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MEMOIRE DE FIN D’ETUDES :
Y a-t-il une bulle dans la
valorisation des startups ?
Sous la direction de M. Olivier Younès
Marine Antona
Ugo Madern
2014 - 2015
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Marine Antona et Ugo Madern
Remerciements
Nous tenons tout d’abord à remercier chaleureusement M. Mortchev1, M. Charquet2, M. Daudier
de Cassini3, M. Dupont4, M. Carbonne5, M. Baschiera6 et M. Mandin7 pour nous avoir ouvert les
portes de leur bureau et consacré du temps afin de répondre à nos questions.
Nous remercions l’Université Paris Dauphine de nous offrir la possibilité de réaliser ce mémoire
de fin d’études qui sera selon nous un atout supplémentaire pour notre employabilité future.
Nous remercions Mme. Garcia, responsable Private Equity de BNP Paribas Wealth Management,
qui nous a fourni des données de la plateforme Preqin nous permettant ainsi d’enrichir la robustesse
de notre travail.
Enfin nous adressons nos sincères remerciements à M. Younès qui a accepté de nous suivre dans
la réalisation de ce mémoire et sans qui ce travail n’aurait pas vu le jour.
1 Co-fondateur associé de Sokrates Advisor, Société de conseil dédiée au Private Equity et Venture Capital 2 Managing Partner chez Generis Capital Partners, Société de gestion en capital risque ayant un département
Venture Debt 3 Analyste chez Generis Capital Partners, Société de gestion en capital risque ayant un département Venture
Debt 4 Président d’Anaxago, Plateforme de Crowdfunding en Equity française 5 Directeur Général d’Anaxago, Plateforme de Crowdfunding en Equity française 6 Co-fondateur d’Early Metrics, Agence de Notation de startups en France 7 Chargé d’Affaires chez Seventure, Fonds de Venture Capital de Natixis
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Marine Antona et Ugo Madern
Abstract
Dans un contexte où des startups atteignent des valorisations jusqu’alors jamais observées
et où de nombreux professionnels et journalistes parlent d’une bulle dans la valorisation des
startups, nous avons cherché à voir si le phénomène était bien réel. Afin de répondre à cette
question nous avons rassemblé un maximum de sources d’informations et d’opinions dans le but
d’identifier les différentes pistes de réflexion. Puis nous avons analysé ces éléments afin de faire
émerger ce qui nous est apparu comme étant le plus pertinent au regard du contexte actuel. Cette
méthode de travail nous a ainsi permis d’approuver l’existence d’une survalorisation, mais qu’il ne
convient pas selon nous de considérer comme une bulle.
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Marine Antona et Ugo Madern
Sommaire
Introduction .................................................................................................. - 4 -
Préambule ..................................................................................................... - 6 -
I. Valorisation des startups sur le marché privé ......................................................................... - 6 -
II. Valorisation des startups sur le marché coté ........................................................................... - 8 -
Première partie : l’existence envisageable d’une bulle .............................. - 11 -
I. Les facteurs communs aux précédentes bulles ..................................................................... - 11 -
II. Qu’en est-il aujourd’hui ? ......................................................................................................... - 13 -
III. Des facteurs spécifiques au Venture Capital laissant penser à une forte survalorisation
des startups ......................................................................................................................................... - 18 -
IV. Suivi du schéma classique de la bulle ................................................................................. - 22 -
V. Une survalorisation d’abord sur les entreprises en late stage qui s’est transmise aux rounds
inférieurs par la suite ......................................................................................................................... - 23 -
Deuxième partie : des valorisations pour partie justifiées ......................... - 25 -
I. Des éléments internes aux startups démontrant une valeur intrinsèque plus importante - 25
-
II. Des éléments externes qui justifient des valorisations plus élevées ................................... - 27 -
Troisième partie : une survalorisation qui ne doit pas être considérée comme
une bulle ...................................................................................................... - 32 -
I. Les raisons laissant penser que les valorisations ne chuteront pas drastiquement .......... - 32 -
II. Le mécanisme du dégonflement ............................................................................................. - 36 -
Conclusion .................................................................................................. - 37 -
Bibliographie .............................................................................................. - 38 -
Annexes ....................................................................................................... - 41 -
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Marine Antona et Ugo Madern
Introduction
La valorisation des startups est depuis longtemps un sujet sur lequel de nombreux
professionnels et chercheurs se sont penchés. Du fait de la nature très incertaine de l’avenir de ces
entreprises et du manque d’expérience dans les domaines nouveaux, il est effectivement très
difficile d’appliquer les méthodes de valorisation traditionnelles que l’on retrouve pour les actifs
moins risqués. L’ingénierie financière a donc dû développer des modèles complexes pour
appréhender cette valorisation avec comme exemple la méthode optionnelle. Cependant, le
nombre de paramètres et d’hypothèses étant extrêmement élevés, une idée est partagée de tous, il
est encore aujourd’hui très complexe de valoriser une startup de façon efficace et nombre
d’éléments subjectifs influencent donc sa réalisation.
Cette difficulté a d’ailleurs déjà eu de lourdes conséquences comme nous l’avons observé
lors de la bulle dot.com, où les valeurs des entreprises de l’internet ont explosé à la fin des années
1990 pour atteindre un sommet en mars 2000. Dans l’euphorie du potentiel d’internet, les
investisseurs semblent avoir perdu leur rationalité et pris des décisions déconnectées de presque
tous les fondamentaux de leurs investissements. A ce titre, Alan Greenspan, ancien président de la
Fed, a mentionné le terme « d’exubérance irrationnelle » lors de son discours devant l’American
Entreprise Institue le 5 décembre 1996 pour caractériser le comportement des investisseurs sur les
marchés actions et en particulier sur les valeurs de l’internet. De cette irrationalité a découlé la bulle
dot.com dont l’éclatement a entrainé une division par 1,5 du Nasdaq en à peu près un mois (mars
2000) et par environ 4,5 entre le début du mois de mars 2000 et septembre 2002.
Depuis quelques temps maintenant, des startups refont la une des journaux concernant les
niveaux de valorisation qu’elles atteignent. A titre d’exemple, la startup Slack a fait couler beaucoup
d’encre en octobre 2014, en levant des fonds sur une valorisation de 1 Md$, moins d’un an après
son lancement. De même, en juillet 2015, Uber a atteint la valorisation impressionnante de 51 Md$
lors de son dernier tour de table. De tels chiffres ne nous ont pas laissés insensibles et nous nous
sommes donc demandé s’il n’y avait un sujet à creuser autour de ces annonces. Nous ne sommes
d’ailleurs pas les seuls puisque l’on observe sur internet depuis 2013 une recrudescence des
recherches liées au terme de « Tech Bubble » (annexe 1). Par ailleurs, la valorisation des startups
est aujourd’hui un sujet touchant un grand nombre de personnes, avec l’arrivée récente des
investisseurs grand public dans le Venture Capital via le développement du Crowdfunding en Europe
et aux Etats-Unis. Ces derniers, qui n’ont aucune expérience de ce secteur, se demandent donc si
les startups sont actuellement survalorisées au point de représenter une bulle.
Dans ce contexte, il nous a semblé pertinent de se demander si la période actuelle
correspondait à une période de bulle dans la valorisation des startups, ou si au contraire ces
valorisations croissantes n’étaient pas simplement le reflet d’une amélioration des fondamentaux
de ces entreprises.
Afin de répondre à cette problématique, il faut tout d’abord définir les limites d’un tel sujet,
car il serait trop ambitieux de vouloir le traiter dans sa globalité tout en analysant en profondeur
chaque spectre de cette problématique. Nous avons donc cherché à nous restreindre aux Etats-
Unis et à l’Europe car ces marchés présentent des similitudes fortes et nous concernent plus
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particulièrement. Nous avons décidé de ne pas nous attacher à étudier le phénomène dans les pays
émergents, qui ont des spécificités ne permettant pas de faire des rapprochements pour traiter le
sujet en une fois, et pour lesquels il aurait donc fallu refaire un mémoire de manière à obtenir une
réponse satisfaisante et adaptée.
Aussi, il convient avant toute chose de présenter notre définition de « startup », terme
générique souvent employé de manière différente selon les interlocuteurs. Nous avons ainsi retenu
la définition de Paul Graham8, pour qui la startup est une entreprise dont la croissance est très
rapide et exponentielle. Celle-ci apporte en général une nouveauté sur un certain marché. Nous
avons par ailleurs, pour quelques parties, concentré nos recherches sur les startups à caractère
technologique ou ayant un rapport avec la technologie, celles-ci couvrant le plus large spectre des
startups et offrant une plus grande quantité d’informations.
Enfin il est nécessaire de définir ce qu’est une bulle. Une bulle arrive lorsque les
investisseurs conduisent les prix sans aucune réflexion rationnelle sur la valeur réelle de l’actif. Les
prix croissent alors de manière importante jusqu’à un certain stade où les investisseurs se rendent
compte de la trop forte déconnexion entre le prix et la valeur de l’actif. C’est à ce moment que la
bulle éclate et que les prix chutent drastiquement, provoquant de très lourdes pertes pour les
investisseurs. Cette définition nous permet d’établir le raisonnement que nous allons suivre pour
répondre à notre problématique, autrement dit voir s’il existe des signes d’irrationalité de la part
des investisseurs ou si au contraire la montée des prix est justifiée par une valeur plus importante
des startups, pour enfin se demander si une chute drastique des prix est envisageable.
Un premier obstacle rencontré dans la conduite de cette analyse a été l’accès aux données,
particulièrement difficile pour le marché privé. Mais la plus grande difficulté de ce sujet réside dans
son essence même : il nous est apparu impossible de prouver scientifiquement l’existence d’une
bulle dans la valorisation des startups.
Pour autant, nous allons tenter de répondre à notre problématique en recoupant le
maximum d’informations et d’opinions que nous avons pu obtenir. Nous étudierons ainsi en
préambule le contexte actuel des valorisations des startups afin de cadrer notre recherche. Cette
partie nous permettra en effet de savoir si cette potentielle bulle est générale ou si au contraire celle-
ci est localisée sur un certains marché, une certaine maturité, etc. Puis dans la première partie nous
étudierons les éléments qui nous laissent penser que les valorisations sont le reflet d’une bulle. Dans
la deuxième partie nous tenterons de voir si ces valorisations ne sont pas au contraire le reflet de
facteurs positifs à l’origine d’une augmentation de la valeur des startups. Ces deux parties, couplées
à une étude de l’avenir du VC et des startups, nous permettront alors d’établir dans une troisième
partie si nous pouvons anticiper une bulle ou si au contraire les valorisations ne connaitront pas le
même chemin qu’ont connu les startups de la bulle dot.com.
8 Paul Graham est un éminent programmeur, venture capitaliste et essayiste.
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Préambule
Le but de ce préambule est de faire un état des lieux de l’évolution des valorisations des
startups au cours des dernières années afin de mieux cerner le sujet et les marchés à étudier. Il est
en effet indispensable de voir dans quelle mesure les valorisations ont augmenté et ainsi de se
demander d’ores et déjà si nous ne sommes pas dans une situation d’écart dit « normal ».
Cette étude est indispensable pour nous permettre d’identifier s’il existe des différences
selon les étapes de financement et/ou les géographies et ainsi observer si cette potentielle bulle est
globale ou localisée.
I. Valorisation des startups sur le marché privé
Notre mémoire ayant pour origine les valorisations de sociétés sur le marché privé,
intéressons-nous d’abord à ce marché.
a) L’évolution des valorisations aux Etats-Unis
Nous avons dans un premier temps cherché à analyser le phénomène aux Etats-Unis
puisque, si l’on en croit les journaux et les professionnels interrogés, c’est outre-Atlantique que
celui-ci a débuté.
Après de multiples recherches et demandes d’accès à des bases de données, nous avons
réussi à récupérer des données pertinentes à partir du site de Quandl, nous permettant de retracer
l’évolution des valorisations pré-money des startups au cours des différentes étapes de levées de
fonds.
Ces données sont rassemblées dans les graphiques en annexes 2, 3, 4 et 5. Sans analyse
particulière, nous observons très rapidement que la forte croissance des valorisations est indéniable
sur l’ensemble des rounds. Cependant, plusieurs remarques et constatations complémentaires sont
à apporter : alors que pour les entreprises les plus jeunes cette croissance est assez constante, elle
est beaucoup plus volatile pour les entreprises en phase plus avancée, en témoigne le graphique en
annexes 4 et 5. Cette observation n’est toutefois pas problématique et s’explique d’une part par le
fait que le nombre d’opérations à ces étapes-ci est beaucoup plus faible et donc que les statistiques
peuvent être considérablement impactées par un investissement s’éloignant fortement de la
moyenne. Mais surtout, cela vient du fait que la disparité des valorisations au sein de ces rounds est
bien plus importante.
Aussi, l’explosion n’est pas la même partout. En effet, alors que pour les séries C et D et
supérieures, les valorisations ont été multipliées environ par trois9, celles des séries A et B ont été
multipliées approximativement par quatre10.
Par ailleurs, nous observons que l’augmentation s’est amorcée à des moments différents
selon les stades de financement. Apparue aux alentours de début 2014 pour les séries A et B, elle
9 Passant de 25 M$ à 80 M$ pour les séries C et de 50 M$ à 150 M$ pour les séries D et supérieures 10 Passant de 4 M$ à 14 M$ pour les séries A et de 10 M$ à 45 M$ pour les séries B
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est survenue dès début 2013 pour les séries C, et pour les séries D et supérieures, nous l’observons
dès la fin 2012 avec un premier pic préalable fin 2010.
Au total, nous avons donc en moyenne une multiplication par 3-4x des valorisations des
startups aux US au cours des 5 dernières années, ce qui est incontestablement une augmentation
majeure dont il est intéressant d’étudier le fondement.
b) L’évolution des valorisations en Europe
Dans cette deuxième sous-partie, nous allons essayer de mettre en lumière l’évolution des
valorisations sur le marché privé européen. Malheureusement, il nous a été impossible de trouver
des chiffres exacts concernant les valorisations des startups européennes du fait de l’opacité de ce
marché et du retard de l’Europe dans la transmission de données concernant le Venture Capital.
Nous avons donc cherché des indicateurs permettant de se rapprocher le plus possible des
valorisations européennes. Nous avons ainsi choisi un premier proxy : les performances réalisées
par les fonds de Venture Capital. En effet, plus un fonds revendra une startup à un multiple élevé,
plus sa performance sera élevée. Nous avons réussi à récupérer via la plateforme Preqin les
performances globales des fonds de Venture Capital axés sur l’Europe depuis 10 ans. Nous
pouvons alors observer (annexe 6) une hausse des taux de rendement interne des fonds ces
dernières années (les données dont nous disposons étant exprimées par vintage de fonds, il n’est pas
pertinent d’analyser les données à partir de 2013). Nous avons réalisé un graphique faisant ressortir
un TRI annuel moyen (en pondérant les performances par la taille des fonds) : bien que les niveaux
de la bulle dot.com ne soient pas atteints à l’heure actuelle (le TRI moyen s’établissant à plus de
70% pour les fonds de vintage 1995), nous observons un rehaussement des performances moyennes
des fonds européens à partir de 2010 (TRI moyen de 14% contre -5% en 2000). Toutefois, la base
de données Preqin ne recueille que peu de données sur l’Europe comparativement aux US, encore
une fois du fait de l’opacité en Europe : seuls quatre fonds font partie du benchmark en 2010,
contre 11 en 2012. Il est donc plus difficile d’arriver à une conclusion nette du point de vue des
valorisations, même s’il est certain que les fonds réalisent aujourd’hui de bonnes performances en
moyenne.
Nous avons donc cherché à analyser un second indicateur. Après discussions avec des
professionnels, ceux-ci nous ont confirmé que l’évolution de la taille moyenne des investissements
était un bon proxy de l’évolution des valorisations. Cela est tout à fait justifié puisque nous avons :
𝑣𝑎𝑙𝑜𝑟𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 = 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡
𝑜𝑢𝑣𝑒𝑟𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑑𝑢 𝑐𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙. Or, comme d’après ces professionnels le pourcentage de
capital concédé a en moyenne peu évolué ces dernières années, si la taille moyenne des
investissements a augmenté, cela signifie que la valorisation moyenne a également progressé.
A ce titre, l’annexe 7, représentant l’évolution du nombre d’opérations de Venture Capital
et des montants globaux investis depuis 2007, met en exergue une forte hausse de la taille moyenne
des deals, qui a augmenté à un rythme annuel moyen de 8% depuis 2007, et qui a presque triplé
depuis 2012, sachant que l’année 2015 n’est pas encore terminée.
Ce phénomène d’accroissement des valorisations, et plus généralement de fort engouement
pour les startups, existe donc aussi en Europe sur le marché privé.
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Il conviendrait d’approfondir l’analyse en détaillant maintenant cette observation est la
même pour chaque étape de financement. Nous avons de nouveau été dans l’incapacité d’obtenir
des informations pertinentes et exploitables : les données extraites de Preqin, en vue d’approcher
la problématique par les performances des fonds, ne sont que très pauvres.
En revanche, les interviews menées auprès de professionnels du Venture Capital nous
permettent de dire que le phénomène est comparable à celui des US11. Autrement dit,
l’augmentation s’observe sur tous les rounds, mais elle est plus récente pour les étapes de
financement les plus précoces et plus ancienne pour les étapes de financement des startups plus
matures.
II. Valorisation des startups sur le marché coté
Après avoir effectué notre analyse sur le marché privé, nous allons maintenant nous
intéresser à la valorisation des startups cotées. Pour se faire, nous avons choisi d’utiliser des indices
des valeurs technologiques qui sont, selon nous, les indicateurs les plus adaptés à notre démarche
et pour lesquels nous avons accès à une grande quantité d’informations.
Concernant le marché américain, le Nasdaq Composite s’est avéré être l’indice le plus
pertinent à observer, d’une part du fait de son caractère technologique, d’autre part car cette
plateforme de cotation est souvent privilégiée pour les introductions en bourse de startups. Nous
observons ainsi une remontée du Nasdaq à un haut niveau, avec la barre des 5 00012 points franchie
en mars dernier, plus haut atteint depuis l’année 2000 (voir annexe 8). Cela nous conduit donc à
envisager l’existence d’une éventuelle survalorisation des startups technologiques américaines.
En Europe, comme il n’existe pas de marché des valeurs technologiques, nous avons choisi le Stoxx
Europe 600 Technology. Pour cet indice nous n’observons pas d’augmentation de la valeur, et nous
sommes loin des niveaux de 1999/2000 (voir annexe 9). Cela nous conduit à infirmer l’hypothèse
de survalorisation excessive pour les startups cotées européennes.
Dans ces conditions, nous pouvons maintenant nous demander si l’on peut parler de
survalorisation et d’irrationalité des investisseurs sur le marché boursier américain. Pour répondre
à cette question, notre analyse s’effectuera en deux temps : elle portera d’abord sur les introductions
en bourse, puis sur le marché actions en lui-même.
a) Les IPO aux Etats-Unis
Le marché des IPOs américain a été plus d’une fois le théâtre de valorisations très élevées
ces dernières années, en témoigne l’introduction en bourse de Facebook, valorisée plus de 100
Mds$ à cette occasion (soit un PER de 100). Nous allons donc nous atteler à identifier si cet
événement est le reflet d’une bulle généralisée sur les marchés cotés ou s’il s’agit, au même titre que
Twitter et d’autres IPOs, d’une « aberration » non représentative de l’état actuel des marchés.
11 Interview de M. Mortchev, M. Charquet, M. Daudier de Cassini, M. Dupont, M. Carbonne, M. Baschiera et M. Mandin 12 Clôture à 5 008,1 points le 2 mars
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D’après les données du Dow Jones Venture et de la SEC (Security Exchange Commission)
le nombre de startups (« VC-backed companies ») ayant procédé à une introduction en bourse n’a
cessé de progresser depuis la crise financière de 2008, passant de 7 introductions cette année-là à
102 en 2014. Nous sommes toutefois loin des niveaux de la fin des années 1990 avec 261 IPOs de
startups en 1999. Si l’on s’intéresse en revanche uniquement aux entreprises technologiques, nous
constatons que celles-ci ont été à l’origine de 69 IPOs en 2014, plus grand nombre depuis 2000.En
ce qui concerne les montants levés, ceux-ci sont également en nette progression depuis la crise,
pour atteindre 9,9 Mds$ en 2014 (croissance annuelle moyenne de 152% depuis 2009). Nous
pouvons toutefois observer une tendance baissière : alors que le montant moyen levé par startup
était de 133 M$ en 2009, il n’était plus que de 119 M$ en 2013 et 97 M$ en 2014. A titre de
comparaison, ce montant était de 94 M$ en 2000 mais il représentait le pic d’un mouvement
haussier (78 M$ de montant moyen d’introduction en 1999) et les montants et nombres
d’entreprises concernées étaient deux fois supérieurs.
Cette analyse permet de confirmer la hausse des IPOs de startups mais ne permet pas de
conclure sur une survalorisation de ces IPOs. Nous allons donc maintenant regarder les
performances du premier jour de cotation afin de vérifier si les investisseurs conservent une
certaine rationalité malgré leur regain d’intérêt pour ces opérations.
Au regard des tableaux en annexe 10 et 11, réalisés à partir du site du Nasdaq, de Yahoo
Finance et de quelques articles du Wall Street Journal, nous observons clairement que l’appétit des
investisseurs pour les entreprises technologiques est bien moindre qu’à la fin des années 1990.
Alors que dans les années 1999/2000 les plus importantes performances des titres le jour de l’IPO
sont en moyenne de 511%, celles-ci ne sont que de 133% pour la période 2014/2015. Les décisions
d’investissements semblent donc être plus réfléchies et prendre en compte l’importance de la
valorisation.
D’ailleurs, cette caractéristique impacte largement les décisions d’introduction en bourse
des startups. En effet, sachant que le marché est bien plus exigeant, les startups attendent bien plus
longtemps avant de procéder à une IPO. C’est ce que fait ressortir le graphique en annexe 12,
réalisé à partir des données du Dow Jones VentureSource et de la SEC : les startups mettent 6,9
ans à l’heure actuelle avant de s’introduire en bourse, contre 2,8 ans en 1998. Aussi, ce graphique
met en lumière une plus forte solidité des startups au moment de leur IPO puisque les montant
levés totaux avant IPO sont 7 à 8 fois plus élevés aujourd’hui que lors de la période pré-bulle
dot.com (89,6 Mds$ en 2014 contre 13 Mds$ en 1997), et ce pour un nombre plus faible
d’opérations comme nous l’avons vu. Leur taille n’est pas non plus comparable : si l’on étudie deux
startups au moment de leur IPO en 1998 et en 2014, la première reportait 11,8 M$ de CA en
moyenne contre 54 M$ en 201413. Tous ces éléments justifient donc davantage les valorisations
élevées pouvant être observées au niveau des IPOs.
Nous pouvons conclure de ces différentes constations que le marché des IPO de startups
aux Etats-Unis ne semble pas survalorisé.
13 T. Tunguz, Août 2015, Why Startups Are Growing Faster Today Than Ever Before, Tomtunguz.com
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b) Les startups cotées aux USA
Suite à notre observation de hausse du Nasdaq Composite aux US, nous avons analysé plus
en profondeur le marché actions en lui-même. En mars 2015, le Nasdaq a atteint un plus haut
niveau depuis 2000, ce qui a contribué à alimenter les débats autour du retour d’une bulle internet.
Nous avons donc voulu comparer le contexte actuel de marché avec celui de la bulle dot.com, celle-
ci ayant porté, pour rappel, sur le marché boursier.
Nous avons d’abord regardé l’évolution de l’indice durant les cinq années précédant
l’explosion de la bulle dot.com et pendant ces cinq dernières années. Nous pouvons d’ores et déjà
noter, au regard des annexes 13 et 14, que cette évolution vers le seuil des 5 000 points s’est faite
de manière plus progressive ces dernières années (+99% jusqu’à aujourd’hui, +138 si l’on se réfère
au plus haut de juillet 2015) que lors de la bulle dot.com (+573% de progression durant les 5 années
ayant précédé le pic de 2000). De plus, cette tendance actuelle de hausse des marchés est généralisée,
en témoigne le graphique en annexe 15 représentant l’évolution historique du S&P composite.
Ensuite, nous observons de nouveau que les valorisations sont bien plus justifiées par les
fondamentaux des entreprises qu’en 2000. En effet, au regard des tableaux en annexe 16, nous
remarquons que le PER moyen (hors extrêmes) des dix plus grosses capitalisations du Nasdaq
passe de 81 à 18,75 entre 2000 et 2015.
Enfin, lorsque l’on regarde les returns à long terme des entreprises ayant fait les IPOs les
plus performantes entre 2014 et 2015 (annexe 17), nous constatons qu’elles ont connu une
croissance moyenne de 17% de leur prix entre leur introduction et le 08/10/2015. Là encore, cela
atteste que les investisseurs semblent rationnels dans leurs décisions d’investissement sur le marché
coté.
La conclusion émanant de ces analyses est donc que s’il y a eu une survalorisation des
startups sur les marchés cotés, celle-ci n’est plus d’actualité. La survalorisation se situe à priori sur
le marché privé.
Cette première partie nous a permis d’affiner notre terrain d’analyse : la potentielle bulle de
valorisation se situerait sur les marchés privés américain et européen. La prochaine étape va donc
consister en la démonstration de l’existence ou non de cette bulle sur ces marchés.
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Première partie : l’existence envisageable d’une bulle
Dans cette partie nous allons tenter d’identifier les éléments qui nous permettraient
d’affirmer que l’augmentation des valorisations observée en préambule s’explique par l’existence
d’une bulle. Pour ce faire, nous allons analyser si les éléments communs aux différentes bulles
financières se retrouvent dans le contexte actuel, puis nous détaillerons les éléments spécifiques au
Venture Capital qui laissent présager une bulle. Enfin, nous tenterons de voir si le schéma classique
d’une bulle s’applique à notre situation.
I. Les facteurs communs aux précédentes bulles
Afin de savoir si nous sommes dans un contexte de bulle, il convient dans un premier temps
de comprendre quelles caractéristiques permettent de la reconnaitre. Nous allons nous appuyer sur
les différentes travaux réalisés à ce sujet afin d’obtenir la liste la plus complète possible des points
communs à toutes les bulles. Nous regarderons ensuite si ces facteurs s’appliquent à la situation
actuelle.
a) Le concept de réflexivité
Tout d’abord, nous constatons une disparition de la théorie d’équilibre entre l’offre et la
demande lors des diverses bulles. Geroges Soros a développé le concept de réflexivité pour mettre
en lumière ce phénomène. Il résume ce concept de la manière suivante: “reflexivity is, in effect, a two-
way feedback mechanism in which reality helps shape the participants’ thinking and the participant’s
thinking helps shape reality in an unending process in which thinking and reality may come approach each
other but can never become identical”14. Cela signifie donc que les participants ont une observation
biaisée de la réalité, les poussant à prendre des décisions baisées qui elles-mêmes changent la réalité,
etc. Ainsi, lorsque les conditions sont satisfaites, il se met en place une sorte de «prophétie auto-
réalisatrice » : “the participants’ views and actual state of affairs enter into a process of dynamic
disequilibrium, which may be self-reinforcing at first, moving both thinking and reality in a certain direction,
but is bound to become unsustainable in the long run and engender a move in the opposite direction”15.
Cependant, pour que cela se produise, il doit préexister une tendance dans la réalité.
En conclusion, c’est cette réflexivité qui fait que parfois, contrairement à la théorie
d’équilibre, la croissance des prix entraine une croissance de la demande et que la baisse des prix
entraine une hausse de l’offre, pouvant aller jusqu’à générer des phénomènes de bulle.
14 George Soros, Discours proclamé au MIT Department of Economics World – Economy Laboratory Conference à Washington, 26 Avril 1994. 15 Idem
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b) De l’argent peu cher et en grande quantité
Les bulles apparaissent également dans un contexte où l’offre de crédit est considérable et
les taux d’intérêt très bas. En effet, lorsque l’offre de crédit est très importante, certains agents
adoptent un comportement différent de celui qu’ils auraient dans des conditions de crédit normales.
Ce phénomène a deux conséquences. D’une part, les prêteurs font preuve de laxisme et fournissent
des crédits à des agents qui ne devraient pas y avoir accès, de surcroit à des conditions ne tenant
pas suffisamment compte du risque ; cela débouche sur une crise lorsque la situation se dégrade et
que ces agents ne sont plus en mesure d’assumer leurs emprunts. D’autre part, les épargnants à la
recherche de rendement sont obligés de se tourner vers des actifs plus risqués afin d’améliorer leur
performance mais sans pour autant maîtriser suffisamment les risques de leurs investissements.
Aussi, nous observons que l’accroissement de l’offre de crédit trouve son origine dans des
innovations financières. En effet, dans la plupart des grandes crises, le crédit connait une forte
croissance grâce à l’innovation des agents financiers qui créent de nouveaux produits. Il s’agit par
exemple du forward lors de la tulipomanie au XVIIème siècle, ou de la titrisation lors de la dernière
crise financière. Le problème est qu’en général, ces mêmes agents ne maitrisent pas tous les risques
de ces produits et en ont une vision optimiste. Ainsi, lorsqu’un évènement vient perturber la
situation, des risques non anticipés se matérialisent et une réaction en chaîne apparait.
c) L’entrée d’investisseurs amateurs influencés par des leaders d’opinion
Les bulles ont aussi pour caractéristiques l’arrivée d’investisseurs amateurs. Sous le terme
« amateur » se placent tous les agents dont le métier n’est pas d’intervenir sur un certain marché.
Ils n’en n’ont pas l’expérience, ni suffisamment de connaissances pour appréhender l’ensemble des
problématiques sous-jacentes à cet investissement. Dans ce contexte, leur investissement manque
de rationalité et se base sur des concepts éloignés de la finance traditionnelle.
Cela est d’ailleurs souvent associé à la présence de leaders qui influencent le comportement
de nombre d’investisseurs par leur discours et leurs actions. Ces leaders puisent généralement leur
crédibilité dans leur performance passée et leur expérience du marché concerné, et sont alors suivis
de près par les investisseurs « amateurs » cherchant à combler leur manque d’expérience.
Ces deux éléments combinés font que si un évènement perturbe la situation et que quelques
leaders « changent leur fusil d’épaule » alors une épidémie se produit et tout le monde réagit de
façon moutonnière.
d) Un phénomène particulier : « this time is different »
Ce concept est particulièrement bien décrit par Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff dans
l’ouvrage « This time is different : eight centuries of financial folly ». Dans ce livre, ils constatent en étudiant,
au cours des huit derniers siècles et dans 66 pays différents, différentes crises financières au sens
large (défaut des états, panique bancaire, chute d’une monnaie, pic inflationniste, etc.) qu’à chaque
fois les experts pensent que « this time is different ». Ce terme désigne le fait que dans ces périodes,
les agents sont persuadés qu’une nouvelle ère commence et que les préceptes précédemment
utilisés ne s’appliquent plus. Ils établissent une nouvelle façon de raisonner qui les pousse à prendre
des décisions qu’ils n’auraient jamais prises en suivant leur raisonnement d’origine.
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Or, les auteurs ont démontré que les experts avaient tort et que cette façon de penser menait
irrémédiablement à une crise puisque finalement « this time was not that different ».
II. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Maintenant que nous avons passé en revue les éléments communs aux différentes bulles
financières rencontrées, nous allons tenter de voir s’ils se retrouvent dans le contexte actuel.
a) Existence d’une réflexivité dynamique dans le VC aux Etats-Unis et en Europe ?
Aux Etats-Unis :
Pour voir si nous sommes dans une situation de réflexivité dynamique, nous allons étudier
la hausse des investissements, de manière à voir si ceux-ci diminuent avec l’augmentation des
valorisations.
Concernant les startups en création, nous voyons à l’annexe 18 que l’investissement
diminue sur la période (passant de 450 M$ à 200M$ entre 2009 et 2015), dans une proportion
équivalente à celle de l’augmentation des valorisations vues précédemment à l’annexe 2. Cela réfute
donc l’hypothèse d’un phénomène de réflexivité.
Concernant les entreprises en early-stage, nous voyons en revanche à l’annexe 19 que
l’investissement augmente fortement sur la période (passant de 1 Md$ à 4 Mds$ entre 2009 et 2015)
et ce dans une proportion équivalente à celle de l’augmentation de la valorisation observée à
l’annexe 3. Nous pouvons faire la même observation pour les entreprises en expansion et phase
finale (comparaison des annexes 20 et 21 aux annexes 4 et 5). Ainsi, pour les phases de
développement early-stage, expansion et late stage, nous pouvons largement affirmer que le
phénomène de réflexivité est avéré.
En définitive, nous pouvons confirmer qu’hormis pour les entreprises en création, il existe
une potentielle bulle aux Etats-Unis selon le critère de réflexivité dynamique.
En Europe :
Comme précédemment, il nous est impossible d’étayer cette étude sur des données
chiffrées d’une qualité équivalente à celles que nous avons trouvées pour les Etats-Unis.
Cependant, nous avons observé dans l’annexe 7 que les investissements dans les startups
augmentaient de 5 Md$ à 10 Md$ entre 2009 et 2015. Or les valorisations augmentant, nous
pouvons conclure que la réflexivité dynamique est bien présente. En revanche, nous ne sommes
pas en mesure d’affiner notre réponse pour les entreprises en création, même si selon nos
discussions avec les professionnels il semblerait que la remarque faite pour les US soit la même en
Europe : non-vérification de l’hypothèse de réflexivité dynamique pour les entreprises en création.
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b) L’argent est-il peu cher et en grande quantité actuellement ?
Nous avons vu qu’une bulle se formait dans une situation où l’offre de crédit était
importante et les taux d’intérêt très bas. Nous allons donc tenter de voir si cela est le cas aujourd’hui
en analysant le contexte actuel du marché monétaire.
Nous savons qu’afin de répondre aux problèmes engendrés par la crise financière puis
économique de 2007/2008, les banques centrales ont décidé de prendre des mesures afin d’assainir
la situation, renforcer la liquidité sur les marchés et assurer le retour de la croissance (ce dernier
point étant un objectif énoncé par la Réserve Fédérale (FED) des Etats-Unis uniquement). Cela
s’est traduit par deux principales prérogatives : la baisse des taux directeurs et la mise en place de
plan de quantitative easing (QE) par la FED et la Banque Centrale Européenne (BCE).
Aux US, le taux directeur est progressivement descendu pour s’établir à 0,25% en décembre
2008 et dans la zone euro, le taux est progressivement descendu à 1% au début 200916. Ces
manœuvres ont évidemment pour but de baisser le taux de refinancement des banques qui peuvent
alors proposer des conditions d’emprunt plus favorables à leurs clients (entreprises comme
particuliers) dans le but de relancer l’investissement et la consommation.
Mais ce n’est pas tout. Malgré cette initiative, les USA ayant du mal à faire face à la situation, ont
décidé de mettre en œuvre des plans de QE. En effet, lorsque les actions engagées dans une
politique monétaire classique ne fonctionnent pas, les Banques Centrales peuvent faire appel à
d’autres leviers comme le QE.
Le QE, qui se traduit principalement par le rachat d’actifs auprès d’institutions financières,
a un double objectif. Il s’agit d’une part de contrer la baisse drastique des prix de ces actifs (comme
c’était le cas en 2007/2008 pour les produits issus de la titrisation des crédits américains), mais
surtout d’injecter de la liquidité dans les institutions financières qui pourront alors plus facilement
accorder de nouveaux crédits.
Ainsi, les USA ont mis en place entre 2008 et 2014 trois plans de QE. Le premier a permis
d’injecter entre novembre 2008 et juin 2009 1 700 Mds$, le deuxième programme a quant à lui
permis d’injecter 1 000 Mds$ de novembre 2010 à juin 2011. Enfin, le troisième plan ayant duré de
août 2012 à octobre 2014, a impliqué un rachat de 925 Mds$ d’actifs. Au total, la politique
monétaire américaine a permis d’injecter plus de 2 625 Mds$17. Aujourd’hui, les programmes de
QE aux Etats-Unis sont terminés mais Janet Yellen, présidente de la FED, a annoncé que les taux
d’intérêt ne remonteraient pas avant un temps « considérable ».
En Europe, en revanche, la mise en place d’un tel plan a été plus tardive du fait des
différents entre les pays européen concernant la politique monétaire à mettre en place, mais aussi
car, contrairement à la FED, la BCE n’a pas pour mission de relancer l’économie. Ce n’est donc
qu’à partir de 2012 que le taux directeur est passé sous la barre des 1% pour atteindre
progressivement 0,05% en septembre 201418. Une fois le taux proche de 0, et voyant l’insuffisance
de cette politique, les européens ont alors décidé de lancer leur premier plan de QE en mars 2015.
Celui-ci devrait durer jusqu’en septembre 2016 et le montant prévu s’élève à 1 100 Mds€.
Enfin au RU, il y a eu deux plans de QE qui ont permis d’injecter 375 Mds£19 depuis mars
2009.
16 Cf. annexe 22 17 Février 2014, Les politiques monétaires dites « quantitative easing », Académie de limoges – BTS banque 18 Cf. annexe 22 19 Février 2014, Les politiques monétaires dites « quantitative easing », Académie de limoges – BTS banque
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En conclusion, au regard de ces différents plans et des taux d’intérêt historiquement bas,
nous pouvons largement affirmer être dans une situation où l’argent est peu cher et en grande
quantité.
Cependant, il convient de noter que contrairement à l’importance de la place du crédit dans
les précédentes bulles observées, ici son impact est différent. En théorie, l’investissement dans les
startups se fait uniquement à partir de fonds propres et n’est donc pas impacté par la croissance de
l’offre de crédit (comme ce fut par exemple le cas sur le marché de l’immobilier américain avant
2007). Néanmoins, cette situation monétaire n’est pas sans impact puisque nombre d’investisseurs
à la recherche de rendement se déplacent vers des actifs plus risqués (tels que les actions de
startups). Nous sommes donc bien dans une situation où une bulle est envisageable.
c) Observe-t-on une arrivée récente d’investisseurs amateurs dans le Venture
Capital ?
Il y a quelques années encore, seuls les fonds de Venture Capital et quelques Business Angels
prenaient des parts dans les capitaux propres des startups. Aujourd’hui la situation est bien
différente. Certes, les fonds de VC restent majoritaires mais de nouveaux investisseurs
interviennent sur ce marché et leur manque d’expérience ne leur permet pas forcément de réaliser
des investissements dans les conditions que les professionnels jugeraient adaptées. Trois grandes
catégories de nouveaux investisseurs peuvent être mises en avant :
Des particuliers attirés par les golden story
C’est grâce à l’émergence des plateformes de crowdfunding en equity (telles qu’Anaxago en
France, Seedrs au UK ou Early Shares aux US) que les particuliers ont obtenu une nouvelle source
de placement. Cependant, étant donnée la complexité de l’investissement en VC, il apparait
clairement que les choix d’investissement ne sont pas forcément pertinents. Cela débouche parfois
sur l’investissement dans des sociétés qui n’auraient pas trouvé de financement sans leur présence.
Dans cette situation, nous observons bien des sociétés dont les fondamentaux sont jugés
insuffisants par les professionnels mais qui obtiennent des financements sur la base d’une
valorisation non en lien avec leurs fondamentaux.
Par ailleurs, le fonctionnement lui-même de ces plateformes de crowdfunding entraine un biais
dans l’évaluation de ces startups. En effet, la valorisation est négociée entre l’entrepreneur et la
plateforme de crowdfunding, qui ne dispose pas des mêmes intérêts qu’un investisseur (puisque celle-
ci ne participe pas à l’opération en général). Même si ces plateformes visent à se rapprocher d’une
base de valorisation la plus juste possible afin d’assurer leur pérennité, elles font parfois preuve de
laxisme pour s’assurer la réalisation d’une opération. Ceci est en effet permis par l’inexpérience de
son réseau d’investisseurs.
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L’arrivée des hedge funds, mutual funds, sovereign fund et pension funds : volonté de prendre une
part du gâteau et d’obtenir de meilleurs rendements
L’arrivée de nouveaux investisseurs ne se limite pas à des particuliers mais s’étend aussi à
des professionnels de l’investissement, dont la présence était jusqu’alors très restreinte dans le
Venture Capital. Il semblerait que cette tendance soit en train de s’inverser et de plus en plus de
fonds de ce type prennent des participations dans les startups. C’est en effet ce que nous montrent
les annexes 23 et 24 qui décrivent les investissements de cinq des mutuals funds et cinq des hedges
funds les plus actifs dans le VC : nous observons que leurs investissements dans le VC ont
drastiquement augmenté. De même, de plus en plus de pension funds se lancent dans cette catégorie.
A titre d’exemple, Ontario Municipal Employee Retirement System a lancé en 2012 OMERS
Venture avec une taille de 180 M$20 et Indiana’s Public Retirement System a alloué 363 M$ au
venture capital en 201321.
Ce phénomène est d’ailleurs comparable aux années 1990 où les investisseurs demandaient toujours
plus de valeurs technologiques dans les fonds afin d’augmenter la performance de leurs
investissements.
Cette situation existe également en Europe. En effet, au regard de l’annexe 25, nous
observons que les fonds de pensions reviennent en force sur ce marché depuis 2012 après une
période de décroissance (les investissements augmentant de 200 M€ en 2012 à 450 M€ en 2014).
Les « government agencies » ont quant à elles connu une forte croissance depuis 2007 (augmentant
leurs investissements de 600 M€ à 1,2 Mds$ entre 2007 et 2014) et représentent aujourd’hui une
part substantielle du financement des startups (30% en 2014). En revanche, les fonds souverains
ne représentent pas grand-chose en Europe.
Au total, nous voyons bien une croissance massive des investissements de ces investisseurs
institutionnels n’ayant pas à l’origine vocation à investir une part importante dans le Venture
Capital.
Des corporates prêts à tout pour surpasser la concurrence :
C’est à partir des années 1990 que l’on a commencé à observer un développement accru du
Corporate Venture Capital (CVC), avec des entreprises comme AOL et GlaxoSmithKline. Mais ce
mouvement a été fortement ralenti suite à la bulle dot.com. Cependant, d’après l’annexe 26, nous
pouvons voir que depuis quelques années les corporates reviennent en force, réalisant 18% des deals
de VC en 2014 (vs. 13% en 2009) pour un montant représentant 11% du montant total investi en
VC (vs. 7% en 2009).
De manière générale, cette intervention des corporates dans le Venture s’explique par un
besoin de ne pas prendre de retard technologique. En effet, la plupart de ces corporates sont présents
dans des marchés marqués par des changements technologiques rapides et où les barrières à l’entrée
sont assez faibles. Ces investissements dans des startups leur permettent donc, moyennant des
20 A. Jacobius, Mai 2014, Institutional investors like venture capital again, Pensions & Investments 21 A. Schrager, Septembre 2014, Behind the Venture Capital Boom : Public Pensions, Bloomberg
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engagements modestes et flexibles, d’assurer leur pérennité. J-S Lantz et al.22 ont d’ailleurs identifié
cinq éléments expliquant l’intérêt des corporates pour le CVC :
- L’intérêt technologique : suivre les innovations de près sans engager de frais de R&D
supplémentaires avant une éventuelle acquisition ;
- Améliorer le portefeuille de brevets de l’entreprise par des licences d’utilisation sans les faire
apparaitre dans les comptes puisque nombre de brevets ne sont pas exploités dans les
entreprises ;
- Permettre un suivi du marché en utilisant leur expérience : les corporates récupèrent des
informations sur les comportements des consommateurs vis-à-vis d’un produit/service, ce
qui pourra aider les entreprises à développer leurs futures offres ;
- Un laboratoire pour les expériences : les startups peuvent également servir à tester les
pratiques managériales (vis-à-vis des consommateurs ou fournisseurs comme vis-à-vis des
employés) ;
- L’intérêt financier : comme tout investisseur, les corporates espèrent obtenir un gain financier
soit par la cession de la startup, soit par la distribution de dividendes.
Les investissements en startups deviennent donc cruciaux pour ces corporates et la concurrence
pousse à faire monter les prix. C’est en particulier ce que l’on a pu observer pour Instagram où,
Facebook n’a pas hésité à racheter la startup sur la base d’une valorisation de 1 Md$ afin d’empêcher
Google d’améliorer son réseau social Google+.
En conclusion, nous pouvons aisément affirmer que nous sommes dans une période où de
nombreux investisseurs, autres que les professionnels du Venture Capital, se sont orientés vers ce
marché, apportant une quantité importante d’argent nouveau à investir. Mais surtout, ils sont
insuffisamment expérimentés dans ce métier pour définir une valorisation adaptée au risque.
d) This time is different
Un des éléments majeurs qui ressort dans toutes les bulles est, comme nous l’avons vu, une
confiance exacerbée des investisseurs dans le fait qu’une nouvelle ère démarre et que les
raisonnements passés ne s’appliquent plus.
C’est ce qui se produit depuis quelques années dans le monde des technologies. En effet,
les nouvelles technologies permettent aujourd’hui de créer de nouveaux marchés mais surtout de
transformer de très nombreuses industries traditionnelles pesant pour plusieurs milliards voire
centaines de milliards de dollars. Les investisseurs pensent donc qu’une large part du gâteau devrait
être récupérée par les startups dans lesquelles ils investissent. Quelques technologies peuvent à ce
titre être citées : les technologies mobiles, le cloud, le big data, le crowdsourcing, etc. C’est ainsi que
l’industrie traditionnelle du taxi s’est vue profondément redessinée avec l’arrivée d’Uber qui est une
combinaison entre la technologie mobile et le crowdsourcing.
Ainsi, selon les investisseurs, une startup ne doit pas être considérée dans le cadre de sa
valorisation comme une société créée dans un secteur d’activité existant. Elle doit au contraire être
valorisée sur la base de sa capacité à être transformante pour une économie. Nous pouvons donc
bien affirmer que pour les investisseurs : « this time is different ».
22 J.-S. Lantz, J.-M. Sahut, F. Teulon, What is the Real Role of Corporate Venture Capital ?, Ipag Business School
Working Paper Series
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En conclusion de cette sous-partie, nous avons vu qu’hormis pour les entreprises en
création, le phénomène de réflexivité était avéré, que l’argent était peu cher et en grande quantité,
que de nombreux investisseurs amateurs étaient récemment arrivés dans le Venture Capital et enfin
que les investisseurs avaient tendance à se dire « this time is different ». Ainsi, nous pouvons aisément
affirmer que l’ensemble des caractéristiques sont réunies pour la formation d’une bulle.
III. Des facteurs spécifiques au Venture Capital laissant penser à une forte
survalorisation des startups
Après avoir étudié les éléments communs aux précédentes bulles, il convient maintenant
d’analyser les facteurs spécifiques au VC qui vont dans le sens d’une bulle.
a) Un retour à l’utilisation de variables non conventionnelles et à une comptabilité
créative
Un premier élément pouvant laisser penser à une bulle est que, comme au cours de la bulle
dot.com, certaines variables inconnues jusqu’alors deviennent centrales dans la valorisation des
startups. Ces variables sont considérées plus adaptées à la compréhension du potentiel d’une
entreprise et représentent donc un meilleur baromètre.
Dans les années 2000, il s’agissait du nombre de visiteurs ou du nombre de clics.
Aujourd’hui, les entreprises dans la publicité numérique parlent d’ « argent géré », Uber parle de
« booking » pour l’ensemble des transactions réalisées sur la plateforme – c’est ce que nous
appellerions en France le volume d’affaires, qui n’est en rien comparable au chiffre d’affaires. De
même, les places de marché mettent fortement en avant le « Gross Merchandise Value », qui est un
indicateur biaisé puisqu’il ne prend pas en compte les coûts marketings, les promotions, ni les
retours de produits, etc. Mais surtout, les venture capitalists accordent plus d’importance à la traction
et à l’acquisition de clients qu’au revenu. Certes, cela est en partie nécessaire pour valoriser des
entreprises sans revenus, mais ils oublient trop souvent que la génération de résultat est à terme la
priorité.
Les états financiers avancés par les entreprises s’avèrent par ailleurs surévalués. En effet,
une étude du Wall Street Journal23 sur les entreprises ayant procédé aux 50 plus grosses IPO depuis
2013 met en avant ce phénomène. Sur les 50, six ont dû reporter des chiffres plus faibles
qu’annoncés du fait de l’utilisation de règles comptables plus conservatrices, telles qu’exigées sur le
marché coté.
Lise Buyer, conseillère de nombreuses sociétés dans la Silicon Valley et ancienne banquière
ayant travaillé pour Google lors de son IPO, affirme que les dirigeants de startups ont beaucoup
d’opportunités pour « générer des metrics magiques selon leur besoin, qu’elles soient pertinentes ou
23 T. Demos, S. Ovide, S. Pulliam, Juin 2015, Tech Startups Woo Investors With Unconventional Financial Metrics – but Do Numbers Add Up?, The Wall Street Journal
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non »24. A titre d’exemple, durant le premier trimestre 2015, la société Facebook a enregistré en
normes GAAP un revenu inférieur à la moitié de ce qu’elle affichait selon ses mesures internes25.
b) Le phénomène de « Fear of Missing Out » à l’origine d’une irrationalité des
investisseurs
Le Fear of Missing Out (FOMO) se définit en finance comme la peur pour un agent de rater
une opportunité d’enrichissement.
Ce phénomène a récemment connu une forte accélération dans le VC, avec l’enrichissement
de nombre d’investisseurs grâce à leurs investissements dans ce que l’on appelle aujourd’hui les
« licornes ». Ces licornes sont des startups de moins de dix ans dont la valorisation dépasse le
milliard de dollars. En investissant dans ces entreprises lorsqu’elles étaient encore en création ou
connaissaient leur premier tour de financement, certains investisseurs ont réussi à multiplier par
cent, voire par mille leur investissement. Un exemple parmi tant d’autre est celui de Peter Thiel,
co-fondateur de Paypal, qui a investi en tant que business angel 500 000$ dans Facebook en 2004. Sa
participation est aujourd’hui évaluée à environ 2,5 Mds$ soit un multiple d’investissement de
5 000x26.
Ce phénomène de FOMO s’est fortement développé ces dernières années, en particulier
suite à l’intervention des médias affichant en une de leurs articles les nombreuses success stories de
startups connaissant une croissance époustouflante. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons
poussant les investisseurs amateurs à intervenir dans le VC : amasser une part du gâteau. De même,
ce phénomène de FOMO s’est développé chez les corporates. Moins dans l’optique de réaliser une
plus-value, les corporates ont eux la volonté d’assurer leur pérennité et donc de ne surtout pas rater
la technologie de demain qui pourrait entraîner un péréclitement de leur activité, comme nous
l’avons vu précédemment.
Ainsi, cette peur de rater le prochain Facebook ou le prochain Uber pousse de nombreux
investisseurs à délaisser leurs analyses traditionnelles et à prendre des décisions irrationnelles.
c) Des investissements par opération comparables à la bulle dot.com
Un autre élément pouvant nous laisser penser à une bulle correspond à la taille des
opérations de financement lorsque nous la comparons à celle de la bulle dot.com. Au regard de
l’annexe 27, nous remarquons que la taille des deals est effectivement comparable à ce que l’on
observait en 2000 :
- le montant investi dans les startups en création en 2014 s’élève à environ 5 M$, comme en
2000 ;
- le montant investi dans les startups en early-stage en 2014 s’élève à environ 7,5 M$, soit
presque autant qu’en 2000 (8,5 M$) ;
- le montant investi dans les startups en expansion en 2014 s’élève à environ 17 M$, soit plus
qu’en 2000 (15,5 M$) ;
24 T. Demos, S. Ovide, S. Pulliam, Juin 2015, Tech Startups Woo Investors With Unconventional Financial Metrics
– but Do Numbers Add Up?, The Wall Street Journal 25 idem 26 6 Whealthy Venture Capitalists, Investopedia
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- le montant investi dans les startups en phase finale en 2014 s’élève à environ 14,5 M$,
contre 22 M$ en 2000.
Autrement dit, l’argent récolté par startup à chaque tour de table est équivalent à celui de 2000.
Nous voyons même un niveau plus élevé pour les entreprises en expansion.
Il y a donc une euphorie comparable à celle de la bulle dot.com, avec une demande de la
part des investisseurs suffisamment importante pour observer des tours de table de grande ampleur.
d) Des investisseurs allant même à investir en dette dans les startups
Dans la théorie traditionnelle de la finance, l’investissement en startup se fait uniquement
en fonds propres, du fait du fort degré de risque de l’entreprise (caractère très incertain du futur),
qui confère in fine un potentiel de gain très élevé pouvant permettre de compenser les pertes
réalisées sur d’autres startups. Cependant, depuis la fin des années 1980 aux US et 1990 en Europe,
nous avons vu apparaitre ce que l’on appelle le venture debt. A l’origine, ces dettes correspondaient
à du crédit-bail pour aider les jeunes entreprises à acquérir des outils technologiques coûteux, avec
une option d’achat à la fin ; ce que l’on appelle le venture leasing. Puis s’est développé par la suite le
venture loan, qui est une dette assez classique, comprenant des accès au capital de la société
(généralement des bons de souscription d’actions ou des obligations convertibles), avec un droit
sur l’ensemble des actifs de la société. Cette pratique contraire à la théorie a été grandement mise à
mal par la crise dot.com et s’est fortement réduite. De nombreux fonds de venture debt aux US ont
d’ailleurs fermé à l’occasion.
Pour autant, ces fonds ont rouvert assez rapidement (environ 4 ans après : Horizon, Kreos,
Noble, Lighthouse Capital, etc.) et ont récemment repris de l’importance. C’est en effet ce que l’on
observe dans l’annexe 28 puisque nous voyons que le montant mondial consacré au venture debt a
drastiquement augmenté depuis 2008. Le montant passe de 2 Mds$ à 7 Mds$ aujourd’hui. Cette
constatation est la même si l’on observe le montant moyen investi par deal : de 11,8 M$ en 2008,
il atteint en 2015YTD 40,5 M$27. Cela signifie que le montant total pour 2015 sera encore plus
élevé.
Ce nouvel engouement pour le venture debt pose donc une question. D’une part, même si
nous n’avons pas pu obtenir les données pour les années 1999/2000 et ainsi réaliser une
comparaison, nous voyons un regain d’intérêt pour ce type d’investissement ces dernières années.
Et de manière plus générale, ce phénomène en contradiction totale avec la théorie financière est un
signe d’un appétit très important des investisseurs pour les startups et donc à minima d’une bulle
dans l’investissement, alimentant l’idée d’une bulle dans les valorisations.
e) Des licornes de plus en plus nombreuses, de plus en plus jeunes et fortement
survalorisées
Comme nous l’avons exprimé en introduction, notre questionnement autour de l’existence
d’une potentielle bulle est apparu suite à l’observation de valorisations très élevées. Nous faisons
particulièrement référence aux licornes, dont le nombre n’a cessé de croître ces dernières années.
Rien qu’au premier semestre 2015, 24 nouvelles licornes ont vu le jour dans le monde28. Les US
27 Source : annexe 29 28 Octobre 2014, Valuation Multiples for Billion-Dollar Startups, CB Insights
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recensent 84 licornes à ce jour, représentant 327 Mds$ soit une valorisation moyenne de 3,9 Mds$
par startup. En Europe, on compte à ce jour 40 licornes représentant une valorisation moyenne de
3,0 Mds$. 13 startups européennes ont gagné le statut de licorne cette dernière année, pour une
valorisation moyenne de 2,1Mds$.
Lorsque l’on observe cette cartographie des licornes, aux US comme eu Europe (annexe
30), force est de constater que les entreprises cotées sont très minoritaires (21% uniquement aux
US). Cette première remarque est en ligne avec notre conclusion d’absence de bulle sur les marchés,
les startups choisissant de repousser leur introduction en bourse afin de bénéficier d’un round
supplémentaire de financement auprès d’investisseurs privés. Ainsi, si nous écartons les startups
cotées de notre panel, le nombre total de licornes à l’heure actuelle s’élève à 124 pour une
valorisation globale de 468 Mds$, contre 4 startups seulement en 2009 représentant 13 Mds$29.
Au-delà de cette augmentation du nombre de licornes, nous pouvons également noter une
réduction du temps mis pour atteindre la valorisation de 1 Md$. En effet, si l’on observe un
échantillon des entreprises américaines (annexe 31) ayant dépassé le milliard de valorisation entre
2005 et 2011, et que l’on prend comme variable l’âge qu’elles avaient au moment d’atteindre cette
valeur, nous nous apercevons en effectuant une régression logarithmique que cette variable suit
une courbe décroissante avec le temps. Ainsi, alors qu’une entreprise mettait en moyenne 7,5 ans
en 2005 pour dépasser les 1 Mds$, il lui faut aujourd’hui environ 2,5 ans. Même si ce calcul reste
très simpliste, du fait qu’il ne prend pas en compte dans cette période les entreprises n’ayant pas
encore atteint cette valorisation, il donne une première approche approximative de cet effet
d’ « accélération » de la valorisation des firmes. De plus, si nous affinons l’analyse en séparant les
entreprises BtoC des entreprises BtoB, nous remarquons que les premières mettent en moyenne
moins de temps à atteindre le pallier des 1 Mds (environ 2 ans contre 3,5 ans respectivement). Cela
est d’autant plus marqué pour les entreprises de réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp, Instagram,
Twitter, Snapchat, Pinterest…).
Par ailleurs, nous nous sommes interrogés sur la cohérence de ces valorisations élevées, à
savoir leur corrélation aux performances intrinsèques des entreprises. Nous pouvons citer des
exemples d’ « aberrations » comme Instagram, valorisée 1 Md$ par Facebook lors de son
acquisition, la société ne générant pas encore de chiffre d’affaires et n’employant que 13 personnes,
ou encore Whatsapp, acquis par Facebook pour un montant de 22 Mds$, l’application ne générant
que 10 M$ de CA.
Nous avons donc étudié les multiples de chiffre d’affaires observés sur les licornes, en nous
appuyant pour cela sur les récentes opérations de financement des principales licornes privées
américaines. Nous avons recensé dans le graphique en annexe 32 les ratios valorisation / chiffre
d’affaires obtenus pour ces sociétés de 2011 à 2014, quand l’information est disponible. Ce
graphique met en exergue une certaine disparité des multiples, avec certains outsiders comme
Snapchat et Uber, et fait ressortir une moyenne de valorisation de 19,7x le chiffre d’affaires sur la
période. Aussi, si l’on affine l’analyse en regardant année par année, nous remarquons que la
valorisation moyenne augmente chaque année : de 9,0x en 2011, elle progresse à 14,0x en 2012 et
2013 puis 24,0x en 2014. En 2015, les deux exemples dont nous disposons font ressortir des
29 M. Bird, Septembre 2015, The number of ‘unicorn’ startups worth over $1 billion has grown by 3000% since 2009, Business Insider UK
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multiples très élevés : 320x et 45x. Cette analyse semble donc elle aussi aller dans le sens d’une bulle
de valorisation des startups.
Toutefois, elle n’est pas complète si elle ne prend pas en compte de point de comparaison.
Nous avons donc observé les multiples de CA au 30 juin 2015 de l’intégralité des licornes cotées
sur les marchés américains, soit 19 sociétés (annexe 33). Il en ressort un multiple moyen de 7,9x le
CA, ce qui corrobore notre hypothèse de survalorisation des startups sur le marché privée.
Ainsi, l’étude de ces startups particulière pour lequel nous obtenons facilement de
l’information nous permet là encore d’envisager l’existence d’une bulle.
IV. Suivi du schéma classique de la bulle
Les recherches réalisées jusqu’à maintenant nous mènent à penser qu’une bulle existe, mais
pour parfaire cette réflexion nous allons maintenant voir si le schéma classique d’une bulle
s’applique à notre situation en effectuant un parallèle avec les différentes étapes de sa formation.
Nous avons en annexe 34 les différentes étapes précédant l’explosion d’une bulle. Afin de faire
coïncider l’analyse avec la situation actuelle, il convient de faire démarrer ce graphique au début des
années 2000 (fin de la bulle dot.com).
La première étape est la gestation : au début des années 2000, les fonds de capital-risque se
« remettent » de la bulle dot.com mais continuent d’investir avec les business angels dans les startups.
L’étape suivante est celle de la naissance : nous l’avons vu plus haut, depuis quelques années
les investisseur institutionnels ont pénétré ce marché et ont accru leur position.
Intervient ensuite l‘étape de l’euphorie, marquée par l’arrivée des investisseurs grand public
et qui se traduit par 4 sous-étapes successives :
- En premier lieu, l’appropriation du sujet par les médias, qui en l’espèce ne cessent
d’alimenter la presse sur cette potentielle bulle depuis la fin de la décennie. A titre
d’exemple, un film sur la success story de Facebook est réalisé et de nombreux articles
répertorient les golden stories des investisseurs dans les startups à succès et les
valorisations record atteintes par certaines startups (renommées licornes par la presse).
- La seconde sous-étape réside dans l’enthousiasme général gravitant autour des startups.
Dans notre cas, la crise financière a entraîné une désaffection du public de la bourse et
de la Grande Entreprise. Celui-ci se recentre sur des actions plus locales et cherche à
donner un sens plus ESG30 à son investissement. Le VC est alors l’une des meilleures
options puisqu’il permet de participer à l’amélioration du monde de demain.
- La troisième composante de l’euphorie intervenant ensuite est celle de la cupidité, où,
au regard de la démultiplication des success stories, avec une hausse continue des prix et
rendements, de plus en plus d’investisseurs cherchent à prendre une part du gâteau et
s’inscrivent dans une démarche d’investissement dans le VC. Tout le monde veut
30 Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance afférents à un investissement
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profiter de l’eldorado et fait une course à l’achat en se détachant totalement de la logique
économique.
- Enfin, la dernière étape, qui intervient peu de temps avant l’éclatement, consiste en
l’illusion. C’est le moment où le sens commun réalise qu’il n’y a plus aucune logique
économique, les prix des actifs observés sont totalement décorrélés de la valeur
intrinsèque. Aujourd’hui l’illusion n’est pas prouvée et de nombreuses questions se
posent à ce sujet.
En conclusion, il semblerait que le schéma classique de la bulle soit suivi jusqu’à maintenant.
Il ne reste plus qu’à prouver l’illusion pour pouvoir estimer sans trop d’erreurs que nous sommes
dans une situation de bulle.
V. Une survalorisation d’abord sur les entreprises en late stage qui s’est
transmise aux rounds inférieurs par la suite
Pour terminer cette première partie, il nous a paru intéressant non plus d’essayer d’analyser
l’existence d’une bulle, mais plutôt de voir comment les survalorisations des startups se sont
développées sur le marché de l’investissement privé, en mettant en exergue le risque intrinsèque à
la formation de cette survalorisation.
Notre observation est qu’il s’est réalisé un mouvement de transmission de ce phénomène
de survalorisation : ayant d’abord touché les entreprises en late stage, il s’est ensuite
progressivement reporté vers les tours les plus jeunes.
Les graphiques en annexe 2, 3, 4 et 5 montrent en effet que l’explosion des valorisations
est arrivée plus tardivement pour les séries A et B, comme nous l’avons vu en préambule. Ce sont
d’abord les entreprises les plus matures qui ont bénéficié de l’augmentation de leur valorisation et
ce du fait des raisons explicitées précédemment :
- Arrivée de nouveaux investisseurs (public, mutual et hedge fund, corporates, etc.) ;
- Fearing of Missing Out.
Cependant, ce phénomène s’est mécaniquement transféré au tour de table en amont. En
effet, en sachant qu’ils pourraient revendre leur participation à un prix élevé lors des tours de table
suivants, les investisseurs ont accepté de réaliser leur investissement dans les premiers tours de
table à un prix élevé.
Nous pouvons d’ailleurs, d’une certaine manière, comparer cette observation au mécanisme
d’une chaîne de Ponzi. La chaine de Ponzi consiste à rémunérer les investissements d’une personne
par l’argent procuré par de nouveaux clients. Cela marche si la rémunération est attractive et que
de plus en plus de personnes sont prêtes à investir. Cependant, il arrive inéluctablement un moment
où l’argent frais collecté n’est plus suffisant pour rémunérer les anciens clients et alors la chaîne
éclate. Ce qui se passe sur le marché de l’investissement dans les startups est comparable à ce
système dans le sens où l’arrivée de nouveaux investisseurs pousse les valorisations à la hausse,
permettant aux investisseurs historiques d’afficher des performances très élevées. Ces
performances attirent elles-mêmes de nouvelles personnes qui alimentent alors le marché de
l’investissement en VC et qui continuent à pousser les valorisations à la hausse. Certes, ici les
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investisseurs ont un sous-jacent réel, mais il risque d’arriver un moment où la chaîne va éclater. Le
jour où les agents se rendront compte de la trop forte déconnexion entre le sous-jacent et la
valorisation, de nombreux investisseur quitteront alors ce marché qui reviendra à un niveau
considéré comme normal.
En conclusion de cette première partie nous pouvons affirmer qu’au regard des différents
éléments, tout nous laisse à croire que l’augmentation des valorisations dans le marché privé
s’apparente à une bulle. En effet, les éléments communs aux précédentes bulles sont satisfaits, des
éléments spécifiques au Venture Capital sont comparables à la bulle dot.com et/ou mettent en
exergue un appétit très fort des investisseurs pour les startups et il semble exister une forte
déconnexion entre la valorisation et les fondamentaux des entreprises. Enfin, le schéma classique
de la bulle est pour l’instant suivi. Dans ces conditions, une chute des valorisations, accompagnée
d’une forte baisse du montant des investissements, peut être attendue.
Néanmoins, nous pouvons ici détailler l’analyse en concluant qu’il semblerait que le
phénomène de bulle soit surtout présent pour les startups les plus matures et nettement moins
pour les startups en création (ne bénéficiant pas de l’investissement des corporates et autres
investisseurs institutionnels).
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Deuxième partie : des valorisations pour partie
justifiées
L’objectif de cette seconde partie est de voir si la hausse observée en préambule ne serait
pas en fait justifiée par une amélioration des fondamentaux des startups, avec un accroissement de
leur valeur, et/ou une amélioration de facteurs externes à ces entreprises impactant directement
leur financement en capitaux propres.
I. Des éléments internes aux startups démontrant une valeur intrinsèque
plus importante
Nous allons tenter dans cette sous-partie de voir si les startups ont connu des modifications
laissant penser à un accroissement de leur valeur.
a) Un chiffre d’affaires plus élevé plus rapidement
Un premier élément marquant est que les startups ont aujourd’hui tendance à avoir un
chiffre d’affaires plus élevé plus rapidement, ce qui est incontestablement à considérer comme une
amélioration des fondamentaux.
Empiriquement, si l’on regarde l’évolution du chiffre d’affaires des startups dans le temps,
force est de constater que celui-ci croit plus vite aujourd’hui. En comparant avec la bulle dot.com
de 2000, nous observons en effet que les startups US soutenues par des fonds VC et en cours
d’introduction sur un marché voyaient leur CA augmenter de 63% par an en moyenne en 1998, ce
chiffre étant de 85% en 201431.
Cela s’explique en grande partie par le fait que la globalisation ne cesse de s’accélérer et la
technologie permet aujourd’hui aux startups de distribuer à bas coûts leurs produits ou services
quasiment dans le monde entier, et ce presque instantanément. C’est d’ailleurs ce qu’affirme Steve
Blank32 en notant qu’une startup peut maintenant presque dès son premier jour être une « micro-
multinationale »33.
Ceci s’explique en particulier par deux phénomènes :
- Le développement d’internet qui permet aujourd’hui d’accéder à des consommateurs dans
le monde entier sans nécessiter la mise en place de lourdes structures dans chaque
pays. Ainsi, alors que l’internet touchait 40 M de personnes dans le monde il y a 20 ans, il
concerne aujourd’hui plus de 3 Mds de personnes. Et d’après une étude du fonds
d’investissement Andreessen Horowitz, le marché atteindra les 4 Mds d’internautes en
2020. Le nombre de clients, potentiels ou non, augmente donc par effet d’échelle avec
31 T. Tunguz, Août 2015, Why Startups Are Growing Faster Today Than Ever Before, Tomtunguz.com 32 Serial entrepreneur et académicien de renom 33 Compass, The Global Startup Ecosystem Raking 2015
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l’utilisation d’internet, en témoigne la progression du e-commerce dans le monde de 23%
en 2014 : le marché s’établit à 1,9 Mds$ en 2014 et devrait atteindre 2,3 Mds$ en 2015. Si
l’on prend l’exemple de la France, nous observons une hausse de 14% au premier semestre
2015, soit un marché des ventes en ligne de 15,2 Mds€34 représentant 3% du PIB français.
Au niveau mondial, internet représentait déjà 3,4%35 du PIB en 2011, et les dépenses de
consommation liées à internet dépassaient celles de l’agriculture et de l’énergie.
- Le développement du nombre d’early adopters. Nous n’avons malheureusement trouvé
aucune statistique concernant ce dernier point, cependant lorsque l’on regarde
l’engouement du public pour les sites de crowdfunding en don avec contrepartie, on
comprend que de plus en plus de personnes souhaitent être les premières à détenir le nouvel
objet à la mode. En effet, ces sites offrent en général la possibilité aux personnes soutenant
un projet d’être les premières à recevoir le produit/service de ce projet.
Cet environnement plus favorable permet donc aux startups de se développer plus vite en
accédant à un marché plus large plus rapidement. Ce développement plus rapide est sans conteste
une amélioration des startups qui justifie une valorisation plus élevée.
b) Des startups plus efficientes
Un fait généralement observé par les professionnels que nous avons interrogés réside dans
la capacité pour une startup à générer de plus en plus de valeur dans le temps pour un même
montant investi. Nous avons donc décidé d’analyser cet indicateur qui témoigne encore selon nous
de l’accroissement de valeur des startups. Nous nous sommes appuyés pour cela sur une analyse
menée par le fonds américain Redpoint, sur les startups ayant procédé à une IPO entre 1998 (pré-
bulle des années 2000) et 2014. Cette étude s’est concentrée par simplification sur les startups du
SaaS au sens large en prenant en compte l’inflation sur la période. Ainsi, le chiffre d’affaires moyen
généré par startup lors de son IPO par dollar investi est passé de 0,8x en 1998 à 2,0x en 2014. Ce
phénomène est d’autant plus généralisé que le nombre d’entreprises dans l’échantillon a augmenté
à travers la période d’analyse. Cette étude conclut en expliquant cette hausse par une amélioration
du business model de ces entreprises dans le temps, avec une meilleure maîtrise des coûts de
construction et de déploiement des infrastructures du cloud permettant de se concentrer sur les
efforts marketing.
Cet élément est d’ailleurs lui aussi constaté dans The Global Startup Ecosystem Report 2015 qui
affirme que le coût de développement produit a été divisé par 10 au cours de la dernière décennie.
Ainsi, il est normal que les startups obtiennent une valorisation plus élevée car cela équivaut
pour l’investisseur à une dilution moindre pour un résultat équivalent. Ceci est fondamental et est
à considérer comme une modification majeure pour les startups, qui justifie largement une
valorisation plus élevée pour ces entreprises.
34 Ecommerce Foundation 35 McKinsey Global Institute, Mai 2011, Internet Matters : The Net’s sweeping impact on growth, jobs, and
prosperity
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c) Une base clients à prendre en compte
A l’instar d’Instagram, des entreprises ne réalisant aucun chiffre d’affaires se voient
valorisées à des montants très importants, mais ces valorisations ne sont pas nécessairement
dénuées de sens. En effet, en dehors de leur valeur technologique ou de la rentabilité de leur
business model, la valorisation de certaines startups peut être justifiée par leur base clients.
L’acquisition de clients est un point crucial pour les entreprises et celle-ci peut avoir un coût très
important. Il suffit par exemple de constater les budgets publicitaires de certaines entreprises pour
comprendre ce phénomène. Ainsi, lorsque des entreprises comme Instagram, Pinterest, Tumblr
sont valorisées à plusieurs centaines de millions de dollars, il ne faut pas oublier qu’elles fournissent
à leur repreneur des millions d’utilisateurs. A ce titre, les entreprises dont la valeur augmente le plus
vite semblent d’ailleurs être celles qui touchent le plus de consommateurs. Par exemple, parmi les
13 nouvelles licornes européennes de l’année passée, 77% sont orientées consommateurs36. La
majorité des licornes américaines sont de même des startups BtoC.
En conclusion de cette première sous-partie, il apparait clairement que la valeur intrinsèque
des startups s’est améliorée, justifiant pour partie la hausse des valorisations.
II. Des éléments externes qui justifient des valorisations plus élevées
Tentons maintenant de voir si des facteurs externes aux startups pourraient expliquer une
augmentation de leur valorisation lors de leur financement en capitaux propres.
a) Des investissements par opération comparables à la bulle 2000 mais bien plus
réfléchis
Nous avons remarqué dans la première partie que la taille des opérations était revenue à un
niveau similaire à la période de la bulle dot.com, cependant il convient de nuancer cet argument.
En effet, au regard de l’évolution des montants investis au global (annexe 35), nous observons
qu’ils sont bien moindres qu’au cours de la bulle de 2000. Cela signifie donc qu’aujourd’hui les
investisseurs opèrent une sélection bien plus importante des entreprises dans lesquelles ils
investissent. Ils semblent s’attacher aujourd’hui à investir uniquement dans les sociétés dont le futur
est moins incertain et ayant donc un risque plus faible. Or, la valorisation est totalement dépendante
du risque et donc si le risque est amoindri, l’augmentation de valorisation est justifiée.
D’autre part, le plus faible montant des investissements par rapport aux années 2000 (de
moitié environ) nous permet de constater que nous sommes bien loin de l’euphorie des années
1999/2000.
36 GP. Bullhound, European Unicorns: Do They Have Legs?
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b) Des pactes d’actionnaires en faveur d’une valorisation plus élevée
Les pactes d’actionnaires signés par les investisseurs de startups visent à définir les relations
entre les actionnaires et la société et entre les actionnaires eux-mêmes. Ils contiennent de
nombreuses clauses et ont un général une importance capitale dans le VC, parfois plus que les
conditions financières de l’investissement. Ils peuvent donc très largement influencer la valorisation
acceptée par les investisseurs ou les actionnaires historiques selon les avantages qui leur sont
concédés.
En particulier, la clause de liquidité préférentielle peut jouer un rôle très important et a
d’ailleurs impacté les valorisations ces dernières années. En effet, il existait traditionnellement une
clause de liquidité préférentielle de « simple-dip » qui permettaient à un ou plusieurs investisseurs
bénéficiant de cette clause de protéger son/leur investissement. En pratique, cette clause permet
en cas de survenance d’un évènement de liquidité (faillite, cession, introduction en bourse, etc.) de
récupérer sa mise avant même que les autres investisseurs puissent toucher de l’argent.
Cependant, nous observons que cette clause a évolué depuis quelques années aux Etats-
Unis et plus récemment en Europe. En effet, de plus en plus de pactes d’actionnaires contiennent
des clauses de « double-dip », « triple-dip », voire « quadruple-dip ». Ces clauses permettent ainsi à
l’investisseur en bénéficiant de récupérer respectivement deux, trois ou quatre fois sa mise de départ
avant que les autres actionnaires ne puissent obtenir une « part du gâteau ». De cette façon,
l’investissement devient en partie moins risqué et permet d’accepter des valorisations bien plus
élevées.
C’est ainsi que lors du dernier tour d’Uber, valorisant la société à 51 Md$ et lui permettant
de lever plus d’un milliard de dollars, une clause de cette nature a été intégrée. Une telle valorisation
pour une société jeune de 5 ans et dont la position n’est pas encore pleinement assurée ne pouvait
être acceptée qu’avec la mise en place d’un « triple-dip » en faveur des investisseurs de ce tour37.
Nous voyons donc bien, qu’en plus de l’évolution de certains fondamentaux, la façon de
structurer l’opération favorise l’augmentation des valorisations.
c) Un écosystème à l’origine d’une facilitation pour le développement des startups
Les startups sont de nos jours des entreprises en vogue et au cœur des préoccupations de
beaucoup d’acteurs qui interviennent pour améliorer leur environnement, et ainsi leur fournir un
écosystème adapté. Cet écosystème s’est développé dans les années 1990 dans la Silicon Valley et
connait une existence plus récente en Europe.
Tout d’abord, il est important de remarquer que les anciennes startups qui sont aujourd’hui
devenues des mastodontes, jouent un rôle très important puisqu’elles alimentent l’investissement
et facilitent l’innovation des jeunes startups.
Ces grandes entreprises sont présentes depuis plusieurs années aux US : Microsoft, Apple
et plus récemment, Google Amazon, Facebook, etc. Elles sont plus récentes en Europe et en
France : Skype, Spotify, Zalando, Rocket Internet, Vente Privée, Criteo, BlaBlaCar, etc. Toutes ces
entreprises cherchent à favoriser l’innovation en aidant les jeunes startupeurs à se lancer ou à se
développer. Cela passe soit par la participation de leurs dirigeants aux boards de jeunes startups (Max
37 Information récupérée lors de l’entretien avec M. Mandin.
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Levchin, co-fondateur de PayPal est membre du comité de direction d’Evernote), soit par la mise
en place de partenariats pour leur permettre d’accéder à des ressources que seule une grande
entreprise peut posséder (par exemple Google à travers son Firespotter Labs), ou encore par un
apport de financement (investissement en capitaux propres). Cela permet en particulier aux startups
d’accéder à des bases de clients larges et établies et à de larges réseaux de partenaires et conseils de
qualité, mais aussi d’obtenir de la crédibilité grâce à la notoriété du corporate.
Aussi, les professionnels spécialisés dans les startups sont de plus en plus nombreux, le
nombre de personnes ayant bénéficié d’une expérience en startup étant mécaniquement de plus en
plus important. Or, le succès d’une startup repose très fortement sur la qualité de l’équipe en charge
de son lancement et de son développement. En effet, être collaborateur dans une startup demande
de nombreuses compétences bien différentes des industries traditionnelles (créativité, adaptabilité,
etc.). Alors que dans les entreprises traditionnelles les collaborateurs travaillent sur la base
d’objectifs détaillés et écrits et sur des processus établis, les collaborateurs des startups doivent
repenser leurs actions tous les jours et se demander comment réussir à faire quelque chose qui n’a
jamais été fait auparavant. Ainsi, avec tous ces collaborateurs plus adaptés aux startups, les chances
de succès sont bien plus importantes.
En outre, le mécanisme de travail en freelance, qui se développe fortement, représente une
source de travailleurs importante pour les startups, de surcroît très adapté à leur besoin de flexibilité.
Il est ainsi estimé aujourd’hui qu’aux Etats-Unis, il y a 53 millions de personnes en freelance, soit
34% de la population active, et que ce nombre devrait augmenter à 50% d’ici à 202038. En Europe,
le nombre de travailleurs indépendants a été estimé à près de 32,5 millions soit 15% de la population
active et ce chiffre devrait continuer de croître39.
Par ailleurs, il y a de plus en plus de sociétés d’accompagnement. Même si pour une startup
trouver du financement est le nerf de la guerre, savoir le dépenser à bon escient est encore plus
important. Or, le porteur d’une idée n’a parfois pas les capacités à la produire, la développer, la
faire connaitre, la rentabiliser, et sans accompagnement la réussite du projet parait presque
impossible. Néanmoins, de plus en plus d’incubateurs et d’accélérateurs se développent, ce qui
permet de contrer ce manque et d’accroître les chances de réussite.
En particulier, l’annexe 36 montre qu’en Europe, le nombre d’incubateurs et d’accélérateurs
a drastiquement augmenté depuis 2007 (passant d’une cinquantaine en 2007 à environ 250 en 2013).
Ce phénomène est d’ailleurs mondial, en témoigne l’annexe 37 montrant que le nombre
d’incubateurs a plus que doublé entre 2006 et 2013 (de 4000 à 9000).
Enfin, les Etats favorisent de plus en plus le développement des startups. Ils ont en effet
compris que ces startups leur permettraient de s’assurer une place dans les économies de demain.
C’est pourquoi ils mettent en œuvre de nombreux projets et mesures visant à aider leur
développement. Cela passe notamment par la création de hubs d’innovation comprenant toutes les
infrastructures nécessaires, comme le font les Etats-Unis avec la Silicon Valley ou encore Londres
et Tel Aviv avec East London Tech City et Startup City Tel Aviv. Cela passe également par des
38 J. Wald, Novembre 2014, 5 Predictions for the Freelance Economy in 2015, Forbes 39 Commission Européenne - Bilan de l’Observatoire européen de l’emploi, Le travail indépendant en Europe
2010
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mesures visant à favoriser l’investissement dans les startups, à l’image des diverses incitations
fiscales qu’il existe à ce sujet. C’est le cas en France avec le PEA-PME. Une autre prérogative des
Etats consiste à injecter de l’argent public directement dans les startups pour aider leur
développement. En France, la BPI et les fonds régionaux ont d’ailleurs un impact de poids dans
l’investissement dans les startups. Dans le reste de l’Europe et les Etats-Unis, nous avons vu que
les fonds souverains prenaient de plus en plus d’importance. Enfin, les aides étatiques se traduisent
aussi par des actions diverses comme les simplifications administratives mises en œuvre pour les
startups, la création d’instruments de financement adaptés au startups en early stage, la création
d’instruments financiers de rémunération des salariés très favorables fiscalement (notamment les
BSPCE40 en France), l’aide à l’implantation d’incubateurs, etc.
Pour terminer cette partie, nous pouvons aussi introduire l’importance de l’évolution des
méthodes de Management. En effet, jusqu’à la fin du XXème siècle, les méthodes de management
enseignées s’appuyaient sur les fondements de la théorie moderne du management dont l’origine
remonte aux théories de H. Ford et F. Taylor. Cependant, les premiers startupeurs de la fin du
XXème siècle se sont rendus compte que ces pratiques n’étaient pas adaptées à l’entrepreneuriat, et
qu’une nouvelle méthode de management devait être développée. En particulier, certains
startupeurs de la bulle dot.com, qui ont « essuyé les plâtres », ont travaillé au développement d’un
nouveau modèle pour permettre aux futurs startupeurs de ne plus réaliser les mêmes erreurs et
d’être bien plus efficients dans leur méthode managériale. C’est le cas d’Eric Ries, qui le premier
mentionne le terme de Lean Startup dans son blog Startup Lessons Learned en septembre 2008, et en
juin 2009, la première conférence appelée Lean Startup Circle a vu le jour sous l’impulsion de R.
Collins. Depuis, de nombreux professionnels et académiciens ont travaillé sur le sujet et enrichi
cette nouvelle matière. E. Ries a, à ce titre, publié en 2011 le livre : The Lean Startup : How Today’s
Entrepreneurs Use Continuous Innovation to Create Radically Succesful Business.
La combinaison de tous ces facteurs permet incontestablement aux startups de se
développer plus rapidement et plus efficacement et d’améliorer leur chance de survie. Cette
diminution du risque et cette meilleure efficacité justifient aisément une augmentation des
valorisations de ces startups.
d) Un environnement économique favorable et qui devrait le rester
Le dernier argument allant à l’encontre de l’existence d’une bulle réside dans le contexte
économique actuel, en nette amélioration depuis la crise, jouant ainsi un rôle moteur dans le
développement des startups. Nous avons dressé une liste succincte et non exhaustive des critères
macroéconomiques permettant de justifier du dynamisme d’investissement dans les startups.
- Taux de chômage des pays occidentaux :
Le taux de chômage aux Etats-Unis est en forte baisse depuis le mois d’octobre 2009 : alors qu’il
atteignait 10% à cette date, il a continuellement décru pour atteindre 5,3% en juillet 201541.
40 Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise 41 Les Echos Data, Etats-Unis – Taux de chômage
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Dans l’Union Européenne, la situation est moins bonne mais on note une diminution du chômage
depuis la fin de l’année 2013, le taux passant de 10,7% à 9,6% en mai 201542.
- Produit Intérieur Brut :
Le taux de croissance du PIB américain semble repartir à la hausse. Alors que ce taux était stable
(voire en baisse) entre 2010 et 2013, en s’établissant à 2,2% en 2013, il a augmenté en 2014 à 2,4%.
Le FMI prévoit de plus des taux de 2,5% pour 2015 et 3% pour 201643.
Dans l’Union Européenne, la situation est à peu près similaire. Le taux de PIB a connu une
tendance baissière jusqu’en 2012 (avec des niveaux négatifs), avant de remonter à 0,2% en 2013
puis 1,4% en 2014. Les prévisions pour 2015 et 2016 s’établissent respectivement à 1,8% et 2,1%44.
- Indice de confiance des consommateurs :
L’indice de confiance des ménages est en forte hausse depuis la fin de l’année 2011 aux Etats-Unis
(passant de 96,79 en septembre 2011 à 100,23 en septembre 2015) et depuis la fin de l’année 2012
en Europe (de 97,74 en novembre 2012 à 100,79 en septembre 2015)45.
L’amélioration de ces statistiques n’est pas sans conséquences pour les investisseurs
puisqu’elle est le signe d’un meilleur pouvoir d’achat et d’une consommation plus soutenue. Ce
contexte est particulièrement favorable à l’investissement et la situation des économies occidentales
s’améliorant, les perspectives d’avenir des startups sont meilleures et justifient donc une hausse des
valorisations.
La qualité de cet environnement économique est en outre indéniable au regard de la
croissance générale de la valeur des actifs :
- Si l’on observe l’évolution du S&P 500 depuis 2008 (annexe 38), nous remarquons que cet
indice a quasiment triplé depuis 2008 ;
- Pour le MSCI Euro (annexe 39), la croissance est moins nette mais nous notons tout de
même une croissance marquée à partir de 2012 ;
- Enfin, en ce qui concerne l’immobilier (annexe 40), nous constatons là aussi un
accroissement des prix généralisé dans le monde, certes bien moins important que celui des
actions, mais qui démontre tout de même un trend de croissance.
En conclusion de cette deuxième partie, il nous parait clair que la situation n’est pas si
simple. En effet, nous venons de voir que l’augmentation des valorisations trouvait une justification
dans l’amélioration des fondamentaux des startups mais aussi dans l’amélioration de leur
environnement, avec de nombreuses initiatives visant à favorisant le développement de l’
« écosystème startups ». Cependant, nous pensons que la forte hausse des valorisations observée
en préambule n’est pas entièrement justifiée par ces éléments et qu’une partie de l’augmentation
s’explique bien par des phénomènes de survalorisation.
42 Statistiques Mondiales, Taux de chomage dans l’Union Européenne 43 La Banque Mondiale, Croissance du PIB et Juin 2015, Croissance : le FMI pessimiste pour les USA, Le Figaro 44 Eurostat, Taux de croissance du PIB réel et Prévision économique de l’UE, Commissions Européenne –
Affaires Economiques et Financière 45 OCDE Données – Indicateurs avancés, Confiance des consommateurs
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Marine Antona et Ugo Madern
Troisième partie : une survalorisation qui ne doit pas
être considérée comme une bulle
Nous avons vu dans les deux parties précédentes que l’accroissement des valorisations était
pour partie due à l’amélioration des fondamentaux et de l’environnement des startups et pour partie
non justifiée, comme que nous l’avons décrit en première partie. Il est difficile de quantifier la part
de chaque composante mais nous avons tendance à penser que ces constations ne nous permettent
pas d’anticiper une bulle qui serait vouée à éclater avec une chute radicale des prix. C’est pourquoi
dans une première partie nous allons tenter d’identifier les éléments qui selon nous confirment que
les valorisations ne connaitront pas une chute drastique, signe d’un éclatement de bulle et donc de
l’existence d’une bulle. En revanche, nous sommes d’accord avec la plupart des professionnels et
commentateurs pour envisager une correction des prix à la baisse. C’est pourquoi dans une
deuxième partie nous procèderons à une analyse du mécanisme à l’origine du dégonflement des
prix.
I. Les raisons laissant penser que les valorisations ne chuteront pas
drastiquement
Dans cette partie nous allons montrer que la chute des valorisations n’est pas réellement
envisageable et ce pour plusieurs raisons.
a) La forte illiquidité du Venture Capital devrait empêcher un éclatement de bulle à
proprement parler
Dans le passé, l’éclatement d’une bulle a toujours été provoqué par un évènement ponctuel.
Si l’on analyse la crise financière de 2008, nous avons effectivement observé que c’est la chute de
Lehmann Brothers qui a en a été l’élément déclencheur le 15 septembre 2008. Cela a par la suite
entraîné une paralysie totale du système. De même, pour la bulle dot.com, nous pouvons citer trois
principaux éléments à l’origine de l’éclatement de la bulle en mars 2000 : la rumeur indiquant que
Microsoft (entreprise présentant la plus forte valorisation à l’époque) pouvait être considérée
comme un monopole, l’article du journal Barron’s révélant que 207 sociétés internet souffraient d’un
manque important de liquidité et enfin l’augmentation des taux d’intérêt par la Fed.
Il semble que les phénomènes d’éclatement et de panique soient impossibles dans le VC.
Dans les deux précédentes crises, les bulles étaient présentes sur les marchés financiers qui ont
pour particularité d’être fortement liquides et qui réagissent donc immédiatement à un évènement.
Les prix dégringolent en l’espace de quelques jours/mois sur un ensemble très large d’actifs. A
l’inverse, dans le VC, les entreprises ne sont valorisées qu’à des moments précis, lors des différents
tours de table. Ainsi, la valeur de l’entreprise ne fluctue pas par des effets d’achats/vente puisqu’il
se passe parfois plusieurs années entre deux tours de table. Ainsi, même si les investisseurs
commençaient à considérer les valorisations des entreprises comme aberrantes, ils mettraient plus
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Marine Antona et Ugo Madern
de temps pour en être alertés et la panique ne pourrait pas réellement exister comme sur un marché
boursier.
b) Des corporates qui devraient rester très actifs
L’intérêt du Corporate Venture Capital ne devrait à priori pas décliner mais au contraire
continuer de croître. Le CVC a d’ores et déjà connu des phases d’expansion et des phases d’arrêt.
Mais aujourd’hui les raisons de son existence ont changé, le rendant bien plus résilient.
Les deux premiers cycles de CVC (milieux des années 1960 à 1973 et fin des années 1970
à 1985) ont existé uniquement pour des raisons financières. En effet, le premier cycle s’explique
par la volonté des corporates de bénéficier de la forte croissance du marché boursier américain et de
diversifier les risques. Ce cycle a pris fin avec la chute du marché des IPO en 1973. Le deuxième
cycle a principalement existé pour concurrencer l’arrivée de nouveaux fonds de Venture Capital
qui bénéficiaient des avantages accordés aux investisseurs quant aux gains en capital et à
l’assouplissement des restrictions sur les fonds d’investissement. Ainsi, de nombreux investisseurs
se désintéressaient des corporates et ils se devaient donc d’assurer de meilleurs rendements à leurs
actionnaires.
C’est à partir du troisième cycle que le CVC a pris en compte la valeur stratégique des
startups dans son rationnel d’investissement. Même si la première raison de leur retour, dans le
milieu des années 1990, était de profiter de la croissance des valeurs de l’internet, de plus en plus
de CVC cherchaient à intégrer les innovations de rupture. D’ailleurs, la fin de ce cycle avec
l’explosion de la bulle dot.com n’a pas totalement mis un terme au CVC, à l’inverse des précédents
cycles.
Il est donc considéré que le cycle actuel du CVC, dont l’intérêt est presque uniquement
stratégique, a trouvé une certaine maturité avec une tendance au maintien, voire à un renforcement.
c) Un marché monétaire dont les conditions ne changeront pas du jour au lendemain
Nous l’avons vu, la chute des taux d’intérêt a poussé de nombreux investisseurs à orienter
leurs investissements vers des classes d’actifs plus risquées pour s’assurer un certain niveau de
rendement. Ainsi, une remontée des taux pourrait laisser présager un départ de ces investisseurs et
donc une diminution importante de la demande. Cependant, il semblerait qu’il n’y ait pour l’instant
pas de crainte à avoir à ce sujet.
Du côté des US, les plans de QE ont pris fin, mais J. Yellen a affirmé que le taux directeur
devrait rester proche de 0 encore pendant « une période de temps considérable »46. En particulier,
il est estimé que si la volatilité des marchés actions demeure, les taux devraient rester au même
niveau. Il est ensuite envisageable, dans le cas d’une amélioration des conditions, que le taux
remonte légèrement à 0,75%. Cependant la FED devrait rester très attentive aux conséquences de
l’augmentation pour ne pas trop perturber les marchés et la relance économique.
Du côté de l’Europe, il n’est pour l’instant pas attendu une remontée des taux au cours des
deux prochaines années et le taux directeur devrait rester stable à 0,05%. En effet, l’amélioration
franche de la situation économique de l’Europe ne devrait pas être au rendez-vous avant quelque
temps, tout comme le retour à un niveau d’inflation cible de 2%.
46 Conférence de presse de Janet Yellen, présidente de la Fed, Mercredi 17 Septembre
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Marine Antona et Ugo Madern
d) Des startups ayant un impact social et économique favorable
Il est aujourd’hui largement reconnu que les startups ont un impact social et économique
fort.
Tout d’abord, une étude réalisée par Kauffman47 a mis en évidence que les startups étaient
à l’origine de toute la création de nouveaux emplois entre 1977 et 2005. C’est en effet ce que montre
l’annexe 41 où, sur la période, les entreprises existantes ont détruit plus d’emplois qu’elles en ont
créé alors que les startups ont permis de faire augmenter ce nombre. Une étude de Mckinsey
confirme ce point puisque selon eux, internet permet 2,6 créations d’emplois pour une perte48. Or,
dans une période où le chômage atteint des points critiques et est devenu une problématique
essentielle pour les économies occidentales, il est naturel de penser que les pouvoirs publics
devraient continuer à favoriser le développement des startups.
L’apparition d’investisseurs non professionnels dans ce milieu permet par ailleurs le
développement de projets ayant un impact social ou écologique positif. En effet, contrairement
aux professionnels de l’investissement dont l’unique but est de réaliser une performance financière
positive, une grande partie des investisseurs particuliers intègrent une importante dimension sociale
dans leur investissement. Ils favorisent donc des projets ayant pour finalité d’avoir un impact positif
pour l’humanité. Cela peut se traduire par des projets de cleantech (diminuer la pollution dans le
monde), de biotech (améliorer la vie de personnes malades), des projets à but sociaux (comme la
plateforme de microcrédit participatif et philanthropique Babyloan), etc.
Enfin, l’argent investi dans les startups circule et permet le développement des économies.
En effet, contrairement à l’argent épargné ou placé dans des grandes entreprises, l’argent investi
dans les startups est directement réutilisé et injecté dans l’économie locale. En effet, les startups
n’ayant pas pour but immédiat de distribuer des dividendes et/ou de se constituer une réserve de
trésorerie conséquente, l’argent perçu par l’investissement est dépensé dans des salaires, dans de la
location de bureaux, dans des dépenses variées, dans la production d’immobilisations, etc.
Autrement dit, l’argent circule, ce qui est sans conteste positif pour les économies, contrairement
au phénomène de thésaurisation auquel nombre d’économies développées font face.
Cet impact positif nous permet aisément d’envisager que les pouvoir publics continueront
de soutenir la création de startups et en particulier leur accès à des sources de financement
(directement par apport d’argent public ou plus indirectement par des incitations fiscales par
exemple). Aussi, même si le marché du VC perd pendant un temps de son attractivité financière
nous pouvons considérer qu’une partie du grand public continuera d’investir dans les tours de
tables des startups afin de combler leur volonté de participer à l’amélioration du monde de demain.
47 Y. Kane, Juin 2010, The Importance of Startups in Job Creation and Job Destruction, Kauffman Foundation
Research Series : Firm Foundation and Economic Growth 48 McKinsey Global Institute, Mai 2011, Internet Matters : The Net’s sweeping impact on growth, jobs, and
prosperity
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e) Des innovations de rupture encore à venir !
Pour terminer cette première sous-partie il convient de remarquer que l’industrie du
Venture Capital ne devrait pas s’essouffler car les opportunités d’investissement seront encore
nombreuses. En effet, selon les professionnels, de nombreuses technologies et innovations
devraient émerger et s’intensifier. Nous avons en particulier identifié cinq pistes principales
dressées ci-après :
- L’intelligence artificielle, permettant d’appréhender les besoins des consommateurs avant
même que ces derniers ne les aient exprimés. A titre d’exemple, Amazon a affirmé être en
train de développer un logiciel permettant l’enclenchement du processus de livraison d’un
produit avant même que le consommateur n’ait fait l’achat sur le site. Dans la même idée,
Uber souhaiterait anticiper les besoins de déplacement des usagers. Cette intelligence
artificielle serait d’ailleurs en lien avec le développement des données personnelles qui
permettent aux plateformes internet de définir des profils complets.
- La Fintech devrait encore largement progresser. En effet, le monopole bancaire est
largement remis en cause depuis la crise financière, et de nombreux startupeurs essaient de
trouver des solutions plus efficientes pour les clients que celles proposées par les banques.
- Le déplacement des personnes représentera lui aussi une forte source d’innovation, du fait
de son manque d’optimisation à l’heure actuelle. Aux US, les voitures sont utilisées en
moyenne 4% du temps, ce qui représente une immobilisation de capital inutile, d’autant
plus qu’elles sont source de pollution et d’un grand nombre d’accidents mortels. Des
initiatives comme BlaBlaCar, l’Hyperloop sont les précurseurs d’une nouvelle tendance
mais beaucoup de choses restent à faire.
- La robotique sera demain partie intégrante de la vie courante avec les robots humanoïdes.
Ils représenteront une aide dans chaque tâche quotidienne.
- La réalité virtuelle sera amenée à prendre de plus en plus de place dans nos vies et habitudes
de consommation, à l’instar du smartphone.
Pour conclure, nous pouvons affirmer que la survalorisation que nous avons détectée dans
les parties précédentes va très certainement être corrigée mais cette correction ne s’apparentera pas
à une chute des prix. Le niveau de l’investissement et l’ensemble des constats découlant de cette
partie nous laissent en effet penser que l’attrait des investisseurs pour les startups devrait encore
perdurer. Or, sans chute des prix, nous ne pouvons pas réellement parler de bulle. Cependant, il
est maintenant intéressant de se demander comment s’opérera la correction que nous envisageons.
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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II. Le mécanisme du dégonflement
Nous allons dans cette sous-partie tenter de dresser le schéma du déroulement de la
correction envisagée.
a) Un dégonflement commençant par le late stage et redescendant petit à petit la
chaîne.
Le dégonflement des valorisations devrait se produire de la même manière que le
gonflement est arrivé, c’est-à-dire par le late stage.
De nombreuses startups en late stage rencontrent une difficulté commune : fournir de la
liquidité à leurs investisseurs historiques. Or pour cela, elles doivent soit s’introduire en bourse, soit
faire partie d’une opération de M&A avec un corporate, soit réaliser de nouveaux tours de table (basés
en grande partie sur la cession de parts existantes). Le problème aujourd’hui est qu’une sortie par
IPO ou M&A est peu envisageable, d’une part car peu de corporates ont suffisamment de moyens
pour réaliser l’acquisition de ces entreprises aux valorisations impressionnantes, d’autre part car le
marché coté n’est actuellement pas survalorisé et ne permet pas une IPO dans de bonnes
conditions. Cependant, il arrivera un moment où ces startups n’auront d’autre choix que de
s’introduire en bourse et devront s’adapter aux conditions du marché. Les actionnaires devront
donc revoir leur prix à la baisse par rapport au précédent tour de table.
Ce phénomène devrait se produire sur quelques startups et ainsi alerter les investisseurs du
late stage. Dans ces conditions, les investisseurs institutionnels de type hedge fund, mutual fund etc. vont
réduire leur exposition su ce marché, lui retirant ainsi une importante source d’investissement. Un
plus faible montant à investir correspond à une demande en diminution qui devrait se traduire par
une correction des prix à la baisse.
Plusieurs tours avec des valorisations en baisse sur le late stage vont alerter les investisseurs
des tours de table en amont qui vont alors comprendre qu’il ne sera plus possible de sortir à un
prix très élevé. Ils n’accepteront donc plus les survalorisations actuelles et demanderont eux-aussi
une forte correction des conditions. De même, les médias devraient mettre en avant les pertes
réalisées ce qui alimentera l’inquiétude du grand public qui se retirera pour partie du VC, et
représentera là encore une source en moins (en particulier dans les tours de table les plus en amont
où le crowdfunding est très actif).
Au total, en quelques temps, les valorisations des startups devraient dégonfler en partant
du late stage pour arriver jusqu’à l’early-stage.
b) Un retour à l’équilibre
Jusqu’à maintenant, le principal problème dans le Venture est qu’il y a trop de capital pour
un nombre de projets trop faible (« Too much capital chasing too few great ideas »). Cependant, cette
situation devrait se résorber petit à petit. Tout d’abord, nous l’avons dit précédemment, le montant
des investissements devrait diminuer et dans le même temps le nombre de startups devrait
continuer à augmenter. En effet, l’entrepreneuriat ne devrait pas ralentir puisque l’écosystème
s’améliore, et l’impact social des startups est si important que leur création devrait continuer à être
encouragée.
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Conclusion
Ce mémoire nous a permis de mettre en évidence une survalorisation des startups sur le
marché privé aux Etats-Unis comme en Europe. De nombreux éléments nous ont amenés à
envisager que cette survalorisation s’apparentait à une bulle. Le contexte actuel présente en effet
des caractéristiques similaires à celles observées lors des grandes crises financières ayant déjà frappé
nos économies, mais également des facteurs comparables à la bulle dot.com. Plus généralement,
une certaine irrationalité des investisseurs est constatée. Cependant, notre analyse a fait ressortir
une franche amélioration de nombreux fondamentaux des startups et de l’environnement, nous
forçant à nuancer l’idée de l’existence d’une bulle. Ceci, couplé avec les différents éléments relatifs
au futur du VC et des startups, nous a permis de mettre en évidence qu’il n’était selon nous pas
réellement possible de parler d’une bulle vouée à éclater, mais plutôt d’une valorisation trop élevée
qui devrait être corrigée dans le futur ; cette correction commençant dans le late stage pour
redescendre petit à petit la chaîne de financement privé.
Notre étude ne nous a malheureusement pas permis de fournir une démonstration
scientifique à notre résultat, cependant nous pensons avoir réussi à rassembler et croiser de
nombreuses sources d’information et de multiples opinions pour émettre une conclusion qui nous
semble être la plus pertinente au regard de la situation actuelle.
Nous pensons avoir réussi à apporter un éclairage sur ce sujet au cœur des préoccupations
de nombreux acteurs et des actualités. Nous estimons toutefois qu’il serait intéressant d’aller plus
loin en tentant d’anticiper quand aura lieu la correction envisagée, et en étudiant ce phénomène
dans les pays émergents où les startups prennent aujourd’hui de plus en plus de place.
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Marine Antona et Ugo Madern
Bibliographie Ouvrage :
- V. Mansharamani, Mai 2011, Boombustology : Spotting Financial Bubble Before They Burst, John
Wiley & Sons
Rapports :
- National Venture Capital Association, Yearbook 2015
- Compass, The Global Startup Ecosystem Raking 2015
- Commission Européenne - Bilan de l’Observatoire européen de l’emploi, Le travail
indépendant en Europe 2010
- Telefonica, The Accelerator and Incubator Ecosystem in Europe
- Y. Kane, Juin 2010, The Importance of Startups in Job Creation and Job Destruction, Kauffman
Foundation Research Series : Firm Foundation and Economic Growth
- Preqin, 2015 Preqin Global Private Equity & Venture Capital Report
- GP. Bullhound, European Unicorns: Do They Have Legs?
- McKinsey Global Institute, Mai 2011, Internet Matters : The Net’s sweeping impact on growth,
jobs, and prosperity
- WilmerHale, 2015 IPO Report
Bases de données :
- Quandl, USA Startups and Venture Capital
- Les Echos Data, Etats-Unis – Taux de chômage
- Statistiques Mondiales, Taux de chomage dans l’Union Européenne
- La Banque Mondiale, Croissance du PIB
- France-Inflation.com, Evolution Taux Directeurs BCE et FED depuis Janvier 1999
- Eurostat, Taux de croissance du PIB réel
- Preqin
- Nasdaq.com
- Yahoo Finance
- Thomsononeim
- Ecommerce Foundation
- OCDE Données – Indicateurs avancés, Confiance des consommateurs
- European Private Equity & Venture Capital Association, Yearbook 2015 – Tables
Article académique :
- J.-S. Lantz, J.-M. Sahut, F. Teulon, What is the Real Role of Corporate Venture Capital ?, Ipag
Business School Working Paper Series
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Marine Antona et Ugo Madern
Discours :
- George Soros, 26 avril 1994, Discours proclamé au MIT Department of Economic World –
Economy Laboratory Conference, Washington
- Janet Yellen, 17 septembre 2015, Conférence de presse de la Fed
Vidéo :
- B. Pierce, 2014 Venture Capital Trends Report – Are we in a bubble ?, EY
Interviews :
- Lubomir Mortchev, Co-fondateur associé de Sokrates Advisor, Société de conseil dédiée au
Private Equity et Venture Capital
- Philippe Charquet, Managing Partner à Generis Capital Partners, et Edouard Daudier de
Cassini, Analyste à Generis Capital Partners, Société de gestion en capital risque ayant un
département Venture Debt
- Joachim Dupont, Président d’Anaxago, et François Carbonne, Directeur Général
d’Anaxago, Plateforme de Crowdfunding en Equity française
- Maxime Mandin, Chargé d’Affaires chez Seventure, Fonds de Venture Capital de Natixis
- Antoine Baschiera, Co-fondateur d’Early Metrics, Agence de Notation de startups en
France
Articles de presse :
- Corporate Venturing’s Present Looks Different from its Past, BCG Perspectives
- H. Richardson, Mars 2015, Why You Shouldn’t Fear the NASDAQ and the Ghosts of Y2K Past
!, Market Realist
- Juin 2015, Croissance : le FMI pessimiste pour les USA, Le Figaro
- Prévision économique de l’UE, Commissions Européenne – Affaires Economiques et
Financière
- J. Wald, Novembre 2014, 5 Predictions for the Freelance Economy in 2015, Forbes
- J. Gay, Octobre 2015, Prix immobilier en France et dans le monde : le point en Octobre
2015, JournalDuNet
- A. Jacobius, Mai 2014, Institutional investors like venture capital again, Pensions & Investments
- T. Demos, S. Ovide, S. Pulliam, Juin 2015, Tech Startups Woo Investors With Unconventional
Financial Metrics – but Do Numbers Add Up?, The Wall Street Journal
- Février 2014, Les politiques monétaires dites « quantitative easing », Académie de limoges – BTS
banque
- A. Schrager, Septembre 2014, Behind the Venture Capital Boom : Public Pensions, Bloomberg
- 6 Whealthy Venture Capitalists, Investopedia
- Kathleen Chaykowski, Mai 2015, Five Top VCs Predict The Future, Forbes
- M. Bird, Septembre 2015, The number of ‘unicorn’ startups worth over $1 billion has grown by
3000% since 2009, Business Insider UK
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Marine Antona et Ugo Madern
- T. Tunguz, Août 2015, Why Startups Are Growing Faster Today Than Ever Before,
Tomtunguz.com
- M. Egan, Mars 2015, Mark Cuban : ‘Uber, Twitter, Facebook’ driving a new tech bubble, CNN
Money
- S. Lauer, Mars 2015, La “techno” fait de nouveau vibrer les marchés, Le Monde
- J. Dussueil, Mai 2015, Bientôt une nouvelle bulle Internet ? Les avis de trois entrepreneurs français,
FrenchWeb
- J. Dussueil, Mai 2015, Bientôt une nouvelle bulle Internet ? Les avis de trois investisseurs français,
FrenchWeb
- J.-C. Simon, Octobre 2015, Pourquoi la bulle technologique va bientôt exploser, Latribunne
- Octobre 2014, Valuation Multiples for Billion-Dollar Startups, CB Insights
- Juillet 2015, To fly, to fall, to fly again, The Economist
- A. Lee, Novembre 2013, Welcome To The Unicorn Club : Learning From Billion-Dollar Startups,
TechCrunch
- A. Lee, Juillet 2015, Welcome To The Unicorn Club, 2015 : Learning From Billion-Dollar
Startups, TechCrunch
- Septembre 2015, The Dropbox Valuation Is Irrational, CB Insight
- A. Cashman, Mai 2012, Why Startups are good for the economy, Deskmag
- E. Ries, Octobre 2011, Creating the Lean Startup, Inc.com
- Mars 2015, The Rise of Hedge Funds and Mutual Funds in Tech Startup Investing in
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Annexes
Annexe 1 : Evolution du nombre de recherches liées au terme « Tech Bubble » sur
Google depuis 2012
Source : Google Trend
Annexe 2 : Evolution des valorisations aux Etats-Unis pour les séries A
Source : Quandl
02468
101214161820
M$ Series A Valuation
Series A Valuation
Linéaire (Series A Valuation)
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Annexe 3 : Evolution des valorisations aux Etats-Unis pour les séries B
Source : Quandl
Annexe 4 : Evolution des valorisations aux Etats-Unis pour les séries C
Source : Quandl
0
10
20
30
40
50
60
70
M$ Series B Valuation
Series B Valuation
Linéaire (Series B Valuation)
0
20
40
60
80
100
120
140
M$ Series C Valuation
Series C Valuation
Linéaire (Series C Valuation)
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Annexe 5 : Evolution des valorisations aux Etats-Unis pour les séries D et supérieures
Source : Quandl
Annexe 6 : TRI des fonds spécialisés sur le marché européen
Source : Preqin
0
50
100
150
200
250
300
350
M$ Series D or Higher Valuation
Series D or Higher Valuation
Linéaire (Series D or Higher Valuation)
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Annexe 7 : Taille moyenne des opérations en Europe
Source : Preqin
Annexe 8 : Evolution du Nasdaq entre 1990 et 2015
Source : Yahoo Finance
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
Nasdaq Composite (1990-2015)
Cours de clôture
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Annexe 9 : Evolution du Stoxx Europe 600 Technology
Source : Stoxx.com
Annexe 10 : Plus importante performance des titres le jour de leur IPO sur la période
1999/2000
IPO - 1999/2000
IPO Date Offer price Day 1 close 1st Day Pop
VA Linux 1999 30 239,25 698%
Theglobe.com 1998 9 63,5 606%
Foundry Networks 1999 25 156,25 525%
Webmethods 2000 35 212,625 508%
Freemarkets Inc. 1999 48 280 483%
Akamai Technology 1999 26 145,19 458%
CacheFlow 1999 24 126,375 427%
Sycamore Networks 1999 38 184,75 386%
Moyenne 511%
Source : Nasdaq, Yahoo Finance et quelques articles du Wall Street Journal
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Annexe 11 : Plus importante performance des titres le jour de leur IPO sur le période
2014/2015
IPO - 2014/2015
IPO
Date
Offer
price Day 1 close 1st Day Pop
Code Rebel 2015 5 15,85 217%
Seres Therapeutics 2015 18 51,4 186%
Aduro Biotech 2015 17 42 147%
Second Sight Medical Product 2014 9 23,6 162%
Etsy Inc. 2015 16 30 88%
Box Inc. 2015 14 23,23 66%
Hortonworks 2014 16 26,38 65%
Moyenne 133%
Source : Nasdaq, Yahoo Finance
Annexe 12 : Temps médian avant une IPO et montant médian levé avant une IPO aux
Etats-Unis :
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Annexe 13 : Evolution du Nasdaq Composite sur la période 1995-2000
Source : Yahoo Finance
Annexe 14 : Evolution du Nasdaq Composite sur la période 2010-2015
Source : Yahoo Finance
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Marine Antona et Ugo Madern
Annexe 15 : Evolution du S&P 500 entre 1995 et 2015
Source : Yahoo Finance
Annexe 16 : Evolution des PER des 10 plus grosses capitalisations (hors extrêmes) entre
2000 et 2015 :
PER des 10 plus grosses capitalisations (hors extremes) - 2000
Intel 43
Chartered 53
Microsoft 57
Dell 57
Sun microsystems 85
Oracle 103
Qualcomm 123
Cisco 127
Moyenne 81
PER des 10 plus grosses capitalisations (hors extremes) - 2015
Cisco 13
Intel 14
Apple 15
Microsoft 16
ComCast 17
AMGEN 17
Google 19
Fcebook 39
Moyenne 18,75
Source : Marketrealist.com
0
500
1000
1500
2000
2500
S&P 500 (1995-2015)
Cours de clôture
Mémoire Master 225 – Y a-t-il une bulle dans la valorisation des startups ? Année 2014-2015
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Annexe 17 : Performance à long terme des titres sélectionnés sur la période 2014/2015 :
IPO - 2014/2015
IPO
Date
Offer
price
08/10/15
Close
Long term
return
Code Rebel 2015 5 7,69 54%
Seres Therapeutics 2015 18 29,22 62%
Aduro Biotech 2015 17 21,74 28%
Second Sight Medical
Product 2014 9 6,25 -31%
Etsy Inc. 2015 16 13,57 -15%
Box Inc. 2015 14 12,00 -14%
Hortonworks 2014 16 21,72 36%
Moyenne 17%
Source : Nasdaq, Yahoo Finance
Annexe 18 : Evolution du montant des investissements pour les startups en création
Source : National Venture Capital Association, Yearbook 2015
0
100
200
300
400
500
600
700
800
M$ Seed Investment
Seed Investment
Linéaire (Seed Investment)
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Annexe 19 : Evolution du montant des investissements pour les startups en early-stage
Source : National Venture Capital Association, Yearbook 2015
Annexe 20 : Evolution du montant des investissements pour les startups en expansion
Source : National Venture Capital Association, Yearbook 2015
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
M$ Early-Stage Investment
Early-Stage Investment
Linéaire (Early-Stage Investment)
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
M$ Expansion Investment
Expansion Investment
Linéaire (Expansion Investment)
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Annexe 21 : Evolution du montant des investissements pour les startups en phase final
Source : National Venture Capital Association, Yearbook 2015
Annexe 22 : Evolution des taux directeurs de la Fed et de la BCE entre 1999 et 2015
Source : France-Inflation.com, Evolution Taux Directeurs BCE et FED depuis Janvier 1999
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
M$ Later Stage Investment
Later Stage Investment
Linéaire (Later Stage Investment)
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Annexe 23 : Investissements dans le VC de cinq des mutual funds les plus actifs aux US
depuis 2011
Annexe 24 : Investissements dans le VC de cinq des hedge funds les plus actifs aux US
depuis 2011
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Annexe 25 : Evolution des montants investis en Europe par les fonds souverains, les fonds
de pension et les gouvernements entre 2007 et 2014
Source : European Private Equity & Venture Capital Association, Yearbook 2015 - Tables
Annexe 26 : Importance du Corporate Venture Capital dans le Venture Capital depuis 2009 :
Source : National Venture Capital Association, Yearbook 2015
0
200 000
400 000
600 000
800 000
1 000 000
1 200 000
1 400 000
1 600 000
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
k€
Montants investis en Europe par les fonds de pension, les fonds souverains et les
gouvernements
Sovereign wealth funds
Pension funds
Government agencies
7% 8% 7% 8% 10% 11%13% 13% 15% 16% 17% 18%
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
4500
5000
0
10000
20000
30000
40000
50000
60000
2009 2010 2011 2012 2013 2014
Importance du CVC dans le VC américian (2009 - 2014)
Total VC investment
Total CVC investment
Number of all Venture Capital deals
Number of Corporate Venture Capital deals
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Annexe 27 : Montants investis par opération aux Etats-Unis entre 1990 et 2014
Source : National Venture Capital Association, Yearbook 2015
Annexe 28 : Montants investis dans le Venture Loan depuis 2007
Source : Preqin
0
5
10
15
20
25
M$
Montant investis par opération aux Etats-Unis (1990-2014)
Seed
Early Stage
Expansion
Later Stage
0
1
2
3
4
5
6
7
8
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 YTD
Md$
Montants investis en Venture Debt depuis 2007
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Annexe 29 : Montant moyen investi par opération dans le Venture Debt depuis 2007
Source : Preqin
Annexe 30 : Cartographie des licornes :
Source : TechCrunch
12,3 11,8
7
12,2 11,6
5,99,6 9,6
40,5
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015YTD
Average Venture Debt deal sizes since 2007
Amounts in $M
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Annexe 31 : Temps mis par les licornes pour atteindre la valorisation de 1 Md$
Source : Tomtunguz.com
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Annexe 32 : Multiples Valorisation/Chiffres d’Affaires des licornes au cours du temps
Source : CB Insight et Presse
45,0x
320,0x
[36,4x - 54,6x]
5,0x
10,0x
2,5x
2,5x
10,0x
9,2x
2,8x
7,0x
10,0x
[79,8x - 136x]
19,4x
25,8x
10,0x
30,0x38,8x
41,0x
[11,0x - 22x]
10,0x
[20,0x - 50,0x]
20,0x
5,0x
43,8x
6,9x
25,7x
18,7x
[8,7x - 10,4x]
1,9x
11,8x
[3,1x - 4,4x]
26,1x
16,1x
1,9x
0x 50x 100x 150x 200x 250x 300x 350x
Airbnb
Snapchat
Square
Credit Karma
Qualitrics
Delivery Hero
JustFab
Nutanix
AppNexus
Kabam
Flipkart
AppDynamics
Box
Uber
Automattic
New Relic
Pure Storage
Lending Club
Cloudera
Hortonworks
ActiFio
Eventbrite
Dropbox
Jawbone
Stripe
Good Technology
Palantir technologies
Spotify
Xiaomi
Fab.com
Evernote
Bloom Energy
Fanatics
VANCL
Gilt Groupe Multiple Valorisation/Chiffre d'Affaires des licornes au cours du temps
07/2011
06/2015
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Annexe 33 : Multiples Valorisations/Chiffres d’Affaires des licornes cotées au 30 juin 2015
Source : Thomsononeim
Annexe 34 : Les différentes étapes d’une bulle
Données au 30/06/2015 VE / CA
Twitter 12,6x
Workday115,2x
Palo Alto Networks 16,7x
Fitbit 5,9x
Lending Club 11,7x
Zillow 9,8x
Veeva18,7x
Groupon 0,7x
Homeaway 5,1x
Zynga 2,1x
Nimble Storage17,1x
Box 6,9x
Etsy 5,6x
Zendesk 10,2x
HubSpot 10,7x
Zulily 1,1x
New Relic 11,7x
LifeLock 2,3x
Marketo 6,1x
Moyenne 7,9x
1 Données au 31/07/2015
Source : Thomsononeim
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Annexe 35 : Montants investis aux Etats-Unis dans le VC depuis 1990
Source : National Venture Capital Association, Yearbook 2015
Annexe 36 : Evolution du nombre d’incubateurs et d’accélérateurs depuis 2001 en Europe
Source : Telefonica, The Accelerator and Incubator Ecosystem in Europe
0
10000
20000
30000
40000
50000
60000
70000
M$
Montants investis aux Etats-Unis (1990-2014)
Seed
Early Stage
Expansion
Later Stage
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Annexe 37 : Evolution du nombre d’incubateurs et d’accélérateurs depuis 1960 dans le
monde
Source : Crowdsynergy.com
Annexe 38 : Evolution du S&P depuis 1996
Source : Yahoo Finance
0
500
1000
1500
2000
2500
S&P 500 (1995-2015)
Cours de clôture
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Annexe 39 : Evolution du MSCI Euro depuis 1996
Source : Yahoo Finance
Annexe 40 : Evolution du prix de l’immobilier depuis 2009
Source : Journaldunet.com
0
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
1 600
1 800
MSCI Euro (Large+Mid Cap)
Cours de clôture
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Annexe 41 : Création et destruction d’emplois pour les startups et entreprises
traditionnelles depuis 1977
Source : Kauffman Foundation Research Series : The Importance of Startups in Job Creation and Job
Destruction.