32
E cacité et transparence dans les procédures de spéci cation sur les marchés publics O. Compte et A. Lambert-Mogiliansky Etude RCB réalisée pour le compte de la Direction de la Prévision, Ministère de l’Economie de Finances et de L’Industrie. Novembre 2000 CERAS, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, URA 2036. CERAS, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, URA 2036 et ALM-Consultants Paris. 1

Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Efficacité et transparence dans les procédures

de spécification sur les marchés publics

O. Compte∗ et A. Lambert-Mogiliansky†

Etude RCB réalisée pour le compte de la Direction de la

Prévision, Ministère de l’Economie de Finances et de

L’Industrie.

Novembre 2000

∗CERAS, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, URA 2036.†CERAS, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, URA 2036 et ALM-Consultants

Paris.

1

Page 2: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Résumé

L’objectif de cette étude est de comparer diverses procédures d’allocation

des marchés publics quant à leurs performances en termes de pression con-

currentielle et de risque de favoritisme. Nous trouvons que les procédures

avec sélection sur critère annoncé à l’avance, tendent à induire une pres-

sion concurrentielle plus forte et sont associées à des rentes de favoritisme

moins importantes que les procédures qui consistent à offrir aux soumis-

sionaires un cahier de charges avec des clauses techniques précises. Nous

trouvons également que l’incertitude sur le critère peut nuire à l’efficacité et

que cette incertitude à elle seule peut générer des rentes de favoritisme. Enfin

nous offrons une caractérisation de la variante résultant du favoritisme. Le

favoritisme sélectionne des variantes techniques non-standards ou bien des

critères qui valorisent des caractéristiques spécifiques à un petit nombre de

candidats. Un étude de cas sur le marché des fournitures de papier est pro-

posée. L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

publiques, nous offre une occasion d’élargir la réflexion à d’autres aspects des

procédures. Sur la base de notre analyse nous formulons quelques recomman-

dations pour améliorer l’efficacité et réduire les risques de favoritisme sur les

marchés publics. En particulier, il convient de minimiser le recours aux spé-

cifications techniques au profit d’une spécification en termes de performance.

Il est aussi préférable de sélectionner l’entreprise gagnante sur la base d’un

critère d’évaluation (de la performance) plutôt que sur la base d’un objec-

tif minimal de performance. Enfin, une définition transparente des critères

de sélection rendue publique au préalable, est désirable tant du point du

vue de l’accroissement de la concurrence que de la limitation du risque de

favoritisme.

2

Page 3: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Prologue: le coût social du favoritisme - un exemple.

L’exemple qui suit est tiré du Rapport de la Cour des comptes (1997),

”La gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement”. A Dinard,

la commune avait confié à un cabinet privé l’étude et la construction d’un

barrage. Le marché initial fut sujet à des avenants de 15% au total. De

plus, il s’est avéré que les eaux recueillies n’offraient pas les qualités suff-

isantes pour être distribuées sans traitement. L’utilisation du barrage, qui a

couté 30 millions de francs, reste conditionnée à la construction d’une usine

d’épurement, projet qui n’est pas encore programmé par la collectivité. Pour

l’instant, le seul effet de ce marché a été d’augmenter le coût de l’eau de 2.40fr

par m3. Est-il question d’incompétence, de négligence ou bien de favoritisme?

A notre connaissance aucun jugement n’a été prononcé. Cet exemple illus-

tre néanmoins la nécessité d’une réflexion approfondie sur les mécanismes

d’allocation des marchés publics.

1 Introduction

L’objectif de cette étude est de comparer diverses procédures d’allocation

des marchés publics. Par procédure d’allocation, on entend le processus qui

mène de la décision politique de financer un nouveau projet à la signature

d’un contrat détaillé entre l’autorité publique et la firme qui réalisera le

projet.

Tout contrat final doit généralement inclure une spécification précise des

charges et contraintes imposées à l’entreprise sélectionnée. Différentes procé-

dures sont susceptibles de conduire à différentes spécifications. Notre objectif

est d’apprécier comment se comparent ces procédures quant à la spécification

retenue, la dépense publique, l’adéquation avec les préférences de l’acheteur

public et l’efficacité sociale. On discutera aussi l’effet de ces procédures sur

les risques de favoritisme et de collusion.

3

Page 4: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Pour illustrer l’effet possible des procédures sur la spécification finale

retenue, considérons une procédure d’allocation au moins disant. Dans une

telle procédure, la firme offrant le prix le plus bas est sélectionnée. Claire-

ment, chaque entreprise va proposer la spécification qui minimise son coût,

sans tenir compte des préférences de l’acheteur public, par exemple en matière

de qualité. Ainsi l’adéquation de la spécification retenue avec les préférences

de l’acheteur public a toutes les chances d’être faible.

Pour pallier à ce problème, les procédures utilisées en pratique font appel

à des critères autres que le prix:

1. Spécification ex-ante du projet. L’agent affine la définition du projet.

Les firmes font leurs offres. L’agent choisit la moins disante parmi les firmes

dont l’offre respecte les contraintes annoncées.

2. “Best value”. L’agent annonce à l’avance une règle d’évaluation ( la

définition de critères et le mode d’aggrégation de ces critères). Les entre-

prises font leurs offres. Puis l’agent se conforme à la règle annoncée pour

sélectionner la firme gagnante.

3. Evaluation ex-post. Les entreprises font leurs offres. L’agent sélec-

tionne une entreprise en prenant en compte d’autres critères que le prix.

L’agent explicite ex-post la manière dont il a pris sa décision. Cette procé-

dure permet à l’agent de prendre en compte d’autres critères que le prix

mais n’exige pas que ces critères soient annoncés à l’avance: une certaine

incertitude sur la règle d’évaluation subsiste.

Les trois types de procédure décrits ci-dessus vont induire des comporte-

ments de la part des firmes. Nous nous intéresserons à la performance de ces

procédures en terme de pression concurrentielle et de risque de favoritisme.

Dans une approche très générale, plusieurs articles (par exemple Laffont

et Tirole (1987), Mc Afee et Mc Millan (1987)) ont identifié un mécanisme

de révélation optimal dans un environement similaire au nôtre. La ques-

4

Page 5: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

tion de la mise en oeuvre pratique de cette solution théorique a été abordée

par Che (1993). Il s’intéresse à la forme du critère de sélection optimal dans

une enchère bi-dimensionnelle. Un résultat particulièrement intéressant pour

notre propos est que le critère optimal qui pondère qualité et prix ne reflète

pas naïvement les préférences de l’acheteur. Ce critère discrimine contre la

qualité. Laffont et Tirole (1991) offrent une première exploration du prob-

lème du favoritisme dans les enchères. Leur approche en terme de mécanisme

optimal se révèle cependant très laborieuse. Notre approche ici est différente.

Nous ne sommes pas préoccupés par la dérivation d’une procédure de spécifi-

cation optimale. Notre objectif est de mettre en évidence certaines propriétés,

en termes d’efficacité et de risque de favoritisme, afin de permettre une com-

paraison entre trois procédures rencontrées dans la pratique. Cette approche

a l’avantage de ne pas faire appel à des calculs très sophistiqués (et peu réal-

istes) sur les coûts espérés des firmes pour des variantes hypothétiques du

projet.1

Nos premiers résultats mettent en évidence l’arbitrage fondamental qui

régit la décision de spécification: l’arbitrage entre pression concurrentielle et

adéquation avec les préférences de l’acheteur public. Réduire la pression con-

currentielle équivaut à favoriser certaines firmes aux dépens des autres. Cette

discrimination se fait au profit des firmes dont le projet plait à l’acheteur

public lorsque l’agent est bénévole mais elle peut être exploitée pour générer

des rentes de favoritisme lorsque l’agent est opportuniste (corrompu). Nous

contrastons la procédure de spécification (technique) ex-ante avec la procé-

dure de sélection sur critère (”best value”), pour établir que cette dernière

peut sélectionner le même projet que la première mais à un coût inférieur. Il

découle de ce résultat que les rentes de favoritisme (lorsque la décision de l’a-

1Mis à part l’hypothèse peu réaliste sur les capacités de l’agent à optimiser, les résultats

dans ce type d’analyses dépendent également des hypothèses particulières faites sur la

structure de l’information (voir Brusco 1997).

5

Page 6: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

gent est capturée par une firme) seront toujours moins importantes dans une

enchère sur critère comparé avec une enchère au moins disant avec spécifica-

tion (technique) ex-ante. Dans les deux cas on trouve que la spécification qui

ressort d’une procédure capturée tend à minimiser la pression concurrentielle

par exemple en posant des exigences non-standards ou bien en valorisant des

caractéristiques spécifiques à une firme. Le rôle de l’incertitude sur le critère

de sélection, est abordé. Nous montrons que l’incertitude peut réduire l’effi-

cacité de l’enchère. Mais le résultat le plus intéressant est que l’incertitude

à elle seule génère des rentes de favoritisme dans un contexte où toutes les

firmes sont semblables et donc que les rentes sont nulles pour tout critère

annoncé à l’avance. Nous proposons également une étude de cas qui, si elle

permet d’élargir la réflexion à d’autres aspects des procédures (par exemple

remise en concurrence dans un pool restreint), ne permet cependant pas de

tirer des conclusions probantes sur les avantages comparatifs des procédures

étudiées dans la partie théorique. Une des raisons est que le marché étudié

a subi de nombreux chocs d’envergure durant la période étudiée ce qui rend

les comparaisons difficiles.

La section 2 introduit le modèle de base. Les procédures sont analysées

sous l’angle de la concurrence. Dans la section 3, nous étudions les risques

de favoritisme associés aux trois types de procédures. La section 4 présente

une étude de cas sur le marché des fournitures de papier. Enfin, la section 5

conclut sur quelques recommandations.

2 Concurrence

2.1 Modèle de base

Spécification On considère un projet dont l’ensemble des spécifications

possibles est Ω. On dénote ω ∈ Ω, une spécification particulière. Par exemple

6

Page 7: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Ω correspondrait ”à une école primaire pour trois cents enfants satisfaisant

les standards de sécurité” tandis que ω serait une description architecturale

détaillée.

Dans ce qui suit un sous-ensemble Ω0 ⊂ Ω représentera une spécificationpartielle du projet. Pour le cas où ω représente le niveau de qualité, on

prendra typiquement Ω0 = ω ∈ Ω;ω ≥ ω0 où ω0 est un niveau de qualitéminimum.

Préférences On considère un nombre n de firmes caractérisées par une

fonction de coût ci (ω) où ω est une spécification du projet. Lorsque la firme

i est sélectionnée pour réaliser la spécification ω au prix p, elle obtient un

profit

πi = p− ci (ω) . (1)

Les préférences de l’acheteur public sont représentées par une fonction ob-

jective:

W = B (ω, θ)− poù B (ω, θ) est le gain social généré par la spécification ω, et où θ ∈ Θ

paramétrise les préférences sur les dimensions autres que le prix et p est le

prix payé à la firme qui obtient le contrat. Enfin, l’efficacité sociale vaut

E = B (ω, θ)− ci(ω),

et on notera ωe et ie la spécification et la firme qui maximise l’efficacité

sociale:

(ωe, ie) = arg maxω∈Ω,i

B (ω, θ)− ci(ω)Les firmes sont en information symétrique: elles connaissent les fonctions

de coût ci (.)i et ont la même information sur les préférences de l’acheteurpublic, à savoir, θ est distribué sur Θ selon f(.). L’acheteur public ne connaît

pas les fonctions de coûts.

7

Page 8: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Critères de sélection et procédures: Un critère de sélection de l’a-

cheteur public est une fonction s(ω, p) portant sur la spécification retenue ω

et le prix payé p. Les critères envisagés sont les suivants:

Moins disant: s(ω, p) = −p,

Spécification ex-ante: Ω0 ⊂ Ω: s(ω, p) = −p si ω ∈ Ω0, s(ω, p) = −∞ sinon.

(Ce critère correspond donc au critère moins disant sous contraintes.)

Mieux disant: s(ω, p) = B(ω, θ) − p, où θ est le paramètre annoncé parl’acheteur public.

Evaluation ex-post: s(ω, p) = B(ω, θ) − p, où le paramètre θ est distribuéselon une densité de probabilité f(.) (le critère est stochastique). Cette

situation correspond au cas où le critère n’est pas annoncé à l’avance,

par exemple parce que l’acheteur public n’est pas en mesure d’évaluer

le gain social associé aux diverses variantes possibles avant de connaître

ces variantes.

A chaque critère s(., .) est associée une procédure:

1) Chaque firme fait une offre (ωi, pi).

2) L’acheteur public sélectionne la (ou une des) firme(s) qui maximise le

critère s(., .)

3) La firme sélectionnée signe un contrat aux conditions offertes par cette

firme.

On notera (i∗,ω∗, p∗) l’issue de la procédure, ainsi queW ∗ et E∗ les valeursde l’objectif de l’acheteur public et de l’efficacité sociale respectivement.

2.2 spécification technique du marché et moins disant

Dans une procédure au moins disant, la spécification retenue émerge de la

mise en concurrence. Dans une procédure spécifiée, l’acheteur public a choisi

8

Page 9: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Ω0 ⊂ Ω, et la spécification est ainsi partiellement (voir complètement si

Ω0 est un singleton) définie par l’acheteur public. Une spécification partielle

consiste par exemple à donner un objectif de performance: plusieurs solutions

techniques sont alors susceptibles de satisfaire cet objectif.

Pour mettre en évidence l’arbitrage qui régit la décision de spécification

ex-ante nous allons établir deux résultats correspondant à deux situations

extrêmes caractérisées par les hypothèses 1 et 2 ci-dessous.

Hypothèse 1 : B (ω, θ) = B ∀ω ∈ Ω.L’hypothèse 1 caractérise une situation où les variantes sont équivalentes

en termes de bénéfice pour l’acheteur public. Par exemple les spécifications

ont trait à des solutions techniques sans implication pour l’usager (deux

techniques d’épuration de l’eau conduisant au même niveau de qualité). Notre

premier résultat exhibe l’effet de la décision de spécification sur la pression

concurrentielle.

Proposition 1 Plus la spécification est restrictive plus l’efficacité est faible:

le coût de l’entreprise sélectionnée ci∗(ω∗) et le prix de passation p∗augmentent.

Proof. On note i(1) (Ω0) l’entreprise ayant le coût le plus bas quand la

spécification est Ω0 :

i(1)³Ω0

´= argmin

iminω∈Ω0

ci(ω)

On note c(1) (Ω0) le coût correspondant. On définit de façon similaire l’en-

treprise i(2) (Ω0) ayant le deuxième plus bas coût, et on note c(2) (Ω0) le

coût correspondant. A l’équilibre (en stratégies non-dominées), l’entreprise

i(1) (Ω0) est sélectionnée et paye p∗ = c(2) (Ω0). L’efficacité sociale vaut donc

B − c(1) (Ω0). Pour tout Ω0 ⊆ Ω,

c(1)³Ω0

´≥ c(1) (Ω) et c(2)

³Ω0

´≥ c(2) (Ω) .

L’efficacité sociale est maximum et le prix de passation est minimum quand

Ω0 = Ω.

9

Page 10: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Notons qu’un objectif de performance est équivalent à une spécifica-

tion technique incomplète, c’est-à-dire à une spécification qui laisse une cer-

taine liberté aux firmes dans le choix de la variante. Soit B0 la performance

souhaitée, une spécification en terme de performance peut s’écrire de manière

suivante : Ω0 = ω;B (ω, θ) = B0. Les firmes choisissent leur variantepréférée dans Ω0 ou ce qui est équivalent, choisissent leur manière préférée

d’atteindre l’objectif de performance.

Un Corollaire de la Proposition 1 est qu’un objectif de performance du

type Ω0 = ω;B (ω, θ) = B0 est toujours préférable à une spécification tech-nique particulière induisant la performance souhaitée (c’est à dire, Ω0 = ω0où ω0 est tel que B (ω0, θ) = B0). L’objectif en terme de performance induit

une pression concurrentielle plus importante que la spécification particulière

car il laisse les firmes tirer au mieux parti de leurs avantages comparatifs

respectifs, et cela sans pour autant réduire le gain social B (.) .

La proposition 1 fait apparaître, en l’isolant, un des effets fondamentaux

de la spécification: plus une spécification est discriminatoire c’est à dire plus

l’ensemble des variantes acceptables est restreint, plus la pression concur-

rentielle est faible; le seul effet de la spécification du marché en précisant

la technique est de faire augmenter le coût de l’entreprise sélectionnée et la

dépense (et donc de reduire W ∗ et E∗). Ce premier résultat est essentielpour appréhender la question du favoritisme dans notre contexte. Il montre

que toute spécification(autre que l’absence de spécification) est par nature

discriminatoire. Spécifier équivaut à biaiser la concurrence en faveur de cer-

taines solutions. Par conséquent, toute spécification favorise la ou les firmes

qui ont un avantage comparatif dans les spécifications retenues aux dépens

des autres firmes.

On va désormais s’intéresser à des situations où les diverses spécifications

possibles affectent le gain social du projet. Par exemple un projet de stade

10

Page 11: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

peut inclure un dispositif spécial qui augmente la sécurité. Un autre projet

peut inclure un dispositif qui garantit une qualité de terrain par tous les

temps. Chacun de ces aspects est important pour l’acheteur public. La

proposition 2 ci-dessous illustre un cas simple où les projets sont associés à

des valeurs sociales différentes. Considérons la situation où la spécification

est définie par un paramètre unique par exemple un niveau de qualité (chaque

niveau de qualité correspond à une variante):

Hypothèse 2 : ci (ω) croit avec ω ∈ Ω = [ω,ω] et pour chaque entreprise,∂∂ωB (ω, θ)− ci (ω) |ω=ω> 0.

L’hypothèse 2 caractérise une situation où i) la spécification correspond

à un niveau de qualité (de sorte que les coûts croissent avec ω) et où ii)

localement, autour de la qualité minimum ω, l’efficacité sociale croit avec ω.

Proposition 2 Sous l’hypothèse 2, il existe une spécification Ω0 ⊂ Ω plus

restrictive que Ω pour laquelle le bénéfice social E∗ et le bénéfice de l’acheteurW ∗ augmentent strictement.

Proof. On adopte les mêmes notations que dans la preuve de la Proposition

1 et on suppose Ω0 = [ω0, ω]. Sous l’hypothèse 2, les entreprises choisissent

toujours la spécification la plus basse possible (c’est à dire ωi = ω0), et

l’efficacité maximum

maxiB(ω, θ)− ci(ω)

croît avec ω autour de ω. Ainsi l’efficacité E∗(Ω0) résultant de la procédureavec spécification Ω0 croît avec ω0 (autour de ω).

Pour la spécification Ω0 = [ω0, ω], le bénéfice de l’acheteur vaut W =

B(ω0, θ)− ci(2)(ω0)(ω0) et croît avec ω0 car B(ω, θ)− ci(ω) croit avec ω pour

chaque firme i.

11

Page 12: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

Lorsque les projets proposés par les firmes ne sont pas équivalents pour

l’acheteur public, alors il peut être optimal de préciser la spécification du

marché malgré la perte de pression concurrentielle mise en evidence dans la

proposition 1.

Un résultat de ce type subsiste même sous des hypothèses moins restric-

tives. Prenons le cas hypothétique où l’acheteur public connait la spéci-

fication efficace ωe et supposons que ∂B(ω,θ)∂ω

|ωe 6= 0. Si Ω0 = ωe, alorsl’entreprise sélectionnée est l’entreprise efficace ie. Considérons maintenant

le cas où la spécification est moins fine, de sorte que Ω0ε = [ωe − ε,ωe + ε].

Alors:

1. la spécification Ω0ε conduit à une allocation moins efficace (car l’entre-

prise efficace choisit une spécification différente de ωe pour diminuer

ses coûts).2

2. si de plus, pour i 6= ie, | ddωci(ω

e) |<| ddωcie(ω

e) |, alors l’accroissementde pression concurrentielle ne compense pas la perte d’efficacité, et le

bénéfice de l’acheteur décroit.

2.3 Critère “best value”

L’objectif de cette section est de mettre en évidence deux propriétés parti-

culièrement attractives de la procédure ”best value”. La première est que

cette procédure sélectionne la spécification efficace et l’entreprise efficace.

La seconde est qu’elle améliore la pression concurrentielle relativement à la

procédure spécifiée Ω0 = ωe (permettant elle aussi de sélectionner l’entre-prise efficace).

Proposition 3 La procédure best value où bθ = θ (le critère prend en comptele vrai gain social) sélectionne la spécification efficace ωe et l’entreprise effi-

2En effet, pour l’entreprise efficace, ∂E(i,ω,θ)∂ω |i,ωe= 0, donc dcie (ω)

dω |ωe 6= 0.

12

Page 13: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

cace ie.

Proof. On note ωei = argmaxω B(ω, θ) − ci(ω) la spécification qui max-imise l’efficacité quand l’entreprise i est sélectionnée. On note aussi E (2) =maxi6=ie,ω B (ω, θ) − ci(ω). On va montrer que les stratégies suivantes con-stituent un équilibre: pour i 6= ie, la firme i choisit ωei et pi = ci(ωei ). La firmei choisit ωe et pie = B(ωe, θ)− E(2). Ces stratégies forment un équilibre pourla raison suivante. Etant donné ces stratégies, le valeur du critère atteint par

ie vaut B(ωe, θ) − pie = E(2), et le maximum de la valeur du critère atteint

par les firmes autres que ie vaut aussi E(2). Aucune firme autre que ie nepeut surpasser ce critère tout en faisant des profits positifs. Les stratégies

des firmes i 6= ie sont donc optimales. Compte tenu des stratégies des firmesi 6= ie, la firme i résoud

maxp,ω

t.q. B(ω,θ)−p≥E(2)

p− ci(ω).

Le choix ωe, pei est clairement optimal.

Ainsi, contrairement à la procédure spécifiée, où l’acheteur public doit

connaître ωe afin d’être certain de sélectionner l’entreprise efficace, la procé-

dure best value fait émerger la spécification efficace. Qui plus est, la mise

en concurrence par la procédure best value induit une pression concurren-

tielle supérieure à la procédure spécifiée Ω0 = ωe, comme le montre laproposition suivante:

Proposition 4 Le prix de passation dans la procédure best value (avec bθ = θ)est inférieur ou égal au prix de passation dans la procédure spécifiée Ω0 =

ωe. Par ailleurs, le bénéfice de l’acheteur dans la procédure best value (avecbθ = θ) est supérieur ou égal à celui résultant d’une procédure complètementspécifiée Ω0 = ωe.

Proof. Dans l’enchère spécifiée où Ω0 = ωe, le prix de passation vautp∗ = c(2) (ωe) ≥ c(1) (ωe) . Le prix de passation de l’enchère de ”best

13

Page 14: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

value” vaut pie = B (ω, θ)− E (2) (voir prop. 3), pie − p∗ ≥ B (ω, θ)− E (2) −c(1) (ωe) = E − E(2) ≥ 0.L’intuition pour le premier résultat est immédiate: les deux procédures

envisagées sélectionnent la même spécification et la même entreprise. Laisser

à des entreprises autres que ie l’opportunité de choisir leur spécification ef-

ficace ωei plutôt que de les contraindre à choisir ωi = ωe accroît la pression

concurrentielle sur l’entreprise efficace ie.

2.4 Critère d’évaluation ex post et incertitude

Nous nous intéressons dans cette section au cas d’un critère d’évaluation

ex post inconnu des firmes lors de la soumission des offres (soit parce que

l’acheteur public préfère tenir secrète la règle, soit parce que l’acheteur public

ne connait pas bien l’ensemble des variantes possibles et préfère attendre de

voir les offres des entreprises).

Nous allons montrer que rendre publique la règle après la soumission des

offres (plutôt que de l’annoncer avant la soumission) réduit l’efficacité sociale

et peut aussi réduire le bénéfice de l’acheteur. L’idée est que dans le cas

d’une procédure où la règle d’évaluation n’est pas divulguée à l’avance, les

entreprises sont obligées de prendre des paris sur la valeur de θ. Elles ont

donc toutes les chances de se tromper.

Dans le cas d’une procédure best value, la règle d’évaluation est annon-

cée à l’avance et l’issue est la suivante: pour chaque réalisation θ ∈ Θ, laprocédure sélectionne la spécification ωe(θ) et l’entreprise efficace ie(θ). Sup-

posons que ddθωe(θ) > 0. Soit Θ1,Θ2, ...Θn+1 une partition de Θ. Dans le cas

d’une procédure d’évaluation ex post, les entreprises soumettent une seule

offre. Il est facile de montrer qu’il existe k0 et q > 0 tels qu’avec probabilité

q, les entreprises auront toutes choisi une spécification n’appartenant pas à

14

Page 15: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

ωe(Θk0).3 Avec probabilité positive l’allocation ne sera donc pas efficace.

Supposons en plus que les fonctions de coût des entreprises soient iden-

tiques. Alors le prix de passation vaut p∗(θ) = c(ωe(θ)) dans le cas d’une

procédure best value et les profits sont nuls (et donc le revenu de l’acheteur

est à son maximum pour θ). Dans le cas d’une procédure ex post, on va mon-

trer que les profits d’équilibre sont nécessairement strictement positifs. En

effet, en choisissant ωe(θi) avec θi ∈ Θk0 comme défini ci-dessus, l’entreprise

i est sûre de faire face, avec probabilité au moins égale à q, à des entreprises

ayant toutes choisi ωe(θj) avec θj /∈ Θk0 . On peut donc choisir eΘk ⊂ Θk,eθ ∈ eΘk et a > 0 de sorte que∀θ ∈ eΘk, B(ωe(eθ), θ)− c(ωe(eθ)) ≥ a+ max

θ0 /∈ΘkB(ωe(θ0), θ)− c(ωe(θ0)).

Ainsi, en choisissant ωi = ωe(eθ) et pi = c(ωe(eθ)) + a−, l’entreprise i estsélectionnée dans tous les évènements où θ ∈ eΘk et θj /∈ Θk ∀j 6= i, et faitun profit strictement positif (égal à a). Le bénéfice de l’acheteur public est

réduit d’autant (en plus de la reduction induite par la perte d’efficacité.)

3 Favoritisme

Des opportunités de favoritisme existent dès lors que les procédures de passa-

tion de marché ne sont pas transparentes et que l’agent chargé d’administrer

le marché peut affecter la procédure d’attribution, par exemple en échange

d’un pot-de-vin.

Les procédures envisagées dans cette étude sont diversement transpar-

entes. La procédure au moins disant est parfaitement transparente et n’offre

3Pour chaque entreprise i, soit k(i) l’entier k qui maximise Pr(ωi ∈ ωe(Θk)). Notonsque l’on a forcément Pr(ωi ∈ ωe(Θk)) ≤ 1/2 pour tout k 6= k(i). Soit K = ∪i=1,...nk(i).

L’ensemble K a au plus n éléments, et donc il existe k0 /∈ K, et on a donc Pr(ωi /∈ ωe(Θk0)

) ≥ 12n pour tout i.

15

Page 16: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

ainsi aucune possibilité de favoritisme. Les procédures reposant sur la déf-

inition préalable d’un critère de sélection ne sont transparentes que pour

l’attribution du marché: le choix du critère n’est pas transparent et des pos-

sibilités de favoritisme sont possibles lors du choix du critère.

Enfin, la procédure d’évaluation ex post n’est transparente ni dans l’at-

tribution du marché (le critère peut être choisi sur mesure, après réception

des offres), ni avant la soumission des offres, puisque le choix du critère d’é-

valuation peut être décidé secrètement entre l’agent et une des entreprises,

ou communiqué secrètement par l’agent à une des entreprises.

L’objectif de cette section est de comparer ces diverses procédures quant

aux effets du favoritisme.

3.1 Choix de spécification

Pour mettre en évidence l’effet de la corruption sur l’efficacité de la procédure

spécifiée nous allons développer le modèle de la section 2.1 en intégrant la

corruption de la manière suivante. Avant de déterminer les contraintes de

spécifications, l’agent se tourne vers les firmes en leur demandant combien

elles sont prêtes à payer pour avoir la possibilité de choisir les contraintes de

spécification Ω0. Nous modélisons le jeu de corruption comme une enchère

au premier prix en pots-de-vin dont l’enjeu est le droit de déterminer Ω0. Le

pot-de-vin est une prime de succès: il n’est payé par la firme que si celle-ci

obtient le contrat.

Lorsque l’agent est corrompu, l’allocation du marché s’opère de la manière

suivante:

- à t = 1, l’agent sollicite une offre secrète de pot-de-vin bi de chaque

firme i.

- à t = 2 l’agent offre à la firme (une des firmes) qui offre le pot-de-vin

le plus important la possibilité de choisir une spécification Ω0 ⊆ Ω. On note

16

Page 17: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

if la firme sélectionnée. La firme sélectionnée communique son choix Ω0if à

l’agent.

- à t = 3, l’agent annonce la spécification. Si aucune firme n’offre de

pot-de-vin à t = 2, il annonce Ω, sinon il choisit Ω0if . L’agent est payé par la

firme if si celle-ci obtient le marché.

Par ailleurs, pour chaque contrainte Ω0 ⊆ Ω, on définit

R(Ω0) ≡ c(2)(Ω0)− c(1)(Ω0),

R(Ω0) est la rente de la firme gagnante lorsque Ω0 est la spécification offerte

dans l’enchère. On considère la situation intéressante où il existe ω, ω0 ∈ Ω telque i(1) (ω) 6= i(1) (ω0) où i(1) (ω) = argmini ci (ω) , c’est à dire une situationoù ce n’est pas toujours (pour toutes les spécifications) la même firme qui

remporte le marché. On a la Proposition suivante:

Proposition 5 La procédure avec corruption définie ci-dessus conduit à la

spécification Ωf qui maximise R(Ω0) et à la sélection de if = i(1)³Ωf

´.

Comparée à la procédure spécifiée Ω0 = ωe, l’efficacité sociale se détéri-ore. Le montant du pot-de-vin bif ,est égal à la rente maximale du gagnant

i 6= if , quand if ne participe pas à l’enchère en pot-de-vin.

Proof. Soit Ωf = argmaxΩ0 R (Ω0) , on définit if = i(1)³Ωf

´. Soit Ω∗ =n

ω, i(1) (ω) = ifo, on a par hypothèseΩ∗ 6= Ω et on définitR∗ = maxω/∈Ω∗ R (ω) .

Le montant R∗ est le montant maximum que les firmes autres que if sont

prêtes à payer pour avoir le droit de spécifier. L’entreprise if est prête à

payer R³Ωf

´> R∗. L’enchère en pot-de-vin est donc une enchère clas-

sique au premier prix dont l’issue est la suivante: la firme if gagne et offre

bif = R∗.

Le résultat principal de la proposition 5 est que la corruption induit un

biais anti-concurrentiel: la spécification sélectionnée est celle qui maximise

17

Page 18: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

les rentes du gagnant (et donc minimise la pression concurrentielle), ce qui

a pour effet de diminuer l’efficacité. On note également que la corruption

diminue le bénéfice espéré de l’acheteur public.

Le biais anti-concurrentiel peut s’interpréter comme un choix de solution

technique non-standard. Ainsi sous le couvert d’un argumentaire en faveur

d’une innovation peut se cacher une tentative de favoritisme. Le biais anti-

concurrentiel peut aussi s’exprimer dans le choix de solutions techniques que

peu de firmes maîtrisent. Ainsi dans le rapport de ”Marchés publics et poli-

tique criminelle” Direction des Affaires criminelles et des Grâces Fevrier

1996, on relève le cas suivant. Sur un marché géré par un centre hospitalier,

un Cahier des Clauses Techniques Particulières fut établi tel qu’il spécifiait

si précisément le matériel de stimulateur et de sondes cardiaques que seule

une firme pouvait répondre à l’appel d’offre.

Ce résultat est dans l’esprit de Schleifer et Vishny (1993) qui ont eux aussi

discuté les liens entre corruption et biais de sélection anti-concurrentiel.

3.2 Choix d’une règle d’évaluation

Quel est l’effet de la corruption sur le choix du critère d’évaluation?

L’allocation du marché s’opère de la manière suivante:

- à t = 1, l’agent sollicite une offre secrète en pot-de-vin bi de chaque

firme i.

- à t = 2, l’agent offre à la firme (une des firmes) qui offre le pot-de-vin bile plus important la possibilité de choisir une règle θ de son choix. On note

is la firme sélectionnée. La firme sélectionnée communique son choix θif à

l’agent.

- à t = 3, l’agent annonce le critère B(θif ,ω)− p. Ou bien si aucune offrede pot-de-vin n’a été faite à t = 2 l’agent annonce le critère B(θ,ω)− p. Lesfirmes font leurs offres.

18

Page 19: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

- à t = 4 l’agent sélectionne la firme qui maximise le critère. Il est payé

par la firme is si celle-ci obtient le marché.

On définit:

R(θ) ≡ E(θ)− E(2)(θ).Le montant R(θ) correspond à la rente p∗ − ci∗(ω∗) obtenue par l’entreprisegagnante (rente non diminuée du montant du pot-de-vin bi∗) quand le critère

vaut θ]. On considère le cas intéressant où il existe θ, θ0tel ie (θ) 6= ie (θ0) ,

c’est à dire que ce n’est pas toujours(pour tous les critères) la même firme

qui gagne le marché. On a la Proposition suivante:

Proposition 6 i) La procédure avec corruption définie ci-dessus conduit au

critère θf qui maximise R(θ). L’entreprise sélectionnée est l’entreprise if =ie(θf) qui maximise l’efficacité pour le critère θf .

Comparée au critère θ (qui sélectionne l’allocation efficace), l’allocation

est donc inefficace

Proof. L’argument est identique à celui de la Proposition précédente.

On définit θf = argmaxθR(θ), if = ie(θf ) et Θ∗ =nθ, ie (θ) = if

o. Par

hypothèse Θ∗ 6= Θ où Θ est l’ensemble de tous critères possibles. Soit

R∗ = maxθ/∈Θ∗R (θ) . Comme dans la proposition précédente, l’enchère enpot-de-vin est une enchère classique au premier prix dont l’issue est la suiv-

ante: l’entreprise if enchérit R(θf ) > R∗ et gagne.

Il est intéressant de comparer les rentes partagées par la firme gagnante

et l’agent selon qu’on utilise une procédure best value ou une procédure

spécifiée. Celle-ci vaut maxθR(θ) dans le premier cas, et maxΩ R(Ω) dansle second. On a la Proposition suivante:

Proposition 7 maxθR(θ) ≤ maxΩ R(Ω).

Proof. La rente de la firme gagnante dans la procédure de best value avec

favoritisme est R(θf ) = E³θf

´− E (2)

³θf

´, où E(2) = maxi6=if ,ω B

³ω, θf

´−

19

Page 20: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

ci(ω), la rente correspondante dans la procédure spécifiée est R³ωf

´=

c(1)³ωf

´− c(2)

³ωf

´. Soit if la firme sélectionnée dans ce dernier cas, et

ω∗∗ sont choix de spécification. On va montrer que R(θf) ≤ R (ω∗∗) . Par

définition R(θf) = B(ω∗∗, θf) − c(1) (ω∗∗) − E(2)³θf

´. Nous utilisons le fait

que E (2)³θf

´≥ B(ω∗∗, θf) − c(2) (ω∗∗) pour obtenir R(θf) ≤ c(2) (ω∗∗) −

c(1) (ω∗∗) = R (ω∗∗).

La proposition 7 montre que les rentes de favoritisme dans la procédure de

best value sont toujours inférieures aux rentes de favoritisme de la procédure

spécifiée. L’intuition est que les rentes sont plus fortes quand la pression

concurrentielle est plus faible. La pression concurrentielle est plus faible

quand une firme peut choisir la spécification pour laquelle elle a l’avantage

comparatif le plus fort.

3.3 Ex-post incertitude et favoritisme

Nous avons montré dans la section 3.4, que l’incertitude pouvait nuire à l’-

efficacité de la mise en concurrence. Nous allons dans cette section montrer

que l’incertitude peut être génératrice de rentes de favoritisme. Nous con-

sidérons une situation où l’offre gagnante est celle qui maximise un critère

de best value mais ce critère n’est pas annoncé à l’avance. Comme dans

la section 4.2, le favoritisme consiste à donner à une firme la possibilité de

choisir le critère de sélection en échange d’un pot-de-vin avant la remise des

offres. Celui-ci est gardé secret pour les autres firmes. L’allocation du marché

s’opère de la manière suivante. Soit Θ l’ensemble des critères possibles:

- à t = 1, l’agent sollicite une offre secrète en pot-de-vin bi de chaque

firme i.

- à t = 2, l’agent offre à la firme (une des firmes) qui offre le pot-de-vin

bi le plus important la possibilité de choisir le critère. La firme sélectionnée

( if) communique son choix θif ∈ Θ.

20

Page 21: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

- à t = 3, les firmes remettent leurs offres sans connaitre le critère, à

l’exception de if (qui connait le critère).

- à t = 4 si aucune offre de pot-de-vin n’a été faite à t = 2 l’agent

choisit B(θ,ω) − p comme critère de sélection. Sinon, l’agent sélectionne lafirme gagnante sur la base du critère θif . Il est payé par la firme if si celle-ci

obtient le marché.

Comme dans la section 3.4 nous faisons l’hypothèse que les fonctions de

coûts des firmes sont identiques. Nous avons le résultat suivant

Proposition 8 Si le critère est annoncé à l’avance, il n’y a pas de corruption

à l’équilibre. Quand le critère est gardé secret, il est, à l’équilibre, sélectionné

par une des firmes qui paye un pot-de-vin positif.

Proof. Lorsque les firmes sont identiques et que le critère est annoncé, il n’y a

pas de rentes le prix d’équilibre est p = c (ωe (θ)) pour tout θ. En conséquence

aucune firme n’offre de pot-de-vin positif, il n’y a pas de favoritisme.

Supposons maintenant que le critère soit gardé secret. Alors il n’existe

pas d’équilibre en stratégie pure: s’il en existait un, alors le critère, disons

θ, serait parfaitement anticipé à l’équilibre, et les firmes choisiraient toutes

la spécification efficace ωe(θ) (et feraient un profit nul à l’équilibre). Mais

alors, la firme sélectionnée aurait alors interêt à choisir θ0 6= θ, ωe(θ0) et unprix p satisfaisant B(ωe(θ0), θ0)−p > B(ωe(θ), θ0)− c(ωe(θ)) et p > c(ωe(θ0)).Un tel prix existe forcément par définition de ωe(θ0), et il permet à la firme

sélectionnée de faire des profits strictement positifs.

En stratégie mixte, le critère est incertain, et comme dans la Proposition

5, on obtient que les profits d’équilibre sont strictement positifs.

La proposition 8 montre qu’une procédure qui permet de garder le critère

de sélection secret jusqu’après la remise des offres, peut faciliter le favoritisme

car elle génère de l’incertitude de manière endogène sur le critère finalement

utilisé.

21

Page 22: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

4 Etude de cas: le marché des fournitures de

papier

Cette section a pour objet de comparer les procédures de passation de marché

dans deux administrations publiques, en l’occurence des ministères, pendant

la période 1998- 2000. Nous les appelerons A et B. Afin de simplifier la com-

paraison des procédures, nous avons considéré un article (raisonnablement)

standard, le papier pour photocopieurs (A4 , 80g. cat. C), et pour lequel les

besoins des administrations considérées en terme de qualité de papier sont

vraisemblablement similaires.

Le marché du papier est conditionné par celui de la pâte à papier, dans

lequel opèrent 5 leaders mondiaux: International Paper (Etats Unis), Stora

Enso(Finlande, Suède), UPM-Kymmene(Finlande), Abitibi-consolidated (Canada)

et Sappi (Afrique de Sud).4 Ce marché est caractérisé par une grande volatil-

ité des prix. L’embellie du marché actuel due à la reprise de l’économie en

Europe et en Asie, se traduit par exemple par des augmentations de prix très

significatives: le cours de certains papiers a doublé de janvier à avril 2000.

Aussi pour faire face à une demande inattendue ou bien pour profiter de

prix intéressants, les producteurs de papiers peuvent faire le choix d’acheter

des lots flash sur le marché international. Ces lots flash sont de qualité très

inégale.

Instabilité des prix et risque de qualité médiocre sont deux problèmes

spécifiques au marché des fourniture de papier auquels les procédures d’achats

doivent pouvoir répondre.

4Ces dernières années ont vu les crises se succéder, menant à une contraction du secteur.

Les entreprises françaises ont été mises hors course.

22

Page 23: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

4.1 Les procédures

Dans les deux administrations, les fournitures de papier sont achetées dans

la cadre de la procédure de ”marché à bons de commande”. La procédure

aboutit à sélectionner une entreprise, qui s’engage, pendant une période don-

née, à livrer sur commande de l’administration, à un prix donné. La définition

du marché (durée du contrat, quantités à livrer) ainsi que la procédure ex-

acte de sélection (moins disant, mieux disant) varie d’une administration à

l’autre.

4.1.1 Administration A

L’administration A procède par appel d’offres ouvert. Les firmes remettent

leurs offres dans deux enveloppes. Dans la première enveloppe elles remettent

les documents qui servent à établir l’éligibilité du candidat, certificats de

l’administration fiscale, sociale, extrait du registre de commerce. Dans la

seconde enveloppe, les entreprises soumettent leur offre de prix. Cette offre

de prix se présente sous la forme d’un tableau qui donne un prix par tranche

(six tranches en tout) de livraison de 40 à 200 ramettes jusqu’a 8801 ramettes

et plus. Enfin, dix feuilles de la qualité proposée doivent également être jointe

à l’offre.

La sélection s’effectue parmi les entreprises éligibles (celles dont les ca-

pacités techniques et financières ont été reconnues). Les offres sont classées

sur la base d’un critère qui prend en compte le prix et la qualité. La firme

qui réalise le meilleur score est sélectionnée. La note technique attribuée aux

candidats est établie sur la base de tests en laboratoire. Les candidats sont

informés des aspects soumis au test par exemple, tuilage, blancheur. Cepen-

dant l’arbitrage entre prix et qualité n’est jamais divulgué: ni avant la mise

en concurrence, ni après. De plus, l’administration ne s’est pas fixée de règles

explicites conduisant à un tel arbitrage. Le cahier de charge précise un min-

23

Page 24: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

imum et maximum d’achat, mais il ne précise pas la répartition par tranche

de livraison ou par localité (des livraisons peuvent être exigées dans toute la

France.). Les prix peuvent être révisés en cours d’execution du contrat sur

la base de l’évolution d’un index de l’INSEE (ils l’ont été une fois en 1998 et

une fois en 1999).

4.1.2 Administration B

La procédure utilisée par l’administration B se caractérise par une remise en

concurrence fréquente.

La sélection se fait en plusieurs temps. Dans un premier temps, on déter-

mine les entreprises éligibles (financièrement et techniquement). Dans un

deuxième temps, on sélectionne quatre entreprises dites titulaires (parmi les

éligibles), avec l’idée que sur les deux années à venir, seules les entreprises

titulaires peuvent obtenir un contrat.

Jusqu’en 1999, la sélection des titulaires et de l’entreprise gagnante se

faisait par une enchère au moins disant, avec contrainte minimale de qualité:

les quatre moins disantes parmi celles ayant passé le test de qualité sont dites

titulaires, l’entreprise moins-disante obtient le marché pour un trimestre.

Deux semaines avant la fin de chaque trimestre, un nouvel appel d’offre

(restreint aux titulaires) est lancé pour sélectionner la firme qui fournira

l’administration pendant le trimestre suivant. Ce dernier appel d’offre est au

moins disant (sans contrainte de qualité minimale).

Ayant été confrontée à de gros problèmes de qualité du papier, la sélec-

tion des titulaires et des gagnants au moins disant a été abandonnée début

1999. Cette sélection s’effectue désormais au mieux disant. Les critères tech-

niques sont connus des candidats (blancheur, main, passage en machine...).

Les notes techniques obtenues dans des tests en laboratoire ”à l’aveugle”

sont aggrégés avec l’offre en prix selon une règle bien définie mais tenue se-

crète: le score final est obtenu en additionnant le classement technique avec

24

Page 25: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

le classement en prix.

4.2 Comparaison entre les procédures

Les principales différences entre les procédures portent sur i) la durée des

contrats, ii) l’engagement sur la quantité totale demandée et les quantités par

livraison, iii) le critère de sélection, iv) la constitution d’un pool d’entreprises

restreint (les titulaires). Enfin les deux adminitrations se veulent discrètes

sur la manière d’aggréger prix et qualité quand ils sont multiples, au moins

vis à vis des firmes.

Nous passons ici en revue chacun des aspects ci-dessus.

i) la durée des contrats.

Dans un marché volatil, où la date des décisions d’achats de pâte de

papier a un effet significatif sur le coût unitaire du papier, une remise en

concurrence fréquente a deux effets. D’une part, elle fait supporter à l’ad-

ministration le risque sur l’évolution des prix.5 D’autre part, elle permet de

sélectionner à chaque trimestre l’entreprise qui a le mieux géré ces achats de

pâte à papier. Etant donné que l’acheteur de l’administration a sans doute

moins d’aversion au risque que les entreprises, ces deux arguments militent

en faveur d’une remise en concurrence fréquente. Notons cependant qu’une

remise en concurrence fréquente, surtout si elle est au mieux disant, peut

s’avérer coûteuse. Notons aussi que la structure des contrats entre produc-

teurs de papier et producteurs de pâtes à papier est importante. Plus ces

contrats sont longs, moins la remise en concurrence fréquente sera effective.

ii) Les quantités.

Les procédures diffèrent à la fois sur l’engagement concernant la quantité

totale (quantité minimale et maximale pour A), et sur la prise en compte de

5Ce risque est aussi supporté en partie par l’administration, même si la fréquence

d’attribution n’est pas très grande, dans la mesure où les prix sont conditionnés à un

index qui reflète bien l’évolution des prix de la pâte à papier.

25

Page 26: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

la taille des livraisons (prix conditionels à la taille pour A).

Une spécification peu précise sur la quantité totale demandée fait sup-

porter aux entreprises un risque sur la demande effective, pouvant conduire

à une augmentation des prix. Notons cependant que si l’administration con-

sidérée représente un faible pourcentage de l’activité de ces entreprises, l’effet

sur les prix sera faible.

La taille des livraisons, en revanche, a indiscutablement un effet signi-

ficatif sur les prix. Les entreprises les mieux informées sur les demandes

réelles en terme de taille de livraison sont avantagées dans le processus, que

les prix soient ou ne soient pas conditionnels à la taille. Notons cependant

que la procédure de l’administration A protège les firmes peu informées d’une

mauvaise estimation de la demande réelle, et peut donc accroître la pression

concurrentielle.

Enfin notons que la procédure la mieux adaptée dépend de la structure

des coûts des entreprises. Si les entreprises se différencient plutôt par les

coûts de gestion de la taille des lots (transports, stockage) et non par les

coûts de production, alors aucune des deux procédures envisagées ne semble

bien adaptée. Une procédure alternative, qui consisterait à demander aux

entreprises des prix contingents à la taille de livraison, et à sélectionner en-

suite, pour chaque taille de livraison souhaitée, l’entreprise la mieux disante,

serait sans doute plus adaptée.6

iii) le critère de sélection.

L’expérience de l’administration B montre qu’utiliser le prix comme seul

critère peut avoir un effet désastreux sur la qualité. Il semble ainsi nécessaire

de faire passer à chaque remise en concurrence un test de qualité minimale

6Notons qu’une fois la sélection effectuée, chaque entreprise aurait intérêt à oeuvrer

pour que la taille pour laquelle elle est sélectionnée soit le plus souvent choisie. Mais dans

la mesure où les demandes de papier émanent de services très variés, ce risque est sans

doute faible.

26

Page 27: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

que les entreprises candidates doivent satisfaire. Les deux administrations

ont en fait opté pour des solutions plus complexes. L’administration A n’a

pas dévoilé de règle pour arbitrer entre prix et qualité, et a même indiqué

qu’elle n’utilisait pas de règle! L’administration B a dévoilé la règle suivante

(gardée secrète pour les entreprises): Le score final consiste en la somme

d’une note technique (4 pour la meilleure, 3 pour la suivante,...) et d’une

note financière (4 pour la moins-disante, 3 pour la suivante,...). Le choix

d’une telle règle, a priori surprenante car l’écart entre les prix annoncés ne

joue aucun rôle, est sans doute une indication de la difficulté à valoriser les

différences de qualité entre les soumissionnaires.

Enfin, au delà de l’effet sur la pression concurrentielle et les risques de

favoritisme, l’absence de critère public ne permet pas de connaître le niveau

de performance souhaitée par chaque administration, et donc éventuellement

de les comparer, afin par exemple de limiter les dérives en terme de qualité

souhaitée.

iv) constitution d’un pool d’entreprises restreint (les titulaires).

La constitution formelle d’un pool d’entreprises restreint (les titulaires)

parmi lesquelles est choisie l’entreprise gagnante à chaque remise en con-

currence, est une idée innovante, qui se rapproche de la manière dont fonc-

tionnent les achats dans les entreprises privées. Dans la forme utilisée par

l’administration B, elle a pour principal intérêt de diminuer les coûts de

remise en concurrence. On pourrait imaginer diverses manières de dévelop-

per cette idée, et de la rendre encore plus attractive: i) il serait possible

de faire payer un droit d’entrée dans le pool (enchère sur droit d’entrée par

exemple), ii) il serait aussi possible de prévoir des exclusions temporaires

ou définitives du pool en fonction par exemple de la qualité des prestations

fournies ou de l’agressivité lors de la participation aux remises en concurrence

(les entreprises ayant un score moyen supérieur à la moyenne des scores sont

progressivement éliminées du pool). Cette dernière modification du système

27

Page 28: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

envisagée par l’administration B est sans doute un moyen de lutter contre

la collusion (partage dans des marchés dans le temps - à tour de rôle) qui

pourrait s’instaurer entre les firmes du pool.

v) des critères secrets.

Le caractère secret des critères utilisés semble être la porte ouverte au

favoritisme, conscient ou inconscient.7 Les raisons qui poussent les admin-

istrations à conserver le secret (vis-à-vis des firmes) sur les tests techniques

utilisés et sur la manière d’agréger prix et qualité devraient faire l’objet

d’une étude plus approfondie. Pour l’heure, mentionnons que le Conseil de

la Concurrence a fait en 1996 (Avis n. 96-A-08 du 02.07.96) une proposition

concernant le nouveau Code des Marchés Publics allant dans le sens souhaité

par ces 2 administrations. Le Conseil de la Concurrence souhaite en effet

qu’on ”n’oblige pas a priori l’acheteur public à définir ses critères de choix,

et à les porter à la connaissance des soumissionaires”. L’argument est qu’en

ne portant pas à la connaissance des soumissionnaires les critères de choix,

on rend l’issue moins prévisible ce qui rend les ententes plus difficiles.

Nous souhaitons formuler trois remarques: i) l’évaluation de la qualité

peut être déjà une source importante d’incertitude, rendant ainsi l’issue peu

prévisible; réduire encore la transparence du processus n’est donc pas forcé-

ment nécessaire. ii) si les entreprises souhaitent s’entendre pour que l’une

d’entre elles obtienne le contrat, il suffit que les autres fassent des offres ex-

travagantes, et le caractère peu prévisible du processus n’aura que peu d’effet.

Notons néanmoins que l’adjonction d’un sytème permettant de pénaliser les

entreprises dont les offres seraient significativement plus mauvaises que les

7Dans l’administration B un contrôle minimum de cohérence peut-être réalisé ex-post

puisque le critère (règle de mesure et de pondération) est alors annoncé. Cela n’exclut pas

le favoritisme dans la détermination ex-ante de ce critère (voir la partie théorique section

3.3). Dans l’administration A, aucun contrôle n’est possible puisque les critères ne sont

annoncés ni avant ni après.

28

Page 29: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

autres pourrait être de nature à rendre difficiles les ententes; iii) enfin, on

pourrait imaginer d’autres moyens de réduire les ententes, qui ne se fassent

pas au détriment de la transparence (voir suggestion du point iv ci-dessus).

Pour finir, nous donnons à titre indicatif une comparaison des prix obtenus

dans chacun des ministères. Il faut toutefois être prudent sur ces compara-

isons car nous ne disposons pas d’informations sur les critères de qualité

retenus par les administrations, et sur lesquels les firmes ont sans doute une

idée plus précise que la notre.

Nous comparons ici les prix de passation arrêtés dans l’administration A

pour la tranche de livraison typique de l’admnistration B (4000-8000 ram-

ettes), avec les prix de passation obtenus pour chaque trimestre dans l’ad-

minstration B, pour la même période.

Pour l’année 98/99 le prix unitaire (par ramette) arrêté dans la classe

de livraison pertinente était de 13.37 FFR HT ce qui correspond à 16.12

TTC FFR (TVA 20.6). Les prix TTC de l’administration B pour le 98/3

(3eme trim) sont de 15.1 FFR, pour 98/4 de 15.98 FFR, pour 99/1, de

14.44 FFR, 99/2 de 13.80 FFR, ce qui fait une moyenne de 14.83 FFR.

Le prix moyen dans l’administration B est de presque 9% inférieur au prix

moyen de l’administration A. Notons cependant qu’au cours de cette période,

l’administration B a été confrontée à un important problème de qualité du

papier et s’est trouvée dans la nécessité de refuser certaines livraisons. C’est

ce problème qui induira le changement de procédure afin de faire intervenir

la qualité dans le critère de choix trimestriel.

Pour l’année 99/2000, la convention de prix dans l’administration A pour

la tranche 400-8000 ramettes s’élevait à un prix unitaire TTC de 14.17 FFR.

Le prix payé par l’administration B pour 99/3 s’élevait à 15.08 FFR, pour

99/4 à 15.33 et pour 2000/1 à 16.88 FFR, ce qui fait une moyenne de 15.76

FFR. Le prix moyen dans l’administration B est de plus de 11% supérieur au

prix moyen de l’administration A. Notons cependant que du fait de la hausse

29

Page 30: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

des prix sur le marché de la pâte à papier, l’administration A a dû réviser à

la hausse tous ses contrats au début 2000.

5 Conclusions et discussion

L’objet de cette étude a été d’analyser les modes de mise en concurrence

pour l’attribution de marché public et la question du choix des critères de

sélection.

Trois considérations nous semblent importantes.

La première est liée aux possibilités de favoritisme induite par la procé-

dure. Afin de réduire les possibilités de favoritisme, il nous semble important

que les acheteurs publics expriment des besoins en terme de niveau de perfor-

mance plutôt que par l’imposition de contraintes techniques. Il nous semble

aussi important que si des besoins (autres qu’un prix le plus bas possible)

sont exprimés, ils reflètent les préférences réelles de l’acheteur.

En effet, décrire des besoins de performance rend généralement plus dif-

ficile la manipulation en faveur d’une firme particulière. De plus, ces besoins

de performance une fois exprimés sont plus facilement contrôlables que des

besoins techniques, par exemple parce qu’ils deviennent comparable entre

différents acheteurs publics. Aussi, il nous parait important qu’ils reflètent

les préférences de l’acheteur, car ceci rend la justification de ces besoins moins

opaque.

La deuxième concerne la pression concurrentielle induite par la procé-

dure. Afin d’accroitre la pression concurrentielle, il nous parait préférable

que d’une part l’acheteur public exprime des besoins en terme de niveau de

performance,8 et que d’autre part il définisse un arbitrage entre prix et per-

8Un exemple intéressant allant dans cette voie est celui fourni par la réforme du marché

des photocopieurs réalisée par un service du ministère B. Chaque service est appelé à

exprimer ses besoins non pas en termes de photocopieurs mais en termes de performances

30

Page 31: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

formance rendant compte de ses propres préférences plutot qu’un objectif

minimal de performance. Il faut cependant que cet arbitrage ne se fasse pas

au détriment d’une plus grande manipulabilité du critère de la part de l’a-

cheteur public, et il y a donc un arbitrage à faire entre l’accroissement de la

pression concurrentielle et la réduction des possibilités de favoritisme.

La troisième considération concerne les possibilités de collusion induites

par la procédure. Il est parfois indiqué que des critères de sélection secrets

rendent plus difficile la mise en oeuvre d’une entente entre les entreprises.9

Il nous semble cependant que, tant du point de vue de l’accroissement de

la pression concurrentielle que de la limitation des risques de favoritisme,

une définition transparente et préalable des critères de sélection utilisé est

désirable.

References

[1] Bernheim D. Whinston M. (1986) ”Menu auction, Resource Allocation,

and Economic Influence” Quarterly Journal of Economics pp 1-32.

[2] Brusco F. (1997) ”The Design of Multidimensional Auctions” Rand

Journal of Economics Vol 28/1, 63-81.

[3] Che Y K (1993) ”Design Competition through multidimentional auc-

tion” RAND Journal of Economics Vol 24 No.4669-680.

[4] Compte O, A. Lambert-Mogiliansky et T. Verdier (2000) ”Corruption

and Competition in Public market Auctions” CEPR Discussion papers

N. 2434.

c’est à dire de photocopies/mois.9Nous avons brièvement discuté les fondements (l’absence de?) de cette assertion en

Section 4.2.

31

Page 32: Efficacité et transparence dans les procédures de ... · de spécification sur les marchés publics ... L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations

[5] Ganuza Juan-Jose ”Competition and Cost over-run: Optimal Misspéci-

fication of Procurement Contracts” Mimeo 1999.

[6] Laffont J-J and J. Tirole (1987) ”Auctioning Incentive Contracts” Jour-

nal of Political Economy Vol. 95 (1987) 921-937

[7] Laffont J-J and J. Tirole (1991) ” Auction Design and favoritism” In-

ternational Journal of Industrial Organization Vol. 9, 9-42

[8] McAfee and Mc Millan (1987) ”Competition for Agency Contracts”

Rand journal of Economics Vol 18 296-307.

[9] Mc Afee and Mc Millan (1992),”Bidding rings” American Economic

Review.

[10] Branco F. (1997) ”The Design of Multidimensional auction” Rand jour-

nal of Economics Vol 28/ 1, 63-81.

[11] Shleiffer et Vishny (1993) ”Corruption” Quartely Journal of Economics

108 599-612.

32