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NumĂ©ro NumĂ©ro 91 – – Jui Jui llet llet 201 2016 Au sommaire : p. 2 Nous vous recommandons pour les vacances : Livres coups de coeur p. 8 Sortir le nez du guidon ! Et si... p. 8 1... je disposais les bancs autrement? p. 10 2... j'enseignais explicitement l'Ă©coute ? p. 13 3... je visais une tout autre Ă©cole ? p. 13 4... j'adoptais une autre mobilitĂ© ? p. 17 5... je lisais des albums sur la citoyennetĂ© ? p. 19 6... j'emmenais mes Ă©lĂšves au thĂ©Ăątre ? p. 20 7... j'emmenais mes Ă©lĂšves au cinĂ©ma ? p. 20 8... j'emmenais mes Ă©lĂšves au musĂ©e ? p. 21 9... je dĂ©couvrais de nouveaux livres ? p. 22 10... j'accueillais un auteur en classe ? p. 22 11... on se remerciait ? p. 23 « ferme les yeux, Rosemonde » D'un(e) prof ... Ă  l'autre La lettre du bac en français de HELMo Sainte-Croix 61, Hors-ChĂąteau – 4000 LiĂšge ComitĂ© de rĂ©daction : Sylvie Bougelet, AurĂ©lie Cintori, Anne Dister, Pierre-Yves DuchĂąteau, Jean Kattus Informations – abonnement – numĂ©ros prĂ©cĂ©dents - index : www.helmo.be > Formation continuĂ©e > D'un(e) prof Ă  l'autre Contact : [email protected] 1

Dupala 91 juillet - HELMo

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NumĂ©ro NumĂ©ro 9911 – – JuiJuilletllet 201 20166

Au sommaire :

p. 2 Nous vous recommandons pour les vacances :

Livres coups de cƓur

p. 8 Sortir le nez du guidon ! Et si...p. 8 1... je disposais les bancs autrement?p. 10 2... j'enseignais explicitement l'écoute ?p. 13 3... je visais une tout autre école ?p. 13 4... j'adoptais une autre mobilité ?

p. 17 5... je lisais des albums sur la citoyenneté ?p. 19 6... j'emmenais mes élÚves au théùtre ?p. 20 7... j'emmenais mes élÚves au cinéma ?p. 20 8... j'emmenais mes élÚves au musée ?p. 21 9... je découvrais de nouveaux livres ?p. 22 10... j'accueillais un auteur en classe ?p. 22 11... on se remerciait ?

p. 23 « ferme les yeux, Rosemonde »

D'un(e) prof ... à l'autreLa lettre du bac en français de HELMo Sainte-Croix

61, Hors-ChĂąteau – 4000 LiĂšgeComitĂ© de rĂ©daction : Sylvie Bougelet, AurĂ©lie Cintori, Anne Dister, Pierre-Yves DuchĂąteau, Jean Kattus

Informations – abonnement – numĂ©ros prĂ©cĂ©dents - index : www.helmo.be > Formation continuĂ©e > D'un(e) prof Ă  l'autre

Contact : [email protected]

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Coups de cƓur

Comment choisissez-vous vos livres ? Moi, personnellement, j'adore me rendre dans les librairies et y découvrir ce que le libraire a sélectionné, en particulier les livres qu'il a exposés sur des tables, juste sous mon regard ; j'y retrouve le titre dont un ami m'a parlé avec enthousiasme, un roman auquel un article était consacré, un auteur interviewé à la radio ou à la télévision... C'est donc en définitive presque toujours en passant par la médiation d'un autre (le libraire, l'ami, le critique littéraire, le journaliste) que j'entre en contact avec la littérature que j'ai envie de lire.

C'est ce que vous propose cette rubrique de vacances « Coups de cƓur » : une passerelle vers des livres qui ont Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©s, aimĂ©s, adorĂ©s parfois, dĂ©vorĂ©s souvent... Laissez-vous sĂ©duire et profitez de ce temps bĂ©ni des vacances pour plonger dans les livres !

Estelle Clermont a aimé...

Malorie BLACKMAN , Entre chiens et loups. Milan, 2005.Ce livre traite d'un sujet citoyen important : le racisme. Ici, c'est particulier car les rÎles sont inversés : les Noirs dominent et les Blancs subissent. Rajoutez à cela une histoire d'amour à la Roméo et Juliette : poignant et intéressant !

Lise Dall'Arche a aimé...

Susan NIELSEN, Le journal malgrĂ© lui de Henry K. Larsen. HĂ©lium Ă©ditions, 2013.C'est un livre qui touche des sujets sensibles en y ajoutant des touches d'humour. Les personnages sont attachants et nous pouvons nous identifier Ă  eux. L'histoire est poignante, on rentre vite dans le cƓur du livre et ce jusqu'Ă  la fin.

Elodie Debossines a aimé...

AgnÚs MARTIN -LUGAND, Les gens heureux lisent et boivent du café. Pocket, 2014.Livre trÚs touchant et personnages attachants : ce livre est impossible à refermer une fois ouvert. Lorsqu'on le lit, on passe par tous les sentiments : tristesse, rire, colÚre...

2

Manon Libouton a aimé...

Benjamin Alire SAENZ, Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers. Pocket Jeunesse, 2012.Ce livre aborde des thématiques assez sensibles avec une trÚs grande poésie. Les personnages sont trÚs attachants et trÚs complexes. Beaucoup d'émotions.

Pauline Borer a aimé...

Jane AUSTEN, Orgueil et préjugés. Fleurus, 2015.L'argument est traditionnel : une histoire d'amour dans l'Angleterre victorienne. Mais ce que j'aime, c'est l'humour qui contraste avec la rigidité du cadre de l'époque. La langue est trÚs agréable et l'on appréciera le caractÚre déterminé, indépendant et malicieux de l'héroïne, féministe déjà.

Jean-François Pondant a aimé...

Meg WOLITZER , Les intéressants. Le Livre de Poche, 2016.Amérique, années 70. On suit les trajectoires entrecroisées de cinq jeunes, des personnages trÚs attachants. C'est bien écrit, avec une gestion intéressante du temps du récit : bonds dans le futur et retours en arriÚre. Je l'ai passé à une collÚgue : elle aussi a adoré !

Steven Daspremont a aimé...

Pierre BOTTERO , La quĂȘte d'Ewilan. Dargaud, 2013.C'est un livre pour les jeunes, mĂȘlant fantaisie et style d'Ă©criture presque poĂ©tique. Il y a beaucoup de leçons de vie Ă  retirer de cette trilogie. Pierre Bottero nous offre un voyage dans un pays merveilleux et inoubliable, un voyage vĂ©cu aux cĂŽtĂ©s de personnages plus attachants les uns que les autres.

Jean Kattus a aimé...

In Koli Jean BOFANE, Congo Inc.. Actes Sud, 2014.Le Congo, aujourd'hui. Un jeune pygmée vole l'ordinateur portable d'une humanitaire venue inaugurer une antenne téléphonique : c'est le monde entier qui s'ouvre à lui, il va le conquérir. Ce roman décrit sans concession de multiples composantes du Congo : sa « colonisation » par la Chine, sa corruption, ses massacres, mais aussi la capacité de résilience de son peuple... L'auteur a l'art de dresser le portrait de personnages trÚs crédibles et d'entrecroiser leurs destins, ménageant ainsi le suspense. C'est souvent trÚs dur, à l'image de la réalité de ce pays. C'est en tout cas à mes yeux un grand roman écrit par un grand auteur : son écoute, sa dignité, son humour lors de la conférence à laquelle j'ai assisté m'ont profondément marqué.

3

Anne-Catherine Werner a aimé...

Antoine BELLO , Les falsificateurs. Gallimard (Folio), 2008.J’ai adorĂ© ce roman ! Sliv, un jeune Islandais postule dans un cabinet de conseil environnemental qui se rĂ©vĂšle ĂȘtre en fait liĂ© Ă  une sociĂ©tĂ© secrĂšte, le CFR. Cette organisation secrĂšte « modifie la rĂ©alitĂ© » pour manipuler l’opinion publique. Ses membres font par exemple croire Ă  la disparition d'une espĂšce de poissons qui, dans la rĂ©alitĂ©, n'a jamais existĂ©. Le hĂ©ros, de plus en plus impliquĂ© dans le minutieux travail de falsification, est constamment tiraillĂ© entre son emploi trĂšs exigeant et qu'il souhaite rĂ©aliser au mieux, et le fait qu'ainsi, il ment au monde entier sans connaitre les motivations rĂ©elles du CFR... À la maniĂšre d’un thriller, ce roman alimente la rĂ©flexion sur la diffusion de l’information. Il y a une suite, « Les Ă©claireurs », que je vais lire cet Ă©tĂ© !

Cécile Janssen a aimé...

Elizabeth GILBERT , Comme par magie. Calmann-Lévy, 2016.On ne nait pas génie, on n'est pas un génie, mais on peut rencontrer un génie, qui nous traverse en quelque sorte. Les idées créatives sont à capturer à certains moments de notre vie, lorsque nous sommes dans un état favorable de réceptivité : elles rÎdent autour de nous, on les capte... ou pas. Une vie plus créative s'accepte ou se refuse... Ce livre regorge d'anecdotes à propos d'artistes qui ont accepté d'accueillir leur génie.

A regarder sur la toile : la conférence TED de l'auteure (j'aime beaucoup son cÎté trÚs pragmatique) : http://www.ted.com/talks/elizabeth_gilbert_on_genius?language=fr

Amélie Hanus a aimé...

NiccolĂČ AMMANITI , Et je t'emmĂšne (Ti prendo e ti porto via). Robert Grasset, 2001.Ammaniti, auteur Ă©galement de "Io non ho paura" (Moi je n'ai pas peur) qui a Ă©tĂ© portĂ© Ă  l'Ă©cran, n'a pas son pareil pour plonger le lecteur dans l'univers de ses personnages principaux, toujours enfants ou adolescents. C'est inĂ©vitable, on les suit dans leurs errements, leurs dĂ©couvertes et leur rĂ©alitĂ© bien souvent pas bien rose, tenant plus souvent de l'Italia dei poveri que de la Dolce vita.

« Et je t'emmĂšne » met en scĂšne deux histoires d'amour. Celle de deux adolescents, Pietro et Giorgia : elle est belle et arrogante, fille d'un directeur de banque ; lui est timide, indĂ©cis, rĂȘveur... tandis que la deuxiĂšme histoire fait se rencontrer le playboy du coin et la mystĂ©rieuse professoressa Flora. Deux univers diffĂ©rents qui finiront par se croiser Ă  la faveur d'une intrigue haletante. En vĂ©ritable "marionnettiste et manipulateur de destins" (qualificatifs utilisĂ©s sur la quatriĂšme de couverture de l'Ă©dition italienne), Ammaniti nous emmĂšne, justement, Ă  travers les multiples blessures de la jeunesse.

Julie Thébé a aimé...

Nicolas ANCION, Nous sommes tous des playmobiles. Pocket, 2008.Ces nouvelles donnent à réfléchir sur la société dans laquelle nous vivons, avec pas mal de dérision. La langue est facile et agréable.

4

Louise Warling a aimé...

Kerry G REENWOOD, Plaisirs criminels. City Éditions, 2014C'est un des nombreux titres de la collection « Miss Fisher enquĂȘte », adaptĂ©e en sĂ©rie en Australie. Si vous aimez les annĂ©es folles, les femmes dĂ©tectives privĂ©es, les histoires et des ambiances Ă  la fois sordides et plaisantes, ce livre est fait pour vous !

Claudine Weusten a aimé...

Aymeric CARON, AntispĂ©ciste. RĂ©concilier l'humain, l'animal, la nature. Don Quichotte Éditions, 2016.1. On peut affirmer scientifiquement que l'homme est un animal comme les autres : entre eux, il n'y a pas de diffĂ©rence de nature, mais de degrĂ©.2. La plupart des animaux ressentent des Ă©motions, Ă©prouvent de la souffrance, ont des Ă©tats d'Ăąme.

Dans cet essai, Aymeric Caron, végétarien engagé, repose la question : « Quel est le propre de l'homme ? » Il attaque de front le spécisme qui nous amÚne à élever certains animaux et à les torturer uniquement pour les consommer (les poulets, les cochons, les vaches) et qui, en parallÚle, nous fait dépenser des sommes folles pour prendre soin d'autres animaux (les chiens, les chats...). Il remet ainsi en cause notre relation avec le monde animal, dans un style fluide, en abordant la question au départ de différents points de vue, biologique, philosophique, anthropologique.

Isabelle Collin a aimé...

Marlen H AUSHOFER, Le mur invisible. Actes Sud, 1992.Une jeune femme part Ă  la montagne avec des amis. Au matin, elle se retrouve seule et dĂ©couvre qu'un mur invisible la sĂ©pare Ă  prĂ©sent, elle, son chien, le chalet et les prĂ©s qui l'entourent, du reste du monde, qu'elle aperçoit au loin, comme figĂ© sur place. Retour forcĂ© Ă  la nature, et long face Ă  face avec elle-mĂȘme, dans toutes les tĂąches du quotidien, au fil des mois et des saisons qui passent. Le lecteur est seul, elle est seule : un lien d'amitiĂ© s'Ă©tablit entre eux, par-delĂ  le papier imprimĂ©...

Autre solitude, choisie celle-lĂ , et donc absolument diffĂ©rente : celle de Sylvain Tesson « Dans les forĂȘts de SibĂ©rie » (film adaptĂ© du livre au programme des cinĂ©mas cet Ă©tĂ©).

Pierre-Yves Duchùteau a aimé...

Francesca Melandri. Eva dort. Collection Folio, Gallimard 2013.Certains parleront sans doute de littĂ©rature populaire dans le cas de ce roman, tant le mĂ©lo pointe rĂ©guliĂšrement le bout de son nez tout au long de ces 430 pages. NĂ©anmoins, les gros effets sont soigneusement Ă©vitĂ©s, ce qui nous vaut quelques pages finement Ă©mouvantes. Par ailleurs, ce roman fait la part belle au destin politique, ethnique et social d’une rĂ©gion du nord de l’Italie, le Tyrol du sud. C’est en effet de cette rĂ©gion qu’est issue Eva, qui entamera un voyage de 2 jours le long de la Botte pour rejoindre Vito agonisant, cet homme qui a fortement marquĂ© quelques annĂ©es de sa vie et de celle de sa mĂšre, Gerda.

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Pascale Bonnet a aimé...

Stefan HERTMANS , Guerre et tĂ©rĂ©benthine. Gallimard, 2015.Ce rĂ©cit trouve son origine dans le journal intime du grand-pĂšre de l'auteur, soldat en 14-18, flamand sous les ordres d'une hiĂ©rarchie francophone dont il subit l'autoritĂ©, mais aussi solidaire de ses camarades wallons dans l'enfer des tranchĂ©es de l'Yser. Ce grand-pĂšre est aussi un peintre, restaurateur de peintures religieuses dans les Ă©glises, dont le roman rend parfaitement l'atmosphĂšre. Une fois la guerre terminĂ©e, il va pouvoir Ă©pouser celle dont il est amoureux, mais elle vient Ă  mourir juste avant la cĂ©rĂ©monie de mariage. Comme cela se faisait Ă  l'Ă©poque, il Ă©pouse alors la sƓur de celle qui allait devenir sa femme : il l'admire, mais ne l'aime pas ; seule la tendresse est possible. Un roman qui vaut par sa trĂšs belle Ă©criture (et traduction) et par sa profondeur.

Anne Dister a aimé...

Anonyme, Une femme à Berlin. Gallimard, 2008.En 1945, Berlin tombe aux mains des Soviétiques. Comment survivre dans la ville occupée et bombardée, quand on est une jeune femme seule, sinon en se trouvant un « protecteur » ? Par la volonté de son auteure, ce témoignage poignant de la vie quotidienne à Berlin durant ces quelques mois trÚs sombres, remarquable et injustement méconnu, a été publié de façon anonyme.

Georges Collard a aimé...

Armel JOB, Tu ne jugeras point. Robert Laffont, 2009.Histoire policiĂšre autour de la mort d'un enfant et d'une femme soupçonnĂ©e d'infanticide. Ce qui me plait en particulier dans ce roman, que des Ă©tudiants m'ont fait dĂ©couvrir, c'est la langue qui, tout en Ă©vitant les belgicismes, recourt Ă  des termes qui renvoient Ă  nos rĂ©gions et assurent au rĂ©cit un ancrage gĂ©ographique intĂ©ressant. La fiction, qui reprĂ©sente des lieux qu'on (re)connait, les Ă©lĂšve en quelque sorte au rang de la « reprĂ©sentabilitĂ© ». Il ne s'agit pas d'un simple calque de la rĂ©gion, mais les dĂ©tails amĂšnent Ă  se reprĂ©senter prĂ©cisĂ©ment les lieux : le lecteur d'ici a la sensation d'ĂȘtre un bon lecteur...

Sylvie Bougelet a aimé...

Isabelle CARRIER , La petite casserole d’Anatole. Bilboquet 2009.Un album oĂč Anatole apprend Ă  vivre avec une diffĂ©rence (il traine toujours derriĂšre lui une casserole qui lui est tombĂ©e dessus un jour, qui se coince partout et l’empĂȘche d’avancer) et qui Ă©voque les difficultĂ©s rencontrĂ©es par ce jeune (qui pourrait ĂȘtre indiffĂ©remment un enfant ou un adolescent) et son repli sur soi (il en a assez de cette casserole et dĂ©cide de se cacher). PremiĂšres pages assez tristes, puis nettement plus enthousiasmantes : la rencontre avec une personne extraordinaire dont la diffĂ©rence est semblable Ă  la sienne, qui lui apprend Ă  vivre avec celle-ci, Ă  l’apprivoiser, qui croit en lui et rĂ©vĂšle ses qualitĂ©s.

6

En quelques pages, Isabelle Carrier nous amÚne à réfléchir (enfants, adultes et, pourquoi pas, adolescents) sur la gestion des différences (notamment en classe) avec un style graphique et une écriture sobre et efficace.

A voir absolument la bande-annonce du film d'animation : https://www.youtube.com/watch?v=jHol1kQM3DY

Julie Hérion a aimé...

Wajdi M OUAWAD , Anima. Actes Sud, 2012.La femme du hĂ©ros a Ă©tĂ© assassinĂ©e et violĂ©e. Celui-ci se lance alors Ă  la recherche de l'assassin. L'originalitĂ© de ce roman rĂ©side essentiellement dans le fait que chaque chapitre est racontĂ© par un narrateur diffĂ©rent et manifestement inhabituel. Qui est-il ? Au lecteur de le dĂ©couvrir en se basant sur les indices fournis par l'auteur notamment dans les titres de chacun d'eux. Le rĂ©cit pose la question de ce qui distingue la violence animale de la violence humaine. Âmes sensibles s'abstenir...

Aurélie Cintori a aimé...

Cyril P EDROSA, Portugal. Dupuis, 2011.Ce roman graphique, proche de la bande dessinée, raconte l'histoire d'un jeune homme issu de l'immigration portugaise et qui découvre le pays de ses parents et grands-parents qu'il connait seulement à travers ce que ceux-ci lui ont transmis. Ce récit sensible, découpé en chapitres remplis d'anecdotes, se révÚle trÚs pertinent quant à la question de la transmission de la culture d'origine aux enfants dits de la deuxiÚme génération. Le traitement iconographique, couleurs et traits, est vraiment intéressant et original car il varie en fonction de l'évolution de la vie et des sentiments du personnage.

7

Sortir le nez du guidon !

Ouf, c'est fini ! On va pouvoir souffler, relever la tĂȘte, regarder autre chose que la ligne d'arrivĂ©e maintenant franchie... Et puis, au bout d'un certain temps, notre travail, l'Ă©cole, va peu Ă  peu revenir dans nos pensĂ©es. Regards dans le rĂ©troviseur : Ça a vraiment bien fonctionnĂ©, cette annĂ©e, avec cette classe, avec ces collĂšgues... Ou bien anticipation de la prochaine « course » : J'ai vraiment envie d'essayer ça, l'annĂ©e prochaine...

Car les vacances, c'est aussi une pause structurante bienvenue, qui aide à distinguer l'essentiel de l'accessoire et à poser les balises de l'année suivante en fonction de l'analyse de l'année terminée. Celle-ci fut marquée d'évÚnements de toutes sortes, heureux ou malheureux, qui ont influé sur notre travail, en particulier les attentats à Paris et à Bruxelles. Il s'agit aujourd'hui de tenter d'intégrer à nos pratiques futures tout ce que les débats qui sont nés de ces moments ont pu apporter, en particulier la préoccupation d'une éducation à la citoyenneté intégrée au quotidien des cours.

Au-delà des quelques balises déjà proposées dans notre revue, notamment dans les numéros 84 et 85 de décembre 2015 et de janvier 2016, voici quelques propositions supplémentaires pour nous aider à intégrer cette préoccupation de l'ouverture à l'autre et de la citoyenneté dans nos cours de français.

Jean KATTUS

1. Et si... pour donner vraiment la parole aux Ă©lĂšv es, je disposais les bancs de la classe autrement ?

La disposition des bancs dans la plupart de nos classes est un hĂ©ritage du temps lointain (?) oĂč les Ă©lĂšves Ă©taient censĂ©s se taire et Ă©couter la docte parole du professeur : pĂ©dagogie de la transmission qui nĂ©cessitait de bons petits soldats, silencieux, obĂ©issants, en rangs (rangĂ©es) et disciplinĂ©s. Etrange paradoxe : aujourd'hui, alors que l'on s'accorde Ă  reconnaitre l'intĂ©rĂȘt pĂ©dagogique et Ă©ducatif de donner la parole Ă  l'enfant, dans son processus d'apprentissage et de socialisation, la plupart d'entre nous, par habitude, conservent une disposition des bancs dans la classe conçue pour empĂȘcher les enfants de communiquer.

... et pourtant... Ă  l'Ă©cole maternelle, les choses commencent bien : la journĂ©e dĂ©bute au coin tapis oĂč, en cercle, les enfants apprennent Ă  parler et Ă  s'Ă©couter : rituel de la date et de la mĂ©tĂ©o, bien sĂ»r, mais surtout Ă©change des nouvelles : Sara, veux-tu dire quelque chose ? Qu'as-tu fait hier soir, Leila ? Et toi, Augustin, tu as aussi regardĂ© le match de foot ? Est-ce que ton papa t'a encore racontĂ© une blague hier, comme la semaine passĂ©e, Louis ? Etc. Et puis, travail en ateliers : regroupĂ©s autour des tables, les enfants manipulent, dessinent, expĂ©rimentent, et ce faisant, apprennent non seulement le français, les maths, la biologie,... mais aussi Ă  s'Ă©couter, Ă  faire valoir leur avis, Ă  nĂ©gocier, Ă  se respecter...

Arrive l'Ă©cole primaire... Aie, aie, aie... c'est souvent dĂ©jĂ  beaucoup moins « communicatif », mĂȘme si de nombreuses classes adoptent des modes d'organisation des tables et des bancs qui permettent de continuer Ă  se parler. Mais Ă  l'Ă©cole secondaire, dans la toute grande majoritĂ© des cas, c'est fini : en classe, on ne parle qu'au professeur (aprĂšs avoir levĂ© la main, mais ça, c'est normal), car les camarades, on ne voit jamais que leur dos ou leur profil...

8

Or, les théoriciens de la communication ont pu montrer que la part la plus significative (estimée à 60%) de la communication, celle qui a le plus de poids, passait par les intonations de la voix (le paraverbal), et les informations véhiculées par le corps (le non-verbal) : le regard, les mimiques, les gestes, la posture, etc.

En fait, si nous voulons, conformément aux programmes, enseigner à nos élÚves à communiquer oralement de façon efficace, nous les mettons face à une injonction paradoxale : « Sois efficace dans ta communication (joue donc efficacement de ton image corporelle), mais ça ne sert à rien de le faire puisque personne ne te voit, sauf moi... »

Comparons deux dispositions des bancs dans une classe de 24 Ă©lĂšves. P = professeur, E = Ă©lĂšve. En vert, les relations potentielles entre les intervenants de la classe, qui permettent Ă  chacun d'utiliser les dimensions verbales et non verbales de la communication.

ïżœ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

1. Disposition traditionnelle en rangées 2. Disposition en U

Tableau Tableau

P

E E E E E E

E E E E E E

E E E E E E

E E E E E E

P

E

E E

E E

E E

E E

E E

E E

E E

E

E E E E E E E E

Porte d'entrée Porte d'entrée

Conclusion : 1 = Pauvreté des échanges 2 = Richesse des échanges

ïżœ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Un petit dessin vaut mieux qu'un long discours, dit la sagesse populaire... Si vous ĂȘtes convaincu(e), dĂ©coupez le dessin ci-dessus et montrez-le Ă  vos collĂšgues. Et si vous n'arrivez pas Ă  un accord, rien ne vous empĂȘche de modifier la disposition de la classe pour votre seul cours ; si vous anticipez et que vous vous organisez bien (en fournissant aux Ă©lĂšves un plan de la disposition finale de la classe, en assignant une tĂąche prĂ©cise Ă  chacun), les consignes que vous donnerez aux Ă©lĂšves seront claires et tout ira trĂšs vite : 2 minutes en dĂ©but de cours, 2 minutes en fin de cours (Ă  partir de la 2e fois, ça ira encore plus vite), pour une qualitĂ© d'Ă©changes pendant 45 minutes : ça vaut la peine, non ? Surtout quand on sait que l'apprentissage de l'oral, c'est « chacun, un peu, souvent ».

9

2. Et si... pour que les Ă©lĂšves prennent plus facil ement la parole, on apprenait Ă  s'Ă©couter tous plus efficacement ?

La classe est maintenant disposée de telle sorte que, comme enseignant, je peux voir tous les élÚves, communiquer facilement avec eux, en me rapprochant sans difficulté si nécessaire. Quant à eux, ils se voient beaucoup mieux et peuvent ainsi aisément entrer en communication les uns avec les autres. Les conditions sont donc réunies pour pouvoir se parler et s'écouter.

Cette approche de la classe considérée comme une communauté au sein de laquelle chacun a le droit de s'exprimer présente de multiples avantages (tant sur le plan de la qualité des apprentissages que sur celui de la formation de citoyens) utiles à rappeler. Entre autres :

ïżœ apprendre mieux et plus, car il est prouvĂ© que la qualitĂ© de rĂ©flexion d'un groupe est supĂ©rieure Ă  celle de chacun de ses membres pris sĂ©parĂ©ment (la sagesse populaire le reconnait, qui affirme qu' « il y a plus dans deux tĂȘtes que dans une. ») Plus et mieux aussi parce que ce qui est exprimĂ© par des pairs atteint parfois mieux sa cible que le seul langage de l'enseignant ;

ïżœ partir des reprĂ©sentations des Ă©lĂšves pour construire des apprentissages solides qui en tiennent compte et les font Ă©voluer ;

ïżœ apprendre le respect mutuel et les rĂšgles de l'Ă©coute : - dans un groupe de travail, chacun a le droit et le devoir de parler ;- c'est « une personne Ă  la fois » ;- c'est le respect de la personne qui s'exprime ;- c'est le droit de marquer son accord ou son dĂ©saccord...

Bien entendu, il s'agit de ne pas tomber dans l'angĂ©lisme en niant les difficultĂ©s : s'Ă©couter et se parler, ce n'est guĂšre facile... Entre autres parce que bien souvent, nous n'avons pas dĂ©veloppĂ© suffisamment nos compĂ©tences d'Ă©coute active (bien Ă©couter, ce n'est jamais une attitude passive). Comme enseignants, il nous faut devenir experts de cette compĂ©tence, pour la mettre en Ɠuvre dans l'animation des groupes qui nous sont confiĂ©s, mais aussi pour l'enseigner de façon explicite aux Ă©lĂšves, afin de les doter d'un outil de rĂ©ussite scolaire et d'intĂ©gration sociale.

Ecouter activement1 son interlocuteur consiste à mettre en place diverses techniques d'écoute qui permettent de s'assurer qu'on a bien compris ce qu'il veut dire, dans le but de véritablement DIALOGUER (du grec « dia » et de « logos » = la parole entre deux personnes, partagée par deux personnes) avec lui.

DĂ©marches de l'Ă©coute active

A. MOBILISER SON ATTENTION / SE DONNER LE PROJET DE COMPRENDRE

Ecouter, ce n'est pas seulement entendre. Écouter suppose une mobilisation de l'attention, une concentration sur la personne que l'on Ă©coute, avec pour projet de comprendre :

1. ce qu'elle dit verbalement : le verbal- les informations- la structuration des informations, leur progression- l'expression linguistique (registre de langue, syntaxe, figures de style...)

2. la façon dont elle le dit : le paraverbal, la voix

1 D'aprĂšs RepĂ©rages 4, Éditions Van In, 2005. Fiche « Écouter activement », p. 187.

10

- le volume général et ses variations- le débit de paroles général et ses variations- l'intonation et ses variations- la gestion des pauses- les accents d'insistance

3. la façon dont elle le dit : le non-verbal, le corps2

- l'occupation de l'espace- le regard- les expressions du visage- les gestes

Il convient d'interpréter ces indices en les mettant en relation de signification les uns avec les autres. Par exemple, un propos qu'on soupçonne empreint d'agressivité (niveau verbal) sera souvent accompagné par une voix plus forte (niveau paraverbal), un regard soutenu et des gestes saccadés soulignant le propos (niveau non verbal).

Si l'on admet qu'ĂȘtre compĂ©tent, c'est mobiliser, en situation, trois types de savoirs (le savoir « savant » - ici la connaissance des trois composantes de la parole - , le savoir-faire et le savoir-ĂȘtre), on comprendra que cette facette de l'Ă©coute, mobiliser son attention, relĂšve essentiellement du savoir-ĂȘtre. Ecouter activement, c'est avant tout une attitude volontariste et altruiste, qui consiste Ă  faire un pas vers l'autre.

B. REFORMULER

Reformuler consiste Ă  redire Ă  son interlocuteur l'essentiel de ce qu'il vient de dire, c'est-Ă -dire Ă  rĂ©exprimer d'une façon diffĂ©rente ce qui vient d'ĂȘtre dit.

C'est indispensable car la langue comporte une grande part d'opacitĂ©. Elle ne permet pas un accĂšs direct Ă  la pensĂ©e de celui qui parle (d'oĂč les malentendus). Un exemple : si l'on vous dit : « J'ai passĂ© deux semaines Ă  la plage pendant les vacances », vous n'avez aucune idĂ©e encore du type de vacances de votre interlocuteur car le mot « plage » est trop gĂ©nĂ©ral... S'agit-il d'une plage de la mer du Nord (auquel cas les activitĂ©s seront sans doute la marche, la construction de chĂąteaux de sable, le ramassage de coquillages et, peut-ĂȘtre, quelques baignades) ou d'une plage mĂ©diterranĂ©enne (bronzette, baignade, bronzette, baignade...) ? Deux types de vacances bien diffĂ©rents.

Reformuler le message de votre interlocuteur en y incluant une partie de votre interprétation (« Tu as passé deux semaines à bronzer, alors ? ») lui permet de préciser sa pensée (« Non, non, pas du tout, c'était à Ostende et il ne faisait pas trÚs chaud, mais les enfants adorent le sable, quel que soit le temps ! »)

Un deuxiÚme outil est aussi à votre disposition pour approfondir votre connaissance de ce qui se trouve dans la « boite noire » de votre interlocuteur : les questions dites « exploratoires ».

C. POSER DES QUESTIONS EXPLORATOIRES

Cela consiste Ă  demander Ă  votre interlocuteur de livrer davantage d'informations ou des informations plus prĂ©cises sur ce qu'il veut communiquer (on est ici au cƓur du travail de maĂŻeutique3 de l'enseignant). En effet, lorsque nous communiquons, nous utilisons des formulations qui rĂ©sument ce que nous pensons. Par Ă©conomie (pour gagner du temps ou parce que nous ne

2 D'oĂč l'importance de pouvoir voir son interlocuteur, en particulier son regard.

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percevons pas l'importance de le dire explicitement), nous omettons de donner toute une série de détails qui, pourtant, sont importants pour que notre interlocuteur nous comprenne en finesse.

Cela entraine bien souvent des difficultĂ©s de communication : notre interlocuteur risque finalement de comprendre quelque chose qui n'a pas grand rapport avec ce que nous voulions vraiment lui transmettre. Poser des questions exploratoires permet d'aller chercher l'information lĂ  oĂč elle se trouve vraiment : chez notre interlocuteur.4

Comment s'y prendre ?

Il convient de repérer la part d'information qui manque ou qui est occultée. Quelques exemples :- les omissions : une part de l'information est purement et simplement manquante dans la phrase :

Je suis fĂąchĂ©. → Contre qui es-tu fĂąchĂ© ? - les mots vagues : on ne sait pas exactement Ă  quoi ils font rĂ©fĂ©rence :

On ne me comprend pas. → Qui ne te comprend pas ?- les nominalisations : les noms qui font rĂ©fĂ©rence Ă  une action et qui la prĂ©sentent comme quelque chose de statique : on ne voit plus l'action qui s'est dĂ©roulĂ©e.

Je regrette ma dĂ©cision. → Comment as-tu pris cette dĂ©cision ? - les gĂ©nĂ©ralisations : des mots comme jamais, toujours, tous, personne, etc. qui empĂȘchent de voir les diffĂ©rences.

Personne ne fait attention Ă  moi . → Personne ?- les rĂšgles internes : des verbes de nĂ©cessitĂ© comme je dois, il faut, je ne peux pas, etc. qui ne prĂ©cisent pas quelles sont les raisons.

Je ne peux pas vous dire ça. → Qu'est-ce qui t'en empĂȘche ?- les liens de cause Ă  effet : une personne A interprĂšte le comportement d'une personne B sans expliquer ce qui provoque cette interprĂ©tation.

Il m'Ă©nerve. → Qu'est-ce qu'il fait pour t'Ă©nerver ?

D. PRENDRE EN COMPTE LA PAROLE DE L'AUTRE

Écouter sert Ă  comprendre l'autre. Encore faut-il intĂ©grer ce que l'on a compris (le point de vue de l'autre, son sentiment, ce Ă  quoi il tient, ...) Ă  ce que l'on pense ou ressent soi-mĂȘme, soit pour le rejeter, soit pour y adhĂ©rer, avec toutes les nuances possibles entre ces deux positions extrĂȘmes.

Écouter amĂšne donc Ă  quitter son point de vue (se dĂ©centrer) pour tĂącher de construire avec l'autre, dans une dĂ©marche volontaire, une position nouvelle, plus riche et plus satisfaisante pour chacun.

3 la maĂŻeutique, en philosophie, dĂ©signe par analogie l'interrogation sur les connaissances ; Socrate — dont la mĂšre Ă©tait sage-femme — parlait de « l’art de faire accoucher les esprits ». De maniĂšre concrĂšte, il posait des questions faussement naĂŻves, Ă©coutait et s'arrangeait pour que l'interlocuteur se rende compte de ses manques de prĂ©cision et de ses contradictions dans ses raisonnements. Les personnes se rendaient ainsi compte que, alors qu'elles croyaient savoir, elles ne savaient pas. Inversement, il amenait Ă©galement ses interlocuteurs Ă  se rendre compte qu'ils possĂ©daient des connaissances en les guidant Ă  travers leur rĂ©flexion.

Wikipedia

4 Lors des visites de stage, je constate rĂ©guliĂšrement la difficultĂ© des stagiaires Ă  poser ces questions exploratoires. Par exemple, si la rĂ©ponse de l'Ă©lĂšve interrogĂ© n'est pas satisfaisante, on ne lui pose pas de seconde question lui permettant de prĂ©ciser sa pensĂ©e. Cela gĂ©nĂšre un sentiment d'Ă©chec chez celui qui a pris le risque de s'exposer au regard des autres, alors qu'il avait peut-ĂȘtre bien raisonnĂ© mais que son expression, par trop imprĂ©cise, ne lui permettait pas de le montrer.

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3. Et si... je nourrissais ma réflexion avec ceux q ui proposent une tout autre école ?

- le manifeste : http://www.toutautrechose.be/toutautreecole

- des ressources : http://www.toutautrechose.be/toutautreecole-ressources

4. Et si... je repensais ma mobilité vers mon lieu de travail, l'école, de façon douce et créative, et amenais mes élÚves à repenser leur pro pre mobilité ?

Depuis quelque temps, il est possible de garer son vĂ©lo juste Ă  cĂŽtĂ© de l'entrĂ©e de plusieurs Ă©coles : un argument de plus en faveur de la VÉLORUTION !

Les difficultés de déplacement poussent aujourd'hui de plus en plus de personnes à repenser leur façon de se déplacer en ville, notamment pour se rendre sur leur lieu de travail. Le vélo représente sans doute une

alternative intéressante à la voiture ; il constitue en tout cas une partie de la solution aux problÚmes croissants de pollution et d'embouteillages, questions Î combien citoyennes puisqu'elles touchent au « vivre ensemble » et à l'avenir commun de nos enfants et petits-enfants. Ci-dessous quelques suggestions de lecture et d'activités à mener en classe.

1. Lire le dessin humoristique ci-dessous et porter un regard critique sur la situation.

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2. Lire un extrait du livre Demain (pp. 30-32)5. RĂ©agir au contenu.

Compléter cette lecture par la vision de l'extrait de film correspondant à la question de la mobilité à Copenhague (le DVD6 est dÚs à présent disponible)..

Else est vraiment super gentille. Elle travaille Ă  la mairie de Copenhague, la capitale du Danemark. Le premier soir, on a tous mangĂ© chez elle. Elle parle français encore mieux que Pablo parce qu'elle a fait ses Ă©tudes en France quand elle Ă©tait plus jeune. Et le lendemain, elle nous a donnĂ© rendez-vous Ă  8 heures pour aller louer des vĂ©los et faire un tour de la ville. Maman n'Ă©tait pas trop rassurĂ©e : elle trouvait que les gens allaient super vite et qu'on n'Ă©tait pas habituĂ©s Ă  faire du vĂ©lo au milieu des voitures. Mais Else a dit qu'ici, les enfants faisaient comme ça et qu'il n'y aurait pas de problĂšme. Avec Pablo, on Ă©tait trop fiers. Quand on est sortis de l'hĂŽtel le lendemain matin, on n'arrivait pas Ă  y croire. Sur le pont juste Ă  cĂŽtĂ©, il y avait un embouteillage de vĂ©los. Tout un tas de gens allaient travailler, sauf que ça ne faisait presque pas de bruit et qu'on ne toussait pas Ă  cause de la fumĂ©e. Et quand on a eu nos vĂ©los, on a compris pourquoi ce n'Ă©tait pas dangereux : il y avait deux routes, une pour les voitures et une autre, juste Ă  cĂŽtĂ© du trottoir, seulement pour les vĂ©los. Et elles Ă©taient presque aussi larges l'une que l'autre ! Au bout de cinq minutes, on Ă©tait tous en file indienne, bien rangĂ©s Ă  droite, et on regardait tous les gens qui fonçaient Ă  cĂŽtĂ© de nous. Certains avaient des espĂšces de carrioles oĂč ils transportaient les petits, d'autres des vĂ©los avec deux selles sur lesquels ils pĂ©dalaient en mĂȘme temps... Else nous a emmenĂ©s faire un grand tour ; on est mĂȘme allĂ©s au bord de la mer voir la Petite SirĂšne (parce que, je ne sais pas si vous ĂȘtes au courant, mais en fait, ça n'est pas du tout Walt Disney qui a inventĂ© cette histoire, c'est un type de lĂ -bas... Andersen). Pendant toute la journĂ©e, on a dĂ» croiser Ă  peine la moitiĂ© des voitures qu'on voit Ă  Paris, c'Ă©tait dingue ! Presque tout le monde a un vĂ©lo. Papa a voulu faire son malin en disant que c'Ă©tait parce que nous Ă©tions en Ă©tĂ© et qu'il faisait chaud (c'est vrai qu'il faisait au moins 15 °C...), mais Else nous a dit que mĂȘme l'hiver et mĂȘme quand il pleut, les gens mettent des blousons, des bonnets ou des vĂȘtements de pluie, et enfourchent leur vĂ©lo. Et puis au bout d'un moment, Ă  force de pĂ©daler, tu as super chaud ! Je lui ai demandĂ© pourquoi tout le monde faisait ça, parce que bon, le vĂ©lo, c'est vrai que c'est sympa une journĂ©e, mais quand mĂȘme, c'est fatigant ; et en voiture on est mieux assis, il n'y a pas Ă  dire. - En ville, tu vas souvent plus vite, comme tu n'as pas besoin de te garer et que tu n'es pas bloquĂ© dans les embouteillages. Ensuite, ça coĂ»te beaucoup moins cher que d'acheter une voiture, de payer l'essence et le parking. Et puis, c'est meilleur pour la santĂ© ! Je ne voyais pas trop quoi rĂ©pondre. Pas de gaz, pas de bruit, moins cher, plus rapide : ça tenait la route... - Les gens ont parfois besoin d'une voiture pour transporter des choses, mais dans ce cas-lĂ  ils prennent un taxi, ils en louent une ou ils la partagent avec des amis. En plus, ici, on peut prendre le train ou le mĂ©tro avec les vĂ©los. Donc on peut aller assez loin sans jamais utiliser de voiture.

5 Cyril DION , MĂ©lanie LAURENT, Vincent MAHÉ, Demain. Les aventures de LĂ©o, Lou et Pablo Ă  la recherche d'un monde meilleur. Actes Sud Junior, 2015.

6 Demain. César du meilleur film documentaire. Cinéart.

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3. Mettre en place quelques-unes de nombreuses activités de lecture-écriture ou d'oralité suggérées dans le manuel Repérages 47. Ces activités sont aisément adaptables au 1er degré.

Exemple : Ă©couter (ou lire) l'interview ci-dessous, et travailler sur

- la situation de communication. Quels sont les indices de l'oralité présents dans la transcription ? Quel type de relation se crée entre l'intervieweur et l'interviewé ? ...

- son contenu. Quels arguments sont avancés ? Peut-on en trouver d'autres en faveur du vélo ? Quels contre-arguments peut-on avancer ? Compare cette interview à la lecture de l'extrait du livre « Demain » : quels arguments sont similaires ?On peut aussi demander aux élÚves d'écrire « dans le blanc du texte » la partie manquante de l'interview.

- sa structure : ouverture, corps, clĂŽture, ...

- sa cohérence : enchainement des questions et des réponses.

- les types de questions posées : leur type, leur forme grammaticale.

- les manifestations de l'Ă©coute active produites par l'intervieweur.

ElĂšve : Bonjour, Monsieur.Cycliste quotidien : Bonjour.Nous sommes trĂšs heureux de vous accueillir aujourd'hui dans notre classe et nous vous remercions d'avoir rĂ©pondu Ă  notre invitation. Comme vous le savez, pour notre cours de français, nous travaillons sur le thĂšme de la mobilitĂ© et nous avons voulu vous rencontrer, puisque vous dites que vous ĂȘtes un cycliste quotidien. Tout d'abord, pouvez-vous nous prĂ©ciser ce que vous entendez par « cycliste quotidien » ?Cela veut simplement dire que je vais au travail Ă  vĂ©lo, que j'utilise mon vĂ©lo comme moyen de transport au quotidien. Vous allez vraiment tous les jours Ă  votre travail Ă  vĂ©lo ? Pas absolument tous les jours, mais au moins 95 % du temps. S'il y a du verglas ou de la neige, je prĂ©fĂšre renoncer. Parfois aussi, mais c'est rare, je suis trop lourdement chargĂ© pour mon vĂ©lo. Je prends alors la voiture, ou le bus. Pour quelles raisons avez-vous choisi le vĂ©lo ? Essentiellement pour Ă©viter le stress des embouteillages et du parking. À vĂ©lo, je sais quand je pars et je sais quand j'arrive, et je ne dois pas tourner en rond dans les rues prĂšs de mon travail en attendant qu'une place se libĂšre. En fait, je gagne du temps sur le trajet.Le vĂ©lo est donc plus rapide que la voiture ? Pour quelqu'un qui habite et qui travaille en ville, comme moi, c'est certain.Voyez-vous d'autres avantages au vĂ©lo ? Oh oui, il y en a beaucoup ! En revenant du boulot, je peux m'arrĂȘter oĂč je veux pour faire des courses, par exemple : pas besoin de trouver ou de payer une place de parking. C'est une grande libertĂ©. Et puis, ça me

permet de faire un peu de sport, gratuitement : pas besoin de ressortir pour un jogging ou pour aller dans une salle de sport.Mais c'est dangereux, non ?Oui, et non. C'est clair qu'il faut ĂȘtre prudent, et trĂšs attentif. Le vĂ©lo, c'est plus du pilotage que de la conduite : il faut constamment anticiper les rĂ©actions des autres usagers : les piĂ©tons qui traversent sans regarder, les conducteurs qui ouvrent leur portiĂšre... Ceci dit, je n'ai jamais eu de problĂšme. Et puis, je choisis mes itinĂ©raires : j'Ă©vite les grands axes oĂč les gens roulent comme des fous. Ça permet de redĂ©couvrir de petites rues souvent bien jolies... un autre avantage du vĂ©lo. Et la pluie ? En Belgique, vous devez souvent arriver trempĂ©...Eh non ! C'est un miracle, mais non... Peut-ĂȘtre que les gouttes s'Ă©cartent pour laisser passer les cyclistes ? Non, plus sĂ©rieusement, les journĂ©es oĂč il pleut sans discontinuer sont rares : on peut donc faire ses trajets au sec, mĂȘme si tout le monde vous dit qu'il n'a pas arrĂȘtĂ© de pleuvoir. Et puis, si on est mouillĂ©, on devient philosophe... et on s'organise pour se changer en arrivant : j'ai toujours une serviette, un pantalon sec, des chaussures et des chaussettes de rechange qui m'attendent. Un petit peu d'eau n'a jamais fait de mal Ă  personne !(...)... il faudrait sans doute faire, comme le dit cette belle expression que j'ai trouvĂ©e dans un livre, la « vĂ©lorution » !C'est une expression amusante. Mais ce sera sans doute le mot de la fin puisqu'il ne nous reste plus que deux minutes avant le changement de cours. Un tout grand merci en tout cas d'avoir rĂ©pondu Ă  toutes nos

7 Repérages 4, Editions Van In, 2005. (projet n°5 « Nous rencontrons des témoins de notre temps », centré sur la mobilité.

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questions. C'était vraiment intéressant, et je crois que ça nous a bien aidés à voir les choses d'un autre point de vue.

Vous m'en voyez ravi. Je vous souhaite une bonne continuation dans votre rĂ©flexion sur la mobilitĂ©.Merci beaucoup. À bientĂŽt.

4. Voici un article sur l'utilisation quotidienne du vélo, intitulé « Il ne pleut pas tant que ça... ». Tu disposes de 3 documents :

a) une reproduction de l'article dans sa totalité,

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b) le graphique,

c) le texte de l'article, qui constitue la légende du graphique, dont le texte a été masqué.

À toi d'imaginer son contenu, en fonction de ces trois Ă©lĂ©ments et de ce que tu connais du sujet, et de tenter de l'Ă©crire.

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Ce que le journaliste a Ă©crit (article extrait de Bodytalk n° 106 – Mai 2016) :

5. Lisez ce tableau de Fernand Léger, Les loisirs sur fond rouge, de 1949. Que voyez-vous ? Qu'interprétez-vous ? Comment mettez-vous la thématique de ce tableau en relation avec ce que vous en connaissez, notamment à travers la lecture des textes qui précÚdent ?

6. Imaginez votre nouvelle mobilité : comment allez-vous conjuguer voiture/train/bus/vélo ?

5. Et si ... je lisais avec mes élÚves des albums q ui parlent de citoyenneté ?

Dans le cadre de leur unité d'enseignement intitulée « Former des citoyens », les étudiant(e)s du bac 2 ont été amenés à construire des séquences d'apprentissage basées sur la lecture d'albums de jeunesse. Si certains de ceux-ci sont destinés au départ à des enfants et pas à des adolescents, ils n'en abordent pas moins avec finesse de multiples aspects du vivre ensemble. Moyennant quelques précautions dans la façon de les présenter aux élÚves, ils se révéleront d'excellents supports pour développer les compétences de lecture (notamment la formulation d'inférences, l'interprétation et l'appréciation de l'ouvrage) et d'analyse des caractéristiques du genre, en particulier bien sûr la relation texte-image8.

8 Voir la rubrique Album[s] de cette revue (à partir du numéro 71)

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http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/5181-les-interdits-des-petits-et-des-grandshttp://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/40766-different http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/40793-les-migrants http://www.ricochet-jeunes.org/nouveautes/livre/55971-avec-trois-brins-de-laine http://www.svdl.fr/svdl/index.php?post/2016/03/25/Buffalo-Belle http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/5376-l-agneau-qui-ne-voulait-pas-etre-un-mouton http://que-lire.over-blog.com/2015/12/demain-de-cyril-dion-et-melanie-laurent.html http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/4845-et-puis-on-est-partis-un-emigrant-racontehttp://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/35353-loin-de-mon-pays http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/48807-le-vilain-petit-canard

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6. Et si... j'emmenais mes élÚves au théùtre ?

De trÚs nombreux théùtres liégeois, petites ou grandes scÚnes, proposent de multiples spectacles de qualité accessibles aux jeunes : quelle chance de pouvoir leur faire découvrir et gouter les arts de la scÚne tout en les initiant à la lecture du langage théùtral !

Parmi ces lieux, le Théùtre de LiÚge apporte son aide aux enseignants en les guidant, grùce à son fascicule « programmation scolaire », à travers une riche sélection de spectacles destinés aux jeunes.

L'équipe pédagogique du Théùtre de LiÚge propose aussi, notamment :

Autre lieu, le Renc'Art : http://lerencart.wix.com/lerencart#!scolaires/c1e9c

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7. Et si... j'emmenais mes élÚves au cinéma ?

8. Et si... j'emmenais mes élÚves au musée ?

Plusieurs activités de français en relation avec la visite d'un musée sont suggérées dans les numéros 39, 40, 56 et 57 de cette revue.

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9. Et si... je découvrais de nouvelles lectures de qualité à proposer aux élÚves ?

ïżœ Prix Forum

Le Ligueur n°13, 22 juin 2016

ïżœ Prix Farniente : Les laurĂ©ats de la sĂ©lection 2016 et les sĂ©lections 13+ et 15+ pour 2017 :

http://www.prixfarniente.be/

ïżœ Les incontournables : consultez dĂšs Ă  prĂ©sent la sĂ©lection des incontournables 2012-2014 et retrouvez, dĂšs septembre, la nouvelle sĂ©lection des Incontournables 2014-2016

http://www.litteraturedejeunesse.cfwb.be/index.php?id=11094

ïżœ Le site cfwb de la littĂ©rature de jeunesse

http://www.litteraturedejeunesse.be/

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ïżœ L'opĂ©ration « DĂ©couverte » de l'Ecole des loisirs

Des pistes pédagogiques sont disponibles sur le site http://www.ecoledesmax.com/tousleslivres.php pour les titres suivants :

Holden mon frĂšre, Le journal d'Aurore, TempĂȘte au haras, La bobine d'Alfred, Bjorn le Morphir, Simple, MaĂŻtĂ© coiffure, 3000 façons de dire je t'aime, Le tueur Ă  la cravate, Mon petit cƓur imbĂ©cile, Itawapa, L'attrape-rĂȘves, Be safe, Maestro !, Nanouk et moi, Un sari couleur de boue, Dracula, Michel Strogoff, Une bouteille dans la mer de Gaza.

10. Et si... j'accueillais un auteur en classe ?

Accueillir un Ă©crivain en classe constitue un moment fort du programme de lecture d'une annĂ©e scolaire. Ce projet prĂ©sente de multiples avantages en termes de motivation des Ă©lĂšves et d'apprentissage de ce que sont la littĂ©rature, l'Ă©criture et la lecture. Or, l'opĂ©ration Ecrivains en classe vous permet d'inviter trĂšs facilement un poĂšte, un romancier ou un auteur de thĂ©Ăątre dans votre classe via l'adresse [email protected]. AprĂšs accord, le Service gĂ©nĂ©ral des Lettres et du Livre prend en charge le dĂ©fraiement de l’invitĂ© et ses frais de dĂ©placement.

Accueil de Nicolas Ancion à HELMo Sainte-Croix – Avril 2016

Plusieurs articles de la revue ont été consacrés à l'accueil d'écrivains en classe : consultez les numéros 3, 13, 19, 24, 35, 41, 56, 68, 75, 78 et 90.

11. Et si... on se remerciait, au terme de cette an née scolaire?

Merci aux étudiant(e)s qui se sont investi(e)s, qui ont posé des questions et se sont posé des questions,

qui ont fait preuve de motivation et qui nous ont donné le gout d'enseigner...

Merci aux maitres de stage qui ont soutenu les stagiaires et se sont engagés dans la formation de ceux-ci.

Merci aux collÚgues qui nous ont apporté leur expertise, qui ont partagé leurs expériences et leurs découvertes.

Merci à tous ceux qui nous ont livré leurs commentaires et qui nous ont encouragés : c'est précieux !

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Il y a quelques annĂ©es, j'ai eu l'occasion de lire une phrase simple, mais pleine de sens, qui Ă©tait inscrite sur un panneau signalĂ©tique dans une bibliothĂšque de manuscrits au milieu d'une oasis perdue du Sahara : « La connaissance est une richesse qu'on peut donner sans s'appauvrir. » Seul le savoir peut perturber la logique dominante du profit en Ă©tant partagĂ© sans appauvrir, et en enrichissant mĂȘme Ă  la fois celui qui le transmet et celui qui le reçoit.

Nuccio ORDINE, L'utilité de l'inutile. Fayard, 2016.

Pour conclure...

« ferme les yeux, Rosemonde »9

Ce qui me tourmentait, c'était que le monde se mettait à ressembler à ces jeunes femmes trop faciles qu'il ne vaut plus la peine de conquérir. « Maman, écrivait déjà Paul Morand, puis-je aller aux Indes ? - Vas-y, mon petit, répondait la mÚre, mais n'oublie pas ton goûter. »

Les voyages ont longtemps constituĂ© une aventure solitaire, malcommode et dĂ©licieuse. Avec le progrĂšs foudroyant des transports, ils sont devenus une corvĂ©e collective et confortable. Ils tendent Ă  se rapprocher de la dĂ©finition de CĂ©line : « Un petit vertige pour couillons. » Au point que le meilleur du voyage est dĂ©sormais, d'un cĂŽtĂ©, dans le projet et, de l'autre, dans le souvenir. Entre les deux, une routine de masse. Et une nouvelle servitude volontaire. Peut-ĂȘtre faudra-t-il finir, selon le vƓu de Baudelaire, par nous contenter du projet, sans plus jamais chercher Ă  le rĂ©aliser ? Depuis toujours, le projet est aussi beau – et parfois plus beau encore – que la rĂ©alitĂ©. C'est vrai pour l'amour, c'est souvent vrai, hĂ©las ! pour la littĂ©rature. Et c'est vrai pour les voyages.

Pour l'enfant amoureux de cartes et d'estampes,L'univers est égal à son vaste appétit.Ah, que le monde est grand à la lueur des lampes !Aux yeux du souvenir, que le monde est petit !

Sur mes ßles lointaines, dans la nuit des tropiques, des formules un peu mélancoliques me revenaient à l'esprit. Chateaubriand : « L'homme n'a pas besoin de voyager pour s'agrandir ; il porte en lui l'immensité. » Ou Lévi-Strauss : « Je hais les voyages et les explorateurs. »

Je me surprenais Ă  penser que les voyages Ă©taient le type mĂȘme de ce divertissement que condamnait Pascal. Les plus beaux voyages, c'Ă©taient les livres. Non pas les films ni les terribles photographies qui imposaient dĂ©jĂ  leurs paysages et leur redoutable pittoresque Ă  ceux qui les regardaient. Mais les livres, qui laissaient libre cours Ă  l'imagination et au rĂȘve. Ils nous arrachaient Ă  nous-mĂȘmes, et ils nous y renvoyaient.

9 « Veux-tu découvrir le monde ? Ferme les yeux, Rosemonde. » GIRAUDOUX.

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Je me mettais lentement Ă  comprendre que le spectacle du monde Ă©tait une merveille qu'il y avait avantage Ă  conjuguer au futur ou au passĂ©. Mieux encore : Ă  ce temps de vertige et de magie qu'est le futur antĂ©rieur. J'aurai vu les Andes, la Grande BarriĂšre de corail, la bibliothĂšque de Celsius Ă  ÉphĂšse, le temple de Shiva Ă  Madurai, la maison Bardey Ă  Aden oĂč Ă©tait passĂ© Rimbaud, le temple de Philae Ă  Assouan. J'en avais rĂȘvĂ©. Je les aurai vus. Il faut rester dans sa chambre. Et cultiver son jardin. C'est lĂ  que poussent les fleurs de l'imagination.

La littĂ©rature, c'est une affaire entendue, est du chagrin dominĂ© par la grammaire. Il est permis de soutenir qu'elle raconte le plus souvent des tempĂȘtes dont elle se souvient dans le calme. Elle se confond aussi avec un dĂ©sir transformĂ© en imagination, avec un manque changĂ© en rĂȘve.

Veux-tu connaĂźtre le monde ?Ferme les yeux, Rosemonde.

Jean D'ORMESSON, Qu'ai-je donc fait. Pocket, 2008.

Marc CHAGALL , Bella et Ida à Peïra-Cava. Actuellement à l'exposition « En plein air » au Musée de la Boverie.

Excellentes vacances !

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