 et L. 225-90-1 , mod. L. 2015-990, 6 août 2015).

§ Ces obligations supplémentaires ne s'imposaient pas pour les clauses de non-concurrence et pour certains engagements de retraite collectifs.

§ Depuis la loi du 6 août 2015, les engagements de retraite à prestations définies de l’article L.137-11 du Code de la sécurité sociale (« retraites chapeaux ») n’échappent plus à l’obligation de respecter des conditions de performance.

– Fixation de la rémunération globale –

La loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 a introduit des dispositions très novatrices donnant un pouvoir contraignant à l’assemblée générale en matière de rémunération des dirigeants (président, directeur général, directeur général délégué, membres du directoire et

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du conseil de surveillance, H. Le Nabasque, Le say on pay contraignant, Bull. Joly Sociétés 2016, p. 461. – F. Martin Laprade et alii, Say on pay : droit de regard des actionnaires sur la rémunération des dirigeants sociaux : Actes prat. ing. sociétaire 2017, n° 155). - À partir de 2017, pour un exercice clos le 31 décembre 2016, l’assemblée générale

annuelle approuve dans un vote préalable (ex ante) les principes et critères de détermination de l’ensemble des rémunérations des dirigeants (C. com., art. L. 225-37-2 et 225-82-2. – D. n° 2017-340, 16 mars 2017).

- L’année suivante l’assemblée annuelle dans un vote a posteriori (vote ex post) statue sur l’ensemble des rémunérations des dirigeants ;

o pour le conseil de surveillance, ce vote ne concerne plus que le président. o En cas de vote ex post négatif, les éléments fixes de rémunération resteront

acquis au dirigeant, mais les éléments variables ne pourront pas lui être versés (C. com., L. 225-100, al. 11).

Dans un autre registre, en application du droit pénal commun, la Cour de cassation a pu décider que le président du conseil d'administration, qui s'assure le contrôle du comité des rémunérations et ne met pas les membres du conseil d'administration en mesure de remplir leur mission, se rend coupable de l'infraction pénale d'abus de pouvoirs (Cass. crim., 16 mai 2012, n° 11-85.150 : JurisData n° 2012-010049 ; Dr sociétés 2012, comm. 130 ; Bull. Joly Sociétés 2012, p. 579 , note B. Dondéro ; Rev. sociétés 2012, p. 697, note P. Le Cannu). – Cumul du contrat de travail –

La loi n'est pas intervenue directement sur cette question. - C'est en effet un rapport AFEP-MEDEF d’octobre 2008 qui a recommandé aux

dirigeants d'abandonner toute forme de cumul du contrat de travail et ceci, même sous la forme d'une suspension du contrat de travail.

- L'idée de ce rapport est de refuser tout mélange des genres, qui pourrait faciliter des excès en matière de rémunération.

- Cette recommandation figure maintenant à l'article 21 du « Code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées ».

C. - Conventions réglementées – Le rapport du groupe de travail de l'AMF sur les assemblées générales d'actionnaires de sociétés cotées (Rapport AMF, 7 févr. 2012 - Recommandation AMF n° 2012-05) s'est penché sur l'institution des conventions réglementées et a proposé des évolutions à mettre en œuvre. Certaines de celles-ci ont reçu application au travers de l’ordonnance n° 2014-863 du 30 juillet 2014 . La recommandation de l’AMF 2012-05 a été modifiée et complétée le 11 février 2015. §6. - La responsabilité des administrateurs et dirigeants A. - Responsabilité civile à l'égard de la société et des actionnaires – Éléments de la responsabilité –

Ils sont, conformément au droit commun, une faute, un préjudice et un lien de causalité - La faute est spécialement décrite par la loi : elle résulte « soit des infractions aux

dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des

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violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion » (C. com., art. L. 225-251 .

o Une décision d’assemblée générale n’exonère pas le dirigeant de sa responsabilité (Cass. com., 8 mars 2016, n° 14-16.621 : JurisData n° 2016-012510 ; Bull. Joly Sociétés 2016, p. 475,note S. Schiller ; Dr. sociétés 2016, comm. 143, note M. Roussille). Une faute d'abstention suffit (CA Limoges, 17 janv. 2013 : Bull. Joly 2013, p. 302, note D. Schmidt).

o La Cour de cassation a décidé que la faute des administrateurs est présumée en cas de faute commise par le conseil, sauf preuve contraire (Cass. com., 30 mars 2010, n° 08-17.841 : JurisData n° 2010-002958 ; Dr. sociétés 2010, comm. 117 , obs. M. Roussille; Rev. sociétés 2010, p. 304 , note P. Le Cannu ; JCP E 2010, 1416, note A. Couret ).

– Nature des actions –

L'action en responsabilité ne peut appartenir qu'à la personne lésée.

o rem : condition procédurale, de droit commun, de l’intérêt à agir … - Mais, en dehors du cas où la faute d'un administrateur ou d'un dirigeant aurait porté

préjudice à un tiers (V. n° 57), o la personne lésée peut être

§ soit la société personne morale, § soit un actionnaire personnellement. § Cette distinction est cependant trop simpliste et la jurisprudence puis

la loi de 1966 ont été conduites à redéfinir une nouvelle classification (C. com., art. L. 225-251 et L. 225-252) : • action sociale exercée par la société :

o cette action est exercée au nom de la société par ses représentants ;

§ comme cette action est entre les mains des dirigeants,

§ il est rare qu'elle soit exercée § sauf en cas de changement de direction ;

• action sociale exercée ut singuli : o dans la mesure où l'action des dirigeants se rencontrera

très rarement, § chaque actionnaire s'est vu doté par la loi du

pouvoir d'exercer l'action sociale au nom de la société.

o Si l'action aboutit au paiement de dommages et intérêts, § ceux-ci seront logiquement attribués à la société.

o Cette action sociale n'est possible qu'à l'égard des administrateurs et dirigeants (Cass. com., 19 mars 2013, n° 12-14.213 : JurisData n° 2012-015606 ; Dr. sociétés 2013, comm. 19 , obs. M. Roussille ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 316, note J.-F. Barbiéri).

o Cette action n’est pas possible § contre un dirigeant de fait (Cass. com. , 29 mars

2017,n° 16-10.016 : JurisData n° 2017-005716 ; Dr. sociétés 2017, comm. 101 ; Bull. Joly Sociétés 2017, p.

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521, note C. Coupet ; Rev. soc. 2017, p 562, note L. Godon) ou

§ contre un liquidateur amiable (Cass. com., 6 déc. 2017, n° 16-21.005 : JurisData n° 2017-025055 ; Bull. Joly Sociétés 2018, p. 208 , note C. Coupet ; Dr. sociétés 2018, comm. 26 , note J. Heinich. – Sur le cumul de l’action sociale ut singuli et de l’action sociale ut universi, V. Cass. com., 27 sept. 2017, n° 15-28.835 : JurisData n° 2017-018920 ; Dr. sociétés 2018, comm. 3 ; Rev. sociétes 2018, p. 111, note B. Saintourens) ;

• action individuelle : o tout actionnaire lésé peut agir en responsabilité contre les

administrateurs ou les dirigeants. o Il devra prouver qu'il a souffert un préjudice personnel de

l'acte irrégulier d'un administrateur ou d'un dirigeant. § Mais, selon la jurisprudence, si l'acte de mauvaise

gestion ne porte pas directement préjudice à l'actionnaire, celui-ci ne peut pas se prétendre lésé par la baisse de la valeur de son titre, car le préjudice subi par l'associé n'est que le corollaire du dommage causé à la société.

§ Il ne peut donc exercer que l'action sociale ut singuli (Cass. com., 17 janv. 2018, n° 16-10.266 : Dr. sociétés 2018, comm. 65 , note C. Coupet, concernant en particulier le prêt d’un associé inscrit en compte courant).

B. - Responsabilité civile à l'égard des tiers – Originalité des rapports avec les tiers –

La question de la responsabilité à l'égard des tiers a longtemps été confuse : - celle-ci pèse-elle sur les dirigeants de la société ou sur la société elle-même ? - La Cour de cassation a peu à peu imaginé la solution de la faute séparable « lorsque le

dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice des fonctions sociales » (Cass. com., 20 mai 2003, n° 99-17.092 : JurisData n° 2003-019081 ; Dr sociétés 2003 comm. 148 ;

- La chambre commerciale de la Cour de cassation a dit de manière claire qu’une faute pénale intentionnelle constitue une faute séparable (Cass. com., 28 sept 2010, n° 09-66.255 : JurisData n° 2010-017070 ; Dr. sociétés. 2010, comm. 225, note M. Roussille ; Bull. Joly Sociétés 2010, p. 97 . – Cass. com., 9 déc 2014, n° 13-26.298 : JurisData n° 2014-030506 ; Dr. sociétés. 2015, comm. 79, note R. Salomon ; Bull. Joly Sociétés 2015, p. 134 , note PH. Dupichot. – Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-11405 : Bull. Joly Sociétés 2015, p. 446, note B. Brignon).

- La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette la théorie de la faute séparable. La faute pénale existe en soi, sans distinction possible (Cass. crim., 5 avr. 2018, n° 16-87.669 et 16-83.961 : JurisData n° 2018-005017 et 2018-005018 ; Bull. Joly Sociétés 2018, p. 258 , concl. R. Salomon et note A. Couret ; Dr. sociétés 2018, comm. 83, note J. Heinich).

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En cas de faute séparable, la responsabilité du dirigeant est engagée (sur les difficultés du point de départ de la prescription dans certaines hypothèses : Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-27.465 : Bull. Joly Sociétés 2017, p. 601 , note N. Bargue ; Rev. sociétés 2018, p. 104 , note A. Lecourt ; Dr. sociétés 2018, comm. 7, note J. Heinich). - Dans les autres cas, qui sont naturellement les plus fréquents, seule la personne

morale voit sa responsabilité engagée à l'égard des tiers. - Elle peut ensuite se retourner contre ses dirigeants : la prescription applicable à

l’action de la société ne peut commencer à courir avant la délivrance de l’assignation contre la société (Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-17.632, P+B : JurisData n° 2014-009959 ; Dr. sociétés 2014, comm. 126, note M. Roussille ; Bull. Joly Sociétés 2014, p. 449, note S. Torck).

- Il a été jugé récemment par la CJUE que les directives européennes ne confèrent pas aux salariés le droit d’exercer une action en responsabilité pour défaut de convocation de l’assemblée générale malgré les pertes de la société (CJUE, 14 déc. 2017, n° C-243/16 : Bull. Joly Sociétés 2018, p. 156, note M. Menjucq).

C. - Responsabilité pénale pour abus des biens et du crédit de la société – Infraction de l'article L. 242-6 du Code de commerce –

Elle vise : - le président, les administrateurs ou directeurs généraux d'une société anonyme, - qui ont fait de mauvaise foi un usage des biens ou du crédit de la société qu'ils savent

contraire à son intérêt à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle ils sont intéressés.

Cette infraction, bien connue des spécialistes et de ceux qui ne le sont pas, ne donne lieu cependant qu'à quelques centaines de condamnations par an, ce qui relativise l'importance quantitative de ce délit. - Son importance symbolique n'en est pas moins toujours très grande. - Une évolution législative récente concerne la prescription.

o La jurisprudence reportait le point de départ de la prescription triennale au jour où le délit avait pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.

o La réforme de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 double le délai normal de prescription pour les délits en général – passant de trois ans à six ans – et instaure un délai butoir de douze ans en cas de report du délai (C. proc. pén., art. 9 nouv.).

La jurisprudence est fournie et a beaucoup enrichi l'interprétation de l’article L. 242-6 du code de commerce :

• l'intérêt de la société ne peut pas autoriser la commission d'infractions pénales ; • l'intérêt personnel est présumé quand des fonds ont été prélevés de manière occulte

(jurisprudence de « la caisse noire » : Cass. crim., 24 sept. 2008, n° 08-80.872 : JurisData n° 2008-045672 ; Dr. sociétés. 2008 comm 234 ; Bull. crim. 2008, n° 196 ; Rev. sociétés 2009, p. 174, note H. Matsopoulou) ;

• la faveur faite à une autre société dans laquelle les dirigeants sont intéressés peut échapper à la qualification pénale s'il existe un groupe de sociétés répondant à certains critères (Cass. crim., 16 déc. 1975, n° 75-91.045 : JurisData n° 1975-798036 ; Bull. crim. 1975, n° 279 , Rozenblum ; JCP G 1976, II, 18476 , note M. Delmas-Marty. –

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Cass. crim., 19 mars 2014, n° 12-83.188 : JurisData n° 2014-005242 ; Dr. sociétés. 2014, comm 92, note R. Salomon ; Rev. sociétés 2014, p. 741 , note M.-E. Boursier. – Cass. crim., 25 oct. 2017, n° 16-80.238 : Bull. Joly Sociétés 2018, p. 91 , note H. Matsopoulou, refusant le fait justificatif du groupe).

Section 3 : Les actionnaires de la société anonyme L’assemblée générale des actionnaires est, au plan théorique, l’organe souverain dans la société anonyme. - Au plan pratique, cela se vérifie moins, notamment en raison de l’absentéisme, de la

conviction du moindre poids que peuvent avoir les petits actionnaires dispersés face à ceux qui contrôlent la société, ainsi que des techniques de dissociation du capital et du pouvoir.

- Néanmoins, il semble se dégager un certain regain de la part des minoritaires, notamment en raison de l’amélioration de l’information et des modalités d’exercice du droit de vote.

Les assemblées ont regagné de l'importance ces dernières années sous l'influence du développement des théories du gouvernement d'entreprise et des pratiques qu'elles ont générées. - Elles contribuent au contrôle de l'action des organes de direction, d'administration et

de surveillance. Ce contrôle concerne aussi bien le fonctionnement régulier de la société que les décisions capitales relatives à son développement voire à sa survie. - Un ensemble de règles techniques permet l'expression des actionnaires dans le cadre

des assemblées suivant le type de décision en cause. - Certains actionnaires ont même la possibilité dans des circonstances déterminées de

se regrouper au sein d'assemblées propres. La matière est régulièrement retouchée en vue, généralement, de favoriser l'information et l'expression des actionnaires lors des assemblées générales. - C'est ainsi qu'en dernier lieu, dans le cadre de la transposition de la directive

n° 2003/36/CE du 11 juillet 2007 sur les droits des actionnaires, est intervenue l'ordonnance n° 2010-1511 du 9 décembre 2010 complétée par le décret n° 2010-1619 .

- De même, le décret n° 2011-1473 du 9 novembre 2011 , tend à simplifier les formalités de communication par voie électronique.

- Ce n'est pourtant pas dans le sens d'un renforcement de la protection des actionnaires qu'a été la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit en modifiant certains points du régime existant.

- Il n'en reste pas moins vrai que le fonctionnement de l'assemblée générale reste un objet de préoccupation aujourd'hui, en témoigne une nouvelle loi de simplification n° 2012-387 en date du 23 mars 2012 qui a encore retouché différentes règles en la matière.

- Plus récemment encore, la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 , a généralisé le droit de vote double dans les sociétés cotées, et le décret n° 2014-1466 du 8 décembre 2014 a modifié dans les sociétés cotées, la date d’établissement de la liste des actionnaires habilités à participer aux assemblées.

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– Souveraineté des assemblées – La vie des sociétés est rythmée et déterminée par la réunion d'assemblées d'actionnaires. - Émanation de la collectivité, « organe supérieur de la société » (Y. Guyon, Droit des

affaires, Droit commercial général et sociétés : Economica, 2003, 12ème éd., T. 1, n° 289, p. 291),

o les décisions les plus importantes sont de sa compétence. - Son fonctionnement est dit "démocratique", en ce sens que l'ensemble des

actionnaires disposent d'un droit de vote leur permettant de conduire la collectivité qu'ils constituent.

- L'assemblée générale permet ainsi l'expression du droit politique rattaché à l'action dont ils sont les titulaires.

- Comme tout régime démocratique, les assemblées d'actionnaires, au moins dans les grandes sociétés, souffrent d'un manque de représentativité, ce qui profite largement à la direction, laquelle a davantage de liberté dans la conduite de la société.

- La « corporate governance », ou gouvernement d'entreprise, dont la prégnance augmente dans notre droit, devrait contrebalancer cet état de fait.

- Il faut observer de plus que la comparaison avec le système démocratique a des limites.

o Il convient, en effet, de garder présent à l'esprit que, sauf exception, les voix dont dispose un actionnaire sont corrélées à l'importance de son apport, ce qui entraîne évidemment le règne de ceux qui sont le plus puissant financièrement, cet état se trouvant accentué par le phénomène majoritaire.

o Le rôle croissant des organismes de placement collectif, des sociétés de capital-risque ou des investisseurs institutionnels dans les assemblées de bon nombre de sociétés en témoigne.

– Diversité des assemblées –

Il n'existe évidemment pas un seul type d'assemblée. - Suivant la taille de la société elles vont être purement formelles, le plus souvent

tenues uniquement sur le papier, ou être lieux de débats véritables au moins entre certains actionnaires.

- Techniquement, elles vont différer suivant le type de décision en cause. o Les textes imposent, dans certains cas de constitution, la réunion d'une

assemblée constitutive (C. com., art. L. 225-2). o Ils prévoient également la tenue d'assemblées générales ordinaires

§ qui vont statuer annuellement sur les comptes de l'exercice et § qui peuvent être convoquées pour des questions qui ne relèvent pas

des assemblées générales extraordinaires dont la convocation s’impose lorsqu’une modification statutaire est envisagée.

o Il existe aussi des assemblées spéciales destinées à des actionnaires titulaires d'actions spécifiques.

o Ces différents types d'assemblée se distinguent par § leur récurrence, § leur règle de délibération, § leur quorum et § la nature des décisions qui y seront prises.

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o Cependant, elles présentent toutes des similitudes, en sorte qu'il est possible de dégager un droit commun des assemblées générales et un droit spécial des assemblées générales.

§1. - Règles communes aux différentes assemblées A. - Convocation de l'assemblée – Titulaires du droit de convoquer l'assemblée –

Le principe est que l'assemblée générale est convoquée soit par le conseil d'administration, soit par le directoire. - À défaut, le législateur accorde cette faculté à d'autres intervenants.

o C'est ainsi que § le commissaire aux comptes ou § un mandataire désigné en justice à la demande

• de tout intéressé, • du comité d'entreprise, • d'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du

capital ou, • pour les sociétés cotées, une association de défense des

actionnaires, § pourront également convoquer l'assemblée.

o Il en sera de même pour § les liquidateurs d'une société, § un administrateur provisoire, § le conseil de surveillance ou § les actionnaires majoritaires en capital ou en droits de vote après une

offre publique d'achat ou d'échange ou après une cession de contrôle. o Il faut noter que ces dispositions sont également applicables aux assemblées

spéciales (V. n° 29et s.), § étant entendu cependant que les actionnaires agissant en désignation

d'un mandataire de justice doivent réunir au moins un vingtième des actions de la catégorie intéressée. (C. com., art. L. 225-103 , modifié par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012).

o De plus, depuis la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, § si l'assemblée générale ordinaire,

• qui doit se réunir au moins une fois par an, dans les six mois de la clôture de l'exercice –

o sauf prorogation judiciaire de ce délai – • n'a pas été réunie dans ce délai,

§ le ministère public ou § tout actionnaire

o peut saisir le président du tribunal compétent statuant en référé afin

§ d'enjoindre, le cas échéant sous astreinte, aux dirigeants de convoquer cette assemblée ou

§ de désigner un mandataire pour y procéder (C. com. Art. L. 225-100, modifié).

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• En définitive, au-delà du fonctionnement normal de la société, d'autres acteurs, parfois externes à la société, pourront dans certaines circonstances convoquer l'assemblée.

– Formalités de convocation –

Les formalités de convocation sont essentiellement décrites dans des textes réglementaires qui évoquent les conditions et contenus de l'avis de convocation. Les nombreuses formalités à accomplir requièrent des délais assez longs, ce qui doit inciter à s’atteler aux opérations nécessaires suffisamment tôt, plus particulièrement pour l’assemblée annuelle. - Quant au contenu,

o il doit comporter logiquement les éléments d'identification de la société tels que

§ la dénomination sociale, § la forme de la société, § le montant du capital social, § l'adresse du siège social, ainsi que § les indications relatives à l'assemblée en question, comme

• les jours, heure et lieu de réunion, ainsi que • sa nature, extraordinaire, ordinaire ou spéciale, et • son ordre du jour.

§ Il est de plus précisé dans le texte que les questions inscrites à l'ordre du jour, élément fondamental de la convocation, sont libellées de telle sorte que leur contenu et leur portée apparaissent clairement, sans qu'il y ait lieu de se reporter à d'autres documents (C. com., art. R. 225-66).

o La méconnaissance des règles relatives à l’ordre du jour est sanctionnée par la nullité.

§ La seule « marge » de manœuvre, résulte de la possibilité de révoquer et de remplacer les administrateurs et les membres du conseil de surveillance et d’adjoindre une rubrique dédiée aux questions diverses contenant des sujets de minime importance.

§ Il faut ajouter que la demande d'inscription de points ou de projets de résolution à l'ordre du jour de l'assemblée, par des actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, doit être adressée au siège social par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par télécommunication électronique (le seuil étant modifié suivant l'envergure de la société : C. com., art. R. 225-71 , mod. par D. n° 2010-1619, 23 déc. 2010. – Sur cette réforme voir par exemple C. Maison-Blanche et A. de Rochebrune, Des nouvelles dispositions relatives aux assemblées générales des actionnaires, Bull. Joly 2011, p. 192).

Quant à la communication aux actionnaires de l'avis de convocation - il est prévu qu'il doit être inséré dans un journal habilité à recevoir les annonces

légales dans le département du siège social - et, si les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché

réglementé ou si toutes ses actions ne revêtent pas la forme nominative, au Bulletin des annonces légales obligatoires.

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- Dans le cas où toutes les actions de la société sont nominatives, la convocation peut intervenir par lettre simple ou recommandée adressée à chaque actionnaire, aux frais de la société.

- Cette convocation peut également être transmise par un moyen électronique de télécommunication à l'adresse indiquée par l'actionnaire qui aura donné son accord au préalable (C. com., art. R. 225-63 et R. 225-67).

- Il faut observer que cette obligation de convoquer chaque actionnaire pèse sur l'auteur de la convocation qui doit démontrer l'envoi de la lettre de convocation, ce n'est donc pas au destinataire d'établir l'absence de convocation (Cass. com., 10 nov. 2009, n° 05-15.809 : JurisData n° 2009-051297 ; Bull. Joly Sociétés 2010, p. 124 , note D. Schmidt : Dr. sociétés 2010, comm. 40, note M.-L. Coquelet).

- Dans les sociétés par actions dont les titres ne sont pas admis sur un marché réglementé les statuts peuvent prévoir que les assemblées (qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires) sont tenues exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant l’identification des actionnaires,

- Toutefois, pour chaque assemblée générale, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social peuvent s'opposer à ce qu'il soit recouru exclusivement à ces modalités de participation. (C. mon. fin., art. L. 225-103-1).

- Dans l’hypothèse d’une assemblée tenue par visioconférence, l’avis de convocation doit indiquer que les actionnaires participent à cette assemblée exclusivement par ces moyens (C. mon. fin., art. R. 225-66).

– Sanctions relatives à la convocation –

L'alinéa 2 de l'article L. 225-104 du Code de commerce énonce que toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée. - Autrement dit, il s'agit d'une nullité facultative, l'action n'étant toutefois pas recevable

lorsque tous les actionnaires étaient présents ou représentés. - Le juge devra donc apprécier s'il faut ou non sanctionner l'irrégularité par la nullité,

o elle a été prononcée, par exemple, dans le cas où l'assemblée avait été convoquée par un conseil d'administration irrégulièrement composé (Cass. com., 9 juill. 2002, n° 99-10.453 : JurisData n° 2002-015205 ; Bull. Joly Sociétés 2002, p. 939, note A. Couret).

o Généralement, il apparaît que le juge se montre réticent à annuler les décisions collectives pour simple irrégularité.

§ Ainsi, Le juge a pu refuser de prononcer l'annulation d'une assemblée, malgré l'imprécision de la convocation qui ne respectait pas les exigences de l'article R. 225-66 du Code de commerce,

• car l'actionnaire ne pouvait se méprendre sur les questions qui allaient être abordées, notamment parce qu'elles avaient déjà fait l'objet de nombreuses discussions au préalable (CA Paris, 24 sept. 2009, n° 09/10508 : JurisData n° 2009-016367 ; Dr. sociétés 2010, comm. 73, Irrégularité affectant la convocation à une assemblée générale : la nullité n'est que facultative !, obs. M. Roussille).

o En revanche, la Cour de cassation a pu approuver une cour d'appel qui avait annulé une augmentation de capital effectuée sans droit préférentiel de souscription,

§ au motif que ce renoncement aurait dû être inscrit à l'ordre du jour (Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-17.256 :JurisData n° 2012-

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021560 ; Dr sociétés 2013 comm 5 ; Bull. Joly sociétés, 2012, , p. 847, note R. Mortier).

§ Cette décision s'attache à un formalisme excessif car les faits de l'espèce révèlent que l'augmentation de capital était réservée aux salariés, et que cela figurait expressément dans l'ordre du jour.

§ Or, une augmentation de capital réservée aux salariés ne saurait s'accompagner d'un droit préférentiel de souscription, puisque, précisément parce qu'elle est « réservée » à certains, les « autres » ne peuvent que renoncer…

§ Il aurait pourtant fallu, malgré cette évidence, faire figurer « augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription » pour que l'ordre du jour soit complet.

o Si l’examen – pourtant obligatoire – d’un projet de résolution tendant à une émission réservée aux salariés lors de toute décision d’augmentation de capital par apport en numéraire dans une société anonyme, est sanctionné par la nullité de l’augmentation de capital, cette omission peut être régularisée (Com. 28 nov. 2018, F-P+B, n° 16-28.358)

§ Selon l’article L. 225-129-6, alinéa 1er, du code de commerce, lorsque l’assemblée générale extraordinaire d’une société anonyme décide une augmentation de capital par apport en numéraire, elle doit en même temps se prononcer sur un projet de résolution tendant à une émission réservée aux salariés dans le cadre d’un plan d’épargne d’entreprise. Cette procédure ne s’impose pas, en revanche, en cas d’apport en nature. Dans l’affaire jugée, estimant que l’assemblée générale du 29 novembre 2013 n’avait pas satisfait aux exigences de l’article L. 225-129-6 du code de commerce, faute de consultation des actionnaires sur un projet de résolution tendant à la réalisation d’une augmentation de capital, un salarié de la société en cause a assigné en annulation de l’augmentation de capital ainsi décidée. Une assemblée générale extraordinaire a alors été convoquée pour le 24 novembre 2014 afin de régulariser les décisions du 29 novembre 2013. Mais cette assemblée générale a rejeté la résolution proposant de réserver aux salariés une augmentation de capital en numéraire. La cour d’appel d’Amiens a validé cette régularisation, rejetant, par là-même, la demande d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 24 novembre 2014 formulée par le salarié. Mais ce dernier, visiblement combatif, forme alors un pourvoi.

§ Il est vrai que la violation de l’obligation imposée par l’article L. 225-129-6, alinéa 1er, du code de commerce est sanctionnée par la nullité de l’assemblée générale extraordinaire, donc de l’augmentation de capital, en vertu de l’article 225-149-3, alinéa 2, du même code (ce qui ne veut pas dire que celle-ci est obligée d’adopter le résolution proposant de réserver aux salariés une augmentation de capital en numéraire). S’agit-il, dans le silence du texte, d’une nullité relative, de telle sorte que l’augmentation de capital est susceptible d’être régularisée, ou, à l’inverse d’une nullité absolue ? Le salarié semble défendre la seconde thèse. On relèvera, à cet égard, que la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 de simplification du droit a modifié la rédaction de cet article en substituant à une nullité facultative pour le juge semble-t-il une nullité de droit, ce qui pourrait conduire à penser

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qu’il s’agit d’une nullité absolue (V. obs. ss C. com., art. L. 225-129-6, Code des sociétés Dalloz, éd. 2019, p. 727).

§ Mais telle n’est pas la position de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi : « c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que le vote sur la seule résolution proposant de réserver aux salariés une augmentation de capital, qui n’avait pas été soumise à la précédente assemblée statuant sur la résolution tendant à l’augmentation de capital, suffisait à régulariser cette augmentation de capital, sans qu’il y ait lieu à nouvelle délibération sur cette première résolution ».

B. - Information des actionnaires – Informations mises à disposition des actionnaires avant une

assemblée Toute délibération implique un consentement éclairé. - C'est pourquoi l'actionnaire doit profiter de tous les documents de nature à

comprendre l'état de la gestion et la situation financière de la société. o C'est ainsi que l'article R. 225-89 du Code de commerce prévoit qu'à

compter de la convocation de l'assemblée générale ordinaire annuelle et au moins pendant le délai de quinze jours qui précède la date de la réunion, tout actionnaire a le droit de prendre connaissance, au siège social ou au lieu de la direction administrative d'un certain nombre de documents et renseignements.

§ Ces éléments sont énumérés par les articles L. 225-115 et R. 225-83 du Code de commerce.

• Pour l'essentiel, il s'agit d'abord o des comptes annuels et o de la liste

§ des administrateurs § ou des membres du directoire et du conseil de

surveillance o et, le cas échéant, des comptes consolidés.

• Il en est de même pour les rapports o du conseil d'administration ou du directoire et du

conseil de surveillance (V. n° 21), selon le cas, et o des commissaires aux comptes, qui seront soumis à

l'assemblée. • Il faut y ajouter, le cas échéant,

o le texte et l'exposé des motifs des résolutions o les renseignements concernant les candidats au conseil

d'administration ou au conseil de surveillance, selon le cas.

• De plus, doivent être mis à disposition des actionnaires o les montants exacts des rémunérations versées aux

personnes les mieux rémunérées de l'entreprise ainsi que

o le montant des versements effectués pour des œuvres d'intérêt général.

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• Il convient de mentionner qu'avant la loi n° 2011-575 du 17 mai 2011,

o l'inventaire ainsi que la liste et l'objet des conventions portant sur des opérations courantes conclues à des conditions normales faisaient partie des renseignements dus aux actionnaires.

o Ce n'est désormais plus le cas, cet aménagement est intervenu dans un but de simplification puisque dans les groupes importants l'établissement de cette liste des conventions pouvait se révéler long et complexe (F.-X. Lucas, Le droit des sociétés a été simplifiée et amélioré : Bull. Joly 2011, p. 541).

– Informations pouvant être adressées aux actionnaires avant une

assemblée - La plupart des informations obligatoirement mises à la disposition des actionnaires

(celles mentionnées dans C. com., art. R. 225-83)peuvent leur être communiquées à leur demande par courrier postal ou par courrier électronique, aux frais de la société.

o Cette possibilité est offerte à tout actionnaire à titre nominatif ainsi qu'à tout propriétaire de titres au porteur qui justifie de cette qualité par la transmission d'une attestation d'inscription dans les comptes de titres au porteur tenu par un intermédiaire financier. L'article R. 225-88 du Code de commerce qui accorde cette faculté aux actionnaires vise également les renseignements contenus dans l'article R. 225-81 de ce même Code.

o C'est ainsi que peuvent être également fournis sur demande des éléments tels que

§ l'ordre du jour de l'assemblée, § le texte des projets de résolution présentés par le conseil

d'administration ou le directoire, selon le cas, ainsi que § le texte des projets de résolution présentés par des actionnaires.

o Ces derniers peuvent de plus obtenir un exposé sommaire de la situation de la société pendant l'exercice écoulé,

§ accompagné d'un tableau faisant apparaître les résultats de la société au cours de chacun des cinq derniers exercices.

o Il en sera de même pour tous les éléments relatifs aux conditions de vote et de représentation.

o Le non-respect de ce droit permet la mise en œuvre d’une procédure d’injonction permettant à tout intéressé de demander au président du tribunal de commerce, statuant en référé, d'enjoindre sous astreinte aux intéressés de procéder à cette communication ou de désigner un mandataire chargé d'y procéder (C. com., art. L. 238-1).

o La méconnaissance de ce droit expose également les débiteurs de l’information à une amende de 9000 euros (C. com., art. L. 247-1 ) et peut conduire à l’annulation de l’assemblée (C. com., art. L. 225-121).

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– Droit de communication permanent – - Il faut rappeler pour mémoire que l'actionnaire a un droit de communication

permanent posé par l'article L. 225-117 du Code de commerce qui prévoit qu'il peut obtenir à toute époque de l'année les documents visés à l'article L. 225-115 concernant les trois derniers exercices ainsi que les procès-verbaux et les feuilles de présence des assemblées tenues au cours des trois derniers exercices.

- Ce droit peut être exercé à toute époque de l’année, par tout actionnaire, ou par un mandataire qui pourra être un tiers étranger à la société (C. com., art. R. 225-92 ) et avec l’assistance d’un expert inscrit sur une liste établie par les cours et tribunaux (C. com., art. R. 225-94 ).

- En définitive, il faut retenir que les actionnaires ont un droit d'accès à un ensemble d'informations, sur la vie comptable administrative et financière de la société ainsi que sur ses dirigeants, qui ne se limite pas à la période précédent une assemblée, ces informations étant censées les aider à prendre leur décision au moment de l'exercice de leurs prérogatives dans le cadre d'une assemblée.

- En cas de refus de communication, les intéressés peuvent demander au président du tribunal statuant en référé, soit d'enjoindre sous astreinte aux dirigeants de procéder à cette communication, soit de désigner un mandataire qui mettra cette communication en œuvre (C. com., art. L. 238-1).

- Le non-respect de ce droit pourra également ouvrir droit à indemnisation. C. - Participation aux assemblées – Droit de participer aux assemblées –

- Tout actionnaire a le droit, mais non l’obligation, de participer aux assemblées (C. civ.,

art. 1844, al. 1) ; o toute clause contraire insérée dans les statuts sera réputée non écrite (C. civ.,

art. 1844-10, al. 2 ; C. com., art. L. 225-113) § dans son intégralité (Cass. com., 9 juill. 2013, n° 11-27.235 : : JurisData

n° 2013-014462 ; RJDA 10/13 n° 813). o La jurisprudence a de plus eu l'occasion de rappeler que « tout associé a le

droit de participer aux décisions collectives et de voter et les statuts ne peuvent déroger à cette disposition »

§ (V. l'arrêt important : Cass. com., 9 févr. 1999, n° 96-17.661 : JurisData n° 1999-000568 ; Dr. sociétés 1999, comm. 67, note T. Bonneau. –

§ le principe a été confirmé pour les sociétés par actions simplifiées : Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16.537 : JurisData n° 2007-041010 ; Dr. sociétés 2007, comm. 219 , note H. Hovasse ; JCP E 2007, 2433 , note A. Viandier ; Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-14.960, F-D, SAS Socoldis c/ B. : JurisData n° 2014-009106).

• Rem : du renvoi par la loi pour la SAS vers la SA … § Ceci vise tous les associés,

• même ceux dont les titres seraient privés de droit de vote (action de préférence),

• et le nu-propriétaire. § « le fait d'empêcher un actionnaire de participer à une assemblée

d'actionnaire » (C. com., art. L. 242-9, 1°) est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 9 000 euros.

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• Ce délit doit être distingué de celui de défaut de réunion de l'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes (Cass. crim., 26 mars 1998, n° 97-80.043 : JurisData n° 1998-002270 ; Rev. sociétés 1998, 609 , note Bouloc ; JCP G 1999, I, 112, n° 9, obs. J.-H. Robert, statuant avant la loi NRE sur le défaut de convocation) qui lui est puni d'un emprisonnement de 6 mois et d'une amende de 9 000 euros (C. com., art. L. 242-10).

- Il faut noter que le décret n° 2014-1446 du 8 décembre 2014 a modifié la date des

critères d'établissement de la liste des actionnaires habilités à participer aux assemblées.

o Pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou aux opérations d'un dépositaire central, le texte (C. com., art. R. 225-73, 5°) fixe désormais comme condition nécessaire au vote l'inscription définitive du titre au compte-titre de l'acheteur (position dénouée), qui correspond au transfert de propriété de ce titre au sens de l'article L. 211-17 du Code monétaire et financier .

§ Ainsi, les transactions déjà négociées mais non encore dénouées (le délai entre la négociation et le dénouement étant de deux jours à partir du 6 octobre 2014) ne seront plus prises en compte pour déterminer les droits d'un actionnaire à la date de l'assemblée de référence.

o Pour les sociétés dont les titres ne sont admis ni aux négociations sur un marché réglementé ni aux opérations d'un dépositaire central, les textes continuent de prévoir qu'il est justifié du droit de voter en assemblée générale par l'inscription des titres au nom de l'actionnaire dans les comptes de titres nominatifs tenus par la société (dont résulte le transfert de propriété), et ce au jour de l'assemblée.

§ En revanche, il est énoncé qu'en cas de disposition spéciale figurant dans les statuts, cette date pourra désormais être fixée au deuxième jour ouvré (et non plus au troisième jour ouvré comme ce fut le cas jusqu'ici) précédant l'assemblée à zéro heure, heure de Paris (C. com., art. R. 225-86).

– La qualité d'actionnaire –

- Peuvent bien sûr participer aux assemblées les titulaires d'actions de capital, dès lors

que ces dernières ont été libérées des versements exigibles (C. com., art. L. 228-29). - Les actions de jouissance, c'est-à-dire intégralement amorties (C. com., art. L. 225-198,

al. 2), continuent d'autoriser une participation et un droit de vote (C. com., art. L. 225-1).

- Pour ce qui est des actions sur lesquelles plusieurs droits se trouvent en concurrence,

o l'article L. 225-110, alinéa 1 du Code de commerce indique que « Le droit de vote attaché à l'action appartient à l'usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires ».

o L'article 1844 du Code civil indique, lui, dans son troisième alinéa que « Si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf

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pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier ».

o Cependant, l'un comme l'autre prévoient, en leur dernier alinéa, que ces dispositions ne sont pas d'ordre public, il peut y être dérogé dans les statuts.

§ La question s'est posée de savoir si cette dérogation ne connaissait pas des limites.

§ Un arrêt de principe en date du 4 janvier 1994 fournit un élément de réponse en énonçant : « alors que si selon l'article 1844, alinéa 4, du Code civil, il peut être dérogé à l'alinéa 3 du même article qui est relatif au droit de vote et qu'il était donc possible aux statuts litigieux de prévoir une dérogation sur ce point, aucune dérogation n'est prévue concernant le droit des associés et donc du nu-propriétaire de participer aux décisions collectives tel qu'il est prévu à l'alinéa premier dudit article ».

• Ainsi, le droit de vote doit être distingué du droit de participer aux assemblées.

• Il semble que cet arrêt condamne l'interdiction qui pourrait être faite au nu-propriétaire de participer aux décisions collectives ;

• l'accès aux assemblées ne saurait jamais être refusé au nu-propriétaire, qui peut toujours participer aux débats (Cass. com., 4 janv. 1994, n° 91-20.256 : JurisData n° 1994-000057 ; JCP E 1994, I, 363, n° 4 , notes A. Viandier et Caussain ; RD bancaire et bourse 1994, 9 , D. Vidal ; JCP E 1994, act. 100063, A. Guengant. –

• dans le même sens, V. plus récemment : Cass. com., 2 déc. 2008, n° 08-13.185 : JurisData n° 2008-046126 ; Dr. sociétés 2009, comm. 46 , note M.-L. Coquelet ; Cass. civ., 16 nov. 2011 : JurisData n° 2011-025301 ; Dr. sociétés 2012, comm. 76 , note R. Mortier ; contra Bull. Joly 1994, p. 249 et s., J.-J. Daigre).

o Le même article L. 225-110 alinéa 2, envisage une autre situation : celle des copropriétaires d'actions indivises.

§ Il indique que ces derniers doivent être représentés aux assemblées par l'un d'entre eux ou par un mandataire unique.

• Ils doivent donc s'entendre, • en cas de désaccord le mandataire est désigné en justice à la

demande du copropriétaire le plus diligent. • Cette obligation ne fait pas disparaître leur qualité

d'actionnaire, ils gardent, à ce titre, leur droit à l'information et le droit de participer individuellement aux décisions collectives (Cass. com., 21 janv 2014, n° 13-10.151 : JurisData n° 2014-000578 ; JCP N 2014, n° 6, act. 257 ; Bull. Joly sociétés, 2014, p. 212, note H. Barbier et D. Poracchia).

- Enfin, au sujet du droit de vote attaché aux actions séquestrées, il a été décidé que le

droit de vote ne peut être accordé au séquestre qu'à la condition qu'il soit préalablement recherché si l'usage que l'actionnaire entend faire du droit de vote relatif à ses actions ne risque pas de créer une situation irréversible au détriment de l'actionnaire qui revendique un droit de préférence sur ces actions (Cass. com., 25

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sept. 2012, n° 11-20.061 : JurisData n° 2012-021514 ; Rev. sociétés 2013, 152, note A. Couret ; Bull. Joly sociétés, note A. Gaudemet).

– Droit de se faire représenter –

- L'ordonnance n° 2010-1511 du 9 décembre 2010 portant transposition de la

directive du 11 juillet 2007 (PE et Cons. UE, dir. 2007/36/CE, 11 juill. 2007) concernant l'exercice de certains droits des actionnaires des sociétés cotées a modifié le dispositif existant en la matière (JCP G 2010, 1293, G. Notté).

o Précisément, avant cette réforme, l'article L. 225-106 du Code de commerce prévoyait qu'un actionnaire pouvait se faire représenter par un autre actionnaire ou par son conjoint.

o Ce texte a été complété § en offrant tout d'abord ce droit de représentation au partenaire avec

lequel l'actionnaire a conclu un pacte civil de solidarité. § Cette possibilité de représentation est également reconnue désormais

à toute autre personne physique ou morale lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation soumis aux dispositions du II de l'article L. 433-3 du Code monétaire et financier dans les conditions prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, figurant sur une liste arrêtée par l'autorité régulatrice dans des conditions fixées par son règlement général, et que les statuts le prévoient.

– Modalités de la représentation –

- Techniquement, le nouvel article L. 225-106 précise que le mandat en question doit

être écrit et communiqué à la société. - Il en va de même en cas de révocation. - Afin de prévenir le risque potentiel de conflit d'intérêts entre l'actionnaire et son

mandataire, l'article L. 225-106-1 (issu d’ Ord. n° 2010-1511, 9 déc. 2010) impose à ce dernier l'obligation d'informer l'actionnaire mandant de tout fait lui permettant de mesurer le risque qu'il poursuive un intérêt autre que le sien.

o Il en ira ainsi notamment lorsque le mandataire contrôle (au sens de C. com., art. L. 233-3) la société dont l'assemblée est appelée à se réunir ou s'il est membre de l'organe de gestion, d'administration ou de surveillance de cette société ou d'une personne qui la contrôle. Il en sera de même s'il est employé ou s'il est dirigeant dans une entité contrôlée par une personne qui contrôle la société.

o De plus, en vue d'encadrer la pratique de la sollicitation active de mandants qui, compte tenu de l'ouverture posée par le nouveau texte, pourrait entraîner des dérives, la personne qui se livre à une activité de collecte devra publier sa « politique de vote » sur son site internet.

o Le document informatif devra en outre pouvoir être consulté à l'adresse du domicile ou du siège social du mandataire (C. com., art. L. 225-106-2 , Ord. n° 2010-1511, 9 déc. 2010). Enfin, il convient de souligner que le non-respect de ses obligations par le mandataire peut être sanctionné, sur décision de justice, par la privation de la possibilité d'exercer cette fonction dans les

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assemblées de la société concernée pour la durée maximale de trois ans (C. com., art. L. 225-106-3).

– Ordre du jour et résolutions – - L'ordonnance n° 2010-1511 du 9 décembre 2010 a également modifié l'article L. 225-

105 du Code de commerce . o Ce texte permettait à un ou plusieurs actionnaires représentant 5 % du

capital, ou une association d'actionnaires répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, de requérir l'inscription d'un projet de résolution à l'ordre du jour de l'assemblée.

o Actuellement, cette disposition autorise ces mêmes acteurs, § non seulement à demander l'inscription d'un projet de résolution § mais aussi d'un point particulier à l'ordre du jour (sans qu'il soit besoin

donc de déposer un projet de résolution). § Il s'agit donc d'une extension des possibilités des actionnaires

conforme à la directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007. § Cette demande d'inscription de points ou de projets de résolution à

l'ordre du jour de l'assemblée, par des actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, est adressée au siège social par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par télécommunication électronique (C. com., art. R. 225-71).

- L'examen du point ou de la résolution est subordonné à la transmission, par les

auteurs de la demande, d'une nouvelle attestation justifiant de l'inscription des titres – soit dans les comptes de titres nominatifs tenus par la société, soit dans les comptes de titres au porteur tenus par un intermédiaire habilité – au deuxième jour ouvré précédant l'assemblée à zéro heure, heure de Paris (C. com., art. R. 225-71 , mod. D. n° 2014-1466, 8 déc. 2014, art. 2).

D. - Tenue des assemblées – Organisation –

- Les assemblées d'actionnaires sont présidées par le président du conseil

d'administration ou du conseil de surveillance (V. CA Pau, 3 avr. 2012 : Bull. Joly, 2012, p. 621, note D. Poracchia et H. Lécuyer).

o En son absence, il faudra se reporter aux stipulations statutaires. o Si rien n'est prévu l'assemblée élit son président.

- Dans le cas où l'assemblée a été convoquée par un commissaire aux comptes, un mandataire de justice ou des liquidateurs, l'assemblée est présidée par ceux qui l'ont convoquée (C. com., art. R. 225-100).

- Le bon déroulement des assemblées d'actionnaires est assuré par un bureau composé du président de l'assemblée, de deux scrutateurs, « les deux membres de l'assemblée disposant du plus grand nombre de voix et acceptant cette fonction », et d'un secrétaire, désigné par ces derniers (C. com., art. R. 225-101 ; voir sur la question : J.-P. Valuet, Le bureau de l'assemblée générale des actionnaires, Revues des sociétés, 2012, p. 543).

o Le bureau assure la police de l'assemblée ; il peut ainsi, notamment, suspendre une séance en cas de trouble (CA Versailles, 27 juin 2007, n° 07/0454 et

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n° 07/4418 : JurisData n° 2007-341533 ; Dr. sociétés 2007, comm. 223 , Th. Bonneau ; Bull. Joly Sociétés 2007, p. 1192, M. Storck).

o Pour autant, la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que la loi n'a pas confié au bureau le pouvoir de juger de l'existence d'une action de concert. Elle a donc considéré qu'en privant un actionnaire d'une partie significative de ses droits de vote le bureau a influé sur les décisions prises par l'assemblée générale qui doit être annulée de ce fait (CA Versailles, 28 oct. 2010, n° 09/08083 : JurisData n° 2010-029097 ; Dr sociétés 2011 comm 95 note R. Mortier; Bull. Joly Sociétés 2011, p. 197, note D. Schmidt).

o De même, le bureau de l'assemblée n'a pas le pouvoir de priver les actionnaires de leurs droits de vote au motif qu'ils n'auraient pas satisfait à l'obligation de notifier le franchissement d'un seuil de participation dès lors que l'existence de l'action de concert dont résulterait cette obligation est contestée (Cass. com, 15 mai 2012, n° 10-23.389 : JurisData n° 2012-010781 ; Dr sociétés 2012, comm. 144, note M. Roussille). Si l’action de concert n’est pas contestée, le bureau est en revanche fondé à limiter les droits de vote d'un actionnaire n'ayant pas déclaré un franchissement de seuil (CA Paris, 5 nov. 2015, n° 15/03651, Sté Madag c/ SA Domia Group : JurisData n° 2015-025519 ; Dr. Sociétés 2016, comm. 46 , R. Vabre ; RJDA 3/16, n° 201).

– Formalités préliminaires –

- Aux termes de l'article L. 225-114 du Code de commerce , une feuille de présence

dont le contenu est précisé dans l'article R. 225-95 de ce même Code doit être établie.

o Depuis la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, les pouvoirs donnés à chaque mandataire lui sont annexés.

o Elle est dûment émargée par les actionnaires présents ; la certification de son exactitude incombe au bureau, qui veillera notamment à contrôler la régularité des pouvoirs, ces derniers devant toujours être annexés à la feuille de présence.

o Si le défaut d'établissement de feuille de présence est sanctionné par une nullité facultative, les inexactitudes dont elle peut être affectée, n'autorisent pas cette possibilité (Cass. com. 4 déc. 2001, n° 98-20.788 : JurisData n° 2001-012139 ; Dr. Sociétés 2002, comm. 42 ; RJDA 2/02 n° 163. – CA Paris, 18 nov. 2003, n° 03-11913 : RJDA 3/04 n° 320). Cependant, il s'agit d'un document probant (il fait foi jusqu'à preuve du contraire : CA Metz, 5 janv. 1977 , Rev. sociétés 1977, p. 488)qui est donc éligible à la qualification de faux (Cass. crim., 16 mars 1970, n° 68-90.226 : Rev. sociétés 1970, p. 480).

- Même si cela n'est prévu par aucun texte, il est d'usage que le Président prononce une allocution d'ouverture.

- Il faut noter que lorsque l'assemblée se tient exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication dans les conditions prévues à l'article L. 225-103-1, l'émargement de la feuille de présence par les actionnaires n'est pas requis (C. mon. fin., art. R. 225-95) (d’une manière générale sur les aménagements apportés par le décret 2018-146 du 28 février 2018 dans ce domaine V. J.-B. Lhuillier, L’assemblée générale dématérialisée dans les sociétés anonymes non cotées et la voie électronique en droit des sociétés : Rev. sociétés 2018, p. 287).

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– Vote – - Le vote peut techniquement se dérouler de différentes manières.

o Les statuts peuvent tout aussi bien prévoir un vote à mainlevée, un vote à bulletin secret ou un vote par boîtier électronique (M. Touch, Le vote électronique dans les AG d'actionnaires : Bull. Joly 2008, p. 734).

o Le législateur a récemment développé la pratique du vote par correspondance (ou à distance).

- Pour le calcul du quorum, il n'est tenu compte que des formulaires qui ont été reçus par la société avant la réunion de l'assemblée.

o Les formulaires ne donnant aucun sens de vote ou exprimant une abstention sont considérés comme des votes négatifs (C. com., art L. 225-107, R. 225-75).

o En ce qui concerne les pouvoirs dits en blanc, c'est-à-dire sans indication de mandataire, le président de l'assemblée générale émet un vote favorable à l'adoption des projets de résolution présentés ou agréés par le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, et un vote défavorable à l'adoption de tous les autres projets de résolution (C. com., art. L. 225-106).

- À la fin des opérations de vote, les scrutateurs procéderont au dépouillement des voix.

- Au sujet du vote, il convient d'évoquer le développement de la technique de suspension des droits de vote qui peut naturellement avoir une influence sur le déroulement des assemblées. La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 a ajouté de nouveaux cas.

o Ainsi, les actions détenues par les dirigeants de sociétés (et de leur famille) cotée qui n'ont pas été mises au nominatif dans les conditions posées par l'article L. 225-109 du Code de commerce sont suspendues de droit de vote (et de droit à dividende) jusqu'à régularisation de la situation.

o Il en sera de même pour les actions émises en violation des règles de constitution de la société qu'il y ait offre au public de titres (C. com., art. L. 225-11-1) ou non (C. com., art. L. 225-16-1). Les droits de vote des actions émises en méconnaissance des règles sur les augmentations de capital seront également suspendus jusqu'à régularisation (C. com., art. L. 225-150).

- Il convient d'observer que pour les sociétés d'envergure (les sociétés cotées notamment), les résolutions d'assemblées sont difficilement lisibles ce qui favorise le développement des agences de conseil en vote qui ont pour rôle d'analyser les projets de résolutions présentées lors des assemblées générales et de publier à l'attention de leurs clients des recommandations de vote arrêtées selon une politique prédéfinie (sur le fonctionnement de ces agences, V. C. Maison-Blanche, Les agences de conseil en vote : réflexion sur l'encadrement des pratiques : Bull. Joly bourse, 2013, p. 447 ; T. Meli et M. Petitier, Agences de conseil en vote et pouvoir des assemblées générales de sociétés cotées : Dr sociétés 2013, étude 12).

– Abus dans les assemblées –

- Les assemblées se prononcent seulement par la réunion d'une majorité, qu'elle soit

simple ou qualifiée. o Théoriquement, toutes les délibérations doivent être prises dans l'intérêt de

la société.

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o Cette notion, souvent fuyante, trouve une application concrète dans l'abus, dont peuvent se rendre auteurs les majoritaires, les minoritaires ou les « égalitaires », qui est une variation sur le thème de l’abus de droit.

§ Ainsi, il y aura abus de majorité lorsqu'une résolution est adoptée « contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité » (Cass. com., 18 avr. 1961, n° 59-11.394, inédit).

• Deux conditions ressortent de ce principe posé par la Cour de cassation.

o Il faut, d'une part, que la délibération porte atteinte à l'intérêt social

o et, d'autre part, qu'elle favorise un groupe d'actionnaires par rapport à un autre (pour un rappel de ces conditions V. Cass. com., 14 mars 2018 : Bull. civ. 2018, p. 335, note Th. De Ravel d’Esclapon).

§ L'abus de minorité et d'égalité procède bien de cette logique • mais réside dans un blocage, une résistance empêchant

l'adoption d'une délibération importante pour la société, le plus souvent à un point tel qu'elle compromet gravement son fonctionnement, voire sa survie.

• Il s'agit d'une décision « contraire à l'intérêt général de la société en ce qu'ils [les minoritaires] auraient interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et dans l'unique dessein de favoriser leurs propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés » (Cass. com., 9 mars 1993, n° 91-14.685 : JurisData n° 1993-000497 ; Dr sociétés 1993 comm 95 note H. Le Nabasque ; Bull. Joly Sociétés 1993, p. 547 : JCP G 1993, 141 A. Viandier).

o Un tel abus sera par exemple caractérisé lorsqu'une augmentation de capital est refusée alors qu'elle était légalement requise et nécessaire à la survie de la société (Cass. com., 5 mai 1998, n° 96-15.383 : JurisData n° 1998-001942 ; Bull. Joly 1998, p. 755 , note L. Godon ; D. affaires 1998, n° 122, p. 1097 , note M. B ; Cass. com., 18 juin 2002, n° 99-11.999 : JurisData n° 2002-014876 ; RJDA 3/2003, n° 262 ; CA Paris, 5 sept. 2013 : Dr sociétés 2014, comm. 96 , note R. Mortier ; CA Paris, 11 février 2014 : Revue des sociétés, 2015, p. 99, note A. L. Champetier de Ribes-Justeau).

– Sanction de l'abus –

- De façon générale, lorsqu'une majorité impose une délibération, la nullité est

encourue. o Il faut noter qu’une telle action en nullité se prescrit par un délai de 3 ans aux

termes de l’article L. 235-9 du Code de commerce (Cass. com., 30 mai 2018, n° 16-21.022, FS-P+B, K. c/ L. , Épse G. et a. : JurisData n° 2018-009058 : Dr. sociétés 2018, comm. 145, note J. Heinich).

- L’annulation de la délibération n'est évidemment pas une sanction adaptée aux abus de minorité et égalité puisque, par hypothèse, la délibération n'a pas été adoptée

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(« Un abus de minorité n'est pas susceptible d'entraîner la validité d'une résolution adoptée à une majorité insuffisante » : Cass. 3e civ., 21 déc. 2017, n° 15-25.627, P+B+I : JurisData n° 2017-026658 ; D. 2018, p. 147, note A. Couret).

o La sanction consistera donc, tout d'abord, dès lors qu'un préjudice est constaté, en des dommages et intérêts.

o Quant à la délibération qui aurait dû être prise, on s'est demandé si le juge pouvait se substituer à l'organe social.

§ La Cour de cassation a donné une solution en décidant qu'un mandataire devait être nommé pour exercer le droit de vote des minoritaires ayant abusé de leurs prérogatives (Cass. com., 27 janv. 2009, n° 07-16.771 : JurisData n° 2009-046789 ; Bull. Joly Sociétés 2009, p . 664, note P. Le Cannu ; RTD com. 2009, p. 375, obs. C. Champaud et D. Danet),

• étant exclu que le juge fixe le sens du vote du mandataire (Cass. com., 4 févr. 2014, n° 12-29.348 : JurisData n° 2014-001765 ; RJDA 5/14 n° 438).

§ L’associé ainsi représenté a le droit d’obtenir communication des documents échangés entre la société et le mandataire, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé. (Cass. com., 18 nov. 2014, n° 13-19.767 : JurisData n° 2014-027982 . – R. Mortier Abus de minorité : le mandataire judiciaire doit rendre compte au minoritaire : Dr. sociétés 2015, comm., 22).

§2. - Règles propres à chacune des assemblées A. - Assemblée générales ordinaires – Approbation des comptes annuels –

- L'article L. 225-100 du Code de commerce indique que l'assemblée générale

ordinaire est réunie au moins une fois par an, dans les six mois de la clôture de l'exercice, on parle alors de l'assemblée annuelle.

o Dans cette assemblée, qui prendra toutes les décisions qui ne sont pas de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire, le conseil d'administration ou le directoire présente aux actionnaires son rapport ainsi que les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés accompagnés du rapport de gestion y afférant, il présente également le rapport sur la gouvernance d’entreprise mentionné aux articles L. 225-37 et L. 225-68 du Code de commerce, le contenu de ce rapport est déterminé par les article L. 225-37-3 à L. 225-37-5 de ce même code.

o Les dirigeants qui n'accompliraient pas cette obligation encourent un emprisonnement de six mois et une amende de 9000 euros (article L. 242-10 du Code de commerce modifié par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ).

o Le contenu minimum des rapports et la ventilation entre ces documents des informations à fournir sont déterminés par ce même article L. 225-100 et les articles suivants.

§ Ils donnent un ensemble d'informations sur la situation et la gestion de la société qui peuvent être plus ou moins fournies, suivant l'envergure de la société (pour les sociétés cotées, V. C. Coupet, Mise à jour de la

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recommandation sur les assemblées générales d’actionnaires de sociétés cotées : Dr. sociétés 2008, comm. 8).

- Cette assemblée est chargée d'approuver les comptes sociaux annuels qui constituent un moyen pour l'actionnaire de vérifier comment les fonds qu'il a apportés à la société sont utilisés.

o Il convient en effet de rappeler que les comptes sont un élément d'information important notamment quant à la décision d'allocation des ressources : acquérir, céder ou conserver des droits sociaux.

o Le rapport sur la gouvernance d’entreprise doit comprendre notamment : § la liste de l’ensemble des mandat et fonctions exercés dans toute

société par chaque mandataire social durant l’exercice ; § les conventions intervenues, directement ou par personne interposée,

entre, d'une part, l'un des mandataires sociaux ou l'un des actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % d'une société et, d'autre part, une autre société dont la première possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital, à l'exception des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales et

§ un tableau récapitulatif des délégations en cours de validité accordées par l'assemblée générale des actionnaires dans le domaine des augmentations de capital.

o Par ailleurs, l'article L. 225-102 prévoit que le rapport présenté par le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, à l'assemblée générale contient une analyse objective et exhaustive de l'évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société ; les indicateurs clefs de performance de nature financière et une description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée.

§ Il rend compte annuellement de l'état de la participation des salariés au capital social au dernier jour de l'exercice et établit la proportion du capital que représentent les actions détenues par le personnel de la société et par le personnel des sociétés qui lui sont liées dans le cadre du plan d'épargne d'entreprise et par les salariés et anciens salariés dans le cadre des fonds communs de placement d'entreprise..

§ Le rapport de gestion doit de plus contenir des indications de nature non financière concernant notamment des questions environnementales et sociales, incluant les conséquences sur le changement climatique de son activité et de l'usage des biens et services qu'elle produit, cette obligation ne touchant pas cependant les sociétés d'envergure limitée (pour le régime relatif à ce type d'information voir les articles L. 225-102-1 et R. 225-105 du Code de commerce ; V. également N. Cuzacq, Le nouveau visage du reporting extra-financier français : Rev. sociétés, 2018, p. 347)).

§ Ces différents documents informatifs permettent normalement aux actionnaires de se faire une idée sur la gestion de la société (sur les modifications intervenues en 2017, V. J. Heinich, Obligations d’information des sociétés : les ordonnances de l’été : Dr. sociétés 2017, comm. 163).

§ Enfin, en complément, les commissaires aux comptes principalement chargés de certifier les comptes sociaux et de s'assurer que l'égalité a

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été respectée entre les actionnaires relatent dans leur rapport l'accomplissement de leurs missions.

o C'est à la vue de ces différents éléments que l'assemblée générale ordinaire annuelle va statuer sur les comptes de l'exercice ce qui va la conduire naturellement à envisager l'affectation des éventuels bénéfices (C. com., art. L. 232-11 et L. 232-12) et, le cas échéant à un paiement des dividendes en actions (C. com., art. L. 232-18).

– Compétence générale de l'assemblée générale ordinaire –

- Au-delà de cette obligation de réunir une assemblée ordinaire annuelle imposée par

le texte afin de statuer sur les comptes, l'article L. 225-98 du Code de commerce énonce que l'assemblée générale ordinaire prend toutes les décisions

o qui ne visent pas une modification de statuts ou un changement de nationalité de la société (ces décisions sont réservées à l'assemblée générale extraordinaire).

o Il faut observer également que cette compétence générale ne s'étend pas non plus aux actes d'administration ou de gestion exercés par les dirigeants, en fonction du principe de spécialisation des organes.

- Dans ce cadre, on peut mentionner, sans être exhaustif, un ensemble d'attributions habituellement exercées par l'assemblée générale ordinaire.

o C'est ainsi qu'elle est compétente pour la désignation et la révocation des administrateurs et des membres du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-18, L. 225-24, L. 225-75, L. 225-78)

o ainsi que pour la nomination des commissaires aux comptes (C. com. art. L. 225-228).

o De même, l'assemblée générale ordinaire va statuer sur l'évaluation des biens appartenant à un actionnaire dont la valeur est au moins égale à un dixième du capital de la société acquis par cette dernière dans les deux ans suivant son immatriculation (C. com., art. L. 225-101).

o Elle déterminera également les rémunérations globales des administrateurs et des membres du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-45 et L. 225-83)

o et elle va approuver les conventions dites réglementées passées entre la société et des dirigeants ou actionnaires (C. com., art. L. 225-38 et L. 225-86).

o On peut également noter que l'assemblée générale ordinaire garde une compétence de principe en matière d'émission obligataire, étant entendu que les statuts peuvent en décider autrement (C. com., art. L. 228-40).

o Les statuts peuvent également lui attribuer certaines compétences spécifiques, telles que

§ l’octroi d’un agrément en cas de cession d’actions, § l’autorisation de certaines opérations définies par les statuts en

limitation des pouvoirs des organes de gestion, § l’arbitrage de certains conflits entre organes (par exemple en cas de

mise en œuvre d’une clause d’exclusion), etc. – Date de réunion –

- Il a été souligné qu'il existe une assemblée générale ordinaire obligatoire chaque

année qui doit être réunie dans les six mois de la clôture de l'exercice (C. com., art. L.

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225-100), ainsi une société qui clôture ses comptes le 31 décembre devra réunir l'assemblée avant le 30 juin.

- Ce délai peut être prorogé à la demande du conseil d'administration ou du directoire par ordonnance du tribunal de commerce statuant sur requête (C. com., art. R. 225-64).

- Il semble que cette demande de prorogation du délai doit intervenir avant que six mois aient couru depuis la clôture de l'exercice (Cass. crim., 4 juill. 1995, n° 93-83.359 : JurisData n° 1995-002395 : JCP G 1995, n° 46, IV, n° 2456, p. 307 ; RJDA 1995, n° 1247).

- Par ailleurs, en vertu du principe de l'image fidèle (C. com. art. L. 123-14), le report de l'assemblée doit être demandé si un événement de nature à fausser les comptes déjà arrêtés survient et si leur retraitement exige un délai (Cass. crim., 17 oct. 2007, n° 07-81.033 : JurisData n° 2007-041537 ; Dr. sociétés 2008, comm. 63 ; RJDA 3/ 08 n° 294).

– Quorum, majorité – - La tenue des assemblées générales ordinaires s'effectue dans le respect des règles

communes à tous les types d'assemblée déjà évoquées. - Elles doivent être cependant complétées par diverses dispositions spécifiques.

o En premier lieu, aux termes de l'article L. 225-98 du Code de commerce, l'assemblée générale ordinaire ne peut délibérer valablement sur une première convocation que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le cinquième des actions ayant le droit de vote.

§ Dans les sociétés dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, les statuts peuvent prévoir un quorum plus élevé.

o Si le quorum n'est pas atteint, une nouvelle assemblée doit être convoquée avec le même ordre du jour.

§ Sur cette deuxième convocation, aucun quorum n'est requis et il suffira de deux actionnaires pour que l'assemblée puisse fonctionner.

o En ce qui concerne les conditions de vote, la loi prévoit que dans les assemblées ordinaires, l'adoption d'un projet de résolution requiert la majorité des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés (C. com., art. L. 225-98).

§ Autrement dit, la majorité absolue, c'est-à-dire la moitié des voix plus une, est requise.

§ Il faut noter que la majorité se calcule en fonction des participants au vote, cela signifie que les abstentions, les votes blancs et les votes nuls sont considérés comme opposés à l'adoption de la résolution mise aux voix.

B. - Assemblées extraordinaires – Attributions étendues –

- Aux termes de l'article L. 225-96 du Code de commerce, l'assemblée générale

extraordinaire est la seule habilitée à modifier les statuts dans toutes leurs dispositions, toute clause contraire est réputée non écrite.

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§ Ce principe ainsi posé témoigne de l'importance du pouvoir de cette assemblée qui peut donc prendre des décisions modifiant sensiblement le pacte social.

o C'est ainsi que l'assemblée générale extraordinaire est compétente pour les opérations d'augmentation (C. com., art. L. 225-129) ou de réduction (C. com., art. L. 225-204)de capital, même si des mécanismes de délégation permettent d'assouplir le principe, à cette occasion elle doit, le cas échéant approuver les apports en nature.

o De même, c'est l'assemblée générale extraordinaire qui autorise § les émissions d'actions de préférence (C. com., art. L. 228-18), § la conversion des actions en jouissance en actions de capital (C. com.,

art. L. 225-200), § la suppression du droit préférentiel de souscription ou

l'amortissement du capital (C. com., art. L. 225-135). o Des opérations encore plus importantes pour la société comme sa dissolution

anticipée (C. com., art. L. 225-246 et L. 225-248), une fusion ou scission (C. com., art. L. 236-2) et un apport partiel d'actif (C. com., art. L. 236-22) ne peuvent être décidées qu'en assemblée générale extraordinaire.

o Les pouvoirs reconnus à l'assemblée générale extraordinaire sont considérés comme d'ordre public ce qui signifie par exemple que les statuts ne peuvent être modifiés par les autres organes de la société (dirigeants ou même assemblée générale ordinaire, sous réserve de quelques assouplissements notamment concernant le changement de siège ou lorsque les dirigeants mettent en œuvre une délégation de pouvoir ou de compétence).

o Il faut noter de plus que, pour la Cour de cassation, l'article L. 225-96 n'impose pas que l'assemblée générale extraordinaire statue sur rapport du conseil d'administration, l'absence d'un tel rapport n'implique donc pas l'annulation de la délibération en question, ce qui ne signifie pas d'ailleurs qu'un tel rapport ne doit pas être établi (V. Cass. com., 26 oct. 2010 : A. Couret, L'assemblée générale extraordinaire : une assemblée à risque, D. 2010, p. 2947 ; Dr. et patrimoine 2011, n° 203, p. 83, obs. D. Poracchia).

– Limites des attributions –

- Pour autant, les pouvoirs de l'assemblée générale extraordinaire ne sont pas illimités.

o Elle ne peut pas augmenter les engagements d'un associé. (C. com., art. L. 225-96 , qui précise toutefois : « sous réserve des opérations résultant d'un groupement d'actions régulièrement effectué »).

§ Pour cela, l'assentiment de ce dernier est nécessaire (F. Rizzo, Le principe d'intangibilité des engagements des associés : RTD com. 2000, p. 27).

o Constituent une augmentation des engagements des associés § l'aggravation d'une dette, § la souscription ou l'achat de nouvelles actions, § le blocage d'une avance en comptes courants d'associés, ou § le fait d'imposer un versement non prévu par les statuts ou une

obligation de non-concurrence. o En revanche, la décision modificative des statuts par laquelle l'assemblée

générale d'une SA décide de transférer une partie de ses activités, ce qui est de nature à priver les associés de leur intérêt à participer à la société « ne

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constitue pas, en elle-même, une augmentation des engagements des associés » (Cass. com., 26 oct. 2010, n° 09-71.404 : JurisData n° 2010-019584 ; Dr. sociétés 2011, comm. 7 , note M. Roussille ; JCP E 2011, chron. 1000, Fl. Deboissy et G. Wicker).

o De plus, l'assemblée générale extraordinaire ne peut changer la nationalité de la société qu'à condition que le pays d'accueil ait conclu avec la France une convention spéciale permettant d'acquérir sa nationalité et de transférer le siège social sur son territoire et conservant à la société sa personnalité juridique (C. com., art. L. 225-97), à défaut la modification ne peut intervenir qu'à l'unanimité.

o Il ne lui est logiquement pas non plus possible de priver un actionnaire de son droit d'accès à une assemblée, de son droit de vote ou de son droit d'être informé.

o Enfin, comme pour l'assemblée générale ordinaire, l'assemblée générale extraordinaire ne pourra empiéter sur les pouvoirs attribués par la loi aux autres organes de la société.

– Quorum majorité –

- Aux termes de l'article L. 225-96, alinéa 2, l'assemblée générale extraordinaire ne

délibère valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins sur première convocation le quart des actions ayant droit de vote sur première convocation et un cinquième sur seconde convocation.

o Il faut noter que lorsque les actions de la société ne sont pas « admises aux négociations sur un marché réglementé », les statuts peuvent prévoir des quorums plus élevés.

- Si le quorum n'est toujours pas obtenu à la deuxième assemblée celle-ci peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée.

- En ce qui concerne les modalités de délibération, il est prévu que l'assemblée générale extraordinaire statue à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés (C. com., art. L. 225-96, al. 3).

o Ce principe connaît des aménagements dans un sens ou dans l'autre. § Par exemple, lorsque l'augmentation du capital, que ce soit par

émission de titres de capital nouveaux ou par majoration du montant nominal des titres de capital existants, est réalisée par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission, l'assemblée générale, par dérogation aux dispositions de l'article L. 225-96, statue dans les conditions de quorum et de majorité prévues pour les assemblées ordinaires.

§ Inversement, sans être exhaustif, s'il s'agit de transformer une société anonyme en société en nom collectif (C. com., art. L. 225-245) ou en cas de fusion s'il est question d'augmenter les engagements des associés, un vote à l'unanimité sera requis (C. com., art. L. 236-5).

– Assemblées mixtes –

- Bien que le Code de commerce ne l'ait pas envisagé, il est possible de joindre une

assemblée générale extraordinaire à une assemblée générale ordinaire, on parle alors d'assemblée générale mixte.

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o En pratique, on peut souhaiter par exemple augmenter son capital alors qu'en même temps il faut approuver les comptes.

§ Plutôt que d'organiser deux types d'assemblées générales (ordinaire et extraordinaire),

§ il est plus rapide et moins coûteux de convoquer une seule assemblée, § le problème étant que, suivant les questions en cause, deux régimes

sont applicables. o Il faudra en effet mettre en œuvre tout d'abord les règles communes à toutes

les assemblées puis, retenir les dispositions propres à chacune des assemblées en fonction des décisions à prendre.

o Techniquement, il conviendra de procéder résolution par résolution, étant entendu que certaines difficultés peuvent survenir, par exemple si le quorum nécessaire à une assemblée générale extraordinaire n'est pas atteint, il faudra procéder à une nouvelle réunion en application du régime de ce type d'assemblée.

o Le procès-verbal devra clairement faire ressortir le calcul du quorum et de la majorité pour chaque résolution en fonction des règles qui lui sont applicables.

C. - Assemblées spéciales – Composition des assemblées spéciales –

- L'article L. 225-99 du Code de commerce indique dans son alinéa 1, que « les

assemblées spéciales réunissent les titulaires d'actions d'une catégorie déterminée ». o Le problème est de savoir ce qu'il faut entendre par « actions d'une catégorie

déterminée ». § Les textes n'ont pas défini cette expression, elle peut être comprise

comme désignant l'ensemble des titres qui jouissent des mêmes droits et comportant pour leurs titulaires des obligations semblables (M. Jeantin, Observations sur la notion de catégorie d'actions, D. 1995, chr., p. 88).

§ Il existe en effet des catégories d'actions qui ont un régime différent de celui des actions ordinaires.

• Avant la réforme de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 , il existait des actions à dividende prioritaire sans droit de vote et des actions prioritaires qui étaient soumises à des règles spécifiques (leurs titulaires étaient réunis en assemblées spéciales).

o Ce type de titres est en voie de disparition depuis la réforme

• mais il a été remplacé par les actions de préférence qui permettent d'attribuer des droits financiers ou non financiers à certains actionnaires qui se distinguent ainsi des actionnaires ordinaires et qui vont pouvoir se réunir en assemblées spéciales.

• Il en sera de même pour les porteurs d'actions de jouissance, d'actions non entièrement libérées ou d'actions à vote double (pour les actions à vote double la doctrine est partagée sur le fait de savoir s'il s'agit d'une catégorie d'actions : voir J.-P.

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Valuet, Le droit de vote des actionnaires en AG : le droit de vote double : Dr sociétés 2014, étude 17).

– Conditions de réunion des assemblées spéciales –

- Les titulaires de ces catégories peuvent donc se réunir en assemblées spéciales mais

seulement dans certaines circonstances. o En effet, l'article L. 225-99 du Code de commerce, dans son alinéa 2, prévoit

que la décision d'une assemblée générale de modifier les droits relatifs à une catégorie d'actions n'est définitive qu'après approbation par l'assemblée spéciale des actionnaires de cette catégorie.

o Autrement dit, les assemblées spéciales ne fonctionnent que si les droits des porteurs des catégories d'actions sont mis en danger par des décisions de l'assemblée générale (ordinaire ou extraordinaire).

o Cette condition est présente par exemple lorsqu'il est question de transformer une action de préférence en action ordinaire ou lorsqu'une opération de réduction de capital porte atteinte aux prérogatives des titulaires de ces mêmes actions privilégiées.

o Les opérations de fusion peuvent également modifier les rapports existants entre les différentes catégories d'actions et conduire à la réunion d'assemblées spéciales des actionnaires intéressés (C. com., art. L. 236-9).

– Régime des assemblées spéciales –

- Pour ce qui est de la convocation des assemblées spéciales, aux termes de l'article L.

225-103 IV du Code de commerce (V. n° 3), il convient d'appliquer les règles relatives à l'assemblée générale.

o Ainsi, le principe est que l'assemblée spéciale est convoquée par le conseil d'administration ou le directoire.

o À défaut, elle peut être convoquée par les commissaires aux comptes, par les liquidateurs, par les actionnaires majoritaires en capital ou en droits de vote après une offre publique d'achat ou d'échange ou après une cession de bloc de contrôle.

o Elle peut également être convoquée par un mandataire désigné en justice, à la demande de tout intéressé en cas d'urgence, soit d'un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins un vingtième des actions de la catégorie intéressée.

- En ce qui concerne le fonctionnement, l'article L. 225-99, alinéa 3, du Code de

commerce prévoit que le quorum s'établit au tiers sur première convocation et au cinquième sur seconde convocation des actions ayant le droit de vote et dont il est envisagé de modifier les droits.

o Les sociétés dont les actions ne sont pas admises « aux négociations sur un marché réglementé » peuvent prévoir un quorum plus élevé.

- Les assemblées spéciales vont statuer dans les mêmes conditions de majorité que les assemblées générales extraordinaires, par renvoi de l'article L. 225-99 du Code de commerce à l'article L. 225-96 de ce même code. Voterons dans ces assemblées les actionnaires de la catégorie visée, y compris lorsque leurs titres ne comportent pas de droit de vote (comme les actions de préférence sans droit de vote).

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§3. Droits et obligations des actionnaires

A. - Droits des actionnaires

– Droits politiques – - On peut ranger dans cette rubrique le droit à l'information des actionnaires, leur

droit de participer aux assemblées et celui d'y voter.

- Le droit de participation et le droit de vote ayant déjà été abordés au titre des règles communes à toutes les assemblées, seul le premier de ces droits sera ici envisagé.

Il existe essentiellement deux types d'information :l'information occasionnelle et l'information permanente.

- La première, s’entend de celle donnée préalablement à la tenue de toute assemblée générale.

- La seconde a pour fin de permettre aux actionnaires qui le souhaitent de se renseigner à toute époque de l'année sur certains aspects de la vie sociale. Cette information est prévue par l'article L. 225-117 du Code de commerce. En application de ce texte, les actionnaires jouissent d'un droit d'information portant sur les documents sociaux visés à l'article L. 225-115 du Code de commerce et concernant les 3 derniers exercices, ainsi que sur les feuilles de présence et les procès-verbaux des assemblées tenues au cours de ces trois derniers exercices. En cas de refus de communication de ces documents, l'article L. 238-1, alinéa 1er, du Code de commerce ouvre la possibilité aux actionnaires de solliciter en référé une mesure d'injonction judiciaire sous astreinte ou la nomination d'un mandataire chargé de procéder à cette communication.

– Droits financiers –

Au titre des droits financiers reconnus aux actionnaires de SA, on distingue :

• le droit aux dividendes ; • le droit aux réserves ; • le droit au boni de liquidation.

Les dividendes sont des bénéfices mis en distribution. Pour que le droit aux dividendes puisse s'exercer, deux conditions préalables sont donc nécessaires : il faut, tout d'abord, qu'il existe un bénéfice et, ensuite, que l'assemblée ait décidé de le distribuer entre les actionnaires. Sous réserve de ne pas tomber sous le couperet des clauses léonines, il est possible aux statuts de prévoir une répartition inégalitaire des bénéfices.

Les actionnaires ont également droit aux réserves, qui sont, à l'inverse des dividendes, des bénéfices non distribués. On distingue la réserve légale, qui doit s'élever à 1/10e du capital et qui n'est distribuable qu'à la dissolution de la société, après paiement des créanciers, les réserves statutaires, qui sont restituables sur décision de l'assemblée générale extraordinaire et les réserves libres. Ces dernières sont distribuables à tout moment sur décision de l'assemblée générale ordinaire. Un prélèvement sur ces réserves peut notamment permettre de parfaire une distribution de dividendes. Cette même

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vocation au partage des réserves explique, en cas d'augmentation du capital de la société, que les actionnaires en place bénéficient d'un droit préférentiel de souscription (DPS).

À la dissolution de la société, après règlement du passif et réalisation de l'actif, les actionnaires peuvent prétendre au remboursement de leur apport et au partage du boni de liquidation. Sauf clause contraire des statuts, l'éventuel boni de liquidation est réparti entre les actionnaires dans les mêmes proportions que leur participation au capital social (C. com., art. L. 237-29).

– Droits patrimoniaux – En principe, les actions de SA sont librement négociables. Cela signifie qu'elles peuvent se transmettre sans observer les formalités du droit civil mais selon les procédés simplifiés propres au droit commercial. La règle de la libre négociabilité souffre toutefois d'exceptions.

La loi prévoit, en effet, que certaines actions sont temporairement ni négociables ni même cessibles par la voie civile. Il en est ainsi, par exemple, des actions attribuées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l'entreprise (C. trav., art. L. 3324-10)ou de celles appartenant aux dirigeants de droit ou de fait de sociétés faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire (C. com., art. L. 631-10). Dans d'autres hypothèses, la loi ne prohibe que la négociation, laissant implicitement subsister la possibilité de procéder à une cession, selon les modes du droit civil. Il en est ainsi, par exemple, de toutes les actions qui peuvent être émises, soit avant l'immatriculation de la société, soit, en cas d'augmentation du capital, avant la réalisation définitive de celle-ci (C. com., art. L. 228-10, al. 1er). Il en est de même des promesses d'actions (C. com., art. L. 228-10, al. 2).

En dehors de ces limitations légales, il est toujours possible de restreindre la libre négociabilité des actions de SA en insérant dans les statuts des clauses d'agrément ou de préemption.

La clause d'agrément, qui a pour objet de subordonner la négociation des actions à l'agrément préalable de la société, ne peut jouer en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession à un conjoint, ascendant ou descendant. En revanche, depuis l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 , elle peut jouer pour les cessions entre actionnaires.

La clause de préemption, qui est issue de la pratique, permet d'acquérir par priorité des actions de la société mises en vente. Les bénéficiaires de cette clause peuvent être tous les actionnaires ou certains d'entre eux.

Le nantissement et la location d'actions constituent deux autres aspects du droit patrimonial dont dispose l'actionnaire sur ses actions.

B. - Pactes d'actionnaires

Les pactes d'actionnaires sont une création de la pratique. Il s'agit de conventions extrastatutaires qui peuvent être conclues entre certains actionnaires seulement et

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qui visent à organiser le contrôle de la gestion de la société et/ou celui de la composition de son capital.

Le recours aux pactes d'actionnaires s'explique par de multiples raisons : limitation de l'accord à certains actionnaires seulement, souci de conserver un caractère confidentiel à l'accord, caractère complexe des obligations respectives des parties, durée limitée de la convention, etc.

Le contenu de ces pactes est par nature extrêmement variable. Il est donc particulièrement difficile de dresser une liste exhaustive des clauses qu'ils peuvent contenir. On peut néanmoins retenir parmi les clauses les plus répandues ou les plus connues la clause d'agrément, même si celle-ci figure le plus souvent dans les statuts, la clause de préemption, la clause d'inaliénabilité, qui suppose pour sa validité d'être temporaire et justifiée par un intérêt légitime et sérieux et la clause de retrait. À côté de ces clauses relatives au capital, on peut trouver également stipulées des clauses ayant pour objet d'organiser le fonctionnement de la société. Il en est ainsi de celles qui ouvrent un droit d'information complémentaire à tel ou tel actionnaire ou qui répartissent les sièges au conseil d’administration ou encore, qui renforcent les règles de majorité exigées pour l'adoption de certaines décisions par le conseil d’administration.

La faiblesse des pactes d'actionnaires réside essentiellement dans la sanction applicable à leur violation, celle-ci ne pouvant, en effet, donner lieu à une exécution forcée. On précisera néanmoins, qu'en cas de violation d'un pacte de préférence ou de préemption, la chambre mixte de la Cour de cassation a admis la possibilité d'obtenir soit la nullité, soit la substitution du bénéficiaire au tiers cessionnaire, si ce tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir (Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, n° 03-19.376 : Rev. sociétés 2006, p. 808 , note J-F. Barbièri. – Cass. 3e civ., 14 févr. 2007, n° 05-21.814 : JurisData n° 2007-037358 ; Dr. sociétés 2007, comm. 63, note H. Lécuyer). Cette solution a été reprise en l'état à l'article 1123 du Code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. Cette même ordonnance innove toutefois en introduisant une action interrogatoire, permettant au tiers de demander au bénéficiaire de confirmer l'existence du pacte et s'il entend s'en prévaloir (C. civ., art. 1123, al. 2 et 3).

Chapitre III : La société par actions simplifiée - Traits fondamentaux de la SAS

– Origine de la SAS –

o Le CNPF (Conseil national du patronat français ; aujourd’hui MEDEF : Mouvement des entreprises de France) avait proposé une nouvelle forme de société très souple qui puisse fournir aux grandes entreprises un instrument de coopération qui faisait alors défaut.

o Sur cette base la loi du 3 janvier 1994 créa la société par actions simplifiée (C. com., art. L. 227-1 à L. 227-20) en s'inspirant de la formule retenue pour la société en commandite par actions,

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§ dont le régime juridique n'utilise qu'une partie du droit de la société anonyme.

o Cet aspect très contractuel de la société est marqué par l'emploi par la loi du terme d'associé de préférence à celui d'actionnaire (E. Schlumberger, Réflexions sur la liberté contractuelle dans la SAS, Mélanges M. Germain, LexisNexis 2015, p. 767).

§ Cette originalité terminologique est cependant toute relative, car le législateur dans certaines modifications postérieures à la loi de 1994 est revenu au terme plus classique d'actionnaire.

o La société par actions simplifiée va servir en réalité bien au-delà de l'objectif de coopération entre sociétés importantes qu'avaient en vue, dans un premier temps, ses promoteurs.

§ En effet la réforme du 12 juillet 1999 • l'a ouverte à n'importe quel type d'associé et • a autorisé l'existence d'un seul associé.

o La limitation des dispositions impératives que connaît la société anonyme a dès lors séduit beaucoup d'entreprises et le législateur a choisi d'agir avec détermination pour accroître cette séduction.

§ La loi du 4 août 2008 a continué d'alléger les contraintes qui pèsent sur la SAS,

• en supprimant l'obligation d'un capital social minimal et • en rendant optionnel le contrôle des comptes par un

commissaire aux comptes, dans les sociétés ne dépassant pas certains seuils.

o Ces réformes ont fait qu'en peu de temps les SAS ont vu leur nombre dépasser de beaucoup celui des sociétés anonymes. Tout laisse à penser que, dans l'avenir, la SAS sera une concurrente très efficace de la SARL (V. M. Germain, P.-L. Périn et P.-Y. Lagarde, Avantages financiers comparés de la SAS et de la SARL : Actes prat. ing. sociétaire 2013, dossier 129). Il se crée actuellement plus de SAS que de SARL (P.-L. Périn, Statistiques des formes de sociétés commerciales en France - la SAS dépasse la SARL : RTDF 2016/1, p. 35).

– Principe de fonctionnement

o Le principe explicatif du fonctionnement de la SAS se trouve dans l'article L. 227-1, alinéa 3 du Code de commerce :

§ « Dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes, à l'exception des articles L. 224-2, L. 225-17 à L. 225-126, L. 225-243 et du I de l'article L. 233-8 sont applicables à la société par action simplifiée ».

§ Cet article a pour conséquence paradoxale d'aligner le droit de la SAS sur celui de la société anonyme,

• dont on aura au préalable gelé un grand nombre de dispositions.

§ Cet article efface, en effet, une partie considérable de la réglementation actuelle de la société anonyme en ce qu'elle concerne l'organisation des pouvoirs, c'est-à-dire

• la direction et l'administration de la société et • le pouvoir délibératif des associés réunis en assemblée

générale.

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§ Reste cependant applicable, sauf disposition expresse contraire, tout le reste du droit commun de la société anonyme, ce qui englobe aussi bien

• les dispositions restantes du livre II du Code de commerce concernant les sociétés anonymes - en matière de valeurs mobilières par exemple - que

• les dispositions générales des articles 1832 à 1844-17 du Code civil , valables pour toutes les sociétés.

– Difficultés d'application –

o Une partie des difficultés d'application sera due à la délimitation des règles du droit de la société anonyme compatibles avec les dispositions particulières de la SAS.

§ L'interprète devra parfois dépasser la lecture littérale des textes pour savoir quel est l'organe de la SAS comparable à celui de la société anonyme qui fait défaut.

§ Mais il est heureusement prévu que, pour ce qui est du conseil d'administration, le président de la SAS ou un ou plusieurs autres dirigeants spécialement prévus à cet effet remplacent le conseil d'administration (C. com., art. L. 227-1).

o D'autres difficultés d'application, de moindre importance, trouvent leur origine dans le fait que les dispositions réglementaires du Code de commerce ne sont pas directement applicables aux SAS.

§ Certes, le renvoi à la partie législative du Code de commerce entraîne naturellement l'application des dispositions réglementaires qui en sont le complément nécessaire.

§ Mais il peut y avoir certains cas où l'hésitation est légitime. • Les statuts peuvent jouer un rôle utile de clarification..

o Les difficultés peuvent surgir aussi d’une contradiction entre des textes applicables du droit des SA et des règles propres aux SAS.

o L'article L. 227-1 a pour autre conséquence que les trous de la réglementation de la société anonyme (essentiellement les articles L. 225-17 à L. 225-125 du Code de commerce) doivent être comblés par les statuts.

§ L'article L. 227-5 du Code de commerce dispose que « les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée », tandis que

§ l'article L. 227-9 du Code de commerce dispose « que les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés ».

§ La rédaction des statuts est donc une tâche particulièrement importante, dans la mesure où ce sont les statuts qui fixent l'essentiel du droit applicable aux SAS.

• Il faudra veiller à ce que les statuts traitent de toutes les questions qui ne relèvent pas du droit des sociétés anonymes, quitte à ce que les statuts recopient en tout ou en partie les règles légales de fonctionnement des sociétés anonymes, si l'on ne souhaite pas s'en éloigner.

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Section 1 : Constitution de la SAS §1 – Le capital social - Apports –

o Les apports sont traités par le droit de la SAS comme dans la société anonyme, mais avec au moins une originalité.

§ Les apports en industrie sont possibles depuis la loi du 4 août 2008, • ce qui est une première originalité par rapport au régime des

sociétés anonymes, o dans lequel les apports en industrie sont interdits.

§ Les statuts doivent fixer les conditions dans lesquelles ces apports sont faits.

• Les actions qui en résultent sont inaliénables. • En outre, cette loi de 2008 apporte une innovation au régime

habituel des apports en industrie, puisqu'après une première évaluation nécessaire au moment de l'entrée dans la société il faudra que ces apports fassent l'objet d'une nouvelle évaluation sur le modèle de l'évaluation des apports en nature (T. Massart, La modernisation de la SAS ou comment apporter moins pour gagner plus : Bull. Joly Sociétés 2008, p. 632 . - S. Schiller et P.-L. Périn, Les apports en industrie dans les SAS : Rev. sociétés 2009, p. 59).

– Capital social –

o Depuis la loi du 4 août 2008, il n'existe plus de capital minimal fixé par la loi et les statuts déterminent librement le montant du capital social (C. com., art. L. 210-2).

o En revanche, même si la loi est muette sur ce point, les commentateurs admettent que la clause de variabilité du capital peut être introduite dans cette forme de société.

– Offre au public –

o L'appel public à l'épargne était interdit dès l'origine à ce type de société, car le législateur ne voulait pas imposer à cette société les contraintes trop lourdes engendrées par la protection de l'épargne.

o L'ordonnance du 22 janvier 2009 (Ord. n° 2009-80, 22 janv. 2009) a substitué l'interdiction de l'offre au public à l'interdiction de l'appel public à l'épargne.

§ Mais elle a réécrit l'article L. 227-2 du Code de commerce de manière plus complexe : « La société par actions simplifiée ne peut procéder à une offre au public de titres financiers ou à l'admission aux négociations sur un marché réglementé de ses actions. Elle peut néanmoins procéder aux offres définies aux 2 et 3 du I et au II de l'article L.411-2 du Code monétaire et financier ».

• Cette nouvelle disposition signifie déjà que le placement privé tel qu'il est défini par la loi (C. monét. fin., art. L. 411-2, I, 2 et 3 et II) est ouvert à la SAS. Ainsi, une communication de sa part, adressée à des personnes et présentant une information suffisante sur les conditions de l'offre et sur les titres à offrir, peut-elle être faite auprès d'un public particulier (prestataires

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de services d'investissement, investisseurs qualifiés ou cercle restreint d'investisseurs de moins de 150 personnes) ou pour un montant supérieur à certains montants fixés par l'AMF (règl. AMF, art.. 211-2).

• Cette ouverture au placement privé semble encore peu utilisée, mais elle conduit à ce que la société par actions simplifiée quitte la région des sociétés fortement marquées d'intuitu personae pour un modèle plus indifférencié, qui sera plus ou moins sensible, selon les cas, à l'intuitu personae de ses associés (J.-J. Daigre et B. François, La SAS, une société pouvant faire appel au marché ?: Rev. sociétés 2010, p. 11).

§ L'article L. 227-2 du Code de commerce donne ensuite à penser, par interprétation a contrario de sa première phrase, que la SAS pourrait faire admettre des obligations aux négociations sur un marché réglementé.

§ Une dernière réforme issue de l'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 et applicable à partir du 1er octobre 2014 ouvre le financement participatif ou « crowdfundig » aux SAS. Les titres d'une SAS pourront être offerts par l'intermédiaire d'internet, selon des règles spécifiques prévues par le Code monétaire et financier (C. com., art. L. 411-2, I bis). Dans ce cas, la SAS devra appliquer certaines règles du droit des sociétés anonymes (C. com., art. L. 227-2-1), permettant d’assurer une meilleure protection des associés.

§2 - Constitution de la SAS par transformation – Procédure –

o La création de la SAS par transformation d'une autre forme juridique est

possible. o L'article L. 224-3 du Code de commerce impose la désignation d'un

commissaire à la transformation « lorsqu'une société de quelque forme que ce soit qui n'a pas de commissaire aux comptes se transforme en sociétés par actions ».

o Cette rédaction qui résulte de la loi du 1er août 2003 et qui fait suite à une rédaction obscure de ce même article a le mérite de la clarté :

• les sociétés ayant un commissaire aux comptes et se transformant en SAS n'ont pas à désigner un commissaire à la transformation ;

• toutes les autres ont à le faire. § L'allégement est notable pour les transformations de sociétés

anonymes en SAS. • Le commissaire à la transformation nommé dans les autres

sociétés que les sociétés par actions apprécie sous sa responsabilité la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers (V.C. com., art. L. 223-43 pour la transformation d'une SARL en SAS).

o Dans le cas de la transformation d'une société anonyme, l'article L. 225-244 du Code de commerce impose seulement la vérification par le commissaire aux comptes que les capitaux propres soient au moins égaux au capital

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social (Cass. com., 8 avr. 2008, n° 06-15.193 : JurisData n° 2008-043520 ; Dr sociétés 2008 comm 106 ; JCP E 2008, 1783 note H. Hovasse ; Rev. sociétés 2008, p. 606, note B. Saintourens).

– Décision –

o À la suite du ou des rapports exigés, la décision de transformation en SAS est

prise à l'unanimité des associés. § Art. L. 227-3 C. com. : « La décision de transformation en société par

actions simplifiée est prise à l'unanimité des associés ». § Il suffit donc de l'abstention d'un seul associé pour empêcher la

transformation (CA Versailles, 24 févr. 2005, n° 03/07294 : JurisData n° 2005-266293 ; Dr sociétés 2005 comm 94, note J.-P. Legros. - Cass. com., 19 déc. 2006, n° 05-17.802 : JurisData n° 2006-036664 ; Dr sociétés 2007 comm 51 note H. Hovasse ; JCP E 2007,1192, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker ; Rev. sociétés 2005, p. 697, obs. I. Urbain Parléani).

§ Cette exigence de la loi trouve son explication dans le particularisme de la SAS, dont les statuts peuvent se révéler très contraignants pour les minoritaires.

o Si la SAS absorbe une autre société, il paraît logique que la décision soit également prise à l'unanimité.

§ C'est ce qu'a décidé la Cour de cassation (Cass. com., 19 déc. 2006, n° 05-17.802 : JurisData n° 2006-036664 ; Dr. sociétés 2007, comm. 51 , obs. H. Hovasse ; JCP E 2007, 1192 , note A. Viandier ; JCP E 2007, 1877, n° 7, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker ; Bull. Joly Sociétés 2007, p. 506 , note A. Couret ; RJDA 2007, p. 227, Rapport Michel-Amsellem).

Section 2 : La direction de la SAS – Importance des statuts –

o L'éviction des articles L. 225-17 à L. 225-125 du Code de commerce , relatifs

aux organes de direction et d'administration et à l'assemblée générale de la société anonyme, crée un vide que les statuts doivent combler.

o Pour éviter toute difficulté dans le fonctionnement futur de la SAS, les rédacteurs de statuts doivent donc veiller à ce que ceux-ci définissent une organisation cohérente et complète des pouvoirs des associés et des dirigeants.

o À côté de ces deux lieux de pouvoir fondamentaux que sont les dirigeants et l'ensemble des associés, il faut également envisager la situation des commissaires aux comptes et du comité social et économique dans la SAS.

§1. Statut des organes de direction – Détermination des organes –

o L'organisation du pouvoir de direction est librement définie par les associés

dans les statuts de la société (C. com., art. L. 227-5).

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o Seuls les statuts peuvent le faire (Cass. com., 25 janv. 2017, n° 14-28.792 : JurisData n° 2017-000896 ; Dr. sociétés 2017, comm. 60 , note J. Heinich ; Bull. Joly Sociétés 2017, p. 170, note M. Germain et P. L. Périn ; D. 2017, p. 892, note J. Klein).

o Cette grande liberté statutaire permet de prévoir de multiples formules de direction :

§ organisation proche de la société anonyme avec conseil d'administration ou

§ proche de celle de la société anonyme avec directoire et conseil de surveillance ou modalités de direction beaucoup plus originales.

- La loi évoque seulement l'existence d'un président qui est un dirigeant obligé de

toute SAS. o Il a été ajouté depuis la loi du 1er août 2003 (V. § 24) qu'il peut être assisté

d'une ou plusieurs personnes portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué.

o Est-il nécessaire que les statuts prévoient les conditions dans lesquelles le directeur général et le directeur général délégué peuvent exercer leurs pouvoirs pour que ces derniers détiennent une réelle compétence ?

§ L'article L. 227-6 est ambigu, mais cette exigence paraît excessive, alors que ces personnes sont considérées par la jurisprudence comme des représentants légaux de la société.

• « La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.

• Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

• Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

• Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers ».

- La loi et les statuts déterminent les pouvoirs de ces dirigeants (V. le cas d'un droit de veto du président sur les actes du directeur général Cass. com., 16 févr. 2016, n° 14-23.093, F-D, Société Acos c/ Masson : JurisData n° 2016-002769 ; Dr sociétés 2016, comm. 79 ; JCP E 2016, 1199 ; Bull. Joly Sociétés 2016, p. 400, note P-.L. Périn) ;

o il n'est pas possible qu'une convention de gestion confie ces fonctions à une société que l'un de ses dirigeants contrôlerait, alors qu’il est rémunéré en tant que dirigeant de la SAS (CA Paris, 4 juill. 2013, n° 11/06318 : JurisData n° 2014-017048 ; Dr sociétés 2014 comm. 9 , note D. Gallois-Cochet ; Bull. Joly Sociétés 2014, p. 240 , note P. Le Cannu).

o En revanche, il est possible que le président de la SAS confie par une convention de prestation de services la direction de la SAS à une société indépendante (Cass. com. 24 nov. 2015, n° 14-19.685 : JurisData n° 2015-

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029002 ; Dr sociétés 2016, comm 60 , note D. Gallois-Cochet ; Bull. Joly Sociétés 2016, p. 137 , note P. Le Cannu, JCP E 2015, 1018, note B. Dondero).

o On s’interroge cependant sur la portée d’un arrêt de la Cour de cassation décidant que seuls les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée (Cass. com. 25 janv. 2017, n° 14-28792, préc.).

- La loi laisse toute liberté aux statuts pour la nomination d'autres dirigeants que le

président et les directeurs généraux et directeurs généraux délégués.

– Nomination des dirigeants –

o Le dirigeant peut être une personne physique ou une personne morale. o Dans ce dernier cas, pour éviter toute irresponsabilité des personnes

physiques qui agiraient à l'abri de la personne morale, la loi dispose que les dirigeants de la personne morale encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient dirigeants en leur nom propre (C. com., art. L. 227-7).

o La loi ne prévoit pas que la personne morale désigne un représentant permanent, mais la jurisprudence admet pareille possibilité (CA Paris, 1er juill. 2014, cité n° 12, in fine. – Cass. com., 19 nov. 2013 , cité n° 19. – V. M. Germain, S. de Vendeuil et R. Foy, La personne morale dirigeante de société : Actes prat. ing. sociétaire 2016, dossier 146).

o Les statuts déterminent les modalités de nomination. § Ils prévoient le plus souvent des décisions prises par les associés à une

majorité déterminée par les statuts. § Mais d'autres stipulations sont possibles : la nomination peut résulter

• de l'accord des deux associés les plus importants, d'un accord de tous les associés,

• de la décision d'un organe de la société, de la décision d'un tiers…

o La liberté statutaire autorise même à ce qu'une grande stabilité soit conférée au dirigeant,

§ puisque ce dernier peut être nommé pour une très longue durée, voire la durée de la société.

§ Une révocation judiciaire paraît cependant possible, si les statuts le prévoient et même, semble-il, si les statuts ne l'envisagent pas. Ce dernier point est cependant discuté.

– Cumul de fonctions –

o Il n'existe aucune réglementation du cumul des mandats sociaux à la

différence de ce qu'il en est pour les mandats sociaux de société anonyme. o Le cumul d'un contrat de travail n'est, lui non plus, soumis à aucune limite

spéciale issue du droit des sociétés. § Il importe simplement de respecter le droit commun du contrat de

travail, qui impose l'existence d'un lien de subordination, d'un emploi effectif et d'une rémunération.

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– Conventions réglementées –

o Le contrôle des conventions passées entre la société et son président ou l'un de ses dirigeants est déterminé par les articles L. 227-10 à L. 227-12 du Code de commerce, qui reprennent, en le simplifiant, le régime prévu dans les sociétés anonymes (Cass. com., 4 sept. 2011, n° 10-20.745 : Bull. Joly Sociétés 2012, p. 25 , note E. Mouial Bassilana ; RTD com. 2012, p. 148, obs. P. Le Cannu et B. Dondero) : le commissaire aux comptes ou, s'il n'en a pas été désigné, le président de la société présente aux associés un rapport sur les conventions réglementées.

o En l'absence de définition légale de la qualité de dirigeant, se pose la question de savoir si un simple organe de surveillance doit être considéré comme un dirigeant pour l'application de cette procédure des conventions réglementées.

§ Dans la mesure où les membres du conseil de surveillance de la société anonyme y sont soumis,

§ il paraît normal que les membres des éventuels organes de surveillance y soient aussi soumis, quelle que soit l'appellation qui leur a été donnée.

o Le commissaire aux comptes ou, s'il n'en a pas été désigné, le président présente aux associés un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses dirigeants.

o Comme dans la société anonyme, la convention passée avec un actionnaire disposant de 10 % des droits de vote est également soumise à la procédure des conventions réglementées, de même que la convention passée avec une société détenant le contrôle au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce d'une société actionnaire à 10 % Le contenu du rapport est, semble-t-il, fixé par l'article R. 225-31 du Code de commerce prévu pour les sociétés anonymes.

o Faute de l'existence obligée d'un conseil d'administration ou d'un conseil de surveillance, il n'existe pas de procédure d'autorisation préalable.

§ La sanction de la nullité de la convention, qui est prévue dans le droit de la société anonyme en cas d'absence d'autorisation du conseil d'administration, n'existe donc pas dans le droit de la SAS (CA Versailles, 31 mai 2012 : JurisData n° 2012-012490 ; Dr. sociétés 2013, comm. 29, obs. M. Roussille).

o Les associés statuent sur le rapport relatif aux conventions réglementées en même temps que sur les comptes de la société. Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour la personne intéressée et éventuellement pour le président et les autres dirigeants de supporter les conséquences dommageables pour la société (CA Versailles, précit.).

– Conventions courantes –

o Les conventions portant sur des opérations courantes, conclues à des

conditions normales, ne sont soumises à aucun formalisme particulier (C. com., art. L. 227-11).

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– Conventions interdites –

o L'article L. 227-12 du Code de commerce indique que les interdictions des emprunts ou garanties accordés par la société, prévues à l'article L. 225-43 du Code de commerce s'appliquent dans les conditions déterminées par cet article au président et aux dirigeants de SAS.

o On rappellera que les interdictions de l'article L. 225-43 ne sont pas applicables lorsque le dirigeant est une personne morale et que s'appliquent alors les règles de l'article L. 227-10 du Code de commerce .

– Obligations des dirigeants –

o Les dirigeants de SAS sont tenus de la même obligation de loyauté que celle

que la jurisprudence construit peu à peu pour les dirigeants des autres sociétés.

o Un arrêt récent de la Cour de cassation en est une illustration particulière : le président d'une SAS avait procédé à l'acquisition d'un immeuble dans lequel la SAS exerçait son activité, en laissant les associés dans l'ignorance de cette acquisition, alors qu'il savait que les associés entendaient acheter ensemble cet immeuble ;

§ la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel pour manquement du dirigeant à son devoir de loyauté (Cass. com., 18 déc. 2012, n° 11-24.305 : JurisData n° 2012-030284 ; Dr. sociétés 2013, comm. 48, obs. M. Roussille ; D. 2013, p. 288, note T. Favario).

– Rémunération –

o La rémunération n'est soumise à aucune règle légale spécifique. En conséquence se pose la question de savoir si cette rémunération doit être considérée comme une convention passée entre le dirigeant et la société.

o La réponse généralement donnée consiste à distinguer selon que la rémunération est accordée directement par un autre organe que les associés ou selon qu'elle est accordée par la collectivité des associés.

§ Dans le premier cas, on considère que la procédure des conventions réglementées doit être suivie à cause du caractère très contractuel de la SAS (sur la possibilité d'une expertise de gestion au sujet d'une rémunération décidée unilatéralement par les dirigeants, alors que celle-ci devait être décidée par les associés, V. CA Paris, 2 juill. 2008, n° 08/09047 : JurisData n°2008-367713 ; Bull. Joly Sociétés 2009, p. 249 , note A. Lecourt. – CA Versailles, 17 juin 2010, n° 08/02252 : JurisData n° 2010-015830 ; Dr. sociétés 2011, comm. 9 , obs. D. Gallois-Cochet, permettant étrangement au juge de fixer la rémunération).

• Encore faut-il que le dirigeant soit déjà en fonction, selon un arrêt récent rendu à propos d'une indemnité de départ consentie avant la prise de fonctions (CA. Versailles, 25 nov. 2014, n° 13/01849 : Dr. sociétés. 2015, comm. 30 ; JurisData n° 2014-029809).

§ Dans le second cas, si la rémunération est fixée par une décision collective des associés, il est estimé que la procédure des conventions

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réglementées n'a pas à être suivie, puisque les associés se sont déjà prononcés et qu'il ne paraît pas utile que les associés approuvent leur propre décision (CA Bastia, 24 juill. 2013 : JurisData n° 2013-021963 ; Rev. sociétés 2014, p. 47 , note M. Caffin-Moi et sur pourvoi, Cass. com., 4 nov. 2014, n° 13-24.889 : Dr. sociétés, 2015, comm. 7, note D. Gallois-Cochet ; JurisData n° 2014-026547 ; Bull. Joly Sociétés 2015, p. 13 , note P.L. Périn ; JCP E 2014,1652, note B. Dondero ; Rev. sociétés 2015, p. 108 , note L. Godon ; D. 2015, 2401, obs. J.C. Hallouin et alii ).

– Responsabilité civile –

o L'article L. 227-8 du Code de commerce indique que les règles fixant la

responsabilité des membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants.

§ Ce texte a pour fonction de renvoyer au régime général de l'action en responsabilité des articles L. 225-249 à L. 225-257 du Code commerce.

• Il faut entendre ce renvoi non seulement comme un renvoi aux cas d'ouverture de la responsabilité civile des dirigeants mais aussi comme un renvoi au régime de l'action en responsabilité (V. par exemple, en matière de prescription, Cass. com., 26 avr. 2017, n° 15-14.627 : Dr. sociétés 2017, comm. 142 , note J. Heinich ; Rev. soc. 2017, p. 569, note P.-L. Périn).

§ La responsabilité pour insuffisance d'actif peut aussi frapper les dirigeants de la SAS : ainsi a-t-il été fait application de l'article L. 651-2 du Code commerce à un représentant de la société présidente d'une SAS (Cass. com., 19 nov 2013, n° 12-16.099 : JurisData n° 2013-026202 ; Dr. sociétés. 2014, comm. 68, note J-P. Legros ; Bull. Joly Sociétés 2014, p. 101, note M.H. Monsèrié-Bon).

• La Cour de cassation veille à ce que le juge du fond caractérise avec rigueur faute, lien de causalité et préjudice (Cass. com., 20 déc. 2017, n° 16-16986 : Bull. Joly. Sociétés 2018, p. 280, note J.-J. Ansault).

• La faute des dirigeants est étroitement dépendante de leurs pouvoirs et la difficulté pour le juge sera d'apprécier l'exacte participation du dirigeant à la faute relevée et donc la part de responsabilité qu'il convient de lui attribuer, s'il partage sa responsabilité avec un autre dirigeant ( V. dans le cadre d’un LBO en difficulté, CA. Nancy, 20 déc. 2017 : Bull. Joly Sociétés 2018, p. 143, note M. Germain et P.-L. Périn). On s'est interrogé sur la validité de clauses statutaires stipulant la non-responsabilité d'un dirigeant. De telles clauses paraissent contraires à l'ordre public exprimé par les articles L. 225-249 à L. 225-257 du Code de commerce .

o La responsabilité des personnes qui n'exercent que des fonctions de surveillance ne doit certainement pas être mise en cause pour les fautes commises dans l'exercice de la gestion de la société,

§ mais seulement dans le cadre de leur mission de contrôle. § On s'inspirera sur ce point des règles prévues pour les sociétés

anonymes à directoire et conseil de surveillance (sur la faute séparable

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des membres d'un organe de surveillance, CA Paris, 23 mai 2013, n° 12/08766 : JurisData n° 2013-010769 ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 800, note B. Dondero - sur renvoi après cassation CA Paris, 23 févr. 2016, n° 14/24308 : JurisData n° 2016-003275 ; Dr. sociétés 2016, comm. 125 , note D. Gallois-Cochet ; Bull. Joly Sociétés 2016, p. 481, note M. Germain et P.-L. Périn. – Sur nouveau pourvoi Cass. com., 20 déc. 2017, n° 16-16015 : Rev. soc. 2018, p. 319,note T. de Ravel d’Esclapon ; Bull. Joly Sociétés 2018, p. 149, note M. Germain et P.L. Périn ; Dr. sociétés2018, comm. 45, note J. Heinich).

– Responsabilité pénale –

o Le Code de commerce (C. com., art. L. 244-1) prévoit qu'un certain nombre

d'infractions importantes concernant les sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de SAS : présentation de comptes non fidèles, abus de bien sociaux, défaut d'établissement des comptes annuels, de l'inventaire et du rapport de gestion, par exemple.

– Cessation des fonctions –

o Les causes sont pour l'essentiel les mêmes que pour un dirigeant de société

anonyme : arrivée du terme, dissolution ou transformation de la société, démission (acte unilatéral : Cass.com., 12 mai 2015, n° 14-12.483 : JurisData n° 2015-011154 ; Dr sociétés 2015 comm. 137, note J-P. Legros ; Rev. sociétés 2015, p. 594, note A. Reygrobellet).

o Deux autres causes sont plus originales : § les statuts peuvent prévoir que certains événements entraîneront

automatiquement la cessation des fonctions de dirigeant. • Il ne s'agit pas au sens propre d'une révocation ; • cette clause est relativement rare.

§ les statuts prévoient la possibilité d'une révocation du dirigeant. Cette clause se rencontre dans la plupart des cas.

• Dans cette dernière hypothèse, les statuts indiquent l'organe ayant le pouvoir de révoquer.

• Ils indiquent ensuite les modalités de la révocation : o révocation ad nutum (Cass. com., 17 mars 2015, n° 14-

10.987 : JurisData n° 2015-006036 ; Dr. sociétés 2015, comm. 93, note M. Roussille),

o révocation fondée sur un juste motif ou sur certains motifs.

o Il n'y a point à distinguer, en principe, entre dirigeant statutaire et dirigeant non statutaire (CA Paris, 29 juin 2015 : Rev. sociétés 2015, p. 534, note E. Masset).

o Ils peuvent stipuler ou non les conditions dans lesquelles sera attribuée une indemnité de départ (Cass. com., 15 nov. 2011, n° 09-10.893 : JurisData n° 2011-025309 ; Dr. sociétés 2012, comm. 27 , obs. D. Gallois-Cochet ; JCP E 2012, 1001 , note A. Viandier ; Bull. Joly Sociétés 2012, p. 122, note A. Couret).

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§ Il a été jugé, sans l'appui d'un texte juridique particulier mais pour des raisons de cohérence de la structure de la SAS, que le montant de l'indemnité ne doit pas dissuader les associés d'exercer leur droit de révocation (CA Grenoble, 6 oct. 2011 : JurisData n° 2011-022108 ; Dr. sociétés 2012, comm. 45, obs. D. Gallois-Cochet). La révocation ne doit pas être abusive (CA Paris, 29 juin 2010, n° 08/07998 : JurisData n° 2010-014146 ; Bull. Joly Sociétés 2010, p. 879, note D. Poracchia).

§ Un arrêt de cour d’appel conduit à se poser la question de l’existence éventuelle d’un principe de libre révocation des dirigeants (CA Paris, 20 oct. 2014 : RTD Com. 2015, p. 121, obs. P. Le Cannu. – V. aussi D. Malka, Droit commun des sociétés et liberté statutaire en SAS : JCPE 2018, 1330).

o Après une période d'hésitation de la jurisprudence, celle-ci impose un débat contradictoire comme dans toutes les sociétés (Cass. com., 22 nov. 2016, n° 15-14.911 : JurisData n° 2016-024703 ; Dr. sociétés 2017, comm. 42 , note J. Heinich ; Bull. Joly Sociétés 2017, p. 224 , note J.-J. Ansault ; Rev. soc. 2017, p. 213 , note P.-L. Périn. – CA Lyon 10 sept. 2009, n° 09/02705, SAS DP Logiciels c/ Maucet : JurisData n° 2009-016163 ; Dr. sociétés 2010, comm. 72 , note M. Roussille. – CA Paris, Pôle 5, 8e ch., 29 sept. 2016, n° 15/07864, Charles B. et Sté Gestion Moody Inc. c/ SAS groupe Unipex et SA fonds commun de placement à risque Axa LBO fund IV : JurisData n° 2016-022038 ; Dr. sociétés 2017, comm. 6, note Coupet).

o Mais les circonstances peuvent conduire à ne pas exiger de convocation formelle du dirigeant (Cass.com., 10 juill. 2012, n° 11-19.563 : JurisData n° 2012-015633 ; Bull. Joly Sociétés 2012, p. 712 , note M. Germain et P.-L. Périn. – Cass. com., 8 avr. 2014, n° 13-11.650 : JurisData n° 2014-007020 , Dr. sociétés 2014, comm. 104 , obs. M. Roussille, Bull. Joly 2014, p. 452 , note P.L. Périn. – Cass. com., 14 avr. 2015, n° 14-15.869 : Dr. sociétés 2015, comm. 200 , note D. Gallois-Cochet ; Rev. sociétés 2015, p. 674, note B. Saintourens).

o La nature très particulière de la société par actions simplifiée ne justifie cependant pas une application particulière du principe général du contradictoire – dénommé plutôt maintenant principe de loyauté –

§ et il ne paraît pas possible qu'une clause décide de s'en passer en cas de révocation.

o Comme dans toutes les sociétés est interdite une révocation brutale ou vexatoire (CA Paris, 23 juin 2015 : Bull. Joly Sociétés 2016, p. 23, note P.-L. Périn).

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§2. Pouvoirs des organes de direction – Catégories de pouvoirs –

o Dans la mesure où ce sont les statuts qui déterminent pour une bonne part

l'existence des dirigeants et leurs fonctions, il n'est pas possible de donner une description très fine et très précise des attributions des dirigeants.

o La présentation est forcément globale et conduit à distinguer les trois grandes catégories de pouvoirs qui peuvent leur être accordées : pouvoir de représentation, pouvoir de décision, pouvoir de surveillance.

– Pouvoir de représentation du président –

o Dans un premier temps, seul le président de la société détenait un pouvoir de

représentation. Selon l'article L. 227-6 du Code de commerce, « le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société dans la limite de l'objet social ».

§ D'éventuelles dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.

§ Ces dispositions statutaires pourraient à la limite permettre de retirer tout pouvoir de gestion au président et de ne lui laisser qu'un pouvoir de représentation.

• Ce schéma extrême sera rarement utilisé, car il est le plus souvent de l'intérêt de la société de laisser à son président un pouvoir d'action autonome.

• Ce schéma peut en outre être dangereux pour les associés dans la mesure où il risque de conférer le statut de dirigeant de fait aux associés.

• S'il existe des clauses limitatives des pouvoirs du président, celles-ci n'invalident pas les actes passés avec les tiers qui ne peuvent pas opposer en principe ces clauses à la société (Cass. com., 19 nov. 2013, n° 12-26.702 : JurisData n° 2013-026280 ; Dr. sociétés 2014, comm. 27, note D. Gallois-Cochet).

• Mais ce dernier point est discuté (A.C. Rouaud, Les limitations statutaires au pouvoir d'agir en justice du représentant légal de la société : Rev. sociétés 2014, p. 415).

§ L'article L. 227-6 al 2 du Code de commerce ajoute que la société est engagée même par les actes qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait l'objet social ou ne pouvait l'ignorer, compte tenu des circonstances (CA Orléans, 24 nov. 2011 : JurisData n° 2011-031904 ; Dr. sociétés 2012, comm. 122, obs. D. Gallois-Cochet).

– Pouvoir de représentation du directeur général et du directeur

général délégué –

o Au regard de l'existence du président, qui était à l'origine le seul organe habilité à représenter la société,

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§ la Cour de cassation avait logiquement décidé que la société ne pouvait pas désigner un autre représentant légal (Cass. com., 2 juill. 2002, n° 98-23.324 : JurisData n° 2002-015114 ; Dr sociétés 2002, comm. 179 ; JCP E 2002, 1639, n° 7 , obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker ; JCP E 2002, 1844 , note B. Dondero ; Bull. Joly Sociétés, 2002, p. 967 , note A. Couret ; Rev. sociétés 2002, p. 727 , note H. Le Nabasque ; RTD com. 2002, p. 688, obs. Chazal et Reinhard).

§ Mais cette décision avait été en général critiquée, car elle était source de complications pour la SAS,

• dans la mesure où cette forme de société était la seule forme ne pouvant désigner qu'un seul représentant légal.

• Que faire en cas de départ du président à l'étranger, de déplacement du président ou de toute autre cause d'absence ?

• Certes le droit commun autorisait - et autorise toujours - le président de la SAS à désigner un délégué, mais toute délégation de pouvoir étant nécessairement limitée dans son objet et sa durée, cette solution ne pouvait être que très partielle.

o À la suite de cet arrêt et des commentaires qu'il suscita, la loi du 1er aout 2003 décida que « les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier » (C. com., art. L. 227-6, al. 3).

§ Deux nouveaux représentants légaux peuvent donc maintenant assister le président et avoir les mêmes pouvoirs que le président (V. D. Gallois-Cochet, Les pouvoirs du directeur général : JCP E 2001, Act. 600).

§ Le nombre de ces dirigeants n'est pas limité. • Ils s'appellent directeur général ou directeur général délégué, • ce qui n'est pas très heureux, dans la mesure où ces titres sont

donnés dans la société anonyme à des représentants légaux qui sont dans des situations légales différentes.

– Exercice du pouvoir de représentation par le directeur général ou le

directeur général délégué –

o Cet exercice du pouvoir de représentation pose un certain nombre de questions.

§ Ainsi la loi ne dit pas que les clauses statutaires limitant les pouvoirs de ces représentants sont inopposables aux tiers.

• Elle ne l'affirme que pour le président. • L'interprétation la plus raisonnable conduisait à penser que

cette règle de protection des tiers valait aussi pour ces nouveaux organes, que sont le directeur général et le directeur général délégué.

o Cette interprétation est confortée par le droit européen, puisque la directive du 9 mars 1968 ( dir. 68/151, 9 mars 1968) modifiée par la directive du 16 septembre 2009 ( dir. 2009/101, 16 sept. 2009 , art. 10) et codifiée par la directive n° 2017/1132 du 14 juin 2017 en son article 9, indique clairement que « les

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limitations aux pouvoirs des organes de la société, qui résultent des statuts ou d'une décision des organes compétents, sont toujours inopposables aux tiers, même si elles sont publiées » (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 21 oct. 2014, n° 14/07197 : JurisData n° 2014-025847 ; Dr. sociétés 2015, comm. 91, note D. Gallois-Cochet).

• Une autre question concerne le lien qui existe entre ces fonctions de représentation et le titre donné par les statuts. Autrement dit, le juge pourrait-il être appelé à qualifier de directeur général ou de directeur général délégué des personnes qui n'ont pas reçu ce titre ?

• Une telle qualification paraît impossible dans la mesure où c'est seulement cette qualité qui permet d'avoir les compétences d'un directeur général ou d'un directeur général délégué.

• Un arrêt récent confirme le caractère légal du pouvoir de représentation du directeur général ou du directeur général délégué : il affirme que les tiers peuvent se prévaloir à l'égard de la SAS des engagements pris par toute personne portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué (Cass. com., 9 juill. 2013, n° 12-22.627 : JurisData n° 2013-014460 ; Dr sociétés 2013, comm. 159 , note D. Gallois-Cochet ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 641 , note N. Ferrier ; D. 2013, 2503, note F. Ait -Ahmed ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 641 , note N. Ferrier ; aj. D. Gallois-Cochet, Le pouvoir de représentation du directeur général de société par actions simplifiée : Dr. sociétés 2013, étude 19).

– Pouvoir de représentation des mandataires conventionnels –

o Il paraissait évident que, par des délégations partielles de pouvoir, les

mandataires sociaux légaux de la SAS (président, directeur général et directeur général délégué) puissent donner des mandats de représenter la société comme il avait toujours été admis pour les représentants de la société anonyme.

o Mais une vague d'arrêts des juges du fond relative à des licenciements considéra tout à coup que, dans les SAS, la nomination de ces mandataires conventionnels devait être inscrite dans les statuts.

o La Cour de cassation est intervenue de manière solennelle pour affirmer que ces délégations de pouvoir - ou mandats conventionnels - peuvent être conférés par les mandataires sociaux légaux de la SAS sans nul besoin d'une inscription préliminaire dans les statuts (Cass. ch. mixte, 19 nov. 2010, n° 10-10.095 et 10-30.215 : JurisData n° 2010-021342 et 2010-021139 ; Dr. sociétés 2011, comm. 30 , obs. D. Gallois-Cochet ; Bull. Joly Sociétés 2010, p. 981 , note M. Germain et P.-L. Périn ; Rev. sociétés 2011, p. 34 , note P. Le Cannu, JCP E 2010, 2049 , note A. Couret et B. Dondero ; RTDF avr. 2010, p. 121 , note D. Poracchia ; Bull. inf. C. cass. 15 janv. 2011, Rapport André et Avis Allix. – Cass. soc., 7 juin 2011, n° 10-16.682 : Bull. Joly Sociétés 2011, p. 766, note P.-L. Périn).

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– Pouvoir de décision du président et du directeur général –

o À côté de son pouvoir de représentation, le président est le plus souvent titulaire d'un pouvoir de gestion autonome, qui lui permet de prendre des décisions engageant la SAS. Le pouvoir de gestion est en général partagé entre les dirigeants et la collectivité des associés.

§ Si les statuts n'ont rien prévu sur ce point, le président concentre entre ses mains les pouvoirs de décision et de représentation et le doute devrait lui profiter, dans la mesure où il détient les pouvoirs de décision et de représentation, sauf clause statutaire contraire.

o Quand il existe un directeur général, les statuts précisent les pouvoirs de décision qui sont les siens.

o Il en va de même pour un directeur général délégué. – Pouvoir de surveillance de certains dirigeants –

o Dans la mesure où la structure des organes dirigeants est laissée à la liberté

des stipulations statutaires, tous les modèles d'organisation sont possibles. § Certains de ceux-ci, à l'image de ce que prévoit le régime de la société

à directoire avec conseil de surveillance, prévoient la présence de dirigeants dont le rôle se limite à la surveillance de ceux qui ont un pouvoir de décision.

• Cette surveillance n'est pas un concept défini en soi et les statuts peuvent imaginer des combinaisons accordant plus ou moins de pouvoir à ces organes de surveillance.

• Seule la connaissance précise des statuts permet alors de savoir le degré exact de surveillance attendue de cette catégorie particulière de dirigeants.

Section 3 : Les associés de la SAS – Généralités –

o Ne seront envisagés sous cette appellation que les pouvoirs des associés qui sont relatifs à la gestion de la société et qui trouvent leur source dans les valeurs mobilières qu'ils détiennent. Il convient donc de s'attacher d'abord aux titres des associés, avant d'envisager le régime des décisions collectives des associés.

§1. Titres des associés – Régime de droit commun –

o Les associés sont normalement titulaires d'actions ordinaires, qui leur

donnent des droits pécuniaires et politiques. o La réglementation des valeurs mobilières (forme, cession) tout comme le

droit des opérations sur le capital social (augmentation, réduction, actionnariat des salariés, valeurs mobilières donnant accès au capital social) fait partie du droit de la société anonyme applicable aux SAS (V. cependant, D. Poracchia, Emission de valeurs mobilières et circulation des titres de SAS : Bull. Joly Sociétés 2015, p. 99).

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§2. Décisions collectives des associés – Principe de répartition des compétences –

o L'article L. 227-9 du Code de commerce en définit les grandes lignes.

§ L'alinéa 1 renvoie à la liberté statutaire : les statuts déterminent les décisions devant être prises par les associés.

• Mais le législateur a craint que les statuts excluent les associés de tout droit de regard sur la vie de la société et a introduit dans l'alinéa 2, des dispositions d'ordre public réservant obligatoirement aux associés un certain nombre de décisions jugées importantes.

– Décisions réservées aux associés par la loi –

o L'article L. 227-9 alinéa 2 du Code de commerce dispose que « les attributions

dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes en matière d'augmentation, d'amortissement, de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés ».

§ Il est à noter que le renvoi aux conditions prévues par les statuts oblige les statuts à préciser clairement ce que sont ces modalités particulières.

o D'autres décisions relèvent de la compétence des associés, même si elles ne figurent pas sur cette liste légale de l'article L. 227-9, alinéa 2. Il en est ainsi

§ de l'approbation des conventions réglementées (C. com., art. L. 227-10), § de la modification de certaines clauses statutaires (C. com., art. L. 227-

19), § de la nomination du liquidateur (C. com., art. L. 237-18), § de l'approbation des comptes annuels en cas de liquidation (C. com.,

art. L. 237-27). o De son côté, la modification des statuts nécessite un accord unanime des

associés, sauf clause contraire des statuts (C. civ., art. 1836. – CA. Orléans, 24 févr. 2011, SAS ITM Entreprises c/ Boutron : Dr. sociétés 2011, comm. 132, note J.P. Legros ; JurisData n° 2011-008827).

o Il faut ajouter qu'aucune décision entraînant une augmentation des engagements d'un associé ne peut être prise sans son consentement (C. civ., art. 1836, al. 2).

– Décisions attribuées aux associés par les statuts –

o Pour toutes les autres décisions, une décision collective n'est pas imposée en

soi (V. le cas original de CA Orléans, 24 févr. 2011, SAS ITM Entreprises c/ Boutron). Ce sont les statuts qui choisiront de donner compétence au président, à d'autres organes de direction ou aux associés (C. com., art. L.227-9, al. 1).

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o Dans ce dernier cas, ce sont les statuts qui déterminent les décisions prises par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient. Si les statuts n'ont fait aucun choix, le pouvoir de décision appartiendra normalement au président.

– Initiative et préparation des décisions collectives –

o C'est aux statuts de désigner ceux qui ont le pouvoir de provoquer une

décision collective (V. cependant CA Paris, 18 juin 2008, n° 08/06315 : JurisData n° 2008-367711 ; Dr. sociétés 2008, comm.208 ; RJDA 2009, n° 118, Bull. Joly Sociétés 2009, p. 385, note L. Godon).

§ Ce pouvoir est en général confié au président et à un ou plusieurs dirigeants. Il est également fréquent de donner ce pouvoir à un ou à quelques associés, détenant ou non un certain pourcentage du capital.

o Les modes et délais de convocation sont également fixés par les statuts. § S’il existe une clause de convocation dans un délai très court, l’organe

responsable de la convocation doit veiller à ce que la participation des associés soit matériellement possible (CA Paris, pôle 5, ch. 9, 26 mai 2016, n° 15/04241 : JurisData n° 2016-011985 ; Dr. sociétés 2016, comm. 188 , note C. Coupet ; Bull. Joly Sociétés 2017, p. 180, note P.-L. Périn).

§ Ceux-ci précisent en général que l'ordre du jour est fixé par l'autorité ayant l'initiative de la convocation.

§ La représentation des associés absents est aussi organisée par les statuts.

§ Les statuts peuvent organiser le dépôt par les associés de projets de résolution.

– Information des associés –

o Les dispositions légales relatives à la SAS sont pratiquement muettes sur

l'information due aux associés à l'occasion des décisions collectives. o Mais l'on estime que toute décision, qui relève de la compétence des associés,

oblige nécessairement à ce que leur soit fournie l'information permettant de se prononcer en connaissance de cause sur la décision soumise à leur approbation (CA Limoges, 28 mars 2012, n° 10/00576, SAS. Groupe Rambaud c/ Rambaud : JurisData n° 2012-008418 ; Bull. Joly Sociétés 2012, p. 623, note M. Germain et P.-L. Périn).

o En effet, l'article 1844 du Code civil , qui donne à tout associé le droit de participer aux décisions collectives, sous-entend nécessairement l'existence d'une telle information.

o Il sera cependant plus simple que les associés aient d'eux-mêmes prévu les modalités de cette information dans les statuts.

o Lorsque s'appliquent aux SAS des dispositions valables pour toutes les sociétés ou pour les sociétés anonymes, les associés ont dès lors droit à certaines informations prévues par la loi : il en est ainsi en matière d'approbation des comptes sociaux, d'opérations modifiant le capital, de transformation, de fusion…

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– Forme des décisions collectives –

o L'article L. 227-1 du Code de commerce écarte l'application des articles de ce code régissant les assemblées générales.

o Cette exclusion a conduit le législateur à poser des règles concernant les décisions collectives (C. com., art. L. 227-9).

§ « Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.

§ Toutefois, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d'augmentation, d'amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés.

§ Dans les sociétés ne comprenant qu'un seul associé, le rapport de gestion, les comptes annuels et le cas échéant les comptes consolidés sont arrêtés par le président. L'associé unique approuve les comptes, après rapport du commissaire aux comptes s'il en existe un, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice.L'associé unique ne peut déléguer ses pouvoirs. Ses décisions sont répertoriées dans un registre. Lorsque l'associé unique, personne physique, assume personnellement la présidence de la société, le dépôt, dans le même délai, au registre du commerce et des sociétés de l'inventaire et des comptes annuels dûment signés vaut approbation des comptes sans que l'associé unique ait à porter au registre prévu à la phrase précédente le récépissé délivré par le greffe du tribunal de commerce.

§ Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ».

o Cette formule permet tous les modes d'expression collective, au premier rang desquels figure naturellement l'assemblée générale. Mais à la place de celle-ci, les statuts peuvent proposer la consultation écrite, la signature d'un acte par tous les associés, l'utilisation de moyens de télécommunication… Il faudra dans chaque cas avoir recours à un moyen de preuve de la décision adoptée qui soit adaptée à la situation en cause.

– Vote –

o Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (C. civ.,

art. 1844). § Dans le silence des statuts, l’associé est libre de donner mandat au

mandataire de son choix, selon le droit commun (Cass. com., 8 déc. 2015, n° 14-20.307, F-D , M. Y. c/ Mme Y. : JurisData n° 2015-027634 ; Dr. sociétés 2016, comm. 58, note D. Gallois-Cochet).

§ Normalement chaque action est donc pourvue d'un droit de vote. • La loi permet de le suspendre dans certains cas (V. § 52 et 53. -

C. com., art. L. 227-16 et L. 227-17 s'appliquant spécifiquement à la SAS).

o Les actions de préférence offrent aussi cette opportunité.

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• Un droit de veto peut être accordé à certains – associés ou non - pour des décisions qui ne relèvent pas de l'article 227-9, alinéa 2 du Code de commerce.

§ Mais est-il possible de supprimer le droit de vote ? • La question était discutée. • La Cour de cassation, à propos de la mise en œuvre d'une

clause d'exclusion visant le majoritaire, a décidé que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi » (Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16.537 : JurisData n° 2007-041010 ; Dr. sociétés 2007 comm. 219 note H. Hovasse ; JCP E 2007, 2433 , note A. Viandier ; JCP G 2007, II, 10197 , note D. Bureau ; Bull. Joly Sociétés 2008, p. 101 ; RJDA 2008, p. 9, Rapport B. Petit ; D. 2008, p. 47, note Y. Paclot. - adde J. Paillusseau, La liberté contractuelle dans la société par actions simplifiée et le droit de vote : D. 2008, p. 1563).

• La clause statutaire interdisant de voter à l'associé que l'on souhaite exclure est donc nulle, mais sa modification à l'unanimité pose un problème difficile à résoudre (Cass. com., 9 juill. 2013, n° 11-27.235 et 12-21.238 : Dr. sociétés 2013, comm. 154 , note R. Mortier ; JurisData n° 2013-014466 ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 636 , note D. Poracchia ; JCP E 2013, 1516 , note B. Dondero ; Rev. sociétés 2014, 40 , note J-.J. Ansault ; aj. D. Raynal, RJDA 2013, p. 907 ).

– Quorum et majorité –

o Les statuts peuvent fixer un quorum.

§ Mais une telle stipulation n'est en rien obligatoire. o En revanche, quand l'unanimité n'est pas imposée par la loi (V. § 54) les statuts

fixent la majorité. – Nullité –

o On s'interrogeait, au lendemain de la loi de 1994, sur l'application des causes

classiques de nullité du droit des sociétés aux décisions de la SAS. o En effet, ces causes de nullité se réfèrent à la violation de normes légales

impératives ou expresses, alors que dans les SAS de telles règles ne jouent qu'un rôle très effacé.

o L'essentiel de l'organisation juridique repose sur des clauses statutaires, dont la violation n'est normalement pas source de nullité.

o C'est pour cette raison qu'a été ajouté par la loi du 12 juillet 1999 un dernier alinéa à l'article L. 227-9 du Code de commerce selon lequel, les décisions collectives : « prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ».

o Cette formule donne à penser que des décisions collectives prises en violation de clauses statutaires prévues par cet article L. 227-9 pourraient être annulées (en sens contraire, Cass. com. 26 avr. 2017, n° 14-35.554 : Dr. société 2017, comm. 141, note C. Coupet ; Rev. soc. 2017, p. 422, note D. Schmidt).

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o Il faut cependant ajouter que les causes de nullité valables pour les sociétés anonymes continuent de valoir pour les SAS quand la règle violée se trouve être une disposition du droit des sociétés anonymes applicable aux SAS : ainsi en irait-il en matière d'augmentation du capital social.

o Les principes dégagés par la jurisprudence à propos de l'abus de majorité peuvent naturellement trouver à s'appliquer dans les décisions collectives des SAS.