72
Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie «RéFORMES POLITIQUES» OU VERROUILLAGE SUPPLéMENTAIRE DE LA SOCIéTé CIVILE ET DU CHAMP POLITIQUE ? UNE ANALYSE CRITIQUE

RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

Page 1: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

Collectifdesfamillesdedisparu(e)senAlgérie

«RéfoRmes polit iques»ou verrouillage supplémentaire de la société civile et du champ politique ?

une analyse cRitique

Page 2: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

Collectifdesfamillesdedisparu(e)senAlgérie

Ce rapport est le fruit d’un travail conjoint du Collectif des Familles des Disparu(e)s en Algérie (CFDA), de la Ligue Algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) et du Syndicat National du Personnel Autonome de l’Administration Publique (SNAPAP) avec le soutien du Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH).

Le rapport a pour objectif de produire une analyse critique des nouveaux textes de loi entrés en vigueur en Algérie en janvier 2012, à travers des fiches thématiques et des recommandations.

RESUME EXECUTIF 5

FICHE 1. LoI oRganIqUE n°12-01 dU 12 janvIER 2012relativeaurégimeélectoral 13

• Recommandations 25

FICHE 2. LoI oRganIqUE n° 12-03 dU 12 janvIER 2012fixantlesmodalitésaugmentantleschancesd’accèsdelafemmeàlareprésentationdanslesassembléesélues 29

• Recommandations 37

FICHE 3. LoI oRganIqUE n° 12-04 dU 12 janvIER 2012relativeauxpartispolitiques 43

• Recommandations 50

FICHE 4. LoI oRganIqUE n. 12-05 dU 12 janvIER 2012 relativeàl’information 53

• Recommandations 61

FICHE 5. LoI oRganIqUE n. 12-06 dU 12 janvIER 2012 relativeauxassociations 63

• Recommandations 69

taBle Des matiÈRes

Page 3: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

«RéfoRmes polit iques»ou verrouillage supplémentaire de la société civile et du champ politique ?

une analyse cRitique

Collectifdesfamillesdedisparu(e)senAlgérie

Page 4: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi
Page 5: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

5« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

dansundiscourspublicadresséàlanation,le14avril2011,leprésidentdelaRépublique, abdelazizBouteflika, annonçait la volonté d’entamer des «réformespolitiquesafind’approfondirleprocessusdémocratique».cesmesures,combinéesàlalevéedel’étatd’urgencequelquesmoisplutôt,ontétéprésentéescommelaréponsedupouvoiralgérienauxprotestationsquis’étaientintensifiéesdanslepaysdès ledébutde l’année2011.dansuncontextepolitique régional enprofondeévolution,suiteaurenversementdesanciensdictateursentunisieetenegypte,l’annoncederéformesenalgérieaétéimmédiatementsaluéeparlesdiplomatiesétrangères.

Ledécalageentrelesannoncesofficiellesetlespratiquesétaitpourtantdéjàévident.Face aux premièresmarches pacifiques en février 2011, dans la capitale, et àorannotamment,laréactiondupouvoiraétédisproportionnée.Lesmarchesn’ontpas été autorisées en violation de la constitution algérienne et des conventionsinternationales.desdizainesdemilliersdepoliciersontétédéployésàalgerpourempêcherlesmanifestants,dontdescentainesontétéarrêtés,d’accéderauxpointsderassemblement.

Lalevéedel’étatd’urgence,courantfévrier2011,quiétaitl’unedesrevendicationsprincipales des manifestants, ne s’est pas traduite par une meilleure garantiede l’exercice des droits et des libertés fondamentales, notamment les libertésd’association,deréunionetdemanifestation.commesoulignédansunrapportpublié récemment par le RemdH, le harcèlement des militants par la police,l’interdiction injustifiée des manifestations et des réunions publiques, de mêmequelerecoursàdespratiquesadministrativesabusivespourentraverlacréation

Résumé eXécutif

Page 6: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

6

Résumé eXécutif

desassociationssontparmilestactiquescommunémentutiliséespouraffaiblirlasociétécivileetentraversonaction1.

danscecontexte,laperspectivedesréformespouvaitdifficilementcréerl’espoir.Lesloisadoptéesenjanvier20122,aulieuderépondreàlalogiqued’ouvertureetdedémocratisationannoncéeparleprésidentdelaRépublique,marquentunerégressionenmatièredeslibertésenviolationdesengagementsinternationauxprisparl’algérie,notammentlePacteinternationalrelatifauxdroitscivilsetpolitiquesdesnationsunies(PidcP).L’exigencedemenerdesréformesestenréalitédevenuepourlepouvoirenplaceuneoccasiondeverrouillerdavantagelasociétécivileetlechamppolitique,unmoyenderenforcerlecontrôledelasociétéalgérienne.

ce rapport offre un panorama des différents textes de loi à travers des fichesthématiques.ainsi,cinqloisontétéanalysées:laloirelativeaurégimeélectoral(fiche1),laloifixantlesmodalitésaugmentantleschancesd’accèsdelafemmeàlareprésentationdanslesassembléesélues(fiche2),laloirelativeauxpartispolitiques(fiche3),àl’information(fiche4)etauxassociations(fiche5).selonune logique comparative, chaque fiche offre une analyse détaillée du texte dela loi afin d’évaluer dans quelle mesure elle représente une régression ou uneavancéeparrapportauxtextesqu’ellesremplacentetafindedégagerlesélémentsderuptureetdecontinuitéparrapportàlalégislationantérieureetauxpratiquesadministratives.

1 RapportduRemdH:«Lalevéedel’étatd’urgence:Untrompel’œil.exercicedeslibertésd’association,de réunion et de manifestation en algérie », février 2012. Voir : http://www.euromedrights.org/fr/publications-fr/emhrn-publications/publications-du-reseau-en-2012/11268.html

2 Loin°12-01du12janvier2012relativeaurégimeélectoral(JoRan°01,du14janvier2012,p.8);loin°12-03du12janvier2012fixantlesmodalitésaugmentantleschancesd’accèsdelafemmeàlareprésentationdanslesassembléesélues(JoRan°01,du14janvier2012,p.39);loin°12-04du12janvier2012relativeauxpartispolitiques(JoRan°02,du15janvier2012,p.9);loin°12-05du12janvier2012relativeàl’information(JoRan°02,du15janvier2012,p.18);loin°12-06du12janvier2012relativeauxassociations(JoRan°01,du14janvier2012,p.28).Laloin°12-02du12janvier2012fixantlescasd’incompatibilitéaveclemandatparlementairenefaitpasl’objetdecetteanalyse.

Page 7: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

7« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

une administration «toute puissante» face à un système judiciaire sous contrôle

L’analyse des nouvelles lois en question doit commencer par la question del’indépendanceetl’impartialitédusystèmejudiciairealgérien3.Bienquelaséparationdes pouvoirs soit consacrée dans la constitution algérienne, le président de laRépubliqueconserveunpouvoirdéterminantsurlesystèmejudiciaire:ilnommeleprésidentduconseilconstitutionnel4,présideleconseilsupérieurdelamagistrature5,désignelesmagistrats6etpeutuserdesanctionsdisciplinairesàleurencontre.desoncôté,leministredelajustice7peutsuspendreunmagistratavantmêmequeleconseilsupérieurdelamagistratureexaminesondossier.

al’absenced’indépendancedelajusticeserajoutelaquestionfondamentaledelaluttecontrel’impunité.elledevraitreprésenterlefondementd’unevéritableréformepolitique. or, la charte pour la paix et la réconciliation nationale et ses textesd’application,quiconsacrentl’impunitéetprônentl’oubli,sonttoujoursenvigueuretdeviennentmêmeuneréférencepourlesnouvellesloisadoptées.entotalabsenced’unprocessusdeVéritéetdeJustice,cestextesaccordentl’impunitéauxmembresdesgroupes islamistesarmés,à l’exceptionde«ceux impliquésdansdesviols,quiontparticipéàdesmassacrescollectifsouàdesattentatsàlabombedansdeslieuxpublics».cependant,commeilsontétéappliquésdansunegrandeopacitéetendehorsdetoutcontrôledupublic,l’impunitésembleêtrelarèglepourtouteslespersonnesimpliquéesdansdesactesdeterrorismecommeellel’estpourtouslesagentsdel’etatquiontcommisdescrimes.eneffet,cestextesd’applicationdelacharteaccordentauxagentsdel’etatuneimmunitéjuridictionnelle.

3 RapportduRemdH:«algérie:indépendanceetimpartialitédusystèmejudiciaire»,octobre2011.Voir : http://www.euromedrights.org/fr/publications-fr/emhrn-publications/publications-du-reseau-en-2011/10561.html

4 Le président du conseil constitutionnel est désigné, en vertu de l’article 164 (alinéa 3), de laconstitutionalgérienne,parleprésidentdelaRépubliquepourunmandatuniquedesix(6)ans.

5 Loi organique n°04-12 relatives au fonctionnement du conseil supérieur de la magistraturenotammentl’article3quiprécisequeleprésidentduconseilestleprésidentdelarépubliqueetlevice-présidentestleministredel’intérieur.

6 selonl’article3delaloiorganiquen°04-11du6septembre2004,lesmagistratssontnomméspardécretprésidentielsurpropositionduministredelajusticeaprèsdélibérationduconseilsupérieurdelamagistrature.

7 article65delaloiorganiquen°04-11du6septembre2004.

Page 8: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

8

Résumé eXécutif

cesquestionsn’ontpasseulementunimpactdirectsurlatransparencedesélections(fiche1)maisaussisurlasociétéalgérienneetlescitoyensdansleurensemble.atitred’exemple,lefaitquelesloisrelativesauxassociations(fiche5)etauxpartispolitiques(fiche3)donnentlapossibilitéderecourssuiteàunedécisionderefusd’agrémentoud’enregistrementseraitunélémentpositif,sil’absenced’unejusticeimpartialenerendaitpaslajouissancedecedroitillusoire.

danscecontexte,l’aspectarbitrairedel’administrationestdifficilementévitable.au-delàdelanatureetdelaqualitédestextesdeloi,cesont lespratiquesabusivesauxquelles l’administration a recours qui demeurent une entrave à la créationnotamment des associations ou des partis politiques. avec les nouveaux textes,mêmesilaloiprécisequelerefusdoitêtrejustifié,riennegarantitquelesautoritésadministrativesrespectentcetteclause.Riennegarantitnonplusquelesrécépisséssoientréellementdélivrésauxpartisouauxassociations.

un bilan très négatif des nouvelles lois

Parmi les lois adoptées en janvier 2012, la loi n° 12-03 fixant les modalitésaugmentantleschancesd’accèsdelaFemmeàlareprésentationdanslesassembléesélues(fiche2)introduit,selonleprincipedeladiscriminationpositive,desquotasdestinésauxfemmesauseindeslistesélectoralesdespartis.sil’introductiondesquotaspermetauxautoritésalgériennesd’afficherlaloicommeuneavancéepourlesdroitsdesfemmes,cetteavancéeesttrèsrelative.Laloiestrédigéedetellemanièrequ’elle s’analyse, au mieux, comme une simple incitation à présenter des listesélectoralescomportantdesfemmessansobligationdelesfairefigurerenpositionéligible.elleneconcerneparailleursquecertainesassembléesélues,pasl’exécutif,etnes’accompagnepasd’uneréformeducodedelafamillequidemeurepourtantl’unedeslégislationslesplusdiscriminatoiresenverslesfemmesdanslepays(etdanstoutlemaghreb).

si l’analyse de chaque texte permet de voir en détail ses dispositions et seslimites, une analyse d’ensemble de ces nouvelles loismet en évidence certainestendances régressives communes à toutes les lois qui portent atteinte aux droitscivilsetpolitiquestelsqueprescritsdanslesconventionsinternationalesratifiéesparl’algérie.enparticulier:l’utilisationdetermestrèsvaguesetimprécis-quisontuneporteouverteàl’arbitraire;desprérogativesaccruespourlepouvoirexécutif;desrestrictionssupplémentairesencasde relationoucoopérationavec l’étranger ; le

Page 9: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

9« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

passagedusystèmedéclaratifàunrégimed’autorisationpréalable;desconditionsdesuspensionoudissolutionparticulièrementlarges.

L’UTILISaTIon dE TERMES TRèS vagUES ET IMpRéCIS.Lestextesdeloiconcernantlerégimeélectoral,lespartispolitiques,l’informationet lesassociationscontiennentdes référencesàdes termesvagueset imprécis,comme « l’identité nationale », les « valeurs nationales » et « culturelles de lasociété », les « valeurs et composantes fondamentales de l’identité nationale »ainsique« les intérêtséconomiquesdupays»ou« l’éthiquede l’islam».cesformulationscourantesdanslesdifférentstextesrenforcentlescraintesconcernantlesinterprétationsarbitrairesetextensivesquelesautoritésadministratives,maisaussijudiciairesàlamesuredeleurmanqued’indépendance,pourraientenfaire.

dES pRéRogaTIvES aCCRUES dU poUvoIR EXéCUTIF.demanièregénérale, les textesde loi concernant le régimeélectoral, lespartispolitiques,l’informationetlesassociationsconfientauministèredel’intérieurdesprérogativestrèslargesnonseulementenmatièredecréationmaisaussienmatièredevalidationdesmodificationsdesstatutsdesassociationsetdespartispolitiques.al’autorisationduministèredel’intérieurs’ajouteunavispréalableduministèredesaffairesétrangères lorsqu’ils’agitd’associationsétrangères(fiche5).encequiconcernel’information,lademanded’importationdepériodiquesétrangersestsoumisedirectementàl’autorisationduministèredesaffairesétrangères(fiche4).

dES RESTRICTIonS SUppLéMEnTaIRES En CaS dE RELaTIonoU CoopéRaTIon avEC L’éTRangER. enplusdesautorisationsspécifiquesattenduesduministèredesaffairesétrangères,toute relation ou coopération avec l’étranger est très strictement encadrée par lesnouvelles lois,qu’il s’agissed’associations,d’informationoudepartispolitiques.cetencadrementvaàl’encontredescitoyensalgériens,commedesétrangersetdesressortissantsétrangersvivantettravaillantenalgérie.Laloirelativeàl’information,par exemple, interdit aux étrangers résidant en algérie d’être directeur d’unepublication.ainsi,untunisien,parexemple,nepourraitprétendreexercerlesfonctionsdedirecteurdejournalenalgérie.Pourlesassociationsalgériennes–uniquementcelles «agréées», selon la loi -, toute coopération avec des onG étrangères estsoumise désormais à l’accord préalable des autorités compétentes alors que lespartispolitiquesalgérienssontinterditsd’actionoudelienavecl’étrangerquiporteraitatteinte«àl’etat,àsessymboles,àsesinstitutionsetàsesintérêtséconomiqueset diplomatiques».tout typedefinancementétrangerest interdit,ouconditionné

Page 10: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

10

Résumé eXécutif

danscertainscasàunaccordpréalabledesautorités,enmatièred’associations,de partis politiques et d’information. des restrictions qui passent également parl’interdictionoul’encadrementstrictdel’utilisationdeslanguesétrangèresalorsquel’administrationalgérienneelle-mêmecontinued’utiliserlargementlefrançaisdansdenombreuxdomaines.siauxresponsablesdepartispolitiques,ileststrictementinterditdes’exprimerpubliquementend’autreslanguesqueleslanguesnationales,la loi relativeà l’informationsoumetàun«accordde l’autoritéde régulationdelapresseécrite»l’éditiondespublicationsenlanguesétrangères.Parailleurs,lesconditionsdecandidatureàlaprésidencedelaRépubliquefontl’objetd’uncontrôlequi s’étend à leurs conjoints qui devront, selon l’article 136 du code électoral,présenteruncertificatdenationalitéalgérienne.

LE paSSagE dU SySTèME déCLaRaTIF à Un RégIME d’aUToRISaTIon pRéaLabLE.certainespratiquesabusivesmisesenœuvreparlesautoritésadministrativesontétécodifiéesdanslaloi.Laloirelativeauxassociations,danssonarticle8,consacredésormaislepassagedusystèmedéclaratifàunrégimed’agrémentpréalable(v.fiche5),contraireàl’espritetàlalettreduPacteinternationalrelatifauxdroitscivilsetpolitiques(PidcP).L’éditiondetoutepublicationestconditionnéeparl’accordpréalable des autorités compétentes (fiche 4). La création des partis politiquesest soumise à une triple autorisation8 répartie en trois étapes durant lesquellesl’administrationdisposed’un largepouvoir discrétionnaire (v. fiche3). Le refusde l’administration est susceptible de recours mais les entraves administrativesàladélivrancenotammentdurécépissédedépôtdudossierremettentencausel’exercicedecedroit.

dES CondITIonS dE SUSpEnSIon oU dISSoLUTIonpaRTICULIèREMEnT LaRgES.alors que les procédures de création d’une association, d’un parti ou d’unepublication deviennent plus complexes et contraignantes, les conditions desuspensionoudedissolutionparlesautoritéssontparticulièrementétendues.enparticulier,lesloisrelativesauxassociationsetauxpartispolitiquesrajoutentdenouvellesdispositionsconcernant lasuspensionouladissolution.Unpartipeutainsiêtredissouts’ilneprésentepasdecandidats«àquatreélectionslégislativesetlocalesconsécutivesaumoins»alorsqu’uneassociationpeutdésormaisêtredissoutesielleareçudesfinancementsd’onGétrangèresousielleexerce«desactivitésautresquecellesprévuesparsesstatuts».Plusgrave,uneassociation

8 article16delaloiorganiquen°12-04du12janvier2012relativeauxpartispolitiques

Page 11: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

11« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

algériennerisqueladissolution«encasd’ingérencedanslesaffairesinternesdupaysoud’atteinteàlasouveraineténationale».or,uneassociationalgériennen’a-t-ellepaspourbutdes’intéresserauxaffairesintérieuresdesonproprepays,commepeutêtrelecasd’uneassociationdeluttecontrelacorruptionouuneassociationde défense des droits de l’Homme ? La nouvelle loi interdit donc concrètementauxalgériensmembresd’uneassociationalgériennedes’occuperdequestionsquilesregardentdirectement.enfin,lesnouvellesloisreviennentsurdesacquisimportants.alorsqu’unedécisiondejustice,poursuspendreuneassociationouunpartipolitique,étaitparlepassénécessaire,lesnouvellesdispositionsprévoientqu’unedécisionadministrativeestdésormaissuffisante.

Le bilan de ces réformes est donc majoritairement négatif : les rares avancéessontenréalitécontrecarréespard’importanteslimitesvoiremêmeundurcissementdesmesurespréexistantesalorsquelespratiquesabusivesdéjàmisesenœuvreparl’administrationsontdésormaiscodifiéesdanslaloi.al’heureoùl’échéanceélectorale du10mai2012 est l’objet de toutes les attentions, cette critique dudiscoursofficielsurles«réformes»viseàinformerlesorganisationsdelasociétéciviled’uncôtéetdel’autredelaméditerranéeetàcréerundébatsurlesréformesquirestentréellementàaccomplirenalgérie.

Page 12: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

1

Page 13: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

13« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

Lapremièredes loisde l’ensembledes réformes législativesàentrerenvigueurle 12 janvier 2012 est la loi organique nº 12-01 relative au régime électoral.cettenouvelleloivientremplacerl’anciencodeélectoralmodifiéetcomplétéparl’ordonnancen°97-07du6mars1997.selonlesautoritésalgériennes,l’adoptiond’une nouvelle loi organique en cettematière aurait pour objectif de garantir latransparencedesélections.Uneloiorganiquedegrandeimportancequi,aveclaloirelativeauxpartispolitiquesetcellerelativeauxchancesd’accèsdelafemmeàlareprésentationdanslesassembléesélues-àlaquellelaloiorganiquenefaitd’ailleurspasréférence-,auneffetdirectsurl’organisationdesélectionslégislativesdu10mai2012.

L’adoptiond’uneloiaussicrucialesurlatenuedesélectionssiprochedeladatedu scrutin aurait pu être justifiée par l’introduction de réformes fondamentalesmarquantunréelchangementdans lesensd’unedémocratisation.or, forceestdeconstaterquelesdispositionsdelanouvelleloinonseulementn’apportentpasdechangementsfondamentauxparrapportàl’ancientexte,maisquelesquelquesnouveautés introduites n’apportent pas des garanties suffisantes pour que lesélectionssedéroulentdemanièrelibreettransparente.

en revanche, des questions fondamentales relatives au déroulement du scrutincommelarefontedufichierélectoraloulacréationd’uneinstancedesurveillancedes élections réellement indépendante n’ont pas fait l’objet d’une réforme.c’estbienl’indépendancedusystèmejudiciairequipermetàcedernierdejouerunrôlederempartcontrelesingérencesdupouvoirexécutifetdegarantducontrôledelatransparenceetdelaconformitéduprocessusélectoralparrapportauxnormesdu

loi oRganique n°12-01Du 12 janvieR 2012 Relative au Régime électoRal

Page 14: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

14

loi oRganique n°12-01 Du 12 janvieR 2012 Relative au Régime électoRal

droitinterneetinternational(encadré4).or,l’absenced’indépendancedelajusticeresteunécueilfondamentalpourlaréussitedetouteréformepolitiqueenalgérie.

i . le nouveau code électoral propose quelques nouveautés mais de portée relative

L’utilisationdesurnestransparentes(art.44). L’âge minimum d’un candidat pour se présenter à l’assemblée populaire

communaleoudewilayaestpasséde25ansà23ans(art.78,2èmealinéa). concernant l’élection présidentielle, le nombre de signatures individuelles

exigéespourvaliderunecandidatureestréduitde75.000à60.000(art.139,2èmealinéa).

Parailleurs l’utilisationdes lieuxdeculte,des institutionsetadministrationspubliquesainsiquedetoutétablissementd’éducationetd’enseignementpourlacollectedessignaturesdesoutienauxcandidatsoupour fairecampagneestinterdite(art.197).Bienquecettedispositionsoitpositiveensoi,danslapratiquec’estlemanquedeneutralitédel’administration,généralementperçuecomme partisane, à anéantir la confiance des citoyens dans le processusélectoral.Parailleurs,mêmesilacampagneélectoraleestinterditedanslesmosquées,leministredesaffairesreligieuses,m.BouabdallahGhamallah,n’ajamaishésitéàdéclarerpubliquementquelerôledesimamsconsisteaussià«sensibiliserlescitoyensàl’importancedesedirigerauxbureauxdevotepouraccomplirledevoirélectoral».

Le remplacement de la signature sur la liste d’émargement par l’appositiondel’empreintedigitalepourtouslesélecteurs(art.46).Parrapportàl’anciencodeélectoral,quiprévoyaitdemanièreexplicitequelevotedechaqueélecteurestconstatéparsasignature,l’article46dunouveaucodenementionneplusl’obligationpourlesélecteursdesignerlalisted’émargement.certes,laprisede l’empreinte digitale permet d’éviter de voter dans plusieurs bureaux devoteà la fois.cependant, l’articleainsi rédigé laissepenserque l’empreintedigitaleremplacelasignature-aulieudes’yajouter-,cequiposeproblèmedans lamesureoù, en casde recours,onenlèveunmoyende vérificationsupplémentaire des listes d’émargement et on rend l’identification d’uneempreinteavecl’identitédel’électeurpluslongueetcomplexeparrapportàlavérificationd’unesimplesignature.

Page 15: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

15« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

enfin,lesélecteurs,lescandidatsindépendantsetlesreprésentantsdespartispolitiquespourront,grâceàlanouvelleloi,«prendreconnaissancedelalisteélectoralele(s)concernant»(art.18).cettemesure,siapporteunenouveautépar rapport à l’ancien texte, ne résout pas une des questions clés pour laréussited’électionslibresettransparentes:l’assainissementdufichierélectoralnational.Unedespremièresmesuresquelesautoritésalgériennesauraientdûprendrepourmontrerleurréellevolontéd’ouvertureetpourrétablirlaconfiancedescitoyensdanslesélectionsauraitétél’assainissementdufichierélectoral,commelerevendiqueunepartiedelasociétécivileetdespartispolitiquesdel’oppositionquisoulignentquel’inflationdunombred’électeursd’uneélectionà l’autre ne semblent pas correspondre à l’évolution démographique de lapopulation algérienne. ces accusations, qui surgissent d’ailleurs à chaquescrutin,n’ontjamaispermisd’aboutiràunerefontetotaledufichierélectoralnational par une instance indépendante du pouvoir et des partis politiques(encadré1).

1. FICHIER éLECToRaL naTIonaL : LES SoUpçonS dE FRaUdES RESTEnT SanS RéponSE

Lesarticles15et16dunouveaucodeélectoralrégissentlesmodalitésderévisiondesfichiersélectoraux.al’occasiondesélectionslégislativesde2012,lesautoritésalgériennesontprocédéàunerévisionexceptionnelledufichierélectoral,commeprévuàl’art.14dunouveaucodeélectoral.Larévisions’estdérouléedu12au21février.

cetterévision,quis’estdérouléequelquesmoisseulementavantladatedesélections,faisantdouterdespossibilitésmêmetechniquespourlamettreenœuvre,n’afaitqu’amplifierlessoupçonsautourdel’exactitudedufichierélectoralquiavaientcommencéàcirculerbienavantl’entréeenvigueurdunouveaucodeélectoral.endécembre2011,leministredel’intérieurannonçaitl’ajoutde4millionsdenouveauxélecteursenvuedeslégislativesdemai2012,faisantcrierauscandaleceuxquiaccusentlesautoritésdegonflerlenombred’électeursdemanièredisproportionnéeetavançantdeschiffresrelatifsàlacroissancedémographiquedelapopulationquicontesteraientlebienfondéduchiffreannoncéparleministre.

Page 16: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

16

loi oRganique n°12-01 Du 12 janvieR 2012 Relative au Régime électoRal

Plustard,unefoislarévisionexceptionnelledufichierterminée,ceseraàlacommissionnationaledesurveillancedesélectionslégislatives(cnseL)decondamnerpubliquement«l’injectionde33000nouveauxélecteurs,desmilitaires,aufichierélectoraldelawilayadetindoufaprèsexpirationdesdélaisd’inscriptionsurleslistesélectoralessansqu’ilsnesoientrayésdeleurslistesd’origine»9.Lacommissionagelésesactivitéspourfaireentendresesrevendicationsdéjàplusd’unefois.

al’heureoùnousécrivons,lacommissionattendtoujoursladécisiondelajusticeconcernantlesrecoursdéposésdansdesdizainesdewilayaspourcontesterl’inscriptionenblocdemilliersdesmilitairessurleslistesélectorales.

ii. des garanties insuffisantes au déroulement d’élections libres et transparentes

au-delà des nouveautés de portée relative examinées ci-dessus, le nouveaucodeélectoral introduitégalementdeuxautresélémentsnouveauxpar rapportàl’ancientextemaisquin’apportentpasdesgarantiessuffisantespourassurerundéroulementlibreettransparentdesélections.

Premièrement, le président de la commission nationale de surveillance desélections législatives,composéede représentantsdepartispolitiquesparticipantauxélectionsainsiquedecandidats indépendants,neseraplusnommépar leprésidentdelaRépubliquemaiséluparlesmembresdelacommission.encoreunefois,cettemesureaffichéecommeuneavancéeserévèleenréalitéd’uneportéerelative. en effet, le président de la République perd cette prérogative mais, enparallèle,ledurcissementdelaprocédurepourcréerdespartispolitiquesrenforcel’ingérencedel’administration,apriori,surlespartispolitiques(fiche3).

deuxièmement,lenouveaucodeélectoralinstitueunecommissionsupplémentairedesupervisiondesélections.cettecommission,censéeexercerunemissiondecontrôle sur les procédures électorales, est cependant composée exclusivementdemagistrats désignés par le président de la République (art. 168) et elle est

9 http://www.tsa-algerie.com/politique/la-commission-de-surveillance-gele-une-nouvelle-fois-ses-activites_20065.html

Page 17: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

17« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

dépourvue de pouvoir réelpuisqu’elle peut uniquementapprécier les éventuellesirrégularités.a l’institutiond’unecommission supplémentairesans pouvoir d’exécution, lacréation d’une seule instanceindépendante,parexemplesurlemodèle de l’instance supérieureindépendante pour les élections(isie) en tunisie (encadré2),auraitsansaucundouteétépréférable.

Par ailleurs, les relations entreces deux commissions, entreellesetleconseilconstitutionnelet leur lienhiérarchiquenesontpasprécisémentdéfinisnidanslaloiorganiquerelativeaurégimeélectoralnidanslesrèglementsdesdeuxcommissions.

a) InSTITUTIon d’UnE CoMMISSIon naTIonaLE dE SUpERvISIon dES éLECTIonS, CoMpoSéE dE MagISTRaTS

cette commission, actuellement présidée par slimane Boudi10, compte 316membres.elleregroupedesmagistratsdelacoursuprême,duconseild’Étatetdesmagistratsd’autresjuridictions,tous«désignésexclusivementparlePrésidentdelaRépublique»(art.168).

selonlesdispositionsdel’article170,sonrôleconsisteà:

apprécier toutdépassement touchantà lacrédibilité età la transparencedel’opérationélectorale

appréciertouteviolationdesdispositionsdelaprésenteloiorganique apprécierlesquestionsquiluisonttransmisesparlacommissionnationalede

surveillancedesélections.

10 décretprésidentieln°12-69dela11/02/2012portantenominationdesmembresdelacommissionnationaledesupervisiondesélectionslégislativesdel’année2012(J.on°06du12/02/2012)

2. ELECTIonS poUR L’aSSEMbLéE ConSTITUanTE En TUnISIE,23 oCTobRE 2011 : UnE InSTanCE IndépEndanTE CHaRgéE dE L’oRganISaTIon ET dU déRoULEMEnT dES éLECTIonS

L’instancesupérieureindépendantepourleselections(isie)aétécrééepardécret-loin°2011-27du18avril2011.

totalementindépendantedesinstitutionsétatiquesetdespartispolitiquesestdotéed’unestructureetd’unbudgetgarantissantsonautonomieetdecompétencesassezlargespourpermettredegarantirlatransparencedesélections.

Page 18: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

18

loi oRganique n°12-01 Du 12 janvieR 2012 Relative au Régime électoRal

sacoordinationaveclacommissionnationaledesurveillancedesélectionsn’estpasprécisée.Laseuleréférenceestfaiteàl’article4desonrèglementintérieurquidisposequelacommissionestchargéed’«échangeraveclacommissionnationaledesurveillancedesélections,touteinformationserapportantàl’organisationetaudéroulementdesélections».

Ledécretprésidentieln°12-69du11février2012ainsiquelerèglementintérieurdelacommissionprévoientquelacommissionpeutêtresaisieetpeuts’autosaisirpourapprécierdesfraudesélectorales.enrevanche,lafaçondontsesdécisionsconcernant les irrégularités constatées seront prises en compte par le conseilconstitutionnel - qui reste le seul garant de la validité des élections - n’est paspréciséedanslaloi.

enfin,lacommissionélaboreautermedesestravauxunrapportd’activités(art.33)maisaucunedispositionneprévoitqu’ilsoitrendupublic.

b) La CoMMISSIon naTIonaLE dE SURvEILLanCE dES éLECTIonS (CnSEL)

cettecommissionavaitétécrééepar leprésidentde laRépubliqueà l’occasiondesélectionslocalesde2007afind’assurerlatransparencedesélections.L’article171dunouveaucodeélectoralimposel’institutiond’unetellecommissionpourchaquescrutin.

elleestcomposéede«représentantsdepartispolitiquesparticipantauxélections»etdisposed’unsecrétariatpermanent (art.172).Lescandidats indépendantsysontégalementreprésentésmaisleurparticipationestconditionnéeàuntirageausorteffectuéparlesautrescandidats.Laloineprécisepasd’ailleursleurnombre.

La commission exerce « une mission de suivi et de contrôle des opérationsélectoralesetdelaneutralitédesagentsenchargesdecesopérations»(art.174).elledélègue,enoutre,desmembrespoureffectuerdesvisitessur le terrain«àl’effetdeconstater laconformitédesopérationsélectoralesavec lesdispositionsdelaloi»,danstouteslesphasesettouslesaspectstechniquesduprocessus.La commission de surveillance ne dispose pas de pouvoirs suffisants pourfaire entendre sa voix face à une administration toute puissante. en effet, lacommission«esthabilitéeàsaisirlesinstitutionsofficielleschargéesdelagestiondes opérations électorales de toute observation, carence, insuffisance ou abus,

Page 19: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

19« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

constatésdansl’organisationetledéroulementdesopérationsélectorales».maisdéjàlorsdesélectionsde2007,leprésidentdelacommissionnationalepolitiquede surveillancedes élections législatives,saïdBouchaïr, avait signaléplusieurscasde fraudeetécritauchefde l’etat,demandant«d’intervenirpourmettrefinauxabusgravesquiaccompagnentleprocessusélectoraletquiontdépasséleslimitesdescasisolés».Lesrésultatsdesélectionsseronttoutedemêmevalidésetlemessageadresséauprésidentresteralettremorte11.

c) LE RôLE dU ConSEIL ConSTITUTIonnEL

selonl’article164delaconstitution:«Leconseilconstitutionnelestcomposédeneuf(9)membres:trois(3)désignésparlePrésidentdelaRépubliquedontlePrésident,deux(2)élusparl’assembléePopulairenationale,deux(2)élusparleconseildelanation,un(1)éluparlacoursuprême,etun(1)éluparleconseild’etat».

L’article 163 de la constitution algérienne confère au conseil constitutionnel lacompétence exclusivede « veiller à la régularité desopérationsde référendum,d’électionduPrésidentdelaRépubliqueetd’électionslégislatives».c’estinfineleconseilquiestleseulgarantdesélections,étantl’institutionquialepouvoirde:

recevoiretexaminer«lesprocès-verbauxcentralisantlesrésultatsdesélectionsdel’assembléepopulairenationaleétablisparlescommissionsélectoralesdewilayaainsiqueceuxétablisparlescommissionsdesrésidentsàl’étranger»(art.36);

«arrêterlesrésultatsdesopérationsdevotedesélectionslégislativesetstatuersurlesrecourslesconcernant»(art.42);

«statuersurlecomptedecampagnedescandidatsauxélectionsàl’assembléepopulairenationale»(art.43)12.

11 Voirnotammentl’articledesalimatlemçani,«LederniermotdeBouchair»,parusurelWatandu2juin2007.

12 Reglementfixantlesrèglesdefonctionnementduconseilconstitutionneldu6août2000modifiéparladélibérationdu14janvier2009.

Page 20: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

20

loi oRganique n°12-01 Du 12 janvieR 2012 Relative au Régime électoRal

or, jamais le conseil constitutionnel n’a tenu compte des recours et desdénonciationsdenombreuxcandidatsencequiconcernelesmanipulationsdontsontentachées lesélections.de lamêmemanière, leconseilavalidé l’électionprésidentielled’avril1999aucoursde laquelle tous lescandidats,saufun,ontdéclaréquel’administrationetlesservicesdesécuritépréparaientetmettaientenplaceunefraudeàlargeéchelle,etontretiréleurcandidature13.

Laquestiondel’indépendancedelajusticealgériennevis-à-visdupouvoirexécutifmarque toujours l’actualité. Le 29 mars 2012, le ministre de la justice, tayebBelaiz14, a été nommé président du conseil constitutionnel par le président delaRépublique,sanspourautantdémissionnerdesonpostedeministre. ilaurafalluattendre lanomination, le5avril2012,d’ahmednoui,qui était jusque-làsecrétaire général duGouvernement, pour qu’il abandonne le poste. si le délaientreunenominationet l’autreest trèscourt, lepassagedirectdem.Belaïzduministèrede la justiceà laprésidenceduconseilconstitutionnel représente toutde même une grave atteinte au principe du contrôle constitutionnel sur l’actionexécutiveetlégislative.

il faut également rappeler que l’ancien président du conseil constitutionnel, m.BoualemBessaihavaitassumésonrôlebienau-delàdutermedesonmandat,quiexpiraitofficiellementenseptembre201115.aumomentoùleconseilconstitutionnelexaminait et déclarait la constitutionnalitédes textesdes loisadoptées,dans lecadredesréformeslégislativesquenousanalysonsici,sonprésidentagissaitenréalitéhorsmandat.

13 RapportduRemdH:”algérie:l’indépendanceetl’impartialitédusystèmejudiciaire”,octobre2011.Voir: http://www.euromedrights.org/fr/publications-fr/emhrn-publications/publications-du-reseau-en-2011/10561.html

14 aprèssesétudesdedroit,iloccupedesfonctionsauseindesservicesextérieursduministèredel’intérieur.Puisilquittelesservicespouroccuperlepostedemagistrat,postequ’ilaexercépendantplusdevingt-cinqans.ilanotammentétéprésidentdelacourd’oran,présidentdelacourdesidi-Bel-abbès,etenfindeconseilleràlacoursuprême.en1999,ildevientmembredelacommissionnationaledelaréformedelajustice,miseenplaceparleprésidentBouteflika-restée,pourl’essentiel,lettremorte.en2002, ilestnomméministrede l’emploietde lasolidariténationale.en2003, iloccupelepostedeministredelajustice,postequ’iloccupaitencoreaumoisd’avril2012endépitdesanominationàlaprésidenceduconseilconstitutionnel..

15 m.Bessaihavaitétédésignéprésidentduconseille26septembre2005

Page 21: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

21« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

3. dES MISSIonS d’obSERvaTIon éLECToRaLE InTERnaTIonaLES aUX MoyEnS TRèS LIMITéS: 533 obSERvaTEURS InTERnaTIonaUX poUR 42 000 bUREaUX dE voTE

L’Unionafricaine,l’Unioneuropéenne,laLiguearabe,l’organisationdelacoopérationislamiqueetlesnationsUniesainsiquel’onGaméricaine,nationaldemocraticinstitute(ndi),ontconfirmél’envoidemissionsd’observationélectoraleenalgérieàl’occasiondesélectionslégislativesdu10mai2012.

Leséquipesdesobservateursserontdéployéesdèslemoisd’avriletresterontsurplacejusqu’àl’annoncedesrésultatsduscrutin.Lacampagneélectoralesedérouleradu15avrilau6mai.

Laplusimportantedesmissions,celledéployéeparl’Unionafricaine,comptera200observateursalorsquel’Unioneuropéenneselimiteraàenviron120.Uninvestissementproportionnellementbeaucoupmoinsimportantparrapportauxrécentesélectionsentunisieoùsurl’ensembledes533observateursinternationaux,180faisaientpartiedelamissiond’observationdel’Ue.entunisie,eneffet,les180observateurseuropéensontpuvisiter1600bureauxdevotesuruntotalde4500.

enalgérie,comptetenudelasuperficieduterritoireetdel’existenced’unnombredebureauxdevote9foisplusimportant(42000entotal),onpeutdéjàdouterdel’impactquelesobservateursinternationauxpourrontavoir.

Parailleurs,ledéploiementdesobservateursinternationauxentunisiedanslesdifférentsbureauxdevoteavaitétégéréparl’instancesupérieurindépendantepourleselections(encadré1)alorsqu’aucunedispositionclairen’aencoreétérenduepubliqueparlesautoritésalgériennesàcetégard,laissantimaginerquecettedécisionémaneradirectementdel’exécutif.deplus,commedanslapassé,lesresponsablesetmembresdesbureauxdevotesontdésignéspararrêtédupréfetouwali(article36).Lapratiquecouranteveutquecesmembressoientchoisisparmilesfonctionnairesdel’administration,uneconditionquinelesincitepasàdénoncerlesirrégularitésduscrutinetlesrendplusparticulièrementsensiblesauxrisquesderétorsionsdelapartdeleurssupérieurshiérarchiques.

au-delàdesaspectstechniquesdudéroulementduscrutin,ilconvientdecomprendredansquellemesureunemissiond’observationélectoralepeutmener

Page 22: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

22

loi oRganique n°12-01 Du 12 janvieR 2012 Relative au Régime électoRal

untravailsérieuxd’appréciationnonseulementducontexteélectoralmaisaussipré-électoral,ycomprisdelasituationdeslibertésfondamentalesetdesdroitsdel’Hommedanslepays.commentespérerquelesélectionssetiennentdemanièrelibreettransparentealorsqueleharcèlementdesmilitantsparlapolice,l’interdictionnonjustifiéedemanifesteretdeseréunirdanslesendroitspublics,ainsiquelerecoursauxpratiquesadministrativesabusivespersistentenalgérie?Pourplusd’information,voirlerapportduRemdH:Lalevéedel’étatd’urgenceenalgérie:untrompel’œil,février2012.

deplus,ilfautrappelerque,malgrélesannoncesofficiellesselonlesquelles«touslesobservateursseraientlesbienvenuspoursurveillerlesélections»,lesonGinternationalessontrégulièrementinterditesd’accèsaupays.Lalevéedel’étatd’urgencen’apaspermisuneaméliorationdelasituation.

Parailleurs,alorsqueplusieursRapporteursspéciauxontpuvisiterl’algériedernièrement(Violencesfaitesauxfemmes,1-10novembre2010,libertéd’expression,10-17avril2011,droitaulogementconvenable,10-19juillet2011),lesRapporteursspéciauxsurlatortureetsurlapromotionetlaprotectiondesdroitsdel’Hommedanslecadredelalutteanti-terroriste,leRapporteurspécialsurlesexécutionsextrajudiciaires,sommairesouarbitraires,leRapporteurspécialsurlalibertéd’association,leGroupedetravailsurlesdisparitionsforcéesetinvolontaires(GtdF)etleGroupedetravailsurladétentionarbitraire,malgréleursdemandes,n’ontjamaisétéinvitésàserendreenalgérie.

4. LE dRoIT à La paRTICIpaTIon aUX éLECTIonS EST Un dRoIT HUMaIn

Ladéclarationuniverselledesdroitsdel’Homme(dUdH)disposeque:«toutepersonnealedroitdeprendrepartàladirectiondesaffairespubliquesdesonpays,soitdirectement,soitparl’intermédiairedereprésentantslibrementchoisis»(article21,alinéa1).

aussi,«lavolontédupeupleestlefondementdel’autoritédespouvoirspublics;cettevolontédoits’exprimerpardesélectionshonnêtesquidoiventavoirlieupériodiquement,ausuffrageuniverselégaletauvotesecretousuivantuneprocédureéquivalenteassurantlalibertéduvote»(article21,alinéa3).

LePacteinternationalrelatifauxdroitscivilsetpolitiques(PidcP)disposequetoutcitoyenaledroitetlapossibilité,sansaucunedesdiscriminations:

Page 23: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

23« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

«devoteretd’êtreélu,aucoursd’électionspériodiques,honnêtes,ausuffrageuniverseletégaletauscrutinsecret,assurantl’expressionlibredelavolontédesélecteurs»(article25).

Lesarticles19,20et21sontégalementuneréférenceenmatièred’élections.

Article 19 :

1. nulnepeutêtreinquiétépoursesopinions.

2. toutepersonneadroitàlalibertéd’expression;cedroitcomprendlalibertéderechercher,derecevoiretderépandredesinformationsetdesidéesdetouteespèce,sansconsidérationdefrontières,sousuneformeorale,écrite,impriméeouartistique,oupartoutautremoyendesonchoix.

3. L’exercicedeslibertésprévuesauparagraphe2duprésentarticlecomportedesdevoirsspéciauxetdesresponsabilitésspéciales.ilpeutenconséquenceêtresoumisàcertainesrestrictionsquidoiventtoutefoisêtreexpressémentfixéesparlaloietquisontnécessaires:

a) aurespectdesdroitsoudelaréputationd’autrui;b) alasauvegardedelasécuriténationale,del’ordrepublic,delasantéou

delamoralitépubliques.

Article 21 :

Ledroitderéunionpacifiqueestreconnu.L’exercicedecedroitnepeutfairel’objetquedesseulesrestrictionsimposéesconformémentàlaloietquisontnécessairesdansunesociétédémocratique,dansl’intérêtdelasécuriténationale,delasûretépublique,del’ordrepublicoupourprotégerlasantéoulamoralitépubliques,oulesdroitsetleslibertésd’autrui.

Article 22 :

1. toutepersonnealedroitdes’associerlibrementavecd’autres,ycomprisledroitdeconstituerdessyndicatsetd’yadhérerpourlaprotectiondesesintérêts.

2. L’exercicedecedroitnepeutfairel’objetquedesseulesrestrictionsprévuespar

Page 24: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

24

loi oRganique n°12-01 Du 12 janvieR 2012 Relative au Régime électoRal

laloietquisontnécessairesdansunesociétédémocratique,dansl’intérêtdelasécuriténationale,delasûretépublique,del’ordrepublic,oupourprotégerlasantéoulamoralitépubliquesoulesdroitsetleslibertésd’autrui.Leprésentarticlen’empêchepasdesoumettreàdesrestrictionslégalesl’exercicedecedroitparlesmembresdesforcesarméesetdelapolice.

3. aucunedispositionduprésentarticlenepermetauxetatspartiesàlaconventionde1948del’organisationinternationaledutravailconcernantlalibertésyndicaleetlaprotectiondudroitsyndicaldeprendredesmesureslégislativesportantatteinte--oud’appliquerlaloidefaçonàporteratteinte--auxgarantiesprévuesdansladiteconvention.

Laconventionsurl’éliminationdetoutesformesdediscriminationàl’égarddesfemmes(cedaW)garantitauxfemmesledroit«devoteràtouteslesélectionsetdanstouslesréférendumspublicsetêtreéligiblesàtouslesorganismespubliquementélus;deprendrepartàl’élaborationdelapolitiquedel’etatetàsonexécution,occuperdesemploispublicsetexercertouteslesfonctionspubliquesàtousleséchelonsdugouvernement;departiciperauxorganisationsetassociationsnongouvernementaless’occupantdelaviepubliqueetpolitiquedupays»(article7).selonlemêmearticle:«lesetatspartiesprennenttouteslesmesuresappropriéespouréliminerladiscriminationàl’égarddesfemmesdanslaviepolitiqueetpubliquedupayset,enparticulier,leurassurent,dansdesconditionsd’égalitéavecleshommes».

Laconventionpourl’éliminationdetoutesformesdediscriminationsraciales(ceRd)engagelesetats:«àinterdireetàéliminerladiscriminationracialesoustoutesesformesetàgarantirledroitdechacunàl’égalitédevantlaloisansdistinctionderace,decouleuroud’originenationaleouethnique»notammentdanslajouissancedescertainsdroits,commelesdroitspolitiques,notamment:«droitdeparticiperauxélections-devoteretd’êtrecandidat-selonlesystèmedusuffrageuniverseletégal,droitdeprendrepartaugouvernementainsiqu’àladirectiondesaffairespubliques,àtousleséchelons,etdroitd’accéder,dansdesconditionsd’égalité,auxfonctionspubliques»(article5).

Page 25: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

25« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

recommandations :

SUR LES éLECTIonS

mettrelalégislationalgérienneenconformitéavecleslesarticles19,20,21et25duPacteinternationalpourlesdroitscivilsetpolitiques

instituer une instance indépendante, disposant de personnel administratif,financier et techniqueautonome,chargéenotammentde :assainir lefichierélectoralnational,organiser ledéroulementdesélections,désigneret formerlesprésidentsetlesmembresdesbureauxdevote,accréditerlesobservateursnationauxetinternationaux,conduireetsurveillerlesopérationsélectoralesetledépouillement,produireunrapportpublicdesontravail.

SUR L’IndépEndanCE dU SySTèME jUdICIaIRE

Ratifier lesautres instruments internationaux relatifsauxdroitsde l’Homme,notamment le traitédeRome relatifà lacourpénale internationale, le traitérelatifà laprotectionde toutes lespersonnescontre lesdisparitions forcées,ledeuxièmeprotocolefacultatifserapportantauPacteinternationalrelatifauxdroitscivilsetpolitiques,ainsiquelesprotocolesfacultatifsserapportantàlaconventionsur l’éliminationde toutes les formesdediscriminationà l’égarddesfemmesetàlaconventioncontrelatorture.

Harmoniserlalégislationnationaleaveclesconventionsinternationalesenlienavecl’indépendancedelaJusticequel’algériearatifiées.

Réformer lecadre institutionnel,aussibienconstitutionnelque législatif,afindeconsacrerl’indépendancedusystèmejudiciaireetd’assurerunaccèségalpourtousàlaJusticeetl’égalitédevantlaloietlerespectdudroitauprocèséquitable.

consacrerexpressémentledroitdesjugesalgériensàlalibertéd’expression,d’associationetderéunion,conformémentauxprincipesfondamentauxrelatifsàl’indépendancedelamagistrature.

Page 26: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

26

loi oRganique n°12-01 Du 12 janvieR 2012 Relative au Régime électoRal

Permettre la coopérationentre lesdifférentsacteursde la vie judiciairepourélaborerunechartededéontologieconfortant l’indépendanceet l’impartialitédelaJustice

organiserundébatlarge,ouvertetsansexclusionaveclesdifférentsacteursdelasociétécivilesurlasituationdelaJustice,etparticulièrementsurlaquestionfondamentaledesonindépendance.

SUR L’aCCèS dES obSERvaTEURS InTERnaTIonaUX aU payS

donnerunesuitefavorableauxdemandesdenombreusesorganisationsnongouvernementalesdedéfensedesdroitsdel’Hommed’envoyerdesdélégationsenalgérie;

Faciliter la délivrance des visas aux responsables des organisations nongouvernementales de défense des droits de l’Homme invités par leurspartenairesnationaux;

inviterlesdifférentsRapporteursspéciauxdesnationsUniesquienontfaitlademande,notamment: LeRapporteurspécial sur les exécutionsextrajudiciaires, sommairesou

arbitraires; Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de

l’Hommedanslecadredelalutteanti-terroriste; LeRapporteurspécialsurlatorture; LeRapporteurspécialsurlalibertéd’association; LeGroupedetravailsurladétentionarbitraire; LeGroupedetravailsurlesdisparitionsforcéesetinvolontaires.

En vUE dE Sa MISSIon d’obSERvaTIon dES éLECTIonS LégISLaTIvESdU 10 MaI 2012 En aLgéRIE, IL EST dEMandé à L’UnIon EURopéEnnE dE :

condamner publiquement les mesures répressives contenues dans les loisadoptées en janvier 2012 et la dégradation de la situation des droits del’Hommeetdeslibertéspubliquesenalgérie;

appelerlesautoritésalgériennesà: Garantirleslibertésdescitoyensalgériensdeserassembleretmanifester

Page 27: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

27« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

pacifiquementàalgeretdanslesautresrégionsdupays; abrogerladécisionduchefduGouvernementdu18juin2001quiinterdit

lesmarchespacifiquesoutouteformedemanifestationpubliqueàalger; Garantirlalibertéderéunionetmettreàdispositiondeslieuxpublicsaux

organisations, syndicats autonomes et autres associations afin qu’ilspuissenttenirleursrencontres,conformémentausystèmedéclaratifetauxdélaisprévusparlaloi91-19;

Garantirleslibertéssyndicales,enpermettantentreautresl’enregistrementlégaldenouveauxsyndicats;

Garantir en toute circonstance l’intégrité physique et psychologique del’ensemble des syndicalistes et défenseurs des droits de l’Homme enalgérie;

Reconnaitreofficiellementlestatutdedéfenseurdesdroitsdel’Hommeycomprispour lesmembresdesassociations luttantcontre l’impunité,entransposantdanslalégislationnationalelesdispositionsdeladéclarationdesnationsuniesconcernantlesdroitsetlesresponsabilitésdesdéfenseursenquestion;

mettreenœuvrelesdispositionsdeladéclarationsurlesdéfenseursdesdroitsdel’HommedesnationsUnies(1998),notammentàsesarticles12et9.

appelerlesautoritésalgériennesàréformersansdélailesloisrelativeaurégimeélectoraletauxpartispolitiquesafind’assurerlebondéroulementet la transparence des élections et de garantir un contexte politique decompétitionélectoralelibre.

Page 28: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

2

Page 29: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

29« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

enalgérie,lesfemmesetmilitantesdesorganisationsdelasociétécivilecommedespartispolitiquessontrégulièremententravéesdansleurtravailetsubissentcommeleshommes lesconséquencesducontrôleétroitetde la répressiondes libertéspubliques.demanièregénérale,forceestdeconstaterquel’affirmationdesdroitsdesfemmesnepourradoncpasêtredissociéed’unevéritabledémocratisationdel’espacepublicetdel’instaurationd’unetatdedroitdontfemmesethommes,autitredecitoyens,bénéficieront.d’unpointdevuejuridique,cettenouvelleloisurleschancesd’accèsdelafemmeauxassembléesélues,faitfigurede«goutted’eaudans lamer » par rapport à toutes les dispositions législatives discriminatoiresenverslesfemmesquisonttoujoursenvigueurenalgérie.

La loidu12 janvier2012aétéadoptéeenapplicationde l’article31bisde laconstitutionalgérienne17quiprévoitque«L’etatœuvreàlapromotiondesdroitspolitiquesde laFemmeenaugmentantseschancesd’accèsà la représentationdanslesassembléesélues».Letextedecetteloiorganiqueesttrèscourt:ilnecomporteque8articlesaprèslesvisas.

cetteloivise,commel’indiquesonintitulé,àaugmenterleschancesd’accèsdela«Femme»àlareprésentationdanslesassembléeséluesàtraversl’introductiondequotasréservéesauxfemmesdansleslistesélectorales.cependantsonobjet,à la formulationdéjà peuambitieuse, est très restreint. il ne s’agit tout d’abordpas d’assurer une représentation égale des femmes et des hommes dans les

16 JoRan°01,du14janvier2012,p.3917 telle qu’issue de la loi constitutionnelle n° 08-19, du 15 novembre 2008, JoRa n° 63 du 16

novembre2008

loi oRganique n° 12-03 Du 12 janvieR 2012 fiXant les moDalités augmentant les chances D’accÈs De la femme à la RepRésentation Dans les assemBlées élues16

Page 30: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

30

loi oRganique n° 12-03 Du 12 janvieR 2012 fiXant les moDalités augmentant les chances D’accÈs De la femme à la RepRésentation Dans les assemBlées élues

assembléeséluesnid’augmenterconcrètementlenombredesfemmeséluesmaissimplementdefavoriserleuraccèsàunetelleréalité;d’autrepart,enselimitantauxassembléesélues,laloinevisepasàfavoriserl’accèsdesfemmesalgériennesà l’ensemblede la viepolitique.ainsi, il n’yamêmepasunencouragementàassurer une représentation féminine significative au Gouvernement ni même auseindelachambrehauteduParlement,leconseildelanation.alorsqu’untiersdesmembresdecedernier sontnomméspar leprésidentde laRépublique, laconstitutioncommelaloisegardentbiend’imposeràcedernierqu’ilrespecteunequelconqueparitédanscesnominations.cetétatdefaitstémoignedel’absencedevolontéréelledefaireévoluerleschosespuisqueleprésidentdelaRépubliquen’utilisepaslesleviersqu’ilasadispositionetfaitapparaîtrel’article31bisdelaconstitution,introduitlorsdelarévisionconstitutionnellede2008quiasupprimélalimitationdunombredemandatsprésidentiels,commeunemesuredediversion.

en algérie, la faible représentation des femmes dans le champ politique resteévidente.L’adoptiondecettenouvelleloi,siellepermetauxautoritésalgériennesd’afficher une prétendue avancée en matière d’égalité, cache en réalité lesrésistances du pouvoir lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux questions de fond quientretiennentlesdiscriminationsàl’égarddesfemmes,notammentlaréformeducodedelafamille,laluttecontrelefaibletauxd’emploietletravailprécairequiaffecteenprioritélesfemmes,ouencorelaluttecontrelesstéréotypesvéhiculésparcertainsmédiascommeparlesresponsablespolitiques.

i. les apports de la loi n° 12-03 à la participation des femmes algériennes à la vie politique

a) ConTEXTE LégISLaTIF généRaL

ilfautd’abordpréciserqu’avantl’adoptiondecetteloiorganique,aucunedispositionlégislative ou réglementaire n’interdisait ou ne restreignait la participation desfemmesà laviepolitiquealgérienne.eneffet, ledroitdevoteretd’êtreélueestconstitutionnellementgarantidepuis196218.L’ordonnancen°97-07du6mars1997portantloiorganiquerelativeaurégimeélectoralexcluaittoutediscriminationfondéesurlesexedanslafixationdesconditionspourêtreélecteurdelamême

18 article50delaconstitutionalgérienne

Page 31: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

31« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

manière que la nouvelle loi organique relative au régime électoral19, qui ne faitd’ailleurspasréférenceàla loiorganiquerelativeàl’augmentationdeschancesdes femmesd’accéderà lareprésentationdans lesassembléesélues,entréeenvigueurlemêmejour.

Par ailleurs, certains mécanismes institutionnels ont été mis en place dans lesdernièresannéespourfavoriserlaparticipationdesfemmesàlaviepolitique.ainsi,unministèredéléguéchargédelafamilleetdelaconditiondelafemmeaétécrééen2002.Bienquesonbut initialconsistaitàpromouvoir le rôlede la«Femmealgérienne»dansledomainedudéveloppementéconomiqueetsocial,leministèreainstituéunprogrammed’actionvisantnotammentàinformerlesfemmessurleursdroitsetcrééunconseilnationaldelafamilleetdelafemme:organeconsultatifqui, depuis le 7 mars 2007, est chargé d’assurer la concertation, le dialogue,lacoordinationet l’évaluationdesactionsetactivitésconcernant la familleet lafemme.

La législation algérienne a connu des développements importants entre 2000et2006,avecdesamendementsaucodepénal20,aucodede lanationalité21,au code du travail22, au code de la famille23. toutefois, bien que les autoritésdéclarentquela«non-discriminationestunprincipeconstitutionnel»etque«touttextejuridiquecontenantunemesurediscriminatoires’exposeàêtreréviséparleconseilconstitutionnel»24,laconstitutionnedonnepasdeladiscriminationunedéfinitionconformeauxorientationsdelaconventionsurl’éliminationdetouteslesformesdediscriminationsà l’égarddes femmes(cedaW).dans lapratique, ladiscriminationrestebienprésentedansplusieurstextesdeloi,notammentlecodepénaletlalégislationsurlafamillesurlesquelslesautoritésalgériennesrefusenttoutréeldébat25.

19 Loiorganiquen°12-01,du12janvier2012,relativeaurégimeélectoral,JoRan°01,du14janvier2012

20 ordonnancen°66-156du8juin1966,portantcodepénal,JoRan°49,du11juin1966.21 ordonnancen°05-01du27février2005modifiantetcomplétantl’ordonnancen°70-86du15

décembre1970portantcodedelanationalitéalgérienne,JoRan°15,du27février2005. 22 Loin°90-11du21avril1990,relativeauxrelationsdetravail,JoRan°17,du25avril1990. 23 Loin°84-11du9juin1984,portantcodedelafamille,JoRan°24,du12juin1984,modifiéepar

l’ordonnance05-02du27février2005.24 Voirlesrapportssurl’algériedanslecadredel’examenPériodiqueUniversel(ePU)25 RapportduRemdH:«L’égalitédessexesdanslarégioneuro-méditerranéenne:duPland’actionà

l’action?Rapportparallèlesurlamiseenœuvredupland’actiond’istanbul»,octobre2009.Voir:http://www.euromedrights.org/fr/publications-fr/emhrn-publications/emhrn-publications-2009/5582.html

Page 32: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

32

loi oRganique n° 12-03 Du 12 janvieR 2012 fiXant les moDalités augmentant les chances D’accÈs De la femme à la RepRésentation Dans les assemBlées élues

il faut rappelerque l’algériea ratifié lacedaWen1996avec réserves (articles2, 15 par.4, 16 et 29) sans qu’elles ne soient exposées ni dans le décretportant ratificationnidans l’ordonnanceportantapprobationde laconvention26.cependant,l’algérien’apasencoreratifiéleprotocolefacultatifrelatifàlacedaWquipermetaucomitéde l’onUpour l’éliminationde ladiscriminationà l’égarddesfemmesdecontrôlersonapplication,commel’indiquel’article1er:«toutetatPartieauprésentProtocolereconnaîtlacompétenceducomitépourl’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne la réception etl’examendecommunicationssoumises».cettelacuneestsansdouterévélatriced’unengagement international imparfait.cequeconfirme l’adhésionde l’algérieau protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifauxdroitsdelafemme27,adoptéàmaputo,le12juillet2003,sansenrespecterlaprincipaledispositionenmatièrededroitspolitiques,l’article9,intitulé«droitdeparticipationauprocessuspolitiqueetà laprisededécisions»,quiprescritla représentationparitaireetà tous lesniveauxdes femmesdans lesprocessusélectoraux.

b) oppoRTUnITé ET FondEMEnT dE CETTE LoI

il aura fallu attendre 2012 pour qu’une loi permettant l’application de l’article31bis, introduit dans la constitution en 2008, voie le jour. Un autre article dela constitution, l’article 51, curieusement non mentionné par le législateur,garantissant«l’égalaccèsauxfonctionsetauxemploisauseindel’etat(…)àtouslescitoyens,sansautresconditionsquecellesfixéesparlaloi»constitueunautrefondementjuridiquedecetteloi.

L’extrêmefaiblessedelareprésentationdesfemmesdanslesassembléesélues,qui pourtant forment le « lieu de la participation des citoyens à la gestion desaffairespubliques»(article16delaconstitution),estunegravelimitepourlaviepolitiqueetlasociétéalgérienne.atitred’exemple,l’actuelleassembléePopulairenationale(aPn),élueen2007,compte31femmessuruntotalde389députés,soituntauxde7,9%28.enconsidérantquelasous-représentationdesfemmesau

26 Pourconsulterl’étatdesratificationsetdesréservesàlacedaW,voirlesitedesnationsUnies: http://treaties.un.org/Pages/Viewdetails.aspx?src=tReatY&mtdsg_no=iV-8&chapter=4&lang=fr. Voiraussiledécretprésidentieln°96-51du22janvier1996etl’ordonnancen°96-03du10janvier

1996,portantapprobationavec réservede laconventionde1979sur l’éliminationde toutes lesformesdediscriminationsàl’égarddesfemmes,JoRan°3du14janvier1996.Pourensavoirplussurlesréservesémisesparl’algérie,voirencadré5.

27 signatureparl’algérie,le29décembre2003.28 selonlesiteinternetdel’assembléenationalepopulaire(aPn).

Page 33: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

33« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

seindesinstanceslégislativess’explique,notamment,parleuraccèsdifficileauxlistesélectoralesdespartispolitiques,lelégislateuraestiméintroduiredanslaloidesmesuresdediscriminationpositive,commelesquotas.dansuncontextesipeufavorableà laparticipationdesfemmesàlaviepolitique, l’introductiondesquotaspeutreprésenterunpremierpasversl’égalitédeschances.

atitred’exemple,aumaroc,laproportiondefemmesauParlementnedépassaitpas 0.6 %, avant les élections de 2002. aujourd’hui grâce à l’accord sur lesquotas,bienquelenombredefemmeséluessoitencorebienendessousde30%commedécriéparlesmouvementsdefemmes,onconstateuneaméliorationparrapportaupassé.

c) dES TIMIdES avanCéES

Lanouvelleloifixeuntauximpératifdereprésentationdesfemmessurleslistesdecandidatures(art.2),pourlesélectionslégislatives,municipalesetauniveaudeswilayas,proportionnellementaunombredesiègesàpourvoir.

La disposition centrale du texte de loi est l’article 5 en vertu duquel les listesélectoralesquinerespecteraientpaslestauxfixésparlaloiserontsanctionnéesparlerejetdelaliste.cettedispositionestfondamentaleafindegarantiruneréelleprésencedesfemmessurleslistesélectorales.

afind’augmenterl’effectivitédecesdispositions,lelégislateuraégalementintroduitunemesureincitativeenprévoyantl’octroid’uneaidefinancièreétatiquespécifiqueauxpartispolitiques,selonlenombredeleurscandidateséluesauxassembléespopulairescommunales,dewilayasetauparlement(art.7).

Page 34: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

34

loi oRganique n° 12-03 Du 12 janvieR 2012 fiXant les moDalités augmentant les chances D’accÈs De la femme à la RepRésentation Dans les assemBlées élues

ii. les limites de la loi organique

a) L’EnvERS dU déCoR

silelégislateurviseàaugmenterleschancesd’accèsdesfemmesàlareprésentationdanslesassembléeséluesenprévoyantdespourcentagesdeprésencedesfemmessurleslistes,ilsembleexclurecertainescommuness’agissantdesélectionsauxaPc.ainsi,nementionne-t-il,àl’article2alinéa3,quelesassembléespopulairescommunalessituéesauxchefs-lieuxdesdaïrasetauseindescommunesdontle nombre d’habitants est supérieur à 20 000 habitants. Que deviennent lescommunesmoinspeuplées ?Plusprécisément, pourquoi le législateuralgériena-t-ilexcludecestauxlacatégoriecescommunes29?

cepointaétérelevéparleconseilconstitutionnelquin’enapaspourtantretenul’inconstitutionnalité.Leconseilestime,danssonavispréalable,que«l’intentiondulégislateurn’estpasd’exclurelafemmedesondroitdereprésentationauseindesassembléeséluesdanscesaPc,maisilaprévucettedispositionpouréviterque les listesélectoralesdanscesaPcnesoient rejetéessiellesnecomportentpasunnombresuffisantdefemmesenraisondecontraintessocio-culturelles».telavismetenlumièreleslimitesdecetteloi:enouvertecontradictionavecleprincipedeladiscriminationpositivequ’ilchercheàintroduire,leconseilconsidèreapriorileslimitessocio-culturellescommeexpliquantl’exclusiondesfemmesetrefusedelescorrigerpartoutenalgérieestimantprobablementquecertainescatégoriesdelapopulationalgérienne,danslemonderuralenparticulier,seraientimperméablesauxargumentsenfaveurdel’égalitédesdroitsentrelesfemmesetleshommes.

de plus, différemment de ce qui était prévu dans l’avant-projet de loi, les tauxontétérevusàlabaisseetadaptésdemanièredécroissanteselonlenombredepostesàpourvoir.moins ilyadeplacesàpourvoir,moinsde femmesdevrontêtreprésentéesdansleslistesélectorales.sil’introductiondesquotasreprésenteunpointdedépartversplusdeparticipationféminine,elleserévèleuneavancéetrèstimide.

29 Voirl’article79ducodeélectoral

Page 35: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

35« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

Parailleurs,ilfautsoulignerquelerèglementcenséfixerlesmodalitésd’applicationde l’article 7, relatif à l’aide financière spécifique octroyée par l’etat aux partispolitiquesappliquantlaloi,n’atoujourspasétéadoptéetneleserapasàtempspourlesélectionslégislativesdemai2012.

enfin,lefaitquelaloinesoitpasmentionnéedanslesvisasdelaloiorganiquerelativeaurégimeélectoralnidecellerelativeauxpartispolitiques-pourtantdesloisderéférenceenmatièreélectoral-,montrequelaquestiondelaparticipationdes femmesdemeureunsujet fortementcloisonné, limitéeàêtre traitéecommeunequestionspécifiqueetnoncommeunequestiondedroitsde toutcitoyenàparticiperauxélectionscommeà laviedespartispolitiquesetà lagestiondesaffairespubliques.

b) UnE LoI paRTIELLE

silaloiorganiquen°12-03,du12janvier2012,fixelesmodalitésaugmentantleschancesd’accèsdesfemmesàlareprésentationdanslesassembléesélues,elleexclutdesonchampd’applicationleconseildelanation,secondechambreduParlement30.Pourtant,celui-cisecomposede144membresdont96sontélusausuffrageindirect31.

or,àl’heureactuelle,iln’yaaucunefemmeparmilesmembresélusduconseildelanation.s’ilpeutêtreadmisqu’ilestcomplexe,maispasimpossible,d’étendrelesdispositionsdelaloiorganiquen°12-03àuneélectionindirecte, l’absencedefemmesparmilesmembresélusduconseildelanationjustifieraitàelleseuleunetelleextension.deplus,ilauraitététrèssimpled’introduirelorsdelarévisionde2008 l’obligationquefigurentparmi lesmembresnon-élusduconseilde lanation,quisontnommésparleprésidentdelaRépublique,unnombreminimumdefemmes.al’heureactuelle,leconseildelanationnecomporteque7femmesquifontpartiedu«tiersprésidentiel».

Parailleurs,laloiorganiquenerenfermeaucunegarantiedeprésenceeffectivedesfemmesinfinedanslesassembléeséluesqu’ellementionne.eneffet,concernantle tauxdesfemmesélues, la loineprévoitpasdedispositionsspécifiquespourque lespourcentagesdecandidatessur les listesélectoralesse reproduisentau

30 Loiconstitutionnelledu28novembre1996,JoRan°76,du8décembre199631 elusparmietparlesmembresdesassembléesPopulairescommunalesetdel’assembléePopulaire

deWilayaenmoyennede2membrespourchaquewilaya

Page 36: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

36

loi oRganique n° 12-03 Du 12 janvieR 2012 fiXant les moDalités augmentant les chances D’accÈs De la femme à la RepRésentation Dans les assemBlées élues

niveaudesfemmeséluesàlafoisauniveaunationaletlocal.enoutre,lenouveaucodeélectoralprévoitqu’ilfauttenircompteduclassementdescandidats.ainsi,s’agissantdel’électiondesmembresdesassembléespopulairescommunalesetdewilaya,quisefaitsurlemodeduscrutindelisteàlaproportionnelle,l’article69prévoitque«l’attributiondessiègesentrelescandidatsd’unelistedoitobéirà l’ordredeclassementdescandidatssurcette liste.Les listesdescandidatsauxélectionsdesassembléespopulairescommunalesetdewilayasdoiventêtreclassées».ilenestdemêmepourl’électiondesdéputéspuisquel’article88dispose que « les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre figurant surchaqueliste».

or, si l’ordre de classement est à respecter, la nouvelle loi ne prévoit à aucunmoment l’obligation de l’alternance homme-femme dans les listes, qui étaitpourtantmentionnéedans leprojetde loidiscutépar l’aPn.c’estpourtantcettemesurecombinéeà l’introductiondesquotasquipermetaux femmesdefigureren positions éligibles et d’obtenir une représentation plus importante dans lesinstancesélues.ensonabsence,ilsuffitdemettrelequotadefemmesenfindeliste(enpositionnon-éligible)pourqueriennechange…

L’exemple de la loi adoptée en tunisie dans la perspective de l’élection del’assembléeconstituante,quiaimposéunsystèmeparitaireà50%etl’obligationd’alternancehomme/femmesur les listes32,montrequecettemesurepeutavoirdes retombées importantes même si elles sont encore relatives: à l’assembléeconstituante,élueenoctobre2011,49siègessur217ontétéremportéspardescandidatessoit22,5%dutotal.

Laseulegarantieàlaprésencedesfemmesdanslesassembléeséluesinfinesetrouveàl’article6quiprévoit«leremplacementdescandidatsoudesélusparunepersonnedumêmesexe».cettedispositionprotègeleséluescarelleleurpermetdepréserver lesplacesobtenuesauxélections.cependant,du faitquecette loine renfermeaucunegarantiedeprésenceeffectivedes femmes in finedans lesassembléeséluesqu’ellementionne,cettedispositionaurapoureffetd’empêcherquelenombredereprésentantesfemmesdépasselenombredescandidatesélues,encasdedémissions,puisqueunecandidatefemmenepourrajamaisprétendrederemplacerunélu.

32 article 16 du décret-loi n°35 du 10 mai 2011 relative aux élections de l’assemblée nationaleconstituante.

Page 37: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

37« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

c) aRTICLE 8 : RappoRT d’évaLUaTIon

d’autrescritiquesopposablesàcette loiorganiquerésultentdel’avisduconseilconstitutionnellui-même.ainsi,lelégislateuravaitprévudansl’article8duprojet,objetdelasaisine,laremiseauParlement,aprèschaqueélectiondesassembléesconcernées,d’unrapportgouvernementalévaluantl’applicationdelaloiorganique.cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle sur le fondement du principedeséparationdespouvoirsexécutifetlégislatif,envertuduquel,selonleconseilconstitutionnel,«chaquepouvoirdoitinscriresonactiondansleslimitesstrictesqueluidéfinitlaconstitution».Leconseilconstitutionnelaégalementdécidéqu’enprévoyantuntelmécanisme,«lelégislateurainstitué,àsonprofit,uninstrumentdecontrôlede l’actionduGouvernement».or, leconseilauraitpu,sur labasede l’article99de laconstitutionqu’ilcite-quiconfèreauParlement ledroitdecontrôler l’actiondugouvernement-, inciter le législateurorganiqueàconfiercecontrôle légitimeauParlement,dont l’undesrôlesestprécisémentd’évaluer lespolitiquespubliques.

recommandations

engager une politique plus ambitieuse pour favoriser la représentation desfemmesdanstouteslesinstancesdécisionnellespubliques,àtouslesniveaux,etassurerledroitégaldeshommesetdesfemmesdejouirdesdroitscivilsetpolitiques,commeénoncéàl’article3duPacteinternationalpourlesdroitscivilsetpolitiques;

instaurerl’obligationdel’alternancehomme-femmedansleslistes;

adoptersansdélailerèglementcenséfixerlesmodalitésd’applicationdel’article7, relatif à l’aide financière spécifiqueoctroyéepar l’etat auxpartispolitiquesappliquantlaloiorganiquen°12-03du12janvier2012;

Leverdemanièreclaireetintégralelesréservesdesarticles2,15(paragraphe4),16et29,àlacedaW;

intégrerdanslalégislationalgérienne,notammentlaconstitution,unedéfinitiondeladiscriminationconformeàcelledel’article1erdelaconventioncedaWratifiéeparl’algérie;

Page 38: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

38

loi oRganique n° 12-03 Du 12 janvieR 2012 fiXant les moDalités augmentant les chances D’accÈs De la femme à la RepRésentation Dans les assemBlées élues

RatifieretmettreenœuvredemanièreeffectiveleprotocoleoptionnelannexeàlacedaW;

abroger toutes les dispositions légales qui restent discriminatoires envers lesfemmes et les remplacer par des dispositions assurant l’égalité des droits etdevoirsentreleshommesetlesfemmes,notamment: les dispositions du code de la famille relatives à la polygamie; les

dispositions inégalitaires relatives à la dissolution du mariage comme ledivorceunilatéralementprononcéparl’épouxainsiquel’inégalitéenmatièresuccessorale;

lecodede lanationalitéafinde reconnaitre lemariage entreune femmealgérienneetunnon-algérienetdepermettreàlafemmealgériennemariéeà un non-algérien de transmettre sa nationalité à ses enfants, selon unmécanisme clair et transparent et non en se basant sur des conditionssusceptiblesdevarierenfonctiondesindividus.

5. LES RéSERvES dE L’aLgéRIE à La CEdaW

Article2

Lesetatspartiescondamnentladiscriminationàl’égarddesfemmessoustoutessesformes,conviennentdepoursuivrepartouslesmoyensappropriésetsansretardunepolitiquetendantàéliminerladiscriminationàl’égarddesfemmeset,àcettefin,s’engagentà:

a) inscriredansleurconstitutionnationaleoutouteautredispositionlégislativeappropriéeleprincipedel’égalitédeshommesetdesfemmes,sicen’estdéjàfait,etàassurerparvoiedelégislationoupard’autresmoyensappropriés,l’applicationeffectiveduditprincipe;

b) adopterdesmesureslégislativesetd’autresmesuresappropriéesassorties,ycomprisdessanctionsencasdebesoin,interdisanttoutediscriminationàl’égarddesfemmes;

c) instaureruneprotectionjuridictionnelledesdroitsdesfemmessurunpiedd’égalitéavecleshommesetgarantir,parletruchementdestribunauxnationauxcompétentsetd’autresinstitutionspubliques,laprotectioneffectivedesfemmescontretoutactediscriminatoire;

Page 39: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

39« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

d) s’abstenirdetoutacteoupratiquediscriminatoireàl’égarddesfemmesetfaireensortequelesautoritéspubliquesetlesinstitutionspubliquesseconformentàcetteobligation;

e) Prendretoutesmesuresappropriéespouréliminerladiscriminationpratiquéeàl’égarddesfemmesparunepersonne,uneorganisationouuneentreprisequelconque;

f) Prendretouteslesmesuresappropriées,ycomprisdesdispositionslégislatives,pourmodifierouabrogertouteloi,dispositionréglementaire,coutumeoupratiquequiconstitueunediscriminationàl’égarddesfemmes;

g) abrogertouteslesdispositionspénalesquiconstituentunediscriminationàl’égarddesfemmes.

Article 9

1. Lesetatspartiesaccordentauxfemmesdesdroitségauxàceuxdeshommesencequiconcernel’acquisition,lechangementetlaconservationdelanationalitéilsgarantissentenparticulierquenilemariageavecunétranger,nilechangementdenationalitédumaripendantlemariagenechangeautomatiquementlanationalitédelafemme,ninelarendapatride,ninel’obligeàprendrelanationalitédesonmaricequiconcernelanationalitédeleursenfants.

2. Lesetatspartiesaccordentàlafemmedesdroitségauxàceuxdel’hommeencequiconcernelanationalitédeleursenfants.

Article 15 (paragraphe 4)

1. Lesetatspartiesreconnaissentàlafemmel’égalitéavecl’hommedevantlaloi.

2. Lesetatspartiesreconnaissentàlafemme,enmatièrecivile,unecapacitéjuridiqueidentiqueàcelledel’hommeetlesmêmespossibilitéspourexercercettecapacité.ilsluireconnaissentenparticulierdesdroitségauxencequiconcernelaconclusiondecontratsetl’administrationdesbiensetleuraccordantlemêmetraitementàtouslesstadesdelaprocédurejudiciaire.

Page 40: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

40

loi oRganique n° 12-03 Du 12 janvieR 2012 fiXant les moDalités augmentant les chances D’accÈs De la femme à la RepRésentation Dans les assemBlées élues

3. Lesetatspartiesconviennentquetoutcontratettoutautreinstrumentprivé,dequelquetypequecesoit,ayantuneffetjuridiquevisantàlimiterlacapacitéjuridiquedelafemmedoitêtreconsidérécommenul.

4. Lesetatspartiesreconnaissentàl’hommeetàlafemmelesmêmesdroitsencequiconcernelalégislationrelativeaudroitdespersonnesàcirculerlibrementetàchoisirleurrésidenceetleurdomicile.

Article 16

1. Lesetatspartiesprennenttouteslesmesuresnécessairespouréliminerladiscriminationàl’égarddesfemmesdanstouteslesquestionsdécoulantdumariageetdanslesrapportsfamiliauxet,enparticulier,assurer,surlabasedel’égalitédel’hommeetdelafemme:

a) Lemêmedroitdecontractermariage;

b) Lemêmedroitdechoisirlibrementsonconjointetdenecontractermariagequedesonlibreetpleinconsentement;

c) Lesmêmesdroitsetlesmêmesresponsabilitésaucoursdumariageetlorsdesadissolution;

d) Lesmêmesdroitsetlesmêmesresponsabilitésentantqueparents,quelquesoitleurétatmatrimonial,pourlesquestionsserapportantàleursenfants;danstouslescas,l’intérêtdesenfantsseralaconsidérationprimordiale;

e) Lesmêmesdroitsdedéciderlibrementetentouteconnaissancedecausedunombreetdel’espacementdesnaissancesetd’avoiraccèsauxinformations,àl’éducationetauxmoyensnécessairespourleurpermettred’exercercesdroits;

f) Lesmêmesdroitsetresponsabilitésenmatièredetutelle,decuratelle,degardeetd’adoptiondesenfants,oud’institutionssimilaires,lorsquecesconceptsexistentdanslalégislationnationale;danstouslescas,l’intérêtdesenfantsseralaconsidérationprimordiale;

Page 41: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

41« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

g) Lesmêmesdroitspersonnelsaumarietàlafemme,ycomprisencequiconcerneleschoixdunomdefamillesd’uneprofessionetd’uneoccupation;

h) Lesmêmesdroitsàchacundesépouxenmatièredepropriété,d’acquisition,degestion,d’administration,dejouissanceetdedispositiondesbiens,tantàtitregratuitqu’àtitreonéreux.

2. Lesfiançaillesetlesmariagesd’enfantsn’aurontpasd’effetsjuridiquesettouteslesmesuresnécessaires,ycomprisdesdispositionslégislatives,serontprisesafindefixerunâgeminimalpourlemariageetderendreobligatoirel’inscriptiondumariagesurunregistreofficiel.

Article 29

1. toutdifférendentredeuxouplusieursetatspartiesconcernantl’interprétationoul’applicationdelaprésenteconventionquin’estpasrégléparvoiedenégociationestsoumisàl’arbitrage,àlademandedel’und’entreeux.si,danslessixmoisquisuiventladatedelademanded’arbitrage,lespartiesneparviennentpasàsemettred’accordsurl’organisationdel’arbitrage,l’unequelconqued’entreellespeutsoumettreledifférendàlacourinternationaledeJustice,endéposantunerequêteconformémentaustatutdelacour.

2. toutetatpartiepourra,aumomentoùilsigneralaprésenteconvention,laratifieraouyadhérera,déclarerqu’ilneseconsidèrepasliéparlesdispositionsduparagraphe1duprésentarticle.Lesautresetatspartiesneserontpasliésparlesditesdispositionsenversunetatpartiequiauraformuléunetelleréserve.

3. toutetatpartiequiauraformuléuneréserveconformémentauxdispositionsduparagraphe2duprésentarticlepourraàtoutmomentlevercetteréserveparunenotificationadresséeausecrétairegénéraldel’organisationdesnationsUnies.

Letexteintégraldelaconventionestdisponibleauliensuivant:http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm

Page 42: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

3

Page 43: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

43« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

loi oRganique n° 12-04Du 12 janvieR 2012 Relative auX paRtis politiques

Lanouvelleloisurlespartispolitiques,quicontient84articles,n’apasapportédechangementmajeurparrapportàlaloiorganiquen°97-09du6mars1997.seules nouveautés apportées par cette loi : l’obligation pour le ministère del’intérieurdedélivrerunrécépissédedépôtdedéclaration(art.18)-sansquecetteobligationsoitpourtantentouréed’unegarantied’effectivitédanslapratique-ainsiquelapossibilitéderecourspourlepartidevantleconseild’etattoutaulongdelaprocéduredeconstitutiondanslecasd’unrefusopposéparl’administration.

maisdemanièregénérale, cettenouvelle loi consolidedavantage lepouvoirdel’administration et du ministère de l’intérieur à l’égard des partis politiques. del’étapedecréationdupartijusqu’àl’organisationinternedecelui-ci,leministredel’intérieurdisposedetrèslargesprérogativesluipermettantuncontrôleimportantsurlespartis.

cette loi pose problème non seulement à cause de certains articles rédigés demanièrevagueetimprécise,maissurtoutàcausedelasouplessedesprocéduresde dissolution et des interdictions et des restrictions imposées en particulier enmatièredecréationdespartis,demodificationdeleursstatutsetdesrelationsdespartisavecl’étranger.

Page 44: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

44

loi oRganique n° 12-04 Du 12 janvieR 2012 Relative auX paRtis politiques

1. procédure de création des partis politiques

Réclamédepuislongtempsparplusieursformationspolitiques,l’assouplissementdu régimedecréationdespartisn’apasvu le jour.Le législateursembleavoirdéfinitivementtournéledosausystèmedéclaratifquifutinstauréparlapremièrelégislation algérienne relative aux partis politiques, la loi n° 89-11 du 5 juillet1989.

Lanouvelleloide2012reconduitdonclerégimed’autorisationpréalableenmatièredecréationdespartispolitiques.cerégime,introduitparl’ancienneloiorganiquedu6mars1997relativeauxpartispolitiques,conditionnel’exercicedecettelibertéàuneautorisationpréalabledélivréeparleministèredel’intérieur(art.16).selonlanouvelleloi,laprocéduredecréations’effectueentroisétapes:d’abordl’obtentiondurécépissédudépôtdudossier,ensuiteladécisionadministrativeautorisantlatenueducongrèset,enfin,l’agrémentduparti.

Leministredel’intérieurdisposeainsideprérogativestrèsimportantes,laissantdefactoàsadiscrétionladécisiond’accepterouderefuserl’agrémentauxdifférentesformationsquisouhaitents’engageretparticiperàlaviepolitique.

alors même que la constitution et les textes internationaux, comme le Pacteinternationalauxdroitscivilsetpolitiques,garantissentetconsacrentcettelibertépar l’instauration d’un système déclaratif de simple notification ainsi que d’uneprocédure souple pour favoriser la création des partis, le ministre de l’intérieurayantdéfenducenouveau textede loiadéclaré :«Jeneconnaisaucunpaysquipermetlacréationdepartispolitiquessurlabased’unsystèmedéclaratif.ceseraitunraccourci tropdangereuxetcomplètement illégal.celaouvrirait lavoieàlaconfusionetàl’anarchie»33.Leministresembleméconnaitrelapratiquedu«systèmedéclaratif»adoptéparlagrandemajoritédespaysdémocratiques.

de plus, cette loi impose des conditions très strictes à l’agrément des partis,notammentàsonarticles21quiimposequelesfondateursdupartidoiventmêmedisposer d’un siège du parti, avant d’obtenir son agrément qui seul lui permetd’acquérirlapersonnalitéjuridique.

33 déclarationduministredel’intérieurdahououldKabilalorsdelaséanceplénièredel’aPndu24novembre2011.

Page 45: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

45« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

Par ailleurs, comme déjà dans le cas du code électoral (fiche 1), aucun lienn’est faitaveclanouvelleloiorganiquen°12-03du12janvier2012fixant lesmodalitésaugmentantleschancesd’accèsdelafemmeàlareprésentationdanslesassembléesélues(fiche2),alorsquel’article17imposequ’une«proportionreprésentativedesfemmes»existeparmilesmembresfondateursetquel’article41imposeàtoutpartipolitiquede«comporteruneproportiondefemmesauseindesesorganesdirigeants».cetteproportionn’estpaspourautantpréciséeparla loi. aucune disposition ne mentionne par ailleurs quelle mesure serait prisedanslecasoùunparti,parexemple,necomporteraitaucunefemmeparmisesdirigeantsouparmisesmembresfondateurs.est-cequelepartipourraitencourirdes sanctions de la part de l’administration ? est-ce que l’agrément d’un partipourraitêtrerejetépourcetteraison?

2. restrictions à la création des partis

L’article8interditlacréationdetoutpartidontl’objectifestcontraireaux«valeursetauxcomposantesfondamentalesdel’identiténationale»ainsiqu’à«l’éthiquedel’islam»(alinéas1-2).cescritèressontextrêmementvaguesetimprécisetfontcraindrelesinterprétationsarbitrairesquel’administrationpourraitenfaire.

L’article5delanouvelleloiinterditdefonderunpartipolitiqueà«toutepersonneresponsable de l’instrumentalisation de la religion ayant conduit à la tragédienationale»etégalementà«quiconqueayantparticipéàdesactions terroristesrefusedereconnaîtresaresponsabilitépoursaparticipationdanslaconception,laconduiteetl’exécutiond’unepolitiqueprônantlaviolenceetlasubversioncontrelanationetlesinstitutionsdel’etat».cettedispositionsembleviserlesmembresdesgroupesarmésislamistes.

Page 46: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

46

loi oRganique n° 12-04 Du 12 janvieR 2012 Relative auX paRtis politiques

Parailleurs, lesarticles6et9de lanouvelle loivisentclairementà interdire leretourdupartidissousduFront islamiquedusalut(Fis)sur lascènepolitique.L’interdictioneststrictepourlespartisdenepas«s’inspirerduprogrammed’actiond’unpartipolitiquedissousjudiciairement»34,cequiestlecasdel’ancienFis.

ces dispositions qui semblent vouloir rassurer une partie de la populationsoulèventdifférentesquestions.eneffet,onnesaitpassi«laresponsabilitédansl’instrumentalisationdelareligionayantconduitàlatragédienationale»estuneresponsabilitédetypepolitiqueoudenaturepénale.sielleestdenaturepolitique,laloineditpascommentelleestétablie.sielleestdenaturepénale,nilalégislationpénale ni l’ordonnance n° 06-01 du 27 février 2006 portant mise en œuvrede lachartepour lapaixet la réconciliationnationalenedéfinissent l’infractiond’« instrumentalisationde la religionayantconduità la tragédienationale»quidevraitalorsluiservirdebase35.

Par ailleurs, certaines questions restent irrésolues notamment lorsque l’on saitque la même ordonnance n° 06-01 prévoit l’extinction des poursuites pénalesou l’amnistie pour tout individu recherché, condamné ou détenu pour actes deterrorismeà l’exceptiondespersonnes inculpéesoucondamnéespourdes faitsdemassacrescollectifs,deviolsoud’attentatsàlabombedansdeslieuxpublics,ainsiqu’auxcomplicesetauxinstigateursdetelsactes.or,l’ordonnancen°06-01aétémiseenœuvredansunegrandeopacité.commel’opinionpubliquealgérienneneconnaitpas lenombredepersonnesayantbénéficiédesmesuresd’amnistieoudegrâceprévuesparl’ordonnancen°06-01,niafortiorilesinfractionspour

34 …etdenepas«sedoterdumêmenom,sigleintégralouautresigneintégraldistinctifappartenantàunpartiouorganisationpréexistantesouayantappartenuàunmouvementdequelquenaturequecesoit,dontl’attitudeoul’actionontétécontrairesauxintérêtsdelanationetauxprincipesetidéauxdelaRévolutiondu1ernovembre1954».LaréférenceauxprincipesetidéauxdelaRévolutiondu1ernovembre1954pourraitégalementfairepenserquetoutpartis’inspirant,parexemple,del’ancienPartiPopulairealgérien(PPa)oudumouvementnationalalgérien(mna)seraitégalementviséparcettedisposition.

35 L’article 5 de la loi organique n° 12-04 ne fait qu’appliquer à la création de partis politiquesl’interdictionposéeparl’article26del’ordonnancen°06-01dontl’alinéa1erdisposeque«l’exercicedel’activitépolitiqueestinterdit,sousquelqueformequecesoit,pourtoutepersonneresponsabledel’instrumentalisationdelareligionayantconduitàlatragédienationale»tandisquesonsecondalinéapréciseque«l’exercicedel’activitépolitiqueestinterditégalementàquiconque,ayantparticipéàdesactionsterroristesrefuse,malgrélesdégâtscommisparleterrorismeetl’instrumentalisationdelareligionàdesfinscriminelles,dereconnaîtresaresponsabilitédanslaconceptionetlamiseenœuvred’unepolitiqueprônantlaviolencecontrelanationetlesinstitutionsdel’etat».

Page 47: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

47« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

lesquellesellesontbénéficiédecesmesures, ilest impossiblededéterminersil’exclusion de certains infractions prévues par l’ordonnance a été respectée.degrandsdoutespèsentsur le respectdecetteexclusiondu faitquedeschefsdegroupesarmésislamistesontbénéficiédecesmesures36.

Laquestiondeladéchéancedesdroitspolitiques,enparticulierledroitdevoteret d’être élu, est une question essentielle à aborder dansunpays qui a connuuneviolenceimportantedurantlesannées1990.ilconviendraitdoncdelatraitersérieusement et de poser des critères clairs, dans le respect des engagementsinternationauxde l’algérie.a cet égard, il semble essentiel, aussibiendupointdevuepolitiquequedupointdevuejuridique,qu’ilsoitnotammenttenucomptede lagravitéducrimecommis,enparticulierdurant lapérioded’applicationdel’étatd’urgence,etcequellequesoitlaqualitéetlestatutdesonauteur,etqueladéchéancenepuisseêtreprononcéepourchaqueindividuqu’àl’issued’unprocèséquitable.enl’absencedecritèresclairsapplicablesparunejusticeindépendante,l’interdictiondesactivitéspolitiquesprévueparl’ordonnancen°06-01risquedecontinuer d’être appliquée de manière opaque et arbitraire en laissant de côtécertainsauteursdecrimesterroristesgravesquiontfitallégeanceaupouvoir.

3. modifications

L’article36delaloistipuleque«leschangementsquiinterviennentconformémentauxstatutsetaurèglementintérieurduparti,dansl’organisationetlacompositiondesorganesdirigeantsainsiquetoutemodificationdesstatuts,fontl’objet,danslestrente(30)joursquisuivent,d’unenotificationauministrechargédel’intérieur,pourvalidation».

cesmêmesdispositionsétaientcontenuesdanslaloiorganiquedu6mars199737,maisleschangementsnedevaientenaucuncasfairel’objetd’unevalidationparleministrede l’intérieur,maisd’unesimpledéclarationà titred’information.Les

36 VoirnotammentFaridalilat,«madanimezragneregretterien»,JeuneafriqueL’intelligent,2janvier2006, disponible sur http://www.jeuneafrique.com/article.php?idarticle=Lin25126madanneiret0 ;voirégalementsalimatlemçani,«aprèslespromessesélectorales,laréalitéreprendledessus»,quotidiend’informationdelanguefrançaiseelWatan,12avril2010,disponiblehttp://www.elwatan.com/Bouteflika-partage-entre-le-pardon?page=plan.

37 L’article20delaloiorganiquedu6mars1997énonceque:«toutchangementsurvenudansladirectionoul’administrationrégulièrementdésignéesparlepartipolitique,ainsiquetoutemodificationdesstatutsoucréationdenouvellesstructureslocales,doivent,danslemoisquisuitlechangementintervenu,fairel’objetd’unedéclarationauministèrechargédel’intérieur».

Page 48: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

48

loi oRganique n° 12-04 Du 12 janvieR 2012 Relative auX paRtis politiques

dispositionsdel’article36confortentcettevolontédecontrôledel’administrationsurlespartispolitiquesnonseulementàleurcréation,maiségalementauniveaudeleurorganisation.ils’agitd’uneingérencegravedansl’organisationinternedespartis politiques, alors même que les autorités soutenaient avant son adoptionquelaloin’autoriseraitaucuneinterférencedansl’organisationinternedespartispolitiques38.

4. dissolution

Lanouvelleloiintroduitégalementdesnouveautésenquiconcerneladissolutiondu parti politique. Le tiret 2 de l’article 70 prévoit que la dissolution peut êtreengagéeparleministredel’intérieurdevantleconseild’etatsileparti«n’apasprésenté de candidats à quatre élections législatives et locales consécutives aumoins».celaapoureffetdepesercommeunemenacepourcertainspartisdel’opposition ainsi que d’interférer dans le processus démocratique de prise dedécisioninternedespartisquipourraientfairelechoixdeboycotterlesélectionsoudemenercampagnepourl’abstention.cettedispositionintroduiteparlanouvelleloimarqueunenouvellefoisl’ingérencedupouvoirdanslesaffairesinternesdespartispolitiquesetporteatteinteaux«règlesdulibrechoix»desadhérentsd’unpartiprévuàl’article38delamêmeloi.

au-delà de la procédure classique de dissolution d’un parti, le ministre del’intérieur,selonl’art.71,estautorisé«encasd’urgence»et«avantqu’ilnesoitstatuésurl’actionjudiciaireintroduite»de«prendretoutesmesuresconservatoiresnécessaires, pour prévenir, faire face ou mettre fin aux situations d’urgenceet des violations des lois en vigueur ». cette disposition laisse à l’appréciationdiscrétionnaire du ministre de l’intérieur le soin de déterminer ce qui relève del’urgence ou pas afin de prendre des mesures conservatoires qui peuvent êtrepréjudiciablespourlepartipolitiquedanscettesituation,puisquemêmesicelui-ci«peutexercerunrecours,devant leconseild’etatstatuantenmatièrederéféré,pourdemanderl’annulationdelamesureconservatoiredécidée.cerecoursn’estpassuspensifd’exécution»(alinéa2).Leparticoncernéparcettemesuren’auradoncaucuneautrealternativequecelledeseplieràcettesuspensiontemporaire

38 Lecommuniquéduconseildesministresdu11et12septembre2011précisaitque :« leprojetde loin’autoriseaucune interférencedans l’organisation internedespartispolitiquesetse limiteàénoncerl’obligationpourlesstatutsdecesderniersdefixerdesrèglesdémocratiquespourrégirleurfonctionnement,d’encouragerlapromotiondel’élémentféminindansleursinstancesdirigeantesetdefixer,enfin,desrèglespourassurerlatransparencedanslefinancementdespartisetpourlaluttecontretouteformedecorruptiondanslaviepolitique».

Page 49: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

49« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

enattendantladécisionduconseild’etatdevantlaquelle,cependant,iln’aurapaslapossibilitédefaireappel.

deplus,l’article64decetteloiautoriseleministredel’intérieur«encasd’urgence»ou «de troubles imminentsà l’ordrepublic»desuspendre toutes lesactivitéspartisanesdesmembres fondateursetordonner la fermeturedes locauxutiliséspourcesactivitésàtraversunesimpledécisionadministrative«dûmentmotivée»,renforçantainsidavantage lepouvoirexécutifà l’abride toutcontrôle judiciaire.certes,l’article64prévoitqueladécisiondesuspensionestsusceptiblederecoursdevant le conseil d’etat mais, comme mentionné auparavant, prive en mêmetempslesjusticiablesdelapossibilitédefaireappelcontrecettedécisiondejustice.

5. interdictions des relations extérieures

Lasection3duchapitredédiéaufonctionnementetàl’activitédupartipolitiques’intitule«Relationsdupartipolitiqueaveclesautresformations»maiselletraiteenréalitédesinterdictionsfaitesauxpartisd’entretenirdesrelationsavecl’étranger.eneffet,parmilesdispositiondel’article51,ilestnotammentinterditauxpartisde«menerdesactionsàl’étrangervisantàporteratteinteàl’etat,àsessymboles,asesinstitutionsetàsesintérêtséconomiquesetdiplomatiques,niavoirdesliensoudesrapportsdenatureàluidonnerlaformed’unesection,d’uneassociationoud’ungroupementpolitiqueétranger».cettedispositionconstitueuneatteinteà la libertéd’expressionqui apourbut d’éviter que les responsablespolitiquesdel’opposition,quiremettentenquestionleschoixpolitiquesfaitsparlepouvoiralgérien, trouvent écho sur la scène internationale. comme dans le cas de lanouvelleloisurlesassociations(fiche5),laquestiondesrelationsavecl’étrangers’avèreencoreunefoisêtreunesortede«lignerouge»ànepasdépasserpourlesautoritésalgériennes39.

39 Unedispositionsimilaireestaussiprévueàl’article46del’ordonnancen°06-01du27février2006portantmiseenœuvredelachartepourlapaixetlaréconciliationnationale.

Page 50: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

50

loi oRganique n° 12-04 Du 12 janvieR 2012 Relative auX paRtis politiques

recommandations

abrogerlaloi12-04relativesauxpartispolitiques;

elaborer une nouvelle loi sur les partis politiques conforme aux standardsinternationauxenlamatière,afinde:

Garantir que les partis peuvent se former dans le cadre d’un systèmedéclaratifsansavoirbesoind’uneautorisationpréalable;

Garantir que les autorités remettent systématiquement et immédiatementlerécépissédedépôtdesdossiersdecréationdepartis,notammentparla possibilité d’une déclaration par voie électronique parallèlement à ladéclarationclassique;

Garantir un recours effectif devant des juridictions impartiales etindépendantesetdansdesdélaisraisonnablesauxpartisdontl’autorisationauraitétérefuséparl’autoritécompétente;

Garantirlalibertéd’expression,lalibertéderéunionetderassemblementpacifique et la liberté demouvement à tous les citoyens, y compris lesmilitantsresponsablesdespartispolitiques.

En paRTICULIER SUR La CHaRTE poUR La paIXET La RéConCILIaTIon naTIonaLE

cesser les entraves délibérées à l’accès aux droits à la vérité, à la justiceet à une réparation pleine et entière tels que définis dans plusieurs textesinternationauxquiengagentl’algérie;

abroger les textesd’applicationde lachartepour lapaixet la réconciliationnationale qui organisent l’impunité de toutes les violations des droits del’Hommecommisesdurantlaguerrecivile;

mettre en place une commission « vérité, justice et réconciliation » afin derétablir lavéritésurlescrimescommisdanslesannées1990etlesortdesvictimesayantlemandatetlesmoyenspourmenerdesenquêtesapprofondiesetimpartiales;

Page 51: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

51« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

Ratifierlaconventioninternationalepourlaprotectiondetouteslespersonnescontrelesdisparitionsforcées,signéeparl’algériele6février2007

PermettreauGroupedetravailsurlesdisparitionsforcéesetinvolontairesdesnationsUnies,ainsiqu’auRapporteurspécialsurlatortureetauGroupedetravailsurladétentionarbitrairedevisiterl’algériedansundélairaisonnable.

Page 52: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

4

Page 53: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

53« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

loi oRganique n. 12-05Du 12 janvieR 2012 Relative à l’infoRmation

1. les restrictions et conditions pesant sur les auteurs

de l’information

L’article 2 de la loi dispose que l’information est une « activité ». L’informationne sera donc plus « le droit du citoyen d’être informé de manière complète etobjective »40mais commeune activité devant respecter demultiples conditionsfixéesparlelégislateur.

eneffet,sil’article2delaloiprécisequecetteactivités’exerce«librement»danslecadredelalégislationenvigueur,ill’accompagnede12conditionsquetoutepersonnequi exercecetteactivitédoit respecter.Particulièrement imprécisescesconditionsincluentlerespectde«l’identiténationaleetdesvaleursculturellesdelasociété, lasouveraineténationaleet l’uniténationale, lesexigencesde l’ordrepublic, les intérêtséconomiquesdupays, lesmissionsetobligationsdeservicepublic».

cette dispositionpourrait amener les personnesdiffusant de l’informationà êtrecensuréesouàpratiquerune formed’autocensure restreignantainsidemanièreconsidérablelalibertéd’expression.enoutre,lerespectdecesdispositionsdevraitêtreappliquénonseulementauxjournalistesdéjàcontraintspard’autresdispositionsdecemêmetextemaisaussiàtoutepersonnediffusantdel’informationtelleque,

40 article2delaLoi90-07du3avril1990relativeàl’information

Page 54: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

54

loi oRganique n° 12-04 Du 12 janvieR 2012 Relative à l’infoRmation

lesassociations,lespartispolitiques,lesmilitantsdesdroitsdel’Homme.eneffetl’activitéd’informationestdéfinietellequ’elleinclut«toutepublicationoudiffusiondefaitsd’actualité,demessages,d’opinions,d’idéesetdeconnaissances,partoutsupportécrit,sonore,télévisuelouélectronique,àdestinationdupublicoud’unecatégoriedepublic»(article3).

outrecesconditions,lesjournalistesdevrontrespecterlesdispositionsdel’article92quiénonce11nouvellesobligationsajoutéesàcellesquiétaientdéjàprévuesdanslaLoi90-0741selonlesquelleslejournalistedoitnotamment«respecterlesattributsetlessymbolesdel’etat»,«s’interdiretouteatteinteàl’histoirenationale»et « s’interdire de diffuser ou de publier des images ou des propos amorauxou choquants pour la sensibilité du citoyen ». ces interdictions très imprécisespèserontlourdementsurlalibertédesjournalistes,risquantdelesconduireàêtrecensuréset/ouàs’autocensurer.

Les termes«amoraux», «choquant»et «sensibilité »n’ontpasdedéfinitionclaireetprécise,leurinterprétationrisqued’êtresubjectiveetpeutêtrefacilementêtreutiliséecommeunmoyensupplémentairedecensure.ilestaussiregrettablequeleterme«commenter»del’ancienneloisurl’information42aitétéremplacéparleterme«rapporter»àl’alinéa5del’article92delaprésenteloi.eneffet,aulieud’exercersonactivitéintellectuellequiconsisteenl’explicationetlacritiquedesfaitsetévénements,lejournalisteseracantonnéàlasimpleactivitédelesrelater.cettedisposition réduit leschampsd’applicationde la libertéd’expressionmaisaussilalibertéd’opiniondujournaliste,desaréflexion.

Ladiffusiond’informationn’est pasouverteà tous.eneffet, l’article4de la loiénumèrelespersonnesmoraleshabilitéesàexercerlesactivitésdel’informationetcitenotamment« lesmédiasappartenantoucrééspar[…]desassociationsagrées ». cet article limite clairement l’accès aux activités de l’information auxseulesassociations«agréées», interdisantpar làmêmeauxassociationsnonagréées comme sos disparus de diffuser de l’information. ainsi, l’exercice dela libertéd’expressiondesassociationsestsoumisaubonvouloirdesautoritésnationalesquiacceptentourefusentd’enregistrerlesditesassociations.

41 article40delaLoi90-07du3avril1990relativeàl’information.42 article40alinéa4delaloi90-07du3avril1990relativeàl’information

Page 55: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

55« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

2. le principe de liberté d’édition limité par des formalités alourdies, une procédure d’agrément et des conditions supplémentaires pesant sur

le directeur de la publication

sileprincipeselonlequel«l’éditiondetoutepublicationpériodiqueestlibre»aétéreprisàl’article11delaloi,lesformalitésàaccomplirontétéalourdies.eneffet,unedéclarationpréalabledoitêtreremplieetdûmentsignéeparledirecteurresponsablede lapublicationet ce,auxfinsd’enregistrement etdecontrôledevéracité.cettedéclarationquidevait,sous le régimede l’ancienne loi,êtredéposéeauprèsd’unorganejudiciaire;«leProcureurdelaRépublique»,devradésormaisl’êtreauprèsdel’autoritéderégulationdelapresseécrite.

deplus, l’article13de la loidisposeque« l’autoritéde régulationde lapresseécritedélivrel’agrémentdansundélaidesoixante(60)joursàcompterdeladatededépôtdeladéclaration».ainsi,enplusd’allongerledélaientreledépôtdeladéclarationetlaparutiondunouveaunuméroquipassedetrentejoursàsoixantejours, la loi conditionne l’édition d’une publication à une procédure d’agrémentjusque-làsoumiseàunrégimedéclaratif.

enfin,l’article23laloivientajouterdeuxconditionsqueledirecteurresponsabledetoutepublicationpériodiquedoit remplir : la justificationd’«uneexpériencededix(10)ansminimumdansledomainedel’informationpourlespublicationspériodiquesd’information générale et de cinq (5) années d’expérience dans le domaine decompétencescientifique,techniqueoutechnologique…».cesconditionssontencoreplusrestrictivesquedansleprojetdeloi(5annéesd’expérienceétaientrequisessoitdans le domaine de l’information générale, soit dans le domaine spécifique de lapublication).onpeutnéanmoinsnoterquelecritèrederésidenceenalgérieimposéaudirecteurdetoutepublication,présentdansleprojetdeloi,aétéjugénonconformeàlaconstitutionparleconseilconstitutionneletaétéretirédutextefinal.cetteconditionauraitalorsrestreintconsidérablementlapossibilitépourtoutalgérien,notammentceuxrésidantàl’étranger.Lecritèrededétentiondelanationalitéalgérienneaétémaintenu,etinterditdoncauxétrangersrésidantenalgéried’êtredirecteurd’unepublication.

Page 56: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

56

loi oRganique n° 12-04 Du 12 janvieR 2012 Relative à l’infoRmation

3. les larges prérogatives offertes à l’autorité de régulation de la presse écrite

Les attributions de l’autorité de régulation de la presse écrite pourraient luipermettred’entraverarbitrairementetconsidérablementlalibertéd’expressionetlalibertéd’opinion.eneffet,l’article40delaloidisposequecetorganeestchargé«d’encouragerlapluralitédel’information»,«préciserlesmodalitésdemiseenœuvredesdroitsàl’expressiondesdiverscourantsd’opinion».

deplus,encasdemanquementauxobligationsprévuesparlaloi,l’autoritéderégulationdelapresseécriteadresseraitdesobservationsetdesrecommandationsauxorganesd’informationconcernésquiseraient«obligatoirementpubliables»parcesderniers.43Lessanctionsquiétaientprévuesàl’article100duprojetdeloi(retraitdel’agrémentdelapublicationousaisinedelajusticed’unedemandedesuspension)ontétéretiréesdutextedeloifinal,éliminantlamenaced’uneatteintesupplémentaireàlalibertéd’expression.

enfin,sil’ontientàféliciterl’introductiondel’amazighentantquelangued’éditiondespublicationspériodiquesd’informationgénéraleenparallèledel’arabe,nousdéplorons que l’article 20 de la loi dispose que l’édition des publications enlanguesétrangèresainsiquecelledespublicationsdestinéesà ladiffusionetàla distribution nationale ou internationale soit soumise à « accord de l’autoritéderégulationdelapresseécrite».auprojetdeloiquiprévoyaitun«avis»aétésubstitué,unaccorddel’autoritéadministrativequipeutdoncinterdirel’utilisationd’unelangueétrangère.

4. une ouverture limitée du secteur de l’audiovisuel

si l’on doit saluer l’ouverture prévue par la loi du secteur de l’audiovisuel auxsociétés de droit privé algérien qui était une revendication de longue datedes représentants des médias mais aussi de la société civile algérienne, nousdéploronsqu’elleaitétéconsidérablementlimitée.d’unepart,l’article59dispose

43 article42delaloin.12-05du12janvier2012.

Page 57: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

57« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

que « l’activité audiovisuelle est unemissionde service public ». elle est doncsoumise à des considérationsd’intérêt général, d’ordre public et ne pourra pasvraiment être exercée librement. en outre, elle sera soumise au respect desconditionsprescritesauxarticles2et5delaloi.d’autrepart,ladistributionparcâblesd’émissionsradiophoniquessonoresoutélévisuellesainsiquel’utilisationdes fréquences radioélectriques seront soumises, en application de l’article 63de la loi«àautorisationattribuéepardécret».or,au regardde laconstitutionalgérienne44, lePrésidentde laRépublique«signe lesdécretsprésidentiels»etdonne son approbation avant la signature des décrets exécutifs par le Premierministre.ainsi,seullePrésidentdelaRépubliqueestcompétentpouraccorderourefuseruneautorisation.

5. le droit de rectification

en vertu de la loi, le droit de rectification s’impose désormais au directeurresponsable de l’organe d’information qui doit publier et diffuser gratuitementtouterectificationquiluiestadresséeetcecisansaucunedécisiondejustice.eneffetl’article100disposeque:«Ledirecteurresponsabledelapublication,ledirecteurduservicede communicationaudiovisuelleou ledirecteurde l’organede presse électronique ou le directeur de l’agence d’information, sont tenus depublier ou de diffuser gratuitement toute rectification qui leur sera adressée partoutepersonnephysiqueoumoraleausujetde faitsouopinionsquiaurontétérapportésdefaçoninexacteparleditorganed’information».L’article112ajouteque:«toutepersonnephysiqueoumoralealgériennealedroitderéponsesurtoutarticleécritouémissionaudiovisuelleportantatteinteauxvaleursnationalesetàl’intérêtnational».ainsi,seuleslespersonnesphysiquesoumoralesalgériennesaurontlepouvoird’exigerunerectificationdesinformationspubliées.

de plus, le texte ne précise pas quelle autorité se verra attribuer le pouvoir dejuger si les faits ouopinions enquestionont réellement été rapportés de façoninexacteous’ilsportentatteinteaux«valeursnationales»età«l’intérêtnational».eneffet,cesnotionslargesetparticulièrementimprécisespourraiententrainerdesrestrictionsconséquentesde la libertéd’expression. ilest regrettableque ledroitderectificationetledroitderéponsen’aitpasétéoffertauxpersonnesphysiqueset morales lorsque des imputations calomnieuses ont été portées en raison de

44 articles77alinéa8et85alinéa3delaconstitutiondelaRépubliquealgériennedémocratiqueetpopulairedu8décembre1996modifiéparlaLoin°08-19du16novembre2008

Page 58: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

58

loi oRganique n° 12-04 Du 12 janvieR 2012 Relative à l’infoRmation

l’origine,del’appartenanceàuneethnie,delarace,delanationoudelareligiondespersonnesvisées.

enfin, durant les campagnes électorales officielles (article 106), le délai prévupourl’insertiondudroitderéponseouderectificationdanslesquotidiensestréduità24heures,cequifaitcraindrequeledirecteurdepublicationauraitl’obligationdepublierdans les24heuresune rectificationde faitsoud’opinionconsidérésinexactesparunetiercepersonne.

6. restrictions faites aux ressortissants étrangers

et à la presse étrangère

La nouvelle loi pose de nombreuses restrictions quant à l’impression de titresdétenus par des sociétés étrangères, l’importation en algérie de publicationspériodiquesétrangèresainsiqu’àl’importationet/oulaproductiondepublicationspériodiquesdestinéesàladistributionàtitregratuitparlesorganismesétrangersetlesmissionsdiplomatiques.

tout d’abord, l’article22de la loi dispose que l’impression de tout titre détenuparunesociétéétrangère«estsoumiseàautorisationduministèrechargédelacommunication»,enconfiantainsiàunorganeexécutifuncontrôleétenduesurcespublications.enfin,alorsqueprécédemment, la législationneprévoyaituneautorisationpréalablequepourl’importationdepublicationsétrangères,l’article38delanouvelleloisoumetlaproductionetl’importationdepublicationspériodiquesdestinéesàladistributionàtitregratuitparlesorganismesétrangersetmissionsdiplomatiquesà« l’autorisationpréalableduministèredesaffairesétrangères».Par ailleurs, cette autorisation qui était délivrée sous l’empire de l’ancienne loiparl’administrationcompétente,estdésormaisconfiéeàunorganeexécutif.cesrestrictionssontfaitesnotammentvis-à-visdelapresseétrangèremaisaussidesressortissantsétrangersmembresd’organismesetdemissionsdiplomatiques.

d’autre part, la loi interdit « l’aidematérielle directe ou indirecte de toute partieétrangère».45ilestdoncinterditauxdirecteursdetitresoud’organesd’information

45 article29delaloiorganiquesurl’information.

Page 59: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

59« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

derecevoirenleurnompersonnelouaunomdelapublication«desfonds[…]ou[…]avantagesd’unorganismepublicouprivéétranger»souspeined’encouriruneamendede100.000à400.000daenapplicationdel’article117delaloi.Lebutsembleêtreceluid’évitertoutapportvenantdel’étranger,qu’ilsoitpécuniaireou intellectuel, toute influence pour pouvoir mieux contrôler les publicationspériodiques

7. augmentation des amendes et maintien des dispositions pénalisant le délit de presse

La loineprévoitpasdepeined’emprisonnementpour les infractionscommisesparvoiedepresse.cependant,lemontantdesamendesaétéconsidérablementaugmentéetilestdésormaisplafonnéà500.000da.sontnotammentsanctionnéspardesamendeslapublicationouladiffusiondecomptesrendusdedébatsdeprocèsrelatifsàl’étatdespersonnesouàl’avortement.s’ilpeutsemblerétrangequelelégislateuraitspécifiquementévoquél’avortementdansuncorpusnormatifconcernantl’information,ilestd’autantplussurprenantquelesamendesprévuesaientcentuplé.eneffet,l’article121prévoituneamendede50.000à200.000daalorsquel’article93delaLoin°90-07de«2.000à10.000da».46

de plus, cette loi n’emporte pas abrogation des dispositions du code pénalsanctionnant les délits de presse, de diffamation, actuellement en vigueur etqui restreignent considérablement la liberté d’information. en effet, si certainesdispositions du code pénal ont été amendées par la Loi n°11-14 du 20 aout2011afinderemplacerlespeinesd’emprisonnementpardesamendes,l’exercicedes droits à la liberté d’expression et d’information peut encore être sanctionnépar des peines d’emprisonnement. en application de certaines dispositions ducodepénaletnotamment lesarticles96et298ducodepénal, les journalistesrisquent toujours des peines de prison pour avoir tenté d’exercer leur droit à lalibertéd’expression.ainsi,parexemple, l’article96ducodePénaldisposequequiconquediffuse«des tracts,bulletinsetpapillonsdenatureànuireà l’intérêtnational,estpunid’unemprisonnementdesixmoisàtroisansetd’uneamendede20.000daà100.000da».Lapeined’emprisonnementpeutêtreportéeà

46 article93delaLoin°90-07du3avril1990relativeàl’information«Quiconquepublieoudiffusedescomptesrendusdedébatsdesprocèsrelatifsàl’étatdespersonnesouàl’avortementestpuni[…]d’uneamendede2.000à10.000da».

Page 60: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

60

loi oRganique n° 12-04 Du 12 janvieR 2012 Relative à l’infoRmation

5anssi«lestracts,bulletinsetpapillonssontd’origineoud’inspirationétrangère».L’article298ducodePénal sanctionne ladiffamationd’unemprisonnementdedeuxàsixmoisetd’uneamendeoudel’unedesdeuxpeines.

enfin,l’article46del’ordonnanceportantmiseenœuvredelachartepourlapaixetlaréconciliationnationale47punitd’unepeine«d’emprisonnementdetrois(3)ansàcinq(5)ansetd’uneamendede250.000daà500.000daquiconquequi,parsesdéclarations,écritsoutoutautreacte,utiliseouinstrumentaliselesblessuresde la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la Républiquealgérienne démocratique et populaire, fragiliser l’etat, nuire à l’honorabilité deses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’algérie sur le planinternational ». cet article a pourtant été considéré à maintes reprises commeportantatteinteàlibertéd’opinionetd’expressionparlesinstancesinternationalesdeprotectiondesdroitsdel’HommeetnotammentparleRapporteurspécialpourlapromotionetlaprotectiondelalibertéd’expressionetd’opinion,m.FrankLaRue.48

47 ordonnancen°06-01du27février2006portantmiseenœuvrede lachartepour lapaixet laréconciliationnationale

48 http://www.ohchr.org/en/newsevents/Pages/displaynews.aspx?newsid=10946&Langid=e

Page 61: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

61« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

recommandations

Garantir les libertés d’expression, d’opinion et d’information, notamment enconsacrantl’indépendancedesjournalistesetenfacilitantl’accèsauxmédiasdetouslescitoyens;

mettreenconformité la législationalgérienneavec lesdispositionsduPacteinternationalpourlesdroitscivilsetpolitiques,notammentàl’article19;

abrogerlaloiorganiquenº12-05du12janvier2012relativeàl’information;

elaborer une nouvelle loi sur l’information conforme aux standardsinternationaux, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils etpolitiquesdesnationsUnies;

ouvrir de manière effective le champs de l’audiovisuel sans se limiter auxchainesthématiques;

Leverlemonopoledel’etatsurlapublicitéetconfiersagestionetsarépartitionàuneautoritéindépendantequiopèreselondescritèresprécisettransparents;

supprimerlesamendesvisantaprioritouttypedefinancementétrangerpourlesdirecteursdestitresoud’organesd’informations;

Garantirl’indépendancedel’autoritéderégulationdelapresseécrite;

Permettrelapublicationetl’importationdemédiasétrangerssansautorisationpréalabledesautorités;

supprimerl’obligationd’obtenirl’accordpréalabledesautoritéspourl’éditiondepériodiquesenlangueétrangère;

abroger lesdispositionsducodepénalsanctionnant ledélitdepresseetdediffamation;

abrogerl’ordonnancen°06-01du27février2006portantmiseenœuvredelachartepourlapaixetlaréconciliationnationale.

Page 62: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

5

Page 63: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

63« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

loi nº12-06Du 12 janvieR 2012 Relative auX associations

La nouvelle loi sur les associations ne garantit pas les droits des associationsalgériennes tels que prescrits dans les conventions internationales ratifiées parl’algérie,lesquellesont,selonlaconstitutionalgérienneelle-même,valeursupérieureauxloisnationales.Lespréoccupationsprincipalessoulevéesparcetteloisesituentprincipalementà5niveaux:1)laprocéduredecréationdesassociationssoumiseà autorisation préalable ; 2) le mode de financement des associations ; 3) leslimitationsàlacoopérationavecdesorganisationsétrangères;4)lerégimeauquelsontsoumiseslesassociationsétrangèreset5)lesconditionsparticulièrementlargesdanslesquelleslesassociationspeuventêtresuspenduesoudissoutes.

1.selonlanouvelleloi,lasimpledéclarationn’estdésormaisplussuffisantepourcréeruneassociation.Laformationd’associationn’estdoncpassoumiseaurégimedéclaratifditdesimplenotificationmaiselleestconditionnéeparl’accordpréalabledesautoritésquisonttenuesà«délivreràl’associationunrécépisséd’enregistrementayantvaleurd’agrément»ou«àprendreunedécisionderefus»(art.8).sicettenouvelle législation codifie une pratique déjà largement mise en œuvre par lesautoritésadministratives,ellevientrenforcerlepouvoirdecesdernièresetnepermetpasdegarantiruneréglementationindépendanteetimpartialedesassociations.

selonlaloinº12-06,lesautoritéspeuventrefuserl’enregistrementdesassociationsdontellesconsidèrentl’objetoulesbuts«contrairesauxconstantesetauxvaleursnationalesainsiqu’àl’ordrepublic,auxbonnesmœursetauxdispositionsdesloiset règlementsenvigueur»(art.39).enpratique, ilestàcraindrequecescritèresextrêmementvaguesetimprécispermettentauxautoritésadministrativesd’empêcherlaconstitutiondenombreusesassociationsdedéfensedesdroitsdel’Homme,ou

Page 64: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

64

loi nº12-06 Du 12 janvieR 2012 Relative auX associations

d’associationsdesdroitsdes femmesquidemandent l’abrogationducodede lafamilleoud’associationsdefamillesdevictimesduconflitdesannées‘90telleparexemplesos-disparusquimilitepourlavéritéetlajusticeau-delàdesdisposionsdelachartepourlapaixetlaréconciliationnationale49.

en cas de silence de l’administration, l’association est considérée constituée depleindroit,mêmesielledoitencoreattendred’obtenirunrécépisséd’enregistrementpourpouvoir fonctionner légalement(art.11).cependant, lorsque,aprèsunrefus,l’association obtient gain de cause devant les tribunaux, le texte précise que« l’administration dispose d’un délai de trois mois aux fins d’annulation de laconstitutiondel’association»(art.10).cetteprérogativeoctroyéeàl’administrationnonseulementalourditlaprocédure,maisdonneégalementàcelle-cilesmoyensdecontrôleraposterioritoutlechampassociatif.2

en outre, le très controversé article 45 de la loi 90-31 qui prévoyait des peinesd’emprisonnement pour « quiconque administrait une association nonagrée » etqui agissait commeépéededamoclèsau-dessusdesmilitants associatifs actifsauseind’associationsquin’avaientpuobtenirdesautorités le récépissé légal,aétéconservé.deplusdansl’article46delanouvelleloi,lespeinesnes’appliquentpasuniquementauxreprésentantsdesassociations«nonagrées»maisaussiauxassociations «nonencore enregistrées, suspenduesoudissoutes ».Parailleurs,si cemêmearticle réduit laduréede lapeined’emprisonnementmaisaugmenteconsidérablementlemontantdel’amende,ilestregrettablequelesdispositionsdelaloi90-31quidonnaitlapossibilitéaujugedechoisirentrel’unedesdeuxpeines,aitétésupprimé.

enfin,alorsquelaloi90-31prévoyait15membresfondateurspourlacréationd’uneassociation,cequidéjàalourdissait laprocédure,etque lesassociationsavaientdénoncélorsdesétatsgénéraux50,laprésenteloi,quantàelle,prévoitunnombreencoreplusélevédepersonnespourformeruneassociation.ainsi,selonl’article6,ilfautréunir10membresfondateurspouruneassociationcommunale,15membres

49 L’article 46 de l’ordonnance n°06-01 du 27 février 2006 prévoit aussi qu’« est puni d’unemprisonnementde3à5ansetd’uneamendede250.000dinarsalgériensà500.000dinarsalgériens,quiconquequi,parsesdéclarations,écritsoutoutautreacte,utiliseouinstrumentaliselesblessuresdelatragédienationale,pourporteratteinteauxinstitutionsdelaRépubliquealgériennedémocratiqueetpopulaire,fragiliserl’État,nuireàl’honorabilitédesagentsquil’ontdignementservie,outernirl’imagedel’algériesurleplaninternational».

50 Lesetatsgénérauxdelasociétécivileontétéorganisésles14,15et16juin2011parleconseilnationaléconomiqueetsocial(cnes)afin,selon lesmotsduPrésidentBouteflika,de« libérer laparoledelasociétéciviledansl’ordred’unnouveausystèmedegouvernance».

Page 65: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

65« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

pour lesassociationsdewilaya(issusde3communesaumoins),21membrespouruneassociationinter-wilaya(issusde3wilayasaumoins)etpasmoinsde25membrespouruneassociationnationale(issusde12wilayas),làoù,généralement,seules2personnessontnécessairespourformeruneassociation.

2.Laloiprécisequelesressourcesdesassociationssontnotammentconstituéesparlessubventions«consenties»del’État,dudépartementoudelacommune(art.29). cette notion particulièrement floue laisse craindre une interprétationabusivedesautoritéscompétentesquipourraientcontrôleraprioritoutfinancementdusecteurassociatif.

a la différencede la loi antérieure qui prévoyait que les associationspouvaientrecevoir, après autorisation préalable des pouvoirs publics, des dons et legsd’associationsétrangères, laloi12-06indiquequ’«endehorsdesrelationsdecoopérationdumentétablies»,ilestfaitinterdictionauxassociationsderecevoirdes dons, des subventions ou tout autre contribution de toutes « légations ouorganisations non gouvernementale étrangère », et que ces financements fontl’objet de l’accord préalable de l’autorité compétente (art.30). cette nouvellelégislationprivedonclesassociationsdesourcesdefinancementvitalespourleursurvie.enoutre,en imposant lecadredesaccordsditsde«partenariats», lesautoritéss’octroientunmoyendecontrôlesupplémentairesurlesressourcesdesassociationsetparlà-mêmesurleursactivitésetleurspartenaires,leurpermettantdes’ingérerdansleursaffairesintérieuresetd’orienterleurtravail.

Parailleurs,silesdispositionsdel’article18reprennentlesdispositionsdelaloi90-3151, les dispositions de l’article 19 obligent les associations à fournir auxautorités, à l’issue de chaque assemblée générale, les PV de réunion, rapportsmorauxetfinanciers,cequipermetuncontrôleaccrudesactivitésdel’association.deplus,lesassociationssontpuniesd’uneamendedèslorsqu’ellesrefusentdefournircesrenseignements(art.20).

51 L’article 18 dispose « Les associations doivent notifier à l’autorité compétente les modificationsapportéesauxstatutsetleschangementsintervenusdanslesinstancesexécutives».

Page 66: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

66

loi nº12-06 Du 12 janvieR 2012 Relative auX associations

3.Lesdispositionsdel’article21delaloide1990quiprécisaientqueseulesles associations à caractère national pouvaient adhérer à des associationsinternationales et que cette adhésion ne pouvait intervenir qu’après accord duministère de l’intérieur ont été modifiées. ainsi dans la nouvelle loi, toutes lesassociations«agréées»peuventadhéreràdesassociationsétrangères.cependant,ilestaussipréciséqueleministredel’intérieurdoitêtrepréalablementinformédecetteadhésionetqu’il requerra l’avisduministèredesaffaires étrangères. il estaussipréciséqueleministredel’intérieurpeuts’opposerauprojetd’adhésiondansundélaide60jours.enoutre,laloi12-06soumetaussilacoopérationdanslecadred’unpartenariatavecdesassociationsétrangèresetdesonGinternationalesàunaccordpréalabledesautoritéscompétentes(art.23),alorsmêmequelaloi90-31necomportaitaucuneprécisionàcesujet.

4.autremotifdepréoccupation : lesassociationsétrangères–c’est-à-dire lesassociationsqui«ontleursiègeàl’étrangerouquiayantleursiègesurleterritoirenational,sontpartiellementoutotalementdirigéespardesétrangers»(art.59)–,sont sujettes à un régime différent des associations nationales beaucoup pluscontraignant. tout d’abord, les autorités disposent d’un délai de 90 jours pouraccorderourefuserl’agrément,làoùundélaide60joursestnécessairepourlesdemandesdeformationd’associationsnationales(art.61).

deplus,l’article63dutexteindiqueque«lademanded’agrémentd’uneassociationétrangère doit avoir pour objet la mise en œuvre de dispositions contenuesdansunaccordentreleGouvernementet leGouvernementdupaysd’originedel’association étrangère pour la promotion de la relation d’amitié et de fraternitéentre le peuple algérien et le peuple de l’association étrangère », permettant àl’évidenceauxautoritésd’imposerpurementetsimplement lechoixdesactivitésdesassociationsétrangères…aucasoùcelaneseraitpassuffisammentclair,l’article65précisequel’agrémentpeutêtresuspenduouretirésil’association«selivreàuneingérencecaractériséedanslesaffairesdupayshôteouquesonactivitéestdenatureàporteratteinte:àlasouveraineténationale,àl’ordreinstitutionnelétabli,à l’uniténationaleouà l’intégritédu territoirenational,à l’ordrepublicetauxbonnesmœursouencoreauxvaleurscivilisationnellesdupeuplealgérien».Le caractère extrêmement vague de ces dispositions restreint encore davantagela libertéd’association,par levœuénoncéde faire taire l’éventuellecritiquedesassociationsétrangères.

Page 67: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

67« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

Lesfinancementsdesassociationsétrangèressontégalementprispourcible.Laloiindiquequelemontantdeleursfinancements«peutfairel’objetd’unplafonnementdéfiniparvoieréglementaire»(art.67).

5. s’agissant de la suspension et de la dissolution des associations, lanouvelle procédure vient sévèrement renforcer le contrôle du champassociatif :l’associationpeutfairel’objetd’unesuspensiond’activitéoud’unedissolution«encasd’ingérencedanslesaffairesinternesdupaysoud’atteinteàlasouveraineténationale»(art.39).cettedisposition,extrêmementvague,privelesassociationsde tenir leur rôle d’analyse, de critique et d’accompagnement de l’etat dans laconduite de sapolitiquepublique, conditionprimordiale pour le fonctionnementde toutedémocratie.nosassociationsconsidèrenteneffetque toutcitoyend’oùqu’ilsoitaledroitetledevoirdes’intéresserauxaffairesdesonpaysetrappellentque le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PidcP)52, à sonarticle22,disposequeledroitd’associationnepeutfairel’objetquederestrictionsjustifiéescomme«nécessairesdansunesociétédémocratiquedans l’intérêtdela sécurité nationale ou publique, la prévention du désordre et du crime ou laprotectiondelasantéetlamoralitépubliqueoulaprotectiondesdroitsetlibertésd’autrespersonnes».

L’article43delaloiprévoitqu’uneassociationpeutêtredissoutesiellea«reçudesfondsprovenantdelégationsetonGétrangères»ou«exercédesactivitésautresquecellesprévuesparsesstatuts».L’imprécisiondecettedispositionfaitencorecraindreuneinterprétationabusivedesautoritésadministratives,alorsqu’ilauraitétéplusconformeauxlégislationslibéralesdelarégiondepermettreladissolutiond’uneassociationpouravoirpoursuiviun«objectif»oudes«buts»contraireàsesstatuts.

Pis,lemêmearticleprévoitquelademandeenannulationdel’associationpeutêtresollicitéepar«destiersenconflitd’intérêtavecl’association»,laissantsupposerquedesassociationssoutenues,voirecrééespar l’etat lui-même(organisationsconnues sous l’acronyme anglais de GonGo), pourront agir en justice pourempêcherlesassociationsindépendantesdepoursuivreleursactivités.

s’agissantdelaprocéduredesuspensiondesactivitésd’uneassociation,lanouvelleloirevientencoresurunacquisjuridiqueimportant.alorsquel’interventiond’un

52 Ratifiéparl’algériele12septembre1989.

Page 68: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

68

loi nº12-06 Du 12 janvieR 2012 Relative auX associations

jugeétait,depuis1990,nécessaire,poursuspendreuneassociation,laloi12-06revientsurcetacquisenétablissantqu’unedécisionadministrativeestdésormaissuffisante pour suspendre les activités d’une association qui ne seraient pasconformesauxdispositionsdelaloi,sansaucuneprécisionsurlesdispositionsdelaloiauxquellesilestfaitréférence(art.41).

enfin, contrairement aux recommandations de la Rapporteuse spéciale desnations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme53 selon lesquelles,« encasd’adoptiond’unenouvelle loi, toutes lesonGenregistréesauparavantdevraientêtreconsidéréescommepoursuivant leur fonctionnementauregarddela loiet il faudrait leurprévoirdesprocéduresaccéléréespourmettreà jour leurenregistrement»,nousconstatonsquel’article70disposeque«lesassociationsrégulièrement constituées sous l’empire de la loi 90-31 [soient] tenues de seconformeràlaloiparledépôtdenouveauxstatutsconformesàlaloi»,mettantainsiendangertouteslesassociationscrééessouslaloiantérieure.dépassécedélai,lesassociationssontautomatiquementdissoutes.

53 Rapportsurlalibertéd’association2009delaRs-a/64/226.Recommandationparagraphe108.

Page 69: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

69« RéfoRmes politiques » ou veRRouillage supplémentaiRe De la sociétéet Du champ politique en algéRie ? une analyse cRitique

RECoMMandaTIonS

abrogerlaloinº12-06du12janvier2012relativeauxassociations;

elaborer une nouvelle loi sur les associations conforme aux standardsinternationauxenlamatière,etenparticulierde:

Garantirquelesassociationspeuventseformersursimplenotificationdeleurexistenceauxautoritéssansavoirbesoind’uneautorisationpréalable.

Garantirquelesautoritésremettentsystématiquementetimmédiatementlerécépissédedépôtdesstatuts;

Garantirunrecourseffectifetdansdesdélaisraisonnablesauxassociationsdontl’enregistrementaétérefuséparl’autoritécompétente;

supprimerlapeined’emprisonnementetlesamendespourlesdirigeantsd’associationsnon enregistrées, nonagréées, suspenduesoudissoutesqui poursuivent leurs activités, cettemesure étant contraire à l’esprit dusystèmedéclaratif;

Permettreauxassociationsd’accepterdessubventionsdel’étrangersansl’autorisationpréalabledesautorités;

Permettreauxorganisationsétrangèressouhaitants’établirenalgérieoucollaboreravecdesassociationsalgériennesde jouirdesmêmesdroitsquelesorganisationsalgériennes.

abroger toutes les lois etmesures interdisant les réunions etmanifestationsdansleslieuxpublics,cesserlespratiquesempêchantlasociétéciviledeseréunir,etencouragerlasociétécivileàexprimersesopinions..

Page 70: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi
Page 71: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi
Page 72: RA-RefPol-Algerie-Fr-150Dpi

Copenhague - Avril 2012

RESEAU EURO-MEDITERRANEEN DES DROITS DE L’HOMMEVestergade16 -1456 Copenhague K - Danemark

Tél : +45 32 64 17 00 - Télécopie : +45 32 64 17 02

Email : [email protected]

Site : http://www.euromedrights.org

© Copyright 2012 Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme

I N f O R M A T I O N S b I b L I O g R A p H I q U E S

Titre : « Réformes politiques » ou verrouillage supplémentaire de la société civile et du champ politique ?

Une analyse critique

Auteurs: Collectif de Familles de Disparus en Algérie (CFDA), Ligue Algérienne des droits de l’Homme

(LDDH), Syndicat national autonome de l’administration publique (SNAPAP)

et le secrétariat du Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH)

publication : Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH)

Date de publication : Avril 2012 Pages : 72

ISbN : 978-87-91224-89-8

Mise en page et couverture : Hamza Abderrazik

Termes de l’index : Algérie, code électoral, droits des femmes, liberté d’association, liberté d’information,

partis politiques, Union européenne

Ce rapport est publié grâce au généreux soutien du Ministère des affaires étrangères norvégien.

LecontenudecerapportappartientauRéseaueuro-méditerranéendesdroitsdel’Hommeetnepeutenaucuncasêtreperçucommereflétantlapositionduministèredesaffairesétrangèresnorvégien.