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SOFRECO 92-98 Boulevard Victor Hugo - 92115 CLICHY CEDEX – FRANCE Tel. (+33) 1 41 27 95 95 – Fax. (+33) 1 41 27 95 96 – E-mail : [email protected] UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE ---------------- La Commission ---------------- Département du Développement Rural et de l'Environnement Etude sur le financement des filières agricoles dans les pays membres de l'UEMOA RAPPORTS PAR PAYS BENIN Janvier 2000

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SOFRECO 92-98 Boulevard Victor Hugo - 92115 CLICHY CEDEX – FRANCE

Tel. (+33) 1 41 27 95 95 – Fax. (+33) 1 41 27 95 96 – E-mail : [email protected]

UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE

OUEST AFRICAINE ----------------

La Commission ----------------

Département du Développement Rural et de l'Environnement

Etude sur le financement des filières agricoles dans les pays

membres de l'UEMOA

RAPPORTS PAR PAYS

BENIN

Janvier 2000

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1. LE BENIN

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SOMMAIRE

I - LE CONTEXTE DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE 4

1. PRESENTATION GENERALE DU BENIN 4

2. POLITIQUE ET FINANCEMENT DU SECTEUR AGRICOLE AU BENIN 5

2.1. Historique 5 2.2. Objectifs du programme de réforme 6 2.2.1. Production agricole 6 2.2.2. Le crédit rural 7

3. LE CONTEXTE FONCIER 8

II - LE SECTEUR AGRICOLE ET LA DEMANDE DE FINANCEMENT 9

1. ZONAGE DU SECTEUR AGRICOLE 9

2. PERFORMANCES, ORGANISATION ET BESOINS DE FINANCEMENT PAR FILIERES 9

2.1. L’agriculture 9 2.1.1. Le coton 9

2.1.2. Le vivrier 18 2.1.3. Les autres cultures 20 2.1.4. Les facteurs de production 20

2.2. L’élevage 21 2.2.1 Le système pastoral 21

2.2.2 Le système agro-pastoral 21

2.3. La pêche 22 2.3.1. La pêche maritime 22

2.3.2. La pêche continentale 23

2.4. La forêt 23

3. LES BESOINS DE FINANCEMENT TRANSVERSAUX 24

3.1. Le financement des services d’appui 24 3.1.1. La recherche 24

3.1.2. La vulgarisation et la formation 24

3.2. Les organisations agricoles 24 3.2.1. Des organisations de base centrées sur la filière coton 24 3.2.2. Des organisations de producteurs thématiques ou spécialisées 24 3.2.3. Les organisations faîtières 25

3.2.4. Diagnostic rapide de la situation des OP du Bénin 26

3.3. Les structures d’appui aux organisations et aux producteurs 29

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3.3.1. Les structures publiques : CARDER 29 3.3.2. Le secteur privé : ONG, bureaux d’étude 29 3.3.3. Les programmes d’appui aux OP 30 3.3.4. La position des bailleurs de fonds et de l’Etat 33 III - ANALYSE DE L’OFFRE DE FINANCEMENT 35

1. LE FINANCEMENT PUBLIC 35 2. LES INSTITUTIONS SPECIALISEES 36 3. LE SECTEUR BANCAIRE 37

3.1. Les Banques 37 3.2. Les Etablissements financiers 38 3.3. Le financement de la campagne cotonnière par le consortium bancaire 39

4. LES SYSTEMES DE FINANCEMENT DECENTRALISES 41 4.1. Aperçu sur la situation des SFD au BÉNIN 41 4.2. Contribution des SFD au financement de l’agriculture 45 4.3. Analyse des principaux SFD représentatifs de la problématique du financement de l’agriculture au Bénin 49 4.3.1. La FECECAM 50 4.3.2. La FENACREP 66 4.3.3. Les ASF du PAGER 71 4.3.4. Les Banques Communautaires du CRS 74

IV – SYNTHESE 77 ANNEXES

1 - SIGLES ET ABREVIATIONS 82 2 – BIBLIOGRAPHIE 83 3 - PERSONNALITES RENCONTREES 85

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I - LE CONTEXTE DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE 1. PRESENTATION GENERALE DU BENIN Le Bénin est un pays côtier de l’espace UEMOA situé dans le golfe de Guinée. Il

s’étend sur 114.763 km2 entre le Niger et le Burkina-Faso au Nord, le Togo à l’Ouest, le Nigeria à l’Est et l’océan Atlantique au Sud.

Au sud le climat est équatorial, chaud et humide, avec une longue saison sèche (de

décembre à mars) pendant laquelle souffle l’harmattan suivi d’une longue saison des pluies (de mars à juillet) d’une petite saison sèche (juillet à septembre) et d’une petite saison des pluies dite saison humide (de septembre à novembre). La pluviométrie annuelle oscille entre 800 mm et 1325 mm, le nord avec une seule saison humide (de mai à septembre) enregistrant les minima.

En 1997, le Bénin comptait 5,8 millions d’habitants avec une densité de 51,5

habitants au km². Le taux de croissance démographique est proche de la moyenne observée pour les pays de la sous-région, soit environ 3,3%. A ce rythme, la population béninoise atteindra 8,6 millions d’habitants à l’horizon 2010. Plus des 2/3 de la population vivent en milieu rural. L’exode rural est extrêmement marqué et la population urbaine s’accroît approximativement à un rythme de 7,4% par an, exerçant une forte pression sur l’infrastructure sociale et le marché du travail dans les villes.

Le taux de croissance économique réel est élevé, et devrait se situer aux alentours

de 5% pour l’année 1999, et 5,5% pour l’année 2000. L’économie béninoise est principalement caractérisée par la prédominance du

secteur primaire et du secteur tertiaire, ce dernier étant dominé par un secteur commercial très actif du fait de la présence du géant voisin, le Nigeria. Cette présence favorise un commerce de transit et d’importation de produits manufacturés, alimentant un secteur informel très dynamique. En 1994, la population active était estimée à environ 2,8 millions d’individus (environ 48% de la population totale), dont l’écrasante majorité (90%) sont des travailleurs indépendants dans le secteur primaire et l’informel, le reste représentant les fonctionnaires et les salariés du secteur privé.

Le secteur agricole contribue à hauteur de 39% du PIB, 80% des recettes

d’exportations et 70% des emplois. L’agriculture a donc une place particulièrement importante dans l’économie nationale. Ce secteur sera analysé plus en détail sous-secteur par sous-secteur (incluant l’élevage, la pêche et la forêt) dans le paragraphe suivant.

Le secteur productif agricole, avec environ 400.000 exploitations recensées, est

caractérisé par la prédominance de petites exploitations agricoles variant en moyenne entre 0,5 ha dans la partie méridionale et 2 ha dans la partie septentrionale.

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Le revenu et la productivité agricoles sont faibles (450-650 FCFA/jour) et la force de

travail n’est que partiellement valorisée. Dépourvus de moyens financiers pendant la campagne agricole, la plupart des exploitants agricoles ont très peu recours aux intrants. L’augmentation de la production se réalise par extension des superficies, favorisant ainsi la dégradation des ressources naturelles, notamment dans les zones agro-pastorales.

2. POLITIQUE ET FINANCEMENT DU SECTEUR AGRICOLE AU BENIN 2.1. Historique En mai 1991, le Ministère du Développement Rural du Bénin (MDR) signait la Lettre

de Déclaration de Politique de Développement Rural (LPDR) dressant ainsi les bases d’un important projet de restructuration du secteur agricole. Cette lettre précise notamment les priorités du Gouvernement en matière de développement rural, ainsi que les réformes envisagées concernant les services agricoles qui donneront naissance au Projet de Restructuration des Services Agricoles (PRSA). Ce Projet, jusqu’à présent financé par la Banque Mondiale, avait pour principaux objectifs (i) l’amélioration des performances de ces services et (ii) le désengagement de l’Etat dans la prise en charge de ceux-ci au profit d’opérateurs privés.

Le PRSA a servi d’alternative à un PASA (Programme d’Ajustement Sectoriel

Agricole), que le Bénin n’a jamais connu. Cette première phase s’est notamment traduite par la restructuration des CARDER (Centre d’Action Régional pour le Développement Rural) et du MDR.

Ce projet prenant actuellement fin, une version provisoire de LPDR fut élaborée en

décembre 1998 puis approuvée dans sa version définitive en 1999. Dans cette lettre, le rôle de l’Etat a été défini en missions exclusives (assurées exclusivement par l’Etat) et non-exclusives (pouvant être assurées par l’Etat mais aussi par le secteur privé et les ONG), soulignant ainsi la volonté de l’Etat de se dégager progressivement de certaines des fonctions qu’il assurait jusqu’alors, tout en gardant la maîtrise de ses fonctions régaliennes1. Le Bénin a donc entrepris une nouvelle étape de transformation du secteur rural déjà commencée dans le cadre du PRSA.

1 Les missions exclusives couvrent globalement l’orientation, le suivi et le contrôle de la politique nationale en

matière de développement rural, de protection des ressources naturelles et de la réglementation en vigueur, la capitalisation et la diffusion des informations à l’échelle nationale, l’orientation et la coordination des aides

E v o l u t i o n d e s c o m p o s a n t e s d u P I B d u B é n i n ( p é r i o d e 1 9 9 0 - 1 9 9 8 )

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E x t r a c t i o nA g r i c u l t u r e

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2.2. Objectifs du programme de réforme Les principaux objectifs fixés par l’Etat dans cette nouvelle LPDR visent

essentiellement à élever le niveau de vie des populations et à renforcer la participation du secteur rural au développement socio-économique du pays.

2.2.1. Production agricole Ces orientations s’appliquent au secteur agricole au sens large du terme, c’est-à-

dire prenant en considération les sous-secteurs de la pêche, de l’élevage et de la foresterie. Les objectifs principaux retenus sont rappelés ci-dessous :

• le renforcement de la participation du secteur au développement socio-

économique du pays en contribuant : - au rétablissement des équilibres macro-économiques, - à la création d’emplois, - à la valorisation des potentialités agro-écologiques ;

• la contribution à l’amélioration du niveau de vie des populations par :

- l’augmentation du pouvoir d’achat des producteurs, - la lutte contre la pauvreté, - le contrôle de la qualité et l’innocuité des aliments ;

• le maintien de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans un contexte de forte

croissance démographique aujourd’hui estimée à 3,3% l’an ; • la diversification agricole et l’augmentation de la productivité ; • l’amélioration des rapports hommes/femmes au sein des communautés rurales

suivant l’analyse “ genre et développement ”. La poursuite des ces objectifs nécessite la mise en œuvre de stratégies, notamment sur les volets : - d’appui à l’organisation du monde rural, - d’appui à la vulgarisation et au conseil en gestion agricole, - d’intensification du processus d’aménagement et d’équipement, - d’accès aux financements et d'aménagement de la fiscalité, - de diversification et d’intensification, - de conservation et de transformation, - d’approvisionnement en intrants, - de commercialisation, - de recherche, - de législation rurale et particulièrement sur le droit foncier, - de gestion des ressources naturelles, - de formation et d’information, - de programmation et de suivi.

2.2.2. Le crédit rural

extérieures et les missions non-exclusives couvrent les aspects liés à la vulgarisation, la formation, le conseil en gestion, l’appui à l’organisation des exploitants et la gestion des infrastructures rurales publiques.

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Sur le volet spécifique au financement du secteur rural, les orientations de l’Etat s’articulent autour de quatre axes majeurs : la fiscalité, le budget, l’investissement public et le crédit. • Concernant la fiscalité du secteur, qui constitue à la fois une source de

financement et un facteur ayant une influence sur le comportement des acteurs, l’Etat souhaite la réviser afin de la rendre cohérente avec les objectifs de la LPDR et préconise de mener une étude d’impact de la fiscalité sur le développement du secteur rural.

• Le budget de fonctionnement du secteur, aujourd’hui inférieur à 5% du budget

national, sera sans doute révisé à la hausse pour progressivement atteindre 10% du budget, d’ici l’année 2005.

• Concernant le Programme d’Investissements Publics (PIP), les points suivants

seront particulièrement traités :

- construction d’infrastructures de stockage et de conservation, - amélioration de la gestion des fonds de contrepartie de l’Etat aux programmes

financés sur ressources extérieures, avec un accent particulier sur la libération des montants à temps afin d’éviter les retards d’exécution,

- mise en place d’outils performants au niveau du MDR pour le suivi du PIP, - identification des dépenses de fonctionnement inscrites au PIP qui seront

progressivement imputées au budget de l’Etat, - déconcentration des budgets, - développement de partenariats entre l’Etat et le secteur privé.

• Concernant les crédits, l’Etat souhaite :

- aider au renforcement des institutions existantes et à la diversification des sources de crédit, en vue d’adapter les crédits aux conditions des petits exploitants,

- favoriser la mise en place de crédits à moyen terme, nécessaires notamment à

l’acquisition de matériels de stockage, de transformation et de commercialisation,

- créer les conditions favorables à l’émergence de banques agricoles privées

pour soutenir les investissements du secteur, ce qui implique le recours à des crédits de moyen et long termes,

- favoriser la mise en place d’un mécanisme de soutien ou de garantie des

crédits agricoles, - favoriser l’octroi des crédits de campagne (notamment par les réseaux des

CRCAM, CLCAM, CREP…) aux productions agricoles autres que le coton (cultures vivrières et maraîchères, productions forestières, élevage et pêche, etc.),

- favoriser l’accès des femmes et des jeunes au crédit rural à travers un appui à

toutes les structures de financement de proximité, telles que les Associations de Services Financiers (ASF) ou toute autre forme de services financiers décentralisés.

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3. LE CONTEXTE FONCIER Un projet pilote de plans fonciers ruraux a été entrepris avec l’aide de la BIRD, de

l’AFD et de la coopération allemande, il a pour objectif de clarifier les droits sur la terre afin de favoriser la résolution des conflits et la paix sociale. Le plan foncier constitue un préalable et un outil d’accompagnement essentiel aux actions d’aménagement et de gestion des terroirs.

Il comporte les étapes suivantes :

- Exploitation de photographies aériennes et de relevés sur le terrain, - Enquête sur le terrain pour reconnaître les ayants droits, - Délimitation des parcelles, - Résolution des conflits.

Mais le projet ne peut aller plus loin faute de législation foncière adaptée et ne peut

procéder à l’immatriculation des terrains. Son action est cependant jugée très positive car il fait désormais l’objet d’une forte demande de la part des villages concernés. En effet, dans le cadre de la décentralisation, il permet de mieux connaître les terroirs villageois et les ayant-droits. Par ailleurs il permet de régler de nombreux conflits et participe donc à la sécurisation du foncier, facteur de base de toute modernisation de l’agriculture.

La première phase du projet a concerné 5 sites, 117 communautés villageoises et

environ 5.000 ha de terroirs agricoles ont pu être délimités sur les 15.000ha prévus initialement. Elle devrait donc être poursuivie, l’AFD et l’Aide allemande ont donné leurs accords de principe et les discussions sont en cours.

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II – LE SECTEUR AGRICOLE ET LA DEMANDE DE FINANCEMENT 1. ZONAGE DU SECTEUR AGRICOLE Le milieu naturel béninois est structuré en 8 zones agro-écologiques homogènes

auxquelles correspondent des systèmes de productions et des spéculations spécifiques, comme l’indique le tableau ci-dessous.

Tableau 1 : Recensement et localisation des principaux produits agricoles

au Bénin Zone Agro-écologique

Appellation Superficies (km2)

Principales cultures

I Zone extrême Nord Bénin

9 057 Oignon, mais, riz, cultures maraîchères

II Zone cotonnière du Nord Bénin

20 930 Coton, sorgho, mais

III Zone vivrière du sud Borgou

23 442 Igname, coton, mais, anacarde

IV Zone Ouest Atacora 16 936 Fonio

V Zone cotonnière du centre Bénin

32 163 Coton, tubercules, céréales, légumineuses

VI Zone des terres de barre

6 391 Mais, manioc, niébé

VII Zone de la dépression

2 564 Mais, manioc, niébé

VIII Zone des pêcheries 3 280 Pêches, maraîchage Source : Annuaire statistique agricole du Bénin/MDR 2. PERFORMANCES, ORGANISATION ET BESOINS DE FINANCEMENT PAR

FILIERES 2.1. L’agriculture L’agriculture au Bénin est très largement dominée par le coton qui constitue la

principale ressource du pays. Son poids et son rôle dans l’économie ne sont plus à démontrer. Le caractère de monoproduction du pays agit comme une fragilité permanente susceptible de faire basculer des pans entiers de la population au gré des aléas climatiques et de la fluctuation des cours.

2.1.1. Le coton

2.1.1.1. Performance de la filière

La filière coton représente 13% du PIB, 70% de la valeur totale des exportations et 35% des rentrées fiscales. Les exportations de fibres, de graines ou de textiles représentent en valeur 90% des produits exportés et constituent donc la première source de devises du pays.

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La filière est donc au cœur du processus de développement du pays puisque les achats de coton-graine aux producteurs représentent près de 75 milliards de FCFA, dont il faut déduire le coût des intrants, soit environ 20 milliards de FCFA, soit une ressource nette d’environ 55 milliards versée annuellement à 300 000 exploitants agricoles. Introduit durant la période coloniale, “ l’or blanc ”, cultivé principalement dans le nord, permet aujourd’hui au Bénin de figurer parmi les plus importants producteurs d’Afrique de l’Ouest, avec 2% du marché mondial et 95 milliards de FCFA de revenus générés en 1997 pour la totalité de la filière. Le tableau ci-après fait état de l’évolution de la production au cours des dernières campagnes. Tableau N°2 : Evolution de la production et du prix du coton-graine au Bénin

Campagnes 92-93 93-94 94-95 95-96 96-97 97-98 98-99 Production

(mT) 161 266 350 350 349 360 350

Prix du coton-graine (FCFA)

- 165 - - - 200 225

Source : Marchés tropicaux N°2750, 24 juillet 1999 L’augmentation de la production a été très rapide. Elle est principalement liée à l’accroissement des superficies emblavées et ne correspond malheureusement pas à une intensification de la production. Cet engouement des producteurs est principalement lié à l’augmentation du prix d’achat qui est passé en 5 ans de 165 FCFA/kg à 225 FCFA/kg.

2.1.1.2. Les acteurs traditionnels de la filière La filière repose sur un certain nombre d’opérateurs privés et publics, dont les principaux sont : - des petits producteurs (200.000 à 300.000) organisés en groupements et

encadrés par les services de vulgarisation qui leur fournissent également les intrants et organisent la collecte,

- une société de développement fortement intégrée jusqu’à présent, la Société

Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA). La SONAPRA était notamment chargée de l’appui technique aux producteurs, de l’approvisionnement en intrants, de l’achat et de l’égrenage du coton-graine et enfin de la commercialisation du coton-fibre.

- les banques, organisées en consortium2, qui financent la campagne (achat des

intrants, collecte primaire, usinage et commercialisation. ),

2 Le consortium bancaire rassemble les banques nationales et internationales respectivement impliquées dans

le financement de la campagne et de la commercialisation.

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- un Office National de Stabilisation et de soutien des prix des produits agricoles (O.N.S) qui garantit un prix minimum d’achat du coton aux producteurs organisés en coopératives grâce à un fonds de stabilisation alimenté par des prélèvements sur les ventes de fibres.

2.1.1.3. La Place et le rôle des OPA

Deux tiers environ des producteurs de coton sont regroupés en Groupements

Villageois (GV), créés à l’initiative des CARDER à la fin des années 70. Les GV sont regroupés en 77 Unions Sous-Départementales des Producteurs (USDP), elles-mêmes “supervisées” par 6 Unions Départementales (UDP). Ces organisations se sont fédérées en 1994 au sein de la Fédération des Unions de Producteurs du Bénin (FUPRO/BÉNIN). Les GV assurent, au niveau des villages, le recensement des besoins d’intrants et leur distribution aux producteurs, la collecte primaire du coton, le recensement des besoins en crédit de campagne, la sélection des bénéficiaires. C’est aussi le GV qui se porte caution solidaire pour ces crédits. Les USPP centralisent les demandes d’intrants des GV, les transmettent à la SONAPRA, et sont un relais dans la distribution, de même que dans la collecte primaire de la production. Ils assurent la récupération des crédits de commercialisation auprès des GV et cautionnent les emprunts des GV auprès des CLCAM (Caisses locales de Crédit Agricole Mutuel), échelons locaux de la FECECAM. Les UDP ont un rôle d’appui technique, de formation et de contrôle. Le financement de ces OP est entièrement lié à la filière coton, à travers la rémunération des prestations de service (collecte, pesée, transport) et le versement d’un pourcentage des plus-values et ristournes du coton par la SONAPRA, et plus récemment par les opérateurs privés. Une inter-profession, (Association Inter-professionnelle du Coton) (AIC), est en cours de création rassemblant les représentants des producteurs, des égreneurs, et de l’Etat. Elle devrait à terme remplir le rôle de régulation de la filière assurée jusqu’ici par la SONAPRA. Mais son émergence est difficile, et elle ne semble pas réellement opérationnelle pour l’instant. Nous reviendrons plus loin sur un diagnostic plus approfondi de la situation de ces OP.

2.1.1.4. La réforme en cours

La politique de désengagement progressif de l’Etat, menée dans le cadre du PRSA depuis 1992 et définie avec la Banque Mondiale, doit, à terme, modifier profondément cette organisation de la manière suivante : - La SONAPRA n’assurera plus l’encadrement des producteurs dont la profession

reprendra la charge, - La SONAPRA doit perdre le monopole d’achat du coton, de sa commercialisation

et de l’approvisionnement en intrants,

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- Des opérateurs privés ont obtenu des agréments pour construire et exploiter de nouvelles usines d’égrenage3,

- De même les opérateurs privés reçoivent des agréments pour assurer la fourniture des intrants dont les caractéristiques et les quantités restent définies par la SONAPRA qui établit le cahier des charges et définit les termes de références de l’appel d’offre.

- L’ONS n’assure plus la stabilisation des prix du coton-graine. Les différentes opérations de la filière seront donc examinées dans ce nouveau

contexte, de manière à souligner les conséquences de cette réforme.

2.1.1.5. La fixation du prix du coton graine

L’ONS, la SONAPRA et les représentants des producteurs se réunissent avant la campagne pour fixer le prix d’achat du coton-graine. En réalité, les interventions politiques étaient fréquentes et c’est le Ministère du Développement rural qui fixait les prix. Une étude de la filière avait été engagée en 1966 dans un contexte de hausse du marché international et présentait des conclusions très optimistes qui ont induit les décisions de création de nouvelles usines et de fixation du prix à un niveau élevé. L’évolution du marché international s’est complètement retournée en 1998, mais les décisions n’ont pas été infléchies pour des raisons politiques (proximité d’élections), ce qui fait que le prix du coton-graine du Bénin est le plus élevé de la région et ne permet plus d’assurer la viabilité de la filière. En effet, fin 1998, le prix de placement de la fibre était tombé à 6,20 FF/kg, alors qu’il était de 8,40 FF en août 1998. Dans ces conditions, certains acheteurs n’ont pas rempli leurs contrats et la commercialisation a été complètement désorganisée. En définitif, la charge a reposé sur la SONAPRA qui s’est rapidement trouvée en panne de trésorerie. L’équilibre de la filière qui avait dégagé des marges importantes s’est trouvé compromis et, au prix actuel maintenu pour la campagne 1999-2000, aucun intervenant privé ne s’engagera à ses propres risques. La question de l’intervention de l’Etat se pose donc avec acuité, alors que l’objectif de la réforme était justement son désengagement.

2.1.1.6. L’approvisionnement en intrants La SONAPRA recueille les besoins en intrants formulés par les groupements, en fonction des objectifs de production de ses membres. La SONAPRA négocie le crédit de campagne avec le consortium bancaire pour le compte des groupements, puis établit un cahier des charges et lance un appel d’offre international pour la fourniture des intrants, qu’elle se charge ensuite de distribuer à travers son propre réseau. Les groupements reçoivent les intrants à crédit pour le compte de leurs membres et assurent la répartition entre chacun des membres. La bonne utilisation de ces intrants est assurée par les services de vulgarisation de la SONAPRA qui, par ailleurs, assurent un suivi global de l’exploitation. Le montant du crédit est prélevé

3 Entre Avril 1994 et Novembre 1998, 8 accréditations ont été distribuées en matière d’usinage du coton-graine,

dont 3 qui furent suspendues.

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lors de l’achat du coton-graine par la SONAPRA, qui rembourse le crédit de campagne au consortium bancaire après la commercialisation du coton-fibre. Ce système “ intégré ” permet de garantir une utilisation correcte des crédits, limitant les risques de détournement, et sécurise, dans une certaine mesure, le remboursement en assurant un encadrement technique et le lien entre le remboursement des crédits et la collecte du coton-graine. En outre, la SONAPRA endosse les risques de défaillance de paiement des groupements et couvre une grande partie du besoin en fonds de roulement du dispositif. L’approvisionnement en intrants fait appel désormais à des opérateurs privés et à la SONAPRA : - les besoins sont exprimés par les groupements, - la validation est effectuée par les agents des CARDERS ou des DRSA, - les opérateurs (12 pour la dernière campagne) soumissionnent pour les livraisons

et, après agréments et contrôle, effectuent les livraisons aux groupements, - la SONAPRA assure un stock de sécurité de 10 % des quantités requises.

Ce système remet principalement en question le système de crédit-intrants qui constitue la clef de voûte du système de production actuel, donnant au producteur les moyens de produire en lui offrant un accès au crédit. L'équilibre fragile qui existait jusqu’alors, sécurisant le recouvrement des sommes octroyées, est donc actuellement fortement remis en cause, sans alternatives claires en terme de nouveau mode de financement de la campagne. Si une solution n’est pas rapidement trouvée, le risque d’impayés paraît très élevé, ce qui, à terme, pourrait remettre en cause l’approvisionnement en intrants. Il serait donc nécessaire que l’Interprofession s’organise rapidement pour trouver les dispositions adéquates. Des solutions existent et l’exemple ci-après indique une voie de réflexion. En effet, un opérateur privé, disposant par ailleurs de 3 usines, a acquis 50% des fournitures d’engrais et a mis en place des agents chargés de leur distribution et de conseiller les groupements. Il a donc reconstitué dans sa zone, de sa propre initiative, un dispositif analogue au dispositif antérieur de la SONAPRA. Ceci est de nature à conforter le dispositif et devrait être une obligation de la convention d’agrément.

2.1.1.7. La collecte primaire

La SONAPRA, disposant d'un monopole d’achat, organisait la collecte en accord avec les groupements et procédait aux achats de coton sur les marchés mis en place par les groupements.

La SONAPRA conserve, au moins pour la campagne1999-2000 et probablement pour la campagne 2000-2001, compte tenu des incertitudes non encore levées, le monopole de la collecte et de l’achat du coton-graine, garantissant au producteur un prix d’achat plancher de l’ensemble de sa production. Cependant, les opérateurs privés peuvent assurer la collecte ou la commercialisation primaire auprès des groupements, pour le compte de la SONAPRA qui rémunère leurs services selon un barème négocié et leur revend ensuite une partie du coton-graine au prorata de la capacité de leurs usines et conformément aux conditions de leur agrément.

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A l’instigation de la Banque Mondiale, une expérience de vente aux enchères a été tentée au cours de la dernière campagne, portant sur un lot de 40.000 tonnes de coton graine réunies par des groupements de producteurs. La vente aux enchères était censée permettre aux producteurs de mettre en concurrence les différents acheteurs privés et leur permettre d’obtenir des prix rémunérateurs. Cette expérience a été un échec total car la baisse des prix du coton sur le marché international et la fixation du prix garanti à un niveau trop élevé a provoqué l’abstention des acheteurs privés, non assurés d’obtenir une marge suffisante. Ils ont préféré logiquement traiter à façon pour la SONAPRA sans prendre de risque. Il était prévu que ce système de vente aux enchères devait se généraliser pour toute la production mise en vente dès la campagne 1999-2000, mais cet échec devrait conduire à de nouvelles réflexions sur une réforme dont les conséquences paraissent avoir été mal évaluées. En effet, il faut considérer que la possibilité de concurrence entre usiniers est largement illusoire, car il se constitue des monopoles géographiques de fait autour des usines existantes. La concurrence ne pourra, en tout état de cause, concerner que des quantités marginales pour compléter le tonnage usiné au-delà des quantités assurées par les conventions d’agrément. La libéralisation totale de la filière exigerait qu’une Organisation Interprofessionnelle efficace soit en mesure de veiller à son bon fonctionnement, en créant en particulier une centrale des risques permettant un fonctionnement correct des divers financements nécessaires et un partage équitable des revenus entre les producteurs et les usiniers ou négociants, ainsi qu’éventuellement un dispositif de stabilisation de ceux-ci pour lisser les variations trop importantes. Cela ne paraît pas être assuré dans la configuration provisoire actuelle..

2.1.1.8. L’égrenage L’outil de transformation était constitué de dix unités d’égrenage d’une capacité de 312.500T appartenant à la SONAPRA jusqu’en 1995. Depuis 1994, l’Etat a procédé à l’ouverture de la filière au secteur privé dans ce domaine. Les bons résultats enregistrés lors des années 90, liés notamment à une conjoncture nationale et internationale favorable à la filière (bonne organisation de la filière, dévaluation du FCFA, prix de vente à l’international élevés, etc. ), ont conduit à appuyer l’implantation de ces usiniers privés par le système d’accréditation en renforçant les capacités d’usinage jugées alors insuffisantes, compte tenu des prévisions de production. Dans l’euphorie du marché qui prévalait alors, de nombreux opérateurs privés se sont portés candidats et 4 agréments ont été décidés, 4 autres restant en cours d’étude. Il en résulte que 4 nouvelles usines ont été construites par des opérateurs privés, elles ont une capacité de 150.000 T et avec les 4 autres prévues la capacité d’usinage atteint 637.000 tonnes, pour une production actuelle de 350.000T, qui paraît d’ailleurs devoir se stabiliser à ce niveau. La répartition du coton-graine entre ces unités est gérée par l’Etat. Elle s’effectue au prorata de la capacité installée, qui est calculée selon un système de “ clefs de répartition ” établi par la SONAPRA. Le tableau suivant présente cette répartition en fonction de l’évolution de la production et des capacités d’usinage (SONAPRA/Privés).

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Tableau N°3 : Evolution des ratios d’utilisation de l’usinage au coton-graine

CAMPAGNES 96/97 97/98 98/99

(estimation) Production coton-graine totale 350,0 359,0 350,1 Capacité Total 387,5 462,5 575,0 SONAPRA 312,5 312,5 312,5 Privés 75,0 150,0 262,5 Ratio répartition Privé/Total 53% 56% 62% Ratio Capacité utilisée/installée 90% 78% 61%

Sources : d’après données SONAPRA/ONS (1999)

On observe une nette progression de la répartition du coton-graine en faveur des privés qui ont su multiplier leur capacité globale d’usinage par 3,5 en trois campagnes, alors que celle de la SONAPRA a stagné. Par ailleurs, on constate en moyenne une tendance à la baisse concernant le taux d’utilisation des installations d’égrenage, ayant pour corollaire une augmentation du coût de revient de la production de coton-fibre. La politique d’agrément pratiquée, objet de nombreuses pressions politiques, aboutit à une fragilisation de la filière par une forte augmentation des coûts de transformation. En effet, les coût unitaires sont assez bas dans les usines anciennes de la SONAPRA, déjà largement amorties, et pour les premières usines privées construites qui ont bénéficié d’une forte rente de situation. Cependant, ils sont élevés pour les nouvelles usines qui ne peuvent être suffisamment alimentées. On note d’ailleurs des défections parmi les promoteurs qui n’ont pas la surface suffisante pour absorber les aléas de la conjoncture. La majorité de ces usines privées a été réalisée avec la participation des grands négociants internationaux qui exercent maintenant une forte pression pour être remboursés. Certains n’hésitent pas à prélever les échéances dues directement sur le coton fibre vendu par leur intermédiaire, empêchant les nationaux de rembourser les crédits bancaires, d’où l’apparition de sévères contentieux qui pèsent sur la réputation de la filière béninoise.

2.1.1.9. La Commercialisation Le Bénin reste très largement dépendant des fluctuations des cours internationaux, l’essentiel de sa production étant exporté. Or, le marché international est très déprimé en raison d’une surproduction aux Etats-Unis, de la reprise des exportations par la Chine et des conséquences négatives de la crise en Extrême-Orient. Les perspectives de l’étude stratégique de la filière, réalisée en 1996-97, sont donc à reconsidérer. Dans ce contexte international morose, la commercialisation s’effectue difficilement, les acheteurs internationaux préférant différer leurs achats dans l’attente d’une remontée des cours. Au niveau des prix internationaux d’octobre 1999 (inférieurs à 650fCFA/kg alors que le prix de revient est de l’ordre de 690 FCFA/kg), on évaluait le déficit de 40 à 60FCFA/kg, soit pour une production de 160.000T de coton-fibre environ 10 milliards qui devrait rester à la charge de l’Etat.

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Cette situation est à comparer aux trois campagnes qui ont suivi la dévaluation de 1994 où la marge pouvait atteindre 400FCFA/Kg, ce qui explique l’intérêt des investisseurs privés et les remarquables résultats des premiers investisseurs qui ont pu amortir les usines en 2 ou 3 campagnes. La marge dégagée était supérieure à 20 milliards de FCFA pendant la période 1994-97, elle a été de 8 milliards en 97-98 et devrait être nulle pour la campagne 1998-1999. Cette situation pose de sérieux problèmes financiers à la SONAPRA qui ne peut rembourser son emprunt auprès du consortium bancaire. En octobre 1999, les stocks de fibre non expédiés étaient de l’ordre de 50.000T. Aucune vente ferme de fibres n’avait été enregistrée à la même date, la SONAPRA ne voulant pas vendre à perte et espérant une amélioration du marché. Les banques risquaient donc de ne pas pouvoir mettre en place le financement de la nouvelle campagne sans être assurées de pouvoir solder leurs créances avant son démarrage et faute de pouvoir nantir des marchés souscrits. Parmi les négociants privés, 6 étaient agréés lors de la dernière campagne. La plupart sont donc extrêmement réservés, certains n’ayant pu boucler la précédente campagne, notamment les plus fragiles qui n’ont pu se construire leur propre clientèle et qui traitent avec les négociants internationaux. L’incertitude est donc grande dans un contexte où la rentabilité de la filière baisse. Le graphique ci-après montre l’évolution des charges et des recettes unitaires par grands volets lors des dernières campagnes.

Evolution du prix de revient du coton et des cours internationaux du coton-fibre

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1000

94/95 95/96 96/97 97/98 98/99

Campagnes

FCFA

/kg

autre

coût d'usinage

frais de collecte

prix d'achat producteur

Cours du coton

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Il est clair que les marges globales dégagées par la filière diminuent d’année en année, pour être négatives lors de la campagne 98-99. Cette baisse globale est principalement liée aux facteurs suivants : - la tendance à la baisse des cours mondiaux du coton fibre, liée notamment à une

offre croissante générée par les exportations américaines et chinoises, et une concurrence accrue des fibres synthétiques,

- la diminution de l’avantage de qualité dont bénéficiait le coton africain, dont les fibres longues étaient très recherchées (ce qui justifiait une prime de qualité), car l’amélioration technologique des usines textiles leur permet désormais d’obtenir des produits de qualité à partir de fibres ordinaires,

- l’augmentation du prix de revient du coton béninois, le prix d’achat au producteur ayant plus que doublé entre 1993 et 1998,

- une sous-utilisation des équipements en matière d’égrenage qui alourdit significativement le coût de transformation par unité, liée notamment à l’apparition d’unités privées, sur accréditation de la SONAPRA, qui représentent sur la campagne 98/99 environ 45% de la capacité d’égrenage de l’ensemble du parc d’unité de transformation béninois,

- une libéralisation hâtive dans le secteur des intrants et de l’égrenage qui a entraîné une déstabilisation de la production de coton graine qui tend à se stabiliser aux environs de 350.000 tonnes en raison des réserves des producteurs, échaudés par les difficultés de commercialisation des dernières campagnes et inquiets de l’avenir de la filière.

La déstructuration de l’organisation de la filière et sa libéralisation partielle (qui pourrait être totale dès la campagne 2000/2001), remettent en question un certain nombre de mécanisme de financement de la filière : - Les opérateurs de la filière qui se réfèrent au prix mondial pour fixer le prix au

producteur risquent de proposer des prix d’achat inférieurs aux prix de revient, comme cela a été le cas lors de la dernière campagne. Le risque est que le producteur, après une année déficitaire, décide de ne plus produire, ou bien que l’opérateur renonce à acheter le coton,

- La fluctuation importante du cours du coton et la disparition de l’ONS ne permettront plus de garantir un prix d’achat fixe du coton-graine au producteur à partir duquel le producteur décide ou non de produire du coton. Cette hypothèse est d’une actualité particulière en raison de l’échec de l’expérience de mise aux enchères qui a eu lieu lors de la dernière campagne. En effet, la marge des opérateurs privés leur reste acquise, alors que l’ONS redistribuait les plus-values éventuelles entre les producteurs, l’Etat et la SONAPRA.

Il s’agit de l’expérience de libéralisation de la filière la plus avancée dans les pays producteurs de la zone UEMOA, qui se traduit, pour le moment, par une désorganisation certaine de la filière. Cependant, le Bénin reste le pays producteur de coton le plus favorisé de l’espace UEMOA, disposant d’infrastructures en bon état, d’un carburant bon marché et de la proximité du port d’embarquement pour l’exportation. La remise en question du dispositif global, sans que de véritables alternatives ne soient proposées, pose un certain nombre de questions sur le devenir de la filière et notamment sur son mode de financement dans un contexte global défavorable.

2.1.1.10. La répartition des profits de la campagne cotonnière

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Les résultats nets de campagne dégagés par la SONAPRA servaient à couvrir les charges de fonctionnement, à “ réapprovisionner ”, le cas échéant, jusqu’à un montant plafond, le fond de stabilisation des prix géré par l’O.N.S. Suite à ces opérations, l’excédent éventuel était reversé aux groupements sous forme de ristourne. La réforme actuelle ne prévoit rien en matière de stabilisation. Les opérateurs privés ne sont soumis à aucune contrainte ou cotisation particulière et les producteurs n’ont ni la capacité ni les moyens de se substituer à un dispositif autrefois entièrement géré par l’Etat. La situation actuelle montre bien les risques d’une telle réforme qui peut donner d’excellents résultats en période normale, mais n’est pas en mesure d’absorber les gros aléas économiques.

2.1.2. Le vivrier

Hormis le coton, l’ananas, le palmier à huile et les noix de cajou, l’ensemble des autres productions agricoles est destiné à la consommation locale. La situation morose de la filière coton semble avoir conduit de nombreux opérateurs à se diversifier dans le vivrier. L’Etat appuie d’ailleurs cette tendance en mettant en place des projets sur financement propre (comme par exemple le crédit vivrier mis en place il y a 3 ans sur ressources propres), mais il n’y a pas de procédure organisée avec appel d’offre international pour les intrants comme pour la filière coton. Ce crédit s’appuie notamment sur les structures décentralisées telles que les UDP, les USDP et les OP pour assurer la distribution et le remboursement de ce crédit. Pour l’instant, les montants restent modestes (environ 1 milliard FCFA d’engagement) et les modalités d’octroi mal définies. Par ailleurs, il est envisagé de poursuivre et d’intensifier l’appui aux filières, notamment l’ananas, le mais, le manioc et le riz au travers de la structure qui découlera du processus de transformation de la SONAPRA. Le tableau ci-après présente les performances des principales productions vivrières au Bénin :

Tableau N°4 : Performances des principales cultures vivrières au Bénin

Principales

cultures Superficies (mha) % Productions (mt) %

REAL 96 REAL 97 accroissement REAL 96 REAL 97 Accroissement Céréales 705 781 11,00 713 875 22,80 Maïs 514 583 13,42 556 701 26,08 Sorgho 145 149 2,76 110 120 9,09 Riz 12 14 16,67 22 27 22,73 Mil 34 35 2,94 24 27 12,50 Tubercules 310 329 5,80 2 868 3 387 18,10 Manioc 167 186 11,38 1 457 1 918 31,64 Igname 131 131 - 1 346 1 408 4,61 Patate douce 11 11 - 62 57 - 8,06 Taro 1 1 - 4 4 -Légumineuses 116 127 10,40 81 97 19,70 Haricot 96 104 8,33 61 74 21,31 Pois d'angole 5 5 - 8 4 - 50,00 Soja 2 2 - 1 1 -Sésame 13 16 23,08 8 9 12,50 Maraîchères 56 57 4,10 174 196 12,50 Tomates 20 21 5,00 102 122 19,61 Piment 20 20 - 21 24 14,29

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Gombo 16 16 - 52 50 - 3,85 Source : Annuaire statistique campagne 1997/1998 MDR/DPP/SS

La plupart de ces productions servent à la consommation locale. Elles sont très variées et ont augmenté en moyenne de 8% ces dernières années grâce à la hausse des surfaces emblavées. Cette diversité est rendue possible grâce à la variété agro-écologique du Bénin. Elle est principalement constituée de céréales traditionnelles, de tubercules, d’agrumes. Le maïs, le sorgho, le manioc, l’arachide, l’igname et le niébé occupent 70% des surfaces. Celles-ci progressent régulièrement. Ainsi, les surfaces de maïs, sont passés de 514.000 ha en 1996 à 583.000 ha en 1997. Le sorgho et le riz ont connu des hausses de 9% et 23% sur la même période et 30% pour le manioc. Quant à l’igname, les augmentations ont été de 4,6%. Cette production assure globalement l’autosuffisance, même si des déficits chroniques existent en riz. Les chiffres du tableau semblent indiquer une croissance de la production globalement supérieure à la hausse des surfaces emblavées, signe d’une amélioration des rendements. Au regard de la difficulté de se procurer ce type d’information statistique à l’échelle nationale, il est important de relativiser l’exactitude de ces données. Lors de sa visite de terrain, l’équipe n’a pu observer aucun facteur permettant d’interpréter ces tendances à la hausse des rendements. L’accroissement de la production semble donc être directement lié à une augmentation des surfaces emblavées, elle-même générée par une augmentation de la main-d’œuvre disponible. Le système de production reste donc essentiellement extensif, avec des rendements faibles. L’utilisation de semences certifiées reste très marginale à l’échelle nationale pour la production vivrière4 . Seuls les producteurs de coton consomment ce type de semences.

2.1.3. Les autres cultures

L’ananas béninois jouit d’une excellente réputation grâce à la variété “ Prince Sekou ”, mais les quelques plantations industrielles qui ont été lancées sur financements bancaires, ont eu rapidement des difficultés en raison d’insuffisances techniques, du coût du conditionnement et du transport aérien pour expédition en frais et des quantités insuffisantes pour assurer de bonnes expéditions. Deux exploitations, une de 100ha et une plus petite, financées par la BOA, font l’objet d’un contentieux.

Toutefois, un programme de relance de l’ananas est en cours d’étude. La noix cajou, assez fortement présente dans le nord, fait l’objet d’une

commercialisation inorganisée au niveau des producteurs. Des acheteurs, liés à des négociants indiens, leaders mondiaux de cette filière, assurent les achats sur financements propres ou bancaires et préfinancent la cueillette par les producteurs.

Le palmier à huile : berceau de la diffusion du palmier sélectionné, le Bénin dispose toujours d’un potentiel de production. Toutefois, le climat ne permet pas d’envisager des cultures intensives, comme en Côte d’Ivoire par exemple. En revanche, il est possible de développer des plantations villageoises qui présentent l’avantage de fournir les besoins en huile actuellement couvert par l’importation, hors de l’huile de

4 On notera cependant l’utilisation de semences certifiées de mais dans la partie septentrionale du pays.

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coton. L’expérience en cours au Togo pourrait être la base d’un programme de relance au Bénin.

2.1.4. Les facteurs de production Le Bénin dispose de quelques unités de production d’intrants ou matériels

agricoles : - Une unité de formulation d’engrais : l’ancienne unité publique a été reprise par

Hydrochem (un groupe norvégien qui a des unités également en Côte d’Ivoire et au Cameroun) et qui a obtenu les mêmes avantages que les importateurs pour pouvoir soumissionner aux Appels d’offre de la SONAPRA,

- Une société chinoise a repris l’usine de matériel agricole, la SOBEMAC, et dispose d’un centre de formation à Ouidah.

Des importations de tracteurs agricoles d’origine indienne ont été effectuées ces dernières années et placées grâce à des crédits moyen termes prévus par certains projets. Il n’y a plus de crédits de ce type actuellement et le service après-vente est très déficient. Des opérateurs privés commencent à s’installer pour vendre des matériels, généralement reconditionnés, et assurer l’entretien des matériels existants. La culture mécanisée reste très marginale dans le pays et souffre d’importations de matériels disparates non suivies.

2.2. L’élevage D’après les statistiques de la Direction de l’élevage, les effectifs du cheptel béninois sont évalués à 1.133.600 bovins, 642.800 ovins, 1.105.200 caprins, 270.603 porcins et 10.000.000 volailles. Cependant, ces chiffres doivent être interprétés avec prudence car, dans un bon nombre de cas, il ne s’agit que d’estimations corrigées et réévaluées annuellement par les projets d’élevage. Seul le cheptel bovin est évalué sur la base des campagnes de vaccinations contre les épizooties majeures. L’encadrement de l’élevage était jusqu’ici le fait des services vétérinaires et la privatisation peu avancée. Au total, 22 vétérinaires privés sont recensés au Bénin. Au Bénin, la quasi-totalité (plus de 98%) des systèmes de production en bétail domestique est de type traditionnel extensif. On distingue deux grands systèmes : le système pastoral et le système agro-pastoral.

2.2.1. Le système pastoral Le système pastoral pur occupe la partie septentrionale du pays et le nord des départements du Zou et de l’Ouémé. Il est pratiqué par les Foulbés. Dans ce système, les animaux, en troupeaux de 60 à 80 têtes de bovins, dont environ une quarantaine de reproductrices, sont conduits par des bouviers, le plus souvent prestataires de service. Les véritables propriétaires sont d’origines variées ( paysans enrichis, commerçants, fonctionnaires, anciens combattants, etc.) pour qui l’élevage est un placement et une garantie contre la dépréciation de la monnaie ou les aléas divers. Dans ce système, le mode d’élevage est classique : parcours de saison des pluies à proximité du village, gardiennage constant, rentrée et mise au piquet des animaux pour la nuit, transhumance à partir de novembre, retour avant les premières repousses du pâturage. Le lait est consommé par la famille ou vendu en partie, après ou sans transformation, aux voisins généralement agriculteurs. Les veaux et bouvillons sont

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déstockés le moins possible et les adultes conservés assez longtemps par crainte d’une sécheresse ou d’une épizootie qui réduirait brutalement le troupeau.

2.2.2. Le système agro-pastoral Quant à lui, le système agro-pastoral est dominé par la technique de la culture attelée et on distingue toute une gamme de variantes selon le degré d’intégration de l’agriculture à l’élevage et selon le niveau de sédentarisation de l’exploitation. L’élevage sédentaire se rencontre presque partout. Ici, les troupeaux sont de petite taille (3 à 10 bovins, rarement 15 têtes de bovins) avec de plus en plus de petits ruminants ou des porcins qui divaguent librement. En saison des pluies, ils sont surveillés pour éviter des dégâts dans les champs. Il n’est pas fait recours à la transhumance, mais, si le troupeau devient important, il est confié à un berger qui en assurera le gardiennage et souvent l’exploitation à son profit. L’eau d’abreuvement est assurée grâce aux puits villageois. D’une manière générale, le troupeau est sous-exploité. Le lait est laissé au veau, les femelles sont conservées jusqu’à leur mort naturelle, les mâles vendus le plus tard possible, sauf en cas de besoin monétaire urgent. En zone côtière, cet élevage sédentaire s’effectue sous cocoteraies ou palmeraies, le bétail broutant les adventices, tandis que la plantation reçoit la fumure organique dont elle a besoin.

2.3. La pêche Le secteur des pêches, en tant que composante essentielle du développement rural, apparaît comme stratégique pour arriver à une croissance soutenue de l’économie béninoise. En effet, il joue un rôle non négligeable dans l’économie nationale. On compte près de 4.000 pêcheurs opérant en mer et plus de 50.000 dans les eaux continentales. De nombreuses femmes sont impliquées dans la valorisation des prises débarquées (première mise en vente, traitement distribution, et commercialisation à l’intérieur du pays). L’ensemble du secteur des pêches génère plus de 300.000 emplois directs et indirects. Pour une consommation annuelle par tête de 10,8 kg, le poisson représente 31,9% des protéines d’origine animale et 5,5% des protéines totales. La production nationale, qui est de l’ordre de 55.000 tonnes par an, couvre 83% des besoins en produits halieutiques. Le secteur des pêches au Bénin comprend deux sous-secteurs d’importances inégales : la pêche maritime et la pêche continentale. Cette première catégorie contribue pour 9.000 tonnes par an (soit 16%) de la production nationale, alors que la seconde catégorie contribue à hauteur de 46.000 tonnes (soit 84%). Les caractéristiques en sont détaillées ci-après :

2.3.1. La pêche maritime Ce secteur est caractérisé par la prédominance des pêcheurs ghanéens. Les nationaux n'ont pas encore réussi à intégrer totalement certaines filières porteuses, du fait du manque de maîtrise des techniques les plus performantes et des difficultés d’accès au capital pour l’acquisition de certaines unités de pêche dont la rentabilité financière est établie. Ce phénomène s’est traduit par une transformation radicale des rapports de production, le système de salariat prenant de plus en plus d’importance au détriment de l’exploitation familiale qui reste très peu développée. Ce type de pêche peu être divisé en deux catégories distinctes : • de type artisanale

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La pêche artisanale maritime est pratiquée à partir de 80 campements disséminés dans les trois départements côtiers du Bénin : Atlantique (51) ; Mono (23) et Ouémé (6). Les embarcations opérant sur le littoral béninois sont toutes en bois, monoxyles ou monoxyles améliorées de type ghanéen, fabriquées au Ghana. Aucun constructeur d’embarcations n’est signalé dans le pays du fait de l’absence de bois convenable. Seuls quelques menuisiers procèdent à l’entretien et à la réparation de certaines pirogues, ainsi qu’à la construction de conteneurs isothermes. L’enquête-cadre de 1997 a permis de dénombrer 840 pirogues pêchant en mer et motorisées à 41,5%. L’essentiel des pirogues reste concentré dans le département de l’Atlantique. Le seul port de Cotonou sert de base à 32% du parc piroguier total (phénomène expliqué par l’absence de barre et les opportunités de valorisation des produits débarqués qu’offre ce débarcadère). Le parc piroguier a connu une hausse de 15% entre 1993 et 1997. Cette évolution est liée à la baisse, voire la disparition du trafic de carburant en provenance du Nigeria, activité à laquelle se sont livrés pendant longtemps de nombreux pêcheurs avec leurs embarcations dans certaines zones. La plupart des moteurs ont été introduits par des pêcheurs étrangers migrants en provenance du Nigéria et du Ghana, ainsi que par certaines coopérations bilatérales telles que celles du Japon qui a fait don de lots de moteurs. • de type industrielle La pêche industrielle au Bénin est très peu développée. La flottille, qui comptait 10 chalutiers - crevettiers en 1993, est réduite à 7 depuis 1995. L’effort de pêche ne dépasse guère 40 marées dans l’année ; la production annuelle, en moyenne de 600 tonnes au cours de ces onze dernières années, ne représente que 8% du total de la pêche maritime.

2.3.2. La pêche continentale La pêche continentale revêt une importance particulière au Bénin. Elle est pratiquée dans les nombreux plans d’eau du sud (lacs, lagunes, fleuves et plaines inondables) où s’est développée une technique traditionnelle de pisciculture comme l’ “acadja5 ” ou le “ trou à poisson6 ”. On dénombre environ 35.000 pirogues monoxyles en activité. Cependant, cette forme de pêche reste encore peu connue, notamment en ce qui concerne les engins de pêche et les techniques utilisées.

2.4. La forêt Actuellement, au Bénin, les forêts classées occupent 1.398.000 ha alors que les parcs nationaux et les zones cynégétiques couvrent 1.357.550 ha, ce qui représente environ 12% de la surface du pays pour chacune de ces catégories. La pression démographique, qui a très largement augmentée au cours de ces dernières années, a mis en péril les zones boisées exploitées essentiellement pour fournir du bois de chauffe. Face à cette exploitation et aux phénomènes tels que la transhumance et le défrichement, les mesures répressives de l’Etat sont largement insuffisantes pour être mises en application de façon rigoureuse.

5 L’acadja est une forme de pisciculture intensive, ayant ses origines au Bénin, pratiquée essentiellement dans

les lagunes. Il s’agit de parc de branchages installé à une profondeur maximale de 1,60m sur fonds mous, boueux afin de pouvoir enfoncer facilement les branchages.

6 Il s’agit d’un étang inondable pendant la crue et où les poissons se reproduisent et se développent.

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Il existe des plantations industrielles de teck, mises en exploitation grâce à l’Aide allemande, qui présentent un certain potentiel et pourraient être développées. On estime à 60.000 m3 la production de bois, représentant une valeur de 3 à 4 milliards de FCFA.

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3. LES BESOINS DE FINANCEMENT TRANSVERSAUX 3.1. Le financement des services d’appui 3.1.1. La recherche

Les activités de recherche demeurent “ exclusives ”, et restent donc du ressort de l’état.

3.1.2. La vulgarisation et la formation Les activités de vulgarisation ont jusqu’à présent été assurées par le SNVA sur le système classique, dit de “ Training & Visit ”, qui a contribué à améliorer les performances de la vulgarisation. Cependant, ce système n’est quasiment plus fonctionnel, ce qui engendre une baisse significative des zones couvertes par la vulgarisation. Conformément aux axes politiques, ce champ d’intervention doit être couvert par les Organisations Professionnelles et les partenaires privés. Cependant, à l’heure actuelle, cet objectif est loin d’être atteint et la relève en la matière reste incertaine.

3.2. Les organisations agricoles 7 3.2.1. Des organisations de base centrées sur la filière coton

En dehors des organisations informelles qui sont nombreuses au Bénin (tontines, classes d’âge, associations d’entraide..), les organisations de producteurs sont essentiellement issues de la filière coton et sont structurées de manière pyramidale (GV, USDP, UDP - voir 3.11). D’autres associations de producteurs sont nées ponctuellement autour de projets et les associations de femmes se multiplient.

3.2.2. Des organisations de producteurs thématiques ou spécialisées

L’accès à l’information sur ces organisations est difficile, dans la mesure où elles sont récentes, dispersées, et souvent mouvantes. Parmi ces organisations, on peut distinguer des organisations thématiques comme les groupes de conseil de gestion qui ont débouché sur des formes plus ou moins stables de CETA et des syndicats de producteurs créés au niveau d’une petite zone agricole, ou autour d’une production spécifique. La Fédération Nationale des Organisations de Producteurs d’Ananas du Bénin (FENOPAB) est un exemple d’organisation née autour d’un produit. Créée en 1998, la FENOPAB compterait en 1999 environ 2.000 adhérents producteurs. Elle a des objectifs économiques (approvisionnement en intrants, organisation de la commercialisation), de formation (gestion, techniques de production) et

7 Sources : - Entretiens de la mission - FUPRO/BENIN, 1999. Rapport annuel d’activités 1998. - Banque Mondiale, FIPA, 1999. Construire les capacités rurales. Les organisations paysannes : Acteurs

principaux de la recherche, de la vulgarisation et de l’éducation. Un atelier pour renforcer le pouvoir des Organisations Paysannes. 28-30 juin 1999. Washington. Banque Mondiale, Fédération Internationale des Producteurs Agricoles.

AFD, 1999. Fiche Programme de renforcement des OP du Zou CIDR, 1997. Atelier “Dispositifs privés d’appui aux organisations de producteurs". Cotonou FUPRO/CAGIA, 1999. Communiqué de presse sur l’organisation de la fourniture des intrants. 24 septembre

1999.

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d’intermédiation financière (élaboration des dossiers de crédit, cautionnement sur la base d’un avis technique, suivi des crédits). Des activités très concrètes ont été développées autour de ces objectifs : inventaire des producteurs, formation technique et à la gestion de l’exploitation, en liaison avec les organismes de conseil de gestion, création d’un magasin d’intrants, contractualisation avec un industriel libanais pour la transformation de la production, négociation avec l’aviation civile pour la réduction des coûts de fret.... Dans le domaine du financement, la FENOPAB n’assure pour l’instant que des fonctions d’intermédiation, mais elle a pour projet de créer un fonds de crédit permettant de financer les investissements importants requis par la plantation d’ananas ; la création d’un fonds de stabilisation de la production d’ananas serait également à l’étude. La FENOPAB a refusé d’adhérer à la FUPRO, estimant que celle-ci était trop loin des préoccupations concrètes des producteurs et agissait davantage comme “animateur du civisme agricole” que comme un acteur économique.

3.2.3. Les organisations faîtières

3.2.3.1. La Chambre d’Agriculture La Chambre d’Agriculture du Bénin a été créée en août 1989 par décret, qui devrait être actualisé pour tenir compte des nouvelles structures mises en place dans le pays. Cependant, elle n’a commencé à fonctionner qu’à partir de 1992. Elle comporterait actuellement 22.000 adhérents, individus ou groupements, qui paient un droit d’entrée de 1.000 FCFA et une cotisation annuelle de 500 FCFA. Elle perçoit une subvention de l’Etat de 22 Millions de FCFA, qui n’est toutefois pas versée de manière régulière. Elle percevait également un pourcentage sur les plus-values de la commercialisation du coton qui est désormais en question, compte tenu de la réforme en cours. Le problème du niveau et de la nature des ressources pérennes dont elle pourrait disposer, se pose donc avec acuité. Son effectif de personnel s’élève à 29 agents salariés permanents, dont 12 au siège et 17 animateurs dans les régions. Elle envisage de mettre en place des structures régionales et sous-départementales qui n’existent pas encore, ce qui entache lourdement sa représentativité, car la nomination de ses dirigeants au sein d’un Comité provisoire n’a pas encore fait l’objet d’élections véritablement démocratiques. L’influence de l’Administration reste très forte et elle ne paraît bénéficier ni d’une légitimité, ni de moyens suffisants pour s’en affranchir. Néanmoins, elle a l’ambition de représenter tous les acteurs du secteur agricole et d’engager de véritables opérations, ce qui risque de créer des conflits avec les autres groupements professionnels agricoles et ne paraît pas conforme à sa vocation de structure de dialogue, de pression vis-à-vis des Autorités, d’étude, d’information et de formation. En l’état actuel des choses, elle ne semble pas être en mesure de jouer le rôle d’organe central de la profession agricole qui serait souhaitable pour relayer au niveau national les intérêts de toute la profession.

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3.2.3.2. La FUPRO et la CAGIA La Fédération des Unions de Producteurs du Bénin a été créée en 1994 ; elle regroupe essentiellement des OP de producteurs de coton (les 77 USDP ). Elle a pour objectif de représenter les producteurs, de promouvoir le développement économique et social du monde paysan, et de favoriser les échanges et la formation des producteurs et de leurs représentants. Son émergence en tant que fédération a été problématique et ses activités ne se sont développées que très progressivement au cours des cinq dernières années. Elles sont essentiellement centrées sur une fonction de représentation des producteurs et de dialogue avec les instances politiques et administratives dans le cadre du PASA, du mouvement de décentralisation et de démocratisation. Ses premières initiatives économiques ont porté sur l’approvisionnement en intrants, dont la gestion a été officiellement transférée aux organisations paysannes en 1998. La Coopérative d’Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA), qui a été créée dans ce sens par les OP en 1998, devait prendre la responsabilité de la gestion des intrants (organisation de la consultation pour la fourniture des intrants, contrôle des contrats et de la qualité des intrants, encadrement technique) au plus tard en août 1999. Face aux réticences de l’Etat dans ce processus, les organisations faîtières se sont engagées en septembre 1999 dans un “bras de fer” avec l’Etat . Par ailleurs, la FUPRO tente d’assumer, avec difficultés, des fonctions de formation des élus et de contrôle dans les OP de base.

3.2.4. Diagnostic rapide de la situation des OP du Bénin Par rapport à l’ensemble des autres pays de l’UEMOA, les OP béninoises se démarquent par leur vitalité et leur relative maturité. Les OP actuelles s’appuient sur un substrat déjà ancien des OP coton créées à l’initiative de l’Etat à la fin des années 70. Bien qu’elles ne soient pas réellement endogènes, ces OP se sont structurées et ont acquis un premier degré de maturité en remplissant des fonctions économiques de base dans le cadre de la filière coton. Même si le processus s’avère difficile et n’est pas encore abouti, l’émergence endogène d’OP faîtières affichant, au-delà de leur fonction de représentation, une vocation économique, est une autre preuve de cette maturité. Par ailleurs, la vitalité du secteur est aussi démontrée par l’émergence et la consolidation d’OP spécialisées/production. Globalement, il semble que les marges de manœuvre laissées à - ou prises par - la société civile pendant la période totalitaire, puis plus récemment, les avancées vers la démocratie, ont été des facteurs favorables contribuant à la vitalité et la maturité actuelle des OP au Bénin. Les acquis actuels des OP se situent essentiellement dans leur fonction de représentation des producteurs et de pression auprès des pouvoirs publics. Les OP participent au débat du développement et à l’élaboration de la politique agricole du gouvernement. L’Etat s’avère obligé de les prendre en compte, à la fois du fait du poids indéniable de leur représentativité , mais aussi sous la pression des bailleurs de fonds qui soutiennent collectivement cette émergence de la société civile. Ceci étant, malgré cette incontestable vitalité, on observe de fortes différences de maturité entre les OP. Leur situation économique est globalement préoccupante, dans un contexte de libéralisation qui va partiellement remettre en cause les fragiles équilibres de leur fonctionnement actuel. Trois problèmes majeurs entravent leur développement :

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Une faible assise économique et technique * Hormis les fonctions qu’elles exercent dans la filière coton, les OP ont peu d’activités économiques. Les quelques tentatives de diversification des productions et des activités n’ont, pour l’instant, pas réellement abouti. Toutes leurs ressources, y compris l’accès au crédit, sont liées à la filière coton et à son mode de fonctionnement actuel. La libéralisation engagée en 1998 va remettre rapidement en question tous les mécanismes de stabilisation de la filière qui contribuaient au développement des OP. L’avenir de ces structures dépendra donc largement de leur capacité à mettre en place une inter-profession capable de reprendre à son compte les mécanismes élémentaires de régulation de la filière (sécurité des approvisionnements, prix acceptables, sécurisation du crédit...). Pour l’instant, cette inter-profession semble avoir du mal à trouver sa place. * Actuellement, les OP ne contribuent que faiblement au processus de financement de l’agriculture. Quelques OP ont développé des initiatives de crédit sur fonds propres, qui, bien que ponctuelles et de taille réduite, ne semblent pas réellement maîtrisées. D’autres initiatives, mieux maîtrisées et sans doute plus porteuses pour l’avenir, ont été développées autour d’une fonction d’intermédiation financière (élaboration des dossiers de crédit, mise en relation bénéficiaires/services financiers, accompagnement du dossier...). Enfin, certaines OP ont des projets concrets de création d’un service financier ad hoc (ex fonds renouvelable prévu par la FENOPAB), mais qui ne sont pas aboutis pour l’instant. Globalement, les investissements des OP restent très limités dans ce secteur d’activité et peu de liens ont été développés avec les SFD malgré une proximité géographique évidente. * L’endettement des OP, comme celui des ménages d’ailleurs, est un phénomène mal connu, mais a été exprimé comme une préoccupation sérieuse par nombre de personnes consultées par la mission. La baisse des revenus liée au coton, les emprunts à des sources multiples (SONOPRA, Etat, CLCAM, autre SFD, usuriers) gagés uniquement sur le coton et non coordonnés, conjuguée à de faibles capacités de gestion, serait à l’origine d’une situation d’endettement qui s’aggraverait rapidement et mettrait en péril, à brève échéance, nombre d’OP à différent niveaux.

* Enfin, les processus de transfert de responsabilités sont tous assortis d’une obligation pour les OP de mobiliser des fonds de contrepartie (pour les infrastructures rurales, pour les équipements, pour l’encadrement, etc.). Dans quelle mesure les OP seront-elles capables de mobiliser ces fonds et selon quelles modalités ? C’est une autre source de préoccupation pour l’avenir de ces structures. Un manque de formation et d’encadrement * Malgré leur relative ancienneté, et même s’il est plutôt meilleur que dans les autres pays de la sous-région, le niveau de compétence des OP est limité, et les besoins de formation sont importants en matière d’alphabétisation de base, de gestion, de conduite d’organisation, de capacité de réflexion stratégique, etc. * L’arrivée progressive de jeunes lettrés dans les OP est un atout, mais aussi un risque dans la mesure où cela peut conduire à une confiscation du pouvoir et/ou à un éloignement des élus issus de la base et généralement analphabètes. * La formation du personnel technique, dont les OP se dotent progressivement, est un autre problème (difficulté à trouver les structures de formation, les financements, mais aussi manque de prise de conscience de cette nécessité par les élus, ou frein

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de ces mêmes élus qui ne veulent pas voir leurs techniciens acquérir des compétences qu'eux-mêmes ne maîtriseraient pas). * La capacité - et parfois la volonté - de partager la formation entre les “formés” et leur OP d’origine est, selon la FUPRO, une limite sérieuse de l’impact des formations reçues. * Initialement assuré par les CARDER, l’encadrement des OP est devenu très faible. D’autres structures d’appui (ONG, bureau d’études, projets, cf. 324) prennent progressivement le relais de cet encadrement. Des problèmes de gouvernance * Le renforcement des enjeux économiques des OP, conjugué à des modes d’organisation sociale qui restent marqués par des modèles de redistribution traditionnels, exerce une pression croissante sur les responsables d’OP. Les capacités de gestion et de contrôle encore faibles ne sont pas un contrepoids suffisant . Les nombreux “dérapages” qui sont observés contribuent à la crise de confiance de la base. * Cette crise est également sensible dans les relations entre les OP de base et les OP faîtières à travers les problèmes de coordination des actions entre les différents niveaux, la difficulté pour les OP faîtières étant de faire accepter leur rôle d’appui à la gestion et leur rôle de contrôle. * Face aux multiples sollicitations dont les OP sont l’objet, la tentation de se disperser est grande et constitue un risque évident pour la pérennité des organisations. L’ampleur de la crise de croissance que vivent les OP béninoises, est renforcée par la brutalité de la mise en œuvre de la libéralisation de la filière coton. Dans ce contexte de forte mutation et de prise de risque croissante, le rôle des structures d’accompagnement des OP devient déterminant.

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3.3. Les structures d’appui aux organisations et aux producteurs

3.3.1. Les structures publiques : CARDER A l’origine, les CARDERS, au nombre de six, fonctionnaient comme de véritables sociétés de développement régionales, utilisant le personnel du Ministère de l’Agriculture, exécutant de nombreuses tâches en régie,t finançant directement ses activités et accordant des crédits aux producteurs agricoles. La structure des CARDER a été modifiée en 1992, dans le cadre du désengagement de l’Etat. Conforme aux engagements de la Lettre de Déclaration de Politique Agricole, ils sont devenus des Directions Régionales des Services Agricoles – DRSA. Le personnel administratif a été affecté dans les DRSA pour les 3/5èmes, le solde a été repris par les structures privées ou licencié. Cette restructuration a été financée dans le cadre du PRSA. Les DRSA conservent les missions exclusives, conception, contrôle et suivi des actions de l’Etat et doivent transférer progressivement les actions non-exclusives (formation et encadrement) aux OPA. Les fonctions de production, de commercialisation et l’octroi de crédit leur sont désormais interdites. Celles-ci ont été transférés au secteur privé (groupements ou entreprises) et aux réseaux des CLAM. Les activités conservées sont les suivantes : - Contrôle des produits du point de vue du respect des normes (conditionnement)

et de la qualité sanitaire ; - Orientation de la politique agricole, - Structuration des organisations paysannes, - Programmation, coordination, suivi et évaluation des programmes de

développement, - Statistiques agricoles et contrôle des prix, - Relations avec les ONG et les OPA, - Appui technique aux producteurs pour certains thèmes d’intérêt général (fertilité

des sols, aménagement des bas-fonds, protection de la forêt), - Vulgarisation et relations recherche-développement en liaison avec les OPA, - Organisation de la production des semences par les paysans semenciers, - Conseils aux Autorités ( Préfets, Sous-Préfets et Maires élus) dans le cadre de la

décentralisation. La liquidation des CARDERS est en voie d’achèvement, mais de nombreux crédits

antérieurs restent impayés, l’endettement croisé des CARDERS doit être apuré sur les deux ans à venir. Le solde des opérations restera à la charge de l’Etat, mais son niveau et son mode de règlement demeurent incertain.

3.3.2. Le secteur privé : ONG, bureaux d’étude La qualité des ONG et bureaux d’étude du Bénin est internationalement reconnue et valorisée. L’Université et les Ecoles d’Agronomie en ont été les pépinières. Les plus anciennes de ces organisations ont été créées au début des années 90 dans un contexte marqué par le gel du recrutement dans la fonction publique, le renforcement de la démocratisation au Bénin, et l’émergence de la société civile.

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Leurs compétences sont le plus souvent pluridisciplinaires, et couvrent les principaux champs du développement. Très peu d’entre elles sont spécialisées, hormis quelques ONG récentes centrées sur l’appui aux SFD. Leurs activités portent sur la mise en œuvre de programmes et projets, la formation, la consultation et l’expertise, et la recherche d’accompagnement. Plusieurs d’entre elles sont fortement impliquées dans les démarches de conseil de gestion. Toutes, à des degrés divers, remplissent un rôle d’intermédiation entre les populations, les bailleurs de fonds et l’Etat. Certaines d’entre elles, dans la mouvance du conseil de gestion, développent des fonctions d’intermédiation entre les populations et les SFD (élaboration de dossiers de crédit, mise en relation, élaboration de grille d’évaluation pour les SFD, suivi des crédits...). Malgré leur maturité, les ONG béninoises ont les limites inhérentes aux “structures jeunes” : - elles ne sont pas assez nombreuses pour couvrir le territoire et constituer un réel

relais des structures étatiques antérieures, - elles reposent souvent sur quelques individus de grande qualité, fragilisés par de

multiples sollicitations et opportunités, - face aux enjeux et aux sollicitations économiques, voire politiques, certaines

d’entre elles connaissent des crises de croissance qui les conduisent, au mieux à des scissions, au pire, à l’implosion.

3.3.3. Les programmes d’appui aux OP

Les processus de démocratisation et de libéralisation engagés au Bénin lui valent la faveur des bailleurs de fonds, conscients de la fragilité de ces démarches et de la nécessité de les accompagner. Dans ce sens, les OP apparaissent comme des acteurs- clé qui ne pourront remplir leur rôle de régulation économique que si leurs capacités sont renforcées. Nous avons retenu trois projets représentatifs de différentes démarches d’appui aux OP et aux producteurs, et intégrant tous des composantes de financement de l’agriculture.

3.3.3.1. Le Projet d’Amélioration et de Diversification des Systèmes d’Exploitation du Zou et du Borgou (PADSE) Sur la base du constat des limites d’une économie agricole et rurale trop exclusivement centrée sur la filière coton, le PADSE a pour objectif de promouvoir la diversification de la production agricole et des activités rurales liées. Créé en 1998, il couvre les 2/3 Nord du Bénin, et est organisé en cinq composantes : recherche-développement, diversification des productions agricoles, lutte étagée ciblée, conseil de gestion intégrant la question du financement des activités, enquêtes villageoises. Le mode d’intervention du projet est innovant. Le projet n’intervient qu’avec une fonction de coordination et de contrôle des actions, dont la mise en œuvre est confiée par contrat à des institutions locales spécialisées. Un comité d’orientation composé de représentants de l’Etat, d'institutions locales (dont la FECECAM), de producteurs locaux et de “sages” locaux, assure le pilotage du projet. Ce comité est appuyé par des commissions techniques, pourvues d’ingénieurs conseil qui appuient les organisations paysannes. L’ensemble de ce dispositif, construit par le projet en interactivité forte avec les institutions et acteurs locaux, préfigure un dispositif pérenne de conseil agricole régional, qui devrait s’institutionnaliser à terme sous forme d’une Agence de recherche et de vulgarisation professionnelle.

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Ce dispositif novateur s’appuie sur des acquis du développement : un réseau d’OP qui fonctionne, des ONG de qualité, un embryon de producteurs bien formés par plusieurs années de conseil de gestion... Les problèmes majeurs auxquels il aura à faire face sont les faibles opportunités de diversification des productions, le manque de débouchés organisés et de capacité locale de transformation, l’instabilité des cours nationaux et internationaux de certains produits-clé de diversification (pomme de terre, arachide, ...), et enfin le manque d’assise économique des OP locales qui ne sont pas encore assez armées pour assurer les fonctions de transformation, de commercialisation et d’exportation de la production.

3.3.3.2. Le Programme de Renforcement des OP du Zou Initié en 1995, ce programme est financé par l’Agence Française de Développement (AFD), en liaison directe avec l’Union des Producteurs du Zou (UDP Zou). Il a pour objectif de renforcer les capacités des OP du Zou (qui représentent environ 100.000 agriculteurs), dans un contexte marqué par la privatisation à haut risque de la filière coton et des sollicitations croissantes de prise de responsabilités pour les OP. La démarche adoptée à travers ce programme est innovante à plusieurs titres : - le montage institutionnel et financier a privilégié une relation directe entre le

bailleurs de fonds et l’organisation paysanne ; - les OP ont été associées à la démarche dès la conception du projet et sont

responsabilisées dans sa mise en œuvre ; - les appuis aux OP ont été confiés par contrat à des structures d’appui locales

(ONG, bureau d’étude) ; - l’accent a été mis sur la formation et l’alphabétisation des OP à tous les niveaux ; - des “sages” locaux, “capables de dire leurs vérités aux responsables des OP” ont

été mobilisés ; - les bailleurs de fonds intervenant dans la même zone ont coordonné leurs

actions. Pendant la première phase du programme (19995-1998), les activités ont été

centrées sur la formation (alphabétisation, formation à la gestion), l’accompagnement de gestion des OP, l’insertion des femmes dans les OP, et le crédit. Celui-ci a été mis en place sous deux formes : petits crédits directs de l’AFD qui ont permis de financer des USDP pour l’entretien de plantations d’anacardier ; mise en place d’un fonds de garantie de l’AFD pour des crédits à l’équipement que les OP devaient négocier directement avec la BOA.

Les résultats de la première phase du programme ont été positifs en matière

d’alphabétisation, et de formation à la gestion ; les OP ont été confortées dans leur capacité à s’exprimer dans les négociations de la filière coton ; le montage institutionnel d’une relation directe entre bailleur de fonds et OP a favorablement fonctionné ; par contre, au sein de ce montage, les relations entre Etat-OP et Administration restent à clarifier. Enfin, la composante crédit pour l’équipement des OP a été un échec, les négociations entre OP et BOA ayant achoppé sur les taux d’intérêt et le différé d’amortissement du crédit, malgré l’existence du fonds de garantie AFD. Une seconde phase du programme a été engagée selon la même approche, et montre la prise de conscience des bailleurs de fonds de la nécessité d’un appui long terme pour le renforcement des capacités des OP.

3.3.3.3. Programme de Coopération Décentralisée entre le Zou Nord et la Picardie

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Ce programme, mis en œuvre depuis 1992 par le Centre International de Développement et de Recherche (CIDR) a pour objectif de promouvoir le développement local à travers la promotion des petites activités agricoles et artisanales, la diversification et la commercialisation des produits agricoles.

Le diagnostic initial réalisé dans le Zou Nord mettait en évidence le fort potentiel

économique de la zone et un dynamisme réel des producteurs et OP locaux, mal valorisés dans un contexte en forte mutation, où l’encadrement technique et financier était largement insuffisant.

Le programme s’appuie sur la création, à l’échelle des sous-préfectures, de Cellules

de Concertation Economique (CECO) qui sont des réseaux de personnes physiques bénévoles, organisés en association et ayant pour objectif d’assurer une intermédiation entre les porteurs de projet économique et leur environnement. Les CECO bénéficient d’un service technique d’appui (Service Commun). Elles constituent ainsi un système de parrainage, d’intermédiation et d’animation des dynamiques économiques locales. Leurs activités portent sur l’aide au montage de dossiers techniques et financiers des projets économiques, la mise en relation des porteurs de projets avec les services adéquats, la formation à la gestion.

Les CECO ne font pas de crédit direct, mais servent d’intermédiaires avec les

services financiers et de “garant technique” du projet. Le financement des CECO est assuré par une dotation initiale du programme, “fonds d’action régional” cogéré par le CIDR et les CECO. La recherche de fonds propres à travers des activités économiques n’a eu que des résultats mitigés pour l’instant. Le prélèvement de frais de dossiers sur les financements de projets obtenus grâce à l’appui de la CECO pourrait être une autre source de revenus pour les CECO.

L’évaluation de l’action des CECO met en évidence leur impact positif sur

l’émergence d’un esprit d’entreprise et de dynamiques économiques locales. Leur fonction d’intermédiation permet un accès plus facile des porteurs de projet au financement, en donnant une assise technique solide aux dossiers présentés et en sécurisant le crédit par un suivi du projet.

Cependant, la pérennité des CECO pose de nombreuses questions : l’extension de

l’action des CECO semble limitée par le fait qu’elles ne fonctionnent efficacement qu’avec un petit nombre de membres (15 personnes), ce qui limite leur volume d’activité ; elles sont fondées sur un bénévolat qui résiste mal à l’usure du temps ; enfin, leurs perspectives d’autofinancement ne sont réalistes ni à court, ni à moyen termes.

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3.3.4. La position des bailleurs de fonds et de l’Etat Le renforcement des OP est un champ d’investissement récent pour les bailleurs de

fonds européens, et bien plus encore pour les anglo-saxons qui en sont tout juste à découvrir les OP et leur intérêt dans le cadre des processus de libéralisation 8.

Bien que ces programmes se développent, ils restent trop souvent court terme, là où

un appui dans la durée serait nécessaire. Faut-il le rappeler, c’est souvent au stade d’un besoin d’alphabétisation primaire que se situent les OP, et trop de programmes d’appui aux OP échouent parce que l’on a préjugé du degré de maturité des OP. Les programmes actuels les plus efficaces mettent l’accent sur l’alphabétisation et une formation rudimentaire à la gestion.

Ultérieurement, seront abordés les appuis au développement des fonctions

commerciales et éventuellement financières des OP. L’un des problèmes, qui semble en voie de résolution au Bénin, est le manque de coordination entre les divers bailleurs de fonds intervenant en appui aux OP dans une même zone : doublons des appuis, sollicitations multiples qui dispersent et fragilisent les OP.....

Un autre problème se situe dans la cohérence des choix de développement des

bailleurs de fonds : au Bénin, le secteur de la transformation de l’arachide en est un bon exemple. Certains bailleurs de fonds appuyant la diversification des productions et les OP souhaitent financer le développement d’un pôle industriel de transformation de l’arachide pour stimuler la demande et augmenter les débouchés locaux. Une option alternative sans doute plus viable et stimulante pour le développement local serait de promouvoir la transformation artisanale traditionnelle de l’arachide par les femmes. C’est cette option, certes plus compliquée à mettre en œuvre puisqu’il faut travailler avec des centaines de femmes plutôt qu’avec un seul industriel, qui est défendue par les OP locales.

La position de l’Etat par rapport aux OP est ambiguë. Les processus de libéralisation

engagés induisent un recul des prérogatives de l’Etat en matière de développement, de gestion économique et sociale. Conjointement, ce sont aussi les financements liés à ces fonctions qui vont diminuer. Les OP, qui reprennent ces fonctions et financements à leur compte et développent rapidement une capacité de contestation nationale, constituent désormais un contre-pouvoir avec lequel l’Etat va devoir compter.

La politique de décentralisation qui s’engage et la pression de la société civile en

émergence, renforcée par celle des bailleurs de fonds, vont modifier très fortement les relations entre l’Etat, donc les responsables politiques et administratifs, et les producteurs. La transition est difficile et différentes stratégies de préservation de ses prérogatives sont mises en œuvre par l’Etat : interférences dans les choix des personnels des projets, prestations récupérées contractuellement par des organismes d’Etat (Services de recherche par exemple), manipulation des OP par rapport à leurs choix de développement.

Une anecdote est à ce titre assez explicite : à l’image des OP du Zou, les OP du

Borgou avaient obtenu un appui de bailleurs de fonds pour un programme de renforcement des OP ; l’Administration a alors proposé aux OP l’échange de ce programme de renforcement de capacité contre un programme d’appui à la

8 Cet intérêt a été concrétisé par l’organisation à Washington d’un premier atelier sur les Organisations

paysannes, par la Banque Mondiale , en juin 1999.

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mécanisation, comprenant une dotation en tracteurs et équipements lourds ; les OP ont opté pour ce dernier projet, et le programme de renforcement des capacités initial a été abandonné...

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III - L’OFFRE DE FINANCEMENT 1. LE FINANCEMENT PUBLIC Le Ministère des Finances considère que 80 % des crédits publics affectés à

l’Agriculture viennent de l’Aide extérieure, ce qui pose le problème de la pérennité des actions entreprises qui ne sont pas inscrites dans des chapitres budgétaires classiques mais au titre de “ Projets ”, largement définis par les bailleurs de fonds.

Cependant, pour marquer le caractère national de ces actions, l’Etat béninois octroie

les crédits à l’agriculture à partir d’un Fonds national de financement de l’agriculture. Celui-ci est abondé par le budget de l’Etat, mais aussi par des lignes de crédits ponctuelles offertes par donateurs extérieurs. En 1998, deux crédits de ce type ont été alloués à l’agriculture :

- un “crédit japonais”, ciblé sur la production avicole, la transformation de produits

agricoles et l’hydraulique villageoise, a été attribué à un taux de 5%/an ; - un crédit vivrier abondé par le budget national aurait été octroyé à hauteur de 1

milliard, à un taux de 7%/an et devrait être géré par les CARDER. - le Programme d’insertion des sans-emplois dans l’agriculture – PISEA sur crédit

non mobilisés de la BAD, - un projet jeunes entrepreneurs lancé par la Loterie Nationale. Ces crédits sont octroyés par l’Administration, et transitent par les Cellules Départementales de Crédit, jusqu’aux Comités Sous Préfectoraux de Crédit qui les attribuent aux GV, moyennant une caution solidaire sur la production de coton. Les crédits sont alloués aux individus par les GV. Le président du Comité Sous- Préfectoral de Crédit est le président de l’USPP locale, ce qui doit en principe être une garantie de bon fonctionnement du dispositif. Un suivi technique des crédits octroyés est sensé être assuré par les CARDER. Ces crédits connaissent de gros problèmes d’impayés. Ainsi, dans le Zou par exemple, d’après un responsable d’OP proche du dispositif, il resterait, fin 1999, 30 millions d’impayés sur les 132 millions de crédit vivrier accordé par l’Etat en 1998. Ce schéma de crédit pose de sérieux problèmes : les procédures d’attribution très peu transparentes favorisent les malversations de tout genre ; très peu de suivi des crédits est effectué dans la réalité, les CARDER n’en ayant ni les moyens, ni les compétences ; il n’y a pas de coordination entre les différents services financiers. De tout cela, il résulte des impayés importants, qui compromettent la viabilité du système de crédit ; comme ils ne sont jamais vraiment réclamés, ils contribuent à renforcer une mentalité négative d’impunité par rapport au non-remboursement du crédit ; enfin, ils participent au mouvement général, préoccupant, semble-t-il, d’endettement des ménages dans les zones cotonnières.

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2. LES INSTITUTIONS SPECIALISEES 2.1. Institution de Crédit Agricole

Actuellement, il n’existe plus au Bénin d’établissement spécialisé dans le crédit agricole, la Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCA) a fait faillite et a été liquidée en 1987. Cependant, le Ministère de l’Agriculture souhaiterait la création d’une nouvelle banque agricole et a demandé à la BAD d’inscrire une étude de faisabilité dans le cadre de son aide, cela fait d’ailleurs parti des objectifs du gouvernement indiqués dans son programme d'actions de mai 1997. L’étude serait financée grâce au Fonds fiduciaire suédois placé chez la BAD pour le financement des activités agricoles. Il est envisagé l’appui de partenaires privés et des CLCAM, mais les réserves des Finances et des bailleurs de fonds sont fortes compte tenu des expériences négatives précédentes.

2.2. L’ONS L’Office National de Stabilisation et de Soutien des prix des produits agricoles, organisme dépendant du MDR, a pour fonction la stabilisation des prix et la promotion des filières agricoles. Il n’exerce pour le moment ses activités que pour la filière coton. Son Conseil d’administration est composé de représentants du MDR, des Ministères des Finances, du Plan et du Commerce, des Producteurs de la SONAPRA et du personnel de l’office. Les nouveaux usiniers privés n’y sont pas encore représentés. L’ONS analyse les prix de revient de la production de coton au niveau des producteurs, la collecte et l’égrenage au niveau de la SONAPRA et propose un niveau de prix plancher devant assurer l’équilibre de la filière et un revenu minimum aux producteurs. Le prix plancher est ensuite fixé par le Gouvernement, après consultation des différents acteurs de la filière réunis en Commission de fixation des prix. Ses ressources provenaient jusqu’ici des plus-values enregistrées lors de la campagne cotonnière, tenant compte du prix plancher d’achat du coton aux producteurs, des prix de revient de la collecte et de l’usinage par la SONAPRA, jouissant du monopole de commercialisation. Le résultat net était ensuite réparti à raison de 15% pour la SONAPRA, 30% pour les producteurs, 15% pour l’Etat et 15% pour le fonds de stabilisation du coton. Ces réserves étant toutefois plafonnées à 5 Milliards de FCFA et actuellement à 10 Milliards de FCFA, au-delà de ce plafond la clef de répartition était de 50% pour les producteurs et 50% pour l’Etat. Le nouveau système met en cause ces dispositions, puisque le prix d’achat aux producteurs doit désormais être indexé sur le prix du marché mondial et que la SONAPRA ne devrait plus conserver son monopole. D’ores et déjà, l’entrée en lice de plusieurs égreneurs privés, qui n’ont pas eu jusqu’ici à participer à la stabilisation, complique le calcul du prix de revient à intégrer au calcul de l’équilibre de la filière. Enfin, l’Etat devrait abandonner ses prélèvements et se contenter des taxes et impôts classiques sur les acteurs de la filière. Il y a donc, à ce jour, une grande incertitude sur le fonctionnement futur de la stabilisation. Cette incertitude est accrue par le fait que les réserves du compte coton ont été prêtées à la SONAPRA, à concurrence de 10 Milliards de FCFA à un taux d’intérêt de 6 à 7%, pour alléger ses charges financières au niveau du crédit de campagne accordé par le consortium bancaire local à un taux de 10 à 12,5%.

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L’ONS a également prêté 2 Milliards de FCFA à la SONAPRA, provenant des plus values sur la campagne précédente, qui étaient en attente de redistribution aux producteurs. Ces fonds étaient auparavant placés dans les banques de la place et généraient donc des intérêts. Or, la SONAPRA enregistre un report d’environ 50.000 tonnes de coton non vendu, en raison de la forte baisse des cours sur le marché international. Si la tendance actuelle continue, et il semble que cela soit l’avis des spécialistes, il y a fort à craindre que le bilan de la prochaine campagne soit négatif. D'autant plus que le prix d’achat au producteur de 225 FCFA/kg a été maintenu pour la campagne à venir et que l’ONS ne sera pas en mesure d’assurer la compensation, ses réserves étant immobilisées par les stocks de coton fibre non vendus par la SONAPRA ou que celle-ci ne soit pas en mesure de rembourser le prêt si elle vend à perte le coton stocké dans l’attente d’une remontée des cours. En dépit de la baisse des cours du coton fibre, le prix d’achat aux producteurs de 225 FCFA/kg de coton graine a été maintenu par la Commission et le Gouvernement pour promouvoir la filière car la production de coton graine stagne au niveau de 350.000 tonnes La situation de la filière est donc actuellement très fragilisée. L’ONS a également une fonction de promotion des filières et pour cela engage diverses études. Elle a vocation à s’intéresser aux filières anacarde (étude en cours), palmier à huile, arachide, manioc ou cultures vivrières, sous réserve de recevoir des ressources correspondantes. Enfin, pour la campagne 1998, l’Office s’est vu confier par l’Etat 1 Milliard de FCFA pour consentir des petits crédits de campagne aux producteurs par l’intermédiaire des groupements.

3. LE SECTEUR BANCAIRE

Le secteur bancaire béninois a subi une profonde restructuration à la suite de la faillite et de la liquidation des établissements bancaires qui avaient été nationalisés dans les années 1970. La liquidation judiciaire de la BBD et de la BCB a été ainsi clôturée en septembre 1997. Le secteur bancaire comporte 5 banques et 4 établissements financiers :

3.1. Les Banques

Par ordre de grandeur, en fonction du montant du total de leur bilan, les banques sont les suivantes : - Bank Of Africa – BOA, agréée en 1989, au capital de 3 milliards de FCFA, elle

regroupe l’Etat (10%), des intérêts privés béninois (17,7%) et des intérêts étrangers, essentiellement nigérians (72,3%).

- Ecobank-Bénin – ECB, agréée en 1989, au capital de 1,5 milliards de FCFA,

son capital est détenu par des intérêts privés béninois (55%) et étrangers (45%). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 121,2 milliards de FCFA. L’ECB est une filiale du Groupe nigérian Ecobank dans lequel la SFI détient une participation. Le total de son bilan au 31-12-97 était de 84,1 milliards de FCFA.

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- Banque Internationale du Bénin – BIB, agréée en 1990, au capital de 3

milliards de FCFA, détenu par des intérêts privés béninois (6%) et étrangers (94%). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 40,5 milliards de FCFA.

- Financial Bank Bénin – FBB, agréée en 1988, au capital de 1,6 milliards de

FCFA, entièrement détenu par une holding familiale basée à Genève (Suisse). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 34,9 milliards de FCFA.

- Continental Bank Bénin – CBB, agréée en 1992, au capital de 3,6 milliards de

FCFA. L’Etat a pris une participation de 35 % (dont 10 % portés par la BOAD, en 1996 à la suite du départ du Crédit Lyonnais). Le solde de 65 % est détenu par des intérêts privés béninois et étrangers. Le total de son bilan au 31-12-97 était de 28,4 milliards de FCFA.

L’Etat recherche un partenaire étranger, qui deviendrait opérateur et à qui il céderait

20 % du capital. 3.2. Les Etablissements financiers

Les établissements financiers sont : - Equipbail S.A. – EQUIPBAIL, agréé en 1995, au capital de 400 millions de

FCFA, détenu par des intérêts privés béninois (64,9%) et étrangers (35,1%). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 1,8 milliards de FCFA.

- Crédit du Bénin S.A. - CB, agréé en 1994, au capital de 100 millions de FCFA,

détenu par des intérêts privés béninois (48%) et étrangers (52%). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 0,6 milliard de FCFA.

- Crédit Promotion Bénin – CPB, agréé en 1992, au capital de 150 millions de

FCFA, détenu par des intérêts privés béninois (90%) et étrangers (10%). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 0,3 milliard de FCFA.

- Caisse Nationale d’Epargne du Bénin – CNE-B. Les bilans cumulés des 8 premiers établissements s’élevaient à 321 milliards de FCFA au 31-22-97, les ressources mobilisées ont augmenté de 17% en 1997 et ont atteint 300 milliards, alors qu’elles n’étaient que de 211 milliards en 1994. Les fonds propres de ces établissements se sont également accrus de 3 milliards et représentent 13% des emplois, contre 10% en moyenne dans la zone. Les emplois totaux ont atteint 174 milliards en 1997, dont 75 milliards de crédits dont 41% sont à moyen et long termes. Les crédits compromis représentent 6,5%, soit la moyenne de la zone. Le coefficient de transformation reste faible, 28,6% contre 87,3% dans la zone. Le marché bancaire béninois demeure donc fortement excédentaire. Les crédits à l’économie se sont élevés à 100,1 milliards à fin 1998, en hausse de 28% sur 1997, en raison des besoins de trésorerie, particulièrement du secteur coton. Les crédits à court terme représentent 67% (2% pour le financement des crédits de campagne intrants), les crédits à moyen terme 32% et ceux à long terme moins de 1%.

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Les banques ont constitué une Association Professionnelle des Banques, à présidence tournante, qui n’a pas d’activité autre que celle de réunion de concertation.

3.3. Le financement de la campagne cotonnière par le consortium bancaire Les banques interviennent très peu dans le financement du secteur rural : à moyen terme pour quelques projets dont les promoteurs présentent des garanties particulières, à court terme pour le financement des campagnes de commercialisation, essentiellement celle du coton. L’organisation traditionnelle de la campagne cotonnière a été décrite ci-dessus. Dans cette organisation, le consortium bancaire se contentait d’examiner le dossier élaboré par la SONAPRA pour mettre en place les crédits dont elle avait besoin, à la fois pour financer les intrants avant démarrage de la campagne de cultures, puis, en fin de campagne, assurer la collecte, l’usinage et la commercialisation du coton-fibre et des graines. L’organisation actuelle, outre son caractère provisoire, bouleverse ce schéma traditionnel puisque la fourniture des intrants, ainsi que l’usinage et la commercialisation finale, sont partagées entre la SONAPRA et des intervenants privés. L’évaluation des besoins et des risques devient beaucoup plus délicate et les risques d’impayés plus importants dès lors qu’il y a pluralité d’intervenants et non coordination entre eux ( Absence de Centrale des Risques en particulier). Par ailleurs, les difficultés financières de la SONAPRA, en raison des impayés accumulés et d’une certaine déstabilisation de ses services, se traduisant par des retards à la collecte et surtout dans la commercialisation à l’exportation, liés au contexte morose du marché international, l’ont conduit à utiliser au maximum les ressources dont elle pouvait disposer et à n’utiliser le crédit bancaire qu’en dernière possibilité. La libéralisation de la filière s’est faite d’une manière trop rapide et peu rigoureuse. Des agréments ont été donnés à des opérateurs qui, par manque de compétence et de surface financière, voire de manière délictueuse, n’ont pas rempli leurs engagements. La libéralisation s’est également traduite par une intervention croissante des banques étrangères qui participent aux financements. Ceci est lié au fait que les usiniers privés se sont généralement associés à de grands groupes internationaux qui ont l’habitude de se financer au meilleur coût auprès d’établissements financiers internationaux. Le coût plus élevé du crédit dans la zone UMOA accentue cette tendance de même que l’application plus stricte des ratios prudentiels qui interdisent aux banques, généralement sous-capitalisées, de s’engager au niveau des besoins croissants de financement en fonction de l’augmentation de la production. La part du financement assuré par les banques locales s’est ainsi abaissée depuis trois ans environ et ne représente plus que 50% de son montant, encore le secteur béninois a-t-il pu préserver un seul consortium intégrant toutes les banques intervenant, locales ou étrangères, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays de la région. Seulement trois banques étrangères (sur 600 contactées par le consortium bancaire) ont accepté de participer à ces financements en raison de la mauvaise réputation du Bénin liée aux défauts d’intervenants non fiables.

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Ce phénomène peut être considéré comme positif puisqu’il permet aux banques locales de partager les risques. Cependant, il faut considérer qu’elles ne sont pas effectivement à parité, car les banques étrangères n’interviennent qu’avec la garantie de domiciliation des créances, et que cette garantie porte sur 125 % du montant du crédit. Elles sont donc en mesure de se rembourser en priorité, en ne transférant les fonds que lorsqu’elles sont assurées du remboursement de leurs créances. Le risque porté par les banques locales est donc largement supérieur. Certes, on peut considérer que les banques locales ne seront jamais totalement exclues car elles sont les seules à pouvoir remplir les prestations sur place. Néanmoins, ces prestations sont les plus coûteuses. Cette évolution représente donc une menace importance sur le chiffre d’affaires des banques, sur leur rentabilité et leur exposition aux risques, étant donné la part significative de la commercialisation du coton. Une analyse précise de cette évolution serait souhaitable, ainsi qu’une meilleure concertation entre les banques pour trouver et appliquer des solutions qui peuvent se rapporter au coût du crédit, à une meilleure évaluation des risques, à un meilleur suivi de ceux-ci (contrôle des tierces détentions) et à une organisation plus performante pour rester compétitives vis-à-vis de la concurrence financière internationale. L’Etat peut d’ailleurs y contribuer par des évolutions des procédures douanières, administratives ou fiscales selon des modalités à élaborer en concertation avec tous les acteurs de la filière. Pour la campagne 1998-1999, 35 milliards de FCFA avaient été accordés, mais 1/3 seulement a été décaissé du fait des difficultés de la SONAPRA et de l’utilisation des autres ressources mobilisables. En particulier, elle a utilisé 10 milliards des réserves du Fonds de stabilisation, 5 milliards d’avance du Trésor, 2 milliards sur les ristournes dues aux producteurs et 14 milliards d’avance du plus important usinier et négociant pour 13.000T de fibres valorisées à 550 FCFA. Les besoins théoriques d’une campagne cotonnière s’élèvent à plus de 40 milliards, ce qui représente un volume trop important pour la capacité des banques locales, dont le cumul des fonds propres n’est que de 25 milliards environ. Par ailleurs, la BCEAO veut réduire la durée du crédit intrants, qui avait tendance à courir sur deux campagnes, en raison des impayés et des reports (engrais non pris par les groupements). L’usance devrait ainsi être ramenée à 6 mois alors que la tolérance allait jusqu’à 300 jours. Malgré la garantie de la SONAPRA, la pratique de ces crédits posent donc de nombreux problèmes aux banques de la place.

4. LES SYSTEMES DE FINANCEMENT DECENTRALISES 4.1. Aperçu sur la situation des SFD au BÉNIN9

9 Le dernier recensement complet des SFD a été établi au Bénin, comme dans les autres pays de l’UMEOA, en

décembre 1997. Les chiffres indiqués pour 1999 sont des estimations qui nous ont été fournies pendant la mission, et qui devront être confirmées par la réactualisation de la banque de données 1998-1999 du PASMEC qui doit être élaborée en début de l’année 2000.

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Dix années de stabilité politique, de décollage économique et d’ouverture sur la démocratie, permettant l’éclosion de la société civile, ont eu un impact très favorable sur le développement des SFD au Bénin. Depuis 1992/93, le secteur s’est fortement développé et compte aujourd’hui 60 SFD, regroupant environ 400.000 membres et usagers et employant plus de 2.000 personnes. A la fin 1998, les dépôts collectés par les SFD atteignaient 30 milliards FCFA, et les crédits octroyés dépassaient, à la même période, 18 milliards FCFA. Le tableau suivant met en évidence la part relative des SFD dans le marché financier béninois : en 1997, les SFD avaient collecté 8% de l’épargne totale, et octroyé 18% des crédits ; leur avantage comparatif est, très clairement, leur décentralisation puisqu’ils offraient à cette date environ 7 fois plus de points de services que le système bancaire, notamment en milieu rural. Ces chiffres se sont encore améliorés en 1998 et 1999.

1997 Système

bancaire SFD

Nombre de guichets / caisses 81 558

Montant de l’épargne collectée (milliards FCFA)

207.6 17.6

Montant des crédits octroyés (milliards FCFA)

71.7 14.5

Source : Banque de données PASMEC

Evolution des SFD de 1993 à 1999 1993 1995 1997 Estimation

1999 Nombre de SFD : total 6 25 30 60

Dont

* Epargne/crédit 4 12 11 ND

* Crédit direct - 2 3 ND

* Projet à volet de crédit

2 11 16 ND

Nombres de caisses 168 342 558 ND

Nombre de membres et usagers

105 698 173 150 381 753 > 400 000

Dont % de femmes ND ND 38% ND

Source : Banque de données PASMEC (1993, 1995, 1997) ; entretiens de la mission pour les estimations 1999

La typologie10 du secteur de la microfinance montre une grande diversité de structures : - une quinzaine de systèmes mutualistes et coopératifs tels que la FECECAM et la

FENACREP se développant à différents niveaux urbains et ruraux ;

10 Source : Cellule Microfinance, 1999. Note sur l’évolution du secteur de la microfinance au Bénin et le rôle de la

Cellule de Microfinance du Ministère des Finances et de l’Economie. Cotonou, Juillet 1999.

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- des associations (PADME, ASSEF) et des ONG (CBDIBA, CAVECA, CREDESA...), développant des activités de microfinance ciblées sur des groupes spécifiques (femmes, artisans, PME...) ;

- des projets à composante de crédit tels que le PAGER (Projet de Gestion des Activités Génératrices de Revenus), l’AGEFIB (Agence de Financement des Initiatives de Base), le PILSA (Projet d’Intervention Locale pour la Sécurité Alimentaire) et les projets de Développement Rural Intégré des Départements et Régions ;

- des associations de tontines et banquiers ambulants, telles que Convergence 2000, qui ont développé des modèles performants de mobilisation de la “petite épargne” permettant à des très petits opérateurs économiques d’avoir accès au marché financier.

Malgré cette éclosion de nombreux SFD, le secteur reste très fortement concentré autour du pivot que constitue la FECECAM, qui à elle seule mobilisait en 1997, 92% des dépôts, et octroyait 70% des crédits avec 78% des membres de l’ensemble des SFD.

Evolution de l’épargne au sein des SFD de 1993 à 1997

SFD Montant de l’épargne

(en millions FCFA) Montant moyen/dépôt (FCFA)

1993 1995 1997 1993 1995 1997

Epargne/ Crédit 5 242 10 233 17 529 50 733 47 622 64 680

Crédit direct - - 31.4 - - 11 215

Projet à volet de crédit

61.3 841.9 124.5 6 399 108 231 14 533

TOTAL 5 304 11 075 17 685 - - -

Source : Banque de données PASMEC

C’est la mobilisation de l’épargne, triplée en quatre ans, qui est la performance la plus significative des SFD. La croissance de l’épargne a été réalisée essentiellement par l’augmentation du nombre d’adhérents, le volume d’épargne moyenne/membre évoluant peu pendant cette période. Les montants moyens d’épargne révèlent le profil des bénéficiaires de chaque type de SFD : classes moyennes à “aisées” pour les systèmes mutualistes (65 000 FCFA d’épargne moyenne/membre), population à capacité d’épargne beaucoup plus limitée pour les systèmes de crédit direct et les projets à volet de crédit (10 à 15 000 FCFA d’épargne moyenne/membre).

Evolution du crédit au sein des SFD de 1993 à 1997

SFD Nombre de crédits encours

Montant de l’encours (en millions FCFA)

Montant moyen/crédit (FCFA)

1993 1995 1997 1993 1995 1997 1993 1995 1997

Epargne/ Crédit

20 169 62 860 85 681 2 716 7 757 14 446 134 688

123 405

168 607

Crédit direct

- 1 075 5 987 - 343 1 234 - 319 915

206 206

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Projet à volet de crédit

397 6 212 8 835 93.9 560 206 236 691

90 311

25 915

TOTAL 20 566 70 147 100 503

2 810 8 662 15 910 - - -

Source : Banque de données PASMEC

L’octroi de crédit par les SFD a été multiplié par 5 en nombre et par 7 en volume en quatre ans. Selon les données fournies par le PASMEC, en comptant 1 million de familles au Bénin, et plus de 100.000 bénéficiaires de crédit, le taux de pénétration du crédit des SFD peut être estimé à 10% environ en 1997, et le taux de pénétration des services financiers à 38% (381 000 membres et usagers)11. L’action de la FECECAM est déterminante dans ces performances. On observe globalement pour les systèmes mutualistes, une progression des montants moyens de crédit octroyés de l’ordre de 25% en quatre ans ; ces montants moyens/emprunteur sont élevés (169 000 FCFA en 1997) et confirment le profil de “classe moyenne” des bénéficiaires mutualistes, alors que les projets à volet de crédit octroient des crédits de montant très faible (25 000CFA/crédit) 12

Etat des ressources et placement auprès des banques par type de SFD en 1997

(en millions de FCFA) SFD Epargne/Crédit Crédit direct Projet à volet

crédit Total SFD

Fonds propres 2 636 1 181 121.4 3 838

Dépôts 17 529 31 .4 124.5 17 685

Ligne de crédit 2 952 480 168.1 3 602

TOTAL ressources 23 118 1 694 313 25 125

Placement auprès des banques

5 164 - 28 5 192

Source : Banque de données PASMEC

Le bilan des ressources met en évidence le faible degré de capitalisation des SFD non mutualistes qui dépendent fortement des financements extérieurs. Notons que, même pour les systèmes mutualistes, la faible part des fonds propres dans les ressources, combinée au caractère très “volatile” de l’épargne (à vue essentiellement), constitue un des points de fragilité majeur des SFD, limitant fortement leur capacité à répondre aux besoins du financement rural et agricole. Malgré des performances très significatives, qui placent le Bénin au premier rang du développement du secteur microfinance en Afrique de l’Ouest, les SFD y restent fragiles, l’exemple de la FECECAM analysé plus loin suffira à le démontrer. Cette fragilité porte sur les trois “piliers” sur lesquels reposent la durabilité des SFD : - pérennisation juridique : sur les 60 SFD recensés en 1999, 6 seulement avaient

obtenu leur reconnaissance juridique, la Cellule Microfinance du Ministère des 11 Ces chiffres sont évidemment “optimistes” dans la mesure où un bénéficiaire peut avoir plusieurs crédits, mais

les bases de données existantes ne permettent pas d’accéder à cette précision de l’information. 12 Les montants affichés par la base de données du PASMEC pour les projets à volet de crédit et les SFD crédit

direct, en 1993 et 1995, sont trompeurs, dans la mesure où l’agrégation entre des montants de crédits à des groupements et à des individus conduit à des chiffres anormalement élevés.

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Finances chargée des agréments étant devenue opérationnelle très tardivement au Bénin (1999) ;

- pérennisation financière : aucun SFD, FECECAM comprise, n’a atteint l’équilibre financier en 1999 ; par ailleurs, les problèmes de retards de remboursement et d’impayés qui se renforcent au sein de plusieurs SFD, peuvent mettre en péril très rapidement les bonnes performances financières affichées ;

- problèmes liés à la gouvernance : le manque de professionnalisation du personnel des SFD, le manque de compétences des élus, et les rapports de force conflictuels entre ces différentes catégories d’acteurs, rendent la maîtrise de la croissance aléatoire.

Le développement d’une concurrence anarchique entre SFD est un autre facteur de fragilité du secteur. Pour l’instant, il n’existe pas d’Association Professionnelle des SFD, et aucune Politique Nationale en la matière n’a été définie. Ce “retard” de développement de la coordination institutionnelle des SFD par rapport à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, où le secteur est pourtant moins développé, est sans doute à imputer à la disproportion entre les acteurs du secteur, la géante FECECAM n’ayant que peu de problèmes en commun avec les autres SFD. Malgré ces points de fragilité, le secteur de la microfinance reste particulièrement dynamique au Bénin et bénéficie d’un environnement favorable : - la croissance économique nationale se poursuit, même si la déstructuration des

filières de production agricole, induite par la libéralisation, laisse craindre un recul important de la production ;

- il existe localement des ressources humaines ayant une formation initiale solide, les rendant capables de valoriser des formations professionnelles spécifiques ;

- un tissu d’ONG et d’associations de bon niveau se développe et peut apporter un appui déterminant aux SFD ;

- de nombreux bailleurs de fonds sont présents au Bénin et investissent dans la microfinance ; face au danger que représentent des actions dispersées en matière de financement, quelques expériences de coordination entre les bailleurs de fonds ont été conduites et donnent des résultats encourageants ;

- le Bénin dispose d’un centre de formation au développement, l’Institut Supérieur Panafricain d’Economie Coopérative (ISPEC), dont la qualité est internationalement reconnue et qui a été retenu par la Banque Mondiale/CGAP pour assurer une partie de ses formations professionnelles en microfinance en Afrique de l’Ouest.

4.2. Contribution des SFD au financement de l’agriculture

Voir tableaux page suivante.

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SFD finançant l’agriculture (1997)

SFD Type

(0)

Structure : nombre de Nbre Membres et usagers

(dont nbre

groupements)

(1)

Crédits dans l’année Estimation du volume de crédit

allant à l’agriculture (millions FA)

(3)

Caisses Unions Féd Nbre Montant (Millions C.F.A.)

%crédit /activité

(2)

% CMT

FECECAM EC 111 7 1 297 861 (ND) 60 200 11 829 AG= 44CO = 46AU = 10

25 5 204

FENACREP EC 88 7 1 6 128 4 012 213 AG= 100 0 213

MDBBénin EC 2 - - 3 294 261 404.5 AG = ND ND ND

CBDIBA EC 33 - - 19 720(368) 7 480 432.5 AG= ND 0 ND

FEDIBA EC 8 1 - 3 457 (123) 1 134 27.2 AG= ND 0 ND

FAC-MONO EC 7 - - 7 095 (63) 110 4.7 AG=100 0 4.7

FAP EC 8 - - 535 2 140 18.7 AG=24CO=48AF=28

0 5

UCECO EC 10 1 - 5 127 83 13.5 AG= ND 2 ND

CERIDA PVC 29 - - 1 760 1841 65.2 AG<=5 0 <= 3

CREDESA PVC 24 - - 1 158 2 316 52.6 AG<=5 0 <= 3.5

GRAPAD PVC 20 - - 672 600 17.1 AG<=5 0 <= 1

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ADPJ PVC 1 - - 731 531 10.6 AG= 0 ND

CEREP PVC 1 1 - 2 385 200 1 AG= 0 ND

ASF-PAGER PVC 5 - - 2210 1318 36 AG =17C0 = 62

AF = 7CS = 13

AT =1

0 6

TOTAL 352 133 82 226 13 125.6 - - 5 440.2

Source : Banque de données PASMEC 1996-1997 (0) EC = Epargne-crédit CD= Crédit direct PVC = projet à volet de crédit (1) Le nombre de membres indiqués par les SFD sous évalue le nombre d’individus bénéficiaires, certains membres étant des groupements

d’individus (2) AG= Agriculture CO= Commerce BC =Banque de céréales

AF= Petites activités féminines AT= Artisans CS= Crédit social HA= Habitat AU= Autre activité

(3) Valeur indicative estimée :Montant de crédit dans l’année x % crédit à l’agriculture (4) Les données ASF-PAGER illustrent la situation des ASF du Bénin au 30 mai 1998 (Etude FIDA/IRAM)13

13 FIDA, 1998. Les Associations de services financiers (ASF) de Guinée et du Bénin. Emergence d’un nouveau type de système financier décentralisé et autogéré.

FIDA/IRAM. Octobre 1998.

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Avant d’aller plus loin dans l’analyse de ces données, il convient d’en préciser la

portée et les limites. Ces chiffres sont la seule base de données à peu près complète dont on dispose sur

les SFD en Afrique de l’Ouest. Malgré certaines imprécisions (ex : le nombre de membres qui recouvre à la fois des individus et des groupes, les montants moyens de crédit correspondant tantôt à des moyennes/emprunteur individuel, tantôt à des moyennes de crédit/groupement sans que l’on puisse faire la part des choses), cette base de données est précieuse pour appréhender et comparer des caractéristiques générales des SFD, estimer des volumes d’activités et comprendre des tendances d’évolution.

Les chiffres indiqués sont issus des déclarations des SFD : * Très peu d’entre eux, voire aucun d’entre eux, ne disposent d’un système

d’information leur permettant de faire un suivi du crédit suffisamment fin pour obtenir un état réel des objets financés par le crédit.

* Même avec un système d’information prenant en compte les déclarations individuelles des emprunteurs, il est important de préciser que les distinctions d’affectation restent assez théoriques : la plupart des emprunteurs étant pluri-actifs, le crédit se fond dans la trésorerie et bénéficie souvent à l’ensemble des activités de la personne ou de la famille (fongibilité du crédit).

A la lecture des commentaires accompagnant les bases de données 95 et 97, il

apparaît que les catégories utilisées par les SFD pour décrire leurs activités ne sont pas homogènes, “agriculture” pouvant recouvrir les productions végétales, animales et la transformation de produits, ou l’une seulement de ces catégories.

Par ailleurs, dans certains cas (Bénin,...), les bases de données 95 et 97 sont

pauvres en information chiffrée sur l’utilisation des crédits. Quand cela était possible, le tableau a alors été complété à partir de données d’entretiens, ou d’études réalisées sur les SFD concernés, dont les sources sont alors citées.

L’estimation des volumes de crédit alloués à l’agriculture (1) n’a donc qu’une

valeur indicative et ne doit en aucun cas être utilisée comme une valeur absolue et fiable. Cependant, au regard du peu d’information chiffrée existant sur la question, il nous a paru important de présenter cette estimation pour appréhender les ordres de grandeurs du financement de l’agriculture par les SFD.

Sur les 30 SFD recensés en 1997, environ la moitié déclarait financer des activités agricoles. Les autres, essentiellement urbains, financent des activités de commerce, d’artisanat, de service, des dépenses sociales. Au regard de la fiabilité des systèmes d’information, il n’est évidemment pas exclu que ces SFD puissent financer marginalement des activités agricoles (maraîchage, petit élevage de case dans les centres urbains régionaux...). La base de données du Bénin est pauvre en éléments chiffrés sur la répartition des objets de crédits. Les chiffres déclarés conduisent à évaluer à environ 5,5 milliards FCFA la contribution des SFD à l’agriculture en 1997. Si l’on rajoute à ce montant une approximation de l’ordre de un tiers des portefeuilles de crédit des 6 SFD qui n’ont pas fourni de pourcentage précis, on arrive à un montant approximatif de 5,7 milliards de FCFA de crédits alloués à l’agriculture par les SFD en 1997.

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Sur un montant total de crédit des SFD de 15,9 milliards de SFD en 1997, 36% du portefeuille de crédit des SFD en volume iraient à l’agriculture. Ces valeurs absolues et relatives placent le Bénin dans une position atypique : dans la plupart des autres pays de l’UEMOA, les SFD ne contribuent qu’à hauteur de 10 à 20% de leur portefeuille au financement de l’agriculture. Cette situation atypique, tant en termes absolus que relatifs, est liée à l’engagement très important de la FECECAM en agriculture : à elle seule, elle octroyait en 1997, 5.2 milliards de FCFA au secteur agricole. La FENACREP contribuait pour 213 millions ; les 12 autres SFD pour environ 23 millions. Bien que la majorité des crédits à l’agriculture par les SFD soit de court terme, comme dans tous les autres pays de la sous région, la situation du Bénin est atypique aussi par l’expérimentation de crédit moyen terme à l’équipement qui est conduite par la FECECAM depuis sa réhabilitation. L’exemple de la FECECAM est donc particulièrement intéressant à analyser, puisqu’elle est à la fois le plus grand réseau mutualiste d’Afrique de l’Ouest, et le SFD qui a le plus investi en agriculture.

4.3. Analyse des principaux SFD représentatifs de la problématique du financement de l’agriculture au Bénin Quatre SFD ont été retenus pour une analyse plus approfondie : - la FECECAM est le réseau décentralisé le plus important d’Afrique de l’Ouest et

celui qui contribue le plus fortement au financement de l’agriculture ; l’analyse de son fonctionnement et de ses problèmes actuels apportera des éléments déterminants pour la réflexion sur les potentialités des SFD en matière de financement de l’agriculture ;

- la FENACREP est le second réseau mutualiste du Bénin, en taille ; installée à l’échelon des villages, elle est plus fortement décentralisée que la FECECAM ; c’est le financement de l’agriculture qui a motivé sa création ;

- les ASF du PAGER constituent une forme innovante de SFD établie au niveau des communautés villageoises ;

- les Banques Communautaires développées par des ONG (CREDESA, CERIDA, GRAPAD) avec l’appui du CRS, sont des SFD ciblées sur les femmes ; installées dans des zones ayant un potentiel agricole favorable, elles permettent d’évaluer l’implication des femmes dans le financement de l’agriculture.

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4.3.1. La FECECAM 14 Principales caractéristiques L’origine de la FECECAM est fortement liée à la Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCA) du Bénin, créée en 1975. En 1977, étaient créées les Caisses Locales de Crédit Agricole Mutuel (CLCAM) et les Caisses Régionales de Crédit Agricole Mutuel (CRCAM) qui devaient progressivement se structurer en réseau mutualiste, mais l’application d’un principe mutualiste est restée lettre morte. Par la suite, c’est la CNCA qui en a assuré la tutelle pendant une douzaine d’années, en les intégrant dans une structure bancaire pyramidale et centralisée, réduisant les principes mutualistes à la portion congrue. L’épargne locale des CLCAM était replacée aux niveaux départemental et national, seules la CNCA et les CRCAM avaient le droit d’octroi de crédit, à partir de dossiers instruits par les CARDER. Au début des années 80, les déficits d’exploitation et déficits structurels de la CNCA se sont progressivement creusés ; l’épargne des sociétaires a été utilisée pendant un temps pour les combler, jusqu’à la liquidation de la CNCA en 1987. Celle-ci a conduit à un blocage de 450 millions de FCFA d’épargne et à un gel d’une grande partie des comptes des sociétaires qui restent gravés dans toutes les mémoires. La faillite de la CNCA a des causes identiques à celles de la plupart des banques agricoles publiques d’Afrique de l’Ouest : conjoncture agricole difficile, mauvaise adaptation des crédits aux besoins réels des ménages, marge financière trop faible liée à des taux d’intérêt trop bas, systèmes de garantie inadaptés, coûts de fonctionnement élevés, liés aux normes bancaires, et à la centralisation des dispositifs, gestion du crédit confiée à des fonctionnaires ayant peu de compétences bancaires ... Après l’échec de la CNCA, le réseau des CLCAM a été jugé suffisamment sain pour être réhabilité. Cette réhabilitation, soutenue par un collectif de six bailleurs de fonds, a conduit à reconstruire un système mutualiste, qui progressivement, a reconquis la confiance des paysans. La première phase de la réhabilitation a mis l’accent sur le rétablissement du caractère mutualiste du réseau, l’affirmation de son indépendance par rapport à l’Etat, l’assainissement de sa gestion et sa réhabilitation financière. La deuxième phase engagée en 1994 s’est concentrée sur la recherche de l’équilibre financier, l’expansion du réseau et de ses performances, et sur la formation des élus et du personnel. Le réseau a été structuré en trois niveaux, selon un schéma classique de COOPEC, et sur un principe de subsidiarité :

14 Sources : - Entretiens de la mission - FECECAM, 1999. Rapport d’activités 1998. Cotonou, septembre 1999. - AGOUA F, 1997. Evaluation du crédit moyen terme dans les Unions Régionales des caisses locales de crédit

agricole mutuel du Borghou Sud, du Borghou Nord, du Mono, du Zou. FECECAM, Bénin. - AGOUA F., 1996. Evaluation du Tout Petit Crédit aux Femmes (TPCF). FECECAM - Bénin. - DOLIGEZ F., 1999. Services Financiers et Développement Rural au Bénin. La FECECAM. Document de

travail. Université de Paris X - Nanterre. - BANQUE MONDIALE, 1997. La FECECAM- Bénin : la réhabilitation réussie du réseau des caisses d’épargne

et de crédit agricole mutuel. Sustainable banking with the poor. Avril 1997. - RENARD O., 1999. Sous quelles conditions les systèmes financiers décentralisés parviennent-ils à financer

l’investissement agricole ? Etude d’impact du crédit moyen terme à l’équipement de la FECECAM dans le cadre de la privatisation de la filière coton au Bénin. Mémoire de fin d’études CIRAD/ENSAR.

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- à la base, les caisses locales (CLCAM) collectent l’épargne, octroient le crédit, assurent son recouvrement, ainsi que la sensibilisation des populations pour l’extension du réseau ; elles sont dirigées par un Conseil d’Administration élu, et supervisées par un Conseil de Surveillance ; selon leur taille, elles comptent un ou plusieurs salariés (gérants + guichetiers) ;

- au niveau régional, les Unions Régionales (URCLCAM) interviennent en appui

aux CLCAM pour les fonctions d’inspection, de formation, de transfert des excédents et d’approvisionnement des caisses, et de suivi des politiques de crédit ; les URCLCAM n’ont pas de rôle d’intermédiation financière ; elles sont gérées par les structures classiques mutualistes (CA, CS) et comptent chacune une douzaine de salariés ;

- au niveau national, une fédération a été créée en 1993 pour mettre en place des

organes de direction composés d’élus paysans pour travailler en collaboration avec les techniciens ; les membres du Conseil d’Administration de la FECECAM sont élus par les AG des Unions ; un secrétariat technique de la Fédération (STF) est chargé d’exécuter les politiques définies par le CA ; ce secrétariat n’a pas vocation à diriger le réseau ; il remplit des fonctions d’inspection des CLCAM et URCLCAM, d’élaboration des procédures, de formation, de développement de nouveaux produits, de centrale d’achat ; une majorité des techniciens de la Fédération et du réseau est issue de l’ancienne CNCA.

Par rapport au schéma “classique” des COOPEC, la FECECAM se distingue par un certain nombre d’inflexions qui ont fortement contribué à son développement récent : - bien que la collecte de l’épargne soit la préoccupation centrale du réseau, une

attention très forte a été portée au développement du crédit pour les sociétaires ; le taux de réemploi des ressources, habituellement faible dans les COOPEC (30 à 40%) est très élevé dans les CLCAM (70 à 80%) - les procédures ne sont pas uniformes au niveau du réseau, et une large autonomie est laissée aux CLCAM ;

- la Fédération n’assure pas le rôle de banque centrale et ne dispose donc pas du pouvoir de l’argent, les CLCAM gardant à la base une très forte autonomie financière ;

- une diversification du sociétariat a été recherchée, notamment par la proposition de modalités d’accès et de produits de crédit adaptés aux femmes ;

- contrairement à la plupart des réseaux mutualistes africains, la FECECAM n’est pas appuyée par un opérateur du Nord ; cette indépendance précoce lui a permis de développer une conception autonome du mutualisme.

Si cette démarche d’autonomisation forte des caisses de base et de pouvoir confié aux élus a été à la base du développement de la FECECAM réhabilitée, elle rencontre aujourd’hui des limites qui pourraient remettre en cause la viabilité du réseau (voir Viabilité). Entre 1994 et 1999, la FECECAM a connu une croissance particulièrement forte, ce qui la place aujourd’hui au premier rang des systèmes financiers mutualistes africains. En 1998, le réseau comptait 93 CLCAM (soit 13 de plus qu’en 1997), regroupant 258 000 membres, avec un capital social de 939 millions (dépassant un milliard en juillet 1999). Son encours de crédit était de 16, 6 milliards pour un encours de dépôt de 19 milliards (22,9 milliards en juillet 1999). Le taux d’accès au crédit s’était amélioré, passant de 28% en 1997 à 30% en 1998. Tous les indicateurs de performance de la Fédération ont connu une croissance exponentielle entre 1994 et 1997. Par contre, l'infléchissement de la croissance est net à partir de

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fin 1997, traduisant une situation de crise qui s’aggrave avec une croissance forte des impayés, sur laquelle nous reviendrons plus loin. Organisation des services financiers Les modalités d’accès au réseau sont variables selon les CLCAM, qui sont libres de fixer leurs propres règles. En général, sont exigés : un droit d’adhésion de 200 FCFA, une part sociale minimale de 1.000 FCFA, un dépôt minimum de 5.000 FCFA et trois photos d’identités (1500 FCFA). Les usagers, qui ne peuvent bénéficier que des services d’épargne, ne paient ni droit d’adhésion, ni part sociale. En ajoutant aux frais d’adhésion initiaux, le dépôt minimal et les parts sociales additionnelles pour l’accès au crédit, le coût d’accès au service est de l’ordre de 10.000 FCFA. Les produits d’épargne offerts par la FECECAM restent globalement peu attractifs. Ils sont au nombre de trois : - compte sur livret : rémunérés à 3%, mais comme le calcul des intérêts se fait par

trimestre sur le solde minimum de la période, l’intérêt effectif est de l’ordre de 2% ; ces comptes représentaient en 1998 plus de 90% des dépôts ;

- dépôt à terme : il a été développé à partir de 1998 sous forme de “DAT patriote” destiné à consolider les ressources stables de la FECECAM permettant le crédit à moyen terme ; ces dépôts sont rémunérés entre 3.5 et 4.5%/an ;

- compte courant : non rémunéré. Malgré ces conditions peu attractives, l’épargne s’est fortement développée dans le réseau, démontrant que les dépôts sont motivés par le besoin d’accès au crédit, et de sécurisation de l’épargne, plus que par la recherche d’une rémunération de l’argent. Face à l’ampleur de la demande de crédit, la faiblesse de l’épargne et son recul entre 1998 et 1999 restent un problème majeur pour la FECECAM. Quatre produits de crédit sont proposés dans le réseau, avec une adaptation des modalités /par produit par chaque caisse au niveau local : - Prêt à Court Terme (PCT) : durée de 3 à 12 mois, à un taux d’intérêt de 17% en

moyenne ; il est plafonné à 500.000 FCFA et sert à financer la campagne agricole, des activités de commerce et d’artisanat ; ces prêts représentaient 71% de l’encours de prêts en 1997 ;

- Prêt Court Terme Allongé (PCTA): d’une durée de 13 à 24 mois, il permet le financement d’activités agricoles nécessitant un stockage ; les taux sont identiques au PCT ; il est plafonné à 1 million FCFA ; ces prêts représentaient 9% des encours de crédit en 1997 ;

- Tout Petit Crédit aux Femmes (TPCF) : prêt de 3 à 6 mois octroyés à des groupes de femmes liées par la caution solidaire, plafonnés à 50 000FCFA/ bénéficiaire, taux d’intérêt de 2%/mois ; il représentait en 1997, 16% des prêts, mais moins de 3% des encours ;

- Crédit de moyen terme (CMT) : ce sont des crédits à l’équipement et à l’habitat, d’une durée de 2 à 3 ans, à un taux de 16%/an, plafonnés à 1 million FCFA ; ils représentaient 12% des prêts et 17% des encours en 1997.

Les conditions d’accès au crédit peuvent varier selon les caisses : la durée d’épargne préalable varie entre 3 à 6 mois, le montant du prêt est multiple des parts sociales et de l’épargne mobilisée, en général de 4 à 5 fois. Outre les 20 % d’épargne bloquée, plusieurs garanties peuvent être demandées : caution du GV le plus souvent, ou caution d’un autre sociétaire, ou, plus rarement, nantissement d’un bien matériel (vélo, charrue). Ces conditions ont été assouplies pour permettre

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l’accès des femmes au crédit à travers le TPCF qui s’appuie sur la caution solidaire du groupe de femmes et ne requiert pas d’épargne préalable. Le crédit à l’agriculture L’analyse de trois types de crédit de la FECECAM est ici riche d’enseignements : le TPCF, le CT /crédit de campagne, le crédit de moyen terme à l’équipement. • Le Tout Petit Crédit aux Femmes 15 Ce crédit a été conçu pour développer le sociétariat féminin, sur le principe du petit crédit à caution solidaire inspiré par le modèle de la Grameen Bank et développé sous des formes variées en Afrique de l’Ouest. Une évaluation conduite en 1996 montrait que le TPCF finance majoritairement des activités de commerce de produits vivriers (34%) et de transformation des produits agricoles (maïs en akassa, manioc en gari, arachide en huile, galettes, paddy en riz marchand) (43%), mais aussi, l’embouche et le petit élevage, le maraîchage et la culture d’arachide (7%). C’est donc, comme dans la plupart des crédits aux femmes, sur l’aval de la production agricole que le TPCF a un impact. La même étude montrait que le TPCF permettait essentiellement d’augmenter les fonds de roulement des femmes. L’originalité de la démarche de la FECECAM réside dans le lien théoriquement établi entre TPCF et crédit “normal”. L’objectif est d’utiliser ce crédit comme un produit d’appel et d’apprentissage. Dans cette optique, le TPCF n’est accessible que pour deux ou trois cycles et doit permettre à l’emprunteuse un apprentissage et une accumulation d’épargne lui ouvrant ensuite l’accès au crédit par les modalités normales. La démarche globale de la FECECAM d’intégration volontariste des femmes a connu un succès important et la part du sociétariat féminin est maintenant estimée à 40% dans le réseau, alors qu’elle n’était que de 10% en 1992. Cependant, il est difficile d’évaluer la part de l’impact du TPCF dans ce “succès”. L’étude de 1996 montrait que 36% seulement des bénéficiaires du TPCF disposaient d’un compte d’épargne leur permettant ensuite d’accéder à un crédit “normal”. Le TPCF connaît les difficultés habituellement liées au petit crédit aux femmes (augmentation des impayés après les premières années d’enthousiasme, liée au dysfonctionnement de la caution solidaire, à la saturation des marchés des activités féminines génératrices de revenus, faible appropriation sociale du crédit). Par ailleurs, étant défini comme un produit transitoire, le TPCF pose le problème du “post TPCF” : les femmes n’arrivent souvent pas à remplir les conditions classiques après deux ou trois cycles de TPCF, ce crédit favorisant un lissage de la trésorerie, bien plus que l’accumulation de capital. Au bout des trois cycles, elles n’ont donc plus théoriquement accès à ce produit, ce qui constitue souvent un douloureux “retour à la case départ”. Par ailleurs, les ressources étant le plus souvent insuffisantes au sein des caisses par rapport à la demande de crédit, on observe très souvent une marginalisation des femmes dans le traitement des demandes de “crédit classique”. • Le crédit court terme de campagne

15 Source : AGOUA F., 1996. Evaluation du Tout Petit Crédit aux Femmes (TPCF). FECECAM - Bénin. Entretiens de la mission

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Le crédit de court terme représente de l’ordre de 70% du portefeuille de crédit de la FECECAM ; selon les années et selon les caisses locales, ce sont de 30 à 45% de ce crédit court terme qui vont à l’agriculture sous forme de crédit de campagne. Ce pourcentage est en diminution, la FECECAM ayant eu une politique résolue de diversification de son portefeuille depuis sa réhabilitation. Il n’en reste pas moins que ce sont globalement, 4,5 à 5 milliards qui sont injectés annuellement dans l’économie agricole par la FECECAM sous forme de crédit de campagne. Cela prouve que les les SFD peuvent effectivement financer l’agriculture de manière significative. Le crédit de campagne est fortement concentré sur les zones cotonnières. Il est lié structurellement à la filière coton, par la garantie demandée (la caution du GV) et le mode de remboursement (à la vente du coton). Le crédit est utilisé pour financer la main d’œuvre pour la production de coton, et les intrants et la main d’œuvre pour la production vivrière. L’impact du crédit sur l’agriculture est toujours difficile à chiffrer. Les études16 faites dans le cadre du SE/RO (Service de Suivi Evaluation de la FECECAM) auprès d’agriculteurs, clients dans différentes caisses locales, indiquent que dans 49% des cas, l’accès au crédit aurait conduit à une augmentation des surfaces cultivées, grâce au paiement de la main d’œuvre ou à la location de charrue. Dans 17% des cas, il aurait conduit à une augmentation de l’utilisation des intrants (les intrants étant par ailleurs essentiellement fournis par le canal du crédit SONAPRA). Par ailleurs, l’accès au crédit aux bonnes dates permet une meilleure gestion technique (les sarclages et semis pouvant être réalisés au moment optimum), ce qui débouche sur une augmentation de la productivité agricole. Les revenus agricoles s’en trouvent également améliorés par la possibilité que donne le crédit de stocker la production pour la vendre en périodes de meilleurs prix. Pour 50% des paysans interrogés, le premier avantage de ce crédit de campagne reste la diminution de la dépendance financière par rapport aux sources de financement informels (usuriers, parents...). Deux limites essentielles de ce crédit de campagne sont à prendre en compte : - l’interdépendance forte entre FECECAM et filière coton ; - les freins à l’intensification de la production vivrière.

1) L’interdépendance forte entre le crédit FECECAM et la filière coton : une sécurité

jusqu’ici, mais aussi une incertitude pour l’avenir Dans les zones cotonnières qui représentent la part la plus importante du portefeuille de la FECECAM, le crédit de campagne est garanti à la FECECAM par une caution du GV et remboursé directement par le GV au moment de la vente du coton. La libéralisation de la filière coton a été engagée en 1998 dans un contexte international peu favorable (baisse des cours du coton de 30%) et a conduit le Bénin à une désorganisation très forte des mécanismes qui, jusqu’alors, stabilisaient la filière. La SONOPRA est confrontée à une crise financière qui a induit notamment des dysfonctionnements majeurs dans le paiement de la récolte aux producteurs.

16 Doligez F. Gentil D., 1997. Suivi - Evaluation, Recherches Opérationnelles et système d’information pour la

décision. FECECAM, IRAM

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Cette crise met clairement en évidence les liens entre production cotonnière et crédit que l’on peut schématiser ainsi17 :

Impact des retards d’octroi de crédit sur la production cotonnière

-

D é s é p a r g n e

R e c o u r s a uC T d i f f i c i l e

D i m i n u t i o nd u v o l u m e

e t d e sm o n t a n t s

d e C T

D i m i n u t i o nd e s f o n d s

p r o p r e s d e l aC L C A M

R e t a r d d e p a i e m e n td u c o t o n

A u g m e n t a t i o n d uc o û t d e s f a c t e u r s

d e p r o d u c t i o n :s u r e n c h è r e d e l a

M O , p r i x d e sb o v i n s , e t c .

D i m i n u t i o nd e l a M O

e t d e ss u r f a c e s

e m b l a v é e se n c o t o n

R e v e n t ed ’ i n t r a n t s a um a r c h é n o i r

H y p o t h è s eo p t i m i s t e :

A u g m e n t a t i o n d e l ac h a r g e e n e n g r a i sM e i l l e u r e n t r e t i e n

M e i l l e u r r e n d e m e n t

R e m b o u r s e m e n tf a c i l i t é

C r i s e r é s o r b é e

H y p o t h è s e p e s s i m i s t e :

R e v e n t e a c c r u e d ’ e n g r a i sR e n d e m e n t s f a i b l e s

P r o d u c t i o n i n s u f f i s a n t e

R e m b o u r s e m e n tp r o b l é m a t i q u e

S u r e n d e t t e m e n t

I m p a c t à l o n g t e r m e :D é s a f f e c t a t i o n p o u r l e

c o t o nD é c a p i t a l i s a t i o n ( b œ u f s ,

é q u i p e m e n t s … )

Source : O. Renard, mémoire DAA 1999

Si le paiement du coton ne se fait pas avant le début des travaux champêtres, cela touche directement la production, en particulier les agriculteurs les plus pauvres qui, faute de liquidités, ne peuvent engager les dépenses liées aux premiers travaux. Ces agriculteurs vont par ailleurs être tentés de vendre leur engrais livré à crédit au marché noir pour faire face aux dépenses courantes, ce qui aura un impact négatif soit sur les surfaces emblavées, soit sur les rendements. Un autre phénomène lié au retard de paiement du coton est la surenchère de la main d’œuvre et du prix des bêtes. En effet, au moment de l’octroi du crédit, les prix augmentent, car on a alors une très forte demande, liée à l’urgence des travaux, sur une courte période. Ce schéma ne s’applique pas pour les non-emprunteurs de crédit de campagne. Les agriculteurs les plus riches peuvent en effet commencer la campagne à la bonne date et n’auront pas trop de problèmes pour trouver la main d’œuvre, à une période où celle-ci sera moins sollicitée par les plus pauvres.

17- RENARD O., 1999. Sous quelles conditions les systèmes financiers décentralisés parviennent-ils à financer

l’investissement agricole ? Etude d’impact du crédit moyen terme à l’équipement de la FECECAM dans le cadre de la privatisation de la filière coton au Bénin. Mémoire de fin d’études CIRAD/ENSAR

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Par ailleurs, la pratique courante qui consiste, pour les plus riches, à acheter l’engrais des plus pauvres à bas prix est, dans ce contexte amplifiée, car les autres agriculteurs sont en situation difficile. Les inégalités de richesse sont donc accentuées au cours de ces crises.

Les retards de la SONAPRA fragilisent la FECECAM, qui a vu son épargne diminuer à partir de fin 1997 et le recouvrement de ses crédits devenir de plus en plus difficile. L’octroi de crédit a alors été bloqué au niveau de certaines caisses. Lorsque l’octroi de crédit est devenu possible, des cessions entières peuvent être annulées : les agriculteurs sont incapables de mettre en dépôt les 20 % nécessaires à l’obtention d’un nouveau crédit. Si dans le cas décrit ci dessus, le retard d’octroi du crédit était lié au retard de paiement de la SONAPRA, le mécanisme est le même lorsque la CLCAM tarde à octroyer le crédit : l’endettement des ménages s’aggrave à cause de la revente d’intrants au marché noir et du recours aux usuriers, de la demande de main d’œuvre qui se concentre sur les périodes critiques, etc. Ces retards sont plus ou moins marqués selon les caisses et les facilités de recouvrement au niveau des GV, mais tous les agriculteurs enquêtés le déploraient pendant la campagne 1999. Si le bon déroulement de la campagne cotonnière détermine le remboursement des crédits de campagne, il est clair que la production cotonnière dépend elle aussi de l’octroi du crédit. FECECAM et SONAPRA sont donc étroitement liées. Or, la FECECAM ayant pour fondement de sa réhabilitation une indépendance totale vis-à-vis de l’Etat, le dialogue avec la SONAPRA semble quasiment inexistant. Alors qu’une concertation entre institutions est plus que jamais nécessaire, SONAPRA, sociétés privées, USPP et CLCAM restent isolées les unes des autres. Cette crise de fin de campagne 98/99 est un exemple qui illustre de manière très claire la forte dépendance de la FECECAM par rapport à la filière coton, et qui préfigure les problèmes à venir dans un contexte de filière libéralisée où tous les mécanismes de sécurisation du crédit de campagne actuels vont être remis en cause. On peut s’interroger sur la manière dont la FECECAM, fragilisée par une crise interne sérieuse, va pouvoir faire face à ces bouleversements.

2) La croissance des productions vivrières financées par le crédit a des limites qui ne permettent pas une accumulation de capital

Les faibles capacités de gestion, la disponibilité en main d’œuvre limitée, tant

familiale que salariée, l’étroitesse des marchés locaux, les faibles opportunités de diversification des produits vivriers sont des freins importants à l’intensification de la production vivrière et limitent l’impact du crédit de campagne pour le vivrier sur les processus d’accumulation de capital.

La faible accumulation de capital limite les possibilités d’investissement et

d’intensification des exploitations, ainsi que leur capacité de résistance aux aléas climatiques et agro-économiques ; le crédit de campagne seul, même à l’échelle où il est pratiqué par la FECECAM ne permet donc pas une accumulation de capital significative et une amorce du “cercle vertueux de l’investissement”.

Le mécanisme suivant, décrit par M.Roesch pour les terres de barre du ZOU Sud

est très révélateur de cette difficulté d’accumulation et des limites de l’impact du

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crédit sur les activités de production vivrière dans l’environnement actuel au Bénin : “le marché est incertain ; la plupart des produits vivriers que l’on trouve sur les marchés sont des excédents de ceux qui sont produit pour leur alimentation. Il se produit un effet cumulatif : les bonnes années, tout le monde a des excédents et les prix sont bas. Les mauvaises, années, la production est faible ; c’est également vrai pour ceux qui produisent pour mettre sur le marché. Ils ont moins à vendre quand le prix est intéressant. (...) Il est difficile de vendre à un prix intéressant une grande quantité de produits vivriers. Faire appel à des intermédiaires et traiter des quantités inférieures à un camion entraîne des prix à la baisse ; la vente par petite quantité procure de l’argent par petite quantité qu’il est difficile d’épargner quand les besoins d’argent sont quotidiens” 18.

Avec la dégradation des conditions de production observées dans la filière coton en

cours de libéralisation, le processus d’accumulation de capital, permis jusqu’ici par la culture de rente, risque d’être lui aussi compromis, ce qui fragilise fortement le dispositif de crédit. Cela conduit certains cadres de la FECECAM au constat désabusé, sans doute caricatural, mais révélateur : “Cela fait plus de dix ans que nous finançons les paysans, et ils deviennent de plus en plus pauvres...”

Cette analyse rapide met en évidence le fait que mettre du crédit à la disposition des

populations ne suffit pas. Il faut travailler en amont, en renforçant les capacités de gestion des exploitants, et surtout en aval, en stimulant la diversification des productions et des activités, notamment à travers le développement de débouchés pour la production vivrière. Les services financiers ont leur rôle à jouer dans ce développement, en adaptant leurs produits de crédit à la transformation agro-alimentaire (fonds de roulement, crédit d'équipement). En aval de la transformation, c’est aussi le manque d’infrastructures de stockage et de transport qui est un frein déterminant à la diversification des productions.

• Le crédit de moyen terme à l’équipement Modalités et performances du CMT L’expérience de crédit moyen terme (CMT) est ancienne, les premiers CMT datant de la CNCA. Le CMT actuel est principalement développé dans les régions cotonnières (Borghou, Mono, Atacora) où il s’appuie sur la caution des GV. Le CMT a été proposé sous deux formes : crédit à l’habitat et crédit à l’équipement. Le crédit à l’habitat a connu de gros problèmes de remboursement, et a été considérablement réduit dans le réseau. Le crédit à l’équipement concerne essentiellement la traction animale. D’autres objets peuvent être ponctuellement financés (motopompe, moyen de transport...) avec un traitement au cas par cas, en fonction des garanties que l’emprunteur peut fournir. Le crédit à l’équipement peut être fait selon deux formules : - crédit en nature : l’équipement (charrue, charrette, canadien...) est fourni par les

CLCAM en partenariat avec la COBEMAG ; cette formule convient aux sociétaires qui ont déjà des animaux de trait,

18 ROESCH M., 1992. Surplus agricoles et stratégies de production chez les exploitants agricoles de la province

du Zou (Bénin). Thèse de doctorat, Université de Montpellier - CIRAD, 309 p.

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- crédit en nature pour l’équipement + une somme forfaitaire de 200.000 FCFA pour l’achat d’une paire de bœufs.

Le taux d’intérêt est de 16 %/an, le remboursement se faisant en trois annuités, sans différé. Les garanties demandées sont identiques à celles du crédit court terme : 20% du montant de crédit bloqué en épargne obligatoire, caution du GV ; éventuellement quand il n’y a pas de GV, caution par un autre sociétaire et garantie sur un bien matériel. Le CMT n’a pas connu de problèmes graves de remboursement, depuis la réhabilitation. Le tableau suivant présente une analyse des crédits FECECAM (30/09/97) qui permet de resituer le CMT au sein des différents produits de crédit :

Nombre de sociétaires Nombre de prêts en cours

210 657 69 363

% de sociétaires ayant eu accès au crédit

33%

Encours de crédit Moyenne des prêts

12 078 930 174 141

Répartition par type de crédit (nombre) * TPCF * Court terme * Court terme allongé * Moyen terme

(Nombre) (Montant) 11 155 295 522 48 102 8 614 102 1 940 1 152 324 8166 2 016 881

% de crédit moyen terme 12% 17%

Nombre des prêts en impayés % des prêts en impayés Montants en impayés

8 542 12% 959 393

Impayés par type de crédit * TPCF * Court terme * Court terme allongé * Moyen terme

(Montants) (Taux) 62 765 21% 711 448 8% 72 638 6% 112 542 6%

Source : IRAM, 1997

Ce tableau montre, d’une part, qu’un SFD est capable de faire du crédit moyen terme dans une proportion significative de ses activités, et que, d’autre part, le crédit moyen terme n’est pas forcément plus risqué que les crédits court termes. Le taux très important d’impayés est ici lié au TPCF en proie à une crise grave en 1997 qui a conduit à sa réduction ultérieurement. Impact du CMT Plusieurs études d’impact du CMT ont été conduites entre 1996 et 1999. Elles montrent que le CMT a bénéficié avant tout aux producteurs de coton (caution du GV oblige), et plutôt à une catégorie de producteurs moyens à aisés, chefs d’exploitation déjà capitalisés. Le CMT a largement contribué à développer la culture attelée dans les zones cotonnières.

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L’impact majeur cité par les emprunteurs ayant accès à la culture attelée à travers le crédit porte sur la réduction de la pénibilité du travail et l’organisation plus optimale des travaux (travaux à la bonne période en fonction des premières pluies) débouchant sur une augmentation de la production. La culture attelée permet une augmentation des surfaces cultivées, évaluée de 2 à 5 ha en moyenne, selon la situation des autres facteurs de production. C’est la culture du coton qui en a principalement bénéficiée jusqu’ici, mais aussi les productions vivrières et les surfaces cultivées par les femmes, les jeunes et les enfants, dont les produits contribuent à une amélioration globale du niveau de vie des familles. L’accès à la culture attelée apporte une amélioration de revenu, difficile à chiffrer en l’absence de conseil de gestion ; cette augmentation semble provenir davantage d’une augmentation des surfaces, que d’une augmentation significative des rendements. Les prestations de services réalisées avec l’équipement sont souvent une source supplémentaire de revenus. Un impact important du crédit est l’accès au moyen de transport (charrette), qui allège le travail des femmes et des enfants et permet de faire face à l’emblavement, de plus en plus fréquent sous la pression foncière, de champs plus éloignés des habitations. Une étude d’impact réalisée en 1999 19 permet de mieux comprendre comment le CMT est utilisé par les différentes catégories de producteurs agricoles de la région du Borghou, principale région cotonnière du Bénin. Le tableau suivant en résume les principaux résultats.

Typologie des ménages

(* nombre de chefs de ménage enquêtés)

Stratégie d’utilisation du crédit (* nombre d’équipement

achetés dans les 5 dernières années par les exploitants du

groupe/ nombre de ces équipement financés par CMT)

Risque lié au crédit propre à chaque groupe

1) Jeunes ménages à dominante agricole, en phase d’accumulation (20) - peu de main d’oeuvre familiale disponible - souvent encore dépendant de la grande famille, à qui ils peuvent emprunter du matériel aratoire - revenus faibles - pas de pluri-activité

(17/ 7 ) Besoin en CMT pour financer le premier équipement - le recours au CMT est plus ou moins important selon l’appui familial * peu d’appui > équipement très progressif sans recours au CMT * si appui de l’environnement, équipement progressif avec CMT

Fragilité liée à la faiblesse du capital, qui peut être compensée par une bonne insertion familiale/sociale

2) Jeunes ménages en phase d’accumulation, pluri-actifs (17) - groupe de même age mais plus favorisé que 1) par un don ou héritage d’un premier équipement et meilleur niveau de formation - ont développé activité non agricole qui permet de dégager des revenus plus élevés que 1)

(19 / 5) Faible recours au CMT car : - surface en coton et insertion dans la filière coton limitées - soit, peu de besoins d’investissement au niveau de l’activité non agricole - soit, quand les besoins sont plus élevés, aide des parents ou investissement à partir de l’activité financée

Fragilité limitée par les revenus de l’activité secondaire

19 Olivier Renard, CIRAD, 1999.

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3) Ménages stabilisés, avec un équipement complet, producteurs de coton (18) - exploitation “ en croisière”, dans lesquelles un équilibre travail/surface/équipement a été trouvé - problèmes de trésorerie pour le financement de la campagne

(22 / 9) - Recours au CMT limité parce que ces ménages sont déjà équipés en culture attelée - achat d’équipements non éligibles au crédit - Donnent une priorité à l’accès au crédit de campagne qui résout les problèmes de liquidité de trésorerie

Capital significatif, mais trésorerie limitée pouvant engendrer des situations de fragilité ponctuelle en liaison avec la situation cotonnière

4) Ménages en situation précaire, faiblement capitalisés (21) - souvent décapitalisation suite à un accident (santé, mortalité des boeufs..) - peu de surface, endettement chronique - le coton est délaissé au profit du vivrier, avec un objectif d’autosuffisance alimentaire - les intrants coton sont souvent revendus au marché noir, recours à l’usurier fréquent - dépendant de l’équipement emprunté au voisin qui n’est jamais disponible aux dates optimales des travaux, d’où faibles rendements

(17 / 16) - Les producteurs qui dans ce groupe sont équipés, l’ont été majoritairement à partir du crédit; - Mais celui-ci est difficile d’accès pour cette catégorie (manque de surface de coton, difficulté à constituer l’épargne initiale, poids de l’endettement important)

Fragilité extrême liée à un manque de capital et à une situation familiale précaire

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5) Exploitants agés à grande famille, capital moyen, surface moyenne (24) - l’équipement est ici limité, constitué tardivement et progressivement souvent grâce au crédit - stratégie de production équilibrée entre coton et vivrier - quelques revenus extérieurs par activités non agricoles

(24 / 13) - Recours fréquent au CMT dans ce groupe - stratégie d’acquisition d’équipement progressive - très peu de problèmes de remboursement

Risque limité par stratégie d’équipement progressive

6) Grandes familles, grandes surfaces, capital élevé (17) - souvent notables locaux ayant responsabilité dans les GV, USPP, CLCAM - patrimoine double de la moyenne de l’échantillon d’enquête ; épargne en animaux, vergers, monétaire - revenus agricoles importants fondés sur le coton, mais aussi sur productions de diversification (fruits, teck, vivrier pour la vente)

( 12 / 7) - toutes les familles sont équipées depuis longtemps -préfèrent souvent autofinancer les nouveaux équipements nécessaires - ont recours au CMT pour une raison spécifique : accès au matériel difficile à trouver hors des circuits CLCAMM/COBEMAG, besoins de trésorerie, aide à un proche

(Détournements)

Source : O.Renard, CIRAD, 1999

Cette typologie, réalisée sur un échantillon raisonné de 117 ménages, montre que dans cette zone cotonnière, toutes les catégories de ménages ont accès au crédit, même si c’est à un degré différent, dépendant à la fois de leur capacité d’épargne, de leur surface en coton, mais aussi de leur degré d’insertion sociale. Le mode d’analyse des dossiers de crédit, fait par les Comités de crédit des CLCAM, fondé sur la moralité du demandeur et sur la surface cultivée de coton, plus que sur une analyse de la qualité de son projet économique, explique partiellement cette situation. On observe également que le risque pris par l’institution est assez variable d’une catégorie à l’autre, sachant cependant, que la caution du GV sécurise globalement le dispositif. L’échantillon ayant été raisonné pour pouvoir approfondir l’analyse des stratégies des différentes catégories d’emprunteurs, avec et sans problèmes de remboursement, et de non-emprunteurs des CLCAM, il n’est pas possible de donner une estimation chiffrée de la part des différentes catégories de population dans la population totale des emprunteurs de CMT de la FECECAM. Problèmes et limites du CMT Cet exemple met en évidence les points forts et faibles des mécanismes de sécurisation du crédit appuyés sur une filière agricole organisée : l’accès au crédit devient plus facile, plus large et plus sécurisé dès lors qu’un producteur est intégré dans cette filière et qu'il prend le risque en charge solidairement ; par contre, comme tous les mécanismes de sécurisation du crédit sont centrés sur cette unique filière, ceux qui ne font pas partie de la filière ont difficilement accès au crédit et l’ensemble du dispositif est remis en cause si la filière connaît des problèmes. Même s’ils sont moins importants que pour le crédit de campagne et le TPCF, le CMT connaît des problèmes de remboursement dont les origines peuvent être classées en quatre grands types :

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1) les problèmes de trésorerie liés au dysfonctionnement de la filière coton se sont aggravés lors des campagnes 97/98 et 98/99, avec le retard important de paiement des récoltes par la SONOPRA qui entraîne des effets cumulatifs d’endettement des ménages et des GV. Cela se répercute sur tous les types de crédits. Ces dysfonctionnements risquent de s’aggraver encore avec la poursuite de la privatisation de la filière, et ne pourront être résorbés que moyennant la mise en place de nouvelles formes de régulation de la filière qui restent à inventer ; 2) Les aléas agro-climatiques (inondation, sécheresse, insectes non maîtrisés par manque d’intrants efficaces) les problèmes de mortalité du bétail importants dans ces zones, et les problèmes liés à la santé de la famille sont des facteurs importants de risque pour le crédit et de décapitalisation des exploitations. Il n’y a pas actuellement de système d’assurance prenant en charge l’un ou l’autre de ces risques ; 3) La mauvaise gestion du crédit par l’exploitant peut être à l’origine d’impayés. La part de crédit en espèces (200 000 FCFA) peut être utilisée à d’autres fins que l’achat d’animaux de trait ; une fraction seulement du budget est utilisée pour l’achat d’animaux qui sont alors soit en mauvais état, soit trop jeunes pour travailler ; les sollicitations pour des dépenses sociales sont souvent fortes sur cette part de crédit en espèces ; le CMT à taux d’intérêt de 16% peut être utilisé en financement court terme à la place d’un CT à 17% ; l’assise en épargne, à priori de 20% du montant du crédit n’est pas réelle, mais déposée juste avant l’accès au crédit et empruntée à un usurier qui exigera son remboursement avec un taux d’intérêt. Globalement, les capacités de gestion des exploitants sont limitées et ne leur permettent pas d’avoir une gestion saine raisonnée à moyen terme ; le conseil de gestion pourrait être ici un appui déterminant pour le crédit. Actuellement, il n’existe pas de programme de formation des sociétaires en dehors des AG. 4) La mauvaise gestion du crédit par les CLCAM est un facteur aggravant quand le crédit porte sur des sommes importantes, comme c’est le cas du CMT. La FECECAM estime que les procédures d’étude des dossiers de crédit sont largement insuffisantes et trop fondées sur des critères de moralité de l’emprunteur, là où une analyse économique du dossier financier serait nécessaire ; les comités de crédit ne sont pas formés à ces nouvelles exigences ; parfois, les modalités de crédit ne sont pas respectées (les 20% initiaux par exemple ne sont pas demandés). Enfin, dans tous les cas, il n’y pas de suivi des crédits. Plusieurs mesures ont été testées dans ce sens par la FECECAM : recours à une contractualisation avec des ONG pour assurer le suivi, recrutement d’agents spécialisés pour le suivi, création de comités des Sages (Comités Communaux de Sensibilisation et de Promotion) qui assurent un rôle de conseil et de suivi ; globalement, c’est l’internalisation de la fonction de suivi avec des agents spécialisés qui semble donner les meilleurs résultats et qui devrait être retenue par la FECECAM malgré son coût. Un autre problème du CMT est la difficulté de son extension, conditionnée par la disponibilité limitée des CLCAM en ressources longues et stables, l’épargne mobilisée étant faible et essentiellement de court terme. Les CMT actuels sont réalisés pour une large part sur des ressources extérieures mises à disposition par des bailleurs de fonds (FIDA, BAD). Cependant, le risque de change lié à ces fonds n’étant pris en charge ni par le bailleur, ni par l’Etat béninois, ces fonds font courir un risque important à l’institution qui les reçoit ; la FECECAM a ainsi perdu plusieurs millions avec la dévaluation d’une ligne de crédit FIDA. Les ressources extérieures, même si elles sont octroyées à taux concessionnels, ne sont une solution pour le CMT que si le risque de change est pris en charge. D’autres solutions visant la mobilisation de ressources longues sont envisagées : propositions de nouveaux

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produits d’épargne plus attrayants, innovations avec les bailleurs de fonds (bonification, fonds de garantie), mobilisation de ressources longues hors du réseau (émission d’obligations auprès du public, emprunt d’Etat...), accès au marché financier, moyennant la création d’un établissement financier.... Malgré tous ces problèmes, le CMT de la FECECAM démontre incontestablement la capacité des SFD à faire du crédit moyen terme à l’équipement. Impact du crédit FECECAM au niveau méso-économique De part la dimension qu’elle atteint aujourd’hui, la FECECAM a un impact significatif sur l’économie régionale et nationale au Bénin. Trois types d’impact majeurs peuvent être retenus 20 : - la FECECAM a contribué, par le crédit de campagne, le crédit à l’équipement et

les opportunités d’épargne, au développement de la filière coton, à ses effets positifs (augmentation des revenus, développement des infrastructures sociales, effet d’entraînement sur les autres branches de l’économie) et à ses effets négatifs (déforestation, baisse de fertilité des sols, renforcement des conflits agriculteurs- éleveurs, baisse de la scolarisation des enfants retenus pour le travail de la terre et la conduite des attelages).

- la FECECAM constitue un exemple encore rare en Afrique de l’Ouest de synergie

forte entre un outil financier et des organisations paysannes ; bien que les CLCAM ne financent pas encore directement les OP, cette synergie est effective à travers les liens entre les CLCAM et les GV qui se portent caution pour le crédit ; elle est renforcée par le fait que, souvent, ce sont les mêmes notables qui dirigent les deux structures dans une localité donnée ; ainsi, les Caisses sont parfois appelées “les filles des organisations paysannes”. Cette synergie est sans doute destinée à se renforcer à l’avenir, avec le transit par la FECECAM des fonds extérieurs destinés au soutien des OP. Cependant, ce constat appelle quelques nuances et restrictions : d’une part, cette synergie présente un risque de dérapage important quand le pouvoir de décision et de contrôle au sein des caisses locales est trop exclusivement concentré dans les mains de quelques notables ; d’autre part, il apparaît tout de même que les liens entre OP et CLCAM, et, notamment la circulation de l’information et la coordination des actions, ne sont pas de qualité égale dans toutes les zones ; certaines OP rencontrées pendant la mission se plaignaient d’un manque de dialogue avec les CLCAM dû au fait que les procédures de centralisation des décisions se renforcent au sein du réseau (notamment en cas d’impayés dans une caisse locale), ce qui limite la capacité locale des élus à prendre des initiatives autonomes par rapport aux OP .

- le développement des services de crédit de la FECECAM conduit à une

modification du marché financier local, avec, semble-t-il, un recours moins important aux usuriers et aux tontines ; ceci étant, ces formes de financement informels n’en disparaissent pas pour autant, et on peut même voir se développer des formes de complémentarité singulières entre les différents systèmes (voir analyse des Banques Communautaires du CRS).

Viabilité du SFD

20 F.Doligez, IRAM / Université de Paris / Nanterre, 1999

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L’équilibre financier est une des questions les plus controversées de la situation de la FECECAM. Les projections effectuées au début de la seconde phase laissaient espérer que l’équilibre financier du réseau serait atteint avec un achèvement des subventions prévu en 1999. Or, l’équilibre financier local affiché aujourd’hui dans un grand nombre des CLCAM ne prend toujours pas en compte les charges liées au échelons régionaux et nationaux. Globalement, en 1999, l’équilibre n’est toujours pas atteint au niveau de la Fédération. Par ailleurs, la crise de croissance, qui s’aggrave depuis 1997, risque de compromettre fortement les perspectives d’équilibre financier. “ Le système s’est emballé ; en quatre, cinq ans, la confiance des gens est revenue, le nombre de caisses est passé de 45 à 95, l’épargne a augmenté de 3 à plus de vingt milliards, le nombre de crédit a triplé, les plafonds de crédit sont passés de 200.000 à 1 million de FCFA, et tout cela avec les mêmes élus et techniciens insuffisamment formés et des outils pas adaptés pour maîtriser tout ça” nous a dit le nouveau président de la FECECAM rencontré pendant la mission. La crise de croissance que traverse la FECECAM est à la fois financière et de gouvernance. La crise financière se traduit par une croissance forte des impayés : de 988 millions en 1997, ils sont passés à 2,15 milliards en décembre 1998, ce qui représentait alors un taux de 13% à l’échelle du réseau, et jusqu’à 21% dans certaines régions particulièrement sinistrées comme le Mono. Les impayés sont essentiellement liés au crédit de court terme/crédit de campagne, le crédit à l’équipement, le tout petit crédit aux femmes ne connaissant, dans les deux dernières années, que de faibles impayés. La croissance des impayés a eu pour conséquences : un ralentissement de l’octroi de crédit, un retrait de l’épargne par les membres privés de l’accès au crédit et un résultat d’exploitation du réseau négatif en 1998 (- 329 millions FCFA) avec une provision pour créance douteuse de 1.220 millions FCFA. Le résultat d’exploitation a été aggravé sur ce même exercice par un dérapage important des charges. Selon la FECECAM , les causes des impayés sont à imputer à : - des facteurs internes : mauvaise gestion du crédit, analyse insuffisante des

dossiers, passage trop rapide d’une situation où les élus octroyaient des crédits de petits montants à des individus bien connus, à une situation d’expansion où les montants de crédit sont beaucoup plus importants, et la connaissance du bénéficiaire par les élus plus faible ; manque de compétences techniques pour l’étude des dossiers ; manque de suivi des crédits ; clientélisme, malversation, fraudes, cavalerie ; manque d’outils performants pour la gestion (comptabilité, système d’information, procédures...).

- des facteurs externes : aléas climatiques qui ont entraîné une baisse de la

production de coton et de vivrier ; retards de paiements de la SONAPRA ; concurrence désordonnée et déloyale d’autres SFD et systèmes de crédit publics ; endettement des ménages.

La prise de conscience de cette situation de crise a conduit en 1998 et 1999 à des dispositions drastiques visant à assainir le réseau : inventaire de portefeuille et arrêt d’octroi des crédits dans les caisses en impayés ; recrutement d’un agent de crédit par caisse pour assurer un appui au gérant pour l’étude des dossiers et le suivi des crédits ; élaboration d’un manuel de procédure de crédit ; dédoublement des grosses caisses en caisses plus petites ; lancement de deux nouveaux produits d’épargne, maîtrise des charges par gel des investissements de construction et d’équipement.

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On notera le rôle important que joue la crise de la filière coton dans les mécanismes de la crise de la FECECAM, ce qui montre clairement les limites d’un système de financement lié à une seule culture de rente, et préfigure l’impact désastreux que la libéralisation de cette filière pourrait avoir sur l’outil financier qui en est dépendant, si de nouvelles modalités de régulation de la filière ne sont pas rapidement trouvées. La crise de gouvernance aggrave la crise financière et se traduit, notamment, par un conflit croissant entre élus et techniciens du réseau. Cette crise a des racines anciennes dans le processus de réhabilitation de la FECECAM. Celui a été construit sur la reconquête du pouvoir par les élus après une décennie de pouvoir des fonctionnaires au sein de la CNCA. Le fragile équilibre entre élus et techniciens, qui avait pu être préservé pendant la première phase de réhabilitation, a été bouleversé par la croissance exponentielle du réseau que les élus ont de plus en plus de mal à maîtriser, du fait de compétences bancaires limitées, d’un faible renouvellement “d’élus notables”, de la croissance du clientélisme et des malversations... Cette fragilisation de la position des élus les entraîne dans des comportements défensifs, les conduisant à désavouer des techniciens compétents et donc “redoutables”. Du côté des techniciens, peu préparés à être “dirigés par des paysans”, ces tensions sont d’autant plus mal vécues que leurs “sacrifices” ont été importants au moment de la réhabilitation (baisse de rémunération, abandon des avantages de la convention bancaire) et que leur investissement dans la démarche de réhabilitation a été important. Par ailleurs, les salaires que proposent la FECECAM restent très faibles au regard des opportunités extérieures qui se développent au sein des ONG et des autres SFD. L’ensemble de ces facteurs conduit à une hémorragie de cadres qui quittent progressivement le système dès que des opportunités extérieures se présentent. Cette crise s’est intensifiée entre 1998 et 1999. En septembre 1999, elle a conduit à un renouvellement du bureau de la Fédération. Le Président nouvellement élu s’est clairement prononcé pour un renforcement des capacités bancaires de la structure et du pouvoir hiérarchique dans le réseau. Cette démarche d’assainissement et de reconquête d’un pouvoir technique sera très délicate à conduire dans un contexte de dérapage croissant des impayés. Cette crise de gouvernance renforce la perception négative de la FECECAM par le milieu. Si la Fédération est encore clairement reconnue comme le réseau mutualiste phare de l’Afrique de l’Ouest, elle est de moins en moins perçue comme “la banque des paysans” et des populations rurales pauvres. Bien que les chiffres prouvent encore le contraire, elle est de plus en plus perçue comme un réseau urbain peu accessible, bénéficiant aux seuls commerçants et fonctionnaires, et ne laissant plus qu’une faible place à la population rurale et au pouvoir mutualiste local. Enseignements à retirer de cette expérience par rapport à la problématique du financement de l’agriculture La FECECAM démontre qu’un SFD peut contribuer de manière déterminante au financement à court terme et moyen terme de l’agriculture. Cependant, cette indéniable réussite risque d’être compromise d’une part, par la libéralisation de la filière coton, sur laquelle repose le système de financement de la FECECAM, et d’autre part, par la crise interne engendrée par une croissance non maîtrisée. Nous reviendrons sur ces points dans la conclusion générale.

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4.3.2. La FENACREP 21 Principales caractéristiques La Fédération Nationale des Caisses Rurales d’Epargne et de Prêt (FENACREP) est l’institution faîtière du réseau des CREP. Celui-ci a été initié au Bénin en 1991, et compte aujourd’hui 147 caisses réparties sur l’ensemble du territoire. Au 30/9/99, le réseau comptait 30.000 membres, avec un capital social de 57 millions FCFA. Les dépôts atteignaient 1.44 milliards FCFA ; l’encours de crédit à cette date était de 426 millions, pour 8.207 emprunteurs. Le réseau des CREP trouve son origine dans l’action de l’ONG SASAKAWA GLOBAL 2000 (SG2000), créée en 1984 par un industriel japonais, un généticien Prix Nobel de la Paix et Jimmy Carter, ancien Président des USA, dans le but de promouvoir en Afrique une Révolution verte capable d’enrayer la crise alimentaire. SG2000 favorise le transfert de technologies pour les cultures vivrières, et intervient aujourd’hui dans une douzaine de pays d’Afrique. Au Bénin, son action a été concentrée sur les productions de maïs, mil et sorgho, ainsi que sur les processus de transformation agro-alimentaire. Au démarrage du projet, un crédit intrants était donné pendant deux ans aux groupements de paysans expérimentant les nouveaux paquets techniques. Face aux échecs répétés des demandes faites par ces groupements au système bancaire existant, la nécessité de création d’un outil financier autonome, s’appuyant sur une source de financement endogène, s’est imposée et a abouti à la création des premières CREP en 1991/92. La CREP est une coopérative financière établie au niveau du village, et gérée selon les règles coopératives classiques, adaptées à des populations à faibles revenus : l’adhésion est volontaire ; chaque adhérent doit payer un droit d’adhésion de 500 FCFA et une part sociale d'au moins 2.000 FCFA ; la gestion est démocratique (un homme, une voix), et assurée par différentes instances élues (Conseil d’Administration, Conseil de Surveillance, Comité de crédit, Conseil d’information et de formation). A ces règles classiques, s’ajoute la nécessaire recherche de la viabilité financière pour pérenniser le service à la communauté. Le crédit à l’agriculture D’après la FENACREP, 100% du crédit octroyé par les CREP vont à l’agriculture. Les crédits sont octroyés essentiellement sur la base des ressources endogènes d’épargne. Quelques CREP parmi les plus développées ont accès à un refinancement extérieur pour des programmes particuliers (crédit d’équipement, crédit pour les femmes). Les ressources d’épargne des CREP ne sont pas centralisées au niveau de la Fédération, chacune d’elles restant autonome pour la gestion de ses ressources. L’épargne est essentiellement à vue, rémunérée à un taux de 6% par an. Bien que les CREP aient localement une marge de manœuvre pour définir leur règles de gestion, des règles communes s’appliquent à tout le réseau : hormis les

21 Source : SASAKAWA GLOBAL 2000/ FENACREP, 1999. Microfinance et développement endogène en milieu

rural au Bénin : l’expérience des Caisses Rurales d’Epargne et de Prêt. Cotonou, Septembre 1999. - Entretien de la mission avec le Directeur du Réseau FENACREP

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crédits d’équipement consentis dans le cadre de programmes spéciaux, le crédit est de court terme (12 mois) et ne finance que la première campagne agricole, la seconde étant jugée trop aléatoire. Le montant des crédits s’échelonne entre 20.000 et 150.000 FCFA, autour d’une moyenne de 500.000 FCFA. Le crédit est donné en partie en nature (intrants), en partie en espèces (pour payer la main d’œuvre). Le taux d’intérêt est de 15 %/an et remboursable en une échéance au terme des 12 mois. Les taux de remboursement affichés sont excellents (100% depuis 1993). La sécurisation du crédit est assurée par une combinaison de mesures : - l’emprunteur doit apporter un montant de 20% de la demande de crédit ; - deux types de garanties sont combinés : prise de sûretés matérielles (plantations

de tecks, palmiers à huile, terres) et caution, soit par le chef de tontine, soit par le groupe solidaire auquel l’emprunteur appartient ;

- la demande de crédit est examinée par le Comité de Crédit qui connaît bien l’emprunteur et peut juger de ses compétences techniques...

- seules les cultures vivrières maîtrisées par l’emprunteur et jugées peu risquées sont financées ;

- le coton est exclu, étant jugé trop risqué dans le contexte actuel, et trop dépendant de l’Etat ;

- enfin, plusieurs actions d’accompagnement permettent de sécuriser la production et le crédit.

Les capacités d’octroi de crédit du réseau ont été consolidées en 1999 par l’obtention d’une ligne de refinancement de 100 millions auprès de FINADEV, à un taux de 11%/an, rétrocédée par la Fédération aux CREP à un taux de 13% et par ces dernières aux sociétaires à un taux de 15%. La faiblesse des marges réalisées limite fortement les gains de capitalisation pour la Fédération et les CREP. Dans cette optique, la FENACREP recherche des ressources à taux concessionnel, qui permettraient à la structure de consolider sa capitalisation. Les actions d’accompagnement coordonnées par les CREP 1) L’approvisionnement en intrants des communautés villageoises est assuré par les CREP à travers un accord passé avec la SONOPRA (Société Nationale des Produits Agricoles) et, en 1999, avec un commerçant privé. Le fournisseur livre le réseau des CREP à un prix de gros et à crédit. La CREP rétrocède les intrants aux sociétaires aux conditions de crédit habituelles. De 1996 à 1998, 2.041 tonnes d’engrais, pour un montant de 347 millions FCFA, ont été ainsi commercialisées ; face aux bons résultats de l’opération, le contrat avec la SONOPRA a été porté à 3.000 tonnes d’engrais pour un montant de 510 millions en 1999. 2) L’appui à la transformation des produits agricoles est assuré par le réseau des CREP, en partenariat avec l’IITA/ASA d’Ibadan. Après un processus d’élaboration de techniques et de matériel adaptés, des équipements de transformation sont mis à disposition du réseau des CREP, à crédit sans intérêt ; les CREP versent un tiers du montant total du coût des équipements au moment de la livraison, puis les deux tiers restants en 2 ou 3 ans. Les CREP rétrocèdent ensuite l’équipement à crédit aux groupements de sociétaires, à un taux de 6%. Les équipements sont le plus souvent gérés collectivement et remboursés grâce aux revenus des prestations effectuées. A travers ce programme, ont été installés 55 râpeuses de manioc motorisées, 28 presses, et 14 équipements multifonctions. 3) La mise en place de magasins d’approvisionnement et de commercialisation est expérimentée par les CREP en partenariat avec un projet (ASA). Ces magasins sont

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destinés à doter les communautés locales d’un établissement commercial capable de fournir les approvisionnements de première nécessité et de générer des revenus. Le projet ASA subventionne à 50% la construction du bâtiment, fournit un fonds de roulement d’un million FCFA remboursable en 1 an sans intérêt, et assure un appui à la gestion. La CREP supporte 50 % du coût du bâtiment, s’engage à rembourser le fonds de roulement, assure l’approvisionnement du magasin, nomme et contrôle le gérant. L’expérience est récente, avec deux magasins seulement fonctionnant pour l’instant. 4) Des mutuelles de santé, appelées Caisses Villageoises de Mutualité Sociale Rurale (CVMSR), sont en cours d’expérimentation autour de trois CREP, dans les départements de l’Ouémé, du Mono et de l’Atacora. L’objectif est d’organiser la prise en charge des frais de santé des adhérents et de leur famille et de doter les communautés de centres de santé équipés pour les soins de proximité. Chaque sociétaire paye une cotisation annuelle de 25.000 FCFA et a ensuite accès aux soins gratuitement pour l’ensemble de sa famille. Les CVMSR prennent en charge les pathologies courantes, le paludisme, la maternité, les blessures, ainsi que des actions de prévention. Les cotisations ont été calculées en fonction de la capacité de contribution des familles rurales. L’Etat et des bailleurs de fonds ont apporté leur appui avec des dotations en matériel. Une centrale d’achat pour des médicaments génériques a été créée et permet des économies d’échelle. Les mutuelles de santé et les CREP fonctionnent avec un guichet commun, ce qui contribue là encore à une économie d’échelle et facilite les interactions entre les deux systèmes, la CREP faisant souvent un crédit au sociétaire pour le paiement de sa cotisation de santé. L’évaluation de la phase pilote a été satisfaisante et conduit la FENACREP à vouloir étendre le dispositif à l’ensemble de son réseau. Viabilité du SFD La consolidation du réseau des CREP a été engagée en 1998 avec la création de la Fédération. La FENACREP est une structure coopérative ayant une personnalité juridique et une autonomie financière. Elle assure l’orientation, la coordination, la gestion des activités du réseau des CREP (comptabilité, contrôle), ainsi que la recherche de refinancement et la formation au sein du réseau. Son équipe technique est constituée de deux services, microfinance (4 cadres et 10 comptables itinérants) et appui à l’agriculture (3 cadres), issus de la structure projet antérieure. L’équilibre financier n’est pas atteint pour l’instant. Un certain nombre de CREP couvre leurs charges de fonctionnement (frais de fonctionnement + salaire du gérant), mais aucune d’elle ne contribue actuellement à la prise en charge des frais de la FENACREP. Celle-ci a un coût de fonctionnement important (environ 100.000 $ par an), qui est encore pris en charge par SAKAWA GLOBAL 2000 jusqu’à la fin 2000. La FENACREP est à la recherche de bailleurs de fonds pouvant prendre le relais de ce financement, la structure ne pouvant être autonome avant plusieurs années. Par ailleurs, pour consolider le réseau et l’étendre, des investissements importants seront nécessaires : bâtiments et coffres-forts qui manquent encore dans la plupart des CREP, moyens de transport pour assurer le service de comptabilité et de contrôle des CREP par la FENACREP, système d’information performant, formation à tous les niveaux. Les perspectives financières du réseau apparaissent donc encore très incertaines, même s’il existe de nombreux facteurs autorisant l’optimisme (une croissance forte du réseau, un bon taux de remboursement, modération salariale acceptée par les cadres...).

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Notons aussi, sous forme de question (la mission n’a pas les moyens de s’avancer autrement sur ce point), que le taux de remboursement affiché est un facteur d’incertitude : en effet, un taux de remboursement uniformément maintenu à 100% depuis 8 ans laisse perplexe et ferait, s’il est avéré, de la FENACREP le seul SFD d’Afrique de l’Ouest n’ayant jamais connu un problème de remboursement ! Gageons qu’un système d’information plus fiable mettrait en évidence une situation plus nuancée. Le temps et les moyens impartis à la mission n’ont pas permis une analyse approfondie des problèmes de gouvernance. Cependant, on peut avancer sans trop de risque que c’est là le point de fragilité du réseau, avec : - une mutation du projet vers une structure pérenne, la Fédération qui n’est pas

encore consolidée ; pour l’instant, il semble que le fonctionnement de projet prévaut, avec une structure technique qui assure les fonctions de direction, sans contrepoids réel d’une structure de représentants des sociétaires ;

- des élus de base, qui, aux dires de la FENACREP, sont insuffisamment formés ; - une fonction de contrôle qui est insuffisamment remplie, faute de ressources

humaines. Au regard d’expériences extérieures, on peut aussi prévoir, à brève échéance, l’apparition de problèmes de gouvernance et d’équilibre financier liés au mélange de plusieurs types de fonctions au sein d’une même structure : fonction financière, gestion des approvisionnements en intrants, des Mutuelles de santé, des magasins d’approvisionnements, du conseil agricole... Cependant, la FENACREP fait preuve d’une grande vitalité et d’une capacité d’innovation importante qui seront des atouts précieux pour surmonter ce type de problème. Enseignements à retirer de cette expérience par rapport à la problématique du financement de l’agriculture Les CREP sont d’abord des structures de mobilisation de l’épargne, dont le taux de transformation en crédit est pour l’instant encore limité. Les rares études existantes sur ce thème encore mal connu 22, montrent que la fonction d’épargne des SFD a une incidence forte sur l’économie des ménages ruraux et agricoles, mais davantage par l’effet de protection et de lissage de la trésorerie, que par le développement de réelles stratégies d’investissement. La FENACREP estime que l’ensemble des crédits du réseau va au financement de l’agriculture. Il est probable qu’un système d’information plus performant mettrait à jour les utilisations alternatives qui peuvent être faites de ce type de crédit. Ceci étant, la conception du réseau, son degré de décentralisation, son accompagnement par des structures techniques agricoles, permettent de penser qu’une majorité de ses financements va à l’agriculture. Les bons taux de remboursement obtenus sur ce financement de l’agriculture trouvent leur origine dans une combinaison de facteurs de sécurisation du crédit :

22 Il n’y a que peu d’études disponibles sur les processus d’épargne des ménages ruraux en Afrique et encore

moins sur l’impact de l’épargne semi-formelle proposée par les SFD sur l’économie des ménages et des exploitations agricoles.

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- principe de décentralisation et d’autonomie locale qui responsabilise les communautés,

- principe du financement endogène (“argent chaud”) qui rend les gestionnaires villageois plus rigoureux,

- sécurisation de la production agricole par un accompagnement technique, - sécurité et accès facilité aux intrants agricoles par des contrats

CREP/Fournisseurs, - ciblage du crédit sur des productions et des processus techniques maîtrisés par

les populations (financement de la première campagne agricole annuelle seulement, exclusion du coton...),

- crédit sélectif, de court terme, encadré par un niveau maximum de garantie, - taux de transformation du crédit limité. L’appui à la transformation de produits agricoles par le financement d’équipements doit jouer en faveur du développement de la production et de l’économie locale, et est donc un facteur de sécurisation du crédit. De nombreuses études réalisées sur l’économie des ménages agricoles et ruraux en Afrique, montrent que les problèmes de santé ont un impact déterminant sur les trajectoires d’accumulation des ménages et sur les capacités d’investissement et d’intensification des exploitations agricoles. La création de mutuelles de santé peut donc avoir une incidence indirecte déterminante sur le financement de l’agriculture et doit être développée. Cependant, il faudra évaluer, à partir de ces expériences pilote, s’il est pertinent et efficace de gérer ces fonctions au sein d’une même institution ou, comme c’est le cas de la FENACREP, avec des guichets communs à deux institutions fortement liées. L’équilibre et les performances de cette institution de financement rural et agricole est pour l’instant encore fortement dépendant des subventions extérieures. On peut s’interroger sur la possibilité de maintenir un dispositif de sécurisation, d'accompagnement du crédit et de la production aussi dense, quand la structure devra entièrement s’autofinancer.

4.3.3. Les ASF du PAGER 23 et du PROMIC Principales caractéristiques L’Association de Services Financiers (ASF) est une forme innovante de SFD, développée depuis 1995 par le FIDA dans plusieurs pays d’Afrique Centrale et de l’Ouest. Ce nouveau concept a été élaboré suite au constat de l’insuffisance des SFD “classiques” (mutualistes de type COOPEC notamment) à fournir des services financiers aux populations pauvres des zones reculées, cible privilégiée des actions du FIDA. Bien que n’ayant pas, pour l’instant, de statut juridique reconnu, l’ASF peut être définie comme une société financière par action, implantée au niveau villageois ou

23 Sources : - Entretiens de la mission avec les projets PAGER et PROMIC - FIDA, 1998. Les Associations de services financiers (ASF) de Guinée et du Bénin. Emergence d’un nouveau

type de système de financier décentralisé et autogéré. FIDA/IRAM. Octobre 1998. - FIDA, 1999. Diagnostic pour la faisabilité d’un programme de développement des systèmes financiers ruraux

au Niger (comprenant une évaluation de la capacité de réplication des ASF du Bénin).

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inter-villageois. Toute résident, homme et femme, de la zone d’implantation de l’ASF peut acquérir des actions qui confèrent un droit de propriété de l’ASF. Celle-ci est gérée par un Conseil d’Administration élu par l’Assemblée Générale des actionnaires. Chaque actionnaire dispose d’un nombre de voix proportionnel aux actions qu’il détient, avec néanmoins un plafond de 10 voix pour les gros actionnaires. La gestion technique est assurée par un gérant, choisi par les actionnaires et formé par le projet d’accompagnement (PAGER, PROMIC au Bénin). Le gérant n’est pas rémunéré, mais bénéficie d’une indemnité et d’un intéressement aux résultats annuels de l’ASF. Les ASF sont indépendantes l’une de l’autre ; au stade actuel de leur développement, elles ne gèrent que des ressources financières endogènes et ne sont donc pas dépendantes de l’extérieur. C’est au Bénin et en Guinée que l’on dispose du recul le plus important pour évaluer les performances et les limites de ce nouveau concept de SFD. Au Bénin, les ASF sont développées dans le cadre du projet PAGER (Projet d’Activités Génératrices de Revenus) qui couvre le Sud du pays, et viennent d’être initiées dans le projet PROMIC (Projet Microfinance et commercialisation) implanté dans le Zou Nord, le Borghou et l’Atakora. Ces deux projets ont pour objectifs : de promouvoir les activités économiques des populations pauvres, et des femmes plus particulièrement, de développer la diversification et la commercialisation des productions agricoles et rurales, et d’apporter un appui au développement des ASF. Les cadres chargés de la composante ASF de ces projets sont eux-mêmes appuyés par une ONG spécialisée, créée au Bénin pour assurer le développement des ASF. En mai 1998, après un an de fonctionnement, le Bénin comptait 5 ASF totalisant 2.210 actionnaires, pour un capital en action d’un montant de 19 millions FCFA. Le montant de crédit octroyé depuis le début des ASF était, à cette date, de 36 millions FCFA, soit un taux d’utilisation du capital en crédit de 1,87. En 1999, une sixième ASF a été créée dans le cadre du PAGER. Le PROMIC, quant à lui, a pour objectif de créer 180 ASF, couvrant une zone comptant 1.327 villages. Fonctionnement des ASF et organisation des services financiers L’achat d’une action, d’un montant de 2.000 FCFA (+ 700 FCFA de livret) donne accès aux services financiers de l’ASF et donne le droit de vote. C’est le capital ainsi constitué qui sert de ressource de crédit à l’ASF. L’épargne est possible, sous forme de DAV non rémunéré seulement. La protection de l’épargne est considérée comme un service rendu aux actionnaires, mais sa collecte n’est pas encouragée, car trop coûteuse et trop complexe à gérer. Seule l’épargne longue, à travers l’achat d’action, est développée. Le montant de crédit accessible est plafonné à 5 fois le montant des actions détenues par l’emprunteur. Le crédit peut financer l’ensemble des activités économiques, mais aussi des dépenses sociales. Il est couvert par une double garantie constituée par les actions du bénéficiaire et un bien matériel, ou la caution d’un autre actionnaire. Par ailleurs, la pression sociale est un facteur déterminant dans un système de forte proximité comme l’ASF. Les crédits sont de très court terme (de 2 à 4 mois selon les ASF), et de petit montant (de 10.000 à 100.000 FCFA, avec une moyenne de 27.000 FCFA en 1998.

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Les modalités de remboursement sont variables selon les ASF (échéances mensuelles constantes ou intérêts remboursés mensuellement + capital à l’échéance). Les taux d’intérêt sont fixés par chaque ASF et sont, en règle générale, très élevés (10%/mois). L’ensemble de ces modalités de crédit correspond à une logique de maximisation des possibilités d’accès au crédit et de capitalisation de l’ASF, par la combinaison d’une rotation rapide du capital avec un coût du crédit élevé. Le crédit à l’agriculture Les ASF financent essentiellement le commerce (62% du portefeuille de crédit, en moyenne en 1999). Bien que la majorité des actionnaires soient agriculteurs, l’utilisation du crédit pour l’agriculture varie fortement selon les ASF (de 2 à 42% du portefeuille de crédit entre les 6 ASF du Bénin, autour d’une moyenne de 17% en 1999). Les autres affectations sont les activités de transformation (7%), l’artisanat (1%) et les dépenses sociales (13%). Les modalités de crédit des ASF ne sont pas favorables à son utilisation pour l’agriculture : taux trop élevés, durées ne couvrant pas une campagne agricole. En 1998, le taux de remboursement peu satisfaisant au sein des ASF du Bénin (8% de retard) était essentiellement le fait des ASF dans lesquelles le crédit avait été fortement utilisé pour l’agriculture et n’avait pas pu être remboursé dans les délais. Cependant, ce type de crédit a un impact indirect important sur les revenus agricoles des ménages, dans la mesure où il permet de ne pas vendre la production au moment de la récolte quand les prix sont bas, mais d’attendre trois ou quatre mois, une remontée des cours du vivrier. Globalement, le crédit des ASF est donc, pour l’instant, un crédit de “dépannage” permettant de lisser les trésoreries, mais ne permettant pas d’investir dans de nouvelles activités ou d’intensifier les activités existantes. Viabilité du SFD Même dans le cadre d’une application souple de la loi PARMEC, la viabilité juridique des ASF est encore incertaine : elles rentrent dans le champ de la convention signée avec le Ministère des Finances, mais les ratios prudentiels appliqués, et surtout le taux d’intérêt pratiqué (10%/mois), les placent en dehors du cadre légal (le taux légal pour les SFD étant plafonné à 27%/an). Par ailleurs, les ASF ne disposent pas actuellement d’une structure faîtière : une Union des ASF ou une “société holding” sont les hypothèses envisagées pour construire cette structure. Dans leurs conditions de développement actuel, les ASF de base semblent pouvoir atteindre l’équilibre financier au bout de 3 ou 4 ans, du fait de leur faible coût de fonctionnement. Deux facteurs peuvent cependant modifier assez fortement les perspectives d’équilibre financier : - la prise en charge par les ASF des coûts de la structure d’encadrement

actuellement assurée par les projets, - le développement dans des zones économiquement moins développées qui sera

inévitable au regard des objectifs fixés aux projets (180 ASF dans le cadre du PROMIC par exemple).

Les questions les plus aigües se posent en terme de viabilité sociale. L’évaluation des ASF, conduite par le FIDA en 1998, a mis en évidence des points forts déterminants du système ASF :

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- forte appropriation sociale par le droit de propriété conféré par l’achat d’action

(alors que dans les COOPEC par exemple, la cotisation est plus considérée comme un droit d’entrée que comme un droit de propriété du SFD),

- forte proximité du SFD et maîtrise locale de sa gestion, - développement autonome au rythme de la base, permettant un apprentissage et

une progression du système en fonction des besoins locaux. Par contre, le concept de l’ASF, proportionnant le pouvoir au sein du SFD en

fonction du capital détenu, présente un risque important de renforcement des clivages sociaux. L’évaluation de 1998 a permis d’analyser la composition de l’actionnariat et les rapports de force induits dans le système. Sur les 5 ASF du Bénin, il apparaît que les petits actionnaires sont majoritaires en nombre (53% des actionnaires) mais fortement minoritaires en capital (13% du capital). A l’opposé, les gros actionnaires représentent 8% des actionnaires et détiennent 35% du capital. Les petits actionnaires constituent par contre la majorité des emprunteurs, alors que les gros actionnaires empruntent très peu à l’ASF.

On observe donc l’émergence de deux catégories de bénéficiaires : les petits

actionnaires pour qui l’accès au crédit est déterminant et qui acceptent de payer cet accès à un prix élevé, compte tenu de la rareté de l’argent sur le marché financier rural ; les gros actionnaires, qui détiennent le pouvoir dans le système, sont motivés par la rémunération du capital placé et ont donc intérêt à maintenir des taux d’intérêts élevés dans le système. Il y a donc là un risque d’accentuation de la différenciation sociale et économique au sein des communautés villageoises.

Enseignements à retirer de cette expérience par rapport à la problématique du

financement de l’agriculture Dans sa configuration actuelle, l’ASF n’est pas un outil de financement de

l’agriculture, et l’expérience montre que son utilisation en tant que telle fait courir des risques importants à la structure. Cependant, trois inflexions peuvent être apportées à ce constat :

- dans les zones de forte pluri-activité où les revenus sont diversifiés et réguliers

tout au long de l’année, le crédit à court terme des ASF peut couvrir les besoins de consommation après les récoltes agricoles et éviter ainsi la vente de la production au moment où les prix sont les plus défavorables ; par contre, dans les zones plus arides de monoactivité agricole, les modalités du crédit ASF ne permettent pas cette souplesse ;

- la capacité d’évolution interne de ce système, entièrement géré par les

communautés locales, est très forte et pourrait facilement conduire, sous la pression d’une demande locale forte pour le financement agricole, à une adaptation des services financiers plus favorable à l’agriculture ;

- la forte décentralisation des ASF et leur bon ancrage social local sont des atouts

qui pourraient être valorisés à travers des partenariats avec d’autres structures capables, elles, d’apporter les services financiers nécessaires au développement agricole. Bien que difficiles pour l’instant du fait d’un contentieux de concurrence et de conflit, des négociations dans ce sens sont conduites entre les ASF et la FECECAM.

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4.3.4. Les Banques Communautaires du CRS 24 Principales caractéristiques Le concept de Banques Communautaires (BC) est développé depuis 1988 par le Catholic Relief Service (CRS) avec l’appui de l’USAID. Créé en 1943, le CRS est une ONG catholique américaine implantée dans une cinquantaine de pays d’Asie et d’Afrique (un budget de 214 millions US$ en 1996) ; longtemps engagé dans des actions strictement caritatives, le CRS s’est réorienté, au début des années 80, vers le développement dans les domaines de santé publique, d’appui à l’agriculture, d’alphabétisation et de renforcement des services financiers. Dans chacun de ces domaines, l’ONG s’appuie sur des ONG locales pour l’exécution des activités. La banque communautaire est un SFD de proximité, établie au niveau du village. Elle est constituée par une cinquantaine de membres volontaires, adhérant individuellement, mais insérés dans des groupes de crédit solidaire de 4 à 10 personnes. Les BC sont essentiellement ciblées sur les femmes (80 % des membres). Le concept de BC repose largement sur les approches de la Grameen Bank du Bangladesh, assouplies pour s’adapter au contexte de l’Afrique de l’Ouest. Au Bénin, les BC ont été créées en 1992 et se sont développées avec l’appui de trois ONG locales (CERIDA, CREDESA, GRAPAD), dans les régions du Sud. Les trois ONG ont développé des compétences en microfinance, mais ne sont pas spécialisées, assurant par ailleurs des actions de santé primaire, d’appui au développement agricole, de gestion des ressources naturelles. En fin 1997, 73 BC totalisaient environ 3.600 membres. Organisation des services financiers Les BC offrent un produit d’épargne (DAV), et du crédit à court terme. L’épargne collectée alimente un compte interne qui est transformé en crédit et complète la ligne de crédit extérieur dont dispose les BC. L’accès au crédit est conditionné à l’adhésion à la BC et à l’appartenance à un groupe de caution solidaire qui est le premier échelon de validation de la demande de crédit de l’individu. Le montant du crédit octroyé est proportionnel à l’épargne de l’emprunteur. Limité à un plafond de 25.000 FCFA au premier cycle, le montant peut ensuite augmenter progressivement jusqu’à un plafond maximal de 100.000 FCFA. Le crédit moyen était de l’ordre de 35.000 FCFA en 1997, pour une épargne variant dans une fourchette de 5 à 10.000 FCFA /emprunteur. Le crédit est garanti par une épargne initiale bloquée à 20% et par la caution solidaire du groupe. Le choix de l’objet financé revient à l’emprunteu,r mais doit être discuté et validé par le groupe. Le crédit est d’une durée de 6 mois ; le taux d’intérêt est de 15% fixe sur 6 mois, 10% revenant à l’ONG d’appui, 3% allant à la capitalisation de la BC et 2% étant prévus pour couvrir les créances douteuses. Du fait du mode de calcul par taux fixe, le taux effectif réel est en fait beaucoup plus élevé, de l’ordre de 26% sur 6 mois. Les activités financées par les femmes par le crédit BC sont essentiellement le commerce et la transformation de produits agricoles.

24 Source : Leege D., 1997. Quel objectif pour la pérennisation des SFD : faut-il choisir entre équité et efficacité ?

Le cas des Banques Communautaires du CRS au Bénin. Etude CRS/CIRAD/ENSAM. Septembre 1997.

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Enseignements à retirer de cette expérience par rapport à la problématique du financement de l’agriculture Le crédit direct à l’agriculture est très faible : de 2 à 5% du portefeuille des BC en moyenne, il peut être un peu plus élevé (10%) dans des zones spécifiques, mais, globalement, il n’est pas encouragé par le SFD qui le juge trop risqué. Une étude CRS/CIRAD25, effectuée en 1997, montre que l’intérêt du cas des BC réside dans les mécanismes de financement indirects de l’agriculture que le crédit permet de développer. Dans les zones d’implantation des BC au Sud du Bénin, la pluri-activité est dominante chez les hommes comme chez les femmes qui ont couramment de 2 à 4 sources de revenus réguliers différents (voire 5). Cette pluri-activité est favorisée par les conditions agro-climatiques permettant une forte diversification des productions agricoles, par les potentialités de la pêche, du petit élevage, par la proximité de grandes villes et, dans bon nombre de zones, par des infrastructures de transport relativement développées. La part de l’agriculture dans les revenus diminue à mesure que l’on monte dans l’échelle sociale locale. La région Sud du Bénin est également caractérisée par une monétarisation ancienne et un développement important et ancien lui aussi, des systèmes de financement informels (tontines, banquiers ambulants, usuriers...). Le développement des SFD dans cette zone ne semble pas avoir fait reculer les pratiques de crédit informel. Les usuriers sont toujours présents et leurs taux d’intérêt restent particulièrement élevés (les enquêtes effectuées dans la zone des Terres de barre et des pêcheries où les BC sont développées), donnaient des exemples de crédit usurier de 1.000 FCFA remboursés 1.200 FCFA 5 jours plus tard, soit un taux de 1.460%/an...). De même, les tontines restent fortement développées et les femmes clientes des BC sont couramment membres de 3 ou 4 tontines de montant et de rythme différents (100 FCFA/jour, 500 FCFA/jour, 1.000 FCFA/15 jours, 5.000 FCFA/mois). Des formes de synergie apparaissent entre tontines et le SFD : le groupe de tontine est souvent le même que le groupe solidaire de la BC, la cagnotte de la tontine sert partiellement à rembourser le crédit auprès de la BC. Des mécanismes élaborés de financement agricole démontrent la capacité des emprunteurs à faire des arbitrages judicieux entre les différents systèmes financiers en fonction des caractéristiques des activités financées. Le crédit court terme et de petit montant de la BC est, en général, utilisé pour financer des activités de commerce, générant des revenus quotidiens ou hebdomadaires. Une partie de ces revenus peut être utilisée pour financer directement des petites dépenses agricoles (achat d’engrais ou de plants, achat de main d’œuvre) ; mais le plus souvent, ces revenus sont investis par les femmes dans leurs tontines ; les petites tontines servent à alimenter les plus grosses tontines, et ce sont finalement les cagnottes des grosses tontines qui sont utilisées pour réaliser les investissements agricoles plus lourds (location de terre ou d’équipement, voire investissements dans de l’équipement qui restent néanmoins rares). Consultées sur

25 LEEGE D, 1997. Quel objectif pour la pérennisation des systèmes financiers décentralisés : faut-il choisir entre

équité et efficacité ? Le cas des Banques Communautaires du CRS au Bénin. Mémoire de DEA CIRAD/ENSAM/Université Montpellier 1.

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cette stratégie de gestion, les femmes ont déclaré préférer utiliser le crédit de la BC pour les activités très rentables et sûres, et réserver le produit de la tontine pour financer les activités nécessitant de plus gros montants ou plus risquées comme l’agriculture. La cohabitation, dans les mêmes zones, de Caisses Locales de Crédit Agricole et Mutuel et de BC, est également révélatrice des stratégies paysannes. Un certain nombre de clients des CLCAM prennent également du crédit auprès des BC, dont les taux sont pourtant nettement plus élevés (30%/an pour les BC, 17%/pour les CLCAM). Cette stratégie semble correspondre à une volonté de diversifier les sources de financement face au risque de voir disparaître certaines d’entre elles ; elle répond également à l’insuffisance du crédit que peuvent consentir les CLCAM ; par ailleurs, certains services fournis par les BC, notamment l’alphabétisation, semblent être un facteur important de l’intérêt pour cette forme de SFD.

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IV - SYNTHESE 1. FACTEURS DE PRODUCTION AGRICOLE Il n’y a pas eu au Bénin de recensement agricole récent et la qualité relative des

statistiques ne permet pas une analyse précise des évolutions récentes du secteur agricole en pleine mutation. C’est un frein à la détermination d’une politique rationnelle.

Le potentiel agricole du pays est relativement important au sein de la Région. Il

repose sur les cultures vivrières de subsistance, mais aussi d’exportation vers les pays limitrophes, et sur le coton. Des possibilités de diversification existent pour le palmier à huile, la noix cajou, le karité et surtout les cultures fruitières, ananas, ou maraîchères, mais sont peu valorisées.

L’élevage et la pêche apportent une contribution non négligeable, mais les filières

restent inorganisées et bénéficient de très peu d’appuis, alors que la productivité pourrait être améliorée et leur permettrait une participation importante à la production du secteur. La production forestière reste marginale, alors qu’elle présente un certain potentiel de développement.

Le statut foncier des terres agricoles est encore déterminé principalement par le

droit coutumier, mais une expérience de sécurisation foncière a été réalisée sur financements extérieurs et devrait être poursuivie.

L’organisation de la production agricole au Bénin est en phase de profonde mutation

qui se traduit, au moins dans un premier temps, par une détérioration dans de nombreux domaines :

- Extensification des diverses cultures dont les superficies s’accroissent, mais dont

les rendements baissent, - Décapitalisation et, notamment, diminution des équipements par suite de

l’abandon des structures anciennes d’encadrement et de la diminution des crédits moyens termes,

- Baisse de qualité des intrants et disparité de distribution en raison de la multiplication des intervenants privés,

- Incertitudes sur la commercialisation en raison d’une gestion anarchique des filières, suite à la disparition des organismes publics et dans l’attente de la relève par une organisation professionnelle forte,

- Déstructuration de l’encadrement technique.

Cependant, un certain nombre de facteurs positifs apparaissent, qui permettent

d’espérer une amélioration à terme. Il s’agit de renforcer : - Prise de conscience de l’importance du foncier et projet de sécurisation, - Décentralisation au profit de collectivités locales et déconcentration des services

de l’Etat, - Croissance vive des OP, - Action des ONG.

2. LES ACTEURS DU SECTEUR AGRICOLE

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L’analyse de la situation du Bénin est riche d’enseignements sur la question du

financement de l’agriculture, dans un contexte marqué par la libéralisation économique et la démocratisation de la vie publique.

La démocratisation qui progresse a contribué au renforcement des organisations issues de la société civile, au sein desquelles les organisations paysannes et les ONG de développement sont particulièrement actives. Les organisations paysannes béninoises sont relativement anciennes, et principalement issues de la filière coton, même si quelques OP thématiques se structurent progressivement. La libéralisation de la filière coton confère aux OP des responsabilités croissantes et a stimulé l’émergence d’organisations faîtières qui deviennent des interlocuteurs incontournables dans le dialogue politique national. Ces OP ont, pour l’instant, peu d’activités économiques génératrices de revenus, en dehors du coton.

Leur dynamisme et leur capacité d’innovation sont fragilisés par un manque de

formation, de compétences techniques et de gestion, ainsi que par des problèmes de gouvernance. Des programmes de renforcement de ces compétences sont en cours, mais cet effort d’appui ne pourra porter ses fruits que s’il s’inscrit dans une durée suffisamment longue pour permettre une réelle appropriation paysanne.

Les OP cotonnières participent à la mise en œuvre des services de financement de

l’agriculture par la SONAPRA (société de développement) et la FECECAM (réseau mutualiste indépendant), en assurant au niveau des GV (groupement villageois de producteurs de coton) la sélection des demandes de crédit, en garantissant le crédit par la caution solidaire, et en assurant la collecte des remboursements par prélèvement direct à la vente du coton.

3. LE CONTEXTE DU FINANCEMENT DES FILIERES AGRICOLES 3.1. Les financements publics Ils sont en forte diminution et reposent essentiellement sur l’aide extérieure, sur la

base de “ Projets ” dont la cohérence et la coordination ne sont pas toujours assurées. Par ailleurs, certains projets prévoient des lignes de crédit aux producteurs, dont les conditions et surtout le niveau des remboursements obtenus ont un effet déstabilisateur sur la perception des contraintes du crédit, trop souvent assimilé à une subvention de l’Etat. Ce sentiment est accru quand, pour des raisons sociales ou politiques, on renonce à recouvrer les impayés.

3.2. Les financements bancaires Il n’existe plus d’institution spécialisée dans le financement du secteur rural, ce qui

fait qu’il n’y a pratiquement plus de crédits d’équipement, en dehors de ceux prévus dans les projets, et que même les crédits d’approvisionnement en intrants ne sont plus accessibles à l’ensemble des producteurs. La participation des banques commerciales au financement du secteur rural reste marginale et les quelques concours sont accordés à des sociétés ou individus sur la base des garanties offertes et non sur les projets agricoles eux-mêmes.

La désorganisation actuelle de la filière cotonnière, liée à une politique de

libéralisation imposée de l’extérieur et mal maîtrisée, ont provoqué de fortes incertitudes sur son évolution. De plus, son financement échappe de plus en plus

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aux banques locales, avec l’influence croissante des grands groupes étrangers et de leurs financements spécifiques.

3.3. L’action des SFD L’exemple du Bénin montre que les SFD peuvent contribuer de manière significative

au financement de l’agriculture. Le secteur de la microfinance y est structuré autour de deux pôles : la FECECAM, qui est le plus important des réseaux mutualistes d’Afrique de l’Ouest et une quinzaine de petits SFD de nature diverse (mutualistes, projets à volet de crédit, ASF, Banques communautaires..) et souvent de très petite taille, mais qui contribuent à une décentralisation forte de l’offre de financement en zone rurale.

La FECECAM investit annuellement de 40 à 50% de son portefeuille de crédit dans

le financement de l’agriculture. Elle finance des crédits de campagne de la production cotonnière, mais propose aussi des crédits à l’équipement qui ont contribué au développement de la culture attelée au Bénin. En 1997 et 1998, la contribution de la FECECAM à l’agriculture a été de l’ordre de 5 milliards par an. Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce “succès” :

- l’approche résolument mutualiste adoptée lors de la réhabilitation du réseau au

début des années 90, a permis de recréer un réseau décentralisé, géré par les populations locales, dans lequel la Fédération, créée ultérieurement, n’a qu’un rôle de contrôle, de formation et de conseil. Cette structure décentralisée au niveau des bourgs ruraux a également permis une prise en compte forte des besoins et des contraintes en matière de financement, ainsi qu’une mobilisation croissante de l’épargne locale ;

- une compétence technique pré-existait dans le réseau et a été maintenue et

développée au moment de la réhabilitation ; - néanmoins, le facteur décisif de la réussite reste l’insertion forte du financement

FECECAM dans la filière intégrée du coton, qui, jusque dans les dernières années, assurait aux producteurs une stabilité, voire une croissance de leurs revenus et permettait au SFD de sécuriser son dispositif de crédit par le mécanisme de la caution solidaire des GV.

Cependant, la libéralisation de la filière coton qui a été engagée en 1998, conjuguée

aux difficultés engendrées par la crise de croissance que connaît la FECECAM depuis 1997, risquent de remettre en cause ces acquis. Plusieurs problèmes se posent ainsi à la FECECAM par rapport au financement de l’agriculture :

- la FECECAM est de moins en moins “la banque des paysans” : une stratégie de

limitation des risques l’a conduite à diversifier un portefeuille de crédit qui initialement était fortement agricole, par des investissements plus urbains, auprès des commerçants et des fonctionnaires ; les problèmes actuels que connaît le secteur agricole risque de renforcer encore cette orientation ;

- l’ensemble du système de crédit à l’agriculture est centré sur la filière coton ; la

libéralisation de la filière remet en cause le dispositif de sécurisation du crédit : la pérennité du dispositif de financement de l’agriculture dépendra donc, d’une part, de la capacité des différents opérateurs à mettre en place de nouveaux mécanismes de régulation et, d’autre part, de la capacité de la FECECAM a s’ouvrir au financement d’autres productions et activités agricoles ;

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- le développement de l’économie agricole et sa diversification ne peuvent être assurés sur la base du seul crédit à court terme ; la FECECAM a développé, avec un relatif succès, le crédit à moyen terme à l’équipement ; deux problèmes, entre autres, se posent pour ce produit : comme le crédit de campagne, il est fortement dépendant des mécanismes de sécurisation liés à la filière coton ; son développement est freiné par le manque de ressources longues ; l’épargne collectée par la FECECAM est trop limitée et trop instable pour soutenir un crédit à moyen terme qui, actuellement, est essentiellement octroyé à partir de ressources extérieures.

Au-delà du seul financement de l’agriculture, c’est la dynamique globale de la

FECECAM qui est menacée aujourd’hui par la crise de croissance mal maîtrisée que vit l’institution.

Autour de la FECECAM, se sont développés dans les dernières années de petits

SFD de différente nature : réseaux ou caisses mutualistes, caisses villageoises, ASF, Banques communautaires, projets à volet de crédit. Leurs performances et leus capacités de durabilité sont très variables. Par rapport au réseau de la FECECAM, ils présentent l’avantage d’être plus décentralisés et souvent plus appropriés pour les communautés villageoises les plus reculées.

Les performances de ces petits SFD sont variables. La “réussite” des plus

satisfaisants d’entre eux (la FENACREP par exemple, qui touche environ 30.000 bénéficiaires et affiche un taux de remboursement de 100%) semble notamment liée à des prestations de services connexes au financement : encadrement agricole, approvisionnement, appui à la commercialisation. Tout le problème étant de savoir comment financer durablement ces services quand le projet d’appui sera achevé.

Ces petits SFD présentent aussi une capacité d’innovation particulièrement

intéressante, ancrée dans leur connaissance des milieux locaux. Les mutuelles de santé développées par la FENACREP, en articulation avec les CREP, sont un exemple de cette capacité d’innovation qui s’attaque au domaine des assurances, encore peu exploré et pourtant crucial pour le développement.

Bien que l’heure soit encore à la concurrence et au manque de coordination entre

SFD, une complémentarité entre ces petits réseaux et la FECECAM commence à être envisagée (refinancement, placement de l’épargne) et pourrait être régulée au sein de l’Association Professionnelle des SFD qui serait en cours d’émergence.

Un dernier point dans l’expérience du Bénin est à souligner. Plusieurs expériences

de formation des exploitants agricoles par la méthode du “conseil de gestion” ont été développées dans différentes régions du Bénin. Cette méthode de formation, visant à donner aux exploitants une capacité à enregistrer, analyser, et améliorer la gestion de leur exploitation, a un double intérêt pour la problématique du financement de l’agriculture :

- elle permet à l’exploitant de mieux formuler et maîtriser son projet de

financement, - elle peut fournir à l’institution de financement les références qui lui font

actuellement défaut en matière d’évaluation économique des projets agricoles.

Développer le conseil de gestion pourrait donc être un moyen indirect, mais particulièrement efficace, de soutenir et de développer le crédit à l’agriculture.

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Conclusion Le Bénin est dans une phase de transition qui présente des risques certains, mais

aussi des opportunités pour engager des réformes indispensables à un meilleur développement du secteur rural, sur des bases pérennes et non en fonction des contraintes conjoncturelles actuelles.

Il sera donc particulièrement utile d’analyser la réponse spécifique, qui pourra être

décidée par toutes les parties concernées du Bénin et de la Commission de l’UEMOA, aux propositions générales qui seront faites dans le cadre de la présente étude.

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SIGLES ET ABREVIATIONS

AFD Agence Française de Développement AGEFIB Agence de Financement des Initiatives de Base AIC Association Interprofessionnelle du Coton ASF Association de Services Financiers BIRD-BM Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement – Banque

mondiale BOA Bank of Africa-Benin CAB Chambre d’Agriculture du Bénin CAGIA Coopérative d’Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles CARDER Centre d’Action Régional pour le Développement Rural CECO Cellule de Concertation Economique CETA Centre d'Etudes Techniques Agricoles CIDR Centre International de Développement et de Recherche CLCAM Caisse Locale de Crédit Agricole Mutuel CNCA Caisse Nationale de Crédit Agricole CRCAM Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel CREP Caisse Régionale d’Epargne et de Crédit CRS Catholic Relief Service DRSA Direction Régionale des Services Agricoles FCFA Franc de la Communauté Financière Africaine FECECAM Fédération des Caisses d'Epargne et de Crédit Agricole Mutuel FENACREP Fédération Nationale des Caisses Rurales d'Epargne et de Prêt FENOPAB Fédération Nationale des Organisations de Producteurs d’Ananas du Bénin FUPRO Fédération des Unions de Producteurs GV Groupement Villageois ISPEC Institut Supérieur Panafricain d’Economie Coopérative LPDR Lettre de Politique de Développement Rural MDR Ministère du Développement Rural ONG Organisme Non Gouvernemental ONS Office National de Stabilisation et de soutien des prix des produits agricoles OPA Organisme Professionnel Agricole PADSE Projet d ‘Amélioration et de diversification des Systèmes d’Exploitation du Zou

et du Borgou PAGER Projet de Gestion des Activités Génératrices de Revenus PASA Plan d’Ajustement du Secteur Agricole PARMEC Programme d'Appui Régional aux Mutuelles d'Epargne et de Crédit PASMEC Programme d'Appui aux Systèmes Mutuels d'Epargne et de Crédit PIB Produit Intérieur Brut PILSA Projet d’Intervention Locale pour la Sécurité Alimentaire PIP Programme d’Investissements Publics PROMIC Projet Microfinance et Commercialisation PRSA Projet de Restructuration des Services Agricoles SFD Système de Financement Décentralisé SONAPRA Société Nationale pour la Promotion Agricole SNVA Service National de Vulgarisation Agricole UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africaine USAID US Aid – Agence des Etats-Unis pour le Développement International USPP Union Sous-Préfectorale de Producteurs UDP Union Départementale de Producteurs

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PERSONNES RENCONTREES