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  • GRETHA UMR CNRS 5113 Universit Montesquieu Bordeaux IV

    Avenue Lon Duguit - 33608 PESSAC - FRANCE Tel : +33 (0)5.56.84.25.75 - Fax : +33 (0)5.56.84.86.47 - www.gretha.fr

    Le dveloppement soutenable dans une perspective post keynsienne : retour aux sources de lcodveloppement

    Eric BERR

    Universit de Bordeaux

    GREThA UMR CNRS 5113

    Cahiers du GREThA

    n 2008-24

  • Cahier du GREThA 2008 24

    GRETHA UMR CNRS 5113 Univers i t Montesquieu Bordeaux IV

    Avenue Lon Dugui t - 33608 PESSAC - FRANCE Tel : +33 (0)5 .56 .84 .25.75 - Fax : +33 (0)5 .56 .84 .86 .47 - www.gretha.f r

    Le dveloppement soutenable dans une perspective post keynsienne : retour aux sources de lcodveloppement

    Rsum Tandis que le dveloppement soutenable est aujourdhui un mot dordre unanimement accept, nous souhaitons montrer que le courant post keynsien, mme sil na que relativement peu intgr les questions lies lenvironnement et plus largement au dveloppement soutenable, dispose dinstruments qui le rendent lgitime en la matire. En effet, le dveloppement soutenable, vu au prisme du paradigme post keynsien, peut tre rapproch de lcodveloppement tel quil a t thoris par Ignacy Sachs, lui-mme inspir par Kalecki. Ainsi, lcole post keynsienne et lcodveloppement partagent une mme vision du rle de la croissance conomique et ils se rejoignent, via le concept dincertitude radicale, sur limportance du principe de prcaution. Si les implications du principe de la demande effective semblent les opposer, ces divergences peuvent tre aisment dpasses.

    Mots-cls : dveloppement soutenable, codveloppement, Kalecki, Keynes, Sachs, post keynsien

    Sustainable Development in a Post Keynesian Perspective: Return to Basics of Ecodevelopment

    Abstract

    While sustainable development is a unanimously accepted watchword today, we wish to show that the post Keynesian school, even if it did not emphasize on environmental issues and, generally speaking, on sustainable development as such, has tools that make it relevant on this topic. Indeed, post Keynesian sustainable development can be close to Sachs ecodevelopment, which is inspired by Kalecki. Thus, post Keynesianism and ecodevelopment share the same position related to economic growth. They meet, via the concept of radical uncertainty, on the importance of the precautionary principle. If the implications of the principle of effective demand seem to oppose them, these divergences can be easily overcome.

    Keywords: sustainable development, ecodevelopment, Kalecki, Keynes, Sachs, post Keynesian

    JEL : B30 ; B59 ; E12 ; O11

    Reference to this paper: Eric BERR Le dveloppement soutenable dans une perspective post keynsienne : retour aux sources de l'codveloppement, Working Papers of GREThA, n 2008-24, http://ideas.repec.org/p/grt/wpegrt/2008-24.html.

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    1. Introduction Le dveloppement soutenable est aujourdhui un mot dordre unanimement accept. Il

    est la base de nombreuses politiques conomiques, tant dans les pays dvelopps que dans les pays en dveloppement, et sert de feuille de route aux institutions internationales comme le montre, par exemple, ladoption des Objectifs du millnaire pour le dveloppement (OMD) en 2000. Cette unanimit de faade impose den prciser le contenu, faute de quoi le risque est grand de le voir rejoindre la longue liste des concepts vids de leur substance.

    Il est pourtant indispensable de prendre la mesure du plus grand dfi du 21me sicle, qui consiste promouvoir des modes de dveloppement qui soient socialement quitables, cologiquement soutenables et conomiquement viables. Mais envisager lavenir avec un plus grand optimisme suppose de rompre avec loptique no-librale qui rgit les relations internationales depuis une trentaine dannes. Pour ce faire, nous souhaitons montrer que le courant post keynsien, mme sil na que relativement peu intgr les questions lies lenvironnement et plus largement au dveloppement soutenable, dispose dinstruments qui le rendent lgitime en la matire.

    En effet, les post keynsiens se sont construits en opposition avec la thorie no-classique et rejettent toute approche base sur le consensus de Washington (Berr et Combarnous, 2005, 2007 ; Berr, Combarnous et Rougier, 2008 ; Bresser-Pereira et Varela, 2004 ; Davidson, 2004). Sils sinspirent des travaux de John Maynard Keynes, les post keynsiens modernes sont galement les hritiers de Michal Kalecki, Nicholas Kaldor, Joan Robinson, Roy Harrod ou Piero Sraffa. Des convergences existent avec dautres coles htrodoxes, notamment avec les conomistes institutionnalistes qui ont puis aux sources de Thorstein Veblen ou de John Kenneth Galbraith.

    Deux caractristiques essentielles sont associes lconomie post keynsienne. Premirement, elle adopte le principe de la demande effective conduisant la production sajuster au niveau de la demande et relguant ainsi les contraintes doffre au second plan, tant court terme qu long terme. Deuximement, elle apprhende le temps dans sa dimension historique, cest--dire en intgrant la notion dirrversibilit, tout en naviguant dans un univers incertain, cest--dire non probabilisable. De ces caractristiques dcoulent un certain nombre de principes que les post keynsiens partagent avec dautres coles de pense htrodoxes. Tout dabord, ils accordent une grande importance au ralisme des hypothses qui, bien que simplificatrices, doivent dcrire un monde rel. Ils rejettent linstrumentalisme no-classique revendiqu notamment par Milton Friedman selon lequel la validit dune hypothse se mesure son pouvoir de prdiction, ce qui fait dire Paul Davidson, le chef de file des post keynsiens amricains, quil vaut mieux tre approximatif dans le vrai que trs prcis dans le faux (Lavoie, 2004, p.21). Ils adoptent une approche holiste o le

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    comportement des individus est influenc par leur environnement social, culturel, et sopposent lindividualisme mthodologique fondant lhomo economicus. Ils rejettent le principe de rationalit absolue pour lui substituer celui de rationalit limite ou procdurale qui conduit, dans un univers incertain o linformation est insuffisante, chercher atteindre non pas une situation optimale mais une situation satisfaisante. Ils tudient une conomie de production et non une conomie dchange, ce qui les conduit privilgier le concept de reproduction celui de raret. Enfin, ils considrent que les marchs ne doivent pas tre livrs eux-mmes et quils doivent au contraire tre rguls afin de limiter linstabilit du systme conomique.

    A partir de ce corpus thorique, nous souhaitons montrer que le dveloppement soutenable, vu au prisme du paradigme post keynsien, peut tre rapproch de lcodveloppement tel quil a t thoris par Ignacy Sachs (1980, 1997). Outre que cela peut se justifier par le simple fait que Sachs, qui fut en son temps un proche collaborateur de Kalecki lcole de planification et de statistiques de Varsovie, reconnat sa filiation kaleckienne, nous pensons que lcole post keynsienne et lcodveloppement partagent une mme vision du rle de la croissance conomique et quils se rejoignent, via le concept dincertitude radicale, sur limportance du principe de prcaution. Si les implications du principe de la demande effective semblent les opposer, nous verrons que ces divergences peuvent tre aisment dpasses. Mais avant de tenter de concilier lcodveloppement et lcole post keynsienne, il convient de revenir sur la gense du concept de dveloppement soutenable et sur les caractristiques principales de lcodveloppement.

    2. Une brve histoire contemporaine du dveloppement soutenable1

    Le concept de dveloppement soutenable a t popularis dans les annes 1980, notamment par lintermdiaire du rapport de la Commission mondiale pour lenvironnement et le dveloppement (CMED) (1987) le fameux rapport Brundtland qui en donne la dfinition suivante, communment admise aujourdhui : le dveloppement soutenable est un dveloppement qui rpond aux besoins du prsent sans compromettre la capacit des gnrations futures rpondre aux leurs (CMED, 1987, p.51).

    Cependant, ds la fin des annes 1960, on assiste un intrt croissant envers les questions environnementales. Ainsi, les travaux du Club de Rome, qui aboutiront la publication en 1972 du rapport Meadows (Meadows et al., 1972) mettent en vidence les consquences cologiques du modle occidental de dveloppement et montrent pour la premire fois quil existe des limites naturelles la croissance conomique. Ce rapport, qui analyse cinq variables la technologie, la population, lalimentation, les ressources naturelles et lenvironnement , conclut que pour empcher le systme mondial de seffondrer lhorizon 2000, il faut stopper laccroissement de la population et la croissance conomique. Cette mme anne, la premire confrence des Nations unies sur lenvironnement et le dveloppement, qui se droule Stockholm, inscrit dfinitivement lenvironnement lordre du jour de la communaut internationale. Elle incite les pays en dveloppement explorer dautres modes de croissance et va donner naissance la notion dcodveloppement (Sachs, 1980, 1997) qui met en avant des principes tels que lquit, la minimisation des atteintes aux systmes naturels, le respect des cultures ou encore la planification socio-conomique. La dclaration de Cocoyoc (1974) fait franchir une tape

    1 Voir aussi Vivien (2003).

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    supplmentaire dans la prise de conscience de la difficult de satisfaire durablement les besoins humains dans un environnement soumis de nombreuses pressions et, en approfondissant le concept dcodveloppement, appelle des solutions plus radicales. Cette dclaration, qui est le rsultat des rflexions menes lors dun colloque d'experts organis Cocoyoc (Mexique) par le Programme des Nations Unies pour lenvironnement (PNUE) et la Commission des Nations Unies pour le commerce et le dveloppement (CNUCED), avance notamment que : (i) le problme, ce jour, n'est pas principalement celui de la pnurie physique absolue, mais celui d'une mauvaise rpartition et d'une mauvaise utilisation sur le plan conomique et social ; (ii) la tche des hommes d'tat est de guider les nations vers un nouveau systme plus mme de respecter les limites intrieures des besoins humains de base, pour tous, et de le faire sans violer les limites extrieures des ressources et de l'environnement de la plante ; (iii) les tres humains ont des besoins fondamentaux : alimentation, logement, vtements, sant, ducation. Tout processus de croissance qui n'amne pas leur satisfaction ou, pire encore, qui la contrarie est un travestissement de l'ide de dveloppement ; (iv) nous avons tous besoin d'une redfinition de nos objectifs, de nouvelles stratgies de dveloppement, de nouveaux modes de vie, et notamment, parmi les riches, de modes plus modestes de consommation (PNUE, 2002, p.7 ; PNUE-CNUCED, 1974).

    Cette dclaration, qui est la plus radicale que les Nations unies aient jamais concocte sur ce sujet, suscitera de nombreuses ractions. Demander de lutter contre le sous-dveloppement en arrtant le surdveloppement des riches, inciter les pays en dveloppement sappuyer sur leurs propres forces, prendre confiance en eux et apprendre ne plus tre dpendant des pays riches ce que traduit la notion de self reliance provoque un grand enthousiasme qui sera prolong par le rapport de la Fondation Dag Hammarskjld (1975) et la cration de la Fondation internationale pour un autre dveloppement (Fipad)2.

    Mais cette dclaration va galement susciter lire de ladministration des Etats-Unis qui, par lintermdiaire de son secrtaire dEtat Henry Kissinger, tancera vertement le secrtariat gnral des Nations unies et, dans ce qui sapparente un rappel lordre, conseille au PNUE de se consacrer uniquement la dpollution (Sachs, 2007, p.264).

    Ainsi, on assiste progressivement la marginalisation de lcodveloppement au profit du dveloppement soutenable. Mais, derrire la dfinition fournit par le rapport Brundtland, deux visions du dveloppement soutenable sopposent. La premire est dinspiration no-classique et fonde la soutenabilit faible. Au niveau microconomique, elle vise valoriser montairement les lments naturels afin de les intgrer dans un calcul cots-bnfices. Au niveau macroconomique, il sagit, dans la ligne du modle de Solow, de fournir des fondements thoriques largument dordre empirique concernant une relation vertueuse entre croissance conomique et qualit environnementale qui est la base de la courbe environnementale de Kuznets. Il sagit galement de formuler une rgle de soutenabilit assurant le maintien de la valeur par tte du stock total de capital de la socit en postulant une parfaite substituabilit entre les diffrentes formes de capital (physique, humain, naturel). Le sommet de la terre de Rio en 1992, avec ladoption de lagenda 21, et le sommet mondial

    2 Ce qui est devenu la Fipad avait commenc en 1971 avec le Symposium de Founex sur le dveloppement et lenvironnement, premire tape dun chemin marqu ensuite par la Confrence des Nations Unies sur lenvironnement et le dveloppement de Stockholm (1972), le Sminaire de Cocoyoc (1974) sur des modles alternatifs dutilisation des ressources et le Rapport Dag Hammarskjld (1975). Lgalement, la fondation a t tablie en 1976 et dissoute en 1995. Lensemble des dossiers publis par la Fipad est disponible sur le site de la Fondation Dag Hammarskjld : http://www.dhf.uu.se/ifda/.

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    sur le dveloppement durable de Johannesburg en 2002 vont confirmer cette approche3. De la mme faon, les Objectifs du millnaire pour le dveloppement (OMD) promus par les Nations unies en 2000 traduisent la vision (faible) du dveloppement soutenable dfendue par les institutions internationales qui continue de privilgier une approche conomique inspire du sinistre consensus de Washington, fruit de la contre-rforme no-librale des annes 1980-1990.

    La seconde approche, fondant une soutenabilit forte, est moins centre sur les seuls aspects conomiques et propose une approche plus radicale. Ainsi, la soutenabilit cologique postule le maintien dun stock de capital naturel dit critique et rejette donc le principe de substituabilit des facteurs de production au profit de leur complmentarit. Elle soppose la valorisation montaire des lments naturels et uvre la construction dune nouvelle conomie du bien-tre fonde sur des valeurs thiques ainsi qu la recherche dune nouvelle mesure de la richesse4. La soutenabilit sociale recouvre la mise en uvre dun processus de dveloppement combinant un niveau acceptable dhomognit sociale, une rpartition quitable des revenus, le plein emploi ainsi quun accs quitable aux services sociaux. La soutenabilit conomique dpend dune rpartition et dune gestion des ressources plus efficaces mais aussi dun flux constant dinvestissements, tant privs que publics, destins moderniser lappareil de production afin dconomiser les ressources naturelles et la peine des tres humains. Elle suppose aussi une certaine autonomie en matire de recherches scientifiques et technologiques et passe par une intgration au march international qui se fasse dans le respect des souverainets nationales (Sachs, 1997).

    Il apparat vident que si les post keynsiens doivent investir le domaine du dveloppement soutenable, cela ne peut tre que dans le cadre de la soutenabilit forte. Cette approche est en effet la seule qui rompt explicitement avec la thorie no-classique. Elle renoue dailleurs avec lcodveloppement que nous allons maintenant prsenter plus en dtail.

    3. Retour sur lcodveloppement Le terme dcodveloppement a t formul pour la premire fois en 1972 par Maurice

    Strong, qui tait le secrtaire gnral de la confrence de Stockholm sur le dveloppement et lenvironnement. Il servira de rfrence au PNUE au cours des annes 1970 avant dtre marginalis et supplant dans les annes 1980 par le concept de dveloppement soutenable, entendu dans son acception faible par les institutions internationales. Ce rejet sexplique par le fait que lcodveloppement, comme on a pu le constater avec la dclaration de Cocoyoc en 1974, propose un projet radical qui entend rompre avec loptique librale qui revient en grce dans les annes 1970 et qui, malheureusement, triomphera dans les annes 1980-1990. Mais cest la crainte quil puisse donner lieu une modification des rapports de force au sein de ce que Braudel appelle lconomie monde , et en particulier une mancipation des

    3 Vivien (2005, p.23) note que, mme si elle intgre le principe de prcaution, la dclaration de Rio, qui entend pourtant prolonger la dclaration de Stockholm, semble plutt traduire un recul ou, tout le moins, une autre orientation. En effet, la question dmographique apparat moins proccupante, les rfrences la nature et lpuisement des ressources naturelles ont presque disparu tandis quil nest plus question de recourir la planification pour concilier des objectifs divers. 4 Les partisans de la dcroissance vont plus loin et recherchent une alternative au dveloppement, concept quils considrent comme toxique car conduisant une perte didentit, une homognisation culturelle et un alignement sur les valeurs occidentales. Pour une tude approfondie de ces deux courants, voir Berr et Harribey (2006), Bonnevault (2003), Comeliau (2000, 2006), Harribey (1997, 1998), Latouche (1986, 1995, 2003), Rist (1996).

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    pays du Tiers monde, qui va entraner la dfaite (provisoire nous lesprons) de lcodveloppement. Mais en quoi ce projet est-il apparu subversif aux yeux des puissants 5 ? Quelles en sont les bases ?

    Pour avoir une ide prcise de ce quest lcodveloppement, il convient de se pencher sur les crits de son principal thoricien, Ignacy Sachs, qui fut le secrtaire de Maurice Strong lors des confrences de Stockholm et Rio. Une mention spciale doit aussi tre attribue Marc Nerfin qui fut lorigine de la Fipad dont les nombreux travaux ont permis denrichir ce concept.

    Le point de dpart de Sachs est la dnonciation du mal dveloppement des pays dits dvelopps et les consquences quil provoque sur le reste du monde par domination, par effets dentranement et par imitation du modle (Sachs, 1980, p.15). Cette crise doit nous amener questionner la nature de la croissance et quelles conditions, sociales et cologiques, elle est acceptable. Pour lui, lcodveloppement nest en aucun cas une thorie mais bien une philosophie ou une thique du dveloppement qui doit sappliquer tant aux pays dvelopps quen dveloppement et qui correspond un projet normatif. Le mal dveloppement quil observe est le rsultat dun double gaspillage caus par une mauvaise rpartition des richesses. Dun cot les riches surconsomment et drainent de cette faon la grande majorit des ressources disponibles ; ils le font par surcroit en utilisant trs mal de vastes espaces de terres potentiellement agricoles. Les pauvres sous-consomment et, acculs par la misre, ils sur utilisent les rares ressources auxquelles ils ont accs. La lutte contre le gaspillage apparat ainsi indissolublement lie celle contre la misre et contre la mauvaise gestion de lenvironnement (Sachs, 1980, p22).

    Mais ce gaspillage qui doit tre combattu peut tre apprhend de deux manires. Si lon considre uniquement loptique du producteur, le gaspillage se produit dans deux cas : (i) quand un mauvais choix des techniques de production entrane une utilisation plus importante que ncessaire des facteurs de production ; (ii) quand le produit ne se vend pas, suite une mauvaise apprciation des dbouchs. Mais, souligne Sachs, comme la finalit de la production est le profit, on ne tient pas compte de lusage que font les acheteurs du bien en question. Or le gaspillage doit tre dfini la lumire dune chelle de valeurs qui dcoule dobjectifs sociaux dtermins. Munis de ce cadre, il devient possible de juger de lallocation des ressources. Ds lors, on dira quil y a gaspillage chaque fois que des ressources rares sont utilises la production de produits jugs superflus. Et, symtriquement, on parlera de gaspillage lorsque des ressources abondantes ou potentiellement abondantes ne sont pas valorises en vue de la production de biens et services jugs essentiels (Sachs, 1980, p.20). Nous voyons dj comment Sachs entend donner une orientation kaleckienne au principe de la demande effective puisque Kalecki, contrairement Keynes, juge indispensable que lEtat intervienne dans le choix des investissements afin que ceux-ci soient orients vers la satisfaction des besoins essentiels et la rduction des gaspillages. Cette vision des choses implique galement de revenir sur une logique qui, comme la magnifiquement montr Kapp (1963) voit les entreprises, dans toute la mesure du possible, internaliser les profits et externaliser les cots sociaux, ce qui conduit un pillage en rgle des ressources naturelles.

    5 Dans Berr (2006, p.38), nous avons dfini les puissants comme le groupe dtenant les rnes du pouvoir et qui est en situation dinfluencer lopinion. Ce groupe rassemble les dirigeants politiques du Nord, mais aussi du Sud, les dirigeants des grandes firmes transnationales et les principaux organes de presse, bien souvent aux mains de ces firmes.

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    Ds lors, lcodveloppement doit sappuyer sur trois piliers (Sachs, 1980, p.32) : (i) la notion de self-reliance favorisant lautonomie des dcisions et lmergence de modes de dveloppement alternatifs qui tiennent compte du contexte historique, culturel et cologique propre chaque pays ; (ii) la prise en charge quitable des besoins essentiels de chacun, quils soient matriels ou immatriels, et en particulier celui de se raliser travers une vie qui ait un sens6 ; (iii) la prudence cologique, cest--dire la recherche dun dveloppement en harmonie avec la nature.

    La recherche dun dveloppement endogne, suggre par la self reliance, suppose labandon dune stratgie de dveloppement mimtique, fonde sur une vision rostowienne et dont lambition irresponsable et indsirable est de gnraliser lensemble de la plante le modle occidental de dveloppement. Nous avons pourtant pu constater que cette ambition ne servait que ses promoteurs, les lites du Nord et leurs homologues occidentalises du Sud, tandis quelle fragilisait les populations des pays en dveloppement mais aussi, bien que dans une moindre mesure, des pays dvelopps, et accentuaient la pression sur la nature.

    De mme, la satisfaction des besoins de chacun passe par une meilleure rpartition des richesses, donc par une modification du rapport de forces en prsence qui fait, de plus en plus, la part belle au march et aux firmes transnationales7. Ce rquilibrage des pouvoirs suppose que lEtat, par le biais dune planification indicative, fixe les grands objectifs et soit le garant de la ralisation de ces objectifs. Il suppose galement un renforcement du poids de la socit civile afin dviter que lEtat ne cesse dagir au nom de lintrt gnral8.

    Enfin, respecter la nature ne signifie pourtant pas, selon Sachs, rompre avec la croissance. Lcodveloppement ainsi dfini est quidistant de lconomisme abusif qui nhsite pas dtruire la nature au nom de profits conomiques immdiats et de lcologisme

    6 Comme le note Sachs (1980, p.68), le dveloppement est trop souvent peru comme lapport tous des conditions matrielles minima de survie, en termes de nourriture, dabri, de protection de la sant ; sy adjoint lducation qui permet datteindre ces trois objectifs. Cette vue est trop restrictive : lhomme ne vit pas seulement de pain et ses besoins non matriels doivent tre pris en considration. Ils comprennent le libre accs la culture, la possibilit dexercer une activit cratrice dans un environnement de travail appropri, la convivialit et une participation active la conduite des affaires publiques . 7 Sachs (1980, p.125-126) souligne quil faut, avec clairvoyance et franchise, prendre acte des dpendances majeures actuellement en exercice afin de ne pas ensuite parler de coopration et dinterdpendance comme si on tait au dpart dans des rapports transparents sur pied dgalit entre nations et entre peuples. Selon des degrs et des formes varies, la dpendance de beaucoup de pays du tiers-monde lgard des plus dvelopps existe par le commerce ingal, par les servitudes technologiques, par le systme montaire et par les investissements, par la faible ou mauvaise industrialisation, par les mass media et les grands moyens de communication courant dominant, etc. () Ainsi par exemple, par le biais soit des firmes multinationales, soit des autres grands systmes transnationaux, continue se dvelopper une internationalisation du systme productif le plus avanc au profit despaces particuliers et de groupes privilgis : l encore cest pour une privatisation des bnfices et avantages et pour une double collectivisation des cots : au niveau de chaque pays qui supporte les diverses consquences sociales et humaines de lemprise dun systme technico-commercial extrieur dominant ; au niveau de la plante entire qui finit par tre affecte dans diverses dimensions cologiques importantes. () on peut faire le constat que les principaux dsquilibres matriels et politico-conomiques actuels de notre monde sont dus en majeure partie un usage incontrl et irresponsable des grands pouvoirs techniques, une volont de puissance illimite des groupes privilgis qui ont le monopole des moyens, au systme technico-industriel et commercial tel quil fonctionne . 8 Dune manire gnrale, la question des institutions et du pouvoir est au cur de tout processus de dveloppement, comme la remarquablement montr Galbraith (1983). Kalecki (1943, 1964, 1966, 1971) de son cot conditionne tout progrs social des changements institutionnels consquents, donc une volution du rapport de force entre dominants et domins favorable ces derniers. Godard (1998) souligne limportance que revt la socit civile dfinie comme lensemble des organisations ne relevant pas de lEtat et ntant pas lies au march ou aux milieux daffaires et le planificateur comme pivots de lcodveloppement.

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    non moins outrancier qui rige la conservation de la nature en principe absolu au point de sacrifier les intrts de lhumanit et de rejeter le bien-fond de lanthropocentrisme (Sachs, 1980, p.32). La thorie de la croissance de Kalecki va fournir une base solide cette approche.

    4. Le rle de la croissance conomique Les conomistes post keynsiens, comme les partisans de lcodveloppement,

    considrent que la croissance est une condition ncessaire mais non suffisante du dveloppement. Mais, pour que croissance ne rime pas avec mal dveloppement, il convient de rpondre deux questions : (i) quest-ce qui doit crotre ? (ii) comment faire en sorte que les richesses produites profitent quitablement lensemble de la population ?

    La croissance conomique napparat pas, comme pour les no-classiques, comme le remde tous les problmes. Elle nest pas non plus vue comme la cause de tous nos maux comme laffirment les partisans de la dcroissance. Si elle suscite certaines rticences dans les rangs des post keynsiens (Jespersen, 2004) et chez les partisans dune soutenabilit forte (Harribey, 1997)9, elle doit tre vue comme le moyen de satisfaire les besoins essentiels matriels et immatriels comme nous lavons vu sans dgrader lenvironnement. Ds lors, la question de la rpartition des richesses est indissociable de celle de la croissance.

    Dans cette optique, la thorie de la croissance de Kalecki (1968) peut tre mobilise. Si elle est labore dans le cadre dune conomie socialiste, Kalecki (1970) reconnat quelle peut sappliquer aux conomies capitalistes, condition dinterprter diffremment certains coefficients. Elle est base sur lquation suivante :

    uakir += (1)

    o r est le taux de croissance, i la part de linvestissement dans le revenu national, k le coefficient de capital, a le coefficient de dprciation du capital qui peut tre assimil lobsolescence conomique et u le coefficient de meilleure utilisation de lappareil de production, notamment grce lamlioration de lorganisation du travail, lutilisation plus conomique des matires premires, llimination des dfauts de production, etc. (Kalecki, 1968, p.16). Dans une conomie socialiste, si a est positif, il peut tre modul par le planificateur par lintermdiaire du choix des techniques de production, en particulier en privilgiant les techniques de production plus intensives en travail afin de favoriser le plein emploi, un objectif central pour Kalecki. u est galement positif grce aux effets dapprentissage, aux progrs organisationnels et lconomie des ressources qui en dcoule (Kalecki, 1970 ; Sachs, 1999). Dans une conomie capitaliste, ce qui nous intresse ici, la concurrence conduit laccroissement de a, cest--dire lacclration de la destruction cratrice de Schumpeter ou laccroissement du cot dusage de la production de Keynes sous leffet de lacclration de lobsolescence conomique, ce qui, pour lcole post keynsienne du circuit (Poulon, 1985) comme pour Marx, est lorigine de la crise dans le systme capitaliste. u dpend de la demande effective et peut prendre une valeur ngative en cas danticipations pessimistes conduisant une sous utilisation de lappareil de production.

    9 Il nexiste cependant pas de divergence fondamentale entre codveloppement et soutenabilit forte sur la question de la croissance. En effet, Godard (1998, p.223) note que pour les tenants de lcodveloppement, ce nest quau terme dune priode de transition assurant la rduction des ingalits internationales de dveloppement que la question dune limitation matrielle de la croissance mondiale pourra tre envisage .

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    Ds lors, il apparat que lacclration de a freine la croissance tandis quelle a un impact ngatif sur lenvironnement en intensifiant la pression sur les ressources naturelles et leur gaspillage, concurrence oblige. Le rsultat de la course au progrs technique sur la croissance est cependant inconnu comme nous le verrons plus loin laide de lquation (2) car ce processus a de grandes chances de se traduire par une diminution de k et, potentiellement, par une hausse de i.

    Une instabilit accrue, notamment en matire demploi, contribue crer un environnement conomique morose conduisant affaiblir le niveau de la demande effective. Cette instabilit, fruit dune incertitude croissante, se traduit par une baisse de u, prjudiciable la croissance10.

    Au contraire, une vision optimiste de lavenir conduit, selon les prceptes keynsiens, des anticipations favorables engendrant une hausse de linvestissement, donc de u, et une baisse du chmage, favorisant ainsi la croissance. Mais une hausse de u peut savrer prjudiciable lenvironnement selon le type dinvestissement envisag. Pour Kalecki, qui se dmarque ici de Keynes, il est indispensable que lEtat joue un rle dans lorientation de linvestissement et dans lutilisation des techniques de production afin de favoriser lemploi en privilgiant, chaque fois que cela est possible, lutilisation de techniques de production intensives en travail et, pourrions nous ajouter aujourdhui, afin dempcher une pression environnementale trop forte. Il est galement l pour viter que ne se ralise une croissance perverse (Kalecki et Sachs, 1966, p.126), cest--dire une croissance tire par la production de biens non essentiels qui dsquilibrent lconomie et conduisent une croissance de court terme qui affecte les perspectives futures de croissance. Dans ce cas, en effet, les investissements mobilisent les biens dquipement, les produits intermdiaires et de premire ncessit qui font dfaut et ne peuvent de ce fait augmenter la capacit de production de biens jugs plus utiles au dveloppement.

    Kalecki (1968) utilise une seconde quation qui lui permet de donner une approximation du taux de croissance :

    +=r (2) o est le taux de croissance de la productivit du travail rsultant du progrs technique et le taux de croissance de lemploi. Il apparat ainsi, contrairement ce quaffirment les no-classiques, que cest bien lemploi qui favorise la croissance et non le contraire.

    Comme le montre Sachs (1999, p.27-29), nous pouvons, partir de lquation (2), dfinir deux grandes trajectoires de croissance. La croissance intensive est entirement tire par laugmentation de et ninduit pas de cration demploi (do = 0). Un cas extrme peut mme tre mis en vidence qui voit le progrs technique saccompagner dune rduction de lemploi, ce qui peut tre assimil une croissance perverse. Pour viter cela, Sachs (1980, p.133) juge qu moins de prendre le problme par la racine et de rduire fortement les horaires de travail tout en rquilibrant la rpartition du volume total du travail entre tous les intresss, nous risquons fort daboutir () une vritable conomie dapartheid, caractrise par lexistence dune minorit de plus en plus productive et une majorit de marginaliss, pris en charge par le Welfare State dans lhypothse charitable ou cantonns

    10 Nous pouvons remarquer que, bien souvent, cette instabilit est savamment orchestre par les puissants et savre tre un cran de fume qui, en pnalisant la croissance, permet de demander aux populations toujours plus de sacrifices qui conduisent une aggravation des ingalits.

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    derrire des fils de fer barbels 11. Sil nest pas question de refuser le progrs technique, il convient cependant den faire un outil au service de la satisfaction des besoins essentiels et du respect de lenvironnement, ce qui passe par un contrle du contenu de . Pour Sachs (1980, p.133), les solutions passent aussi par limposition dun contrle social rigoureux sur les directions du progrs technique : la socit de lavenir devra se servir des dcouvertes de la science, mais ne pas se laisser dominer par la logique dun progrs technique jug uniquement par ses apports laccumulation conomique .

    La croissance extensive est quant elle tire par laugmentation de lemploi. Dans le cas o laccroissement de se traduit par une baisse de , nous assistons une multiplication demplois improductifs, voire fictifs.

    En rsum, il apparat que, quelle que soit la trajectoire emprunte, laugmentation de la productivit du travail peut tre favorable la croissance mais aussi lamlioration du niveau de vie. Pour ce faire, il est impratif que les gains de productivit raliss soient quitablement rpartis, montrant ainsi que croissance et rpartition sont indissociables. Mais pour cela, lintervention de lEtat semble indispensable, permettant de fixer un cap et de donner une vision long terme permettant de rduire lincertitude.

    5. Lincertitude radicale et le principe de prcaution Le principe de la demande effective reprsente, de laveu mme de Keynes (1936,

    p.53), lessentiel de la Thorie Gnrale de lemploi [quil se propose] dexposer . Ce principe repose lui-mme sur la notion dincertitude qui est la base de toute la philosophie conomique de Keynes et qui prfigure le principe de prcaution.

    5.1. Le rle de lincertitude chez Keynes12

    Si la notion dincertitude est au cur de lanalyse de Keynes et constitue un des piliers de sa rvolution , sa vision ce sujet est fortement influence par la philosophie de George Moore dont les Principia Ethica (1903) marqueront profondment sa pense (Keynes, 1938). Cette influence se retrouvera dans son Trait sur les probabilits (1921) et, plus tard, dans sa Thorie gnrale (1936).

    Moore tente de rpondre deux questions : quest-ce que le bien ? Comment faire le bien ? Comme il considre que lon ne peut dfinir le bien, si ce nest par lintuition, il en dduit que les plus grands biens imaginables sont des tats desprit associs au plaisir esthtique, lapprciation des beaux objets, dune part, aux affections personnelles de lautre (Dostaler, 2005, p.41). Face cette difficult dapprhender le bien, Moore considre que nous navons jamais la moindre raison de nous imaginer quune action est

    11 De la mme faon, Keynes considre que ce quil nomme le chmage technologique, d au fait que nous dcouvrons des moyens dconomiser de la main-duvre un rythme plus rapide que celui auquel nous lui trouvons de nouveaux emplois (Keynes, 1930, p.111), doit conduire rduire la peine de chacun et partager le travail afin de pouvoir se consacrer des activits non conomiques. Notons tout de mme quil apparat moins enthousiaste dans la Thorie gnrale o, sil ne rejette pas formellement une politique qui viserait une rduction du temps de travail, la juge prmature (Keynes, 1936, p.326-327). De son cot, Sachs (1980, p.136) prne une rduction du temps de travail professionnel et, par consquent, plus de temps pour lauto-production hors march des biens et services dans le secteur domestique et communautaire, et surtout plus de temps disponible pour les activits culturelles, ludiques et la sociabilit . 12 Ce paragraphe doit beaucoup Dostaler (2005), chap. 1. Il reprend des lments de Berr (2007) qui donne une prsentation plus approfondie des liens pouvant tre tisss entre la pense de Keynes et le dveloppement soutenable.

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    notre devoir ; nous ne pouvons jamais tre srs quune action produira la plus grande valeur possible (Moore, 1903, p.216)13. Comme on ne peut prvoir avec certitude les effets de nos actions, car il ny a pas de base probabiliste, on doit sen remettre un certains nombre de traditions, de rgles de conduite, la morale dominante et au sens commun.

    Keynes va embrasser la religion de Moore, qui lui permet de rejeter lutilitarisme benthamien quil considre comme le ver qui a rong les entrailles de la civilisation moderne et qui est responsable de son actuelle dcadence (Keynes, 1938, p.445). Cela lui permet galement de rejeter les valeurs conomiques, donc le principe de rationalit, au second plan14. Enfin, Keynes va puiser chez Moore lide que nous vivons dans un monde largement non probabilisable. En effet, si, comme laffirme Moore, le Bien nest pas dfinissable car sa dfinition suppose que lon sait ce quil est , nous devons logiquement en dduire que nous ne pouvons jamais tre srs de leffet, positif ou ngatif, de nos dcisions. Ds lors, la belle mcanique no-classique ne peut plus fonctionner15. En effet, les probabilits reposent sur la loi des grands nombres de Bernoulli et ne sont pas applicables lconomie o lon ne peut se baser sur la rptition des faits. Ainsi, entre deux situations x et y, que la premire ait une probabilit cent fois suprieure darriver nempche pas que ce soit la seconde qui puisse survenir, ou mme toute autre situation que lon naura pu prvoir. Pour Keynes, il convient donc de raisonner en incertitude radicale, cest--dire dans un univers dans lequel il nexiste aucune base scientifique sur laquelle construire le moindre calcul de probabilit. Simplement, on ne sait pas (Keynes, 1937, p.249).

    Mais, puisquil faut tout de mme agir, il convient de trouver une nouvelle base partir de laquelle il devient possible de prendre des dcisions. Et ces dcisions doivent tre tablies, selon Keynes, partir de prvisions16 qui permettent de dterminer un comportement conventionnel, dont les fondements sont peu solides. Pour lui, les agents conomiques17 se laissent guider par des faits dont ils se sentent suffisamment certains18, mme si leurs effets ne sont pas les plus significatifs, et par le degr de confiance quils accordent ces faits19.

    Ladoption de cette convention permet limmoraliste Keynes de rejeter les conclusions de Moore selon lesquelles la morale traditionnelle doit guider notre action. La base conventionnelle quil dcrit conduit plutt des situations o la rumeur, la crainte, la dsillusion ou au contraire lespoir qui sont autant dlments non probabilisables peuvent entraner une rvision brutale et soudaine de ces prvisions et peuvent dboucher sur

    13 Cit daprs Dostaler (2005), p.42. 14 Keynes estime en effet que lattribution de la rationalit la nature humaine, plutt que de lenrichir, me semble maintenant lavoir appauvrie. Cela ne tenait pas compte de certaines sources puissantes et prcieuses de sentiments (Keynes, 1938, p.448 ; traduction daprs Dostaler (2005), p.47). 15 Toutes les jolies techniques trs prsentables, destines une salle de confrences bien lambrisse ou un march merveilleusement bien rgul, menacent de senrayer (Keynes, 1937, p.250). 16 Keynes dfinit deux catgories de prvisions : la premire, quil nomme prvision court terme, a trait au prix quun fabricant, au moment o il sengage dans une fabrication, peut esprer obtenir en change des produits finis qui en rsulteront (Keynes, 1936, p.71) ; la seconde, la prvision long terme, a trait quant elle aux sommes que lentrepreneur peut esprer gagner sous forme de revenus futurs sil achte (ou parfois sil fabrique) des produits finis pour les adjoindre son quipement en capital (Keynes, 1936, p.71-72). 17 Keynes accorde une importance particulire, en vertu de sa thorie de la demande effective, aux prvisions des entrepreneurs. 18 Cest pourquoi les faits actuels jouent un rle quon pourrait juger disproportionn dans la formation de nos prvisions long terme ; notre mthode habituelle consistant considrer la situation actuelle, puis la projeter dans le futur aprs lavoir modifie dans la seule mesure o lon a des raisons plus ou moins prcises dattendre un changement (Keynes, 1936, p.164). 19 Ainsi, lorsquon sattend des changements profonds, mais quon est trs incertain de la forme quils revtiront, on na quun faible degr de confiance (Keynes, 1936, p.164).

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    des anticipations auto-ralisatrices dont le caractre trs mouvant explique selon lui lapparition de crises.

    5.2. De lincertitude au principe de prcaution

    La base conventionnelle dfinie par Keynes permet de mieux comprendre notre attitude en matire environnementale. En effet, de nombreuses tudes scientifiques montrent que le modle occidental de dveloppement est insoutenable plus ou moins long terme et que la multiplication des pollutions va induire dimportants changements climatiques. Pourtant, si nous sommes srs que ces changements vont survenir, le fait dignorer la forme quils vont prendre on a donc, daprs Keynes, une confiance limite nous conduit ne pas prendre la mesure de ce problme, montrant quen la matire le plus important nest pas de savoir que des changements vont arriver, mais de croire en leur apparition.

    Cependant, cette nouvelle donne cologique, qui est une composante de plus en plus importante des prvisions mesure que les risques environnementaux deviennent plus visibles, doit nous amener adopter une attitude plus prudente. Et si nous considrons, la suite de Keynes, que les questions conomiques sont secondaires et que nous vivons dans un monde fait dincertitude radicale, nous devons promouvoir un ncessaire principe de prcaution (PP). Ce principe, apparu pour la premire fois en Allemagne la fin des annes 1960, est aujourdhui consacr par de nombreux textes internationaux. La dclaration de Rio sur lenvironnement et le dveloppement (1992), par exemple, en donne, dans son principe 15, la dfinition suivante : Pour protger l'environnement, des mesures de prcaution doivent tre largement appliques par les tats selon leurs capacits. En cas de risque de dommages graves ou irrversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prtexte pour remettre plus tard l'adoption de mesures effectives visant prvenir la dgradation de l'environnement .

    Ce principe a donn lieu deux conceptions antagonistes20. La premire, qui sapparente un PP faible, considre que la charge de la preuve du danger incombe aux opposants telle ou telle mesure et se traduit par la gestion dun risque, au travers dune analyse cot-bnfice qui consacre la primaut de lconomique car les gains conomiques sont plus simples mettre en vidence que les cots humains et cologiques. La seconde, qui renvoie un PP fort, considre que cest aux promoteurs dune activit risque de dmontrer labsence de risque grave . Rejoignant le principe responsabilit de Jonas (1990), cette approche considre que les aspects environnementaux et lon pourrait ajouter sociaux priment sur les questions conomiques. Cette vision ne remet pas en cause la primaut de linvestissement chre Keynes mais interroge le contenu des investissements. Do limportance du rle de ltat qui, par la loi notamment, doit inciter les entreprises respecter une certaine thique et sengager dans des investissements propres . Kalecki va plus loin en considrant que lEtat doit tre programmeur et promoteur du dveloppement, et mme producteur lorsquil le faut. Il lui appartient dindiquer les priorits de dveloppement mais de sassurer aussi que les investissements ncessaires y affluent, ce qui implique le recours une certaine forme de planification (Kalecki, 1964 ; Sachs, 1999).

    Ainsi, sil savre que lanalyse post keynsienne de lincertitude radicale conduit ladoption du principe de prcaution, cette vision est parfaitement compatible avec le souci dune gestion raisonnable et prudente prn par lcodveloppement.

    20 Pour une analyse dtaille du principe de prcaution, voir notamment Azam (2006) et Godard (2003).

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    6. La place de la demande effective Comme nous lavons soulign en introduction, le principe de la demande effective

    constitue lune des deux caractristiques essentielles de lcole post keynsienne. Il consacre le fait que, dans les conomies capitalistes modernes, nous sommes face des situations o coexistent sous emploi de la main duvre et capacits de production excdentaires. En excluant tout ide de raret, Keynes et les post keynsiens aprs lui considre que laccent doit tre mis sur la demande, tant court terme qu long terme. Une telle approche semble entrer en contradiction avec lcodveloppement et, plus gnralement avec le dveloppement soutenable, car, en ne distinguant pas capital physique et capital naturel, elle sous-entend que ce dernier serait galement surabondant car non intgralement utilis. Les post keynsiens sont pourtant conscients des problmes environnementaux et, mme sils nont que peu contribu sur ce thme (Berr, 2007), avancent des lments qui sopposent lapproche no-classique et rejoignent les analyses en termes de dveloppement soutenable. Bird (1982) met ainsi laccent sur la solidarit intergnrationnelle et le caractre indpassable de la contrainte cologique, ce qui amne les post keynsiens rejeter le principe de substituabilit des facteurs de production et privilgier une complmentarit en phase avec une gestion raisonnable des ressources naturelles (Holt, 2005 ; Jespersen, 2004 ; Lavoie, 2005). Pour eux, les actions entreprises aujourdhui auront des effets demain, non seulement sur les personnes mais galement sur la biosphre21. De ce fait, ils considrent quen ce domaine, lanalyse cot-bnfice est inoprante. En effet, dans un monde o rgne lincertitude, intgrer les prfrences des gnrations futures dans un tel calcul est une absurdit qui doit conduire remettre en cause la pertinence du recours lactualisation en la matire (Bird, 1982 ; Brown et Shaw, 1983).

    Kalecki (1966) note quant lui que dans le cas des conomies en dveloppement, la demande nest pas la seule contrainte rgler. En effet, le principal problme de ces pays est que leurs capacits productives sont insuffisantes, non quelles sont sous utilises. Do la ncessit daccrotre linvestissement, non pour augmenter la demande effective mais pour dvelopper le potentiel productif et gnrer de la croissance conomique22. Nous retrouvons ici lide dveloppe par Kalecki, puis par Sachs, que la croissance nest pas lennemie du dveloppement, condition quelle saccompagne dune redistribution des richesses favorable aux classes sociales les moins aises et dune gestion prudente des ressources naturelles23.

    De plus, Kalecki (1966) note quavec laugmentation du niveau de vie dans les pays dvelopps, la population est de moins en moins encline remettre en cause un systme qui lutte contre le chmage par un gaspillage des ressources. Do la ncessit dimpliquer lEtat, mais aussi la socit civile, afin de rediriger les conomies sur des voies de dveloppement plus soutenables. Ainsi, soucieux de corriger les imperfections du march, les post keynsiens

    21 Lavoie (2005) estime que les travaux post keynsiens peuvent tre associs aux analyses dveloppes par Georgescu-Roegen (1995), qui est un des principaux promoteurs du dveloppement soutenable. 22 Jespersen (2004) confirme ce point de vue en constatant qu lheure actuelle les biens sont produits non parce quils sont ncessaires mais parce que leur production permet de lutter contre le chmage. Nous pensons cependant que la lutte contre le chmage et la satisfaction des besoins essentiels sont des objectifs parfaitement complmentaires, dont la ralisation doit dcouler dun plan de dveloppement formul par lEtat sous le contrle de la socit civile. 23 Aujourdhui, comme le note Sachs (1980, p.130-131), le dynamisme conservateur nous pousse penser que la solution de tous les problmes consiste en une fuite en avant : plus de la mme chose, comme si la croissance conomique elle seule suffisait tout rsoudre, indpendamment de comment elle se fait, qui elle profite et qui elle sacrifie, quels en sont les contenus, quel est aussi son prix social et environnemental lchelle de chaque pays et de la plante entire .

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    saccordent sur le recours une certaine forme de planification. Leur approche de lenvironnement est instrumentale et doit permettre dintgrer les objectifs atteindre dans le processus de planification tout en tant particulirement attentif aux consquences sociales, cest--dire en matire de rpartition des richesses, dun tel processus (Brown et Shaw, 1983, p.142).

    Lcodveloppement ambitionne quant lui une modification des rapports entre Etat, march et socit civile au profit de cette dernire. Il nest cependant pas question dabandonner le march ou de renforcer exagrment le rle de lEtat. Dans ce cadre, le rle du planificateur est de ngocier avec les diffrentes parties afin dobtenir une position commune acceptable. Mais pour tre efficace, le planificateur doit tre attentif la diversit des situations et se doit de recueillir un maximum dinformations, ce qui suppose une participation la plus large possible des populations locales afin de bien identifier les problmes et les besoins des populations mais aussi les potentialits du milieu naturel local (Sachs, 1980, p.32-33 ; Godard, 1998, p.224)24.

    Ds lors, il apparat que la contradiction souleve au dbut de ce paragraphe entre la vision post keynsienne de la demande effective et lcodveloppement est toute relative et savre aisment surmontable.

    7. Conclusion Il est maintenant incontestable que les post keynsiens disposent darguments solides

    pour investir avec succs le champ du dveloppement soutenable et participer llaboration de modles alternatifs celui propos par lorthodoxie qui, reposant sur une vision europo centre et linaire du dveloppement, doit tre combattu. Les liens tisss entre incertitude et principe de prcaution, une croissance au service dune meilleure rpartition des richesses et un principe de la demande effective rnov sont au cur dune vision post keynsienne du dveloppement soutenable qui doit contribuer oprationnaliser la philosophie de lcodveloppement. Sil faudra du temps pour que nous chassions de nos esprits lide dune supriorit obligatoire du modle de dveloppement occidental tel quil nous est propos depuis de nombreuses dcennies, voire de nombreux sicles, il est indispensable de participer la construction dalternatives.

    Du travail a bien videmment dj t ralis et des synergies commencent voir le jour. Ainsi, la thorie de la consommation propose par Lavoie (2005) sinscrit dans une dmarche soutenable. Le mini symposium organis Kansas city en 2004 lors de la confrence bisannuelle de lcole post keynsienne (Courvisanos, 2005 ; Holt, 2005 ; Mearman, 2005a, 2005b) a confirm que des passerelles pouvaient tre trouves avec dautres coles htrodoxes, notamment avec lconomie cologique (Gowdy, 1991 ; Holt, Spash et Pressman, 2009).

    Larticulation entre les dimensions sociales et cologiques du dveloppement soutenable exige des changements institutionnels plus ou moins radicaux afin dassurer une plus grande quit, que celle-ci soit intra gnrationnelle ou intergnrationnelle. Do une ouverture indispensable en direction de linstitutionnalisme, en particulier celui promu par

    24 Pour Sachs (1980, p.33), lcodveloppement postule un effort de recherche mettant en uvre toutes les possibilits de la science moderne en vue de la satisfaction des besoins rels de la population partir du potentiel de ressources constitu par son environnement .

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    Veblen, Commons ou Galbraith25. A cet effet, la grille danalyse des relations de pouvoir fournie par Galbraith (1983) est trs clairante et permet de mettre en vidence les blocages institutionnels quil convient de surmonter car, trop souvent, lapplication de nouvelles ides se heurte au fait que ceux qui ont le pouvoir de faire changer les choses ny ont pas intrt26. Construire une conomie politique du dveloppement soutenable est un dfi quil est impratif de relever.

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    25 Zuindeau (2007), en rflchissant la possibilit de faire de lenvironnement la sixime forme institutionnelle de la thorie de la rgulation, sinscrit dans cette perspective. 26 Keynes rejoint cette position lorsquil sinterroge, dans le dernier chapitre de la Thorie gnrale, sur la possibilit que ses ides puissent tre mises en pratique : Les intrts quelles desservent sont-ils plus puissants et plus apparents que ceux quelles favorisent ? (Keynes, 1936, p.375).

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  • Cahiers du GREThA Working papers of GREThA

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    Cahiers du GREThA (derniers numros)

    2008-09 : BERTIN Alexandre, Lapproche par les capabilits dAmartya Sen, Une voie nouvelle pour le socialisme libral

    2008-10 : CHAOUCH Mohamed, GANNOUN Ali, SARACCO Jrme, Conditional Spatial Quantile: Characterization and Nonparametric Estimation

    2008-11 : PETIT Emmanuel, Dynamique des prfrences et valeurs morales : une contribution de la thorie des motions lanalyse conomique

    2008-12 : BRANA Sophie, NICET-CHENAF Dalila, Diversits des trajectoires dans lUnion europenne et sa priphrie

    2008-13 : CLEMENT Matthieu, MEUNIE Andr, Economic Growth, inequality and environment quality: An empirical analysis applied to developing and transition countries

    2008-14 : GRAVEL N., MOYES Patrick, Bidimensional Inequalities an Ordinal Variable 2008-15 : ROUILLON Sbastien, Variable Probabilities of Suit and Liability Rules 2008-16 : MALFAIT Jean-Jacques, PAJOT Guillaume, Squestration des flux de carbone

    forestier : mise en place d'un projet d'additionnalit des usages du bois dans la construction

    2008-17 : YILDIZOGLU Murat, Reinforcing the patent system? Effects of patent fences and knowledge diffusion on the development of new industries, technical progress and social welfare

    2008-18 : ROUILLON Sbastien, On the Existence of Anonymous and Balanced Mechanisms Implementing the Lindahl Allocations

    2008-19 : MALFAIT Jean-Jacques, PAJOT Guillaume, Squestration des flux de carbone forestier : rotations des peuplements, prise en compte des produits bois et optimisation des stocks de carbone

    2008-20 : LAYAN Jean-Bernard, LUNG Yannick, Attractivit et agglomration de l'industrie automobile au Maroc et en Tunisie : une analyse comparative

    2008-21 : CABANNES Michel, La place de la sphre rsidentielle dans le dveloppement territorial : Quelques lments dapprciations

    2008-22 : NICET-CHENAF Dalila, ROUGIER Eric, Recent exports matter: export discoveries, FDI and Growth, an empirical assessment for MENA countries

    2008-23 : MAGDALOU Brice, MOYES Patrick, Social Welfare, Inequality and Deprivation 2008-24 : BERR Eric, Le dveloppement soutenable dans une perspective post keynsienne :

    retour aux sources de lcodveloppement

    La coordination scientifique des Cahiers du GREThA est assure par Sylvie FERRARI et Vincent FRIGANT. La mise en page est assure par Dominique REBOLLO.