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7/16/2019 EDI117
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Editorial
2006 - A.I.M. 117
Les Innovations de l’Année Médicale 2005-2006
Au cours de sa brève histoire, la thérapie génique a fait successive-
ment l’objet d’un optimisme dénué de tout sens critique (malgré les
quelques voix qui s’élevaient contre cette euphorie irréaliste) puis
d’un défaitisme tout aussi exagéré dont la communauté scientifique, comme
le public et la presse, ont aujourd’hui le plus grand mal à s’extraire. Entre
concept et application clinique, sa trajectoire a été rapide mais semée d’obs-
tacles. C’est un phénomène classique en Médecine. Il suffit de se rappeler
les débuts d’applications aujourd’hui passées dans la « routine » médicale,
comme la transplantation d’organes, la chimiothérapie des cancers, ou l’uti-
lisation des anticorps monoclonaux. Il a fallu dans ces domaines des années
de progrès significatifs et d’échecs, de reculs cliniques, pour passer du
concept à l’application effective.
Malgré le pessimisme ambiant et même si les difficultés sont loin d’êtrevaincues, la seule réalité importante est qu’avec les déficits immunitaires, dé-
ficit combiné sévère (SCID) et déficit enAdénosine désaminase (ADA), et plus ré-cemment avec la granulomatose chro-nique (déficit de l’activité antimicro-bienne des cellules phagocytaires),la thérapie génique a atteint son objectif :le traitement effectif de patients. Bien-sûr
les obstacles existent, à la fois pour élargir le champs d’application, et aug-menter l’efficacité et la sécurité de la technologie, mais nous y sommes !
L’obstacle finalement le plus important est notre connaissance scienti-
fique souvent imparfaite, à la fois des outils que nous manipulons (vec-
teurs, gènes, cellules) et de la physiopathologie fine des maladies que nous
traitons. Mais malgré tout, on a le sentiment que les progrès cliniques dansle domaine des biothérapies sont moins rapides que les progrès scienti-
fiques. Alors pourquoi ? Deux obstacles majeurs existent aujourd’hui.
Le premier est la complexité du système d’autorisation auquel sont soumis
ces essais par les agences réglementaires (FDA (Food an Drug Adminis-
tration) aux Etats Unis, AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire
des produits de santé) en France). L’autre obstacle majeur est le coût
énorme des essais cliniques de thérapie génique, essais pourtant indispen-
sables pour tester l’efficacité de la technologie et affiner les concepts pré-
cliniques et les protocoles thérapeutiques. Le financement des essais est
inaccessible aux organismes de recherche, et n’est pas non plus à la portée
des petites firmes de biotechnologies. Les Associations contre les maladies
ont joué un rôle considérable pour faire avancer le domaine. Les grands la-
boratoires pharmaceutiques, eux, attendent la démonstration de succès cli-
niques pour promouvoir sérieusement des études de thérapie génique. Un
cercle vicieux dans le contexte duquel les progrès ne pourront être que très
lents. Grâce aux réponses progressivement apportées aux problèmes sécu-
ritaires, qui ralentissent aujourd’hui considérablement le développement
des essais, le rythme des essais cliniques de thérapie génique devrait pour-
tant s’accélérer, facilitant une participation plus grande des firmes de bio-
technologie et des grands laboratoires pharmaceutiques.
Mais le dernier obstacle, et probablement le plus pernicieux, a été la
perception négative du public, dont les conséquences ont été majeures sur
de multiples aspects. L’enthousiasme inconsidéré des premiers succès a
été suivi d’une couverture médiatique bien plus considérable des effets in-
désirables survenus. En effet, malheureusement trois des enfants traités
dans l’essai de A. Fischer (hôpital Necker, Paris) ont développé une leucé-
mie avec activation d’un oncogène au niveau du site d’intégration du vec-
teur de thérapie génique. Malgré la guérison des autres patients traités et
l’absence d’effets indésirables dans les trois autres essais européens, ces
tristes complications ont eu des effets délétères majeurs. Le résultat a été
le sentiment public général que la thérapie génique, au lieu de tenir ses
promesses, était inefficace et même dangereuse. Les compagnies ont ré-
duit leurs efforts dans ce domaine, les start-ups ont eu de plus en plus de
mal à trouver des financements, les agences publiques et privées ont ra-
lenti leurs investissements.
Les effets adverses majeurs chez les enfants SCID ont évidemment
conduit à retourner à la paillasse et surtout au modèle animal, pour com
prendre. Des souris présentant le même déficit immunitaire que les en-
fants SCID ont donc reçu une greffe avec le même vecteur (exprimant le
gène de la chaîne gamma du récepteur à l’interleukine 2 ou IL2RG, défi
cient chez les patients SCID). 33% des animaux ont effectivement déve-
loppé un lymphome T, démontrant que c’est bien le pouvoir oncogé-
nique du gène IL2RG lui-même, et non pas l’intégration du vecteur de
thérapie génique comme on le craignait, qui était à l’origine du dévelop
pement de tumeurs. Si cela pose évidemment un problème crucial pour
le traitement des patients SCID, c’est par contre une « bonne nouvelle »
pour la thérapie génique en général. Le risque tant redouté de mutage-
nèse insertionnelle des vecteurs intégratifs est ainsi nettement remis en
question.
Cela montre également l’importance du suivi à long terme de l’évalua
tion pré-clinique de ces approches. Le développement tardif des tumeurs
chez les souris SCID greffées explique que les premières études, limitéesdans le temps, n’aient retrouvé aucune tumeur sur 88 souris traitées par
différentes équipes dans le monde, ou même dans des études plus longues
chez le gros animal (chien, macaque).
Il est pourtant prudent de rappeler qu’un même cycle d’enthousiasme -
septicisme a marqué le début des traitements par les anticorps monoclo-
naux, quand l’ébullition du début a cédé la place à un négativisme bien
plus important lors de l’échec des premiers essais. Ce sont pourtant bien
ces premiers essais qui ont permis d’identifier les problèmes, permettant
aujourd’hui à ces molécules d’atteindre le succès thérapeutique et com-
mercial que l’on sait.
Dans la frilosité ambiante créée par cette épée de Damoclès appelée
Risque, n’oublions pas ces résultats positifs. Sil faut rester vigilants sur les
indications et la conduite des tests pré-cliniques (et l’AFSSAPS est dans
ce domaine notre gardien et notre parte-naire), n’oublions pas d’opposer à la
crainte du risque la notion de bénéfice
et, comme dans toute démarche théra-
peutique de réfléchir toujours en terme
de rapport bénéfice-risque. Il n’est pas question de thérapie génique du
rhume des foins ou de la gastro-entérite ; il est question de proposer à des
patients qui n’en ont souvent aucune, une perspective de traitement d’une
affection qui menace leur vie, souvent à court terme. Et dans ce cadre, ré-
pétons le bien haut, nous y sommes !
Dr Nathalie Cartier , directeur de recherche à l’Inserm U47
(Hôpital Saint-Vincent de Paul, Paris). [email protected]
R é f l é c h i r t o u j o u r s
e n t e r m e d e r a p p o r t
b é n é f i c e - r i s q u e
« Thérapie génique, un peu d’optimisme dans un monde de risque… »
Dr Nathalie Cartier (Inserm, Paris)
L a t h é r a p i e g é n i q u e
a a t t e i n t s o n o b j e c t i f ,
l e t r a i t e m e n t e f f e c t i f
d e p a t i e n t s