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UNIVERSITE DE POITIERS Faculté de médecine et de pharmacie Ecole d’orthophonie Année 2009-2010 Mémoire N° 2010, 3 MEMOIRE en vue de l’obtention du certificat de capacité d’orthophonie présenté par Géraldine BOUAUD DYSCALCULIE, HABILETES ARITHMETIQUES ET INHIBITION Directeurs du mémoire : Monsieur Michel HABIB, neurologue Madame Céline COMMERAIS, orthophoniste Membres du jury : Madame Nicole CATHELINE, pédopsychiatre Monsieur Alain POUHET, médecin de rééducation Monsieur Rémy PERDRISOT, professeur de biophysique

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  • UNIVERSITE DE POITIERS Faculté de médecine et de pharmacie

    Ecole d’orthophonie

    Année 2009-2010 Mémoire N° 2010, 3

    MEMOIRE en vue de l’obtention du certificat de capacité d’orthophonie

    présenté par

    Géraldine BOUAUD

    DYSCALCULIE, HABILETES ARITHMETIQUES

    ET INHIBITION

    Directeurs du mémoire : Monsieur Michel HABIB, neurologue Madame Céline COMMERAIS, orthophoniste

    Membres du jury : Madame Nicole CATHELINE, pédopsychiatre

    Monsieur Alain POUHET, médecin de rééducation Monsieur Rémy PERDRISOT, professeur de biophysique

  • Remerciements

    Je remercie Monsieur Michel HABIB, neurologue, et Madame Céline COMMEIRAS,

    orthophoniste, pour leur accueil, leur aide, leur soutien et leur confiance,

    Charlotte ROSEAU et Elsa DAURES, orthophonistes, qui se sont relayées pour m'accueillir en

    stage SESSAD, et m'ont encouragée et soutenue dans mon projet de mémoire,

    Madame Séverine LEENARDT et Madame Geneviève CHOUX, pour avoir accepté que je « teste »

    leurs petites patientes,

    Je remercie également Monsieur Roger GIL grâce à qui notre école existe,

    Mademoiselle Léonie LEMBEGE et Monsieur Gabriel BARRIERE pour nous avoir supportées

    dans tous les sens du terme pendant quatre ans (au moins).

    Merci à Guillaume pour la métacognition,

    Erwan pour les statistiques,

    Mélissa pour les cours d'informatique,

    Martine et Samuel pour les nombreuses et nécessaires relectures et corrections.

    Mes parents,

    Elisabeth, Jean-Charles et Emmanuelle,

    Mathilde et les dix du dernier rang,

    Thomas, Juliette, Charlotte, Etienne, Antoine et Joseph, pour leur soutien et leur amour.

    Merci à tous les enfants très patients qui m'ont permis cette étude,

    Ma gratitude envers toutes les personnes avec qui je me suis entretenue et par qui, de fil en aiguille,

    j’en suis arrivée là.

    Merci aux membres du jury, Madame Nicole CATHELINE, Monsieur Alain POUHET et Monsieur

    Rémy PERDRISOT, pour l'attention qu'ils auront portée à mon mémoire...

    Enfin, une pensée pour Antonio.

  • Sommaire

    Page

    Introduction 1

    Partie 1 – Partie théorique

    1 - Compétences numériques et dyscalculie 4

    1.1 - Développement numérique de l'enfant 4

    1.1.1 - La théorie piagétienne 4

    1.1.2 - Compétences numériques précoces 4

    1.1.3 - Comptage et dénombrement 5

    1.2 - Compréhension du système numérique 6

    1.2.1 - Lien entre nombre et langage 6

    1.2.2 - Fractions et décimales 8

    1.3 - Outils arithmétiques 9

    1.3.1 - Opérations simples 9

    1.3.2 - Résolution de problèmes arithmétiques 10

    1.3.3 - Schéma et modèle mental 11

    1.4. - A l'école 12

    1.5 - La dyscalculie, les dyscalculies ? 12

    1.5.1 - Définition 13

    1.5.2 - Comorbidité 14

    1.5.3 - Neurologie 16

    1.5.4 - Génétique 16

    1.5.5 - Prévalence 17

    1.6 - Les différentes classifications de la dyscalculie 18

    1.6.1 - Classifications neuropsychologiques 18

    1.6.2 - Classifications anatomo-fonctionnelles 19

    1.6.3 - Classifications cognitives 19

    1.7 - Nature, cause et évolution des troubles 21

    1.7.1 - Manifestations 21

    1.7.2 - Facteurs causaux 23

    1.7.3 - Évolution du trouble 26

  • Page

    2 - Inhibition 27

    2.1 - Définitions 27

    2.1.1 - L'inhibition 27

    2.1.2 - Inhibition, résistance aux interférences 27

    2.1.3 - Negative priming 28

    2.1.4 - Episodic Retrieval 28

    2.2 - D'un domaine cognitif de base à un domaine plus spécifique 29

    2.2.1 - Inhibition et développement cognitif 29

    2.2.2 - D'un domaine général au trouble spécifique 29

    2.2.3 - Dyscalculie et attention 30

    2.3 - Inhibition et dyscalculie 32

    2.3.1 - Rôle de l'inhibition dans la dyscalculie 32

    2.3.2 - Récupération en mémoire 33

    2.3.4 - Imagerie et localisation 33

    2.4 - Épreuves testant l'inhibition 34

    3 - Problématique et hypothèses 36

    Partie 2 - Partie expérimentale

    1 - Présentation du sujet et choix de la population d'étude 39

    1.1 - Présentation du sujet 39

    1.2 - Population d'étude 40

    2 - Procédure 41

    3 - Présentation des outils d'évaluation 41

    3.1 - Évaluation des habiletés numériques 41

    3.2 - Évaluation des fonctions d'inhibition, de planification et d'attention visuelle et auditive 44

    4 - Procédure d'analyse 46

    4.1 - Recueil et construction de données 46

    4.2 - Analyse des données, méthode 47

  • Page

    5 - Recueil, présentation et analyse des résultats 47

    5.1 - Rappel des épreuves 47

    5.1.1 - ZAREKI-R 47

    5.1.2 - NEPSY 48

    5.2 - Présentation des résultats 48

    5.2.1 - Scores obtenus au ZAREKI-R 48

    5.2.2 - Notes obtenues à la NEPSY 49

    5.3 - Analyse des données 51

    5.3.1 - Test statistique 51

    5.3.2 - Rangs percentiles 54

    6 - Discussion des résultats 58

    Conclusion 64

    Bibliographie 65

    Annexes

  • - 1 -

    Introduction

    Trouble du traitement des chiffres et du calcul, la dyscalculie est diagnostiquée lorsque les

    performances en mathématiques de l'enfant sont inférieures au niveau attendu pour son âge, son

    niveau scolaire et son intelligence.

    Ce trouble s'observe dans la durée - et de façon dynamique - puisque par définition l'enfant grandit

    et évolue.

    La définition de la dyscalculie n'est pas acquise. Elle n'a pas fini de provoquer le débat. En effet, on

    peut décrire plusieurs dyscalculies parce qu'on observe différentes manifestations et différentes

    causes de celle-ci.

    De plus, des dyscalculies d'origines différentes peuvent se manifester de la même façon, ou

    l'inverse.

    D'un point de vue neuro-anatomique, des zones précises du cortex ont pu être identifiées comme

    étant directement reliées aux diverses habiletés arithmétiques plus ou moins innées, faisant plus ou

    moins appel au symbolique (verbal).

    S'opposent également deux points de vue : l'un qui associe à un trouble spécifique une cause voire

    une lésion spécifique ; l'autre qui voit à l'origine de ce trouble spécifique plusieurs causes, à

    plusieurs niveaux, affectant des domaines plus ou moins généraux.

    C'est cette dernière convention que j'ai retenue en voulant étudier le lien que pouvaient avoir entre

    eux l'inhibition et les troubles d'apprentissage en mathématique.

    Plus que la dyscalculie encore difficile à définir, ce sont les habiletés en arithmétique dans les

    différents domaines qui ont prévalu dans cette étude et leur lien avec l'inhibition.

    L'inhibition est une fonction exécutive qui empêche voire bloque une réponse automatique, une

    routine motrice ou cognitive, non pertinente dans le contexte pour la tâche demandée.

    La mémoire de travail, l'attention, le traitement visuo-spatial, la planification ont été déjà mis en

    cause dans la dyscalculie. L'étude de l'inhibition émerge depuis peu.

  • - 2 -

    Le cerveau présente une plasticité remarquable, encore plus chez l'enfant. En connaître toujours

    davantage sur les mécanismes qui sous-tendent une fonction ou une habileté a pour but de mieux

    cibler la remédiation.

    Les objectifs de mon étude sont de mettre en évidence un lien causal entre les performances en

    inhibition et les habiletés arithmétiques, montrer que de faibles scores dans certains domaines

    numériques (comptage à rebours, calcul mental, subitizing, répétition de chiffres, résolution de

    problèmes arithmétiques) sont corrélés avec de faibles performances dans les épreuves d'inhibition.

    Voire même comparer l'inhibition, l'attention visuelle, l'attention auditive et la planification dans le

    lien que peuvent avoir ces fonctions avec les habiletés numériques et donc la dyscalculie.

    Il a d'abord fallu dresser un inventaire sans doute non exhaustif des articles et recherches menées

    concernant la dyscalculie - ou plutôt les dyscalculies - et l'inhibition.

    Si mes recherches bibliographiques sur la dyscalculie m'ont servi à tenter de mieux définir les

    contours de celles-ci, elles m'auront surtout permis de déduire les différents aspects composant le

    domaine numérique.

    Ensuite j'ai évalué chez une population d'enfants diagnostiqués comme étant dyscalculiques, ou

    rencontrant des difficultés notables dans un ou plusieurs domaines numériques (bien que la note

    globale ne se situe pas en-deçà du seuil pathologique) d'une part les compétences numériques, et

    d'autre part les fonctions exécutives citées plus haut, afin de mettre face à face les scores des

    domaines étudiés et tenter de répondre à mes hypothèses.

  • - 3 -

    Partie 1 – Partie théorique

  • - 4 -

    1 - Compétences numériques et dyscalculie

    1.1 - Développement numérique de l'enfant

    Parlons d'abord des compétences numériques précoces et attendues chez l’enfant. Elles seraient

    préverbales. Il y aurait donc un sens inné du nombre.

    1.1.1 - La théorie piagétienne

    PIAGET (1941, 1959), théoricien de l'« épistémologie génétique », a mis en évidence une

    intelligence préverbale chez le bébé. Il a montré la primauté de la compréhension du nombre en soi

    sur les simples habiletés arithmétiques que l’on peut observer. Il a en quelque sorte différencié les

    capacités des performances.

    PIAGET a étudié la genèse du nombre, des habiletés numériques : il voulait montrer par là que la

    notion de nombre est indépendante du langage. C’est l’action intériorisée qui, en devenant

    réversible au stade opérationnel, permet l’accès au concept de nombre.

    Pour lui, le nombre n’est intelligible que dans la mesure où il reste identique quelle que soit la

    disposition des unités qui le composent.

    Les tâches de conservation valident donc l’acquisition ou pas de ce stade, celui de la pensée

    opératoire et logique.

    Depuis cette théorie, bien que novatrice et ouvrant au-delà de la simple constatation des habiletés,

    d'autres observations et analyses contradictoires ont été faites, notamment la critique de la tâche de

    conservation (FAYOL, 1990) qui ne relèverait pas de la logique opératoire, base essentielle à

    l’acquisition du sens du nombre selon PIAGET.

    En effet, dès la maternelle et bien avant les apprentissages scolaires, l’enfant - pourtant loin du stade

    opératoire concret (sept ans) - montre des habiletés dans le comptage, le dénombrement et même

    dans la résolution de problèmes additifs simples (SIEGLER, 1996).

    1.1.2. Compétences numériques précoces

    La discrimination de numérosité

    Elle a été explorée pour la première fois par STARKEY et COOPER (1980) qui la pensaient

    présente chez le nourrisson dès quatre mois. Ils détectent un changement (plus / moins) visuel

    (objets, jetons) de 2 à 3 et de 3 à 2 mais à rapport égal. Quand les quantités sont plus importantes

  • - 5 -

    (4/6), la discrimination ne se fait plus. En revanche, quand le rapport est plus grand (moitié ou

    double), le bébé de six mois peut gérer de grandes quantités (18/36).

    Ces représentations numériques se feraient sur deux modalités, visuelle et auditive (BIJELAC-

    BABIC et coll., 1993) et sur un mode de présentation simultané ou séquentiel (CANFIELD et

    SMITH, 1996 ; WYNN, 1996 ; SHARON et WYNN, 1998).

    Il y aurait également une intermodalité dans la discrimination des quantités. Les éléments peuvent

    ainsi être disposés indifféremment dans l’espace et on n’a pas besoin d’avoir une présentation

    homogène pour prouver cette compétence lors des expériences.

    La compréhension des relations quantitatives

    Elle apparaîtrait autour de l’âge d'un an, la perfection étant à son comble dès deux ans et demi

    (conditionnement opérant). Dire "le plus" serait plus facile que donner "le moins". La technique

    d’habituation met en évidence que dès dix / douze mois, l’enfant sait distinguer une relation

    d’inégalité d’une relation équivalente. Selon COOPER (1984), cette sensibilité naîtrait avec les

    premières interactions.

    Quant à elles, les capacités arithmétiques partagent les penseurs. Selon WYNN (1992, 2004), le

    nourrisson de neuf mois peut calculer des petites additions et des soustractions, évaluer le caractère

    réaliste ou non des quantités supérieures à 5 (Mc CRINK et WYNN, 2004) mais les données sont

    fragiles et le protocole expérimental semble ne pas avoir convaincu.

    Il a été montré récemment que les performances numériques des enfants étaient influencées par

    d’autres éléments non numériques.

    On peut se poser aussi la question du caractère numérique ou pas des représentations numériques

    (WYNN, 1998). Dès le départ, elles seraient numériques, discrètes - système inné - ou

    succèderaient à un système traitant d’abord des quantités continues (principe de l’accumulateur).

    1.1.3 - Comptage et dénombrement

    Acquisition de la chaîne verbale

    Il s’agit d’un système verbal dans lequel s’articulent un nom (pour une cardinalité) et une syntaxe

    (règles combinatoires). La combinaison est additive (103, c'est 100 + 3 ) et / ou multiplicative (300,

    c'est 3 x 100, et 302 c'est [3 x 100] + 2) (POWER et LONGUET-HIGGINS, 1978).

  • - 6 -

    Dès deux ans, l’enfant commence à acquérir la chaîne numérique verbale orale (FUSON et coll.,

    1982). Elle est d’abord stable et conventionnelle (elle s'accroît surtout à partir de quatre ans), stable

    et non conventionnelle (jusqu'au CE1) surtout pour les nombres compris entre 10 et 19 - qui sont

    illogiques et difficiles à apprendre - puis ni stable ni conventionnelle, changeant d’un essai à l'autre

    car elle demande un travail de mémorisation. Cela correspond à un apprentissage mécanique et

    sériel car le système verbal occidental comporte de nombreuses irrégularités et un lexique

    important.

    Les processus de quantification

    On en distingue trois :

    - L’estimation est vague, elle donne avec approximation la taille d’un ensemble ;

    - Le subitizing, ou subitisation - sans passer par le dénombrement - quantifie de façon précise mais

    n’est efficace que jusqu’à 4 objets chez l’adulte et l'enfant compétent ;

    - Le dénombrement est précis, et ne dépend pas de la taille des collections, même si celle-ci influe

    sur la vitesse de traitement. Il implique (BECKWITH et RESTLE, 1966 ; POTTER et LEVY, 1968)

    de coordonner à la fois l’énonciation (oralement ou mentalement) et le pointage (avec les yeux ou le

    doigt).

    On ne sait pas vraiment encore si ces processus sont innés ou acquis par imitation. Selon GELMAN

    et GALLISTEL (1978), GELMAN et MECK (1983), les habiletés de comptage sont innées. C’est la

    théorie des "principes-en-premier". Il existe cinq principes : la correspondance terme à terme,

    l’ordre stable, la cardinalité, l’abstraction et la non-pertinence de l’ordre.

    Le dénombrement serait un pré-requis dans l’acquisition des habiletés numériques ("sens" du

    nombre, activités numériques). GEARY, BOW-THOMAS et YAO (1992) ont montré des

    difficultés en mathématique chez les enfants de sept ans ayant des difficultés dans l’acquisition du

    dénombrement.

    1.2 - Compréhension du système numérique

    1.2.1 - Lien entre nombre et langage

    Nous avons vu que, lors du développement des habiletés arithmétiques, les premières stratégies

    évoluent. D'autres apparaissent allant du verbal, du gestuel à la récupération en mémoire à long

  • - 7 -

    terme des données numériques. Le langage a donc un rôle important dans les compétences

    arithmétiques.

    Alors que l’on affirmait plus haut une compétence préverbale dans l’appréhension des quantités,

    BUTTERWORTH (1999) met en évidence la dissociation langage-nombre : lorsqu'un des deux est

    touché, l’autre peut fonctionner normalement et indépendamment.

    DEHAENE et COHEN (2000) confirment cette indépendance. S’il est nécessaire, le langage n’est

    pas indispensable voire suffisant au traitement arithmétique.

    Mc CLOSKEY (1992) parle d’une représentation a-modale du nombre, alors que BRYSBAERT et

    coll. (1998) voient le langage comme étant la représentation majeure du nombre.

    La cardinalité pose deux questions (FAYOL, 2002) :

    - le caractère abstrait du codage de l’accroissement des quantités par les dénominations (ENGLISH

    et HALFORD, 1995) : l’accroissement des quantités est marqué par une dénomination

    conventionnelle.

    - le caractère catégoriel de l’emploi des termes du lexique des nombres (MIX, 1999) : MILLES et

    PAREDES (1996) l’ont montré avec la difficulté presque universelle qu’ont les enfants à assimiler

    les dix premiers nombres.

    De même, quand le système numérique verbal est régulier, en Chine ou au Japon par exemple

    (37 se dirait "trois dix sept"), les performances de l’enfant sont meilleures (WANG et LIN, 2005),

    et ce avant tout enseignement académique.

    Ce serait l’apprentissage par cœur - rendu nécessaire dans les pays occidentaux notamment - et les

    irrégularités de construction qui retarderaient l’acquisition des premiers cardinaux.

    Lors du transcodage verbal / arabe, la notation positionnelle semble poser problème.

    De plus la base 10 est faiblement transparente. Le lexique est pauvre (10 chiffres) et recourt au

    système positionnel, c'est à dire que le nombre se lit en fonction de la place des chiffres les uns par

    rapport aux autres (de gauche à droite, une colonne imaginaire pour l'unité, une pour la dizaine, une

    pour la centaine et ainsi de suite).

    Les opérations simples (additions, soustractions) se résolvent de façon procédurale ou en recourant

    aux faits numériques. Or la résolution de ces opérations est facilitée (HOX et FUSON, 1998) ou

    grevée (LEVIN et coll. 1992) par la structure de la dénomination.

  • - 8 -

    Par définition, le fait arithmétique ne fait pas appel au calcul. Sa récupération est-elle dépendante du

    canal ou indépendante (Mc CLOSKEY, 1992) ?

    DEHAENE et COHEN (2000) posent que les tables de multiplication et certaines additions sont

    stockées sous forme verbale.

    L’étude de l’empan (nombre maximal d'items que l'on peut maintenir en mémoire à court terme) de

    chiffres - donc de la mémoire de travail - et l’influence de la forme des mots-nombres sur celui-ci,

    par la vitesse de prononciation (ELLIS, 1991) montre que le langage a un effet sur la représentation

    et le traitement du nombre (CAMPBELL, 1994).

    1.2.2 - Fractions et décimales

    Fractions

    Assez tôt, l’enfant disposerait d’une représentation simple des fractions (MIX et coll., 1999 ;

    GALLISTEL et GELMAN, 1992). Le partage du gâteau en parts y est peut-être pour quelque

    chose !

    Pourtant, l’apprentissage des fractions demeure difficile pour beaucoup d’enfants (CLEMENTS et

    DEL CAMPO, 1990).

    Et c’est là que le partage du gâteau, comme exemple des façons d’appréhender la fraction, peut ne

    pas aider puisqu’il ne permet de concevoir celle-ci que comme un objet - la partie d’un tout - alors

    qu’elle est aussi un nombre (WATSON et coll., 1999).

    L’opération sur les fractions est donc difficile à concevoir.

    Pourtant, STREEFLAND (1957) montre que c’est en passant par la représentation concrète de la

    fraction que l’enfant va pouvoir ensuite en construire le concept.

    Décimales

    Ce concept présenterait trois difficultés selon BROUSSEAU (1983) :

    - origine ontogénétique, lors du développement de l’enfant ;

    - origine didactique, selon les moyens pédagogiques disponibles et mis à disposition ;

    - origine épistémologique, inhérent à l’histoire du concept (codes arbitraires).

    Le décimal est trop souvent séparé de la fraction, ce qui rend difficile la comparaison entre

    décimaux (8,35 plus grand que 8,275 !), et les équivalences de mesures (1,673 kilogrammes = 1673

    grammes).

  • - 9 -

    1.3 - Outils arithmétiques

    Les outils arithmétiques correspondent aux stratégies utilisées afin de résoudre un problème.

    Le petit d’homme assimile de façon intuitive les transformations de quantités (ajouts, retraits) que

    WYNN (1992) compare aux additions et soustractions.

    À l’aide du comptage et du dénombrement qu’il maîtrise, l’enfant de cinq ans (alors qu’il n’a pas

    encore appris le calcul ni appréhendé vraiment le nombre à l’école) peut manipuler celui-ci quand il

    est à un chiffre et comprendre les ajouts / retraits (SIEGLER et JENKINS, 1989).

    SAXE (1982) a montré aussi des différences interindividuelles liées à la culture d’une part et au

    sexe d’autre part, dans les stratégies de calcul même si l’on a observé également des similitudes

    dans le développement de l’arithmétique (GEARY, 1994).

    1.3.1 - Opérations simples

    Concernant les additions simples, cinq stratégies ont pu êtres décrites : l’utilisation d’objets investie

    dès trois ans (FUSON, 1982), le comptage sur les doigts et le comptage verbal apparaissant vers

    quatre / cinq ans (SIEGLER et SHRAGER, 1984). Ensuite l’enfant utilisera la décomposition et la

    récupération en mémoire du résultat (CARPENTER et MOSER, 1983 ; SIEGLER, 1987).

    Le passage du comptage sur les doigts au comptage verbal est permis par le contrôle mental du

    déroulement du calcul, par la conservation en mémoire à court terme des étapes successives du

    calcul.

    Dans les stratégies verbales, on distingue le "tout compter", le "surcompter" et enfin la stratégie du

    minimum (Min Model) qui, elle, apparaît dès le primaire (GROEN et PARKMAN, 1972).

    Quand une situation-problème similaire se présente, la procédure de comptage (acquise de façon

    précoce et mise en mémoire à long terme) permettrait de donner le résultat correspondant sans avoir

    à recompter (ASHCRAFT, 1992). Il s’agit de récupération en mémoire - qui, d’ailleurs, est

    davantage sollicitée pour les additions que pour les soustractions - des faits numériques qui font

    appel encore au comptage.

    La soustraction requiert les mêmes stratégies que l’addition, avec l’addition indirecte en plus

    (BARRODY, 1984 : pour résoudre 7 - 3, l’enfant pose 7 - ? = 3).

    Dès quatre / cinq ans, on observe trois stratégies (CARPENTER et MOSER, 1983) : "séparer de",

    "ajouter à partir de", "apparier". Le choix de la stratégie à utiliser dépendrait du type d’énoncé, du

  • - 10 -

    type de question (CARPENTER et MOSER, 1983 ; MILEY et coll., 1983 ; DE CORTE et

    VESCHAFFEL, 1987). Les enfants fonctionneraient donc - et cela assez tôt - par analogie.

    Ces stratégies sont mises en places en dehors de tout apprentissage scolaire (SIEGLER et

    JENKINS, 1989).

    Les opérations complexes, avec des nombres à plusieurs chiffres, ont fait l’objet de peu d’études.

    Elles font appel à la notation positionnelle et l’erreur principalement observée est celle de

    l’utilisation de la retenue ("bugs" selon VANLEHN, 1990).

    1.3.2 - Résolution de problèmes arithmétiques

    Elle repose sur la connaissance des concepts d’accroissement, de diminution, de combinaison et de

    comparaison.

    Plusieurs types de problèmes

    VERGNAUD (1982) a procédé à un classement conceptuel : en fonction de trois concepts (la

    mesure, les transformations temporelles et les relations statiques), il a défini six catégories de

    relations (partage égal, vitesse constante, produit de mesure, proportions multiples, division par les

    multiplicateurs, division par les multiplicandes).

    RILEY et coll. (1983) distinguent trois types de problèmes :

    - les problèmes de changement : l'opération mise en jeu est la transformation, l'inconnue concerne

    l'état initial, l'état final ou la transformation ;

    - les problèmes de combinaison : il s’agit de situations statiques, l'inconnue peut représenter le total

    ou une des parties ;

    - les problèmes de comparaison : dans une situation statique, on compare (plus que / moins que).

    D’un point de vue stratégique, le sujet doit alors se représenter le problème soit en particularisant un

    schéma nouveau ou déjà préexistant, soit en construisant mentalement la représentation d’une

    situation (RICHARD, 1990).

    Les situations-problèmes

    La vie quotidienne (courses, comparaisons, mesures) nous pousse à une "arithmétisation du monde"

    (NUNES et BRYANT, 1996).

    Durant les apprentissages de l'enfant, la manipulation des chiffres est plus ou moins sollicitée selon

    l'environnement social et économique, ce qui influe sur ses performances futures.

  • - 11 -

    Par l’action extériorisée, manipulée, répétée puis intériorisée, la situation-problème permet de

    développer des représentations et des procédures de résolution.

    L’expérience et son renforcement positif (résultats bons) permet donc l’acquisition de savoirs et

    d’habiletés dans le calcul.

    Ainsi on construit une représentation quantifiée du réel. Puis on manipule les symboles numériques

    correspondant aux quantités. Inspiré d’une situation concrète, le problème est énoncé verbalement.

    On se le représente mentalement : on abstrait le problème.

    Il semblerait que ce soit davantage cette étape qui mette en difficulté l’élève dans la résolution d’un

    problème que le traitement de l’opération elle-même (FAYOL, 1991).

    1.3.3 - Schéma et modèle mental

    Les schémas de problèmes se construisent au fil des situations rencontrées. Ils sont renforcés par les

    expériences positives puis stockés en mémoire à long terme. Ils constituent ensuite un guide à la

    procédure du traitement, rendant celui-ci alors plus rapide et plus efficace (KINTSCH et GREENO,

    1985 ; RUNETHART, 1980 ; SCHAUKL, 1975 ; SCHAUKL et ABLESON, 1977).

    On extrait les caractéristiques invariantes définissant chaque catégorie de problème pour donner un

    cadre, une structure de résolution correspondant au problème-type rencontré. Les données

    spécifiques du problème seraient "entrées" (mémoire de travail) dans le "programme" qui – lui - est

    stocké en mémoire à long terme.

    Par cette théorie, KINTSCH et GREENO expliquent la plus ou moins grande difficulté à résoudre

    un problème car dépendant de la présence ou non d’un schéma fiable correspondant.

    L’impact positif de la question placée en début d’énoncé confirme cette idée (DEVIDAL et coll.,

    1997).

    Le modèle est une représentation qui se construit et se stocke en mémoire de travail lorsqu’il n’y a

    pas de schéma disponible pour la situation-problème. On parle alors de modèle de situation

    (KINTSCH, 1979) ou de modèle mental (JOHNSON-LAIRD, 1983).

    Les divers éléments sont mis en relation et intériorisés dans le modèle (VAN DIJK et KINTSCH,

    1983).

  • - 12 -

    Fournir une aide à la construction d’une représentation adéquate, en s’appuyant sur du matériel

    concret (JASPERS et VAN LIESHOUT, 1994) ou en apprenant à représenter les relations entre les

    différents éléments du problème (WILLIS et FUSON, 1988), améliorerait les performances.

    1.4 - À l’école

    Le "World Problem Schema" (WPS) est un schéma qui guide la lecture de l’énoncé.

    Il est acquis vers l’âge de huit ans et dépendant des schémas sémantiques et relationnels (DE

    CORTE et VERSCHAFFEL, 1985 ; BRISSIAUD, 1988 ; COQUIN-VIENNOT, 1996, 2000). Il

    permet l’interprétation pragmatique du texte, s’adaptant le plus souvent au contexte (cours de

    mathématiques).

    L’école enseigne l’arithmétique appliquée et non la résolution des problèmes de la vie quotidienne,

    deux choses bien différentes (GEROFSKY, 1996).

    Les problèmes à énoncés verbaux présentent une forme stéréotypée. Cela correspond au "classroom

    climate", c’est-à-dire le plan didactique visant à atteindre l’objectif fixé par le programme et

    l’enseignant lui-même formé avec ces mêmes cadres (VERSCHAFFEL et coll., 1997).

    La résolution d’un problème peut dépendre des caractéristiques de l’énoncé (THEVENOT et coll.,

    2004), des caractéristiques du sujet qui doit le résoudre, de la capacité de celui-ci à comprendre le

    texte (DE CORTE et VERSCHAFFEL, 1985 ; CUMMINS et coll., 1988), et de ses performances

    concernant la mémoire de travail (SWANSON, 1994 ; PASSOLUNGHI et SIEGEL, 2001).

    Le contexte de résolution du problème est important lui aussi : les énoncés proposés à l’école

    peuvent parfois montrer des incohérences ou des aberrations logiques (CARPENTER et coll., 1983

    ; DE CORTE et VERSCHAFFEL, 1985).

    1.5 - La dyscalculie, les dyscalculies ?

    La dyscalculie est un trouble de l’apprentissage de l’arithmétique que l’élève rencontre en dehors de

    d'un déficit intellectuel ou sensoriel, d'une carence affective, d'un trouble psychiatrique ou d'une

    lésion cérébrale.

  • - 13 -

    Selon le DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual), les aptitudes arithmétiques de l’enfant

    dyscalculique sont en-deçà du niveau attendu pour son âge, son intelligence et son niveau de

    scolarité. De plus, le déficit de l’enfant doit interférer de manière significative dans sa vie et ne pas

    résulter d’un déficit sensoriel ou neurologique.

    Nous allons tenter de définir ce trouble spécifique, ses critères diagnostiques, ses caractéristiques

    cliniques, ses éventuelles causes, son évolution possible et les liens qu’il peut avoir avec les autres

    troubles "dys-" (dyslexie, dyspraxie...).

    1.5.1 - Définition

    La terminologie elle-même n’est pas stable : KOSC (1974) a parlé en premier de dyscalculie de

    développement. BADIAN (1983), SHALEV et GROSS-TSUR (1993, 2001) puis

    BUTTERWORTH (2005) l’ont repris. Aujourd'hui encore, les anglo-saxons disent - traduit

    littéralement - "dyscalculie développementale".

    LEWIS et coll. (1994) emploient l’expression "arithmetic difficulties". GEARY et HOARD (2005)

    écrivent "learning disabilities in mathematics" et "mathematic disabilities" ou "mathematic disabled

    children" comme JORDAN (2003) parle de "mathematic difficulties".

    KOSC la qualifie de "trouble structurel des habiletés mathématiques dont l’origine est génétique ou

    liée à un problème congénital affectant les aires cérébrales qui sont le substrat anatomo-

    physiologique direct de la maturation des habiletés mathématiques sans trouble simultané des

    fonctions mentales plus générales".

    COHN (1968), en définissant la dyscalculie développementale comme étant "l'échec de la

    reconnaissance ou la manipulation des symboles de nombres, dans une culture avancée”, dit que le

    sens du nombre ne fait pas défaut dans la dyscalculie dévelopementale. C’est le symbole

    (transcodage) qui pose problème.

    TEMPLE (1992) décrit “un trouble des compétences numériques et des habiletés arithmétiques qui

    se manifeste chez des enfants d’intelligence normale qui ne présentent pas de déficits neurologiques

    acquis”.

  • - 14 -

    On différencie également les enfants rencontrant des difficultés en mathématique, associées à

    d'autres difficultés qui peuvent être causales (lecture, praxies, traitement visuo-spatial, attention...)

    des enfants purement dyscalculiques, répondant littéralement au terme (troubles du calcul).

    BRISSIAUD (2003) dit que “calculer c’est mettre en relation des quantités, directement à partir de

    leurs représentations numériques”. De là sont exclues la lecture / écriture et la résolution de

    problèmes numériques.

    En 2004, LANDERL et coll. demandent un recentrage du concept de dyscalculie sur le calcul.

    BUTTERWORTH (2005) a introduit le critère qualificatif, selon le UK Department for Education

    and Skills : “un état qui affecte la capacité à acquérir des habiletés arithmétiques. Les élèves

    dyscalculiques peuvent avoir des difficultés à comprendre les concepts numériques simples,

    présenter une absence de compréhension intuitive des nombres. Ils manifestent des difficultés pour

    apprendre les faits numériques et les procédures. Même s’ils produisent la réponse correcte ou

    utilisent une méthode correcte, ce serait de manière mécanique et sans confiance en eux-mêmes.”

    Cette définition offre une approche étiologique du trouble.

    Le critère d’inclusion est le niveau de performance minimal (en écarts-type).

    Le critère d’exclusion est le niveau intellectuel minimal (QI supérieur à 80-85 selon…)

    1.5.2 - Comorbidité

    La dyscalculie peut s’associer à d’autres troubles spécifiques d’apprentissage notamment la

    dyslexie, à des anomalies organiques ou chromosomiques, ou encore à des lésions neurologiques.

    VON ASTER et SHALEV (2007) distinguent la dyscalculie développementale avec comorbidité

    (retard de parole, retard de langage, troubles de l’attention, de la mémoire de travail qui constituent

    un obstacle à l’acquisition d'un concept de nombre) et la dyscalculie liée à un trouble du sens du

    nombre (déficit précoce dans le système numérique de base, voire dans le traitement visuo-spatial).

    Dyscalculie isolée

    Elle se différencie de la dyscalculie associée par son importance et son étendue.

    Les difficultés seraient moindres quand le trouble est isolé que lorsqu’il y a comorbidité.

    2,7 % des dyscalculies seraient isolées.

  • - 15 -

    Dyscalculie et dyslexie

    Cette association est la plus fréquente selon les auteurs : 17 à 64% des enfants dyscalculiques

    présenteraient également des difficultés d’apprentissage de la lecture (BADIAN, 1999 ; GROSS-

    TSUR et coll., 1996 ; LEWIS et coll., 1994).

    Selon LANDERL et coll. (2004), l’observation poussée d’enfants dyscalculiques montre très

    souvent des difficultés associées en dyslexie.

    La question est de savoir s'il existe une cause commune à ces deux troubles, s'il s'agit d'une zone

    cérébrale sous-tendant à la fois l'une et l'autre habiletés ou si cela est dû à un facteur de

    développement général (WILSON, 2005)

    OSTAD (1988) observe un lien entre la capacité générale, “general ability” (évalué au WISC-R) et

    l'importance du trouble.

    Le niveau intellectuel serait plus faible quand des déficits sont associés (LEWIS et coll., 1994 ;

    GROSS-TSUR et coll., 1996 ; ALARCON et coll., 1997 ; FUCHS, 2002).

    Il y aurait donc un facteur de risque commun entre la dyslexie et la dyscalculie.

    D’après l’étude MANER et coll. (2000), les enfants ayant des troubles du langage écrit et / ou oral

    obtiennent de plus faibles performances même quand le facteur QI est contrôlé.

    La dysgraphie pourrait causer la persistance du trouble (SHALEV et coll., 2005).

    Dyscalculie et troubles développementaux

    Selon SHALEV, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est le plus

    représenté des troubles développementaux associés.

    On observerait cette association chez 17 à 26% des enfants dyscalculiques (LINDSAY et coll.,

    2001).

    Selon l’étude GROSS-TSUR et coll. (1996), 26% des dyscalculiques étaient probablement des

    enfants souffrant de TDAH (questionnaire de CONNERS). Ici, on ne considère pas la présence d'un

    TDAH comme étant un critère d'exclusion dans le diagnostic de dyscalculie.

    En outre, les troubles attentionnels seraient un facteur de persistance du trouble (SHALEV et coll.,

    2005) et s’aggravent avec la persistance de la dyscalculie (SHALEV et coll., 1998).

    Le traitement médical du trouble d’attention / impulsivité peut améliorer les performances en

    mathématiques. Mais peut-être est-ce aussi parce que ce traitement agit sur la mémoire également…

  • - 16 -

    De la même manière, s'agit-il d'un "double déficit" ou sinon lequel - du trouble TDAH ou de la

    dyscalculie - est la cause de l’un ou de l’autre ?

    1.5.3 - Neurologie

    Le syndrome de l’hémisphère droit (WEINTRAUB et MESULAM, 1983 ; GROSS-TSUR, 1993)

    débute tôt dans l’enfance. On observe des difficultés émotionnelles, interpersonnelles, des troubles

    visuo-spatiaux, des signes de dysfonctionnement de l’hémisphère droit (tomographie à émission de

    positrons), et des difficultés d’apprentissage en arithmétique.

    ROURKE (1993) parle de “Non verbal Learning Disabilities syndrom” (NLD) syndrome de

    déficience des apprentissages non verbaux.

    Le syndrome de GERSTMANN (1940) : on y trouve une agnosie digitale, une dyscalculie, une

    agraphie sans alexie, des troubles d’orientation visuo-spatiale, des troubles de la latéralité. Ce

    syndrome s’expliquerait par la proximité des aires cérébrales correspondant aux différentes

    fonctions citées (zone occipito-pariétale, gyrus angulaire gauche en particulier).

    Chez l’enfant né prématurément, on a pu observer une dyscalculie développementale et une zone

    pariétale gauche moins étendue que celle de droite (ISAAC et coll.).

    On peut citer également l’épilepsie (PENNINGTON, 1991), la spina bifida myéloméningocole

    (WILLS et coll., 1990 ; BARNES et coll., 2005). Ici, les troubles de la lecture isolée sont beaucoup

    plus rarement isolés que les troubles d’apprentissage en arithmétique, accompagnés ou non de

    troubles de la lecture. Quand les troubles en arithmétique sont isolés, ils s’accompagneraient le plus

    souvent de troubles visuo-spatiaux. L’atteinte des lobes pariétaux entraîne une difficulté dans la

    planification motrice, la motricité fine. C’est d’ailleurs celle-ci qui expliquerait en fait les difficultés

    procédurales (poses d’opérations) plus que les troubles visuo-spatiaux (BARNES et coll., 2005).

    1.5.4 - Génétique

    Les syndromes de TURNER et de l’X fragile s’accompagnent de déficits d’apprentissage en

    arithmétique. Le syndrome de TURNER est caractérisé par l’absence partielle voire complète d’un

    des X dans le caryotype.

    Le QI verbal est supérieur de 8 à 24 points au QI performance (BALLOTIN et coll., 1998).

  • - 17 -

    Les difficultés s’observent dans les opérations, les résolutions de problèmes et la compréhension de

    concepts (ROVET et coll., 1994).

    MAZZOCCO et Mc CLOSKEY (2005) notent que ce syndrome s’accompagne d’un trouble des

    fonctions exécutives et du traitement de l’information en mémoire de travail, et de troubles visuo-

    spatiaux, perceptifs, moteurs.

    Le syndrome de l’X fragile rend compte d’un retard mental chez tous les garçons et chez la moitié

    des filles. Le QI est relativement homogène.

    Chez la population de filles qui ont une intelligence dans la moyenne, la clinique les rapproche du

    syndrome de TURNER.

    Ici, les troubles en arithmétique ne seraient pas liés à un déficit spatial.

    Le syndrome de WILLIAM inclut aussi des troubles spécifiques en arithmétique (ANSARI et

    KARMILOFF-SMITH, 2002).

    Le syndrome d'alcoolisme foetal peut également inclure une dyscalculie.

    1.5.5 - Prévalence

    Elle varie d'une étude à l'autre parce que les critères d'inclusion sont rarement les mêmes.

    Aujourd'hui, la recherche se base sur deux principes (SHALEV et VON ASTER, 2008) :

    - l'échantillon doit être important pour être représentatif de la population ethnique et socio-

    économique ;

    - les tests arithmétiques utilisés doivent être normalisés et vérifier plusieurs domaines du

    fonctionnement arithmétique ;

    Ainsi en dix ans, on est passé d'une prévalence de 1% à une prévalence située entre 3 et 14%.

    L'utilisation d'un seul critère diagnostique donnant une prévalence de 45% et celle du score basé sur

    les divergences, trouvent une prévalence à 21% : ce qui montre que l'utilisation d'un seul critère

    n'est pas valide.

    Par exemple, l'étude menée par DESOETE et coll. (2004) exigeait la réunion de trois critères

    d'inclusion de la dyscalculie :

  • - 18 -

    - le critère de divergence comparé au niveau intellectuel ou scolaire ;

    - le critère de gravité (scores inférieurs d'au moins 2 écarts-types à la norme) ;

    - le critère de résistance au traitement (orthopédagogie de l'école).

    Les résultats de cette étude concordent avec ceux d'une autre étude menée - avec la même batterie

    ZAREKI-R - dans plusieurs pays (Grèce, France, Suisse, Brésil) et traduite en plusieurs langues. On

    y a trouvé une prévalence d'environ 6%, avec plus de garçons qui sembleraient touchés par ce

    trouble.

    D'autres chercheurs (MAZZOCCO et MYERS, 2003) ont démontré que l'utilisation de deux

    batteries de tests arithmétiques différentes était nécessaire au diagnostic sérieux d'une dyscalculie. Il

    fallait aussi avoir observé une persistance du trouble au-delà d'une année scolaire.

    Cette façon de voir (élargissement du concept sur les caractéristiques démographiques, sur les

    facteurs de risque et sur les troubles co-existants) a permis d'ouvrir de nouvelles perspectives

    cliniques, éducatives et décisionnelles.

    1.6 – Les différentes classifications de la dyscalculie

    1.6.1 - Classifications neuropsychologiques

    HECAEN et coll. (1969) distinguent:

    - les acalculies spatiales par atteinte des parties postérieures de l’hémisphère droit : confusions dans

    la pose d’opération, inversion des chiffres ;

    -les acalculies accompagnées d’une agraphie / alexie des nombres, par atteinte de l’hémisphère

    gauche le plus souvent ;

    -les anarithméties avec lésion de l’hémisphère gauche.

    D’après cette classification, BADIAN (1983) distingue cinq dyscalculies:

    - les dyscalculies résultant d’une aphasie avec alexie ou d’une agraphie des nombres ;

    - les dyscalculies résultant de difficultés visuo-spatiales avec mauvais alignement des nombres ;

    - les anarithméties, c’est-à-dire une bonne connaissance des faits numériques mais avec une

    confusion entre les algorithmes de calcul ;

  • - 19 -

    - les dyscalculies liée à des troubles attentionnels se manifestant par des oublis lors de l’exécution

    des algorithmes de calcul ainsi que des difficultés à mémoriser les tables. On notera avec intérêt que

    ce sous-type est identifié par BADIAN comme le plus fréquent ;

    - les dyscalculies résultant d’une combinaison de ces catégories.

    KOSC (1974) décrit:

    - les dyscalculies verbales (nommer les objets et les relations mathématiques) ;

    - les dyscalculiques practognosiques (dénombrement, sériation) ;

    - les dyscalculies lexicales (lecture de symboles) ;

    - les dyscalculies graphiques (écriture des chiffres et des nombres) ;

    - les dyscalculies idéanosiques (compréhension des relations mathématiques) ;

    - les dyscalculies opérationnelles, ou anarithméties

    1.6.2 - Classifications anatomo-fonctionnelles

    ROURKE (1978, 1993, 1997) distingue dyscalculie / dyslexie, qui relèverait d'un déficit de

    l'hémisphère gauche (traitement verbal) et dyscalculie seule, correspondant à un déficit

    hémisphérique droit (traitement non-verbal).

    Cette classification, remise à jour plusieurs fois mais jugée trop simpliste, n'a finalement pas été

    retenue.

    En plein développement, l'imagerie fonctionnelle pourrait préciser le sous-typage en montrant un

    lien entre les habiletés numériques et les réseaux neuronaux qui les sous-tendent.

    1.6.3 - Classifications cognitives

    On se base ici sur les processus cognitifs qui sous-tendent les activités numériques.

    TEMPLE (1992), d’après les études de Mc CLOSKEY et coll. (1985), propose trois modules :

    - module de compréhension des nombres : passage d’une entrée verbale ou en chiffres arabes à une

    représentation sémantique ;

    - module de production : passage d’une représentation sémantique du nombre à une sortie verbale

    ou en chiffres arabes ;

    - module de mécanisme des calculs : faits arithmétiques, procédures de calcul et algorithmes.

  • - 20 -

    De là, il décrit trois dyscalculies correspondantes :

    - une dyscalculie du traitement numérique : lire et écrire les nombres ;

    - une dyscalculie des faits numériques : assimilation des tables d’addition et de multiplication

    (trouble de la mémoire sémantique, difficulté de récupération des faits numériques en mémoire,

    cette dernière étant aussi lente et sujette aux interférences) ;

    - une dyscalculie procédurale : planifier, exécuter les étapes des algorithmes de calcul surtout quand

    ils sont complexes.

    À sa suite, GEARY (1993) voit la dyscalculie procédurale comme un retard de développement dû à

    un dysfonctionnement de l’hémisphère gauche (compréhension laborieuse des concepts sous-

    tendant le comptage qui lui-même est laborieux).

    Il décrit également une dyscalculie visuo-spatiale : alignement des chiffres dans la pose d’une

    opération, mauvais traitement de l’écriture en base 10.

    DEHAENE et COHEN (1997) mentionnent le “sens du nombre” que l’on peut estimer par la

    capacité à représenter spatialement la taille du nombre sur une ligne numérique orientée. Il

    existerait aussi un déficit à ce niveau.

    Ils ont élaboré le modèle du "triple code" (DEHAENE, 1992, 1997) :

    - le code analogique : représentation sémantique du nombre sur une ligne numérique mentale

    orientée (comparaison des nombres, estimation des quantités, calculs approximatifs) ;

    - le code verbal : activités de comptage puis assimilation et mémorisation des faits numériques ;

    - le code visuel, pour la notation en chiffres arabes : calculs complexes, jugements de parité.

    VON ASTER (2000) s’est basé sur ce modèle pour donner une classification. Ces trois codes,

    comme connectés entre eux, fonctionneraient en réseau pour ainsi passer d’un code à l’autre plus ou

    moins directement. Ainsi, trois dyscalculies ressortent :

    - une dyscalculie verbale (comptage, stockage et récupération des faits numériques) accompagnée

    dans la moitié des cas par un déficit de lecture ;

    - une dyscalculie “sous-type arabe”: lire et écrire les nombres en chiffres arabes ;

    - une dyscalculie “type général”: le code analogique est touché et donc le “sens” du nombre s’en

    trouve atteint. Or il se trouve à la base des aptitudes numériques. On observe aussi la plupart du

    temps une atteinte de la lecture donc du domaine verbal.

  • - 21 -

    1.7 - Nature, cause et évolution des troubles

    1.7.1 - Manifestations

    Ils touchent les principes de base du dénombrement, les stratégies de résolution des opérations

    simples.

    Ce sont les aspects procéduraux, conceptuels (calcul et comptage), la mémorisation des faits

    numériques qui sont touchés.

    Concernant les procédures, les enfants dyscalculiques utilisent plus souvent et plus longtemps les

    stratégies primitives de comptage (OSTAD, 1997).

    On observe également une plus grande lenteur dans la résolution des calculs simples.

    La mise en œuvre des procédures (comptage sur les doigts, comptage verbal) est laborieuse de

    même que la récupération des résultats en mémoire (GEARY, 1990).

    Leur stratégie est souvent immature (méthode du “tout compter”). On n’observe pas du tout non

    plus de changement dans les stratégies utilisées, du fait de la difficulté à mémoriser et retrouver les

    résultats en mémoire (GEARY et coll., 1991). On note toutefois un passage, mais tardif, du

    comptage sur les doigts au comptage verbal.

    Plus récemment, on a distingué les dyscalculies isolées des dyscalculies associées à une dyslexie.

    Dans les deux cas, l’enfant utilise des stratégies primitives mais les “dyscalculiques-dyslexiques”

    commettent plus d’erreurs (surtout pour la pose de retenues, la manipulation de grands nombres

    (BRYANT et coll., 2000) que les dyscalculiques seuls. Dans celles-ci, les stratégies utilisées sont

    les mêmes, et c’est bien la récupération en mémoire des faits arithmétiques qui est touchée

    (JORDAN et MONTANI, 1997) Pour les premiers, le temps ne change rien alors qu’il est bénéfique

    aux deuxièmes (HALISH et coll., 2001 ; GEARY et coll., 2000). Aussi, les stratégies de comptage

    deviennent plus élaborées au fil du temps dans les dyscalculies isolées. Le même auteur observe des

    difficultés dans la compréhension du nombre chez les dyscalculiques-dyslexiques alors qu’elles

    sont absentes quand le trouble est isolé : cela prouverait que cette difficulté n’est pas caractéristique

    de la dyscalculie mais sous-tendue par d’autres troubles spécifiques.

    GELMAN et GALLISTEL (1978) décrivent les contraintes liées au comptage :

    - le principe de correspondance terme à terme ;

    - le principe d’ordre stable ;

    - le principe de cardinalité, de la collection ;

  • - 22 -

    - le principe d’abstraction (hétérogénéité des objets comptés) ;

    - le principe de non pertinence de l’ordre sur le résultat.

    Les trois premiers principes seraient innés et constitueraient la base des connaissances futures.

    Selon BRIAS et SIEGLER (1984), les enfants se créent des “pseudo-principes” à partir de ces

    contraintes. Et justement, GEARY et coll. (1992) montrent que les enfants dyscalculiques ont du

    mal à distinguer les principes essentiels des pseudo-principes.

    GROSS-TSUR et coll. (1996) pointent les faiblesses en dyscalculie sur le calcul complexe et sur la

    connaissance des faits arithmétiques. En revanche, l’enfant dyscalculique maîtrise la comparaison

    de quantités / nombres, le comptage, le transcodage, même s’il met relativement plus de temps que

    ses pairs à effectuer ces tâches. Le subitizing est plus difficile aussi.

    DEHAENE et coll. (2003) décrivent les lobes pariétaux et le sillon intra-pariétal comme étant les

    aires responsables de la représentation et du traitement de l’information numérique, qui serait

    déficitaire chez le dyscalculique.

    GEARY (2004) montre que la difficulté réside dans la récupération des faits arithmétiques en

    mémoire. Celle-ci perdure jusqu’à la fin du primaire au moins (JORDAN et MONTANI, 1997 ;

    OSTAD, 1997, 1999 et 2000). Bien que retrouvées en mémoire, les réponses sont erronées. Ce

    déficit s’amenuise peu avec le temps (SHALEV et coll., 1998, 2005).

    En revanche, l’enfant montre un développement anormal dans la résolution de problèmes à énoncés

    verbaux ou dans la résolution d’opérations quand il peut utiliser ses doigts pour compter.

    Selon DEHAENE (1992), les faits arithmétiques sont stockés sous forme verbale. Peut-être les

    difficultés de récupération et de lecture seraient dues à un trouble du traitement phonologique

    (GEARY, 1993 ; HANISH et coll., 2001).

    Pourtant des études comparant les performances des dyscalculies isolées, des dyscalculies-dyslexies

    et des dyslexies seules, ont montré que ce trouble est indépendant des difficultés en lecture

    (JOHAN et coll., 2003).

    BAROUILLET et coll. (1997) montrent que les difficultés de récupération des faits arithmétiques

    pourraient être liées à une incapacité à inhiber les résultats non pertinents présents en mémoire

    (effet de proximité des chiffres). Cela serait dû à de faibles capacités en mémoire de travail, au

    moment de la sélection de la réponse (CONWAY et ENGLE, 1994 ; GEARY, 1990 ; OSTAD,

    1998).

  • - 23 -

    Cela pourrait aussi être lié à un déficit de représentation et de récupération des faits numériques,

    indépendamment de la mémoire de travail ou sémantique (BUTTERWORTH, 1999 ; TEMPLE et

    SHERWOOD, 2002).

    1.7.2 - Facteurs causaux

    Deux théories s’opposent : la dyscalculie serait la conséquence d’un déficit cognitif général,

    élémentaire (faibles capacités mnésiques notamment mémoire de travail, trouble des habiletés

    visuo-spatiales), ou bien le trouble serait lié au dysfonctionnement d’un système neuro-anatomique

    spécialisé dans les traitements numériques.

    Mémoire de travail

    Selon GEARY (1993), l’enfant dyscalculique rencontre deux grandes difficultés:

    - l’utilisation des procédures de calcul qui, de plus, sont immatures ;

    - la stockage, le maintien et la récupération en mémoire des faits numériques.

    La faible mémoire de travail entraîne une vitesse de traitement moindre, donc une procédure de

    comptage plus lente avec des erreurs et un maintien laborieux des valeurs en mémoire à court terme

    (oubli des opérants: THEVENOT et coll., 2001) et enfin un stockage difficile des faits numériques

    en mémoire.

    Or il y a un lien entre mémoire de travail et récupération des faits numériques (BAROUILLET et

    LEPINE, 2005).

    À QI égal, les enfants dyscalculiques ont une mémoire de travail (empan envers) et à court terme

    (empan endroit) moins performante que celles des enfants sans trouble du calcul (GEARY et coll.,

    1999, 2000, 2004).

    Cependant BULL et coll. (1999) montrent que les plus faibles résultats en empan de chiffres, de

    mots et de comptage disparaissent quand on a comme critère d’exclusion de la population une

    difficulté en lecture.

    Aussi, de récentes études montrent le lien essentiel entre la vitesse de traitement et la mémoire de

    travail, à différencier de la mémoire à court terme (BAROUILLET et coll., 2004).

    L'enfant dyscalculique présente de moindres capacités à inhiber les réponses non pertinentes lors de

    la récupération en mémoire (BAROUILLET et coll., 1997, 2000 ; GEARY et coll, 2004).

  • - 24 -

    CONWAY et ENGLE (1994) tiennent à différencier l’empan endroit (mémoire à court terme) de

    l’empan envers – complexe - de comptage (mémoire de travail).

    Or c’est la mémoire de travail qui influerait le plus sur les performances scolaires à venir

    (DANEMAN et CARPENTER, 1980).

    GERSTEN et coll. (2005) se demandent si la résistance au traitement, ainsi que le délai de

    récupération, ne pourraient pas être considérés comme un critère de diagnostic de difficultés

    d’apprentissage en arithmétique.

    Habiletés visuo-spatiales

    BADIAN (1983), GEARY et HOARD (2005) donnent l’idée que les difficultés dans ces habiletés

    spatiales peuvent gêner la résolution des opérations posées, la transcodage (écriture positionnelle).

    Comme celles des procédures arithmétiques, les fonctions visuo-spatiales seraient situées dans

    l’hémisphère droit. Peut-être les troubles correspondants seraient plus associés que consécutifs

    (ROURKE).

    DEHAENE mentionne la ligne numérique, orientée, donnant la magnitude du nombre et son sens.

    Or cette représentation est aussi spatiale. Ce trouble aurait donc un impact notable sur les activités

    numériques et leur apprentissage, sur les procédés de comptage (VON ASTER, 2000 ; JORDAN et

    coll., 2003).

    Selon ROURKE, les enfants dyscalculiques ont de plus faibles performances dans les subtests de la

    WISC-R (74) “complètements d’images”, “arrangements d’images”, “cubes” et “assemblages

    d’objets”.

    Pour autant, quand le QI est contrôlé, GEARY et coll. (2000) n’observent plus de différence sur une

    épreuve de labyrinthes entre des enfants dyscalculiques et non dyscalculiques.

    Au Trail Making Test, l’enfant doit alterner deux sens. L’enfant dyscalculique semble avoir des

    difficultés dans cette tâche (WHITE et coll., 1992).

    Quand elles sont aussi importantes en version verbale qu’en version non verbale, cela signifie que

    le déficit se trouve plus au niveau de l’alternance des deux tâches qu’à celui de l’intégration visuo-

    motrice (Mc LEAN et HITCH, 1999).

  • - 25 -

    Atteinte d’un module numérique

    On a étudié plus haut la capacité élémentaire à comprendre les nombres (BUTTERWORTH, 2005)

    innée à reconnaître et manipuler mentalement les nombres et les quantités.

    Il existerait des circuits neuronaux spécialisés dans le traitement numérique.

    D’après leurs expériences basées sur le phénomène d’habituation, SHARKEY et COOPER (1980)

    ont montré qu’à cinq mois bébé pouvait comparer des quantités (2 / 3), voire “calculer” (WYNN,

    1992). D’autres expériences ont montré les mêmes capacités chez le nourrisson (ANTELL et

    KEATING, 1983).

    Nous partageons avec l'espèce animale deux systèmes élémentaires et innés de traitement des

    nombres partagés (DEHAENE, FEIGRENSON et coll., 2004) :

    - la représentation des grandes quantités de façon approximative : cortex parietal (contrôle des

    doigts et sens du nombre), sillon intrapariétal (représentation des grands nombres) ;

    - la reconnaissance et discrimination précises des petites quantités (3 - 4 items).

    Ces deux systèmes se trouveraient à la base de la compréhension du nombre et de l’apprentissage

    des habiletés numériques.

    .

    Métacognition

    La métacognition est la connaissance que nous avons de notre propre cognition, des capacités et des

    limites de celle-ci.

    Il semblerait que l'enfant rencontrant des difficultés en mathématiques fasse fréquemment des

    erreurs de jugement dans la prédiction (vais-je réussir à résoudre ce problème ?) et dans l'évaluation

    (ma solution est-elle la bonne ?). On parle d'”offline métacognition”. Alors que l'évaluation est

    toujours plus difficile pour le dyscalculique, qu'elle soit positive (ma solution est la bonne) ou

    négative (je me suis trompé), la prédiction négative (je n'y arriverai pas) est aussi recevable chez

    l'enfant dyscalculique que chez l'enfant non-dyscalculique.

    Il ne parvient pas à définir son fonctionnement, à mesurer ses capacités, à prédire ses performances

    et à réévaluer celles-ci. Il a donc un déficit métacognitif (MONTAGUE, 1992 ; GEARY, 1993 ;

    ROURKE, 1993 ; BUTLER, 1990 ; VAIDYA, 1999 ; BOUDAH et WEISS, 2002).

    Il a du mal à programmer les opérations qu'il va utiliser, à contrôler (feed-back) ses démarches, à

    évaluer le choix de stratégies, ses calculs et ses résultats au fil de l'exercice voire à les corriger

    (LUCANGELI et coll., 1997 ; VAN HANEGHAN et BAKER, 1989).

  • - 26 -

    De façon générale, l'enfant ayant un trouble des apprentissages a tendance à avoir du mal à auto-

    évaluer ses propres capacités, dans le sens de la sous-estime (MELTZER et coll., 1998).

    Selon ROEYERS (2002), il s'agirait d'une métacognition immature et non pas absente. Cependant,

    il a observé que lorsque l'exercice est difficile (au dessus du niveau attendu des différents groupes

    d'enfants testés), les enfants plus jeunes non dyscalculiques et les enfants plus âgés dyscalculiques

    font preuve d'une meilleure métacognition que les enfants du même âge que les derniers, mais non

    dyscalculiques. Ce serait dû au fait que les problèmes abordés n'aient jamais été vus précédemment

    en cours.

    Ces différences de performance dans la métacognition ne concernent pas seulement la résolution de

    problèmes arithmétiques mais aussi d'autres domaines comme la connaissance du système

    numérique ou les procédures arithmétiques.

    1.7.3 - Évolution du trouble

    D’après les études déjà menées par GROSS-TSUR et coll. (1996), SHALEV (1998), on a voulu

    observer l’évolution de la dyscalculie.

    En prenant comme critères d’inclusion un QI supérieur à 80, des performances arithmétiques

    inférieures d’au moins deux ans au niveau attendu de l’enfant, les auteurs de l'étude ont pu observer

    une persistance du trouble au bout de trois ans, pour 47% des enfants ; au bout de six ans, pour

    40%. Au-delà, et sans parler de dyscalculie, 95% des enfants ont toujours des difficultés en

    mathématiques.

    Un QI plus faible, ainsi que des troubles attentionnels, pourraient être des facteurs de persistance du

    de la dyscalculie. On observe également, chez ces enfants dont les troubles persistent, des

    difficultés en test d’écriture mais le lien avec la lecture n’est pas fait.

    Selon JORDAN et coll. (2002), le développement est plus rapide quand la dyscalculie est isolée que

    quand elle est associée.

    D’ailleurs, les difficultés spécifiques en arithmétiques sont plus instables dans les temps que celles

    en lecture.

    Alors que la dyslexie isolée se caractérise à peu près de la même façon que la dyslexie associée à

    une dyscalculie, la dyscalculie isolée ne se présente pas de la même façon qu'une dyscalculie

    associée à une dyslexie.

  • - 27 -

    2 - Inhibition

    2.1 - Définitions

    2.1.1 - L'inhibition

    On ne s'intéresse à l'inhibition que depuis le début des années 90, d'abord en Amérique du Nord

    puis en Europe.

    Nous parlons ici de l’inhibition en tant que processus cognitif. C’est l'une des fonctions exécutives

    (les autres sont la planification, la flexibilité, le contrôle). C'est un système sous-tendant le

    raisonnement et les comportements dirigés vers un but. Elle nous permet ainsi de « supprimer,

    différer ou éviter une réponse prédominante préalablement activée » (CATALE C. et coll., 2009).

    Il s'agit d'une réponse automatique, routinière, prégnante, une structure, un schème concurrent

    présent en mémoire, à disposition mais non-pertinent pour la tâche demandée. Tandis qu’on active

    une stratégie de résolution, on inhibe la ou les autres. Inhiber, c’est être capable de mettre de côté

    un processus acquis, une routine (d’apprentissage) pour ensuite intégrer les nouvelles données

    pertinentes.

    2.1.2 - Inhibition, résistance aux interférences

    Pour certains, il faut différencier ce concept de celui de résistance aux interférences : ici l'on doit

    diriger notre attention sur les informations pertinentes pour la tâche demandée.

    Ainsi, le Go / No Go éprouverait la réponse inhibitrice alors que le Stroop testerait la résistance aux

    interférences (pour la description de tests, voir la partie 2.5).

    D'autres considèrent la résistance à l'interférence pro-active comme relevant de l'inhibition.

    On distingue également l'inhibition verbale / sémantique de l'inhibition motrice, tout comme

    l’inhibition "automatic" de l’inhibition "effortfull". La première met de côté les schèmes non

    pertinents présents en mémoire de travail pour une tâche relativement simple (épreuve de barrage).

    En situation de résolution plus complexe, les schèmes non pertinents sont en compétition directe

    avec ceux pertinents, et c’est dans ce cas qu’intervient l’inhibition "effortfull".

  • - 28 -

    2.1.3 - Negative Priming

    Le "negative priming" ou amorçage négatif, est l’ « observation du ralentissement du temps de

    réaction lorsqu'une réponse est demandée à un stimulus que l'on a enjoint au sujet d'ignorer dans

    une phase antérieure » (TIPPER, 1985).

    C'est la relative lenteur de réponse que l'on observe lors d'un nouvel exercice, lorsque les éléments

    cibles à éliminer (distracteurs) dans l'exercice précédent deviennent les éléments cibles à relever.

    Finalement, traiter une consigne inédite est plus facile que de traiter une consigne ressemblant à une

    déjà vue précédemment mais remaniée. On attribue l'effet du Negative Priming à l'inhibition.

    2.1.4 - Episodic Retrieval

    Ce concept est basé sur la théorie de l'automatisation de LOGAN'S (1988). L'intérêt du contrôle

    cognitif dans la mémoire épisodique n'est pas réduit à l'encodage et à la construction de celle-ci,

    mais montre son intérêt aussi dans l' "episodic retrieval", c'est-à-dire retrouver en mémoire les

    détails contextuels d'un épisode vécu précédemment via la reconnaissance d'un stimulus déjà apparu

    dans cet épisode et qui nous apparaît alors familier bien que présenté dans la nouvelle situation.

    Dans le cas précis d'une épreuves à consignes contraires, l' "episodic retrieval" va intervenir

    lorsqu'une nouvelle tâche présentera des éléments rencontrés dans la tâche précédente. Mais la

    consigne ayant changé, ces éléments enregistrés comme étant des distracteurs deviennent des cibles,

    ou enregistrés comme des cibles deviennent distracteurs. C'est là que l'inhibition, par définition

    flexible, s'adapte à la nouvelle consigne et agit sur les éléments inédits ou déjà vus qui sont

    maintenant des distracteurs, omettant de supprimer les éléments autrefois distracteurs et maintenant

    cibles.

    Alors que l'inhibition consiste, après le repérage d'un élément distracteur, dans l'évitement de celui-

    ci puis dans le maintien de cet évitement tout au long de la tâche, sans tenir compte d'un éventuel

    retournement de situation (le distracteur devenant cible) dans une exercice ultérieur, l' "episodic

    retrieval" intervient a posteriori. C’est-à-dire qu'il permet de repérer un élément rencontré

    précédemment, et les fonctions qui lui étaient attribuées (distracteur ou cible) selon le contexte.

    L' "episodic retrieval" se "souvient", alors que l'inhibition prévient.

    L'inhibition n'a pas pour rôle de sélectionner ou d'identifier tel item comme étant distracteur (à

    écarter) ou cible (à relever). Elle intervient après cette analyse, obéissant à la règle établie pour

    l'exercice.

  • - 29 -

    Du point de vue de l' "episodic retrieval", la présentation d'un item en tant que distracteur n'a

    aucune conséquence à moins que cet item réapparaisse comme cible. A ce moment-là, sa

    représentation comme distracteur est recherchée en mémoire. Si cette recherche fonctionne bien, le

    délai de réponse n'est pas perturbé.

    L'inhibition n'agit que dans la mesure où l'on a pour but d'éliminer l'item considéré comme

    distracteur, sans considérer le fait que ce même distracteur puisse devenir une cible.

    L'inhibition a pour rôle de bloquer un premier distracteur d'une future réponse, alors que l' "episodic

    retrieval" opère en arrière : la présentation d'un item dans le test induit le retour d'un épisode vécu

    précédemment et contenant cet item. La réponse qui en découle automatiquement vient en

    contradiction avec la nouvelle consigne, ce qui cause le « NP effect ».

    2.2 - D'un domaine cognitif de base à un domaine plus spécifique

    2.2.1 - Inhibition et développement cognitif

    Le développement cognitif se fait par l'inhibition de schèmes ou de structures concurrentes, ce n'est

    pas seulement la coordination et l'activation d'unités structurelles (HOUDE, 2000). Dans l'étude en

    question, on a exploré l'inhibition via la construction de l'objet, le nombre, la catégorisation et le

    raisonnement. La recherche se centre sur la compétition cognitive dans le traitement de

    l'information et sur la résistance à l'interférence. Un déficit d'inhibition motrice entrainerait un

    déficit d'inhibition cognitive chez l'enfant en plein développement et en pleine période d'acquisition

    et d'assimilation implicite des connaissances à travers les objets et l'espace, stockées ensuite en

    mémoire. Un déficit d'inhibition peut également expliquer pourquoi, encore à l'âge adulte, on donne

    de mauvaises réponses lors d'une épreuve piagétienne (inclusion : on additionne ou on soustrait au

    lieu de faire appel au schème acquis correspondant à la tâche demandée) alors que l'étape testée est

    censée avoir été acquise depuis longtemps : il s'agit donc davantage d'un problème d'inhibition que

    de connaissances.

    2.2.2 - D'un domaine général au trouble spécifique

    Les habiletés arithmétiques sont sous-tendues par les fonctions cognitives telles que la mémoire à

    court terme (mémoire de travail : boucle phonologique, calepin visuo-spatial, administrateur

    central) et long terme (faits arithmétiques, stratégies et schèmes de résolution), l’attention

  • - 30 -

    (sélective, divisée, soutenue), le langage oral / écrit (transcodage, symboles numériques) et les

    fonctions exécutives telles que la planification, la flexibilité et l’inhibition cognitive / motrice.

    L'idée qu'un domaine plus général soit touché à la base n'est pas à écarter. Il a largement été

    question de la mémoire de travail (verbale et visuo-spatiale), de la mémoire à long terme ou des

    fonctions exécutives (attention) au sujet de la dyscalculie.

    Ainsi, un trouble spécifique concernant un domaine spécifique pourrait trouver son origine dans un

    déficit plus général, un domaine plus large (KARMILOF-SMITH, 2006), mais se différencie et se

    "spécialise" au fil du développement par, entre autres, le jeu des compensations. De même,

    l'hypothèse selon laquelle le trouble comporte une part de génétique ne permet pas d'affirmer qu'un

    gène serait responsable d'une fonction cognitive particulière, quand on sait que chacune est

    dynamique et en interaction avec les autres fonctions. Seul un domaine reste principalement touché

    et provoque des difficultés dans les apprentissage chez l'enfant.

    Concernant l'attention, on a identifié une zone - le cortex cingulaire antérieur- qui correspondrait à

    la maitrise, au maintien de l'attention sélective lors d'une tâche conflictuelle (consignes

    contradictoires par exemple) (KAUFFMAN et coll., 2005). Le cortex latéral pré-frontal, lui,

    permettrait le maintien d'une consigne et l'inhibition des réponses non pertinentes.

    Aussi, le subitizing semblerait être touché chez le dyscalculique. Or il semblerait qu'il soit

    dépendant de l'attention (RAILO et coll., 2007). Aussi, un entraînement centré sur l'attention

    permettrait l'amélioration des performances du subitizing.

    2.2.3 - Dyscalculie et attention

    On a effectué peu de recherches sur les troubles de l'attention dans la dyscalculie. Une étude récente

    (ASKENAZI et HENIK, 2010) a voulu remédier à ce manque en étudiant les liens que pouvaient

    avoir trois sortes d'attention (alerte, orientation, inhibition) avec ce trouble spécifique, et aussi entre

    eux. Un test novateur, ANT-I a été utilisé à la suite du ANT (Attention Network Test) ; il ne teste

    plus isolément les trois sortes d'alertes mais les teste aussi en interaction (CALLEJAS et coll.,

    2004). L'article a été trouvé récemment, alors que j'avais terminé les passations et que j'en étais à

    l'analyse des résultats. Mes choix s'en sont heureusement trouvés confortés, bien que la qualité de

    mon travail s'en soit également trouvée complexée ...

  • - 31 -

    Ce que l'on peut retenir de cette étude, le plus transmissible surtout, est qu'il y a donc trois grandes

    sortes d'alertes :

    - L'orientation (exogène ou endogène) dirige l'attention vers un point précis dans l'espace. Elle

    implique les lobes supérieurs pariétaux, dont le sillon intrapariétal, le colliculus supérieur et le

    thalamus ;

    - L'alerte (ou état d'éveil) qui active et préserve l'attention. Ce sont les régions frontales et pariétales

    droites qui jouent leur rôle ici ;

    - Le contrôle exécutif de l'attention intervient dans les situations conflictuelles. Comme vu plus

    haut, ce sont les aires frontales moyennes et le cortex préfrontal latéral qui sous tendent ce système.

    A noter une proximité anatomique entre les fonctions d'alerte et d'orientation, cette dernière étant a

    priori déjà décrite comme en lien avec les difficultés d'apprentissage en mathématiques. On peut

    penser facilement que l'alerte se voit également impliquée.

    Finalement, à l'issue de cette étude, on trouvait chez l'enfant dyscalculique ne présentant pas d'autre

    trouble tel qu'un TDAH - même si ces deux pathologies ont en commun une atteinte de la région

    frontale, ils ne présentent pas les mêmes causes, les mêmes caractéristiques concernant un éventuel

    trouble des apprentissages en arithmétique chez cette dernière population - une moindre efficience

    des fonctions d'alerte et d'inhibition, alors que l'orientation restait à peu près la même d'un groupe

    (contrôle) à l'autre (dyscalculiques).

    Un exemple d’application, inhibition et dyslexie

    D'après un article de la revue A.N.A.E. (novembre et décembre 2007), intitulé « Impact de le

    rééducation des troubles de l'inhibition sur le langage écrit. », D. POTELLE et coll. montrent que

    les troubles attentionnels, associés ou non à une hyperactivité (TDAH), joueraient un rôle dans les

    troubles de l'apprentissage de la lecture chez l'enfant. On décrit dans cet article une étude de cas où

    l'on tente de mesurer l'impact d'une rééducation centrée sur l'inhibition sur les progrès en lecture

    (déchiffrage, compréhension écrite et expression écrite). A l'issue de cette expérience, les

    chercheurs ont effectivement pu constater une amélioration du langage écrit grâce à l'amélioration

    des fonctions d'inhibition.

    L'attention englobe plusieurs fonctions et sous-fonctions, les fonctions attentionnelles et exécutives,

    dont l'inhibition.

  • - 32 -

    Selon STURN et coll. (1997), l'attention se décompose ainsi :

    - l'alerte phasique : capacité à répondre rapidement à un stimulus ;

    - l'attention soutenue : capacité à rester en alerte durant un laps de temps relativement long afin de

    détecter des stimuli pertinents, fréquents ou non fréquents (vigilance) apparaissant à des intervalles

    réguliers ;

    - l'attention sélective : capacité à se focaliser sur certains aspects d'une tâche, tout en inhibant les

    aspects non-pertinents. Elle serait la composante de base (COOLEY et MORRIS, 1990) ;

    - l'attention divisée, pour les tâches doubles : capacité à surveiller l'apparition simultanée de stimuli

    provenant de deux sources différentes.

    Dans son modèle de l'attention et des fonctions exécutives, KORKMAN (2000) met à part

    l'inhibition qui relèverait à la fois de la fonction attentionnelle et de la fonction exécutive.

    HOFFMAN et coll. (1995) ont mis en évidence un lien entre les saccades oculaires nécessaires lors

    de la lecture et les fonctions attentionnelles, alors que la lecture et l'attention visuelle d'une part

    (TOUZIN, 1999), et la compréhension en lecture et l'attention visuelle d'autre part (SOLAN et coll.,

    2003) sont également liées entre elles.

    2.3 - Inhibition et dyscalculie

    2.3.1 - Rôle de l'inhibition dans la dyscalculie

    La dyscalculie est souvent liée à un déficit d’inhibition (PASCAL, 2009), et s’observe dans la

    difficulté à gérer les interférences lors de la récupération des faits arithmétiques stockés en mémoire

    à long terme. Le temps de réponse est plus long, quand celle-ci est bonne.

    L’association dyscalculie - trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité est fréquente.

    Selon MYAKE (2000), trois facteurs exécutifs entrent en jeu : inhibition, mise à jour et shifting

    (changement de consigne).

    On observerait donc une difficulté à inhiber une stratégie acquise et à "switcher" vers une nouvelle

    stratégie (Wisconsin Card Shorting Test), une difficulté à inhiber les réponses numériques sur-

    apprises qui persistent plus longtemps en mémoire (BULL et SCERIF, 2001).

    C’est l’inhibition endogène, c’est à dire l’inhibition non pertinente pour la tâche d’une information

    présente dans la consigne ou l'exercice, ou le contrôle de l’information disponible en mémoire qui

  • - 33 -

    semble être difficile. L’inhibition exogène, celle de l’information externe, qui apparaît en dehors de

    l'exercice numérique ou pas, n’apparaît pas touchée.

    2.3.2 - Récupération en mémoire

    On définit la dyscalculie comme étant un trouble des apprentissages des habiletés mathématiques,

    qui serait dû à un déficit cognitif localisé et spécifique. Ainsi, on ne peut incomber la faute à une

    dyslexie, un trouble de l'attention ou un déficit plus général d'ordre intellectuel.

    La dyscalculie se manifeste de différentes manières, les causes supposées sont multiples, d'où la

    mise au pluriel : « les dyscalculies ». Ainsi on observe des difficultés dans la récupération en

    mémoire des faits arithmétiques, dans la mise en application des procédures apprises et dans la

    résolution de problèmes arithmétiques.

    Récemment, on s'est davantage concentré sur la base, les pré-requis à l'apprentissage tels que la

    magnitude (sens du nombre) et le subitizing.

    On met en évidence chez l’enfant dyscalculique un déficit de récupération en mémoire des faits

    numériques et des résultats mémorisés. Elle ne se fait pas, sinon elle est laborieuse, lente ou

    mauvaise (GEARY et HOARD, 2001). Dans cette moindre performance lors du processus de

    récupération, on met en cause un déficit d’inhibition d’une information ou d’une réponse non

    pertinente, ce qui pèse donc par la suite sur la mémoire de travail. C’est pour cela, entre autres, que

    la mémoire de travail est mise en cause dans les processus sous-tendant les habiletés arithmétiques.

    2.3.3 - Imagerie et localisation

    D'un point de vue neuro-anatomique, ces difficultés correspondraient à un développement moindre

    ou anormal des lobes pariétaux, notamment le sillon intrapariétal. Une réduction de la matière grise

    au niveau du sillon intrapariétal gauche aurait été observé (ISAAC et coll, 2001) chez l'enfant

    prématuré présentant des difficultés en mathématiques. Le sillon intrapariétal droit serait lui

    impliqué dans la magnitude, quand elle n'implique pas la symbolique (PRICE et coll., 2007 ;

    KADOSH et coll., 2007). Partant de ce point de vue, on est amené à penser que la dyscalculie (les

    anglo-saxons disent - traduit littéralement - « dyscalculie développementale ») est un trouble bien

    spécifique et isolé, et que ses causes sont tout aussi précises et spécifiques.

  • - 34 -

    2.4 - Epreuves testant l’inhibition

    Tâches de génération aléatoire, comme le « trail making test »

    On teste la flexibilité cognitive, en deux parties :

    - partie A : 25 nombres sont disposés dans le désordre sur une feuille. Le sujet doit relier le plus vite

    possible, à l'aide d'un crayon, les nombres dans l'ordre croissant ;

    - partie B : 25 nombres et lettres. Le sujet doit les relier, toujours dans l'ordre croissant et le plus

    vite possible, en alternant chiffre-lettre. C'est dans cette partie que l'on teste la flexibilité.

    L'évaluation se fait d'après le temps total et le nombre d'erreurs.

    Le test du « Wisconsin Shorting Card » est utilisé pour éprouver la flexibilité

    Là aussi, on teste la flexibilité mentale, les capacités de déduction.

    Matériel : 4 cartes stimulus, 48 cartes réponses, 3 catégories (forme, couleur, nombre).

    Le sujet doit identifier les différentes façons de classer ces cartes, d'abord de façon libre puis

    dirigée. On refuse une catégorie proposée pour l'amener à déduire le changement de critère et

    trouver alors une autre façon de classer, inhiber la stratégie en cours pour en trouver une nouvelle.

    On calcule ensuite le nombre de séries corrects puis le nombre d'erreurs (persévérations).

    Apprentissage AB-AC

    Le sujet doit apprendre une première liste de 12 paires de mots appariés (voleur-crime, lion-

    chasseur), puis une deuxième liste de 12 paires, contenant le même premier mot de chaque paire de

    la première liste, mais apparié à un nouveau mot (voleur-bandit, lion-cirque). On observe alors un

    interférence pro-active.

    L’empan d’écoute (DANEMAN et CARPENTER, 1980) implique aussi l’inhibition :

    Le sujet doit deviner le dernier mot d'une phrase.

    L'épreuve du Tapping

    Elle ne met pas en jeu la lecture. L'enfant doit s'empêcher de reproduire un geste effectué par

    l'examinateur.

    Test de Hayling (SHALLICE et coll., 2002)

    Capacité d'inhibition des réponses verbales sur-apprises.

    Dérivé du test pour adulte (BURGESS et SHALLICE, 1996) lors de lésions frontales.

  • - 35 -

    Test de Stroop (STROOP, 1935)

    Capacité à inhiber une réponse automatique dominante et à résister à une interférence induite

    (GOLDEN et coll., 1987 : 7 à 80 ans ; ALBARET et MIGNIERE, 1999 : 8-15 ans).

    Dénomination, lecture puis interférence :

    - score de réussite = nombre d'items correctement lus ou dénommés en 45 minutes (temps de

    réalisation de la planche) ;

    - score d'erreurs = auto-corrigées, non corrigées, hésitations ;

    - score d'interférence = (dénomination – interférence).

    Plus le score est élevé, plus la sensibilité à l'interférence est grande.

    Entre 7 et 19 ans, on observe une réduction de l'effet d'interférence (COMALLI et coll., 1962 ;

    KOENING, 1986 ; SEVINO, 1998).

    Une seule étude de validité : 32 enfants TDAH.

    Tests proches de Stroop, pour les enfants plus jeunes et non lecteurs

    - test des fruits (ARCHIBALD et KERNS, 1999) ;

    - test des animaux (WRIGHT et coll., 2003) : corps / tête ;

    - le « Real Animal Size Test » (5 - 9 ans).

    Tâches Go / No Go

    Testent l'inhibition au sens propre : répondre ou s'abstenir de répondre selon le stimulus,.

    Cogner et Frapper

    Apprentissage d'une réponse contradictoire, inhiber une réponse (ne rien faire).

    Test de la Statue (KORKMAN, KIRK et KEMP, 2003)

    Inhibition de distracteurs et contrôle du comportement.

    Il y existerait un niveau plafond dès 6 ans même si le test est étalonné jusqu'à 12 ans.

    Tâches de réponses contrariées

    Selon le paradigme de LURIA - conditionnement simple (faire la même chose) / conditionnement à

    conflit (faire le contraire) - on observe un apprentissage des réponses contradictoires.

    [test (PASSLER et coll., 1985), test jour et nuit, test des mondes contraires (ZIMMERMAN et

    coll.), réponses associées (KORKMAN et coll., 1998)]

  • - 36 -

    3 - Problématique et hypothèses

    L'inhibition fait partie des fonctions exécutives qui permettent la planification, l'exécution et le

    contrôle d'une action dirigée vers un but. Par ce processus, on supprime ou on évite une réponse,

    une routine intégrée en mémoire procédurale ou déclarative, non pertinente pour la tâche demandée.

    Les habiletés arithmétiques requièrent l'inhibition, notamment lorsqu'il s'agit de récupérer un

    résultat en mémoire à long terme (faits numériques, tables), en mémoire de travail (calcul mental

    complexe), ou de choisir la stratégie, le schéma ou le modèle mental adéquat pour la résolution d'un

    problème.

    On peut se demander donc si, dans une dyscalculie où domine notamment un déficit de récupération

    des faits numériques, l'inhibition entre en jeu ou pas.

    Pour éviter de trop fermer la question, la problématique sera : « Existe-il un lien entre l'inhibition et

    certaines habiletés arithmétiques »?

    La mémoire de travail étant largement mise en cause, on peut se demander également si la mémoire

    en général n'est pas amoindrie par une inhibition déficitaire qui viendrait entraver la récupération en