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Les stratégies de développement de la Chine

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Page 1: Les stratégies de développement de la Chine

La stratégie de développement de la Chine

Travail fondé sur des extraits de "Que pense la Chine", de Mark Leonard (2008)

A la fin des années 1970, sous l'impulsion de son dirigeant Deng Xiaoping, le Parti Communiste Chinois (PCC) au pouvoir initie la modernisation économique de la Chine, censée instaurer "le socialisme de marché". Loin de l'adoption brutale, dix ans plus tard, du capitalisme par les anciens pays du bloc de l'Est, la Chine opte pour une stratégie de développement graduel : la propriété privée est peu à peu rétablie dans les campagnes, des "zones économiques spéciales" telles que Shenzhen sont créées, ouvertes sur les échanges extérieurs et l'économie de marché, mais les élites dirigeantes du PCC conserve les pouvoirs politiques et économiques à tous les échelons. Plutôt que de franchir, avec grands risques, le torrent capitaliste, la Chine préfère donc "chercher à tâtons des pierres dans la rivière" pour assurer sa mutation. Pour ne pas remettre en cause l'idéologie officielle du pouvoir communiste, cette conversion à l'économie de marché est progressive et implicite : par exemple, le système du "double prix" a permis de passer d'une économie administrée à une économie libéralisée, sans le dire. La parabole du "village des zèbres" prend alors tout son sens.

A l'image de l'Europe des XVIII et XIXème siècles, la modernisation économique de la Chine est d'abord agricole. La fin du collectivisme favorise la concentration des terres, la propriété privée l'esprit d'entreprise et d'innovation et, in fine, une forte productivité. Cela libère des actifs pour l'industrie et engendre un massif exode rural, encore en cours de nos jours. Malgré beaucoup de pauvreté et d'inégalités, urbanisation et industrialisation ont façonné une nouvelle Chine, connaissant désormais des taux de croissance économique à deux chiffres et un PIB hissé au 3ème rang mondial en 2008 (source : FMI).

Les "zones économiques spéciales" ont été de vastes chantiers d'expérimentation de l'économie de marché, instaurant un "capitalisme du fleuve des Perles", du nom du delta autour duquel s'établisse des villes comme Guangzhou, Shenzhen, Hong-Kong etc. Ces régions côtières ont connu un très fort développement, source d'inégalités criantes avec les campagnes et la Chine profonde. Le pouvoir avait fait le pari du "trickle down", pensant que la modernisation de la façade maritime entraînerait, dans son sillage, le développement du reste de la Chine. Trente ans après, malgré la persistance de très fortes inégalités territoriales, les fait semblent donner raison à cette stratégie, d'ailleurs prônée par le dernier rapport de la Banque Mondiale sur le développement humain.

Mais si le développement économique de la Chine est une réussite, elle ne conduit pas forcément au développement humain tel qu'il est défini par Amartya Sen, à savoir un processus d'expansion des libertés réelles et d'amélioration du bien-être. Car l'inflation, les inégalités, les problèmes environnementaux et la privation de libertés civiques et politiques posent problème en Chine. Le mouvement pro-démocratique de juin 1989, place Tiananmen, ne revendiquait pas seulement la liberté d'expression et la fin d'un régime autoritaire et corrompu, mais également davantage de droits sociaux et de protection sociale. La répression sanglante qui s'abattit sur les manifestants fut suivi, en fait, d'une reprise en main politique du régime et d'une accélération de la libéralisation économique ; en clair, le "socialisme de marché" s'apparentait à une forme de capitalisme autoritariste.

Cependant, par la suite et sous l'impulsion de "la nouvelle gauche" chinoise, des expérimentations ont été menées dans plusieurs villes, pour concilier économie de marché, citoyenneté, réduction des inégalités et protection de l'environnement : c'est le "capitalisme du Fleuve jaune", au coeur de la Chine intérieure. L'instauration d'embryons d'Etat-Providence dans ces villes s'accompagne de politiques de développement durable. Là où Deng Xiaoping préconisait la croissance à tout prix (peu importe la "couleur du chat pourvu qu'il attrape les souris"), la nouvelle Gauche préconise le "développement façon chat vert". Ce problème est crucial pour l'avenir de la Chine : la construction controversé du Barrage des Trois Gorges, la pollution importante du Fleuve Jaune ou encore l'invasion du lac Haitu par les algues vertes toxiques sont autant d'exemples de problèmes environnementaux, facteurs de troubles sociaux.

Il apparaît donc que la Chine est traversée de débats autour de la définition de sa stratégie de développement et des buts ultimes de la croissance économique : assurer la puissance économique et militaire de la nation et du pouvoir en place ? Améliorer les conditions de vie et et étendre les libertés réelles du peuple ?