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  • Thierry De Montbrial

    Rflexions sur la thorie des relations internationalesIn: Politique trangre N3 - 1999 - 64e anne pp. 467-490.

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    De Montbrial Thierry. Rflexions sur la thorie des relations internationales. In: Politique trangre N3 - 1999 - 64e anne pp.467-490.

    doi : 10.3406/polit.1999.4876

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1999_num_64_3_4876

  • AbstractReflections on the Theory of International Relations, by Thierry de MontbrialThe field of international relations is concerned mainly with public policies (in all their aspects) and theircoordination on a global scale. The author starts out from a narrow dfinition of international relations like those of R. Aron and K. Waltz and successively expands it to accommodate reality moreaccurately. He feels that this approach, which is "realist" in origin, is preferable to one that results fromtoo broad a definition of the discipline. But he adopts this remark by S.M. Walt: "Realism does notexplain every-thing and an enlightened leader would be well advised to keep in mind the existence ofother paradigms". The analysis of the international System is broadly based on the very general notionof security, which is akin to that of public good and the concept of identity, which broadly gives rise tothat of national interest. The author shows how the problem of the security of an individual political entitymeshes with that of the stability of the international System as a whole. He also shows how objectivesand strategies may often be connected with a perception of the necessity of acting in the face ofpossible crises. The second part is devoted mainly to an examination of epistemological issues. In theauthor's view, a theory worthy of the name must have a certain predictive power and be verifiable bothby reasoning and by experimental critique. It can only ever be partial. Ideological intellectual constructsare all too often called "theory", although they may in some cases have the merit of inspiring morelimited and more operational theories, and of providing material for the philosophy of history.

    RsumPlus encore que les autres sciences sociales, les relations internationales sont caractrises par undcalage assez net entre le monde de la thorie et celui de l'action. Partant de ce constat, Thierry deMontbrial fait le point sur l'tat actuel de la rflexion thorique sur les relations internationales qui, sousl'impulsion des vnements de ces vingt dernires annes, s'est fortement dveloppe. Loin de lui,cependant, l'ide de se limiter un survol objectif des travaux de recherche raliss : l'auteur procde un examen critique susceptible d'animer le dbat.

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    | Rflexions sur Thierry de MONTBRiAL j la thorie des relations

    internationales

    Plus encore que les autres sciences sociales, les relations internationales sont caractrises par un dcalage assez net entre le monde de la thorie et celui de l'action. Partant de ce constat, Thierry de Montbrial fait le point sur l'tat actuel de la rflexion thorique sur les relations internationales qui, sous l'impulsion des vnements de ces vingt dernires annes, s'est fortement dveloppe. Loin de lui, cependant, l'ide de se limiter un survol objectif des travaux de recherche raliss : l'auteur procde un examen critique susceptible d'animer le dbat.

    Politique trangre

    Le champ des relations internationales

    Les turbulences des vingt dernires annes ont naturellement suscit de nombreux dveloppements thoriques dans le domaine des relations internationales1. D'excellents articles ou livres permettent d'en prendre une vue d'ensemble2. Aussi la prsente contribution ne vise- t-elle pas augmenter la liste des surveys, mais proposer quelques rflexions - sans aucune prtention l'exhaustivit - sur le sujet. Ces rflexions tournent autour de l'ide que le champ des relations internationales est essentiellement relatif aux choix publics (dans tous leurs aspects) et leur coordination l'chelle mondiale. Dans son tat actuel, la thorie des relations internationales soulve des problmes pistmologiques srieux, en particulier au niveau de la confrontation avec le rel. Force est de constater, d'ailleurs, que le monde des thoriciens et celui des observateurs ou analystes du systme international

    Thierry de Montbrial est membre de l'Acadmie des sciences morales et politiques, et directeur de l'If ri. 1 . En employant le mot turbulence , je fais allusion J.N. Rosenau, Turbulence in World Politics. A Theory of Change and Continuity, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1990. 2. Voir en langue franaise J.-J. Roche, Thories des relations internationales, Montchrestien, Paris, 2e dition 1997 ; M.-C. Smouts (dir.), Les nouvelles relations internationales. Pratiques et thories, Presses de Sciences Po, Paris, 1998. Je renvoie par ailleurs S. M. Walt, International Relations: One World, Many Theories, Foreign Policy, n 110, printemps 1998, p. 29-46. On pourra galement consulter l'excellent Dictionary of International Relations publi par Penguin sous la direction de G. Evans et J. Newnham, 1999.

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    concret (conseillers des dcideurs, commentateurs ou leaders d'opinion) sont largement disjoints. Pareille dichotomie est moins frquente dans les sciences de la nature, et mme dans d'autres sciences sociales comme l'conomie.

    Questions de dfinition

    II convient tout d'abord de circonscrire le domaine. Raymond Aron donnait cette dfinition : J'appelle systme international l'ensemble constitu par des units politiques qui entretiennent les unes avec les autres des relations rgulires et qui sont susceptibles d'tre impliques dans une guerre gnrale 3. Du point de vue des relations internationales, les units en question - principalement les tats dans la conception de Raymond Aron - sont des socits humaines plus ou moins cohrentes et donc stables, dotes d'une organisation politique autonome capable de prendre des dcisions et de les excuter, pour tout ce qui engage la socit en tant que telle vis--vis du reste du monde . On observe que la notion d'enjeux par rapport l'extrieur et engageant une socit dans son ensemble est essentiellement relative la dialectique des regards que cette socit et les autres portent sur elle, et par consquent son identit. Ces regards s'ajustent travers le temps parfois douloureusement - en fonction de l'exprience accumule et de l'volution objective et subjective - du contexte. Telle est en l'occurrence l'intuition fondamentale des constructivistes qui considrent les intrts et les identits des tats comme le produit hautement mallable de processus historiques spcifiques 4. Le degr d'extension de la notion de souverainet des tats repose sur une autre relation dialectique, entre d'une part ces regards et d'autre part la capacit des gouvernements et de leurs institutions s'adapter pour prendre des dcisions pertinentes et les excuter (efficacit, effectivit). Cette capacit dpend la fois du contexte, en constante volution, et des modalits de slection des dirigeants, dont elle affecte en retour la lgitimit. Tout cela peut donner lieu bien des discordances temporelles plus ou moins importantes. La crise de l'Etat , d'o l'on tire la limite l'ide d'un

    3. R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lvy, Paris, 1re dition 1962, ch. IV. 4. S.M. Walt, article cit (2), p. 40.

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    monde sans souverainet , pour reprendre le titre d'un livre de Bertrand Badie5, ne s'explique videmment pas par la disparition du problme des choix publics en tant que tel, ni de celui de la rgulation, mais par le dplacement des regards au sens prcdent et par la ncessit de redfinir le primtre de la chose publique et les processus de dcision, de plus en plus soumis l'impratif de la coordination internationale, en raison principalement de la mutation rapide des technologies. Ajoutons enfin que, si la notion d'enjeux par rapport l'extrieur et engageant une socit dans sa totalit n'avait plus de sens, on pourrait a contrario en dduire que l'humanit dans son ensemble formerait une seule socit statistiquement homogne, plus ou moins anarchique ou au contraire dote d'un gouvernement mondial .

    La pense de Raymond Aron s'inscrit dans la tradition raliste, selon laquelle les relations internationales sont caractrises par l'tat de nature, o la violence est l'expression normale et mme lgitime de l'antagonisme des souverainets. Dans cette vision hobbsienne, chaque unit revendique le droit de se faire justice elle-mme et d'tre seule matresse de la dcision de combattre ou de ne pas combattre 6. Ainsi, le droit de guerre (jus ad bellum, distinguer du droit de la guerre, jus in bello) fait-il partie intgrante des fonctions rgaliennes du Lviathan7 .

    Dans sa Theory of International Relations, Kenneth Waltz, considr comme le chef de file des noralistes , part d'une dfinition quasiment identique celle de Raymond Aron : Les tats sont les units dont les interactions forment la structure du systme international 8. Dans son chapitre introductif l'ouvrage collectif Les nouvelles relations internationales^ ', Marie-Claude Smouts crit : Pour les auteurs de ce livre, l'objet des relations internationales est le fonctionnement de la plante ou, pour tre plus prcis, la structuration de V espace mondial, par des rseaux d'interactions sociales .

    5. B. Badie, Un monde sans souverainet, Fayard, Paris, 1999. 6. R. Aron, op. cit. (3), introduction. 7. Voir par exemple J.-J. Roche, op. cit. (2), p. 23. 8. K.N. Waltz, Theory of International Politics, Addison Wesley, Reading, 1997, p. 95. 9. Voir M.-C. Smouts, op. cit. (2).

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    Si les dfinitions de Raymond Aron ou de Kenneth Waltz peuvent avoir l'inconvnient d'un stato-centrage excessif, celle de Marie- Claude Smouts comporte le risque d'tirer l'extrme le champ des relations internationales, au point de lui ter toute spcificit parmi les sciences sociales, et de banaliser les tats, ravals au rang d'acteurs parmi d'autres. Il me semble prfrable, parce que plus opratoire, de partir de dfinitions restrictives comme celles de Raymond Aron et de Kenneth Waltz, quitte les interprter dans un sens aussi extensif que ncessaire, pour inclure les diffrentes facettes des choix publics et de leur coordination dans un monde en volution.

    Par exemple, nul ne saurait mettre en doute le fait qu' la fin du XXe sicle, les entreprises multinationales sont des acteurs importants l'chelle plantaire. Mais elles ne sont pas du mme ordre que les tats. Elles ont souvent une empreinte nationale (au moins culturelle). Elles oprent sur des territoires rattachs des tats avec leurs gouvernements, leurs lois, leur capacit - plus ou moins grande, certes - de les faire respecter. Les entreprises peuvent choisir la localisation de leurs activits au mieux de leurs intrts propres, et la concurrence qui en rsulte entre les tats, concurrence portant sur les structures conomiques et juridiques, peut s'analyser en tant que telle. Cela fait partie de la thmatique de la mondialisation . Il en va de mme pour les modes de coopration intertatiques, en matire fiscale par exemple. Bien que des organisations prives puissent prendre en charge une partie du bien public, les entreprises ne sont jamais des acteurs de mme niveau que les tats, pas plus que les organisations non gouvernementales (ONG). Quant aux organisations internationales, la plupart oprent entirement ou principalement dans le cadre de la coopration intertatique. En revanche, il est clair que l'Union europenne est typiquement une unit politique d'un genre nouveau et en devenir, que l'on doit de plus en plus prendre en compte en tant que telle, au mme niveau que les tats, dans l'analyse du systme international.

    L'accroissement de l'interdpendance travers la multiplication des relations, ou plus gnralement des influences directes entre des personnes, civiles ou morales, appartenant des tats diffrents, retient depuis longtemps l'attention des thoriciens de la transnationalisation . Parmi eux, les noms de Robert O. Keohane et de Joseph S. Nye, auteurs du concept d' interdpendance complexe , doivent tre dis-

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    tingus10. En tant que tel, ce phnomne ne bouleverse pas la thorie des relations internationales. Mais il oblige les tats s'adapter, aussi bien pour ce qui est du contenu de la souverainet sur leur territoire que pour l'apprentissage de nouvelles formes de coopration avec les autres tats. Les pionniers de l' cole du mondialisme , Inis L. Claude et John W. Burton, se fourvoyaient en mettant tous les macro-acteurs de la vie internationale sur le mme plan. Le concept, rnov la fin des annes 80 par Norbert Elias, d'une socit monde ( distinguer de celui, labor par Hedley Bull, d'une socit internationale base sur des Etats qui s'entendent sur un ensemble de rgles et d'institutions pour la conduite de leurs relations) ou d'une socit d'individus , o toute distinction entre politique internationale et politique interne serait abolie, est fondamentalement erron.

    Scurit et identit

    Pour Kenneth Waltz, la question majeure des relations internationales n'est pas ou n'est plus la qute d'un quilibre via la puissance, mais la recherche de la scurit. L'ide de scurit s'apparente fortement celle de bien public. Traditionnellement, elle se rfre la protection contre des agressions de type militaire (violence organise provoque par des Etats). Mais les units politiques doivent aussi apprendre se protger contre la violence organise au sein de rseaux internationaux connectant des acteurs appartenant des socits civiles diffrentes, dont les causes psychologiques et sociologiques peuvent tre trs diverses11. Dans une acception videmment extrme de la notion de violence, Pierre Bourdieu va jusqu' parler de la violence structurelle des marchs financiers 12.

    L'insuffisance du point de vue militaire est reconnue depuis longtemps travers, typiquement, la notion de scurit pour les approvisionnements stratgiques . Cette notion se rattache troitement la premire, puisqu'une modification brutale dans les circuits de certaines matires premires ou ressources nergtiques (ptrole) peut rapidement conduire la guerre. Progressivement, avec l'accroissement de

    10. R.O. Keohane et J.S. Nye, Transnational Relations and World Politics, Harvard University Press, Cambridge, 1972 ; Power and Interdependence: World Politics in Transition, Little Brown, Boston, 1977. 11 . Contribution de D. David, Violence internationale : une scnographie nouvelle , dans RAMSES 2000, Ifri/Dunod, Paris, 1999. 12. P. Bourdieu, Contre-feux, Liber-Raisons d'agir, Paris, 1998, p. 46.

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    l'interdpendance travers la mondialisation , puis les dcloisonnements rsultant de l'effondrement de l'Union sovitique, il a fallu tendre la notion de scurit pour y inclure de nouvelles dimensions telles que l'conomie au sens large (chocs macroconomiques, par exemple), l'environnement et l'cologie (effets externes locaux de type Tchernobyl, ou globaux de type effet de serre), ou encore la sant (trafics de drogue, sida, vache folle).

    Parmi les dfinitions contemporaines de la scurit souvent cites, on s'arrtera, cause de son extrme gnralit, sur celle d'Ole Waever (1993) : c'est la capacit d'une socit conserver son caractre spcifique malgr des conditions changeantes et des menaces relles ou virtuelles : plus prcisment, elle concerne la permanence des schmas traditionnels de langage, de culture, d'association, d'identit et de pratiques nationales ou religieuses, compte tenu de ncessaires volutions juges acceptahles 13. Le concept essentiel, dans cette dfinition, est celui d'identit, que l'on retrouve ainsi.

    Sur le plan phnomnologique, rien n'est plus difficile que de dfinir l'identit d'un objet complexe. Comment se fait-il, se demande David Ruelle14, qu'un artiste donn produise de manire rpte des uvres ayant le mme ensemhle de caractres probahilistes, ensemble qui caractrise cet artiste particulier ? Ou prenons un autre exemple : comment se fait-il que votre criture soit si unique, si difficile imiter pour d'autres, et dguiser pour vous ? Voici la rponse propose par le matre de la thorie du chaos : Si l'on impose une condition globale simple un systme compliqu, alors les configurations qui satisfont cette condition globale ont habituellement un ensemble de caractres probablistes qui caractrise ces configurations de manire unique . Ainsi le fait qu'une uvre soit due un certain artiste est [...] la "condition globale simple", et l'" ensemble des caractres proba- bilistes" de l'uvre est ce qui nous permet d'identifier l'artiste . De mme, la condition globale simple la base de l'identit de la France est la combinaison de l'Etat et de la langue15, ce qui explique

    13. O. Waever, Societal Security: The Concept , dans O. Waever et al., Identity, Migration and the New Security Agenda in Europe, Pinter, Londres, 1993, p. 17-40. 14. D. Ruelle, Hasard et chaos, Odile Jacob, Paris, 1991, p. 156-157. 1 5. Cette remarque ne prtend pas rsumer les trois volumes de F. Braudel, L'identit de la France, Arthaud- Flammarion, Paris, 1986.

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    pourquoi la crise de l'tat et le dclin du franais affectent si durement nos compatriotes. Aux tats-Unis, on dirait sans doute que la condition globale simple est la Constitution. Pour prendre un exemple d'une communaut qui ne concide pas avec un tat, et qui en l'occurrence est fort dsorganise vis--vis de l'extrieur, on reconnatra que c'est la langue qui conditionne l'identit de la nation arabe .

    Sur le plan ontologique, tout tat et, plus gnralement, toute unit politique comme chaque chose, selon sa puissance d'tre, s'efforce de persvrer dans son tre (Spinoza). Pour cela, il lui faut s'adapter. On peut dire que l'Union sovitique est morte de la conjonction de deux facteurs troitement lis : une puissance d'tre dclinante (en termes moins philosophiques, on pourrait parler de l'affaiblissement de son soft power, au sens de Joseph S. Nye16) et une incapacit chronique d'adaptation, consquence d'un vice de fabrication qu'avait fort bien analys George Kennan dans les annes 40 et qu'un grand thoricien comme Karl Deutsch n'avait pas nglig dans ses analyses17.

    Le besoin de scurit, au sens large, est certainement la racine de toute notion d' intrt national . Mais, face une situation concrte, il est souvent difficile et parfois impossible de dfinir celui-ci de faon univoque, mme dans une perspective long terme. L'ide que l'intrt national serait dfinissable de faon absolue, comme un objet qui existerait en soi parce qu'il dcoulerait du principe de survie identitaire, et que les instances dcisionnelles n'auraient qu' dcouvrir en chaque circonstance, est difficilement dfendable. Le retrait de la France de l'organisation militaire intgre de l'OTAN rpondait-il par exemple un impratif catgorique au nom de l'intrt suprieur de la nation franaise, comme l'affirmait le gnral de Gaulle ? Une autre politique aurait-elle pu servir aussi bien cet intrt ? Plus rcemment, la question de savoir quel tait l'intrt de la France face la situation cre par Slobodan Milosevic dans la province serbe du Kosovo n'tait nullement vidente. Et que dire, dans un tout autre genre, de la notion d' exception culturelle qui se rattache pourtant l'ide de scurit dans l'acception large du terme ?

    16. J.S. Nye, Bound to Lead. The Changing Nature of American Power, Basic Books, New York, 1990. 17. Voir par exemple Th. de Montbrial, Mmoire du temps prsent, Flammarion, Paris, 1996, ch. IV et M.-C. Smouts, op. cit. (2), p. 12.

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    cette indtermination fondamentale, on peut en rattacher une autre, ayant trait aux ambiguts de la notion de dfensive en stratgie, comme lorsque l'on dit que la meilleure dfense est souvent l'attaque. La question est particulirement dlicate, l'poque contemporaine, pour les tats dont la puissance d'tre est en devenir, comme l'Irak depuis son indpendance, et que l'on ne saurait se contenter de classer dans la catgorie fort peu scientifique des tats voyous (rogue states) de la littrature amricaine. Saddam Hussein a perdu son pari en 1990, mais tout analyste des relations internationales s'efforant d'tre objectif doit se distancier de son ethnocentrisme naturel pour essayer de comprendre les points de vue des autres, ce qui ne veut pas dire les prendre son compte. L'obligation intellectuelle de dcentrage est essentielle pour l'intelligence des problmes d'identit et de scurit. Bien que la comparaison ait t souvent tablie entre le dictateur de Bagdad et Slobodan Milosevic, il est clair que la politique de ce dernier au Kosovo fut d'une nature tout fait diffrente, puisque du point de vue de la Serbie (et pas seulement de son rgime) il s'agissait de prserver l'unit d'une vieille nation.

    Le fonctionnalisme et ses limites

    La rfrence ces deux exemples majeurs, aux extrmits des annes 90, montre bien que la scurit d'un acteur particulier est indissociable de la stabilit du systme international dans son ensemble, avec tout ce que cela risque d'impliquer de conservatisme. La question se pose particulirement, depuis 1989, propos de la dissociation effective ou possible de plusieurs tats (Union sovitique, Yougoslavie, Serbie, Irak...) et de ses consquences. Il s'agit d'une difficult fondamentale. On connat aussi depuis longtemps le dilemme selon lequel davantage de forces peut conduire moins de scurit ( travers le jeu des actions et ractions) ainsi que la fameuse formule d'Henry Kissinger propos de l'Union sovitique18 : La scurit absolue laquelle aspire une puissance se solde par l'inscurit absolue pour toutes les autres .

    Le courant idaliste ou fonctionnaliste des relations internationales, moins dans la tradition utopiste (abb de Saint-Pierre, Kant,

    18. Dans sa thse sur le Congrs de Vienne, publie en franais sous le titre Le chemin de la paix, Denol, Paris, 1972.

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    Habermas...) que dans la tradition contractualiste issue de Grotius (1583-1645) - considr comme le fondateur du droit international public -, s'efforce de concilier les ides de transformation (en vue, notamment, d'un monde plus juste) et de stabilit. Dans ce cadre s'inscrivent des tentatives plus anciennes, comme la dfinition de la guerre juste (saint Augustin, saint Thomas d'Aquin)19. la limite, les pres fondateurs de l'Europe, comme Robert Schuman et Jean Monnet, considraient qu'une vritable communaut europenne, se substituant au moins partiellement aux Etats-membres en les coiffant, pourrait s'difier progressivement. Sur le plan thorique, l'intuition fondamentale du no-fonctionnalisme est qu'il est possible, par une sorte d'engrenage institutionnel {spill-over effect), de provoquer le rapprochement, voire la fusion d'une partie des intrts nationaux, et donc un dpassement de la notion d'identit nationale, au profit d'une nouvelle forme d'unit politique. Le calcul des partisans de la monnaie unique correspond bien cette ide : le passage l'euro oblige les Etats-membres rapprocher leurs structures conomiques autant que ncessaire pour assurer le succs de l'entreprise, et envisager de franchir un pas supplmentaire en vue d'une politique trangre et de scurit commune.

    Mais le fonctionnalisme rencontre des limites et l'on ne saurait gommer compltement les rapports de puissance. Il suffit, par exemple, d'analyser la politique trangre amricaine sous le prsident Clinton pour s'en convaincre, et Stephen M. Walt n'a pas tort de remarquer la fin de son article20 : Bien que les dirigeants amricains excellent dans l'art d'envelopper leur action dans des discours difiants sur l'instauration d'un "ordre mondial", la plupart sont anims par des intrts au sens le plus troit. Ainsi la fin de la guerre froide n'a pas entran celle de la politique de puissance, et le ralisme demeurera vraisemblablement de loin l'outil le plus utile de notre arsenal intellectuel. (Stephen M. Walt ajoute aussitt, juste titre : Cependant le ralisme n 'explique pas tout et un dirigeant clair serait avis de garder en tte l'existence des autres paradigmes. ) La raison pour laquelle l'intervention militaire de l'OTAN au Kosovo, au printemps 1999, a

    19. R. Coste, Thologie de la paix, ditions du Cerf, Paris, 1997, p. 138-151. 20. S.M. Walt, article cit (2).

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    provoqu un rel malaise parmi les observateurs les plus objectifs, indpendamment des erreurs stratgiques qui ont t commises, est qu'elle a t conduite au nom d'un droit d'ingrence dont les tats- Unis rejettent pourtant le principe sur le plan juridique, et dans le cadre d'une lgitimit autoproclame par les pays de l'Alliance. Quelles que soient les exactions commises par le rgime serbe, il est difficile, pour le reste du monde, de ne pas voir dans cette guerre qui n'en tait pas une une manifestation de l'arrogance occidentale et un moyen, pour l'Amrique, d'affirmer encore davantage sa puissance.

    Revenons maintenant la contradiction entre la partie et le tout en matire de scurit. Pour la rsoudre, Barry Buzan a cherch temprer l'hypothse hobbsienne de l'anarchie des souverainets, postule dans la thorie raliste, en introduisant la distinction entre anarchie immature et anarchie mature 21. Dans la premire, les units sont tenues ensemble seulement par la force du leadership, chaque tat ne respectant pas d'autre lgitimit que la sienne et les relations entre les Etats prennent la forme d'une lutte permanente pour la domination . Dans l'tat d' anarchie mature , la souverainet des tats tient compte des demandes lgitimes des autres tats, ce qui ne peut avoir pleinement de sens qu'au sein d'un systme international homogne au sens de Raymond Aron22. C'est bien pour cela que, dans l'affaire du Kosovo, typiquement, les Occidentaux ont choisi d'ignorer le point de vue des autres puissances, coupables de ne pas tre des dmocraties conformes leurs principes, et trop faibles pour leur tenir tte. vrai dire, le mode de pense de Barry Buzan se rattache troitement l'ide de scurit collective elle-mme issue de la tradition idaliste et qu'en termes modernes on reformule parfois partir du concept de gouvernance globale 23 - et donc aux intuitions initiales des fonctionnalistes.

    La centralit de l'ide de scurit devient vidente quand on ralise que, souvent (mais pas toujours, car l'attrait de l'aventure est, autant que la prcaution, le mobile fondamental de l'action), les objectifs et les stratgies peuvent se rattacher, au moins conceptuellement, la

    21 . B. Buzan, People, States and Fear. An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Lynne Rienner Publisher, Boulder, Colorado, 2e dition, 1991. 22. R. Aron, op. cit. (3), chapitre IV, section 2. 23. Voir par exemple l'article Global Governance du dictionnaire Penguin cit (2).

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    perception de la ncessit d'agir face des crises possibles. Mme le projet de la construction europenne peut tre interprt de la sorte. Il rpond en effet l'ide, videmment discutable, que la meilleure faon pour les Etats europens de persvrer dans leur tre est de s'unir fonctionnellement et organiquement.

    Prvenir une crise, c'est d'abord en envisager la possibilit, puis laborer et excuter une stratgie, soit pour en interdire la concrtisation par la combinaison, d'une part, de moyens contraignants et dissuasifs et, d'autre part, de mesures d'adaptation anticipes ; soit pour en rduire ou en liminer les consquences si elle se produisait. Ragir un choc, c'est donc excuter (et adapter) une stratgie mise en place pralablement, ou en inventer une dans le cas contraire (une situation en gnral plus difficile et plus coteuse), en vue d'viter des ractions en chane non contrles.

    La prvision de crises possibles fait intervenir plusieurs niveaux d'incertitude. titre d'exemple, et en anticipant sur la suite propos de la thorie des systmes, on doit prter une attention particulire la forme extrme de hasard qui tient la possibilit de bifurcations dans le cadre d'un systme donn, d'o peut rsulter un changement du systme lui-mme (crise systmique). Les units politiques de base doivent s'organiser pour essayer de persvrer dans leur tre dans toutes les hypothses, y compris les plus charges d'incertitude, en cas de rupture des modes d'interaction auxquels on tait habitu.

    Un exemple illustrera les notions de bifurcation et de crise systmique. Le 7 octobre 1989, Berlin, Mikhal Gorbatchev avait le choix d'apporter ou de refuser son soutien Erich Honecker. Cette situation correspond prcisment la notion de bifurcation. En choisissant la deuxime branche de l'alternative, le matre du Kremlin a enclench - srement sans en tre conscient une dynamique qui a provoqu l'croulement de l'Union sovitique et donc finalement un changement du systme international dans son ensemble (crise systmique). Si Mikhal Gorbatchev avait choisi de soutenir Erich Honecker dans une action rpressive (la position de ceux pour qui il n'avait pas le choix est philosophiquement indfendable), le systme bipolaire aurait vraisemblablement survcu pour un temps indtermin, dans le cadre d'une relance de la guerre froide. Cet exemple montre comment une bifurcation peut se trouver l'origine d'un changement du systme international.

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    Thories et systmes

    Les considrations prcdentes nous rappellent, s'il en tait besoin, que toute tentative de dfinir avec prcision un domaine de connaissance implique une activit thorique et de ces aller-retour entre les ides et les faits dont Jean Guitton disait qu'ils sont la voie du progrs scientifique24.

    Thorie et prvision

    Le mot thorie vient du grec theria, qui signifie proprement : vision d'un spectacle, vue intellectuelle, spculation. Une thorie est une construction spculative de l'esprit, rattachant des consquences des principes (Andr Lalande). Dans un passage clbre de l'Introduction la mdecine exprimentale, Claude Bernard crit : La thorie est l'hypothse vrifie, aprs qu'elle a t soumise au contrle du raisonnement et de la critique exprimentale. Mais une thorie, pour rester bonne, doit toujours se modifier avec le progrs de la science et demeurer constamment soumise la vrification et la critique des faits nouveaux qui apparaissent. Si l'on considrait une thorie comme parfaite et si l'on cessait de la vrifier par l'exprience scientifique, elle deviendrait une doctrine . Ces dfinitions anciennes mettent l'accent sur trois points fondamentaux.

    D'abord, toute thorie digne de ce nom, du fait qu'elle rattache des consquences des principes, doit avoir un certain pouvoir prdictif, au moins en termes de degr de vraisemblance ou de probabilit. Dans le domaine des relations internationales, ce fut par exemple le cas de la thorie de la dissuasion labore dans le cadre de la guerre froide.

    Deuximement, toute thorie doit tre soumise la fois au contrle du raisonnement (aspect logique) et de la critique exprimentale (aller- retour entre les ides et les faits). Comme on l'a vu plus haut, l'histoire des relations internationales depuis la Seconde Guerre mondiale suggre ainsi amplement que la vision raliste pure d'un monde compltement anarchique et gouvern par la seule qute de la puissance doit tre fortement amende.

    24. Voir Th. de Montbrial, L'ingnieur et l'conomiste , dans Les grands systmes des sciences et de la technologie. Ouvrage en hommage Robert Dautray, Masson, Paris, 1994, p. 621-631.

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    Troisimement, aucune thorie n'est universelle : il n'y a pas de thorie de tout mme dans une discipline particulire comme les relations internationales, ne serait-ce que parce que l'on a affaire des phnomnes complexes. La complexit peut se dfinir comme l'impossibilit de sparer un systme de son environnement, ou de le dplier 25. Toute thorie a donc un domaine de validit, auquel on demande seulement de ne pas tre vide. Ce domaine n'est d'ailleurs pas dfini de manire absolue. Il dpend en particulier du degr d'approximation retenu. Par exemple, dans le systme bipolaire de la guerre froide, l'existence de conflits secondaires ou indirects tait parfaitement compatible avec le principe de la dissuasion. Dans les sciences de la nature, le systme labor par Ptolme au IIe sicle de notre re a t grandement amlior, quelque treize sicles plus tard, par Copernic, et finalement par la thorie de Newton. Celle-ci a t supplante depuis, vers l'infiniment petit par la mcanique quantique et vers l'infiniment grand par la relativit gnrale, tout en conservant l'chelle des activits humaines un immense espace de validit. En relations internationales, la vieille thorie de la balance of power, labore en 1742 par David Hume et perfectionne par divers auteurs comme Hans J. Morgenthau, conserve encore un pouvoir explicatif certain dans de nombreuses circonstances.

    Les considrations prcdentes conduisent deux remarques importantes. Tout d'abord, les spculations trop gnrales qui ne se prtent pas la critique exprimentale et ne possdent pas un minimum de pouvoir prdictif ne doivent pas tre considres comme des thories, autrement que par commodit de langage. Ce peut tre le cas des constructions intellectuelles souvent sduisantes, parfois conues comme des armes idologiques, en tout cas trop ambitieuses ou issues d'une dfinition trop large des relations internationales, telles que la vieille thorie de l'imprialisme voire du marxisme-lninisme, ou encore, depuis la fin de la guerre froide, les thories sur la fin de l'histoire (Francis Fukuyama) ou le choc des civilisations (Samuel Huntington). Ces thses peuvent cependant avoir l'intrt de stimuler l'imagination, d'inspirer ventuellement des thories plus limites et plus opratoires, et de nourrir la philosophie de l'histoire. On en trou-

    25. Th. de Montbrial, article cit (24).

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    vera quelques exemples supplmentaires dans l'ouvrage Les nouvelles relations internationales prcdemment cit26. Autrement dit, toute recherche thorique doit bien dlimiter son primtre.

    La deuxime remarque prolonge la premire. On ignore trop souvent, dans les sciences sociales en gnral, la notion de limite de validit d'une thorie. Ainsi est-il courant de reprocher Kenneth Waltz, et plus gnralement l'cole noraliste , d'avoir fait l'apologie du systme bipolaire et de ne pas avoir prvu la chute de l'URSS. Etrange critique en vrit, car le systme de Kenneth Waltz n'avait pas t construit pour expliquer (endogniser) la stabilit interne et plus gnralement la puissance des tats, en particulier de l'Union sovitique. Kenneth Waltz crit explicitement : Une thorie systmique de la politique internationale sy occupe des forces qui oprent au niveau international, pas au niveau national 27. Naturellement, tout est en tout - c'est le propre de la complexit - et l'on sait bien que les forces qui oprent au niveau national sont affectes par des phnomnes extrieurs. Mais, comme on l'a dit, toute thorie suppose un degr d'approximation. En l'occurrence, il n'tait pas absurde, encore dans les annes 80, de considrer que la possibilit d'un effondrement interne prochain de l'Union sovitique - surtout partir du centre et non pas de la priphrie - tait trs faible. De la mme faon et pour la mme raison (c'est--dire la complexit) qu'il est impossible actuellement de prvoir quand aura lieu le prochain tremblement de terre majeur Tokyo. On a tort de critiquer Kenneth Waltz pour ne pas avoir prvu la chute de l'URSS, mais on peut plus lgitimement lui reprocher d'avoir donn l'impression d'laborer une thorie gnrale de mme qu'aux considrations de marketing prs, Keynes n'aurait pas d donner son grand livre de 1936 le titre immensment ambitieux de Thorie gnrale de l'emploi, de l'intrt et de la monnaie, pour la bonne raison qu'une telle thorie gnrale est impossible. De ce point de vue, Raymond Aron n'avait pas raison d'opposer la science conomique aux relations internationales, comme il l'a fait dans un article bien connu de 196728. Mais l'impossibilit d'une thorie

    26. M.-C. Smouts, op. cit. (2). 27. K.N. Waltz, op. cit. (8), p. 71 . 28. R. Aron, Qu'est-ce qu'une thorie des relations internationales ? , Revue franaise de science politique, vol. XXVII, n 5, octobre 1967, p. 837-861.

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    gnrale n'exclut pas la possibilit de thories partielles pertinentes dans des conditions limites et un certain degr d'approximation, ni la constitution d'un systme de concepts utilisable pour une large gamme de thories.

    Thories et modles

    L'pistmologie contemporaine dfinit la notion de thorie de faon encore plus restrictive qu'Andr Lalande ou Claude Bernard. Ainsi peut-on lire dans l'article Thorie du volume Notions de l'Encyclopdie philosophique universelle2^ : du point de vue logique, une thorie est un systme hypothtico-dductif cohrent et articul, un ensemble infini d'noncs clos sous l'opration de dductihilit. Tout nonc est soit une prmisse (axiome, hypothse, postulat, dfinition) soit une drive logique d'un ensemble de prmisses (thormes, consquences) . Du point de vue de la correspondance entre les termes thoriques et les noncs d'observation, une thorie permet de synthtiser virtuellement un grand nombre de donnes, de suggrer des observations nouvelles, d'interprter, de prdire et d'expliquer une classe spcifique de phnomnes. Elle est toutefois conjecturale, partielle et approximative. La mise en correspondance de la thorie avec des rsultats empiriques s'effectue par l'intermdiaire de modles qui la spcifient et l'aide de thories auxiliaires. Le test des hypothses engage un rseau complet d'noncs thoriques et empiriques. La gnralit d'une thorie est en raison inverse de sa testablit . Dans le mme esprit, Roger Balian note dans l'introduction de son cours de physique statistique l'cole polytechnique : Plus la synthse est vaste et plus les principes sont gnraux, plus la dduction devient difficile . Le second principe de la thermodynamique (concept d'entropie, c'est--dire de la quantit de hasard prsente dans un systme) illustre parfaitement cette remarque. En bref, une thorie constitue [. ..] une structure conceptuelle abstraite, mathmatiquement descrip- tible, laquelle est mise en relations avec un ensemble de phnomnes possibles ou actuels .

    De ce point de vue, la science conomique est incontestablement plus avance que les relations internationales. Elle dispose d'une batterie de

    29. Presses universitaires de France, Paris, 1989-1992.

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    thories parfaitement formalises, dont la plus acheve est la thorie de l'quilibre gnral (Walras, Pareto, Arrow, Debreu), partir desquelles des modles particuliers sont construits en rfrence certaines classes de phnomnes. Ces modles peuvent tre tests, par exemple, par les mthodes statistiques de l'conomtrie. On doit insister sur le fait que ce sont les modles particuliers qui sont tests empiriquement et non pas directement les thories dont ils procdent, lesquelles ne sont que des difices purement logiques. De ce point de vue, la situation n'est pas fondamentalement diffrente dans les sciences molles et dans les sciences dures .

    La distance qui spare les deux disciplines (conomie et relations internationales) est cependant moins grande que l'on ne le croit. La thorie de la balance of power se prte facilement la mathmatisation (via la thorie des jeux) autant que celle de Ptalon-or (price- specie- flow -mechanism) labore par le mme auteur, David Hume, en 1752. Il en va de mme, par exemple, pour la thorie de la dissuasion. Le grand trait de Clausewitz, Vom Kriege (dont la publication, aprs la mort de l'auteur, s'est chelonne entre 1832 et 1834), est rdig dans un style pr-mathmatique qui soutient la comparaison avec les Principes de l'conomie et de l'impt de Ricardo (1817), une uvre dont la postrit intellectuelle a fortement bnfici des clarifications conceptuelles et logiques imposes par sa mathmatisation au XXe sicle. Sans doute la pense clausewitzienne bnficierait-elle d'un traitement semblable s'il se trouvait un chercheur motiv pour l'entreprendre. Plus prs de nous, la recherche oprationnelle a inspir de nombreux modles quantitatifs en matire de guerre et de paix, mais pas encore de thorie proprement parler, et l'on doit signaler la tendance l'augmentation des travaux pr-mathmatiques notamment pour l'tude des alliances et des rgimes internationaux. Ces travaux s'inspirent de la microconomie moderne, de la thorie de la dcision et des contrats, de celle des jeux (la thorie des jeux s'occupe de la rationalit interactive ), de celle des choix publics ou encore de celle des organisations, autant de thories qui ont vu le jour dans le cadre de l'conomie, mais qui l'ont rapidement dborde30. Alors qu'une

    30. Voir par exemple A. Hasenclever, P. Mayer, V. Rittberger, Theories of International Regimes, Cambridge University Press, Cambridge, 1998 ; J. Hovi, Games, Threats and Treaties. Understanding Commitments in International Relations , Pinter, Londres et Washington, 1998.

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    alliance est une association temporaire d'Etats en vue d'un objectif dtermin, la notion de rgime dcrit un processus d'institutionnalisation, o les Etats acceptent progressivement d'abandonner une partie de leur souverainet au profit de modes de coordination supranationaux (mais sans jouer ncessairement des rles symtriques). On peut naturellement interprter l'mergence d'un rgime comme une rponse une question de scurit. Observons au passage qu' la fin du XXe sicle, l'Alliance atlantique est plus qu'une alliance classique et moins qu'un rgime, mais la pression amricaine la pousse fortement dans la seconde direction depuis la fin de la guerre froide.

    Revenons maintenant brivement sur le problme de la mise en relation des thories en tant que structures conceptuelles logiques et abstraites et des noncs d'observation. On se rfre gnralement ce sujet au critre de la rfutabilit nonc par Karl Popper, dont la thse principale dans Conjectures et rfutations (1963)31 est que la connaissance progresse par essais et erreurs, par conjectures et rfutations, et s'approche ainsi toujours davantage de la vrit. Au sens rigoureux du terme, une thorie est empirique ou refutable si la classe de tous les noncs qui la contredisent (falsificateurs virtuels) n'est pas vide. En termes moins tranchs, on peut aussi parler de degr de rfutabilit d'une thorie, ce qui pose toutefois un problme pineux de dfinition des degrs de vraisemblance ou des probabilits32. S'agissant des sciences sociales en gnral, et des relations internationales en particulier, on voit mal quelle thorie pourrait survivre au critre de la rfutabilit et il semble plus fcond d'interprter la thse principale de Karl Popper d'une faon flexible, que l'on peut symboliser par la formule :

    Q-R=> y- Q'-R' =>....

    On part de certains faits F et de certaines thories T dont le rapprochement suggre ventuellement travers des modles des questions Q et un ensemble de rponses possibles R assorties de

    31. Karl Popper, Conjectures et rfutations, Payot, Paris, 1985. 32. Voir l'article Karl Popper dans le volume uvres de l'Encyclopdie philosophique universelle, Presses universitaires de France, Paris, 1992.

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    degrs de vraisemblance. D'o un nouveau regard sur des faits F' et une modification des thories T' et ainsi de suite, indfiniment. Notons, sans insister, que la formulation mme des faits (les noncs d'observation) est largement le rsultat d'une construction intellectuelle et pas seulement une donne sensorielle. titre d'exemple, le lecteur pourra reprendre la premire partie de cet article, o l'on est parti en privilgiant une dfinition modeste des relations internationales (Raymond Aron ou Kenneth Waltz) pour aborder aussitt le concept de scurit (embryon de thorie) dont le rapprochement avec les faits connus a permis de reconnatre la ncessit de modifier la conception d'un systme international purement anarchique (rvision de la thorie) et de sortir d'une vision troitement raliste des choses. Encore faut-il, comme on l'a dj dit, que les noncs thoriques ou empiriques soient suffisamment dlimits pour pouvoir progresser dans la chane dialectique de faon objective et donc opratoire.

    Systmes

    Un point particulirement important est donc que la mise en correspondance d'une thorie avec les rsultats empiriques s'effectue par l'intermdiaire de modles qui la spcifient. Un modle prend souvent la forme d'un systme, un mot qui a dj t utilis plusieurs fois dans ce qui prcde, et qui figure mme dans certaines dfinitions des relations internationales, explicitement chez Raymond Aron et implicitement chez Kenneth Waltz. Bien qu'assez proches, les concepts de thorie et de systme doivent tre distingus.

    Reportons-nous encore une fois l'Encyclopdie philosophique universelle : De son origine grecque (sunistmi), ce terme tire l'ide gnrale d'un rassemblement d'objets, d'lments ou de parties d'une ralit qui sont prsents et qu'il convient de saisir dans leur articulation rciproque, et dont chacun acquiert signification de la place qu 'il occupe dans ce tout . Toute discipline scientifique se dveloppe en s'appuyant sur un systme de concepts qu'en retour elle enrichit. On me permettra de citer ce passage inspir de mes conversations d'autrefois avec Jean Ullmo de l'avant-propos mon cours d'conomie l'cole polytechnique, publi en 198833 : Les concepts conomiques

    33. Th. de Montbrial, La science conomique ou la stratgie des rapports de l'homme vis--vis des ressources rares. Mthodes et modles, Presses universitaires de France, Paris, 1988, p. 6.

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    ne peuvent tre introduits de faon opratoire que dans des modles o ils se trouvent dfinis par leur fonction dans un rseau de relations. Mais il ne faut pas que le concept reste attach au modle o il a t prsent. Un modle peut fournir une bonne dfinition d'un concept, et tre une mauvaise reprsentation de la ralit. Tout concept conomique doit ainsi tre critiqu aussitt que prsent, ce qui peut drouter ou conduire au doute et au scepticisme . On pourrait en dire autant pour les relations internationales.

    titre d'exemple, voici quelques-uns des concepts, certains fort anciens et d'autres trs rcents, couramment utiliss dans la discipline des relations internationales, concepts qui renvoient les uns aux autres : Etat, quasi-Etat (quasi State ou failed State), tat-nation, souverainet, anarchie, intrt national, alliance, coalition, neutralit, interdpendance, mondialisation, bipolarit, multipolarit, forces, ressources, pouvoir, puissance, influence, quilibre, conflit, agression, guerre, paix, dfense, scurit, scurit collective, matrise des armements, crise, gestion des crises, dcision, subsidiarit, stratgie, dissuasion, gouvernance, bonne gouvernance, leadership, hgmonie, imprialisme, gopolitique, gostratgie, idalisme, ralisme... Matriser une discipline, c'est d'abord intrioriser son systme conceptuel - lequel volue avec le cheminement voqu plus haut et possder une mthode pour relier dialectiquement les concepts et les faits. Dans les sciences sociales, les rputations se font souvent en fonction de la capacit des chercheurs laborer de nouveaux concepts et les tester. En sociologie, la clbrit de Pierre Bourdieu repose en partie sur l'laboration des trois concepts interdpendants ou complmentaires d'habitus, de capital et de champ. On peut dire que le systme conceptuel prcde les thories, en ce sens qu'il est le gisement partir duquel celles-ci peuvent tre construites. Mais il s'agit d'un gisement qui se reconstituerait et s'largirait constamment. C'est pourquoi le concept de systme figure aussi souvent dans les tentatives de dfinition d'un domaine, o l'on essaie de donner aussi synthtiquement que possible l'intuition de ce dont il s'agit. On l'a vu prcdemment avec les dfinitions trs sobres de Raymond Aron et de Kenneth Waltz. On cite galement souvent celle de systme international propose par Michael Brecher, comme ensemble d'acteurs soumis des contraintes intrieures (contexte) et extrieures (environnement),

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    placs dans une configuration de pouvoir (structure) et impliqus dans des rseaux rguliers d'interactions (processus) 34.

    Mais la notion de systme a aussi une modalit plus troite, dans la mesure o les modles qui spcifient les thories en vue de la confrontation avec le rel (voir ci-dessus) se prsentent souvent plus ou moins comme des systmes dynamiques au sens de l'analyse mathmatique. Cela est typiquement le cas pour les systmes mcaniques courants.

    La dfinition d'un systme dynamique comporte celle de l'tat du systme chaque instant, avec la distinction entre variables endognes, exognes et de rgulation (on dit aussi commande ou contrle), et des processus ou lois , dterministes ou stochastiques, qui spcifient les transitions entre tats successifs. Le paradigme issu de l'analyse mathmatique des systmes a engendr une batterie de concepts trs gnraux et puissants quand ils sont utiliss propos, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas, tels que : systmes ouverts, ferms ; changes et transferts entre units constitutives d'un systme et avec l'extrieur ; quilibre et homostasie ; hirarchisation ; diffrenciation, adaptation, stabilit structurelle et morphognse (Ren Thom) ; bifurcation ; chaos, cration d'ordre par le bruit, auto-organisation, volution ; feedback ou rtroaction ; contrle (ou rgulation) dterministe ou alatoire, hystrsis, etc. Pour un aperu rcent de l'extrme fcondit de l'analyse des systmes ainsi tudis, on pourra par exemple se reporter aux travaux de Sunny Y. Auyang35.

    Dans l'tat actuel de la discipline des relations internationales, contrairement l'conomie, l'analyse des systmes dynamiques n'a encore t utilise que d'une manire mtaphorique ou analogique avec plus ou moins de bonheur, comme dans le livre de J.N. Rosenau sur la turbulence36. Les obstacles sont en effet nombreux. La modlisation des systmes suppose de pouvoir dfinir sans ambigut, au moins en un sens statistique, l'tat de ce systme (si possible par un petit nombre de variables). Elle suppose aussi la possibilit de formuler un enchanement temporellement harmonieux des variables d'tat. Ce sont l de

    34. M. Brecher, Systme et crise en politique internationale , dans B. Korany, Analyse des relations internationales. Approches, concepts, donnes, Gatan Morin, Montral, 2e dition, 1987. 35. S.Y. Auyang, Foundations of Complexity. System Theories in Economics, Evolutionary Biology, and Statistical Physics, Cambridge University Press, Cambridge, 1998. 36. J.N. Rosenau, op. cit. (1).

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    fortes limitations. Mentionnons rapidement deux autres difficults, concernant respectivement la dfinition de l'tat d'un systme international et la formulation des lois de transition.

    Sur le premier point, le problme est que la plupart des variables d'tat, comme les composantes de la puissance dans le paradigme raliste, sont des grandeurs intensives (comparables la temprature en physique, ou l'utilit en conomie) et non pas des grandeurs exten- sives (c'est--dire additives, comme des masses, des rsistances lectriques, ou encore des quantits de biens au sens conomique). Par exemple, une composante particulirement importante de la puissance d'un groupe est son moral , lequel peut en principe tre repr par un indicateur statistique, comme savent le faire les instituts de sondage, et qu'il est licite de considrer comme une grandeur intensive. Rien ne s'oppose, sur le plan formel, dfinir un systme dynamique avec des variables d'tat (ou certaines d'entre elles) intensives.

    Le second point concerne notre faible degr de connaissance des systmes internationaux concrets, soit qu'ils n'aient t tests que dans une plage trop limite de leurs possibilits au cours de leur vie (cas du systme bipolaire de la guerre froide), soit que leur dure de vie soit trop brve pour que l'on puisse les identifier (au sens o l'on parle de l'identification d'un modle en conomtrie37). Il se peut que le domaine de validit d'un systme international concret (le systme bipolaire de la guerre froide, par exemple) soit troitement limit, comme peut l'tre la modlisation de l'lasticit en mcanique des milieux continus (notions de plasticit, de rupture).

    Les systmes internationaux en l'occurrence - disparaissent souvent la suite d'une bifurcation qui fait sortir la trajectoire de son domaine de validit, l'instar de la dcision de Gorbatchev mentionne prcdemment ou encore de certaines guerres. Observons incidemment que toutes les guerres ne s'analysent pas comme des bifurcations. Par exemple, la guerre entre l'Irak et l'Iran des annes 80 n'a pas transform radicalement le systme international. la suite d'une phase de transition conscutive une crise systmique - phase qui peut ne pas tre modlisable par un systme dynamique -, un nouveau systme

    37. Voir par exemple Th. de Montbrial, op. cit. (33).

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    merge, se substituant l'ancien. Mais, comme Tocqueville l'avait remarqu dans L'Ancien rgime et la rvolution^, le nouveau systme partage beaucoup de traits communs avec l'ancien. Pareille situation est familire dans les sciences de la nature. Ainsi, une raction chimique ou nuclaire peut-elle tre considre comme un choc qui fait passer d'un systme un autre. Mais le nouveau systme est li l'ancien travers des lois de conservation ou des invariants . Dans le domaine qui nous intresse, les plus importants de ces invariants sont les identits des units politiques de base ou de leurs principales composantes (ethniques par exemple). Ici, la prise en compte de la dure est videmment essentielle. A long terme, on doit considrer explicitement la naissance, la croissance, la dcomposition et recomposition des acteurs. Ainsi le XXe sicle aura-t-il vu disparatre les empires allemand, austro-hongrois, turc et russe, et aussi les empires coloniaux de l'Europe occidentale, avec tous leurs avatars. Avec l'croulement de l'Union sovitique, des quilibres locaux ou rgionaux, artificiellement maintenus pendant la guerre froide, ont t rompus, initiant une vague de conflits intra-tatiques l'intrieur de failed states. Ces tats manques souffrent d'un excs de faiblesse, et non pas d'un excs de puissance. La question des recompositions qui pourraient rsulter de ces guerres est ouverte39.

    Modlisation et philosophie de l'histoire

    Comme on le voit par ce qui prcde, le simple fait de postuler un certain type de modlisation induit des conclusions au moins qualitatives, qui touchent davantage la philosophie de l'histoire qu' la thorie au sens propre du terme. En voici encore un exemple : toute modlisation du systme international par un systme dynamique dterministe (les variables exognes et de rgulation tant donnes, la suite temporelle des variables endognes est entirement dtermine partir des conditions initiales ) reflte par construction une interprtation des phnomnes fonde sur l'ide de dterminisme historique. Pourtant, il suffit que le systme en question soit non linaire pour que s'introduise une forme d'imprvisibilit qu'aucun mode de rgulation ne peut vraiment contrer, que David Ruelle nomme la dpendance sen-

    38. Alexis de Tocqueville, L'Ancien rgime et la rvolution, Gallimard, Paris, 1953 (dition disponible: Gallimard, Paris, 1985). 39. Voir K.J. Hoslti, The State, War and the State of War, Cambrige University Press, Cambridge, 1996.

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    sitive des conditions initiales et qu'au dbut du sicle, Henri Poincar exprimait ainsi : une cause trs petite, qui nous chappe, dtermine un effet considrable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est d au hasard 40. D'o le paradigme du chaos, qui exprime l'chec du dterminisme laplacien. Ce que l'on appelle chaos, crit David Ruelle41, est une volution temporelle avec dpendance sensitive des conditions initiales , ce qui fait dire ce savant que l'histoire engendre systmatiquement des vnements qui ne peuvent tre prdits et qui ont d'importantes consquences long terme 42. condition, bien sr, que le type de modlisation dont dpend cette conclusion soit pertinent, ce qui ne serait par exemple pas ncessairement le cas pour des organismes vivants dots de puissants mcanismes stabilisateurs, comme les rponses immunitaires. En termes prcis, les vnements dont parle David Ruelle peuvent s'interprter comme des perturbations apparemment insignifiantes de l'tat du systme un instant donn, qui sont donc d'une tout autre nature que les bifurcations dont nous avons parl antrieurement. L'un des pionniers de la thorie moderne du chaos (au dbut des annes 60), le mtorologue Edward Lorenz, estimait que le battement des ailes d'un papillon aura pour effet aprs quelque temps de changer compltement l'tat de l'atmosphre terrestre 43. Et encore tout cela ne concerne- t-il que les systmes dynamiques les plus simples . Citons une dernire fois David Ruelle : En biologie et dans les sciences "molles", on ne connat pas de bonnes quations d'volution temporelle (des modles qui donnent un accord qualitatif ne suffisent pas). En outre, il est difficile d'obtenir de longues sries temporelles de bonne prcision, et enfin la dynamique n 'est pas simple en gnral. Il faut voir aussi que dans beaucoup de cas (cologie, conomie, sciences sociales), mme si l'on arrivait crire des quations d'volution temporelle, ces quations devraient changer lentement avec le temps, parce que le systme "apprend" et change de nature. Pour de tels systmes, donc, l'impact du chaos reste au niveau de la philosophie scientifique plutt qu'au niveau de la science quantitative 44. Mais notre auteur

    40. H. Poincar, Science et mthode, 1908, ch. 4 ( Le hasard ), cit par D. Ruelle, op. cit. (14), p. 63. 41. D. Ruelle, op. cit. (14), p. 89. 42. Ibid., p. 120. 43. Ibid., p. 99. 44. Ibid., p. 104-105.

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    ajoute prudemment que le progrs est cependant possible et qu' son poque, les intuitions de Poincar sur les limites de la prvision en mtorologie ne pouvaient tre que de la philosophie scientifique . C'est dire que l'on ne peut pas prvoir quelques dcennies de distance l'volution des possibilits de modlisation pertinente dans les sciences sociales en gnral, et en particulier dans les relations internationales.

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    PlanLe champ des relations internationales Questions de dfinition Scurit et identit Le fonctionnalisme et ses limites

    Thories et systmes Thorie et prvision Thories et modles Systmes Modlisation et philosophie de l'histoire

    IllustrationsInterprtation de la thse de la rfutabilit de K. Popper