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    Chasss detoutes partsLEs ExpULsINs fRcEsE Rs EN LE-E-fRaNcE

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    Photo de couverture: Cn n n sn-sn-dn, n- p. L ll q y vvn nvn nll l v l c Vllnv-l-r (Vl--mn) l 11 b 2012.

    Quatrime de couverture: L n n ll , nlenn, p. L cbn n lqll ll vv vy l l l ln, l 27 2012. any innnl

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    TABLE DES MATIRES1. Introduction .............................................................................................................5

    1.1 Le contexte politique............................................................................................71.2 Recherche et mthodologie .................................................................................13

    2. Le cadre juridique international................................................................................152.1 Les expulsions forces et le droit un logement convenable...................................15 2.2 Le droit un logement convenable et ne pas subir de discrimination....................17

    3. Le cadre juridique national ......................................................................................193.1 Le droit un logement convenable ......................................................................193.2 Le droit au logement opposable (DALO) ...............................................................193.3 Le droit lhbergement durgence......................................................................203.4 Les procdures dexpulsion.................................................................................21

    4. Les expulsions forces de campements informels roms ...............................................234.1 Labsence de consultation, dinformation et de pravis suffisants ...........................234.2 Le caractre inadapt des voies de recours...........................................................27

    Les obstacles pour accder laide juridictionnelle..................................................27Lincapacit faire valoir le droit un logement convenable lors des procduresdexpulsion ..........................................................................................................27Le droit de faire appel...........................................................................................30Les rparations aprs lexpulsion............................................................................30

    4.3 Le manque de propositions de solutions de relogement convenables .......................30La pnurie de lhbergement durgence ..................................................................31Les villages dinsertion..........................................................................................32Les conditions de vie dans les campements informels ..............................................34

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    Laggravation des mauvaises conditions de logement suite aux expulsions forces ...... 36Des expulsions forces rptition ........................................................................ 38

    5. La vulnrabilit dautres atteintes aux droits humains..............................................425.1 Limpact des expulsions forces sur la sant ........................................................425.2 Les consquences des expulsions forces sur lducation ......................................43

    Linscription........................................................................................................44La frquentation scolaire ...................................................................................... 44Les expulsions forces..........................................................................................46

    6. Conclusions et recommandations ............................................................................. 49Recommandations................................................................................................... 51Notes...................................................................................................................... 54

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    1. INTRODUCTION

    Je souhaite que, lorsquun campement insalubreest dmantel, des solutions alternatives soientproposes. On ne peut pas continuer accepterque des familles soient chasses dun endroit

    sans solution. Cela les conduit sinstallerailleurs, dans des conditions qui ne sont pasmeilleures. Franois Hollande (alors candidat aux lections prsidentielles), le 27 mars 2012, dans une rponse un courrier du Collectif

    Romeurope.

    Des dcisions sont prises par la justice, nousdevons les suivre, mme sans solutions

    immdiates; sil y a un risque pour la scurit, unrisque sanitaire, les expulsions auront lieu ; lesvacuations ne seront pas conditionnes lexistence de solutions Manuel Valls, ministre de lIntrieur, lors dune rencontre avec Amnesty International, le 31 aot 2012.

    Chaque anne, en France, des milliers de Roms sont victimes dexpulsion force descampements informels et des squats qu'ils occupent.1 La plupart du temps, ce sont des

    familles entires qui sont ainsi mises la rue, souvent sans quon leur propose la moindresolution de relogement ou avec la promesse dun hbergement provisoire et insuffisant.Chasses de chez elles, ces familles se retrouvent dans une situation encore plus prcairequ'auparavant. Ces expulsions forces ont gnralement lieu sans vritable information,consultation ou pravis suffisant. La loi franaise ne permet pas aux personnes de faire valoirleur droit fondamental ne pas tre soumis une expulsion force.

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    Or, les expulsions forces ne font qu'aggraver la prcarit qui rgne dans nombre decampements informels, bien souvent dpourvus, totalement ou en partie, des services lesplus lmentaires (eau courante, lectricit, collecte des ordures, etc.). Les famillesexpulses perdent frquemment non seulement leur logement, mais galement leurs biens,et sont contraintes repartir de zro. Ces expulsions forces rptition sont traumatisantes

    et ont des consquences nfastes, aussi bien directes qu'indirectes, sur la jouissanced'autres droits humains, comme, par exemple, le droit l'ducation ou le droit la sant.Amnesty International appelle le gouvernement franais et les prfets de France mettreimmdiatement un terme aux expulsions forces et de ne plus xcuter les dcisionsdexpulsion tant que tous les habitants des campements ne disposeront pas de toutes lesgaranties juridiques internationales destines les protger de ce type de mesure.

    Fruit de recherches sur le terrain menes en France au cours de quatre missions, en fvrier,mai, juin et septembre 2012 (ainsi que dune tude prliminaire, ralise en septembre2010), le prsent rapport passe en revue les lacunes du cadre juridique national franais enmatire de protection des personnes contre les expulsions forces. Il traite en particulierde la rgion parisienne (le-de-France), en donnant des exemples prcis dexpulsion force,

    ainsi que des tmoignages de Roms migrants -essentiellement originaires de Roumanie-victimes de tels agissements. Il intervient dans un contexte marqu par la politique dugouvernement prcdent, qui avait explicitement cibl les Roms, et par celle dugouvernement actuel, qui, bien que moins hostile et plus influence par la terminologie desdroits humains, a malheureusement pour linstant peu prs les mmes consquencesdramatiques pour ceux et celles qui vivent dans des campements informels, puisque queceux-ci sont toujours victimes dexpulsions forces et se retrouvent ensuite sans abri ou sanssolutions de relogement satisfaisantes.

    QUEST-CE QUUNE EXPULSION FORCE ?Une expulsion force est une atteinte aux droits humains qui consiste obliger des personnes quitter contreleur volont le domicile ou le terrain quelles occupent, sans aucune protection juridique et hors du cadre

    d'une procdure lgitime.2

    Aux termes du droit international, les expulsions ne doivent tre pratiques quendernier ressort et uniquement aprs examen de toutes les autres solutions possibles, en relle concertationavec les occupants touchs. Les autorits doivent les prvenir suffisamment lavance et leur proposer desrecours juridiques et une indemnisation pour tous les prjudices subis. Elles doivent veiller ce que personnene se retrouve sans domicile ni expos dautres atteintes aux droits humains la suite dune expulsion. Lespersonnes qui ne peuvent pas se reloger elles-mmes doivent se voir proposer une solution adapte. Cesgaranties sappliquent en toutes circonstances, que les personnes occupent ou dtiennent lgalement ou nonles terrains ou les locaux o elles vivent. Les gouvernements doivent sabstenir de procder des expulsionsforces et ils nont pas le droit de recourir de telles actions des fins punitives.

    Une expulsion mene par la force ne constitue pas toujours une expulsion force. Si toutes les garanties etprotections lgales exiges par le droit international sont mises en place et respectes, et si le recours la

    force reste proportionn et raisonnable, alors lexpulsion peut ne pas violer linterdiction de procder desexpulsions forces.

    Les consquences des expulsions forces sont bien souvent catastrophiques. Les personnes expulses perdentleurs biens et leurs liens sociaux, et se retrouvent prives daccs au travail, lducation et aux services desant. La plupart se retrouvent sans domicile, encore plus exposes quauparavant des atteintes aux droitshumains.

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    On estime environ 15 000 le nombre deRoms migrants vivant en France. La plupartdentre eux sont originaires de Roumanie ;quelques-uns viennent de Bulgarie (cesdeux pays sont devenus membres de

    lUnion europenne en 2007).3 Lalgislation franaise limite trois mois ladure du sjour des trangers ressortissantsde lUnion europenne (cas des Romscitoyens des nouveaux tats membres) nejustifiant pas d'un emploi et de ressourcessuffisantes. Les personnes qui nerespectent pas cette disposition peuventfaire lobjet dun internement dans descentres de rtention administrative et dunrenvoi forc. En outre, les ressortissants del'Union europenne originaires des derniers

    pays avoir rejoint celle-ci ne sont pasautoriss exercer certains emplois, envertu de mesures transitoires dcrtespar le gouvernement franais et censess'appliquer jusqu'au 31 dcembre 2013.4Les migrants roms venant dEurope de lEstcherchent bien souvent fuir lesdiscriminations et les difficults socio-conomiques dont ils souffrent dansleur Abri de fortune dans un campement informel Ris-Orangisdansleur pays dorigine. En Roumanie par Amnesty Internationalexemple, les Roms sont surreprsentsparmi les catgories les plus pauvres de la population. Ils sont victimes de discriminations etdexpulsions forces rptition. Lorsquils sont relogs, cest souvent proximit dedcharges, de stations dpuration ou de zones industrielles situes la priphrie des villes,posant donc des risques sanitaires apparents.5

    1.1 LE CONTEXTE POLITIQUEEn juillet 2010, Nicolas Sarkozy, alors prsident de la Rpublique franaise, a commenc tenir des propos discriminatoires stigmatisant les Roms, appelant la fermeture de tous lescampements en situation irrgulire et une campagne rpressive pour mettre un termeaux problmes que posent les comportements de certains parmi les Gens du voyage et lesRoms, sans prciser quels problmes il faisait allusion.6 Dans un communiqu faisantsuite une runion interministrielle consacre aux Roms, puis lors d'un discours prononcle 30 juillet Grenoble, Nicolas Sarkozy a tabli un lien manifeste entre les Roms et ladlinquance dans sa communication publique.7 Le 29 aot 2011, lors dune interviewtlvise, le ministre de lIntrieur Claude Guant a montr du doigt la dlinquanceroumaine,8 mettant apparemment en rapport l'origine des personnes et leur propension commettre des infractions pnales. Il a appel un durcissement des mesures prises pourcombattre les crimes imputables aux mineurs roumains et une coopration accrue avec lesautorits roumaines afin de faciliter leur retour en Roumanie.

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    En aot 2010, les autoritsfranaises, sous la directionconjointe du ministre delIntrieur Brice Hortefeux etdu ministre de lImmigration

    ric Besson, ont annoncune srie d'expulsionsforces de personnes rsidantdans des campements nonautoriss et de renvoisdtrangers ressortissants del'Union europenne(essentiellement des Roms).9Cette nouvelle phase,

    Circulaire du 5 aot 2010 relative aux vacuations des campements illicites intervenant alors que les Amnesty International expulsions forces, suivis de

    retours forcs ou

    volontaires , constituaient dj une pratique courante, tait dautant plus proccupantequelle tait assortie de mesures telles que la dfinition dobjectifs chiffrs en matiredexpulsions du territoire franais (le ministre de l'Immigration avait par exemple fix 800le nombre d'expulsions raliser en aot 2010).10

    Un travail dinvestigation men par des journalistes a rvl en septembre 2010 que leministre de lIntrieur avait fait parvenir tous les prfets une circulaire indiquant que lescamps habits par des Roms devaient tre vacus en priorit.11 Ces rvlations, quimettaient en vidence la politique hostile du gouvernement franais lgard dun groupeethnique particulier, ont suscit de nombreuses critiques de la part dorganisations dedfense des droits humains, de parlementaires ou encore dorganismes internationaux.12 Leministre de l'Immigration de l'poque s'est content, pour toute rponse, de nier toutevolont de la France de s'en prendre spcifiquement aux Roms. Une nouvelle circulaire ne

    faisant plus explicitement rfrence aux Roms a t mise peu aprs par le ministre del'Intrieur. Celle-ci, en date du 13 septembre 2010, mentionnait simplement touteinstallation illgale, quels quen soient les occupants . Plusieurs ONG, dont AmnestyInternational, considraient nanmoins que, mme si les circulaires du ministre delIntrieur ne dsignaient plus explicitement les Roms, ces derniers restaient dans la pratiqueles cibles dsignes des expulsions forces. Le Comit europen des droits sociaux (voirlencadr plus loin) a dailleurs considr que les vacuations forces, telles que ralises autitre de la nouvelle circulaire, constituaient des actes de discrimination indirecte, contrairesaux obligations de la France en matire de droits humains.13

    Le nouveau ministre de l'Intrieur de Nicolas Sarkozy, Claude Guant, a poursuivi en 2011 et2012 la politique dobjectifs chiffrs arbitraires en matire dexpulsions d'trangers en

    situation irrgulire sur le territoire franais. Les vacuations de camps roms ont continu un rythme soutenu en 2011 et 2012. Selon les estimations effectues par des ONG partirdes informations parues dans la presse, 158 camps et squats roms, abritant au total 16 808personnes, auraient t dmantels en France en 2011 et au cours des neuf premiers moisde l'anne 2012.14 Certaines de ces expulsions, outre le fait qu'elles mettaient la rue dujour au lendemain des dizaines, voire des centaines de Roms, semblaient avoir t menesavec un manque vident de coordination, sans que, apparemment, les pouvoirs publics ne

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    sachent trs bien quelle marche suivre, une fois les camps vacus. 15 Des ONG ontgalement signal des cas isols dincendies prsums criminels dont auraient fait lobjetdes campements roms.16

    Les estimations chiffres avances par les ONG concernant le nombre dexpulsions forces

    ayant eu lieu en 2011 et 2012 n'ont pas pu tre vrifies de manire indpendante parAmnesty International, et elles ne peuvent pas rendre compte de toute l'ampleur duphnomne, dans la mesure o elles ne prennent en considration que les vacuationssignales par la presse ou par des associations ou groupes de soutien locaux. Elles donnentcependant une bonne indication de la frquence des actions menes contre descommunauts roms installes dans des campements informels. Amnesty International avaitformellement demand au gouvernement prcdent quil lui communique des donnesofficielles, sachant que la circulaire cite plus haut exigeait des prfets quils tiennent unecomptabilit dtaille de ces interventions. Cette demande est reste lettre morte. AmnestyInternational a renouvel sa dmarche auprs du gouvernement actuel, dont elle attend larponse.

    La Commission europenne a galement entrepris de se pencher, pendant lt 2010, sur lalgalit et la conformit de la politique du gouvernement franais de l'poque concernant lesRoms au regard de la lgislation communautaire relative la libert de dplacement desressortissants de l'Union europenne. Le 14 septembre 2010, Viviane Reding, commissaireeuropenne en charge de la Justice, a critiqu les expulsions massives de Roms effectuespendant lt 2010 par le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Le 29 septembre, elle amenac d'engager contre la France une procdure pour violation de ses obligations, en raisonde son application discriminatoire de la Directive europenne relative la libert decirculation, pour finalement renoncer une telle dmarche le 19 octobre suivant.

    Viviane Reding a dclar en aot 2012, en raction plusieurs dclarations de l'actuelministre de l'Intrieur Manuel Valls (voir plus loin dans ce chapitre), que la Commissioneuropenne restait vigilante et suivait de prs la manire dont la France appliquait la

    lgislation communautaire dans son traitement des Roms.

    LES OBLIGATIONS DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANAIS ET LAIDE AU RETOUR HUMANITAIRE Bon nombre de Roms migrants interrogs par Amnesty International disent avoir reu une injonction de quitterle territoire franais (OQTF) de la part de la prfecture au moins une fois depuis leur arrive en France. En tantque ressortissants de lUnion europenne, ils ont cependant la possibilit de revenir quand ils le souhaitent etsans visa.17

    Aux termes de la lgislation franaise, les trangers ressortissants de l'Union europenne peuvent sjourneren France pendant plus de trois mois, s'ils remplissent au moins un des critres prciss par la loi (par

    exemple avoir un emploi dans le pays, disposer de ressources suffisantes pour subvenir leurs besoins et ceux des personnes leur charge, pour ne pas devenir dpendants du systme dassistance sociale et avoirune assurance sant ou tre tudiant). 18

    Les personnes qui ne satisfont pas au moins lune de ces conditions peuvent se voir signifier l'obligation dequitter le territoire franais dans les 30 jours, 19 sous peine dtre places en centres de rtention et dtrerenvoyes de force hors du pays. La loi du 17 juin 2011 relative l'immigration, l'intgration et la

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    nationalit introduit la notion de sjour constituant un abus de droit , dfini comme une succession desjours de moins de trois mois, lorsque les conditions permettant un sjour plus long ne sont pas runies, oule fait de sjourner en France dans le but essentiel de bnficier du systme dassistance sociale. Un sjour dece type est susceptible dentraner lexpulsion de la personne. 20 Les trangers ressortissants de lUnioneuropenne peuvent galement se voir intimer lordre de quitter la France si leur comportement constitueune menace relle, actuelle et suffisamment grave pour un intrt fondamental de la socit franaise . 21

    Lapplication de ces dispositions aux Roms ressortissants de lUnion est dnonce par un certain nombredONG, par la Commission nationale consultative des droits de lhomme (CNCDH) et par les institutions delUE, qui se sont notamment insurges contre la dlivrance massive d'obligations de quitter le territoirefranais aux Roms vivant dans des campements informels, ainsi que contre labsence de procdured'valuation individualise de chaque situation, pourtant prvue par la lgislation communautaire.22

    Les Roms ressortissants de lUE se voient souvent proposer une Aide au retour humanitaire,23 ce retour tantalors prsent comme volontaire. Les personnes recoivent 300 euros par adulte (et 100 euros par enfant), etles frais de transport pour repartir dans leur pays dorigine sont pris en charge. Le commissaire aux droits del'homme du Conseil de l'Europe a cependant relev dans un de ses rapports que : Le caractre volontaire

    de ces retours ne serait pas toujours rel, les oprations de retour tant parfois coordonnes avec desoprations policires intimidantes voire abusives .24 Une tude de la Commission nationale consultative desdroits de lhomme montre en outre que lAide au retour humanitaire a largement servi atteindre les objectifschiffrs de reconduites la frontire. 25

    La question de l'expulsion du territoire franais des Roms migrants originaires de pays de l'UE dpasse defaon gnrale le cadre du prsent rapport. La perspective de la reconduite la frontire est cependantprsente lors des expulsions forces de Roms vivant dans des campements irrguliers.

    Pour les organisations qui dfendent juridiquement les habitants de ces campements, les choses sont lies : Cest un moyen de pression li aux vacuations : on distribue les OQTF pour vider la moiti du bidonville []

    Donc sur un terrain o il y avait trois cents personnes, il nen reste que cinq, donc cest beaucoup plus facile

    au niveau du nombre de CRS requis pour excuter la dcision dvacuation26.

    Le prsident et le directeur gnral de lOffice franais de limmigration et de lintgration (OFII) ont expliqu Amnesty International que nimporte qui pouvait venir lOFII pour senqurir des modalits des retours,reconnaissant toutefois que les agents de cet organisme ne se rendaient gnralement dans les camps pourinformer les occupants de la procdure de retour volontaire que lorsqu'une vacuation tait imminente.

    Nous ne le faisons que si le prfet le demande. Gnralement, cest parce quil y a un projet dvacuation,nous a confi le prsident de lOFII, Arno Klarsfeld. 27

    Manuel Valls, ministre de lIntrieur depuis mai 2012, a dclar en aot dernier quil avait mis un terme lapolitique dobjectifs chiffrs tablie par le gouvernement prcdent en matire dexpulsions dimmigrs en

    situation irrgulire.28 L'existence de tels quotas avait t cite par plusieurs responsables du gouvernementcomme tant l'une des motivations principales des expulsions de Roms migrants ressortissants de lUE.29

    La circulaire du 26 aot laisse nanmoins entendre que le nouveau gouvernement a lintention, lorsque desoprations dvacuation seront menes, de poursuivre la pratique de la reconduite aux frontires despersonnes en situation irrgulire.

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    Pendant la campagne lectorale de 2012, alors quil tait candidat la prsidence de laRpublique, Franois Hollande a condamn les vacuations forces de campements roms.Dans une lettre au Collectif Romeurope, il dclarait notamment :

    Je souhaite que, lorsquun campement insalubre est dmantel, des solutions alternatives

    soient proposes. On ne peut pas continuer accepter que des familles soient chasses dunendroit sans solution. Cela les conduit sinstaller ailleurs, dans des conditions qui ne sontpas meilleures.

    Rpondant en avril 2012 un ensemble de proccupations voques par AmnestyInternational France,30 Franois Hollande prcisait :

    Je considre qu'il est essentiel d'accompagner ceux qui entrent dans un chemind'intgration et d'viter de mettre sur des routes des populations ultra-prcaires. Je souhaiteque, lorsquun campement insalubre est dmantel, des solutions alternatives soientproposes. Une politique daccompagnement dans tous les domaines (social, scolaire,logement, sant, travail) sera en outre ncessaire tant que ces populations vivent dans des

    conditions indignes.

    Franois Hollande a t lu prsident de la Rpublique le 6 mai 2012. Un nouveaugouvernement a t mis en place le 16 mai, avec sa tte Jean-Marc Ayrault, Premierministre.

    Au cours de lt suivant, Amnesty International a continu de recevoir des informationsfaisant tat dvacuations de camps et de squats roms dans toute la France, et notammentdans les priphries de Lyon, Lille et Paris. Selon les informations recueillies dans la pressepar les ONG, 22 campements informels, abritant 2 362 Roms, dont 189 enfants, auraientt dmantels en France en juillet et aot 2012.31 Des cas de menaces, ainsi que desmanifestations anti-Roms, ont t signals dans toute la France, et notamment Marseille,Lille et Hellemmes (une commune de la banlieue lilloise), en septembre et octobre 2012. 32

    Sadressant en juillet 2012 la Commission des lois du Snat, Manuel Valls a dclar :

    Je suis trs inquiet de la concentration dans une srie de campements [] La situationaujourd'hui Lyon, Aix-en-Provence, en Seine-Saint-Denis, dans une partie del'agglomration lilloise, nous oblige prendre des dcisions de dmantlement. Noussommes face, par exemple en Seine-Saint-Denis, une situation de confrontation entre lespopulations des quartiers populaires et les populations dites Roms.

    Le 13 aot 2012, le ministre de lIntrieur Manuel Valls a publi dans le quotidienLibration une dclaration dans laquelle il dfinissait ce quil appelait une nouvelle politiquede fermet vis--vis des campements roms, affirmant quune approche fonde sur le

    laisser-faire ne rsoudrait rien.33 Il expliquait que les prfets nagiraient quen application dedcisions prises par les tribunaux, que les dispositifs dhbergement durgence et dinsertionexistants seraient utiliss, en favorisant les solutions au cas par cas, aprs examen social dessituations familiales et individuelles. Toutefois, lors dune rencontre avec AmnestyInternational, le 31 aot 2012, ainsi que dans un certain nombre de dclarations publiques,le ministre a clairement laiss entendre que le feu vert pouvait tre donn une vacuation

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    sans que cette dcision soit ncessairement conditionne lexistence de solutions derelogement pour les personnes vises.34

    Rpondant la dclaration de Manuel Valls du 16 aot 2012, la ministre du Logement,Ccile Duflot, a dclar, selon un article paru dans la presse, que dmanteler les camps sans

    solutions revenait mettre les gens dans une prcarit encore plus grande et que cetteapproche ne [pouvait] pas tre une solution non plus. La France doit prendre toute sapart pour les quelques Roms qui vivent dans notre pays. On les value 15 000 personnesenviron sur 66 millions de Franais, a-t-elle ajout. Cest un problme que nous avonsles moyens de prendre en charge.35

    Peu aprs, le 22 aot, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a organis une runioninterministrielle sur le sujet. Celle-ci a donn lieu la publication dun communiqu depresse dtaill et lenvoi dune nouvelle circulaire aux prfets. Le prfet Alain Rgnier,dlgu interministriel lhbergement et laccs au logement, a t charg decoordonner le travail du gouvernement sur la question. Alain Rgnier, qui a reuofficiellement sa lettre de mission le 20 septembre 2012, a dclar Amnesty International

    quil tait actuellement en train de faire un tat des lieux des bonnes pratiques en la matireet que, lors de llaboration du projet gouvernemental, il consulterait rgulirement lesassociations spcialises dans l'accs lhbergement et au logement.36 Bien que le ton et laformulation du communiqu et de la circulaire du Premier ministre soient beaucoup moinshostiles que ceux utiliss par le prcdent gouvernement et que ces deux textes mettentl'accent sur la dignit et le respect des personnes, la circulaire ne simpose pas aux prfets etson application reste leur entire discrtion. Elle encourage certes le dialogue avec lespersonnes expulses, mais sans pour autant exiger une vritable concertation. Elle prcise enoutre que, lorsque des dcisions de justice existent, les vacuations continueront.

    Le gouvernement a largi le 1er octobre 2012 la liste des professions ouvertes auxressortissants roumains et bulgares, faisant passer leur nombre de 150 291. Il a galementannonc qu'il allait prparer un nouveau projet de stratgie pour l'insertion des Roms, dansle Cadre de l'UE pour les stratgies nationales d'intgration des Roms.

    Campement rom prs du Stade de France, Saint-Denis. Juan Pablo Gutierrez

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    LA CIRCULAIRE DU 26 AOT 2012La circulaire relative lanticipation et laccompagnement des oprations dvacuation des campementsillicites a t publie le 26 aot 2012. Elle a t signe par sept ministres diffrents. Elle sadresse auxprfets, quelle encourage agir en coordination avec les collectivits territoriales concernes et les ONG, afin

    dtablir un diagnostic des besoins de chacune des familles ou personnes menaces dexpulsion, et dechercher des solutions daccompagnement dans les diffrents domaines concourant linsertion despersonnes, notamment en matire de scolarisation, demploi, de sant et dhbergement durgence. Cedocument constitue un rsum des bonnes pratiques suivre et son application est la isse lentirediscrtion des prfets. Le 26 septembre, par exemple, le prfet de Loire-Atlantique a dcid de temporairementsuspendre l'application des dcisions d'vacuation non urgentes, tant que les conditions dfinies dans lacirculaire ne seraient pas remplies. Ce document introduit une modification majeure, susceptible de permettre de nombreux Roms migrants de trouver plus facilement du travail : il supprime en effet la taxe que devaitauparavant payer l'employeur en cas d'embauche en France d'un ressortissant roumain ou bulgare.Lobligation davoir un titre de sjour et un permis de travail est en revanche maintenue. Le Groupedinformation et de soutien des immigrs (GISTI) souligne que le maintien de la procdure administrative dedemande dautorisation de travail reste le principal obstacle lemploi des Roumains et des Bulgares, car il

    sagit dune procdure laborieuse, dissuasive pour les employeurs.37

    Les objectifs dfinis dans la circulaire sont assez vagues et les mesures prendre pour les atteindre, ainsique leur calendrier de mise en uvre et leur financement, restent floues. Le Dfenseur des droits a crit auPremier ministre pour lui demander quelles taient les dispositions exactes qui avaient t prises pour mettreen uvre la circulaire. Il n'avait toujours pas reu de rponse en octobre 2012.38 Lorsque des dlgusdAmnesty International ont rencontr des reprsentants du gouvernement, en septembre 2012, nombreuxparmi ces derniers se sont dits dsireux de trouver des solutions, mais tous ont exclu une suspension del'xcution des dcisions d'vacuation tant qu'un relogement satisfaisant et des garanties appropries neseraient pas assurs. La circulaire prcise bien, dailleurs, que les dcisions de justice doivent tre excutesde manire immdiate lorsque la scurit des personnes est mise en cause. Dans sa lettre au Premierministre, le Dfenseur des droits indiquait que les expulsions forces continuaient un rythme soutenu et

    quune trentaine de campements avaient t vacus depuis la publication de la circulaire. Pour le seul moisde septembre, 18 campements auraient t vacus dans toute la France sans quune solution de relogementapproprie soit propose.39

    1.2 RECHERCHE ET MTHODOLOGIEAmnesty International a effectu des missions de recherche en France en fvrier, mai, juin etseptembre 2012. Elle a pu rencontrer des Roms migrants vivant dans des campementsinformels, ainsi que des membres d'ONG et de comits de soutien, des avocats, desreprsentants des pouvoirs publics locaux et des responsables du gouvernement.40 Nostravaux ont surtout port sur la rgion parisienne (le-de-France), o se concentreapparemment le plus grand nombre de Roms vivant dans des campements informels, et oont lieu actuellement, selon les ONG et la presse, une grande partie des vacuations forces.

    Des reprsentants dAmnesty International se sont galement rendus dans dautres rgions Lyon et Marseille, par exemple , pour sentretenir avec des membres dONG, desjuristes et des Roms menacs d'expulsion force.41

    Le 31 aot 2012, des dlgus du Secrtariat international dAmnesty International etdAmnesty International France ont rencontr le ministre de lIntrieur Manuel Valls, pour

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    examiner avec lui un certain nombre de proccupations communes, et notamment lesexpulsions forces de Roms.

    En septembre 2012, les dlgus dAmnesty International ont rencontr quatre conseillersdu Premier ministre, la ministre du Logement Ccile Duflot et lun de ses conseillers, un

    sous-prfet du dpartement de la Seine-Saint-Denis et le prfet Alain Rgnier, dlguinterministriel lhbergement et laccs au logement, ainsi que deux de ses conseillers.

    Les Roms migrants avec qui les dlgus dAmnesty International se sont entretenus lors desmissions menes en 2012 taient tous originaires de Roumanie. La plupart des entretiensont t mens en franais ou en anglais, avec l'aide d'interprtes parlant roumain. Un certainnombre de personnes ont cependant souhait s'exprimer directement en franais ou enespagnol. Amnesty International sest rendue dans des campements roms Sucy-en-Brie(94), la Porte de Paris Saint-Denis (93), Noisy-le-Grand (93), Triel-sur-Seine (78), Thiais (94), Ris-Orangis (91), Champs-sur-Marne (77), la Porte dAubervilliers, LaCourneuve (93), Bobigny (93), vry Courcouronnes (91) et Ivry-sur-Seine (94). Laplupart des Roms ayant accept de parler avec Amnesty International ayant demand ce

    que leur vritable nom ne soit pas cit, tous les prnoms de tmoins figurant dans le prsentrapport ont t changs.

    LA COMMUNAUT DES GENS DU VOYAGEAmnesty International a galement rencontr des reprsentants de la communaut des Gens du voyage lors deses missions de recherche de 2010 et 2012. Les problmes spcifiques relatifs aux droits fondamentaux querencontrent les Gens du voyage ne sont pas abords dans le prsent rapport. On estime environ 500 000 lenombre de personnes appartenant la communaut des Gens du voyage vivant en France. Ces personnes sontdans leur grande majorit de nationalit franaise.42 Elles sont soumises des mesures particulires, commelobligation dtre en possession dun livret de circulation , qui doit tre priodiquement renouvel, oulobligation de dclarer une commune de rattachement, o les Gens du voyage ne doivent pas reprsenter plusde 3% de la population.43 Le Comit pour llimination de la discrimination raciale [ONU] 44, le Comit europendes droits sociaux, 45 la Commission nationale consultative des droits de lhomme et le Dfenseur des droits 46ont tous fait part de leur inquitude concernant les discriminations dont font l'objet les Gens du voyage enmatire de droit au logement, de libert de circulation, de droit de vote et d'accs l'enseignement. Le 5octobre 2012, le Conseil constitutionnel a supprim un certain nombre dobligations auxquelles taientsoumises ces personnes.

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    2. LE CADRE JURIDIQUE

    INTERNATIONAL2.1 LES EXPULSIONS FORCES ET LE DROIT UN LOGEMENT CONVENABLE47En tant qutat partie au Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux etculturels (PIDESC), la France est lgalement tenue de respecter, protger et assurer laralisation du droit un logement suffisant, inscrit larticle 11 (1). Aux termes de larticle2(1) de cet instrument, la France doit assurer le plein exercice des droits reconnus dans lePacte par tous les moyens appropris, y compris en particulier l'adoption de mesureslgislatives.

    La ligne de conduite suivre ce sujet a t dfinie par le Comit des droits conomiques,sociaux et culturels (CDESC) qui a dclar que les dcisions dexpulsions forces sont

    prima facie contraires aux dispositions du Pacte .48

    Le CDESC dfinit lexpulsion force comme l'viction permanente ou temporaire, contreleur volont et sans qu'une protection juridique ou autre approprie ait t assure, depersonnes, de familles ou de communauts de leurs foyers ou des terres qu'ellesoccupent .49

    Avant toute expulsion, les tats doivent veiller ce que toutes les autres solutionspossibles soient envisages en concertation avec les intresss, afin d'viter le recours laforce, ou du moins d'en limiter la ncessit .50 En outre, dans le souci de protger lespersonnes des expulsions forces, les tats doivent mettre en place des garanties deprocdure appropries, telles que :

    la possibilit de consulter vritablement les intresss ;

    un dlai de pravis suffisant et raisonnable toutes les personnes concernes ;

    des informations sur l'expulsion envisage et, le cas chant, sur la raffectation duterrain ou du logement, fournies dans un dlai raisonnable toutes les personnesconcernes ;

    la prsence, en particulier lorsque des groupes de personnes sont viss, des agents oudes reprsentants de ltat, lors de l'expulsion ;

    lidentification de toutes les personnes excutant l'arrt d'expulsion ;

    linterdiction de toute expulsion par temps particulirement mauvais ou de nuit, moinsque les intresss n'y consentent ;

    laccs aux voies de recours prvues par la loi ;

    loctroi d'une aide judiciaire, le cas chant, aux personnes qui en ont besoin pourintroduire un recours devant les tribunaux.51

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    Qui plus est, il convient dviter absolument que, suite une expulsion, une personne seretrouve sans abri ou puisse tre victime d'une violation d'autres droits humains. Lorsque lespersonnes concernes ne peuvent pas subvenir leurs besoins, l'tat partie doit, par tous lesmoyens appropris, au maximum de ses ressources disponibles, veiller ce que d'autrespossibilits de logement, de rinstallation ou d'accs une terre productive, selon le cas,

    leur soient offertes.52

    Lorsqu'une expulsion force a nanmoins lieu, ltat doit respecter le droit de toutes lesvictimes dexpulsions forces de disposer dun recours utile, notamment de faire appel lajustice et de demander des rparations ; celles-ci peuvent prendre la forme dune restitution,dune radaptation, dune indemnisation, dune rhabilitation et de garanties de non-rptition.

    Le CDESC a prcis que la scurit juridique doccupation tait un lment essentiel pourdterminer le caractre satisfaisant du logement. Il a galement soulign que, quel que soitle rgime d'occupation, chaque personne a droit un certain degr de scurit qui garantit laprotection lgale contre l'expulsion force, le harclement ou autres menaces. Toujours selon

    le Comit, les tats parties doivent par consquent prendre immdiatement des mesures envue dassurer la scurit lgale de loccupation aux individus et aux familles qui nebnficient pas encore de cette protection, en procdant de vritables consultations avecles personnes et les groupes concerns .53 Labsence de scurit doccupation est lune descauses principales des expulsions forces.

    En vertu de larticle 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP),chacun a droit la protection contre les immixtions arbitraires ou illgales dans sa vie prive,sa famille ou son domicile.54 Ce droit est galement garanti par la Convention europenne desdroits de lhomme.55 Dans les cas les plus graves, lexpulsion force peut galementconstituer une violation de la prohibition internationale de tout traitement cruel, inhumain oudgradant.56

    La Convention relative aux droits de lenfant [ONU] raffirme le droit un logement adquatet la protection contre les expulsions forces. Elle dispose, en son article 27(1) : Lestats parties reconnaissent le droit de tout enfant un niveau de vie suffisant pour permettreson dveloppement physique, mental, spirituel, moral et social. On peut lire un peu plusloin, lalina 3 du mme article : Les tats parties adoptent les mesures appropries,compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens, pour aider lesparents et autres personnes ayant la charge de l'enfant mettre en uvre ce droit et offrent,en cas de besoin, une assistance matrielle et des programmes d'appui, notamment en cequi concerne l'alimentation, les vtements et le logement.

    Larticle 16 de cette mme Convention dispose en outre : 1. Nul enfant ne fera l'objetd'immixtions arbitraires ou illgales dans sa vie prive, sa famille, son domicile ou sa

    correspondance, ni d'atteintes illgales son honneur et sa rputation. 2. L'enfant a droit la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

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    2.2 LE DROIT UN LOGEMENT CONVENABLE ET NE PAS SUBIR DEDISCRIMINATIONLa France est tenue de garantir le droit un logement convenable et dempcher lesexpulsions forces, sans aucune forme de discrimination.57

    Aux termes de larticle 5 (e) (iii) de la Convention internationale sur l'limination de toutesles formes de discrimination raciale, les tats parties s'engagent interdire et liminer ladiscrimination raciale sous toutes ses formes et garantir le droit de chacun l'galitdevant la loi sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique,notamment dans la jouissance des droits suivants : [] Droit au logement . Dans sesobservations finales de 2010, le Comit pour l'limination de la discrimination raciale sestinquit du fait que malgr les politiques rcentes engages en matire de lutte contre ladiscrimination raciale dans les domaines du logement et de lemploi, les personnes issues delimmigration ou issues de groupes ethniques [] continuent dtre victimes de strotypeset de discriminations de toutes sortes, qui font obstacle leur intgration et leurprogression tous les niveaux de la socit franaise.58

    Le Comit europen des droits sociaux (CEDS) a galement constat que la violation du droit un logement convenable par la France affecte de manire disproportionne les Roms (voirci-dessous).

    La France est lie par la Directive 2000/43/CE du Conseil [de lUnion europenne] du 29juin 2000 relative la mise en uvre du principe de l'galit de traitement entre lespersonnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (directive sur lgalit raciale). Envertu de son article 3(1)(h), la directive sur lgalit raciale s'applique toutes lespersonnes, tant pour le secteur public que pour le secteur priv, y compris les organismespublics, en ce qui concerne [] l'accs aux biens et services et la fourniture de biens etservices, la disposition du public, y compris en matire de logement .

    LA CHARTE SOCIALE EUROPENNE REVISELa France est partie la Charte sociale europenne rvise, qui garantit, entre autres, le droit au logement 59.Dans un certain nombre de dcisions sur le bien-fond de rclamations collectives, le Comit europen desdroits sociaux a tabli que la France ne respectait pas ses obligations au regard de la Charte.

    Dans le cadre de la rclamation CEDR c. France, le Comit a jug que la situation en matire de logement desRoms migrants en situation rgulire constituait une violation de la Charte60. Dans ses conclusions sur laFrance pour 2011, il observe que la situation n'a pas chang 61 . Il considre galement que lesconditions de logement de nombreux Roms ne sont pas conformes aux exigences de larticle 311 62 .

    la suite de la rclamation COHRE c. France, le Comit a tabli que les expulsions forces de Roms qui ont eu

    lieu pendant lt 2010 constituaient une violation aggrave des droits humains, du fait de la prise demesures contraires la dignit humaine visant et touchant expressment des groupes vulnrables, ainsi quedu rle actif des autorits publiques dans le lancement et la mise en uvre de cette dmarche scuritairediscriminatoire . Il a exhort la France accorder aux victimes des rparations et des garanties de non-rptition.63 Dans sa rcente dcision sur le bien-fond de la rclamation Forum europen des Roms et desGens du Voyage c. France, il a jug que les expulsions forces des Roms, qui perdurent mme aprs

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    labrogation de la circulaire du 5 aot 2010 visant explicitement les campements roms, taient une violationdiscriminatoire du droit au logement en raison de leur impact discriminatoire persistant.64

    Le Comit, dans ses conclusions et ses dcisions, a galement estim que la France ne respectait pas sesobligations au regard de la Charte, car elle ne propose pas de solution de relogement satisfaisante aprslexpulsion et que loffre dhbergement durgence pour lutter contre la privation de logement nest pasadapte.65

    Le 19 avril 2011, lorganisation Mdecins du Monde a dpos une rclamation collective contre la France,66 aumotif quelle ne respectait pas les droits des Roms vivant en France en ce qui concerne le logement,lducation des enfants, la protection sociale et les soins de sant. Le CEDS a dclar la rclamationadmissible le 13 septembre 2011 mais, au moment de la rdaction de ce rapport, il n'avait pas encore pris dedcision.

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    3. LE CADRE JURIDIQUE NATIONAL

    3.1 LE DROIT UN LOGEMENT CONVENABLELa loi franaise dfinit le droit la proprit comme inviolable et sacr , et il s'agit d'undroit constitutionnel.67 En revanche, le droit au logement nest pas explicitement protg parla Constitution, mais le garantir est considr comme un devoir de solidarit pourlensemble de la nation .68 Des dcisions de justice ont confirm que le droit au logementne devait pas tre considr comme un droit fondamental, mais uniquement comme un objectif valeur constitutionnelle .69 Les objectifs de ce type nimpliquent aucuneobligation dobtention dun rsultat donn. Il ne sagit que de buts normatifs, considrscomme infrieurs aux droits fondamentaux selon la hirarchie des normes en droit franais.70Le Conseil constitutionnel a rcemment confirm que le droit la proprit (tel que dfini

    par larticle 544 du Code civil71) est constitutionnel, mme dans les cas o il conduit l'expulsion force doccupants non autoriss.72 Comme l'a fait remarquer un avocat quitravaille sur des cas d'expulsion, dun ct on a le droit du propritaire qui est sacro-sainten France et dun autre les considrations humaines que le juge doit prendre en compte :cest la proprit contre l'humain .73

    3.2 LE DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE (DALO)En 2007, un droit au logement opposable (DALO) a t introduit en droit franais.74 Cettedisposition permet aux personnes dpourvues de logement ou qui vivent dans des conditionsinadquates et qui ont effectu des dmarches pour trouver une solution, sans pour autantrecevoir de proposition tenant compte de leurs besoins et de leurs moyens, 75 de faire unedemande auprs dune commission de mdiation qui valuera lurgence de lattribution dun

    logement au demandeur et indiquera au prfet les personnes qui doivent tre reloges enpriorit.76 Si la commission de mdiation considre que le demandeur est prioritaire pourobtenir un logement et si, au bout de 3 6 mois77, aucun logement ne lui a t propos, ilpeut former un recours contentieux devant le tribunal administratif.78 Dans ce cas, le tribunaladministratif statue en urgence, dans un dlai de deux mois, et peut ordonner ltat (cest--dire au prfet) de loger ou de reloger le demandeur. Sil ne le fait pas, ltat peut tre tenude payer une astreinte.79

    Pour bnficier du droit au logement opposable, le demandeur, comme pour avoir accs aulogement social, doit tre de nationalit franaise ou tranger en situation rgulire.80Toutefois, le DALO, comme la lgislation franaise en gnral, fait la distinction entre lelogement et lhbergement, plus temporaire. La procdure DALO pour lhbergement dans

    une structure dhbergement temporaire de ltat, appele DAHO (droit lhbergementopposable), ne prvoit aucune exigence en matire de statut migratoire.81 Par consquent,les Roms vivant dans des campements informels en France, dont beaucoup sont en situationirrgulire, peuvent saisir la commission de mdiation sils ont demand un hbergement etne lont pas obtenu.82 Si la commission de mdiation juge quun demandeur doit trehberg en priorit, le prfet doit proposer un accueil cette personne dans une structuredhbergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une rsidence htelire

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    vocation sociale dans un dlai de six semaines.83 La commission doit galement dcider siun diagnostic social de la situation de la personne doit tre fait et si un accompagnementsocial doit tre propos par le dpartement. Si le demandeur n'a toujours pas reu d'offretenant compte de ses besoins et de ses capacits au bout de 6 semaines, il peut prsenterun recours devant un tribunal administratif, qui peut galement imposer une astreinte

    ltat ( la prfecture).84

    Toutefois, en pratique, cette procdure est difficile daccs et noffre pas de relle solution la plupart des personnes menaces d'expulsion. En effet, ce recours administratif neconstitue pas en lui-mme une demande de logement ou dhbergement, il ncessite deprouver que des demandes antrieures ont t faites, et il sagit dune procdure longue avecun faible taux de russite. Les spcialistes du logement interrogs par Amnesty Internationalont observ quen pratique, la recherche de logement par lintermdiaire du volethbergement de ce droit au logement opposable restait une exception.85 Daprs une tudedu Comit de suivi de la mise en uvre du droit au logement opposable, entre 2009 et2011, le taux de dcisions favorable de la commission de mdiation variait de 40 42 %, letemps d'attente avant la mise en uvre effective dune dcision doffre de logement tait de

    trois mois en moyenne pour l'ensemble de la France et, en le-de-France, 4129 personnesjuges prioritaires pour tre loges par les commissions de mdiation en 2008 navaienttoujours pas reu doffre de logement la fin du mois daot 2011.86 En outre, cetteprocdure souffre galement du manque de disponibilit gnral des hbergementsdurgence en le-de-France (voir ci-dessous). Un sous-prfet de Seine-Saint-Denis a expliqu Amnesty International que, mme lorsque la commission de mdiation ordonne lattributiondun hbergement en priorit certaines personnes, elles sont mises sur une longue listed'attente en raison du manque de places.87 De plus, de nombreux Roms migrants sontconfronts des obstacles supplmentaires, tels que le manque gnral dinformations surcette procdure administrative ou des difficults pratiques, comme la barrire de la langue.88En somme, pour la plupart des Roms menacs dexpulsion de leur campement informel, laprocdure DAHO nest pas une solution efficace pour trouver un hbergement d'urgence.

    3.3 LE DROIT LHBERGEMENT DURGENCELaccs lhbergement durgence est reconnu comme un droit en vertu du Code de lactionsociale et des familles, qui dispose : Toute personne sans abri en situation de dtressemdicale, psychique et sociale a accs, tout moment, un dispositif d'hbergementd'urgence .89 Le Conseil d'tat a confirm lexistence de ce droit en tablissant en fvrier2012 que, si ltat ne met pas en uvre le droit lhbergement durgence reconnu par laloi toute personne sans abri qui se trouve en situation de dtresse mdicale, psychique etsociale, ce manquement peut constituer une atteinte grave et manifestement illgale unelibert fondamentale lorsque elle entrane des consquences graves pour la personneintresse.90

    Aux termes de ce mme Code, toute personne accueillie dans une structure d'hbergementd'urgence doit pouvoir y bnficier d'un accompagnement personnalis et y demeurer, dslors qu'elle le souhaite, jusqu' ce qu'une orientation lui soit propose. Cette orientation esteffectue vers une structure d'hbergement stable ou de soins, ou vers un logement, adapts sa situation .91

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    En France, il est possible d'exercer ce droit l'hbergement d'urgence en composant lenumro de tlphone du samu social, le 115, qui permet dobtenir un hbergementdurgence gnralement dans un htel. Le Secours catholique, organisation qui vient en aideaux personnes marginalises et aux sans-abris, a expliqu Amnesty International quengnral, il fallait des heures avant de russir joindre le standard, que les personnes taient

    souvent invites rappeler tard dans la soire, et que le droit de demeurer dans unhbergement d'urgence n'tait pas respect, car l'offre d'accueil n'tait valable que pourquelques nuits92. En effet, en pratique, ce droit lhbergement durgence est difficile appliquer, en raison de lnorme pnurie de places disponibles en le-de-France (voir plusbas). En outre, lorsquun hbergement durgence est propos, il est loin de respecter lesnormes juridiques internationales en matire de solution de relogement satisfaisante. Daprsles recherches dAmnesty International, les Roms ne bnficient dun hbergement que pourun nombre de nuits trs limit, les familles sont parfois spares, les htels se situentsouvent trs loin du lieu o se trouvent les personnes, ils sont parfois dlabrs et il nest paspossible dy cuisiner ou dy rester pendant la journe (voir ci-dessous). De surcrot, mmedans le meilleur des cas, lhbergement durgence ne peut tre que temporaire, et neconstitue donc pas une solution de relogement satisfaisante.

    3.4 LES PROCDURES DEXPULSIONLorsquun immeuble ou un terrain est occup par des personnes sans autorisation, deuxmodalits dexpulsion sont possibles. Le maire de la commune dans laquelle se trouve lebtiment ou le terrain peut prendre un arrt municipal dexpulsion durgence si le btimentou le campement reprsente un danger imminent pour lordre, la scurit et la salubritpublics.93 La seconde procdure est la plus utilise : elle mane du propritaire du terrain,quil soit public ou priv, qui engage une procdure dexpulsion contre les personnes qui yvivent. Les rgles juridiques rgissant les expulsions sont toujours les mmes, que lepropritaire soit une entit publique ou prive, mais la juridiction comptente varie : letribunal administratif est comptent pour les terrains appartenant une entit publique,tandis que, s'il sagit dun propritaire priv, laffaire relve dune juridiction civile (le

    tribunal d'instance pour les btiments et le tribunal de grande instance pour les campementsinformels). Cette partie porte sur cette seconde procdure, dans laquelle le propritaireengage une procdure dexpulsion devant un tribunal. Amnesty International a ax sesrecherches sur ce type dexpulsion lors de la prparation de ce rapport.

    Lorsque la procdure a t engage par le propritaire, lexpulsion ne peut tre excutequen vertu dune dcision de justice confirmant le bien-fond de la demande dexpulsionfaite par le propritaire.94 Le propritaire lorigine de la procdure dexpulsion peutdemander une procdure de rfr (en urgence). Dans ce cas, il doit dmontrer que laprocdure dexpulsion ne se heurt[e] aucune contestation srieuse ou, mme si cest lecas, quun trouble manifestement illicite justifie des mesures ordonnes par le tribunalpour y mettre fin.95

    En janvier 2010, la Cour de cassation a jug que, pour prouver lexistence dun troublemanifestement illicite , il suffisait de constater une infraction au droit la propritdautrui.96 Des avocats qui travaillent sur des affaires d'expulsions de Roms ont indiqu Amnesty International que, daprs leur exprience, cette procdure de rfr est toujoursapplique dans les cas de campements roms informels, tant donn que loccupation nonautorise dun terrain est systmatiquement interprte comme un trouble manifestementillicite par les tribunaux.

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    LA TRVE HIVERNALELa lgislation franaise prvoit quaucune expulsion ne peut avoir lieu du 1 er novembre de chaque anne au15 mars de lanne suivante, moins que le relogement des intresss soit assur dans des conditionssuffisantes respectant [] les besoins de la famille 97 . Toutefois, cette disposition n'est pas applicable

    lorsque les personnes qui doivent tre expulses sont entres dans les locaux par voie de fait , ou lorsquel'immeuble dans lequel ils vivent a fait lobjet dun arrt de pril. Mme si la loi franaise ne dfinit paslentre par voie de fait et quil est donc difficile de savoir si elle autorise les expulsions de campementsinformels entre le 1er novembre et le 15 mars, des ONG ont recens des cas d'expulsions pendant les moisd'hiver.98 Au regard des normes internationales relatives aux droits humains, aucune expulsion ne doit avoirlieu lorsque les conditions climatiques sont particulirement difficiles (voir ci-dessus). Le 4 octobre 2012, leDfenseur des droits a crit au Premier ministre pour exiger la suspension des oprations dexpulsion descampements informels pendant la trve hivernale, savoir du 1 er novembre au 15 mars.99

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    4. LES EXPULSIONS FORCES DE

    CAMPEMENTS INFORMELS ROMS4.1 LABSENCE DE CONSULTATION, DINFORMATION ET DE PRAVIS SUFFISANTSEn vertu de la lgislation et des normes internationales relatives aux droits humains, les tatssont tenus dinformer les personnes concernes avant leur expulsion.100 Ils doiventnotamment leur donner des informations sur l'utilisation prvue du terrain, sur lespossibilits de relogement ou les indemnisations qui pourraient tre proposes, sur lessolutions envisages par les autorits pour viter l'expulsion ainsi que sur les voies de recoursdisponibles contre lexpulsion. Il est indispensable de fournir ce type d'informations pourpermettre aux personnes concernes de participer de manire significative la concertationpralable.

    Une vritable consultation est ncessaire pour que les expulsions nenfreignent pas ledroit un logement convenable. Ce type de consultation permet aux personnes concernesde proposer des solutions de remplacement que les autorits doivent dment examiner 101et contribue faire en sorte que toutes les autres solutions possibles soient envisages enconcertation avec les intresss, afin d'viter le recours la force, ou du moins d'en limiter lancessit.102

    Enfin, lorsque les expulsions ont effectivement lieu, les tats doivent laisser un dlai depravis suffisant et raisonnable toutes les personnes concernes avant la date delexpulsion.103 Toute dcision lie une expulsion doit tre annonce par crit toutes les

    personnes concernes, suffisamment lavance. Lavis dexpulsion doit contenir unejustification dtaille de la dcision, concernant notamment : a) labsence de solutionalternative raisonnable ; b) tous les dtails de la solution propose ; c) lorsquaucune autresolution nexiste, toutes les mesures prises et prvues pour rduire les consquencesngatives des expulsions.104

    La lgislation franaise rgissant les expulsions ne prvoit aucune consultation avec lespersonnes qui doivent tre expulses, et cette omission importante nest pas rectifie enpratique.105 Les habitants de campements roms quAmnesty International a rencontrs onttous affirm quils navaient jamais t consults avant une expulsion.

    La loi franaise exige que les habitants dun campement informel soient aviss de

    lengagement dune procdure d'expulsion et de la dcision des tribunaux relative lexpulsion, mais elle n'oblige ni l'tat, ni les autorits locales, donner de plus amplesinformations aux habitants du campement. Mme dans le cadre des procdures lgales visant lexpulsion dhabitants, les propritaires ne sont pas tenus dindiquer comment le terrainsera utilis, et, souvent, ils ne le font pas. Lobligation dinformer du commencement duneprocdure dexpulsion ou de la dcision de justice qui en dcoule ne sapplique pas tousles habitants de campements informels. En effet, la procdure concerne souvent lexpuls

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    potentiel ainsi que tout occupant de son chef , cest--dire toute personne partageantloccupation du local sans droit propre et personnel cette occupation, mais tenant son titre occuper le local de ses relations avec la personne expulse.106 Par consquent,certains Roms vivant dans des campements informels ne reoivent pas toutes davis officieldes procdures et des dcisions d'expulsion, d'autres habitants du campement leur

    transmettant cette information hors de tout cadre officiel.

    En ce qui concerne le dlai de pravis suffisant et raisonnable, la lgislation franaise prvoitquune expulsion portant sur un local affect l'habitation principale de la personneexpulse ne peut avoir lieu qu' l'expiration d'un dlai de deux mois qui suit lecommandement de quitter les lieux.107

    Pass ce dlai de deux mois, lhuissier de justice charg de lexcution de lexpulsion peutrequrir le concours de la force publique pour procder lexpulsion.108 Dans ce cas, il doiten faire la demande au prfet. La loi franaise noblige pas le prfet notifier aux personnesqui doivent tre expulses la date exacte de lexpulsion ou les prvenir de lintervention dela police. Un sous-prfet a confirm que, dans certains cas, cette date ntait volontairement

    pas divulgue afin de faciliter lexpulsion et de rduire les possibilits de protestation ou dersistance violente. On laisse entendre quil y aura une date, a-t-il indiqu ; on essaie de semettre daccord, dhabitude cest le commissariat qui prvient On nest pas transparentssur les dates pour ne pas faire travailler les policiers sous la pression des mdias et desassociations. Si on garde le secret, cest pour que a se passe bien. Cest un enjeuoprationnel, tant quon ne peut pas procder autrement, on le fera comme a.109

    Bien souvent, la composition de ces camps varie au cours des procdures dexpulsion, car lesoccupants des campements informels vont et viennent au gr des expulsions dautrescampements, ou des trajets qui les ramnent en Roumanie. Par consquent, tous lesoccupants du campement ne sont pas prsents lors de lengagement de la procdure lgaleou de la dlivrance du commandement dexpulsion. Les informations tant souvent obtenues

    hors du cadre officiel, de nombreux rsidents ne savent donc pas prcisment sils pourrontrester dans le campement, et pour combien de temps.

    LE CAS DE NOISY-LE-GRANDLe 20 septembre 2012, Amnesty International sest rendue au camp du boulevard du MontdEst Noisy-le-Grand, o vivaient prs de 200 Roms depuis deux ans environ. Le tribunalde grande instance de Bobigny a dclar le campement expulsable partir du 13 juin 2012.Des habitants ont racont Amnesty International que des policiers en civil taient venus surle site plusieurs fois dans la semaine pour demander aux occupants de partir. Ils ont prcisquils navaient reu aucune information crite, qu'ils n'avaient pas t consults, etqu'aucune solution d'hbergement d'urgence ne leur avait t propose. Selon Tedor, lundes doyens du campement, ils nacceptent aucune forme de ngociation, ni la police, ni letribunal. Selon certains habitants du campement, la seule information en leur possession

    concernant la date exacte de lexpulsion leur avait t communique oralement par despoliciers. Des rsidents ont expliqu Amnesty International quil tait trs stressant de nepas savoir ce qui allait leur arriver dun jour lautre et que de nombreuses personnesnavaient pas dormi depuis des jours. Nous sommes malheureux, nous a confi Tedor. Nousavons peur, car la police a dit quils utiliseraient des gaz lacrymognes, et ils lont dj faitlors dautres expulsions. Les habitants du campement ont racont Amnesty

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    International que, depuis que la police taitvenue les prvenir de l'expulsion imminente,ils taient rests prs du feu nuit et jour attendre, alors que d'ordinaire ils quittaient lecampement pendant la journe car certains

    dentre eux faisaient le nettoyage dans desrestaurants proximit. Si la police vient,nous ne savons pas o nous irons, nousprendrons juste les matelas et nous dormironsdans la rue, aannonc Tedor.

    Un commandant du commissariat de Noisy-le-Grand a confirm Amnesty International quedes policiers s'taient rendus au campementpour informer les habitants de leur expulsionimminente et de l'intervention de la police

    pour excuter l'ordonnance d'expulsion, maisa soulign que cela avait t fait de faoninformelle, dans le but d'aider les habitants se prparer. Il a indiqu que le commissariatntait pas au courant de la date prcise delexpulsion, et quelle ne la connatrait pasavant den tre informe par un tlgramme Une femme rom prpare le repas prs de son abri de fortunede la prfecture.110 Noisy-le-Grand, Juin 2012 Amnesty International

    En ce qui concerne les besoins de relogement pour ces familles, un responsable de la mairiede Noisy-le-Grand a dit quil ne savait pas si ce problme pourrait tre rsolu, car ilsn'avaient plus de places disponibles en hbergement d'urgence. Sur les Roms, on estcompltement dmunis. La seule chose que la prfecture fait ce sujet cest envoyer lapolice. Les solutions ne pourront tre trouves qu lchelle nationale et mmeeuropenne, a-t-il expliqu.111

    Le 8 octobre, la suite de la circulaire du 26 aot, les ONG locales et les comits de soutienont t invits une runion organise la prfecture de Seine-Saint-Denis pour dbattredes bonnes pratiques adopter lors de lvacuation du campement informel de Noisy-le-Grand. Certes, des associations locales taient prsentes, mais les habitants roms concernsnont pas t convis cette runion. Daprs un membre dun comit de soutien qui y aassist, aucune date prcise dexpulsion n'y avait t indique.112

    Une semaine plus tard, le 15 octobre 2012 8 heures du matin, le campement informel deNoisy-le-Grand a t vacu.113 Dix fourgons de police lont encercl, et les habitants ont eu

    une heure pour rassembler leurs affaires. Les 150 Roms qui vivaient encore dans lecampement ce moment, dont 60 enfants, ne se sont vus proposer aucune solution derelogement et se sont donc retrouvs sans abri.114 Les rsidents ont eu beau camper devantla mairie toute la journe, ils nont pas t reus par le maire et ils n'ont reu aucune aidepour trouver un abri. Selon des membres du comit de soutien, le 16 octobre, aprs avoir

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    pass la nuit devant la mairie, ils ont t dplacs par la police dans la commune voisine,Champs-sur-Marne. Finalement, les habitants du campement informel de Noisy se sontdisperss. la date du 23 octobre, quelques groupes avaient t hbergs par desparticuliers ou des ONG, et dautres avaient trouv des lieux dinstallation. Les autoritslocales ne leur avaient propos aucune solution dhbergement.115

    LE CAS DE MIHAELA ET BOGDANMihaela, une femme de 44 ans, et Bogdan, un homme de 46 ans, originaires de Buzu, enRoumanie, ont rencontr des dlgus dAmnesty International en juin 2012 dans lecampement informel o ils vivaient depuis un an, prs de la Porte de Paris. Le btiment oils vivaient auparavant avait t dtruit en 2011 pour construire un nouvel immeuble. Aprsavoir t expulss de ce logement, ils ont pu dormir cinq nuits lhtel, mais comme riendautre ne leur a t propos ensuite, ils sont venus vivre dans le campement de la Porte deParis.

    Selon leur rcit, dautres habitants du camp leur avaient dit que la semaine prcdente, deuxhommes du tribunal taient venus remettre un pravis crit aux personnes prsentes et

    figurant sur une liste, leur signifiant qu'ils avaient deux mois pour quitter les lieux. Mihaelaet Bogdan ne se trouvaient pas dans le campement ce moment, et, par consquent, ilsnont pas reu de pravis crit, mais ont entendu dire que d'autres en avaient reus. Ilsdisaient quavec un peu de chance, ils pourraient rester plus longtemps, mais quilssattendaient devoir partir dans deux mois.

    Interroge sur leurs projets en cas dexpulsion, voici ce que rpondait Mihaela : Nouschercherons un endroit, un autre endroit comme celui-ci, o il y a plusieurs personnes, pouravoir une maison, un toit, en fait.

    Le camp de la Porte de Paris a t vacu le 13 septembre 2012.

    LE CAS DE CONSTANTINConstantin, 39 ans, vit en France depuis 20 ans. Tout au long de ces annes, il a t expulsen moyenne deux fois par an, et a t renvoy en Roumanie trois reprises. Il vivait depuis18 mois avec sa femme et ses deux enfants dans le campement informel de la rue du MoulinFayvon La Courneuve, quand les dlgus dAmnesty International lont rencontr le21 septembre 2012. Ce terrain qui pouvait tre vacu partir du 11 juillet 2012 en vertud'une dcision du tribunal de grande instance de Bobigny. Le 18 septembre, un huissier dejustice lui avait remis un commandement de quitter les lieux, et aprs cela, disait-il, despoliciers taient venus plusieurs reprises dans le campement pour dire aux habitants departir et les informer que lexpulsion aurait lieu le 2 octobre. Selon Constantin, les habitantsde ce campements n'avaient jamais t consults de quelque manire que ce soit. Il ny a

    jamais de consultation. Cest lhuissier qui vient, et les prochains quon voit, cest la police,a-t-il expliqu.116 Constantin et sa famille ont quitt le campement informel dans lequel ils

    vivaient le 30 septembre 2012, car police et les reprsentants de la prfecture leur avaientdit que lexpulsion aurait lieu le 2 octobre.

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    4.2 LE CARACTRE INADAPT DES VOIES DE RECOURS

    LES OBSTACLES POUR ACCDER LAIDE JURIDICTIONNELLELa lgislation franaise prvoit daccorder une aide juridictionnelle aux personnes qui nont

    pas les moyens dtre reprsents par un avocat, galement dans des cas tels que lesexpulsions.117 Pourtant, en pratique, de nombreuses personnes vivant dans des campementsinformels ont du mal accder cette aide : pour quelles lobtiennent, il faut quil existedes interlocuteurs, par exemple des comits de soutien regroupant des habitants duvoisinage, ou que dautres bnvoles viennent en aide aux habitants.

    Des avocats interrogs par Amnesty International ont indiqu que, lorsquils reprsentaientdes Roms viss par des procdures dexpulsion, cela se faisait toujours par lintermdiairedun comit de soutien ou dune association. En effet nombre de Roms habitant dans descampements rencontrent de grandes difficults pour faire une demande daidejuridictionnelle, en raison notamment de la mconnaissance des formalits, de la barrire dela langue et des obstacles bureaucratiques.

    Ce sont les collectifs qui remplissent les dossiers pour obtenir laide juridictionnelle ; ilsvont dans les camps, demandent les cartes didentit de tout le monde. Cest un gros travail.Quand il ny a pas de collectif, ils ne sont pas dfendus et ils sont expulss, point , aexpliqu Julie Launois, une avocate qui reprsente rgulirement des Roms menacsdexpulsion en France.118 Comme les avocats sont rarement en contact direct avec leshabitants des campements et qu'ils les perdent de vue en raison des vacuations rptition, sur les camps o il ny a pas de comit, il ny a aucune aide , a ajout Julie Launois.

    Le Secours catholique, organisation qui vient en aide aux personnes marginalises et auxsans-abris, tire des conclusions similaires : chaque fois quil y a des demandes pour sesaisir de leurs droits, cest parce quil y a des associations ou des comits de soutien qui lesaident.119

    LINCAPACIT FAIRE VALOIR LE DROIT UN LOGEMENT CONVENABLE LORS DES PROCDURESDEXPULSIONLorsque la procdure a t engage par le propritaire, lexpulsion ne peut tre excutequen application dune dcision de justice.120 Toutefois, la loi franaise ne permet pas auxhabitants de faire valoir leur droit ne pas subir dexpulsion force, comme le prvoit le droitinternational. Les recherches menes par Amnesty International montrent quen gnral, lestribunaux ne considrent pas les manquements aux obligations de la France au regard dudroit international en ce qui concerne les expulsions tels que l'absence de vritableconsultation des habitants ou le fait que des habitants se retrouveront la rue aprslexpulsion comme des motifs justifiant une dcision de ne pas pronnoncer un ordredexpulsion.121

    En revanche, un juge peut accorder aux habitants une prolongation du dlai entre ladlivrance de lordre expulsion et lxcution de la dcision, mais celui-ci ne peut pasdpasser un an. Le juge saisi de laffaire peut rduire ou allonger le dlai, en fonction descirconstances particulires. Par exemple, si les personnes expulses sont entres dans leslocaux par voie de fait, il peut rduire ou supprimer ce dlai. Au contraire, si lexpulsionaurait pour la personne concerne des consquences d'une exceptionnelle duret,

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    notamment du fait des conditions climatiques (voir lencadr sur la trve hivernale), le jugepeut proroger le dlai pour une dure maximale de trois mois.122 En effet, la lgislationfranaise prvoit que si une expulsion a t ordonne judiciairement, le juge peut accorderdes dlais renouvelables aux occupants de locaux dhabitation chaque fois que lerelogement des intresss ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces

    occupants aient justifier d'un titre l'origine de l'occupation .123 Ces dlais doivent trecompris entre un mois et un an, et ils sont fixs en fonction de facteurs tels que lessituations respectives du propritaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'ge,l'tat de sant, la situation de famille de chacun d'eux, les conditions climatiques, ainsi quedes dmarches entreprises par l'occupant en vue de son relogement.124

    Certains Roms migrants menacs dexpulsion et qui ont pu se faire reprsenter par un avocatont dj tent de contester leur expulsion devant la justice en se fondant sur les obligationsinternationales de la France, mais, en gnral, ils nont pas eu gain de cause. Par exemple,les rsidents dun campement informel de Noisy-le-Grand (voir p.) ont tent de contester leurexpulsion en invoquant les droits que leur confrent la Convention europenne des droits delHomme, la Convention relative aux droits de l'enfant, la Charte sociale europenne et la

    Dclaration universelle des droits de lhomme. Pourtant, leur expulsion a t ordonne.125Selon les termes de lordonnance dexpulsion dun campement informel proche de la Portede Paris : ni le respect d leur vie prive et au droit de mener une vie familiale normale,ni l'intrt des enfants qui vivent sur les lieux, ne sauraient faire disparatre le caractremanifestement illicite du trouble que constitue, en violation du droit de proprit deltablissement public demandeur, loccupation illicite litigieuse, conduite dans desconditions comportant des risques srieux pour la scurit et la salubrit publiques . 126

    En pratique, lorsque des habitants de campements informels dposent un recours contre unedemande dexpulsion, ils peuvent esprer, au mieux, que leur expulsion soit reporte, ou quela demande soit rejete pour des raisons de procdure. Dans ce dernier cas, elle est engnral renouvele. Par exemple, la cour dappel de Lyon a rejet la demande dunpropritaire qui souhaitait lexcution dune expulsion au motif, notamment, que leshabitants navaient pas t consults et navaient reu aucune proposition de relogement.Toutefois, la cour na pas ordonn que ces problmes soient corrigs, se contentant demaintenir le dlai de six mois prcdemment impos pour lexpulsion.127

    On gagne sur des points de procdure, des dtails, des erreurs, etc. On peut faire tenir desterrains pendant des annes, mais il ne sagit absolument pas de reconnaissance dun droit des personnes, a expliqu Grgoire Cousin, du Centre europen des droits des Roms(CEDR). Camille Magdelaine, une avocate qui reprsente des Roms habitant dans un campinformel de La Courneuve, a dplor : Une fois que tous les dlais possibles ont taccords, nous navons plus darmes juridiques.128 Selon Julie Launois, dans le meilleurdes cas, les gens restent. Jusqu temps que dautres arrivent les dloger.

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    SUCY-EN-BRIE : NOUS POUVONS RESTER JUSQU CE QUUNEAUTRE DECISION SOIT PRISE ET QUE NOUS DEVIONS PARTIR.

    Depuis octobre 2011, environ 30 Roms de la mme famille,originaires de Bucarest, en Roumanie, vivent sur le site d'unentrept dsaffect Sucy-en-Brie, une ville situe au sud-est de la rgion parisienne, dans le Val-de-Marne (94). Cettefamille a russi apporter de nombreuses amliorations cetespace abandonn, o elle bnficie de laide dun comit desoutien bnvole. Ces personnes craignent de se retrouversans abri aprs une expulsion, et de devoir tout recommencer zro, probablement dans des conditions plus difficiles.

    En fvrier 2012, la communaut dagglomration du Haut Val-de-Marne, ltablissement public de cooprationintercommunale qui est propritaire du terrain et du btimento vivent les familles, reprsente par son prsident, aengag une procdure de rfr devant le tribunal dinstancede Boissy-Saint-Lger, dans le but dexpulser les familles quivivent dans lentrept. La communaut dagglomration a

    Family awaiting a court decision on their eviction from a demand leur expulsion immdiate, priant le juge de ne pascamp in Sucy-en-Brie, France. Amnesty International leur accorder le dlai de deux mois prvu par la loi rgissantFamily awaiting a court decision on their eviction from a les expulsions (article 62 de la loi du 9 juillet 1991). Avec UneUne famille rom attendant la dcision du tribunal laide d'un comit de soutien bnvole, la famille a puquant leur expulsion dun campement Sucy-en-Brie. bnficier des services d'un avocat pour former un recours Amnesty International contre cette expulsion.

    Le 7 juin 2012, le jour o la dcision devait tre rendue, de nombreux membres de la famille se sontrassembls devant le tribunal de Boissy-Saint-Lger, o taient galement prsents des dlgus dAmnestyInternational, des membres du comit de soutien et la presse locale. Ils ont prcis Amnesty Internationalquils navaient nulle part o aller sils taient expulss. Ils ont attendu l'extrieur jusqu'au moment o ilsont appris que le tribunal avait rejet la requte introduite par la communaut dagglomration du Haut Val-de-Marne, pour des raisons de procdure (lacte certi fiant que la communaut dagglomration mandatait sonprsident pour la reprsenter ntait pas valable). Par consquent, le tribunal na pas examin laffaire sur lefond.129

    Pour la famille, il s'agissait d'une victoire partielle. Comme le demande dexpulsion avait t rejette pour desraisons de procdure, les propritaires pouvaient renouveler leur demande. Les membres de la famille ontexpliqu que, mme sils taient soulags de ne pas tre expulss immdiatement, ils savaient que ce ntaitquune question de temps.

    Nous sommes trs heureux. Nous pensions tre expulss au bout de 10 ou 15 jours, a dit lun des habitants.Nous pouvons rester un peu, pendant deux ou trois mois, jusqu ce quune autre dcision soit prise et que

    nous devions partir. Mais nous sommes trs heureux, pour linstant nous avons un endroit stable pour vivre .

    En ce qui concerne lavenir, ils ont exprim leur espoir de trouver un autre lieu dhabitation, car ils savaientquune autre utilisation tait prvue pour le terrain sur lequel ils vivaient et quils ne pourraient pas y rester.130

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    LE DROIT DE FAIRE APPELLes habitants de campements informels viss par une ordonnance dexpulsion se heurtent des difficults lorsquils veulent faire appel de cette dcision. Les cas dexpulsion de ce typefont gnralement lobjet de procdures de rfr, pour lesquelles le dlai de recours estraccourci 15 jours, alors quil slve un mois dans les autre cas. 131.Mais le caractre non

    suspensif des recours forms contre des dcisions prises dans le cadre de procdures derfr constitue un obstacle encore plus grave.

    Une fois que les habitants de campements informels ont t expulss, mme si lordonnancedexpulsion initiale a t juge illgale en appel, cela a peu dimpact sur leur situation.Daprs des avocats interrogs par Amnesty International, il est rare que les tribunauxrendent des ordonnances autorisant les personnes expulses retourner sur le site enquestion. Par exemple, dans un jugement du 21 septembre 2011, le tribunal de grandeinstance de Bobigny a statu en rfr en faveur de lannulation dune ordonnanced'expulsion des occupants d'un campement informel sur un terrain appartenant audpartement de la Seine-Saint-Denis, rendue aprs une procdure non contradictoire( ordonnance sur requte , voir endnote 95), car le dpartement de la Seine-Saint-Denis

    navait pas dmontr quil sagissait dune urgence et navait pas prouv quil taitimpossible d'identifier les occupants du terrain. Cependant, les habitants avaient dj texpulss et, malgr cette dcision, le tribunal de grande instance a jug que le terrainappartenant au dpartement avait t occup illgalement par 472 personnes dans desconditions matrielles et sanitaires insatisfaisantes et que, par consquent, le juge desrfrs ne saurait donc autoriser que ne soit nouveau constitu ce qui avait caractris untrouble manifestement illicite .132

    Comme la fait remarquer une avocate travaillant sur ce type d'affaires, il y a en effet unelimite norme l'effectivit du recours en raison du caractre non suspensif de l'appel. Lesgens sont expulss et non rintgrs alors qu'une illgalit est constate par le juge.133

    LES RPARATIONS APRS LEXPULSIONConformment au droit international relatif aux droits humains, en cas dexpulsion force, lestats doivent respecter le droit des rparations, qui incluent la restitution, la radaptation,lindemnisation, la satisfaction et des garanties de non-rptition.134

    Selon la lgislation franaise, les victimes dexpulsions forces ne reoivent pas derparations adquates. Lorsquil a t tabli quune expulsion enfreignait la loi, aucunerestitution nest prvue, comme indiqu ci-dessus. En outre, il semble excessivement rareque des victimes dexpulsions reconnues contraires la loi soient indemnises.135

    4.3 LE MANQUE DE PROPOSITIONS DE SOLUTIONS DE RELOGEMENTCONVENABLES

    Aux termes de lObservation gnrale n7 du Comit des droits conomiques, sociaux etculturels, il ne faudrait pas que, suite une expulsion, une personne se retrouve sans toitou puisse tre victime d'une violation d'autres droits de l'homme.Lorsqu'une personne nepeut subvenir ses besoins, l'tat partie doit, par tous les moyens appropris, au maximumde ses ressources disponibles, veiller ce que d'autres possibilits de logement, derinstallation ou d'accs une terre productive, selon le cas, lui soient offertes . 136

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    Les familles migrantes roms qui vivent dans des campements informels en le-de-France seretrouvent frquemment sans abri la suite dune expulsion, car elles ne se voient passystmatiquement proposer une solution de relogement. Lorsque des Roms se retrouvent la

    rue, ils peuvent donc essayer de trouver un hbergement durgence en appelant le 115 ouchercher un autre endroit dans lequel sinstaller, gnralement sur le territoire de la mmecommune ou du mme dpartement une situation souvent provisoire, en attendant laprochaine expulsion.

    LA PNURIE DE LHBERGEMENT DURGENCEComme dcrit prcdemment, laccs lhbergement durgence est reconnu comme undroit en vertu du Code de laction sociale et des familles (voir les pages prcdentes).Pourtant, en pratique, cet hbergement durgence, qui peut tre obtenu en appelant le 115,est loin de respecter les normes juridiques internationales en matire de solution derelogement adquat. Les problmes du service public dhbergement durgence sont bienconnus. Les reprsentants du gouvernement avec lesquels Amnesty International sestentretenue ont confirm que ce systme tait dans lincapacit de fournir un hbergementdurgence aux personnes dans le besoin,137 ce que constatent galement des dcisions dejustice internationale.138 Les associations qui travaillent avec les sans-abri ont relev denombreuses difficults pour les personnes qui recherchent un hbergement durgence enappelant le 115 : de longues priodes dattente avant de joindre le standard, deshbergements fournis trs tard dans la soire et situs loin du lieu o se trouve la personne,ainsi que des hbergements seulement temporaires, mme quand la personne concerne napas dautre solution de logement en vue.139

    Selon une tude de la Fdration nationale des associations daccueil et de rinsertionsociale (FNARS), un rseau de 850 organisations et organismes publics qui viennent en aideaux personnes sans ressources, si on examine lensemble des demandes dhbergementfaites au 115 dans 37 dpartements franais pendant l'hiver 2011-2012 (de novembre

    mars), ainsi que les rponses qui ont t donnes, on constate que seule la moiti despersonnes en recherche d'un hbergement d'urgence ont trouv une place. Toujours seloncette tude, les personnes de nationalit trangre qui sollicitent le 115 ont un tauxdattribution de places plus faible que les personnes de nationalit franaise. En effet, 69% des demandes de personnes issues de lUnion Europenne (et parmi eux, une fortemajorit de roumains) et 54% des demandes de personnes trangres hors UnionEuropenne nont