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Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com
Trimestriel – n°15/125 – 16 avril 2015
FRANCE – Immobilier résidentiel :
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Les ménages se resolvabilisent
La correction du marché résidentiel français s’est poursuivie en 2014. Elle a été mesurée dans l’ancien et plus prononcée dans le neuf. Dans l’ancien, 700 000 biens ont été vendus. Ce marché ne s’effondre pas et n’est en repli que de 14% par rapport aux pics de 2006-2007. Les prix continuent à baisser lentement, -2,2% sur un an, -7% en cumulé depuis fin 2011. Dans le neuf, la correction est beaucoup plus nette, avec un recul des ventes de 4% sur l’année et de 32% par rapport à 2006-2007. Pour les mises en chantier, la baisse est de respectivement 11% et 27%.
Des signes (encore fragiles) de reprise sont perceptibles dans le neuf début 2015 : redémarrage de l’investissement locatif (dispositif Pinel), remontée des ventes de maisons individuelles, moral des promoteurs moins dégradé. A l’inverse, l’ancien pourrait s’ajuster un peu plus nettement cette année.
Rappelons que la correction du marché français reste graduelle et modérée, beaucoup plus que dans les autres pays européens. Cette spécificité tient à une conjonction de facteurs conjoncturels négatifs et de fondamentaux structurels positifs. Trois facteurs négatifs continuent à éroder la demande : la hausse du taux de chômage, les mesures fiscales et le niveau trop élevé des prix. Ces éléments négatifs sont en partie compensés par le très bas niveau des taux de crédit, les soutiens structurels à la demande et les avantages du modèle français du crédit habitat (offre prudente, pas de montée des CDL habitat).
En 2015-2016, les facteurs en présence restent à peu près les mêmes, avec deux nuances. Les taux de crédit habitat pourraient cesser de baisser et se stabiliser. Et les mesures de soutien au logement neuf permettraient une légère reprise dans ce segment. Les volumes se replieraient un peu dans l’ancien et les prix baisseraient de -2,5% par an. Les ventes seraient en rebond de 5% par an dans le neuf (promoteur).
Les prix restent élevés, mais sont de moins en moins surévalués. Au vu de notre indicateur (capacité d’achat de logement des ménages), présenté dans le focus pages 7-8, la baisse des prix et des taux des derniers trimestres ramènent les prix à leur fair value. Si ce processus se poursuit encore deux ou trois ans, les prix seront clairement sous-évalués et attractifs, les ménages resolvabilisés. Ceci, conjugué à une baisse du chômage permettrait un nouveau cycle haussier de l’immobilier à partir de 2018. Attention évidemment à l’évolution des taux, qui sera déterminante.
Olivier ELUERE
Sommaire
Tendances récentes dans l’ancien et le neuf ................. 2 Ventes stables et plutôt élevées dans l’ancien en 2014 2 Baisse des prix modérée dans l’ancien en 2014 ............ 2 Nouveau repli des ventes de neuf en 2014 .................... 2 Encours de logements neufs élevé, prix en léger recul . 3 Points bas sur les mises en chantier et les permis ........ 3
2015-2016 : baisse lente du marché ................................ 4 La correction en douceur s’est poursuivie en 2014 ........ 4 Facteurs négatifs ............................................................. 4 Facteurs favorables ......................................................... 4 Pourquoi le neuf corrige-t-il plus que l’ancien ? ............. 5 2015-2016 : la correction va se poursuivre graduellement .................................................................. 6 Deux problèmes potentiels subsistent ............................ 6
FOCUS : Les prix des logements sont de moins en
moins surévalués ............................................................... 7 Comment mesurer la surévaluation des prix ? ............... 7 Evolutions 1985-2007 ...................................................... 7 Evolutions 2008-2014 ...................................................... 8 Vers un marché resolvabilisé à l’horizon 2018. .............. 8
FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
N°15/125 – 16 avril 2015 2
Tendances récentes dans l’ancien et le neuf
Ventes stables et plutôt élevées dans l’ancien en 2014
Le nombre de transactions dans l’immobilier ancien reste élevé et à peu près stable depuis trois ans. Après deux années soutenues (près de 800 000 ventes par an en 2010-2011), il s’était replié de 12% en 2012 (704 000 transactions) et était un peu remonté en 2013 (717 000 unités, + 1,8% sur un an). En 2014, il s’est chiffré à 700 000 unités, -2,4 % sur un an. Les ventes ont été un peu moins nombreuses au second semestre, 55 000 par mois contre 62 000 au premier. Il est toutefois prématuré de parler d’une inflexion baissière durable. En janvier 2015, le cumul 12 mois reste stable à 700 000 unités (source : Conseil général de l’environnement et du développement durable, d’après les bases fiscales et notariales).
L’immobilier ancien résiste donc assez bien, en dépit d’une conjoncture médiocre, des mesures fiscales et de niveaux de prix élevés. Par rapport aux points hauts de 2006-2007, 815 000 ventes par an, le niveau actuel ne chute pas : il se replie de -14%.
En Ile-de-France, les ventes de logements anciens qui s’étaient repliées en 2011 et 2012 s’étaient un peu redressées en 2013, avec une hausse de 3% pour les appartements anciens, à 91 000 unités. En 2014, les ventes d’appartements anciens se sont effritées, -2% sur un an, à 89 000 unités.
Baisse des prix modérée dans l’ancien en 2014
Les prix des logements anciens continuent à reculer lentement. Encore en hausse en 2010 et 2011 (+5,1 et +6% en moyenne annuelle), ils ont commencé à reculer en 2012, -2,1 % a/a au T4, et en 2013, -1,9% a/a au T4. En 2014, le repli est du même ordre, -2,2% a/a au T4. Comme pour les ventes, la baisse est un peu plus prononcée au second semestre, -2,2 % a/a au T4, qu’au premier, -1,3% au T2. La baisse cumulée des prix dans l’ancien depuis le début du mouvement de correction (fin 2011) reste faible, -7%, à comparer avec une hausse cumulée de 150% entre 1998 et 2011.
Les tendances sont comparables par grandes régions. Au T4 2014, le repli est de -2,3% a/a en province, -2% a/a en Ile-de-France et -2,1% a/a à Paris (source : INSEE, Notaires). Au vu des données disponibles pour certaines régions, les prix au T3 2014 se sont repliés de -2% a/a dans le Nord-Pas de Calais et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ils ont baissé de -0,8% en Rhône-Alpes. Par ville, les évolutions de prix des appartements anciens sont plus contrastées : au T4 2014, on note un recul de 13 % à Caen, 11% à Reims et Toulon, 10% à Saint Etienne. À l’inverse, les prix ont progressé de 3,3% à Toulouse, 2,5% à Strasbourg, 1,3% à Bordeaux.
D’après les Notaires Paris Ile-de-France, les prix baisseraient un peu plus nettement au T1 2015, -3,8 % a/a pour les appartements en Ile-de-France, -3,5 % à Paris (en partie du fait d’un effet de base).
Nouveau repli des ventes de neuf en 2014
Les ventes de logements neufs se sont encore repliées en 2014. Mais des signes un peu plus favorables apparaissent début 2015. Les ventes promoteurs (filière promoteurs, programmes d’au moins cinq logements) s’étaient corrigées assez nettement en 2011 et 2012, de -8% et -15% sur un an. Elles s’étaient stabilisées en 2013, à 89 300 unités, +0,3% sur un an. Elles ont à nouveau reculé en 2014, de -4 %, à 85 800 unités. Par rapport aux points hauts de
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France : transactions de logements anciens (par trimestre)
Nombre de transactions estimées
Source : CGEDD, Notaires, CASource : CGEDD, Notaires, CA
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France : prix des logements anciens
Variation sur un an, %
indice base 100 T1 2010
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Source : INSEE, Notaires, Crédit Agricole S.A.
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France : ventes de logements neufs
Mises en vente Ventes
milliers par trim.
Source : Ministère de l'Ecologie
FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
N°15/125 – 16 avril 2015 3
2006-2007, 127 000 ventes par an, le niveau actuel est en repli très marqué, -32%. Il faut de plus mentionner une hausse des annulations de réservations, 8 700 en 2014, + 10 % sur un an (désistements par rapport à des réservations à la vente réalisées sur des trimestres antérieurs). Une reprise des ventes investisseurs semble toutefois s’amorcer début 2015.
Le repli des ventes de maisons individuelles hors promoteurs est encore plus prononcé. Les ventes ont atteint 99 000 unités en 2014, -4% sur un an, et -48% par rapport aux points hauts de 2006-2007 (189 000 unités par an). Un mieux apparaît en janvier 2015, 7 500 ventes, +12 % sur un an. Ce mieux est évidemment fragile et à confirmer.
En Ile-de-France, les ventes de neuf (promoteurs) avaient fortement progressé en 2013, + 15,5%. Elles se sont stabilisées en 2014 (+1,2 % a/a). Ceci est en partie compensé par des annulations de ventes.
Dans l’enquête INSEE menée auprès des promoteurs, la tendance sur la demande de logements neufs reste très dégradée en janvier 2015, nettement en dessous de sa moyenne de long terme, mais remonte un peu (-49) par rapport à octobre 2014 (-54).
Encours de logements neufs élevé, prix en léger recul
Les mises en vente, encore élevées en 2012, avaient été nettement réduites en 2013, de 13% sur un an, à 104 000 unités. En 2014, elles se sont à nouveau nettement ajustées, -13,3% sur un an, à 89 900 unités. De plus, certains programmes ont été annulés.
Les promoteurs réduisent leur offre en raison de la baisse des ventes et du niveau élevé de l’encours de logements neufs proposés à la vente. Celui-ci est monté jusqu’à 106 700 unités mi-2014 et se réduit un peu à 103 300 unités au T4 2014. Le ratio encours/ventes, qui mesure le délai moyen d’écoulement de l’encours, atteint 14,4 mois de vente, un peu moins qu’au trimestre précédent (15,6 mois), mais beaucoup plus que le niveau moyen de 1995-2011, 8,3 mois. Les stocks proprement dits (encours de logements proposés à la vente et achevés ou en cours de construction) restent beaucoup plus faibles, 45 000 unités : 7% des encours sont achevés, 37% en cours de construction, 56% en projet.
En Ile-de-France, l’encours de logements neufs continue à remonter. En mois de vente, il atteint 12,9 mois de vente au T4 2014, après 11,4 mois fin 2013 et 9,6 mois fin 2012.
Les prix des logements neufs réagissent peu à la baisse des ventes et au niveau élevé des encours de logements à vendre. Les prix des appartements sont en faible repli au T4 2014, -0,5% a/a après +1,3% au T4 2013. Les prix des maisons reculent de 2% a/a au T4, après +5,9% au T4 2013.
Points bas sur les mises en chantier et les permis
La construction de logements, encore soutenue en 2011 (423 000 mises en chantier), s’était infléchie en 2012 (-5,7% sur un an) et stabilisée en 2013 (+0,7% sur un an). Le recul s’est accentué en 2014. Les mises en chantier se replient de 11,3 % sur un an, à 356 000 unités, et les permis de construire de 10%, à 376 000 unités. La baisse des mises en chantier est très forte depuis le pic de 2007 (489 000) : -27%. Il faut noter que la série a été révisée en hausse, notamment pour les années 2010-2014, avec une nouvelle méthodologie : estimations (par méthodes statistiques et économétriques) des permis et des mises en chantier, afin de pallier les délais de remontée de l’information pour les permis (plusieurs mois) et le manque d’exhaustivité pour les mises en chantier.
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Encours de logements neufs (France)
Encours à vendre
Encours en mois de vente (éch. dr.)
moismilliers
Source : Ministère de l'Ecologie
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France : prix des logements
appartements neufs logements anciens
variation annuelle, %
Source : Ministère de l'Ecologie, Insee-Notaires
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France : permis de construire et mises en chantier de logements
mises en chantier permis de construire
milliers, cumul 12m
Source : Ministère de l'Ecologie
FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
N°15/125 – 16 avril 2015 4
2015-2016 : baisse lente du marché
La correction en douceur s’est poursuivie en 2014
Le marché résidentiel français est engagé depuis 2011 dans un processus de correction. L’immobilier est un secteur très cyclique et il est logique qu’une phase de baisse succède au boom marqué des années 1998-2007. La tendance reste assez mesurée dans l’ancien et plus prononcée dans le neuf. En 2014, l’ancien est demeuré assez résistant avec un niveau de transactions élevé (700 000) et une baisse des prix mesurée, -2,2 % sur un an, -7% en cumulé depuis fin 2011. Dans le neuf, la correction est beaucoup plus nette, avec un recul des ventes de 4 % sur l’année et de 32 % par rapport aux pics de 2006-2007. Compte tenu du poids de l’ancien (trois quarts du total des ventes), le marché est globalement en baisse modérée.
Rappelons que la France reste un cas particulier en Europe, où dans la plupart des pays (Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande), une correction significative en termes de ventes et de prix est engagée depuis 2008. Le « soft landing » français s’explique par la conjonction de facteurs conjoncturels globalement négatifs et de fondamentaux structurels favorables.
Facteurs négatifs
Croissance faible et chômage en hausse La croissance du PIB a été très modérée en 2014, 0,4% en volume, et va se redresser, mais modérément, en 2015, 1,1 %, et 2016, 1,3 %. Le taux de chômage a atteint 9,8% en 2014, monterait encore à 10,2 % en 2015 et baisserait très peu, 10,1 %, en 2016. Les anticipations en matière de revenus sont médiocres. Une partie des primo-accédants renoncent à acheter.
Mesures fiscales Les mesures fiscales ont joué négativement entre 2012 et 2014 : mesures sur les plus-values immobilières et sur le PTZ, succès très mitigé du dispositif Duflot (baisse d’impôt mais contraintes assez fortes sur les plafonds de loyers et les conditions de ressources des locataires). Un plan de soutien pour le logement neuf a toutefois été annoncé en 2014 : élargissement de l’accès au PTZ, aménagement du dispositif Duflot (rebaptisé Pinel) avec notamment des formules à 6, 9 et 12 ans, simplification des normes, limitation de l’encadrement des loyers, abattement de 30% sur les plus-values de cessions de terrains jusqu’à fin 2015.
Prix de vente surévalués Les prix de vente sont encore surévalués, mais de moins en moins. Ils l’étaient de près de 20 % début 2012. Avec la baisse des prix et le recul des taux de crédit, ils ne le sont que de 0 à 5% fin 2014 (cf focus page 7). Les prix restent toutefois élevés. Il faut qu’ils baissent encore et deviennent clairement sous-évalués pour être jugés véritablement attractifs et permettre une nouvelle phase haussière et un retour des primo-accédants. Le niveau des prix reste pour l’instant un frein pour la demande.
Facteurs favorables
Taux de crédit habitat à des plus bas historiques. Ils ont baissé en 2013 (3,2% en moyenne annuelle, contre 3,8% en 2012 pour un crédit habitat à long terme à taux fixe) et ont reculé à nouveau en 2014, jusqu’à 2,6% en décembre. Cette baisse est permise par le repli continu des taux des OAT. Le très bas niveau
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France : prix des logements anciens et taux de chômage
hausse des prix sur un an
taux de chômage (éch.dte inversée)
Source : Notaires, Insee
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Taux de propriétaires occupants en Europe
Source : année 2011, Eurostat
en % du nombre de ménages
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Prix de l'immobilier résidentielIndice base 100=1997T1
UK Espagne France Irlande
Sources : Halifax, Ministerio de Fomento, Insee, DS
FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
N°15/125 – 16 avril 2015 5
des taux de crédit et le risque qu’ils remontent tôt ou tard pousse certains ménages hésitants à acheter, malgré le niveau élevé des prix, et soutient la demande de logements.
Demande de logements structurellement forte. La demande reste soutenue par des moteurs solides et durables : désir d’accession à la propriété, démographie assez dynamique, phénomènes de décohabitation, préparation de la retraite, saturation du marché locatif, effet « valeur refuge ». Les niveaux très bas des taux d’intérêt à court et à long terme renforcent l’attractivité de l’immobilier, actif jugé moins risqué, plus rassurant et plus rentable que les actifs financiers.
Offre de crédit prudente. Les critères d’octroi de crédit habitat sont restés stricts pendant le cycle haussier des années 2000 et le sont demeurés ensuite. On n’a pas constaté un emballement du crédit et des prises de risque excessives, à la différence d’autres pays. Les ratios d’encours de créances douteuses restent bas et assez stables, 3,53% au T4 2014 pour les crédits aux ménages, 1,45% en 2013 pour les crédits habitat. Il n’a donc pas été nécessaire d’opérer un net resserrement du crédit. L’octroi d’un crédit habitat est fondé essentiellement sur la capacité de remboursement de l’emprunteur. Le taux d’effort ne doit pas dépasser un tiers du revenu. Les prêts sont essentiellement à taux fixe et les maturités restent raisonnables. Ce modèle prudent de crédit habitat explique pour une bonne part que le mouvement de correction soit plus graduel et plus modéré en France que dans la plupart des pays européens. Au vu des enquêtes récentes, les critères d’octroi de crédit habitat restent à peu près inchangés.
Pourquoi le neuf corrige-t-il plus que l’ancien ?
Les ventes de neuf promoteur ont chuté de 32% par rapport à leurs points hauts de 2006-2007 et celles de maisons individuelles neuves hors promoteurs de 48%. Ce mouvement est lié à plusieurs raisons. Dans le neuf promoteur, la baisse est surtout imputable aux « investisseurs », dont le poids est très important, et où les ventes ont baissé de 40% par rapport à 2007, du fait des mesures fiscales : contraintes pesant sur le dispositif Duflot (sur les loyers et les conditions de ressources des locataires), mesures sur les plus-values. Ceci a rendu les investisseurs très hésitants. Le poids de ce segment s’est réduit à 44% en 2014 contre 50% en 2007. Le segment « accédants » résiste mieux mais a tout de même reculé de 26 % par rapport à 2007. Il est affecté par le niveau élevé du chômage, les contraintes sur le PTZ+, le niveau élevé des prix et le poids des normes (énergie, environnement, handicapés…). Ces facteurs négatifs ont joué encore plus fortement pour les maisons individuelles neuves hors promoteurs.
Les ventes d’ancien ont mieux résisté et n’ont baissé que de 14% par rapport à 2006-2007. Ceci s’explique en partie par le poids élevé des « secondo-accédants » (acheteurs-vendeurs de résidence principale). Les ventes résistent très bien dans ce segment, pour qui les facteurs de soutien structurel tels que la préparation de la retraite et l’effet valeur refuge sont essentiels, tandis que le niveau élevé des prix est moins pénalisant. Ce segment est de plus en plus important, 50% de la production de crédits fin 2013 contre 40% début 2012
1. À
l’inverse, le poids des « primo-accédants » se réduit, de 32% début 2012 à 18% fin 2013. Le niveau élevé du chômage, les incertitudes sur les revenus futurs, la surévaluation des prix et l’arrêt du prêt à taux zéro dans l’ancien ont fortement pesé sur cette catégorie, notamment sur les jeunes ménages à revenu modéré. Le marché
1 Chiffres 2014 non encore disponibles.
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France : credit habitatratio encours douteux/encours total
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Ventes appartements anciens Ile-de- France
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Ventes et stocks de logements neufs
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Source : Ministère de l'Ecologie
mois de vente
FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
N°15/125 – 16 avril 2015 6
s’est déplacé vers les secondo-accédants et à un moindre degré vers les investisseurs. Les prix baissent faiblement du fait du niveau assez élevé des ventes et d’une offre plutôt modérée.
2015-2016 : la correction va se poursuivre graduellement
Le mouvement de correction devrait se poursuivre, à un rythme lent, en 2015 et 2016. Les mêmes facteurs positifs et négatifs vont en effet reser à l’oeuvre. On peut toutefois nuancer deux points.
Les taux de crédit habitat pourraient se stabiliser. Ils restent en léger repli début 2015, à 2,5 % en février. Ils pourraient se stabiliser sur les prochains trimestres, en liaison avec la stabilisation ou la très légère remontée attendue des taux OAT 10 ans. Les taux de crédit resteraient ainsi très attractifs. Toutefois, le fait même que les taux de crédit ne baissent plus pourrait conduire à un peu plus d’attentisme, un léger repli des ventes (d’ancien) et des baisses de prix un peu plus marquées.
Les nouvelles mesures de soutien au logement neuf devraient interrompre la baisse des ventes dans le neuf (promoteurs) et permettre une légère reprise, notamment dans le segment investisseurs, grâce aux nouvelles dispositions du dispositif Pinel. Quelques signes encourageants sont d’ailleurs perceptibles début 2015 : reprise des ventes de maisons individuelles et redémarrage des ventes investisseurs
2.
En 2015, les volumes de transactions seraient en léger repli dans l’ancien. Les prix de l’ancien baisseraient de -2,5% en glissement annuel, après -2,2% fin 2014. Les volumes seraient en revanche en léger rebond (+5%) dans le neuf (promoteur) : +10 % pour les investisseurs, 0 % pour les accédants. En 2016, les tendances seraient du même ordre. On aurait ainsi une baisse cumulée des prix de 12 % entre 2011 et 2016.
Deux problèmes potentiels subsistent
Le marché va ainsi continuer à s’ajuster en douceur en 2015 et 2016. Ce mouvement risque d’ailleurs de se poursuivre en 2017. Un scénario d’effondrement de la demande de logements semble peu probable. Il faut toutefois rappeler deux points d’inquiétude.
D’abord, les primo-accédants sont en partie écartés du marché. Leur poids s’est nettement réduit et va rester faible en 2015. Le marché tourne sur lui-même, la demande ne se renouvelle pas et risque de se réduire, les mouvements d’achats–revente des secondo-accédants ne pouvant pas se perpétuer à l’infini. Une vraie reprise du marché passera par un retour des primo-accédants, qui doivent pour cela se resolvabiliser. Ce processus est en cours mais ne devrait être achevé qu’en 2017-2018 (cf. page 8).
Ensuite, le marché est très, voire trop dépendant, des taux de crédit. La diminution continue de ces taux et leur bas niveau soutiennent la demande, mais le coût du crédit est historiquement faible et les taux longs et les taux de crédit risquent de remonter tôt ou tard. Comme vu plus haut, notre scénario est une stabilisation sur les prochains trimestres et une remontée très lente et mesurée ensuite. Toutefois, on ne peut pas exclure un scénario de remontée plus rapide des taux longs français, en cas par exemple d’un accès de défiance des investisseurs vis-à-vis du risque souverain français, même si ce scénario semble peu probable. Dans un tel cas, la remontée des taux de crédit qui s’ensuivrait provoquerait une correction assez marquée des ventes et des prix immobiliers.
2 Chiffres officiels non encore disponibles.
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France : structure de la production de crédits habitat
Primo-accédants Secondo-accédants
Rachats de crédits externes Investissement locatif
Source : ACPR, Crédit Agricole S.A.
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France : prix des logements anciens et stocks de logements neufs
hausse des prix sur un anstocks neuf en mois de vente (éch.dte inv)
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France : ventes et prix de logements anciens
Ventes variations de prix sur un an (éch. dr.)
%
Source : CGEDD, Notaires, CA
milliers
prév
FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
N°15/125 – 16 avril 2015 7
FOCUS Les prix des logements sont de moins en moins surévalués
Les prix sont-ils encore significativement surévalués et comment permettre une resolvabilisation progressive des ménages acheteurs, notamment des primo-accédants ? Les données toutes récentes modifient un peu nos conclusions.
Comment mesurer la surévaluation des prix ?
La surévaluation d’un prix est l’écart entre le prix observé et le prix d’équilibre (fair value). Ce dernier reflète un marché « équilibré ». Le prix serait déterminé par les variables « fondamentales », démographie, revenus, loyers, taux, etc., et non pas par les variables « conjoncturelles » conduisant aux fortes fluctuations des marchés immobiliers (croissance, chômage, erreurs d’anticipations, mouvements spéculatifs, offre de logements mal adaptée, offre de crédit trop ou trop peu accommodante, etc.). Diverses approches existent, aucune n’est parfaite. Les plus communément utilisées sont le rapport prix/loyers et le rapport prix/revenu. Le « tunnel de Friggit » est fondé sur une analyse de l’évolution sur longue période du ratio « prix des logements/revenu par ménage ». Ces approches sont intéressantes mais ne prennent pas en compte les variables financières. Or, la très grande majorité des achats immobiliers se font à crédit ; le niveau des taux de crédit et la durée du crédit sont deux variables essentielles qui influent sur la demande et sur les prix. Il nous semble donc qu’elles doivent intervenir dans le calcul de la surévaluation. Les approches économétriques posent divers problèmes : il est difficile d’établir un lien économétrique entre les prix et plusieurs variables explicatives et il n’est pas sûr que ces variables couvrent les éléments fondamentaux. La « prime de risque » (différence entre le taux de rendement interne d’un investissement immobilier locatif et le taux obligataire) était communément utilisée dans le passé récent. Une prime de risque de l’ordre de 2 % correspond à des prix correctement valorisés. Elle est très difficile à utiliser actuellement du fait du niveau extrêmement bas des taux obligataires. Pour évaluer la surévaluation des prix, nous utilisons une approche fondée sur les ratios de solvabilité. Ce ratio est égal au remboursement annuel (capital et intérêts) pour un nouvel acquéreur d’un crédit habitat à taux fixe, rapporté à son revenu. Le ménage considéré perçoit le revenu moyen des ménages français. A chaque période, on calcule la surface qu’il peut acheter, au prix, au taux et à la durée de crédit du marché, en respectant la règle d’un ratio de solvabilité de 30% (règle appliquée assez strictement en France par les institutions de crédit). Les calculs sont effectués avec les prix des logements anciens. Cet indicateur mesure donc la capacité d’achat de logement d’un ménage. On constate sur la période 1985-2007 que la surface achetable par le ménage « moyen » évolue de façon cyclique autour d’une surface moyenne d’environ 90 m
2.
L’approche consiste à dire que les prix sont correctement évalués si le ménage « moyen » a la capacité d’acheter cette surface moyenne. Les prix sont surévalués (sous-évalués) si la surface achetable est inférieure (supérieure) à la surface moyenne. Lorsque le prix est surévalué, le ménage doit faire une concession en terme de surface. La surévaluation se mesure par l’écart entre la surface moyenne et la surface achetable.
Evolutions 1985-2007
Dans le cycle immobilier précédent (1985-1998), après une phase de hausse marquée (1985-1991), le marché s’est corrigé entre 1991 et
1
3
5
7
9
96 98 00 02 04 06 08 10 12 14
Taux de crédit habitat
taux moyen d'un crédit habitat à taux fixe (TEG)
taux OAT 10 ans
Source : BdF, Crédit Agricole
Moyennes trimestrielles en %
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5
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8 000
12 000
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Appartements anciens vendus libres à Paris
Nombre de ventes par trim.
Hausse des prix au m² (éch. dr.)
a/a en %
Source : Chambre des notaires
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1997, très fortement à Paris Ile-de-France (où s’était mise en place une forme de bulle spéculative) mais lentement et graduellement sur l’ensemble du marché de l’ancien en France. Les prix de l’ancien ont reculé de 7% environ en cumulé entre 1991 et 1997, ce qui est modéré. Or, la conjonction de cette baisse lente des prix, de la baisse des taux de crédit et de la hausse des revenus a permis une resolvabilisation assez nette, au vu de l’indicateur décrit ci-dessus. La surface achetable est passée de 73 m
2 en 1991 à 112 m
2 en 1998.
Une reprise du marché s’est enclenchée en 1998, liée à diverses raisons mais notamment au fait que les prix étaient redevenus attractifs et les ménages resolvabilisés. Les primo-accédants à revenu modéré sont peu à peu revenus sur le marché.
Evolutions 2008-2014
L’histoire ne se répète pas forcément mais un scénario assez comparable semble à l‘œuvre dans cette phase actuelle du cycle. Les prix de l’ancien étaient nettement surévalués, de 20%, au pic du cycle, début 2008. Ils l’étaient à nouveau nettement début 2012, 18% (la baisse des prix de 2008-2009 a été compensée par un rebond en 2010-2011). La phase de correction du marché a réellement commencé fin 2011-début 2012. La baisse des prix cumulée depuis lors est actuellement de 7%.
Les prix étaient encore surévalués, de 10% environ, en 2013. Mais les ménages se resolvabilisent plus vite que prévu. Avec la baisse des prix et surtout le recul des taux de crédit des derniers trimestres, les prix sont, fin 2014 début 2015, très peu surévalués (entre 0 et 5%). Ils seraient donc proches de leur fair value. Ceci ne veut pas dire que les primo-accédants vont revenir rapidement et massivement sur le marché. Comme on l’a vu dans le cycle précédent, il faut que les prix se corrigent encore et deviennent sous-évalués pour être jugés véritablement attractifs et initier une nouvelle phase haussière du marché.
Vers un marché resolvabilisé à l’horizon 2018.
Si les prix continuent à reculer lentement en 2015-2017, à un rythme de 2,5% par an, on aura au total une baisse cumulée de 14% depuis 2011. Si on suppose que les taux de crédit restent à peu près stables pendant trois ans au niveau de début 2015 (hypothèse évidemment assez forte), et une accélération progressive des revenus nominaux des ménages, alors les ménages seront peu à peu resolvabilisés. La surface achetable serait de 100 m
2 environ fin 2017, contre 77 m
2 fin
2011 et 83 m2 début 2014. Cet élément conjugué à une amélioration
de la conjoncture et une baisse du taux de chômage pourrait permettre un nouveau cycle haussier de l’immobilier à partir de 2018.
Ce n’est qu’une simulation. L’outil utilisé pour évaluer la surévaluation des prix est simplificateur, d’autres outils peuvent être utilisés. L’évolution des taux d’intérêt sera déterminante et la solvabilité des acheteurs se dégraderait à nouveau en cas de remontée significative des taux. Le marché du neuf qui a ses spécifités pourrait évoluer différemment. Mais dans le cadre des hypothèses retenues, et en laissant le marché de l’ancien continuer à se corriger peu à peu, une resolvabilisation des acheteurs et une reprise du marché immobilier pourraient se mettre en place d’ici deux à trois ans.
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87 90 93 96 99 02 05 08 11 14 17
Prix des logements anciens
Variation sur un an, % euros/m²
Source : Fnaim, Notaires, INSEE, Crédit Agricole SA
euros / m²%
prév
70
75
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95
100
105
110
115
86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18
Capacité d'achat de logement des ménages
surface achetable avec taux d'effort à 30 %
en m2
Source : BdF, Notaires, calculs CA
prév
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N°15/125 – 16 avril 2015 9
Achevé de rédiger le 15 avril 2015
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