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56 Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 1997, 136, 56-76 INTÉRÊT DE LA SPECTROPHOTOMÉTRIE DÉRIVÉE POUR L'IDENTIFICATION D'UNE SUBSTANCE (*) J. JOSEPH-CHARLES (1) , M. BERTUCAT (1) , P. LEVILLAIN (2) L'utilisation de la spectrophotométrie dérivée peut fournir une information qualitative à l'analyste sur l'identification d'une substance. La spectrophotométrie - en dérivée première et en dérivée seconde - apporte une nette amélioration par rapport à la spectrophotométrie d'absorption classique dans la caractérisation d'un composé. Ceci est montré à travers l'étude de onze molécules à structure tricyclique. INTRODUCTION La spectrophotométrie dans l'ultraviolet et le visible est souvent utilisée pour doser les principes actifs médicamenteux, grâce à la grande sensibilité des (*) Manuscrit reçu le 29 Septembre 1997 (1) Laboratoire de Chimie Analytique Appliquée, U.F.R. des Sciences Pharmaceutiques, 3 ter, Place de la Victoire, 33076 Bordeaux Cedex (2) Laboratoire de Chimie Analytique, U.F.R. des Sciences Pharmaceutiques, 2bis Boulevard Tonnelé, 37042 Tours Cedex

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Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 1997, 136, 56-76

INTÉRÊT DELA SPECTROPHOTOMÉTRIE DÉRIVÉE

POUR L'IDENTIFICATION D'UNE SUBSTANCE (*)

J. JOSEPH-CHARLES (1) , M. BERTUCAT (1) ,

P. LEVILLAIN (2)

L'utilisation de la spectrophotométrie dérivée peut fournir uneinformation qualitative à l'analyste sur l'identification d'unesubstance. La spectrophotométrie - en dérivée première et endérivée seconde - apporte une nette amélioration par rapport à laspectrophotométrie d'absorption classique dans la caractérisationd'un composé. Ceci est montré à travers l'étude de onze molécules àstructure tricyclique.

INTRODUCTION

La spectrophotométrie dans l'ultraviolet et le visible est souvent utiliséepour doser les principes actifs médicamenteux, grâce à la grande sensibilité des

(*) Manuscrit reçu le 29 Septembre 1997(1) Laboratoire de Chimie Analytique Appliquée, U.F.R. des Sciences

Pharmaceutiques, 3 ter, Place de la Victoire, 33076 Bordeaux Cedex(2) Laboratoire de Chimie Analytique, U.F.R. des Sciences Pharmaceutiques, 2bis

Boulevard Tonnelé, 37042 Tours Cedex

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mesures. Malheureusement, son emploi pour la caractérisation des substancesmédicamenteuses est beaucoup plus réduit: au niveau de la PharmacopéeFrançaise, seules quelques monographies utilisent cette technique.

En effet, les spectres classiques donnent souvent une indicationinsuffisante pour l'identification d'une substance. Le spectre ultraviolet estbeaucoup moins précis que son équivalent dans l'infrarouge : d'une part, seulesles positions de maxima ou de minima très nets peuvent être définies avec uneprécision suffisante (+ ou - 1 nm par exemple) pour être caractéristiques, alorsque les positions de nombreux épaulements ou de maxima peu marqués, quoiquevisibles sur le spectre, ne peuvent se voir attribuer une longueur d'onde précise.D'autre part, il n'existe souvent que peu de points définissables (un seul dans laplupart des cas). Or, de nombreuses substances peuvent avoir un maximum à lamême longueur d'onde, ce qui peut entraîner des confusions. Ces raisons limitentdonc l'intérêt de la méthode. C'est pourquoi nous avons voulu examiner lapossibilité d'utiliser la dérivation pour améliorer la précision des spectres.

En effet, la plupart des applications de cette technique trouvées dans lalittérature à propos des médicaments, concernent l'analyse quantitative [1-11]. Enrevanche, peu de publications concernent l'analyse qualitative [12,13]. Laspectrophotométrie dérivée peut pourtant être très intéressante pour résoudre leproblème d'identification [14] ou permettre de savoir si un produit est pur ou enmélange. C'est une technique analytique utilisée pour améliorer la résolution debandes d'absorption très voisines ou se recouvrant dans un spectre d'ordre zéro[15]. Cette méthode met très clairement en évidence les changements de pente desspectres et permet ainsi de noter les points d'inflexion avec précision. De plus,dans un spectre dérivé d'ordre n, une bande du spectre d'origine se traduit parl'existence de n+1 bandes alternativement positives et négatives, ce qui entraîne laformation de n points d'annulation faciles à déterminer avec une très grandeprécision (Figure 1). En conséquence, cette technique doit permettre de définirbeaucoup plus clairement les caractéristiques du spectre ultraviolet d'unesubstance.

L'objet de cet article est de montrer l'importance de la spectrophotométriedérivée pour l'identification d'une substance et de vérifier la validité de notrehypothèse à travers l'étude de onze molécules tricycliques à structure azépiniqueou apparentée (Tableau I).

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Fig. 1 : Spectres en dérivée première (∆ 1) et seconde (∆ 2)

d’une bande d’absorption gaussienne (A).

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Ces composés peuvent être classés d'après leurs structures :

— Pyridobenzodiazépines : propizépine (PRO), pirenzépine (PIR) ;

— Dibenzodiazépines : dibenzépine (DIB), clobenzépam (CLOB),clozapine (CLOZ) ;

— Dibenzoxazépines : amoxapine (AMO), loxapine (LOX), nitroxazépine(NIT) ;

— Dibenzothiazépine : clotiapine (CLOT);

— Dibenzazépine: fluperlapine (FLU) ;

— Dibenzothiépine : zotépine (ZOT ).

Tableau I : Structures des principes actifs étudiés

CH3

NH3C

N

NH N

O

. HCl

Propizépine

H3C

NH

N N

O

. 2 HCl

Pirenzépine

O N N CH3

CH3

NH3C

N

N

O

. HCl

Dibenzépine

CH3

CH3

NH3C

N

NH

O

Cl

. HCl

Clobenzépam

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Tableau I : Structure des principes actifs étudiés (suite)

N

NH

Clozapine

Cl

N

N CH3

N

O

Amoxapine

N

NH

Cl

N

O

Loxapine

N

N

Cl

CH3

N

O

O

. HCl

Nitroxazépine

NH3C

H3C

NO2

N

S

Clotiapine

N

N

Cl

CH3

N

Fluperlapine

F

N

N CH3

S

O

Zotépine

NH3C

H3C

Cl

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MATÉRIEL ET MÉTHODE

Les spectres ont été tracés à l'aide d'un spectrophotomètre Gilford 2600(Ciba Corning, Le Vésinet, France) équipé de cuves de quartz de 1 cm et relié àune table traçante Hewlett-Packard 8775 B (Hewlett-Packard, Évry, France). Lesspectres ont été enregistrés contre un blanc solvant avec les paramètres suivants :

• Zone de longueur d'onde : 210-350 nm

• Pas de mesure : 0,5 nm

• Largeur de fente : 0,1 mm

• Échelle d'expansion des ordonnées : - mode dy / dx: ± 0,05

- mode d2y / dx2 : ± 0,005

Tous les produits chimiques ont été utilisés sans autre purification. Leméthanol, qualité pour analyses, RPE-ACS provient de Carlo Erba (FarmitaliaCarlo Erba, Milan, Italie). Les principes actifs étudiés nous ont été aimablementfournis par les laboratoires suivants: PRO (UPSA, Agen, France), PIR(Boeringer Ingelheim, Reims, France), DIB et CLOT (Sandoz, Rueil-Malmaison, France), CLOB (Wander, Bâle, Suisse), AMO et LOX (Lederle,Oullins, France), NIT (Ciba-Geigy, Bâle, Suisse), ZOT (FujisawaPharmaceutical Co, Osaka, Japon), CLOZ et FLU (Sandoz, Bâle, Suisse).

Les solutions ont été préparées par dissolution dans le méthanol avec desconcentrations finales permettant d'obtenir une absorbance comprise entre 0,5 et1,0 U.A. au niveau des principaux maxima : 10 mg/l, sauf pour PIR et FLU à 20mg/l et pour CLOB à 5 mg/l.

*

* *

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RÉSULTATS

• É t u d e d e s s p e c t r e s d i r e c t s

La facilité d'identification d'une substance par son spectre ultraviolet ouvisible, dépend à la fois du nombre de bandes présentes dans le spectre, maisaussi de la largeur de ces bandes (une bande étroite présente généralement unmaximum plus net) ou encore de la possibilité pour une bande, d'apparaîtrecomme un épaulement sur une bande plus intense. Les onze molécules étudiéesprésentent ces différentes possibilités.

Deux d'entre elles peuvent être définies avec précision (Tableau II et Figure2). Par exemple, le spectre de FLU présente trois maxima à 230, 251 et 305 nm,trois minima à 227, 245 et 281 nm. De même, le spectre de ZOT montre deuxmaxima à 214 et 265 nm et un minimum à 246 nm.

Tableau II : Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres classiques (∆ 0)

Composés Max(nm)

E p(nm)

Min(nm)

FLU230251305

—227245281

ZOT214265(298)

—246284

DIB 225 (245) 216

CLOB 229 (243) 214

PIR 283 (245) 263

PRO 218 (238) —

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Fig. 2 : Spectres classiques (∆ 0), en dérivée première (∆ 1),

et seconde (∆ 2), de la fluperlapine (FLU) et de la zotapine (ZOT)

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Tableau II (suite) : Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres classiques (∆ 0)

Composés Max(nm)

E p(nm)

Min(nm)

NIT (228)268

— 247

AMO252

(299)(322)

(233)(277)(308)

LOX252

(299)(325)

(232)242

(276)(308)

CLOZ(228)(260)(297)

—(223)(252)(284)

CLOT (263)(298)

(240) (250)(292)

Max : maximum ; Min : minimum ; Ep : épaulementGras : point très net ; italique : point net ; (parenthèses) : point peu précis.

Tableau III : Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres en dérivée première (∆ 1)

Composés P.A .(nm)

Max(nm)

Min(nm)

FLU

227230245251281305

228248293

236259322

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Fig. 3 : Spectres classiques (∆ 0), en dérivée première (∆ 1),

et seconde (∆ 2), de l’amoxapine (AMO) et de la dibenzépine (DIB)

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Tableau III (suite) : Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres en dérivée première (∆ 1)

Composés P.A .(nm)

Max(nm)

Min(nm)

ZOT

214246265287299

260292

219232273312

DIB 216225

220245(281)

233251

CLOB 214229

221 (238)248

PIR 263283

219274

222(299)

PRO 218 236 226241

NIT 250264

226256

240283

AMO279299308321

230248295

(314)

235261303

LOX

243250278299308321

247(286)(295)

234262304

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Fig. 4 : Spectres classiques (∆ 0), en dérivée première (∆ 1),

et seconde (∆ 2), de la clozapine (CLOZ) et de la clotiapine (CLOT)

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Tableau III (suite) : Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres en dérivée première (∆ 1)

Composés P.A .(nm)

Max(nm)

Min(nm)

CLOZ

225254258287295

225256291

218238267307

CLOT252261293302

237256296

220244274312

Max : maximum ; Min : minimum ; P.A. : point d’annulation

Gras : point très net ; italique : point net ; (parenthèses) : point peu précis.

Tableau IV: Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres en dérivée seconde (∆ 2)

Composés P.A .(nm)

Max(nm)

Min(nm)

FLU

228236248259293324

222241264281335

232253274306

(318)

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Tableau IV (suite) : Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres en dérivée seconde (∆ 2)

Composés P.A .(nm)

Max(nm)

Min(nm)

ZOT

232260273292312

221243256279316

227252266303

DIB

220233245251282292

237255265305

226248259286

CLOB221248296309

239253265

229245260

(300)

PIR

219222241245274298

229255263305

219288

PRO

226236241(260)(263)(287)

230246274294305

238

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Tableau IV (suite) : Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres en dérivée seconde (∆ 2)

Composés P.A .(nm)

Max(nm)

Min(nm)

NIT

226239256283

245275286294

(304)

230269299

AMO

230235249261283288295304314

222242268291307

233255286299323

LOX

247262287291304314

222240272307

233254299324

CLOZ

218225237256268291307

222244273283315

231262301

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Tableau IV (suite) : Longueurs d’onde caractéristiquesdes spectres en dérivée seconde (∆ 2)

Composés P.A .(nm)

Max(nm)

Min(nm)

CLOT

221238244257275298314327

225232249282

229241269306

Max : maximum ; Min : minimum ; P.A. : point d’annulationGras : point très net ; italique : point net ; (parenthèses) : point peu précis.

Un groupe de substances (DIB, PIR, PRO, CLOB) possède un seulmaximum assez facile à déterminer (Tableau II). Le spectre de DIB est représentéfigure 3. En revanche, la bande principale du spectre de NIT est plus large et sonmaximum plus délicat à préciser. Notons par ailleurs la grande similitude desspectres de DIB et CLOB, liée à la faible différence de structure moléculaire.

Trois molécules de structure très voisine (AMO, CLOZ, LOX) (figures 3 et4) sont difficiles à caractériser car leurs spectres ne présentent que des bandeslarges ou des épaulements. Seule LOX présente un maximum appréciable avecsuffisamment de précision vers 252 nm (Tableau II). Là encore, les spectres deAMO et LOX sont pratiquement semblables.

Enfin, les bandes du spectre de CLOT apparaissent essentiellement sousforme d'épaulements, si bien que malgré l'existence de trois bandes bien visibles(Tableau II, figure 4), l'identification de la molécule est très délicate.

Globalement, l'apport de ces spectres directs pour l'identification desmolécules est donc faible.

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• Étude des spectres en dérivée première

Même pour les spectres bien définis à l'origine, la dérivation augmente laprécision (Tableau III, figure 2).

On sait, en effet, que chaque maximum ou minimum de la courbe d'origine(où la pente de la tangente est nulle) se traduit par un point d'annulation endérivée première. Or, il est beaucoup plus facile de déterminer un pointd'annulation que le maximum d'une bande assez large (Figures 2, 3 et 4). Enchoisissant une échelle dilatée, la position du point d'annulation peut être connueà moins de 0,1 nm près contre au moins 2 nm pour le maximum. De plus, chaquepoint d'inflexion du spectre d'origine va se traduire à son tour dans la courbedérivée par l'existence d'un maximum ou d'un minimum.

C'est ainsi que FLU, par exemple, présente six points d'annulation à 227,230, 245, 251, 281 et 305 nm correspondant aux minima et aux maxima duspectre d'ordre zéro, et en plus trois maxima et deux minima nets. Pour ZOT, ilapparaît également de nouveaux points caractéristiques avec cinq pointsd'annulation à 214, 246, 265, 287 et 299 nm.

Le groupe des substances ne présentant qu'un maximum dans le spectredirect, voit en général également sa définition augmenter (Tableau II, figure 3).C'est tout particulièrement vrai pour AMO et LOX où les épaulements et bandesfaibles sont nettement mis en évidence par l'existence des points d'annulation.Ces deux substances ont quatre points d'annulation identiques mais deux pointssupplémentaires à 243 et 250 nm pour LOX, permettent la différenciation. Deplus, AMO présente un maximum net à 230 nm non donné par LOX.

Pour DIB et CLOB, les points d'annulation sont, à 216 et 225 nm pourDIB, 214 et 229 nm pour CLOB. En outre, le spectre de DIB montre unmaximum net à 245 nm non donné par CLOB (Tableau III). Par rapport auspectre direct, la dérivée première apporte une amélioration certaine pourl'identification de ces quatre substances: elle permet de différencier AMO deLOX, et DIB de CLOB.

Enfin, pour les spectres mal définis, la dérivation apporte un gain importantde précision (Tableau III, figure 4). Par exemple, pour CLOZ, on obtient cinqpoints d'annulation à 225, 254, 258, 287 et 295 nm, ce qui permet de connaîtrela position des maxima et des minima peu nets du spectre d'ordre zéro. CLOT

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présente, de même, quatre points d'annulation à 252, 261, 293 et 302 nm. A cesvaleurs s'ajoutent des maxima et des minima qui correspondent aux pointsd'inflexion du spectre direct.

• Étude des spectres en dérivée seconde

La dérivée seconde accroît considérablement le nombre de pointscaractéristiques des spectres. En effet, à chaque bande du spectre d'originecorrespondent trois bandes dans le spectre dérivé, soit deux maxima, unminimum et deux points d'annulation. Des bandes peu nettes en dérivée premièresont mieux définies.

On note ainsi que, pour FLU, on peut identifier aisément quinze points endérivée seconde (contre six dans le spectre direct), pour ZOT onze points (contrequatre dans le spectre direct) (Tableau IV, figure 2).

Le résultat est très intéressant pour les spectres n'ayant qu'un maximum(Tableau IV, figure 3). Dans le spectre en dérivée seconde, la localisation desépaulements du spectre direct devient particulièrement appréciable.

Ainsi, l'épaulement vers 245 nm dans le spectre direct de DIB donne unminimum. Il en est de même pour les épaulements vers 233, 299 et 322 nm dansle spectre direct de AMO. LOX présente les mêmes minima que AMO, mais onpeut différencier les deux substances : la courbe dérivée seconde de AMO montrequatorze longueurs d'onde caractéristiques contre dix pour LOX; on dénombreneuf points d'annulation pour AMO, six pour LOX et enfin, AMO présente unmaximum net à 291 nm non donné par LOX. Quant à DIB et CLOB, leurdifférenciation est aussi possible. Leurs spectres sont mieux définis avec treizelongueurs d'onde caractéristiques pour DIB, huit pour CLOB (contre deux dansle spectre direct ). DIB peut être caractérisé par son spectre en dérivée secondeavec six points d'annulation, celui de CLOB en comportant quatre, un maximumà 305 nm et un minimum net à 286 nm non présentés par CLOB (Tableau IV).

Enfin, pour les spectres peu précis comme ceux de CLOZ et CLOT, larésolution améliorée des épaulements produit des minima supplémentaires.L'accroissement du nombre de maxima, de minima et de points d'annulationaméliore très nettement la définition du spectre (Tableau IV, figure 4).

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CONCLUSION

L'augmentation du nombre de bandes obtenues par dérivation entraîne unaccroissement corrélatif des points caractéristiques (maxima, minima et pointsd'annulation) de la courbe dérivée et ainsi, améliore la définition des spectresdans l'ultraviolet et le visible.

La spectrophotométrie dérivée permet de prendre en compte la totalité duspectre et pas seulement le maximum donné par le spectre d'absorption. On peut,de cette façon, caractériser beaucoup plus précisément une substance que par lesspectres classiques et apporter une solution à la séparation des produits dont lesspectres sont proches. De plus, un seul appareil suffit pour l'identification et ledosage de la substance sans avoir recours à d'autres méthodesspectrophotométriques comme l'infrarouge.

Cette méthode peut ainsi rendre de grands services pour l'établissement dedossiers d'Autorisation de Mise sur le Marché. Elle pourrait servir pour effectuerdes tests de pureté. Une étude plus approfondie pour en préciser les avantagescomme éventuellement les écueils, fera l'objet d'une publication ultérieure.

REMERCIEMENTS

Nous remercions vivement les laboratoires qui nous ontpermis de réaliser ce travail grâce à leur don généreux desprincipes actifs étudiés.

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ABSTRACT

Advantages of derivative spectrophotometry foridentification of a compound

Derivative spectrophotometry yields qualitative information to the analystabout identification of a compound. First and second derivativespectrophotometry permits significant improvement for the characterization of acompound compared with conventional absorption spectrophotometry. This isshown through the study of eleven tricyclic molecules.

Key-words : derivative spectrophotometry, identification.