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: La phonologie Phonйtique et phonologie Les phonиmes consonantiques Les phonиmes vocaliques La distribution complйmentaire La neutralisation Les traits distinctifs Le rendement des oppositions Rйactions phonologiques dans la chaоne L'accent L'intonation 1. Phonйtique et phonologie L'йtude phonйtique d'une langue peut se faire sans faire appel au sens. À la limite, on pourrait йtudier les caractйristiques phonйtiques d'une langue qu'on ne comprenait mкme pas. Par contre, la phonologie s'occupe de la fonction des sons dans la transmission d'un message. Il faut donc comprendre une langue pour faire de la phonologie. En d'autres termes, la phonologie recherche les diffйrences de prononciation qui correspondent а des diffйrences de sens, ce qu'on appelle des oppositions distinctives. Or, tous les changements de prononciation ne changent pas le sens. Par exemple, il existe dans les pays francophones plusieurs variantes du [R]. Ou encore, si on compare la prononciation quйbйcoise et franзaise d'un mot comme toute, on entend une diffйrence. Malgrй ces diffйrences, le sens ne change pas: tout le monde comprend le mкme mot. Mais d'autres changements de prononciation peuvent influencer le sens. Prenez le cas de [Ru ] (rouge). Si on remplace la premiиre consonne par un [b], le rйsultat est un autre mot (bouge). Ce simple test nous montre qu'en franзais, [R] et [b] s'opposent entre eux. Nous le savons puisque le seul йlйment qui change entre [Ru ] et [bu ] est la consonne initiale. [Ru ] et [bu ] forment ce que nous appelons une paire minimale: deux mots qui se distinguent par le sens et qui diffиrent entre eux par un seul

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: La phonologie Phonйtique et phonologie Les phonиmes consonantiques Les phonиmes vocaliques La distribution complйmentaire La neutralisation Les traits distinctifs Le rendement des oppositions Rйactions phonologiques dans la chaоne L'accent L'intonation

1. Phonйtique et phonologie

L'йtude phonйtique d'une langue peut se faire sans faire appel au sens. À la limite, on pourrait йtudier les caractйristiques phonйtiques d'une langue qu'on ne comprenait mкme pas.

Par contre, la phonologie s'occupe de la fonction des sons dans la transmission d'un message. Il faut donc comprendre une langue pour faire de la phonologie. En d'autres termes, la phonologie recherche les diffйrences de prononciation qui correspondent а des diffйrences de sens, ce qu'on appelle des oppositions distinctives.

Or, tous les changements de prononciation ne changent pas le sens. Par exemple, il existe dans les pays francophones plusieurs variantes du [R]. Ou encore, si on compare la prononciation quйbйcoise et franзaise d'un mot comme toute, on entend une diffйrence. Malgrй ces diffйrences, le sens ne change pas: tout le monde comprend le mкme mot.

Mais d'autres changements de prononciation peuvent influencer le sens. Prenez le cas de [Ru ] (rouge). Si on remplace la premiиre consonne par un [b], le rйsultat est un autre mot (bouge). Ce simple test nous montre qu'en franзais, [R] et [b] s'opposent entre eux. Nous le savons puisque le seul йlйment qui change entre [Ru ] et [bu ] est la consonne initiale. [Ru ] et [bu ] forment ce que nous appelons une paire minimale: deux mots qui se distinguent par le sens et qui diffиrent entre eux par un seul son. Le fait de remplacer un son par un autre dans une paire minimale s'appelle la commutation.

Si la commutation change le sens, nous tirons la conclusion que les deux sons appartiennent а deux classes distinctes. Chaque classe s'appelle un phonиme. Contrairement а un son, qu'on peut entendre et mesurer, un phonиme est une entitй abstraite, une classe de sons qui partagent la mкme opposition а d'autres sons dans une langue.

Dans la transcription, on distingue les phonиmes des sons par l'utilisation de barres obliques plutфt que des crochets. [b] est un son, mais /b/ est une classe de sons ou phonиme. Notez qu'on sйpare les membres d'une paire minimale ou deux phonиmes en opposition par le symbole ~ : /b/ ~ /R/.

Les systиmes de phonиmes varient d'une langue а l'autre. Par exemple, le franзais oppose les phonиmes /y/ et /u/, comme le dйmontre la paire minimale /ry/ ~ /ru/ (rue - roue). En anglais par contre, cette opposition fait dйfaut, puisque l'anglais n'a pas de phonиme /y/.

2.Les phonиmes consonantiques

Dans le cas des consonnes, on a tendance а tester pour l'existence de phonиmes dans deux contextes distincts:

en dйbut de syllabe (c'est-а-dire, en position initiale) en fin de syllabe (c'est-а-dire en position finale).

Par exemple, en dйbut de syllabe, on peut opposer le phonиme /p/ а une sйrie de termes opposйs, en relevant des paires minimales. Ainsi, on a /po/ ~ /bo/ (peau ~ beau), /po/ ~ /to/ (pot ~ taux), /pu/ ~ /ku/ (pou ~ cou) et ainsi de suite.

En fin de syllabe, on peu procйder de faзon analogue. Ainsi, toujours dans le cas de /p/, on peut opposer /tip/ ~ /ti / (type ~ tige), /tip/ ~ /tiR/ (type ~ tire) et ainsi de suite.

La recherche des paires minimales est un art qui s'acquiert avec de l'expйrience. Il y a cependant des outils qui rendent la tâche plus facile, notamment les dictionnaires. Pour la position initiale, un dictionnaire gйnйral est gйnйralement suffisant. Par contre, pour la position finale, il vaut mieux faire appel а un dictionnaire inverse, dans lequel les mots sont classйs en ordre alphabйtique selon leur terminaison. Voir la liste des lectures en fin de chapitre pour des rйfйrences.

Exercice: Trouvez des paires minimales pour /g/ en l'opposant aux autres consonnes du franзais, en position initiale et en position finale.

3.Les phonиmes vocaliques

Dans le cas des voyelles, on a tendance а opposer les phonиmes potentiels en syllabe ouverte et en syllabe fermйe. Ainsi, en syllabe ouverte, on peut opposer /i/ ~ /e/ dans une paire minimale comme /si/ ~ /se/ (si ~ ses), /i/ ~ /u/ dans une paire comme /si/ ~ /su/ (si ~ sous) et ainsi de suite.

En syllabe fermйe, on peut opposer / / ~ / / dans une paire minimale comme /f t/ ~ /f t/ (feinte ~ faite).

Exercice: Trouvez des paires minimales pour opposer le phonиme /u/ aux autres voyelles fermйes en franзais, d'abord en syllabe ouverte, ensuite en syllabe fermйe.

4.La distribution complйmentaire

Dans certains cas, on ne peut pas opposer un son а un autre parce que les deux ne figurent jamais dans le mкme contexte. Prenez le cas du [ts] qu'on entend en franзais quйbйcois devant des voyelles antйrieures fermйes ([tsir], [tsy]). Dans ce parler, lа oщ on prononce [ts] on ne prononce jamais [t], et vice versa. Ces deux sons sont donc en distribution complйmentaire. Lа oщ on a la distribution complйmentaire, on ne peut pas avoir de paire minimale, et par consйquent on doit considйrer les deux sons comme variantes d'un mкme phonиme.

5.La neutralisation

Dans d'autres cas, deux sons s'opposent dans un contexte, mais non pas dans un autre. Prenons les voyelles [e] et [ ]. On trouve les deux en syllabe ouverte: /se/ ~ /s / (ses ~ sait). Par contre, en syllabe fermйe, on ne trouve que [ ]: /p R/. L'opposition /e/ ~ / / existe donc en syllabe ouverte, mais elle est neutralisйe en syllabe fermйe.

  Exercice: Testez les phonиmes /o/ ~ / / pour la neutralisation.

Dйbut.

6.Les traits distinctifs

Lorsque deux phonиmes s'opposent entre eux, il est possible d'identifier les traits distinctifs qui les opposent. Par exemple, dans le cas de l'opposition entre /p/, /t/, /k/ d'une part et /b/, /d/, /g/ d'autre part, la prйsence ou absence de voisement est le trait distinctif qui nous permet de situer les deux classes.

Chaque langue sйlectionne un certain nombre de traits distinctifs parmi l'ensemble des possibilitйs offertes par les langues du monde. Ainsi, en franзais, le trait distinctif arrondissement est utilisй pour distinguer /i/ et /y/, /e/ et / /, et / / et / /. Par contre, ce mкme trait n'est pas utilisй par l'anglais.

Parmi les traits distinctifs utilisйs par le franзais, signalons:

le voisement (voisй versus non-voisй) la nasalitй (oral versus nasal) l'antйrioritй (antйrieur versus postйrieur) l'arrondissement (arrondi versus non-arrondi) les diffйrents lieux d'articulation.

Expйrience: Trouvez un trait distinctif utilisй en anglais mais absent en franзais, et vice versa.

Dйbut.

7.Le rendement des oppositions

Les diffйrents traits distinctifs se trouvent dans un nombre plus ou moins йlevй de paires minimales. Le nombre de paires minimales oщ on trouve un trait fournit une mesure de son rendement. Par exemple, le trait de voisement se trouve dans un grand nombre d'oppositions entre phonиmes: /p/ ~ /b/, /t/ ~ /d/, /k/ ~ /g/, /f/ ~ /v/, /s/ ~ /z/, / / ~ / /. Il a donc un rendement йlevй. Par contre, le trait de nasalitй se trouve dans un nombre moins йlevй (mais toujours important) d'oppositions.

Le concept de rendement s'applique йgalement а l'opposition entre des paires de phonиmes. C'est-а-dire, lа oщ le nombre de paires minimales oщ on trouve un trait devient trиs petit, l'opposition risque de disparaоtre. Par exemple, il existe trиs peu de paires minimales pour le

couple /a/ - / /. Par consйquent, cette opposition est en train de disparaоtre dans certaines parties de la francophonie. On prononce /a/ dans tous les contextes, а la place de / /.

Exercice: Y a-t-il beaucoup de paires minimales pour les oppositions suivantes: /t/ ~ /d/, /n/ ~ / /?

Au-delа du rendement des oppositions, on peut mesurer йgalement la frйquence des phonиmes individuels, а partir de corpus oraux.

Exercice: Enregistrez trois minutes de langue orale et mesurez la frйquence de phonиmes /R/, /s/ et /k/.

Dйbut.

8.Rйactions phonologiques dans la chaоne

Comme nous l'avons dйjа vu, nous parlons par chaоnes de sons. Il se fait dans ces chaоnes un certain nombre de rйactions purement physiques (l'assimilation, que l'on peut observer dans les images radiocinйmatographiques). Mais il se fait aussi des rйactions qui tiennent compte de la structure de la langue: on peut donc les classer parmi les phйnomиnes phonologiques. Dans ce qui suit, nous en examinerons trois: l'йlision, l'enchaоnement et la liaison.

L'йlision

En franзais, chaque voyelle donne une syllabe. En principe, lа oщ deux voyelles entrent en contact dans la chaоne parlйe, le rйsultat est deux syllabes. Or, dans le cas d'une voyelle en particulier, le e muet / /, cela n'arrive pas. Devant une voyelle, le e muet disparaоt. C'est mкme cette caractйristique qui nous permet de l'identifier. Prenons les exemples suivants:

Notez que dans le premier cas, il y a un e muet devant une consonne. Et dans le deuxiиme cas, le e muet tombe devant la voyelle /y/. Cependant, dans le troisiиme exemple, il y a une voyelle qui reste devant /y/. Nous considйrons qu'il s'agit d'une autre voyelle que le e muet, en partie а cause du fait qu'elle reste (et aussi а cause du fait qu'elle peut porter l'accent: p.ex. /f l /).

La chute du e muet devant une voyelle s'appelle l'йlision. Elle se fait systйmatiquement en franзais. Par contre, il existe d'autres cas d'йlision beaucoup moins systйmatiques. Par exemple, la voyelle /i/ de si tombe devant le pronom personnel il(s), mais non pas devant d'autres pronoms (p.ex. si elles). Dans les cas pareils, il faut apprendre les exemples individuellement.

Mкme dans le cas du e muet, le taux de rйalisation dйpend d'un ensemble de facteurs stylistiques. On en trouve davantage dans le langage soignй que dans le langage familier.

Expйrience: Écoutez un(e) francophone dans un contexte formel et ensuite dans un contexte

familier. Est-ce que le taux de e muets change?

L'enchaоnement

Nous avons dйjа vu qu'en franзais, il y a une prйfйrence pour les syllabes ouvertes. Une des consйquences de cette tendance est le fait de diviser la suite VCV comme V CV et non pas comme VC V. Cette tendance est tellement forte que lorsque deux mots se trouvent en contact dans la chaоne parlйe, si le premier finit par une consonne, et l'autre commence par une voyelle, on dйplace la frontiиre entre les syllabes. Cela s'appelle l'enchaоnement. Prenez les exemples suivants:

Dans le premier cas, (une petite soeur), on trouve une consonne а la fin de petite et une autre au dйbut de soeur. La division en syllabes se fait entre les deux mots, selon la structure VC CV. Mais dans le deuxiиme exemple, on trouve une consonne а la fin du premier mot mais une voyelle au dйbut du deuxiиme. Dans ce cas-ci, la division en syllabes se fait de la faзon suivante: /yn-p -ti-ta-mi/. On dйplace la frontiиre syllabique а gauche.

Exercice: Divisez les exemples suivants en syllabes et notez les cas d'enchaоnement: [ynblami], [ynt laf R].

La liaison

Dans le cas de l'enchaоnement, il y a dйplacement de frontiиres syllabiques, mais le nombre total de phonиmes reste le mкme. Par contre, dans la liaison, on retrouve des ajustements qui changent le nombre de phonиmes selon le contexte. Voyons les exemples suivants:

1.

2.

Notez que dans les exemples en (1), on trouve la consonne /z/ entre les deux mots, tandis que cette consonne fait dйfaut dans les exemples en (2). En outre, lа oщ la consonne est prйsente, la frontiиre syllabique se dйplace: on prononce: /il-z /. Une consonne comme le /z/ s'appelle une consonne de liaison. Elle se manifeste dans certains contextes а l'intйrieur d'un groupe, mais non pas dans d'autres (а la fin d'un groupe, par exemple).

L'emploi d'une consonne de liaison est une indication de dйpendance dans un groupe. Un йlйment qui dйpend d'un autre, comme un pronom personnel, qui dйpend du verbe, ou un dйterminant, qui dйpend du nom, fera la liaison avec l'йlйment suivant, si cet йlйment suivant commence par une voyelle. Dans les cas pareils, on parle de liaison obligatoire.

Par contre, un йlйment qui ne dйpend pas d'un autre ne fera pas la liaison avec l'autre. Prenons les exemples suivants:

1. / at /

2. / s ldaaRme/

Dans le premier cas, le nom Jean ne dйpend pas du verbe attend, et la liaison ne se fait pas. De mкme, dans le deuxiиme exemple, le nom soldat ne dйpend pas de l'adjectif armй. Lа encore, la

liaison ne se fait pas. Dans les cas pareils, oщ un йlйment supйrieur ne peut pas entrer en liaison avec un йlйment dйpendant, on parle de liaison impossible.

Entre les deux extrкmes, on trouve une sйrie de cas oщ la liaison peut se faire ou non. En principe, on fait la liaison plus souvent dans le discours poйtique, officiel ou soignй, et moins souvent dans le discours familier et quotidien. Par exemple, il existe pour chacun des cas suivants deux prononciations possibles:

Expйrience: йcoutez un discours formel (p.ex. а la tйlйvision) et relevez les exemples de liaison. Faites la mкme chose pour une conversation familiиre.

Dйbut.

9.L'accent

Quand on parle, on utilise en gйnйral des suites ou des chaоnes de sons. Dans le cas de chaque son, il y a un certain nombre de paramиtres ou caractйristiques qui peuvent varier. Pour le tester, prononcez la chaоne suivante: [a a a a a a a] Essayez d'insister sur le deuxiиme [a]. Notez qu'il y a plusieurs faзons de le faire. On peut mettre plus de force sur la voyelle que sur les voyelles qui l'entourent. En d'autres termes, il y a plus d'air qui sort des poumons, et une plus grande vibration des cordes vocales. Ou bien, on peut augmenter la frйquence de sa voix. Dans ce cas, les cordes vocales vibrent plus rapidement. Ou bien encore, on peut mettre plus de durйe sur la voyelle qu'on veut mettre en valeur, dans le sens que la syllabe formйe par la voyelle dure plus longtemps que les autres.

Trиs souvent, les trois facteurs (force, frйquence et durйe) co-existent dans un mкme cas. Il existe, cependant, des prйfйrences particuliиres а chaque langue. Le franзais, par exemple, a tendance а utiliser la durйe plus que les autres facteurs, selon les mesures instrumentales. Par consйquent, si on veut imiter un `accent franзais', il faut surveiller la durйe des syllabes qu'on accentue.

Expйrience: Demandez а des locuteurs francophones et anglophones de prononcer la sйrie [a a a a a a] et d'insister sur une syllabe. Notez l'utilisation de la durйe dans le cas des francophones. Quel facteur vous frappe dans le cas des anglophones? Si vous avez l'occasion, йtendez l'expйrience а d'autres langues.

L'accent final

Il y a des langues oщ la place de la syllabe accentuйe varie d'un mot а l'autre. Ainsi, en anglais, on distingue im port (un nom) de im port (un verbe). Notez qu'on indique l'accent par un petit trait vertical avant la syllabe accentuйe. Par contre, en franзais, la place de l'accent varie selon le groupe et non pas selon le mot. Examinez, par exemple, les cas suivants:

1. [la fij]

2. [la p tit fij] 3. [la p tit fij ma lad]

Notez que l'accent tombe toujours sur la derniиre syllabe du groupe. On l'appelle l'accent final. C'est cela qui explique pourquoi les non-francophones ont parfois des difficultйs а identifier les mots en franзais. Mais quelle est la nature de ce groupe? Prenons les exemples suivants:

1. [a pr la klas l pr se livR e l s va]

2. [o ke b k a v de klas d tRwa z eR d s it] On constate que le groupe rythmique correspond au groupe grammatical, soit le syntagme (p.ex. aprиs la classe, au Quйbec) soit la phrase (p.ex. elle prend ses livres, elle s'en va, j'avais des classes de trois heures de suite).

L'accent d'insistance

En fait, il existe deux sortes d'accent en franзais: l'accent final, que nous venons d'examiner, et l'accent d'insistance. Prenons les exemples suivants:

On constate que l'accent d'insistance se trouve non pas а la fin d'un groupe rythmique, mais au dйbut d'un mot. Le plus souvent, l'accent d'insistance se marque par une montйe de la frйquence de la voix, plutфt que par une durйe supйrieure.

Expйrience: Il semblerait que la diversitй d'emplois de l'accent d'insistance soit en augmentation depuis quelques annйes. Essayez d'en relever des exemples, et notez les contextes oщ ils apparaissent.

Dйbut.

10.L'intonation

L'autre caractйristique de la voix qui varie dans la chaоne est l'intonation ou la frйquence relative de la vibration des cordes vocales. L'йtude de l'intonation est compliquйe par le grand nombre de variations possibles quand on parle. Ainsi, on peut transmettre une grande diversitй d'йmotions par de petites diffйrences d'intonation.

Expйrience: Pensez а la diversitй de messages qu'on peut transmettre par une simple question comme Vous кtes prкt? allant de l'impatience, а la colиre, а la surprise, а la gratitude, etc. Essayez de prononcez la phrase de la faзon appropriйe pour transmettre le message que vous voulez, et demandez а un ami ou une amie de vous dire ses rйactions.

Malgrй cette diversitй, il existe un petit nombre de paramиtres qu'on peut identifier et dйcrire objectivement. D'abord, il est possible d'identifier un certain nombre de niveaux d'intonation. Par exemple, а la fin d'une phrase dйclarative, l'intonation a tendance а tomber. Par exemple, en prononзant J'ai vu Pierre dans la rue, la frйquence de la voix baissera sur la derniиre syllabe. On peut reprйsenter cette frйquence de finalitй par un chiffre. Dans l'un des systиmes utilisйs par les linguistes, cette basse frйquence se reprйsente par le chiffre (1). Par contre, il existe aussi une intonation de base qu'on entend au dйbut d'une phrase dйclarative. On la reprйsente par le chiffre (2). En outre, chaque groupe rythmique avant la fin d'une phrase dйclarative porte une intonation de continuitй, qui signale qu'il y a autre chose qui suit. On reprйsente cette intonation par le chiffre (3). En combinant tout cela, on constate qu'on peut reprйsenter la phrase prйcйdente а la faзon suivante, oщ le chiffre qui indique l'intonation se trouve avant la syllabe oщ on trouve cette frйquence, et oщ il faut imaginer des courbes entre les chiffres:

3 pj R2 e vy d la1 Ry

Exercice: Prononcez, ou faites prononcer, les phrases exemples qui se trouvent dans la section sur l'accent, et notez la distribution de l'intonation.

Il existe trois autres niveaux d'intonation qui caractйrisent les questions, les exclamations et les phrases impйratives. Prenez, par exemple, les phrases suivantes:

1. [(2)ty (3) lav la v (1)s l] (dйclaration) 2. [(2)ty (3) lav la v (4)s l] (question) 3. [(2)ty (3) lav (4) la v (5)s l] (exclamation) 4. [(3)lav la v (1)s l] (phrase impйrative)

Notez que l'utilisation de l'intonation interrogative (qu'on note par le chiffre (4)) signale une question et que l'utilisation d'une intonation exclamative (qu'on note par le chiffre (5)) signale une exclamation. Quant а l'intonation impйrative, elle se marque par une courbe descendante.

L'йtude de l'intonation est assez complexe, et fait appel а plusieurs facteurs. Ainsi, une question par intonation utilise le niveau (4), mais une question par inversion As-tu fait la vaisselle? utilise plutфt l'intonation d'une phrase dйclarative, йtant donnй que la structure grammaticale de l'inversion marque dйjа l'existence d'une question. De mкme, une phrase impйrative (p.ex Fais la vaisselle) peut se caractйriser par une intonation de type 3-1 (phrase impйrative normale), par une intonation de type 4-1 (si on est impatient) ou mкme par une intonation de type 5-1 (si on est TRÈS impatient).

Dйbut.

À lire ou а consulter

Juilland, Alphonse G. (1965) Dictionnaire inverse de la langue franзaise. La Haye: Mouton. (REF)

Katamba, Francis. (1989) An introduction to phonology. London; New York: Longman. (RES)

Lйon, Pierre. (1993) Prйcis de phonostylistique. Paris: Nathan. (RES)

Martin, Pierre. (1983) Élйments de phonologie fonctionnelle: thйorie et exercices. Chicoutimi, Quйbec: G. Morin. (RES)

Dйbut.

Derniиre modification: 27 dйcembre 1996. Veuillez signaler des problиmes d'ordre technique а Greg Lessard <[email protected]>

La phonйtique Qu'est-ce que la phon й tique? La transcription phonйtique Les organes d'articulation Voyelles et Consonnes Les voyelles Les consonnes

Les semi-voyelles Le `e muet' ou schwa La variation phonйtique Les syllabes Les mots possibles À lire

Qu'est-ce que c'est que la phonйtique?

La phonйtique est l'йtude scientifique des sons du langage humain. Elle exclut les autres sons produits par les кtres humains, mкme s'ils servent parfois а communiquer (les toux, les rвclements de gorge). Elle exclut aussi les sons non-humains.

La phonйtique se divise en trois domaines:

La phonйtique articulatoire s'occupe de l'activitй des cordes vocales, de la bouche, etc. qui rendent possible la parole. Par exemple, nous savons que pour faire un [p] en franзais, il faut mettre les deux lиvres ensemble, sortir un peu d'air des poumons, et ensuite ouvrir les lиvres.

La phonйtique acoustique examine les caractйristiques sonores des sons du langage. Par exemple, nous savons que le son produit par la consonne [s] en franзais a une frйquence plus йlevйe que le son produit par une consonne comme [ ]. Comparez sou et chou.

La phonйtique auditive examine les phйnomиnes de perception des sons du langage par les кtres humains. Par exemple, qu'est-ce qui nous permet de saisir une syllabe accentuйe? Est-ce la durйe, la force, la frйquence ou une combinaison des trois?

En mкme temps, il existe deux approches diffйrentes pour faire de la phonйtique: dans une approche instrumentale, on se sert de la technologie (spectrogrammes, rayons-x) pour l'analyse. Par contre, dans une approche impressionniste, on se sert de ses propres intuitions pour faire l'analyse. Il ne faut pas oublier que les rйsultats de la phonйtique impressionniste devraient toujours кtre confirmйs par une analyse instrumentale.

Finalement, il est possible de faire de la phonйtique comparйe, où on oppose deux langues pour saisir les diffйrences et les ressemblances entre les deux.

Dans ce qui suit nous ferons de la phonйtique articulatoire impressionniste.

Dйbut.

La transcription phonйtique

Quand on fait de la phonйtique, il faut laisser de côtй tout l'aspect graphique de la langue. Ce n'est pas la forme orthographique qui prime sur la prononciation, mais plutôt le contraire. Par consйquent, il vaut mieux agir comme si on ne savait pas йcrire quand on fait de la phonйtique.

Mais il faut quand mкme un mйcanisme pour reprйsenter les sons. L'alphabet normal convient assez mal а cette tвche, puisqu'une seule lettre peut correspondre а plus d'un son (pensez au t en

franзais) et puisqu'un seul son peut se reprйsenter au moyen de plus d'une lettre (pensez au son [s] en franзais).

Exercice: Pour chacune des lettres suivantes, trouvez les sons du franзais qu'elle peut reprйsenter et les contextes où cela se produit: c, g, h, m, t. De mкme, pour chacun des sons suivants, trouvez les lettres susceptibles de le reprйsenter, ainsi que leur contexte: [o], [k], [n].

Quand on reprйsente les sons d'une langue, on se sert de l'Alphabet Phonйtique International (API), un systиme partagй par la plupart des linguistes. Dans cet alphabet, il existe un symbole pour chaque son. Quand on se sert de cet alphabet pour reprйsenter les prononciations, on entoure la reprйsentation par des crochets. Ainsi, pour йcrire le mot chaton mettrait [ a]. (Voir le manuel de Pullum citй en fin de chapitre pour le tableau complet des sons du API.)

Dйbut.

Les organes d'articulation

La premiиre йtape de la phonйtique articulatoire consiste а identifier les organes d'articulation qui entrent en ligne de compte dans la production de la parole.

Les organes d'articulation

Commenзons en bas. L'air nйcessaire pour la production des sons sort des poumons et passe par la trachйe. En haut de la trachйe se trouve une boîte en cartilage qu'on appelle le larynx. Suspendues dans le larynx on trouve deux bandes de tissu йlastiques, qu'on appelle les cordes vocales ou la glotte. Si les cordes vocales sont ouvertes, on entend un son non-voisй ou sourd comme [p]. Si elles se rapprochent et vibrent, on a un son voisй comme [v].

Au-dessus de la glotte se trouvent trois cavitйs: la cavitй pharyngale ou pharynx, la cavitй buccale et la cavitй nasale. Entre le pharynx et la cavitй nasale se trouve une lame de tissu qu'on appelle le voile du palais. La cavitй nasale se termine par le nez. Quand on respire normalement, l'air sort des poumons, par le voile du palais ouvert et sort par le nez.

Dans la cavitй buccale on trouve la langue, qui se divise en apex et dos, les dents supйrieures et infйrieures, les alvйoles derriиre les dents supйrieures, le palais dur derriиre les alvйoles, et le palais mou derriиre le palais dur.

Autour de la bouche se trouve la mвchoire.

Dйbut.

Voyelles et Consonnes

Une premiиre distinction fondamentale divise les voyelles et les consonnes. Plusieurs critиres sous-tendent cette distinction.

Une voyelle se distingue par une relative ouverture du passage articulatoire, tandis qu'une consonne prйsente un passage articulatoire relativement plus fermй.

Dans le cas des voyelles, les cordes vocales vibrent en gйnйral. Ce n'est pas nйcessairement le cas pour les consonnes.

Les voyelles sont en gйnйral syllabiques, et dans certaines langues, comme le franзais, elles le sont nйcessairement. Ainsi, en franзais, chaque voyelle йquivaut а une syllabe, tandis qu'aucune consonne ne donne une syllabe.

Quand on augmente la force articulatoire, les voyelles ont tendance а s'ouvrir, tandis que les consonnes ont tendance а se fermer.

Exercice: Appliquez les critиres prйcйdents pour dйterminer si chacun des sons suivants serait а classer comme consonne ou comme voyelle: [o], [z], [f], [a].

Notons cependant que les critиres que nous venons d'identifier ne sont pas absolus. Ainsi, l'ouverture du passage articulatoire est relative. Dans la sйrie [a] [e] [i] [v] [s] [p] le passage se ferme progressivement. Deuxiиmement, on trouve des consonnes voisйes, où les cordes vocales vibrent: [v], [z], par exemple, et (dans certains contextes) des voyelles sans vibration des cordes vocales. Par exemple, dans le quйbйcois parlй, un mot comme constitue se prononcera [k stity] où [i] reprйsente la voyelle [i] sans vibration des cordes vocales. Dans le cas de la syllabicitй, on trouve dans certaines langues des consonnes syllabiques. Par exemple, le mot people en anglais se prononce [pi:pl] en deux syllabes. Malgrй de telles complications, on retient d'habitude la distinction entre consonnes et voyelles. Nous le ferons aussi.

Dйbut.

Les voyelles

Dans la description articulatoire des voyelles du franзais, on peut distinguer deux dimensions. D'un côtй, le mode d'articulation dйcrit la configuration gйnйrale des organes articulatoires dans la production d'une voyelle donnйe. D'un autre côtй, le lieu d'articulation dйcrit le point de rйtrйcissement maximal (c'est-а-dire fermature) dans la production d'une voyelle.

Le mode d'articulation

En franзais, le mode d'articulation permet de distinguer quatre grandes classes de voyelles, classes qui s'entrecoupent entre elles.

L'oralitй versus la nasalitй

L'un des modes d'articulation dйpend de la prйsence ou absence de nasalitй. Les voyelles orales se prononcent avec le voile du palais relevй, ce qui ferme le passage nasal. Par contre, les voyelles nasales se prononcent avec le voile du palais abaissй, ce qui laisse passer de l'air et par la bouche, et par le nez.

Voyelles orales et nasales

Exercice: Prononcez les mots suivants et identifiez les voyelles orales et nasales: banc lait bas eux lin beau bon un.

On distingue quatre voyelles nasales en franзais:

Symbole Exemples

[ ] lent, vent, tant

[ ] ton, vont, longue

[ ] brun, quelqu'un

[ ] vin, fin, plein

Le tilde au-dessus de la voyelle est la marque de la nasalitй.

On distingue une sйrie plus longue de voyelles orales:

Symbole Exemples

[i] si, fils, pire

[e] mes, fйe,soufflй

[ ] dette, paire, paix

[a] ma, moi, date

[y] pur, suce, une

[ ] deux, queue, cheveux

[ ] peur, acteur, seul

[ ] le, que

[u] doux, four, toutes

[o] beau, dos, pôle

[ ] dort, bosse, Paul

[ ] bas, pas

Comme nous l'avons dйjа indiquй, certains francophones ne distinguent pas la voyelle [ ] de la voyelle [a]. Par contre, cette opposition est bien vivante au Canada.

L'arrondissement

Un autre mode d'articulation dйpend de la forme des lиvres. Comparez les deux listes suivantes: 1. [i] [e] [ ] [a] 2. [y] [ ] [ ]

Dans la premiиre sйrie, les lиvres sont ou bien йcartйes, ou bien dans une position neutre. Par contre, dans la deuxiиme sйrie, les lиvres sont arrondies. C'est pour cela qu'on parle de voyelles arrondies.

Voyelles arrondies et non-arrondies

Expйrience: Prononcez [i] et rendez vos lиvres progressivement plus arrondies. Qu'est-ce qui en rйsulte?

Le lieu d'articulation

Pour bien comprendre le lieu d'articulation, il faut imaginer la bouche comme un espace а deux dimensions, allant du haut en bas, et de l'avant vers l'arriиre de la bouche. C'est dans l'espace ainsi dйfini que se situe le point de rйtrйcissement maximal qui dйtermine le lieu d'articulation.

Voyelles antйrieures et postйrieures

Comparez les deux sйries de voyelles suivantes: 1. [i] [e] [ ] [a] 2. [u] [o] [ ] [ ]

Dans le premier cas, le bout de la langue se dйplace vers l'avant de la bouche, tandis que dans la deuxiиme sйrie, le dos de la langue se masse dans l'arriиre de la bouche. Pour cette raison, on appelle les premiиres des voyelles antйrieures et les deuxiиmes des voyelles postйrieures.

Voyelles antйrieures et postйrieures

Les voyelles [y] [ ] [ ] [ ] sont aussi des voyelles antйrieures, avec la diffйrence qu'elles sont en plus des voyelles arrondies.

Voyelles fermйes, mi-fermйes, mi-ouvertes et ouvertes

Comparez les sйries suivantes: 1. [i] [y] [u] 2. [e] [ ] [o] 3. [ ] [ ] [ ] 4. [a] [ ]

Au fur et а mesure qu'on passe d'une sйrie а l'autre, la langue descend dans la bouche. Dans la prononciation d'un [i] [y] ou [u] elle se trouve prиs du palais. On parle alors de voyelles fermйes (ou voyelles hautes) puisque le passage est presque fermй. Par contre, dans la prononciation de [a] et [ ], la langue se trouve au fond de la bouche: on parle alors de voyelles ouvertes ou ( voyelles basses) puisque le passage de l'air est ouvert. Entre les deux extrкmes on trouve les voyelles mi-fermйes ([e] [ ] [o]) et les voyelles mi-ouvertes ([ ] [

] [ ]).

Les degrйs d'ouverture en franзais

Trois des voyelles nasales sont йgalement des voyelles mi-ouvertes: ([ ] [ ] [ ]) et une autre est une voyelle ouverte: ([ ]).

Dйbut.

Les consonnes

Comme c'йtait le cas pour les voyelles, on distingue un mode d'articulation et un lieu d'articulation pour les consonnes.

Le mode d'articulation

Le voisement

Mettez un doigt sur votre gorge et prononcez les deux sйries de consonnes suivantes: 1. [p] [t] [k] [f] [s] [ ] (ex. chien) 2. [b] [d] [g] [v] [z] [ ] (ex. joue)

Notez la vibration qui caractйrise la deuxiиme sйrie, mais non pas la premiиre. Ce sont vos cordes vocales qui vibrent. Cette vibration s'appelle le voisement, et les consonnes qui la prйsentent sont des consonnes voisйes ou sonores. Les consonnes sans vibration sont des consonnes non-voisйes ou sourdes.

L'oralitй et la nasalitй

Bloquez votre nez et prononcez les deux sйries de consonnes suivantes: 1. [p] [b] [t] [d] [k] [g] 2. [m] [n] [ ] (ex. signer) [ ] (ex. parking)

Notez que dans la deuxiиme sйrie, le caractиre du son change par rapport а la prononciation normale. C'est la preuve qu'il y a une composante nasale dans ces consonnes. Ce sont des consonnes nasales: l'air sort par le nez et par la bouche, tandis que les autres sont des consonnes orales: l'air sort par la bouche seulement.

Consonnes orales et nasales

Les consonnes occlusives et fricatives

Prononcez les deux sйries de consonnes suivantes: 1. [p] [b] [t] [d] [k] [g] 2. [f] [v] [s] [z] [ ] [ ]

Essayez de continuer la prononciation pendant quelques secondes. Qu'est-ce qui se passe? Notez que la prononciation peut se poursuivre dans le cas de la deuxiиme sйrie, mais non pas dans le cas de la premiиre. C'est que les consonnes de la deuxiиme sйrie n'ont pas de fermeture totale du passage de l'air. On les appelle des consonnes fricatives. Par contre, les consonnes de la premiиre sйrie ferment totalement le passage de l'air: on les appelle des consonnes occlusives.

Parmi les consonnes fricatives, on distingue parfois des sous-classes. Les consonnes [s] et [z] s'appellent des spirantes tandis que les consonnes [ ] et [ ] s'appellent des chuintantes.

Les consonnes latйrales et vibrantes

Comparez les sйries suivantes: 1. [t] [d] 2. [l] 3. [r]

Notez qu'on peut continuer а prononcer le [l] et le [r] mais non pas les autres. Par contre, la langue se situe au mкme endroit dans la bouche pour les quatre. Où est la diffйrence? C'est que dans la prononciation du [l], la langue se met contre les dents supйrieures et laisse passer de l'air des deux côtйs: c'est pourquoi on l'appelle une consonne latйrale.

Dans le cas du [r], la langue se met contre les dents supйrieures, mais produit un battement qui laisse passer de l'air. C'est pourquoi on l'appelle une consonne vibrante.

Nous verrons plus loin qu'il existe plusieurs sortes de [R] en franзais, dont certaines sont des vibrantes, d'autres des fricatives.

Le lieu d'articulation

Prononcez les sйries suivantes: 1. [p] [b] 2. [t] [d] 3. [k] [g]

Notez le lieu de rйtrйcissement maximal; c'est-а-dire le lieu où la bouche se ferme le plus. Dans le cas de [p] [b], les deux lиvres ferment le passage de l'air. On appelle ces deux consonnes des bilabiales.

Les consonnes bilabiales

   Exercice: Trouvez une consonne nasale bilabiale en franзais.

Essayez maintenant les consonnes [t] et [d]. Notez que le bout de la langue (l'apex) s'appuie contre les dents supйrieures. On parle alors de consonnes apico-dentales.

  Exercice: Trouvez une consonne nasale apico-dentale en franзais.

Les consonnes apico-dentales

Deux autres consonnes apico-dentales viennent s'ajouter а la liste. D'abord, le [l] se prononce de cette faзon (essayez: lit, loup). En outre, le [r] apico-dental se prononce ainsi: le bout de la langue tape contre les dents supйrieures.

Passons maintenant а [k] et [g]. Notez que le dos de la langue (la partie dorsale, s'appuie contre le voile du palais. On parle alors de consonnes dorso-vйlaires.

Les consonnes dorso-vйlaires

Bien qu'il existe des consonnes nasales bilabiales et apico-dentales en franзais, il n'existait pas jusqu'а rйcemment de consonne nasale dorso-vйlaire. Mais au XXe siиcle, le franзais a empruntй un certain nombre de mots а l'anglais, y compris des mots se terminant en - ing. Certains locuteurs les prononcent а l'anglaise, ce qui donne des formes comme [paRki ], [k pi].

En mкme temps, le franзais possиde depuis longtemps une autre voyelle nasale, formйe par le contact entre le dos de la langue et le palais dur. Il s'agit du [ ] qu'on trouve dans des mots comme signer, aligner.

Rйsumons: parmi les consonnes occlusives, nasales, latйrales et vibrantes, nous retrouvons quatre lieux d'articulation: les bilabiales, les apico-dentales, les dorso-palatales et les dorso-vйlaires. Voyons maintenant les cas qui restent.

Essayez les sйries suivantes:

1. [f] [v] 2. [s] [z] 3. [ ] [ ]

Dans le cas de [f] et [v], les dents supйrieures entrent en contact avec la lиvre infйrieure, pour fermer le passage partiellement. Il s'agit de consonnes labio-dentales.

Les consonnes labio-dentales

   Exercice: Qu'est-ce qui distingue [f] et [v]?

Le cas de [s] [z] [ ] et [ ] est un peu plus complexe. Prononcez rapidement а tour de rôle [s] et []: [s] [ ] [s] [ ] [s] etc. Notez la position de votre langue. Dans le cas du [s], l'apex de la

langue s'approche des dents supйrieures, mais dans le cas du [ ] la partie antйrieure du dos de la langue s'approche du palais dur. Le son produit par un [s] a une frйquence plus йlevйe que celui produit par un [ ]. Le [s] s'appelle une consonne apico-dentale tandis que le [ ] s'appelle une consonne prй-dorso-alvйolaire.

[s] versus [ ]

   Exercice: Qu'est-ce qui distingue [ ] et [ ]?

Dйbut.

Les semi-voyelles

йcoutez les sйries suivantes: 1. paie pied 2. pиre pierre 3. feu feuille

Notez qu'il existe le mкme nombre de syllabes dans les deux mots de chaque sйrie. Mais dans le deuxiиme mot, on trouve un autre son qui ne donne pas une syllabe: c'est le son [j]. Ce son se prononce au mкme endroit dans la bouche (plus ou moins) que [i], mais contrairement au [i], ne donne pas une syllabe. Nous l'appelons une semi-voyelle ou une semi-consonne, puisqu'on y retrouve la sonoritй des voyelles et l'absence de syllabicitй des consonnes.

Exercice: Trouvez dix autres mots franзais qui comprennent la semi-voyelle [j] et faites-en la transcription phonйtique

Il existe deux autres semi-voyelles en franзais, qu'on retrouve dans les exemples suivants:

1. nu:nuage nage:nuage pis:puis 2. bout:bois battent:boitent

La premiиre a le mкme lieu d'articulation que le [y]: il s'agit de la semi-voyelle [ ], tandis que l'autre a le mкme lieu d'articulation que le [u]: il s'agit du [w].

Exercice: Trouvez dix autres mots franзais qui comprennent la semi-voyelle [w] ou la semi-

voyelle [ ] et faites-en la transcription phonйtique.

Pour rйsumer, les semi-voyelles ont le mкme lieu d'articulation que les voyelles, mais ne donnent pas une syllabe.

Dйbut.

Le `e muet' ou schwa

Il existe un autre son qu'il faudrait examiner en franзais, le e muet ou schwa, qu'on reprйsente par le symbole [ ]. Pour comprendre ce son, examinons quelques exemples. Prononcez les groupes suivants:

1. une couverture, deux livres 2. une couverture de livre

Notez la diffйrence de prononciation entre deux et de. Les deux sont des voyelles antйrieures arrondies, mais le degrй d'arrondissement est un peu supйrieur dans le cas du premier. Prononcez les deux, en essayant de mettre en valeur deux et de. On peut le faire dans le cas du premier une

couverture, DEUX livres, mais non pas dans le cas de de. Voici un premier critиre pour distinguer le schwa: cela se prononce comme un [ ] ou comme un [ ], mais on ne peut pas l'accentuer.

Voici un autre critиre. Prononcez les exemples suivants:

1. je sais que tu es lа 2. je sais qu'il est lа 3. une patte de chien (cf. une patte deux chiens) 4. une patte d'animal (cf. une patte deux animaux)

Notez que la voyelle de que et de le tombe devant une autre voyelle. C'est une autre caractйristique du schwa.

Finalement, prononcez l'exemple suivant, d'abord lentement, ensuite rapidement.

1. on y va demain

Dans une prononciation lente, on prononce le e muet: [ nivad m ]. Par contre, le e muet tombe dans une prononciation rapide: [ nivadm ]. En fait, dans le parler de tous les jours, on prononce assez peu de e muets. Par contre, dans les chansons, et dans certains parlers soignйs, on en prononce beaucoup.

Note importante sur la transcription des e muets. On reprйsente les e muets qu'on prononce, non pas ceux qui sont possibles mais qui ne sont pas prononcйs. Il faut donc se fier а l'oreille pour chaque cas.

Expйrience: Chantez une chanson franзaise et comptez le nombre de e muets que vous prononcez. Ensuite, prononcez la mкme chanson comme si vous parliez avec un ami, et comptez encore le nombre de e muets.

Dйbut.

La variation phonйtique

Tout le monde ne parle pas de la mкme faзon. Si les voyelles et consonnes que nous avons identifiйes sont suffisantes pour expliquer le noyau du franзais, il reste que l'ensemble des francophones produisent des variations autour de ce noyau.

Dans certains cas, ces variations s'expliquent par des facteurs non-linguistiques, comme l'origine gйographique, l'вge, le sexe ou le niveau d'instruction. On parle alors de variation libre. Par contre, dans d'autres cas, les variations s'expliquent par le contexte linguistique, par les sons qui suivent ou prйcиdent dans un йnoncй. On parle alors de variation conditionnйe.

La variation libre

Voyons une diffйrence rйgionale. Dans une prononciation quйbйcoise, la premiиre sйrie aurait tendance а se prononcer selon la transcription fournie, tandis qu'une prononciation franзaise donnerait souvent ce qu'on trouve dans la deuxiиme sйrie.

1. le vin [v ] le vent [v ]

2. le vin [v ] le vent [v ]

   Exercice: Qu'est-ce qui change entre les deux? Est-ce systйmatique?

Voici un autre exemple. Assez souvent les jeunes enfants produisent le zйzaiement, comme dans [m sj zud lpaRk].

   Exercice: Quelle est la rиgle qui sous-tend cet exemple?

Voici enfin un troisiиme exemple de variation libre. Nous avons vu que certains locuteurs font la distinction entre [a] et [ ]. En outre, il existe plusieurs manifestations possibles du a postйrieur, allant de [ ] jusqu'а [ ]. On dira, pour le bois ou bien [lbwa], [lbw ] ou [lbw ], entre autres, selon l'interlocuteur. La variante [ ] йtant sentie comme peu soignйe, on a tendance а l'йviter dans le langage plus soignй, prйfйrant l'une ou l'autre des variantes. Dans le contexte ontarien, on a trouvй que les variantes postйrieures sont plus frйquentes chez les hommes que chez les femmes (Thomas, 1986).

Expйrience: Comparez votre parler avec celui d'une autre personne, et relevez un exemple de variation libre.

La variation conditionnйe

La variation conditionnйe dйpend du contexte phonйtique. Il existe une relation systйmatique entre ce qui prйcиde ou suit dans l'йnoncй et la forme d'un son. Voyons un premier cas, tirй du quйbйcois:

1. [tsiR] [te] [t t] [ta] 2. [dziR] [de] [d t] [dat] 3. [tsy] [t t ] [akt R] 4. [dzy] [d ] [fRwad R] 5. [tut] [to] [t R] [t ] 6. [dut] [do] [d R]

Dans certains contextes, on trouve [ts] ou [dz], tandis que dans d'autres contextes on trouve [t] ou [d]. Où est le systиme? Notez qu'on trouve [ts] et [dz] devant une voyelle antйrieure fermйe, mais non pas ailleurs. C'est que la langue, en passant de la consonne apico-dentale vers la voyelle fermйe, passe par la rйgion où se prononce une consonne sifflante.

Passage du [t] а une voyelle antйrieure}

Exercice: Pourquoi trouve-t-on [s] dans certains cas mais [z] dans d'autres cas? Deuxiиme question: qu'est-ce qui se passe dans le cas des combinaisons [t] ou [d] plus semi-voyelle? Vйrifiez en consultant un locuteur canadien.

L'exemple prйcйdent illustre un principe de base de la variation conditionnйe: les sons qui se suivent dans la chaîne parlйe ont une influence mutuelle les uns sur les autres. En d'autres termes, il faut voir la chaîne parlйe non pas comme une sйrie de blocs autonomes, mais plutôt comme une sйrie de moments instables où on termine la prononciation du son prйcйdent tout en commenзant le son suivant. L'influence d'un son sur un autre dans la chaîne s'appelle l'assimilation.

L'assimilation

Il existe trois sortes d'assimilation qu'on peut identifier. Examinons-les а tour de rôle.

Prononcez rapidement les exemples suivants:

1. peuple puis exploits 2. je savais; je te vois 3. l'йcole secondaire

Dans le premier cas, le [l] de peuple, le [ ] de puis et le [l] de exploits sont dйvoisйs: les cordes vocales ne vibrent pas. Pourquoi? C'est que la consonne qui prйcиde dans la chaîne est dйjа non-voisйe, et l'absence de voisement persiste dans le son suivant. Une assimilation de la sorte, où un son influence le son suivant, s'appelle l'assimilation progressive.

Voyons maintenant le deuxiиme cas. Dans une prononciation rapide, le pronom personnel au dйbut se prononce non pas comme [ ] mais comme [ ]. On dit: [ sav ] plutôt que [ sav ]. La cause est la consonne non-voisйe qui suit le pronom: au moment de prononcer le je on anticipe dйjа l'absence de vibration des cordes vocales dans cette consonne, et le rйsultat est le dйvoisement de la consonne du je. On parle alors d'assimilation anticipante ou rйgressive.

Finalement, dans le troisiиme cas, il y a une consonne situйe entre deux voyelles au milieu du mot secondaire. Les cordes vocales continuent а vibrer а la suite de la premiиre voyelle, tandis qu'en mкme temps on anticipe le voisement de la voyelle suivante. Le rйsultat est une consonne qui se prononce comme [g] (la forme voisйe). Nous parlons alors d'assimilation double.

On trouve un autre exemple d'assimilation double dans la prononciation quйbйcoise d'un mot comme mкme, qui sonne comme [m m]. Par contre, cette prononciation nasalisйe ne se trouve

pas aussi souvent en France, ce qui prouve que la variation conditionnйe (ici l'assimilation) fonctionne dans le contexte plus large des communautйs linguistiques, entrant par lа dans la variation libre. En d'autres termes, il faut examiner la variation а l'intйrieur d'une communautй linguistique.

Expйrience: Notez que l'assimilation peut impliquer autre chose que la prйsence ou absence de voisement. En principe, n'importe quel trait de prononciation peut se dйplacer dans la chaîne. Par exemple, nous avons vu dans le cas de mкme que la nasalitй peut se dйplacer. Et si vous prononcez des mots comme qui/cou, vous verrez que la position de la langue pour le [k] varie selon la voyelle suivante (antйrieure ou postйrieure). Écoutez vos propres paroles et celles que vous entendez autour de vous, et essayez de relever d'autres traits qui se dйplacent dans l'assimilation.

Dйbut.

Les syllabes

Nous venons de voir que les sons s'alignent dans la chaîne du discours. En fait, les suites de sons se structurent а plusieurs niveaux plus complexes. Le premier que nous examinerons s'appelle la syllabe.

Une syllabe se dйfinit par une force articulatoire supйrieure dans son noyau, et par un mйcanisme (baisse de la force articulatoire, coup de glotte) а ses frontiиres.

Par exemple, prononcez les exemples suivants:

1. [a] (la voyelle [a]) 2. [a:] (un [a] qu'on continue а prononcer) 3. [a a a a a a a] (une sйrie de [a] sйparйs les uns des autres)

Notez le mйcanisme utilisй dans le troisiиme cas pour sйparer les syllabes. Si vous кtes francophone, ce sera probablement une baisse de la force articulatoire. Si vous кtes anglophone, ce sera probablement une fermature des cordes vocales, qu'on appelle un coup de glotte, semblable au son produit en anglais par la suite a apple.

En franзais, une syllabe a toujours comme noyau une seule voyelle. Comme nous l'avons vu: 1 voyelle = 1 syllabe. Mais autour de cette voyelle, on peut trouver une ou plusieurs consonnes et une ou plusieurs semi-voyelles.

Examinez, par exemple, les cas suivants:

Notez les diffйrentes structures syllabiques, qu'on peut reprйsenter par les symboles C

(consonne) V (voyelle) et S (semi-voyelle). Il y a des syllabes de type V ([ ), de type CV

([bu]), de type VC ([ m]), de type CVC ([fak]), de type CSV ([lj ]), et ainsi de suite. Ce sont des structures de base qui constituent une chaîne sonore en franзais.

Exercice: Dans un texte oral, calculez la proportion de chaque type de syllabe.

Lа où il y a des syllabes, il y a aussi des frontiиres syllabiques, c'est-а-dire des points de contact entre une syllabe et une autre. En d'autres termes, dans la chaîne parlйe, il faut savoir où couper. Or, il est possible de postuler un certain nombre de rиgles de base pour la division en syllabes. En voici quelques-unes.

On trouve une frontiиre syllabique

1. entre deux voyelles en contact (p.ex. [u | l | va] où elle va) 2. avant une consonne prйcйdйe par une voyelle (p.ex. [a | le] aller), а moins que la

consonne soit suivie par une autre consonne autre que [l] ou [R] (p.ex. [is | twar] histoire).

En principe, les locuteurs d'une langue possиdent de faзon intuitive les rиgles de base qui permettent de dйcouper une chaîne en syllabes.

Dйbut.

Les mots possibles

En thйorie, une langue pourrait former des mots nouveaux en combinant n'importe quel son avec n'importe quel autre. En rйalitй, nous constatons que chaque langue prйsente des traits particuliers qui font en sorte que certaines combinaisons phonйtiques sont utilisйes, mais non pas d'autres. Prenez la liste suivante, composйe de combinaisons phonйtiques:

1. [tR l] 2. [stys] 3. [bliR] 4. [kRit] 5. [vlin] 6. [ R f] 7. [ft l] 8. [pfas]

Certaines combinaisons sont acceptйes par la plupart des locuteurs (en gйnйral, les quatre premiиres), d'autres font l'objet de jugements partagйs (les deux suivantes), et d'autres sont rejetйes (les deux derniиres). Ces йvaluations reflиtent la rйalitй linguistique, et dйmontrent que les locuteurs ont internalisй des rиgles. Dans le cas des jugements partagйs, il s'agit souvent de combinaisons possibles а la frontiиre de deux mots. Ainsi, il n'y a pas de mots qui commencent [R], mais on dit, par exemple, je refuse en prononзant [ Rfyz].

Ce tableau se complique aussi sous l'influence des emprunts а d'autres langues. Ainsi, on trouve en franзais des mots en [ps-] construits sur des bases grecques (p.ex. psychologie, psychiatre). Par contre, on ne trouve pas de mots d'origine franзaise qui suivent ce modиle.

Exercice: Faites le tableau des combinaisons de consonnes possibles aprиs la consonne [b].

Dйbut.

À lire:

Les ouvrages suivants fourniront d'autres dйtails sur les questions traitйes dans ce chapitre.

Carton, Fernand. (1974) Introduction а la phonйtique du franзais. Paris, Bordas. (RES)

Delattre, Pierre. (1966) Studies in French and comparative phonetics. The Hague: Mouton. (RES)

Lйon, Pierre. (1992) Phonйtisme et prononciations du franзais. Paris: Nathan. (RES)

Pullum, Geoffrey K. (1986) Phonetic symbol guide. Chicago: University of Chicago Press. (REF)

Straka, Georges (1965) Album phonйtique. Quйbec: Presses de l'Universitй Laval. (RES)

Thomas, Alain. (1986) La variation phonйtique, cas du franco-ontarien. Ottawa: Didier. (RES)

Thomas, Jacqueline M.C. (1976) Initiation а la phonйtique : phonйtique articulatoire et phonйtique distinctive. Paris: Presses universitaires de France. (RES)

Walter, Henriette. (1976) La dynamique des phonиmes dans le lexique franзais contemporain. Paris: France Expansion. (RES)

Dйbut.

Derniиre modification: 28 dйcembre 1996. Veuillez signaler des problиmes d'ordre technique а Greg Lessard <[email protected]>