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Histoire de l’hôpital Saint-Louis ulture et Patrimoine Saint-Louis. Gravure de Jean-Pierre Mariette (XVIIe siècle) Les épidémies de peste qui sévissaient à Paris en 1605-1606 amenèrent le Bureau des Administrateurs de l’Hôtel- Dieu à créer une nouvelle « maison de santé » qui doublerait la capacité de leur hôpital en cas d’épidémie. Cette maison de santé serait construite hors les murs, en s’inspirant des léproseries ou maladreries, de manière à isoler les contagieux du reste de la population. Le roi Henri IV, par un édit du 16 mai 1607, autorisa cette construction et son financement. Il décida qu’elle porterait le nom de Saint-Louis, en souvenir de son ancêtre mort de la peste devant Tunis en 1270. Le terrain fut choisi entre les marais de la porte Saint-Martin, la porte du Temple et les hauteurs de Belleville, non loin du gibet de Montfaucon - pratiquement entre la rue Carême Prenant (actuellement rue Bichat), le chemin de Saint-Maur (rue Saint-Maur, rue Juliette Dodu, rue des Ecluses Saint-Martin) et le chemin de Meaux (rue de la Grange aux Belles). La nouvelle maison de santé fut construite par Claude Vellefaux, maître maçon qui est également réputé pour avoir construit la Place des Vosges. Les bâtiments destinés aux malades contagieux étaient séparés des champs alentours par un ensemble de doubles murailles interceptant toute communication avec le dehors. Les malades étaient dans les bâtiments formant un carré au centre. Des bâtiments en équerre, à chaque angle, furent prévus pour loger le

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  • Histoire de lhpital Saint-Louis

    ulture etPatrimoine

    Saint-Louis. Gravure de Jean-Pierre Mariette (xviie sicle)

    Les pidmies de peste qui svissaient Paris en 1605-1606 amenrent le Bureau des Administrateurs de lHtel-Dieu crer une nouvelle maison de sant qui doublerait la capacit de leur hpital en cas dpidmie. Cette maison de sant serait construite hors les murs, en sinspirant des lproseries ou maladreries, de manire isoler les contagieux du reste de la population.

    Le roi Henri IV, par un dit du 16 mai 1607, autorisa cette construction et son financement. Il dcida quelle porterait le nom de Saint-Louis, en souvenir de son anctre mort de la peste devant Tunis en 1270. Le terrain fut choisi entre les marais de la porte Saint-Martin, la porte du Temple et les hauteurs de Belleville, non loin du gibet

    de Montfaucon - pratiquement entre la rue Carme Prenant (actuellement rue Bichat), le chemin de Saint-Maur (rue Saint-Maur, rue Juliette Dodu, rue des Ecluses Saint-Martin) et le chemin de Meaux (rue de la Grange aux Belles). La nouvelle maison de sant fut construite par Claude Vellefaux, matre maon qui est galement rput pour avoir construit la Place des Vosges.

    Les btiments destins aux malades contagieux taient spars des champs alentours par un ensemble de doubles murailles interceptant toute communication avec le dehors. Les malades taient dans les btiments formant un carr au centre. Des btiments en querre, chaque angle, furent prvus pour loger le

  • personnel. Les cuisines, boulangeries et offices taient en dehors du second mur denceinte et communiquaient avec lhpital par un tour, dans un pavillon qui existe toujours, vis--vis du chevet de la chapelle, avec un buste dHenri IV.

    A partir du 8 mai 1616, lhpital fonctionna sans interruption pendant 30 ans, puis par intermittence, servant dabri aux pestifrs en temps dpidmie, dhpital denfermement pour les mendiants ou de magasin bl.

    Le 30 dcembre 1772, le feu prit lHtel-Dieu. La majeure partie des btiments est dtruite et les malades furent transports Saint-Louis qui,

    partir du 10 mars 1773, ne cessa de fonctionner de la faon la plus active.

    En 1788, Louis XVI voulu dmolir les an-ciens btiments - cest la Rvolution qui les sauva. En 1801, sous le Consulat, un arrt du Conseil dadministration des Hospices consacrait officiellement lhospice

    du Nord (nouveau nom de Saint-Louis durant la priode rvolutionnaire) au traitement des maladies chroniques telles que la gale, la teigne, ou encore le scorbut et les ulcres. Devenu autonome, il fonctionnait avec ses propres mdecins et chirurgiens. Alibert mdecin adjoint y fit un enseignement vivant et jeta les bases de la dermatologie en France.

    Tant que Saint-Louis fut une dpendance de lHtel-Dieu, les seuls permanents taient laumnier et les jardiniers. Le

    reste du personnel variait en fonction des exigences du moment : chirurgiens, religieuses, prtres, garons de salle et filles doffice. Les religieuses appartenaient aux Augustines de

    lHtel-Dieu, ordre fond au xe sicle et qui existe toujours. Ce personnel tait dailleurs aussi touch par la maladie : la peste de 1618-1636 fit 17 victimes parmi les religieuses.

    Pendant la terreur, lhpital gardera ses religieuses condition quelles changent de costume... aux frais de lAdministration. Il y avait Saint-Louis 62 religieuses.

    A langle de la seconde muraille, quatre petits pavillons, dont deux subsistent aujourdhui, abritaient des gardes. A lextrmit sud-est, un pavillon plus impor-tant pouvait recevoir des

    htes de marque.

    Le personnel

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  • Construite hors des murs denceinte, la chapelle ntait pas conue pour servir les malades contagieux, mais plutt les

    marachers qui cultivaient les terrains alentours et les petites gens des faubourgs extrieurs.

    Le 13 juillet 1607 le roi Henri IV posait la premire pierre, marquant le dbut des travaux de lhpital. Vers la fin de 1608 le gros uvre tait achev. A lextrieur la faade montre au centre une grande arcade en plein-cintre, flanque de deux niches qui renferment les statues de Saint-Louis et Saint-Roch. A lintrieur, la chapelle est forme dune nef de quatre traves votes en bois en berceau surbaiss, puis dun transept vot en artes et enfin dun choeur en cul-de-four, le tout tant paul par des contreforts extrieurs. Le campanile qui surmonte le transept sera ajout plus tard en 1671. Tous les murs taient orns de fresques polychromes.

    Le 7 mai 1610, un chapelain tait dtach

    de lHtel-Dieu Saint-Louis pour y dire la messe et tenir les registres des malades sortants ou dcds.

    Sous la Rvolution, les vitraux et statues sont briss et les cloches fondues. Le calme rtabli, la chapelle est restaure et rendue au culte. Une nouvelle cloche

    est bnite en 1811 et un matre autel de style troubadour install. A la messe de minuit de 1819, cest dans cette chapelle quon inaugure un clairage au gaz qui merveille ; un journaliste crit : on passe tout--coup dune nuit profonde au jour clatant [...] au moyen de quelques robinets.

    Aujourdhui, si la chapelle a perdu son ancienne dcoration, ses vitraux et les trois images de Nicolas de Cambray, elle a gard au-dessus de la porte dentre sa tribune

    cintre, orne des chiffres dHenri IV et de Marie de Mdicis. Des anges sonnant de la trompette sont sculpts dans les coinons et un balcon sur console occupe le milieu de la tribune. Le baptistre en bronze est toujours l, et de part et dautre du transept, deux petits autels polychromes

    Lachapelle

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    Le 14 mai 1610 Henri IV tait assassin. La premire crmonie c-lbre dans la chapelle tait pour le repos de son me, presque trois ans aprs la pose de la

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  • Les btiments de lancien hpital nont pratiquement pas t modifis jusqu la fin du xviiie sicle. Ils formaient alors

    un quadrilatre de 120 mtres de ct, prsentant ses quatre angles, et au milieu de chacune de ses faades, un pavillon de briques et de pierres plus lev. Ltat marcageux du terrain navait pas permis la construction de caves et de fondations. Le rez-de-chausse, form de salles votes en pierre et spares en deux nefs par de gros piliers, servait seulement de

    celliers et magasins. Il ny avait des salles de malades quau premier tage ; quatre au total : au nord-ouest la salle Saint-Jean, au nord-est la salle Saint-Louis, au sud-est la salle Saint-Marthe et au sud-ouest la salle Saint-Augustin. Chaque salle mesurait 118 mtres de long.

    En 1613-1614, Claude Vellefaux fit construire un puits, et ajouta en 1620 200 ormes. Les vastes et nombreux jardins de ltablissement taient plants damandiers et dabricotiers, et on y cultivait des lgumes dont la vente contribuait lentretien de lhpital.

    Lancien hpital

    en bois reprsentent le sacrifice dAbraham et Jsus enfant. Le crucifix en bois, droite de la tribune, est du xviie sicle et provient dune chapelle

    de lHtel-Dieu. La chaire, elle, serait originaire dune glise dpendant des prtres de Saint-Vincent de Paul.

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  • Lalimentation en eau tait difficile grer : leau des sources ntait pas assez abondante, et elle tait si dure

    quelle ne dissolvait pas le savon, alors quil y avait de nombreuses lessives. Ds le xviie sicle, un rseau daqueducs souterrains fut organis pour capter leau de sources et les conduire

    jusquau rservoir de lhpital, toujours visible rue Juliette Dodu. Par ailleurs lcoulement des eaux uses fut un problme jusqu la fin du xviiie sicle.

    En 1814 furent installs un four pu-ratoire et un service de bains externes. Deux ans plus tard on cra un btiment pour le traitement des malades et des consultants, ainsi que pour lhygine des habitants des quartiers voisins.

    Peu de documents portent sur ce sujet, toutefois les ren-seignements qui existent laissent penser que le lit tait

    un meuble important cette poque : il tait compos dun bois de lit pour 2 ou 4 malades surmont dun ciel plein. Cest dans ces lits qutaient entasss les malades ; seul le mourant avait le droit dtre seul. Une lettre de Franois 1er date de 1515 relative lHtel-Dieu dit : par faulte daisance on veoit ordinairement 8, 10 et 12 pauvres en un lit trs presss que cest grant piti que de les veoir.

    Cela inspira Jehan Morel, menuisier, lide de construire pour lHtel-Dieu des couches soulz chascune desquelles il y aura une petite forme (banc) de la largeur desdites couches, qui se ostera pour reposer les dicts pauvres ; ce petit banc tant probablement lusage de sige pour les malades qui attendaient le moment de se coucher leur tour.

    Chaque lit comportait un inventaire rglementaire (draps, couvertures, plu-

    mes) et chaque malade avait droit un lot (chemises, coiffes, sandales, cuelle dtain, chaise).

    Chaque salle avait sa batterie de cuisine avec buffet, chariot, tasses. Il y avait aussi une chaise perce pour 50 malades, 2 seringues lavement et une cuvette pour que le chirurgien puisse se laver les mains et enfin des armoires pour ranger le linge.

    Les lits

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    Une salle du rez-de-chausse dans les anciens magasins de lhpital. Dessin de Ren Fath (1886)

  • Lclairage tait as-sur peut-on dire par des lampes huile, qui incommodaient souvent les malades. Daprs Tenon, qui

    inspecte en 1787 ce moyen dclairage, les lampes huile taient inefficaces et particulirement mauvaises pour ceux qui souffraient daf-fections pulmonaires.

    Il faudra attendre le dbut du xixe sicle pour arriver un dbut dclairage sa-tisfaisant. Si Lebon a ds 1797 mis au point son procd de

    gaz hydrogne carbon par distilla-tion du charbon de terre, son procd se heurtait la rsistance du commerce des bougies et des chandelles. A la Res-tauration, le comte de Chabrol, prfet de la Seine, runit une commission qui

    prconisa lessai du procd Lebon pour lclairage de lh-pital Saint-Louis. La construction de lusine commena en 1815 aux frais de la Ville, le fonctionne-ment en incombant au Conseil Gnral des Hospices.

    Lusine, qui fut donc la premire usine gaz de Paris, sinstalla dans trois

    Lclairage

    Pour rtablir les canalisations de gaz, on utilisa des canons de fusils. La paix tant revenue, le ministre de la guerre en fournit 1500. Mais ils soxydrent rapidement et aprs une explosion sans blesss en 1827 dans le vestiaire des bains, ils furent remplacs par des tuyaux

    de plomb.

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    A Saint-Louis, deux des pavillons dangle, ceux munis dune haute chemine, -taient des chauffoirs. Ctait trs insuffi-

    sant et des poles furent installs au milieu. La nuit, les rideaux des lits taient tirs pour se protger du froid.

    Les deux autres pavillons non utiliss comme chauffoirs servaient doratoire pour les malades qui, contagieux, ne devaient aller la chapelle de lhpital.

    Les chemines taient situes aux quatre angles intrieurs contigus aux salles. Il tait dit que leur odeur incommodait les malades.

    Le chauffage

    Saint-Louis. Gravure de Christophe Civeton (1825)

  • hangars difis langle de ce qui est actuellement la rue Bichat et la rue de la Grange-aux-Belles, et fonctionna de 1818 1860.

    Lhpital fut dot de 300 becs dclai-rage, qui, dans les salles des malades, taient ventils par de petites chemines daration. La chaleur, peine sortie de lusine, tait aussi utilise pour chauffer leau des bains.

    Le gaz servit aussi au chauffage des salles lorsque lconome, un sieur Paupert, mit au point un radiateur. Aprs 1860, lusine fut arrte et le gaz fourni par la Compagnie Parisienne dEclairage et de Chauffage.

    1845 - cration dune maternit

    1879 - la premire chaire de clinique des maladies cutanes et

    syphilitiques est cre et occupe par Alfred Fournier (1832-1914)

    1885 - on commence construire en bordure de la rue Bichat les btiments destins aux nouvelles consultations de mdecine et de chirurgie, ainsi que le muse des moulages et la bibliothque mdicale.

    1886 - dbut du fonc-tionnement de lcole des teigneux, cre par le docteur Lailler, et construction dun laboratoire spcial pour lexamen des teignes et la recherche des moyens de gurison. Ladjonction de ce laboratoire lcole des

    teigneux en fit un vritable centre de traitement et de recherches.

    5 aot 1889 - inauguration officielle du muse des moulages cration de la socit franaise de Dermatologie et premier congrs international de dermatologie.

    1891 - on annexe au pavillon central du quadrilatre une salle danesthsie au protoxyde dazote rclam par le chirurgien Pan, qui fera don au muse de sa collection de 540 moulages paye

    sur ses propres deniers.

    1908 - cration dun service O.R.L.

    1919 - cration dun service dophtalmologie.

    1er fvrier 1955 - ouverture de linstitut de recherche sur les leucmies de lhpital Saint-Louis.

    xixe - xxesicles

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    28 juillet 1937Classement et inscription des btiments aux M o n u m e n t s

    Historiques.

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  • 1er janvier 1957 - le Professeur Jean Bernard est nomm chef du service dhmatologie de Saint-Louis.

    1980 - attribution du prix Nobel de mdecine au Professeur Jean Dausset pour ses travaux sur lhisto-compatibilit.

    1981 et 1989 - ouverture des premire et deuxime tranches du nouvel hpital Saint-Louis.

    7 juillet 1992 - classement aux Monuments Historiques des moulages et des vitrines du muse.

    Le renouveau

    Sources bibliographiques :Lhpital Saint-Louis de Pierre-Nicolas Sainte Fare Garnot. Ed. de Larbre imagesLhpital Saint-Louis par Raymond. Sabouraud. Ed. Les Laboratoires CibaMmoires sur les hpitaux de Paris de Jacques Tenon. Ed. Doin-Assistance Publique Hpitaux de Paris

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    A la fin du xixe sicle, le rayonne-ment inter-national de l h p i t a l

    tait assur par les plus grands noms de la mdecine et la diversification de ses missions. Appel se rformer, il faudra attendre 1986 pour voir lhpital tel que nous le connaissons aujourdhui, projet des architectes Baldani et Roux-Dorlut. Soumis aux contraintes dun programme mdical dexcellence et au res-pect dun site class, quatre blocs furent difis, dont la hauteur et la masse furent limites pour viter le dfaut de monumentalit. Le dtail de la construction sinspirait de la structure existante, en mettant laccent sur les verticales et la combinaison de la pierre et de la brique.

    Dans son programme dhumanisation, lAssistance Publique se dotait de la Commission dArt et dEsthtique , charge dam-liorer lenvironnement hospi-talier. Trois uvres originales furent accueillies dans le hall daccueil de lhpital : une fontaine de Michle Blondel, une srie de lampadaires dcoratifs de Denis de Rougemont et un vitrail de Rachel Grateloup.

    Au xxie sicle, lhpital Saint-Louis, d hpital spcialis est devenu hpital de spcialits . Aux cts de la dermatologie, il compte entre autres aujourdhui lhmatologie, la cancrologie, un ple de transplantation dorganes et depuis 2012 un centre de traitement des grands brls.

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