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Le changement c’est maintenant ! F. Reno , Professeur, directeur du CAGI e mot d’ordre de campagne du candi- dat socialiste devenu Président de la Répub- lique pourrait difficilement s’appliquer aux collectivités situées outre-mer La diver- sité de situations et surtout de sens donné au changement limite la portée du slogan. Dans l’hexagone, terre de ré- volution, la réforme a du mal à prendre corps. Si le mariage pour tous a fini par s’imposer au parlement sous la houlette de Christiane Taubira, ministre de la justice, reste à voir com- ment il sera mis en œuvre sur le terrain. Dans les dépendanc- es d’outre-mer fortement étatisées, le changement est tributaire des réflexes jacob- ins de Paris et encore plus de nos “peurs irrationnelles”. Les choix sont faits. Statu quo pour la Guadeloupe, collectivi- té unique pour la Guyane et la Martinique. Sous des formes variées, le CAGI participe au débat. A l’invitation de la commis- sion ad hoc composée d’élus du département et de la Ré- gion des membres du CAGI ont été auditionnés sur ces questions. A la demande d’élus et d’association nous avons animé des rencontres dans les communes des Abymes, du Gosier et de Basse-Terre avec, chaque fois le sentiment de répondre à une demande citoyenne d’explication. C’est le même souci qui habitent aussi ceux qui membres du équipe s’expriment dans les medias À notre tour, nous avons pris l’initiative d’une rencontre avec des élus de Guyane et de Martinique sur le thème de la collectivité unique, à l’université, sur le campus de Fouillole. Il y aurait beaucoup à dire sur l’état du politique en Guadeloupe ou de la “société civileabusivement homo- généisée et parée de vertus rédemptrices. Il est trop tôt pour évaluer les conséquences de ces choix au moment où des collectivités françaises à fortes identités (Alsace, Pays basque) constru- isent du consensus politique autour des idées de simplifica- tion des échelons territoriaux, de rationalisation de la gouver- nance locale, et d’économies d’échelle. Ceci dans un envi- ronnement de compétition entre les territoires où il est préférable d’identifier rapide- ment les lieux de décision. Retenons pour l’heure qu’il n’y a pas de sens de l’histoire et que le changement sera ce que nous en ferons !. Directeur de publication Corinne MENCE-CASTER Rédacteur en chef Fred RÉNO Mise en page Adrien SORIN Contact Rond Point Miquel - 0 590 83 48 47 1 - PREMIÈRES LETTRES - Édito - Sommaire 2 - L’ACTU - La Décentralisation : Acte III - La question institutionnelle - La collectivité unique en questions 5 - HUMEURS ET ACTUS - Kout’ Siwo Pou… - La dimension politique du CHBT - L’Esclavage, la mémoire et le Droit - Le devoir d’oubli 7 - ESPACE - Le mariage pour tous - Inégalité et territoires 9 PAGE CARAÏBE - Revue de presse - Crise, violence et politique 10 - LE MOIS DU CAGI - Rencontres thématiques - Le CAGI s’exporte - Le CAGI en action SOMMAIRE C Séminaire doctoral du CAGI: 31 mai A. Petit, Mondialisation, ré- gionalisation: quelle place pour les Territoires Non indépendants 7 juin V. Charneau, Culture et poli- tiques publiques du risque: les cas de la Guadeloupe et de la Dominique 21 juin G. Samathi, Evaluation des poli- tiques publiques dans les communau- tés d’agglomération de la Guadeloupe 5 juillet S. Garnier, Stratégies poli- tiques, développement économique valorisation environnementale et aménagement du territoire: le cas de la Guadeloupe Rencontres thématiques 14 juin Institutions et société28 juinIdentités: Ressorts et stratégiesAGENDA Numéro19 Mai-Juin 2013 Les institutions en questions

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Numéro 19 de la Lettre du laboratoire de recherches de l'UAG : Centre d'analyse géopolitque internationale (CAGI)

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Le changement c’est maintenant !F. Reno, Professeur, directeur du CAGI

e mot d’ordre de campagne du candi-dat socialiste devenu

Président de la Répub-lique pourrait difficilement s’appliquer aux collectivités situées outre-mer La diver-sité de situations et surtout de sens donné au changement limite la portée du slogan.

Dans l’hexagone, terre de ré-volution, la réforme a du mal à prendre corps. Si le mariage pour tous a fini par s’imposer au parlement sous la houlette de Christiane Taubira, ministre de la justice, reste à voir com-ment il sera mis en œuvre sur le terrain. Dans les dépendanc-es d’outre-mer fortement étatisées, le changement est tributaire des réflexes jacob-ins de Paris et encore plus de nos “peurs irrationnelles”. Les choix sont faits. Statu quo pour la Guadeloupe, collectivi-

té unique pour la Guyane et la Martinique. Sous des formes variées, le CAGI participe au débat.

A l’invitation de la commis-sion ad hoc composée d’élus du département et de la Ré-gion des membres du CAGI ont été auditionnés sur ces questions. A la demande d’élus et d’association nous avons animé des rencontres dans les communes des Abymes, du Gosier et de Basse-Terre avec, chaque fois le sentiment de répondre à une demande citoyenne d’explication. C’est le même souci qui habitent aussi ceux qui membres du équipe s’expriment dans les medias À notre tour, nous avons pris l’initiative d’une rencontre avec des élus de Guyane et de Martinique sur le thème de la collectivité unique, à l’université, sur le campus de

Fouillole. Il y aurait beaucoup à dire sur l’état du politique en Guadeloupe ou de la “société civile” abusivement homo-généisée et parée de vertus rédemptrices.

Il est trop tôt pour évaluer les conséquences de ces choix au moment où des collectivités françaises à fortes identités (Alsace, Pays basque) constru-isent du consensus politique autour des idées de simplifica-tion des échelons territoriaux, de rationalisation de la gouver-nance locale, et d’économies d’échelle. Ceci dans un envi-ronnement de compétition entre les territoires où il est préférable d’identifier rapide-ment les lieux de décision.

Retenons pour l’heure qu’il n’y a pas de sens de l’histoire et que le changement sera ce que nous en ferons !.

Directeur de publicationCorinne MENCE-CASTER

Rédacteur en chefFred RÉNO

Mise en pageAdrien SORIN

ContactRond Point Miquel - 0 590 83 48 47

1 - PREMIÈRES LETTRES- Édito- Sommaire2 - L’ACTU- La Décentralisation : Acte III- La question institutionnelle- La collectivité unique en questions5 - HUMEURS ET ACTUS- Kout’ Siwo Pou…- La dimension politique du CHBT- L’Esclavage, la mémoire et le Droit- Le devoir d’oubli7 - ESPACE- Le mariage pour tous - Inégalité et territoires9 PAGE CARAÏBE- Revue de presse- Crise, violence et politique10 - LE MOIS DU CAGI- Rencontres thématiques- Le CAGI s’exporte- Le CAGI en action

SOMMAIRE

C

Séminaire doctoral du CAGI:31 mai A. Petit, Mondialisation, ré-gionalisation: quelle place pour les Territoires Non indépendants7 juin V. Charneau, Culture et poli-tiques publiques du risque: les cas de la Guadeloupe et de la Dominique21 juin G. Samathi, Evaluation des poli-tiques publiques dans les communau-tés d’agglomération de la Guadeloupe5 juillet S. Garnier, Stratégies poli-tiques, développement économique valorisation environnementale et aménagement du territoire: le cas de la Guadeloupe

Rencontres thématiques14 juin “Institutions et société”28 juin “Identités: Ressorts et stratégies”

AGENDA

Numéro19Mai-Juin 2013

Les institutionsen questions

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ACTULes quelques 122 articles de cet avant-projet réaffir-ment le rôle prépondérant de la Région en matière de développement économique (aide aux entreprises avec en plus l’aide à l’innovation et l’exportation), de formation et d’apprentissage, l’ancrage du Département dans le so-cial et de la Commune dans les actions de proximité. Le poids de l’intercommunalité est confirmé avec la possibilité de déléguer aux Communauté d’Agglomération et aux Com-munautés de Communes de plus en plus de compétences. Dans le même ordre d’idée les métropoles font l’objet d’un traitement spécifique afin de hisser les territoires français à la hauteur de la compétitivité préconisée par la stratégie de Lisbonne.

La Région pour le développement

économique,[...] le Département dans le social et la com-mune dans les ac-tions de proximité

Au titre des nouveautés on peut relever le copilotage de l’orientation par l’Etat et la région, la définition par la ré-gion d’un schéma régional de l’enseignement supérieur. De même les Etablissements Publics de Coopération In-tercommunale héritent des

va plus loin en disant : “Toute ambition politique a disparu au profit d’un empilement de dis-positions techniques sans réelle cohérence d’ensemble”.

L’avant-projet de loi n’a pas ré-sisté aux critiques qui lui étaient adressées. Le 02 avril 2013, par la voix du Président du Sénat, son retrait en la forme était annoncé. Le Premier Ministre est venu ensuite confirmer que les le projet serait dorénavant scindé en trois :- Un texte sur les métro-poles et le fait métropolitain- Un autre texte sur les ré-gions- Le troisième concerne la solidarité territoriale (départe-ments, communes, intercom-munalités).

S’il s’agissait de clarifier les compé-

tences, ce texte semble loin de

cet objectifEn conclusion si ce texte am-bitionnait de clarifier les com-pétences, il semble loin de cet objectif. Une fois de plus, le poids séculaire du jacobin-isme rend difficile l’inévitable territorialisation de l’action publique. Si les collectivités territoriales concourent pour 70% de l’investissement pub-lic en France, il serait peut être temps qu’elles puissent accéder à la majorité poli-tique.

près les Lois Deferre de 1982 – 1983 (Acte I) et Raffarin de 2003 – 2004

(Acte II), voici venu le temps de la réforme Lebranchu qui prolonge dans un 3ème acte le redimensionnement des relations entre le centre et la périphérie en France. Faisant partie de 60 propositions du candidat Hollande aux élec-tions présidentielles de 2012, la poursuite de la décentrali-sation socialiste se veut le contrepied de la Loi du 16 décembre 2010 votée par l’ancienne majorité. Le cadre a été défini par le Président de la République en personne à la Sorbonne le 5 octobre 2012 à la clôture des Etas-Généraux de la Démocratie Territoriale organisés par le Sénat en ces termes : “A chaque politique correspondrait une seule autori-té qui fixerait les modalités et l’action qui peut être déléguée.”

L’avant-projet de loi, qui a déjà fait l’objet de plusieurs rem-aniements, s’articulent autour de trois thèmes :- L’optimisation des politiques publiques par une meilleure répartition des compétences- La clarification des responsa-bilités des collectivités territo-riales et de l’Etat- La territorialisation de l’action publique locale- La démocratisation de la gouvernance locale- Les dispositions relatives aux agents, aux compensations fi-nancières et à la clarification du droit.

La décentralisation : Acte IIIJ. Mérion, membre du CAGI

Plan Locaux d’Urbanisme et des pouvoirs de police pour les compétences qu’elles ex-ercent. Les communes dev-ront dorénavant prendre à leur compte la transition éner-gétique et la gestion des mi-lieux aquatiques, tandis que les départements définiront le schéma d’aménagement numérique du territoire. Se-ront créés un Haut Conseil des territoires et des Conférences Territoriales de l’Action Pub-lique. Ces dernières pourrontdéfinir les délégations de com-pétences entre collectivités par la conclusion d’un Pacte de Gouvernance.

A l’analyse de ce texte, la Ré-gion et les Intercommunalités deviennent les deux piliers de l’action publique territoriale. A l’inverse des actes précédents de la décentralisation, ce docu-ment, en l’état actuel, ne com- porte aucune disposition par-ticulière pour l’outre-mer.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. L’association desmaires est franchement hostile. Dans un communi-qué du 14 février 2013, elle in-dique : “L’AMF regrette cette vision technocratique, hiérar-chisée et verticale de l’action publique qui laisse peu de place à la subsidiarité et ne tient pas compte de la réalité ou de la diversité des territoires”.De son côté l’Assemblée des Département de France, prési- dée par un socialiste reste très critique. Elle parle “d’erreur” et demande “une définition précise du chef de file des départements” Le prési-dent de l’Assemblée de Ré-gions de France, socialiste lui aussi s’indigne en ces termes : “C’est au législateur de répar-tir les compétences… L’Etat, qui sera invité dans ces dé-bats, reprendra la main. C’est toute la perversité de ce texte.” Jean-Jacques Queyranne, vice- président de cette association

A

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La question institutionnelle est une invention, il n’y a de question que statutaireF. Reno

e débat sur le change-ment politique en Gua-deloupe, et dans les au

tres “vieilles colonies” divise les partisans d’une évolution insti-tutionnelle et d’une évolution statutaire. Les premiers enten-dent qualifier un changement qui resterait dans les limites de l’identité législative et donc de l’article 73, l’autre groupe serait favorable à un bascule-ment dans l’article 74, choisi par Saint Martin et…Saint Bar-thélémy et que près de 73% de guadeloupéens ont refusé en 2003. Il s’agit là d’une con-struction qui a le mérite de la simplicité mais qui ne rend pas compte la réalité constitution-nelle. On le montrera par un raisonnement simple mais ju-ridiquement vérifié après une brève présentation des consi-dérants politiques du débat.Au moment où la Martinique et la Guyane s’apprêtent à fu-sionner le département et la région, que le pays basque après l’Alsace construit un consensus autour de l’idée de collectivité territoriale, les élus de Guadeloupe affichent leur préférence pour le statu quo.Le 14ème Congrès des élus départementaux et région-aux réuni le 15 mars 2013 a choisi de ne pas choisir entre l’assemblée unique et la collec-tivité unique. Après maints re-ports puis réunions publiques aboutissant au projet Guade-loupéen de société, on-a cru que le débat se concentre-rait sur ces deux variantes du changement dit institutionnel.

L’intervention de Raphael Vau-girard, conseiller général de la Martinique dans le cadre de la Rencontre organisée par le CAGI le 27 avril 2013 a révélé s’il en était besoin, les différences d’approche entre les deux îles. La première concerne le consensus, indicateur incon-tournable de la volonté de changement. En Guadeloupe ce consensus n’existe pas. Par conséquent point de consul-tation en vue et encore moins de changement à l’horizon. La conclusion de la présidente de région, ce jour là, est de ce point de vue d’une clarté aveuglante. Fustigeant les par-tisans de la collectivité unique soupçonnés de dessein poli-tique caché, elle nous appelle à garder la région-département et à rester dans le droit com-mun, comme si droit commun voulait dire statu quo.

En Guadeloupe, le consensus

sur le changementn’existe pas

En réalité le droit commun ne se réduit pas au maintien des collectivités départementale et régionale. Il s’agit là d’une des options contenues dans l’article 73 de la Constitution. Celle de la fédération du parti socialiste et d’une partie de la droite guadeloupéenne. Ce même article permet deux autres possibilités de change-ment. Il s’agit de l’assemblée unique. Le département et

L la région sont maintenus et coiffés par une assemblée délibérante œuvrant alterna-tivement comme assemblée départementale le matin et assemblée régionale l’après-midi. Les mêmes élus décident pour des collectivités diffé-rentes par leurs compétences, leur personnel, leur budget pour un seul territoire. La col-lectivité unique, elle, consiste à éliminer le département et la région pour une nouvelle en-tité afin d’éviter les enchevê-trements de compétences, réduire le nombre d’élus et à terme de fonctionnaires terri-toriaux. Elle est défendue par le GUSR (Guadeloupe Socialisme et Réalité), la gauche alterna-tive et une partie de la droite. A la différence des autres op-tions, l’existence d’une collec-tivité unique limite les risques de conflits de décision entre les collecti vités, confère une plus grande lisibilité de l’action pub-lique. C’est en quelque sorte la réponse politique au proverbe créole : “Dé mal krab pa ka rété an menm trou”. Ces trois op-tions prévues par la constitu-tion relèvent toutes du droit commun et donc de l’identité législative. Cela signifie que les lois et règlement édictés dans l’hexagone s’appliquent automatiquement quelque soit l’option envisagée sous réserve de dérogations et d’habilitations pour tenir compte des spécificités du ter-ritoire. Tous ces choix sont poli-tiques et peuvent être faits ou refusés en vertu de Suite P.4

MÉMO - Options statutairesA.Sorin, associé au CAGI

Les différents choix…

Situation actuelle : 2 collectivités, 2 assemblées

Assemblée unique : 2 collectivités, 1 assemblée

Collectivité unique : 1 collectivité, 1 assemblée

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La collectivité unique en questionsEntretien avec Raphaël Vaugirard, Conseiller Général (Martinique)

Propos recueillis par V. Charneau, Doctorante en Science Politique

ans le cadre de ses “Rencontres” le Centre d’Analyse Géopolitique

International a invité M. Raph-ael Vaugirard, Conseiller Gé-néral de la Martinique et Prési-dent de la Commission ad hoc pour la fusion du département et de la région, à présenter le projet de collectivité unique en Martinique.

Pourquoi avez-vous fait le choix d’une collectivité unique en Martinique?Le système bicéphale n’était pas la meilleure disposition. La nouvelle Collectivité de Martinique doit apporter une nouvelle vision du développe-ment du pays. Comment se déroule le pro-cessus de fusion des deux collectivités ? Il y a eu plusieurs niveaux, cet-te fusion s’est réalisée avec la loi du 27 juillet 2011 suivie d’un projet de décret portant mise en place d’une Commis-sion Tripartite composée de 12 membres, Etat, Région, Département, présidée par le Conseil Général. Elle conduit les travaux de fusion admin-istrative et émet des avis sur les projets d’ordonnance, et le régime législatif auxquels est soumise la préparation de la Collectivité Unique.

À quel stade de la fusion êtes-vous ?Nous sommes à 28 mois de la mise en place de la collec-tivité unique. L’assemblée des

D répondre à nos problèmes. De surcroît, il démultipliera les capacités de réponses des politiques publiques en mat-ière d’éducation, de formation, d’entreprises, d’environnement, de social.. au plus près des besoins des administrés.

Quels sont les effets inat-tendus de la fusion auxquels vous faites face ?Il y a des zones d’ombre, on n’est pas naïf on ne peut pas tout anticiper. Le personnel sera le premier touché, il fa-udra sécuriser les emplois. On compte également sur la nou-velle gestion administrative.

La fusion est un long proces-sus, ne retarde-t-il pas des actions sans doute plus im-portantes ? on a dit en Gua-deloupe que vous faites fuir les investisseurs ?La Collectivité unique regorge de déclinaisons, d’abord poli-tique, administrative, et se veut poursuivre dans une position de service public. La mise en place de la nouvelle collectiv-ité bouleverse et redynamise la gouvernance sociétale. Et ces évolutions doivent à terme répondre aux aspirations de changement et de développe-ment de la Martinique. La problématique budgétaire, avec la baisse des dotations de l’Etat, fait que la Marti-nique devra générer en interne des ressources nouvelles, des outils de planification con-tractualisés, des partenariats publics, privés et extérieur..

stratégies de développe-ment ou de stratégies person-nelles, les deux étant souvent incompatibles. Je voudrais avancer l’idée peut être pro-vocatrice mais juridique-ment fondée que ce que l’on désigne par l’expression “changement institutionnel”n’est rien d’autre qu’un changement statutaire et que l’on aurait tort de limiter cette dernière expression à l’article 74. Tenu au format de la lettre du CAGI, je serais volontaire-ment succinct. Trois articles de la constitution révisée en 2003 (72, 73 et 74) concernent les quatre régions monodéparte-mentales d’outre-mer.

Un changement institutionnel

n’est rien d’autre qu’un changement

statutaireL’article 72 suffit à fonder mon hypothèse. Le premier paragraphe, qui concerne l’ensemble du territoire fran-çais, stipule : “Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les dépar-tements, les régions, les col-lectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute au-tre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plu-sieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.” Tout y est ! Cet article précise la liste des

collectivités de la République. Celles à statut particulier en font partie. L’obtention de cette distinction est le fait de la loi : tout ce qui n’est pas commune, département ou région est collectivité à statut particulier. Par conséquent sorti du statu quo départe-ment et régional on tombe nécessairement dans une col-lectivité à statut particulier sans sortir obligatoirement du droit commun. Cela n’a rien d’exceptionnel. Paris a un stat-ut particulier, la Corse aussi tout en étant dans le droit commun. L’assemblée unique, la collectivité unique sont des collectivités à statut particuli-er. Certes elles correspondent au changement institution-nel du point de vue des struc-tures nouvelles mises en place. Mais il s’agit assurément d’un changement statutaire d’un point de vue constitutionnel. La séparation véhiculée par le sens commun et paradoxale-ment nombre de juristes1 est une invention doctrinale sans fondement constitutionnel.

En vérité le mot statut-aire associé abusivement à l’indépendance ou à son an-tichambre est perçu comme un gros mot agité pour faire peur. Dés lors l’évolution in-stitutionnelle, simple réforme administrative, est posée comme un postulat, une croy-ance qui a fini par s’imposer dans l’opinion sans que l’on s’interroge sur la signification politique de cette invention.

Notes1 Il faut néanmoins reconnaitre la position originale défen-due par Emmanuel Jos qui déduit le statut de la combi-naison d’un régime juridique et d’une organisation ad-ministrative C’est un des seuls juristes à considérer que le changement au sein de l’article 73 est un changement statutaire.

élus sera prête en mars 2014. La commission a pu se pencher sur les patrimoines, l’harmonisation des politiques et la création d’un nouveau cadre budgétaire.

Y a-t-il un consensus poli-tique à la fois sur le statut de collectivité unique et le pro-cessus de fusion ?La Commission ad Hoc du Conseil général, a été mise en place pour organiser le proces-sus de fusion. Le temps ou les partis politiques s’opposaient s’éloigne progressivement. Aujourd’hui on cherche à ré-soudre la problématique liée aux personnels et à la place des organisations syndicales dans la réorganisation des or-ganigrammes de la collectiv-ité unique. L’ autre problème que nous aurons à régler est le mode de scrutin.

Comment ce projet est-il ap-préhendé par la population ?Le référendum a contribué à la réduction des apriori. En même temps, il y a eu une consultation , la population a répondu « oui » à l’article 73.

Quel est le projet politique qui sous tend cette fusion ? On dit que l’objectif caché c’est la sortie du droit communLe projet doit avoir une prise sur notre réalité. D’ailleurs l’ouverture qu’offre l’article 74 à ce sujet a été refusée par la population lors du réfé-rendum. Ce nouveau modèle d’organisation tentera de

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HUMEURS & ACTUSKout’ Siwo Pou… Christiane TAUBIRAA. Petit, Doctorante en Science Politique

crime contre l’humanité par la France, vous aviez engagé le combat de tout un peuple, vous vous soulevez contre les grands pour faire entendre les voix oubliées. C’est pour toutes ces raisons que vous resterez gravée dans l’histoire politique française mais égale-ment dans celle des hommes politiques d’outre mer qui ont fait notre fierté.

n pourrait reprendre l’expression et vous dire notre “coup de cœur” ou

“billet doux” ce mois ci pour Christiane Taubira, il y a si peu d’homme politique enclins à être félicité en ces temps que l’on peut bien se réjouir de voir une femme, d’origine guya-naise être de toute part recon-nue comme faisant partie de celles qu’on n’ oubliera pas. Son œuvre ? Avoir mené d’une main de fer le débat sur le mari-age pour tous à l’assemblée nationale, avoir argumenté avec la force et l’élégance nécessaires à l’adoption decette loi si emblématique, avoir répondu avec intelligence aux attaques parfois déplacées d’un hémicycle trop masculin et de la rue où s’agitait une par-tie du peuple en colère.On l’aura décriée en ses premiè-res heures au gouvernement, sous estimée mais finalement flattée à droite et à gauche. Elle entre directement dans la lignée des grands (dirons-nous des grandes !) qui ont mar-qué la République et nourri laLiberté .

Quel honneur Mme Taubira, quel honneur que vous nous faites en nous représentant ainsi, Ils ont pensé que les outre-mer étaient de fait trop pieux pour adhérer à cette loi, vous leur avez montré que nous étions encore plus atta-ché à l’égalité. Mais vous n’en êtes pas à vos premiers débats. Déjà en 2001, en faisant re-connaître l’esclavage comme

La dimension politique du déficit du CHBTB. Denhez, Étudiant en Science Politique

n France, les politiques de santé comprennent l’ensemble des choix

stratégiques des pouvoirs pub-lics et privés pour améliorer l’état de santé des populations dont ils ont la responsabilité. En 2012 la dépense courante de santé représente 21,3% des dépenses publiques.

Ainsi, les décisions politiques influencent beaucoup les mo-dalités d’opération de la méde-cine en France. En 2004 le gou-vernement Raffarin a mis en place la tarification à l’activité (T2A) dans les établissements de santé comme mode de fi-nancement de la médecine, de la chirurgie et de l’obstétrique obligeant le secteur à se re-structurer et à réfléchir à la fa-çon de faire des économies. Il souhaitait résorber le trou de la sécurité sociale, limiter le surnombre de lits d’hôpital et restructurer les offres de soins.Ce nouveau mode de finance-ment a entraîné une redéfini-tion de la carte sanitaire de la Guadeloupe en transformant radicalement le paysage hos-pitalier. L’ARS (agence région-ale de santé), censée étudier une coordination résonnée des soins, des économies d’échelle ont été envisagées par des re-groupements d’hôpitaux ou d’activité : le CHBT occupe donc actuellement une place de premier plan dans la carte sanitaire guadeloupéenne, at-tirant des patients de toute la Guadeloupe mais aussi de la Martinique.

L’implication du politique est d’autant plus évidente que les postes de haut niveau crées par le CHBT deviennent un ter-rain d’affrontement politique. Par exemple le conseiller ré-gional socialiste Jocelyn Mirre, encouragé par Victorin Lurel, a été élu président du CA en 2008 en battant le candidat soutenu par Lucette Michaux Chevry. Cette élection té-moigne selon Victorin Lurel de la volonté de renforcer le pôle hospitalier de la Basse-Terre. Il y a également une dimension financière : la Région s’est in-vestit massivement (5 millions €) auxquelles s’ajoutent 5 mil-lions € de fond européen dans le cadre du programme opéra-tionnel 2007-2013 concernant les normes parasismiques. Le CR a acheté les équipements de chirurgies vitro-rétinienne en 2007 après une demande de l’hôpital.

Les postes de l’hôpital devien-nent un terrain d’affrontement

politiqueCependant l’État souhaite que les hôpitaux ne génèrent plus de déficit. La directrice de l’ARS a décidé de la mise sous administration provisoire du CHBT. Issu de la loi HPST de 2009, c’est un mode de ges-tionde “crise” durant lequel les attributions du directeur sont assurées par des admi-

nistrateurs provisoires dési-gnés par le ministre de la santé. La loi prévoit ce dispositif “lor-sque le plan de redressement ne permet pas de redresser la situation de l’établissement”. Ils étudient une restructura-tion des services non-renta-bles qui vont pouvoir être fer-més. Seulement ces sacrifices vont être délicats à exposer à cause des réalités politico-éco-nomico-sociales que génère l’hôpital et qu’il convient de respecter. En effet tout boule-versement de la carte sanitaire de la Guadeloupe entraîne-rait des conséquences impor-tantes sur l’ensemble du terri-toire. La santé est le révélateur d’enjeux sociaux où se dessi-nent des rapports de pouvoir et des pratiques de distinction.

On peut dégager trois suppo-sitions relevant du politique : - la fermeture de certains ser-vices jugés trop coûteux en-trainerait une dégradation sanitaire de la Guadeloupe, - une réduction de personnel entraînerait des manifesta-tions sociales importantes,- le déclassement du CHBT par la fermeture de certains ser-vices entraînerait un déplace-ment de l’administration vers Pointe-à-pitre et un appau-vrissement de la Basse-Terre.

EO

Car… “Nous les gueux, nous les riens, nous les peu, nous les chiens, nous les maigres, nous les nègres, qu’attendons nous, qu’attendons nous pour faire les fous, pisser un coup tout à l’envi contre la vie stupide et bête qui nous est faites ? Si nous, si nous ne nous accordons pas l’égalité des droits, si nous ne nous re-connaissons pas la liberté, nous disons, qu’attendez vous pour faire les fous sur cette vie stu-pide et bête” - Léon-Gontran Damas.

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L’esclavage, la mémoire et le droitD. Destouches, MCF en Histoire des Institutions

mpossible réparation”: c’est en ces termes que le président de la

République a fermé la porte à toute indemnisation financière aux descendants d’esclaves, lors de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs aboli-tions, en 1848. “Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini? Non, ce ne sera jamais ré-glé”, a ajouté le chef de l’Etat, citant volontairement un de-scendant d’esclave : Aimé Cé-saire, poète et homme poli-tique martiniquais dont on célèbre en 2013 le centenaire de la naissance.

Après avoir écouté ce discours présidentiel, le président du Cran, Louis Georges Tin, a an-noncé devant le Palais de jus-tice de Paris, l’assignation de la Caisse des dépôts et con-signations pour, complicité de crime contre l’humanité parce que la banque avait en-caissé les sommes versées par Haïti en contrepartie de son in-dépendance (1804). “Faute de solution politique, nous menons le débat sur le plan juridique”, a expliqué M. Tin. Ce débat mérite d’être éclairé. D’abord

“I évaluer le préjudice, or avec l’esclavage, il s’agit d’évaluer la souffrance, les pertes, et les douleurs des descendants de ceux qui ont souffert de l’esclavage. Là aussi, la tâche est impossible. Enfin il y’a la compensation, qui ne se résu-me pas forcément d’ailleurs à une indemnisation financière. La notion est plus politique : elle consiste à octroyer ce qui devrait permettre de « pas-ser l’éponge » sans forcément remettre les choses en l’état. C’est la voie choisie par ex-emple par Christiane Taubira lorsqu’elle propose de donner des terres à une partie des de-scendants d’esclaves. La com-pensation reste une option politique plus consensuelle et plus pragmatique ; donc pos-sible...

En tout état de cause, quel que soit le terme utilisé, le but re-cherché est de manifester une volonté, celle de mettre à la fois l’Etat républicain et la na-tion face à une partie de son histoire peu glorieuse et face à une question à résoudre : jusqu’à quand et jusqu’à qui est on responsable de ses actes et en particulier de ses crimes ?.

il faut savoir qu’il y’a effec-tivement eu des précédents de réparation pour le préju-dice subi en raison de crimes contre l’humanité, mais aussi en France pour compenser la perte de revenus que représen-taient les esclaves pour les colons après l’abolition. La réparation a pour but de ré-tablir la justice et de remettre les choses en leur état initial. Dans le cadre de l’esclavage, la réparation devrait donc ré-tablir la situation telle qu’elle était avant, ce qui impliquer-ait notamment le retour des descendants d’esclave en Af-rique. Impossible.

Il y a eu des précédents de réparation en

raison de crimes contre l’humanité

L’indemnisation est une notion encore plus juridique : il s’agit de verser une somme d’argent en contrepartie d’une perte vécue à cause d’un tiers, d’un préjudice généré, ou/et en ré-paration partielle d’un dom-mage subi. Pour l’obtenir il faut

Le devoir d’oubli… Le droit d’omettre ? A. Sorin

Le racisme a été inventé avec

la traite négrière et “l’esclavage

colonial”Très vite, on trouve une autre maladresse : “La vie des esclaves noirs dans les colonies français-es était réglée par le Code noir, rédigé au temps de Colbert en 1685 où les esclaves sont définis comme des “meubles” trans-missibles et négociables”. Quel résumé de la législation colo-niale ! Non seulement le Code Noir n’a pas été rédigé en 1685, il ne s’agit là que d’un seul des textes du corpus qu’on ap-pellera plus tard, “Code Noir”, mais également les esclaves sont répertoriés comme “biens meubles” (de mobile, et non mobilier…).

L’ultime coup est porté à la fin du dossier : “L’esclavage n’est cependant pas la seule cause du racisme”. Des docu-fictions comme “La Vénus Noire”, des ouvrages comme “Esclavage, métissage, liberté”, ou le ré-cent colloque Saint-Claudien sur les représentations du noir montrent bien l’inverse ! Le racisme a été inventé avec la traite négrière et “l’esclavage colonial” pour justifier la condi-tion servile des noirs et main-tenir ces peuples dans une constante dévaluation d’eux mêmes, garantie de leur do-cilité….

a télévision a forte tend-ance à monopoliser la démocratisation de la

culture, multipliant les émis-sions dites “intellectuelles” et “participatives”. Aujourd’hui, l’Internet offre la possibilité à certaines chaines de ven-dre leur culture à bas prix par delà les limites du petit écran. France Télévisions a ainsi créé sur son e-espace une rubrique “apprendre”, fournie de dos-siers. C’est l’un d’entre eux qui nous intéresse tout particu-lièrement…

À l’approche du mois des com-mémorations des abolitions de l’esclavage, le site nous pro-pose un dossier “L’esclavage, comprendre son Histoire”. Surement remplis de bonnes intentions, les rédacteurs de ces quelques pages les ont pourtant garnies de fautes. La première est dans le titre : “l’esclavage” au singulier, alors que le dossier aborde près de 5000 ans d’Histoire. Il y a eu plusieurs formes d’esclavages, qu’on peut résumer en deux catégories : “l’esclavage colo-nial”, et les autres. Même si le dossier est centré sur la traite négrière et l’esclavage colo-nial, la distinction n’apparait pas assez clairement or elle est de taille : “l’esclavage colonial”, c’est tout un système de con-ditionnement mental, de com-merce et d’organisation de la société, qui dépasse la simple dette qui fonde l’esclavage an-tique, réducteur de guerriers vaincus en force de la cité.

L

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ESPACEla famille, c’est ce

que chacun reconnaît […]

par l’amour qui est donné

A ceux qui se cachent derrière le bien être de l’enfant remis en cause dans le cas d’une adoption homosexuelle, car une famille c’est “un père et une mère” nous dirons, combi-en de famille aujourd’hui ne se résume qu’a “un père” ou qu’a “une mère” les familles mono-parentales sont elle également contre nature ? Non, la famille ce n’est pas que papa-maman, c’est ce que chacun reconnaît comme étant ses parents par l’amour qui est donné et non seulement par le sang partagé. A ceux qui se demandent “pourquoi un mariage pour tous alors qu’ils ont déjà le PACS ?”, “Il suffirait d’aménager un PACS améliorer”, nous dirons que ce que notre société ré-clame ce n’est pas d’aménager un statut particulier à un cou-ple particulier, ce que notre société réclame s’est de faire qu’un couple particulier ne se sente plus comme tel car aux yeux de cette même société il aura accès aux mêmes droits, ce n’est qu’en intégrant le par-ticulier dans le “normal” que celui ci le deviendra.

Bien sur, la question reçoit un écho particulier dans les socié-tés antillo-guyanaises, où les populations sont très pieuses,

pratiquantes catholiques ou musulmanes. Ceci devient problématique quand les élus de la république assurent ne pas pouvoir, en cas d’adoption de la loi, assurer leurs obligations devant un couple homose-xuel prétendant au mariage civil. On peut comprendre le déchirement que cela sup-pose pour tout homme, d’agir à l’encontre de ses convic-tions religieuses. Cependant malgré notre compréhension nous leurs dirons que depuis 1905 les convictions religieus-es n’entrent plus en ligne de compte dans la pratique des af-faires de l’Etat et en se présent-ant à n’importe quel mandat de la république française ils ont accepté d’exercer leurs fonctions en se conformant à celle ci, ils leur reste à savoir si ils se reconnaissent encore dans les engagements qu’ils ont pris… À bon entendeur.

“Ce que ça changera pour moi ? De ne plus être un sous-homme dans un pays où la devise est » (liberté), (égalité), (fraternité) ». J’aurai enfin les mêmes droits que tous mes concitoyens. La liberté de ne pas me marier car les valeurs du mariage ne sont pas celles auxquelles j’aspire. Mais j’aurais enfin la liberté”.

de la liberté peut il ainsi se déchirer sur une question que même les nations les plus con-servatrices ont su résoudre ?En France on connaît pourtant ce genre de débats : en 1975 la loi dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse, en 1967 la loi autorisant la con-traception, en 1999 le Pacte Civil de Solidarité (PACS), etc. Toutes ont été adoptées après de sévères oppositions, de débats houleux à l’Assemblée Nationale et au sein de la société française, toutes étaient considérées comme des bouleversements drama-tiques pour notre société, et sont aujourd’hui fondatrices immuables de notre société. Est ce normal ? bien sur, les mœurs et la société évoluent et heureusement, cependant la loi doit en être le garant et parfois l’instituer, passer outre ces divisions et savoir imposer un ordre qui de fait répond aux impératifs d’égalité et de liberté devant ceux de la reli-gion (entre autre) pour le bien non de son peuple mais pour le bien de l’Homme. Permettons nous de comparer cette évolu-tion avec celle représentée par l’abolition de l’esclavage, le droit de vote des femmes, et toutes les lois qui ont permis d’instituer l’égalité et la liberté entre les hommes. Toutes ces lois qui semblaient contre na-ture, contre l’ordre naturel de toute chose… que serait no tre société aujourd’hui si la loi, le droit et non le peuple ne s’étaient pas imposés ?

er2003, en Belgique, l’Espagne, pays pourtant très catholique, légalise le mariage homosex-uel en 2005. Le 17 mai 2010, le Portugal. Les pays nordiques ont suivi : la Norvège (2008), la Suède (2009), l’Islande (2010). Le Danemark, qui est le pre-mier pays à avoir autorisé les unions civiles entre person-nes du même sexe par la loi du 7 juin 1989, permet même depuis le 15 juin 2012 aux cou-ples homosexuels de se marier à l’Eglise luthérienne d’Etat. Hors d’Europe, le Canada, (2005), l’Afrique du Sud, (2006) et l’Argentine (2010). Aux USA, la législation varie selon les Etats : les couples homose-xuels peuvent se marier dans le Vermont, le Connecticut, l’Iowa, le Massachusetts, le New Hampshire, à New York, dans l’Etat de Washington, le Maryland et à Washing-ton, DC. Le Mexique autorise également le mariage homo-sexuel, mais seulement dans le district fédéral de Mexico et l’État du Quintana Roo.

comparer cetteévolution avec toutes les lois

(pour) l’égalité […]entre les hommes

La France est donc loin, très loin d’être pionnière sur ce-tte question. Comment ce pays qui se reconnaît et est reconnu comme celui desdroits de l’Homme de l’égalité

e mardi 12 février 2013, les parlementaires de l’assemblée nationale ont

adoptés par 329 voix contre 229 le projet de loi pour le mariage pour tous légalisant le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels. Premi-ère étape d’un processus com-mencé bien avant cette date. Promesse de campagne du candidat à l’élection prési-dentielle François hollande, l’engagement 31 pour l’égalité fut l’un des thèmes les plus emblématiques du candidat. Cela ne devait donc pas être une surprise, François hol-lande élu à 52% des suffrages le 6 mai 2012, le débat sur le mariage homosexuel avait été tranché par l’élection prési-dentielle… en théorie.

Un débat loin d’être franco-français et qui s’inscrit dans une tendance internationale depuis la déclaration du candi-dat Barack OBAMA en faveur du mariage gay. Déclaration qui offrait l’élan nécessaire aux communautés homosexuelles du monde entier pour relanc-er et légitimer un débat qui s’essoufflait depuis la première vague de légalisation du début des années 2000. Car si on le mentionne rarement dans les débats, nombreux sont les pays qui ont depuis des années légalisés le mariage homosex-uel. En Europe, les Pays-Bas ont été le premier pays à per mettre aux homosexuels de s’unir par les liens du mariage, le 1er avril 2001. Le 30 janvi-

Le Mariage Pour tousA. Petit

L

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Politique publique : Inégalité et TerritoiresPartie 1

J-M. Cusset, Enseignant, Docteur en Science Politique

a question des inégal-ités entre territoire n’est pas nouvelle en France.

Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les poli-tiques d’aménagement du ter-ritoire destinées à favoriser l’essor des villes moyennes se sont multipliées, sous l’égide de la DATAR. Certes l’égalité des territoires n’est ni innée ni spontanée ; elle est le résu-ltat combiné de la géographie,

Ces inégalités géographiques se traduisent par des

inégalités de destin entre citoyens

d’un arbitrage fondamen-tal effectué par les entre-prises, et des politiques pub-liques mises en œuvre. A long terme, à l’échelle d’une génération, ces inégalités se traduisent par des inégalités de destin entre citoyens, des inégalités persistantes du

fait même du territoire, et de l’insuffisance des mesures publiques correctrices. Sans mesures correctrices, les iné-galités territoriales se muent finalement en injustice, ce qui paraît totalement contraire à l’esprit républicain. Il en ef-fet impensable qu’en France, le lieu de naissance, de rési-dence, de travail détermine encore de nos jours le des-tin des citoyens, enfermant ainsi l’histoire sociale et cul-turelle de toute une commu-nauté. L’égalité territoriale est pourtant bien un objet de droit et de justice. La Déclara-tion de 1789 affirme que : “les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent êtres fondées que sur l’utilité publique” ; la constitution du 27 octobre 1946 reconnaît “les territoires de la République”, et celle du 4 octobre 1958, va plus loin puisqu’elle consacre trois formes d’égalité : entre les citoyens, entre les hommes et les femmes et entre les col-lectivités territoriales ; La loi constitutionnelle du 29 octo-bre 2002, alinéa 5 de l’article 72-2 évoque pour sa part l’ambition de la République de “favoriser l’égalité entre collec-tivités territoriales”. Cette égal-ité inclue, à fortiori l’égalité entre citoyens d’une même collectivité, fusse-t- elle un ar-chipel, comme c’est le cas de la région archipel Guadeloupe. Ce principe constitutionnel re-pose en définitive sur l’idée d’une égalité dans la protec-

L

tion des libertés des personnes sur l’ensemble des territoires de la République, et s’entend.comme la liberté de circuler, ce qui pose alors la question de la prise en compte des dif-férences géographiques

Marie Galante et les îles du sud : Territoires d’injustice de la République

Marie–Galante, mais aussi les Saintes et la Désirade sont l‘illustration parfaite des iné galités entre territoires au sein de la République. Concer-nant Marie-Galante, la plus grande de ces îles, ce n’est pas d’aujourd’hui que le diag-nostic du territoire réalisé sous l’égide de la communauté des communes, à mis en lu-mière ces inégalités criantes. Territoire à prédominance ru-rale héritée de l’économie de plantation et de la canne, la population active de Marie-Galante vit toujours principale-ment de l’agriculture, du petit commerce, et des services touristiques ainsi qu’à la per-sonne. Le chômage y est plus important que dans la plupart des communes de l’archipel. En l’espace de 15 ans, Marie-Galante à vu s’amplifier la diminution de sa population (-15% en moyenne entre 1990 et aujourd’hui). Cette situation est bien entendu le résultat des choix de politiques pub-liques, lesquels n’ont pas réussi à freiner le déclin économ-ique de l’île et l’exode massif qui s’en est suivi (la production

de cannes était encore de 170 000 tonnes en 1970, elle est aujourd’hui en 2013 estimée à 68 000 tonnes). Car une autre caractéristique de l’inégalité des territoires, c’est que les ter-ritoires sont en concurrence.

freiner le déclin économique

de l’île et l’exode massif qui s’en est

suivi Les espaces rivalisent en mat-ière d’attractivité, en attirant entreprises, emplois et cadres sur leurs territoires. Les con-séquences de cette perte dé-mographique pour les îles du Sud, se ressentent bien enten-du sur le plan de l’activité, de la création de richesse et plus encore sur la faiblesse de leur potentiel fiscal. Le potentiel

fiscal des communes des îles du sud, qui permet de mesurer leur richesse relative, est très inférieur à celui de leurs homo- logues du reste de l’archipel ; entre 200 et 250 €/hab., con-tre plus de 2000 €/hab. pour l’agglomération de Baie- Ma-haut, soit 10 fois plus. La seule taxe professionnelle représen-tait plus de 40% des recettes de fonctionnement de la ville de Baie-Mahault. Quant à la fiscalité directe, une autre in-justice, alors que le produit des taxes est là encore très inféri-eur à la moyenne des autres communes de l’archipel, ses taux sont parmi les plus élevés. Autant dire que Marie-Galante comme les autres îles du sud, en l’absence de politiques pub-liques adéquates ne dispose d’aucunes réserves, ni marges de manœuvre pour améliorer le destin des ses administrés.

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PAGE CARAIBECrise, violence et politique dans la CaraïbeLes cas de Trinidad et de la République Dominicaine

C. Saad, MCF en Sciences Économiques

ans le cadre du cercle des idées co-organisé par le CAGI, le 1er mars

dernier ont été présentées deux conférences-débat sur le thème “Crise, violence et poli-tique dans la Caraïbe : les cas de Trinidad et de la République Dominicaine”.

Madame Délia Blanco, Profes-seure à l’institut diplomatique de la République Dominicaine nous a ainsi expliqué qu’en 2012, il y a eu une augmen-tation importante des vio-lences domestiques faites aux femmes débouchant même sur 247 “féminicides”. Cette hausse des violences domestiques en République Dominicaine n’est pas isolée et s’inscrit dans une augmentation tendancielle de la violence constatée depuis quelques années. La Profes-seure Blanco nous explique aussi le rôle et l’importance de la crise économique dans l’augmentation de la violence. Plus fondamentalement en-core, elle fournit une explica-tion de type culturaliste pour tenter d’expliquer ces vio-lences faites aux femmes : le manque d’éducation sexuelle et familiale, principalement en ce qui concerne les garçons, la désespérance provenant notamment du chômage et le manque d’accompagnement de la jeunesse. De fait, cette violence domestique n’arrive pas par hasard et elle est, pour la Professeure Blanco, d’une certaine façon une construc-tion sociale. Il s’agit désormais

d’en combattre profondément les racines. Cela passe impé-rativement par des politiques éducatives renforcées vis à vis des garçons, qui devraient les conduire à une évolution de leur regard sur les femmes.

pas de lien entre violence et

pauvreté, mais la criminalité devient

une “profession”De son côté, le Professeur Watson, pour expliquer la criminalité à Trinidad, n’utilise pas l’approche culturaliste mais plutôt ce qu’il convien-drait d’appeler une approche rationaliste provenant de la théorie économique néo-clas-sique.Il ne voit pas directe-ment de lien entre la violence et la pauvreté, mais constate que la criminalité devient une “profession”. Comment expliquer cette profession-nalisation de la violence et de la criminalité à Trinidad ? Pour le Professeur Watson, les individus sont dans une

optique rationaliste de tomb-er “volontairement” ou pas dans la violence. De plus, la criminalité souvent organi-sée, touche de plus en plus de jeunes, et elle proviendrait du choix conscient de vouloir vivre de cette violence par le vol, la rapine, les agressions, les rançons etc. La criminalité est ici perçue sous l’angle d’un arbitrage entre une vie intense et risquée aux gains impor-tants, et une vie plus tranquille et classique avec des revenus plus faibles.

Ces conférences du 1er mars dernier ont été particulière-ment intéressantes non seulement par leur caractère informatif mais aussi par la complémentarité des ap-proches (constructivisme/culturalisme versus ap-proche en terme de ration-alité économique) fournies par les deux chercheurs dans leur tentative d’explication du phénomène de violence dans leur pays respectif. C’est là toute la richesse des sci-ences humaines et sociales.

DRevue de PresseA. Sorin, Associé au CAGI

USA - Le gouvernement américain en voie de pro-poser de nouvelles formalités d’immigration pour les carib-béens sans casiers judiciaires qui ont un parent ou époux déjà titulaire d’une carte verte.

LONDRES - Ambergris Caye (Belize), et St John (US Virgin Islands) au sommet du top10 du sondage sur les plus belles iles lancé par le site TripAdvi-sor, interrogeant ses millions d’utilisateurs de l’an passé.

BARBADE - Le CARICOM est à l’étude d’un vaste projet de réorganisation des trans-ports internationnaux dans la Caraïbe. Des rencontres ont été concrétisées avec des pays d’Amérique du Sud à Trini-dad et avec les dirigeants de compagnies aériennes à St Vincent, sous la gouverne de l’Organisation Caribéenne du Tourisme (CTO) et dans le fil de l’action de l’Association des États de la Caraïbe (ACS).

JAMAIQUE - Malgré la pro-gression d’artistes d’autres nationalités (Barbade, Haïti, USA), le pays a été à l’honneur du 32e International Reg-gae and World Music Awards : Damian “Jr Gong” Marley a remporté le prix d’artiste de l’année et Tarrus Riley, Mr Ve-gas, Jimmy Cliff et d’autres ont également brillé sans surprise.Cette nouvelle fait écho des performances sportive de la Jamaïque, qui domine tou-jours l’athlétisme modial…

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MOIS DU CAGILe CAGI en action…

A. Petit

Photos de la table ronde or-ganisée de 27 avril au campus de Fouillole, sur du thème “La collec-tivité unique en questions”.

e premier semestre de l’année 2013 a été mar-qué par le débat statu-

taire. Les auditions autour du projet guadeloupéen de société initié par le conseil général, le congrès des élus en ont été vraisemblable-ment les temps forts. Comme d’autres nous avons été audi-tionnés à la veille du congrès. Mais ce sont surtout les dé-bats publics que nous avons animés à l’invitation d’élus, et d’associations entre mars et avril qui ont caractérisé l’activité extérieure du CAGI.

Le 9 mars à la demande de deux conseillers généraux des Abymes, Eric Nabajoth, Julien Merion et Fred Reno ont abor-dé le thème suivant : “Connai-tre les institutions pour mieux comprendre l’évolution institu-tionnelle et ses enjeux”. Le 15 mars c’est sur un thème simi-laire que l’association Frégat du Gosier nous a invités. Le 19

avril, c’est un mouvement poli-tique de Basse-Terre qui a sou-haité présenter à la population les tenants et aboutissants de la question statutaire.

Différentes interventions du CAGI pour

répondre à une réelle demande

Ces différentes interventions du CAGI ont en commun de ré-pondre à une réelle demande, si on en juge par le nombre de personnes qui ont participé à ces réunions. En résumé la de-mande des participants a por-té sur trois points. Le premier renvoie aux enjeux. Pourquoi changer ? Quels sont les rai-sons économiques, politiques et identitaire qui justifieraient que l’on passe à un autre statut que ceux de département et de région ? Le second concerne

Le CAGI s’exporteTour de la Guadeloupe

F. Reno

L l’offre constitutionnelle. Que propose la constitution ? Que contiennent les articles 72, 73 et 74 qui pourraient répondre à la volonté des guadelou-péens de concilier leur appar-tenance à la République fran-çaise et une reconnaissance plus affirmée de leur singular-ité ? Enfin ce qu’il est convenu d’appeler l’acte 3 a suscité de nombreuses interrogations. Doit-attendre son adoption avant que les élus guadelou-péens expriment leur choix ? Que contient-il de particulier qui expliquerait la volonté des élus guadeloupéens d’attendre son adoption ? Pourquoiplusieurs associations d’élus de l’hexagone demandent sa révision ou son retrait ?

Toutes ces questions ont pro-voquées des échanges fruc-tueux, révélateurs aussi du décalage croissant entre les citoyens et leurs représent-ants..