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Le matin, une course cycliste dotée de prix intéressants attirait les gloires régionales; les luttes bretonnes occupaient une bonne partie de l’après-midi, tandis que la soirée était consacrée aux danses bretonnes animées par biniou et bombarde: il y avait toujours une « gavotte d’honneur » avec remise de prix, flot de rubans. Le soir, un grand feu d'artifice tiré depuis le bac clôturait les réjouissances. Et pendant tout ce temps, jusqu'au mardi soir, la fête foraine battait son plein. Le mât de cocagne sur l'eau :un concurrent s'aventure sur le mât horizontal, lisse et copieusement savonné. S'il arrive à destination, il décrochera l'un des lots suspendus aux perches en X qui soutien- nent l'extrémité du mât. Les spectateurs sont tellement pris qu'ils en oublient que la mer monte ! Bénodet était déjà, à cette époque, une station balnéaire réputée. La clientèle du « Grand Hôtel » comprenait une bonne partie de riches anglais, venus par mer sur leurs beaux yachts qui mouillaient devant leurs fenêtres. D'autres bateaux, familiers des lieux, alimentaient les conversations des habitués du port, qui ne manquaient pas de commenter les appareillages et les manoeuvres. Certains touristes, venus avec leur yacht, prenaient pension à 1 'hôtel ou chez 1 'habitant, et recherchaient un équipage sur place; d'autres louaient un bateau et son patron, ce qui les orientait vers les marins-pêcheurs : ainsi, je me souviens de voir mon père se mettre à la disposition de messieurs Hers et Tothberger, deux chirurgiens venant du nord de la France. Parmi les plaisanciers du début de ce siècle, je me souviens aussi de Monsieur Jachsier, un riche industriel qui fit construire la villa Ker Bonnaventure (actuellement le « Bar du Port » tenu par Jeannot Le Moigne ). Il possédait un yacht, le « Bonne Aventure », un ancien thonier transformé, commandé par Roger Le Bec, un marin de Larvor. Plus tard j'ai fait de même, et j'ai embarqué sur de beaux yachts comme le Beg-Hir, propriété des Lesieur résidant à Beg Meil. J'ai également été employé par Monsieur Bouilloux - Lafont. 6/8

La mer au Pays de Fouesnant - p-asmhj

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Le matin, une course cycliste dotée de prix intéressants attirait les gloires régionales; les luttes bretonnes occupaient une bonne partie de l’après-midi, tandis que la soirée était consacrée aux danses bretonnes animées par biniou et bombarde: il y avait toujours une « gavotte d’honneur » avec remise de prix, flot de rubans. Le soir, un grand feu d'artifice tiré depuis le bac clôturait les réjouissances. Et pendant tout ce temps, jusqu'au mardi soir, la fête foraine battait son plein. Le mât de cocagne sur l'eau :un concurrent s'aventure sur le mât horizontal, lisse et copieusement savonné. S'il arrive à destination, il décrochera l'un des lots suspendus aux perches en X qui soutien-nent l'extrémité du mât. Les spectateurs sont tellement pris qu'ils en oublient que la mer monte !

Bénodet était déjà, à cette époque, une station balnéaire réputée. La clientèle du « Grand Hôtel » comprenait une bonne partie de riches anglais, venus par mer sur leurs beaux yachts qui mouillaient devant leurs fenêtres.

D'autres bateaux, familiers des lieux, alimentaient les conversations des habitués du port, qui ne manquaient pas de commenter les appareillages et les manoeuvres. Certains touristes, venus avec leur yacht, prenaient pension à 1 'hôtel ou chez 1 'habitant, et recherchaient un équipage sur place; d'autres louaient un bateau et son patron, ce qui les orientait vers les marins-pêcheurs : ainsi, je me souviens de voir mon père se mettre à la disposition de messieurs Hers et Tothberger, deux chirurgiens venant du nord de la France. Parmi les plaisanciers du début de ce siècle, je me souviens aussi de Monsieur Jachsier, un riche industriel qui fit construire la villa Ker Bonnaventure (actuellement le « Bar du Port » tenu par Jeannot Le Moigne ). Il possédait un yacht, le « Bonne Aventure », un ancien thonier transformé, commandé par Roger Le Bec, un marin de Larvor.

Plus tard j'ai fait de même, et j'ai embarqué sur de beaux yachts comme le Beg-Hir, propriété des Lesieur résidant à Beg Meil. J'ai également été employé par Monsieur Bouilloux - Lafont.

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CI- DESSUS: Le port, vu de la pointe Dauchez.. A gauche, le lougre échoué qui a longtemps servi d’habitation à la famille Goardet, abritant les parents et jusqu'à six enfants ! CI - DESSOUS: Y von Cosquer ( debout, au centre) a longtemps défendu les couleurs - et les buts - des équipes de foot-ball locales, l' « Odet-Sport » d'abord, puis l' « Étoile de l'Odet » (La photo date de 1932 )

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Nous avons rapporté dans notre numéro 15 de janvier 2000 les souvenirs d'enfance de Monsieur Bernard DELAIRE, sous le titre: « Conversation avec un centenaire ».

Une bénodétoise, âgée aujourd'hui de 81 ans, et qui se souvient de ce que lui racontaient ses parents nés vers 1880, réagit aux propos de Bernard Delaire sur le Bénodet qu'il a connu, et tout particulièrement sur son affirmation que les bénodétois ne se baignaient pas. C'est faux, affirme-t-elle, ils se baignaient et savaient très bien nager.

Les fillettes et les jeunes filles se baignaient avec leur chemise qu'elles épinglaient entre les jambes. Mais elles ne s'exhibaient pas sur la grande plage: elles allaient à Penfoul ou à Lichaven, où elles étaient plus tranquilles.

Les garçons étaient nombreux à se baigner, et ils étaient bons nageurs, mais leur lieu préféré était le port où ils aimaient plonger de la cale. Lorsque Sarah Bernhardt résida au Grand Hôtel, elle allait les regarder, et elle jetait dans l'eau des pièces de cinq francs qu'ils allaient repêcher. Jean-Marie Diligeard était de ces intrépides plongeurs ; on dit qu'un jour où il était de noce, il est venu sur la cale en habits neufs et chapeau breton. Pour devancer ses concurrents dans la pêche aux cinq francs, il a plongé tout habillé . . . et sans même enlever son chapeau! Il a eu la pièce, mais il lui a fallu nager loin pour récupérer le couvre-chef emporté par le courant.

Chez les jeunes hommes, il y avait des courses de natation entre le « Château rose » de Sainte- Marine et la pointe de Kergaït : pas de prix, mais le dernier arrivé payait à boire à ses camarades.

Le lundi du pardon était organisé dans le port un lâcher de canards dont on avait rogné les ailes. Les garçons plongeaient et nageaient à leur poursuite. Le canard capturé devenait bien entendu la propriété de son ravisseur.

Dans le bourg, on parlait beaucoup de la famine Dauchez, du nombre d’enfants et de petits-enfants, et de leur personnel de service durant l’été. Chaque famille arrivait avec ses domestiques, et il y avait jusqu'à 30 personnes à l'office! C'étaient de bons clients des commerces locaux. Par exemple, la boucherie leur livrait chaque semaine un demi veau et un quartier de boeuf. . .

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