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Typologie des emprunts lexicaux français en roumain. Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique

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Typologie des emprunts lexicaux français en roumain.

Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique

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TYPOLOGIE DES EMPRUNTS LEXICAUX FRANÇAIS EN ROUMAIN.

FONDEMENTS THEORIQUES, DYNAMIQUE ET CATÉGORISATION

SÉMANTIQUE

EDITURA UNIVERSITARIA Craiova, 2011

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UNIVERSITATEA DIN CRAIOVA UNIVERSITE DE CRAIOVA

Editori : Gabriela Scurtu Daniela Dincă Lucrarea a fost elaborată în cadrul Proiectului PN II Idei Tipologia împrumuturilor lexicale din limba franceză în limba română. Fundamente teoretice, dinamică şi categorizare semantică (FROMISEM) finanŃat de CNCS- UEFISCSU (2009-2011)

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AVANT-PROPOS

Le présent volume réunit les contributions* des membres du projet de recherche intitulé Typologie des emprunts lexicaux français en roumain. Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique, qui s’est déroulé à la Faculté des Lettres de l’Université de Craiova (2009-2011), projet financé par le CNCS-UEFISCU.

Les études sont groupées autour des trois axes majeurs de recherche qui ont constitué les objectifs du projet:

1. la présentation et l’approfondissement de la terminologie de spécialité du domaine analysé;

2. l’étude des emprunts lexicaux d’origine française en roumain du point de vue étymologique;

3. l’esquisse d’une typologie sémantique de ces emprunts.

La première partie du livre, intitulée Fondements théoriques de la recherche, fait la présentation critique de la terminologie de spécialité se rapportant à la définition des principaux concepts opérationnels mobilisés dans la recherche (emprunt, gallicisme, néologisme, néologie, neonyme, étymologie multiple). L’identification des lacunes dans le domaine, la mise en évidence de nombreux aspects controversés, comme par exemple la polysémie des termes utilisés, ont été réalisées dans la lumière des recherches récentes en linguistique roumaine, corroborées avec les études des linguistes étrangers, notamment français. Une attention particulière a été accordée aux questions d’étymologie, à partir de la typologie suivante: (i) mots à étymologie uniquement française; (ii) mots à étymologie multiple; (iii) mots à étymologie controversée.

La section suivante, consacrée à la Dynamique des emprunts roumains au français, met en évidence l’importance, qualitative et quantitative, de l’influence française sur la constitution du lexique du roumain moderne. Sont illustrées les étapes de pénétration des emprunts au français, leurs domaines de manifestation, ainsi que les principales statistiques sur le montant des mots d’origine française. La dernière, que nous avons effectuée sur le corpus du DEX 98, indique un pourcentage de 38,42% mots d’origine française.

La section Catégorisation sémantique des emprunts roumains au français est structurée en trois parties. La première propose une typologie sémantique des emprunts lexicaux roumains au français, illustrant les cas suivants: (i) conservation - totale ou partielle - du sens / des sens de l’étymon français, y compris avec le

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maintien en roumain d’un sens aujourd’hui disparu en français; (ii) innovations sémantiques opérées en roumain, ayant comme point de départ une signification de l’étymon français. Ces innovations se manifestent à travers divers mécanismes sémantiques: extensions analogiques et restrictions de sens, métaphorisations, passage métonymiques, glissements connotatifs, etc.

Une autre direction de recherche dans l’aire du sémantisme des emprunts s’attache à établir et à analyser quelques champs sémantiques en poursuivant des objectifs comme: la description lexicographique des lexèmes qui appartiennent à divers micro-champs, l’analyse sémantique comparative de ces lexèmes et de leurs étymons ou la corrélation entre la description linguistique et la réalité extralinguistique (par l’analyse de l’évolution des référents à travers le temps).

Enfin, dans la troisième partie, nous avons réalisé une étude sémantique comparative (français-roumain) de quelques lexèmes faisant partie du corpus envisagé.

Les travaux réunis dans les pages de ce volume font preuve d’un travail d’équipe méticuleux, permettant de mieux appréhender des questions telles que:

1. la variété des aspects linguistiques soulevés par les emprunts français en roumain;

2. le rôle de la langue française dans la constitution du vocabulaire roumain et l’importance du français pour la définition de la physionomie néo-latine de la langue roumaine dans l’aire de la romanité sud-est européenne;

3. l’ouverture de nouvelles pistes de recherche dans les domaines de la lexicologie et de la lexicographie romanes.

En fin de compte, on pourrait dire que c’est justement un chemin frayé avec

les instruments de l’analyse sémantique et lexicographique et qui attend d’être prolongé par de nouvelles études sur les multiples aspects du contact linguistique réalisé par les emprunts lexicaux.

* Les articles réunis dans ce volume ont déjà fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique ou d’une communication présentée lors d’un colloque ou d’une conférence internationale. L’idée de les rassembler dans un recueil nous a semblé salutaire pour tous ceux qui s’intéressent à l’étude des emprunts lexicaux.

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SOMMAIRE

Avant-propos................................................................................................5

Chapitre I Fondements théoriques de la recherche…………………..……………..9 Autour de la notion de «néologisme» (Gabriela Scurtu)…………….……11 La néologie et ses mécanismes de création lexicale (Daniela Dincă) ……21 Aspects théoriques de la néologie terminologique (Daniela Dincă)………32 Une notion-clé dans la lexicologie roumaine: «l’étymologie multiple» (Mihaela Popescu)……………………………………………………...….40 Chapitre II Dynamique des emprunts roumains au français……………………….51 Les emprunts au français dans le langage des jeunes au XIX

e siècle (Daniela

Dincă)…………………………………………………………………….53 La place des néologismes d’origine française dans le lexique du roumain (Gabriela Scurtu, Daniela Dincă)…………………………………………65 Deux langues romanes en contact : le roumain et le français (Daniela Dincă)……………………………………………………………………77 Quelques remarques sur l'étymologie des emprunts roumains d’origine française (Mihaela Popescu)………………………………………………87 Les reflets de l’influence française sur le lexique du roumain (Gabriela Scurtu)……………………………………………………………..……103 Chapitre III Catégorisation sémantique des emprunts roumains au français........113 3.1. Typologie…………………………………………………………..113 Typologie des emprunts lexicaux français en roumain (présentation d’un projet en cours) (Maria Iliescu, Adriana Costăchescu, Daniela Dincă, Mihaela Popescu, Gabriela Scurtu)………………………………………115 Quelques lexèmes en voyage (trajet français – anglais – roumain) (Adriana Costăchescu)……………………………………………………………130 Typologie sémantique des mots roumains empruntés au français (Maria Iliescu, Adriana Costăchescu, Ramona Dragoste)………………………145

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3.2. Analyse des champs sémantiques………………157 Le vocabulaire français et roumain de l’espace : les mots lieu et loc (Adriana Costăchescu)…………………………………………………159 Etude lexico-sémantique du micro-champ lexical des meubles de rangement en français et en roumain (Gabriela Scurtu, Daniela Dincă)……………171 Les emprunts lexicaux roumains au français: approche lexicographique et semantique du vocabulaire de la mode vestimentaire (Mihaela Popescu)……………..183 3.3. Analyse de quelques lexèmes du corpus………………………199 Le destin de quelques mots d’origine française dans le roumain actuel (Ramona Dragoste)............................................................................201 De calpac à joben : le changement des codes vestimentaires roumains sous l’influence française (Ramona Dragoste)..................................................212 Quelques remarques sur le sémantisme des emprunts roumains au français (Mihaela Popescu)………………………………………………………218 Étude lexicographique et sémantique du gallicisme marchiz,-ă en roumain actuel (Daniela Dincă)...............................................................................231 Fr. guéridon / roum. gheridon - approche comparative (Gabriela Scurtu)…...238 Mots d’origine française dans le langage des jeunes (Gabriela Scurtu)…….……………………………………………………………..246

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FONDEMENTS THÉORIQUES DE LA RECHERCHE

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AUTOUR DE LA NOTION DE «NÉOLOGISME»*

1. Introduction 1.1. La création lexicale est sans conteste un élément indicateur de la vitalité des langues, un indice de leur avenir du point de vue de leur force créative. Les langues nécessitent des ressources pour s’adapter aux changements sociaux, économiques, politiques, technologiques ou scientifiques. Pour pouvoir disposer de ces ressources indispensables, pour pouvoir agir en toute sécurité dans des contextes donnés et dénommer avec précision les nouvelles réalités, il faut créer, former ou emprunter de nouvelles unités lexicales. Dans ce contexte, le problème des néologismes s’avère l’un des plus délicats, à partir de la définition même de la notion de «néologisme» (et des notions apparentées: «néologie», «emprunt lexical», «néonyme», etc.). Cette vaste problématique a fait et continue de faire l’objet de nombreux travaux portant sur des aspects théoriques ou pratiques soulevés par la néologie, en tant que processus complexe de formation de nouvelles unités lexicales dans une langue. Dans ce sens, la constitution, en 2003, d’un réseau d’observatoires de toutes les langues romanes et de leurs variétés correspondantes (réseau NEOROM: espagnol, catalan, français, galicien, italien, portugais et roumain) en est une preuve plus qu’éloquente. Ce réseau représente une tentative de réunir les efforts des chercheurs dans la direction d’un travail systématique de compilation et d’analyse des néologismes lexicaux qui apparaissent dans les médias: presse quotidienne, revues périodiques et radio. Dans la même direction, l’organisation à Barcelone, du 7 au 10 mai 2008, du Ier Congrès International de Néologie des langues romanes a mis en évidence les principales directions de recherche dans le domaine, telles que: aspects théoriques de la néologie, méthodologie du travail, détection, classification et traitement automatique des néologismes, aspects sociaux et sociolinguistiques, etc. 1.2. Dans cet article nous nous proposons de jeter un regard analytique sur les positions des linguistes, roumains ou étrangers (notamment français), concernant les problèmes que posent en principal: - La définition des néologismes (et des notions voisines), en tant que concepts opérationnels fondamentaux de la recherche en néologie; - Les théories concernant le statut et le rôle des néologismes. 2. Définitions de la notion de «néologisme» 2.1. L’un des plus difficiles problèmes lexicographiques est celui du néologisme, à partir de la définition de la notion, jusqu’à la solution des questions visant l’étymologie, la forme, la fréquence, la circulation, le sémantisme des mots considérés comme des néologismes (cf. Dănilă / Haja 2005: 71-78).

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Les deux éléments utilisés dans le mot néologisme – neos et logos – nous obligent à une démarche permettant d’en éclaircir les significations. Car une définition commode du type «un néologisme est un mot nouveau, qui n’existait pas dans la langue, ou un mot déjà existant qui acquiert un sens nouveau» laisse une large place à des questions, des interprétations, des incertitudes … Le TLF, le Larousse, le Robert, le Webster présentent le néologisme comme une notion polysémique avec, d’habitude, les acceptions suivantes: 1. mot, tour nouveau que l'on introduit dans une langue donnée (néologisme de forme); 2. mot (expression) existant dans une langue donnée mais utilisé(e) dans une acception nouvelle (néologisme de sens); 3. création de mots, de tours nouveaux et introduction de ceux-ci dans une langue donnée (syn. néologie). Les dictionnaires roumains définissent le néologisme comme un mot nouveau emprunté ou formé récemment dans une langue (DLR) ou comme un mot nouveau, emprunté à une langue étrangère ou créé par des moyens internes; emprunt lexical récent, acception nouvelle d’un mot (DN4). De façon générale, disons que les définitions roumaines ne mettent pas assez en évidence la différence spécifique, ce qui est dû à l’aspect relatif des qualificatifs nouveau ou récent, employés comme moyen de différenciation. Le problème le plus délicat qui doit être solutionné concerne donc la durée du statut de néologisme d’un mot. Précisons d’emblée qu’il existe des opinions totalement divergentes concernant cet aspect. Par exemple, dans une acception plus large, on considère que sont des emprunts lexicaux néologiques, c’est-à-dire des néologismes, les mots entrés en roumain à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle et du début du XIXe (Şerbănescu 1985: 8). Une partie des néologismes sont, en même temps, des mots internationaux, des mots empruntés à une langue et présents dans plusieurs langues de civilisation: stress, show, etc. Selon la même opinion, ceux-ci devraient être considérés comme des néologismes, sans tenir compte de leur ancienneté: filozof et filozofie, attestés en roumain dès le XVIIIe siècle, sont donc considérés comme des néologismes. D’autre part, Florica Dimitrescu, qui remarque elle aussi les limites temporelles vagues du terme néologisme, renvoyant à des mots empruntés ou créés en roumain à partir de la fin du XVIIIe siècle, opine en faveur de l’emploi du concept de «néologisme» dans un sens restreint, pour désigner «la dernière couche d’éléments étrangers entrés en roumain – des mots attestés pour la première fois entre 1960 et 1980» (1994: 246). C’est avec ce concept que l’auteur a opéré dans la sélection des mots-titre enregistrés dans le DCR.1

En se référant aux mêmes types de difficultés liées à la datation, Ileana Busuioc (1996: 1) considère qu’il faut tenir compte d’un «sentiment de la néologie»; or, celui-ci est extrêmement fluctuant: si au milieu du XXe siècle il avait une valeur de 10-15 années, à présent les lexicographes ne devraient pas qualifier comme des néologismes des unités lexicales plus «vieilles» de 5 ans! De toute évidence, les néologismes «vieillissent» rapidement: «Dans notre univers marqué par l’instantanéité de la communication, ce qui signifie aussi

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diffusion très rapide, sinon instantanée, des mots nouveaux, la durée du sentiment néologique se restreint par conséquent de manière drastique».2 2.2. L’emprunt représente souvent la solution la plus viable pour enrichir l’inventaire des éléments lexicaux d’une langue. Il consiste, en principe, à faire apparaître dans un système linguistique un élément issu d’une autre langue - ancienne (latin, grec) ou moderne. Mais les emprunts ne sont pas sans poser des problèmes, dont, en particulier: a. les problèmes sociolinguistiques des différences de statut axiologique entre les langues (cf. Arrivé et al. 1986: 244-252) et b. l’intégration (phonologique, orthographique, morphosyntaxique, sémantique) de l’unité empruntée dans la structure de la langue réceptrice; on parle à cet égard, d’une part, d’emprunts naturalisés, assimilés par la langue réceptrice, et, de l’autre, de xénismes (emprunts tels quels, alloglottes) ou de pérégrinismes3. Il n’en reste pas moins que les emprunts lexicaux forment un espace fertile qui suppose le contact entre plusieurs systèmes linguistiques, entre plusieurs cultures, entre plusieurs identités spirituelles. 2.3. A part les néologismes représentés par les emprunts à d’autres langues, il existe des néologismes «de forme», c’est-à-dire des mots nouveaux formés par un procédé morphologique (dérivation, composition, analogie): il consiste à fabriquer de nouvelles unités. Cette problématique, qui a fait l’objet d’une grande diversité d’études, ne fera pas l’objet du présent article. 2.4. En revanche, un aspect sur lequel nous voulons nous attarder plus longuement dans ce qui suit et qui a été en quelque sorte négligé dans les études portant sur cette problématique, est celui des néologismes «de sens», donc basés sur des modifications sémantiques. A l’exception des dictionnaires spécialisés (DŞL, DN), pour définir le néologisme, les ouvrages des linguistiques roumains ne prennent souvent pas en compte l’acception de «sens nouveau d’un mot existant dans la langue», sens néologique (par exemple fereastră «surface délimitée, affichée sur l’écran du moniteur d’un ordinateur, où l’on présente un certain type d’informations»). D’ailleurs, de par leur structure, les langues sont articulées de manière à permettre la créativité, en l’occurrence lexicale, par des mécanismes qui opèrent soit au niveau de la forme, soit au niveau du sens (cf. Busuioc 1996). Il existe donc des créations néologiques au niveau sémantique, qui ont à la base divers types de mutations (innovations opérées dans la langue réceptrice: analogies, extensions, restrictions, métaphores, etc.). Nous allons illustrer quelques situations de ce type, dans le cas du roumain, où l’on peut relever: a. la spécialisation du sens par rapport à l’étymon (par exemple à partir du fr. casserole «ustensile de cuisine», le roumain caserolă s’applique aujourd’hui dans l’industrie alimentaire pour désigner l’emballage de certains produits (cf. fr. barquette); b. des sens développés à l’intérieur de la langue roumaine – n’oublions pas que la tendance à développer de nouveaux sens est, entre autres, l’une des conditions précisées par les linguistes pour qu’un néologisme soit considéré comme entré dans la langue réceptrice – (par exemple dans le cas du mot poligon, l’acception récente: «piste aménagée pour les chauffeurs qui apprennent à conduire

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les véhicules» est née en roumain, car le fr. polygone n’est enregistré qu’avec les sens «figure géométrique» et «terrain de manœuvre aménagé pour le tir»; v. des exemples de différents types de mutations sémantiques opérées en roumain dans le cas de mots empruntés au français dans Iliescu 2003-2004); c. des passages du concret à l’abstrait, notamment dans le cas des termes spécialisés entrés dans le langage courant (par exemple le roum. a demara s’emploie dans des expressions comme a demara o procedură, un control, investiŃii , etc., en élargissant ainsi son emploi à partir du sème initial «commencer», présent dans le sens global de l’étymon démarrer). Florica Dimitrescu (1998) attire l’attention sur les conséquences logiques – et pragmatiques – pour la manière de rédaction des étymologies dans le cas des mots présentant des sens nouveaux, comme ceux déjà mentionnés, à savoir qu’il faudrait introduire, à côté de la formule consacrée de la langue x, une nouvelle formulation plus adéquate pour ce genre de situations: formellement de la langue x. On attire de la sorte l’attention que l’acception récente du mot poligon ne provient pas de celle du fr. polygone, qui n’en est que l’origine du support phonétique: le sens nouveau est né en roumain. Quand sont attestées plusieurs significations nouvelles des néologismes, d’origines différentes, on devrait indiquer, séparément, leur étymologie. Par exemple, pour le mot zebră, à côté du sens «animal», dans un dictionnaire général de la langue roumaine il faudrait indiquer l’étymologie française, mais pour le sens «passage pour les piétons», on devrait indiquer qu’il vient de l’it., l’angl. zebra et non du français, où la notion en question s’exprime par passage clouté. Tout pareillement, pour le mot prefix au sens de «affixe», on devrait indiquer: du fr. préfixe, mais pour le nouveau sens employé dans les télécommunications, on devrait préciser: de l’it. prefisso (interurbano). Il s’agit donc de jeter un regard plus attentif sur le phénomène de la production de significations nouvelles (et de ses conséquences d’ordre pratique), pour lequel les spécialistes ont déjà fabriqué un nouveau terme: la néosémie (cf. Rastier / Valette 20064 Gérard, 2008: 20). 2.5. À côté des trois catégories de néologismes précisées supra (2.2., 2.3. et 2.4.), les linguistes mentionnent également l’existence de néologismes qui dépassent le cadre du mot, étant des associations de mots de nature et de complexité diverses. Il s’agit des néologismes «syntagmatiques», comme genetic engineering / ingénierie génétique / inginerie genetică. «Ces unités», selon Guilbert (1975: 83), «doivent être considérées comme parties intégrantes du lexique au même titre que les lexèmes simples», alors que Cilianu-Lascu (2005: 44) illustre ce type pour le domaine économique: billet à ordre / bilet la ordin, chèque au porteur / cec la purtător, paiement en nature, en numéraire / plata în natură, în numerar. J. F. Sablayrolles (2008) les appelle néologismes «polylexicaux» (lanceur d’alerte, etc.). Ileana Busuioc (1996) attire l’attention sur le risque d’abus de ce type de «syntagmes explicatifs», après consultation de la liste des inventions brevetées par l’ OSIM5: tous les termes qui y étaient proposés étaient en fait des «mini-définitions pour lesquelles il est difficile d’imaginer un fonctionnement adéquat dans le

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discours»6, par exemple: dispozitiv manual pentru bascularea braŃului la autospeciale echipate cu cabină rabatabilă. 2.6. Enfin, peuvent être encadrés dans la catégorie des néologismes que J. F. Sablayrolles (2008) considère comme «oubliés», c’est-à-dire négligés par les recherches, les changements de construction (par exemple flasher s’emploie comme verbe transitif direct: flasher un texte / une voiture en excès de vitesse ou indirect: flasher sur qqn., qch. «avoir le coup de foudre pour»; mais l’emploi intransitif: La vitrine de cette boutique flashe d’emblée «attire le regard» est récent, donc néologique). Nous considérons que l’exemple tiré de Liiceanu7: Nu calculasem cu ceilalŃi, où a calcula cu est à interpréter (selon le modèle du français) au sens de «tenir compte de» est un néologisme de construction, car a calcula cu … est une structure formée d’un verbe suivi soit d’un complément instrumental, soit d’un qualifiant.

Ce qui donne une idée de la complexité du phénomène. 3. Néologisme et néologie 3.1. Compte tenu de cette complexité, car le néologisme rejette la simple étiquette de «nouveau», le chercheur qui se propose de le définir / décrire ou de l’inventorier se doit de surprendre également le processus, non moins complexe, celui de formation des unités lexicales, qu’on appelle communément dynamique lexicale ou créativité lexicale, inépuisable dans toutes les langues vivantes, preuve de leur vitalité. L’évolution et la communication humaine même passent par la nécessité de l’innovation lexicale. Le processus d’innovation auquel est liée le concept de «néologisme» est un phénomène naturel, nécessaire, avec des déterminations complexes de nos jours. Comme la langue est un système vivant, tout peut être considéré comme néologique (voir à cet égard le concept de «néologie», c’est-à-dire «création de mots, de tours nouveaux et introduction de ceux-ci dans une langue donnée» ou «processus de formation de nouvelles unités lexicales», in TLFi). 3.2. Les procédés de création néologique sont, comme le paragraphe précédent l’a laissé déjà entrevoir, d’une grande diversité, notamment: - morphologiques: siglaison, affixation, dérivés flexionnels, composition, lexies complexes, etc.; - sémantiques: signifié nouveau pour un même signifiant, par divers types de mutations (extensions ou restrictions de sens, métaphores, métonymies, etc.); - syntaxiques: modification du type de construction; - emprunt: à une langue ancienne ou moderne, mais aussi à un dialecte, à un sociolecte, à une langue de spécialité, etc. 4. Le rôle des néologismes Le rôle des néologismes est d’enrichir et de moderniser le vocabulaire pour les besoins de dénomination, d’expression et de communication (Lerat, 1993: 132). Il est en principe double et consiste à:

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4.1. Combler «un vide terminologique» (Busuioc 1996: 2), dans le cas d’une première catégorie de termes appelés néologismes dénotatifs ou techniques, dont surtout les néonymes (néologismes utilisés dans les langues de spécialité).8 Du point de vue de l’intérêt des spécialistes terminologues on distingue deux types de néologie (Bălan-Mihailovici 2005: 23-29): (i) la néologie primaire, à valeur dénotative nette et répondant à une nécessité immédiate; (ii) la néologie traductive, auquel cas le terminologue est confronté à l’existence de nouveaux termes dans la langue-source, pour lesquels il est mis dans la nécessité de trouver des équivalents dans la langue-cible. Tel est le cas des néologismes exigés par les nouvelles institutions européennes (le droit communautaire) et qui a imposé la création de noms correspondant aux nouvelles réalités: roum. ombudsman, acquis comunitar, guvernanŃă... 4.2. Nuancer le vocabulaire d’une langue. On parle dans ce cas de néologismes connotatifs ou stylistiques. Cette catégorie est plus vaste et plus hétérogène que la première. Elle inclut des termes d’origine étrangère qui doublent en quelque sorte les mots du fonds traditionnel. Un mot néologique peut ainsi avoir comme synonyme un autre, existant déjà dans la langue. Et comme, de façon générale, il n’existe pas de synonymie parfaite, leur fonction est de nuancer le vocabulaire: cf. en roumain les paires synonymiques (renvoyant au même référent), dont le premier terme est traditionnel et le second néologique: amănunt – detaliu, jertfă – sacrificiu, nădejde – speranŃă, împrejurare – circumstanŃă. L’emprunt néologique représente donc une source de la synonymie; le choix du terme adéquat d’une série synonymique se fait en fonction du style fonctionnel du texte et du thème faisant l’objet de la communication (Ştefănescu 1985: 9). La synonymie devient de la sorte, prioritairement, un problème de stylistique fonctionnelle (David 1979: 11). De telles créations sont considérées par certains linguistes – parfois de façon globale – comme des emprunts de luxe ou superflus. Ce qui n’est vrai que partiellement (voir par exemple l’avalanche d’emprunts au français: a antama, bulversat, a devoala, a se deroba, indenegabil, mefienŃă etc., plus récemment à l’anglais: a clica, cool, trendy, thriller, shopping, a şerui, etc., dans la presse roumaine actuelle, dans diverses terminologies, dans la conversation quotidienne). La mode (le «snobisme linguistique »), la commodité, la recherche de l’originalité peuvent expliquer ces créations, que le temps aura, comme toujours, soin de trier. 5. Quelques conclusions L’enrichissement de l’expérience humaine ainsi que le progrès des connaissances scientifiques et techniques se traduisent nécessairement par un mouvement du lexique qui se manifeste par une adaptation des signes existants à de nouveaux emplois et par la création de nouveaux signes. La création néologique s’avère ainsi un processus vital pour l’avenir des langues. Ce qui justifie l’existence des études, toujours plus nombreuses, consacrées aux aspects théoriques ou pratiques que soulèvent la néologie, en tant

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que: (i) discipline qui étudie les néologismes; (ii) mécanisme de création néologique. Vue du côté de la lexicographie, la néologie représente «l’enregistrement de mots nouveaux» (Cilianu-Lascu 2005: 43) «sous la pression des besoins de dénomination, d’expression et de communication» (Lerat 1993: 132). Le concept-clé des études est celui de «néologisme», un concept opérationnel, pragmatique, mais qui reste entouré «d’un certain flou» (A. Rey, ap. Sablayrolles 2000: 145), lié à la nature de l’unité ainsi qu’à la notion et la durée de la nouveauté. Il apparaît avec évidence de toutes les études qu’un néologisme est une unité fonctionnelle qui ne correspond pas toujours au cadre de ce que l’on appelle ordinairement un mot. La taille et le degré de complexité des unités néologiques varient, à partir du mot ou même d’unités de niveau inférieur (comme les préfixes: un ex, les psy), jusqu’aux séquences syntaxiques lexicalisées. Des préoccupations systématiques, dans la linguistique roumaine, sont encore nécessaires, à partir de la «standardisation du métalangage» (Biriş 2008: 21) jusqu’à des études portant sur divers aspects tels que la détection et la classification des néologismes ou leur traitement automatique.

Disons enfin que l’importance majeure du processus linguistique néologique ressort notamment de son caractère international, accéléré par le phénomène de la globalisation, quand l’observation, l’enregistrement et le «contrôle» des néologismes s’impose, sous différentes formes: étude du multilinguisme, élaboration des corpus néologiques, analyse des divers types de néologismes, création d’outils homogènes, utilisables dans les recherches et les ouvrages lexicographiques, activité cohérente des organismes avec des tâches précises dans l’activité terminologique, etc. Car le processus d’innovation néologique commence à être soumis à des règlementations, nécessaires d’ailleurs, notre époque étant le témoin du développement, à côté d’autres politiques, de celle linguistique (on parle à cet égard d’aménagement linguistique et, dans le cas pris en compte, de veille néologique). NOTES *Gabriela Scurtu, Analele UniversităŃii din Craiova, ŞtiinŃe filologice, Lingvistica, 2009, 1-2, p. 186-195. 1. «Utilizăm conceptul de „neologism” în sens restrâns, luând în considerare o perioadă bine determinată: ultimul strat de elemente străine intrate în română, anume, cuvintele atestate pentru prima dată între 1960 şi 1980, reunite în DicŃionar de cuvinte recente, primul dicŃionar cu datări ale neologismelor româneşti.» 2. «(…) autorii menŃionaŃi mai sus [Pruvost, Jean / Sablayrolles, Jean-François] propun să se ia în considerare un „sentiment al neologiei”; or, acesta este foarte fluctuant: dacă la mijlocul secolului trecut acesta avea o valoare de 10-15 ani, în prezent nu ar fi foarte prudent din partea lexicografilor să propună un dicŃionar de neologisme care să recenzeze unităŃi lexicale mai „vechi” de cinci ani. Mai trebuie spus că neologismele „îmbătrânesc” repede şi dispar poate şi pentru că se difuzează foarte rapid (…).» 3. Concernant le rapport entre le xénisme et le pérégrinisme, Jean-Marc Chadelat (2000) affirme que «Les pérégrinismes ne sont après tout que des mots voyageurs ou migrateurs considérés du point de

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vue linguistique, en fonction d’une place hypothétique au sein du système susceptible de les adopter, tandis que les xénismes sont ces mots étrangers considérés du point de vue des locuteurs en fonction de leur forme exotique». 4. «À partir de cette distinction, on étudiera la création de nouveaux signifiés pour des lexies existantes, ou néosémies » (Rastier, François / Valette, Mathieu, 2006, De la polysémie à la néosémie), site: www.hum.uit.no/arrangementer/clbp/05.Rastier-Valette.pdf 5. Oficiul de Stat pentru InvenŃii şi Mărci. 6. «(…) am constatat că toŃi termenii erau de fapt mini-definiŃii pentru care este greu de imaginat o funcŃionare adecvată în discurs; cităm câteva astfel de neologisme (pentru unele am propus soluŃii mai convenabile, folosind descrierea invenŃiei furnizată de site): dispozitiv cu afişare tactilă, Braille sau grafică, pentru perceperea, de către nevăzători, a informaŃiei de pe un ecran de calculator (propunere: mouse Braille), sistem de comunicaŃie duplex, cu apelare cu tonuri DTMF şi selectare electronică a postului apelat (duplex DTMF cu selectare a apelatului), prin intermediul unor câmpuri magnetice (propunere: transformator mişcare rectilinie alternativă în mişcare de rotaŃie), element de construcŃie, tip Ńiglă pentru acoperişuri, din materiale termoplastice recuperate şi procedeu de obŃinere a acestuia (propunere: termoŃiglă, Ńiglă termoplastică), dispozitiv manual pentru bascularea braŃului la autospeciale echipate cu cabină rabatabilă.» (Busuioc 1996: 11-12). 7. Gabriel Liiceanu, Scrisori către fiul meu, Humanitas, Bucureşti, 2008, p. 63. 8. Les rapports existant entre néologie et langues de spécialité sont très étroits, car les nouvelles créations lexicales surgissent avec les nouveaux produits et les nouveaux concepts scientifiques, techniques et technologiques. Pour cette raison, le terme de néonyme désigne l’unité lexicale spécialisée, pour le distinguer du néologisme, qui désigne l’unité lexicale de la langue générale. Si les néonymes répondent à une nécessité d’ordre terminologique, étant imposés par les nouvelles réalités, les néologismes sont un moyen d’enrichissement et de modernisation du vocabulaire. Par conséquent, ces derniers ne répondent pas à une nécessité terminologique, mais plutôt au besoin de la langue de nuancer le vocabulaire, par rapport aux premiers, qui répondant à des nécessités dénominatives et ont une stabilité beaucoup plus grande. Par conséquent, la néologie de la langue générale fait l’objet d’étude du lexicologue, qui puise souvent son corpus dans la presse générale (quotidiens, hebdomadaires, magazines, etc.), alors que la néonymie est traitée par le terminologue à partir de corpus spécialisés ou officiels, y compris la presse pour les spécialistes. BIBLIOGRAPHIE Ouvrages de référence Arrivé, Michel / Gadet, Françoise / Galmiche, Michel (1986), La grammaire

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House.

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LA NÉOLOGIE ET SES MÉCANISMES DE CRÉATION LEXICALE*

1. Introduction 1.1. La néologie s’avère un domaine qui pose beaucoup de problèmes concernant généralement les aspects suivants : la définition des principaux concepts opérationnels, la forme, la fréquence, l’origine et le sémantisme des mots considérés comme appartenant à la classe des néologismes. En plus, parmi les autres domaines de la linguistique, elle s’individualise par sa particularité de désigner, à la fois, ses opérations (les procédés de création) et ses résultats (les néologismes). Par conséquent, la dimension polysémique du terme de néologie est plus qu’évidente car le concept qu’il désigne renvoie à trois démarches différentes: (i) création de nouvelles unités lexicales par le recours, conscient ou inconscient, aux mécanismes habituels de créativité linguistique d’une langue; (ii) étude théorique et appliquée des procédés de formation des mots, des critères de reconnaissance, d’acceptabilité et de diffusion des néologismes ; (iii) activité institutionnelle organisée qui se propose de recenser, de créer, de diffuser et d’implanter les néologismes dans le cadre d’une politique de la langue. Notre contribution se propose de traiter de la néologie sous un double aspect : les opérations de formation des néologismes (ou les procédés de formation) et les résultats de la créativité lexicale, néologismes pour la langue commune et néonymes pour les langues de spécialité. Si les deux domaines envisagés (langue commune vs. langue de spécialité) disposent de termes spécifiques pour désigner leurs mots/termes, néologismes et néonymes, le processus de formation des nouveaux mots dans les deux domaines recouvre lui aussi des termes différents: la néologie, pour la formation des néologismes de la langue commune, et la « néonymie » (Rondeau 1984), pour les néonymes des langues de spécialité. 1.2. La dynamique du vocabulaire roumain actuel est mis en évidence par le fait que le fonds néologique continue de s’enrichir (voir dans ce contexte les nombreux dictionnaires de néologisme / mots récents parus au cours des dernières années ou bien les nouvelles éditions mises à jour, révisées et corrigées des dictionnaires existants déjà, mais qui ne réussissent pourtant pas à tenir le pas avec l’avalanche des mots nouveaux qui entrent dans la langue). La langue roumaine, extrêmement accueillante, manifeste de la sorte sa force créative illimitée. Dans ce contexte, notre article se propose de revisiter quelques acquis théoriques et méthodologiques en matière d’études néologiques afin d’atteindre ses deux objectifs :

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- esquisser une classification générale des différents procédés de la créativité linguistique dans le domaine de la néologie vs. néonymie lexicale, en insistant surtout sur l’emprunt en tant l’un des principaux mécanismes linguistiques de la création néologique ; - présenter, de manière implicite, la relation qui existe, d’une part, entre les néologismes vs. néonymes et les procédés de formation, d’autre part. En ce qui concerne le corpus, nous avons illustré les procédés de formation par des exemples pris dans le lexique roumain, mais pour la néologie par emprunt, nous avons pris comme langue source le français, dont l’importance et le rôle dans la modernisation de la langue roumaine sont incontestables. 2. La néologie en tant que processus de formation lexicale La créativité est une constante dans le domaine de la néologie lexicale et témoigne de la dynamique de chaque langue : «Une théorie de la néologie doit rendre compte du fait d’évidence que la création lexicale est un élément permanent de l’activité langagière» (Guilbert 1975: 34-43). Malgré la diversité des typologies existantes, il est plus ou moins admis que néologismes et néonymes font appel aux mêmes procédés de formation que les néologues répartissent généralement en trois grands groupes qui recouvrent, à leur tour, d’autres sous-types: - néologie formelle; - néologie sémantique; - néologie par emprunt. Les trois procédés présentent des moyens propres pour la formation des nouveaux mots: si les deux premiers reposent sur les moyens internes d’une langue (dérivation, composition), le troisième utilise des moyens externes de transfert d’un mot/terme d’une langue source dans une langue cible (emprunt et calque). Il n’y pas de délimitation stricte entre ces trois procédés de sorte que les lexicologues se confrontent parfois à la difficulté de classer certains néologismes, dont la formation relève à la fois de différents procédés (dérivation, emprunt) ou même d’un seul type. À titre d’exemple, on peut citer Sablayrolles (2000) qui considère que le verbe français réaliser, au sens de «comprendre», relève à la fois de la néologie sémantique et de l’emprunt, sous l’influence de l’anglais to realize. Malgré les superpositions de procédés qui peuvent apparaître, le nouveau mot doit relever principalement d’une seule classe. Dans ce sens, dans le cadre d’une thèse de doctorat entièrement consacrée à la néologie, Sablayrolles affirme que : «les procédés ne seront inclus que dans une seule classe», puisqu’il s’agit «dans un premier temps d’un simple récapitulatif ordonné et non encore de l’établissement raisonné d’une typologie» (2000: 211). 2.1. La néologie formelle Un des procédés les plus productifs de la néologie lexicale, la néologie formelle, appelée également néologie flexionnelle ou morphologique, insiste sur l’adjonction d’un affixe (termes/mots dérivés) ou d’un autre lexème, en général non autonome et d’origine gréco-latine (termes/mots confixés). Cela veut dire que

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néologismes signifient également mots formés à l’intérieur d’une même langue à partir de mots existants. L’innovation est donc inhérente à chaque langue et elle représente un aspect sur lequel les linguistes ont mis moins l’accent. 2.1.1. La dérivation Les termes/mots dérivés sont préfixés, suffixés ou parasynthétiques (dérivation multiple). La dérivation est un processus très productif en roumain, qui dispose de nombreux affixes (suffixes et préfixes), ce qui explique la raison pour laquelle le roumain fait partie de la famille des «langues de type dérivatif» (Sala 2001: 153). Pour illustrer cette richesse dérivationnelle du roumain, on peut citer le cas de beaucoup de verbes formés par dérivation préfixale à partir d’un nom emprunté à d’autres langues ou hérité du latin. Par exemple, le verbe a îndoctrina qui combine un affixe, le préfixe în- + doctrină, même s’il y a un terme semblable en français, endoctriner, que le roumain aurait pu emprunter. Le roumain avance sur la même ligne de la dérivation flexionnellee et propose deux autres mots de la même famille lexicale, formés, cette fois-ci, par dérivation multiple: în-+doctrin+are et în-+doctrin+at. Un autre exemple qui développe tout un paradigme flexionnel à partir d’une base nominale: a încurajá (în-+curaj), d’après le fr. encourager, încurajare (în-+curaj+-are), încurajat (în-+curaj+-at), încurajator (în-+curaja+-tor). Mais il existe aussi des cas où la dérivation est remplacée par un autre procédé, d’ailleurs très productif pour le roumain, l’emprunt à d’autres langues. Par exemple, toute la famille lexicale (nom, verbe, adjectif) est entrée en roumain par filière française : a inventa, invenŃie, inventiv (inventer, invention, inventif), a ilustra, ilustraŃie (illustrer, illustration) (ilustrat et ilustrativ sont des mots dérivés sur le verbe roumain a ilustra), a infecta, infecŃie (infecter, infection) ou toute la serie a aplica, aplicaŃie, aplicabilitate, aplicativ (appliquer, application, applicabilité, applicatif). Un autre exemple qui vient illustrer ce mélange entre les procédés internes et externes de formation des néologismes nous est fourni par le formant anti- , qui exprime l’opposition. En roumain, le préfixe anti- est soit un élément de dérivation néologique (antiaccident, antiartistic, antiatom, antibacterian, antobronşitic, anticanonic, anticar), soit, dans beaucoup d’autres cas, un élément de formation interne: antibiotic, anticameră, anticiclon, anticlerical, anticolonialist, anticonstituŃional, etc. Un trait qui distingue ces mots dans les deux langues (français et roumain) est leur orthographe. Anti- a une double orthographe en français: il est soudé au nom (antibasculement, antidébordement, antidérapant, antiasphyxiant, antidiffusant, antinucléaire, antigiratoire, antidétonant) ou il garde encore le signe de la composition (anti-corrosif, anti-aérien, anti-atomique, anti-éblouissant, anti-gluant, anti-oxydant, anti-sous-marin). Par rapport au français, le roumain présente une seule orthographe, la forme soudée du formant anti-. Le roumain et le français sont des langues tellement rapprochées que les locuteurs roumains prennent pour des mots français des unités qui sont des créations

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autochtones comportant pourtant un formant français, que celui-ci soit la racine, un suffixe ou un élément de composition. Ces mots sont appelés «pseudofranŃuzisme propriu-zise» Hristea (1979: 492) que nous illustrons par les exemples du même auteur: «la racine (pic-aj), le suffixe (şantaj-eur) ou un élément de composition (grandomanie)» (Hristea 1979: 492). 2.1.2. Les termes/mots confixés Contrairement aux termes/mots préfixés, les termes/mots confixés ou les termes-syntagmes correspondent au regroupement de deux ou plusieurs mots qui représentent une seule unité conceptuelle. Il suffit de l’apparition d’un seul élément nouveau dans une expression pour que l’on parle de néologisme : «Dès lors qu’un élément nouveau surgit dans ces associations plus ou moins figées, elles deviennent néologiques» (Sablayrolles 2000:155). «Ces nouvelles alliances» (Idem: 156), caractérisées par une perte de leur sens compositionnel au profit d’un sens unique, combinent le plus souvent la structure déterminé + déterminant : fisurare la cald (fente de chauffage), fisură de compresiune (fente de compression), fereastră de control (fente de contrôle), fantă de citire (fente de lecture), canal de plantare (fente de plantation), fantă de radiaŃie (fente de rayonnement), fantă de răcire (fente de refroidissement), fantă de contracŃie (fente de retrait), fisură de ruptură (fente de rupture), fisură de ieşire (fente de sortie), etc. Un autre trait distinctif entre les deux procédés de formation lexicale (dérivation vs. composition) concerne leur domaine de manifestation. Soulignant la spécificité des néonymes par rapport aux néologismes, A. Goosse (1975) traduit cette différence par les procédés de formation de ces deux classes : les néologismes privilégient la création morphologique par préfixation et par suffixation tandis que les néonymes favorisent la création syntagmatique. Il est évident que ce procédé de formation des termes nouveaux se montre comme l’un des procédés les plus fréquents pour former les néonymes car les dénominations qu’il permet de former sont caractérisées par leur brièveté, leur aspect international et leur précision sémantique. Même dans le cas des termes formés à partir d’éléments de composition, nous avons relevé un aspect récurrent qui pose des problèmes aux lexicologues. Il s’agit de l’origine des termes confixés en roumain, qu’il emprunte au français ou qu’il dérive avec ses propres moyens. Par exemple, le formant bio- développe deux types de paradigmes: (i) termes calqués, le plus souvent, sur le français: bioamplificator (bioamplificateur), bioastronautic (bioastronautique), biobibliografíe (biobibliographie), biocenotic (biocénotique), biocenoză (biocénose), biochimie (biochimie), biochimist (biochimiste), biocibernetic (biocybernétique), bioclimatic (bioclimatique), bioclimatolog (bioclimatolog), bioclimatologie (bioclimatologie), biocompatibil (biocompatible), etc. (ii) termes formés en roumain si le français n’a pas de tels mots/termes: bioacumulare, biobibliografic, biocomplex, bioconşiiínŃă, biocurent, biodetector, biodeteriorare, etc.

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3. La néologie sémantique 3.1. L’évolution sémantique des mots peut être ramenée à plusieurs causes principales: historiques, sociales, linguistiques et psychologiques. Selon les changements de nature sociale, politique et culturelle qui apparaissent dans la société contemporaine, la néologie sémantique crée de nouveaux termes ou mots par l’adjonction d’une nouvelle acception à une dénomination déjà existante dans les deux classes envisagées: néologismes et néonymes. La spécificité de la néologie sémantique en tant que procédé de formation interne consiste dans la multiplication du sens pour une même unité lexicale : «Il s’agit de néologie quand un mot déjà existant dans une langue ajoute un autre sens» (Sablayrolles 2000: 150). Pour illustrer la néologie sémantique, nous prenons le cas du mot cancer. Du point de vue de son origine, il est calqué sur le français cancer avec deux sens : (i) tumeur maligne due à une multiplication anarchique des cellules d'un tissu organique et (ii) quatrième constellation du Zodiaque située dans la partie la plus septentrionale de l'écliptique. Depuis trois ans, ce mot a développé un autre sens, celui de «grand malheur d'origine naturelle ou humaine qui frappe et ravage une collectivité», sens qui est devenu tellement dominant qu’il est presque considéré comme un «développement sémantique parallèle» (Dimitrescu 1994: 224). Mais l’adjonction d’un nouveau sens a parfois des répercussions sur l’emploi d’un mot qui, par déformation de son sens initial, devient un barbarisme (Mihailovici 2005:27). Pour illustrer la même déformation du sens d’un mot par l’adjonction de signifiés qui sont en contradiction avec le sens initial, Hristea (2000: 338-339) cite deux exemples: le mot doleanŃă (< fr. doléance avec le sens de «plainte») a aussi le sens de «désir» et colloque (< lat. colloquium) avec le sens de «entretien, conversation» apparaît dans des syntagmes du type colocviu scris (colloque écrit). 3.2. Sablayrolles considère pourtant que «les deux grandes voies reconnues de la néologie sémantique sont la métaphore et la métonymie» (Sablayrolles 2000: 155), procédés qui reposent sur la similitude entre deux référents. Par exemple, pour les néonymes, l’une des sources vivantes de création néologique est la lexicalisation des métaphores. Par ce procédé, les parties du corps peuvent acquérir de nouvelles acceptions dans des domaines technico-scientifiques différents: (i) machines : braŃ articulat (bras articulé), bretelele elevatorului (bras d’élévateur), talpa de fixare (bras de fixation), braŃ de ghidaj (bras de guidage) ; voitures: braŃele ştergătorului de parbriz (bras d’essuie-glace), braŃ de frânâ (bras de frein); (iii) navires: braŃ de ancoră (bras d’ancre), braŃul vergii mari (bras grand), braŃ de ridicare (bras de levage). 3.3. Moyen linguistique pratique et économe, le procédé de siglaison fait aussi partie des mécanismes linguistiques de la création néologique car la forme réduite a un statut autonome par rapport à la forme de base. Il se montre très fréquent en néonymie car chaque langue présente la tendance à abréger une partie de son lexique, soit par voie de siglaison, soit par troncation.

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Procédé très à la mode à l’époque de la vitesse et de la communication rapide, les sigles sont les réductions de termes - syntagmes où seules les lettres initiales des substantifs composent le syntagme: APAPS (Autoritatea pentru Privatizarea şi Administrarea ParticipaŃiilor Statului), SIF (Societate de InvestiŃii Financiare), SRL (Societate cu Răspundere Limitată), SA (Societate pe AcŃiuni), TVA (Taxă pe Valoarea Adăugată). 4. La néologie par emprunt 4.1. L’un des principaux mécanismes linguistiques de la création néologique est, de toute évidence, l’emprunt. Procédé externe d’enrichissement lexical, l’emprunt consiste à importer dans une langue cible des mots appartenant à une langue source. Considérée la solution la plus commode pour remplir les lacunes lexicales d’une langue, il est favorisé par des facteurs extralinguistiques tels que le voisinage, les rapports économiques, politiques et culturels de deux ou plusieurs communautés. 4.1.1. Le problème de l’étymologie Établir l’étymologie des emprunts constitue une tâche très importante pour le lexicographe qui doit savoir présenter le mot sous tous ses aspects. Si l’on veut envisager l’étymologie des emprunts roumains à d’autres langues, cet aspect met en évidence, d’une part, la complexité de l’origine et, d’autre part, les problèmes controversés qui en découlent. Au-delà de ces difficultés, «la diversité étymologique du vocabulaire roumain est une source de sa richesse en général et de sa richesse en synonymes, anciens ou nouveaux, plus particulièrement» (Sala 2001: 147-148). Plus précisément, le vocabulaire de la langue roumaine a un caractère profondément hétérogène, dû à sa constitution sous l’influence de plusieurs langues. C’est la raison pour laquelle la littérature de spécialité (Dimitrescu 1994; Dănilă / Haja 2005) propose une typologie de l’étymologie des mots que le roumain a empruntes à ces langues: - emprunts à étymologie multiple (concept introduit par Graur 1950); - emprunts à étymologie unique; - emprunts à étymologie controversée (néologismes qui peuvent s’expliquer soit par des emprunts soit par des procédés internes, tels que la dérivation ou la néologie sémantique). Il est évident que, sur les trois classes d’emprunts, deux posent de vrais problèmes. La première regroupe les emprunts à étymologie multiple, ceux qui ont des étymons différents. Ce phénomène a été expliqué par le fait que «le fonds néologique du roumain a été constitué sous l’influence de plusieurs langues: le latin savant, le néogrec, le russe, l’allemand, l’italien et, surtout, le français» (Hristea 1968: 104). Par conséquent, beaucoup de mots qui font partie du vocabulaire des langues romanes sont entrés en roumain par la filière des langues voisines (le néogrec, les langues slaves - surtout le russe et le polonais, le turc, le hongrois, l’allemand et l’anglais); d’autre part, des mots appartenant à une certaine langue

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romane (le portugais ou l’espagnol) sont entrés par l’intermédiaire d’une autre langue, toujours romane (surtout le français) (Avram 1982, Iliescu 2007). À titre d’exemple, on peut citer le cas où, dans une famille lexicale, certains mots ont une étymologie unique et d’autres une étymologie multiple, parfois uniquement pour certains sens. Il s’agit, d’une part, du verbe a intriga (=intriguer) qui a une étymologie multiple (<fr. intriguer, it. intrigare), mais dont le nom correspondant a une étymologie unique (<fr. intrigue). À l’inverse, le verbe a inventa (=inventer) a une étymologie unique (<fr. inventer) tandis que les noms inventar (=inventaire) et invenŃie (=invention) ont une étymologie multiple (française et latine savante). Parfois, l’étymologie multiple apparaît à l’intérieur du même paradigme, adjectival dans ce cas: academic (<fr. académique, lat. academicus), mais neacademic vient de l’anglais non-academic. D’autre part, l’étymologie multiple apparaît pour certains sens d’un mot. Le verbe a îndura a une étymologie latine (<lat. INDURARE), empruntant aussi un de ses trois sens au français: «supporter patiemment un chagrin, une douleur, une maladie». Les deux autres sens que le français ne présente pas correspondent à sa forme pronominale a se îndura et signifie «montrer de la pitié pour quelqu’un» et «consentir, accepter, se décider». 4.2. Le calque Dans la classe des procédés externes, l’emprunt et le calque sont souvent confondus de sorte que l’existence de critères distinctifs s’avère fort utile pour les linguistes et les lexicologues. Sablayrolles (2000: 134) nous donne un point de repère pour la distinction de ces deux procédés, celui de la datation: «l’emprunt n’est identifiable que si l’on connaît l’existence de la lexie étrangère d’origine et que si l’on sait qu’elle est antérieure à la lexie français et, qui a été modelée sur elle». Procédé externe de la néologie lexicale, le calque regroupe deux autres sous-classes: le calque sémantique et le calque de structure. En ce qui concerne le calque sémantique, un mot existant dans une langue acquiert, sous l’influence d’une autre langue, une nouvelle acception. Par rapport à la néologie sémantique, qui est un procédé interne d’adjonction d’un signifié à un signifiant existant dans une langue, le calque sémantique est un procédé externe qui consiste à ajouter, sous l’influence d’une autre langue, une nouvelle acception. Par exemple, le mot primar (= primaire) avec le sens de «initial, primordial, originaire» a une étymologie latine (< lat. primarius), mais, sous l’influence du français maire, il a acquis le sens de «premier magistrat de la commune, élu par le conseil municipal parmi ses membres pour exécuter les décisions du conseil, représenter la commune et exécuter sous l'autorité du préfet des fonctions d'agent du pouvoir central». Un autre calque sémantique a été créé sous l’influence de l’anglais qui a transmis le sens de «comprendre» du verbe to realize au verbe homonyme du roumain a realiza dont le sens était, tout comme celui du verbe français qui se trouve a son origine, celui d’«accomplir».

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Mais le calque sémantique le plus répandu apparaît dans les langues de spécialité, où les termes sont souvent calqués sur ceux de la langue source, le français dans notre cas. Nous prenons comme exemple le domaine de la biologie: labilitate (labilité), lactază (lactase), lactogenetic (lactogénétique), lactogeneză (lactogenèse), leucocitogeneză (leucocytogenèse), leucopoieză (leucopoïèse), levuloză (lévulose), lignicol (lignicole), limfoblast (lymphoblaste), lipază (lipase), lipemie (lipémie), lipocrom (lipochrome), lopoliza (lipolyse), lipotrop (lipotrope), etc. D’autre part, le calque de structure consiste dans l’adoption de la forme interne d’un mot étranger et il apparaît aussi bien dans le cas des mots simples (calque lexical): lamă (lame), lambriu (lambre), laminor (laminoire), langustă (languste), lanolină (lanoline), lanternă (lanterne), lecitina (lecitine), leucemie (leucemie), etc. que dans celui des phraséologismes (calque phraséologique): ceas – brăŃară (montre bracelet), câine-lup (chien loup), hârtie monedă (papier - monnaie), nou-născut (nouveau-né). 4.3. L’adaptation des emprunts Un autre aspect que nous devons prendre en considération concerne le degré d’adaptation du nouveau mot/terme car, selon Guilbert, «un néologisme n’existe réellement que s’il entre dans un certain usage» (1975: 44). L’auteur cité ajoute plus loin que c’est la répétition de l’acte de création qui installe le néologisme «individuel» dans «la société du lexique». Le néologisme ainsi lexicalisé perd, du coup, sa qualité de néologisme pour devenir un mot «socialement établi». Dans la tradition des études néologiques, on considère que les néologismes qui s’installent dans les langues relèvent fréquemment au départ du discours spécialisé, car ils sont créés pour des besoins de dénomination de nouveaux concepts et de nouveaux produits. Lorsque les néonymes se divulguent, puis se banalisent, entrant dans les discours du non spécialiste, ils intègrent la langue générale, en perdant en partie leur statut spécialisé. En ce qui concerne le degré d’adaptation des emprunts, celui-ci constitue un critère de distinction entre les deux types d’unités lexicales analysées: si les néonymes ont une identité formelle presque identique dans les deux langues, les néologismes ont un degré plus ou moins grand d’adaptation phonétique et graphique. Par conséquent, les néonymes empruntés au français présentent une identité formelle dans les deux langues. À titre d’exemple, on peut citer les 34 termes biologiques inventoriés par Florica Dimitrescu (1994: 225): acvacultură, anabazis, antigenă, antropo, biodegradabil, bioluminiscent, biomasă, biomatematică, bionică, biostimulator, biotelemetrie, biotop, criobiologie, ecologie, ergotamină, fotoenergetică, fitosanitar, gamaglobulină, hipotermie, homeostazie, izomerază, metabolit, micropaleontologie, ocelă, protidic, radiostimulare, rodopsin, sapropelic, thanatologie, teleonomie, trisomie, umanoid, viral, virologie. La classe des néologismes applique l’adaptation des emprunts à la langue cible de sorte qu’on peut avoir une orthographe identique pour deux emprunts

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différents. C’est le cas du mot diplomat qui a une double étymologie avec des sens spécifiques: 1. emprunt au français diplômé avec le sens de «titulaire d'un diplôme» et 2. emprunt au français diplomate avec deux sens: a. «personne officiellement chargée de représenter son pays auprès d'un gouvernement étranger ou dans les affaires internationales» et b. «entremets froid servi avec une sauce aux fruits». Si le premier sens est presque absent dans la langue courante, les deux derniers sont d’un usage fréquent, même si, pour la dernière acception, le terme figure dans une collocation du type tort diplomat, prăjitură diplomat, dans le but d’éliminer toute ambiguïté de sens. 4.4. La nécessité des emprunts Un autre facteur qui fait la distinction néologismes vs. néonymes concerne la nécessite des emprunts: si les néonymes répondent à une nécessité d’ordre terminologique, imposés par les nouvelles réalités, les néologismes sont parfois des emprunts à la mode. Les néologismes qui ont une existence éphémère enregistrent des occurrences isolées sans avoir le pouvoir de pénétrer dans la langue courante. Il s’agit dans ce cas de xénismes ou pérégrinismes (Kocourek 1982: 133), des emprunts perçus par l’usager comme un élément étranger et qui ne sont pas encore intégrés par le système linguistique de la langue cible. À titre d’exemple, on peut citer Iordan (1954) qui relève dans la presse d’entre les deux guerres un série de mots empruntés au français qui ne correspondaient à aucune nécessité: aberant (aberrant), abhorat (abhorré), alert (alerte), angoasă (angoisse), aviva (aviver), bulversa (bouleverser), claca (claquer), compozit (composite), confesa (confesser), cozerie (causerie), curonament (couronnement), devanseur (devanceur), diurn (diurne), dompta (dompter), efasa (effacer), extravaga, flana (flâner), flaterie (flatterie), etc. Beaucoup de ces mots sont déjà intégrés dans le roumain courant: aberant, alert, angoasă, a claca, compozit, confesa, diurn, etc. Si l’on fait référence à l’époque actuelle, beaucoup d’emprunts, surtout au français, ont un caractère livresque et ne sont pas entrés dans le circuit général de la langue. C’est, par exemple, le cas des mots : a lacera (lacérer), a lapida (lapider), a libela (libeller), a umecta (humecter), a uzita (usité), a oblitera (oblitérer), a cola (coller), a hanta (hanter), lancinant (lancinant), umanoid (humanoïde), obsecvios (obséquieux), etc. L’importation d’une nouvelle acception pour un mot existant dans une langue est parfois ressentie comme étrangère. C’est le cas du terme aplicaŃie (application) qui, sous l’influence de l’anglais, a acquis le sens de «demande, sollicitation», sens qui se superpose à ceux qui existaient dans la langue courante: «exercice militaire de lutte». Le DEX nous donne là-dessus une explication, en précisant que cette nouvelle acception a été reprise dans le Dictionnaire d’argot (2007), ce qui veut dire que la langue parlée peut être une source pour l’adjonction de sèmes aux unités lexicales qui existent dans une langue. Ces emprunts stylistiques sont aussi très utilisés dans le langage de la presse où les mots roumains sont doublés d’emprunts étrangers: a antama (entamer), a envisaja (envisager), a bulversa (bouleverser), a devoala (dévoiler), a se deroba (se

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dérober), indenegabil (indenegabile), lejeritate (légèreté), mefienŃă (méfiance), a stopa (stopper), ce qui s’explique soit par « un snobisme linguistique », soit par la recherche d’un style personnel. 5. En guise de conclusion La créativité lexicale reflète le développement scientifique, technique et culturel d’une société, car chaque langue dispose d’un ensemble de procédés morphologiques, morphosyntaxiques et morphosémantiques pour créer les nouvelles dénominations En ce qui concerne les mécanismes linguistiques de la création néologique, nous avons retenu les aspects suivants : (i) Chaque langue dispose de ses propres stratégies de formation dans le domaine de la néologie lexicale, même si le point de départ reste l’emprunt à d’autres langues. (ii) Le contact incessant des langues rend parfois très difficile le processus de distinction entre un mot dérivé ou un emprunt. Seule la documentation lexicographique peut nous rassurer et nous fournir les meilleures informations. (iii) Sur les trois procédés de création néologique pris en considération, nous pouvons affirmer que les deux premiers, en tant que procédés internes, utilisent des mots existant dans une langue et leur nouveauté consiste dans un changement de forme (néologie flexionnelle) ou de sens (néologie sémantique) tandis que l’emprunt, procédé externe d’enrichissement du vocabulaire, introduit une nouvelle lexie dans une langue, ce qui suppose, à la fois, une nouvelle forme avec un nouveau sens. (iv) Pour ce qui est du rapport néologismes vs. néonymes et les procédés de formation, nous avons retenu les idées suivantes: - la forme, en tant que critère de distinction, classifie les mots courts dans la classe des néologismes et les formes syntagmatiques dans celle des néonymes; - les néologismes privilégient la création morphologique par préfixation et par suffixation tandis que les néonymes favorisent la création syntagmatique; - la néologie sémantique se manifeste surtout dans le domaine des néonymes qui enregistrent un grand nombre de métaphores lexicalisées ou de siglaisons; - l’emprunt et le calque sont les moyens externes les plus fertiles pour la création des néonymes qui, après avoir subi une «socialisation» à l’intérieur de la langue cible, se divulguent et sont employés par un grand nombre de locuteurs. *Daniela Dincă, Analele UniversităŃii din Craiova, ŞtiinŃe filologice, Lingvistica, 2009, 1-2, p. 79-90. BIBLIOGRAPHIE Ouvrages de référence Avram, Mioara (1982), «Contacte între română şi alte limbi romanice» in Studii şi

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ASPECTS THÉORIQUES DE LA NÉOLOGIE TERMINOLOGIQUE*

1. Introduction Les progrès scientifique, technique et culturel ont pour effet la création incessante d’un nombre important de termes nouveaux qui reflètent toutes les composantes essentielles de la spécialité: les choses étudiées, les concepts correspondants, les connaissances accumulées, les buts, les méthodes et les spécialistes. Les recherches sur la néologie recouvrent, d’une part, le lexique de la langue générale et, d’autre part, la problématique de la formation des dénominations terminologiques de la langue spécialisée. Les réflexions sur les différences et les liens entre la langue générale et la langue spécialisée et entre les néologismes de la langue générale et les néonymes des langues de spécialité sont aussi l’objet de nombreux travaux des linguistes, lexicologues et terminologues. Dans ce contexte, notre contribution se bornera à aborder certains aspects concernant la différence entre les néologismes et les néonymes. Nous puisons nos exemples sur les néonymes dans le corpus du projet Néologismes économiques dans les langues romanes à travers la presse, réalisé par le réseau REALITER de l’Union latine. Un autre aspect qui fera aussi l’objet de notre analyse concerne le développement de la néologie en tant qu’activité institutionnelle de normalisation et de réglementation de la créativité lexicale dans le domaine de la langue commune et de la langue spécialisée. 2. Critères de distinction néologisme vs. néonyme Dans une première étape des études néologiques et néonymiques, les linguistes se penchent sur les caractéristiques communes et ensuite sur les caractéristiques distinctives de ces deux types d’unités lexicales. Les facteurs qui distinguent le néologisme du néonyme relèvent aussi bien de leur origine et de leur forme que de leur qualité d’attribuer au message une certaine spontanéité et une circulation internationale. Mihailovici (2005: 27) cite cinq facteurs qui différencient les néologismes lexicaux de la langue commune des termes néologiques ou les néonymes: (i) la spontanéité; (ii) la synonymie; (iii) la forme; (iv) l’origine et (v) la propagation. 2.1. La spontanéité Parmi les critères distinguant néologismes et néonymes, dans l’ensemble de la littérature classique sur le sujet, les critères les plus saillants sont essentiellement de nature pragmatique. Par conséquent, les néonymes surgissent dans les textes scientifiques, techniques et officiels où ils sont employés par les spécialistes d’un domaine au moment où apparaît un nouveau concept. Dans d’autres mots, il s’agit du critère de nécessité auquel le néonyme doit satisfaire. Par conséquent, un néonyme répond toujours à un besoin de communication clairement

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exprimé qui peut être celui de dénommer une nouvelle notion ou réalité ou celui de dénommer autrement, dans sa langue propre, une notion déjà existante. Si les néonymes répondent à une nécessité d’ordre terminologique, imposés par les nouvelles réalités, les néologismes sont un moyen d’enrichissement et de modernisation du vocabulaire. Par conséquent, si la néologie de la langue générale fait l’objet d’étude du lexicologue qui puise son corpus dans la presse générale (quotidiens, hebdomadaires, magazines, etc.), la néonymie est traitée par le terminologue à partir de corpus spécialisés ou officiels, y compris la presse pour les spécialistes. 2.2. La synonymie Le néonyme est une unité notionnelle. En d’autres mots, il doit satisfaire au principe fondamental de la terminologie: à une notion il doit théoriquement correspondre une seule dénomination. Cela exclut la synonymie, la polysémie et l’homonymie, relations sémantiques considérées comme des facteurs de confusion en terminologie. De l’autre côté, les néologismes ont une valeur stylistique qui leur permet d’apparaître dans des niveaux de langue différents tandis que les néonymes, dénotant des objets ou des phénomènes, ne présentent pas de séries synonymiques. Cependant, la synonymie en néologie terminologique se montre très fréquente, même si, en principe, elle devrait être très faible, voire inexistante. J. Boissy (1992) indique pour certains termes nouveaux trois, quatre, même cinq synonymes: Visière stéréoscopique = casque de visualisation tridimensionnelle = dispositif de vision stéréoscopique = station de travail en environnement virtuel = visiocasque Dans ce cas, la synonymie en terminologie est un phénomène normal, expliqué par Bessé dans les mêmes termes de la créativité lexicale: «Il est normal qu’il y ait synonymie lorsqu’il y a création.» (Bessé 1992:77) 2.3. L’origine Il est unanimement reconnu que l’origine des néologismes reste l’emprunt à d’autres langues ou bien le processus de création lexicale sur la base des procédés morphologiques ou syntagmatiques et, pour les néonymes, il y a la création syntagmatique. Soulignant la spécificité des néonymes par rapport aux néologismes, A. Goosse (1975, Avant-Propos) traduit cette différence par les procédés de formation: si les néologismes privilégient la création morphologique par préfixation et par suffixation, les néonymes favorisent la création syntagmatique. À son tour, G. Rondeau (1984) établit trois modes pour la formation des néonymes: - modes de formation morphologiques (dérivation, apocope); - modes de formation morpho-syntaxiques (groupement syntagmatique, siglaison, changement de catégorie grammaticale, réduction); - modes de formation morpho-sémantiques (calque, emprunt). 2.3.1. La néologie flexionnelle

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La dérivabilité est un trait caractéristique des néonymes, qui peuvent subir les procédés de dérivation morphosyntaxique. Les termes/mots dérivés sont préfixés, suffixés ou parasynthétiques (dérivation multiple). Les suffixes nominaux se sont même spécialisés pour exprimer une certaine valeur sémantique: -age (noms qui expriment l’action ou le fait: arrosage, assemblage, balayage, chauffage), -ation (suffixe issu du lat. -ationem, entrant dans la construction de nombreux substantifs féminins qui expriment une action ou le résultat de cette action: décalcification, fixation, installation, lubrification, massification), -ure, -ment, -aison, -erie (suffixes pour la nominalisation de l’action: coupure, fermeture, peinture, combinaison, appliquement), -eur (l’agent de l’action exprimé par le verbe: aérer – aérateur, adoucir – adoucisseur, avertir –avertisseur). Les suffixes -able, -ique, -ant sont productifs dans la formation des adjectifs à base de verbe: coulisser – coulissant, régler – réglable, etc. Parmi les préfixes, nous avons pris le formant anti- exprimant l’opposition. Il est soudé au nom: antibasculement, antidébordement, antidérapant antiasphyxiant, antidiffusant, antinucléaire, antigiratoire, antidétonant ou il garde encore le signe de la composition: anti-corrosif, anti-aérien, anti-atomique, anti-éblouissant, anti-gluant, anti-oxydant, anti-sous-marin, etc. Un terme prolifique dans le domaine informatique est celui composé avec cyber: cyber-recrutement, cyberachat, cyberacheteur, cyberapprentissage, cyberassistance, cyberbanque, cyberbavardage, cyberboutique, cyberbranché, cybercafé, cybercaméra, cybercarnet , etc. Le formant radio est tiré du lat. radius «rayon (lumineux)», entrant au XXe siècle dans la construction d'un grand nombre de mots savants notamment des substantifs dans le domaine de la biologie et de la médecine et dans celui de la physique nucléaire et corpusculaire dans lesquels il introduit la notion de «radiations» ou de «radioactivité». Radio- est apparu d'abord avec le sens de «radiation, énergie radiante», puis dans le mot radiomètre. Repris en 1896 par Röntgen avec le sens de «rayons X», il a été étendu à celui de «rayonnements corpusculaires», sens retenu par Marie et Pierre Curie en 1898 dans radioactif, radioactivité, radioélément et radium. Il a connu enfin une spécialisation de sens avec celui de «isotope radioactif de (= du corps chimique préfixé)» dans des mots du type radio-aluminium. On le rencontre dans la plupart des domaines scientifiques et techniques. Par exemple, dans le domaine de la biologie, il entre comme formant dans les composés suivants: radiomutation, radiotoxicité, radioprotection, radioépidermite, radioleucose, radiomucite, radiopathie, radiopathologie, radiosarcome, radiocardiogramme, radiodosimétrie, etc. 2.3.2. La formation syntagmatique La relation syntagmatique entre les éléments des termes/mots confixés est presque toujours la relation déterminant+déterminé et, souvent, on a des termes/mots confixés comptant plus de deux lexèmes: boroneutrothérapie, magnétoencéphalogramme, fructo-oligosaccharide, etc. Du point de vue sémantique, on traite le latin et le grec avec beaucoup de liberté et quelquefois on

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donne à ces confixés savants des valeurs qu’ils n’avaient pas à l’origine, les utilisant ainsi pour désigner des concepts qui n’étaient pas connus dans l’antiquité. Contrairement aux termes/mots simples, les termes-syntagmes renvoient à «un groupe de mots séparés par des blancs et qui sont syntaxiquement liés tout en identifiant une notion unique dans un domaine déterminé du savoir» (Boulanger 1988: 2). La structure formelle des termes-syntagmes correspond au regroupement de deux ou plusieurs mots, selon des règles de la langue en question. Cette forme complexe représente une seule unité conceptuelle malgré le nombre de déterminants qui se rapportent à un seul déterminé. Par exemple, le mot adresse est le centre des suites suivantes : adresse courriel, adresse de courrier électronique, adresse de courrier électronique jetable, adresse IP de serveur mandataire, etc. 2.3.4. La néologie par calque et emprunt Les emprunts directs ou calqués sont aussi très fréquents en néologie terminologique du français contemporain. La solution la plus rapide et la plus simple est évidemment l’emprunt: «[l’] emprunt pour une langue n’est pas gênant en soi. […] Le véritable problème de l’emprunt terminologique est son volume important et surtout, sa concentration dans certains domaines du savoir» (Rousseau 2005: 36-37). Dans le glossaire réalisé sous l’égide de Réaliter, Néologismes économiques dans les langues romanes à travers la presse, le français a emprunté à l’anglais les classes suivantes de termes: - termes simples: growth, hub, value, holding; - termes composés: workflow, benchmarker, benchmarking, dotcom, e-banking, outsourcing; - termes syntagmatiques: job board, policy mix, pure player, senior economist, affirmative action, black empowerment, big bang, black empowerment, business angel, business plan, chief executive, corporate governance, crawling peg, credit crunch, currency board, delivery maturity, ethnic business, experience rating, fast track, first mover, golden parachute, golden share, shareholder value, success fee. Le pourcentage des termes syntagmatiques sur l’ensemble des emprunts est évident, ce qui veut dire que les termes syntagmatiques, très fréquents dans les langues de spécialité, circulent facilement d’une langue dans l’autre. D’autres termes empruntés à l’anglais présentent des doublets en français: - ils sont calqués sur l’anglais (hedge funds / fonds spéculatifs, intellectual assets management / actifs intellectuels, le marché low coast / compagnies à bas prix, les success fees / honoraires de succès, le brick and mortar / brique et béton); - ils présentent une structure explicative (le knowledge management (KM) / gestion des connaissances dans l’entreprise, mapping / activité qui consiste à zoomer sur des cartes interactives, l'outsourcing / le développement de l'externalisation, les road-shows / les tournées de déplacement à l'étrange, le talent market / un système de vente aux enchères ou les internautes peuvent se vendre au plus offrant).

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2.4. La forme Un autre critère de distinction néologismes vs. néonymes qui en découle est la forme des deux sous-classes: les mots courts sont classifiés dans la classe des néologismes et les formes syntagmatiques dans celle des néonymes. Par conséquent, les mécanismes linguistiques de la créativité lexicale privilégient la composition, le groupement syntagmatique, la siglaison ou la réduction dans la classe de néonymes. À tout cela, on ajoute le caractère morpho-phonologique du néonyme : il doit s’intégrer dans la langue sans être perçu comme un corps étranger et, par conséquent, susceptible d’être rejeté. D’autre part, puisque les néonymes sont des mots qui apparaissent surtout dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC), ils présentent une identité formelle presque identique dans les deux langues (langue-source et langue-cible), ce qui les différencie se situant au niveau de la prononciation. De ce point de vue, pour qu’il soit accepté, un néonyme ne doit pas présenter de grandes difficultés de prononciation dans la langue cible. 2.5. La propagation La fréquence et la circulation restent aussi un critère de distinction néologisme vs. néonyme. Les néologismes sont des mots d’une circulation réduite qui circulent uniquement dans l’espace où ils ont été créés. D’autre part, les néonymes ont une circulation internationale et font partie des nomenclatures internationales à valeur universelle. Il y a sur le marché des analyseurs de néologismes pour leur détection automatique et semi-automatique dans des textes électroniques. Le travail manuel et laborieux des lexicographes, qui consistait dans l'examen d'un grand nombre de textes pour actualiser la nomenclature des dictionnaires avec les mots ou expressions nouveaux, a été remplacé par la détection automatique ou semi-automatique des néologismes. La différence entre les deux types consiste dans leurs limites et dans l’intervention du facteur humain: les systèmes automatiques extraient une liste de néologismes d’un texte sans l’intervention d’un utilisateur humain tandis que les systèmes automatiques extraient les néologismes potentiels qui sont ensuite catalogués par les intervenants humains. 3. La néologie en tant qu’activité institutionnelle La néologie vise également une intense activité institutionnelle pour recenser, inventorier, diffuser et implanter les néologismes dans le cadre d’une politique linguistique. Dans le domaine de la néologie, la créativité lexicale est soumise à des réglementations qui visent les critères linguistiques et sociolinguistiques auxquels les formes néologiques doivent répondre pour pouvoir faire partie du lexique. Selon Mihailovici (2005: 27), les critères linguistiques d’un néologisme visent l’univocité (il doit renvoyer à une notion stable, bien délimitée, avec une forme explicite et claire, avec laquelle la notion se trouve en relation d’univocité), la forme simple (il doit être court et concis, se constituant en base de dérivation pour de nouveaux mots), l’adaptation (il doit s’adapter aux règles du système

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linguistique de la langue cible, y inclus les systèmes phonétique et graphique) et sa transparence (il doit être transparent afin de déduire sa motivation). Quant aux critères sociolinguistiques, ceux-ci visent la nécessite (un néonyme répond toujours à un besoin de communication clairement exprimé), la transparence (il doit avoir des connotations positives et sans associations incorrectes), l’appartenance à un registre de spécialité, tout en respectant les lignes fondamentales de la politique linguistique. L’apparition d’un néonyme répond donc à des critères bien identifiés par les disciplines qui s’occupent de l’aménagement de la langue. Par conséquent, chaque langue a ses propres organismes d’encouragement et de promotion des politiques d’adaptation terminologiques dans le cadre d’un processus de planification néologique. Pour le roumain, les linguistes et les lexicologues manifestent eux aussi le souci de fonder des organismes (commissions de terminologie, structures sous-jacentes aux différents ministères) ayant le pouvoir de décision dans le domaine de l’emploi de la langue afin de la défendre contre la tendance vers une utilisation anarchique et de veiller à son développement harmonieux. Sur le plan international, les langues romanes bénéficient des politiques d’adaptation terminologiques dans le cadre d’un processus de planification néologique. Dans ce sens, le roumain fait partie du projet lancé et coordonné par M. Teresa Cabré, Les Observatoires néologie pour les langues romanes (NEOROM), qui se propose de préserver la diversité des langues et de les rendre en permanence aptes à traiter tous les sujets par l’étude des néologies. Plus précisément, son objectif principal est la création d’une base de néologismes qui feront l’objet d’une analyse comparative interlinguistique afin de présenter des applications multilingues utiles pour la lexicographie, la terminologie et, surtout, pour l’harmonisation des ressources ou l’aménagement linguistique des sept langues romanes. Sur le plan national, le seul organisme qui s’occupe de la réglementation dans le domaine du vocabulaire est l’Académie roumaine qui, par les dictionnaires qu’elle rédige, donne la norme de la langue roumaine. En ce qui concerne sa politique linguistique, l’académicien Marius Sala, prenant comme point de repère le français, affirme que: «les normes académiques roumaines sont légèrement conservatrices, mais beaucoup plus permissives que celle d’autres langues, comme le français par exemple» (Sala 2001: 164). 4. En guise de conclusion L’enrichissement des langues est une preuve de leur transformation et de leur évolution. Dans ce sens, la production néologique est une ressource productive et innovatrice importante dans leur trajectoire incessante de renouvellement. En ce qui concerne les facteurs qui différencient le néologisme du néonyme, nous avons retenu les aspects suivants: - le domaine de manifestation: le terme de néonyme restreint la sphère de manifestation des néologismes à celle des langues de spécialité de sorte qu’il y a

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l’opposition néologismes de la langue commune et néologismes terminologiques ou néonymes, c’est-à-dire les néologismes des langues de spécialité; - la nécessité: si les néonymes répondent à une nécessité d’ordre terminologique, les néologismes sont un moyen d’enrichissement et de modernisation du vocabulaire; - la synonymie: ayant une valeur stylistique, les néologismes peuvent apparaître dans des séries synonymiques tandis que les néonymes, dénotant des objets ou des phénomènes, n’en présentent pas; - l’origine: les néologismes privilégient la création morphologique par préfixation et par suffixation tandis que les néonymes favorisent la création syntagmatique; - la forme: en tant que critère de distinction, elle classifie les mots courts dans la classe des néologismes et les formes syntagmatiques dans celle des néonymes; - la propagation: si les néologismes sont des mots d’une circulation réduite, les néonymes ont une circulation internationale et font partie des nomenclatures internationales à valeur universelle. *Daniela Dincă, Analele UniversităŃii din Craiova, ŞtiinŃe filologice, Langues et littératures romanes, 2010, 1-2, p. 101-109. BIBLIOGRAPHIE Besse, De B. (1992), Cours de terminologie, Genève, ETI Université de Genève. Boissy, J. (1992), Cahier de Termes Nouveaux, Paris, CTN INaLF CNRS, CILF,

RINT. Boulanger, J.C. (1988), Le statut du syntagme dans les dictionnaires généraux

monolingues, Université de Montréal, octobre 1988, communication au 8ème colloque Les terminologies spécialisées: Approche quantitative et logico-sémantique, texte dactylographié, p. 2.

Goosse, A. (1975), La néologie française aujourd’hui, Paris, CILF. Guilbert, L. (1975), La créativité lexicale, Paris, Larousse. Gilbert, P. (1971), Dictionnaire des mots nouveaux, Paris, Hachette-Tchou. Guilbert, L. (1978), Problèmes du lexique et de la néologie dans la linguistique

française contemporaine, Philologica Pragensia, 21, n° 1, pp. 34-43. Mihailovici, Aurelia (2005), «Neologia şi structura neonimelor», in Studii şi

cercetări lingvistice, 1-2, pp. 23-31. Pitar, Mariana (2009), Manual de terminologie si terminografie, Timişoara, Editura

Mirton. Rondeau, G. (1984), Introduction à la terminologie, Québec, Gaetan Morin. Rousseau, L.-J. (2005), Discussion consécutive à HUMBLEY, J., «Dictionnaire de

néologismes: porte d’entrée des anglicismes?», in DEPECKER, L. et DUBOIS, V. (dir.), Les néologies contemporaines, Société française de terminologie, Collection Le Savoir des mots, Paris, pp. 36-37

Sala, Marius (2001), Connaissez-vous le roumain?, Bucarest, Editions de la Fondation Culturelle Roumaine.

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Corpus analysé Néologismes économiques dans les langues romanes à travers la presse, http://www.realiter.net/IMG/pdf/neologismes_realiter_ca.pdf

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UNE NOTION-CLÉ DANS LA LEXICOLOGIE ROUMAINE: « L’ETYMOLOGIE MULTIPLE »*

1. Introduction 1.1. L’ancrage géolinguistique, historique et culturel du roumain À partir de la fin du XVIIIe siècle, le roumain a subi un processus de néologisation massive, renforcé surtout au XIXe siècle et continué pendant la première moitié du XXe siècle, manifesté différemment d’une province à l’autre. Tandis que, par l’intermédiaire de la culture grecque, la Valachie et la Moldavie sont influencées indirectement surtout par la culture française et en moindre mesure par celle italienne, en Transylvanie, des emprunts au latin et à l’italien pénètrent d’un côté directement grâce au mouvement politique et culturel connu sous le nom de ‹Şcoala Ardeleană›1, de l’autre côté, par voie de la culture austro-hongroise. En même temps, à partir de cette époque, un bon nombre de néologismes d’origine grecque, allemande ou russe, dont certains avaient eux-mêmes une origine romane occidentale, commence à circuler à côté d’autres emprunts latins ou romans. Ce mouvement culturel et linguistique est devenu tellement fort qu’il a modifié la physionomie du roumain et surtout la structure de son vocabulaire (Şora 2006: 1728). À cause de cet état des choses, l’application des critères étymologiques, tels que celui de la première attestation, la comparaison avec les autres langues comme sources potentielles d’emprunt ou la recherche de la filière, c'est-à-dire, de la voie de pénétration, ne permettent pas toujours, ou mieux dit, rarement, d’établir d’une manière univoque la source étymologique des néologismes roumains. C’est dans ces cas, très nombreux, qu’on trouve dans les dictionnaires roumains l’indication ‹l’étymologie multiple›, correcte tant que les critères linguistiques (sémantiques et formels) et extralinguistiques (d’ordre socioculturel, historique, etc.) sont respectés. 1.2. Objectifs Une première partie de cette approche vise à esquisser le cadre théorique de la notion d’‹étymologie multiple›, tenant compte aussi bien des critères et des taxonomies véhiculées dans la littérature de spécialité, que de leur application dans les ouvrages lexicographiques roumains. D’autre part, le nombre impressionnant des gallicismes2 m’a déterminé de m’occuper spécialement des mots qui sont hautement susceptibles de provenir du français3, présentant toutefois d’autres possibilités en tant que sources étymologiques.

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Dans la partie finale de ma démarche, je me limite uniquement à des exemples tirés de la lettre R de l’édition de 1998 du Dictionnaire explicatif de la langue roumaine (DEX 1998), tout en tenant compte pour les étymologies aussi des autres sources lexicographiques roumaines4 disponibles, surtout le DA / DLR, le dictionnaire historique trésor de la langue roumaine, et le CDER5. 2. ‹L’étymologie multiple› – bref état de la question 2.1. Définition, taxonomies, critères de ‹l’étymologie multiple› La notion d’‹étymologie multiple›, introduite pour la première fois dans la linguistique roumaine par Alexandru Graur (1950: 22-34), est centrée sur le principe selon lequel «un mot peut avoir en même temps plusieurs étymons possibles» (Graur 1950: 23). En grandes lignes, ce concept, adopté aujourd’hui par la majorité des linguistes roumains (cf. Sala 1999: 67), vise plusieurs catégories d’unités lexicales. Les cas les plus fréquents sont les néologismes qui pourraient provenir en même temps de plusieurs langues à la fois et qui illustrent, d’après les taxonomies élaborées par Király (1988: 34-37) et par Hristea (1973: 4), ‹l’étymologie multiple externe›: lampă [avec la variante (populaire) lambă] pourrait venir du ngr. λαµπáς, de l’all. LAMPE, du fr. LAMPE, du hongr. LAMPA, du rus. LAMPA; Les filières différentes expliquent aussi l’une des causes de l’apparition des variantes lexicales non littéraires, populaires, vieillies, mais avec le même sens que la forme acceptée par la langue standard : les variantes populaires, vieillies: şoholadă (de l’all. SCHOKOLADE) ou şoholată (du fr. CHOCOLAT) et cf. la forme littéraire ciocolată (de l’it. CIOCCOLATA); renglotă [variantes: renclodă, ringlotă] du fr. REINE-CLAUDE, all. RINGLOTTE, etc.; ou bien des variantes littéraires libres, telles: cofeină (de l’all. KOFFEIN) et cafeină (du fr. CAFEINE). Une autre catégorie est celle des ‹étymologies multiples internes›. Il s’agit de créations internes, à la formation desquelles ont pu contribuer, en roumain même, plusieurs mots base. C’est par exemple le cas des dérivés régressifs du type: a recepta qui pourrait provenir de plusieurs étymons: RECEPTOR, RECEPTIV et RECEPTIE; a candida qui pourrait provenir de CANDIDAT et de CANDIDATURA; l’adjectif muntean qui pourrait être dérivé de MUNTE ‹montagne›, ou bien du toponyme MUNTENIA. Enfin, il ne faut pas ignorer les situations lexicales où il peut s’agir d’emprunts et des créations internes à la fois. C’est le cas des mots à ‹étymologie multiple mixte ou combinée› (Sala 1999: 67), tels que :

pastelist qui par ses sens: 1. ‹peintre de pastelles› et 2. ‹poète qui compose un certain type de poésies, appelé en roumain pastel› ne doit pas être considéré comme provenant uniquement du fr. PASTELLISTE (pour le sens 1), mais aussi du PASTEL + –IST (pour le sens 2);

morav ‹mœurs› qui est probablement une contamination voulue entre le mot latin MOS, MORIS et le mot roumain NARAV ‹vice›, emprunté au sl. NRAVU, cf. le bg. NARAV (Graur 1950: 27; Sala 1999: 66, 67). Il est vrai ce sont des cas plutôt rares (Ivănescu 1980: 671).

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Les critères qui doivent être pris en considération lors de l’explication par ‹étymologie multiple› de la provenance des néologismes roumains sont les suivants (cf. Pînzariu 2007: 167-178): (a) une motivation d’ordre formel: il s’agit des mots dont la forme renvoie en même temps à plusieurs sources. Pour cela, toute une série de facteurs phonétiques, phonologiques et morphosyntaxiques doivent être corroborés pour accorder finalement à tel ou tel mot l’étiquette d’étymologie multiple. C’est par exemple, la position de l’accent qui peut être décisive pour le choix entre plusieurs variantes: Hristea (1968: 104) cite le cas du mot roumain caractér qui, avec cette structure phonologique, renvoie au fr. CARACTERE, tandis que la variante carácter peut s’expliquer aussi bien par le lat. CHARACTER, que par l’all. CHARAKTER. Si l’on prend en charge encore deux autres variantes: haractir et haracter, alors le nombre des sources s’accroît avec le néogrec χαρακτήρ, respectivement, le rus. HARACTER. Les variantes graphiques pourraient être un autre facteur important: Hristea (1968: 105) mentionne que le mot roumain rasă, pour lequel on a longtemps invoqué uniquement l’étymologie française, circulait en Transylvanie, avant la réforme orthographique de 1932, avec la graphie rassă, donc avec deux s, comme en allemand. En ce qui concerne l’adaptation formelle des néologismes en roumain, en dehors des lois de transformation spécifiques pour chaque langue potentielle source d’emprunt, il faut tenir compte du fait que, dans la plupart des cas, le signifiant du néologisme a été fixé aussi sous l’influence de la forme latine correspondante, ceci surtout pour les emprunts au français. Par exemple, dans le cas du mot culoare qui provient du fr. COULEUR et du lat. COLOR, COLORIS, la métaphonie de la voyelle o, inattendue ici, caractérise des mots plus anciens hérités du latin et terminés en –or, tels: floare du lat. FLOS, FLORIS. Les facteurs morphosyntaxiques peuvent aussi être édificateurs: dans le cas du mot culoare (cf. Pînzariu 2007: 169), discuté supra, le critère formel qui favorise la source latine doit être corroboré avec celui morphosyntaxique, car le mot roumain est du genre féminin que son correspondent français (LA COULEUR), par rapport aux autres langues romanes qui maintiennent le genre de l’étymon latin (it. il colore, esp. el color, etc.). (b) un autre critère est la motivation sémantique: il s’agit des mots qui pourraient s’expliquer, du point de vue de la forme, comme appartenant à une certaine langue, mais qui, du point de vue sémantique, pourraient provenir d’une autre langue source. Dans une telle situation se trouvent certains lexèmes dont la forme renvoie au latin savant et dont le sens correspond à celui des mots représentant la filière de pénétration. Par exemple, le mot roumain stat provient, selon le critère formel, du lat. STATUS mais parce que son sens est celui du fr. ETAT ‹forme de gouvernement, régime politique, etc.›, il est aussi un emprunt sémantique du français (cf. Hristea 1968: 107).

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De même, dans la langue parlé contemporaine, un bon nombre de néologismes d’origine française, tels que a aplica (du fr. APPLIQUER), ou oportunitate (du fr. OPPORTUNITE) acquièrent de nouveaux sens – ‹demander, solliciter› (pour le mot a aplica), respectivement, ‹chance, possibilité, occasion› (pour le mot oportunitate) – qui représentent des calques sémantique d’après l’anglais APPLAY / OPPORTUNITY (Groza 2004: 122). Mais c’est un autre type d’étymologie multiple où il y a superposition de deux emprunts successifs. (c) une motivation d’ordre extralinguistique qui tient à la vie culturelle et économique. Les emprunts néologiques ont pu pénétrer en même temps que les nouvelles notions désignées dans les langues avec lesquelles le roumain entretenait des contacts plus soutenus. Tel est le cas du mot lampă (discuté supra) où le sens de l’étymon primaire, le néogrec λαµπάς, ne suffit pas pour expliquer les autres significations (lampă de gaz ‹lampe à gaz›, lampă electrică ‹lampe électrique›, lampă de radio ‹lampe-radio›, etc.) que le mot acquiert en roumain une fois avec le développement de la technique. Il aurait pu provenir sous cette forme de l’allemand, du français, du russe et même du hongrois. 2.2. Quelques critiques de ‹l’étymologie multiple› et de son application dans les ouvrages lexicographiques roumains Comme je crois l’avoir démontré, ‹l’étymologie multiple› s’avère d’une très grande importance et utilité pour la lexicologie roumaine, si et seulement si elle est appliquée de façon correcte6. (cf. Şora 2006: 1728). Mais il y a toute une série d’obstacles qui se dressent devant le lexicographe étymologiste. Par exemple, abstraction faite du RDW, les dictionnaires roumains ne mentionnent pas la première attestation. Ursu (1965: 55-57) cite le cas du mot clas – une variante plus ancienne de clasă ‹classe› – dont l’étymon ne doit pas être considéré (contrairement à l’opinion d’autres chercheurs) de provenance russe, car ses premières attestations sont enregistrées dans les textes parus en Transylvanie, en 1780, donc dans une période où l’influence russe ne s’était pas encore faite sentir. La définition étymologique correcte serait: clasă [variante vieillie: clas] du fr. CLASSE, all. KLASSE (Ursu 1965: 55-57). Une autre déficience des dictionnaires est l’explication erronée ou même inexistante des variantes qui pourraient être une aide précieuse pour trouver la bonne étymologie, respectivement la filière de pénétration. Hristea (1968: 105) cite entre autres le cas du roumain monedă dont l’étymologie est résolue ou bien de manière unilatérale (uniquement de provenance latine d’après le CDDE), ou bien elle est trop vague (le DN indique l’italien MONETA et renvoie en même temps au latin MONETA). En réalité, du latin et surtout de l’italien provient seulement la variante vieillie moneta, tandis que la forme roumaine littéraire monedă est d’origine néogrecque (Hristea 1968: 104-105; Graur 1936: 103). Un autre exemple illustratif est offert par le mot inginer que certains dictionnaires (le DU, le DLRM et le CDDE) explicitent seulement par le français INGENIEUR sans prendre en considération deux aspects très importants: (1) les

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formes analogiques qui indiquent l’évolution -or de la finale française -IEUR dans plusieurs autres mots comme le fr. TRIEUR > roum. trior ; le fr. SKIEUR > roum. schior. L’adaptation du fr. INGENIEUR en roumain aurait donc du être à *ingeni-or ou bien à *injeni-or; (2) la variante plus ancienne (attestée en 1891 chez George BariŃiu, apud Hristea 1968: 111), ingenier, dont la forme renvoie à l’italien INGEGNERE. Dans ce cas, une définition étymologique correcte serait: inginer de l’it. INGEGNERE, d’après le fr. INGENIEUR, l’all. INGENIEUR, cf. le rus. INGENER. Le dernier exemple met en discussion un autre aspect des indications étymologiques incomplètes ou erronées des dictionnaires roumains. Il s’agit d’un nombre élevé de mots ‹internationaux› qui proviennent en roumain de plusieurs langues européennes simultanément ou de manière successive et qui sont fréquemment enregistrés dans les dictionnaires comme des emprunts au français. En fait, cette situation spéciale renvoie à – on pourrait déjà dire – ‹un hyper topos› de la littérature de spécialité: la tendance vers l’exagération du nombre des gallicismes du vocabulaire néologique du roumain moderne et contemporain, exagération explicable d’un côté par une certaine subjectivité, et de l’autre, par une certaine commodité des chercheurs. À ce point, plusieurs cas peuvent être soumis à l’analyse:

(a) les dictionnaires ne mentionnent pas que dans certains cas le roumain a emprunté au français la forme et quelques significations du mot, mais pas toutes et qu’en réalité, pour ce type d’emprunts, il s’agit d’une véritable ‹étymologie multiple mixte ou combinée›. Tel est, par exemple, le cas du mot roumain pastelist (discuté supra – v. §2. 1.) ou celui du mot a articula (du fr. ARTICULER, lat. ARTICULARE), dont le second sens ‹ajouter un article à un nom ou à un autre équivalent nominal› est une création de la langue roumaine;

(b) (ou bien) les dictionnaires arrivent parfois à inventer des étymons français qui, en fait, sont inexistants dans la langue parlée en France ou en Belgique ou en Suisse. Par exemple, on indique comme étymologie pour frizer ‹coiffeur› le mot français *FRISEUR qui n’existe pas. Une analyse un peu plus poussée montre que frizer est un emprunt à l’all. FRISEUR. D’autre part, les critères mentionnés supra (v. §2. 1.) sont encore plus difficiles à être appliqués dans bien des cas à étymologie multiple. Par exemple, le critère formel n’est pas toujours applicable dans plusieurs cas de figure, tels: (1) L’existence de plusieurs variantes lexicales ne fait parfois qu’augmenter le nombre des langues potentielles sources de l’emprunt et, par conséquent, mettre le chercheur dans l’embarras du choix en ce qui concerne l’étymon (les étymons) primaire(s). Şora (2006: 1726) cite le cas du roumain arteră, attesté sous cette forme à partir du XIXe siècle, qui renvoie au fr. ARTERE et qui présente les variantes: artirie (du XVIIIe siècle), explicable par le néogrec ARTIRIA, respectivement, arterie (attestée vers 1850) qui pourrait être d’origine italienne, allemande ou russe. Il s’agit, dans ce cas, (a) de plusieurs formes qui ont coexisté, chacune venue par une autre filière, (b) on pourrait considérer que la variante du roumain actuel (arteră du fr. ARTERE) s’est greffée sur toutes les autres variantes ou bien (c) qu’il s’agit d’une forme empruntée une deuxième fois.

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(2) Au contraire, la disparition de certaines variantes formelles et la prise en charge d’un seul modèle, qui s’est imposé finalement dans la langue, pourraient conduire à une fausse étymologie qui, fréquemment, envoie à une source unique. C’est toujours Şora (2006: 1727) qui cite la situation où certaines variantes signalées au XIXe siècle, dues aux hésitations d’accentuation, se sont perdues jusqu’à l’état actuel de la langue où s’est imposé – dans la plupart des cas – le modèle français (antípod, modéstie, etc.). (3) La différence assez grande entre le phonétisme français et celui roumain a conduit à une adaptation quasi générale des emprunts au français (pénétrés surtout par voie culte, écrite) à la phonétique roumaine. De là, la confusion fréquente entre ce type de néologismes et ceux pénétrés directement de l’italien.

(4) D’autre part, les mots roumains pénétrés par filière française et surtout ceux à étymon italien se confondent du point de vue formel avec les cultismes (les latinismes mis en circulation vers la fin du XVIIIe siècle par ‹Şcoala Ardeleană›) (cf. Ursu 1962: 115). D’ailleurs, les critères linguistiques, aussi bien que les critères extralinguistiques semblent impuissants à faire la distinction entre les emprunts (qui représentent des dérivés dans la langue source) et les créations internes, réalisées parfois avec des affixes latino-romans. Un exemple classique est celui des mots roumains terminés en –bil (v. Iliescu 1959), qui peuvent être soit des dérivés, tels acceptabil, adaptabil, calculabil, etc. qui proviennent des verbes roumains A

ACCEPTA, A ADAPTA, A CALCULA, soit des emprunts, tels accesibil du fr. ACCESSIBLE, lat. ACCESSIBILIS; solubil du fr. SOLUBLE, lat. SOLUBILIS ou bien inflamabil du fr. INFLAMABLE , etc.

Mais ce dernier aspect reste de nos jours encore très difficile à résoudre (cf. Graur 1950: 32). 3. ‹L’étymologie multiple› et les gallicismes Une analyse statistique sur la lettre R du DEX démontre que pour les unités lexicales à ‹étymologie multiple›, la première alternative, abstraction faite du français, est le latin, la deuxième l’allemand et la troisième l’italien. Plus concrètement, la répartition des 288 unités lexicales à étymologie multiple, y compris celle française, décelées sur l’ensemble des entrées de la lettre R du DEX, est la suivante: 122 unités ont une étymologie multiple française et latine, il y a 63 unités à étymologie française et allemande, 19 unités à étymologie française et italienne, 26 unités à étymologie française et anglaise, 5 unités à étymologie française et russe, 2 unités à étymologie française et néogrecque, respectivement, 2 unités à étymologie française et espagnole. Ces sept premières séries à étymologie double sont suivies, en fonction de la fréquence des entrées, par d’autres sept séries à étymologie triple (française, latine, allemande – 13 unités; française, latine, italienne – 13 unités; française, allemande, italienne – 5 unités; française, anglaise, allemande – 4 unités; française, russe, allemande – 2 unités; française, latine, néogrecque – 2 unités; française,

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espagnole, allemande – 1 unité) et par trois séries à étymologie quadruple (française, latine, allemande, italienne – 3 unités; française, allemande, russe, anglaise – 1 unité; française, latine, italienne, néogrecque – 1 unité). La confrontation de cette statistique avec le DLR met en évidence plusieurs divergences. Ainsi, 30 unités lexicales ne sont pas enregistrées par le DLR, plus d’une moitié (16 mots) représentant des emprunts plus récents à étymologie multiple française et anglaise, telles: relaŃional, rift, robotică, rubylith, rutherford, etc.

Les séries les mieux représentées dans les deux dictionnaires consultés sont celles qui visent l’étymologie double française-latine (122 vs. 83 unités lexicales), respectivement, française-allemande (63 vs. 46 unités lexicales). Pour une bonne partie des mots appartenant à ces séries le DLR préfère l’étymologie à source unique. Les séries à étymologie multiple triple et quadruple sont faiblement représentées dans le DLR qui accepte, en général, l’étymologie à double source et qui présente séparément l’origine des variantes lexicales au cas où celles-ci existent. Par exemple, pour le mot rit du ngr. RITON, lat. RITUS, fr. RITE, le DLR mentionne aussi la variante rituş dont l’origine est hongroise. Il est fort difficile d’établir une différence entre les gallicismes et les italianismes: cela pourrait être l’explication pour le petit nombre de lexèmes (6 unités) à étymologie double française-italienne du DLR, qui explique des mots comme a restitui, rezistent, rotondă uniquement par le français, ou bien par une source triple: française, italienne et latine, dans le cas des mots tels que romanitate ‹romanité›, republică ‹république›. L’adaptation formelle des gallicismes en tenant compte du modèle latin pourrait être le critère qui détermine le DLR à considérer certains néologismes comme provenant uniquement du latin (v. a rugi dont la source est, selon le DLR, le latin RUGIRE et pour lequel le DEX mentionne : cf. le lat. RUGIRE, le fr. RUGIR).

Autrefois, le critère sémantique est, probablement, celui qui conduit le DLR à considérer des mots tels que a ramifica, recepŃie, reducŃie de provenance uniquement française (du fr. RAMIFIER; RECEPTION; REDUCTION), tandis que le DEX prend en charge aussi un étymon latin (du lat. RAMIFICARE; RECEPTIO, -ONIS; REDUCTIO, -ONIS). Les plus nombreuses divergences entre les deux sources lexicographiques consultées reposent sur le problème majeur de la distinction entre les mots dérivés en roumain (parfois avec des affixes latino-romans) et les emprunts (eux-mêmes des dérivés existants dans la langue source). On se résume à présenter brièvement quelques situations qui, d’ailleurs, nécessiteraient une approche toute à fait spéciale. Par exemple, le mot reticulat est considéré par le DLR comme une création interne du RETICUL + -AT, d’après le modèle du fr. RETICULE, cf. le lat. RETICULATUS, -A, -UM, tandis que dans le DEX il apparaît comme un emprunt à étymologie multiple française-latine. Un cas illustratif pour les divergences lexicographiques est celui du mot a raŃiona ‹rationaliser› qui apparaît comme un emprunt à étymologie multiple

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française-italienne dans le DEX (du fr. RATIONNER, l’it. RAZIONARE) et comme une création interne dans le DLR (du nom RAłIUNE ‹raison› d’après le fr. RAISONNER) qui considère, d’ailleurs, qu’il s’agit d’une seule entrée lexicographique avec les sens (1) ‹penser, juger rationnellement› et (2) ‹rationaliser›. Ce mot apparaît dans le CDER comme un emprunt au français, mais adapté à la base latine. 4. Conclusions Etablir l’étymologie des néologismes roumains est donc une entreprise extrêmement compliquée. Dans les cas où la source immédiate d’un emprunt reste ambiguë ou lorsqu’il est possible, en principe, qu’un néologisme provienne au moins par deux filières, s’impose ‹l’étymologie multiple› (cf. Hristea 1968: 114). Il est incontestable que cette notion est une aide précieuse si elle est bien appliquée, mais elle ne peut pas, à elle-même, résoudre toutes les difficultés. Au moment où l’Institut de Linguistique de Bucarest publiera le corpus auquel il travaille, en fournissant des données plus exactes sur l’attestation des mots au moins dans la langue écrite, le principe de ‹l’étymologie multiple› sera une aide encore plus concrète pour tous ceux qui se préoccupent des étymologies, surtout des néologismes roumains. *Mihaela Popescu, Communication CILPR, Valence, 2010. NOTES 1. ‹Şcoala ardeleană› (‹L’École transylvaine›) est un mouvement de renaissance culturelle de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe marqué par une prise de conscience accrue de l’origine latine du peuple roumain et de la langue roumaine. 2. Nous employons le terme de ‹gallicisme› au sens de «mot français emprunté par d’autres langues» (cf. Thibault 2004; Thibault 2009). 3. À cet égard, il faut mentionner que malgré les opinions existantes sur l’exagération de l’importance et de la contribution des emprunts du français sur le fond néologique du roumain et en dépit de la pratique lexicographique inconséquente, incomplète ou parfois même erronée, il est aujourd’hui reconnu d’une manière unanime que, de toutes les langues romanes, le roumain a souffert la plus grande influence de la part du français. La période de la pénétration a été longue et les mots entrés en roumain représentent une partie nombreuse et importante du vocabulaire de la langue moderne et ils témoignent les relations étroites avec la culture et la civilisation françaises. 4. DA / DLR, DEX, CDER, RDW, DLRC, DN (v. aussi la note no. 6). 5. Cette confrontation lexicographique est nécessaire surtout pour mettre en évidence les problèmes d’attestations et de définitions étymologiques douteuses, ainsi que la distinction, très difficile à opérer, entre les mots dérivés en français et ceux créés ultérieurement en roumain (cf. Hristea 1968: 32 et suiv.; Reinheimer-Rîpeanu 1989; Popovici 1992; Popovici 1996). 6. Dans ce qui suit nous faisons en principe abstraction des dictionnaires parus avant 1950, date de la publication de l’article de Graur, c'est-à-dire le CDDE (1907-1914), le SDLR (1939), le DA (1913-1949) et le DU (1896) qui indiquent, bien que d’une manière inconséquente, ci et là, plusieurs sources étymologiques. Dans une situation spéciale se trouve le RDW (1895-1925) qui dans sa première édition a de bonnes étymologies bien que le nombre des mots de la deuxième moitié du XVIIIe siècle et du XIXe siècle reste assez limité. La seconde édition (1985-1989) se révèle d’une très grande importance, en indiquant la première attestation qui a été déduite en fonction de l’année de l’apparition de la première attestation écrite, telle qu’elle est mentionnée dans le DA, respectivement, dans le DLR. En ce qui concerne Le dictionnaire de la langue roumaine, paru sous l’égide de l’Académie Roumaine, il faut pourtant préciser son histoire. À partir de 1913 et jusqu’au 1949, on a fait publier

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trois grands volumes (A-B, C et F-I) et encore quatre fascicules (une première partie de la lettre D-De et la lettre L jusqu’au mot lojniŃă) (cf. Sala 1999: 104). Mircea Seche (1966 – 1969: II, 70) attire l’attention qu’avec le DA, c’est pour la première fois qu’un dictionnaire roumain accepte deux solutions étymologiques alternatives. Mais, étant donné la période de son élaboration, cet ouvrage ne contient pas une bonne partie des néologismes du roumain moderne et contemporain. Cet imposant ouvrage, connu sous le nom de DA, a été continué après 1965 avec une nouvelle série (le DLR) qui contient jusqu’à présent les volumes des lettres M, N, O, P, R, S, Ş, T, ł et V. Le DLR, le dictionnaire historique trésor de la langue roumaine, dont les parties publiées avant la deuxième guerre mondiale n’ont pas encore étaient reprises, applique le principe de ‹l’étymologie multiple› non seulement aux néologismes, mais aussi aux unités lexicales plus anciennes. Parmi les autres dictionnaires roumains plus récents qui appliquent le principe de ‹l’étymologie multiple› d’une manière scientifique quasi correcte on mentionne le DEX, dont les indications étymologiques (améliorées à partir de la seconde édition, publiée en 1996, grâce à la collaboration de Theodor Hristea) sont presque semblables à celles du DLR, à l’avantage d’avoir un nombre plus élevé de néologismes du roumain contemporain. BIBLIOGRAPHIE Études Coteanu, Ion / Marius Sala (1987), Etimologia şi limba română. Principii –

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3. LA DYNAMIQUE DES EMPRUNTS ROUMAINS AU FRANÇAIS

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LES EMPRUNTS AU FRANÇAIS DANS LE LANGAGE DES JEUNES AU XIX e

SIÈCLE*

0. Introduction L’influence française sur la physionomie lexicale du roumain a eu un rôle

décisif pour l’achèvement de son caractère moderne au moins pour deux raisons. La première se rapporte à la conscience de l’origine romane commune des deux peuples et de leur parenté linguistique. La deuxième vise la valorisation du prestige culturel de la France au début du XIXe siècle et des relations d’ordre politique, économique et culturel existantes entre la France et la Roumanie. Par conséquent, sous l’influence du français, le roumain a subi le processus de re-romanisation qui a accentué et qui a accru ses traits romans à tous les niveaux (lexique, phraséologie, phonétique, structure grammaticale) et, surtout, au niveau de l’enrichissement du lexique et de la phraséologie par de nouveaux éléments romans.

S’inscrivant dans la problématique de la linguistique comparative, notre contribution se propose de mettre en évidence l’influence du français sur la langue roumaine à travers le parler des jeunes au début du XIXe siècle, période durant laquelle le français avait connu un vrai rayonnement culturel. Pour y arriver, nous avons fixé les objectifs suivants :

(a) présenter l’importance de l’étude des emprunts lexicaux comme reflet de l’évolution d’une société, en d’autres mots, la relation entre la langue et l’identité nationale d’un peuple ;

(b) définir les concepts opérationnels mobilisés dans l’analyse du corpus ; (c) analyser des mots introduits dans le lexique par la jeune génération

d’intellectuels roumains au début du XIXe siècle ; (d) mettre en évidence la gallomanie ou la francomanie qui prenait parfois

des proportions inquiétantes et qui provoquait la réaction de nombreux intellectuels roumains.

Dans les œuvres littéraires qui ont marqué cette époque-là, il y a eu des

réactions de la part des gens de culture contre le jargon des jeunes qui déformaient la langue française et qui introduisaient en roumain des mots inadaptés. Parmi ces réactions, on peut citer M. Kogălniceanu (Soirée dansante et Illusions perdues), Constantin Facca (FranŃuzitele / Les francisées), Vasile Alecsandri (Coana ChiriŃa în provincie / Dama Chiritza en province, Coana ChiriŃa la Iaşi / Dama Chiritza à Jassy), Constantin Negruzzi (Muza de la Burdugeni / La Muse de Burdugeni), I. L. Caragiale dans la plupart de ses comédies et de ses nouvelles.

Le corpus analysé est constitué par la pièce de Constantin Faca, FranŃuzitele / Les Francisées, publiée en 1860. Elle traduit la réalité sociale du

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début du XIXe siècle et son titre vient du français populaire franŃuzit / francisé,-e, celui qui imite la manière de vivre des Français tout en utilisant, sans nécessite, des mots français, souvent adaptés au système de la langue roumaine. En d’autres mots, ce sont des emprunts de luxe, des formes nécessaires uniquement pour imiter une culture et une civilisation qui constituaient un modèle à suivre. C’est une pièce à visée satirique, une réaction contre l’exagération et la déformation de la langue. Le théâtre est d’ailleurs le genre littéraire le plus en mesure de mettre en évidence les caractéristiques de la langue orale et, d’autre part, de nous fournir des indications sur les habitudes langagières et sur la façon de parler une langue à une certaine époque.

1. Les emprunts lexicaux – reflet de l’évolution d’une société L’étude des mots empruntés à d’autres langues reflète l’évolution et la

transformation de la société, en général, et de son vocabulaire, en particulier. L’influence française sur le lexique du roumain peut être révélatrice, d’une part, de la relation qui s’est établie entre les deux langues et, d’autre part, de la nation elle-même :

« Il est intéressant d’étudier dans une langue les éléments étrangers (…) qui peuvent révéler tant de choses à la fois sur la nation qui fournit et sur celle qui emprunte. » (Nyrop, 1934 : 68) Si la nation prêteuse se trouvait alors au sommet de son rayonnement

culturel, la nation emprunteuse nécessitait des ressources pour s’adapter aux changements sociaux, économiques, politiques, technologiques ou scientifiques. Les facteurs extralinguistiques tels que le voisinage, les rapports économiques, politiques et culturels entre les deux pays étaient pleinement favorables de sorte que l’emprunt lexical au français était de toute évidence la solution la plus commode pour remplir ces lacunes lexicales.

La présence des néologismes français dans les traductions, dans les œuvres originales et dans la langue courante a eu une contribution importante dans l’enrichissement du vocabulaire roumain et, implicitement, dans le développement de la langue roumaine littéraire.

Le pourcentage des emprunts roumains au français a été estimé, pour ce moment-là, à 39% du vocabulaire, avec une fréquence de prés de 20%. Cela veut dire que: « dans le langage courant, un mot sur cinq en moyenne est d’origine française » (Manucă, 1978). Certains de ces néologismes ont pénétré dans le fonds lexical principal, d’autres ont circulé par voie orale et sont considérés comme des franŃuzisme, des mots qui n’ont pas été intégrés dans la langue, des éléments marginaux qui sont parfois utilisés comme traces d’une époque de grande effusion culturelle. À cette époque-là, le français est devenu la langue des salons, car il était parlé par les officiers russes et par la bourgeoisie qui mimaient les bonnes manières et qui voulaient s’approprier les mots dont ils ne connaissaient pas le contenu.

1.1. Le contexte socio-culturel du début du XIXe siècle

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À partir du XVIIIe siècle, la société roumaine commence à prendre contact avec la culture française par les idées modernes et cosmopolites des Lumières. À cette époque-là, le français était présent juste à la cour princière, devenant ultérieurement la langue de prédilection des élites de la société (boyards, hommes politiques, écrivains, etc.) qui maîtrisaient le français et qui l’employaient de manière courante. Quant à la bourgeoisie et aux classes populaires, ces catégories sociales employaient aussi des mots français pour copier les classes privilégiées.

Mais c’est le XIXe siècle qui marque le début de la modernisation de la société roumaine et la langue française a eu son rôle de langue de prestige qui a énormément aidé à la re-définition de la langue, de la culture et de la civilisation roumaines. Le début du siècle enregistre les premiers éclats de culture française qui pénètrent en Roumanie par les voies suivantes: (i) l’apparition des grandes bibliothèques avec des livres en français (surtout Voltaire et Rousseau) ; (ii) l’utilisation du français en tant que langue de la diplomatie à Constantinople (XVIIIe siècle) ; (iii) l’introduction du français dans l’enseignement public et son rôle de principal moyen pour découvrir un nouveau monde ; (iv) la prolifération des traductions par lesquelles se répand une nouvelle mentalité, l’esprit critique, la tendance vers la réforme, etc. ; (v) la pénétration massive des mots provenant uniquement du français ou dans lesquels le français reste la première langue de référence.

Vu les dimensions de l’influence française dans tous les domaines de la vie socio-économique et intellectuelle, Goldis-Poalelungi (1973 : 43) parle d’un bilinguisme franco-roumain:

« En étudiant la structure de ces deux langues en contact, leurs tendances évolutives, et en comparant les processus d’évolution du roumain, on peut affirmer, qu’au XIXe siècle, dans certains milieux des Pays roumains, on peut parler d’un bilinguisme franco-roumain. » 1.2. Le rôle des jeunes dans la promotion du français au XIXe siècle En ce qui concerne l’attitude des jeunes envers l’invasion des mots français,

on pourrait parler d’une nouvelle génération de jeunes progressistes qui utilisaient, dans leurs dialogues, des mots français sans aucune adaptation aux systèmes orthographique et morphologique du roumain. La plupart d’entre eux avaient étudié en France et ils avaient subi un choc tout en s’apercevant de l’écart entre les deux sociétés. Par conséquent, ils ont eu la volonté de s’élever au niveau de la civilisation française par une exagération dans leur comportement et, surtout, dans leur vocabulaire.

Pour désigner les jeunes progressistes roumains il y avait plusieurs mots, qui suggéraient leur volonté d’imiter les autres et surtout de rompre avec le passé : filfison / filfizon, bonjouriste ou franŃuzit. Le premier terme (filfison ou filfizon), qui circulait après la Révolution française dans les milieux intellectuels roumains, était une déformation du vers « Vive le son du canon » de la Carmagnole qu’on chantait dans les cafés et les salons de Bucarest et de Iaşi, et signifiait ironiquement l’émissaire du monde nouveau, plus tard jeune homme élégant et frivole. Les bonjouriste ou les franŃuzit sont les jeunes qui avaient étudié en France et qui, une

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fois rentrés en Roumanie, imitaient la manière de vivre des Français et utilisaient, sans nécessité, des mots français, souvent déformés.

2. Définition des concepts opérationnels utilisés dans l’analyse lexicale La recherche lexicale opère avec plusieurs concepts (néologisme, emprunt,

néonyme, calque, etc.) dont les plus importants, pour notre analyse, sont : néologisme, emprunt et gallicisme.

Le TLF, le Larousse, le Robert, le Webster présentent le néologisme comme une notion polysémique avec, d’habitude, les acceptions suivantes: 1. mot, tour nouveau que l’on introduit dans une langue donnée (néologisme de forme); 2. mot (expression) existant dans une langue donnée mais utilisé(e) dans une acception nouvelle (néologisme de sens); 3.création de mots, de tours nouveaux et introduction de ceux-ci dans une langue donnée (syn. néologie). Pour la première acception, nous prenons comme exemple le verbe a îndoctrina qui combine un affixe, le préfixe în + doctrină, même s’il y a un terme semblable en français, endoctriner, que le roumain aurait pu emprunter. Le roumain avance sur la même ligne de la dérivation flexionnelle et propose deux autres mots de la même famille lexicale, formés, cette fois-ci, par dérivation multiple : în + doctrin + are et în +doctrin +at.

Pour le néologisme de sens, nous citons le mot cancer qui, du point de vue de son origine, est calqué sur le français cancer avec deux sens : (i) tumeur maligne due à une multiplication anarchique des cellules d'un tissu organique et (ii) quatrième constellation du Zodiaque située dans la partie la plus septentrionale de l'écliptique. Depuis quelques années, ce mot a développé un autre sens, celui de « grand malheur d'origine naturelle ou humaine qui frappe et ravage une collectivité», sens qui est devenu tellement dominant qu’il est presque considéré comme un «développement sémantique parallèle » (Dimitrescu, 1994: 224).

Pour illustrer la troisième acception, celle de « mots nouveaux introduits dans une langue », on peut citer les néologismes des domaines techniques et scientifiques : acvacultură, anabazis, antigenă, antropo, biodegradabil, bioluminiscent, biomasă, biomatematică, bionică, biostimulator, biotelemetrie, biotop, criobiologie, etc.

Les dictionnaires roumains définissent le néologisme comme « un mot nouveau emprunté ou formé récemment dans une langue » (DLR) ou comme « un mot nouveau, emprunté à une langue étrangère ou créé par des moyens internes; emprunt lexical récent, acception nouvelle d’un mot » (DN). À l’exception des dictionnaires spéciaux (DŞL, DN), les dictionnaires roumains ne retiennent pas le sens de «nouvelle acception d’un mot existant dans une langue», sens créé par calque ou par des moyens internes. C’est pourquoi, le terme de néologisme se superpose, dans bien des cas, sur celui d’emprunt, en tant qu’unité lexicale qui a récemment pénétré dans une langue donnée (DŞL).

Un autre concept-clé, l’emprunt, est considéré comme l’un des principaux mécanismes linguistiques de la création néologique. Il est défini comme : « un élément issu d’une autre langue - ancienne (latin, grec) ou moderne » (Scurtu 2009).

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Le terme d’emprunt comporte une certaine ambiguïté, ayant deux acceptions fondamentales: 1. élément emprunté à une autre langue (par ex., F. Dimitrescu 1994 le définit comme un mot nouveau dû à une influence externe); 2. processus d’intégration d’un élément dans une langue, conformément à la définition suivante : « l’emprunt est une forme d’expression qu’une communauté linguistique reçoit d’une autre communauté » (Deroy, 1956 : 18).

Les problèmes soulevés par l’emprunt sont liés principalement à son intégration phonologique, orthographique, morphosyntaxique et sémantique dans la langue réceptrice. De ce point de vue, il y a plusieurs catégories d’emprunts :

(i) les emprunts naturalisés, assimilés par la langue réceptrice ; (ii) les xénismes – des mots étrangers considérés du point de vue des

locuteurs en fonction de leur forme exotique (Jean-Marc Chadelat, 2000) ;

(iii) les pérégrinismes (Kocourek, 1982: 133) - des mots voyageurs ou migrateurs considérés du point de vue linguistique en fonction d’une place hypothétique au sein du système susceptible de les adopter.

Florica Dimitrescu (1994) identifie cette dernière catégorie avec les

franŃuzisme et donne comme exemple: boutique (avec sa variante butică), milieu, grand-guignol, cache-radiator, coupé, voyeur, voyeurisme, café-concert, policier, café, frappé, clou.

Il est bien évident que, par rapport aux emprunts naturalisés ou emprunts de nécessité, les deux dernières sous-classes sont des emprunts de luxe, des éléments de jargon pris sans nécessité à la langue prêteuse, ce qui explique leur caractère éphémère et transitoire dans la langue emprunteuse.

On outre, si l’on veut trouver des points communs et divergents, les xénismes sont dus à des contacts culturels et ils sont le résultat d’une attitude cosmopolite des locuteurs qui veulent utiliser des mots étrangers pour la couleur locale par rapport aux pérégrinismes, qui sont définis comme des éléments ayant une utilisation assez restreinte, des mots à la mode, ayant donc un caractère arbitraire.

Sur la même ligne, Deroy ajoute que: « le pérégrinisme appartient souvent à la langue cultivée, savante, écrite » pour annoncer un peu après que « le pérégrinisme appartient souvent aux langues spéciales » (Deroy, 1967: 224). Un autre terme qui a commencé à gagner du terrain les derniers temps est celui de gallicisme. Défini par le TLFi comme « emploi, tournure propre à la langue française » (Dict. XIXe et XXe s.) ou « emprunt d'une langue étrangère au français », ce terme a eu, au début, le sens de «construction française abusivement introduite dans une autre langue ». Etymologiquement, il s’agit du « dérivé savant du lat. gallicus, v. gallican; suff. –isme » (TLFi), ce qui le situe dans la catégorie des mots ressentis comme étrangers dans une langue, tout comme les grécismes, les latinismes, les germanismes, les anglicismes, les italianismes et les hispanismes.

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Un emprunt reste toujours un étrangérisme jusqu’à sa naturalisation complète et à son intégration dans la langue réceptrice.

Dans cet article, c’est de la catégorie des xénismes que nous allons nous occuper en suivant leur évolution phonétique et morphologique à partir de leur utilisation dans la langue au XIXe siècle jusqu'à nos jours.

3. Analyse de corpus Tout en suivant l’évolution des emprunts entrés sous l’effet d’une

admiration pour la langue et la culture françaises, l’objectif de notre analyse est de voir dans quelle mesure ces emprunts de luxe, le reflet d’une mentalité cosmopolite de l’époque, peuvent s’imposer en roumain par rapport aux emprunts de nécessité, qui répondent à un besoin terminologique et qui suivent le parcours normal de leur intégration dans le système linguistique du roumain.

Prenant comme point de départ les emprunts identifiés dans la pièce de théâtre de Constantin Faca, FranŃuzitele, l’analyse de corpus repose uniquement sur les emprunts qui appartiennent aux sous-classes suivantes: (i) emprunts naturalisés ; (ii) emprunts de luxe (xénismes).

3.1. Emprunts naturalisés Pour qu'un emprunt lexical soit complètement intégré au système de la

langue réceptrice, il doit parcourir, d’une manière graduelle, plusieurs types d’intégrations : phonétique, graphique, morphologique et sémantique.

Dans le corpus analysé, nous avons identifié des mots d’origine française qui sont entrés en roumain au XIXe siècle et qui, après des transformations successives, sont restés dans le lexique du roumain :

Mot français Emprunt

(XIXe siècle) Mot roumain (XXe siècle)

amoureux amurez amorez (< fr. amoureuse>amoreză > amorez) (surtout en terminologie théâtrale)

appétit apetit apetit (< fr. appétit, lat. appetites)

compromettre compromita compromite (< fr. compromettre, lat. compromittere)

dépendre depanda depinde (< fr. dépendre, lat. dependere) disposé dispozat dispus (< fr. disposer, lat. disponere) fantaisie fantasia fantezie (< fr. fantaisie, cf. it. fantasia, gr.

phantasia) fauteuil fotel fotoliu (< fr. fauteuil) grimaces grimase grimasă (< fr. grimace) offense ofansul ofensă (< fr. offense) pension pansion pension (< fr. pension) sentiment santiman sentiment (< fr. sentiment) surprende siurprandă surprinde (< fr. sentiment, it. sentimento) toilette toaleturi toalete (< fr. toilette) charmant şarman şarmant (< fr. charmant)

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Comme, dans la plupart des cas, ce sont des emprunts parvenus en roumain par voie orale, leur intégration a été faite à partir de leur forme acoustique d’origine. Les mots d’origine française étaient prononcés tels qu’ils étaient entendus, mais ils ont été orthographiés ultérieurement tout en respectant les normes d’écriture de la langue roumaine. Ces mots ont subi donc des transformations successives même si, au XIXe siècle, ils étaient employés sous une autre forme qui orthographiait la prononciation française.

Ils sont tous d’un usage fréquent en roumain actuel, sauf apetit qui a acquis de nos jours des connotations sexuelles et amorez, qui est encore utilisé dans le registre familier, par rapport au féminin amoreză, considéré comme vieilli. À partir de ce nom, le roumain a dérivé le verbe a se amoreza, qui est, au contraire, d’un usage courant en roumain actuel. Les jeunes utilisent d’aujourd’hui d’autres mots tels que: iubit (« bien-aimé »), amant (« amant »), le dernier, un autre emprunt au français, ayant un usage plutôt littéraire.

3.2. Emprunts de luxe (xénismes) Dans la pièce de théâtre analysée, les filles d’un vieux boyard parlaient

dans un jargon franco-roumain pour attirer l’attention et surtout pour se vanter de leur culture occidentale. On pourrait parler, dans ce cas, de xénismes, mots étrangers utilisés pour la couleur locale et non pas par nécessité dénominative. Ils étaient utilisés dans la langue parlée dans le but de donner un air de distinction, mais, au contraire, ils provoquaient la risée générale. Le vocabulaire était donc un instrument pour montrer la supériorité et l’éducation des jeunes, qui utilisaient les mots d’origine française sans les adapter au système linguistique du roumain.

Dans la classe des xénismes recueillis dans la pièce de théâtre analysée, nous avons identifié trois sous-classes : (i) des appellatifs; (ii) des mots simples; (iii) des expressions idiomatiques.

3.2.1. Les appellatifs Les appellatifs ont été les premiers à être introduits dans le vocabulaire des

jeunes. Comme il s’agit de structures automatisées, celles-ci reproduisaient la prononciation française, ressentie parfois comme étrangère : fr. Madame / roum. Madam, fr. Monsieur / roum. Musiu, fr. Mademoiselle / roum. Madmoazel, fr. Mon cher / roum. Monşer, fr. Ma chère / roum. Maşer, fr. Chérie / roum. Şeri. Le DEX enregistre uniquement les trois premiers appellatifs dans la catégories des franŃuzisme sous les formes : Madamă, Musiu et Madmoazelă.

Ce sont des structures qui ont été véhiculées parfois par les deux canaux de pénétration : oral et écrit. Elles abondaient dans les conversations des jeunes et apparaissaient dans les ouvrages des écrivains roumains du XIXe siècle : Musiu Şarlă (V. Alecsandri), Căldură mare, monşer (I.L.Caragiale).

On les retrouve aujourd’hui comme marques pour différents produits: Monşer (les vins), Madam (les vêtements), Madmoazel (forum pour les jeunes femmes). Ils ont la fonction de recréer l’atmosphère d’il y a plus de cent ans, caractérisée par l’élégance, le snobisme, le luxe et le raffinement.

Ces appellatifs apparaissent aussi dans la presse dans des contextes à connotation dépréciative et ironique pour faire référence aux politiciens, aux

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actrices et à tous ceux qui s’imposent parfois par un comportement abusif et méprisant envers les autres. Nous avons aussi retrouvé dans les journaux des titres comme: Căldură mare, monşer (« Grande chaleur, mon cher »), Foame mare, monşer (« Grande famine, mon cher »), Criză mare, monşer (« Grande crise, mon cher »), Răbdare, monşer (« Patience, mon cher »).

Dans le code oral, ces mots sont d’un usage assez restreint, surtout dans le style familier, dans lequel ils sont utilisés pour renvoyer à l’atmosphère de la Belle öpoque. À cette liste, on pourrait ajouter d’autres automatismes : bonjour, bonsoir, rendez-vous, mots qui ne figurent pas dans les dictionnaires, mais qui sont encore utilisés dans le roumain parlé ou dans la langue de la presse. Ils peuvent également faire référence à des restaurants, des cafés ou des lieux de rencontre.

3.2.2. Les mots simples Les mots simples qui apparaissent dans la pièce de théâtre analysée sont

des mots d’une certaine résonance, des éléments non-assimilés à la langue roumaine, qui changent leur forme d'origine par une orthographe qui respecte uniquement les règles graphiques du roumain.

Mot français Xénisme Mot roumain actuel

bavarde Bavardă vorbăreaŃă (sl. dvorîba) caresses Caresuri mângâiere (lat. manganiare) fiancés fidanŃaŃi logodnici (sl. logoditi) pensif Pensif gânditor (hongrois gond) chapeau Sapo pălărie (it. cappelleria) séance SeanŃă şedinŃă (latin sedere + –iŃă) chemise Semizetă cămaşă ( lat. camisia) tourments Turmente tulburare (lat. turbulare) soupçons Supsonuri bănuială (hongrois bánni)

La mise en parallèle des xénismes et de leur étymon français est évidente

pour la non-intégration graphique et phonétique de ces mots dans le vocabulaire du roumain actuel. Au-delà de leur déformation graphique, ces xénismes ne sont pas adaptés du point de vue morphologique, ce qui conduit à des exagérations de genre et de nombre, fait qui rend leur présence exotique et, en quelque sorte, étrangère. Si l’on compare ensuite les xénismes analysés avec les mots qui sont utilisés pour désigner ces réalités, on se rend compte qu’il s’agit d’emprunts à d’autres langues, y compris le latin, auquel le français a emprunté les mêmes lexèmes : fr. séance < dér. du part. prés. séant* de seoir*; suff. -ance*/ şedinŃă (latin sedere + –iŃă), fr. chemise < lat. camisia / roum. cămaşă < lat. camisia. Les autres sources sont les langues voisines : le slave, le hongrois ou l’italien.

3.2.3. Les expressions idiomatiques La pièce de théâtre analysé abonde aussi en structures idiomatiques qui ont

une orthographe identique à la prononciation française et qui ne sont pas entrés dans le lexique du roumain :

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Français Roumain Billet doux Bie du Quelle grâce Chel gras Bon vivants BonvivanŃi A merveille A merveliu D’abord une demoiselle Dabord o demoazelă En visite An vizit En velours An velur Bas de soie Ba de soa Amour sans fin Amur san fen A pied A pie Sans façons San fason Mille pardons Mil pardon Enchanté de vous revoir Anşante de vu revoar L’amour de dieu Amur de die Mon ange Angelul meu Il est de bon ton.... à la mode Este de bonton, la modă

Il est bien évident que l’imitation des mots et des expressions du français

traduisait l’ignorance et le désir d’imiter le comportement et le mode de vie d’un peuple dont ils admiraient la culture et les progrès enregistrés sur plusieurs plans de la vie économique et intellectuelle. Au-delà de cette imitation, les jeunes manifestaient leur disponibilité pour le changement et pour la transformation de leur propre avenir, pour l’intégration dans le circuit de la civilisation européenne. Cependant, ces tournures n’ont pas circulé telles quelles dans la langue roumaine du XIXe siècle et elles ont été vite éliminées du vocabulaire des générations suivantes.

En conclusion, on pourrait expliquer la disparition progressive des xénismes analysés par leur inadaptation graphique et morphologique, d’une part, et par leur caractère accidentel et éphémère, d’autre part. Ils sont considérés comme des emprunts de luxe, car ils répondent uniquement à un besoin affectif et non pas à un besoin dénominatif : « On emprunte volontiers, par admiration, des mots et des tournures à une langue que l'on tient pour plus fine, plus riche, représentative d'une civilisation supérieure » (Deroy, 1956 :172).

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4. Les jeunes du XXIe siècle et les franŃuzisme Si au XIXe siècle, les jeunes parlaient un jargon élitiste, compris

uniquement par leur cercle, signe de leur horizon culturel élargi, ils utilisent aujourd’hui un argot composé de mots et d’expressions familiers. Un mot adopté par les jeunes, pris au français (chose très rare en ces temps où on en prend à l'anglais), absent de tous les dictionnaires est le verbe a se tira < se tirer, avec le sens de « s’enfuir » : S-a tirat toată lumea ? (« Tout le monde s’est tiré? »)

Suite à l’influence de la civilisation américaine, la jeune génération d’aujourd’hui utilise fréquemment des américanismes ou des anglicismes qui sont d’ailleurs présents dans tous les domaines de la vie personnelle et professionnelle et, en plus, il n’y a aucun protectionnisme de la langue roumaine contre l’invasion de ces emprunts.

Le DEX, le dictionnaire d’usage général de la langue roumaine, enregistre ces mots ressentis comme étrangers et peu utilisés dans le langage courant comme des franŃuzisme et il identifie deux cas de figure :

(a) Mots qui ont l’étiquette de franŃuzisme, mais qui sont encore utilisés : ambient, ambiental, -ă, apetit, bricabrac, buchinist, bulversa, buscula, butadă, butic, cancan, carnaj, confortant, debusola, decolmataj, detartraj, dezirabil, vogă, etc.

(b) Mots qui ne sont plus utilisés: alegru, ambuscat, ambuteia, amfiguric, -ă, banieră, bistrou, bonjur, bonton, bria, butade, buvabil, cola, comeraj, companion, concherant, conchetă, confienŃă, confinat, confraternitate, crepitant, -ă, criant, cronichetă, deconcerta, decroşaj, degonfla, delabra, demoazelă, dezabie, etc.

Il y a ensuite le langage de la presse qui reste le promoteur des xénismes,

des calques linguistiques sur le français, pour assurer la couleur locale:

Français Frantuzism Synonyme en roumain antamer a antama a începe envisager a anvizaja a avea in vedere

toucher au sens A tuşa a emoŃiona mépriser a mepriza a dispreŃui confiance ConfienŃă încredere

Parfois ce n'est qu'un sens d'un mot français employé récemment en

roumain qui est considéré comme franŃuzism, le mot étant entré il y a plus longtemps en roumain avec d’autres sens. C’est le cas du verbe roumain a figura < fr. figurer, qui, sauf ses deux acceptions courantes (1. faire partie de, participer à ; 2. donner une forme, une figure à quelque chose) a acquis une troisième acception, celle de « s’imaginer » (DEX).

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5. Conclusions Pour conclure, on pourrait affirmer que, malgré le snobisme et les

exagérations linguistiques qui apparaissent dans le jargon des jeunes instruits du XIXe siècle, le lexique du roumain moderne s’est considérablement enrichi dans tous les domaines technico-scientifiques et littéraires. Pour ce qui est des mots pénétrés par voie orale, ceux qui se sont cristallisés dans des formes précises sont restés dans le vocabulaire du roumain.

Ce phénomène de francomanie, qui s’est manifestée pleinement au XIXe siècle, s’identifie avec ce qu’on peut appeler « l’emprunt par snobisme » phénomène signalé par Deroy (1967 : 183) pour l’hellénisme à Rome dans l’antiquité. Ce qui lui est spécifique, c’est le fait qu’il a un usage momentané, car il s’agit d’une phase de transition qui reflète une volonté d’affirmation et d’assimilation d’une culture nouvelle.

L’analyse de notre corpus a mis en évidence le fait que les emprunts de luxe traduisent la mentalité d’une société, constituent un témoignage culturel incontestable pour une certaine époque. Il en existe pourtant deux sous-classes : des emprunts naturalisés qui se sont maintenus jusqu’à présent et qui se sont bien adaptés au système linguistique roumain et d’autres emprunts, superflus, qui n’ont joui que d’un succès passager, étant éliminés de la langue à cause de leur caractère exotique.

En fin de compte, après tout un siècle d’invasion de mots empruntés au français, la langue roumaine est sortie plus consolidée en ce qui concerne sa capacité d’enrichir son vocabulaire et de définir ses propres normes d’adaptation de ces emprunts à d’autres langues, y compris le français. * Daniela Dincă, Communication présentée au Séminaire International Universitaire de Recherche La jeunesse francophone et ses contextes. Dialogues des langues et des cultures, Craiova, 21-22 mars 2011. BIBLIOGRAPHIE Ouvrages de référence CHADELAT, Jean-Marc (2000) Valeur et fonctions des mots français en anglais à

l’époque contemporaine, Paris, L’Harmattan. DEROY, Louis (1956) L’emprunt linguistique. Paris, Les Belles Lettres. DIMITRESCU, Florica (1994) Dinamica lexicului limbii române. Bucureşti, Logos. GOLDIŞ-Poalelungi, Ana (1973) L’influence du français sur le roumain.

Vocabulaire et syntaxe, Paris, Les Belles Lettres. HRISTEA, Th. (1979) « FranŃuzisme aparente şi pseudofranŃuzisme în limba

română » in LR, 28, n° 5, p. 491-503. MANUCÃ, Constant (1978) Lexicologie statistic romanicã, Bucureşti, Editura

UniversităŃii din Bucureşti. NYROP, Kristopher (1934) Linguistique et histoire des mœurs, Paris. SCURTU, Gabriela (2009) « Autour de la notion de néologie » in AUC, nr. 1-2. p.

186-195.

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Dictionnaires DA = Academia Română, 1913-1949. DicŃionarul limbii române, Bucureşti, Editura Academiei Române. DEX = Academia Română / Institutul de Lingvistică „Iorgu Iordan”, 21998 [1975].

DicŃionarul explicativ al limbii române, Bucureşti, Univers Enciclopedic. DLR = Academia Română, 1965-2009. DicŃionarul limbii române, Serie nouă, Bucureşti, Editura Academiei Române. DN = Marcu, Florin / Maneca, Constant, 1986. DicŃionar de neologisme, Bucureşti, Editura Academiei. TLFi = Trésor de la Langue Française Informatisé, Centre Nationale de la Recherche Scientifique (CNRS) / Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) / Université Nancy 2, http : //atilf.atilf.fr/tlf.htm. Corpus de l’analyse Faca, Constantin, Frantuzitele, Bucureşti, Editura Librariei Leon Alcalay, 1906.

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LA PLACE DES NÉOLOGISMES D’ORIGINE FRANÇAISE DANS LE LEXIQUE DU ROUMAIN*

1. Introduction Le caractère profondément hétérogène du vocabulaire néologique de la langue roumaine moderne est dû à sa constitution sous l’influence de plusieurs langues: le latin savant, le néogrec, le russe, l’allemand, le français et, les derniers temps, l’anglais. La physionomie latine du roumain, les affinités spirituelles qui nous relient à la romanité occidentale ont déterminé l’ouverture toute naturelle du roumain vers la réception permanente des néologismes d’origine française. L’importance du français pour la définition de la physionomie lexicale du roumain, le renforcement de son caractère roman par l’internationalisation du lexique, dans les conditions du développement du capitalisme au cours des XIX-e et XX-e siècles et de la mondialisation de la société contemporaine, sont incontestables. L’influence française a eu un rôle décisif pour l’achèvement du caractère moderne du roumain littéraire au moins pour deux raisons. La première se rapporte à la conscience de l’origine romane commune des deux peuples et de leur parenté linguistique. La deuxième, telle qu’elle a été formulée par Ştefan Munteanu (1978), provient de la valorisation du prestige culturel de la France au début du XIX-e siècle et des relations d’ordre politique, économique et culturel existantes entre la France et la Roumanie. 2. Objectifs visés Les emprunts lexicaux se constituent en un espace fertile de recherche, qui suppose le contact entre plusieurs systèmes linguistiques, entre plusieurs cultures, plusieurs identités spirituelles. Dans ce contexte les objectifs visés dans notre article sont: 1. Mettre en évidence l’importance de l’élément français dans le vocabulaire de la langue roumaine. 2. Présenter les contributions des linguistes roumains sur le problème des néologismes français sous les aspects suivants: (i) les étapes de pénétration; (ii) les principaux domaines de manifestation; (iii) les statistiques portant sur le vocabulaire général et spécialisé; (iv) la systématisation de la typologie des emprunts au français, du point de vue sémantique. 3. Faire des considérations sur l’ensemble du fonds lexical roman de la langue roumaine.

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3. Concepts opérationnels utilisés: emprunt, néologisme, néonyme Le terme d’emprunt comporte deux acceptions fondamentales: (i) élément emprunté à une autre langue; (ii) processus d’intégration d’un élément dans une langue. Le néologisme est défini comme: (i) mot nouveau dans une langue, dû à une influence externe; (ii) mot existant déjà dans une langue, ayant acquis un sens nouveau (cf. DSL). Le terme de néologisme se superpose donc souvent sur celui d’emprunt («unité lexicale qui a pénétré récemment dans une langue donnée»). L’efficience opérationnelle relativement réduite de ce concept linguistique est donnée par l’ambiguïté de la caractéristique récent (Dănilă / Haja, 2005: 72). À son tour, le néonyme est un néologisme utilisé dans les langues de spécialité. Les rapports existant entre néologie et langues de spécialité sont très étroits, car les nouvelles créations lexicales surgissent avec les nouveaux produits et les nouveaux concepts scientifiques, techniques et technologiques. Pour cette raison, le terme de néonyme désigne l’unité lexicale spécialisée pour le distinguer du néologisme, qui désigne l’unité lexicale de la langue générale. Si les néonymes répondent à une nécessité d’ordre terminologique, étant imposés par les nouvelles réalités, les néologismes sont un moyen d’enrichissement et de modernisation du vocabulaire. Par conséquent, ces derniers ne répondent pas à une nécessité terminologique, mais plutôt au besoin de la langue de nuancer le vocabulaire: amănunt – detaliu, jertfă – sacrificiu, nădejde – speranŃă, par rapport aux premiers, qui ont une stabilité beaucoup plus grande, répondant à des nécessités dénominatives. Par conséquent, si la néologie de la langue générale fait l’objet d’étude du lexicologue qui puise son corpus dans la presse générale (quotidiens, hebdomadaires, magazines, etc.), la néonymie est traitée par le terminologue à partir de corpus spécialisés ou officiels, y compris la presse pour les spécialistes. Malgré la solidité des théories et des méthodologies, de nombreux cas de figure nouveaux se présentent chaque jour dans la pratique, notamment lorsqu’il s’agit de réactualiser les dictionnaires monolingues de langue générale. 4. Les étapes de pénétration Le fonds lexical néologique du roumain est, à la fois, extrêmement riche et hétérogène. Le processus de réception et d’assimilation des éléments lexicaux occidentaux s’est avéré un phénomène complexe et souvent controversé mais impérieusement nécessaire. Les mots d’origine française sont entrés dans le lexique du roumain déjà à partir de la fin du XVIII-e siècle, recouvrant donc une longue période en diachronie et ce processus se poursuit jusqu’à nos jours. Iorgu Iordan (1954) soulignait, ce que d’ailleurs tant de chercheurs de l’histoire de la langue ou de l’histoire proprement dite l’ont fait, que la France a été, à l’aube de notre modernité, le modèle pour l’organisation de l’État roumain. Dans la lutte entre l’ancien et le nouveau, les éléments vieux (turcs et grecs) ont cédé la place graduellement aux éléments nouveaux (français et latins savants).

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C’est ainsi que les humanistes de la fin du XVII-e siècle et du début du XVIII-e siècle, bons connaisseurs des langues classiques et romanes occidentales, ont enrichi le vocabulaire de néologismes latino-romans dont certains indiquent une filière polonaise, russe ou grecque: fantezie, paradă, neant, chez Ion Neculce ou avocat, activitate, argument, chez Dimitrie Cantemir. Dans l’opinion de Boris Cazacu et d’Alexandru Rosetti (1971), le contact avec la langue et la littérature françaises commence avec l’avènement des princes phanariotes dans la Valachie et la Moldavie. En 1775, Alexandru Ipsilante réorganise l’enseignement en Valachie, d’après le modèle français, en introduisant l’étude obligatoire de la langue française, à côté de celle du grec, du latin, du slavone et du roumain. Pour approfondir les connaissances de français, on rédige les premières grammaires de cette langue, comme par exemple celle de Nicolae Caragea, écrite en grec (1785).

Au début du XIX-e siècle, deux événements historiques importants ont eu un impact majeur sur la dynamique du vocabulaire de la langue roumaine. Après la Paix d’Adrianopol (1829), beaucoup de fils de boyards roumains sont allés faire leurs études en France et c’est par leur intermédiaire que beaucoup de mots et de significations du français parlé à l’époque ont pénétré en roumain. À titre d’exemple, Maria Iliescu (2003-2004: 278) cite les mots: decoltat (banc decoltat «anecdote licencieuse») et şuetă («conversation familière»), acceptions disparues en français contemporain, mais existantes à l’époque où les mots ont pénétré en roumain. D’autre part, surtout dans la période du Règlement organique (une loi quasi-constitutionnelle promulguée entre 1831-1832 par les autorités impériales russes en Moldavie et en Valachie), les mots français sont entrés en russe par la filiation duquel ils ont pénétré ensuite en roumain, comme porteurs des idées de l’Illuminisme et de la révolution bourgeoise: naŃie, administraŃie, comisie, comitet, artilerie, cavalerie, infanterie. Alexandru Graur (1963) a souligné qu’à partir de la fin du XIX-e siècle, les mots latins et romans, surtout français, ont pénétré de façon constante en roumain, cette influence devenant toujours plus forte par l’appropriation par les intellectuels roumains de la culture et de la littérature françaises, des valeurs culturelles, morales, sociales et politiques de l’époque. Des mots entrés tout au long du XX-e siècle, tels: a demara, a teleporta, a partaja, achiziŃie, resortisant, tubular, bilanŃier, concurenŃial, etc. illustrent la vitalité de ce phénomène, bien qu’on puisse parler aujourd’hui d’une prévalence de l’influence anglaise dans le lexique du roumain. 5. Domaines Un autre aspect mis en évidence dans l’étude des néologismes porte sur leurs domaines de manifestation. En ce sens, on peut affirmer que l’insertion des termes néologiques d’origine française a été faite au niveau des concepts, dans les domaines de l’activité scientifique, politique et culturelle. Par exemple, le langage philosophique roumain repose, en grande partie, sur les termes d’origine française. Doina Butiurcă (2006) attire l’attention sur le

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fait qu’en 1846, A. T. Laurian traduit le manuel de philosophie d’A. Delavigne. Vu l’absence d’un langage philosophique, Laurian recourt à «un nouveau mot pour chaque nouvelle idée», ayant comme but de «former une langue philosophique pour la réflexion philosophique». Ces termes survivent même aujourd’hui: analogie, eroare, filosofie, formă, idee, imagina, logică, sensibilitate. Mais l’influence française sur la terminologie philosophique roumaine ne constitue pas un fait isolé. Le domaine des sciences positives et de la technique inclut lui aussi un riche inventaire de néologismes d’origine française. À cet effet, Dimitrie Macrea (1982) remarquait le fait que 27% sur l’ensemble des termes techniques et scientifiques (donc sur l’ensemble des néonymes) sont d’origine française. Comme titre d’exemple, nous citons : aderenŃă, cenomanian, combinator, desherenŃă, galactic, imparisilabic, impunitate, macrofotografie, radiolarit, postverbal, a ponta, recriminatoriu, toxicoză. Th. Hristea (1972) apprécie que les termes très importants d’origine française désignent des sciences et des disciplines scientifiques, beaucoup d’entre eux faisant référence à des domaines interdisciplinaires: psihopedagogie, docimologie, etc. Sur la même ligne, Andra Şerbănescu (1985) affirme que, dans le domaine des styles fonctionnels de la langue, les néologismes sont beaucoup plus répandus dans le domaine scientifique, compte tenu de la rigueur des termes et des constructions. Un moyen très important d’imposer et de promouvoir les néologismes est le style journalistique: la presse, la radio, la télévision, qui introduisent les nouveautés dans les différents domaines, surprenant sur le vif les changements linguistiques. Bénédicte Madinier (2005) relevait, pour le français, le fait que la néologie s’est développée surtout pendant les 50 dernières années, grâce au langage médiatique et à celui de la publicité. Par l’appropriation d’un vocabulaire extrêmement réceptif, la presse permet une réflexion adéquate et complexe sur la réalité linguistique actuelle, ayant l’avantage d’une liberté d’expression moins rencontrée dans les autres styles. Florica Dimitrescu (1994) étayait cette affirmation par l’argument que, dans la presse, on trouve comme échantillons, des éléments proportionnellement équilibrés du style administratif, scientifique, de l’électronique ou de la médecine, etc. On trouve ensuite les néologismes dans le style administratif, où la concision, la clarté, la stéréotypie impliquent la sélection des formules rigoureuses et succinctes: contract sinalagmatic, drept incesibil, derogare de la obligaŃii , etc. Un grand nombre de néologismes apparaît dans ce qu’on appelle le langage usuel, comme l’expression des notions les plus nécessaires de notre vie courante: creion, gri, matineu, obstacol, traversa, tren, coafor, detaliu, frontieră, opinie, etc. Florica Dimitrescu (1994), dans son étude sur les 3.749 mots enregistrés dans le DicŃionarul de cuvinte recente (1982), observait que les 579 termes d’origine française sont répartis dans les domaines suivants (les chiffres indiquent le nombre d’occurrences dans un ordre décroissant): 96 médecine; 34 biologie; 30

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technique; 24 physique; 22 circulation; 20 art, chimie şi cinématographie; 17 aviation; 16 alimentaire; 15 littérature; 13 vestimentaire; 10 électricité et marin; 8 informatique, musique et sport; 7 pharmacie şi géologie; 6 astronautique, psychologie şi télévision; 5 filature, économie et photo; 4 astronomie şi hydraulique; 3 constructions, électronique, enseignement, radio, sciences juridiques, téléphonie, unités de mesure et zoologie; 2 agronomie, commerce şi météorologie; 1 botanique, diplomatie, mécanique, optique, sociologie, topographie şi tourisme. Sauf ces domaines, le chapitre «divers» a enregistré 116 termes. En bref, une recherche sémantique et lexicale des mots d’origine française démontre que la plupart appartiennent aux branches les plus importantes de la science et de la culture, les domaines où l’on avait enregistré les plus grands progrès et innovations. 6. Les statistiques En ce qui concerne l’étape des recherches dans ce domaine, on peut affirmer que la structure étymologique du roumain a constitué l'objet des préoccupations de nombreux linguistes qui ont effectué des statistiques basées sur des dictionnaires (A. de Cihac, D. Macrea) ou sur des textes (B. P. Hasdeu, S. Puşcariu, D. Macrea, C. Dimitriu, C. Maneca, etc.). À cela s'ajoutent les études sur la fréquence des mots, réalisées entre autres par D. Macrea, V. Şuteu, Sanda GolopenŃia, Gh. Bolocan, C. Maneca. Ces derniers temps la bibliographie de la problématique des néologismes d’origine romane, et, implicitement ou explicitement, de ceux des emprunts au français, s’est enrichie de beaucoup de contributions qui approfondissent et nuancent les connaissances sur des aspects des plus variés. Nombre de ces ouvrages présentent un intérêt théorique et méthodologique par les précisions qu’ils apportent ou par les directions de recherche qu’ils ouvrent. Une mention spéciale doit être faite pour les études de statistique sur l’élément lexical d’origine française (souvent dans un contexte général ou roman). L’importance de l’influence française en roumain a été en général surévaluée, mais Al. Graur, dans Incercare asupra fondului principal lexical al limbii române (1954), la réduit à 3-4 %. Sans doute Dimitrie Macrea, dans ses deux statistiques sur les dictionnaires, respectivement de Candrea et le DLRM, exagère-t-il en quelque sorte le montant des emprunts au français, situés à environ 30% et cela, entre autres, parce qu’alors qu’il se rapporte aux néologismes, l’auteur ne prend pas en compte le problème de l’étymologie multiple. C’est ainsi qu’A. de Cihac, Dictionnare d’étymologie daco-romane (1870-1879), à peine mentionne-t-il les mots d’origine française, car, à l’époque où le dictionnaire a été élaboré, ceux-ci, étant assez récents, étaient regardés avec réserve. À son tour, DicŃionarul enciclopedic ilustrat “Cartea Românească” d’A. Candrea (1931) comprend 43.269 mots, dont 29,69% français, alors que le DLRM (1958) comprend 49.649 mots, dont 38,42% français, donc de 10% plus nombreux que chez Candrea.

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À son tour, se référant à l’ensemble du fonds lexical néologique, Th. Hristea (1984) l’a évalué à approximativement 50.000 mots, en excluant les termes techniques et scientifiques, de stricte spécialité. Ceux-ci ont été pris en compte, entre autres, par Dimitrie Macrea (1982), qui, en s’occupant de l’étude des néologismes à étymon français, remarquait le fait que 27% sur l’ensemble des termes techniques et scientifiques sont issus du français. Cependant, en cumulant le montant des termes que le roumain doit uniquement au français avec les termes à étymologie multiple, le chercheur a obtenu un total de 73,39%. Il faut également mentionner dans ce contexte l’importance des études faites par Florica Dimitrescu (1994) sur les 3.749 mots enregistrés dans le DCR (1982). La place centrale y est occupée par le français, suivi, mais à une distance respectable, d’autres langues (italien, espagnol, portugais et latin littéraire), alors que la toile de fond est tissée des mots du fonds traditionnel de la langue roumaine. Le tableau ci-dessous (sur la base du DCR) indique le fait que le français occupe la première place (d’ailleurs la prééminence du français en tant que langue-source est la même pour les autres langues romanes, notamment pour l’espagnol, l’italien et le portugais): français ...............................715 mots italien ................................ 70 espagnol ........ .................. 18 latin ................................... 16 portugais ........................... 2

Ce qui, rapporté à l’ensemble des mots enregistrés dans le dictionnaire, représente, pour le français, un pourcentage de 19,3%; si l’on y ajoute les autres éléments romans, la proportion s’élève à 21,3%. Tous ces éléments latino-romans, avec un pourcentage supérieur à 21% renforcent le caractère roman de la langue roumaine, contribuant ainsi à la reromanisation de son lexique. Une autre étude qu’il faut mentionner a été réalisée sous la coordination de l’académicien Marius Sala, le Vocabularul reprezentativ al limbilor romanice (VRLR) (1988), ouvrage avec une valeur fonctionnelle toute particulière, qui se propose de dresser l’inventaire des unités lexicales représentatives pour l’ensemble du vocabulaire, en appliquant les mêmes critères de sélection, à savoir: l’usage, la richesse sémantique et la force dérivative. Le vocabulaire représentatif de la langue roumaine (VRR) est formé de 2.581 mots. Leur analyse du point de vue étymologique fait ressortir une grande variété des classes étymologiques, dont 5 seulement sont plus riches, totalisant 89,16% sur l’ensemble du VRR: Tableau 1. 1. l’élément latin hérité: 782 = 30,29%; 2. les créations lexicales sur le terrain du roumain: 637 = 24,68%;

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3. les mots à étymologie multiple: 457 = 17,70%; 4. les mots d’origine slave: 233 = 9,02%; 5. les emprunts au français: 193 = 7,47%. Mais le montant des emprunts au français augmente considérablement, atteignant 22,12% et occupant la 3-ème position, en y ajoutant les 378 mots à étymologie multiple (dont aussi française). En prenant en compte les éléments romans (les emprunts à différentes langues romanes) dans l’ensemble du VRLR, on obtient le tableau suivant: Tableau 2. sarde : 25.078% roumain : 8,05% [26,07%] portugais : 5,76% catalan : 5,08% italien : 4,73% espagnol : 4,30% français : 2,36% Ce tableau indique le sarde en première position et le roumain en deuxième. Le montant de ces éléments en roumain augmente jusqu’à 26,07% si l’on y ajoute les mots à étymologie multiple, ce qui représente un apport roman considérable. Une mention à part se doit d’être faite pour l’élément latin savant: Tableau 3. roumain : 1,47% italien : 27,70% espagnol : 26,57% français : 26,55% portugais : 25,12% catalan : 18,31% Le tableau ci-dessus indique que l’élément latin savant du roumain totalise 1,47%, soit un pourcentage relativement réduit par rapport aux autres langues romanes, ce qui confère au roumain un statut un peu à part. La situation de ces emprunts reflète les conditions extralinguistiques dans lesquelles ont évolué certaines langues romanes (on sait que les langues de culture se constituent en langues donatrices plutôt qu’en langues réceptrices). Selon notre opinion c’est un fait qui explique l’importance plus grande de l’élément roman (qui dans d’autres langues est bien plus réduit: 5,08% en catalan, 4,73% en italien ou 2,36% en français) produisant, de la sorte, une compensation ou une rééquilibration de l’élément roman dans son ensemble. Une partie des emprunts romans modernes ont, dans beaucoup de langues romanes un caractère populaire, mais une partie significative jouent, notamment dans certaines langues, comme le sarde ou le

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roumain, le rôle de termes de culture, avec une position proche de celle des emprunts latins savants. En envisageant enfin l’ensemble des emprunts latino-romans (les éléments latins savants et les transferts inter-romans) dans les vocabulaires représentatifs des langues romanes – comme expression du processus de relatinisation et de reromanisation des langues néo-latines – on obtient le tableau ci-dessous: Tableau 4. roumain: 9,52% [27,54%] italien : 32,34% espagnol: 30,84% portugais: 30,81% français: 28,91% catalan: 23,35% sarde: 22,10% Mais le montant de ces éléments en roumain augmente jusqu’à 27,54% si l’on y ajoute les mots à étymologie multiple (cf. aussi le tableau 2). 7. Aspects sémantiques Dans la multitude d’études sur les emprunts (néologiques ou non, selon la conception sur l’idée de néologisme), nous avons pu observer que l’aspect sémantique a été, dans une certaine mesure, négligé. De la perspective du sens, interviennent deux catégories distinctes: 1. sens existants en roumain qui se retrouvent aussi en français; 2. acceptions du roumain qui ne se retrouvent pas dans le cas de l’étymon français. Ces deux catégories réclament quelques remarques. Dans le premier cas, il s’agit de la conservation du sens du mot français, situation fréquente surtout dans le cas des néonymes, mots appartenant à un domaine scientifique, à une terminologie (judiciar, dol, prefix). On peut cependant rencontrer des innovations sémantiques parallèles, comme par exemple dans le cas du mot film au sens de «déroulement (des événements)», dues, dans les deux langues, à une association de sens identique. Dans le second cas, il s’ouvre plusieurs pistes de recherche, en fonction des différentes situations possibles. On peut ainsi enregistrer: (i) La spécialisation du sens en roumain par rapport au français: à partir de casserole «ustensile de cuisine», le roumain caserolă s’applique aujourd’hui dans l’industrie alimentaire pour l’emballage de certains produits (cf. fr. barquette). (ii) Des sens développés à l’intérieur de la langue roumaine, comme dans le cas des mots poligon, matineu, diplomat, etc., donc des innovations sémantiques opérées en roumain (n’oublions pas que la tendance à développer de nouveaux sens est, entre autres, l’une des conditions précisées par les linguistes pour qu’un néologisme soit considéré comme entré dans la langues réceptrice). Par exemple dans le cas du mot poligon, l’acception récente: «piste aménagée pour les

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chauffeurs qui apprennent à conduire les véhicules» est née en roumain (fr. polygone «figure géométrique» et «terrain de manœuvre aménagé pour le tir»). (iii) Des extensions sémantiques (cf. roum. portbagaj) ou des passages du concret à l’abstrait, notamment dans le cas des termes spécialisés entrés dans le langage courant (cf. roum. a demara). Porte-bagages signifie en français, selon le TLFi: «dispositif accessoire d’un véhicule destiné à recevoir des bagages» et «galerie ou filet (…) d’un véhicule de transport collectif, dans lequel on peut ranger les bagages». Le sens du mot portbagaj a connu en roumain une extension pour les voitures (au lieu du fr. coffre). A son tour, a demara s’emploie en roumain dans des expressions comme a demara o procedură, un control, investiŃii , etc., en élargissant ainsi son emploi à partir du sème initial «commencer», existant dans le sens global du mot démarrer. Les significations récentes présentées dans les catégories (i), (ii) et (iii) ont ceci de commun qu’elles sont autochtones, dans le sens qu’elles ont été créées à l’intérieur de la langue roumaine. Florica Dimitrescu (1998) attire l’attention sur les conséquences logiques et pragmatiques pour la manière de rédaction des étymologies des mots présentant des sens nouveaux comme ceux déjà mentionnés, à savoir qu’il faudrait introduire, à côté de la formule consacrée de la langue x, une nouvelle formulation plus adéquate pour des situations telles que celles ci-dessus présentées: formellement de la langue x; on attire de la sorte l’attention que l’acception récente du mot poligon ne provient pas de celle du fr. polygone, qui n’en est que l’origine du support phonétique: le sens nouveau est né en roumain. Quand sont attestées plusieurs significations nouvelles des néologismes, d’origines différentes, on devrait indiquer, séparément, leur étymologie. Par exemple, pour le mot zebră, à côté du sens «animal», dans un dictionnaire général de la langue roumaine il faudrait indiquer l’étymologie française, mais pour le sens «passage pour les piétons» on devrait indiquer qu’il vient de l’it., l’angl. zebra et non du français, où la notion en question s’exprime par passage clouté. Tout pareillement, pour le mot prefix au sens de «affixe» on devrait indiquer: du fr. préfixe, mais pour le nouveau sens employé dans les télécommunications, on devrait préciser: de l’it. prefisso (interurbano). Un autre aspect sémantique qu’on peut relever est celui des mots roumains dont les sens se retrouvent parfois dans le cas de mots qui circulent en Belgique ou en Suisse, comme l’illustre le cas du mot savonieră, de savonnière «porte-savon», connu en Belgique (cf. Avram 1982). Ces remarques plaident entre autres pour la nécessité d’attirer dans la recherche diverses variantes d’une langue - dans le cas du français on constate souvent la limitation à la variante littéraire de France. Le sens d’un mot roumain peut parfois être trouvé dans les dictionnaires français qui accordent un espace suffisant à la langue parlée du XIX-e siècle, comme dans le cas du mot decoltat dans une pharse comme: mi-a spus un banc decoltat («il m’a dit une anecdote (un peu) licencieuse») (cf. Iliescu 1999) et dont l’acception, aujourd’hui disparue, est attestée pour le français parlé de la seconde moitié du XIX-e siècle (syn. de licencieux, par exemple propos décolletés, in TLFi).

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On peut également prendre en compte le problème de l’acceptabilité des innovations sémantiques du point de vue de la langue roumaine littéraire. Quand peut-on parler d’impropretés sémantiques flagrantes? D.-L. Teleoloacă (2005) remarquait à cet égard que la néologie dénominative (motivée par le besoin de désigner un référent nouveau) est moins bien représentée que la néologie stylistique (subordonnée à la fonction expressive). Cette réalité se constitue aussi comme expression de la tendance à l’économie, réalisée par le développement de la polysémie; plus exactement, de nombreux termes néologiques spécialisés entrent par l’intermédiaire de la presse dans d’autres terminologies que celles auxquelles ils appartiennent par définition et, ultérieurement, dans le langage littéraire standard. On aboutit de la sorte à une extension, le plus souvent par l’utilisation des termes dans un sens figuré. Le résultat este la soi-disante «déterminologisation» qui rend rend possible la perméabilisation des frontières entre les variantes fonctionnelles de la langue (Avram 1997), comme par exemple ajustarea sărăciei, ancorarea vopselei, cruciada împotriva unui regim politic, forarea personalităŃii, mit gonflabil, etc. 8. Conclusions 1. L’influence française représente un moyen d’enrichissement et de modernisation, ainsi que de redéfinition de la physionomie néo-latine du roumain, dans l’aire de la romanité sud-est européenne. 2. La recherche sémantique et lexicale des mots d’origine française démontre que la plupart appartiennent aux branches les plus importantes de la science et de la culture, les domaines où l’on avait enregistré les plus grands progrès et innovations. 3. Une brève approche des emprunts au français du point de vue sémantique a fait ressortir une diversité de situations: conservation du sens du français, modification du sens par différents types de mutations ou innovations sémantiques (extension, restriction, métaphores, etc.) opérées dans le cadre de la langue roumaine. Comme c’est un aspect plutôt négligé dans les études sur cette problématique, nous avançons l’idée qu’une recherche sur la typologie des emprunts au français sous l’aspect sémantique pourrait s’avérer d’un réel intérêt. 4. Toutes les recherches sur la physionomie lexicale du roumain indiquent la prépondérance des éléments latins et romans (surtout français), en opposition nette avec les éléments non romans: 4/5 des mots-titre avec 9/10 des mots-texte (cf. C. Dimitriu 1973: 38-40). 5. Le pourcentage des éléments d’origine latine savante en roumain est plus réduit par rapport aux autres langues romanes, mais l’apport roman, dans son ensemble, est considérable, surtout si l’on y ajoute les mots à étymologie multiple, catégorie souvent invoquée dans le cas du roumain. 6. Une partie des emprunts romans modernes ont, dans beaucoup de langues romanes, un caractère populaire, mais une partie significative jouent, notamment dans des langues telles que le roumain (ou le sarde), le rôle de termes de culture, avec une position proche de celle des emprunts latins savants.

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7. La dynamique du vocabulaire roumain actuel est mise en évidence par le fait que le fonds néologique continue de s’enrichir (voir dans ce contexte les nombreux dictionnaires de néologismes / mots récents parus au cours des dernières années ou bien les nouvelles éditions mises à jour, révisées et corrigées des dictionnaires existants déjà, mais qui ne réussissent pourtant pas à tenir le pas avec l’avalanche des mots nouveaux qui entrent dans la langue). Le roumain, langue extrêmement accueillante (le réputé romaniste Alf Lombard 1967: 17, la considère « hospitalière »), manifeste de la sorte sa force créative illimitée. *Gabriela Scurtu, Daniela Dincă, in: M. Teresa Cabré, Ona Domenech, Rosa Estopa, Merce Lorente (eds.) Actes du Ier Congrès International de Néologie des langues romanes, IULA et Université Pompeu Fabra, Barcelona, 2010, p. 959-970. BIBLIOGRAPHIE Études Avram, Mioara (1982), «Contacte între română şi alte limbi romanice» in Studii şi

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in Studii şi cercetări lingvistice, 1-2, 71-78. Dimitrescu, Florica (1994), Dinamica lexicului limbii române, Bucureşti, Logos. Dimitriu, Cornel (1973), Romanitatea vocabularului unor texte vechi româneşti,

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contemporană. Manual pentru instituŃiile de învăŃământ superior.

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Lombard, Alf (1967), «Latinets oden i oster» in: Filologiskt arkiv, 12, Lund. Macrea, Dimitrie (1961), «Originea şi structura limbii române» in Probleme de

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lingvistice, LVI, 1-2, 151-157. Munteanu, Ştefan / łâra, Vasile (1978), Istoria limbii române literare, Bucureşti,

Editura Didactică şi Pedagogică. Sala, Marius (coord.) (1988), Vocabularul reprezentativ al limbilor romanice

(VRLR), Bucureşti, Editura ŞtiinŃifică şi Enciclopedică. Sala, Marius (1999), De la latină la română, Bucureşti, Univers Enciclopedic. Şerbănescu, Andra (1985), «Neologismele» in Limba şi literatura română, 14, 2,

8-12. Teleoacă, Dana-LuminiŃa (2005), «Neologisme în presa scrisă actuală din

România» in Studii şi cercetări lingvistice, 1-2, 239-250. Dictionnaires CADE = Candrea, I. A. / Densuşianu, Ov. (1907-1914), DicŃionarul etimologic al

limbii române, Bucureşti. DLRM = DicŃionarul limbii române moderne (1958), Bucureşti, Editura Academiei. DCR = Dimitrescu, Florica (1982), DicŃionar de cuvinte recente, Bucureşti, Editura

Albatros. DCR2 = Dimitrescu, Florica (1997), DicŃionar de cuvinte recente, ed. a II-a,

Bucureşti, Logos. DSL = Bidu-Vrânceanu, Angela / Călăraşu, Cristina / Ionescu-Ruxăndoiu, Liliana /

Mancaş, Mihaela / Pană Dindelegan, Gabriela (2001), DicŃionar general de ştiinŃe ale limbii, Bucureşti, Editura Nemira.

TLFi = Trésor informatisé de la langue française, CNRS.

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DEUX LANGUES ROMANES EN CONTACT: LES EMPRUNTS ROUMAINS AU FRANÇAIS*

1. Introduction Les linguistes sont généralement unanimes pour reconnaître que tout contact plus ou moins prolongé entre deux ou plusieurs langues entraîne inévitablement des interférences linguistiques dont le degré le plus élevé est représenté par l’emprunt lexical. L’emprunt mais aussi le calque représentent un moyen privilégié de diversification et d’enrichissement du fonds lexical de toutes les langues naturelles. Gaston Paris (1900: 294-295) affirme que l’emprunt témoigne à la fois des lacunes qui existent dans une langue, mais également de sa capacité à accueillir de nouvelles idées ou de nouveaux éléments de culture. De ce point de vue, le roumain est défini comme une langue accueillante, «hospitalière», selon le réputé romaniste Alf Lombard (1967: 17), preuve incontestable de sa force créative illimitée. La contribution de la langue française, à partir du XVIII e siècle, à la formation du roumain moderne, c’est-à-dire à la modernisation de son lexique, tant au niveau de la langue générale qu’au niveau des lexiques spécialisés, est incontestable. Ces deux langues en contact ont d’ailleurs une situation privilégiée étant donné qu’il s’agit de deux langues apparentées généalogiquement qui se partagent bon nombre de mots d’origine latine. Au XIXe siècle on peut parler même d’un bilinguisme franco-roumain, qui s’est fait sentir dans les cas suivants: un grand nombre d’écrivains roumains admirent et imitent les Français; les œuvres littéraires françaises ont été traduites en roumain; beaucoup de jeunes roumains ont fait leurs études en France; la langue française est enseignée dans les écoles et elle représente ‹la langue de Voltaire›; les emprunts au français sont un phénomène socio-linguistique qui atteste le prestige de la langue prêteuse, le français dans notre cas. Très important est aussi le canal de pénétration: écrit ou oral, les deux voies de pénétration étant parfois possibles pour le même mot (cf. Iliescu 2003-2004). Les emprunts pénétrés par le canal oral s’expliquent par le fait que, dans la première moitié du XIXe siècle, les jeunes Roumains ont été envoyés en France pour y faire leurs études et, en rentrant, ils ont apporté avec eux beaucoup de mots familiers français, qui ont été adaptés de différentes manières au roumain.

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2. Préliminaires d’étude À l’Université de Craiova se déroule un projet de recherche intitulé Typologie des emprunts lexicaux français en roumain. Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique (FROMISEM), projet qui se propose d’atteindre les objectifs suivants: (1) la constitution d’un corpus général des emprunts lexicaux au français; (2) l’analyse des principaux aspects soulevés par l’étymologie des emprunts au français, tels qu’ils apparaissent dans les dictionnaires roumains; (3) la typologie sémantique des mots d’origine française. Pour constituer le corpus-registre des emprunts lexicaux roumains au français, l’équipe de recherche a pris comme point de départ le DEX (1998), le plus grand dictionnaire d’usage général de la langue roumaine, publié par l’Institut de Linguistique «Iorgu Iordan» de l’Académie Roumaine. Sa première édition date de 1975 et les autres éditions (1996, 1998) se sont beaucoup enrichies, de sorte que son édition actuelle (1998) contient 65.000 mots. Ce corpus-registre va se constituer ultérieurement dans un DicŃionar de împrumuturi lexicale din limba franceză / Dictionnaire des emprunts lexicaux au français (DILF), qui est à même d’offrir des indications précieuses sur les divers aspects linguistiques que soulèvent les emprunts: nombre et importance, force dérivative, problèmes d’étymologie, particularités sémantiques, etc. L’objectif de notre intervention est triple: (1) la présentation des principes sur lesquels repose la constitution du DILF: la structuration, l’aspect étymologique et la sélection des mots-vedettes; (2) la mise en évidence de l’importance des mots à étymon français dans le lexique du roumain; (3) l’ouverture de nouvelles pistes de recherche dans les domaines de la lexicologie et de la lexicographie romanes. 3. Principes de la constitution du DILF 3.1. Structuration du DILF Pour ce qui est de la structuration du DILF, celui-ci a deux sections différentes, qui correspondent à deux catégories d’emprunts: (i) emprunts à étymologie uniquement française; (ii) emprunts à étymologie multiple, y compris française. (i) Emprunts à étymologie uniquement française La première section regroupe, à son tour, deux sous-classes. La première concerne les mots considérés comme pénétrés du français en roumain, c’est-à-dire des mots venus indubitablement par filière française et seulement française: a dopa < DOPER, dopaj < DOPAGE, ecarisaj < ÉQUARRISSAGE, ecarlat < ÉCARLATE, ecartament < ÉCARTEMENT. La deuxième sous-classe vise les mots entrés en roumain par filière française, indiquée par le sigle cf.: actinopterigian < Cf. fr. ACTINOPTERYGIEN, adjudecatar < Cf. fr. ADJUDICATAIRE, ambutisa < Cf. fr. EMBOUTIR, ameriza < Cf. fr. AMERRIR, anrobare < Cf. fr. ENROBER. (ii) Emprunts à étymologie multiple, y compris française Ce sont des mots dont la filière de pénétration peut être due non seulement au français, mais aussi à d’autres langues où circule le même néologisme. Dans la

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linguistique roumaine, ce type d’étymologie est nommé ‹étymologie multiple›, d’après un célèbre article au même titre d’Alexandru Graur (1950), qui considère qu’un mot peut avoir à la fois un, deux ou bien n étymons possibles, surtout dans une langue comme le roumain, formée sous l’influence d’aussi nombreuses cultures étrangères. Selon le corpus-registre élaboré jusqu’à présent, la première source indiquée le plus souvent dans le cas des étymologies multiples est le français en combinaison avec le latin savant ou les langue romanes (l’italien, l’espagnol) et non romanes (l’anglais, l’allemand, le néogrec, le russe, etc.), par exemple:

(i) Français+Latin: abstinent (<fr. ABSTINENT, <lat. ABSTINENS,-NTIS), abstracŃie (<fr. ABSTRACTION, <lat. ABSTRACTIO, -ONIS);

(ii) Français+Italien: acont (<fr. ACOMPTE, <it. ACCONTO), arlechin (<fr. ARLEQUIN, <it. ARLECCHINO), balet (<fr. BALLET, <it. BALLETTO);

(iii) Français+Latin+Italien : arma (<fr. ARMER, <it. ARMARE, <lat. ARMARE), cangrenă (<fr. GANGRÈNE, <lat. GANGRAENA, <it. CANCRENA);

(iv) Français+Espagnol: fandango (<fr., esp. FANDANGO), gherilă (<fr. GUÉRILLA, <esp. GUERRILLA), gitană (<esp. GITANA, <fr. GITANE), pescador (< esp., fr. PESCADOR);

(v) Français+Néogrec: epibat (<fr. ÉPIBATE, <ngr. EPIBÁTIS), logos (<ngr. LÓGOS, fr. LOGOS), manie ( <ngr. MANIA, <fr. MANIE);

(vi) Français+Anglais: scaner (<angl., fr. SCANNER), scheci (<fr., angl. SKETCH), scheting (<angl., fr. SKATING), şut (<fr., angl. SHOOT);

(vii) Français+Allemand: sconcs (<fr. SCONSE, <all. SKONS, <angl. SKUNK), serpentin (<fr. SERPENTINE, <all. SERPENTINE), silvanit (<all. SYLVANIT, <fr. SYLVANITE), social-democraŃie (<all. SOZIALDEMOKRATIE, <fr. SOCIAL-DÉMOCRATIE);

(viii) Français+Russe: sociologism (<fr. SOCIOLOGISME, <rus. SOTIOLOGHIZM), şerardizare (<fr. SHERARDISAGE, <rus. SERARDIZATIIA), termofosfat (<fr. THERMOPHOSPHATE, <rus. TERMOFOSFAT), toron (<fr., angl. THORON, <all. THORON, <rus. TORON).

3.2. L’aspect étymologique Les difficultés que le lexicographe rencontre pour établir l’étymologie des mots concernent surtout les aspects suivants: (i) le manque de la première attestation dans les dictionnaires; (ii) l’absence des exemples en contexte (sauf les DA / DLR et DLRC); (iii) l’aspect phonétique hésitant qui renvoie à plusieurs sources. Comme le point de départ de notre corpus est un dictionnaire explicatif (DEX), qui repose principalement sur la définition sémantique des mots, l’aspect étymologique y est mentionné, sans pourtant avoir aucune certitude à cet égard. C’est pourquoi les indications étymologiques obtenues à partir du DEX seront corroborées, dans une deuxième étape de notre recherche, avec le DA (1913-1949) et le DLR (1965-2009), le dictionnaire historique trésor de la langue roumaine. Cette recherche est nécessaire surtout pour résoudre des problèmes

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d’étymologie et d’attestation, ainsi que pour faire la distinction, très difficile à opérer, entre les mots dérivés en français et ceux créés ultérieurement en roumain (cf. Hristea 1968: 32 et suiv.; Reinheimer-Rîpeanu 1989, Popovici 1992, Popovici 1996). 3.3. La sélection des mots-vedettes Le choix des mots repose uniquement sur leur origine: exclusivement française ou à étymologie multiple, y compris française. Les entrées lexicales y sont ordonnées à partir des mots base auxquels on a attaché les dérivés formés sur le terrain de la langue roumaine, ce qui met en évidence la richesse de la famille lexicale de chaque mot d’origine française ou à étymologie multiple. Par exemple, pour le verbe a relaxa le DEX nous indique les définitions lexicographiques suivantes (traduites en français) :

RELAXA, relaxez, vb. I. 1. Trans. Mettre en état de relaxation un système physique dont l’équilibre thermodynamique, électrique, etc. a été rompu, celui-ci revenant à l’état d’équilibre initial. 2. Pron. (Tensions mécaniques d’un corps) Diminuer, sans entraîner la variation de la déformation du corps. 3. Pron. et trans. Fig. Se détendre, se reposer (après un effort soutenu); devenir ou faire devenir moins tendu. - Du fr. relaxer.

RELAXANT, -Ă, relaxanŃi, -te, adj., s.n. (Substance, médicament, facteur, etc.) Qui favorise la relaxation, la détente. - Relaxa + suf. -ant. RELAXARE, relaxări, s.f. Le fait de (se) relaxer; diminution ou suppression d’une tension. - V. relaxa. RELAXAT, -Ă, relaxaŃi, -te, adj. 1. Détendu, reposé; relâché. 2. (Corps plastiques) Dont la tension mécanique est diminuée. - V. relaxa. AUTORELAXARE, autorelaxări , s.f. Relaxation normale, sans administration de calmants. - Auto- + relaxare.

4. L’importance des mots à étymon français dans le lexique du roumain Ces derniers temps la bibliographie de la problématique des néologismes d’origine romane, et, implicitement ou explicitement, des emprunts au français, s’est enrichie de beaucoup de contributions qui approfondissent et nuancent les connaissances sur des aspects des plus variés. Nombre de ces ouvrages présentent un intérêt théorique et méthodologique par les précisions qu’ils apportent ou par les directions de recherche qu’ils ouvrent. Une mention spéciale doit être faite pour les études de statistique sur l’élément lexical d’origine française (souvent dans un contexte général ou roman). Les statistiques faites jusqu'à présent reposent sur des dictionnaires de dimensions différentes et, surtout, sur des dictionnaires généraux (CADE, DLRM), sur des dictionnaires de néologismes (DCR) ou sur des fonds principaux (Graur 1954, Sala 1988), ce qui explique les grandes fluctuations concernant les chiffres obtenus. Au niveau du vocabulaire fondamental, il existe deux statistiques très connues, faites à distance dans le temps (34 ans), celle de Graur (1954) et celle de Sala (1988).

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Graur fait une statistique sur les 1.419 mots du fonds principal de la langue roumaine où il identifie à peine 1% mots français. L’étude réalisée sous la coordination de l’académicien Marius Sala, Vocabularul reprezentativ al limbilor romanice (VRLR) (1988), est un ouvrage avec une valeur fonctionnelle toute particulière, qui se propose de dresser l’inventaire des unités lexicales représentatives pour l’ensemble du vocabulaire des langues romanes, en appliquant les mêmes critères de sélection, à savoir: l’usage, la richesse sémantique et la force dérivative. Le vocabulaire représentatif de la langue roumaine (VRLR) est formé de 2.581 mots. Le montant des emprunts au français y atteint 22,12% et occupe la 3-ème position, si l’on ajoute les mots à étymologie multiple (dont aussi française), après l’élément latin hérité et les créations lexicales sur le terrain du roumain. Au niveau du lexique général, Macrea (1961) a fait deux statistiques sur deux dictionnaires, respectivement le CADE (1931) et le DLRM (1958). Prenant en compte les mots à étymon français et à étymologie multiple, le CADE comprend 43.269 mots, dont 29,69% français, alors que le DLRM comprend 49.649 mots, dont 38,42% français, donc de 10% plus nombreux que dans le CADE. Dans un intervalle de plus de vingt-cinq ans, le lexique du roumain a ajouté une quantité considérable de mots d’origine française, ce qui s’explique par les contacts intenses entre les Roumains et les Français dans la première moitié du XXe siecle. Il y a aussi une statistique faite sur un dictionnaire de néologismes, le DCR (1982), par Florica Dimitrescu, linguiste qui s’est beaucoup intéressée à l’influence française sur le lexique du roumain. Sur les 3.749 mots enregistrés dans le DCR, le français a un pourcentage de 19,3% et, si l’on y ajoute les autres éléments romans, la proportion s’élève à 21,3%, ce qui place le français en première position. Suite à la constitution du DILF (2009), nous avons pu faire notre propre statistique sur un corpus de grandes dimensions (65.000 mots), incluant: les mots-bases et les mots dérivés:

A. Mots-bases

Mots à étymologie uniquement française 30,60%

Mots à étymologie multiple, y compris française

9,04%

Total 39,64% B. Mots dérivés À partir de bases à étymologie

uniquement française et à étymologie multiple

7,87%

Total général

47, 51 %

Cette statistique permet de formuler les considérations suivantes:

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(i) le point de départ de notre statistique est le plus grand dictionnaire d’usage général de la langue roumaine (DEX), qui comprend 65.000 mots, faisant ainsi une large place aux néologismes;

(ii) la plupart des emprunts au français appartiennent à la catégorie des mots à étymologie uniquement française (30%) et, si l’on ajoute les mots à étymologie multiple, y compris française, le pourcentage atteint 39,64% sur l’ensemble du dictionnaire, ce qui rapproche notre statistique de celle faite par Macrea (1961) sur le DLRM (38,42%). Cela pourrait d’ailleurs constituer un argument que les mots d’origine française ont pénétré massivement jusqu'à la première moitié du XXe siècle car, dans les dernières décennies, on parle d’une invasion d’anglicismes dans le lexique de la langue roumaine;

(iii) le total général de 47,51% est assez relatif, tributaire aux indications étymologiques du dictionnaire utilisé pour cette recherche (DEX), ce qui impose une recherche étymologique minutieuse pour vérifier les étymologies présentées dans le dictionnaire de départ avec le DA, le DLR et le CDER;

(iv) la vitalité et l’adaptation de la plupart des mots d’origine française à la langue roumaine est une preuve incontestable que son fonds néologique a continué et continue de s’enrichir.

5. Nouvelles pistes de recherche Le DILF constituera sans doute un point de départ pour de futures recherches dans les domaines de la lexicologie et de la lexicographie romanes, telles que: - approfondir l’étude des emprunts lexicaux au français du point de vue étymologique; - établir les principaux domaines de manifestation des emprunts et réaliser une statistique portant sur le vocabulaire général et les vocabulaires spécialisés; - élaborer une typologie illustrant l’évolution sémantique des emprunts lexicaux au français; - étudier l’adaptation des emprunts aux systèmes graphique, phonétique et morphologique de la langue roumaine; - faire des considérations sur l’ensemble du fonds lexical roman de la langue roumaine. 5.1. Aspects étymologiques Ce corpus pourrait constituer une ressource indispensable pour l’étude des emprunts lexicaux au français du point de vue des critères sur lesquels reposent les indications étymologiques: d’une part, les situations étymologiques diverses et, de l’autre, les différentes variations diachroniques, diastratiques, diaphasiques caractérisant la langue source et la langue cible. Une attention spéciale devra être accordée à l’analyse des mots à étymologie multiple et des mots dérivés, qui auraient pu se former soit sous une influence française, soit sur le terrain de la langue roumaine. 5.2. Domaines de manifestation des emprunts lexicaux

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Un autre aspect important mis en évidence dans l’étude des emprunts porte sur leurs domaines de manifestation, qui se situent surtout dans les sphères de l’activité scientifique, politique et culturelle. Grâce à ce corpus-registre, on pourrait (ainsi) envisager des statistiques concernant le pourcentage des emprunts au français qui font partie, d’une part, du langage usuel et, de l’autre, des domaines spécialisés. À cet égard, Florica Dimitrescu (1994) a recensé du point de vue étymologique les mots enregistrés dans le DCR (1982) et elle a constaté que, sur les 579 termes d’origine française, la plupart appartiennent aux branches les plus importantes de la science et de la technique, c’est-à-dire les domaines où l’on avait enregistré les plus grands progrès et innovations: médecine, biologie, technique, physique, circulation, art, chimie şi cinématographie, aviation, alimentaire, etc. 5.3. Typologie sémantique des emprunts lexicaux au français De la perspective du sens, les recherches menées dans le cadre du projet FROMISEM ont identifié deux catégories d’emprunts, qui, le plus souvent, se superposent (cf. Iliescu et all. 2010): - conservation - totale ou partielle - du sens / des sens de l’étymon français, parfois avec le maintien en roumain d’un sens aujourd’hui disparu en français; - innovations sémantiques opérées en roumain, ayant comme point de départ une signification de l’étymon français. Ces innovations se manifestent à travers divers mécanismes sémantiques: extensions analogiques et restrictions de sens, métaphorisations, passage métonymique, glissements connotatifs, etc. Pour illustrer le premier cas, nous citons le mot bec qui désigne principalement ‹la bouche des oiseaux› (TLFi); par transfert métaphorique, le mot est arrivé à désigner ‹le brûleur à gaz› (TLFi) et, ultérieurement, par une restriction sémantique, ‹la partie d’une lampe à gaz où a lieu la combustion› (le bec à gaz) (TLFi). Au début du XXe siècle, le mot bec est attesté en roumain avec le sens, aujourd’hui disparu, de ‹extrémité pointue (en forme de bec) d’un tuyau de gaz aérien› (DA). Le sens actuel du roumain, celui de ‹ampoule électrique› (DA), vient du syntagme français bec électrique (TLFi). Dans le cas des innovations sémantiques opérées en roumain, très intéressante est l’évolution de l’acception du mot marquise dans le domaine de l’architecture en tant que ‹toile ou auvent vitré placé au-dessus de la porte d’entrée› (TLFi). Le roumain emprunte cette acception par nécessité dénominative («néologie primaire») pour désigner ce nouveau style architectural qui prévoit pour la protection de la maison contre le soleil et les intempéries un auvent (en vitre) sur une grille en fer forgé. En plus, il opère deux extensions sémantiques par glissement métonymique, pour désigner le tout par la partie: dans le premier cas ‹la pièce à auvent et murs en vitres, qui se trouve devant une maison› (DA) et, dans le deuxième cas, ‹la cabine pour le mécanicien dans les locomotives à vapeurs› (DA).

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5.4. Adaptation des emprunts lexicaux Un autre aspect intéressant pour les lexicologues et les lexicographes concerne l’adaptation et l’intégration de ces emprunts du point de vue graphique, phonétique et morphologique, phénomène qui a été décrit de manière presque exhaustive dans la littérature de spécialité roumaine. De ce point de vue, les linguistes ont relevé le fait que les néologismes doivent respecter les normes morphosyntaxiques et phonologiques de la langue dans laquelle ils vont fonctionner, car une nouvelle unité lexicale se construit toujours en partant d’une forme déjà existante et avec des éléments et des stratégies de formation appartenant au système de la langue-cible. Les difficultés d’adaptation phonétique sont dues à des différences majeures d’ordre phonétique entre les deux langues analysées et ce corpus pourrait constituer un point de départ pour tous ceux qui veulent proposer une typologie des modifications graphiques et phonétiques subies par les emprunts français en contact avec le roumain. À cet effet, Simona Constantinescu (2005) souligne qu’au niveau de la prononciation et de la graphie, les mots empruntés reflètent leur degré d’assimilation. Dans l’histoire d’un mot, il arrive un moment où il cesse d’être considéré comme étranger, ce qui veut dire que ces emprunts subissent une assimilation phonétique parfaite, tel le mot angro (DOOM), avec une orthographe roumaine (après des variantes comme en gros, angros, angross). De grandes modifications apparaissent également dans l’intégration morphologique de ces emprunts dans le système de la langue roumaine concernant surtout les aspects suivants:

(i) la divergence de genre entre le français et le roumain Si les animés conservent en pincipe le genre des mots de la langue d’origine, pour les inanimés, la majorité des noms masculins (tableau, mémoire) et une partie des féminins (incendie, tribu) passent, en roumain, au neutre: tablou, memoriu, incendiu, trib.

(ii) le changement de la conjugaison des verbes Les verbes de la Ière conjugaison en français ont été difficilement catégorisés vu qu’en roumain la Ière conjugaison comporte deux classes: des verbes sans suffixe flexionnel (a aduna - adun, a alerga - alerg, a chema - chem) et des verbes à suffixe (a lucra - lucrez, a păstra - păstrez, a desena - desenez). D’autre part, la Ière conjugaison est la plus nombreuse, vu que les verbes français en –e ou –i ont été intégrés dans la première conjugaison: diriger > a dirija, protéger > a proteja, assortir > a asorta, démolir > a demola. Un autre cas est celui des verbes français terminés en –ir (du type appartenir, réussir) ont été inclus soit dans la IIIème conjugaison: a aparŃine, soit dans la IVème : a reuşi, avec le suffixe –esc, par analogie avec privesc, folosesc.

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6. En guise de conclusion Les emprunts au français ont été étudiés d’une manière constante par les

linguistes roumains, qui ont tous signalé l’importance de l’élément roman et son rôle dans la modernisation du roumain littéraire.

La dynamique du vocabulaire roumain actuel est mise en évidence par le fait que le fonds néologique continue de s’enrichir, étant recensé dans les nombreux dictionnaires de néologismes parus au cours des dernières années, mais qui ne réussissent pourtant pas à tenir le pas avec l’avalanche des mots nouveaux qui entrent dans la langue. L’élaboration du DILF a impliqué un travail d’équipe méticuleux et approfondi à la fois et il se constitue dans une base de données importante pour le fonds lexical de la langue roumaine car il réussira à mettre en relief les aspects suivants: - la variété des aspects linguistiques soulevés par les emprunts au français; - le rôle de la langue française dans la constitution du vocabulaire roumain et l’importance du français pour la redéfinition de la physionomie néo-latine de la langue roumaine dans l’aire de la romanité sud-est européenne; - la nécessité d’une clarification étymologique des emprunts de même que d’une typologie illustrant l’évolution sémantique de ces emprunts en roumain; - l’ouverture de nouvelles pistes de recherche dans les domaines de la lexicologie et de la lexicographie romanes. * Daniela Dincă, Communication CILPR XXVI, Valence, 2010.

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Macrea, Dimitrie (1961), «Originea şi structura limbii române», in Probleme de lingvistică română. Bucureşti, Editura ŞtiinŃifică, 7-45.

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QUELQUES REMARQUES SUR L'ETYMOLOGIE DES EMPRUNTS ROUMAINS D'ORIGINE FRANÇAISE*

0. Introduction Toutes les langues constituent, par leur structure, des systèmes articulés qui permettent la créativité langagière à l’aide de mécanismes qui opèrent soit au niveau formel, soit au niveau sémantique. Les emprunts représentent un moyen important d’enrichissement du lexique, une source inépuisable permettant de le nuancer, de le moderniser et de lui attribuer parfois un caractère international. Le fonds lexical néologique de la langue roumaine est, à la fois, extrêmement riche et hétérogène. Le processus d’assimilation des éléments lexicaux occidentaux est un phénomène complexe, commencé par le roumain surtout vers la fin du XVIII-ème siècle et le début du XIX-ème siècle. La littérature de spécialité reconnaît d’une manière unanime que, sur l’ensemble des langues romanes, le français en occupe la première place, car les emprunts français du roumain recouvrent non seulement une longue période en diachronie, mais ils peuvent aussi illustrer tous les types de critères qui déterminent le statut de néologisme d’un mot. On a ainsi des emprunts au français proprement dits, qui appartiennent aux emprunts de «nécessité» et qui entrent dans la catégorie de la néologie primaire; on a aussi des xénismes et des pérégrinismes, ou, selon une autre terminologie, des «emprunts de luxe»; on a aussi des emprunts dénotatifs (ou techniques) et des emprunts connotatifs ou stylistiques. D’autre part, on peut faire souvent la distinction entre un emprunt direct et un autre indirect (pénétré en roumain à l’aide du grec ou du russe, par exemple), entre un emprunt populaire et un emprunt savant, littéraire et, enfin, entre un emprunt oral et un emprunt écrit. En même temps, une recherche envisagée d’une perspective sémantico-statistique démontre l’existence de trois types de situations d’étymologie des emprunts au français: des emprunts à étymologie multiple, des emprunts à étymologie unique et des emprunts à étymologie controversée, ceux-ci posant un problème majeur qui nécessite une solution du point de vue lexicographique. Dans notre article, nous nous proposons de faire le point sur le traitement des emprunts d’origine française sur ces différents types d’étymologie, tout en illustrant notre exposé avec un bon nombre d’exemples du corpus F-FREON, tiré du DEX. 1. L’étymologie. Bref aperçu théorique Le caractère profondément hétérogène du vocabulaire néologique de la langue roumaine moderne est déterminé, comme on l’a déjà mentionné (v. aussi Hristea 1968: 104), par sa constitution sous l’influence de plusieurs langues: le

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latin savant, le néogrec, le russe, l’allemand et, surtout, le français et, les dernières décennies, l’anglais. Voilà pourquoi, à ce niveau, la littérature de spécialité (Dimitrescu 1994; Dănilă / Haja 2005) mentionne l’existence de trois types de situations d’étymologie: a. les néologismes à étymologie unique; b. les néologismes à étymologie multiple (principe introduit par Alexandru Graur dans l’article avec le même titre, paru en 1950), c’est-à-dire les mots qui ont pénétré dans la langue par plusieurs voies; c. les néologismes à étymologie controversée (le cas des mots considérés soit des emprunts néologiques, dans certains ouvrages lexicographiques, soit des créations sur le terrain roumain, dans d’autres ouvrages de spécialité). 1.1. Critères qui indiquent l’étymologie En général, pour établir correctement une étymologie, il y a deux critères fondamentaux dont on doit tenir compte: le critère linguistique et le critère extralinguistique. 1.1.1. Le critère linguistique Il implique, à son tour, les sous-divisions : le critère formel et le critère sémantique. Le critère formel indique que la forme du mot emprunté et celle du mot considéré comme se trouvant à son origine doivent être en concordance. Par, exemple, le mot yoghin s’explique directement par l’anglais, yogin, le mot correspondant en français, yogi, ayant une prononciation et une graphie tout à fait différentes (Dimitrescu 1994: 274). Mais, si dans le cas des mots hérités, le critère formel peut être facilement suivi grâce aux différents types de changements phonétiques qui interviennent en diachronie, il est bien connu que de telles modifications sont extrêmement rares pour les mots récemment empruntés ou, le plus souvent, il n’y a aucun changement important entre la forme originaire et celle du roumain. D’ailleurs, il faut souligner qu’un des traits spécifiques de la langue roumaine consiste dans la possibilité d’adopter une multitude de solutions linguistiques en ce qui concerne l’adaptation des mots récemment pénétrés dans le vocabulaire. Le roumain est, de ce point de vue, une langue extrêmement permissive (Dănilă / Haja 2005). Par exemple, rasă s’explique exclusivement par le français race (in DLRM), mais il faut rappeler qu’avant la réforme orthographique il y avait aussi la graphie rassă, probablement de l’allemand Rasse (Hristea 1968: 108). Le critère sémantique présuppose l’identité ou une relation justifiable entre le sens des deux mots: celui d’origine et celui de la langue cible (Sala 1999: 26). Il faut utiliser le critère sémantique surtout au cas où il n’y a pas d’indices formels qui puissent déterminer l’origine sûre des mots. Par exemple, le nom drugstore n’a pas le même référent en français et en anglais (l’anglais des États-Unis). En roumain, drugstore semble avoir, en fonction de ses significations, une double étymologie (Dimitrescu 1994: 247): dans le cas du premier sens (1) «magazin general în care se vând produse alimentare, farmaceutice etc.», on indique l’origine américaine. Dans le cas de l’acception (2) «ansamblu modern format din bar,

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cafenea, sală de spectacole etc.» intervient, il s’agit d’un mot d’origine française, parce que le terme analysé a acquis cette dernière signification spéciale initialement en français. 1.1.2. Le critère extralinguistique Celui-ci désigne l’histoire du mot cherché (Sala 1999: 29) : sa diffusion du point de vue géographique, sa position dans la langue (on se demande s’il s’agit d’un mot fréquent ou à quel champ sémantique il appartient, etc.), etc., des informations dont on doit tenir compte tant pour la langue source que pour la langue cible. Marius Sala (1999) mentionne les critères extralinguistiques suivants: 1. le critère géographique (ou l’analyse diatopique); 2. le critère fonctionnel; 3. le critère historique et social; 4. le critère de l’ancienneté / le critère de l’antériorité de la première attestation (Dimitrescu 1994: 250) – dans ce cas, les mots qui présentent un décalage chronologique, dans le sens que la datation du roumain précède celle de la langue source, posent un problème spécial (v. Dimitrescu 1994: 250); 5. le critère de la comparaison avec les langues apparentées. On illustre le critère extralinguistique par l’analyse du terme microelectrică, un mot qui existe en français aussi bien qu’en anglais. Dans ce cas, on pourrait se demander si en roumain le mot a: 1. une origine unique (française ou anglaise) ou 2. une étymologie multiple. Mais, pour bien comprendre les choses, il faut rappeler que cette branche de la science s’est développée aux États-Unis, au début des années ’60, et que le premier ouvrage de ce type traduit en roumain s’est réalisé en 1966. Il s’agit, en fait, d’arguments décisifs pour considérer l’origine anglaise du mot microelectrică, d’autant plus que le français exprimait à ce moment-là le même concept à l’aide de la périphrase électronique moléculaire, le terme microélectronique étant attesté à peine en 1969 (v. Dimitrescu 1994: 249). Par conséquent, il y a pour ce chapitre deux mises en question fondamentales et, en même temps, deux points faibles qui nécessitent (d’un cas à l’autre) au moins l’effort de leur trouver une solution du point de vue lexicographique. Il s’agit: 1. de l’étymologie multiple et 2. des étymologies controversées. Le concept d’étymologie multiple s’applique tant pour les mots qui peuvent avoir plusieurs étymons possibles et qui pourraient s’expliquer par l’influence d’au moins deux langues (les situations le plus souvent rencontrées en roumain visant le français et l’anglais), que pour certains suffixes (par exemple, le suffixe –ez ou le suffixe –bil). Dans la littérature de spécialité, on souligne que, d’un côté, beaucoup d’éléments lexicaux romans ont pénétré en roumain par la filière de langues non romanes (le néogrec, les langues slaves – surtout le russe et le polonais – le turc, le hongrois, l’allemand et l’anglais) et, de l’autre côté, des mots appartenant à une certaine langue romane ont eu comme intermédiaire toujours une autre langue romane (voir le cas des mots d’origine portugaise ou espagnole qui ont pénétré en roumain par la filière du français); dans ce cas, les langues romanes ont servi comme intermédiaire ou comme filière d’assimilation par le roumain de certains éléments appartenant à diverses langues (fréquemment le latin, le vieux grec et, récemment, l’anglais). Dans cette situations, il y a plusieurs aspects méthodologiques qui doivent recevoir une solution: établir le type d’étymologie

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(emprunt direct versus emprunt indirect), essayer de déceler l’ordre exact pour ce qui est de la chronologie de l’assimilation (et on pourrait arriver, dans certains cas, à une seule entrée lexicographique). À l’aide de ce critère méthodologique, on a démontré (Dimitrescu, 1994 : 250), par exemple, l’origine française des mots roumains: biodegradabil, biononică, geostaŃionar, interfon, etc. C’est pour cela que, dès 1982, Mioara Avram attirait l’attention qu’on a l’habitude de faire appel à l’étymologie multiple non seulement à cause de la nécessité, mais aussi par commodité, même au cas où soit des indices formels, soit les dates historiques s’opposent à accepter certaines sources.

Malgré cela, on peut déceler trois catégories de mots à étymologie multiple: 1. l’étymologie multiple interne, c’est-à-dire le cas où un dérivé provient de

deux ou plusieurs primitifs qui appartiennent à la même famille lexicale (v. Hristea 1973: 143-155) et aussi les situations de déraillement ou de contamination lexicale (v. Király 1973: 249-255);

2. l’étymologie multiple externe, c’est-à-dire le cas où le même mot est emprunté à deux ou plusieurs langues (soit à la même époque, soit à distance dans le temps et dans l’espace) (v. Hristea 1973: 143-155). Un exemple fréquemment cité pour illustrer ce dernier type d’étymologie multiple est le mot lampă qui a pénétré en roumain initialement du néogrec, avec la forme lamba et le sens « lampă de ulei », sens qui a circulé une longue période dans la langue populaire. Plus tard, avec l’évolution du système à illuminer (l’apparition de la lampe à pétrole, de la lampe à gaz, de la lampe électrique, etc.), le mot a pénétré en roumain de diverses langues où il avait des formes avec p et les sens nouveaux mentionnés auparavant : alm. Lampe, fr. lampe, rus. lampa, hongr. lámpa (Sala, 1999: 65).

Enfin, le troisième type d’étymologie multiple est l’étymologie multiple mixte (ou combinée), c’est-à-dire la situation où un seul mot a dans une certaine langue une double provenance (externe et interne). Par exemple, pour arhaiza, il faut proposer l’étymologie suivante: de arha[ic] + arha[ism] + sufix. –iza. Cf. fr. archaïser (Sala 1999: 67). Aussi, faut-il considérer des mots tels: antitusiv, modernitate ou cuvânt-cheie, comme des créations roumaines, mais on ne peut pas affirmer la même chose pour antiteatru ou antiartă qui sont liés au milieu culturel français (v. Dimitrescu 1994: 250). Pour ce qui est des termes qui existent à la fois en français et en anglais (et qui représentent d’ailleurs la majorité des mots du roumain contemporain à étymologie multiple), Florica Dimitrescu (1994: 222) considère qu’ils peuvent être classifiés en deux grandes catégories: 1. des mots qui proviennent d’une seule langue (le français ou l’anglais), cas où il serait mieux d’indiquer pour l’étymologie proposée le terme français ou le terme anglais d’origine (et aussi avec cf. l’autre terme – anglais ou français); dans cette situation, il s’agit en effet d’une fausse étymologie multiple; 2. des mots qui peuvent s’expliquer par l’influence du français et de l’anglais, donc des mots qui possèdent réellement une étymologie multiple. Pour ce qui est de l’étymologie controversée, celle-ci se rencontre fréquemment, tout comme l’étymologie multiple, dans le cas des néologismes ou

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des dérivés où la difficulté de choisir une source commune est évidente. Parfois, ce concept apparaît, dans certains ouvrages lexicographiques, comme synonyme de l’étymologie multiple. Une explication possible pourrait être le fait que les sources d’information et les critères selon lesquels les auteurs des dictionnaires établissent l’étymologie sont parfois tout à fait différents. Il faut souligner pourtant que les problèmes qui visent la détermination d’une étymologie ont une importance fondamentale pour la réalisation de la structure sémantique de l’article de dictionnaire (v. Dănilă / Haja: 2005). 2. Les emprunts roumains au français. Analyse du corpus L’emprunt, comme processus externe privilégié par lequel une langue s’enrichit, consiste dans l’assimilation (telle quelle ou, le plus souvent, avec des modifications phonétiques, phonologiques, sémantiques et morphologiques) de certains éléments lexicaux d’une langue d’origine dans une langue cible. En ce qui concerne l’influence française, celle-ci a eu un caractère décisif pour la formation de la langue roumaine moderne, au moins pour deux raisons : premièrement, il s’agit de l’origine romane commune des Roumains et des Français et, par conséquent, de leur filiation linguistique. En deuxième lieu, il s’agit de la période connue dans l’histoire de la langue roumaine sous le nom de re-romanisation, lorsqu’à la fin du XVIII-ème siècle et au début du XIX-ème siècle, les Pays Roumains ont renforcé leurs relations d’ordre culturel, économique, politique, etc. avec la France. Par conséquent, les emprunts d’origine française représentent la source la plus importante dans la modernisation du vocabulaire de la langue roumaine. Dans la littérature de spécialité, on considère, par exemple, que le pourcentage des emprunts roumains au français représente 21, 3 % sur l’ensemble de 3.749 mots insérés dans le DCR (v. Dimitrescu 1994: 235), si l’on prend en compte aussi les situations d’étymologie multiple. Pour illustrer ces affirmations, on a analysé dans cette étude les différents types d’étymologie rencontrés dans le corpus des mots de la lettre F du DEX (jusqu’au mot FREON). On a choisi seulement les cas à étymologie claire, c’est-à-dire les mots roumains dont l’origine française peut se justifier selon les critères mentionnés supra. L’analyse du corpus a conduit aux observations suivantes: 2.1. La plupart des mots appartenant à ce corpus sont des emprunts pénétrés en roumain directement du français. Il s’agit donc de mots à étymologie unique et qui, du point de vue du critère formel, se laissent caractériser par peu de changements phonétiques ou morphologiques dans le passage du français au roumain. Dans cette catégorie entrent :

FABRICANT, -Ă, fr. fabricant ; FABULA, fr. fabuler ; FABULIST, -Ă, fr. fabuliste ; FACEłIE, fr. facétie ; FACEłIOS, -OASĂ, fr. facétieux ; FACONDĂ, fr. faconde ; FACTAJ, fr. factage ; FACTICE, fr. factice ; FACłIONAR, -Ă, fr. factionnaire ; FACTITIV, fr. factitif ; FACTORIAL, fr. factoriel; FACTORIZA, fr. factoriser ; FACHIR, fr. fakir ; FACHIRISM, fr. fakirisme ; FACIAL, -Ă, fr. facial ; FACILITA, fr. faciliter ; FACTURĂ2, fr. facture ; FACTURA, fr. facturer ;

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FACTURIER, fr. facturier ; FACULĂ, fr. facule ; FACULTATIV, -Ă, fr. facultatif ; FAD, -Ă, fr. fade ; FAETON, fr. phaéton ; FAGACEE, fr. fagacées ; FAGOCIT, fr. phagocyte ; FAGOCITOZĂ, fr. phagocytose ; FALANGĂ1, fr. phalange ; FALANGIST, fr. phalangiste ; FALANSTER, fr. phalanstère ; FALANSTERIAN, -Ă, fr. phalanstérien ; FALBALA, fr. falbala ; FALCONIFORM, fr. falconiformes ; FALERN, fr. falerne ; FALEZĂ, fr. falaise ; FALIE, fr. faille ; FALSIFICATOR, -OARE, fr. falsificateur ; FALUN, fr. falun ; FAMAT, -Ă, fr. [mal] famé ; FAMILIAL, -Ă, fr. familial ; FAMILIARIZA, fr. familiariser ; FANA, fr. faner ; FANAL, fr. fanal ; FANATISM, fr. fanatisme ; FANDA, fr. fendre ; FANEROGAMĂ, fr. phanérogame ; FANFARĂ, fr. fanfare ; FANFARON, -OANĂ, fr. fanfaron ; FANFARONADĂ, fr. fanfaronnade ; FANION, fr. fanion ; FANON, fr. fanon ; FANTĂ, fr. fente ; FANTASMAGORIC, fr. fantasmagorique ; FANTEZIE, fr. fantaisie ; FANTEZIST, -Ă, fr. fantaisiste ; FANTOMĂ, fr. fantôme ; FARAD, fr. farad ; FARADIZARE, fr. faradisation ; FARANDOLĂ, fr. farandole ; FARAON, fr. pharaon ; FARAONIC, -Ă, fr. pharaonique ; FARD, fr. fard ; FARINGAL, -Ă, fr. pharyngal ; FARINGIAN, -Ă, fr. pharyngien ; FARINGISM, fr. pharyngisme ; FARINGITĂ, fr. pharyngite ; FARINGOLARINGITĂ, fr. pharyngo-laryngite ; FARINGOSCOP, fr. pharyngoscope ; FARINGOSCOPIE, fr. pharyngoscopie ; FARISEIC, -Ă, fr. pharisaïque; FARISEISM, fr. pharisaïsm; FARMACODINAMIE, fr. pharmacodynamie ; FARMACOLOG, -OGĂ, fr. pharmacologue ; FARMACOLOGIC, -Ă, fr. pharmacologique ; FARMACOLOGIE fr. pharmacologie ; FARMACOPEE, fr. pharmacopée ; FARMACOTERAPIE, fr. pharmacothérapie ; FARMACOVIGILENłĂ, fr. pharmacovigilance ; FARSĂ, fr. farce ; FARSOR, -OARE, fr. farceur ; FASCICULĂ, fr. fascicule ; FASCICULAT, -Ă, fr. fasciculé ; FASCINANT, -Ă, fr. fascinant ; FASON, fr. façon ; FASONA, fr. façonnage ; FAST1, fr. faste ; FAłADĂ, fr. façade; FATALISM, fr. fatalisme ; FATALIST fr. fataliste ; FAłETA, fr. facetter ; FAłETĂ, fr. facette; FATIGABILITATE, fr. fatigabilité ; FAUNĂ, fr. faune ; FAVOARE, fr. faveur ; FAVORITISM, fr. favoritisme ; FAVORIZA, fr. favoriser ; FAVORIZANT, -Ă, fr. favorisant ; FAVUS, fr. favus ; FAZĂ, fr. phase ; FAZITRON, fr. phasitron ; FAZMETRU, fr. phasemètre ; FEBLEłE, fr. feblaisse ; FEBRICITATE, fr. fébricité ; FEBRILITATE, fr. fébrilité ; FECALĂ, fr. fécal ; FECALOM, fr. fécalome ; FECULENT, -Ă, fr. féculent ; FECULENłĂ, fr. féculence ; FECUNDAłIE, fr. fécondation; FEDERAL, -Ă, fr. fédéral ; FEDERALISM, fr. fédéralisme ; FEDERALIST, -Ă, fr. fédéraliste ; FEDERALIZA, fr. fédéraliser ; FEDERAłIE, fr. fédération ; FEDERATIV, -Ă, fr. fédératif ; FEERIC, -Ă, fr. féerique ; FEERIE, fr. féerie ; FELAH, fr. fellah ; FELDSPATIC, -Ă, fr. feldspathïque ; FELDSPATOID, fr. feldspathoide ; FELIBRU, fr. félibre ; FELICITA, fr. féliciter ; FELIDĂ, fr. félidés ; FELINITATE, fr. félinité ; FELONIE, fr. félonie ; FEMINIST, -Ă, fr. féministe ; FEMINITATE, fr. féminité ; FEMINIZA, fr. féminiser ; FEMUR, fr. fémur ; FEMURAL, -Ă, fr. fémoral; FENAZONĂ, fr. phénazone ; FENÉC, fr. fennec ; FENIC, fr. phénique ; FENICIAN, -Ă, fr. phénicien ; FENIL, fr. phényle ; FENILAMINĂ, fr. phénylamine ; FENILEN, fr. phénylène ; FENOBARBITAL, fr. phénobarbital ; FENOL, fr.phénol ; FENOLAT, fr. phénolate ; FENOLIC, -Ă, fr. phénolique ; FENOLOGIC, -Ă, fr. phénologique ; FENOLOGIE, fr. phénologie ; FENOMEN, fr. phénomène ; FENOMENAL, Ă, fr. phénoménal ; FENOMENALITATE, fr. phénoménalité ; FENOMENOLOG, fr.

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phénoménologue ; FENOMENOLOGIC, -Ă, fr. phénoménologique ; FENOMENOLOGIE, fr. phénoménologie ; FENOPLASTĂ, fr. phénoplaste ; FENOTIP, fr. phénotype ; FENOTIPIC, Ă, fr. phénotypique ; FENTA, fr. feinter ; FENTĂ1, fr. feinte ; FERALUMINIU, fr. ferro-aluminium ; FERATĂ, fr. [voie] ferrée ; FERIC, -Ă, fr. ferrique ; FERICIANURĂ, fr. ferricyanure ; FERITĂ, fr. ferrite ; FERM, -Ă, fr. ferme ; FERMĂ2, fr. ferme ; FERMENTABIL, fr. fermentable ; FERMENTATIV, -Ă, fr. fermentatif ; FERMIER, -Ă, fr. fermier ; FERMIU, fr. fermium ; FERMOAR, fr. fermoir ; FEROALIAJ, fr. ferro-alliage ; FEROCIANURĂ, fr. ferrocyanure ; FEROMAGNÉTIC, -Ă, fr. ferromagnétique ; FEROMAGNETISM, fr. ferromagnétisme ; FERONERIE, fr. ferronnerie ; FEROS, -OASĂ, fr. ferreux ; FEROTIPIE, fr. ferrotypie ; FERPAR, fr. faire-part ; FERTILIZABIL, -Ă, fr. fertilisable ; FERTILIZA, fr. fertiliser ; FERUGINOS, -OASĂ, fr. ferrugineux. ; FESĂ, fr. fesse ; FESIER, -Ă, fr. fessier ; FESTIN, fr. festin ; FESTIVAL, fr. festival ; FESTIVALIER, -Ă, fr. festivalier ; FESTON, fr. feston ; FESTONA, fr. festonner ; FETAL, -Ă, fr. fœtal ; FETIDITATE, fr. fétidité ; FETIŞ, fr. fétiche ; FETIŞISM fr. fétichisme ; FETIŞIST, -Ă, fr. fétichiste ; FETRU, fr. feutre ; FEZABIL, -Ă, fr. faisable ; FEZABILITATE, fr. faisabilité ; FEZANDA, fr. faisender ; FIABIL, -Ă, fr. fiable ; FIABILITATE, fr. fiabiltité ; FIACRU, fr. fiacre ; FIBRILA, fr. fibriller ; FIBRILĂ, fr. fibrille ; FIBRILAR, -Ă, fibrillaire ; FIBRILAłIE, fr. fibrillation ; FIBRINĂ, fr. fibrine ; FIBRINOGEN, fr. fibrinogène ; FIBROCARTILAGINOS, -OASĂ, fr. fibrocartilagineux ; FIBROCARTILAJ, fr. fibrocartilage ; FIBROCIT, fr. fibrocyte ; FIBROM, fr. fibrome ; FIBROMATOZĂ, fr. fibromatose ; FIBROS, -OASĂ, fr. fibreux ; FIBROSCOP, fr. fibroscope ; FICOMICETE, fr. phycomycètes ; FICłIONALISM, fr. fictionalisme ; FICTIV, -Ă, fr. fictif ; FIDEICOMIS, fr. fidéicomis ; FIDEISM, fr. fidéisme ; FIDEIST, -Ă, fr. fidéiste ; FIEF, fr. fief ; FIGURA, fr. figurer ; FIGURANT, -Ă, fr. figurant ; FIGURATIV, -Ă, fr. figuratif ; FIGURINĂ, fr. figurine ; FILACTERĂ, fr. phylactère ; FILAMENTOS, -OASĂ, fr. filamenteux ; FILANTROP, -OAPĂ, fr. philanthrope ; FILANTROPIC, -Ă, fr. philanthropique ; FILANTROPIE, fr. philanthropie ; FILARIOZĂ, fr. filariose ; FILARMONIC, -Ă, fr. philharmonique ; FILATÉLIC, -Ă, fr. philatélique ; FILATELIE, fr. philatélie ; FILATELIST, -Ă, fr. philatéliste ; FILATOR, -OARE, fr. filateur ; FILATURĂ, fr. filature ; FILE, fr. filet ; FILET, fr. filet ; FILETA, fr. fileter ; FILEU, fr. filet ; FILFIZON, probablement fr. vive le son [du canon]; FILIAL, -Ă, fr. filial ; FILIAL Ă, fr. filiale ; FILIAłIE, fr. filiation ; FILIERĂ, fr. filière ; FILIFORM, -Ă, fr. filiforme ; FILIGRANA, fr. filigraner ; FILIGRANOSCOP, fr. filigranoscope ; FILIPICĂ, fr. philippique ; FILISTEAN, fr. Philistins ; FILISTIN, fr. philistinisme; FILM, fr. film; FILMA, fr. filmer ; FILMOGRAFIE, fr. filmographie ; FILMOLOGIC, -Ă, fr. filmologique ; FILMOLOGIE, fr. filmologie ; FILMOTECĂ, fr. filmothèque ; FILO- fr. philo- ; FILODENDRON, fr. philodendron ; FILOGENÉTIC, -Ă, fr. phylogénétique ; FILOGENEZĂ, fr. phylogenèse ; FILOGENIE, fr. phylogénie ; FILOGENIST, -Ă, fr. phylogéniste ; FILOLOG, -Ă, fr. philologue ; FILOLOGIC, -Ă, fr. philologique ; FILOLOGIE, fr. philologie ; FILOMELĂ, fr. philomèle : FILON, fr. filon ; FILOXÉRĂ, fr. phylloxéra ; FILOZOFALĂ, fr. philosophale ; FILOZOFIC, -Ă, fr. philosophique ; FILTRA, fr. filtrer ; FILTRAJ, fr. filtrage ; FILTRANT, -Ă, fr. filtrant ; FILTRAłIE, fr. filtration ; FILTRU1, fr. filtre, Cf. it. filtro ; FILTRU2, fr. philtre : FIN1, -Ă, fr. fin ; FINALISM, fr. finalisme; FINALIST, fr. finaliste ; FINALITATE, fr. finalité ; FINANCIAR, -Ă, fr. financier. Cf. it.

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f i n a n z i a r i o ; FINANłA, fr. financer ; FINET, fr. finette ; FINEłE, fr. finesse ; FINISA, fr. finir ; FINISAJ, fr. finissage; FINISOR, -OARE, fr. finisseur ; FINITISM, fr. finitisme ; FIOLĂ, fr. fiole ; FIORD, fr. fjord ; FIŞĂ, fr. fiche ; FISCAL, -Ă, fr. fiscal ; FISCALITATE, fr. fiscalité ; FISIBILITATE, fr. fissibilité ; FIŞIER, fr. fichier ; FISIONABIL, -Ă, fr. fissionable ; FISIUNE, fr. fission ; FISTULĂ, fr. fistule ; FISTULOS, -OASĂ, fr. fistuleux ; FISURA, fr. fissurer ; FITOBIOLOGIE, fr. phytobiologie ; FITOCENOZĂ, fr. phytocénose ; FITOCHIMIE, fr ; phytochimie ; FITOCID, fr. phytocide ; FITOFAG, fr. phytophage ; FITOFARMACEUTIC, -Ă, fr. phytopharmaceutique ; FITOFARMACIE, fr. phytopharmacie ; FITOFIZIOLOGIE, fr. phyto-physiologie ; FITOGEN, -Ă, fr. phytogène ; FITOGEOGRAFIC, -Ă, fr. phytogéographique ; FITOGEOGRAFIE fr. phytogéographie ; FITOHORMON, fr. phytohormone ; FITOPATOGEN, -Ă, fr. phytopathogène; FITOPATOLOGIC, -Ă, fr. phytopathologique ; FITOPATOLOGIE fr. phytopathologie ; FITOPLANCTON, fr. phytoplancton ; FITOSANITAR, -Ă, fr. phytosanitaire ; FITOTEHNIC, -Ă, fr. phytotechnique ; FITOTERAPEUT, -Ă, fr. phytothérapeute ; FITOTERAPIC, -Ă, fr. phytothérapique ; FITOTOXIC, -Ă, fr. phytotoxique ; FITOTRON ; fr. phytotron ; FIXA, fr. fixer ; FIXABIL, -Ă, fr. fixable ; FIXAJ fr. fixage ; FIXATIV, -Ă, fr ; fixatif ; FIXATOR, fr. fixateur ; FIXISM, fr. fixiste ; FIXITATE, fr. fixité ; FIZIC, -Ă, fr . physique ; FIZICALISM, fr. physicalisme ; FIZICALIST, -Ă, fr. physicaliste ; FIZICIAN, -Ă, fr. physicien ; FIZIOCRAT, fr. physiocrate ; FIZIOCRATIC, -Ă, fr. physiocratique ; FIZIOCRAłIE fr. physiocratie ; FIZIOCRATISM, fr. physiocratisme ; FIZIOGNOMONIC, -Ă, fr. physiognomonique ; FIZIOGNOMONIE, fr. physiognomonie ; FIZIOLOG, -Ă, fr . physiologue ; FIZIOLOGIC, -Ă, fr. physiologique ; FIZIOLOGIE fr. physiologie ; FIZIOLOGIST, -Ă, fr. physiologiste ; FIZIONOMIC, -Ă, fr. physionomique ; FIZIONOMIE, fr. physionomie ; FIZIONOMIST, -Ă, fr. physionomiste ; FIZIOPATOLOGIC, -Ă, fr ; physiopathologique ; FIZIOPATOLOGIE, fr. physiopathologie ; FIZIOTERAPIC, -Ă, fr ; physiothérapique ; FIZIOTERAPIE, fr. physiothérapie ; FLACON, fr. flacon ; FLAGELAT, fr. flagellates ; FLAGRANT, -Ă, fr. flagrant ; FLAGRANłĂ, fr. flagrance ; FLAJOLÉT, fr ; flageolet ; FLAMAND, -Ă, fr. flamand ; FLAMBAJ, fr. flambage ; FLAMBA, fr. flamber. ; FLAMBOAIANT, -Ă, fr. flamboyant ; FLAN, fr. flan ; FLANA, fr. flâner ; FLANC, fr. flanc ; FLANCA, fr. flanque ; FLANCGARDĂ, fr. flanc-garde ; FLANELĂ, fr. flanelle ; FLASC, -Ă, fr. flasque ; FLATA, fr. flatter ; FLATERIE, fr. flatterie ; FLAVONĂ, fr. flavone ; FLEBITĂ, fr. phlébite ; FLEBOLOGIE, fr. phlébologie ; FLEBOTOMIE, fr. phlébotomie ; FLEGMĂ, fr. flegme ; FLEGMATIC, -Ă, fr. flegmatique ; FLEGMAZIE, fr. phlegmasie ; FLEGMON, fr. phlegmon ; FLER, fr. flair ; FLEŞĂ, fr. flèche ; FLEXIBILITATE, fr ; flexibilité ; FLEXIONAR, -Ă, fr. flexionnel ; FLEXURĂ, fr. flexure; FLICTENĂ, fr. phlyctène ; FLIRT, fr. flirt ; FLIRTA, fr. flirter ; FLIŞ, fr. flysch ; FLOCUL, fr. flocculi ; FLOGISTIC, -Ă, fr. phlogistique ; FLOGOPIT, fr. phlogopite ; FLORĂ, fr. flore ; FLORAL, -Ă, fr. floral ; FLOREAL, fr. floréal ; FLORENTIN, -Ă, fr. florentin ; FLORETĂ, fr. fleuret; FLORICOL, -Ă, fr. floricole ; FLORICULTURĂ, fr. floriculture ; FLORIFER, -Ă, fr. florifère ; FLORIST, -Ă, fr. fleuriste; FLOROGLUCINĂ, fr. phloroglucine ; FLOTA, fr. flotter ; FLOTĂ, fr. flotte ; FLOTABIL, -Ă, fr. flottable ; FLOTABILITATE, fr ; flottabilité ; FLOTANT, -Ă, fr. flottant ; FLOTAłIE, fr. flottation ; FLOTILĂ, fr. flottile ; FLOTOR, fr. flotteur ; FLU, fr. flou ; FLUAJ, fr. fluage ; FLUENT, -Ă, fr.

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fluent ; FLUENłĂ, fr. fluence ; FLUIDIC, -Ă, fr. fluidique ; FLUIDIFIANT, fr. fluidifiant ; FLUIDIFICA, fr. fluidifier ; FLUIDIZA , fr. fluidiser ; FLUOMETRU, fr ; fluomètre ; FLUOR, fr. fluor ; FLUORESCEINĂ, fr. fluorescéine ; FLUORESCÉNT, -Ă, fr. fluorescent ; FLUORESCENłĂ, fr. fluorescence ; FLUORFOSGÉN, fr. fluorphosgène ; FLUORHIDRIC, fr. fluorhydrique ; FLUORIMETRU, fr. fluorimètre ; FLUORINĂ fr ; fluorine ; FLUORIZA, fr. fluoriser ; FLUOROGRAFIE, fr. fluorographie ; FLUOROSCOP, fr. fluoroscope ; FLUOROZĂ, fr. fluorose ; FLUORURĂ, fr. fluorure ; FLUVIOMÉTRIC, -Ă, fr. fluviométrique ; FLUVIOMETRU, fr. fluviomètre ; FLUX, fr. flux ; FLUXIUNE, fr ; fluxion ; FLUXMETRU, fr. fluxmètre ; FOAIER, fr. foyer ; FOBIE, fr. phobie ; FOBIE, fr ; phobie ; FOBURG, fr. faubourg ; FOC2, fr. foc ; FOCAL, -Ă, fr. focal ; FOCALIZA, fr ; focaliser ; FOCOMELIE, fr. phocomélie ; FOCOMETRIC, -Ă, fr. focométrique ; FOCOMETRU, fr. focomètre ; FOFILA, fr. faufiler ; FOILETON, fr. feuilleton ; FOILETONIST, -Ă, fr. feuilletoniste; FOITAJ, fr. feuilletage ; FOLCLORIC, -Ă, fr. folklorique ; FOLCLORIST, Ă, fr. folkloriste ; FOLIAT, -Ă, fr. folié ; FOLIAłIE, fr. foliation ; FOLICUL, fr. follicule. ; FOLICULĂ, fr. follicule ; FOLICULINĂ, fr. folliculine ; FOLICULITĂ, fr. folliculite ; FOLIE2, fr. folie ; FOLIU, fr. folium ; FON, fr. phone ; FONAłIUNE, fr. phonation ; FONATOR, fr. phonateur ; FONCIERĂ, fr. foncière ; FOND, fr. fond ; FONDANT, -Ă, fr. fondant ; FONDATOR, -OARE, fr. fondateur ; FONDU, fr. fondu ; FONEM, fr. phonème ; FONEMATIC, -Ă, fr. phonématique ; FONÉMIC, -Ă, fr. phonémique ; FONETIC, -Ă, fr. phonétique ; FONETICIAN, -Ă, fr. phonéticien ; FONETISM, fr. phonétisme ; FONIATRIE, fr. phoniatrie ; FONIATRU, -Ă, fr. phoniatre ; FONIC, fr. phonique ; FONIE, fr. phonie ; FONOCARDIOGRAF, fr. phonocardiographe ; FONOCARDIOGRAMĂ, fr. phonocardiogramme ; FONOGRAF, fr. phonographe ; FONOGRAFIC, -Ă, fr. phonographique ; FONOGRAMĂ, fr. phonogramme ; FONOLOGIC, -Ă, fr. phonologique ; FONOLOGIE fr. phonologie ; FONOMÉTRIC, -Ă, fr. phonométrique ; FONOMETRIE, fr. phonométrie ; FONOMETRU, fr. phonomètre ; FONOTECĂ, fr. phonothèque ; FONTĂ, fr. fonte ; FORABIL, -Ă, fr. forable ; FORABILITATE fr. forabilité ; FORBAN, fr. forban ; FORCEPS, fr. forceps ; FORESTIER, -Ă, fr. forestier ; FOREZĂ, fr. foreuse ; FOREZIE, fr. phorésie ; FORFETAR, -Ă, fr. forfaitaire ; FORJA, fr. forger ; FORJĂ, fr. forge ; FORJABIL, -Ă, fr. forgeable ; FORJOR, fr. forgeur ; FORMALDEHIDĂ, fr. formaldéhyde ; FORMALINĂ, fr. formaline ; FORMALISM, fr. formalisme ; FORMALIST, -Ă, fr. formaliste ; FORMALITATE, fr. formalité ; FORMALIZA, fr. formaliser ; FORMANT, fr. formante ; FORMAT1, fr. format ; FORMATIV, -Ă, fr. formatif ; FORMIAT, fr. formiate ; FORMIC, -Ă, fr. formique ; FORMOL, fr. formol ; FORMULA, fr. formuler ; FORMULAR, fr. formulaire ; FORMULĂ, fr. formule ; FORT, fr. fort ; FORłAMENTE fr. forcément. Cf. it. f o r z a t a m e n t e ; FORTĂREAłĂ, fr. forteresse ; FORTIFIANT, -Ă, fr. fortifiant; FOSETĂ, fr. fossette ; FOSFAT, fr. phosphate ; FOSFATAZĂ, fr. phosphatase; FOSFATIC, -Ă, fr. phosphatique; FOSFATIDĂ, fr. phosphatide; FOSFENĂ, fr. phosphène; FOSFIT, fr. phosphite; FOSFOR, fr. phosphore; FOSFORAT, -Ă, fr. phosphoreé; FOSFORESCENT, -Ă, fr. phosphorescent; FOSFORESCENłĂ, fr. phosphorescence; FOSFORIC, -Ă, fr. phosphorique; FOSFORISM, fr. phosphorisme; FOSFORIT, fr. phosphorite; FOSFOROS, -OASĂ, fr. phosphoreux; FOSFOROSCOP, fr. phosphoroscope; FOSFURĂ, fr. phosphure; FOSGEN, fr. phosgène; FOSILIFER, -Ă, fr. fossilifère; FOSILIZA, fr.

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fossiliser; FOSTERIT, fr. fostérite; FOT, fr. phot; FOTO- fr. photo; FOTOBIOLOGIE, fr. photobiologie; FOTOCARTOGRAF, fr. photocartographe; FOTOCATALIZĂ, fr. photocatalyse; FOTOCATOD, fr. photocatode; FOTOCELULĂ, fr. photocellule; FOTOCERAMICĂ, fr. photocéramique; FOTOCHIMIC, -Ă, fr. photochimique; FOTOCHIMIE, fr. photochimie; FOTOCOLOGRAFIE, fr. photocollographie; FOTOCOLORIMETRU, fr. photocolorimètre; FOTOCONDUCTIBILITATE, fr. photoconductibilité; FOTOCONDUCłIE, fr. photoconduction; FOTOCONDUCTIV, fr. photoconductif; FOTOCONDUCTIVITATE, fr. photoconductivité; FOTOCOPIE, fr. photocopie; FOTOCROMIE, fr. photochromie; FOTOCROMOGRAFIE, fr. photochromographie; FOTOCROMOTIPOGRAFIE fr. photochromotypographie; FOTOCROMOXILOGRAFIE,fr. photochromoxilographie; FOTOCRONOGRAF, fr. photochronographe; FOTOCUPLOR, fr. photocoupleur; FOTODERMATOZĂ, fr. photodermatose; FOTODIODĂ, fr. photodiode; FOTOELASTICIMETRIE, fr. photoélasticimétrie; FOTOELASTICIMETRU, fr. photoélasticimètre; FOTOELASTICITATE, fr. photoélasticité; FOTOELECTRICITATE, fr. photoélectricité; FOTOELECTRON, fr. photoélectron; FOTOELEMENT, fr. photo-élément; FOTOENERGETICĂ, fr. photoénergétique; FOTOFOBIE, fr. photophobie; FOTOFON, fr. photophone; FOTOFONIE, fr. photophonie; FOTOFOR, -Ă, fr. photophore; FOTOFOREZĂ, fr. photophorèse; FOTOGEN, -Ă, fr. photogène; FOTOGENIC, -Ă, fr. photogénique; FOTOGENIE, fr. photogénie; FOTOGRAF, -Ă, fr. photographe; FOTOGRAFIA, fr. photographier; FOTOGRAFIC, -Ă, fr. photographique; FOTOGRAFIE, fr. photographie; FOTOGRAMĂ, fr. photogramme; FOTOGRAMMETRIE, fr. photogrammétrie; FOTOLITOGRAFIC, -Ă, fr. photolitographique; FOTOLITOGRAFIE, fr. photolitographie; FOTOLIU, fr. fauteuil. Cf. pol. Fo t e l ; FOTOLIZĂ, fr. photolyse ; FOTOLUMINESCENT, -Ă, fr. photoluminescent ; FOTOLUMINESCENłĂ, fr. photoluminescence; FOTOMECANICĂ, fr. photomécanique; FOTOMETALOGRAFIE, fr. photométalographie ; FOTOMETRIE fr. photométrie; FOTOMETRU, fr. photomètre; FOTOMICROGRAFIE, fr. photomicrographie; FOTOMICROSCOPIE, fr. photomicroscopie; FOTOMONTAJ, fr. photomontage; FOTOMULTIPLICATOR, fr. photomultiplicateur ; FOTON, fr. photon; FOTONASTIE, fr. photonastie; FOTONIC, -Ă, fr. photonique; FOTOPERIODISM, fr. photopériodisme; FOTOPILĂ, fr. photopile; FOTOREACłIE, fr. photoréaction; FOTORECEPTOR, fr. photorécepteur; FOTOREZISTIV, -Ă, fr. photorésistif; FOTOSCULPTURĂ, fr. photosculpture; FOTOSENSIBIL, -Ă, fr. photosensible; FOTOSENSIBILITATE, fr. photosensibilité; FOTOSENSIBILIZARE, fr. photosensibilisation; FOTOSFERĂ, fr. photosphère; FOTOSFERIC, -Ă, fr. photosférique; FOTOSINTETIC, -Ă, fr. photosynthétique; FOTOSINTEZĂ, fr. photosynthèse; FOTOTACTISM, fr. phototactisme; FOTOTAXIE, fr. phototaxie; FOTOTECĂ, fr. phototèque; FOTOTELEGRAF, fr. phototélégraphe; FOTOTELEGRAFIC, -Ă, fr. phototélégraphique; FOTOTELEGRAFIE, fr. phototélégraphie; FOTOTEODOLIT, fr. photothéodolite; FOTOTERAPIC, -Ă, fr. photothérapique; FOTOTERAPIE, fr. photothérapie; FOTOTIPIE, fr. phototypie ; FOTOTROPIE, fr. phototropie ; FOTOVOLTAIC, -Ă, fr. photovoltaïque; FOTOZINCOGRAFIE, fr. photozincographie; FOULARD, mot fr; FOURIERISM, fr. fouriérisme ; FOVISM, fr. fauvisme; FOXTERIER, fr. foxterrier ; FRAC, fr. frac; FRACłIONA, fr. fractionner; FRACłIONAR, -Ă, fr. fractionnaire; FRACTURA,

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fr. fracturer ; FRAGILITATE, fr. fragilité; FRAGMENTA, fr. fragmenter; FRAGMENTAR, -Ă, fr. fragmentaire; FRAGMENTAłIE, fr. fragmentation; FRAGRANłĂ, fr. fragrance; FRAMEE, fr. framée; FRÂNA, fr. freiner ; FRÂNĂ, fr. frein ; FRANC3, -Ă, fr. franc; FRANC4, -Ă, fr. franc; FRANC2, fr. franc; FRANC1, fr. franc; FRANCEINĂ, fr. francéine ; FRANCISCĂ, fr. francisque; FRANCISCAN, -Ă, fr. franciscain; FRANCIU, fr. francium; FRANCMASON, fr. franc-mason; FRANCMASONERIE fr. franc-maçonnerie; FRANCMASONIC, -Ă, fr. franc-maçonnique; FRANCOFIL, -Ă, fr. francophile; FRANCOFON, -Ă, fr. francophone; FRANCTIROR, fr. franc-tireur; FRANJ, fr. frange; FRANKLIN, fr. franklin; FRAPA, fr. frapper; FRAPANT, -Ă, fr. frappant; FRATERNIZA, fr. fraterniser; FRATRIE, fr. phratrie; FRAZA, fr. phraser; FRAZEOLOG, -Ă, fr. phraséologue ; FRAZEOLOGIC, -Ă, fr. phraséologique ; FRAZEOLOGIE, fr. phraséologie ; FREATIC, -Ă, fr. phréatique ; FRECVENłMÉTRU, fr. fréquencemètre ; FREDONA, fr. fredonner ; FRENCH-CANCAN mot fr. ; FRENÉTIC, -Ă, fr. frénétique ; FRENEZIE, fr. frénésie ; FRÉNIC, -Ă, fr. phrénique ; FRENOLOGIC, -Ă, fr. phrénologique ; FRENOLOGIE fr. phrénologie ; FREON, fr. fréon.

À l’intérieur de cette catégorie, on a trouvé des situations qui illustrent l’étymologie unique indirecte, telles: filtru 1, financiar ou forŃamente, dont l’origine proposée est française, mais pour lesquels on indique toujours avec cf. un autre modèle (italien, dans tous ces cas); le français pourrait représenter ici la filière de pénétration. En ce qui concerne les types sémantiques rencontrés, on remarque que la plupart des termes analysés entrent dans la catégorie des emprunts dénotatifs ou techniques, introduits certainement par la voie culte, écrite; mais on enregistre aussi des emprunts connotatifs ou stylistiques, tels: famat, familial, fana, facultativ, fantomă, farsă, febleŃe, feeric, ferm, filiaŃie, flagelat, fluent, etc. (il s’agit de mots qui ont en roumain des correspondants hérités du latin ou provenant du superstrat slave ou entrée par l’intermédiaire d’une toute autre langue que le français) ou tels : fantasmagoric, fantezie, fanfaron, fariseic, fatalism, festival, fineŃe, flata, formalitate, fotoliu, foulard – des mots qui désignent des réalités extralinguistiques pour lesquelles le roumain ne disposait pas d’un lexème adéquat. 2.2.Une autre catégorie des mots français pénétrés en roumain décelée dans notre corpus est celle des emprunts à étymologie multiple, c’est-à-dire des mots qui proviennent en roumain de plusieurs langues (le français, le latin savant, le néogrec, l’italien, l’espagnol, l’anglais, le russe et l’allemand) et dont le français occupe toujours la première ou la seconde place. Entrent dans cette catégorie les termes suivants:

FABIANISM, angl. fabianism, fr. fabianisme ; FABRICA, fr. fabriquer, lat. fabricare; FABRICĂ, fr. fabrique, rus. fabrika, alm. Fabrik; FABRICAłIE, fr. fabrication, lat. fabricatio ; FABULAłIE, fr. fabulation, lat. fabulatio ; FABULĂ, fr. fabulation, lat. fabulatio ; FABULOS, -OASĂ, fr. fabuleux, lat. fabulosus; FACSIMIL, fr. fac-similé, lat. fac simile ; FACłIOS, -OASĂ, fr. factieux, lat.

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factiosus ; FACłIUNE, fr. faction, lat. factio, -onis; FACTOR, fr. facteur, lat. factor; FACIES, lat. facies, fr. faciès ; FACIL, -Ă, fr. facile, lat. facilis ; FACILITATE, fr. facilité, lat. facilitas, -atis ; FACTOTUM, fr. factotum, lat. fac totum, FACTURĂ1 , fr. facture, lat. factura; FACULTATE, fr. faculté, lat. facultas, -atis; FADING, angl., fr. fading; FAIANłĂ, fr. faïence, it. faenza; FAIMOS, -OASĂ, fr. fameux, lat. famosus ; FALSIFICA, fr. falsifier, lat. falsificare; FAMELIC, -Ă, fr. famélique, lat. famelicus ; FAMILIAR, -Ă, fr. familier, lat. familiaris ; FAMILIARITATE, fr. familiarité, lat. familiaritas, -atis ; FAN, angl., fr. fan ; FANATIC, -Ă, fr. fanatique, lat. fanaticus; FANDANGO fr., esp. fandango; FANTASTIC, -Ă, fr. fantastique, lat. phantasticus ; FAR, fr. phare, lat. pharus, it. faro ; FARADIC fr. faradique, alm. Faradisch ; FARADMETRU, fr. faradmètre, angl. faradmeter ; FARINACEU, -EE, fr. farinacé, lat. farinaceus; FARMACEUTIC, -Ă, fr. pharmaceutique, lat. pharmaceuticus ; FARMACIE, fr. pharmacie, lat. pharmacia ; FASCICUL, fr. fascicule, lat. fasciculus ; FASCINA, fr. fasciner, lat. fascinare ; FASCINĂ, it. fascina, fr. fascine ; FASCINAłIE, fr. fascination, lat. fascinatio ; FASCINATOR, -OARE, fr. fascinateur, lat. fascinator, -oris ; FASCISM, it. fascismo, fr. fascisme ; FASCIST, -Ă, it. fascista, fr. fasciste ; FAST2, -Ă, fr. faste, lat. fastus ; FASTIDIOS, -OASĂ, fr. fastidieux, lat. fastidiosus ; FASTUOS, -OASĂ, fr. fastueux, lat. fastuosus ; FATAL, -Ă, fr. fatal, lat. fatalis ; FATALITATE, fr. fatalité, lat. fatalitas, -atis ; FATALMENTE, it. fatalmente, fr. fatalement ; FATIDIC, -Ă, fr. fatidique, lat. fatidicus ; FATUITATE fr. fatuité, lat. fatuitas, -atis ; FAVORABIL, -Ă, fr. favorable, lat. favorabilis ; FAVORIT, -Ă, fr. favori, -ite, it. favorito, (3) et rus. favorit ; FAZAN, rus. fazan. Cf. fr. f a i s a n ; FEBRIFUG, -Ă, fr. fébrifuge, lat. febrifugia; FEBRIL, -Ă, fr. fébrile, lat. febrilis ; FECULĂ, fr. fécule, lat. faecula ; FECUND, -Ă, fr. fécond, lat. fecundus ; FECUNDA, fr. féconder, lat. fecundare ; FECUNDITATE, fr. fécondité, lat. fecunditas, -atis ; FEDERAT, lat. foederatus, fr. fédéré ; FELDMAREŞAL, alm. Feldmarschall, fr. feld-maréchal, rus. fel''dmaršal; FELDSPAT, alm. Feldspat, fr. feldspath; FELIN, -Ă, fr. félin, lat. felinus ; FELUCĂ, fr. félouque, it. felucca; FEMELĂ, fr. femelle, lat. femella ; FEMININ, -Ă, fr. féminin, lat. femininus ; FEMINISM, fr. féminisme, rus. feminizm ; FENIX, fr. phénix, lat. phoenix ; FENOMENALISM, rus. fenomenalizm, fr. phénoménalisme ; FERIBOT, fr., angl. ferry-boat ; FERMENT, fr. ferment, lat. fermentum ; FERMENTA, fr. fermenter, lat. fermentare ; FERMENTAłIE, fr. fermentation, lat. fermentatio ; FEROCE fr. feroce, lat. ferox, -cis ; FEROCITATE, fr. férocité, lat. ferocitas, -atis ; FERODO, fr., angl. ferrodo ; FEROMON, angl. pheromone, fr. phéromone ; FEROVIAR, -Ă, fr. ferroviaire, it. ferroviario ; FERTIL, -Ă, fr. fertile, lat. fertilis ; FERTILITATE, fr. fertilité, lat. fertilitas, -atis ; FERVENT, -Ă, fr. fervent, lat. fervens, -ntis ; FERVOARE, fr. ferveur, lat. fervor, -oris ; FESTIVITATE, fr. festivité, lat. festivitas, -atis ; FETID, -Ă, fr. fétide, lat. foetidus ; FETUS, lat., fr. fœtus ; FEUDAL, -Ă, it. feudale, fr. féodal ; FEUDALISM, it. feudalismo, fr. féodalisme ; FEUDALITATE, it. feudalità, fr. féodalité ; FIBRĂ, fr. fibre, lat. fibra ; FICłIUNE, fr. fiction, lat. fictio, -onis ; FIDEIUSIUNE, fr. fidéjussion, lat. fidejussio, -onis ; FIDEL, -Ă, fr. fidèle, lat. fidelis ; FIDELITATE, fr. fidélité, lat. fidelitas, -atis ; FIDER, angl., fr. feeder ; FIDUCIAR, -Ă, fr. fiduciaire, lat. fiduciarius ; FIGURĂ, fr. figure, lat. figura ; FIGURAT, -Ă, fr. figuré, lat. figuratus ; FIGURAłIE, fr. figuration, lat. figuratio ; FILA, fr. filer, lat. filare ; FILAMENT, fr. filament, lat. filamentum ; FILER2, fr, angl., filer ; FILMIC, -Ă, fr. filmique, angl. filmic ; FILOZOF, -OAFĂ, néogr.

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philOsophos, fr. philosophe ; FILOZOFA, fr. philosopher, lat. philosophari ; FILOZOFIE, néogr. philosophia, fr. philosophie ; FINAL, -Ă, fr. final, lat. finalis; FINALMENTE, fr. finalement, it. finalmente ; FINANłE, fr. finance, it. finanza ; FINE, it. fine, fr. fin, enfin ; FINI, fr. finir, lat. finire ; FINIŞ, angl., fr. finish ; FINLANDEZ, -Ă, fr. finlandais, it. finlandese ; FINO-UGRIC, -Ă, fr. finno-ougrien, alm. finnisch-ugrisch ; FIRMAMENT, fr. firmament, lat. firmamentum ; FISC, fr. fisc, it. fisco ; FISURĂ, fr. fissure, lat. fissura ; FITOTERAPIE, alm. Phytotherapie, fr. phytothérapie; FIX, -Ă, fr. fixe, lat. fixus ; FLAGELA, fr. flageller, lat. flagellare ; FLAGELAłIE, lat. flagellatio, fr. flagellation ; FLAMĂ, fr. flamme, lat. flamma; FLAMIN, fr. flamine, lat. flamen, -inis; FLEXIBIL, fr. flexible, lat. flexibilis; FLEXIUNE, fr. flexion, lat. flexio, -onis; FLORILEGIU, it. florilegio, fr. florilège; FLORIN, alm. Florin, fr. florin; FLORISTIC, -Ă, alm. floristisch, fr. floristique; FLUCTUA, fr. fluctuer, lat. fluctuare; FLUCTUANT, -Ă, fr. fluctuant, lat. fluctuans, -ntis; FLUCTUAłIE, fr. fluctuation, lat. fluctuation; FLUID, -Ă, fr. fluide, lat. fluidus; FLUVIAL, -Ă, fr. fluvial, lat. fluvialis; FLUVIATIL, - Ă, fr. fluviatile, lat. fluviatilis; FOAIE, lat. folia, (4) selon le fr. feuille; FOCĂ, fr. phoque, lat. phoca; FOEHN, fr. foehn, alm. Föhn; FOLCLOR, fr., angl. folklore; FOLIACEU, -EE, fr. foliacé, lat. foliaceus ; FOLIO, lat. [in]folio, fr. folio; FOLIOLĂ, fr. foliole, lat. foliolum; FONTANELĂ, fr. fontanelle, lat. fontanella; FOR, (2) lat. forum, (3) fr. for; FORA, fr. forer, lat. forare; FORAMEN, lat., fr. foramen; FORFET, fr., angl. forfeit; FORMA, fr. former, lat. formare; FORMĂ, fr. forme, lat. forma; FORMAL, -Ă, fr. formel, lat. formalis; FORMAłIE, fr. formation, lat. formatio, -onis; FORMIDABIL, -Ă, fr. formidable, lat. formidabilis; FORMULĂ, fr. formule, lat. formula; FORłA, fr. forcer, it. forzare; FORłĂ, fr. force, it. forza; FORTIFICA, lat. fortificare, fr. fortifier; FORTIFICAłIE, fr. fortification, lat. fortificatio; FORTRAN angl., fr. fortran; FORTUIT, -Ă, fr. fortuit, lat. fortuitus; FORUM, lat., fr. forum; FOSĂ, fr. fosse, lat., it. fossa; FOSIL, -Ă, fr. fossile, lat. fissilis; FOTBAL, angl., fr. football; FOTOCONDUCTOR, -OARE, fr. photoconducteur, angl. fhotoconductor; FOTOEMISIE, fr. photo-émission, angl. photoemission ; FOTOFINIŞ, fr., angl. photo-finish; FOTOGRAMMETRU, alm. Photogrammeter, fr. Photogrammètre ; FOTOREPORTAJ, fr. photoreportage, rus. fotoreportaj ; FOTOTOPOGRAFIE, alm. Phototopographie, fr. phototopographie; FOTOTROPISM, fr. phototropisme, alm. Phototropismus ; FOX, fr., angl. fox ; FRACłIE, fr. fraction, lat. fractio ; FRACłIUNE, fr. fraction, lat. fractio, -onis ; FRACTURĂ, fr. fracture, lat. fractura ; FRAGIL, -Ă, fr. fragile, lat. fragilis ; FRAGMENT, fr. fragment, lat. fragmentum ; FRAGRANT, -Ă, fr. fragrant, lat. fragrans, -ntis ; FRANCEZ, -Ă, it. francese, fr. français; FRANCO, fr., it. franco ; FRATERNITATE, fr. fraternité, lat. fraternitas, -atis ; FRATRICID, fr. fratricide, lat. fratricida ; FRAUDĂ, fr. fraude, lat. fraus, fraudis ; FRAUDA, fr. frauder, lat. fraudare ; FRAUDULOS, -OASĂ, fr. frauduleux, lat. fraudulosus ; FRAZĂ, fr. phrase, lat. phrasis; FRECVENTA, lat. frequentare, fr. frequenter ; FRECVENłĂ, lat. frequentia, fr. fréquence ; FRECVENTATIV, -Ă, lat. frequentativus, fr. frequentatif, -ve; FREGATĂ, fr. frégate, it. fregata.

Pour ce qui est de cette catégorie on observe les situations suivantes:

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- dans tous les cas analysés, le français représente - du point de vue de la fréquence des entrées – la première source en combinaison primo avec le latin, secondo avec l’italien et, en troisième lieu, avec l’anglais; - il y a peu de situations où le français est associé à des langues non romanes, dont on à déjà mentionné l’anglais, mais il faut nommer (toujours dans l’ordre de la fréquence) aussi le russe, l’allemand ou le néogrec; Il est très important de souligner que tant sous (a) que sous (b) il s’agit de situations d’étymologie multiple externe, dans certains cas, le français représentant non pas la langue source de l’étymon, mais une voie, une filière de pénétration de certains emprunts en roumain. Il s’agit plus précisément dans ce cas de l’étymologie multiple indirecte illustrée par des mots tels: film, fotbal, faianŃă, fandango, etc.; - il y a aussi une seule situation où la première source indiquée n’est pas le français, mais une langue slave, le russe. Il s’agit du mot fazan pour lequel on mentionne pourtant avec cf. le modèle français: faisan. En ce qui concerne les types sémantiques rencontrés, on observe toujours une proportion élevée d’emprunts dénotatifs ou techniques, sans que l’autre catégorie, celle des emprunts connotatifs ou stylistiques, soit absente. Il nous semble très important de souligner l’existence des situations où seulement un certain sens a pour étymologie multiple le français et une autre langue. En ce qui concerne le français, l’analyse du corpus relève : - le cas où seulement l’une des significations d’un mot est d’origine française (for, (2) lat. forum, (3) fr. for); - le cas où seulement l’une des significations d’un mot peut représenter un calque selon un modèle français (foaie, lat. folia, (4) selon le fr. feuille). L’importance de l’étymologie pour la correction des articles lexicographiques est illustrée par les mots homonymes, tels : filtru avec : (1) l’étymologie unique française pour le mot filtre1, «dispozitiv, aparat sau instalaŃie cu care se separă, cu ajutorul unui material filtrant, un fluid de particule solide […]» – mais avec cf. on indique aussi la forme italienne, filtro - et (2) l’étymologie unique française pour le mot livresque filtre2 «băutură căreia i se atribuie puteri miraculoase […]». Dans la même situation se trouvent soit des mots tels : falangă1, fentă1, etc. pour lesquels on propose seulement l’étymologie unique française, soit des mots tels: factură1, filer2 qui entrent dans la catégorie des emprunts d’origine française à étymologie multiple. 3. En guise de conclusion L’étude des emprunts d’origine française du roumain du point de vue des critères qui indiquent l’étymologie s’avère une source inépuisable pour les recherches linguistiques, étant donné, d’un côté, les situations étymologiques diverses qu’on peut y rencontrer et, de l’autre côté, les différentes variations diachroniques, diastratiques, diaphasiques qui caractérisent tant la langue source que la langue cible. L’analyse de notre corpus relève clairement tant l’importance fondamentale de l’influence française pour le caractère moderne du roumain, que la

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grande disponibilité du roumain pour ce qui est de l’assimilation et de l’adaptation des néologismes. *Mihaela Popescu, Analele UniversităŃii din Craiova. Seria Langues et Littératures romanes, 2009, p. 205-221. BIBLIOGRAPHIE Études Avram, Mioara (1982), « Contacte între română şi alte limbi romanice », in SCL 3:

253-259. Coteanu, Ion / Marius Sala (1987), Etimologia şi limba română. Principii –

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LES REFLETS DE L’INFLUENCE FRANÇAISE SUR LE LEXIQUE DU ROUMAIN*

1. Introduction Notre communication se propose d’illustrer ce que nous avons appelé les ‹reflets› de l’influence du français sur le lexique de la langue roumaine, c’est-à-dire la diversité de formes sous lesquelles se manifeste cette influence, en essayant d’en proposer une catégorisation et de relever les problèmes épineux que soulève l’analyse linguistique dans ce domaine.

Nous considérons nécessaire de commencer par une brève présentation de la situation, un peu particulière, de la langue roumaine dans le cadre de la Romania. À l’écart de l’évolution de la romanité occidentale, l’évolution du roumain est marquée, à ses débuts, par une forte influence slave, suivie de près de celle du néogrec. En fait, l’histoire sociale et culturelle des Roumains s’est déroulée, jusqu’à l’époque moderne, «le visage tourné vers l’Orient», comme le remarquait Sextil Puşcariu (http://www.ziarullumina.ro/articole; 1357;1;18405;0;Miracolul-supravietuirii-noastre-a-fost-limba.html). Par exemple, les Roumains, le seul peuple orthodoxe d’origine latine, n’a pas utilisé le latin, à l’instar de la romanité occidentale, dans les écoles, l’administration et, surtout, comme langue du culte religieux: «Comparez les textes religieux et vous verrez que là où chez nous il y a un élément slavon, dans d’autres langues romanes il y a un élément latin savant.» (Marius Sala)1. Mais, suite aux contacts avec les langues de culture de l’Europe occidentale, le roumain a abouti à connaître, à partir de la fin du XVIIIe siècle, mais surtout tout au long du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, un ample processus de modernisation de sa structure, en général, et de son vocabulaire, en particulier: «La pénétration massive de mots français qui ont remplacé les mots plus anciens d’origine non romane a eu pour conséquence le changement du pourcentage étymologique du vocabulaire roumain en faveur des mots romans, phénomène qui est connu sous le nom de ‹reromanisation›.» (Şora 2006: 1728)

L’insertion des termes néologiques d’origine française dans le lexique de cette langue a été faite dans les domaines les plus variés de l’activité humaine, contribuant ainsi à la redéfinition de la physionomie lexicale du roumain. En effet, la terminologie scientifique et technique, sociale, politique, administrative, juridique, économique, artistique, etc. n’est plus à concevoir aujourd’hui sans l’apport quantitatif et qualitatif des mots d’origine française. L’appréciation du

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grand linguiste suédois Alf Lombard (1969: 646) à cet égard est plus que relevante: il considère ce phénomène de reromanisation comme «unique au monde, en ce qui concerne ‹les emprunts à distance›». Certes, l’emprunt a représenté souvent la solution la plus viable pour l’enrichissement de l’inventaire des éléments lexicaux du roumain. Mais ce phénomène s’avère d’une remarquable complexité, recouvrant une grande diversité de situations, que nous nous proposons de mettre en évidence, avec des exemples tirés des dictionnaires explicatifs et étymologiques de cette langue, ce qui constitue d’ailleurs un premier objectif de notre communication. 2. L’influence française Une appréciation de l’influence qu’une langue peut exercer sur une autre, en nous limitant strictement au domaine du lexique, pourrait prendre en compte les aspects suivants: 2.1. Les emprunts Ils sont envisagés au sens d’«unité acquise à travers un processus d’intégration d’une unité appartenant à une autre langue» (Buchi 2010: 5), ‹gallicismes›, pour le cas pris en compte, selon la terminologie proposée par André Thibault (cf. Thibault 2009). Ceux-ci, en remontant leur filière, peuvent venir du français ou de plusieurs langues à la fois. On distingue à cet égard: (i) Des mots à étymon français bien établi, par exemple unitar (du fr. unitaire), jurnal (du fr. journal), pactiza (du fr. pactiser), etc. (ii) Des mots à étymologie multiple y compris française, par exemple: umanitate (du lat. humanitas, -atis, fr. humanité), pachet (du fr. paquet, all. Paket), etc. (iii) Des mots pour lesquels les dictionnaires proposent d’autres étymologies, mais renvoient également au français, par exemple: uzufructuar (du lat. usufructuarius, cf. fr. usufruitier), palat2 (du lat., it. palatum, cf. fr. palais), etc. (iv) Des dérivatifs – suffixes et préfixes –, par exemple: neo- (du fr. néo-), -aj (du fr. -age), etc. 2.2. Les calques C’est un procédé par lequel s’enrichissent le lexique et la phraséologie d’une langue. On en distingue, grosso modo, trois sous-classes, bien représentées dans le cas du roumain (v. à ce sujet Stanciu-Istrate 2006): (i) Les calques de structure, quand un mot roumain, dérivé ou composé, imite ‹la forme interne› du mot français, par exemple: ultramodernist (formé de ultra- + modernist, d’après le fr. ultramoderniste), ceas-brăŃară (d’après le fr. montre-bracelet), câine-lup (d’après le fr. chien-loup), nou născut (d’après le fr. nouveau-né). (ii) Les calques phraséologiques par lesquels est calquée la structure d’une expression ou locution, comme par exemple: prendre la parole, traduit en roumain par a lua cuvântul, faire acte de présence, traduit par a face act de prezenŃă, etc.

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(iii) Les calques sémantiques (appelés aussi emprunts sémantiques), quand des mots plus vieux ont enrichi leur contenu sémantique sous l’influence des termes français correspondants: undă (< lat. UNDA), avec le sens moderne de ‹propagation d’une oscillation […]› d’après le fr. onde, ou rădacină (< lat. RADICINA), avec les sens spécialisés utilisés en linguistique, en mathématiques: rădăcina unui cuvânt / a unei ecuaŃii, d’après le fr. racine d’un mot / d’une équation, etc. 2.3. Les dérivés Il s’agit des dérivés formés sur le terrain de la langue roumaine à partir de bases empruntées (et la difficulté qu’il y a de dissocier entre les mots dérivés en français et les créations internes – cf. infra 3.1.). Par exemple autour du verbe a aborda (du fr. aborder), s’est formée une riche famille lexicale: abordare, reabordare, abordat, neabordat, abordabil, neabordabil. 2.4. D’autres catégories À cela s’ajoutent d’autres catégories, qui ne feront pas l’objet de cette communication, telles que: (i) L’emprunt phonétique et / ou graphique – lié étroitement à celui lexical, par exemple: nescafé (écrit avec accent) ou bleu (l’unique occurrence du phonème [ø] en roumain, dans un mot assimilé)2. (ii) L’emprunt syntaxique (les phénomènes d’interférence syntaxique et phraséologique), en notant toutefois que la syntaxe française «a contribué substantiellement à la modernisation de la structure de la phrase roumaine qui devient plus claire, plus souple et en même temps plus simple». (Şora 2006: 1734) 3. Analyse de corpus En deuxième lieu, l’analyse que nous proposons sera focalisée sur un échantillon plus restreint (une seule lettre), afin de cerner de plus près le phénomène discuté, en mentionnant les divers cas rencontrés dans l’analyse entreprise. Nous nous proposons également de faire un parallèle entre les dictionnaires de base de la langue roumaine, explicatifs et / ou étymologiques, pour mettre en évidence le traitement lexicographique, unitaire ou différencié, dans l’interprétation d’un même aspect linguistique. Nous avons utilisé comme point de départ de cette analyse le DEX 1998, le dictionnaire explicatif le plus usuel de la langue roumaine, en l’illustrant par la lettre U (comportant 660 mots-titre). L’élément lexical d’origine française y est représenté de la manière suivante: - 167 mots pour lesquels le DEX indique un étymon exclusivement français; - 56 mots à étymologie multiple, y compris française; - 10 mots à étymologie hésitante et des calques, pour lesquels on fait des renvois au français par les formules cf. fr., d’après le fr., par exemple: unigland (cf. fr. uniglandé), uperizare (d’après le fr. upérisation), etc. L’ensemble du fonds lexical d’origine française (pour la lettre U) remonte donc à 233 unités (mots à étymologie française exclusive ou multiple, plus les

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calques et les renvois au français par la formule cf.), soit 35% sur l’ensemble du corpus analysé, ce qui donne une idée de l’ampleur de cette influence3. Quant aux mots à étymologie hésitante dans le DEX, une comparaison avec les solutions offertes par le DLR, le dictionnaire trésor de la langue roumaine, et le CDER, le seul dictionnaire étymologique proprement dit, ne fait que mettre en évidence les hésitations des lexicographes. Y sont ainsi enregistrées diverses solutions et formules qui marquent l’existence d’un lien avec le mot français, considéré comme source – directe ou indirecte – du mot roumain. Par exemple: - d’après le fr.: umbeliferă (DEX), uniembrionar (DEX), unigland (DLR), uniovulat (DEX), uperizare (DEX, DLR); - cf. fr.: uniembrionar (DLR), unificator (DEX), unigland (DLR), uniovulat (DEX), uzufruct (DEX, DLR); - les mêmes mots peuvent être considérés comme venant directement du français: umbeliferă (DLR), unificator (DLR), uniovulat (DLR), uzufructuar (CDER) ou du latin savant: uzufruct (CDER). Donc, des situations assez confuses, avec des contradictions entre les sources, qui se trouvent dans l’impossibilité de trancher net en faveur d’une solution unique et définitive. Et tout cela parce qu’une analyse étymologique du fonds lexical d’origine française se heurte à deux obstacles majeurs, points litigieux de toute analyse de ce type, que nous appellerons ‹étymologies controversées›: les mots dérivés et les mots à étymologie multiple. 3.1. Les mots dérivés Un problème des plus délicats s’avère en effet celui de mots formés avec des affixes productifs en roumain actuel. Cette question a surtout préoccupé les linguistes dans le cas de la distinction entre les mots d’origine latine dérivés: hérités tels quels ou formés dans une langue romane (en l’occurrence le roumain). Elle se pose avec la même acuité dans le cas des emprunts. Se rapportant aux emprunts au français, Sanda Reinheimer Rîpeanu (1989: 374) donne des exemples de formations suffixées, nombreuses en roumain: lexical, licitaŃie, manevrabil, maleabilitate, concretiza, qui ont des chances égales d’être formées dans cette langue ou de représenter des emprunts au français, alors que Maria Iliescu (1959) s’est occupée des adjectifs en -bil (acceptabil, adaptabil, calculabil), qui peuvent être soit des dérivés à partir des verbes accepta, adapta, calcula, soit des emprunts. Nous exemplifions cette situation avec quelques dérivés puisés dans notre corpus, formés avec ultra-, préfixe au sens de ‹au-delà de›, qui s’attache volontiers soit à des substantifs (d’habitude appartenant au vocabulaire politique, idéologique) soit à des adjectifs, pour marquer un degré d’intensité. De telles formations sont nombreuses, le roumain étant capable de créer constamment des dérivés de ce type à partir de bases nominales et adjectivales. Mais leur situation, du point de vue des indications étymologiques, est différente dans les principaux ouvrages lexicographiques du roumain. 3.1.1. Sont considérés comme formés en roumain

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(i) Dans le DEX et le DLR: ultracentral, ultracondensor, ultraconfortabil, ultraconservator, ultrademagog, ultrademocrat, ultraeficient, ultraelaborat, altraaccidental, ultraprogresist, ultrarafinat, ultramodernist, ultrarapid, ultrareacŃionar, ultrascurt, ultrasecret, ultraspecial (ii) Seulement dans le DLR (car ces formations manquent du DEX): ultraabundent, ultraconfidenŃial, ultrademocratic, ultraindiferent, ultraeterat, ultrafin, ultragrotesc, ultraleal, ultraluxos, ultranaŃional, ultranaŃionalist, ultraomagial, ultrapesimist, ultraretrograd C’est de toute évidence une liste ouverte, un grand nombre d’adjectifs comportant des degrés d’intensité étant aptes à se combiner avec le formatif en question. C’est un critère ‹fonctionnel› (c’est-à-dire la position de l’affixe à l’intérieur du système dérivatif de la langue et surtout le rapport entre l’affixe et la base) permettant de juger du statut du mot dérivé: l’affixe ultra- a une position ‹forte› et présente des latitudes combinatoires privilégiées avec les bases en question, possibles arguments en faveur de l’hypothèse que le mot a été formé en roumain. 3.1.2 Sont considérés comme des emprunts au français (i) Dans le DEX et le DLR: ultrabazic, ultrafiltru, ultramicrochimie, ultramiscroscopic, ultramiscroscopie, ultramodern, ultramontanism, ultrasonic, ultrasonografie, ultrastructură, ultraviolet, ultravirus (ii) Seulement dans le DLR: ultramontan, ultrapresiune, ultrarevoluŃionar On remarque que la plupart sont des termes techniques, spécialisés dans un domaine précis, souvent de pointe, ce qui peut expliquer leur emprunt en tant que dérivés, entrés en même temps que leurs référents. 3.1.3. Le cas des étymologies incertaines Les cas de désaccords entre les dictionnaires ne sont pas négligeables: les mots sont considérés comme dérivés en roumain ou empruntés au français; souvent sont prises en compte les deux hypothèses; parfois l’hésitation des lexicographes se cache derrière des formules neutres, comme cf. fr., ou bien on invoque le modèle français par le recours à la formulation d’après le fr. Tels sont les cas de:

ULTRAACUSTIC: ultra- + acustică, cf. fr. ultraacoustique (DEX); du fr. ultraacoustique, all. ultraakustik (DLR); cf. all. ultraakustik (DN)6

ULTRAFILTRARE: ultra- + filtrare, cf. fr. ultrafiltration (DLR); d’après le fr. ultrafiltration (DN) ULTRASENSIBIL: ultra- + sensibil, cf. fr. ultrasensible (DEX, DLR); cf. fr. ultrasensible (DN) ULTRALIBERAL: ultra- + liberal (DEX); ultra- + liberal, cf. fr. ultralibéral (DLR); cf. fr. ultralibéral (DN) ULTRALIBERALISM: ultraliberal + -ism (DEX, DN); ultra- + liberalism, cf. fr. ultralibéralisme (DLR)

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ULTRAMARIN: de l’all. Ultramarin, fr. ultramarine (DEX); ultra- + marin, cf. fr. outremer (DLR); du fr. ultramarine (DN) ULTRAMICRON: ultra- + micron (DEX); du fr. ultramicron (DLR, DN) ULTRAREGALIST: ultra- + regalist, cf. fr. ultraroyaliste (DLR); d’après le fr. ultraroyaliste (DN) ULTRASONOR: ultra- + sonor (DEX); du fr. ultrasonore (DLR); cf. fr. ultrasonore (DN) ULTRASONOTERAPIE: ultrasonic + terapie (DEX); du fr. ultrasonothérapie (DLR); cf. fr. ultrasonothérapie (DN)

Il n’est pas difficile d’admettre les raisons objectives pour lesquelles on enregistre tant d’étymologies contradictoires: dans la plupart des cas il est impossible de dire si le dérivé est roumain, d’après un modèle courant, ou emprunté tel quel au français. 3.2. Les mots à étymologie multiple Dans le cas de la langue roumaine il est souvent bien difficile de déterminer la voie de pénétration de nombreux néologismes: leur forme permet de leur attribuer plusieurs sources, alors que la date de leur première attestation n’est souvent pas mentionnée dans les dictionnaires. Les emprunts à étymologie multiple (concept introduit par Al. Graur en 1950) regroupent des mots qui ont pénétré par plusieurs voies. C’est d’ailleurs un principe qui a été adopté par la majorité des chercheurs pour l’explication du vocabulaire néologique du roumain. Dans le corpus choisi pour la lettre U nous avons enregistré 62 emprunts pour lesquels le DEX propose la solution d’une étymologie multiple, y compris française. Sur cet ensemble: 1. sont considérés comme venant du français et du latin savant: 38 mots (soit 61%) 2. en deuxième position viennent les formations qui associent le français et l’allemand: 10 3. français et anglais: 8 4. français et italien: 3 5. français, italien et latin savant: 2 6. français et russe: 1 Mais dans les trois dictionnaires confrontés (le DEX, le DLR et le CDER) nous avons relevé 93 mots à étymologie multiple y compris française. Tout comme dans le cas précédemment discuté, celui des mots dérivés, de nombreuses contradictions apparaissent entre les trois sources. Rares sont les cas de concordances: 27 formes sur les 93 enregistrées dans deux ou trois des dictionnaires utilisés:

ULCER (du fr. ulcère, lat. ulcus, -eris), ULSTER (de l’angl., fr. ulster), ULTERIOR (du fr. ultérieur, lat. ulterior), ULTRAMICROSCOP (du fr. ultramiscroscope, all. Ultramikroscop), UMANISM (du fr. humanisme, all. Humanismus), UMANITATE (du lat. humanitas, -atis, fr. humanité), UMBELĂ (du lat. umbella, fr. ombelle), UMECTA (du fr. humecter, lat. humectare), UMIDITATE (du fr. humidité, lat. humiditas, -atis), UNANIMITATE (du fr. unanimité, lat. unanimitas, -atis), UNCIAL (du lat. uncialis, fr. oncial), UNGULAT (du lat. ungulata, fr. ongulés), UNICUSPID (du fr. unicuspidé, angl.

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unicuspid), UNIFORMITATE (du fr. uniformité, lat. uniformitas, -atis), UNIVERSAL (du fr. universel, lat. universalis), UNIVERSALITATE (du fr. universalité, lat. universalitas, -atis), UNIVERSITATE (du fr. université, lat. universitas, -atis), UNIVOC (du fr. univoque, lat. univocus), UPERCUT (de l’angl., fr. uppercut), URALIT (de l’all. Uralit, fr. uralite), URINĂ (du fr. urine, lat urina), URNĂ (du fr. urne, lat. urna), UT (de l’all. Ut, fr. ut), UTER (du lat. uterus, fr. utérus), UTILITATE (du fr. utilité, lat. utilitas, -atis), UVULĂ (du fr. uvule, lat. uvula), UZURPAłIUNE (du fr. usurpation, lat. usurpatio, -onis)

Dans tous les autres cas, les indications des dictionnaires sont contradictoires, par exemple:

ULTIMATIV: du fr. ultimatif (DEX); du fr. ultimatif, it. ultimativo (DLR) ULTIMATUM: du fr. ultimatum, all. Ultimatum (DEX); du fr. ultimatum, all. Ultimatum, lat. méd. ultimatus (DLR) UMBRELĂ: du fr. ombrelle (DEX, DLR); de l’it. ombrella, fr. ombrelle (CDER) UNGUENT: du lat. onguentum (DEX); du lat. onguentum, fr. onguent (DLR) UNIC: du lat. unicus, fr. unique (DEX, DLR); du fr. unique (CDER) UNICORN: du fr. unicorne (DEX); du lat. unicornus, fr. unicorne, it. unicorno (DLR) URGENT: du fr. urgent, lat. urgens, -ntis (DEX, DLR); de l’it. urgente, fr. urgent (CDER)

Une remarque: le CDER entre le plus souvent en contradiction avec les deux autres dictionnaires, par la parcimonie avec laquelle il recourt à la solution de l’étymologie multiple (ce qui est logique d’ailleurs, la première édition a été publiée en 1958-59, fruit de nombreuses années de travail, alors que Graur lance le terme et le concept d’étymologie multiple en 1950). C’est pourquoi dans bien des cas, ce dictionnaire indique un étymon français là où les deux autres ouvrages font appel à deux ou plusieurs sources pour indiquer l’origine d’un mot roumain, par exemple:

URBAN: du fr. urbain, lat. urbanus (DEX, DLR); fr. urbain (CDER) UNIFICA: du fr. unifier, it., lat. unificare (DEX, DLR); fr. unifier (CDER) et ainsi de suite.

4. Conclusions Les conclusions de notre analyse portent principalement sur deux aspects: 1. Aspects d’ordre général - La réaffirmation de l’importance, quantitative et qualitative, de l’élément lexical français pour l’enrichissement et la modernisation du vocabulaire de la langue roumaine ainsi que la redéfinition de sa physionomie lexicale néo-latine. - Les formes multiples sous lesquelles se manifeste l’influence du français: mots d’origine française exclusive, mots à étymologie multiple, mots calqués sur le français; mots pour lesquels les dictionnaires proposent d’autres étymologies, mais renvoient également au français. - Le rôle du français en tant que filière de pénétration pour les mots d’autres origines, notamment les mots latins savants. Dans le cas de l’échantillon envisagé ils sont quasi tous (un peu plus de 90%) entrés en roumain par le biais du

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français, contribuant ainsi au renforcement du caractère roman de la langue roumaine. 2. La corrélation entre les aspects de la théorie linguistique et ceux de l’activité lexicographique, par l’analyse effectuée sur les mots du corpus choisi et la comparaison entre les solutions offertes par les dictionnaires pris en compte. Il en a résulté que les points faibles qui attendent encore une tentative de solution de la part des linguistes sont représentés par les mots à étymologie controversée: (i) les mots où il n’y a pas moyen de faire une distinction nette entre emprunt et création interne et (ii) les mots pour lesquels sont proposées diverses étymologies multiples. Une nouvelle approche des catégories discutées s’avère ainsi plus que nécessaire, les solutions offertes par les dictionnaires étymologiques ou explicatifs étant à prendre avec une certaine réticence, surtout que, souvent, elles paraissent être le résultat d’une option personnelle de l’auteur du dictionnaire ou sont tout simplement dues au hasard. Nous exprimons notre conviction que de nouvelles pistes de recherche peuvent (et doivent) s’ouvrir dans l’étude des gallicismes du français, visant des aspects multiples, variés et prometteurs, dans l’aire de l’étymologie, de la sémantique, de la phraséologie, etc. * Gabriela Scurtu, Communication CILPR XXVI, Valence, 2010. NOTES 1. Marius Sala, Interview publiée dans Observatorul, Toronto (http://www. observatorul.com/articles_main.asp?Action=articleviewdetail&ID=7934). 2. À noter cependant la présence de ce phonème dans de nombreux emprunts non adaptés: berceuse, chartreuse, cozeur, deux-pièces, dizeur, dizeuză, en cœur, friteuză, frondeur, gafeur, maseur, maseuză, porte-bonheur, pozeur, raisonneur, tapeur, trompe-l’œil, trotteur, voyeurism, etc., tout comme celle de [y]: airbus, alură, bruxellez, caracul, carură, cupură, ecru, etui, fondue, impromptu, malentendu, montagne russe, parură, tul, tutu, etc. (cf. DIN). 3. Ce chiffre ne rend pas compte des dérivés formés en roumain à partir de bases d’origine française, ce qui en augmenterait considérablement le nombre, en le ramenant à plus de 40%. 4. Cette fois-ci la comparaison a été faite entre le DEX, le DLR et le DN (un dictionnaire de néologismes du roumain), vu que dans le CDER de nombreux mots dérivés ne sont pas enregistrés. 5. Cependant Mioara Avram (1982) reprochait aux linguistes de faire parfois appel à l’étymologie multiple non pas par nécessité mais par commodité, même dans les cas où les indices formels ou les dates historiques s’opposaient à faire admettre certaines sources. BIBLIOGRAPHIE Études Avram, Mioara (1982): Contacte intre română şi alte limbi romanice. In: SCL 33,

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CATÉGORISATION SÉMANTIQUE DES EMPRUNTS ROUMAINS AU FRANÇAIS

Typologie

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TYPOLOGIE DES EMPRUNTS LEXICAUX

FRANÇAIS EN ROUMAIN (PRÉSENTATION D’UN PROJET EN COURS)*

1. Introduction À partir de la fin du XVIIIe siècle, mais surtout au long du XIXe siècle - époque de la modernisation - et de la première moitié du XXe siècle, le roumain a subi une très forte influence française, « unique au monde, en ce qui concerne ‘les emprunts à distance’ », d’après Alf Lombard (1969, 646). Après 1829 (Paix d’Adrianople), grâce au revirement d’ordre politique, économique et surtout culturel des principautés roumaines, cette influence, qui fait partie de la ‘re-romanisation’ du roumain, est devenue tellement forte qu’elle a modifié la physionomie de la langue et surtout la structure de son vocabulaire (Şora 2006, 1728). C’est de cet aspect que s’occupe le projet de recherche Typologie des emprunts lexicaux français en roumain. Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique (FROMISEM) présenté dans cet article. 2. Objectifs Notre projet poursuit trois objectifs majeurs : 1) la constitution d’un corpus-registre des gallicismes2 lexicaux du roumain ; 2) l’analyse des problèmes étymologiques posés par les gallicismes (à partir des indications données par les dictionnaires roumains3) ; 3) l’analyse sémantique comparative des gallicismes lexicaux du roumain et de leur base française ; 4) l’esquisse d’une typologie sémantique des gallicismes lexicaux du roumain. 3. Constitution du corpus-registre Prenant comme point de départ, pour les entrées et pour l’interprétation étymologique, l’édition 1998 du DEX, l’équipe de recherche est en train d’établir un corpus-registre des gallicismes du roumain, qui, ultérieurement, pourra prendre la forme d’un dictionnaire (DGR), à même d’offrir des indications sur les divers aspects des emprunts : nombre, importance conceptuelle4, force dérivative, aspects étymologiques, particularités sémantiques, registres, etc. Les entrées lexicales seront ordonnées à partir des mots base auxquels on rattachera tous les dérivés formés sur le terrain de la langue roumaine, pour mettre en évidence la richesse de la famille lexicale de chaque gallicisme. Ainsi, par

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exemple, sous l’entrée du verbe a aborda (du fr. aborder) sont enregistrés les dérivés: abordare, reaborda, reabordare, reabordat, abordabil, neabordabil. Du point de vue étymologique, le DGR sera structuré en trois sections: (i) gallicismes à étymologie indiquée comme uniquement française; (ii) gallicismes à ‘étymologie multiple’ (cf. infra 4), y compris française: (iii) gallicismes à étymologie incertaine. Certes, les résultats étymologiques obtenus à partir du DEX seront corroborés avec les autres sources lexicographiques roumaines (cf. note 4), surtout avec le DA (1913-1949) et le DLR (1965-2009), le dictionnaire historique trésor de la langue roumaine, qui fournit aussi beaucoup d’exemples. Ces dictionnaires sont nécessaires surtout pour résoudre des problèmes d’attestations et de développement sémantique, ainsi que la distinction, très difficile à opérer, entre les mots dérivés en français et ceux créés ultérieurement en roumain (cf. Hristea 1968, 32 et suiv., Reinheimer-Rîpeanu 1989, Popovici 1992, Popovici 1996). Le DGR pourra servir comme point de départ pour beaucoup de recherches théoriques sur le problème des emprunts en général et spécialement pour les nombreux problèmes soulevés par les gallicismes du roumain. 4. Aspects étymologiques En ce qui concerne les étymologies, il faut faire dès le début la différence entre : a) Les gallicismes à étymologie uniquement française: il s’agit des mots considérés comme pénétrés du français en roumain, c’est-à-dire des mots venus indubitablement par filière française et seulement française. À juger d’après le corpus élaboré jusqu’à présent, la plupart des gallicismes appartiennent à la catégorie des mots à étymologie unique. Une sous-catégorie des mots à étymologie unique est constituée par ce qu’on pourrait nommer mots à ‘étymologie unique indirecte’, c’est-à-dire les mots dont la filière est française, mais qui, en français, proviennent à leur tour d’une autre langue. b) Les gallicismes à étymologie multiple: il s’agit des mots dont la filière de pénétration peut être due non seulement au français, mais aussi à d’autres langues où circule le même néologisme. Dans la linguistique roumaine, ce type d’étymologie est nommé ’étymologie multiple’, d’après un célèbre article au même titre d’Alexandru Graur (1950), qui considère qu’un mot peut avoir à la fois un, deux ou bien n étymons possibles, surtout dans une langue comme le roumain, formée sous l’influence d’aussi nombreuses cultures étrangères5. c) Les gallicismes à étymologie incertaine: il s’agit surtout des mots où il n’y a pas moyen de faire une distinction nette entre emprunt et création interne. 4.1. Les critères linguistiques et extralinguistiques pris en considération pour l’étymologie des gallicismes sont : l’aspect phonétique, inclusivement l’accent, la forme morphologique, le contenu sémantique, la date de pénétration et / ou l’auteur dont provient la première attestation. Très important est aussi le canal de pénétration : écrit (par exemple automat, certificat) ou oral (par exemple

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manşetă, coşmar)6, les deux voies de pénétration étant parfois possibles pour le même mot (cf. Iliescu 2003-2004). Des difficultés pour appliquer ces critères ne manquent pas (cf. Şora 2006, 1726) : l’aspect phonétique de ces mots permet de leur attribuer plusieurs sources, les dictionnaires n’indiquent souvent pas la première attestation7, des exemples en contextes ne sont fournis que par le DA / DLR et par le DLRC8. Pour les mots adoptés sous forme écrite, la difficulté est d’autant plus grande que, souvent, cette forme ne se distingue point des latinismes mis en circulation à la fin du XVIIIe siècle par l’École transylvaine9 (cf. Rosetti / Cazacu / Onu 1971, Ruffini 1941) et des italianismes entrés en même temps en roumain. 4.2. Dans le cas des gallicismes à étymologie unique, on peut en distinguer plusieurs types : - lexèmes parfaitement intégrés dans le vocabulaire roumain: fabricant (du fr. fabricant), a fabula (du fr. fabuler), fantezie (du fr. fantaisie), frenetic (du fr. frénétique); - calques: rău famat (du fr. mal famé), bine crescut (du fr. bien élevé); - emprunts plus récents (qui circulent surtout dans le langage de la presse, mais ne figurent pas encore dans les dictionnaires), tels que: a antama (du fr. entamer), a anvizaja (du fr. envisager), inubliabil (du fr. inoubliable) (cf. Şora 2006, 1728). Un exemple de mot à étymologie unique indirecte que le roumain doit à la filière française est interviu «interview». Il est entré en roumain par l’intermédiaire du français, où, à son tour, il vient de l’anglais10. Le même mot était déjà entré une fois en roumain, comme calque du français, sous la forme transparente întrevedere (cf. Iliescu 2007, 133). Des cas similaires sont ceux des mots représentant des réalités culturelles spécifiques, tels fandango, d’origine espagnole, ou canoë, d’origine anglo-américaine, entrés d’abord en français et ensuite en roumain. 4.3. Dans le cas des gallicismes à étymologie multiple, on peut distinguer diverses situations. Les dictionnaires indiquent le français comme source principale, mais font suivre celui-ci d’un renvoi à une autre source possible, par exemple: filtru (du fr. filtre, cf. it. filtro ), excavator (du fr. excavateur, cf. rus. ekskavator), rugos (du fr. rugueux, cf. lat. rugosus). Dans d’autres cas, les dictionnaires indiquent plusieurs langues comme sources possibles, dont le français, le latin savant, le néogrec, l’italien, l’allemand, l’anglais sont les plus fréquentes, par exemple fabrică (du fr. fabrique, rus. fabrika, all. Fabrik), a imagina (du fr. imaginer, lat. imaginare), roză (du fr. rose, it. rosa, lat. rosa, all. Rose). De tels emprunts peuvent en effet provenir de plusieurs langues de culture simultanément ou après une certaine distance dans le temps : renglotă, avec les variantes renclodă, ringlotă (du fr. reine-claude, all. Ringlotte), ou bien ciocolată, avec les variantes şocolată, ciocoladă (de l’it. cioccolata, cf. le fr. chocolat, all. Schokolade)11. Les variantes formelles diastratiques ou diatopiques

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attestées sont dans ces cas précieuses pour pouvoir trouver la vraie étymologie des mots et de leurs variantes. Les mots roumains d’autres origines que le français peuvent avoir un ou plusieurs sens provenant du correspondant français. Tel est le cas du mot undă « onde », hérité du latin (< UNDA), dont l’acception technique «propagation d’une oscillation […]» est un emprunt au français. 4.4. Les gallicismes à étymologie incertaine ont une double origine possible : externe française ou bien interne, comme revoltat, participe passé de a revolta, ou directement adapté d’après le fr. révolté. 4.5. La source de certains gallicismes ne se trouve pas dans le français de France, mais dans celui d’autres pays francophones. Tel est le cas du mot savonieră, dont, d’après Mioara Avram (1982), l’étymologie est le mot savonière, employé en français de Belgique. Selon le registre DGR élaboré jusqu’à présent, la première source indiquée le plus souvent dans le cas des étymologies multiples est le français. Le latin savant et l’italien suivent le français, selon la fréquence des renvois. Il y a peu de situations où l’étymologie française soit en alternative avec des langues non romanes. Il s’agit dans ce cas du néogrec, de l’allemand, du russe et, enfin, surtout ces derniers temps, de l’anglais qui est, du point de vue lexical, assez ‘romanisé’. Les cas dans lesquels on peut établir sans aucun doute le rôle et l’importance des langues indiquées dans une étymologie multiple sont en général rares (cf. Ivănescu 1980, 671). 5. Analyse sémantique12

La sémantique des gallicismes du roumain a été jusqu’à présent peu étudiée. C’est pourquoi un objectif majeur du projet FROMISEM consiste justement dans l’élaboration d’une typologie illustrant leur évolution sémantique dans la langue cible. De la perspective du sens nous avons identifié deux catégories, qui, le plus souvent, se superposent: (i) conservation - totale ou partielle - du sens / des sens de l’étymon français, parfois avec le maintien en roumain d’un sens aujourd’hui disparu en français; (ii) innovations sémantiques opérées en roumain, ayant comme point de départ une signification de l’étymon français. Ces innovations se manifestent à travers divers mécanismes sémantiques : extensions analogiques et restrictions de sens, métaphorisations, passage métonymiques, glissements connotatifs, etc. 5.1. Conservation totale des sens La conservation totale des sens de l’étymon français est une situation fréquente, surtout dans le cas des mots appartenant à un domaine scientifique et technique, à une terminologie: cenomanian (du fr. cénomanien), desherenŃă (du fr. déshérence), dol (du fr. dol), galactic (du fr. galactique), imparisilabic (du fr. imparisyllabique), impunitate (du fr. impunité), juxtapoziŃie (du fr. juxtaposition), macrofotografie (du

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fr. macrophotographie), necrobioză (du fr. nécrobiose), paleografie (du fr. paléographie), postverbal (du fr. postverbal), radiolarit (du fr. radiolarite), recriminatoriu (du fr. récriminatoire), spectrograf (du fr. spectographe), toxicoză (du fr. toxicose), etc. Quant aux signifiants, il est facile de constater leur ressemblance ou même leur identité dans les deux langues, sauf les quelques adaptations orthographiques et phonétiques imposées par la langue réceptrice. 5.2. Conservation partielle des sens français et création de nouveaux sens en roumain Un grand nombre de signifiés des gallicismes ont subi des modifications plus ou moins importantes dans leur passage du français au roumain. Le plus souvent, les significations fondamentales du mot français se retrouvent aussi en roumain, mais cette langue, sur la base des processus sémantiques complexes mentionnés ci-dessus, a développé des sens nouveaux. Parfois une modification sémantique est le résultat de plusieurs mécanismes, qui se manifestent simultanément ou dans le temps: - fr. MATINÉE / roum. MATINEU Dans le passage du français au roumain, les différences sémantiques sont parfois très petites, comme dans le cas du mot matineu où le roumain a fait une simple extension du sème qui désigne, dans une des acceptions du mot français, un intervalle temporel, pour nommer des réalités sociales différentes. Voilà en abrégé les définitions que les dictionnaires offrent pour ce mot :

matinée, s.f. 1. (vieilli ) déshabillé féminin qui se portait le matin ; 2. partie de la journée qui va du lever du soleil à midi ; 3. spectacle qui a lieu l’après-midi. matineu, s.n. 1. (vieilli ) déshabillé féminin qui se portait le matin ; 2. spectacle qui a lieu le matin ou en début d’après-midi.

Comme il résulte de la mise en parallèle des sens des deux lexèmes, le roumain a emprunté le mot avec la première acception: «déshabillé féminin … ». Ce sens est aujourd’hui vieilli, comme en français d’ailleurs. La deuxième acception du mot français, désignant une partie de la journée, n’existe pas en roumain. Mais à partir du sens de «spectacle qui a lieu l’après-midi», emprunté au français, le roumain a fait une extension temporelle, car le mot s’applique aussi à des représentations qui ont lieu le matin. Cette extension est due au fait qu’en Roumanie les spectacles pour les enfants (par exemple ceux des théâtres de marionnettes), ainsi qu’une partie des séances de cinéma, de certains concerts et spectacles théâtraux (surtout le dimanche) se déroulaient dans la matinée. - fr. POLYGONE / roum. POLIGON En examinant les significations du mot français polygone et celles du mot roumain poligon, qui en provient, on constate les mêmes phénomènes de reprise partielle et de développement rencontrés supra :

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polygone, s.m. 1. (GÉOM.) figure plane limitée par des segments de droite consécutifs ; 2. (MILIT .) terrain de manœuvre aménagé pour le tir ou pour les essais de projectiles et d’explosifs ; 3. polygone formant le tracé d’une place de guerre, d’une fortification, et joignant les points des bastions. poligon, s.n. 1. (GÉOM.) figure plane limitée par des segments de droite consécutifs ; 2. (MILIT ., souvent dans l’expression poligon de tragere « polygone de tir ») terrain de manœuvre aménagé pour le tir ou pour les essais de projectiles et d’explosifs ; (SPORT) terrain aménagé pour les exercices de tir ; 3. piste aménagée pour les personnes qui apprennent à conduire des voitures.

Le mot roumain poligon a emprunté les deux premiers sens de l’étymon français (le sens scientifique et celui militaire) et, par analogie, partant du sens de «terrain de manœuvre aménagé pour les exercices de tir», a forgé encore un sens moderne: «piste aménagée pour les personnes qui apprennent à conduire des voitures». Il est évident que les sèmes «terrain» et «pour le tir» ont permis le passage du mot, du domaine militaire à celui sportif, tandis que le sème «pour des exercices» explique l’extension de l’emploi du mot au domaine de l’automobilisme. - fr. PORTE-BAGAGES / roum. PORTBAGAJ Pour les mots ayant une structure méréologique complexe, l’identité d’utilisation ou de destination de certaines parties permet l’extension de l’emploi du mot à divers autres objets. Les sèmes «partie d’un véhicule» et «pour les bagages» se trouvent à la base des similitudes et des divergences d’emplois entre le mot français porte-bagages et le mot roumain qui le reprend – portbagaj:

porte-bagages, s.m. 1. cadre adapté sur un véhicule (surtout sur une bicyclette), permettant de transporter des bagages ; 2. galerie ou filet d’un véhicule de transport collectif, dans lequel on peut ranger les bagages. portbagaj, s.n. 1. cadre adapté sur ou dans un véhicule, permettant de transporter des bagages ; 2. coffre (de voiture).

Les dictionnaires précisent qu’en français le mot porte-bagages est employé pour désigner la partie destinée aux bagages dans divers véhicules: bicyclettes, motocyclettes, autobus, trains, etc. En roumain le mot est appliqué aux deux-roues (bicyclettes, motocyclettes, etc.), mais il est employé en même temps, par analogie partielle, pour les voitures, c’est-à-dire dans le sens du mot français coffre. Le sens de «galerie ou filet pour les bagages» manque en roumain, où l’on emploie le mot plasă (de bagaje) «filet (pour les bagages)». - fr. BATTERIE / roum. BATERIE Le mot français batterie présente, à part son sens étymologique, de nombreux sens techniques que le roumain a empruntés et intégrés dans son système lexical, parfois avec des extensions sémantiques des plus intéressantes:

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batterie, s.f. 1. action de battre ; bruit qui en résulte ; 2. résultat de cette action ; ce qui est battu ; 3. (ARTIL.) ensemble des armes à feu disposées en un lieu pour sa défense militaire, ou dans un but tactique ; 4. (ARTS MÉN.) ensemble des ustensiles utilisés en cuisine et qui étaient à l’origine en cuivre battu ; 5. (MUS.) ensemble des instruments à percussion d’un orchestre ; 6. (ÉLECTR.) groupement d’un certain nombre de piles ou d’accumulateurs disposés en série ou en parallèle ; 7. (dans l’expression élevage en batterie) élevage intensif des animaux dans des box ou des cages. baterie, s.f. 1. (ARTIL.) unité tactique formée d’un ensemble de canons et de soldats ; 2. (ARTS MÉN., dans l’expression baterie de baie / de bucătărie trad. litt. «batterie de bain / de cuisine ») 13 ensemble formé par le tuyau et les robinets ; 3. (MUS.) ensemble des instruments à percussion d’un orchestre ; 4. (ÉLECTR.) réunion de plusieurs bouteille de Leyda, d’éléments voltaïques, destinés à produire des décharges électriques ou du courant électrique ; 5. (fig.) un litre de vin et un litre d’eau gazeuse mis ensemble dans une glacière ; 6. seau à glace (où l’on met les bouteilles d’eau gazeuse et de vin, surtout aux restaurants) ; 7. ensemble de cages superposées pour l’élevage14.

Comme on peut le voir, le mot roumain baterie, attesté déjà en 1782 (RDW)15continue la majorité des acceptions du mot français, mais il n’en a pas emprunté le sens étymologique, en tant que dérivé du verbe battre, respectivement «action de battre» et «résultat de cette action». Dans tous les sens communs aux deux langues, la signification fondamentale est celle de «ensemble d’éléments (identiques ou similaires) utilisés dans un certain but». Grâce à cette signification très générale, le mot désigne, dans les deux langues, des ensembles d’objets assez disparates, des domaines de l’artillerie, de la cuisine, de la musique, de l’électricité, de l’élevage, etc. Ce sens se retrouve aussi dans des expressions comme: fr. batterie de tests «ensemble de tests utilisés conjointement en mettant en œuvre plusieurs aspects de la personnalité des sujets» (GRLF, s.v. 3, d) / roum. baterie de teste «ensemble de tests utilisés conjointement dans un certain but» (in DN, s.v. ). Le sens du roum. baterie présente quelques innovations. L’acception technique expliquée par le DA comme «réunion de plusieurs bouteille de Leyda […]» est à la base du sens métaphorique (initialement ironique et figuré16 «un litre de vin et un litre d’eau gazeuse mis ensemble dans une glacière». D’ici découle un sens métonymique: «seau à glace» (c’est-à-dire, récipient où l’on met de la glace pour refroidir les bouteilles). - fr. MANCHON / roum. MANŞON Dans le cas des mots français sémantiquement très riches, le roumain reprend souvent la plus grande partie de ces significations (surtout s’il s’agit de sens techniques et / ou métaphoriques), tout en créant d’autres:

manchon, s.m. 1. fourreau d’étoffe ouvert aux deux extrémités, généralement couvert de fourrure et ouaté à l'intérieur, dans lequel on glisse les mains (et les avant-bras) pour se protéger du froid ; 2. (MÉCAN., INDUSTR., TECHNOL.) pièce de

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raccordement métallique de forme tubulaire, souvent filetée, servant à assurer la jonction ou à maintenir solidaires des tubes ou des pièces à profil rond ; 3. (ÉCLAIRAGE, dans l’expression manchon à incandescence) gaine de tissu incombustible imprégnée de nitrates, dont on entoure la flamme d’un bec de gaz afin d’en augmenter l’éclat ; 4. (BOT., ZOOL.) gaine formée de matières diverses entourant une partie filiforme d’un organisme ; 5. (MILIT .) Enveloppe de toile entourant la coiffure des militaires destinée soit à la rendre moins voyante, soit à permettre de se distinguer de l’adversaire au cours des manœuvres ; 6. (INDUSTR. DU VERRE) moule dans lequel on souffle le verre ; 7. (CHAPELLERIE) enveloppe de feutre recouvrant un cylindre de bois, sur lequel on travaille les chapeaux ; 8. (CHIM.) gaine cylindrique en matériau isolant entourant les appareils, utilisés lors de manipulations en chimie ; 9. (ANAT.) enveloppe de protection entourant une articulation ; 10. (vieilli , dans l’expression chien de manchon) chien de très petite taille que les dames de l’aristocratie portaient dans leur manchon (au XVIIIe s.). manşon, s. n. 1. accessoire d’habillement pour les femmes généralement recouvert de fourrure et ouaté à l'intérieur, dans lequel on glisse les mains (et les avant-bras) pour se protéger du froid ; 2. (MÉCAN., INDUSTR., TECHNOL.) pièce de raccordement métallique de forme tubulaire, souvent filetée, servant à assurer la jonction ou à maintenir solidaires des tubes ou des pièces à profil rond ; 3. (ÉCLAIRAGE) gaine de tissu incombustible imprégnée de nitrates, dont on entoure la flamme d’un bec de gaz afin d’en augmenter l’éclat ; 4. (BOT.) gaine protectrice des graines, de la tige, etc. ; 5. (MÉC.) enveloppe de caoutchouc qui se met sur la jante des roues d’automobile, de motocyclette, etc. pour protéger la chambre à air ; 6. enveloppe de protection qui couvre la manche de certains objets.

Il est évident que le mot roumain manşon représente un autre cas de conservation partielle des significations de l’étymon français, accompagné d’innovations sémantiques. Des dix sens indiqués par le TLFi, le roumain a pris le sens de base: «accessoire d’habillement (fourreau d’étoffe […] )». Des sens techniques, tous métaphoriques, le roumain en a conservé seulement trois, mais en a créé aussi d’autres, toujours métaphoriques (DLR, s.v.)17, par exemple celui de «enveloppe de protection qui couvre la manche de certains objets». Le dernier sens français, qui apparaît dans la locution chien de manchon (vieilli), ne se retrouve pas en roumain. Cela s’explique par le fait que cette expression était employée au XVIIIe siècle, probablement avant les contacts intenses des Roumains avec la France, au cours du XIX e siècle, quand les salons de Paris imposaient déjà la mode des chiens de grande taille. - fr. MANSARDE / roum. MANSARDĂ Le cas du mot roumain mansardă est très intéressant puisqu’il a repris les sens fondamentaux de son étymon français, mais, en plus, par métaphore et glissements connotatifs, il est aujourd’hui employé dans toute une série d’expressions de la langue parlée:

mansarde, s.f. 1. (ARCHIT.) comble brisé à quatre pans appelé aussi comble à la Mansart, ou à la mansarde, ou en mansarde ; 2. pièce aménagée sous un comble

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brisé ; p. anal., toute pièce à plafond bas et dont un mur au moins est en pente selon l’inclinaison du toit ; 3. fenêtre pratiquée dans la partie verticale d'un comble brisé. mansardă, s.f. 1. (ARCHIT.) étage situé sous le toit d’une maison ; 2. chambre ou ensemble de chambres habitables situées sous le toit (ayant le plafond ou les murs obliques) ; (fig., dans l’expression a fi deranjat la mansardă) être déséquilibré.

La mise en parallèle des significations données par les dictionnaires français et roumains montre que, à partir du sens fondamental («pièce ou ensemble de pièces sous le toit d’un bâtiment»), emprunté au français, le mot roumain mansardă est employé comme métaphore pour désigner la tête des personnes, dans un sens positif ou négatif. Le sens mélioratif se retrouve dans des expressions comme: o mansardă bine echipată (trad. litt. «une mansarde bien équipée»), qui veut dire «une personne compétente et intelligente» ou a-şi mobila mansarda (trad. litt. «meubler sa mansarde»), qui signifie «s’informer, se documenter, se former». Le sens péjoratif, par lequel le locuteur met en doute la santé mentale de quelqu’un, est présent dans des expressions comme: a avea păsărele / lilieci la mansardă, (trad. litt. «avoir des oiseaux / des chauves-souris à la mansarde»), a fi deranjat la mansardă (trad. litt. «être dérangé à la mansarde»), signifiant toutes «être déséquilibré»18. 5.3. Sens disparus ou vieillis en français mais actifs en roumain contemporain Certains mots du français parlé, surtout de la deuxième moitié du XIXe siècle, ont été repris en roumain grâce aux jeunes Roumains qui ont fait leurs études en France, ainsi qu’à des Français arrivés en Roumanie, souvent comme enseignants. Une partie de ces significations sont disparues en français, mais se conservent en roumain: - fr. DÉCOLLETÉ / roum. DECOLTAT Tel est le cas de l’adjectif roumain decoltat, avec le sens «frivole, licencieux», dans une phrase comme: mi-a spus un banc decoltat («il m’a raconté une anecdote (un peu) licencieuse») (cf. Iliescu 2003-2004) et dont l’acception, aujourd’hui disparue du français, est attestée pour la langue parlée de la seconde moitié du XIXe siècle (syn. de licencieux, par exemple propos décolletés, in TLFi). La locution est pourtant enregistrée dans le GRLF, mais considérée comme figurée et vieillie:

décolleté, adj. 1. qui découvre le cou ; 2. frivoles, licencieux (fig. vieux, dans l’expression propos décolletés). decoltat, adj. 1. qui découvre le cou ; 2. licencieux (dans l’expression banc decoltat « anecdote licencieuse »)19.

- fr. BEC / roum. BEC

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Certaines acceptions des mots français sont disparues parce que leur référent n’existe plus, suite au développement technique. Pourtant, dans le cas du mot bec, le roumain a conservé le signifiant de l’étymon français pour désigner un nouveau référent, à partir d’une acception aujourd’hui disparue du français :

bec, s.m. 1. extrémité cornée et plus ou moins saillante de la tête des oiseaux, composée de deux mandibules articulées l’une sur l'autre, servant de bouche, de système dentaire, ainsi que d’arme pour l’attaque et la défense ; 2. brûleur à gaz ; partie d’une lampe, surtout de gaz, où a lieu la combustion ; p.ext. lampe : lampe à trois becs. bec, s.n. 1. (vieilli ) extrémité pointue (en forme de bec) d’un tuyau de gaz aérien ; 2. ampoule électrique.

Comme le schéma le fait voir, en français le mot bec désigne principalement la bouche des oiseaux; par transfert métaphorique, le mot est arrivé à désigner le brûleur à gaz et, ultérieurement, par une restriction sémantique, la partie d’une lampe à gaz où a lieu la combustion (le bec à gaz). Au début du XXe siècle, le gallicisme bec est attesté en roumain avec le sens, aujourd’hui disparu, de «extrémité pointue (en forme de bec) d’un tuyau de gaz aérien» (in DA, s.v.). Le sens actuel du roumain, celui de «ampoule électrique», vient du syntagme bec électrique (in TLFi, s.v.). Encore plus intéressante est l’expression roumaine a cădea pe bec, calquée sur le français familier tomber sur un bec (de gaz) «tomber sur un obstacle imprévu» (TLFi), preuve de la transmission orale du français en roumain (fin du XIX e siècle ou bien début du XXe siècle).

- fr. CHOUETTE / roum. ŞUETĂ

chouette, s.f. 1. (ORNITH.) rapace nocturne de la famille des Strigidés ; 2. (JEUX) a) faire la chouette : jouer seul contre plusieurs, notamment au trictrac, au billard ; b) jeu de la chouette : jeu analogue à celui de l’oie. şuetă, s.f. conversation légère, spirituelle et amusante entre amis.

Malgré le fait que le signifiant du mot roumain prouve son origine française, le sens de «bavardage, conversation familière» ne se retrouve pas dans les dictionnaires français. L’explication du sens se base entièrement sur la reconstruction sémantique. C’est Littré (1971) qui vient à l’aide de l’étymologiste. Sous le deuxième sens de chouette (comme terme de jeu) on trouve l’exemple figuré je fais la chouette à trois personnes, signifiant «j’entretiens correspondance avec trois personnes». Tandis qu’en français ni le sens de « jeu » ni le sens de «correspondance» n’ont survécu, en roumain il existe encore aujourd’hui un sens dérivé de l’expression faire la chouette, avec un petit transfert de ‘correspondance (écrite)’ à

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‘conversation (orale)’. Ce sens est encore bien vivant, surtout dans la langue littéraire soignée. L’extension sémantique est claire, mais si le sens actuel du mot roumain a existé aussi en français au XIXe siècle, les dictionnaires ne l’attestent pas. 6. Conclusions L’influence française représente sans conteste le principal moyen d’enrichissement et de modernisation du roumain, ainsi que de redéfinition de sa physionomie néo-latine, dans l’aire de la romanité sud-est européenne. C’est un exemple unique d’influence d’un adstrat de prestige, à distance, qui s’explique aussi par le penchant que les couches intellectuelles roumaines ont toujours eu et ont encore pour la France, considérée comme une sœur aînée. Les nombreuses modifications sémantiques subies par les gallicismes du roumain montrent la vivacité et l’originalité de cette représentante de la romanité orientale, qui a su intégrer les éléments étrangers dans son propre système lexical et sémantique, leur accordant une valeur particulière (dans l’acception saussurienne du mot). Nous espérons que les résultats de notre recherche contribueront à ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine des emprunts et des contacts linguistiques. * Maria Iliescu, Adriana Costăchescu, Daniela Dincă, Mihaela Popescu, Gabriela Scurtu, Revue de linguistique romane, Tome 74, 2010, p. 589-604. NOTES 1. D’après différentes statistiques (Şora 2006, 1728), le pourcentage des emprunts au français dépasse 32% du vocabulaire roumain. 2. Nous employons le terme de ‘gallicisme’ au sens de ”mot français emprunté par d’autres langues“ (cf. Thibault 2004, Thibault 2009). 3. DA / DLR, DEX, CDER, RDW. 4. L’influence française s’est manifestée dans tous les secteurs du vocabulaire : les gallicismes se retrouvent tant au niveau du vocabulaire fondamental que dans les lexiques spécialisés. 5. Pour la critique de l’application concrète de ce critère par les différents dictionnaires, cf. Şora (2006, 1728). 6. Les emprunts pénétrés par le canal oral s’expliquent par les conditions socio-pragmatiques et historiques qui ont marqué l’évolution de la langue roumaine, comme par exemple le fait très important que dans la première moitié du XIXe siècle, les jeunes Roumains ont été envoyés en France pour y faire leurs études. En rentrant, ils ont apporté avec eux beaucoup de mots familiers français, qui ont été adaptés de différentes manières au roumain. 7. De ce point de vue, le RDW fait exception, en indiquant les premières attestations, mais le nombre des mots de la deuxième moitié du XVIIIe siècle et du XIXe siècle est assez limité. 8. Mais comme le DLRC (1955-1957), le dictionnaire le plus riche en exemples, n’illustre que la situation du lexique roumain jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle, pour les néologismes pénétrés après cette époque, la seule source qui fournit des exemples reste le DLR. 9. L’École transylvaine (Şcoala ardeleană) est un mouvement de renaissance culturelle de la fin du XVIII e siècle et du début du XIXe marqué par une prise de conscience accrue de l’origine latine du peuple roumain et de la langue roumaine. 10. Le mot anglais est à son tour calqué sur l’ancien français entrevue (cf. TLFi, s.v.).

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11. L’étymologie reproduite pour les mots ciocolată et sa variante şocoladă est discutable : le mot français étant masculin, il est très peu probable qu’il soit la source directe du mot roumain, qui est féminin. L’italien suffit pour expliquer l’entrée. 12. Dans l’analyse sémantique que nous proposons, les sens français sont en général donnés d’après le TLFi, complété avec les dictionnaires GRLF, PRob et GLLF; les sens roumains, d’après le DA / DLR, le DEX et le DN. 13. Bien que cette expression ne soit pas enregistrée dans les dictionnaires du roumain, elle désigne fréquemment divers types de robinets (pour la baignoire, pour le lavabo, pour la douche, etc.). 14. Dans le langage du commerce, on retrouve l’expression pui de baterie « poulets (élevés) en batterie », que les dictionnaires roumains, même ceux de néologismes, n’enregistrent pas. 15. L’indication étymologique des dictionnaires roumains qui renvoient au français et aussi à l’allemand ne semble pas correcte en ce qui concerne l’allemand (cf. RDW, s.v.). 16. Selon le CDER, le transfert métaphorique et ironique consiste dans le passage des décharges électriques aux ‘décharges’ produites par l’alcool. 17. Il est possible qu’une partie de ces sens existent aussi en français, ce qui prouve la nécessité des dictionnaires techniques pour les deux langues analysées. 18. De toute façon, la mansardă (« à la mansarde ») semble remplacer, à l’époque actuelle, la formule la etaj (« à l’étage ») que Iorgu Iordan (1944) relevait dans les expressions: a atinge la etaj (pe cineva) (trad. litt. « atteindre quelqu’un à l’étage ») 19. Le roumain emploie l’emprunt au français avec le sens de « frivole, licencieux » dans bien des contextes où le français utilise le terme nu à même de suggérer d’une manière dénotative son contenu indécent : un poster decoltat « une affiche à nu ». RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Études Avram, Mioara (1982), «Contacte între română şi alte limbi romanice», in : SCL 3,

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QUELQUES LEXÈMES EN VOYAGE (TRAJET FRANÇAIS – ANGLAIS - ROUMAIN)*

Les emprunts lexicaux sont présents en toute langue et se manifestent en toute époque, étant un élément important de la constitution historique du vocabulaire. Le processus général de mondialisation, le nombre toujours accru de personnes qui voyagent, qui s’informent (souvent pour des raisons professionnelles) en consultant des matériaux écrits dans des langues étrangères, la création des nomenclatures (nécessaires au développement des sciences et du commerce), l’apparition et le développement explosif des moyens de communication de masse si importants comme l’internet - voici autant de phénomènes qui expliquent l’accentuation actuelle de ce phénomène. Les mots empruntés subissent souvent dans la langue d’accueil des modifications importantes au niveau phonétique, morphologique et sémantique, André Thibaut considérant, de ce point de vue, que le syntagme ‘imitations approximatives’ (Thibault 2009: 11) est plus approprié à la description du phénomène que le terme ‘emprunt’. Les modifications subies par ces lexèmes dérivent du processus de leur intégration dans le système de la langue cible. Souvent le ‘voyage’ est plus complexe, les mots de la langue A arrivant dans la langue C après un petit passage dans la langue B. Parfois le mot ‘part’ de la langue A dans la langue B, retourne enrichi dans l’idiome A et continue son périple dans la langue C. Ce genre de passage(s) est intéressant surtout du point de vue sémantique, le mot s’enrichissant de sens nouveaux. Nous nous somme proposé de commenter quelques phénomènes sémantiques qui se manifestent dans le signifié des mots qui ont effectué un parcours français - anglais, français - roumain, parfois revenant en français et des fois s’enrichissant en roumain de significations reprises à l’anglais. Comme on le sait, les mots français sont arrivés massivement en anglais au cours du Moyen Âge, grâce à la coexistence sur le même territoire des deux langues comme conséquence de la conquête normande, mais le phénomène s’est manifesté tout au long de l’histoire des deux langues (Trotter 2009). L’observation est grosso modo valable pour le roumain également car il existe ici aussi une période privilégiée, à savoir le XIXe siècle, quand, après le traité d’Adrianople (1829) et la naissance du capitalisme, le roumain a intégré un nombre considérable de mots pris au français. 1. Mots français repris partiellement en anglais et en roumain Dans le processus d’accueil des mots français, l’anglais et le roumain ont pris parfois seulement une partie des significations du mot, souvent pour des raisons historiques. Nous illustrons ce phénomène à l’aide de deux mots. Dans le

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cas du mot toupet, le lexème est entré en anglais avec le sens propre «mèche postiche de cheveux», puis il a connu en français un développement connotatif «assurance effrontée», que l’anglais n’a pas repris. Le mot est arrivé en roumain, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avec le sens connotatif. Le second mot est mansarde qui existe tant en anglais qu’en roumain, mais privilégiant des zones différentes de la sphère sémantique du mot français. 1.1. fr. toupet - angl. toupee - roum. tupeu Ce mot est très ancien en français, étant attesté déjà en 1140, mais il a été emprunté par l’anglais à la fin du XVIIIe siècle, grâce à une extension sémantique, présentée ci-dessous sous (2):

toupet nom masculin I. 1. petite touffe de poils; touffe de cheveux sur le sommet du crâne: toupet de cheveux; 2. (expr.) (faux) toupet postiche qui recouvre le sommet du front: des toupets de chez le coiffeur; 3. vieillot, ridicule: il ressemble de plus en plus à un vieux toupet; 4. touffe de crins; II. (fig.) assurance, aplomb mêlé d’effronterie: il a un sacré toupet!1

Le mot est un dérivé avec le suff. -et de l’ancien français top «touffe de cheveux sur le sommet du front». Ce dernier provient du francique top «sommet» de l'ancien français top «touffe de cheveux sur le sommet du front », mot issu d'un ancien francique *topp- signifiant «pointe, sommet». Le TLFi cite aussi le mot du moyen néerlandais top «sommet; sommet de la tête; cheveux; pointe» et le mot allemand Zopf «tresse». L’OED mentionne aussi l’ancien anglais top. Il s’agit d’un transfert métonymique, marquant le passage du «sommet» au «sommet du crâne» et enfin à «touffe de cheveux qui y pousse». Le sens de «touffe de cheveux postiche» apparaît seulement en 1791. Un nouveau transfert métonymique fait le passage de la mèche de cheveux à la personne qui la porte. Un peu plus tard (en 1808) est attesté aussi le sens figuré de «audace, culot» (cf. TLFi). Comme nous l’avons montré, en anglais le mot est emprunté au français, avec le sens du langage des coiffeurs au XVIIIe siècle et, dans un emploi aujourd’hui vieilli et dû à un passage métonymique, la signification «personne à la mode»:

toupee nom boucle de cheveux artificiels portée sur le sommet de la tête, portée tant par les hommes que par les femmes au 18-e siècle; (usuel) touffe de cheveux artificiels : he is wearing a toupee; (vieilli ) personne qui porte le toupet; personne à la mode.

Observons que le sens, vieilli en anglais de «personne à la mode», a existé probablement en français aussi (bien qu’il ne soit pas mentionné par les dictionnaires consultés), se trouvant à l’origine de la signification négative de l’expression vieux toupet, apparue, vraisemblablement, quand ce type de coiffure n’était plus à la mode.2 Nous remarquons aussi que l’acception figurée du mot français, celle de «assurance, aplomb, culot», n’est pas mentionnée en anglais. C’est la signification qui a été reprise par le roumain, où le sens de «touffe de

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cheveux postiches» est mentionné par un seul dictionnaire, le DN, et seulement pour le langage du théâtre:

tupeu, nom neutre 1. audace qui dépasse les limites convenables; effronterie, impertinence; impudence; 2. (au théâtre) touffe de cheveux de diverses couleurs, collé à la limite des cheveux, sur le front et qu’on peigne avec ses propres cheveux.

Il est facile de voir que le sens du substantif roumain est plus péjoratif que la signification du mot français. Dans les dernières années ce sens péjoratif commence à s’affaiblir et, dans le langage des jeunes, il est employé surtout avec l’acception de «courage, audace, manque de complexes». On retrouve cet emploi par exemple dans la publicité sur Google învaŃă engleza cu tupeu litt . «apprends l’anglais avec toupet», donc avec courage et sans complexe. (www. simonatache. ro/ 2010/ 06/07/ invata-engleza-cu-tupeu). 1.2. fr. mansarde - angl. mansard - roum. mansardă Avec d’autres mots, certaines significations de l’étymon, bien que présentes, sont tout à fait marginales dans la langue d’accueil. Certains processus cognitifs peuvent conduire à des similitudes, même en absence d’une influence directe. Tel est le cas du mot mansarde. Le mot mansarde est un mot moderne, apparu en français au XVIIe siècle, dérivant du nom de l’architecte François Mansard (1598-1666). Le mot est attesté en 1676 (cf. TLFi), et emprunté par l’anglais quelques décennies plus tard (première attestation en 1734 cf. OED). En roumain ce mot apparaît sous la forme manzarda dans un texte de Mihai Cuciuran (1819-1844), puis avec la forme mansarda dans un poème d’Alexandru Macedonski de 1927 (DLR), avec le sens «chambre très modeste, sous le toit». En français, le mot a trois significations principales:

mansarde nom masculin 1. comble brisé, dont les pans sont eux-mêmes brisés (appelé aussi comble en mansarde, à la mansarde ou à la Mansart); 2. (par extension) toit en mansarde toit couvrant un tel comble; fenêtre en mansarde fenêtre pratiquée dans la partie quasi verticale d'un comble brisé; 3. pièce aménagée sous un comble brisé, et dont un des murs suit l'inclinaison du toit: habiter une mansarde.

Il est évident que le sens de «toit» dérive de celui de «comble», par métonymie. Le GR précise que la signification de «comble» est celle courante, tandis que la signification de «fenêtre pratiquée dans le comble» est considérée abusive. En anglais, le mot est attesté à partir du XVIIIe siècle:

mansard nom 1. (forme complète mansard roof) toit qui a les pans brisés; 2. étage ou appartement qui se trouve sous un tel toit.

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Bien que l’anglais ait repris les deux sens du mot français, dans cette langue la signification fondamentale est celle de «toit», puisque le mot mansard est surtout une abréviation du syntagme mansard roof, syntagme qui existe en français aussi. L’emploi du mot dans le sens de «étage / appartement / chambre sous le toit» existe aussi, étant mentionnée dans l’OED. Pourtant, bien que le syntagme mansard room existe (surtout dans le langage de l’industrie hôtelière), on préfère désigner ce genre de chambre avec les mots ou des syntagmes comme garret, attic room, room with sloping ceilings ou bien room with a pitched ceiling. Le sens de «fenêtre pratiquée dans le toit d’une mansarde», bien qu’absent de l’OED, se retrouve dans Google, où nous avons trouvé le syntagme mansard window avec le sens «vertical window in the rooms with a mansard roof» (http:// forum. wordreference.com/ showthread. php). Le roumain a opéré une restriction de sens, les significations de «comble, toit » et de «fenêtre pratiquée dans le toit » y étant absentes. Le mot mansardă désigne fondamentalement «l’étage situé immédiatement sous le toit», et, avec une restriction sémantique, «une ou plusieurs chambres (le plus souvent servant d’habitation) se trouvant sous le toit» (DLR, DN, MDN):

mansardă nom féminin 1. dernier étage d’une maison, situé immédiatement sous le toit; 2. chambre ou ensemble de chambres situées sous le toit, ayant le plafond ou un des murs oblique(s) et aménagée comme habitation; 3. (fam. dans l’expression) a fi deranjat la mansardă être déséquilibré.

Grâce à la position de son référent (en haut d’une verticale), le mot mansardă est employé métaphoriquement pour faire référence à la tête d’une personne, ensuite (par un autre passage métonymique, cette fois-ci contenant - contenu) à sa capacité intellectuelle ainsi qu’à son équilibre psychique. Maria Iliescu et alii (2010) citent des expressions comme are mansarda bine echipată (litt. «il a sa mansarde bien équipée »), qui désigne une personne compétente et intelligente, a-şi mobila mansarda (litt. « meubler sa mansarde ») signifiant «s’instruire» ainsi que diverses expressions signifiant «être déséquilibré»: a avea păsărele / lilieci la mansardă (litt. « avoir des oiseaux / des chauves-souris à la mansarde »), a fi deranjat la mansardă (litt. « être dérangé à la mansarde »), etc. Intéressant du point de vue cognitif est le fait que le mot anglais nommant une chambre sous le toit, garret, est employé familièrement pour désigner l’ignorance ou un déséquilibre mental: to be wrong in one's garret, to have one's garret unfurnished (cf. OED). Il s’agit, évidemment, d’une innovation parallèle car, en anglais et en roumain, les locuteurs ont fait le même type de passage par le moyen d’une métaphore simple (de mansarde à tête, en vertu de la similitude de leurs positions) ou d’une métaphore filée (la mise en parallèle de tête - pensées / équilibre psychique avec chambre (en haut) - meubles, en vertu non seulement de la position verticale, mais aussi du rapport contenant - contenu).

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2. Mots anglais d’origine française revenus en français et repris en roumain Beaucoup de mots d’origine français ont acquis en anglais des significations spéciales et sont entrés tant en français qu’en roumain avec ce nouveau sens. Pour cette catégorie de mots arrivés en roumain, les dictionnaires de cette langue mentionnent souvent une double étymologie, française et anglaise, car il est impossible de savoir de laquelle de ces deux langues le roumain a pris le mot.3 Nous illustrerons cette situation avec deux mots du langage de sports, domaine dans lequel l’anglais a fourni un grand nombre de mots à toutes les langues européennes. 2.1. angl. corner - fr. corner - roum. corner En anglais le mot corner, attesté à la fin du XIIIe siècle (OnlineED) est une adoption du mot anglo-normand corner(e), provenant de l’ancien adjectif français cornier < corne «qui forme coin» (lat. *corna (< cornua) + -ier (cf. lat. méd. cornarium); cf. TLFi (s.v. cornier, AND s.v. corner(e), OED s.v. corner1, OnlineED); cf. GR). Le mot du lat. vulg. *corna, (latin classique cornua, plur. de cornu) a donné en français le mot corn et en roumain le mot corn. Puisque pour le sens concret, de «excroissance dure qui pousse sur la tête de certains mammifères ruminants» l’anglais a conservé le mot germanique horn, le lexème corner a conservé les sens métaphoriques du mot en ancien français dus à la forme, comme celui de «angle» qui a conduit au sens plus répandu aujourd’hui, de «coin» (de la rue, de la maison, de l’œil, etc.), enfin à celui de «zone, région (lointaine, retirée ou secrète)».

corner nom 1. point de convergence de deux lignes, de deux surfaces; angle : the corners of a rectangle; lieu d’intersection de deux rues, de deux chemins: at the corner of the street; 2. partie angulaire entre deux lignes ou surfaces convergentes ou la limite d’un objet ou d’un territoire : the southwest corner of the state, the corners of the tablecloth ; la zone d’un terrain de sport, près de l’intersection de la ligne latérale avec la ligne du but ; 3. (FOOBALL) le tir d’un angle du terrain obtenu par l’équipe à l’attaque pour punir l’équipe dont un membre a envoyé le ballon au-delà de la ligne du propre but; un des quatre angles d’un ring de boxe ; 4. zone privée, secrète ou isolée: a quiet corner of New England ; situation difficile ou embarrassante, de laquelle il est difficile ou impossible de sortir: he was backed into a corner; 5. possession d’un stock suffisamment grand d’un produit pour permettre la manipulation des prix ; accaparation : a corner of the silver market; 6. point à partir duquel apparaissent des changements significatifs.

On voit que le sens de «coin» a eu des développements sémantiques intéressants dans le langage du sport, puisqu’il désigne le coin de repos d’un ring de boxe ainsi que le coin d’un terrain de football ou de hockey. Par extension, le règlement de ces deux jeux sportifs désigne par le mot corner la faute commise par un joueur qui a envoyé le ballon derrière la ligne de but de son équipe ainsi que le coup accordé à l'équipe adverse à la suite de cette faute et qui est exécuté de l’angle

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du terrain (double développement métonymique: faute qualifiée par le lieu et lieu désignant l’action qui y est réalisée). Dans toute une série s’expressions (in a tight corner «dans l’impasse», in a corner «dos au mur», drive into a corner «mettre en difficulté, coincer, acculer (quelqu’un)», le mot anglais a pris des connotations négatives, de difficulté, d’entrave, de situation d’où on ne peut pas échapper. Cette nuance explique le sens économique et financier que le mot a acquis dans la deuxième moitié du XIXe

siècle aux Etats-Unis, «opération spéculative par laquelle un groupe s’assure le monopole d’une certaine marchandise permettant la spéculation / mettant en difficulté les spéculateurs» : drive speculative sellers into a corner. Le sens s’est généralisé et le mot peut désigner un (quasi) monopole, une mainmise (to corner the oil marquet «accaparer le marché du pétrole», a corner on gold «un (quasi) monopole sur l’or», etc.). En français le mot est revenu à la fin du XIXe siècle avec une partie seulement de ces significations nouvelles (restriction sémantique): avec le sens économique de «monopole, accaparement» et, pour le football, avec le même passage métonymique de «lieu» à «action exécutée dans/ de ce lieu»:

corner nom masculin 1. arrangement entre spéculateurs en vue d'obtenir la maîtrise du marché d'un produit dont on provoque artificiellement la hausse en acquérant les stocks disponibles: corner sur le blé, le coton»; 2. (SPORT) fait qu'un joueur envoie le ballon derrière sa propre ligne de but, cette faute entraînant à titre de sanction un coup de pied de remise en jeu accordé à l'équipe adverse et tiré à partir d'un coin du terrain: la balle sort en corner; (par méton.) coup de pied de remise en jeu accordé à l'équipe adverse: marquage sur corner. (TLFi)

En roumain la situation du mot est tout à fait similaire à celle du français, puisqu’on y retrouve les significations décrites ci-dessus. La seule différence se manifeste au niveau lexicographique: les dictionnaires considèrent qu’il s’agit de deux mots homonymes, à cause de leur étymologie: le mot avec la signification boursière provient directement de l’anglais américain, tandis que le mot appartenant au vocabulaire sportif est indiqué avec une étymologie multiple, les dictionnaires mentionnant l’anglais mais aussi le français, fait qui suggère comme filière possible du mot le trajet anglais - français - roumain. En plus, à la différence du mot ayant un sens financier, le mot à signification sportive a été parfaitement intégré dans le système grammatical du roumain, présentant une forme de pluriel (cornere «corners») et de génitif-datif (forŃa cornerului «la force du corner»):

corner1 nom neutre sanction accordée en faveur de l’équipe à l’attaque sous la forme d’un coup de pied de remise en jeu, tiré à partir d’un coin du terrain, si un défenseur a envoyé le ballon derrière sa propre ligne de but; de angl., fr. corner.

corner2 nom neutre forme simple d’organisation monopoliste qui consiste dans un arrangement entre spéculateurs pour acheter des marchandises et les vendre à des prix élevés; mot anglais.

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En conclusion, le mot corner, appartenant au vocabulaire anglo-normand, a subi en anglais des spécialisations sémantiques importantes, partant de la signification de «angle, coin », dans le sport et dans le langages boursier. Il s’agit d’une longue série de passages métaphoriques et / ou métonymiques. Ces nouveaux sens spécialisés se retrouvent en français et ils ont été empruntés par le roumain aussi (au français ou / et à l’anglais). 2.2. angl. penalty - fr. pénalty - roum. penalti En anglais, les dictionnaires indiquent des étymologies différentes pour le mot penalty : il dériverait du moyen français pénalité, qui provient, à son tour du latin poenalitatem (cf. OnlineED); selon l’OED, le mot représenterait une variante de penality ou bien il proviendrait d’une forme non attestée de l’anglo-normand ou du moyen français, présentant une élision similaire de la troisième syllabe. Le TLFi considère que les formes, dérivées de l’anglais penal, devraient être penality ou penalty pouvant être des emprunts à pénalité, supposition appuyée par le sens de «souffrance, peine, malheur» que le mot possède en anglais. Le mot est employé en anglais avec le sens de «punition», «sanction» ou «châtiment»:

penalty nom 1. infraction qui est sanctionnée, surtout si elle est commise par rapport à une loi, ordre; 2. sanction imposée par le non respect d’une loi, d’un contrat; 3. perte ou désavantage conséquence d’une action ou d’une situation; 4. (SPORTS) sanction contre un sportif ou une équipe conformément aux règles des jeux.

Le mot revient en français avec ce dernier sens, du langage sportif (sens attesté en anglais en 1897) et appliqué surtout au football, mais aussi au handball, au polo, etc. :

pénalty nom masculin (SPORT) pénalisation pour une faute commise dans la surface de réparation; 2. tir effectué du point de réparation par un joueur placé face au but défendu par le seul gardien.

Nous remarquons le passage métonymique de la pénalisation prévue par le règlement au contenu de la sanction - à savoir de tir au but, appelé aussi coup franc ou coup de réparation. Le même sens se retrouve en roumain, qui privilégie le sens de «tir de punition», bien que le sens de «sanction» existe aussi dans des phrases comme arbitrul a acordat un penalti «l’arbitre a accordé un pénalty».

penalti nom neutre coup tire pour sanctionner une faute grave de l’équipe adversaire accordé en football, handball, etc. d’un lieu situé dans la surface de réparation directement au but, en face du seul gardien; du fr., angl. penalty.

Remarquons que tant en français qu’en roumain il existe d’autres dérivés du mot pénal (qui provient, comme penalty, du latin poenalis «qui concerne la

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punition», de poena «punition»), à savoir en fr. pénalité, pénalisation, respectivement en roum. penalitate, penalizare. Ces mots présentent une grande partie des significations des mots anglais penality ou penalty pour le domaine des sanctions légales (peine établie par une loi, amendes, dédommagements). 3. Mots français du roumain enrichis sémantiquement par l’anglais Dans les deux dernières décennies, nous assistons en roumain à un second grand changement du vocabulaire (dans une certaine mesure semblable, par la profondeur et les dimensions, à la modernisation de la deuxième moitié du XIXe siècle), comme conséquence de l’abandon du totalitarisme communiste et de l’instauration d’une démocratie capitaliste. Cette fois-ci le modèle culturel (politique, économique, scientifique, administratif, etc.) arrive par l’intermédiaire de l’anglais, dans une première étape des États-Unis et, ensuite, de l’Union Européenne. Comme dans beaucoup d’autres pays européens, l’anglais devient la première langue étrangère étudiée dans les écoles et les universités (en Roumanie, au détriment du français). Le phénomène particulièrement significatif qui nous intéresse ici est celui de la ré-sémantisation de beaucoup de mots qui existaient déjà en roumain, en tant qu’emprunts au français. Une bonne partie de ces mots sont en anglais aussi d’origine française. Les locuteurs roumains ont senti, instinctivement, qu’il s’agissait ‘du même mot’ (en dépit des petites différences phonétiques ou morphologiques) et ils y ont ajouté des significations nouvelles. 3.1. fr. casserole - angl. casserole - roum. caserolă Le mot français casserole (dérivé de casse «récipient»), avec le sens de «ustensile de cuisine» (première attestation en 1583), a été emprunté tant par l’anglais que par le roumain. Voici les principales significations du mot en français:

casserole nom féminin 1. récipient cylindrique pourvu d'un manche et qui sert à la cuisson des aliments: une casserole d'aluminium; 2. (par métonymie) contenu de ce récipient. une casserole d'eau bouillante; 3. (expr. fig. et fam.) chanter comme une casserole chanter mal, chanter faux ; (pop.) traîner des casseroles, avoir une mauvaise réputation due à une affaire douteuse dont le bruit vous poursuit longtemps; passer à la casserole, être mis dans une mauvaise situation, subir un traitement désagréable, sans pouvoir s'y soustraire. (DAF9)

Comme on le voit, les deux sens fondamentaux du mot français sont «ustensile de cuisine » et, par un passage métonymique, «son contenu» (une casserole d’eau, veau / riz à la casserole). Le mot a développé aussi toute une série de significations métaphoriques et populaires. Une partie de ces significations sont liées au son désagréable provoqué par le heurt d’une casserole (chanter comme une casserole, ce piano est une vraie casserole, traîner des casseroles). Une autre partie des sens figurés dérivent, selon le GR et le TLFi, de l’association avec les volailles tuées avant d’être cuites: passer qqn. à la casserole «tuer qqn.» ou, dans une acception moins grave, «faire passer qqn. par une mauvaise situation». Enfin,

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le mot peut désigner métaphoriquement, en vertu de la forme de l’ustensile, une grosse horloge, un casque de guerre ou un projecteur. Tous ces sens figurés ne se retrouvent ni en anglais, ni en roumain. En anglais, le mot a été pris avec les deux significations du mot d’origine (ustensile de cuisine et le contenu d’un tel récipient), mais il a développé aussi des sens nouveaux:

casserole nom 1. récipient de cuisine en céramique ou de verre, d’habitude avec un couvercle, qui sert à la cuisson et à la présentation des aliments; 2. plat cuit et servi dans un tel récipient, d’habitude du riz, des pommes de terres ou macaroni avec de la viande ou du poisson et des légumes; 3. (CHIMIE) plat profond en porcelaine, pourvu d’un manche, qui sert à chauffer ou a faire évaporer une substance (your dictonary. com).

Donc, en partant du sens «ustensile à manche qu’on peut mettre sur le feu pour préparer des plats», l’anglais a opéré un développement sémantique, désignant avec le même mot un vase de chimie en porcelaine. Un autre sens qui apparaît en anglais est celui de «petit récipient, en papier ou en plastique, dans lequel on vend des fruits ou des aliments» (récipient qu’on appelle en français une barquette). Ce dernier sens ne figure pas encore dans les dictionnaires, mais on le retrouve fréquemment dans Google, par exemple sur le site http://www.labdepotinc.com/c-304-casserole-dish.php. Le roumain a emprunté lui aussi le mot, mais le premier sens présenté par les dictionnaires est celui de «récipient de chimie», tandis que le sens de «ustensile de cuisine» apparaît seulement en seconde position:

caserolă nom féminin 1. récipient en porcelaine, à manche, employé dans les laboratoires pour fondre des substances visqueuses et peu volatiles; 2. récipient de cuisine, profond, à manche et au fond plat, utilisé en cuisine; du fr. casserole.

Le MDN donne aussi le sens de «barquette» et un sens technique, que nous n’avons retrouvé ni dans les dictionnaires français ni dans les dictionnaires anglais, celui de «couverture d’une hélice». Le mot roumain caserolă est, donc, le résultat d’un double calque sémantique: le mot est emprunté au français, mais deux de ses significations (celle d’ustensile de laboratoire et celle du commerce alimentaire) proviennent de l’anglais. En revanche, en roumain on n’a pas fait le passage métonymique contenant - contenu, de «plat (préparé dans une casserole)» sens présents tant en français qu’en anglais. 3.2. fr. appliquer - angl. apply - roum. aplica Le verbe appliquer, attesté au XIIIe siècle (< lat. APPLICARE) présente en français plusieurs sens, qui peuvent être synthétisés de la manière suivante:

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appliquer verbe transitif 1. poser, mettre en contact: appliquer une couche de peinture sur un mur, appliquer un cachet sur de la cire) ; 2. utiliser qch. pour obtenir un certain résultat: appliquer une thérapie, appliquer une règle, appliquer son intelligence à faire qch; 3. employer pour un usage déterminé, faire servir dans une situation donnée: applique son esprit à l’étude; 4. (pronom.) apporter beaucoup d’attention, faire des efforts: cet écolier s’applique beaucoup.

En anglais, le mot apply est présent depuis longtemps, existant déjà en anglo-normand sous les formes applier, apllier ou plier (AND) (de l’anc. fr. aplier); l’OED donne comme première attestation la Bible de Wycliffe (1384). Le premier sens en anglais est le sens étymologique - «mettre en contact» («to bring things in contact with one another» cf. OnlineED). Le mot présente les sens suivants:

apply verbe 1. poser, mettre en contact: to apply the suntan, the paint); 2. utiliser, employer: to apply the brakes, to apply the pressure on a cut, to apply one's knowledge to a problem; 3. faire une requête, d’habitude officielle et écrite; he applied to join the police; 4. ~ oneself travailler durement: you can solve any problem if you apply yourself.

En roumain, les dictionnaires enregistrent pour le verbe aplica (ayant une double étymologie possible, du français ou du latin) l’essentiel des sens du verbe français:

aplica verbe transitif I. 1. mettre une chose sur une autre, la fixer, l’unir; 2. mettre quelque chose en pratique, employer a aplica un procedeu / un tratament «appliquer une procédure, un traitement»; (dans l’expression) a aplica (cuiva) o palmă trad. litt . «appliquer à qqn une gifle», gifler qqn.; (vieilli ) se dédier, étudier qch. a se aplica la algebră «s’appliquer à l’étude de l’algèbre».

Récemment, le verbe a aplica accompagné souvent par la préposition la a acquis un sens supplémentaire, celui de «requête officielle» dans des syntagmes comme a aplica la universităŃi din străinătate / la un job «faire une requête pour être inscrit à des universités étrangères / pour un travail», sens présents sur Google. Évidemment, cette dernière acception est un calque sémantique de l’anglais, le locuteur roumain ayant eu, inconsciemment, l’intuition du lien qui existe entre le mot anglais to apply et le verbe roumain a aplica - à savoir le même étymon. 3.3. fr. qualifier - angl. qualify - roum. califica En français, le mot est un emprunt moderne au latin scolastique (qualificare, de qualis «de quel type » + facere «faire» cf. GR, OED). Le mot est passé du français en anglais au XVIe siècle, et en roumain à la fin du XIXe siècle. En français le mot a les significations suivantes:

qualifier verbe transitif 1. appeler, caractériser : la valse à trois temps est qualifiée de valse française ; 2. traiter de : qualifier qqn. de tous les noms; 3. (pron. vieilli) accorder un titre nobiliaire, s’arroger un titre ou une fonction: il se qualifia colonel;

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4. (pron.) se rendre capable, acquérir la compétence: se qualifier dans un métier; 5. donner la capacité, la compétence: rien ne le qualifie pour exercer le pouvoir personnel; 6. (SPORTS, souvent au passif) obtenir le droit de disputer une épreuve ultérieure: se qualifier pour la finale; 7. (GRAMM.) déterminer: l’adverbe de manière qualifie les actions exprimées par le verbe.

En anglais, on retrouve la majorité des significations du mot français, avec des élargissements et des spécialisations. On part de la signification «accorder un titre nobiliaire», sens qui a existé en français aussi (le TLFi mentionne sa présence dans le Dictionnaire de L’Académie Française de 1694). L’OED enregistre les sens suivants:

qualify verbe I. 1. attribuer une ou plusieurs qualité(s), caractériser: to qualify a person as a teacher; (GRAMMAIRE) déterminer (un mot): the noun ‘son’ is usually qualified by ‘my’ / ‘his’ / ‘her’; 2. finir sa formation professionnelle: to qualify as a lawyer; 3. avoir ou acquérir le droit, la qualité ou la compétence de faire qch. (grâce à une formation professionnelle, en prêtant un serment, etc.): he qualifies for the competition, he is over 18; (extens.) remplir les conditions requises, devenir éligible pour un une certaine position; 4. réussir à entrer dans une compétition sportive: the team qualified for the Word Cup; II. modifier (une affirmation, une opinion) en ajoutant des limitation ou des réserves : I'd like to qualify my criticisms of the school's failings, by adding that it's a very happy place.

En roumain, le verbe a califica est d’origine française. Le DA donne toute la famille du mot, le participe passé, calificat «qualifié», étant employé souvent comme adjectif, par exemple dans des syntagmes calqués sur le français du type omor calificat «meurtre qualifié» ou muncitor calificat «ouvrier qualifié»; un autre mot de la famille est le substantif calificativ «qualificatif» (un calificativ aspru «un qualificatif sévère »):

califica verbe transitif 1. acquérir le niveau nécessaire de préparation, arriver à avoir les connaissances nécessaires pour exercer un certain métier (avec la reconnaissance officielle de cette préparation). 2. (réfléchi) obtenir (grâce à des résultats favorables) le droit de participer à une phase supérieure dans une compétition sportive, culturelle, etc. 3. attribuer à une personne ou à un objet une certaine qualité ; la qualifier, la nommer.

Dans les dernières années, le verbe roumain a (se) califica a acquis un sens supplémentaire, à savoir le sens administratif du mot anglais: «remplir les conditions légales requises». Cette acception n’est pas encore mentionnée par les dictionnaires, mais on la retrouve dans la langue parlée, dans les journaux, sur Internet : tot băncile stabilesc cine se califică pentru programul Prima Casă (http://money.ro) «ce sont toujours les banques qui décident qui remplit les conditions pour le programme (gouvernemental) Ma Première Maison», ca brutar, macelar, zidar, strungar te califici la emigrare in Canada (Quebec), ca inginer electronist NU! (http://forum.romanian-portal.com/archive/index.php/t-5344.html)

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«comme boulanger, maçon, tourneur, tu remplis les conditions pour l’émigration au Canada (Québec), comme ingénieur informaticien, NON» (http://video-stiri. blogspot. com/2009/05/te.html). 4. Conclusions Un examen de la situation des mots français empruntés par l’anglais et par le roumain montre les mécanismes grâce auxquels le vocabulaire s’enrichit par l’intégration des éléments nouveaux. Les mots techniques sont pris, en général, dans leur totalité. Pour les mots du langage commun, l’emprunt est d’habitude partiel, souvent avec des développements connotatifs originaux. Nous avons trouvé plusieurs situations : - chaque langue cible a repris partiellement le sens étymologique: le mot toupet a, en anglais, seulement le sens propre du français, en roumain seulement le sens figuré; - un ancien mot français peut subir des transformations sémantiques importantes en anglais et, ensuite, revenir en français avec ces significations nouvelles, de façon que, lorsqu’il entre en roumain, souvent on ne sait pas si le mot a été repris du français ou de l’anglais. Nous avons présenté le cas de deux mots du langage des sports (corner et penalty), mais ce genre d’emprunts se retrouve assez fréquemment (nous pouvons citer les mots comme acquis (communautaire) interview, parlement, reporter, respectabilité, saloon, suprématie, etc.); - certains mots d’origine française tant en anglais qu’en roumain se sont enrichis dans cette deuxième langue avec des sens développés en anglais. Il s’agit surtout de significations de type juridique ou administratif, qui se retrouvent dans la législation internationale et surtout dans celle de la Communauté Européenne. Ce type de recherche met en valeur surtout le lien entre le vocabulaire d’une langue et l’histoire de la communauté linguistique qui la parle. Par exemple, le mot toupet a été repris en anglais (sous la forme toupee) avec son sens concret («mèche (postiche) de cheveux») parce que l’emprunt est survenu à une époque où les coiffeurs les employaient, tandis qu’en roumain le mot a seulement le sens figuré («assurance exagérée, aplomb») parce que le mot a été repris beaucoup plus tard, à la fin du XIXe siècle, quand les personnes n’utilisaient plus le toupet pour leurs coiffures. * Adriana Costăchescu, Analele UniversităŃii din Craiova, Lingvistică”, nr. 1-2, 2010, p. 73-88. NOTES 1 Dans cet article, les sens français sont en général donnés d’après le TLFi, complété avec les dictionnaires GRLF, GR et GLLF; les sens anglais d’après l’OED, mais nous avons profité aussi des présentations synthétiques et des exemples des nombreux dictionnaires anglais en ligne; les sens roumains, d’après le DA / DLR, le DEX et le DN. Pour des raisons de clarté, nous avons fait une présentation synthétique des significations proposées par ces dictionnaires. 2 Le mot perruque a subi un changement sémantique tout à fait similaire après la Révolution française qui l’a fait passer de mode. Chez les écrivains romantiques on retrouve l’expression vieille perruque ou tête à perruque pour désigner une personne âgée ou une personne qui est ridiculement surannée (TLFi)

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3 Dans la linguistique roumaine une telle situation est désignée par le terme de ‘étymologie multiple’, introduit par Alexandru Graur (1950), et appliqué aux mots roumains qui auraient pu provenir de plusieurs langues. Par exemple il est très difficile, sinon impossible, d’établir si le mot roumain monofonic provient du français monophonique ou de l’anglais monophonic, si l’étymon du substantif gorilă est le mot français gorille, le mot italien gorilla ou le mot allemand Gorilla ou bien si l’interjection haide «vas-y / allons-y» a pour origine le mot turc haydi, le mot bulgare haide ou le mot grec àide. BIBLIOGRAPHIE Ouvrages de référence Avram, Mioara (1982), «Contacte între română şi alte limbi romanice», in Studii şi

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TYPOLOGIE SÉMANTIQUE DES MOTS ROUMAINS EMPRUNTÉS AU FRANÇAIS*

1. Introduction Notre contribution fait partie d’un projet de recherche sur la Typologie des emprunts lexicaux français en roumain en déroulement à l’Université de Craiova (Roumanie), dont le but principal est, l’analyse sémantique comparative des gallicismes lexicaux du roumain et de leur base française. Notre but est de vous présenter quatre types d’emprunts: 2.1. mots d’origine française1 qui ont développé en roumain des sens métaphoriques familiers ou argotique, avec ou sans correspondants en français (salon, beton, mansardă); 2.2. mots où il s’agit d’une contribution de l’anglais à la sémantique de mots roumains d’origine française (caserolă, a aplica); 2.3. mots empruntés du français sous deux formes (întrevedere et interview); 2.4. mots de la même origine, empruntés deux fois, dont une par filière française (hazard) et l’autre par filière turque (zar).2 À partir de la fin du XVIIIe siècle, mais surtout au long du XIXe siècle - époque de la modernisation - et de la première moitié du XXe siècle, le roumain a subi une très forte influence française, « unique au monde, en ce qui concerne ‘les emprunts à distance’ », d’après Alf Lombard (1969: 646). Après 1829 (Paix d’Adrianople), grâce au revirement d’ordre politique, économique et surtout culturel des principautés roumaines, cette influence, qui fait partie de la ‘re-romanisation’ du roumain, est devenue tellement forte qu’elle a modifié la physionomie de la langue et surtout la structure de son vocabulaire. D’après plusieurs statistiques, presque la moitié des mots roumains figurant dans le DEX proviennent du français (ou bien comptent le français parmi les langues de leur origine possible). Dans le deuxième cas il s’agit de mots à ‘étymologie multiple’. 2. Mots avec sens métaphoriques familiers ou / et argotiques 2.1. Mots avec sens métaphoriques familiers ou / et argotiques en roumain 2.1.2. fr. salon > roum. salon Le mot français est attesté depuis 1650. Son origine est ‘mouvementée’ puisqu’il vient de l’it. salone, qui à son tour est un dérivé en -one, d’un emprunt au français salle (avec maintien de l’a accentué d’après halle). Le sens principal de salon est: «pièce aménagée avec soin particulier où l’on reçoit les visiteurs et l’on se réunit en famille et entre amis» (cf. TLFi).

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FR: salon subst. masc. I. 1. pièce aménagée avec un soin particulier où l’on reçoit les visiteurs ; (p. méton.) mobilier de cette pièce; 2. demeure privée où la maîtresse de maison reçoit; (p. ext.) lieu de réunions mondaines ; II. 1. pièce d’un édifice public réservée aux réceptions ; 2. grande salle où on organise des expositions ; (p. méton.) exposition périodique d’œuvres d’artistes vivants; (p. anal.) grande exposition, généralement annuelle où sont présentés les produits d’une branche particulière de l’industrie ou du commerce; lieu de cette exposition; 3. (argotique) dans des locutions: salon calin, salon contact, etc. (cf. ARG FAM).

REY mentionne aussi le syntagme poète de salon (1835), signifiant «poète mondain», mais il spécifie que cette formule est devenue vite péjorative. Le mot roumain homonyme a été emprunté du français dans la première moitié du XIXe siècle.

ROUM: salon, subst. neutre 1. chambre d’une habitation, destinée à recevoir les invités; 2. salle pour festivités, bals, fêtes publiques ; salle pour les expositions périodiques de peinture, sculpture, etc.; (par ext.) les expositions présentées dans cette salle ; réunion à caractère culturel, artistique, mondain, etc. 3. chambre à plusieurs lits, dans un hôpital. 4. (familier, dans l’expression) a fi salon (trad. litt.) «être salon» avoir un comportement irréprochable.

Les locutions familières, presque argotique méritent une attention spéciale: a fi salon «être de bonne qualité / se comporter d’une manière distinguée» et à l’impératif: fii salon, «comporte-toi comme il faut, d’une façon convenable». On peut employer le mot même comme adjectif épithète: Paul e un băiat salon (« Paul est un type bien élevé»). 2.2. Mots avec un sens métaphoriques familiers ou argotique semblables en roumain et en français fr. mansarde - roum. mansardă Le mot français mansarde, dont le signifiant provient du nom de l’architecte François Mansard (1598-1666) est attesté en 1676 (TLFi).4 Selon ce dictionnaire mansarde a deux sens principaux dans le domaine de l’architecture:

FR: mansarde: subst. fém. 1. comble brisé à quatre pans appelé aussi comble à la Mansart, ou à la mansarde, ou en mansarde ; 2. fenêtre pratiquée dans la partie verticale d'un comble brisé; (par. anal.) toute pièce à plafond bas dont un mur au moins est en pente selon l’inclinaison du toit: habiter une mansarde. 3. (argot) crâne.

En roumain le mot fait son apparition lexicographique dans la première moitié du XIXe siècle sous la forme manzardă, puis sous la forme mansardă dans un poème d’Alexandru Macedonschi, au commencement du XXe s. (DLR).5

ROUM : mansardă subst. fém. 1. dernier étage d’une maison, situé immédiatement sous le toit; 2. chambre ou ensemble de chambres situées sous le toit, aménagée comme habitation, ayant le plafond ou le(s) mur(s) oblique(s); 3. (métaphorique, fam.) esprit, intelligence a avea păsărele la mansardă (trad. litt.)

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«avoir des petits oiseaux à la mansarde», a fi deranjat la mansardă (trad. litt.) «être dérangé à la mansarde», être déséquilibré.

Le sens emprunté a un caractère très général : «étage situé immédiatement sous le toit d’un bâtiment; p. extension, pièce ou logement, souvent de forme irrégulière (et) à toit incliné» (DLR). Grâce au sème ‘qui se trouve à la partie supérieure’ du lexème toit, inclus dans la définition de mansarde, le mot est employé en roumain comme métaphore fréquente pour faire référence à la capacité intellectuelle ainsi qu’à l’équilibre psychique d’une personne. Quelques exemples : are mansarda bine echipată (trad. litt. «il a la mansarde bien équipée»), qui désigne une personne compétente et intelligente, a-şi mobila mansarda (trad. litt. «meubler sa mansarde») avec le sens «s’instruire», ainsi que diverses expressions signifiant «être déséquilibré»: a avea păsărele / lilieci la mansardă (trad. litt. «avoir des oiseaux / des chauves-souris à la mansarde»), a fi deranjat la mansardă (trad. litt. «être dérangé à la mansarde»), etc.6 Le dictionnaire ARG FAM signale trois exemples - malheureusement sans les reproduire - où le mot français mansarde a le sens très semblable de la métaphore roumaine, le référent étant ‘le récipient’ de l’intelligence: le crâne. 2.2.2. fr. béton > roum. beton Voici la présentation des dictionnaires français et roumains pour ce mot:

FR: béton subst. masc. 1. matériau de construction à grande résistance; (p. métaph.) symbole de la solidité, de la résistance, de la contrainte; au fig. (sport) faire, jouer le béton; (arg. des casernes) un béton un fort; hommes de béton soldats qui servaient dans les ouvrages fortifiés de la ligne Maginot; 2. (p. anal.) matériaux qui contiennent beaucoup d'hydrogène, utilisés comme absorbeurs de neutrons; 3. (p. métaph.) en béton solide, inattaquable un alibi en béton; (adj. fam.) une excuse béton.

ROUM: beton: I subst. neutre 1. matériau très résistant utilisé dans les constructions, résulté d’mélange de gravier, ciment, etc.; 2. (SPORT) système de défense employé dans certains jeux sportifs (surtout au football) apărare beton défense béton; II. (adj. fam.) solide, indestructible; (arg.) formidable o tipă beton (trad. litt.) «une typesse béton» une typesse très bien, o petrecere beton (trad. litt.) «une fête béton», une fête très réussie.

Il résulte que le mot roum. beton présente un développement analogue à celui de salon: avec le sens «très bon (sans défaut)», le substantif a pris les fonctions d’un adjectif ou d’un adverbe: o pledoarie beton «un plaidoyer excellent (auquel on ne peut rien opposer)», o petrecere beton «une fête très réussie». En argot le mot est employé aussi comme attribut qualificatif d’une personne : o tipă beton «une typesse O.K., très bien». Probablement que le point de départ de ce changement de catégorie grammaticale a été la locution de beton. En français, d’après les dictionnaires consultés, béton avec le sens «solide, sérieux, fiable» est employé plutôt comme substantif, précédé de en ou de l’article:

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établir un système sur solide béton (TLFi). Pourtant on le trouve aussi avec fonction attributive: arguments bétons, «solides, irréfutables» (GR). Il semble donc que la ré-grammaticalisation en adjectifs de certains substantifs ayant un sens métaphorique qualificatif est une tendance commune, au moins aux deux langues dont nous nous occupons ici. 3. Gallicismes roumains enrichis par des calques sémantiques de l’anglais Comme conséquence de l’abandon du totalitarisme communiste et de l’instauration d’une démocratie capitaliste, dans les dernières deux décennies nous assistons en roumain à un second grand changement de vocabulaire, dans une certaine mesure semblable à la modernisation de la deuxième moitié du XIXe siècle, par profondeur et dimensions). Cette fois-ci le modèle culturel (politique, économique, scientifique, administratif, etc.) vient par l’intermédiaire de l’anglais, dans une première étape des États-Unis et, ensuite, de l’Union Européenne aussi. En Roumanie, l’anglais devient la première langue étrangère étudiée dans les écoles et les universités, au détriment du français. Un phénomène particulièrement intéressant est celui des calques sémantiques d’après l’anglais, qui font leur apparition dans des mots roumains empruntés jadis au français. Une bonne partie de mots dont il est question sont en anglais aussi d’origine française. 3.1. roum. caserolă < fr. casserole > angl. casserole Le mot français casserole (dérivé de l’aprov. casse «récipient» avec le suff. -erol(l)e, (-ole) (cf. TLFi qui renvoie à BW,) ayant le sens de «ustensile de cuisine», (1583) a les significations suivantes (cf. DAF):

FR: casserole subst. fém.1. récipient cylindrique pourvu d'un manche et qui sert à la cuisson des aliments: une casserole d'aluminium; 2. (p. métonymie) contenu de ce récipient: une casserole d'eau bouillante. 3. (expr. fig. et fam.) chanter comme une casserole chanter mal, chanter faux ; (pop.) traîner des casseroles, avoir une mauvaise réputation due à une affaire douteuse dont le bruit vous poursuit longtemps; passer à la casserole, être mis dans une mauvaise situation, subir un traitement désagréable, sans pouvoir s'y soustraire.

Les deux sens fondamentaux du mot français sont «ustensile de cuisine» et, par transfert métonymique, son contenu (une casserole d’eau, veau / riz à la casserole). Le lexème a développé en français toute une série d’extensions métaphoriques et populaires, fondées sur une analogie de forme ou de résonnance, puisque le mot a été employé avec les sens «casque de combat» (en 1916), «projecteur», ou bien «piano de mauvaise qualité» (cf. REY) La plupart de ces connotations sont péjoratives (chanter comme une casserole, ce piano est une vraie casserole, trainer des casseroles; passer qqn. à la casserole «tuer qqn. (par allusion aux volailles que l’on tue pour les faire cuires; cf. REY)», etc.). Le roumain a emprunté le mot, probablement, seulement au commencement du XXe siècle, car il est absent du TIKT / MIR, du DA et du

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DLRC. Dans les dictionnaires contemporains (DEX, MDENC) caserolă est défini comme suit:

ROUM 1: caserolă subst. fém. 1. récipient en porcelaine, prévu de manche, employé dans les laboratoires pour fondre des substances visqueuses et peu volatiles; 2. récipient de cuisine, profond, à manche et au fond plat, utilisé en cuisine.

À la différence du mot français, la première acception du mot roumain est celle de ‘ustensile pour laboratoire’. C’est l’anglais qui nous fournit l’explication, par l’homonyme casserole, mot emprunt au français7 du XVIIIe s. Quant au sens, l’OED nous offre une citation de 1960 de l’Observer:

«1960 Observer 17 Jan. 14/4 A casserole, once upon a time, was a pan with a handle, made in tinned copper, earthenware, enamelled iron or some other heat-resistant material... In Britain to-day the casserole has become a portmanteau word for any receptacle in a fire-resistant material, with or without a lid, that goes both into the oven and on to the dinner-table.» (OED)

Le WEBST est plus explicite en ce qui concerne le sens qui se retrouve en roumain:

ANGL: casserole subst. 1. récipient de cuisine; 2. récipient en céramique ou en verre qui sert à la cuisson et à la présentation des aliments; les plats préparé ainsi sont dits en casserole; 3. plat profond pourvu d’un manche, utilisé par les chimistes.

En anglais on trouve aussi le sens «petit récipient, en papier ou en plastique, dans lequel on vend des fruits ou des aliments», récipient qu’on appelle en français barquette. Cette acception ne figure pas encore dans les dictionnaires anglais et ne semble pas encore être connue par tous les locuteurs, mais on le retrouve dans Google. Sur le site www. tradevv. com/vs-casserole/ on lit: «tokyo plast international ltd. is a professional thermo food container, thermal kitchenware, plastic casseroles, hot food container, hot insulated food, han billion metals and chemicals co.» Le dictionnaire roumain de néologismes (DN) enregistre le sens «barquette», ainsi qu’un sens technique «couverture d’une hélice», que nous n’avons retrouvé ni dans les dictionnaires français ni dans les dictionnaires anglais. Le mot roumain caserolă est donc le résultat d’une double influence. Le mot est un emprunt du français; dans l’acception «récipient de cuisine» il est peu utilisé aujourd’hui. Les deux sens nouveaux («récipient de laboratoire» et barquette) proviennent de l’anglais par calque sémantique. L’anglais a généralisé le sens du genre proche «récipient» et le roumain a élargi le sens du mot caserolă, par un calque sémantique de l’anglais, la principale langue source du roumain actuel. 3.2. roum. a aplica > fr. appliquer < angl. to apply

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Le verbe français appliquer, attesté en 1280 (cf. REY) sous la forme apliquier, est un emprunt du latin (> APPLICARE), riche en sens et en constructions, présentés infra en résumant le TLFi :

FR: appliquer verbe tr. 1. poser, mettre en contact appliquer une couche de peinture sur un mur, appliquer un cachet sur de la cire; 2. utiliser qch. pour obtenir un certain résultat appliquer une thérapie, appliquer une règle, appliquer son intelligence à faire qch; 3. employer pour un usage déterminé, faire servir dans une situation donnée appliquer son esprit à l’étude; 4. (pronom.) apporter beaucoup d’attention, faire des efforts cet écolier s’applique beaucoup.

Les dictionnaires roumains enregistrent pour le verbe a aplica la plupart des sens du verbe français:

ROUM 1: aplica I. verbe tr. 1. mettre une chose sur une autre, la fixer, l’unir à; 2. mettre quelque chose en pratique, employer a aplica un procedeu / un tratament appliquer une procédure/ un traitement; (dans l’expression) a aplica (cuiva) o palmă (trad. litt.) «appliquer (à qqn.) une gifle», gifler qqn.; (pronom. vieilli ) se dédier, étudier qch. a se aplica la algebră «s’appliquer à (l’étude de) l’algèbre».

Récemment, le verbe a aplica accompagné souvent des prépositions la et pentru a pris un sens supplémentaire, qu’on trouve dans les exemples offerts par Google : «faire une requête officielle»: a aplica la universităŃi din străinătate / pentru un job «faire une requête pour être inscrit à des universités étrangères / pour un travail». On retrouve ce nouveau sens parmi les acceptions du verbe anglais to apply. Le mot anglais apply, a été emprunté, à son tour, de l’afr. sous sa forme anglo-normande applier, apllier ou plier (cf. AND s.v. applier) attestée dans la deuxième moitié du XIVe s. Le mot présente les sens suivants (cf. OED et résumés d’après WEBST):

ANGL: apply I. verbe tr. 1. poser, mettre en contact, appliquer to apply the suntan, the paint; 2. utiliser, employer to apply the brakes, to apply the pressure on a cut, to apply one's knowledge to a problem; 3. mettre en contact avec une personne ou une chose. 4. (oneself) se consacrer à un but, travailler durement pour you can solve any problem if you apply yourself. II. verbe intr. 1. faire une requête, d’habitude officielle et écrite he applied to join the police; to apply for a position. 2. être valable, être en vigueur your order doesn’t apply in an emergency.

D’après l’OED, le sens de II, «faire une requête» est attesté depuis le XVIe s. Vu la haute fréquence de cette nouvelle acception dans la langue actuelle, l’article de dictionnaire du verbe roumain a aplica devrait être complété avec ce sens nouveau:

ROUM 2: aplica verbe intr. II. 1. faire une requête, d’habitude officielle et écrite a aplicat la universitati din strainatate/ pentru un job faire une requête aux universités étrangères / pour un emploi.

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Il est frappant que le locuteur roumain ait reconnu le lien qui existe entre le mot anglais to apply et le verbe roumain a aplica, assez différents du point de vue du signifiant. On doit, peut être, partir comme intermédiaire phonétique du substantif aplicaŃie < fr. application et de l’anglais application, bien que le roum. aplicaŃie n’ait pas (encore) les sens du verbe anglais. Il s’agit donc encore une fois d’un calque sémantique d’après un mot anglais ‘appliqué’ au verbe a aplica, entré en roumain par filière française.8 Nous croyons que dans ce contexte il est difficile de parler d’emprunt. Il s’agit plutôt d’un mélange de langues possible dans certaines situations pragmatiques. Voir, par exemple, la situation de l’anglo-saxon et de l’anglo-normand (cf. Trotter 2009). 4. Emprunt répété d’un même mot d’origine française, avec contribution sémantique anglaise 4.1. roum. întrevedere < fr. entrevue; roum. interview < fr. interview Le mot roumain întrevedere, attesté en 1862, est un calque du français entrevue (1498), part.àicipe passé du verbe entrevoir (en roumain a întrevedea):

FR: entrevue subst. fém. rencontre concertée entre deux ou plusieurs personnes.

ROUM: întrevedere subst. fém. rencontre entre deux ou plusieurs personnes pour discuter des questions d’intérêt commun; de între + vedere (calque du fr. entrevue).

Le français entrevue a été emprunté aussi par l’anglais, toujours sous forme de calque (interview). Le mot apparaît en anglais pour la première fois en 1514. Après plus de trois siècles interview a commencé, à New York, une grande carrière internationale: «1869, 28 Jan. 67: The ‘interview, as at present managed, is generally the joint product of some humbug of a hack politician and another humbug of a newspaper reporter.» Avec ce nouveau sens, le mot est revenu sous sa forme anglaise interview en 18908 dans la langue de son pays d’origine.

FR: interview subst. fém. 1. entretien d’un journaliste avec une personne qui accepte de répondre, pour les besoins d’un article ou d’une émission radiophonique ou télévisée, à des questions d’ordre professionnel ou personnel; 2. (p. méton.) publication de cet entretien dans un journal (de l’anglais, attesté dans la deuxième moitié du XIXe s. cf. TLFi)

Vêtu de sa nouvelle robe extérieure et intérieure le roumain a emprunté interview une seconde fois du francais dans le premier quart du XXe s.

ROUM: interviu subst. neutre entretien d’une personnalité politique, culturelle, etc. et un journaliste, au cours duquel celui-ci s’informe sur les opinion de cette personnalité pour leur publication dans les journaux ou leur diffusion à la radio ou à la télévision; (p. ext.) le texte de cet entretien publié dans la presse ou diffusé à la radio ou à la télévision; (du français, attesté au commencement du XXe s.; (cf. DA)

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Le français entrevue a donc été emprunté deux fois en roumain: une fois avant et une fois après son aventure anglaise. 5. Doublets étymologiques en roumain, dont un provenant du français 5.1. roum. zar < turc az-zard; roum. hazard < fr. hasard Le mot roumain hazard est un emprunt du français au XIXe s. Le mot français doit son existence à l’espagnol azar, d’où il est venu déjà au XIIe s. avec le sens «jeu de dés».

FR: hasard subst. masc. 1. cause jugée non nécessaire et imprévisible (dans les domaines philosophique, artistique, religieux, scientifique); 2. (p. méton.) concours de circonstances, événement inattendu ou inexplicable (produit par le hasard); (p. anal.) entreprise, phénomène soumis à des aléas; empr. à l'ar. pop. az-zahr «le dé à jouer » (az est la forme assimilée de l'art. al devant z) par l'intermédiaire de l'esp. azar «coup défavorable au jeu de dés; sorte de jeu de dés ». cf. TLFi)

Au cours du temps le mot a acquis tour à tour les sens «certains coups de dés au jeu de hazard» (XIIIe s.), «mauvais coup en général», «risque, danger» (XV e s.) et enfin au XVIe s. «cas, événement fortuit». À l’origine du mot espagnol se trouve le mot arabe azzahr «le dé» (ou az- est une forme assimilée de l’article al). Il se trouve aussi dans la majorité des langues balcaniques par filière turque. (Mais cf. FEW t. 19, p. 2056). En roumain le mot zar «dé» a été introduit, selon TIKT / MIR au commencement du XIXe s. ayant le sens «jeu avec le dé», tout comme le mot espagnol.

ROUM: hazard subst. neutre circonstance ou concours de circonstances (favorable ou défavorable) dont la cause reste inexplicable; (p. ext.) cas fortuit, inattendu; sort, destinée; joc de hazard «jeu de hasard».

ROUM: zar subst. neutre petit cube en os, en bois, en plastique, etc. dont chaque face a d’un à six points, employé dans certains jeux de hasard; (p. ext.) jeu de hasard qui implique l’emploi de tels cubes; du turc zar.

Les deux mots roumains, zar et hazard, l’un entré par filière turque, l’autre par filière française, complètent ainsi l’histoire de ce mot dans les langues romanes. 6. Conclusions La richesse typologique des emprunts roumains du français se manifeste donc par la diversité des étymons français et des filières de pénétration dans la langue cible, par les différences sémantiques et l’évolution des sens figurés, ainsi que par l’importance de l’anglais pour le roumain contemporain. Ce dernier type peut-il être considéré comme un réel emprunt ou est-ce plutôt un modèle de ‘mélange’ linguistique, possible dans certaines situations pragmatiques?

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Notre dernier exemple (les mots roumains hazard et zar) est une preuve qu’une bonne étymologie n’est possible qu’avec un horizon large, qui dépasse quelquefois même les familles des langues, en tenant compte des contacts interlinguistiques dus à l’histoire politique, culturelle et économique. * Maria Iliescu, Adriana Costăchescu, Ramona Dragoste, Communication CILPR XXVI, Valence, 2010. NOTES 1. Mot attesté en français n’importe leur origine première (latin, hérité ou savant), francique, néerlandais, etc.) 2. Pour le français, les données (sémantiques et étymologiques) sont en général présentées d’après le TLFi, complété avec les dictionnaires GRLF, GR et GLLF. Les données roumaines proviennent du DA / DLR, du DLRC, du DEX et du DN. Les dates des premières attestations ont été prises de TIKT / MIR pour les mots enregistrés par ce dictionnaire. Pour l’anglais nous nous sommes servis de l’OED et du WEBST., mais nous avons profité aussi des présentations synthétiques et des exemples des nombreux dictionnaires anglais en ligne. Nous avons traduit en français les textes roumains et anglais des dictionnaires. 3. Terme introduit dans la linguistique roumaine par Alexandru Graur (1950), et appliqué aux mots roumains qui auraient pu provenir de plusieurs langues. Par exemple il est très difficile, sinon impossible, d’établir si le mot roumain monofonic provient du français monophonique ou de l’anglais monophonic, si l’étymon du substantif gorilă est le mot français gorille, le mot italien gorilla ou le mot allemand Gorilla, de même si l’interjection haide «vas-y / allons-y» a pour origine le mot turc haydi, le mot bulgare haide ou le mot grec àide. 4. REY précise que ce système de construction a été a mis en vogue vers 1650, mais que François Mansard est considéré à tort comme l’inventeur, puisque Pierre Lescaut (1515 - 1578) le connaissait et l’utilisait déjà. 5. Le dictionnaire Tiktin (voir TIKT / MIR), élaboré dans sa première forme à la fin du XIXe s., n’enregistre pas encore ce gallicisme. 6. Une évolution cognitive tout à fait semblable est propre au mot anglais garret «mansarde» qui, comme son équivalent roumain, est employé dans le même type d’expressions figurées : to be wrong in one's garret, to have one's garret unfurnished (OED). 7. L’étymologie indiquée par l’OED, l’italien casseruola, n’est pas acceptable, cf. CORTEL. / ZOLLI s.v. 8. DEX renvoie non seulement au fr. appliquer, mais aussi au lat. applicare; pour le DA le mot latin

sert d’explication du mot français. 9. REY croit que l’emprunt est antérieur, puisque son dérivé, le verbe interviewer (d’après l’anglais to interview) est attesté déjà en 1883. BIBLIOGRAPHIE Ouvrages de référence Avram, Mioara (1982), «Contacte între română şi alte limbi romanice», in Studii şi

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2. Analyse des champs sémantiques

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LE VOCABULAIRE FRANÇAIS ET ROUMAIN DE L’ESPACE : LES MOTS LIEU ET LOC*

Comme la majorité du vocabulaire roumain, le champ sémantique de l’espace présente pour les deux langues toute une série de similitudes. Notre démarche, de type sémasiologique, allant du français vers le roumain, se propose de mettre en relief le grand nombre de convergences qui existent entre l’emploi de ces mots dans le vocabulaire et, au niveau surtout les collocations, les divergences.

1. Les mots dérivés ou composés Les mots fr. lieu et roum. loc sont des mots hérités, tous les deux provenant du latin locus. Malgré ce fait, toute une série de mots dérivés ou composés en roumain sont présentés par DEX comme des emprunts du français, bien qu’une formation lexicale dans le vocabulaire roumain soit concevable au moins pour une partie de ces mots. Il s’agit: - de quelques adjectifs: local, -ă (du fr. local), locativ, -ă (du fr. locatif ), locomobil, -lă (du fr. locomobile), locular, -ă (du fr. loculaire); - du verbe localiza (du fr. localiser); - de plusieurs substantifs: localitate (du fr. localité), locatar, -ă (du fr. locataire), locaŃie (mot pour lequel DEX propose une double étymologie: le français location et le latin location, -onis), locomoŃie (du fr. locomotion), locomotivă (du fr. locomotive), locotractor (du fr. locotracteur), locùl (du fr. locule), locuŃiune (mot à étymologie multiple, du français locution et du latin locutio, -onis). Dans le cas d’un mot relativement fréquent comme le mot roumain locŃiitor , le dictionnaire cité invoque un type de composition provenant du français: loc «lieu»+ Ńiitor «tenant» selon du modèle du mot français lieutenant (de lieu + tenant). Nous mentionnons aussi l’élément de composition loco, provenant du français loco- qui sert à former des substantifs. Au début du siècle passé, à en juger des textes de Ion Luca Caragiale, le mot loco était employé en roumain aussi comme adverbial, indiquant, quand il figurait sur l’enveloppe d’une lettre, que celle-ci devait être envoyée à une adresse de la même ville. Pour des raisons d’espace, nous nous contentons ici seulement de signaler l’existence des mots dérivés du mot lieu ou loc dans les deux langues, ainsi que leurs significations similaires sinon identiques (situation qui a déterminé, probablement, l’idée que les mots cités sont en roumain des emprunts du français). Les mots fr. lieu et roum. loc ont un sens très général, qui conduit à un éventail assez large d’emplois sémantiques et pragmatiques. Au niveau sémantique, le mot

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est lié à la présentation de la prédication spatiale, c’est-à-dire ils expriment la position d’une certaine entité (appelée ‘cible’) par rapport à un espace, désigné le plus souvent par le mot ‘site’. Au niveau pragmatique, nous avons retrouvé des emplois déictiques, opposés aux emplois anaphoriques. Nous avons retrouvé deux types de deixis: une deixis spatiale mais aussi une deixis textuelle. 2. Les relations spatiales Vu son sémantisme très général, la première signification des items que nous étudions a comme dénotation la désignant d’un site ou d’une de ses sous-parties: (1) FR. Voici le lieu du monde où tout devient facile... (Ch. Péguy, La Tapisserie de Notre-Dame, 1913, p. 689) ROUM. Iată locul din lume unde totul devine uşor…. (2) FR. Oh! le lieu enchanteur resté dans ma pensée et que, crainte de désenchantement, je n’ai jamais voulu revoir depuis (Goncourt, Journal, 1892, p. 303) ROUM. O! locul fermecător ce mi-a rămas în suflet şi care, de frica unei dezamăgiri, n-am mai vrut să îl revăd de atunci. (3) FR. Le lieu était absolument désert. Il n’y avait pas une âme dans le bois ni dans la vallée. (Hugo, les Misérables, t. 1, 1862, p. 510). ROUM. Locul era absolut pustiu. Nu era absolut nimeni, nici în pădure, nici în vale. Dans les autres emplois, les mots réfèrent la localisation dans l’espace d’une certaine entité. Comme nous avons déjà mentionné, l’expression linguistique de la relation spatiale consiste dans la localisation d’un objet, nommé ‘cible’, par rapport à une autre entité, plus connue, plus grande ou ayant plus de notoriété, un espace, nommé ‘site’. Les sémanticiens ont établi que les langues naturelles codifient deux types de relations spatiales: - des relations topologiques, qui peuvent exprimer (a) le fait que la cible est soutenue par le site; nous parlons dans ce cas d’une relation topologique de support (le livre est sur la table) ou (b) que la cible est contenue dans le site, se trouvant, donc, dans une relation d’inclusion (la fillette joue dans le jardin); - des relations projectives (a) de direction (l’arbre est à la droite de la maison) ou (b) de distance (ma maison se trouve à deux pas de l’Université). Le mot lieu et son quasi équivalent roumain loc expriment particulièrement des relations topologiques d’inclusion: (4) FR. Le corps avait été trouvé, couché sur un banc de marbre rose, dans un lieu écarté, au sommet des jardins. (Pierre Louÿs, Aphrodite, 1896, p. 195). ROUM. Corpul a fost găsit, culcat pe o bancă de marmură albă, într-un loc izolat, în partea de sus a grădinilor. (5) FR. Chactas erra longtemps dans ce lieu: il visita la grotte du solitaire qu’il rouva remplie de ronces et de framboisiers, et dans laquelle une biche allaitait

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son faon. (François-René de Chateaubriand, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 275) ROUM. Chactas rătăci îndelung în acest loc; vizită peştera singuratică pe care o găsi plină de mărăcini şi de fragi şi în care o căprioară îşi alăpta iedul. Dans ces exemples, la cible (le corps pour (4) et Chactas en (5)) est totalement incluse dans l’espace désigné par l’adverbial dans ce / un lieu, qui constitue le site.

Vu son sens très général, les mots lieu - loc fonctionne comme hypéronyme pour un grand nombre de mots désignant des espaces spécifiques. Pour cette raison, le mot se retrouve dans un grand nombre de définitions ou de descriptions: (6) FR. Le mot église veut dire assemblement, le lieu en qui tous les chrétiens réunis se trouvent assimilés dans l’unité d’un même corps mystique. (Paul Claudel, La Jeune fille Violaine, 1901, p. 646) ROUM. Cuvântul francez «église» înseamnă întrunire, locul în care toŃi creştinii adunaŃi se găsesc asimilaŃi în unitatea aceluiaşi corp mistic. (7) FR. L’école est un lieu admirable. J’aime que les bruits extérieurs n’y entrent point (Alain, Propos, 1929, p. 877) ROUM. Şcoala este un loc admirabil. Îmi place mult că zgomotele din afară nu intră aici deloc. 3. Les collocations À part ces emplois locatifs, les mots lieu et loc se retrouvent dans un grand nombre de collocations.1 C’est un type d’emploi où se retrouvent des concordances et des divergences entre les deux langues. 3.1. Collocations convergentes Notre corpus contient une seule conjonction composée au lieu de + INF et în loc + Phsubj qui, à part la banale différence entre la construction de + Infinitif

en français et la subordonnée au conjonctif en roumain, sont tout à fait équivalentes: (8) FR. Au lieu d’améliorer, l’altitude aggravait l’état de Lionello. (R. Rolland, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, p. 1516) ROUM. În loc să o îmbunătăŃească, altitudinea agrava starea de sănătate a lui Lionello. (9) FR. Il y a une dose d’opium au-delà de laquelle l’effet s’émousse au lieu de s’accentuer... (R. Vaillant, Drôle de jeu, 1945, p. 37) ROUM. Există o doză de opiu dincolo de care efectul se estompează în loc să se accentueze. La même construction, avec la même signification adversative (entre la situation supposée par le locuteur et la situation réelle) se retrouve, dans les deux langues, avec un substantif à la place de d’une subordonnée, situation dans laquelle les constructions en français et en roumain sont identiques:

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(10) FR. […] au lieu de bénéfices, la vente au détail donna des pertes. (L. Reybaud, Jérôme Paturot, 1842, p. 391) ROUM. […] în loc de beneficii, vânzarea cu amănuntul conduse la pierderi. (11) FR. Au lieu d’ammoniaque, on pourrait essayer d’autres genres de réactifs. (C. Bernard, Cahier de notes, 1860, p. 157) ROUM. In loc de amoniac, se pot încerca alte tipuri de substanŃe reactive. Notre corpus contient aussi deux locutions verbales: - avoir lieu → a avea loc, expression verbale très fréquente, exprimant une prédication affirmant l’instauration d’une certaine situation: (12) FR. La cérémonie / la visite / le repas / l’exécution aura lieu demain. ROUM. Ceremonia / vizita / masa / execuŃia va avea loc mâine. (13) FR. Le vote final / le crime a eu lieu le 25 janvier. ROUM. Votul final / crima a avut loc pe 25 ianuarie. - tenir lieu → a Ńine loc: (14) FR. Seul le cri fait vivre; l’exaltation tient lieu de vérité. (A. Camus, L’Homme révolté, 1951, p. 70) ROUM. Numai strigătul te face să trăieşti exaltarea Ńine locul adevărului. (15) FR. La raison est abeille, et l’on n’exige d’elle que son produit; son utilité lui tient lieu de beauté. (J. Joubert, Pensées, 1824, p. 165) ROUM. RaŃiunea e albină şi nu i se cere decât să producă; utilitatea îi Ńine loc de frumuseŃe. Les mots lieu - loc apparaissent surtout dans des expressions nominales. Une des collocations nominales les plus fréquentes a la structure lieu + de, locution qui a plusieurs traductions possibles en roumain, selon le contexte. - lieu de → loc de; cette équivalence se retrouve dans des contextes du type lieu de réunion → loc de întrunire, lieu(x) de travail → loc de muncă, lieu de retraite → loc de refugiu, lieu de divertissement → loc de distracŃie, lieu d’asile → loc de refugiu / azil, lieu de passage → loc de trecere: (16) FR. Et la cathédrale? Elle est lieu d’asile. (Jean Cocoteau, Bacchus, 1952, III, 1, p.

170) ROUM. Şi catedrala? E loc de azil. (17) FR. Bourg écarté, ignoré, qui n’est pas même lieu de passage, où l’on n’arrive que par des chemins impraticables. (Paul-Louis Courier, Pamphlets politiques, Pétition aux deux Chambres, 1816, p. 7) ROUM. Târg izolat, ignorat, nu nici măcar un loc de trecere, nu poŃi ajunge acolo decât pe drumuri impracticabile. (18) FR. ... pour tuer le temps, il résolut de pousser jusque chez Vidal, un libraire du

Faubourg Saint-Antoine, dont l’arrière-boutique servait de lieu de réunion à ce groupe d’intellectuels anarchisants qui éditaient l’ Élan Rouge. (R. Martin du Gard, Les Thibault, L’Été 1914, 1936, p. 504)

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ROUM. … ca să-şi treacă timpul, hotărî să se ducă până la Vidal, un librar din cartierul Saint-Antoine care avea în spatele prăvăliei o cameră ce servea drept loc de întrunire pentru acest grup de intelectuali ce aveau înclinaŃii spre anarhism şi care editau Elanul Roşu. - lieu de → loc + ADJ: (19) FR. Je l’ai mis en lieu d’assurance. (Académie 1798-1932) ROUM. L-am pus la loc sigur. (20) FR. Cet étourdi s’est fait mettre en lieu de sûreté (Académie 1835, 1878) ROUM. Zăpăcitul nu s-a lăsat până nu a fost pus la loc sigur / la păstrare. Le mot lieu peut apparaître aussi comme deuxième élément du syntagme N + de lieu, apparaissant comme expension d’une ‘tête’ nominale. Pour cette structure il se manifeste le fait que la préposition de est, en français aussi morphème du génitif. Dans d’autre cas, le syntagme prépositionnel de lieu se traduit en roumain avec l’adjectif local en variation libre avec le génitif locului. - N + de lieu → Nom + locgénitif ; il s’agit de contextes du type maître du

lieu → stăpânul locului, la dame du lieu → doamna / stăpâna locului, la beauté du lieu → frumuseŃea locului, la solitude du lieu → singurătatea locului, etc.: (21) FR. Quant au maître du lieu (...) il va au buffet et en rapporte un verre et un couvert qu’il pose sur la table (V. Hugo, Ruy Blas, 1838, IV, 2, p. 417) ROUM. Cât despre stăpânul locului (…) merge la bufet şi aduce de acolo un pahar şi un tacâm pe care-l pune pe masă. (22) FR. Les vallons verts succédaient aux vallons verts en cet endroit avec régularité, et le mystère du lieu était aggravé par l’impression que donnait la tombée du soir. (P.-J. Jouve, La Scène capitale, 1935, p. 194) ROUM. Văi verzi urmează unor văi verzi, în acest loc, cu regularitate iar misterul locului era mărit de impresia pe care o dădea căderea serii. - N + du lieu → N + local / locului; nous avons trouvé dans le corpus un grand nombre d’expressions de ce type : dandysme du lieu → dandysmul local / loculul, langue du lieu → limba locală / locului, académie du lieu → academia locală / locului, tribunal du lieu → tribunalul local / locului, habitués du lieu → obişnuiŃii locului: (23) FR. Des gilets jaunes et des gants noirs. Le dandysme du lieu consiste, je crois, dans cette affectation à mépriser le costume civique (Gustave Flaubert, Champs et grèves, 1848, p. 174) ROUM. Jiletci galbene şi mănuşi negre. Dandysmul local constă, cred, din acest dispreŃ ostentativ faŃă de costumul obişnuit. (24) FR. Le tribunal du lieu où la succession est ouverte a compétence (...) pour les

demandes entre héritiers jusqu’au partage inclusivement (Nouv. rép. de dr., Paris, Dalloz, 1965, s.v. succession, no 14).

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ROUM. Tribunalul local , unde succesiunea a fost deschisă, are competenŃe pentru cererile urmaşilor inclusiv până la partaj. (25) FR. ... j’ai lu dans les journaux la biographie d’un Américain. Il a légué son immense fortune à des fondations scientifiques, son squelette aux étudiants de l’académie du lieu, et sa peau pour en faire un tambour... (A. Camus, Possédés, 1959, 2e part., 8e tabl., p. 1015).

ROUM. … am citit în ziare biografia unui american. A lăsat moştenire imensa sa avere unor fundaŃii ştiinŃifice, scheletul studenŃilor de la academia locală şi propria piele pentru ca sa se facă din a o tobă.

- lieu + ADJ → loc + ADJ ; nous pouvons citer comme exemples saints lieux → locuri sfinte, lieu(x) commun(s) → loc(uri) comun(e), lieu géométrique → loc geometric, etc. (26) FR. Voilà ceux qui ont renversé ces saints lieux, ces saintes maisons, qui en ont fait des écuries!... Quand l’Église ne réforme pas de tels abus, (...) Dieu châtie ainsi des crimes par d’autres crimes. (Félix Dupanloup, Journal, 1851, p. 141)

ROUM. Iată-i pe cei care au distrus aceste locuri sfinte, aceste sfinte case, care au făcut din ele grajduri!... Când biserica nu corectează asemenea abuzuri, Dumnezeu pedepseşte în felul acesta crimele, prin alte crime.

(27) FR. Zaza utilisait les lieux communs un peu plus élégamment que moi; mais ni l’une ni l’autre nous n’exprimions rien de ce qui nous touchait vraiment. (Simone de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958, p. 119) ROUM. Zaza folosea locurile comune ceva mai elegant decât mine; dar nici una nici alta nu exprimam nimic din ceea ce ne afectează profund. Signalons, enfin, deux expressions de nature administrative contenant le mot lieu, qui se retrouvent aussi en roumain. La première regarde la date et le lieu de naissance, qui apparaissent dans les documents officiels servant à prouver l’identité, comme la carte d’identité, le passeport, les cartes professionnelles, etc. (28) FR. - Levez-vous. Vos nom, prénoms? - Lédard François. - Lieu et date de naissance? -Amiens, 26 août 1895. (Roger Vercel, Capitaine Conan, 1934, p. 81) ROUM. - RidicaŃi-vă. Nume şi prenume? - Lédard François. - Locul şi data naşterii ? -Amiens, 26 august 1895. La deuxième expression, souvent employé dans les documents officiels, a la forme lieu dit + Nom propre et concerne le nom des lieux: (29) FR. L’an 1906, le dimanche 22 juillet, à une heure de relevée, à la requête de M. Lureux Étienne, fermier au lieu dit l’Épine, sis commune de Fonteneilles. (R. Bazin, Blé, 1907, p. 255)

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ROUM. În anul 1906, duminică 22 iulie, la ora unu după amiaza, la cererea domnului Lureux Etienne, fermier din locul numit Spinul, situat în comuna Fonteneilles. (30) FR. Toutes les localités ou propriétés appelées «la Commanderie» ont été bâties ou possédées par les chevaliers de l’Ordre de Malte (...) comme les lieux dits le «Temple». (Marcel Proust, Sodome, 1922, p. 1104). ROUM. Toate localităŃile sau proprietăŃile numite «Comandament» au fost construite sau au fost proprietatea cavalerilor Ordinului de Malta, ca şi locurile numite «Templul». Enfin, le mot lieu entre dans la composition de plusieurs adverbiaux à sens spatial : en lieu - în / la locul, de lieu en lieu - din loc in loc, de ce lieu - din acest loc, en tout lieu → în orice loc, etc.: (31) FR. Je vous montrerai mon visage, duc, en lieu et en temps opportun. (T. Gautier, Capitaine Fracasse, 1863, p. 209) ROUM. Vă voi lăsa să-mi vedeŃi faŃa, domnule duce, în locul şi în momentul potrivit . (32) FR. Et tu errais de lieu en lieu, comme tous les gens maudits (P. Claudel, Échange, 1954, II, p. 767). ROUM. Şi rătăceai din loc în loc, ca toŃi cei blestemaŃi. (33) FR. Quel démon nous chasse de ces lieux? Eh quoi! Ne trouverons-nous jamais l’abri où reposer nos vieux os de vagabonds?» (O.-V. Milosz, L’Amoureuse initiation, 1910, p. 203) ROUM. Ce diavol vă alungă din aceste locuri? Şi ce anume? Oare nu vom găsi niciodată un adăpost unde să ne odihnim oasele bătrâne de vântură- lume? Comme on le voit, le français et le roumain présentent toute une série de similitudes non seulement quant aux significations des lexèmes lieu et loc mais aussi dans leurs collocations. Au niveau des emplois et des collocations les deux langues contiennent aussi toute une série de différences, présentées dans la section suivante. 3.2. Collocations divergentes Les expressions divergentes se situent aussi dans la catégorie nominale, adjectivale, verbale et adverbiale. Pour la catégorie nominale, les divergences concernent surtout des syntagmes Nom + Adjectif. Nous avons trouvé aussi des substantifs composés traduits par des syntagmes. Nous présentons la liste des plus fréquentes collocations à traduction divergente: - lieu natal → loc de baştină, de naştere, de origine: (34) FR. Oh! quel cœur si mal fait n’a tressailli au bruit des cloches de son lieu natal! (Chateaubrilland, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 420) ROUM. Oh, ce inimă, orucât de rău făcută, nu a tresărit auzind clopotele din locul său de baştină!

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- lieux publics (où l’on se distrait) → localuri (publice) (35) FR. Tous les lieux publics se dégorgeaient à la fois dans la rue. La chaussée moutonnait; des gens tumultuaient chez un marchand de tabac pour allumer leurs cigarettes et leurs pipes (Joris - Karl Huzsmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 143) ROUM. Toate localurile se goleau toate odată în stradă. Strada era plină; oamenii se înghesuiau într-o tutungerie ca să-şi aprindă Ńigările şi pipele. - mauvais lieu - loc / local rău famat (36) FR. La nuit s’avançait; les mauvais lieux seuls restaient ouverts. (Pierre Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 26) ROUM. Noaptea era târzie, numai localurile rău famate mai erau deschise. - chef-lieu (de canton, de département, etc.) → capitală (de canton, de departament, etc.): (37) FR. ... il la menait, les jours de fête, au chef-lieu du département, et, affublée de tous ses atours, la petite femme dansait là de tout son cœur avec la garnison, dans les salons de la préfecture. (A. de Musset, La Confession d’un enfant du siècle, 1836, p. 245) ROUM. … o conducea, în zilele de sărbătoare, în capitala departamentului şi, împodobită cu toate aceste atuuri, femeiuşca dansa acolo din toată inima cu membrii garnizoanei, în saloanele prefecturii. - non-lieu → NUP (= neînceperea urmăririi penale) (38) FR. Le juge d’instruction Denizet avait rendu une ordonnance de non-lieu, à l’égard de Cabuche, motivée sur ce qu’il n’existait pas contre lui de charges suffisantes (Emile Zola, la Bête humaine, 1890, p.120). ROUM. Judecătorul de instrucŃie Denizet dăduse o sentinŃă de NUP în privinŃa lui Cabuche, motivată de faptul că nu existau contra lui dovezi suficiente. Nous avons trouvé dans notre corpus une seule collocation de type adjectival, l’expression sans feu di lieu → fără carte nici parte: (39) FR. Pourquoi parles-tu de renverser le gouvernement (...) tu as une femme, tu as une fille (...). Il n’y a que les gens sans feu ni lieu, n’ayant rien à perdre, qui veulent des coups de fusil. (Émile Zola, Ventre Paris, 1873, p. 759)

ROUM. De ce vorbeşti de răsturnarea guvernului (…) ai nevastă, ai o fiică (…). Numai oamenii fără carte nici parte, neavând nimic de pierdut, vor să se tragă cu puşca.

Il existe plusieurs collocations de type verbal, qui se traduisent différemment en roumain:

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- avoir lieu de → a avea motive să (40) FR. Avez-vous lieu de présumer que vous soyez le père de l’enfant que Mme Luneau porte dans son flanc? (Guy de Maupassant, Contes et nouv., t.1, Cas Mme Luneau, 1883, p. 109) ROUM. AveŃi motive să presupuneŃi că sunteŃi tatăl copilului pe care doamna Luneau îl poartă la sân? - dégarnir les lieux → a scoate / a lua mobilele (41) FR. L’année étant payée, il peut dégarnir les lieux. (H. de Balzac, C. Birotteau,

1837, p. 373). ROUM. Chiria pe un an fiind plătită, poate să-şi scoată mobilele. - il y a lieu de → e cazul să (42) FR. Ce délai pourra être prolongé, s’il y a lieu. (Code civil, 1804, p. 193) ROUM. Acest termen va putea fi prelungit, dacă e cazul. - donner lieu → a produce, a conduce la (43) FR. À Limburg, et dans la plupart des stalags, le magasin d’habillement donna lieu à de honteux profits (Francis Ambrière Grandes vacances, 1946, p. 162) ROUM. La Limberg şi în majoritatea lagărelor de prizonieri, magazia de îmbrăcăminte a produs profituri ruşinoase. - avoir lieu de … → a avea motive să (44) FR. Malheureusement, si j’ai lieu d’être satisfait des offres pécuniaires, je ne le suis pas du tout des jeunes gens qu’on me présente pour me succéder. (F. Fabre, Mlle de Malavieille, 1865, p. 43) ROUM. Din păcate, dacă am motive să fiu satisfăcut de ofertele pecuniare, nu sunt deloc mulŃumit de tineri ce îmi sunt prezentaŃi ca să îmi preia postul. - il y a lieu de → sunt motive să (45) FR. […] l’attention de la Bourse est retenue en ce moment par les valeurs de pétrole. Mais il n’y a pas lieu de se presser étant donné les excellentes dispositions du marché. (Marcel Proust, La Fugitive, 1922, p. 631) ROUM. […] atenŃia Bursei est reŃinută în acest moment de valorile petrolului. Dar nu sunt motive să ne grăbim, dat fiind excelentele tendinŃe ale pieŃii. Le mot lieu entre dans la structure de plusieurs expressions adverbiales ayant une traduction différente en roumain :

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- en premier lieu, en deuxième lieu … → în primul rând, în al doilea rând… (46) FR. Je vous prie d’abord de m’écouter, et en second lieu de me faire une grâce. (A. de Musset, Comédies et proverbes, La quenouille de Barberine, 1840, I, 1, p. 277) ROUM. Vă rog mai întâi să mă ascultaŃi şi, în al doilea rând, să-mi faceŃi o favoare. - sur les lieux - la faŃa locului (47) FR. À l’annonce d’un événement sensationnel, le grand reporter boucle sa valise, saute dans le train ou prend l’avion, et arrive sur les lieux. (G. et H. Coston, L’A.B.C. du journalisme, 1952, p. 110) ROUM. La vestea unui eveniment senzaŃional, un mare reporter îşi face valiza, sare în tren sau ia avionul şi ajunge la faŃa locului. - en haut lieu → acolo sus / în sferele înalte (48) FR. En haut lieu, on a cru pouvoir supprimer la sûreté; les exécutants du premier rang la rétabliront; ils n’avanceront pas en aveugles au milieu du danger, c’est humain; ... (Ferdinand Foch, Des Principes de la guerre, 1911, p. 232) ROUM. În sferele înalte, s-a crezut că se poate suprima siguranŃa; executanŃii din primele rânduri o vor restabili; nu vor înainta orbeşte în mijlocul pericolului; e un lucru omenesc. 4. Emplois pragmatiques L’item lieu se retrouve employé pragmatiquement, en tant que déictique. Dans des emplois spatiaux, il désigne le lieu où se trouvent les locuteurs. Ce type d’usage est commun aux deux langues: (49) FR. Une inscription très effacée où je déchiffre qu’il est mort en ce lieu à cinquante-huit ans. (Albert T’Serstevens, Itinéraire espagnol, 1963, p. 241). ROUM. O inscripŃie foarte ştearsă unde descifrez că a murit în acest loc la cincizeci şi opt de ani. (50) FR. - Sortez! fit-il. - Mais... - Plus un mot! Sortez, vous dis-je; allons, oust! hors d’ici! quittez ce lieu que vous déshonorez de votre ignoble présence! (Georges Courteline, Ronds-de-cuir, 1893, 5e tabl., 1, p. 172) ROUM. - IeşiŃi afară. făcu el. - Dar… - Nici un cuvânt. Afară, vă zic; valea! hai, repede! afară de aici! părăsiŃi acest loc, pe care îl dezonoraŃi cu nedemna dumneavoastră prezenŃă! Le mot lieu apparaît aussi dans la deixis textuelle, situation dans laquelle il marque un certain endroit du texte, à savoir pour l’auteur, la partie qu’il est en train d’écrire et pour le lecteur - la section qu’il est en train de lire.

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(51) FR. C’est sans doute le lieu de dire ici le service que j’eus l’occasion de rendre au maréchal French (Joseph Joffre, Mémoires, t. 1, 1931, p. 479). ROUM. Aici e fără îndoială locul să spun despre serviciul pe care am avut ocazia să i-l fac mareşalului French. (52) FR. C’est ici le vrai lieu de parler des propriétés du chocolat à l’ambre,

propriétés que j’ai vérifiées par un grand nombre d’expériences, et dont je suis fier d’offrir le résultat à mes lecteurs. (J.-A. Brillat - Savarin, Physiologie du goût, 1825, p. 118)

ROUM. Aici e locul potrivit să vorbesc despre proprietăŃile ciocolatei cu ambră, proprietăŃi pe care le-am verificat printr-un mare număr de experienŃe ale căror rezultate sunt mândru să le ofer cititorilor mei. Comme il arrive souvent, les emplois déictiques s’opposent à des emplois anaphoriques, ayant un caractère syntaxique et sémantique. La reprise anaphorique par le substantif lieu de divers syntagmes désignant des zones de l’espace (y compris des noms propres) est due au sens spatial très général de ce substantif: (53) FR. La troupe infortunée arriva enfin à Turin; lieu si désiré et qui nous semblait devoir être le terme de nos malheurs. (G. Sénac de Meilhan, L’Émigré, 1797, p. 1609) ROUM. Nefericita trupă ajunse, în sfârşit la Torino; loc atât de dorit şi care ni se părea sfârşitul nenorocirilor noastre. (54) FR. Les amphithéâtres [à Rome] étaient devenus les lieux d’exécution; les tribunaux fournissaient l’arène. (Ernest Renan, Antéchrist, 1873, p. 164). ROUM. Amfiteatrele [la Roma] deveniseră locuri de execuŃie; tribunalele erau furnizorii arenei. Le caractère de reprise anaphorique dérive de la co-référentialité du substantif lieu, respectivement loc avec le nom de la ville de Turin ou avec le SN les amphithéâtres.

4. Conclusion Notre examen d’un corpus constitué par plus de 4.700 d’occurrences du mot lieu en français (occurrences présentes dans le Trésor de la Langue Française informatisé) et de leurs équivalences en roumain montre le grand nombre de convergences entre les deux langues. Du point de vue sémantique, l’emploi spatial des deux mots correspond à l’expression d’une relation topologique d’inclusion de la cible dans le site. Les emplois déictiques (spatiaux et textuels) se retrouvent aussi dans les deux langues, tout comme les emplois anaphoriques. Même pour les collocations, nous avons identifié un nombre important de syntagmes, pratiquement, identiques, appartenant à divers classes morphologiques (substantifs, adjectifs, verbes, adverbiaux). Il existe, bien sûr, un certain nombre de divergences, qui se manifestent toujours au niveau des collocations. Ce fait illustre le concept saussurien de ‘valeur’, selon lequel la position de chaque unité linguistique dans le système constitué par une certaine langue est spécifique et

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différente, dans une certaine mesure, de la position d’une autre unité (même rapprochée) appartenant à un autre système linguistique. *Adriana Costăchescu, Analele UniversităŃii din Craiova, Langues et Littératures romanes, 2009, p. 160-173. NOTES 1. Vu le grand nombre d’acceptions du terme ‘collocation’ en linguistique, nous l’employons avec son sens étymologique, de cooccurrence privilégiée, de combinaison de mots dont la fréquence est plus haute que celle conforme aux lois de la probabilité. BIBLIOGRAPHIE Aurnague, Michel / Laure Vieu / Andrée Borillo (1997), «La représentation

formelle des concepts spatiaux dans la langue», in Michael Denis (éd.), Langage et cognition spatiale, Paris: Masson, 69 - 102.

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ÉTUDE LEXICO-SÉMANTIQUE DU MICRO-CHAMP LEXICAL DES MEUBLES DE RANGEMENT EN

FRANÇAIS ET EN ROUMAIN* 1. Introduction 1.1. L’influence française sur le lexique du roumain Les linguistes sont généralement unanimes pour reconnaître que tout contact plus ou moins prolongé entre deux ou plusieurs langues entraîne inévitablement des interférences linguistiques dont le degré le plus élevé est représenté par l’emprunt lexical. L’emprunt mais aussi le calque représentent un moyen privilégié de diversification et d’enrichissement du fonds lexical de toutes les langues naturelles. Dans le cadre de cette problématique, on peut souligner, une fois de plus, le rôle qu’a joué l’influence française pour l’achèvement du caractère moderne du roumain littéraire. Car, suite aux contacts avec les langues de culture de l’Europe Occidentale, le français en tout premier lieu, puis l’italien, mais aussi le latin savant1 (Popescu 2010), le roumain aboutit à connaître, à partir de la fin du XVIIIe

siècle, mais surtout tout au long du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, un ample processus de modernisation consistant dans la relatinisation, ou plutôt la re-romanisation de sa structure, en général, et du vocabulaire, en particulier. L’influence française représente sans conteste le principal moyen d’enrichissement et de modernisation, ainsi que de redéfinition de la physionomie néo-latine du roumain, dans l’aire de la romanité sud-est européenne. L’insertion des termes néologiques d’origine française dans le lexique de cette langue a été faite dans les domaines les plus variés de l’activité humaine, contribuant ainsi à la redéfinition de la physionomie lexicale du roumain, en tant que langue néo latine. Pour illustrer l’importance de l’influence française, nous avons fait une statistique sur le plus important dictionnaire d’usage général de la langue roumaine (le DEX), ayant obtenu un pourcentage de 39% mots empruntés au français (Dincă 2010)2. En effet, la terminologie scientifique et technique, sociale, politique, administrative, juridique, économique, artistique n’est plus à concevoir aujourd’hui sans l’apport quantitatif, mais aussi qualitatif, des mots d’origine française : ajustaj, alfanumeric, amilogramă, anclaşa, a azura, barbotaj, butanonă, carbamat, cenogeneză, cenotip, cetogeneză, clorurie, coligativ, compresibilitate, fon, foton, etc. Un grand nombre de néologismes apparaît aussi dans ce qu’on appelle ‘le langage usuel’, comme expression des notions les plus nécessaires de la vie courante : abonament, creion, coafor, dans, detaliu, frontieră, gri, magazin, matineu, obstacol, naiv, a neglija, opinie, penibil, permanent, a traversa, tren, etc.

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1.2. Objectifs visés dans l’article Vu leur présence massive en roumain, les emprunts au français ont fait l’objet de nombreuses études portant sur des aspects variés tels que dynamique, domaines de manifestation, adaptation et, dans une moindre mesure, aspects sémantiques3. En nous référant au champ sémantique du mobilier, on constate d’emblée que dulap (= armoire), pat (= lit), masă (= table), scaun (= chaise) mis à part, les mots qui désignent les objets formant le mobilier sont d’origine française : balansoar (du fr. balançoire), bibliotecă (du fr. bibliothèque), birou (du fr. bureau), bufet (du fr. buffet), canapea (du fr. canapé), comodă (du fr. commode), dormeză (du fr. dormeuse), etajeră (du fr. étagère), fotoliu (du fr. fauteuil), garderob (du fr. garde-robe), servantă (du fr. servante), şezlong (du fr. chaise-longue), şifonier (du fr. chiffonnier), taburet (du fr. tabouret), etc. Dans cet article, l’analyse que nous proposons porte sur trois points principaux : (i) la description lexicographique de quelques mots appartenant au micro-champ des meubles de rangement ayant comme archisémème le trait « petite armoire »: fr. buffet / roum. bufet, fr. commode / roum. comodă, fr. servante / roum. servantă ; (ii) l’analyse sémantique comparative des mots roumains et de leur étymon français ; (iii) la corrélation entre la description linguistique et la réalité extralinguistique (l’analyse de l’évolution des référents à travers le temps). 1.3. Démarche méthodologique Notre démarche est fondée, en principal, sur l’analyse des traits sémiques que nous avons considérés comme pertinents pour la définition du sens global de chaque lexème, ce qui permet la différenciation entre les référents et, par voie de conséquence, entre leurs dénominations (voir infra les confusions relevées à cet égard). Les traits communs et distinctifs que nous avons pris en considération pour l’analyse sémantique des lexèmes dans les deux langues considérées sont: (i) traits physiques: forme, hauteur, nombre de corps; (ii) présence de certains éléments constitutifs: tiroirs, battants, etc.; (iii) destination: pour le linge, pour les habits, pour la vaisselle, etc.; (iv) location: salle à manger, salle de séjour, chambre à coucher, cuisine, salle de bains. Pour la description lexicographique que nous proposons, les sens français sont donnés, en général, d’après le TLFi, complété avec les dictionnaires GRLF, GLLF et le Littré ; les sens roumains, d’après le DA / DLR, le DEX, le DLRC et le DN4. 2. Analyse lexico-sémantique 2.1. Typologie sémantique Une analyse sémantique des emprunts roumains au français effectuée dans le cadre d’un projet de recherche5 a fait ressortir la typologie suivante:

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(i) conservation – totale ou partielle – du sens / des sens de l’étymon français, parfois avec le maintien en roumain d’un sens aujourd’hui disparu en français (situation rencontrée dans le cas des mots appartenant à un domaine spécialisé, technique et scientifique); (ii) innovations sémantiques opérées en roumain, ayant comme point de départ une signification de l’étymon français. Ces innovations se manifestent à travers divers mécanismes sémantiques : extensions analogiques et restrictions de sens, métaphorisations, passages métonymiques, glissements connotatifs, etc. (v. Iliescu et al. 2010: 593). 2.2. Analyse du micro-champ lexical des meubles de rangement L’analyse que nous proposons dans cet article est une brève illustration de ces deux cas: d’une part, sens conservés et, de l’autre, sens développés à l’intérieur de la langue roumaine. Nous tenons à préciser qu’à part les sens des lexèmes relevant du micro-champ des meubles de rangement, nous présenterons également les sens initiaux ou ceux qui en dérivent, afin d’avoir une vue d’ensemble sur leurs évolutions sémantiques.

2.2.1. - fr. buffet / roum. bufet

buffet, s.m. 1. (vieux) table sur laquelle sont disposés la vaisselle, le pain et le vin servi au repas. Par métonymie : a. la vaisselle elle-même ; b. personnel chargé du service au buffet ; c. pièce où le personnel prend ses repas (office) ; (usuel) dans un bal, une réunion de société, table où sont disposés les mets, la pâtisserie, les boissons. Par métonymie : a. pièce où sont dressées les tables lors d’une réunion. b. les consommations servies sur les tables ; 2. meuble, le plus souvent à deux corps, destiné à recevoir la vaisselle, le linge, le service de table ; 3. (en milieu pop.) meuble identique, servant en outre de garde-manger. Par analogie : (pop.) estomac. Par extension populaire : la poitrine, le tronc, le ventre ; 4. (emplois techniques) : a. (mus.) corps de menuiserie contenant le mécanisme d’un orgue. Par métonymie : (petit) orgue de salon, de boulevard, etc. ; b. (constr.) tablements de pierre adossés à un mur ou placés au fond d’une niche, disposés en gradins, supportant des vasques, bassins ou coupes de manière à faire rejaillir l’eau en nappes ou cascades. bufet, s.n. 1. petite unité de restauration où l’on sert des repas (froids), des boissons, etc. Par extension : (au théâtre ou au bal) chambre ou table où l’on sert des repas froids, des pâtisseries, des boissons et du café. Par extension : la nourriture qu’on y sert ; 2. meuble, dans la salle à manger et dans la cuisine, destiné à recevoir la vaisselle, les couverts, les verres, l’argenterie, etc. ; 3. (argot) estomac.

En ce qui concerne l’étymologie du mot français buffet, on a émis, d’une part, l’hypothèse d’une dérivation de la racine onomatopéique buff- (exprimant le bruit d’un souffle, d’un déplacement d’air) et, de l’autre, l’hypothèse moins satisfaisante d’une formation à partir de buff- interprété comme exprimant une idée de gonflement, parce que ce meuble serait ventru ou objet d’apparat, avec rapprochement de l’ancien français bufoi «orgueil, présomption» (TLFi).

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Ce mot est attesté dès 1150 avec le sens de «escabeau», puis il a évolué vers le sens de «table, dressoir, comptoir» (1268), pour acquérir en 1547 l’acception de «meuble de rangement». Les premiers sens sont donc liés à l’idée de mobilier de différents types. Parmi les sens qui sont indiqués dans le TLFi, le premier est vieilli : « table sur laquelle sont disposés la vaisselle, le pain et le vin servi au repas » et, par métonymie, «la vaisselle elle-même», «le personnel chargé du service au buffet» et «la pièce où le personnel prend ses repas (office)». Le sens moderne, attesté en 1832, est celui de «table où sont servis des plats froids, des pâtisseries, des rafraîchissements à l’occasion d’une réception privée ou publique» (in GRLF). On retrouve aussi ce sens pour l’emprunt roumain bufet: «au théâtre ou au bal, chambre ou table où l’on sert des repas froids, des pâtisseries, des boissons et du café» (in DA). C’est d’ailleurs ce sens qui est illustré dans l’exemple fourni par le dictionnaire: Am venit să-Ńi spun, … că asară în bufetul teatrului, N. mi-a dat o palmă. (Negruzzi, in DLR) (= Je suis venu te dire qu’hier soir, au buffet du théâtre, N. m’a giflé). Il s’agit donc d’un sens emprunté au français, que le roumain emploie depuis la première moitié du XIXe siècle, le mot bufet étant attesté en 1835 (cf. RDW). Par métonymie, à partir du sens de «table où sont disposés les mets», le mot français a développé des sens supplémentaires: «pièce où sont dressées les tables lors d’une réunion» et «les consommations servies sur les tables». Le mot buffet s’est enrichi aussi du sens de «unité de restauration», qui, bien que non précisé explicitement dans les dictionnaires, résulte des emplois tels que le buffet campagnard, où l’on sert des charcuteries et du vin (le buffet traditionnel étant plutôt constitué de petits fours accompagnés de champagne, whisky, etc.), ou le buffet de gare, un café-restaurant installé dans les gares importantes (cf. GRLF, GLLF). Le mot roumain bufet a emprunté au français ce dernier sens, pour désigner couramment «une unité de restauration où l’on sert des repas froids, des boissons, etc.» (DA, DEX), alors que, dans le milieu rural, le mot bufet renvoie à une sorte de bistrot où l’on ne consomme que des boissons. Un autre emploi apparaît dans le syntagme bufetul Parlamentului (= le buffet du Parlement), local où l’on ne trouve pas de repas froids mais des mets chauds à la ligne ou à la carte (cf. fr. la buvette de l’Assemblée Nationale, la buvette des parlementaires). Une deuxième extension est celle de buffet suédois / bufet suedez, syntagme qui est très peu utilisé en français, où l’on emploie soit buffet, soit des expressions pour suggérer la richesse des repas : petits déjeuners gourmands en buffet (www.hotel-rcadien.com/usersimage/File/Offres_%20speciales_Arcadien_ete), par rapport au roumain, où l’expression bufet suedez est d’un usage très répandu aussi bien pour les repas qu’on organise pour les anniversaires à la maison que pour les repas qu’on sert dans les restaurants, surtout le matin quand il y a un grand choix à faire entre les divers mets6.

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Dans le domaine du mobilier, le buffet est une sorte d’armoire, le plus souvent à deux corps, destinée à recevoir la vaisselle, le linge, le service de table (TLFi), «assez basse et de forme parallélépipédique, fermée par des battants» (ajoute le GRLF). On le retrouve surtout dans les salles à manger, mais également dans les cuisines, sous forme de deux corps, mais aussi un seul corps à deux ou à trois portes, avec éventuellement des tiroirs, ce qui mène à une confusion de signifiants (buffet et commode) pour le même signifié (voir infra). En outre, le mot buffet ajoute, en milieu populaire, une autre acception: «meuble servant de garde-manger» (TLFi). Par analogie de destination et, évidemment avec une intention humoristique, il s’ajoute aussi le sens métaphorique de « estomac, ventre », attesté en 1803 et utilisé dans les expressions populaires: avoir le buffet garni, le buffet vide, de même que dans les expressions danser devant le buffet et n’avoir rien dans le buffet (www.mediadico.com/dictionnaire/expression/Buffet/1). Le sens de « estomac » est enregistré pour le roumain aussi. (ARGOU). Le mot buffet connaît aussi des emplois techniques, signifiant, dans le domaine musical, «un corps de menuiserie contenant le mécanisme d’un orgue» et, par métonymie, «un (petit) orgue de salon, de boulevard», etc. En architecture, le mot buffet a l’acception de «tablements de pierre adossés à un mur ou placés au fond d’une niche, disposés en gradins, supportant des vasques, bassins ou coupes de manière à faire rejaillir l’eau en nappes ou cascades», étant utilisé dans le syntagme buffet d’eau, car les sèmes du lexème initial qui y sont valorisés sont ceux de [+position verticale] et [+caractère fonctionnel]. Le mot roumain bufet n’a pas ces acceptions techniques. Donc le fr. buffet au sens de «espèce d’armoire» est attesté en 1547, dérivant de celui de «table, dressoir» (1268), qui dérive à son tour de «escabeau» (1150). Le mot s’emploie aussi pour désigner une pièce où sont dressées les tables lors d’une réunion, d’où les extensions actuelles au sens de «unité de restauration» (cf. le buffet de la gare). En tant que meuble de rangement, le fr. buffet se caractérise par les traits sémiques suivants: (i) traits physiques : meuble bas et large, à deux corps; (ii) présence de certains éléments constitutifs: avec des battants, avec ou sans tiroirs; (iii) destination : pour le linge et la vaisselle; (iv) location : cuisine et salle à manger. Les extensions apparaissent en milieu populaire et visent la destination: «meuble servant de garde-manger». Le mot connaît aussi des emplois techniques, par analogie de forme et / ou de fonction, dans les domaines musical et architectural. Le mot roumain bufet est attesté en 1835 avec le sens de «petite unité de restauration» (cf. bufetul teatrului = le buffet du théâtre), sens qui s’est maintenu et développé dans des syntagmes comme bufetul parlamentului (= le buffet du

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Parlement), bufetul gării (= le buffet de la gare), bufetul din sat (= le buffet du village). À la même époque, le roumain a emprunté aussi le sens de «espèce d’armoire », avec tous les traits de son étymon. Le mot est encore utilisé avec cette acception, surtout en milieu rural, pour les cuisines modernes les termes les plus utilisés étant actuellement dulap de bucătărie (= armoire de cuisine), comodă cu corp suspendat (= commode à corps suspendu / à étagère). Contrairement au français, dans le cas du mot roumain ne sont pas enregistrés d’emplois techniques.

2.2.2. - fr. commode / roum. comodă commode, s.f. 1. (vx.) sorte de coiffure ; 2. meuble bas et large, souvent richement travaillé, muni de tiroirs pour y renfermer du linge et des habits. comodă, s.f. 1. meuble à hauteur d’appui avec de larges tiroirs superposés où l’on range du linge et des habits.

Le nom commode représente, du point de vue étymologique, la substantivation de l’adjectif commode, en raison du caractère éminemment pratique de ce meuble (cf. TLFi). Le sens ancien «sorte de coiffure», comme dans l’exemple de Saint-Simon: On portait dans ce temps-là des coiffures qu’on appelait des commodes, qui ne s’attachaient point. (in Littré) ne se retrouve pas en roumain. En tant que meuble, la commode est en fait une espèce de petite armoire à tiroirs (initialement en forme de bureau), ayant des utilisations multiples (sa destination initiale était d’y ranger du linge et des habits). On la retrouve dans toutes les pièces d’une maison, principalement salle à manger, salle de séjour et chambre à coucher, mais actuellement aussi salle de bains et cuisine. Les éléments définitoires pour l’objet désigné par le mot commode sont: la forme (meuble bas et large, «à hauteur d’appui», in GRLF), la présence des tiroirs, le dessus de bois, de marbre ou d’autres matériaux précieux (commode de bois d’acajou, in GRLF), mais aussi la facture élégante (« souvent richement travaillé », in TLFi), de styles divers (commode Louis XVI, Empire, in GRLF). Le roumain a emprunté au français le mot comodă avec ce même sens de « meuble bas et large à tiroirs où l’on range le linge et les vêtements » (cf. DA, DEX, DLRC). Le sens de « armoire en forme de bureau», tombé en désuétude en français, n’a pas été emprunté par le roumain, probablement parce que, au moment où le mot est entré dans cette langue (XIXe siècle), la commode se présentait déjà sous la forme de petite armoire ou d’armoire basse. Les dictionnaires consultés pour le français aussi bien que pour le roumain sont unanimes à indiquer le sens de « meuble à tiroirs pour divers objets », sans en donner les développements récents. Car ce meuble connaît, à l’époque actuelle, toutes sortes d’extensions, ayant changé tant de forme que de destination. Pour meubler la salle de bains, la toilette-commode ou commode-toilette désigne un «meuble à tiroirs dont le dessus a été aménagé en lavabo», sens attesté

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en 1864 (TLFi, s.v. commode), alors qu’un site Internet (www.leboncoin.fr/ameublement/158177375.htm) indique pour la commode toilette (ancienne) un meuble de style, en noyer massif, à tiroirs et dessus de marbre blanc, surmonté d’une glace. Il s’agit, de toute évidence, de deux objets distincts, avec des fonctionnalités différentes. On y trouve, en outre, beaucoup d’annonces publicitaires pour les commodes de salle de bains ou commodes de rangement pour salle de bains, qui sont en fait des meubles de formes diverses (bas, mais aussi hauts), avec des tiroirs ou des battants (www.leguide.com/s/w/Commode+salle+de+bain). Pour le roumain, le même référent a, sur un site spécialisé dans le commerce des meubles de salles de bains, les dénominations suivantes: set comodă şi chiuvetă (= commode et lavabo), chiuvetă baie şi comodă (= lavabo et commode), comodă şi raft suspendat (= commode à étagère), comodă de baie (pentru toaletă) (= commode toilette) (http : //shop.4interior.ro/mobilier-baie/mobilier-baie-set-comoda-chiuveta-si-oglinda-1-p2258.html). On retrouve aujourd’hui la commode dans la cuisine aussi, par exemple commode rangement 3 tiroirs bouleau massif teinte bois clair, tiroirs aluminium, pieds réglables, tiroirs avec arrêts (www.priceminister.com/offer/buy/81996830/commode-cuisine-rangement-3-tiroirs-mobilier.html) ou commode-cuisine (www.potiron.com/decoration-interieur-Decoration-2_c_27.html?so=sf); pour le roumain comodă bucătărie (= commode-cuisine) (www.kronemarket.com/comoda-si-raft-suspendat-bucatarie-lemn-masiv-p-1210.html). La commode a diversifié ses fonctions, comme par exemple la commode bébé, servant à langer (www.berceaumagique.com/commode-bebe.php) ou, en roumain, comodă de înfăşat (= commode pour langer) (www.bebelusultau. ro/detalii.php?cod=KD26). Donc, en français, le mot commode, attesté en 1708, désigne à l’origine une espèce d’armoire ayant les traits suivants : (i) traits physiques: (meuble) petit, bas, (souvent) orné; (ii) présence de certains éléments constitutifs: avec des tiroirs, sans battants, avec un dessus de bois ou de marbre; (iii) fonctionnalité: à hauteur d’appui; (iv) destination: pour le linge et les habits; (v) location: salle à manger, salle de séjour, chambre à coucher, (plus récemment) salle de bains et cuisine. C’est avec ce sens que le mot est emprunté en roumain, un siècle plus tard, sous la forme comodă. L’objet connaît le long du temps des spécialisations multiples, devenant une espèce de petite armoire polyfonctionnelle, ce qui va de pair avec la modification de la forme, en sorte que des confusions se créent constamment entre les objets nommés commode / comodă et servante / servantă, des mots appartenant au même microsystème lexical et désignant divers types de petites armoires avec des tiroirs, mais aussi avec des portes, à destinations multiples.

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2.2.3. - fr. servante / roum. servantă

servante, s.f. 1. (vieux ou rég.) femme employée comme domestique ; 2. (vieux) petit meuble de salle à manger (table, étagère) servant de desserte ou placé à côté d’un convive ; 3. (théâtre) petite lampe qui servait au cours des répétitions ; 4. (techn.) support de hauteur réglable offrant un point d’appui pour les pièces de bois ou de fer très longues que l’on travaille à l'établi. servantă, s.f. 1. (vieux) femme employée comme domestique ; 2. meuble d’appoint servant de desserte ; 3. armoire où l’on garde la vaisselle, les couverts pour le service de la table ; 4. petite lampe au théâtre ; 5. (techn.) support réglable pour le menuisier et pour le forgeron.

Le mot français servante vient du participe présent du verbe servir, substantivé au féminin, ayant, dès la première moitié du XIVe siècle, le sens de «femme employée comme domestique» et, quatre siècles plus tard, en 1746, celui de «petit meuble de salle à manger». Le premier sens est considéré comme vieilli ou régional en français (cf. GRLF), tout comme en roumain d’ailleurs, qui l’a emprunté. Aujourd’hui, cette occupation est restée, mais avec une autre nomenclature. En français, les mots les plus usuels pour la désigner, en fonction aussi du lieu de travail et des attributions remplies, sont femme de chambre, domestique, bonne, camérière, etc., tandis qu’en roumain on emploie couramment menajeră, cameristă, femeie de menaj, bonă. Une autre acception, que nous avons identifiée pour les deux langues, celle de « petite lampe qui servait au cours des répétitions au théâtre», est tombée en désuétude. Dans l’acception de «mobilier», servante signifie en français «un petit meuble de salle à manger (table, étagère) servant de desserte ou placé à côté d’un convive» (GRLF), sens considéré également comme vieilli. C’est un support qui complète le mobilier de la table à côte du buffet, défini comme «table sur laquelle sont disposés la vaisselle, le pain et le vin servi au repas» (TLFi). En roumain, le mot servantă signifie «meuble d’appoint servant de desserte», sens emprunté au français (qui l’a abandonné d’ailleurs), et a développé le sens de «armoire où l’on garde la vaisselle, les couverts pour le service de la table» (cf. fr. buffet). Pour cette dernière acception nous n’avons pas trouvé d’attestation en français. Si, en roumain, on continue à utiliser servantă assez fréquemment, le français utilise d’autres mots, qui sont apparus par métonymie pour désigner le contenant par le contenu, tels que vaisselier, lingère, etc. Le mot servante enregistre des sens techniques plus récents: «support de hauteur réglable offrant un point d’appui pour les pièces de bois ou de fer très longues que l’on travaille à l’établi», dans les syntagmes servante de menuisier, servante de forge, servante d’atelier (pour ranger et garder à portée de mains les outils d’usage (www.dedale-latelier.com/servante-d-atelier-en-metal-patine-et-bois-mobilier-brocante-industriel-loft-meuble-de-metier,fr,4,MEU-247.cfm).

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Nous avons trouvé des emplois similaires pour le mot roumain servantă : servantă mobilă pentru scule cu 3 etajere (= servante mobile pour des outils à 3 étagères) (www.bizoo.ro/firma/GEDAKO/vanzare/350361/Servanta-mobila-pentru-scule-cu-3-etajere). Pour le mot français servante n’est pas attesté le sens de «meuble de rangement (petite armoire)». C’est un sens qui a été créé en roumain. Les traits sémiques du mot roumain servantă sont: (i) traits physiques: meuble large, orné ou non; (ii) présence de certains éléments constitutifs: avec des tiroirs, avec des battants, avec un dessus de bois ou de marbre; (iii) fonctionnalité: à hauteur d’appui; (iv) destination: pour le linge de table et pour le service de table ; (v) location: salle à manger. Tout comme dans le cas des mots précédemment discutés, le fr. servante et le roum. servantă connaissent des développements récents, visibles sur les sites de publicité, désignant des pièces de meubles de différentes formes et dimensions (pour le roumain, la servante de la salle à manger se confondant fréquemment avec la commode). 3. Conclusions Dans tous les cas discutés, il s’agit d’une conservation partielle des sens des étymons français, mais on enregistre aussi des innovations sémantiques opérées en roumain. C’est ainsi que le roumain a emprunté la majorité des sens des lexèmes relevant du micro-champ des meubles de rangement («petite armoire»), maintenant, dans le cas des mots bufet et comodă, tous les traits des étymons. Le mot roumain servantă représente un cas particulier, car il a développé un sens nouveau, à partir de «meuble d’appoint» (de l’étymon français servante) à «meuble de rangement», qui n’est pas attesté en français. En outre, il a conservé le sens «meuble d’appoint servant de desserte», qui n’est plus actuel en français. À partir du sens de base de «meuble», en français se sont développés d’autres sens, particulièrement dans les domaines techniques, et qui ne sont pas toujours entrés en roumain, par exemple «orgue» et «cascade» pour le mot buffet, alors que quelques-unes des extensions sémantiques actuelles, par exemple «support pour ranger les outils» (servante d’atelier) se retrouvent aussi en roumain. Dans l’analyse sémantique des lexèmes en question, nous avons opéré avec les traits communs, qui aident à les lier par le sens et les traits distinctifs aidant à les différencier. Dans les cas envisagés, les traits communs visent la forme: meuble bas et large. Les traits distinctifs se rapportent à la structure (avec ou sans tiroirs / battants), la destination (pour le linge, les vêtements, la vaisselle) et la location. Par exemple buffet est défini comme un meuble à deux corps, avec des tiroirs et des battants, alors que commode se caractérise principalement par les

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traits : un seul corps, avec des tiroirs, sans battants. Quant au mot roumain servantă, il se caractérise par les traits: meuble à un seul corps, avec des tiroirs et des battants, ce qui crée une confusion de référents avec le buffet à un seul corps, mais se distingue de la commode par la présence des battants. Le seul trait distinctif entre commode et servante est donc [±battants]. La destination ne constitue pas toujours un trait pertinent pour la distinction à opérer entre les référents des mots en question : si le buffet et la servante se sont spécialisés pour ranger le linge de table et la vaisselle, la commode a une fonctionnalité multiple. En français il existe aussi des termes désignant les meubles par leur destination: vaisselier (meuble servant au rangement du linge de table et de la vaisselle), secrétaire (meuble où l’on range des papiers), lingère (armoire où est rangé le linge) (cf. TLFi). En ce qui concerne la location, le buffet est un meuble spécifique pour la cuisine et la salle à manger, alors que la commode est d’un usage presque général, se retrouvant dans toutes les pièces de la maison. Les confusions se créent surtout dans le langage commercial, qui utilise par exemple le terme de buffet pour désigner une commode de cuisine (www.lespac.com/ameublement/mobilier-maison/terrebonne/d-commode-de-chambre-ou-buffet-pour-cuisine). Tous les trois mots discutés et désignant des meubles de rangement connaissent aujourd’hui des extensions de sens, désignant des pièces de meubles de différentes formes et dimensions. Ils sont très utilisés dans le langage commercial et publicitaire, mais renvoient parfois aux mêmes référents, comme l’illustrent les catalogues du mobilier. Les termes sont donc employés d’une manière impropre, ce qui mène à des confusions entre les termes et les objets. Souvent les locuteurs préfèrent utiliser, dans les deux langues, les mots génériques : armoire / dulap (armoire de cuisine / dulap de bucătărie, armoire de salles de bains / dulap de baie, etc.). * Gabriela Scurtu, Daniela Dincă, Revue roumaine de linguistique, 2011 (sous presse). NOTES 1. «Une analyse statistique sur la lettre R du DEX indique que pour les unités lexicales à ‘étymologie multiple’, la première alternative, abstraction faite du français, est le latin [...].» (statistique présentée dans la communication Une notion-clé dans la lexicologie roumaine: ’l’étymologie multiple’, CILPR XXVI, Valence, 2010). 2. Statistique présentée dans la communication intitulée Deux langues romanes en contact: les emprunts roumains au français (CILPR XXVI, Valence, 2010). 3. Les difficultés soulevées par une telle entreprise sont liées principalement à l’absence d’un dictionnaire étymologique complet pour le roumain, le manque de la première attestation et des sources informatisées. 4. Pour diverses précisions sur les emplois actuels, nous avons utilisé aussi d’autres sources, comme les dictionnaires de l’argot et les sites Internet. 5. Le projet CNCSIS intitulé La typologie des emprunts lexicaux roumains au français. Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique, qui se déroule à l’Université de Craiova, a comme objectifs : l. la définition des concepts opérationnels mobilisés dans la recherche (emprunt, néologisme, néonyme, néosème, etc.) ; 2. la constitution d’un corpus général des emprunts lexicaux français en roumain ; 3. la présentation systématique, analytique et critique, des contributions des linguistes (notamment roumains) à la description du domaine, tout en relevant les principales

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directions de recherche : l’importance de ces emprunts, les statistiques qui mettent en évidence l’importance de l’influence française sur le lexique général de la langue roumaine et sur le vocabulaire spécialisé, les principaux domaines de pénétration des mots d’origine française, les types d’étymologie rencontrés, l’adaptation et l’intégration phonétique et morphosyntaxique de ces emprunts ; 4. l’élaboration d’une typologie sémantique des mots roumains à étymon français. 6. Quant à cette association entre le buffet et la cuisine suédoise, il est bien évident que les repas suédois sont riches en plaisirs gourmands et que les méthodes de conservation séculaires (fumer, fermenter, saler, sécher, mariner, stériliser) font le délice de ces repas. Cette habitude d’organiser des buffets suédois pour les fêtes permet d’ailleurs aux hôtes de rester tout le temps parmi les invités, alors que, dans les restaurants, les clients venus de tous les coins du monde peuvent manger selon leurs habitudes alimentaires. BIBLIOGRAPHIE Études Avram, Mioara (1982), «Contacte între română şi alte limbi romanice», Studii şi

cercetări lingvistice, XXXIII, 3, 253-259. Dimitrescu, Florica (1994), Dinamica lexicului limbii române, Bucureşti, Logos. Dincă, Daniela (2009), «Étude lexicographique et sémantique du gallicisme

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LES EMPRUNTS LEXICAUX ROUMAINS AU FRANÇAIS: APPROCHE LEXICOGRAPHIQUE ET SÉMANTIQUE DU VOCABULAIRE DE LA MODE

VESTIMENTAIRE (I)*

1. Introduction 1.1. Ancrage historique

À la fin du XVIIIe siècle et surtout à partir des années 1820-1830, la société roumaine commence un ample et nécessaire processus de modernisation, qui se prolonge ensuite tout au long du XIXe siècle. À la recherche de leur propre identité, les Roumains deviennent d’autant plus conscients de leur origine latine et, pressés longtemps par le monde slave et balkanique, ils se dirigent finalement vers l’adoption des modèles (spirituels, sociaux, culturels) occidentaux, français, en tout premier lieu.

Au niveau linguistique, le contact (à distance) entre le roumain et le français a eu pour conséquence l’enrichissement et la modernisation, ainsi que la redéfinition de la physionomie néo-latine du roumain, dans l’aire de la romanité sud-est européenne. L’insertion des termes néologiques d’origine française dans le lexique roumain a été faite dans les zones les plus variées de l’activité humaine.

1.2. Les emprunts lexicaux roumains au français dans le vocabulaire de la mode vestimentaire

L’un des domaines de la vie socio-culturelle qui s’est enrichi et renouvelé à partir de la fin du XVIIIe siècle par un grand nombre de néologismes d’origine française est celui de la mode1 vestimentaire, longtemps influencée par les modèles byzantins et turcs. Ainsi, des mots tels que: alagea « espèce d’étoffe de toile rayée », biniş « habit long doublé de fourrure », cacom « habit en fourrure de hermine, porté par les voïvodes et par le boyards de premier rang », caftan « manteau blanc, orné, porté par les voïvodes et par le boyards », cauc « bonnet de fourrure haute et sphérique », ceacşiri « pantalons à la Turque », feregea « manteau léger porté l’été », fermenea « veste courte doublée de fourrure », gevrea « mouchoir en toile », giugiuman « bonnet de fourrure de zibeline », işlic « bonnet à la Turque », pambriu « espèce d’étoffe de laine », şamalagea « espèce d’étoffe de Démasque », zuf « espèce d’étoffe fine de laine », etc. (Groza 2004: 44), aujourd’hui des archaïsmes, complètement inusités à cause de la disparition des référents, démontrent-ils cet état de choses.

En revanche, une statistique faite sur le vocabulaire actuel de la mode vestimentaire (v. Iovănescu / Rădulescu 2000: 41) démontre que le nombre des lexèmes à étymologie française représente plus d’une centaine de termes, dont la plus grande majorité enregistre leur première attestation entre la fin du XVIIIe

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siècle et le début du XIXe siècle2. La langue prouve ainsi le dynamisme extraordinaire du phénomène socio-culturel de la mode vestimentaire, présent dans les Principautés Roumains à cette époque-là. Du point de vue typologique, dans la catégorie des termes dénommant des pièces de vêtements proprement dites, Iovănescu / Rădulescu (2000: 42) font distinguer: (i) des sous-vêtements: chiloŃi, combinezon, furou, jupă, maiou, portjartier, sutien; (ii) des pièces de vêtement qui revêtent la partie supérieure du corps: bluză, bustieră, corsaj, corset, etolă, jachetă, troacar, tunică, vestă; (iii) des pièces de vêtement qui revêtent la partie inférieure du corps: pantaloni, colanŃi; (iv) des pièces de vêtement qui revêtent les deux parties du corps: capot, deux pièces, dezabié, taior; (v) des pièces de vêtement qu’on porte par-dessus d’autres: canadiană, impermeabil, mantou, palton, pardesiu, pelerină.

Pour compléter le panorama sur l’importance de l’influence française dans le domaine analysé, on cite encore quelques exemples, classifiés par Iovănescu / Rădulescu (2000: 42-43) de la manière suivante: - termes désignant des accessoires ou des chaussures: colerată, colier, cravată, eşarfă, fular, medalion (culisant, grossé, placat), şal; manşon; basc, fişiu, melon, tocă; botină, escarpeni, mocasini, sandale, şosete, trotteuri; fermoar, franjuri, paiete, pasmanterie, paspoal;

- termes désignant des techniques de couture: bretele, broderie, calotă, cambrat, decolteu, drapaj, dublură, matlasat, (guler) montant, pense, pliseuri, revere, (rochie) midi, mini, maxi, tăiat în biais, trenă; a deşira, a mula, a surfila ; - termes désignant des tissus et des fourrures: brocart, catifea ecosez, crep-satin, crep Georgette, (eşarfă din) dévoré de mătase, fetru, (rochie) gofrată, lamé, jersé / jerseu, ottoman / otoman, muselină, organza, pluş, satin, satin duchesse, şifon, tafta, tafta brocată, triplu voal, tul, Ńesătură satinată; rat vizonat, vizon.

1.3. Démarche méthodologique Nous nous proposons de faire une analyse sémantique contrastive des

descriptions lexicographiques de trois unités lexicales appartenant au micro champ notionnel des pièces de vêtement: fr. blouse / roum. bluză, fr. veste / roum. vestă, fr. jupe / roum. jupă. Bien que tous ces lexèmes illustrent en roumain le même phénomène de conservation partielle3 des sens de l’étymon français, ils se distinguent pourtant sous plusieurs aspects que nous voulons mettre en évidence:

(a) conservation partielle des sens de l’étymon avec une ou plusieurs innovations sémantiques réalisées à l’intérieur de la langue roumaine, comme dans le cas du mot bluză;

(b) conservation du sens le plus souvent véhiculé dans la langue source au moment de l’emprunt, comme dans le cas du mot vestă;

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(c) conservation de tous les sens de l’étymon français avec le maintien en roumain actuel uniquement d’une signification moins usuelle dans la langue source, comme dans le cas du mot jupă.

La démarche sémantique adoptée s’appuie premièrement sur l’analyse des traits sémiques considérés comme prototypiques dans la configuration du sémantème de chaque mot analysé, ce qui nous conduit à la distinction et à la désambiguïsation au niveau référentiel et, par voie de conséquence, au niveau de leurs dénominations d’un système linguistique à l’autre. En deuxième lieu, l’analyse sémantique sera étayée souvent par le recours à la pragmatique ou bien à la sociolinguistique, pour mieux corréler la description linguistique avec l’évolution des référents au fil du temps, étant donné que la mode est par elle même « un objet culturel autonome » (Barthes 1967: 227) avec une profonde visée sociologique:

« [...] un énoncé de Mode implique au moins deux systèmes d’information: un système proprement linguistique, qui est la langue (...), et un système « vestimentaire », selon lequel le vêtement (les imprimés, l’accessoire, la jupe plissée, une veste-brassière, etc.) signifie soit le monde (les Courses, le printemps, l’âge mur), soit la Mode. Ces deux systèmes ne sont pas séparés: le système vestimentaire semble pris en charge par le système linguistique » (Barthes 1967: 38). Par suite, pour ce qui est des traits communs et distinctifs pris en

considération pour l’analyse sémantique des unités lexicales dans les deux langues considérées, nous avons pris comme point de départ les taxinomies suivantes:

1. LA CONFIGURATION: Forme: [+large] ou [+étroite] ou bien [+légère] ou [+grosse], etc.; Dimension: [+longue] ou [+courte] ou [+moyenne]; Substance / Matière: [+lin] et / ou [+toile] et / ou [+tissu], etc. ou bien [+opaque] ou [+transparente], etc.; Modèle: [±ornements (boutons et / ou manches (longues / courtes) et / ou col (large / petit)]; 2. LA LOCALISATION: [+partie supérieure du corps] et / ou [+partie inférieure du corps]; [+dessus] ou [+dessous]; 3. LE GENRE DE L’USAGER: [+masculin] et / ou [+féminin]; 4. LA DESTINATION: [+objet de mode] et / ou [+costume] et / ou [+vêtement]. Enfin, pour la description lexicographique que nous proposons, les sens

français sont donnés, en général, d’après le TLFi, complété avec les dictionnaires GRLF, GLLF et le Littré; les sens roumains, d’après le DA / DLR, le DEX, le DLRC et le DN4 (v. la bibliographie).

2. Analyse lexico-sémantique du corpus 2.1. - fr. blouse / roum. bluză L’examen contrastif, à partir de la description lexicographique présentée

infra, des significations du mot français blouse et de celles du mot roumain bluză, qui en provient5, met en évidence le phénomène de conservation partielle des sens

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de l’étymon avec deux autres développements connotatifs réalisés à l’intérieur de la langue roumaine:

blouse, s.f. 1. vêtement de grosse toile en forme de chemise porté autrefois dans leur travail quotidien par les gens de la campagne, les ouvriers, les marchands, etc.; 2. vêtement de toile ou de tissu plus léger, taillé comme une blouse, et qui sert, dans certains métiers, à protéger les autres vêtements. Par métonymie: personne revêtue d'une blouse; paysan, ouvrier. Par extension: sorte de corsage féminin à manches, flou et boutonné6. bluză, s.f. 1. pièce de vêtement pour la partie supérieure du corps, longue jusqu’à la taille, souvent à manches, taillée comme une chemise et portée par les femmes; 2. vêtement de tissu plus léger qui sert, dans certains métiers, à protéger les autres vêtements; 3. vêtement de tissu porté l’été par les soldats au lieu du veston7. Selon le TLFi, le mot français blouse a une étymologie obscure: d’une part,

l’hypothèse proposée par le FEW (tome 21 : 518) à partir de l’étymon *blaude (mot d’origine germanique au sens de « vêtement de grosse toile porté surtout par les charretiers »)8 serait satisfaisante uniquement du point de vue sémantique et moins opérante du point de vue formel, car le changement du -d- en -z- reste difficile à expliquer (v. TLFi) ; d’autre part, le rapprochement formel du toponyme Péluse (lat. PELUSIUM, apud TLFi) ne pourrait lui non plus justifier les mécanismes cognitifs de l’antonomase, car « cette ville avait changé du nom avant le Moyen Âge et l’industrie textile ne paraît pas avoir été une de ses activités » (TLFi). Enfin, ni l’hypothèse qui prend en charge l’héritage du latin BULLOSA « bouffant » n’a pas fait fortune dans les ouvrages lexicographiques, car seul le GLLF avance un tel point de vue.

Le mot est attesté en français dès 1788 avec le sens originaire de « vêtement ample des paysans ». Jusqu’en 1822, il a ajouté le sens secondaire de « vêtement taillé comme une blouse paysanne qui sert à protéger les autres vêtements », puis il a évolué vers l’acception plus spécialisée de « sorte de corsage de mode tout actuelle » et plus tard, entre 1858-1866, il a reçu, par métonymie, la signification de « personne revêtue d’une blouse; paysan, ouvrier ».

Les premiers sens (v. supra 1 et 2) de blouse, tous les deux reliés par le sème [+étiquette d’une « situation mentale »] attestent donc le passage de l’idée de VÊTEMENT à celle de COSTUME, dans le sens proposé par Gogibu (2008):

« Le costume traduit et / ou correspond à une situation mentale (croyances, coutumes, situation sociale, sens de l’esthétique). [...], on pourrait dire que le vêtement est organique et le costume fonctionnel, l’altération du vêtement (abîmé ou incomplet) ayant une incidence sur sa praticité, celle du costume (inadapté à une situation donnée) sur sa fonction » (Gogibu, 2008). Plus précisément, la blouse, qui particularise initialement le costume des

charretiers et ensuite celui des paysans, a, dès le début, une fonction symbolique identitaire. En plus, tout en servant à protéger les différents « corps de métier » dans leur travail quotidien, ce type de vêtement léger acquiert à travers le temps

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une destination précise et devient un indice distinctif au niveau socio-professionnel. Comme la première acception semble être vieillie en français moderne (la séquence « portée autrefois » indique la disparition du référent, vers la fin du XIXe siècle), dans son acception secondaire, la blouse devient un synonyme partiel de bourgeron, sarrau, souquenille, tablier, cotte, bleu (v. PRob). Mais, cette fois-ci il n’y a aucune connotation négative et aucune spécification sur la nature du travail effectué par ceux qui la portaient. Ce rapport d’équivalence devient visible dans des expressions très usuelles, telles que: blouse d’écolier, blouse de peintre, blouse de mécanicien, blouse de laboratoire, blouse d’artiste, blouse de chirurgien (blouse de médecin ou blouse stérile), blouse de ménagère ou, tout simplement, blouse de travail. Il y a pourtant deux locutions blouse-robe « une robe courte de maison », respectivement, blouse-tablier « une sorte de robe de maison longue », où le mot blouse semble garder son sens originaire lié au monde rural.

À partir de cette acception secondaire et par le renforcement de l’idée d’ « indice », d’ « étiquette », la métonymie se produit: les blouses représentent « les ouvriers » ou bien « le peuple », tandis que les blouses blanches indiquent une catégorie socio-professionnelle précise, « les médecins ».

Il est important pour notre démarche contrastive d’observer qu’aucun élément métalinguistique (des définitions présentées supra) n’indique la longueur du vêtement, plus précisément s’il recouvre tout le corps ou seulement la partie supérieure. Le GLLF mentionne pourtant que, dans l’acception secondaire du mot, il s’agit d’un type de « vêtement long ». Pourtant, le référent est défini de manière implicite ou explicite par les traits suivants :

- la configuration: Forme: large en taille / au bas; Substance: toile, tissu ou cotonnade, c’est-à-dire des matériaux légers qui trahissent le confort pour un travail plus ou moins difficile;

- le genre de l’usager: plutôt masculin; - la destination: différents corps de travail. C’est justement sa fonctionnalité et, par la suite, « sa popularité » qui

détermineront au fil du temps le raffinement esthétique de la blouse, comme objet de mode féminine. Une nouvelle extension métonymique conduit à l’acception « sorte de corsage féminin à manches, flou et boutonné » qui se superpose partiellement sur la signification des mots chemisier, chemisette, corsage, guimpe. Le nouveau référent maintient la caractéristique ‘léger’ (y compris la finesse des matériaux) et la fermeture à boutons, mais il change le genre de l’usager et la dimension.

En conclusion, l’histoire du sens du lexème blouse résume trois paradigmes dans l’évolution même de la civilisation française: la dimension identitaire (dans la première acception, aujourd’hui vieillie), la dimension fonctionnelle, pragmatique (dans la signification secondaire, la plus courante dans la langue actuelle) et finalement la dimension artistique, propre à la mode féminine (dans le sens dérivé par extension métonymique, aujourd’hui plus ou moins technique et moins fréquent que l’acception secondaire).

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En roumain, le mot bluză est attesté par les ouvrages lexicographiques (v. le RDW) dès 1823, premièrement avec la troisième acception du correspondant français, celle de « pièce de vêtement pour la partie supérieure du corps, longue jusqu’à la taille, souvent à manches, taillée comme une chemise et portée par les femmes » qui est, d’ailleurs, la signification la plus courante de nos jours.

En plus, en roumain moderne, ce mot ne désigne pas seulement un certain type de « corsage féminin, flou et boutonné », mais aussi toute une série de pièces de vêtement qui couvrent la partie supérieure du corps des femmes ou des hommes. Un tel objet peut être boutonné ou non, avec ou sans manches (longues ou courtes) et fabriqué des matériaux extrêmement variés: lin, laine, tissu, toile, coton, etc. Par conséquent, à côté de la signification principale de « corsage féminin, flou et boutonné », le mot bluză devient en roumain actuel un hyperonyme de cămaşă « chemise », helancă, pulover, flanel(ă) (subŃire), bluzon ou tricou, désignant « toute espèce de pièce de vêtement légère pour la partie supérieure du corps », comme dans les exemples suivants: Bluza de polar nu trebuie să lipsească din nici un rucsac. E mult mai bună decât un pulover. (www.viajoa.ro/sfaturi-si-idei/ghidul-calatorului-lista-de-echipamente-de-munte-si-magazine-de-profil/) « Le polo ne doit pas manquer du sac à dos. Il est meilleur qu’un pull. » ou bien Pe mine port aşa:tricou sau bluză de corp sintetică, ca strat de bază.... (http://www.viajoa.ro/sfaturi-si-idei/ghidul-calatorului-lista-de-echipamente-de-munte-si-magazine-de-profil/) « Je mets d’habitude: un T-shirt ou maillot de corps synthétique…».

Dans ce cas, à la différence de son étymon français qui désigne un vêtement de mode féminine, le mot roumain semble traduire, dans la langue contemporaine, plutôt l’idée de VÊTEMENT. Si au niveau conceptuel, on pourrait donc parler d’une régression, au niveau linguistique la relation métonymique engendre un nouveau sens pas encore attesté par les ouvrages lexicographiques consultés.

Mais, à l’époque où l’emprunt s’est produit, le mot roumain bluză avait uniquement le sens spécialisé, appartenant exclusivement au domaine de la mode vestimentaire féminine qui, longtemps influencée par les modèles orientaux et byzantins, se trouvait au début du XIXe siècle dans une étape d’imitation accrue des créations vestimentaires occidentales. C’est pour cela que le mot bluză s’imposera en roumain justement avec l’acception que son correspondent français véhiculait à ce moment-là et qui désignait un référent nouveau pour l’espace socio-culturel d’adoption.

La définition lexicographique donnée en 1913 par le DLR – un ouvrage quasi contemporain avec l’époque de l’attestation de l’emprunt, n’est pas manquée d’intérêt: « petit vêtement de tissu, de laine, etc. en forme de iie, porté par les femmes » (tome I, 1ère partie). Premièrement, cette définition démontre la manière d’assimilation du concept dans l’espace socio-culturel roumain par la comparaison et la catégorisation du nouvel référent par rapport aux éléments propres, identitaires, dans notre cas, l’ie (du lat. [VESTIS] LINEA, selon le DEX) « une sorte de blouse féminine spécifique pour le costume populaire national [... ] »9. En même temps, cette définition indique implicitement la raison pour laquelle la première acception

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du mot français, celle de « vêtement ample des paysans », n’a pas été reprise par le roumain bluză: l’ ie représente l’étiquette identitaire roumaine, un symbole fortement fixé dans le mental collectif qui caractérisait surtout le monde rural, beaucoup plus conservateur. Or, bluză était un objet tout à fait nouveau, spécifique du monde urbain.

La passage graduel du lexème bluză au sens de VÊTEMENT prend en charge en tout premier lieu certaines modifications opérées au niveau du trait [+protection], une caractéristique qui se retrouve aussi dans les deux autres acceptions du mot roumain (v. supra 2 et 3), plus récentes et moins fréquentes dans la langue actuelle.

Ainsi, le second sens (v. supra (2) dans la description lexicographique), celui de « vêtement de tissu plus léger qui sert, dans certains métiers, à protéger les autres vêtements », attesté dès 1907 (v. Goicu-Cealmof, 2008: 18), est aujourd’hui assez rarement employé, étant remplacé par le mot halat (du bulg., russ. halat, apud DEX), un terme qui décrit mieux l’objet de la réalité extralinguistique: la blouse s’était fixée dans le mental collectif comme un vêtement caractérisé par le trait [+court] ou [+jusqu’à la taille]; or, dans l’espace socio-culturel roumain, ces pièces de vêtement de protection sont le plus souvent de dimension moyenne ou plutôt longue. Aussi, dans des syntagmes du type: bluză de casă, bluză de şcoală, bluză de serviciu ou bien bluză de pijama, bluză de salopetă, bluză de trening, le mot roumain traduit plutôt l’idée de « vêtement pour la partie supérieure du corps, destiné à accomplir une action en cours » et en second lieu le concept de « protection proprement dite » qui, lui seul, aurait pu accorder à l’objet désigné le statut d’indice socio-professionnel.

Toutefois, il faut préciser qu’une telle valeur fonctionnelle du lexème bluză aurait existé au début du XXe siècle, car le DLR atteste l’existence du mot bluzar (une création autochtone éphémère avec le suffixe nominal agentif -ar à partir de la base bluză) qui a le sens métonymique d’ « ouvrier » (enregistré supra pour le français blouse), comme dans l’énoncé suivant appartenant à Alexandru Odobescu: [Lulea] de pământ, din care fumează bluzarul şi studentul francez (apud DLR I, 1ère partie). « [Une pipe] de terre, par laquelle fument la blouse et l’étudiant français ».

Enfin, la troisième signification, (v. supra (3) dans la description lexicographique) celle de « vêtement de tissu porté l’été par les soldats au lieu du veston », une acception technique appartenant au domaine militaire et attesté dès 1913 (v. Goicu-Cealmof, 2008: 18), démontre la même atténuation du trait [+protection] au profit de la caractéristique [+légèreté]: tout en remplaçant pendant l’été d’autres vêtements plus chauds, tels que: le veston (du fr. veston, selon le DEX) ou la tunică (du fr. tunique, lat. TUNICA, apud DEX), bluză acquiert en fait le sens d’ « espèce de vêtement léger pour la partie supérieure du corps », comme dans l’exemple suivant: Sanitarilor, în loc de tunică, li s-au dat bluze de postav. (apud DLR I, 1ère partie). « Au lieu de la tunique, les soldats sanitaires ont reçu des blouses de drap ».

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En conclusion, le roumain bluză connaît une évolution sémantique inverse (v. infra le schéma) à celui de son étymon français:

Fr. BLOUSE VÊTEMENT (IDENTITARE) ― VÊTEMENT DE PROTECTION

[costume] ― OBJET DE MODE Roum. BLUZĂ OBJET DE MODE ― VÊTEMENT DE PROTECTION [costume] ―

VÊTEMENT À partir du sens qui encode initialement la valeur esthétique de son étymon

français, le mot bluză a développé en roumain moderne la signification (pas encore lexicalisée) de « tout espèce de vêtement léger pour la partie supérieure du corps » à laquelle on est arrivé par la modification du trait sémique [+protection], spécifique aussi bien pour la deuxième acception empruntée au français blouse, que pour le troisième sens, créé, par extension métonymique, à l’intérieur de la langue roumaine.

2.2. - fr. veste / roum. vestă L’analyse lexico-sémantique du couple (fr.) veste / (roum.) vestă exemplifie

sur la base des données lexicographiques présentées en abrégé infra, une situation de conservation dans la langue cible du sens le plus souvent véhiculé au moment de l’emprunt dans la langue source:

veste, s. f., 1. vêtement à quatre pans, muni d'une poche de chaque côté, qui couvre le corps jusqu'à mi-cuisse, avec ou sans manches, boutonné sur le devant et qui se porte sous l'habit; 2. veste courte portée par les sans-culottes pendant la Révolution. Loc. fig.: Retenir qqn par le(s) pan(s) de la/sa veste. empêcher, in extremis, quelqu'un de s'en aller. 3. vêtement long que les Orientaux portent sous la robe; 4. vêtement court s'arrêtant à la taille ou couvrant les hanches, à manches longues, boutonné sur le devant: Veste chemise: veste d'été en tissu léger destinée à être portée à même la peau; Veste d'intérieur, d'appartement, de chambre: vêtement croisé ou boutonné sur le devant utilisé comme une robe de chambre; Veste de pyjama: partie supérieure d'un pyjama, à manches longues ou courtes. 5. Familier: échec10. vestă, s. f., 1. pièce de vêtement, courte, jusqu’à la taille, d’habitude sans manches et sans col, portée par les hommes sous l’habit et par les femmes au-dessus de la blouse (apud DEX). Le mot français veste, un emprunt à l’italien veste (du lat. VESTIS, apud TLFi)

au sens de « vêtement, élément de habillement », a une histoire à rebours de celle rencontrée auparavant dans le cas du mot blouse. Si pour ce dernier cas de figure (v. supra les commentaires) on a observé un trajet du type VÊTEMENT – COSTUME, ou, en d’autres termes, l’évolution d’un référent à valeur fonctionnelle vers un objet à valeur purement vestimentaire, dans le cas du mot veste on va constater un parcours inverse, semblable en quelque sorte, à celui enregistré par le roumain bluză. Plus exactement, le sémantème du lexème veste se constitue à partir de la

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signification d’un objet de mode [+costume] vers le sens d’un référent à valeur fonctionnelle [+vêtement].

Ainsi, la première acception, celle de « vêtement à quatre pans descendant jusqu’aux genoux et se portant sous l’habit », attestée dès 1578, traduit la valeur purement vestimentaire du référent: une pièce de vêtement, initialement longue, à manches facultatives, d’inspiration orientale (v. vestes à la persane (1671) ou veste à la Turque – au XIXe siècle).

En tant que « manière d’habillement », la veste a reflété à travers le temps les diverses modes d’esprit, se superposant au dolman, à l’hoqueton ou à la soubreveste: « D’abord [...] longue et droite, à peine plus courte que le justaucorps; puis, sous Louis XV se raccourcissant petit à petit » (Leloir 1961, apud TLFi). Et la conséquence définitive de toutes ces modifications va apparaître en 1835 lorsque le gilet « remplacera » la veste: « les pans de la veste se raccourcissent, les manches facultatives disparaissent complètement et la forme de la veste se rapproche à celle de gilet » (TLFi).

Pendant la Révolution, ce type de vêtement de courte dimension acquiert pour la première fois le statut d’indice social car il est devenu ces jours-là le costume d’une certaine catégorie de révolutionnaires issue de la partie modeste et laborieuse du peuple, les sans-culottes. Cette valeur fonctionnelle du référent se développera au fil du temps et elle sera explicitée plus tard, en 1820, lorsque l’ Observateur des modes (15 juin, VI, p. 120 apud TLFi) note que: « La veste nouvelle [...] est proprement dite de manège; cependant elle n’est pas moins portée dans la chambre, à la chasse, à cheval, à la promenade jusqu’à deux heures ».

À partir de cette époque-là, la veste devient l’indice d’une certaine activité et, par conséquent, d’une certaine catégorie socio-professionnelle. Du point de vue sémantique, la veste se charge des sèmes supplémentaires suivants: [+action], [+protection]. Ainsi, l’expression ramasser / remporter une veste, attestée dès 1866, justifie-t-elle son sens d’ « échouer dans une entreprise; se faire siffler [au théâtre] » (TLFi) à partir de l’idée intrinsèque d’ « action » colportée par le mot veste. De même, dans sa deuxième acception fondamentale, la plus usuelle dans la langue actuelle, veste désigne une espèce de vêtement court, à manches longues, boutonné sur le devant, donc un VÊTEMENT, c’est-à-dire un objet à valeur plutôt fonctionnelle qui correspond à la signification actuelle du mot roumain bluză: veste de cuisinier, veste de garçon de café, veste de groom, veste de militaire, veste de travail, veste de chasse, veste de sport, veste de voyage, veste d’intérieur (d’appartement ou de chambre) ou bien veste de pyjama.

En conclusion, le sémantème du lexème veste traduit: - un objet de vêtement initialement autonome (de forme longue, avec ou

sans manches, boutonné sur le devant), plus tard semblable au gilet (de forme courte, sans manches et toujours boutonné sur le devant) et

- un objet de vêtement fonctionnel, pratique, semblable à la blouse (de forme courte, généralement à manches longues, boutonné sur le devant, habillée dans certains métiers, activités).

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De tous les sens de l’étymon français11, le roumain en a emprunté, sous la forme vestă, uniquement le premier, celui de pièce de vêtement proprement dit. Et comme le correspondant roumain est attesté assez tard, à peine en 1910 (v. Goicu-Cealmof, 2008: 23), la forme du référent vestă est, en fait, celle du français gilet: toujours « courte, jusqu’à la taille, sans manches et sans col, portée par les hommes sous l’habit et par les femmes au-dessus de la blouse » (DEX).

Il faut pourtant rappeler que dans le fonds néologique du roumain il y avait déjà deux autres mots, jiletcă (du russ., bulg. žiletka, apud CDER) et lăibăr (de l’allm. transilv. leibel apud CDER), pour désigner le même référent. Dans cette situation, le roumain vestă, un néologisme occidental, s’imposera dans la langue moderne comme terme littéraire, tandis que les deux autres lexèmes occuperont la position des variantes dialectales. Cela est dû tout d’abord au phonétisme, plus simple dans le cas du mot vestă, et deuxièmement au raffinement esthétique de l’objet désigné initialement dans la langue source.

Cependant, il faut signaler qu’au-delà de la fonction purement vestimentaire, le mot roumain vestă a acquis les dernières décennies la signification d’ « objet d’habillement à valeur fonctionnelle » (traduisant d’habitude une activité de protection, de sécurité), comme le démontrent les syntagmes suivants: vestă antiglonŃ, vestă reflectorizantă, vestă tactică, vestă militară, vestă de jandarmi, vestă de asalt, vestă de salvare, vestă outdoor, vestă airsoft, vestă multicam.

En conclusion, le mot français veste exprime – comme on l’a déjà précisé – le passage de l’idée de COSTUME à celle de VÊTEMENT. La première acception, celle de COSTUME, sera initialement reprise par le correspondant roumain vestă, mais uniquement au sens du français gilet. Ultérieurement, par des calques totaux, en roumain apparaît aussi la signification de « vêtement de protection », pas encore attestée dans les ouvrages lexicographiques consultés.

2.3. - fr. jupe / roum. jupă Certains emprunts roumains au français se caractérisent par la conservation

initiale de tous les sens de l’étymon, avec le maintien dans la langue actuelle d’une signification moins usuelle, vieillie ou même disparue dans la langue source. Un tel exemple est illustré par l’analyse lexico-sémantique du mot français jupe et de son correspondant roumain jupă, à partir des définitions lexicographiques suivantes:

jupe, s. f. 1. robe de dessous à l'usage des femmes, formée de deux pièces, le corps de jupe ou corsage, et le bas de jupe, allant de la taille aux pieds et généralement visible; 2. a. vêtement féminin de dessus, qui descend de la taille vers les pieds, plus ou moins bas selon la mode. b. (Vieilli, au pluriel): ensemble formé par la jupe de dessus et un ou plusieurs jupons. c. (Couture): partie inférieure de la robe, à partir de la ceinture. 3. (Vieilli) vêtement analogue porté par les hommes dans certains pays; 4. (Par métonymie, familier, vieilli): une / la femme, une / la fille; 5. (Technologie): partie latérale d'un piston qui s'adapte à la paroi interne du cylindre; 6. (Technologie): carénage de tôle, aérodynamique, de la partie inférieure d'une locomotive ou d'un wagon; 7. (Technologie): cylindre flottant de matière souple qui enferme le coussin d'air permettant le fonctionnement d'un aéroglisseur12.

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jupă, s. f. 1. jupe; 2. une espèce de jupe mise d’habitude au-dessous d’une robe ou d’une autre jupe; 3. (Technologie): partie cylindrique d’un réservoir d’emmagasinage; 4. (Aéronautique): élément de la structure d’un engin spatial qui sert à raccorder deux étages successifs; 5. (Mécanique): partie latérale d'un piston qui assure le guidage à l’intérieur d’un cylindre13. Le mot français jupe, tout comme veste, est lui aussi un emprunt à l’italien

méridional giubba (v. TLFi) dont le sens de « veste d’homme ou de femme d’origine orientale » (TLFi) renvoie à un tiers espace socio-culturel de provenance, plus précisément au monde arabe où par ğubba [djoubba] on désignait une espèce de « veste de dessous » (TLFi).

En tant que pièce de vêtement, la jupe a deux significations fondamentales, différenciées par le trait [±visibilité]. Ainsi, l’acception la plus usuelle dans la langue actuelle, attestée dès 1603, de « vêtement féminin de dessus, qui descend de la taille vers les pieds, plus ou moins bas selon la mode » renvoie, par le placement dessus, à un référent appartenant au domaine de mode proprement dite qui a subi à travers le temps beaucoup de modifications: jupe droite, jupe froncée; jupe à godets, jupe à lés, jupe à plis (jupe plissée), jupe à volants; jupe écossaise; jupe portefeuille; mini-jupe; jupe de tennis, etc.

Au contraire, l’autre acception, celle de « robe de dessous à l'usage des femmes, formée de deux pièces, le corps de jupe ou corsage, et le bas de jupe, allant de la taille aux pieds et généralement visible » traduit, par le positionnement dessous, un référent à valeur fonctionnelle, dérivée de l’idée de [+protection], un sème fondamental, comme on l’a vu supra, pour l’étymon arabe: cette fois-ci il ne s’agit plus d’un objet proprement dit de la mode vestimentaire, mais plutôt d’un accessoire dont la fonction primaire est celle de faire protéger et de couvrir le corps humain contre les caprices météorologiques de toutes sortes ou bien contre les regards licencieux. Par cette dernière acception, attestée dès 1690, la jupe remplace le cotillon « une jupe de dessous particulièrement chez les femmes du peuple et les paysannes » (TLFi) et s’impose dans la langue comme un terme technique appartenant au vocabulaire spécialisé de la mode vestimentaire.

Mais, pour désambiguïser au niveau de l’expression cette dichotomie conceptuelle: [OBJET DE VÊTEMENT] vs. [ACCESSOIRE] – deux notions fondamentales pour le domaine analysé, le français a créé par dérivation avec le suffixe -on, le diminutif jupon (attesté aussi dès 1690) pour désigner une sorte de « jupe de dessous, le plus souvent aujourd'hui en tissu de lingerie, portée par les femmes » (TLFi). Il y a pourtant une nuance subtile qui différencie l’accessoire jupe de l’accessoire jupon: la jupe garde encore une petite partie de sa fonction d’objet de vêtement, car elle est « généralement visible » dans la partie inférieure, tout en dépassant en longueur la pièce de vêtement de dessus, tandis que le jupon a une fonction purement pratique, tout en servant à soutenir ou à déterminer le contour d’une jupe ou d’une robe. D’ailleurs, cette valeur pure d’accessoire du jupon est aussi mise en évidence par la nature des matériaux dont on fabrique un tel objet, « généralement un tissu de lingerie » (v. TLFi).

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Le roumain atteste l’emprunt au français sous la forme jupă dès 1771 (DLR, tome II, 2ème partie), initialement avec la première acception du correspondant français, celle de « pièce de vêtement de dessus, qui descend de la taille vers les pieds ». Ce sens s’enregistre encore au début du XIXe siècle dans les différentes publications « de spécialité » ou chez certains auteurs francophiles, comme dans l’exemple suivant de Mateiu Caragiale: O doamnă înaltă, cu o bluză şi cu jupă. (apud DLRC, 1956: vol. 2) « Une dame à grande taille, avec une blouse et une jupe ».

Mais avec cette première acception, la plus usuelle d’ailleurs pour l’étymon français, le mot jupă ne réussira pas à se fixer dans la langue roumaine contemporaine, probablement parce que les éléments de nouveauté du référent n’étaient pas du tout frappants par rapport à l’objet généralement désigné en roumain par le mot fustă (du néogr. fústa, attesté dès 1829 apud RDW) ou, au milieu rural, par foaie (pl. foi) (du lat. FOLIA, v. le DEX). Voilà pourquoi en 1937 le DLR définit le mot jupă comme « un franŃuzism vechiu pătrus şi la Ńară » (trad.: mot français vieilli adopté aussi à la campagne), pour qu’en 1956, le DLRC le considère déjà « un franŃuzism, ieşit din uz » (trad.: mot français vieilli).

Il y a pourtant en roumain des syntagmes assez usuels, tels que: modă mini-jupe « mode mini-jupe », stil mini-jupe « style mini-jupe » ou bien (dans la langue moins soignée) même fustă mini-jupe « jupe mini-jupe », où le mot français garde la signification de « pièce de vêtement de dessus, extrêmement courte » (v. aussi Iovănescu / Rădulescu 2000: 44). De tels syntagmes se sont imposés en roumain (le plus souvent avec la graphie de la langue source) justement à cause de la modification radicale d’un trait fondamental du référent: la réduction considérable de la longueur de cette nouvelle pièce de vêtement est vraiment un élément qui a fait attirer l’attention et bouleverser le mental collectif.

En revanche, si la première acception du mot français est sentie comme vieillie en roumain actuel, la signification de « jupe habillée d’habitude au-dessous d’une robe ou d’une autre jupe » est aujourd’hui le sens le plus fréquent dans l’espace socio-culturel d’adoption. On a toute raison de croire qu’il s’agit d’un sens assez récent14, car ni le DLR (1937), ni le DLRC (1957) ne le mentionnent. En revanche, le premier ouvrage lexicographique ajoute comme diminutif (avec la remarque: vieilli ) le mot jupon (du fr. jupon), attesté dès 1937 (v. Goicu-Cealmof, 2008: 23) et dont le sens coïncide avec la deuxième acception du mot jupă. Bien qu’au début du XIXe siècle, au niveau référentiel, jupă et jupon se soient distingués par le trait [±visibilité], tout comme le couple correspondant du français, dans la langue roumaine moderne et contemporaine, les deux mots désignent la même réalité extralinguistique, devenant ainsi des synonymes parfaits. Dans la langue actuelle, le mot roumain jupon a perdu donc sa signification diminutive originaire et a contribué à faire enraciner la deuxième acception du mot jupă en tant que signification principale, justement par l’approfondissement des traits prototypiques [+protection], [+doublure].

D’ailleurs, on retrouve les mêmes traits sémiques [+protection] et [±doublure] pour le mot roumain giubea (un emprunt au turc cüppe selon le CDER)

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au sens de « habit long et large de drap (fin), le plus souvent doublé de fourrure, porté autrefois par les boyards roumains » qui représente le doublet étymologique tant du mot jupon, que du mot şubă (un emprunt au serbe, russe šuba, polonais szuba, hongrois suba et à l’allm. médiéval Schübe « tablier », selon le CDER) au sens de « habit long et large, à col large, doublé de fourrure et porté surtout par les hommes ».

Les autres significations du mot français jupe dérivées de ses acceptions du domaine vestimentaire (v. supra les sens 2 b, c et 3), senties comme vieillies elles-mêmes dans la langue actuelle, ne se retrouvent pas dans le cas du correspondant roumain.

En revanche, tout comme l’étymon français, le mot roumain jupă semble enregistrer (selon le MDN) des sens techniques plus récents, mais rarement rencontrés, dans des syntagmes tels que: jupe de piston « jupes de piston » (http://www.tagracing.net/pdf/2008Homologation/C.Gazelle2.pdf). Dans ce cas de figure il s’agit plutôt d’un calque total, issu par la traduction fidèle des énoncés français du même type, car le roumain dispose, pour dénommer la même réalité extralinguistique, du mot valvă (un mot à étymologie multiple: du fr. valve, lat. VALVA , selon le DEX).

En conclusion, bien que le roumain jupă ait initialement conservé toutes les significations de l’étymon français, il s’est fixé dans la langue actuelle comme synonyme parfait du mot jupon, au sens de « pièce de vêtement mise d’habitude au-dessous d’une robe ou d’une autre jupe ». Par cette acception, moins usuelle pour le correspondant français, le mot roumain désigne uniquement un accessoire et non pas un objet de la mode vestimentaire proprement dit, étant défini par les traits sémiques fondamentaux suivants: [+protection] et [+doublure].

3. Considérations finales L’analyse lexico-sémantique contrastive de quelques unités composant le

micro-champ notionnel des « vêtements » en français et en roumain nous à permis de constater qu’il y a une différenciation assez grande dans la reconfiguration sémique des unités qui composent le même ensemble notionnel. Cette constatation devient encore plus évidente lorsque le champ notionnel analysé se constitue lui même dans un système sémiotique indépendant, intimement lié à l’univers mentalitaire de chaque communauté. De ce point de vue et par notre positionnement dans la zone de la néologie sémantique, cette approche démontre premièrement la fonction de marqueur socio-culturel de l’emprunt lexical aussi bien que la faculté dont chaque langue dispose pour accorder à chaque unité signifiante une valeur (dans l’acception saussurienne du mot) à l’intérieur du système.

D’autre part, une telle démarche attire l’attention une fois de plus sur la sémantique assez différente des mots dits « internationaux », un aspect qui empiète directement sur l’activité de traduction aussi bien que sur l’élaboration des ouvrages lexicographiques (surtout bilingues ou étymologiques).

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*Mihaela Popescu, Les emprunts lexicaux roumains au français: approche lexicographique et sémantique du vocabulaire de la mode vestimentaire, in RRL (sous presse) 2011. NOTES 1. Le mot français mode (du latin MODUS, avec le changement du genre), au sens d’ « ensemble d’habitudes passagères, conformes au modèle esthétique reçu par la société à laquelle on appartient », dérivé, par extension métonymique, de la signification originaire « manière de se comporter propre à un groupe social, une région, un pays » (TLFi) est d’ailleurs un emprunt panroman : roum. modă, it., esp., port. moda. 2. Il faut préciser que dans ce pourcentage ne sont pas intégrés les mots avec une existence éphémère dans le vocabulaire analysé, tels que: bertă, balaieuză, bavolet, ghimpă, tabliet, etc. (v. aussi Popescu, L. 2010). 3. Une analyse sémantique des emprunts roumains au français effectuée dans le cadre du projet de recherche FROMISEM a fait ressortir la typologie suivante : (i) conservation – totale ou partielle – du sens / des sens de l’étymon français, parfois avec le maintien en roumain d’un sens aujourd’hui disparu en français (situation rencontrée dans le cas des mots appartenant à un domaine spécialisé, technique et scientifique); (ii) innovations sémantiques opérées en roumain, ayant comme point de départ une signification de l’étymon français. Ces innovations se manifestent à travers divers mécanismes sémantiques: extensions analogiques et restrictions de sens, métaphorisations, passages métonymiques, glissements connotatifs, etc. (v. Iliescu et al. 2010: 593). 4. Pour diverses précisions sur les emplois actuels, nous avons utilisé aussi les sites Internet. 5. Les ouvrages lexicographiques roumains sont unanimes à indiquer pour étymon du roumain bluză, le mot français blouse. Seul le NDU indique une étymologie multiple: « le roum. bluză provient du. fr. blouse, allm. Bluse ». 6. Les sens indiqués représentent un résumé des descriptions lexicographiques données par le TLFi. 7. Les sens indiqués représentent un résumé des descriptions lexicographiques données par le DEX, le DN et le MDN. 8. L’étymon *blaude se trouverait à l’origine de plusieurs variantes dialectales du fr. blouse (Littré). 9. Voir le célèbre tableau d’Henri Matisse intitulé « La blouse roumaine » où la blouse traduit en fait le roumain ie. 10. Les sens indiqués représentent un résumé des descriptions lexicographiques données par le TLFi. 11. Les définitions étymologiques présentées par les ouvrages lexicographiques roumains dans le cas du mot vestă ne sont pas convergentes. Tandis que le DEX et le MDN considèrent pour étymon uniquement le mot français veste, le NODEX et le DLR indiquent une étymologie multiple: « le roum. vestă provient de l’allm. Weste, fr. veste ». Le DN définit l’origine du mot roumain vestă toujours par l’appel à l’étymologie multiple, mais choisit pour étymons le fr. veste et l’it. vesta. 12. Les sens indiqués représentent un résumé des descriptions lexicographiques données par le TLFi. 13. Les deux premiers sens sont indiqués par le DEX, tandis que les sens techniques sont enregistrés dans le MDN. 14. Malheureusement, le RDW ne mentionne pas le mot jupă. BIBLIOGRAPHIE Études Avram, Mioara (1982), « Contacte între română şi alte limbi romanice », in SCL 33,

3: 253-259. Barthes, Roland (1967), Système de la Mode, Paris, Éditions du Seuil. Dimitrescu, Florica (1994), Dinamica lexicului limbii române, Bucureşti, Logos. Costăchescu, Adriana (2010), « Quelques lexèmes en voyage (trajet français -

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TLFi = Centre Nationale de la Recherche Scientifique (CNRS), Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF), Université Nancy 2, Trésor de la Langue Française Informatisé, http: //atilf.atilf.fr/tlf.htm.

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3. Analyse sémantique de quelques lexèmes du corpus

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LE DESTIN DE QUELQUES MOTS D’ORIGINE FRANÇAISE DANS LE ROUMAIN ACTUEL*

Le terme «néologisme» est loin de bénéficier de définitions uniformes, qui puissent établir une fois pour toutes, des critères précis pour l’importation, l’adaptation et l'intégration de ces mots. La caractéristique des néologismes est le fait que, pour une certaine période de temps, ils sont ressentis par les parleurs comme neufs. Le vocabulaire d'une langue est enrichi quotidiennement par des néologismes (qui diffèrent des soi-disant occasionnalismes), qui, pour être validés comme tels, doivent entrer dans une langue. Les néologismes se rapportent toujours à un moment précis (par exemple, des néologismes sont entrés en roumain pendant la Révolution de 1848, entre les deux guerres mondiales, après 1989, etc.). Par conséquent le lien entre le vocabulaire et le renouvellement social devient évident.

Dans la catégorie des néologismes, on peut faire des délimitations et on peut discuter de certains mots nouveaux, de nouvelles significations, de nouvelles combinaisons de mots (comme CyberCafé»), etc. Lorsqu’un mot entre dans la langue, on doit tenir compte des problèmes suivants: l'orthographe, la prononciation, le genre, la flexion et les significations.

En ce qui concerne la valeur pragmatique, les néologismes sont utilisés comme des marqueurs socio-culturels. Dans cet article, nous présentons quelques néologismes d’origine française et leur destin comme des structures formelles et sémantiques en roumain.

(1) fr. aquit / roum. achiu En français, acquit signifie soit «reçu», soit l’action d'acquitter quelqu'un

(du vb. acquitter) (TLFi, LITTRÉ). En roumain, il désigne soit « le premier coup au billard pour déterminer qui commence le jeu » (du sens du fr. acquitter « donner le premier coup ») ou « queue de billard » (DEX, MDN). Ce dernier sens est limité à la région de Moldavie moldave et DA atteste aussi l'expression «a da achiu» pour «donner le premier coup de billard» : « […] iar cilibiul dumitale, în loc de bani, i-au frânt de cap un achiu, de care întâmplare femeia tractirgiului, supărându-se, şi-au adunat oştile sale ». (Constantin Stamati, Cum era educaŃia nobililor români, în secolul trecut, când domneau fanarioŃii ).

En roumain, il y a aussi achiu qui signifie «céleri», mais celui-ci provient du lat. apium.

En roumain actuel, achiu est utilisé avec le sens d'«acquisition», comme une forme populaire (mais répandue) de l'acquis : « Ca să faci o licitaŃie trebuie să

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respecŃi legislaŃia română în materie şi achiul comunitar » (http:// www.psd.ro/ newsroom.php? newi_id = 2548) ; « Eu n-am văzut român să intre în facultate şi să n-o termine: decât daca era, Doamne fereşte, lovit de vreo molimă, sau dacă butonul cu nebunie se declanşa mai devreme decât recomandarea achiu-ului european »(http://training-vanzari.ro/2009/06/primii-patru-ani-sunt-grei-pana-treci-de-anul-trei/); « Şi, în speranŃa că odată şi odată o să ne primească şi pe noi la masa lor, încercam să ne facem temele, să ne implementam achiul comunitar » (http://mcgogoo.blogspot.com/ 2008_06_01_archive.html).

Le dictionnaire d’argot de la langue roumaine confirme pour achiu le sens «ivre» : « Cât ai zice peşte, a şi luat achiu. Muscadetul a fost dintotdeauna slăbiciunea cea mare a lui Moş TăgârŃă. » ; « Luase niŃel achiu şi începea să vorbească gura fără el. »(http://www.scribd.com/doc/11558463/SanAntonio-Daca-Tanti-Le-Avea1).

(2) fr. attache / roum. ataş Bien qu'il n’existe pas de nombreux véhicules de ce type, presque tous les

gens de la Roumanie connaissent un side-car moto. En français, le mot attaché (dérivé du verbe attacher) a un domaine très vaste d'utilisation: commercial, maritime, anatomique, historique, des bijoutiers, botanique, archéologique, céramique, de la musique, sport, technologie (TLFi). Mais aucun ne fait référence à la motocyclette. Ataş, comme mot qui désigne le side-car, est le sens le plus utilisé en roumain. « Anexă de metal prinsă lateral de o motocicletă, cu care se transportă obiecte sau persoane » (DEX, DN, MDN). Bien sûr, l'idée de base est de lier, d'unir deux pièces : « Cumpăr ataş pentru motocicletă, marca MZ ES 250, an fabricaŃie 1961! Poate să fie în orice stare, nu mă interesează. » (http://anunturi-gratuite.prahova-online.com/detail.php?id=20726); « Etapa a V-a Campionatului Mondial de Motocros cu ataş se va desfăşura în zilele de 24 - 25 mai la Ciolpani, pe DN1 – 30 km de Bucureşti » (http://2003.informatia.ro/ index.php?name=News &file=article&sid=19660&theme=Printer); « Vreau pentru nunta mea să închiriez un motor frumos cu ataş, de preferat oldtimer. » (http://www.motociclism.ro/forum /index.php?showtopic=292218&st=0).

Ataş peut être utilisé pour d'autres moyens de transport non motorisés, par exemple le vélo : « Vreau o bicicletă cu ataş. Aş avea mai mult echilibru şi nu aş mai merge către casă singur. Promit că aş lua şi autostopişti în ea. » (http://9paul.wordpress.com/2009/03/12/am-nevoie-de-o-bicicleta-cu-atas/); « Bicicletă cu remorcă sau cu ataş dorsal» (http://www.funnypedia.ro/ imagini/vezi/cristi/692/bicicleta+cu+remorca+sau+cu+atas+dorsal). Nous avons choisi la dernière citation, car elle marque une nette différence en roumain ; tandis qu’en français l’attache peut être placée n'importe où, en roumain elle a une position stricte latérale. La remorque est celle qui est placée en arrière.

En langage familier, l’attache représente le copain ou la copine d’une personne, c’est à dire quelqu'un qui l’accompagne partout. Cette connotation est négative, parce que l’attache humaine restreint la liberté et « étouffe » le partenaire. Le Dictionnaire d'argot atteste un autre sens pour ce terme: « les fesses d'une

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femme ». Dans le langage informatique, l’attache est un fichier joint à un mail envoyé, mais en ce cas, il ne vient plus du français, mais de l'anglais «attachement» ; ainsi, le roumain a adapté ce mot d’après le modèle existant déjà dans la langue, parce qu'il exprime la même idée de «liaison» ou de «fusion» : « Trimite mail cu ataş la adresa » (http://www.fabbydesign.rovezi_surse/4_18/php _resources/trimite_mail_cu_atas).

(3) fr. bison / roum. bizon En roumain et en français, le mot bison désigne un mammifère ruminant de

grande taille, répandu en particulier en Amérique. En roumain, à la différence des bisons en français, bizon désigne aussi le cuir de cet animal, ou une imitation de peau de veau (DEX, DN, MDN).

En plus, le français bison est aussi un symbole de la corvée acribique (« travailler comme un bison » - TLFi). En roumain, il y a l’expression « a munci ca un bou» (trad litt. « travailler comme un bœuf ») et on utilise le mot bizon avec le sens « l'homme qui ne comprend pas bien, sot, mais qui fait de son mieux pour s’imposer socialement ». Le bison est aussi un homme avec l'intelligence inférieure, mais qui se fait remarquer par son comportement goujat, malotru. On remarque qu’en Roumanie, pendant les dernières années, les campagnes d'éducation sociale utilisaient le mot bizon, comme « bizon în trafic »: « Dorinel Munteanu întregeşte colecŃia de bizoni a Stelei, uşor descompletată de ultimele două exemplare manelizate public! » (Pro Sport, 4 noiembrie 2008); « Se pare că «Bizon în trafic» nu e doar o expresie la figurat, binecunoscută din campania de responsabilizare în trafic «Huo cu tata», ci o realitate undeva în America, probabil... » (http://buburuza.net/2009/03/11823/); « S-a descoperit o nouă specie de animal dăunător, şi anume «Bizonul de apartament», specie înrudită cu «Bizonul din trafic», pe care îl recunoaştem deja. » (http://fbronnie.blogspot.com/2009/01/ pericolul-animalelor-bizon-de-apartament.html).

(4) fr. bistro / roum. bistrou Le mot roumain bistrou provient du français bistro (on rencontre aussi la

forme bistrot). En français, le mot bistro désigne « un petit café, un petit restaurant sympathique et modeste » et aussi « le patron de cet établissement », où l’on sert principalement des boissons et des nourritures (TLFi). En roumain, le sens de « patron d’un petit café » n’existe pas. DEX et DN considèrent le mot bistrou comme un gallicisme. En français, il n'y a pas d’unanimité sur l'étymologie du mot bistro / bistrot, donc plusieurs hypothèses sont discutées. L’une des variantes considère le mot bistrot comme un régionalisme qui, au XIXème siècle, s’été imposé partout: le poitevin bistraud ou le mot du sud de la France bistroquet. Une autre hypothèse est plus proche du mot bistrouille qui, dans le nord de la France, désignait un mélange de café et d'alcool. On constate aussi le rapprochement de l’argotique bistingo, qui signifie «cabaret» (TLFi). Une autre opinion est celle d’une étymologie populaire, qui rapproche le mot français bistrot du rus. bîstro (vite). La légende dit que pendant l'occupation russe de Paris (1814-1818), les

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soldats russes entraient dans les restaurants pour boire de l’alcool. Comme ils n’avaient pas le droit d’entrer dans les restaurants et qu’ils avaient peur des gradés, ils pressaient sur des serveurs français, en criant « bîstro ».

En roumain, le mot bistro connaît de nos jours une revitalisation parce que de nombreux restaurants portent ce titre, ce qui confère un certain prestige et un air de bohème. Si, en France, le bistrot signifie un petit restaurant, sans grandes prétentions, où l'atmosphère est la plus importante, la tendance actuelle en Roumanie transforme le bistro dans un restaurant avec des touches de luxe, ayant comme public cible la nouvelle grande vie. Au-delà de l'usage familier, on trouve une acception officielle du mot bistrot, dans le document intitulé Normele metodologice privind clasificarea unităŃilor de alimentaŃie publică. Ici, le bistrot est considéré comme une unité de «restauration rapide» et il est défini comme : « Bufetul tip expres – bistrou este o unitate cu desfacere rapidă, în care fluxul consumatorilor nu este dirijat, servirea se face de către vânzător, iar plata se face anticipat. Unitatea este dotată cu mese tip expres» (http: // rotur.ro/index.jsp%3Fpage%3 Dleg_tur%26tip%3Dalimentatie).

(5) fr. câble/ roum. cablu Cablu vient du français câble et dans les deux langues le sens le plus utilisé

est celui de «gros cordage fait d'un ensemble de diverses fibres végétales ou de fils métalliques » (TLFi, DEX, DN, MDN). Le deuxième sens, dans les deux langues, est plus proche de nos jours et il est très répandu : « câble électrique », « ensemble de conducteurs distincts, mécaniquement solidaires» (TLFi, DEX, DN, MDN). Le troisième sens en roumain et en français est « anacablură » (du fr. encablure), « mesure de distance égale à la longueur des anciens câbles soit 180 mètres » (TLFi, LITTRÉ, DEX, DN, MDN).

En roumain actuel, câble désigne le type de télévision digitale, opposée à la télévision analogique, où la transmission du signal se fait via un câble coaxial. C’est une réduction de l'expression «televiziune prin cablu » qui existe aussi en français « télévision par câble» : « Scumpirea RCS-RDS la cablu şi internet va fi de aproximativ 10 la sută. » (http://comanescu.hotnews.ro/rcs-rds-scumpeste-cablul-si-internetul.html). Ici on peut voir très bien que le mot cablu désigne strictement la télévision par câble, parce que la connexion internet se fait aussi via un câble. Mais la différence est évidente. Stop abuzurilor RCS & RDS şi ale altor firme de cablu! ANPC să-şi facă datoria! » (http://www.petitieonline.ro/petitie/ stop_abuzurilor_rcs_rds_si_ale_altor_firme_de_cablu_anpc_sa_si_faca_datoria_-p46853053.html).

A partir de ce dernier sens, on a formé en roumain le substantif cablagiu, avec une nuance péjorative, en plus du sens de « celui qui s’occupe de l'installation / la réparation des câbles ». Le mot n'est pas attesté dans les dictionnaires roumains. « Cobor jos şi dau o tură în jurul blocului că poate găsesc picior de cablagiu» (http://oradeanul.com/index.php?s=cablagiu); « Când eram mic mic vroiam să fiu mecanic auto, apoi doctor, irigator, şofer, instalator electrice ca până la urmă să ajung cablagiu. » (http://www.cdmitroi.ro/2009/10/chestionar/); « Se vede treaba

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că eşti un simplu cablagiu dacă îmi dai răspunsurile astea. » (http://www.xtremepc.ro/forum/viewtopic.php?f=42&t=18905).

Il y a une autre variante provenant du câble, qui est formé avec le suffixe -ist, cablist, qui désigne aussi bien celui qui travaille avec les câbles (cablagiul) que la Compagnie de télévision par câble. Ce mot non plus, il n'est attesté dans les dictionnaires roumains : « Cablist pentru firmă internet » (http://www.ejobs.ro/user /locuri-de-munca/s-c-softexpert-s-r-l-cablist-pt-firma-internet/77167/arch); « Românii descoperă plăcerea de a migra de la un cablist la altul » (România Liberă, 15 august 2007).

(6) fr. étape / roum. etapă Le roumain a pris du français les significations qui renvoient à un

intervalle de temps (du mars de l'armée, d’un processus ou des compétitions sportives) ou à l'espace (LITTRÉ, TLFi). En roumain contemporain, etapă est plus souvent utilisé pour designer « la journée footballistique » (ou dans d'autres sports de ballon), c'est-à-dire plusieurs parties qui se jouent à une certaine date. En cherchant sur Google, on peut constater que cette affirmation est valide pour la langue roumaine. Après la «journée footballistique », une autre utilisation importante de ce mot est dans le sport de roues (course automobile, moto, vélo). En roumain, il s’agit aussi de etapă. Le français fait la distinction entre l’étape de vélo ou de la course automobile (étape) et celle de football (journée). « Adversara Stelei din Grupa H a Ligii Europa, FC Şerif Tiraspol, a învins, miercuri, în deplasare, liderul Dacia Chişinău, scor 2-1, într-un meci jucat în etapa a 19-a » (Cotidianul, 18 noiembrie 2009); « Adversara lui CFR Cluj din Grupa K a Ligii Europa, PSV Eindhoven, a învins, vineri seară, în deplasare, pe Sparta Rotterdam, scor 3-2, într-un meci din etapa a 15-a a campionatului Olandei » (Cotidianul, 28 noiembrie 2009); « Spectacol în Ştefan cel Mare. Dinamo şi Rapid au remizat în derbyul etapei cu numărul 13 » (Evenimentul zilei, 9 noiembrie 2009).

(7) fr. jalousie / roum. jaluzea Le mot jaluzea (utilisé le plus souvent au pluriel) est formé, en roumain, du

fr. jalousie avec un suffixe autochtone. En roumain le sens primaire et le plus utilisé est celui de store qui couvre les fenêtres (DEX, DN, MDN) ; en français, c’est le deuxième sens (TLFi, LITTRÉ).

D’autre part, le sens principal de jalousie est « jaloux » (TLFi, LITTRÉ), terme que le roumain a pris de l’it. gelosia. Le français a pris de l’it. gelosia justement le sens qui, en roumain, a donné jaluzea. Dans le DEX on trouve aussi le mot jaluzie, utilisé pour jaloux, qu'il considère comme un gallicisme vieux, tandis que dans le DAR il y a pour jaluzie le sens de «store». En français, il y a aussi un autre sens de jalousie (mais qui n’existe pas en roumain) : « ancienne espèce de contredanse » (LITTRÉ). Dans le MDN on trouve un autre sens de jaluzea : «dispositif monté devant une lentille de projection ». Ce sens existe aussi en français même si les dictionnaires ne le montrent pas: « une jalousie c'est aussi un accessoire complémentaire à un projecteur de théâtre ou de cinéma composé

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effectivement de lames orientables qui permet de graduer le flux lumineux d'un projecteur équipé de lampes à décharge qui ne sont pas elles-mêmes graduables. » (http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20070316164519AAnpVVC). Jalousie désigne en français aussi un gâteau, sens introuvable dans les dictionnaires. En Roumanie on peut manger aussi ce type de dessert : «Jaluzele cu prune » (http://www.eculinar.ro/reteta/?6019).

(8) fr. lavable / roum. lavabil, -ă En roumain et en français, les sens principaux de cet adjectif (dérivé en

français avec le suffixe -able du verbe laver) sont identiques : « qu'on peut laver » (TLFi, DEX, DN, MDN). Dans les dictionnaires roumains, on trouve aussi l’indication «de tissu » (DEX, DN, MDN), tandis que dans le TLFi, on dit qu’il s’agit de « tissu, cuir, papier peint lavable ». Dans le LITTRÉ, on découvre un sens argotique de « lavable » du vb. laver, signifiant « vendre » (sens qui n’existe pas en roumain). En roumain actuel, cet adjectif est devenu un nom avec deux formes: lavabil et lavabilă. Les deux formes proviennent des expressions : vopsea lavabilă ou var lavabil : « Noi ne finisăm casa, aşa că ne trebuie lavabil şi pentru interior, şi pentru faŃadă. »(http://forum.desprecopii.com/forum/topic.asp?TOPIC_ID=104157 ); « Cum zugrăvesc peste lavabilă? Şi pe unde perete s-a crăpat un pic lavabila ce trebuie să fac ? » (http://www.condo.ro/ comunitate/forum/view_topic/1773/Cum-zugravesc-peste-lavabila.html). En roumain, lavabil / lavabilă comme des noms sont ressentis seulement quand ils se rapportent à la peinture. Lavabil apparaît aussi comme un déterminant d'un substantif, mais il ne renvoie plus aux tissus, comme les dictionnaires déclarent. « Tapetul lavabil este acoperit cu un film subŃire de plastic. » (http://www.decostyle.ro/index.php?a=282).

(9) fr. magnétiser / roum. a magnetiza Les sens fondamentaux de magnétiser (dérivé avec le suffixe -iser de

magnétique), en français et en roumain, portent sur les processus physiques de « communiquer les propriétés du magnétisme à un corps, une substance » et aussi « exercer une attirance très forte, inexpliquée sur quelqu'un ou quelque chose» (TLFi, LITTRÉ, DEX, DN, MDN). La deuxième signification a un sens propre, non figuré. Il s'agit des expérimentations de Franz Anton Mesmer en relation avec le « magnétisme animal » (appelé «fluide magnétique»), qui se sont propagées rapidement dans les salons de l'Occident, et qui sont devenues très populaires. Le roumain a développé un sens différent de ce mot : « étourdir ». Ce sens est devenu célèbre surtout grâce à la pièce de théâtre D’ale carnavalului, écrite par I.L.Caragiale en 1885 ; on trouve ce sens trois fois dans cette pièce : « CATINDATUL: Atunci aici; sunt magnetizat, am poftă de cadril, să-mi fac vânt. » ; «CATINDATUL: Uf! şi m-am magnetizat!... Lucrează magnetismul... Nu mai poci de cald! »; « CATINDATUL: De ce? De măsea? Aş! Am magnetizat-o! » (http://ro.wikisource.org/wiki/D'ale_carnavalului). Ce sens est aussi fréquent en

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roumain actuel : « La ore nu a venit niciodată beat sau magnetizat, însă figura lui era tipică, a cetăŃeanului turmentat. » (http://www.gociman.com/nichita/revista_ bacaonia.html).

A cet effet, Rodica Zafiu souligne que: «Certains euphémismes - tourmentée, magnétisé, affecté, fatigue – ont le sens «ivre» seulement sous la pression du contexte. » (Rodica Zafiu, «Cuvintele beŃiei». În: România literară, nr.51-52/2007)

(10) fr. matinée / roum. matineu En roumain, le mot matineu est du genre neutre, tandis qu’en français le

mot matinée est féminin. Une explication de ce changement de genre peut être fournie par le fait que le singulier français a été pris en roumain comme un pluriel. De ce (faux) pluriel s’est formé puis le singulier, en roumain. En français, matinée est dérivée du mot matin, (du lat. matutinum) (TLFi, LITTRÉ). En France, «matinée», le spectacle avait lieu au cours de l’après-midi, pour se distinguer de soirée (TLFi), et, en roumain, c’est une représentation en matinée (théâtre, cinéma, musique, littérature) qui se tient jusqu'à midi (DLR, DEX, DN, MDN) (ce sens est plus proche du sens originel français, ce qui implique le «matin»). En roumain, le mot matineu désigne les représentations cinématographiques qui ont lieu le matin, où le prix est accessible. L’expression «preŃ de matineu » est apparue à partir de cette idée d'accessibilité et elle se réfère à l'investissement mineur par rapport à la qualité achetée : « Tăriceanu cel fără de teamă – criza internaŃională, luată la preŃ de matineu de Guvernul României » (www. george-w-bush.infonews. ro/article105523.html) ; «Câini» luaŃi la preŃ de matineu » (http://www.9am.ro/stiri-revista-presei/2008-01-16/caini-luati-la-pret-de-matineu. html).

Le roumain a étendu l’un des sens quand il s'agit de la langue du sport (le football en particulier). De spectacle ou de réunion mondaine, le sens a été extrapolé pour le jeu de football joué jusqu'à l'heure du midi par les équipes d’une division inférieure. Alors on peut expliquer le sens ironique, péjoratif, qui est donné dans cette acception : « EmoŃii, nervi şi şmecherii de matineu » (ProSport, le 9 juin 2007), «StudenŃii, trimi şi la matineu » (Adevărul, le 24 juillet 2006). Le mot matineu, en ce sens, peut être expliqué par le fait que dans les divisions inférieures du football en Roumanie, les parties commencent à 11h. D'où résulte le deuxième sens, aussi péjoratif : division inférieure et des moyens matériels limités.

(11) fr. niche / roum. nişă Le mot nişă a une remarquable richesse sémantique en roumain et en

français (où le mot a été emprunté comme terme architectural à l’it. nicchia). Dans les deux langues, le sens de base est celui du domaine de l'architecture. Le sens français de « petit meuble portatif dans lequel se retire et se couche un chien, un chat » (TLFi, LITTRÉ) n’existe pas en roumain. En outre, le roumain a emprunté au français les sens de la médicine et ceux qui concernent l'écosystème (TLFi, LITTRÉ, DEX, DN, MDN). Les dictionnaires français et roumains n’attestent pas

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le sens de « niche fiscale », syntagme qui existe dans les deux langues ; «niche fiscale» est une exemption d'impôt : « Economia subterană estimată la 20% din PIB […] numeroase nişe fiscale » (Obiectiv de Suceava, 14 decembrie 2009).

Ces dernières années, il est apparu en roumain un autre sens de nişă, qui se réfère à la télévision: «télévision de niche ». Une «télévision de niche » n'a pas un profil général, elle se concentre sur des domaines spécifiques: journaux télévisés, sport, mode, voyage, etc. : « Întrebat de către Elena Vlădăreanu şi Bogdan Iancu despre avantajele tv-urilor de nişă, am răspuns cum m-am priceput în România Liberă de azi. » (http://textier.blogspot.com/2007/02/despre-tv-urile-de-ni-nromnialiber.html); « Realitatea TV este o televiziune de nişă » (Wall-Street, 23 iunie 2005); « TVR lansează la jumătatea lunii octombrie TVR Info – o televiziune de nişă » (http://www.tvrinfo.ro/index.php/articol/televiziunea-romana-lanseaza-tvr-info-si-tvr3.aspx).

De ce sens de niche, on a dérivé le verbe a nişa qui n'a rien de commun avec le verbe du français nicher et le substantif nişare (accent mis sur un certain domaine) « Nişarea este o reŃetă de succes, oricum am vedea-o » (http://textier.blogspot.com/2007/02/despre-tv-urile-de-ni-n-romnia-liber.html); « Am observat o tendinŃă spre nişare demografică, geografică etc. Nişarea pe feature este destul de rară, cel puŃin în România. » (http://basicmarketing.ro/marketing-online/feature-vs-product-vs-company/); « Puternica nişare a materialelor video postate pe internet reduce timpul pe care utilizatorul îl petrece căutând ceea ce doreşte săurmărească. »http://www.iqads.ro/ Internet_read_8472/reclame_video_dupa_chipul_si_asemanarea_consumatorilor.html).

(12) fr. parloir / roum. parloar En français, parloir est dérivé du verbe parler avec le suffixe -oir (cf. lat.

méd. parlatorium - TLFi). Selon DEX, parloar est considéré comme livresque; selon DLR il s’agit d’un gallicisme. En roumain actuel, parloar est évidemment très peu utilisé et au lieu de ce terme apparaît vorbitor, qui est la traduction en roumain de parloir (DLR). En roumain actuel, parloar a le rôle d’évoquer l'atmosphère d’une certaine époque passée; il ne désigne pas seulement l’endroit où on peut avoir une conversation, mais aussi l'acte de parler : « Miercuri şi sâmbătă este parloar, de la 3 la 3 jumate. Duminică te aştept la Turnul Chindiei. » ; « Ne-am mai întâlnit în câteva duminici, a venit la parloar unde ne-am sărutat la plecare în faŃa celorlalŃi ». (Marius Dobrin, «Jadwiga», în Poveşti din….ICQ, 2005). Dans les anciens textes, à la du fin XIXe siècle, on trouve la forme parloir, tout comme en français : « În fine, ne-am sculat de la masă şi am intrat în parloir » (Memoriile lui Teohari Antonescu, 1893 XII, 26, luni).

(13) fr. charlotte / roum. şarlotă Charlotte est actuellement l'un des desserts les plus populaires en

Roumanie et elle a dépassé le sens primaire de «entremets fait de marmelade de pommes ou de crème fouettée entourée de tranches de pain beurrées ou de

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biscuits » (TLFi). Dans les deux langues, ce plat a évolué: ainsi trouvons-nous en roumain et en français «charlotte de légumes », « charlotte de veau », « charlotte aux champignons », etc. Ce dessert a été nommé ainsi en l'honneur de la Reine-Charlotte (duchesse Sophie Charlotte von Mecklenburg-Strelitz), épouse de George III (roi du Royaume-Uni et d’Irlande entre 1760 à 1801, puis roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, entre 1801 et 1820). TLFi ne considère pas qu'il existe des preuves suffisantes à cet égard. Si le dessert est nommé d’après le nom de la reine, son moment d’apparition peut être établi avec suffisamment de précision, parce que la Reine-Charlotte a vécu entre 1744 et 1818. En roumain, seulement MDN atteste la contribution des biscuits à la préparation de ce dessert; les autres définitions (DEX) portent sur les différentes variétés de crème. La recette originale de la charlotte a été inspirée par la crème bavaroise, qui a été produite par les Suisses.

Ce que le roumain n’a pas importé est le sens suivant : « large chapeau souple dont le bord est froncé de volants » (TLFi). C’était un chapeau de dame, populaire au XVIIIème siècle (et au début du XIXème siècle) parmi les classes moyennes et inférieures. On considère que le nom vient du nom Charlotte. Il faut préciser que le nom vient du nom de la célèbre Charlotte Corday, qui, le 13 Juillet 1793, a tué Jean-Paul Marat. En 1838, nous trouvons : « [...] une duchesse porte des bonnets à la Charlotte Corday, une méthodiste porte des turbans à la Juive [...] » D. de Girardin, Let. parisiennes, 258 (Charpentier).

C’était un bonnet comme celui porté par Charlotte Corday. Le chapeau de type charlotte était encore connu en France au XIXème siècle comme le bonnet des laitières (on remarque le sens péjoratif). Aujourd’hui, en France, c'est aussi le nom du bonnet qui recouvre les cheveux dans certaines industries (en particulier les industries agro-alimentaires, pharmaceutiques et parfois chimiques) et en chirurgie, pour des raisons d'hygiène.

(14) fr. chiffonnier / roum. şifonier En français, chiffonnier est dérivé du chiffon avec le suffixe-ier, ière.

Chiffon est dérivé de chiffe avec le suffixe -on. Chiffe, selon TLFi provient de l'anglais, du chip. En français, la forme féminine est rarement utilisée et désuète, main le roumain a pris cette forme et l'a utilisé. En roumain, le premier sens est celui de petit meuble dans lequel on garde les vêtements et la lingerie (DLR), tandis qu’en français, le premier sens est : « personne qui fait le commerce de vieux chiffons, de vieux objets, achetés ou ramassés dans les rues» (TLFi). TLFi enregistre aussi le sens de «homme de lettres de bas étage, qui collectionne et diffuse des faits, des nouvelles hétéroclites, sans intérêt et souvent sans fondement. » et dans LITTRÉ on peut trouver : « C’est un chiffonnier, ce n'est qu'un chiffonnier, se dit d'un homme qui, ramassant partout des nouvelles de mauvais aloi, les débite au hasard ; se dit aussi d'un homme tracassier. » Une sorte de cancanier, de médisant. Ce sens existe encore en roumain, mais il est rarement utilisé : « Un alt şifonier ambulant o să ne înjure, apoi o să ne drăgălească, o s-ajungă şef pe spinarea noastră şi-o să facă bancuri cu români sau o să ne dea

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laxative » (România liberă, 27.12.2004). Dans la citation ci-dessus on remarque le fait que l’auteur ne se réfère pas au marchand ambulant, mais à quelqu’un de bas étage, au cancanier. Ce sens est peu utilisé en roumain actuel. (il ne se retrouve pas dans DEX, DN, MDN)

Conclusions Les exemples présentés mettent en évidence le fait que le destin des mots

empruntés au français n'est pas uniforme: certains mots du français ont reçu en roumain des extensions sémantiques, les autres ont connu des limitations de sens. Certaines significations des mots du français n’ont pas été «importées» par le roumain, à cause du manque de leur actualité, quand le contact culturel massif entre les deux pays a commencé. *Ramona Dragoste, article publié sous le titre de Destinul unor cuvinte de origine franceză în limba română, Analele UniversităŃii din Craiova, ŞtiinŃe filologice, Lingvistica, 2009, 1-2, p. 295-301

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DE CALPAC A JOBEN : LE CHANGEMENT DES CODES VESTIMENTAIRES ROUMAINS SOUS L’INFLUENCE

FRANÇAISE*

L'influence française sur la société roumaine, exercée d’une manière cohérente et continue depuis la fin du XVIIIe siècle, a touché différents secteurs de la vie publique. L'un des domaines dans lequel cette influence s'est manifestée de façon spectaculaire a été la mode, qui a connu des changements radicaux sous l'effet de la mode parisienne. La noblesse roumaine passe par l’intermédiaire des «filfisons» et des «bonjouristes» à la mode vestimentaire occidentale, plus souple, plus légère et plus élégante. C'était à ce niveau, une séparation de l'Orient hétéroclite et une approche déterminée de l'Occident. Ainsi, les Principautés Roumains (plus tard la Roumanie) s’alignaient-ils à la tendance européenne dans le domaine vestimentaire, qui était fortement orientée par la France.

En ce qui suit, nous donnerons quelques exemples de mots d'origine française entrés en roumain dans le domaine vestimentaire. Certains de ces mots (alendelon, gambetă, joben) viennent des noms des personnalités françaises. En roumain, ils sont devenus des noms communs tandis qu’en français ils n’existent pas sous cette forme.

(1) fr. - / roum. alendelon L'apparition d’alendelon en roumain est directement liée à la période qui

commence au cours des années 60 du XXème siècle en Roumanie, une période d’une grande ouverture vers l'Occident. On cultive surtout les relations avec la France, il y a des traductions d'ouvrages d'auteurs français, à la télévision sont diffusés des films français, qui sont devenus très populaires à l'époque. Alain Delon ne pouvait pas rester inaperçu, même dans un pays communiste comme la Roumanie. Il n'était pas nécessairement un très bon acteur, mais un étalon de la beauté, de l'élégance et du raffinement. Ainsi, un manteau de fourrure porté par l’acteur dans un de ses films des années 60 a-t-il conduit en Roumanie à la dénomination de ce type de vêtement d’après le nom de l’acteur. C'était un vêtement très populaire, surtout jusqu'en 1989, considéré comme un symbole d'une certaine position sociale, un objet vestimentaire désiré : « Şi eu am purtat alendelon, şi tu, şi Florin Piersic, şi Iurie Darie, şi Aurelian Andreescu, şi Dan Spataru, şi fotbalistul Oblemenco; nu mai vorbesc de mesdames: avea Angela Similea un alendelon până-n pământ […] Până la apariŃia în masă a blugilor, alendeloanele au fost la noi principala conexiune vestimentara cu Vestul» (Adrian Cioroianu, « Aventurile româneşti ale lui Alain Delon», în Dilema Veche, 28 septembrie 2006); « PoŃi să cauŃi o bucată de cojoc de ăla îmblănit, alendelon şi să îmbraci motorul. »

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(http://www.daciaclub.ro/Mai-e-nevoie-sa-acoperim-partial-radiatorul-t201614.html); « Aşteptăm varianta de iarnă – blăniŃă, un alendelon » (http://www.simonatache.ro/2010/10/12/nou-in-moda-husa-tricotata-pentru-bicicleta/).

On a longtemps soutenu qu’en France on n'a pas entendu d’alendelon et l’acteur lui-même ne sait pas que son nom signifie aussi un vêtement porté en Roumanie. Mais dans le livre L’étonnant voyage des mots français: Dans les langues étrangères, écrit par Frank Resplandy et publié en 2006, l’alendelon y est mentionné.

(2) fr. fourreau / roum. furou Le sens le plus utilisé de furou en roumain est celui qui concerne les sous-

vêtements des femmes « vêtement étroit qui moule le corps, que l'on porte généralement sous un autre vêtement (souvent une robe transparente) » (DEX, MDN). En français, c’est seulement le deuxième sens, qui apparaît en français environ 700 ans après le premier sens (celui de « gaine allongée, étui de protection et de rangement (d'un objet généralement de même forme), en métal, en cuir ou en matière souple » (TLFi). En roumain, le sens de «fourreau d'épée» ou celui botanique n’existe pas. On trouve uniquement dans le MDN le sens anatomique vétérinaire, qui apparaît aussi en français : « gaine cutanée contenant la verge (chez certains animaux dont le cheval) » (TLFi).

La langue roumaine a pris ce mot avec le sens vestimentaire. En France, le fourreau a été une robe à la mode à partir du règne de Louis XVI. Apparemment, son épouse, l'autrichienne Marie-Antoinette, a imposé la mode de cette robe moulée, qui fut rapidement imitée par les dames de l'époque. La mode de la robe - fourreau a duré jusqu'à l’instauration du Premier Empire. Ainsi, la mode de la robe - fourreau en France peut-elle être délimitée avec une précision suffisante, tenant compte du fait que Louis XVI a régné entre 1774 et 1792 et le Premier Empire est instauré en 1804, avec le sacré de Napoléon I. La vogue de la robe - fourreau a duré en France presque un quart de siècle et probablement en cette période la mode de la robe - fourreau est entrée dans les Pays Roumains, soit par l’intermédiaire des modistes, soit par les membres de la haute société qui avaient des relations étroites avec la France.

Si la définition française de fourreau a plutôt le sens de « robe de soirée », en roumain, il s’agit d’un article des sous-vêtements porté pendant la journée. En roumain, il n’existe pas le sens de fourreau comme vêtement pour enfants (TLFi considère ce sens comme vieux) et il y a aussi l’expression « rochie furou » pour distinguer cette robe de l'objet de sous-vêtements. Mais on doit faire la différence pour le « fourreau » original: la robe fourreau est nommée d’après la forme et les caractéristiques du fourreau comme objet de sous-vêtements : « Pentru petrecerile anului 2008, designerul Livia Opritza le propune tinerelor rochia-furou, un model care a făcut ravagii în anii ′70. » (http://stiri.zoot.ro/Cucereste-cu-rochia-furou,279703.html); « De asemenea, o rochie furou cu un decolteu generos te va

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face să arăŃi magnific. » (http://www.mytex.ro/femina/rochia-de-mireasa-se-alege-in-functie-de-morfologia-siluetei_234123.php).

(3) fr. - / roum. gambetă Léon Gambetta a été l'un des plus importants politiciens français. Figure de

proue des Républicains, il a été le président du Conseil des Ministres entre le 14 Novembre 1881 et le 31 Décembre 1882. C'est un moment où les échanges interculturels, politiques, commerciaux et mondains entre la France et la Roumanie sont très étroits. Gambetta devient un modèle pour de nombreux politiciens roumains, son nom s’imposant en Roumanie, plutôt pendant la guerre franco-prussienne, quand il a réussi à sauver le Paris assiégé à l’aide d’un ballon et puis il a organisé la défense française. Son nom est une présence constante dans la presse roumaine de l’époque, d’après Ioana Pârvulescu (« Din vremea lui Caragiale», România literară, nr.43/2005). Gambetta est déjà un nom de référence à Bucarest. Dans O scrisoare pierdută (1884), on fait la célèbre confusion entre Machiavel et Gambetta : « Scopul scuză mijloacele, cum a zis nemuritorul Gambetta ». Le type de chapeau porté par Gambetta, le melon, devient un nom commun en roumain, tandis qu’en français ce terme est absent. Comme objet de vêtements, gambeta sert à la catégorisation sociale, d’après Radu Rizea : « Gambeta şi Ńilindrul încercau, la începutul anilor 1900, să pună o distanŃă între cei cu venituri rezonabile şi sărăcime. » («Acoperirea bonjuristă», în Săptămâna Financiară, 19 mai 2006). Comme chapeau, gambeta a survécu, étant un objet vestimentaire obligatoire même aujourd’hui aux festivités : « De atâtea gambete, canotiere, jobene, nu se mai vedea trotuarul. » (Jurnalul NaŃional, 26.02.2009); « Un fost boxer care adoră să apară în public purtând gambetă » (Gazeta de Sud, 7 mai 2006).

En français, s'il n'y a pas le chapeau qui porte le nom du grand homme politique, il existe une boisson d'origine provençale nommée «sirop Gambetta», qui est consommée principalement dans le sud de la France. Ce sirop est obtenu par macération de plantes, de fruits et d'écorces de plantes et caramel. Lorsque le sirop est consommé dilué avec de la limonade, on parle d’une «Gambetta limonade» et lorsqu'il est mélangé avec de la bière, il s’agit de « Demi-Gambetta».

(4) fr. - / roum. joben Ce substantif commun dérivé d'un nom propre, inexistant en français

(comme gambetă) est, en roumain, d'une vitalité remarquable, étant utilisé depuis la moitié du XIXe siècle jusqu’aujourd'hui dans différents contextes, par bien des gens.

Vers la moitié du XIXe siècle, le marchand français Jobin arrive à Bucarest, où il ouvre un magasin de chapeaux dans l’auberge Cretulescu (plus tard, il se déplacera dans la maison Ghica / Brofft). Jobin n’ pas inventé ce type de chapeau (qui en Transylvanie a été appelé Ńilindru, de l'allemagne Zylinder / Zylinderhut), mais l’anglais Heterington (1797). D’autres marchands de chapeaux sont arrivés à Bucarest après Jobin (par exemple, Paul Martin, qui avait le magasin au rez-de-

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chaussée du Grand Hôtel Brofft et qui vendait seulement des chapeaux coûteux), mais le nom joben pour ce chapeau a été naturalisé en roumain.

Le mot est utilisé aussi aujourd’hui et il n’est pas considéré vieux : « În cazul în care port un joben, sau o umbrelă, ori o eşarfă mai hoaŃă, oamenii nu vor mai spune «tipul ăla în costum», ci «tipul ăla cu joben » (http://www.astrolight.ro/2010/04/30/ascendentul- costumul- jobenul-si-soldatelul-la-lupta/); « Jobenul este realizat din tafta. La cerere putem confecŃiona acest articol în orice culoare şi pentru orice mărime » (http://www.pif-paf-puf.ro/?p=84). En roumain, il y a aussi l’expression « a scoate din joben » avec le sens « apparaître à l'improviste » en faisant référence aux performances de magie et d'illusions, où les protagonistes utilisaient un joben pour leurs tours : « Guvernul scoate din joben şase prefecŃi noi » (Evenimentul Zilei, 29 ianuarie 2009); « Magicianul Cristiano Ronaldo a scos încă un gol din joben »(sport.ro, 22 iunie 2010); « CE scoate prognoze din joben » (Bloom biz, 20 ianuarie 2009).

(5) fr. marchande (de modes) / roum. marşandă Le mot roumain marşandă provient du fr. marchande (de modes). En

français, le mot marchande est le féminin du substantif marchand (lat. mercantans –tis) (TLFi). En roumain, c’est un mot archaïque (selon DER, DEX, DN) et son premier sens est : «patron d'un magasin des modes» (DLR) tandis qu'en français, le sens est essentiellement « commerçant ». Progressivement, le roumain renonce à la détermination «des modes» et reste seulement avec marchande. En 1850, Kogalniceanu a utilisé le mot dans son roman Tainele inimii : « pentru că dl Felix, ca mulŃi bărbaŃi de stat ai noştri, nu se mulŃumeşte cu o singură profesie, iubeşte a cumula, şi pe lângă cofetar este încă şi... marşandă de mode. »

Après trente-cinq ans, Caragiale dans D’ale carnavalului utilise seulement marşandă: « Îl cheamă Iancu Pampon; îi mai zice şi «ConŃină cu 5 FanŃi»; a fost tist de vardişti de noapte la Ploieşti: acuma face pe jucătorul de cărŃi; e neînsurat, dar precontează pe una Didina Mazu, ex-marşandă».

Le même auteur dans Caut casă, note:« La mirarea mea că văz un salon în trei colŃuri, stăpâna casei, care e marşandă, robes et confections, îmi desluşeşte că toate casele de pe strada aceasta sunt aşa ».

(6) fr. melon / roum. melon Le chapeau melon a fait sensation dans le monde entier et il est devenu

rapidement une mode qui s'est répandue dans la première moitié du XXe siècle. Ce type de chapeau apparaît fréquemment dans les œuvres d’art : peinture (Magritte – L’homme au chapeau melon), cinématographie (Charlot, le commissaire Maigret, Laurel et Hardy) Même les femmes des tribus indigènes du Pérou portent, aujourd'hui, de tels chapeaux, amenés apparemment par les ingénieurs britannique lors de la construction du chemin de fer (cf. wikipedia.fr).

La langue roumaine distingue trois variantes de cet objet: pălărie - melon (sur le modèle français), melon (sans déterminant) et pălărie de tip melon (qui semble une tendance de hypercorrection). Pălărie melon et pălărie de tip melon

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sont de plus en plus utilisées pour éviter la confusion avec le terme melon, le plus utilisé dans les cosmétiques (des différentes crèmes avec melon), gastronomie (des yaourts ou des gâteaux avec du melon) etc.

(7) fr. modiste / roum. modistă En français, le mot modiste est dérivé de mode (avec le suffixe-iste). Mode

vient du lat. modus (TLFi). Le mot modistă a connu en roumain un renouvellement inattendu les dernières années. LITTRÉ et Larousse attestent pour ce terme la signification «faiseuse de chapeaux, marchande de modes ». Dans le TLFi on trouve le sens suivant : « celui, celle qui confectionne des vêtements féminins». Une simple recherche sur google.fr indique pour modiste, en français actuel, le sens de «créatrice de chapeaux et les accessoires utilisés ». En français, le champ sémantique du mot modiste regroupe les objets qui concernent les chapeaux. On trouve rarement le sens de « créatrice des vêtements».

En roumain, modiste est entré avec le sens de « faiseuse de chapeaux » : « Aneta Engels, inspirata modistă, îsi făcea o asiduă reclamă în presă. Pentru a atrage clientela dornică de noutăŃi, dedicase modelul (căciula de dorobanŃi, n.n.) doamnei Ńării, principesa Elisabeta. Este posibil să fi apărut şi unele imitaŃii din moment ce modista atrăgea atenŃia, printr-o suită de anunŃuri, că numai ea poseda modelul original ». (Dr. Adrian-Silvan Ionescu, Doamna Engels cucereşte Europa, revista Historia, 2002, cu referire la a doua jumătate a secolului al XIX-lea).

De nos jours, le mot modistă est utilisé pour faire référence à la créatrice de mode. Le terme connaît une nouvelle ère de gloire, parce que la Roumanie traverse une véritable « explosion » dans le domaine vestimentaire. Par conséquent, les nouvelles mondaines ont de nombreux sujets dans ce domaine, et le mot modistă est réapparu pour éviter les répétitions fastidieuses et pour remplacer le syntagme « créatrice de mode ». En outre, le terme actuel modistă a un sens un peu péjoratif et il désigne une femme superficielle du monde de la mode d’une moralité douteuse: « Se pare că scandalul în care modista (RomaniŃa Iovan, n.n.) a fost implicată, în luna septembrie, alături de Radu Popa, nu a afectat-o foarte tare, nici pe ea şi nici căsnicia ». (Atac, 25 noiembrie, 2006); « Probabil o să avem ocazia, asta pentru că a dat Zina Dumitrescu startul şi daca o doamnă modistă spune că asta e tendinŃa, mâine-poimâine o să vedem turma de mioare autohtone urmându-i exemplul. Noi, unii, preferăm să ne Ńinem departe de acest curent, cu riscul de-a fi consideraŃi conservatori ». (Atac, 27 noiembrie 2006); « Este un adevărat chin pentru un reporter să-i ia un interviu acestei creaturi de modă. Modista (Ingrid Vlasov, n.n.) cu greu pricepe ce e întrebată şi mai greu reuşeşte să răspundă, în 2-3 silabe şi alea fără mare legătură cu întrebarea ». («Cercel-brăŃară», http://www.geocities.com/sssorein/somoiogul15.html).

Conclusions On constate de l'analyse des mots ci-dessous que les termes pris du français

ont évolué différemment selon plusieurs facteurs, dont l'action a été souvent combinée. En partant des mots d’origine française, le roumain a prouvé des

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valences créatives, par dérivation des sens et des formes ; les mots empruntés au français ont reçu, à l’aide des éléments roumains de composition, une nouvelle vitalité.

* Ramona Dragoste, EvoluŃii semantice ale unor cuvinte împrumutate din limba franceză în limba român, Analele UniversităŃii din Craiova, ŞtiinŃe filologice, Lingvistica, 2009, 1-2, p. 281-289.

BIBLIOGRAPHIE

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QUELQUES REMARQUES SUR LE SÉMANTISME DES EMPRUNTS ROUMAINS

AU FRANÇAIS *

1. Introduction 1.1. Défini comme processus complexe, centré sur la relation univoque de deux ou plusieurs systèmes linguistiques, sur l’interférence de plusieurs cultures et identités spirituelles, l’emprunt linguistique dépasse ainsi son statut de mécanisme de création néologique, car chaque mot a sa propre histoire, une histoire identique et égale à celle de l’humanité même ; chaque mot parle de ce que nous sommes et il parle, surtout, de notre passé:

« Les mots ont une histoire, celle de l’Homme. Ils nomment le présent, mais pour qui veut les étudier et remonter jusqu’à leur origine, ils racontent tout notre passé. Retracer l’évolution sémantique des mots relève de la recherche archéologique: en mettant au jour les sens successifs, le sémanticien relève l’évolution de l’Homme et du Monde (transformations de la réalité physique et de la société, variations dans la perception du réel et dans le rapport à autrui, renouvellement des idée…) » (Capdeville 2009: 34).

Dans une perspective linguistique stricto sensu, l’emprunt lexical représente le moyen le plus rapide, mais aussi le plus commode, adopté fréquemment par chaque système linguistique dans son effort de désigner, d’exprimer et de communiquer (v. Lerat 1993 : 132, apud Scurtu 2009 : 190) la réalité extralinguistique, son rôle primordial visant le renouvellement, l’enrichissement et l’internationalisation du vocabulaire d’une langue. La littérature de spécialité consacre à ce phénomène une ample bibliographie, centrée surtout sur la mise en évidence de certains aspects concernant le processus d’intégration et d’adaptation phonétique, phonologique, orthographique, morphosyntaxique et sémantique des néologismes obtenus par l’emprunt lexical. Les différentes taxinomies opérées d’un tel point de vue font distinction d’un côté, entre les emprunts de nécessité, des emprunts naturalisés, assimilés par le système de la langue réceptrice et, de l’autre côté, entre les xenismes (des emprunts alloglottes) et les pérégrinismes (des mots migrateurs, imposés par une certaine « mode linguistique » – Chadelat: 2000, apud Scurtu 2009: 193) ou bien entre les emprunts connotatifs / stylistiques, d’un part, et les emprunts dénotatifs / techniques, d’autre part1.

En revanche, regardé du point de vue sémantique et pragmatique, l’emprunt lexical se relève en tant que marqueur socio-culturel qui reflète les

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changements de nature sociale, politique et culturelle, existantes dans la vie d’une communauté à un certain moment donné; il est un indicateur d’univers mentalitaire ou bien un élément distinctif entre les langues au niveau axiologique (cf. Arrivé / Gadet / Galmiche 1986: 244-252).

1.2. La valeur sémantique et pragmatique de l’emprunt lexical est le mieux mise en évidence par les « néologismes de sens », une catégorie moins étudiée dans la linguistique roumaine, mais pour laquelle, dans les approches occidentales (Rastier / Valette 2006 ou Gérard 2008: 20), on véhicule déjà une terminologie afférente : la néosémie. La néosémie, en tant que mécanisme de la création néologique, comme phénomène créateur des sens nouveaux, est une néologie sémantique dont la préoccupation principale est représentée par les différents développements de sens d’une unité lexicale: « Il s’agit de la néologie quand un mot déjà existant dans une langue ajoute un autre sens » (Sablayrolles 2000: 150).

En général, les développements sémantiques sont fondés sur différents types de changements opérés au niveau de la langue réceptrice: extensions, régressions, analogies, transfert métonymique, etc., des innovations réalisées soit par certaines similitudes entre deux référents, soit par l’accentuation ou le développement d’un sème appartenant initialement à la signification de l’étymon. En même temps, l’évolution sémantique des mots d’une langue se trouve dans une étroite relation avec le contexte historique, social et culturel:

« Selon les changements de nature sociale, politique et culturelle qui apparaissent dans la société contemporaine, la néologie sémantique crée de nouveaux termes ou mots par l’adjonction d’une nouvelle acceptation à une dénomination déjà existante dans les deux classes envisagées: néologismes et néonymes » (Dincă 2009 : 83).

Bien que la problématique des « néologismes de sens » (et surtout celle des

unités lexicales à étymon français)2 soit moins étudiée dans la linguistique roumaine, dans l’entreprise d’établir une catégorisation sémantique pour les emprunts d’origine française du roumain, les auteurs de l’étude Typologie des emprunts lexicaux français dans la langue roumaine (Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique – FROMISEM)3 font distinguer les types sémantiques résultés par:

(i) conservation – totale ou partielle – du sens / des sens de l’étymon français, parfois avec le maintien en roumain d’un sens aujourd’hui disparu en français (situation rencontrée surtout dans le cas des mots appartenant à un domaine spécialisé, technique et scientifique);

(ii) innovations sémantiques opérées en roumain, du type : (a) spécialisation du sens par rapport au français ; (b) extensions sémantiques ; (c) développement des sens par métaphore et glissement connotatif.

1.3. Dans cet article nous nous proposons d’illustrer le phénomène de la création néologique au niveau sémantique dans la zone des emprunts d’origine française du roumain contemporain, par la grille d’interprétation proposée supra (v. 1.2.). Notre corpus est constitué par quelques mots, considérés4 par les plus

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importantes sources lexicographiques roumaines (v. la bibliographie), comme des emprunts au français (aussi) : duş (fr. douche), diriginte (fr. dirigeant), garsonieră (fr. garçonnière), milieu (fr. milieu) et trombon (fr. trombone).

2. L’analyse sémantique des emprunts d’origine française dans la langue roumaine contemporaine

2.1. La première catégorie, celle des emprunts roumains d’origine française caractérisés par la conservation – totale ou partielle – du sens / des sens de l’étymon français peut être illustrée, en tout premier lieu, par la plupart des emprunts dénotatifs / techniques qui présentent, en général, peu de modifications phonétiques, orthographiques, morphosyntaxiques et, surtout, sémantiques en ce qui concerne leur adaptation au système de la langue roumaine. Dans cette catégorie entrent des mots tels que : abazie (du fr. abasie), abces (du fr. abcès), brahiopod (du fr. brachyopode), caolinit (du fr. kaolinite), carcinotron (du fr. carcinotrone), decapaj (du fr. décapage), eredobilogie (du fr. hérédobiologie), foliculită (du fr. folliculite), linotipie (du fr. linotypie), radionevrită (du fr. radionévrite), salpingectomie (du fr. salpingectomie), sufix (du fr. suffixe), timpanită (du fr. tympanite), etc.

La plupart des emprunts d’origine française connotatifs ou stylistiques se caractérisent aussi par la reprise – totale ou partielle – du sens / des sens du mot d’origine. Dans une telle situation se trouve, par exemple, le mot duş, qui – tout comme on peut voir dans le tableau présenté infra – conserve environ 90 % du sémantisme de son correspondant français, la douche.

Le roumain duş – et sa variante duşă –, attesté pour la première fois en 1839 (apud RDW 1989), a repris les sens primaires : « 1. Installation sanitaire ou technique qui assure la projection réglable et concomitante de plusieurs jets d’eau », respectivement « 2. Ensemble de jets d’eau réalisés à l’aide de la douche » (DEX 1998), et, partiellement, les extensions métaphoriques opérées en français pour désigner « des propos » ou « une nouvelle » (DEX 1998) ou bien « un événement inattendu et désagréable », tout comme dans les expressions suivantes : Un duş rece: statul român are nevoie în 2010 de aproape 50 miliarde de lei pentru salariile bugetarilor […] (www.ziare.com/). « Une douche froide : en 2010, l’État roumain a besoin de presque 50 milliards lei pour les salaires de ses employés » ou bien Duş rece pentru alb-violeŃi. Poli Timişoara - InternaŃional Curtea de Argeş 0-0 (Renaşterea bănăŃeană / 07. 04 2010). « Douche froide pour les blancs violets. Timişoara - InternaŃional Curtea de Argeş 0-0 ». La seule acception développée par le mot français douche qui n’est pas enregistrée5 par son équivalent roumain, est celle de douche écossaise « duş scoŃian » pour laquelle le roumain recourt à l’expression au même sens : « una caldă, una rece ».

DOUCHE (fr.) 6 DUŞ (roum.) 1. Projection d'eau sur le corps, sous forme de jet. (a) P. ext. Projection d'un liquide quelconque (sur quelqu'un); ce liquide projeté. (b) Averse à laquelle on est exposé.

Sens repris

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2. (a) Appareil à douches. (b) Lieu où se prennent les douches.

(a) Sens repris (b) Sens repris

3. (a) Réprimande, attitude ou événement qui met fin à un état d'exaltation. (b) (Rare) Qui produit un effet tonique, un bouleversement. (c) Alternance d'impressions, d'actions opposées et vives : Douche écossaise.

Sens repris (b) Sens repris (c) Sens absent (pas encore enregistré par les sources lexicographiques roumaines).

Il y a pourtant certains cas où le mot roumain ne continue pas tous les sens

du correspondant français, le plus souvent dans la langue pénétrant uniquement les acceptions imposées par des raisons de nature pragmatique ou déterminées par le contexte socio-historique. Ainsi, toute une série d’emprunts roumains au français a gardé les sens vieillis de l’étymon, des sens disparus dans la langue actuelle. Ici on peut citer des mots tels que : şuetă (du fr. chouette), decoltat (du fr. décolleté) ou bien bec (du fr. bec [à gaz]), des cas de figure qui ont fait déjà l’objet de certaines études dans la littérature roumaine de spécialité (v. Brâncuş 1971: 184-185; Iliescu 1991: 127-128; 2003-2004: 277-280).

2.2. Le deuxième type d’emprunts d’origine française connotatifs / stylistiques est celui obtenu par des innovations sémantiques opérées en roumain, le mot de la langue cible s’enrichissant avec de différents sens, qui ne se retrouvent pas dans le sémantisme du correspondant français.

Premièrement, il y a des cas où le roumain opère une certaine spécialisation du sens / des sens du mot emprunté au français, spécialisation obtenue soit par l’accentuation et le développement d’un trait sémique, spécifique pour le sens étymologique du mot de la langue source, soit par la reprise de certaines acceptions néologiques existantes dans le sémantisme du mot d’origine.

Par exemple, en dehors de quelques modifications de nature morphologique et phonétique7, le mot roumain diriginte (et sa variante dirigent – RDW 1989) – provenu, selon les sources lexicographiques consultées (RDW 1989 ; DN 1978 ; MDN 2008)8, du français dirigeant, un participe présent du verbe diriger (TLFi) – enregistre en roumain des spécialisations sémantiques greffées sur le sème primaire du correspondant français [+ qui conduit / + qui exerce le droit de conduire], mais qui ne figure pas comme signification proprement dite parmi les acceptions du mot roumain, cette langue employant pour une telle acception les mots : responsabil, conducător, director.

Attesté dès la deuxième moitié du XIXe siècle (en 1892, selon RDW 1989), une période d’ample modernisation de la société roumaine dans tous les secteurs de la vie socio-culturelle et économique, le mot diriginte pénètre dans la langue comme terme technique, ayant une spécialisation très stricte, tout en désignant les personnes responsables pour certains domaines (restreints) d’activité (l’enseignement, la poste, la pharmacie, les constructions). Ce terme devient productif pour tous les sens : « 1. Professeur responsable avec la conduite d’une classe d’élèves » ; « 2. Chef d’un office de poste ou de douane » ; « 3. Surveillant

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des travaux sur un chantier de constructions » ; « 4. Responsable d’une pharmacie », s’enregistrant aussi la variante féminine: dirigintă.

Il faut préciser que dans le même champ sémantique entre aussi le terme dirigenŃie, un dérivé avec le suffixe -ie du mot diriginte (avec l’acception no. 1), pour lequel le DEX (1998) présente les sens suivants : « 1. Le conseil et la surveillance d’une classe d’élèves par un diriginte », respectivement « 2. L’heure de classe où ce conseil se réalise de manière spéciale ».

DIRIGEANT (fr.) DIRIGINTE (roum.) 1. Qui dirige; qui exerce un pouvoir (part. prés. de diriger et adjectif).

Sens absent

2. Rare. Selon quoi on se dirige ; qui sert de règle à. Sens absent 3. Celui, celle qui a pour fonction de diriger (un État, un organisme, etc.). P. ext., rare. Responsable : Les dirigeants du syndicat.

Sens absent

- Spécialisation: Professeur responsable avec la conduite d’une classe d’élèves (DEX 1998). (Vieilli ) Directeur d’une école primaire dans le milieu rural (DEX 1998).

- Spécialisation: Chef d’un office de poste ou de douane (DEX 1998).

- Spécialisation: Surveillant des travaux sur un chantier de constructions : diriginte de şantier (DEX 1998).

- Spécialisation: Responsable d’une pharmacie (DEX 1998).

Autrefois, l’innovation sémantique se produit par la reprise de certaines

acceptions néologiques existantes dans le sémantisme du mot d’origine, tout comme dans le cas du roumain garsonieră, dont l’étymon est, selon les sources lexicographiques consultées (DEX 1998; CDER 2002; MDN 2008 et DN 1978), sans aucun doute, le mot français garçonnière – un dérivé de garçon avec le suffixe -ière (TLFi). L’analyse sémantique du mot garsonieră illustre la catégorie des emprunts d’origine française pour laquelle on opère en roumain une extension sémantique de plus à partir du nouveau sens enregistré au XXe siècle par le correspondant français « petit appartement pour une personne seule » (GR 1985; GLLF 1978). Ainsi, par l’accentuation du trait sémique [+ petit espace pour habiter], indifféremment du genre et du nombre des sujets, on arrive à une innovation sémantique qui illustre, en fait, la réalité socio-économique de l’espace roumain.

Page 223: Typo Logie Des Emp Runts Francais

GARÇONNIÈRE (fr.) GARSONIER Ă (roum.) 1. (Vieilli ) (Petit) logement d'homme célibataire; petit logement loué par un homme qui le destine à des rendez-vous galants.

Sens absent

2. (Par ext.) Petit appartement pour une personne seule. (XXe s.) (GR 1985; GLLF 1978).

Extension: Petit appartement dans un immeuble plus grand, composé d’habitude d’une seule chambre et de la salle de bain, parfois doué aussi d’une cuisine. (DEX 1998).

Bien que certains dictionnaires rappellent (de manière explicite ou

implicite) la filiation possible des mots roumains garson et garsonieră9, pour le locuteur contemporain il n’y a plus aucune relation étymologique entre ces deux termes. Cette situation peut être justifiée aussi par le fait qu’en roumain actuel, garson est, selon le DEX (1998), un terme vieilli ou même un barbarisme, et, selon le CDER (2002), un terme « technique », spécialisé, ayant le sens d’« homme ou jeune homme qui travaillait dans un restaurant ».

Un développement sémantique de type métonymique s’enregistre aussi dans le sémantisme du mot milieu qui désigne en roumain « un objet en toile (brodée) ou en dentelle, qui est mis (comme ornement) sur une pièce de meuble » (DEX 1998).

Tous les dictionnaires consultés considèrent que le roumain milieu est un emprunt au français milieu. Mais, l’unique acception du mot roumain ne se retrouve pas parmi les sens de son correspondant français. La seule indication lexicographique justifiante apparaît dans le DN (1978) où l’on mentionne que, dans le cas du mot roumain milieu. On a affaire à une condensation lexico-sémantique réalisée par la troncation de l’expression française milieu [de table], que TLFi définit de la manière suivante : « pièce de vaisselle décorative, généralement en argenterie ou en porcelaine, que l'on place au milieu d'une table », tout en spécifiant qu’il s’agit d’un sens récent, enregistré dans les dictionnaires de la langue française du XIXe et du XXe siècle.

Le roumain n’a donc repris aucun sens courant ou technique de l’étymon français, pour lesquels il utilise, en grade partie, le mot mijloc, hérité du lat. MEDIUS LOCUS, mais il a emprunté l’acception néologique (mentionnée supra) du correspondant français, tout en modifiant faiblement la nature de « l’objet d’ornement » (dans la civilisation française, sous ces objets – des vases décoratives, des bibelots, etc. – on posait d’habitude une petite serviette brodée ou en dentelle). Le roumain milieu fonctionne (v. 1.1.) comme un indicateur d’univers mentalitaire ou comme un élément distinctif au niveau axiologique entre les langues (cf. Arrivé / Gadet / Galmiche 1986 : 244-252).

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MILIEU (fr.) MILIEU (roum.)

1. Partie (point, ligne, plan, etc.) (d'une chose) qui est à égale distance des extrémités, des bords (de cette chose).

Sens absent

2. Partie, moment également éloigné des deux termes d'une période déterminée.

Sens absent

3. THÉÂTRE. Partie centrale (de la scène). Sens absent 4. CHORÉGR. Ensemble des exercices exécutés au milieu de la salle de classe, sans l'appui de la barre.

Sens absent

5. De milieu. [En parlant d'un meuble] Qui est (destiné à être) éloigné des murs d'une pièce. Lit de milieu. Lit éloigné des murs latéraux d'une chambre.

Sens absent

6. Emploi adj., rare. Situé au milieu. Sens absent 7. Locutions Loc. adv. Au milieu. Au centre; p. ext., à l'intérieur, à un endroit relativement éloigné des bords, de la périphérie. Loc. prép. Au milieu de. Au centre de, dans la partie centrale de. P. ext. À l'intérieur de, à un endroit relativement éloigné des bords, de la périphérie de.

Sens absent

8. Milieu de table. Pièce de vaisselle décorative, généralement en argenterie ou en porcelaine, que l'on place au milieu d'une table. (Dict. XIXe et XXes apud TLFi).

Sens absent

-

Transfert métonymique: « Objet d’ornement en toile (brodée) ou en dentelle, qui est posé (comme ornement) sur une pièce de meuble » (DEX 1998).

Un processus semblable de condensation lexico-sémantique (v. Suciu :

2009) s’enregistre aussi dans le cas d’autres emprunts roumains au français, tels que : bască – « béret aux marges fléchies à l’intérieur » (du fr. [beret] basque, DEX 1998), breton – « cheveux qui tombent sur le front, coiffés en ligne droite » (du fr. [à la] bretonne, DEX 1998), bec – « sphère ou poire en verre où se trouve le filament d’une lampe électrique; lampe électrique » (du fr. bec [à gaz], DEX 1998), canotieră – « chapeau de paille, le fond et les bords droits » (du fr. [chapeau] canotier, DEX 1998), colonie – « liquide parfumé, fabriqué de l’alcool et de différents huiles végétales, employé dans la cosmétologie » (du fr. [eau de] Cologne, DEX 1998), goblen – « tapisserie, broderie ou tissu artistique faite des fils colorés et représentant une image artistique » (du fr. [manufacture des] Gobelins, DEX 1998), ruj – « produit cosmétique en nuances différentes de rouge, utilisé pour faire colorer les lèvres; rouge à lèvres » (du fr. rouge [à lèvres], DEX

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1998), sutien – « pièce de lingerie féminine qui sert à soutenir la gorge » (du fr. soutien [- gorge], DEX 1998), etc.

Dans le cadre du second type d’emprunts d’origine française connotatifs / stylistiques obtenus par des innovations sémantiques opérées en roumain, il y a des situations où le développement des sens du mot roumain se produit par un transfert métaphorique ou connotatif.

Un cas illustratif peut être celui du mot trombon, considéré, en général, un emprunt à étymologie uniquement française, selon le DEX (1998), le MDN (2008) et le DLR (1983, tome XI, 3-ème partie)10, le DN étant la seule source lexicographique qui considère que, dans ce cas, il s’agit d’un mot à étymologie multiple, c’est-à-dire « du fr., angl. trombone ». En dehors de la conservation du sens originaire de l’étymon français, celui technique, spécialisé, d’« instrument musical à souffler en cuivre jaune, plus grand qu’une trompette, remarquable surtout par son timbre plus âpre et plus fort » (DEX 1998), l’analyse sémantique du mot trombon retient l’attention, premièrement, par les trois sens développés en roumain : « 1. la bouche - l’organe de la parole », sens familier et péjoratif ; « 2. des mensonges, des farces, des exagérations », sens fréquent, employé dans le style colloquial, familier ; « 3. le nom d’un jeu de cartes » dont la règle principale est celle de faire tromper l’adversaire jusqu’au moment où celui-ci perd.

TROMBONE (fr.) TROMBON (roum.) 1. Instrument à vent et à embouchure de la famille des cuivres qui est actionné par une coulisse ou par des pistons.

Sens repris

2. Musicien qui joue du trombone.

Sens repris (rare) – v. DLR 1983, tome XI, 3-ème partie.

3. Petite attache faite de deux boucles de fil de fer (ou de matière plastique) qui sert à retenir plusieurs feuilles, plusieurs documents ensemble.

Sens absent

4. ELECTRON. Fil métallique formant une boucle allongée de forme analogue à celle de l'instrument de musique, qui constitue un adaptateur d'impédances dont le rapport de transformation est quatre.

Sens absent

- Innovation par transfert métaphorique : « (Familier et péjoratif) Bouche (comme organe de la parole) » (DEX 1998).

- Extension sémantique du sens antérieur: « (Fam.; au pluriel) Mensonges; farces, exagérations » (DEX 1998). Dérivé : (Fam.) A tromboni « mentir, tromper, exagérer » (DEX 1998; DLR 1983, tome XI, 3-ème partie).

- Innovation par transfert métonymique : « Le nom d’un jeu de cartes » (DLR 1983, tome XI, 3-ème partie).

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Toutes les trois acceptions – obtenues par transfert métaphorique, par extension sémantique, respectivement par transfert métonymique – représentent des innovations opérées en roumain, étant donné que toutes les sources lexicographiques consultées n’en mentionnent aucune signification pour le correspondant français.

Par conséquent, par l’extension du trait sémique [+ manière d’employer l’instrument, par le soufflement et d’une façon très bruyante] on arrive à une première utilisation métaphorique – familière et péjorative – pour désigner « la bouche (comme organe de la parole) ». Par la corroboration du sème antérieur avec la forme de l’instrument et avec le son produit par celui-ci, le roumain crée une extension de la signification précédente, le mot trombon étant souvent employé dans le langage familier, avec le sens de « mensonges, farces, exagérations » : Chestiile pe care le spun public sunt 100% tromboane (www.hotnews.ro) « Les choses qu’on affirme en publique sont 100 % des mensonges » ou bien Cum se nasc tromboane în presă (www.newstoday.ro) « Comment naquissent les mensonges dans la presse ». À partir de cette dernière acception, et dans le même registre, on arrive au dérivé verbal, a tromboni, au sens de « mentir, tromper, exagérer » (DEX 1998; DLR 1983, tome XI, 3-ème partie). Et de là, le pas suivant : la troisième acception enregistrée uniquement dans le DLR (1983 : tome XI, 3-ème partie), « le nom d’un jeu de cartes » dont la règle principale est celle de faire tromper l’adversaire jusqu’au moment où celui-ci perd, cette dernière signification étant le résultat d’un transfert métonymique de l’action au jeu.

À l’intérieur du même champ sémantique, il nous semble aussi très intéressant le sémantisme du mot trombonist pour lequel le DLR (1983 : tome XI, 3-ème partie) propose les définitions lexicographiques suivantes : « 1. Musicien qui joue du trombone » ; « 2. (Rare) Instrument à vent et à embouchure de la famille des cuivres qui est actionné par une coulisse ou par des pistons » ; « 3. (Familier) Épithète pour une personne qui aime exagérer, mentir ».

Les deux premières acceptions du mot trombonist se superposent – en ordre inverse (imposé probablement par la fréquence des emplois) – sur les sens du mot trombon. La troisième signification, souvent utilisée dans le langage familier du roumain contemporain, est un sens dérivé de l’acception du verbe a tromboni.

Tout en corroborant l’analyse sémantique du mot roumain trombonist avec le fait que parmi les sources lexicographiques consultées pour le correspondant français seuls le LITTRÉ (1998) et le GLLF (1978) indiquent le sens de « Musicien qui joue du trombone » (sous la mention « rare »), tandis que le TLFi et le PR (1992) ne l’enregistre pas, on pourrait considérer que dans le cas du mot trombonist il s’agit plutôt d’un dérivé à l’intérieur de la langue roumaine, du nom trombon avec le suffixe agentif -ist et non pas d’un emprunt au français tromboniste (comme l’indiquent tous les dictionnaires roumains consultés – le DEX (1998), le MDN (2008) et le DLR (1983, tome XI, 3-ème partie).

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4. Conclusions Au-delà des nombreuses études consacrées à ce sujet, l’influence française

du roumain continue à susciter un grand intérêt et à représenter un terrain fertile pour les recherches scientifiques.

Par conséquent, l’investigation attentive des « néologismes de sens » à étymon français met en évidence, premièrement, les mécanismes complexes mis en oeuvre par le roumain dans le processus de spécialisation, d’extension ou d’abstractisation de son lexique.

En même temps, rapportée sans cesse à l’univers mentalitaire, la néologie sémantique peut acquérir des valences testimoniales, car elle atteste les changements intervenus en diachronie dans l’espace socio-culturel, politique et économique d’une communauté.

Enfin, une telle étude peut ouvrir de nouvelles perspectives de recherche dans le domaine, avec des implications directes sur les approches lexicographiques et, surtout, étymologiques. * Mihaela Popescu, Câteva observaŃii cu privire la semantismul unor împrumuturi lexicale de origine franceză din limba română, in Analele UniversităŃii din Craiova. Seria ŞtiinŃe Filologice. Lingvistică, XXXII, 1-2, 2010, p. 345-357. NOTES 1. Nous considérons que cette problématique a bénéficié d’une description presque exhaustive dans la littérature de spécialité occidentale ou roumaine, raison pour laquelle nous n’y insisterons. 2. En ce qui concerne les études existantes dans la linguistique roumaine pour la problématique des « néologismes de sens » à étymon français, v. Brâncuş 1971 : 184-185; Dimitrescu 1994; Goldiş-Poalelungi 1973; Iliescu 1991 : 127-128; 2003-2004 : 277-280; Reinheimer-Rîpeanu : 1988. 3. L’étude « Typologie des emprunts lexicaux français dans la langue roumaine (Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique – FROMISEM » (auteurs : Iliescu, M. / Costăchescu, A. / Dincă, D. / Popescu, M. / Scurtu, G.) a été présentée au Colloque International Identifier et décrire l’emprunt lexical / Identifying and describing lexical borrowing, organisé par l’Université de Liège et le FNRS, au cadre du projet RAMSES à Liège, en Belgique, le 18-20 mars 2010. 4. L’absence d’un dictionnaire étymologique complet de la langue roumaine détermine le « recueil » des informations de ce type de divers dictionnaires explicatifs qui, à cause de l’espace si réduit pour la section dédiée à l’étymologie, ne peuvent pas offrir de données sur l’histoire des mots ou bien sur les voies de pénétration d’un terme dans la langue, etc. (v. aussi Reinheimer-Rîpeanu 1987 : 110). 5. Ce sens n’apparaît dans aucun des dictionnaires roumains consultés, bien que de telles occurrences du mot roumain duş se rencontrent, par exemple, dans le langage journalistique contemporain: Duşuri scoŃiene zilnice cu birocraŃia, cu absurdul stradal-convenŃional, educaŃional-cultural, cu ipocrizia de tip manea şi sentimentalisme cântate la flaşnetă… (sorinadavid.wordpress.com). 6. Les sens de l’étymon français, pour tous les mots soumis à cette analyse et présentés dans les tableaux adjoints au texte, sont extraits du TLFi (dans peu de situations où la démarche étymologique a eu besoin des informations appartenant à d’autres sources lexicographiques, celles-ci ont été mises en évidences). 7. De telles modifications pourraient mettre en doute l’origine française du mot diriginte, malgré les données mentionnées par les sources lexicographiques consultées. D’ailleurs, le DEX (1998) affirme pour le mot diriginte, dans la section dédiée à l’étymologie : « selon le fr. dirigeant ». On considère qu’en roumain la reprise sémantique se produit uniquement au niveau hypéronymique, probablement, sous l’influence d’une autre langue romane, telle que l’italien où s’enregistre l’acception spécialisée suivante : « dirigente del movimento, nelle ferrovie, chi regola il transito dei treni nelle stazioni » (DI Online).

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8. Le mot diriginte n’est pas enregistré dans le CDER (2002). 9. Par exemple, dans le CDER (2002), garsonieră apparaît après la définition du mot garson, comme un dérivé de celui-ci, tandis que le DN (1978) renvoie directement à ce dernier terme : « Logement composé d’habitude d’une chambre et d’une petite cuisine », du fr. garçonnière, cf. le fr. garçon – băiat » 10. Le mot trombon n’est pas enregistré dans le CDER (2002). BIBLIOGRAPHIE Études Arrivé, Michel / Françoise Gadet / Michel Galmiche (1986), La grammaire

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ÉTUDE LEXICOGRAPHIQUE ET SÉMANTIQUE DU GALLICISME MARCHIZ,-Ă EN ROUMAIN ACTUEL*

1. Introduction L’influence française sur le lexique du roumain s’est manifestée d’une manière créative et puissante à partir de la fin du XVIII e siècle et, surtout, tout au long du XIXe siècle. Les deux voies de pénétration ont été, d’une part, la traduction des œuvres littéraires françaises en roumain et, d’autre part, les stages effectués en France par les jeunes ou par les intellectuels roumains. En effet, les premiers Roumains à avoir étudié en France ont été, au début du XIXe siècle, les fils des princes régnants et des boyards de Valachie et de Moldavie, qui avaient eu, pour la plupart, des précepteurs français à la maison ou qui avaient fréquenté des pensionnats dirigés par des professeurs français. Plus tard, les futurs hommes politiques roumains de même que de nombreux écrivains, artistes, scientifiques et universitaires ont étudié ou complété leurs études en France.

Cette influence a fait l’objet des préoccupations de nombreux linguistes qui ont effectué des statistiques basées sur des dictionnaires ou sur des textes. Pourtant, il est à signaler une hétérogénéité de ces travaux, qui s’intéressent principalement à l’adaptation, aux domaines où ils prédominent, aux critères d’établissement correct de leur étymologie et, dans une mesure beaucoup plus réduite, à leur typologie sémantique. 2. Objectifs Le problème des emprunts, en l’occurrence des gallicismes, est l’un des plus délicats, à partir de la définition même de cette notion jusqu’à la solution des questions visant l’étymologie, la forme, la fréquence ou le sémantisme des mots considérés comme appartenant à cette catégorie.

Notre article se propose de faire une étude comparative des mots marquis,-e (fr.) et marchiz,-ă (roum.), mots chargés culturellement, pour analyser leurs acceptions à travers le temps et l’espace. Dans l’analyse sémantique que nous proposons, les sens français sont, en général, donnés d’après les dictionnaires: TLFi, GRLF et GLLF et les sens roumains d’après les dictionnaires: DA / DLR, DEX, DN, RDW et CDEL.

3. Du masculin au féminin 3.0. Dans ce sous-chapitre, nous nous proposons de mettre en parallèle, dans un premier temps, les acceptions des mots marquis et marquise afin de vérifier si les sens du masculin se retrouvent également pour le féminin, sans présenter les acceptions développées uniquement par le féminin marquise :

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marquis, s.m. 1. (HIST.) gouverneur militaire de l'époque franque préposé à la garde des provinces ou des villes frontières appelées marches ou marquisats ; 2. titre seigneurial accompagnant la possession d'un marquisat; personne portant ce titre ; titre de noblesse situé dans la hiérarchie après le titre de duc et avant celui de comte; personne qui porte ce titre ; 3. (HABILL.) petit chapeau à trois pointes et à bords roulés ; 4. (ironique) personnage aux manières affectées, désinvoltes, d'une élégance étudiée. marquise, s.f. 1. (HIST.) femme noble titulaire d'un marquisat; épouse d'un marquis ; 2. (HABILL.) chapeau de femme ; 3. (ironique) femme qui se donne des allures de grande dame.

D’autre part, nous allons suivre l’évolution de ce mot en roumain, où le gallicisme marchiz (du fr. marquis) est attesté pour la première fois a la fin du XVIII e siècle, en 1788, quand il a été introduit dans le lexique de cette langue pour répondre à la nécessité de traduire ce titre de noblesse, qui figurait dans les œuvres littéraires françaises. Il s’agit, dans ce cas, «d’une néologie traductive » (Mihailovici, 2005: 25), qui oblige le traducteur à trouver un équivalent dans la langue cible où ce concept n’existe pas. 3.1. Entre le gouverneur militaire et le titre de noblesse 3.1.1. Le masculin marquis est un emprunt à l'italien marchese (titre de noblesse héréditaire attribué à un seigneur qui gouvernait une région comprenant plusieurs comtés, d'abord « seigneur chargé de gouverner une région frontalière dite marche » TLFi) avec adaptation du suffixe d'après l'ancien fr. marchis «gouverneur d'une marche » (TLFi). Grâce à ses pouvoirs militaires lui permettant de lever le contingent de l’armée sans en avoir reçu l’ordre du souverain, le marquis, en tant que titre de noblesse, a un rang hiérarchique supérieur à celui de comte, mais inférieur à celui de duc. 3.1.2. Sous l’Ancien Régime, le titre de marquise (sans les fonctions militaires du marquis) a été attribué à des femmes, pour marquer la possession d’un marquisat ou la position sociale grâce au mariage, «la femme d’un marquis». Louis XIV et Louis XV notamment avaient l’habitude d'anoblir leurs maîtresses en leur décernant le titre de marquise. Très nombreuses à Versailles, les marquises étaient les dames de cour par excellence. On peut citer les plus célèbres d'entre elles, la marquise de Maintenon, la marquise de Montespan ou la marquise de Pompadour. 3.1.3. En roumain, le masculin marchiz a gardé ses acceptions de «possesseur d’un marquisat» et «titre de noblesse», et, dans le cas du féminin marchiză, les définitions lexicographiques mentionnent l’acception: «la femme ou la fille d’un marquis». 3.2. Le terme de marquis s’applique, par analogie, au domaine de l’habillement, pour désigner la coiffure portée par les marquis aux XVIIe et XVIIIe siècles, plus précisément «le petit chapeau à trois pointes et à bords roulés».

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On retrouve aussi ce terme dans la mode des femmes de noblesse qui avaient l’habitude de porter des chapeaux, ce qui s’explique par la mentalité de ne jamais se montrer dans la rue sans porter cet accessoire essentiel. La Belle Époque a donné lieu aux constructions chapelières les plus extraordinaires, chargées de plumes, de faux fruits et de fleurs, qui rappelaient les constructions capillaires des femmes de la cour au milieu du XVIIIe siècle. Au début du XIXe siècle, les chapeaux des femmes, couverts de plumes et de rubans, avaient des proportions gigantesques. Quant aux acceptions reprises par le roumain, celle de « chapeau » ne figure pas dans les définitions lexicographiques du gallicisme marchiz,-ă. Cela s’explique par l’absence du gallicisme avec cette acception dans les traductions effectuées du français vers le roumain, vu que les Roumains sont entrés en contact avec les milieux français début du XIXe siècle, quand la mode des chapeaux était déjà passée. 3.3. La troisième acception du masculin que nous voulons vérifier pour le féminin marquise, mais aussi pour le gallicisme du roumain, est celle de « personnage aux manières affectées, désinvoltes, d'une élégance étudiée ». Appliquée aux femmes, cette acception garde son utilisation ironique pour renvoyer à une personne qui se donne des allures de grande dame. On retrouve cette acception pour le roumain aussi, surtout dans la littérature du XX e siècle. Par exemple, dans un poème de George Topârceanu (Octobre), le poète compare métaphoriquement l’automne à une marquise: «Şi cum abia pluteşte-n mers / Ca o marchiză, / De parcă-ntregul univers / Priveşte-n urmă-i cu surpriză». 4. Fr. marquise / roum. marchiză Comme nous l’avons déjà constaté, toutes les acceptions du masculin s’appliquent au féminin, mais on verra que le féminin présente, en français, des développements propres qui s’appliquent uniquement aux femmes et qui s’emploient pour désigner les objets dont les femmes se servent dans des domaines très variés comme la mode, l’ameublement, l’architecture, la gastronomie et la joaillerie. Vu la multitude des acceptions pour le féminin, nous allons structurer la mise en parallèle français - roumain dans trois sous-sections : (i) sens conservés en roumain sans extension sémantique (ii) sens conservés en roumain avec extension sémantique (iii) sens qui ne se retrouvent pas en roumain 4.1. Sens conservés en roumain sans extension sémantique

De la multitude des sens développés par le mot français marquise, le roumain en a emprunté trois qu’il emploie couramment dans des domaines variés tels que: l’ameublement, la joaillerie et la gastronomie. 4.1.1. Dans le domaine de l’ameublement, la marquise désigne «un fauteuil à dossier très bas, à siège large et profond» qui date de l’époque de Louis XVI (1770) et qui correspond au nouveau mobilier de secrétariat de cette époque-là. Le gallicisme apparaît en roumain sous la forme d’une collocation nominale - fotoliu marchiză «fauteuil marquise», ce qui veut dire qu’il n’a pas été

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complètement lexicalisé, vu ses occurrences limitées dans le langage courant. Le DN définit la marquise comme «un fauteuil style Louis XIV, à dossier large et de hauteur réduite». Il peut aussi apparaître, dans les catalogues de produits, sous la forme de marchiză Louis XVI «marquise Louis XVI», afin de préciser le style architectural de l’époque. 4.1.2. Dans le domaine de la joaillerie, la marquise a deux acceptions: 1. «bague d'époque Louis XVI, à chaton allongé» et 2. «forme ovale d'un diamant, taillé à cinquante huit facettes». La première acception renvoie à un style, la deuxième à une forme reliée à une certaine mode, caractéristique pour l’époque de Louis XVI. Quant au roumain, celui-ci a emprunté les deux acceptions avec leurs référents: 1. «bague à chaton allongé » et 2. «forme ovale d’un diamant, taillée à cinquante huit facettes». 4.1.3. La marquise au chocolat est «un entremet ou dessert glacé» que le roumain a emprunté sous la forme de marchiză cu ciocolată «marquise au chocolat». L’association entre la marquise et le chocolat s’explique par le fait que Madame de Sévigné de même que la marquise de Pompadour étaient de ferventes admiratrices du chocolat. Ce dessert était très à la mode et sa recette a été empruntée avec la même dénomination en roumain. 4.1.4. Il existe aussi des acceptions qui ont été empruntées en roumain en l’absence de leur référent. Il s’agit d’une « variété de poire fondante et sucrée, de taille un peu plus petite que la duchesse » datant de l’époque de Louis XIV. La poire Marquise est déjà présente dans la sélection des meilleures poires effectuée par Jean-Baptiste de La Quintiniei pour le jardin de Louis XIV. Le roumain emprunte cette acception comme « variété de poire fondante» sans pourtant l’intégrer dans son vocabulaire usuel. 4.2. Sens conservés en roumain avec extension sémantique Très intéressante est l’évolution de l’acception du mot marquise dans le domaine de l’architecture en tant que «toile ou auvent vitré placé au-dessus de la porte d'entrée». Le roumain emprunte, dans ce cas, cette acception par nécessite dénominative («néologie primaire»), pour désigner ce nouveau style architectural qui prévoit, pour la protection de la maison contre le soleil et les intempéries, un auvent (en vitre) sur une grille en fer forgé. En plus, il opère deux extensions sémantiques par glissement métonymique, pour désigner le tout par la partie. Début du XIXe siècle, la marquise développe le sens de «toile tendue au-dessus de l'entrée d'une tente ou d'un édifice, destinée à garantir de la pluie ou du soleil». Selon le DAF (1835), la marquise est en toile et elle est prévue pour les tentes, les vaisseaux et pour les jardins: «tente de toile dressée au-dessous d’une tente d’officier, de manière à l’entourer et à la rendre moins accessible aux injures de l’air. Il se dit également de toiles tendues sur le pont d’arrière d’un vaisseau ou dans un jardin». Ce sens a été gardé de nos jours dans l’expression tentes à marquise, tentes qui se composent d’une paroi avant et de deux parois latérales assemblées par une fermeture éclair.

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Par glissement sémantique, la marquise devient un terme d’architecture – «un auvent vitré placé au-dessus de la porte d'entrée, du perron d'un bâtiment, ou au-dessus d'un quai de gare, théâtres, les hôtels, les cafés, etc.» avec la même finalité, celle de protéger contre les intempéries. Le plus souvent rectangulaire à une, deux ou trois pentes, ou en demi-cercle, la structure d'une marquise est généralement en métal (plus rarement en bois) et elle est souvent soutenue par des consoles, qui peuvent être constituées d'un décor de volutes. Cette deuxième acception a été empruntée en roumain pour désigner: «un auvent (en vitre) sur une grille en fer au-dessus de l’entrée d’une maison pour la protéger contre la pluie ». La marquise était en vitre et elle avait comme support un filigrane en fer forgé souple, ce qui donnait une note d’élégance et représentait un mélange entre les temps d’antan, le confort et les nouvelles techniques de l’art dans les constructions du XXe siècle. Même si son utilité est la même, protéger contre le soleil ou les intempéries, le matériel et l’architecture ont beaucoup changé les derniers temps. Une marquise est aujourd’hui en plastique ou en PVC et sa forme est très variable, le seul dénominateur commun restant sa finalité. Dans le domaine des innovations sémantiques, le roumain fait preuve d’une grande liberté et, par métonymie, utilise la partie pour le tout pour désigner, dans le premier cas, la pièce à auvent et murs en vitres, qui se trouve devant une maison» et, dans le deuxième cas, «la cabine pour le mécanicien dans les locomotives à vapeurs». Dans le premier cas, l’extension opérée par le roumain transforme l’auvent dans une pièce en vitres pour la protection de la maison contre les intempéries. C’est un style architectural qui rapproche la mansarde de la véranda, qu’on retrouve assez souvent dans les villages roumains. L’autre acception développée par le roumain, dans le cadre du même procédé métonymique, est celle de «cabine dans les locomotives à vapeurs». Tout comme pour la maison, la protection contre les intempéries par la vitre transforme l’auvent dans une cabine en vitre fermée latéralement. En français, la cabine de conduite d'une locomotive à vapeur est appelée abri, une simple plate-forme sur laquelle se tenaient le mécanicien et son chauffeur, qui n'étaient pas abrités des intempéries car on estimait, à l'époque, qu'il ne fallait pas donner trop de confort à l'équipe de conduite parce que celle-ci aurait pu s'assoupir et provoquer un accident. Vers 1860 une espèce de pare-brise en tôle pourvu d'ouvertures fut installée sur les locomotives. Par la suite, l'abri fut couvert puis fermé latéralement. Les ouvertures de l'abri étaient le plus souvent vitrées à l'avant et libres sur le côté.

4.3. Sens qui ne se retrouvent pas en roumain Il y a des acceptions de marquise qui ne se retrouvent pas en roumain, ce qui s’explique probablement par une absence de ce terme dans les traductions effectuées, corroborée avec l’absence du référent dans la langue cible. 4.3.1. Au XIXe siècle, le terme de marquise désignait «une ombrelle à manche articulé de manière à être soit plié, soit fermé et fixé à un angle quelconque,

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ce qui permet de varier l'inclinaison de l'ombrelle, sans changer la position du manche» (Littré). Créé sous le Second Empire (1830) pour rendre hommage à la marquise de Pompadour, qui avait la réputation d’être une esthète, élégante et coquette, cet accessoire indispensable, de petite taille, était utilisé lors de toute sortie afin d'accentuer encore le contraste avec la jupe très large. 4.3.2. La marquise connaît aussi une acception, attestée au XIXe siècle, désignant un cocktail rafraîchissant, idéal pour les vins d’honneur, les cocktails et les apéritifs. Sa composition est définie dans le TLFi comme «une boisson composée de vin blanc ou de champagne frappé, auquel on ajoute de l'eau de Seltz et des tranches de citron». Le terme de marquise se trouve aussi à la base d’une variété de Bordelais moelleux, la Marquise de Sirac. 4.3.3. Le troisième domaine qui a développé une acception de ce mot est celui de la marine où la marquise est «un voile d'étai supplémentaire à l'avant du mât d'artimon». Ni les dictionnaires roumains, ni la terminologie de la marine n’incluent ce terme, preuve que l’influence française sur la constitution de la terminologie dans ce domaine a eu lieu beaucoup plus tard que le XIXe siècle. 5. En guise de conclusion Le problème des gallicismes du roumain est très important aussi bien en linguistique que pour le développement de la culture du peuple roumain. Le roumain a eu besoin de mots nouveaux, surtout dans les domaines de l’activité scientifique, politique et culturelle, de sorte que l’enrichissement lexical s’est avéré un processus complexe, difficile mais très nécessaire qui se poursuit aussi de nos jours. Dans le cas du roumain, le français joue le rôle de langue de prestige qui s’est répandu dans l’usage général à partir de traductions, surtout au XIXe siècle, et ensuite par nécessite terminologique pour désigner les nouveaux concepts introduits dans le lexique de la langue roumaine. L’étude comparative des mots marquis,-e (fr.) et marchiz,-ă (roum.) met en évidence le fait que le roumain a emprunté la plupart des acceptions du mot français mais qu’il présente également une typologie sémantique qu’on pourrait illustrer par le schéma suivant : (i) sens conservés en roumain sans extension sémantique ; (ii) sens conservés en roumain avec extension sémantique ; (iii) sens qui ne se retrouvent pas en roumain. *Daniela Dincă, Analele UniversităŃii din Craiova. Seria Lingvistică, 2010, p. 89-96. NOTES 1 Nous employons le terme de ‘gallicisme’ au sens de ”mot français emprunté par d’autres langues“ (cf. Thibault, 2009). 2 « Et comme il [l’automne] flotte doucement dans l’air / Comme une marquise, / Comme si l’univers tout entier / Regarde derrière avec surprise ». 3 Jean-Baptiste de la Quintinie (1626-1688) fut le créateur du potager de Louis XIV, qui le nomma, en 1667, directeur de tous les jardins fruitiers et potagers royaux. Il a fourni à la Cour divers produits qu’il obtenait à contre-saison pour satisfaire les désirs du roi.

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Recherche Scientifique (CNRS) / Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) / Université Nancy 2, http : //atilf.atilf.fr/tlf.htm.

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FR. GUÉRIDON / ROUM. GHERIDON APPROCHE COMPARATIVE *

0. Introduction Les emprunts lexicaux se constituent en un espace fertile de recherche qui suppose le contact entre plusieurs systèmes linguistiques, entre plusieurs cultures, plusieurs identités spirituelles. Dans le cadre de cette problématique, on peut souligner, une fois de plus, le rôle qu’a joué l’influence française pour l’achèvement du caractère moderne du romain littéraire. L’insertion des termes néologiques d’origine française dans le lexique de cette langue a été faite dans les domaines les plus variés de l’activité humaine, contribuant ainsi à la redéfinition de la physionomie lexicale du roumain, en tant que langue néo latine. En effet, la terminologie scientifique et technique, sociale, politique, administrative, juridique, économique, artistique n’est plus à concevoir aujourd’hui sans l’apport quantitatif, mais aussi qualitatif, des mots d’origine française1. Un grand nombre de néologismes apparaît aussi dans ce qu’on appelle ‘le langage usuel’, comme expression des notions les plus nécessaires de la vie courante: abonament, creion, coafor, dans, detaliu, frontieră, gri, magazin, matineu, obstacol, naiv, a neglija, opinie, penibil, permanent, a traversa, tren, etc. En nous référant expressément au champ sémantique du mobilier, on constate d’emblée que dulap, pat, masă, scaun mis à part, les mots désignant les objets formant le mobilier sont d’origine française: balansoar, bibliotecă, birou, bufet, canapea, comodă, dormeză, etajeră, fotoliu, garderob, servantă, şezlong, şifonier, taburet, etc. L’objet de cet article est la mise en parallèle des descriptions lexicographiques de deux mots appartenant à ce champ: fr. guéridon et roum. gheridon, la description linguistique étant réalisée en suivant les modifications du référant au cours du temps. 1. Fr. guéridon Le guéridon est, aux termes du TLFi, une «petite table, généralement ronde et à pied central unique, de facture élégante, supportant le plus souvent des objets légers, décoratifs on non». Le Petit Robert ajoute une précision concernant le matériel: «[…] (généralement) d’un dessus de marbre», information confirmée dans l’exemple littéraire suivant: (1) Je trace des figures de géométrie sur le marbre du guéridon. (Valéry)

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L’étymologie de ce mot remonte au nom d’un personnage de farce, Gueridon (1615, Conférence d’Antitus, in TLFi), paysan des confins du Poitou s’exprimant par sentences, qui devint héros de chanson et dont le nom fut mis au refrain. La désignation par ce nom de ce petit meuble, dont le pied, unique à l’origine, avait souvent une forme humaine, notamment celle d’un Maure, est peut-être due à l’image du personnage isolé, qui dans la danse du branle de la torche, au cours de laquelle on chantait ce refrain, tenait un flambeau alors que les autres s’embrassaient. (ibid.) Des variantes voient plusieurs pieds, tel le trépied, soutenir la table. On remarque que les plateaux sont souvent soutenus par des figures mythologiques, africaines, grecques ou égyptiennes. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Gu%C3%A9ridon) Ce type de meuble est apparu en France vers le milieu du XVIIe siècle. À retenir déjà, comme éléments définitoires pour l’objet désigné par le mot guéridon: la forme (ronde), le pied unique (au moins à l’origine), mais aussi la ‘facture élégante’, qui en fera, comme on le verra, un objet d’art. Par exemple, l’Internet nous fournit beaucoup d’informations sur les meubles de ce genre, tels Guéridon Murano (http://www.delamaison.fr/gueridon-murano-p-34970.html) ou bien Guéridons Louis XIII, Louis XV, Empire, Restauration, Louis Philippe, présents dans les réclames des antiquaires qui vendent des meubles de style. (http://www.espace-antiquites.com/meubles/gueridons.htm) Les reflets de cette connotation artistique du guéridon, en tant que meuble décoratif, à vocation plutôt esthétique qu’utilitaire, se retrouvent aussi dans les arts (littérature et arts visuels). Voilà des exemples tirés de la littérature française: (2) Le milieu de la pièce était occupé par un guéridon Louis XV sur lequel étaient posés des prospectus et des brochures. (Duhamel) (3) Ils déjeunaient au coin du feu, sur un petit guéridon incrusté de palissandre. (Flaubert) (4) Sur un petit guéridon de bois de citronnier / Brillait, comme une étoile, une lampe d’albâtre / Qui jetait par la chambre un jour doux et bleuâtre. (Gautier), où l’on peut remarquer: la mention du style («Louis XV»), le matériel précieux dont est confectionné cet objet («bois de citronnier»), ou la décoration («incrusté de palissandre»). Pour l’illustration dans les arts visuels, nous mentionnons le tableau du grand peintre Pablo Picasso, intitulé Guitare sur un guéridon (1915, Huile sur toile, 133 x 104 cm). À l’époque moderne (ou plutôt contemporaine), cet objet de mobilier connait une évolution spectaculaire qui le fait changer de forme, de couleur, de matériel et surtout de finalité. Nous nous servirons des annonces publicitaires trouvées sur Internet pour suivre les diverses destinations des guéridons modernes et leur descriptif sommaire.

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- Le guéridon, à l’origine meuble d’intérieur, devient aussi meuble d’extérieur, meuble de jardin (on trouve sur Internet une grande diversité d’offres portant sur: la couleur, la forme, les matériaux …), comme par exemple: (5) Guéridon double plateau Guéridon à roulettes Guéridon carré Rivage, etc. (http://www.oeildujour.com/mobilier-de-jardin/gueridons/famille/GUJ/) - On le trouve aussi en tant que mobilier médical, dans un grand nombre d’offres, par exemple: (6) Guéridons médicaux (2 ou 3 hauteurs) Structure tube rond en Acier Inoxydable. 2 plateaux en Inox 18/10. Galeries amovibles. 4 roues caoutchouc silencieuses, diamètre: 80 mm (dont 2 avec frein). (http://www.girodmedical.com/fr/fr/mobilier-de-massage/gueridons.html) Ou bien: (7) Guéridons aluminium et résine Nos guéridons ont été conçus pour satisfaire aux exigences du milieu hospitalier. Ils sont adaptés à toutes les fonctions des services de soins, mais aussi au bloc opératoire (http://www.adhesia.com/fr/gueridons/gueridons-.html) (8) Guéridon de soins Bâti tube ovale plat. Galeries 4 côtés. 2 plateaux stratifiés. 2 tiroirs. 4 roues Ø 50 mm. (http://www.azurmedical.fr/professionnels/produits,gueridons,gueridon-de- soins-beaumond,532) - Le guéridon devient également une pièce de mobilier dans les unités de restauration: (9) Guéridons mange-debout avec plateaux en mélaminé et chant PVC, piétement en tube Ø 80 mm, socle en fonte. 2 versions: 1 ou 2 plateaux, et 2 coloris au choix: noir avec pied noir ou gris moucheté avec pied gris. (http://www.manutan.fr/gueridons-mange-debout_M1779-33.html) Sur la base de ce dernier emploi du guéridon, le mot qui le désigne entre dans une nouvelle expression – service au guéridon –, connu surtout sous le nom de service à la russe2.

- Les guéridons musicaux font eux aussi leur apparition dans le paysage de la musique moderne. Nous citons à cet égard: (10) Chaque guéridon musical propose un univers sonore interactif que le ou les joueurs peuvent découvrir et modifier à leur guise. Il suffit de placer les mains

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sur la table ou de déplacer les objets qui s’y trouvent pour faire naître aussitôt les réactions sonores: Un paysage bruitiste inspiré de la mer va se révéler sur le guéridon bleu en déplaçant galets et coquillages. (http://www.digitalarti.com/fr/video/gueridons_musicaux) Toutes ces ‘spécialisations’ rendent nécessaire la spécification guéridons standard, comme dans l’annonce ci-dessous: (11) Tables guéridons hautes à deux plateaux. Plateaux en mélaminé ép. 19 mm. Chant PVC ép. 3 mm. Piétement tube avec embase 4 branches équipées de vérins de réglage, peinture époxy noir. 2 coloris de plateau: gris clair ou hêtre. (http://www.manutan.fr/gueridons- standard_MDL1023-160.html) 2. Roum. gheridon Le mot roumain gheridon, pl. gheridoane, s.n., vient incontestablement du fr. guéridon. Tous les dictionnaires s’accordent sur ce point, à partir du DA, au DER, au DEX et aux dictionnaires récents de néologismes (DN, MDN, NODEX). Sa forme ne permet pas d’indiquer si le mot est entré par voie orale ou écrite, mais on peut supposer plutôt une filière écrite dans la réception de cet emprunt. Quant au sens du roum. gheridon, on retient d’abord qu’il s’agit d’une pièce de mobilier, une espèce de petite table ronde à un ou à trois pieds (DEX) et, par la suite, les dictionnaires de néologismes ci-dessus indiqués), ou tout simplement d’une petite table ronde, sans autre précision (DER)3.

On retiendra donc, comme éléments d’identification: la forme (ronde) et le nombre de pieds (un ou trois). Aucune précision dans ces définitions lexicographiques sur le matériel dont est confectionné cet objet. Quant à la première attestation du mot en question, on trouve dans le DA la mention: 1766, alors que le DLRC fournit deux exemples littéraires, respectivement de V. Alecsandri et de I. L. Caragiale. On y trouve également une mention d’ordre stylistique: mot vieilli. En effet, ce type de meuble, en vogue tout au long du XIXe siècle et au début du XXe, a presque disparu dans les dernières décennies (peut-être à cause d’un certain halo aristocratique dont il est entouré, vu son rôle plutôt ornemental qu’utilitaire immédiat), pour refaire son entrée ces dernières années quand les meubles de style, les objets d’art attirent de nouveau l’intérêt des amateurs, comme l’annonce suivante le fait voir: (12) Gheridon, lucrat manual, din lemn de fag si cu intarsii de furnir4 (http://www.bizoo.ro/firma/casasfinxului/vanzare/26829/Gheridon)

Tout comme nous l’avons montré dans le cas du français, le guéridon étant de moins en moins employé comme objet de mobilier, le mot qui le désigne a reçu d’autres acceptions, spécialisées, pour se rapporter à des référents qui n’ont que peu de choses en commun avec l’objet de départ.

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- Dans le domaine de la restauration, le guéridon arrive à désigner une petite table mobile (à roulettes, éventuellement avec des anses), par exemple: (13) Gheridon servire restaurant Material: lemn cireş roşcat închis 4 roŃi cu sistem blocare, bare din inox5 (http://newacustica.bizoo.ro/vanzare/99317/Gheridon-servire-restaurant) ou bien un chariot-guéridon: (14) Cărucior Gheridon cu 2 blaturi laminate, picioare din oŃel inoxidabil cromat, roŃi pivotante6. (http://www.concepthotels.ro/catalog/product_info.php?cPath=5_55&products _id=1313&osCsid=079ba6d2db5117b53a6f5a873be30f92) D’ailleurs le mot entre dans les expressions servire la gheridon ou serviciu la gheridon, tout comme en français d’ailleurs, en suivant sans doute le même modèle7.

- Comme instrument musical, nous avons trouvé plusieurs références sur Internet, mais renvoyant au même type de spectacle organisé par le Centre Culturel Français, dans des localités différentes: (15) Instalatie ludic art moara vorbitoare şi gheridon muzical - instalaŃiile vor rămâne la Centrul Cultural Francez până sâmbătă, 17 mai, ora 12.008 (http://www.ziaruldeiasi.ro/timp-liber/evenimente-culturale-campanii- concursuri/festival-international-happening-performance~ni4out) et: (16) Muzică la gheridon, versuri din râşniŃă „Ludicart”, cum se numeşte evenimentul organizat de Centrul Cultural Francez, prezintă clujenilor diverse „utilaje” de divertisment: gheridoane muzicale, mori de cuvinte, tubulofoane şi tablouri muzicale. Acestea au fost create prin anii 1970-1980 de doi pionieri ai artei interactive, Jean-Robert Sedano şi Solveig de Ory. Instrumentele sunt absolut spectaculoase, deşi la prima vedere n-au nimic ieşit din comun9. (http://clujeanul.gandul.info/cultura-timp-liber/muzica-la-gheridon-versuri-din- rasnita-2647817) 3. En guise de conclusions En français, le mot guéridon désigne à l’origine une pièce de mobilier (une table ronde à un ou à trois pieds), d’habitude de marbre (ou d’un autre matériel précieux), souvent ornée, de styles divers. L’objet connait le long du temps des spécialisations multiples (dans les domaines de la restauration, médical, musical), qui vont de pair avec la modification de la forme (rectangulaire, ovale, à deux / trois plateaux ou hauteurs, avec des roulettes, des tiroirs, etc.).

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Le mot roum. gheridon est emprunté au français et désigne, à l’origine, tout comme son étymon, un meuble de salon. Son référent connait de multiples mutations de nos jours, évoluant vers un objet de meuble spécialisé, surtout dans la restauration, plus rarement dans le domaine musical. Contrairement au français, en roumain le mot gheridon ne s’est pas répandu dans le domaine médical pour désigner une table de soins. On peut remarquer, d’une part, pour le français, la connotation culturelle très marquée du mot guéridon, donnée sans doute par la valeur artistique de la pièce de mobilier en cause, bien illustrée par des variantes stylistiques, exposées dans des galeries d’art ou chez les antiquaires, avec des reflets dans les arts (comme la littérature ou la peinture). D’autre part, en roumain le mot gheridon n’est attesté que bien plus tard par rapport à la langue d’origine (1615 en français, 1766 en roumain), car le référent lui-même apparait plus tard (jouissant de faveur en tant que meuble de style surtout au cours du XIXe siècle). Par voie de conséquence, le mot s’est moins bien implanté dans la langue usuelle. Ce qui, à notre avis, a permis au sens de ce mot de subir des mutations encore plus amples qu’en français: gheridon désigne aujourd’hui des meubles ou objets qui ont très peu à voir avec la pièce initiale, se présentant sous des formes diverses, telles que tables roulantes, chariots, coffres à anses, etc. * Gabriela Scurtu, Analele Universitatii din Craiova, Langues et littératures romanes, 2010, p. 244-258. NOTES 1 Voir à ce sujet Sora 2006. 2. Une brève incursion historique, pour expliquer l’expression en question, ne nous semble pas dépourvue d’intéret: «Depuis le Moyen Âge, les dîners de l’aristocratie étaient servis à la française avec un summum du luxe au XVIIe siècle. Ce type de service sera remplacé à partir du XIXe siècle par le service dit service à la russe introduit par le prince Alexandre Kourakine, ambassadeur de Russie en France entre 1808 et 1812: Les hôtes assis autour d’une table sont servis à la portion et peuvent manger chaud (ce que le service précédent ne permettait pas d’atteindre réellement). […] Cette succession des plats et la place prédominante du rôti (ou rôt), et surtout le service à la place, imposeront les normes suivantes du service dit à la russe: Les majordomes doivent maîtriser au moins 3 techniques de service, enseignées dans les écoles hôtelières: le service à l’assiette qui débarrasse l’assiette vide, prépare et replace le plat suivant, le service à la pince et le re-service de l’assiette du convive depuis le plat à l’aide d’une pince, le service au guéridon, le plat étant d’abord présenté aux yeux du convive, puis placé sur un guéridon pour la préparation et la découpe. Par synecdoque, le terme entier de service à la russe désigne ce dernier service au guéridon, et, dans l’esprit populaire, le seul acte de la présentation sur table roulante et la découpe du rôti.» (http://fr.wikipedia.org/wiki/Service_%C3%A0_la_russe) 3. MăsuŃă rotundă pe un singur picior (‘petite table ronde à un seul pied’). (DA) MăsuŃă rotundă cu un singur picior (‘petite table ronde à un seul pied’). (DLRC) MăsuŃă rotundă (‘petite table ronde’). (DER) MăsuŃă rotundă cu unul sau trei picioare (‘petite table ronde à un ou à trois pieds’). (DEX) Masă mică şi rotundă, pe unul sau pe trei picioare înalte (‘petite table ronde à un ou à trois pieds hauts). (NODEX) 4. ‘Guéridon travaillé à la main, en bois de hêtre plaqué‘.

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5. ‘Guéridon service restaurant. Matériel: bois de cerisier rouge foncé. 4 roues avec système de blocage, barres en inox‘. 6. ‘Chariot guéridon à double plateau laminé, pieds en acier inoxidable chromé, roues pivotantes‘. 7. «Având în vedere creşterea mare a localurilor de tip restaurant în sec. XXI şi creşterea calităŃii serviciilor tehnica servirii preparatelor din carne de vânat presupune: aranjarea meselor, prepararea meniului, servirea la gheridon şi debarasarea meselor. Toate acestea sunt strict necesare pentru a satisface cerinŃele clienŃilor şi nu numai şi anume: respectând normele sanitare.» (’Le nombre toujours plus grand des locaux type restaurant au cours du XXIe siècle et la qualité des services, pour les venaisons, supposent: l’arrangement des tables, la préparation des menus, le service au guéridon et le débarrassement des tables. Cela est strictement nécessaire pour satisfaire aux exigences des clients, tout en respectant les normes sanitaires’). (http://www.referat.ro/referate/Preparatele_si_servirea_in_restaurante_2a84e.html)

8. Installation Ludic Art le Moulin parlant et Guéridon musical – les installations resteront au Centre Culturel Français jusqu’à samedi, le 17 mai, à midi‘.

9. ‘Musique au guéridon, vers au moulin. ‘Ludicart’, l’événement organisé par le Centre Culturel Français, présente aux habitants de la ville de Cluj divers ‘outillages’ de divertissement: guéridons musicaux, moulins à paroles, tubulophones et tableaux musicaux. BIBLIOGRAPHIE Oeuvres de référence Avram, Mioara (1982), «Contacte între română şi alte limbi romanice», in Studii şi

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MOTS D’ORIGINE FRANÇAISE DANS LE LANGAGE DES JEUNES*

1. Le langage des jeunes L’existence d’un langage des jeunes est un fait indéniable, étant, sans aucun doute, un phénomène intéressant, d’actualité, un phénomène quasi universel, les jeunes d’un peu partout cherchant une identité à eux, souvent contre la norme courante : danse, musique, tenues vestimentaires, façon de penser, et, bien sûr, façon de s’exprimer ! D’aucuns accusent ce langage de lèse majesté contre les bonnes traditions, alors que d’autres ne vont pas jusqu’à le considérer comme un réel danger, mais plutôt comme une mode, passagère, résultat d’un désir d’affranchissement et d’affirmation … En France par exemple, selon certaines sources, « Les jeunes bousculent la langue française » (titre d’un article paru dans La Croix,16/11/2005) : « Mots mutilés, écriture phonétique, vocabulaire appauvri ... Le ‘français’ des adolescents inquiète les adultes » et encore : « Aujourd’hui, le langage des jeunes s’inspire souvent de la langue des cités, mélange de verlan, de termes empruntés à de vieux argots français, ou aux diverses cultures qui cohabitent dans nos cités […]. » Pour le roumain, qui n’est pas une langue à stratification diaphasique et diastratique tellement marquée que le français, l’existence d’un langage des jeunes ou des adolescents n’est pas quand même contesté ; il devrait « nous inquiéter sans pourtant exagérer » (łanu Pohrib 2010 : 5). Les éléments définitoires en seraient, grosso modo : présence de termes de l’argot et du jargon, les clichés verbaux abondamment utilisés et, non en dernier lieu, l’utilisation du « romglais » (il n’y a presque pas de phrase sans un mot ou deux pris à l’anglais) (cf.www.adevarul.ro/societate/viata/vorbesc-tinerii-combinatie-limbaj-romgleza_0_74993045.html). Une tentative d’analyse dans une perspective purement descriptive (sans aucune intention normative) ne saurait dissocier les divers aspects sus mentionnés, car argot, jargon, néologismes (de forme et de sens, comme on le verra par la suite), surtout anglicismes (mais notre objet d’investigation se doit d’être le français !) devrait tenir compte de tous ces paramètres, dont les éléments s’entremêlent pour constituer le tissu de ce qu’on va appeler, d’une façon quelque peu restrictive, « le langage des jeunes » (d’ailleurs les adultes eux aussi n’en sont pas exempts, les média, etc. en usent et même en abusent …). Certes, l’internet a facilité ce nouveau mode d’expression : abréviations, tendance à simplifier l’écriture, non emploi des diacritiques, abus d’anglicismes, etc., mais la presse écrite et audio-visuelle est à son tour un facteur culturel et éducatif responsable de déviations linguistiques et d’abus : « La grande quantité d’argots et de jargons utilisés même lorsque ce n’est pas le cas rencontrée dans le

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programme des principaux canaux de télévision, mais surtout dans les revues pour les jeunes et sur Internet » mène souvent « à des erreurs de langue et à des abus » (Ibid). 2. Eléments spécifiques La variante stylistique qui fait l’objet de cette communication – à savoir le langage des jeunes – se caractérise, au niveau lexical, par quelques particularités saillantes, dont nous mentionnons : l’emploi des termes de la langue familière, l’argot, le jargon, entre lesquels il est souvent bien difficile de tracer des frontières précises. 1. L’emploi des termes de la langue familière : drag, chestie, pa, ciao, merci, OK, etc. Une mention spéciale pour chestie (var. abrégée de chestiune) du fr. question, lat. quaestio, -onis. Voici ci-dessous les définitions lexicographiques pour ce mot, tirées des principaux dictionnaires du roumain (en particulier le DEX et les dictionnaires de néologismes et d’argot) :

Chestiune, s.f. 1. Problème, thème dont qqn. se préoccupe. 2. Affaire qui nécessite une solution urgente. 3. Question posée à un élève, un candidat. 4. (Fam.) Événement, fait divers.

Mais aujourd’hui chestie est d’un usage très répandu, étant devenu une sorte de mot passe partout, employé comme substitut de n’importe quel autre mot, groupe de mots, idée, etc., apparaissant dans des contextes tels que: - o chestie interesantă (= une chose intéressante), une des plus nombreuses occurrences sur Internet (qu’il s’agisse d’un film, d’une formation de musique, d’une information…); - ce chestie, employé pour exprimer la surprise, l’étonnement, le doute (par ex. www.kudika.ro/comentarii/articol/3346/ce-chestie-de-unde-ai-stiut.html) ou Ce chestie şi cu incălzirea asta globală! (= quelle drôle d’affaire que ce réchauffement climatique) (cf. http://poze.netflash.ro/animale/ce-chestie-si-cu-incalzirea-asta-globala-3987.html); - O chestie murdară (= une sale affaire) (Dilema veche, 3-9/02/2011), avec référence à un bâtiment de valeur historique tombé en ruine (le mot joue ici sur deux valeurs : concrète (le bâtiment même) et abstraite (la négligence des autorités), etc. Chestie est donc devenu une sorte de tic verbal, employé à tout propos. 2. L’emploi des mots argotiques par des groupes sociaux (élèves, étudiants, soldats, artistes, etc.) soucieux d’avoir à leur portée un stock de mots d’un accès plus difficile pour les autres, tout en rendant les messages plus nuancés, plus pittoresques. Quantité de mots argotiques font partie du langage commun, mais, par métaphorisation, ils ont acquis un sens spécial. Tel est le cas du mot bombă employé argotiquement avec deux sens qui dérivent de ceux qui ont été empruntés au français :

Bombă, s.f. 1. Projectile offensif rempli d’explosif. 2. Fig. (Sport) Coup très fort tiré dans la direction de la porte. 3. Fig. (arg.) Événement imprévu qui fait

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sensation (DEX, DN, ARGOU) ; a cădea ca o ~ éclater, tomber comme une bombe (NODEX). 6. Fig. (arg.) Taverne, bistrot (DEX, DER, qui explique ce sens à partir du fr. faire la bombe, faire bombance).

Le fonds lexical argotique se caractérise, entre autres, par les emprunts à d’autres langues, dans le cas de la langue roumaine sont à relever les emprunts au gitan (mişto, nasol, ciordi, hali), mais aussi au français, par ex. abajur (pour mini jupe, cf. ARGOU). L’analogie est évidente est vise la forme: l’abat-jour ne couvre que la partie supérieure d’une lampe (cf. aussi abajurul unei fuste nervoase (= l’abat-jour d’une jupe nerveuse), www.poezie.ro). L’Internet a permis l’apparition et la large diffusion des dictionnaires d’argot en ligne (dictionnaires de langage urbain), qui se sont développés surtout ces dernières années, tel que le DU (www.123urban.ro). Voilà à titre d’exemple une définition de ce dictionnaire :

Paraşutist = profitor, lipici, atârnător (personaj care aterizează inopinat la chefuri, mese - care contribuie cu muştarul la grătarele colective (specie din cămine studenŃeşti, dar nu numai). Exemplu : Paraşutist exersat Nelu ăsta, cum am întins faŃa de masă s-a şi ivit. (= Parachutiste : profiteur, personnage qui atterrit inopinément à des fêtes, festins […] (espèce commune dans les foyeres des étudiants, mais pas seulement). Exemple : Parchutiste expérimenté ce Nelu, il a fait son apparition dès qu’on a mis la table).

3. Un autre élément caractérisant le langage des jeunes est l’emploi des mots de jargon, dans le sens de langage inintelligible, précieux, qui abonde en mots étrangers pris tels quels, donc non adaptés au système graphique ou phonétique du roumain1. De telles créations sont considérées par certains linguistes – parfois de façon globale – comme des emprunts de luxe, parfois comme des barbarismes, employés avec insistance par certains groupes, souvent par snobisme, par commodité, par recherche de l’originalité2. Le jargon actuel est formé avec prépondérance de mots d’origine anglaise (on parle à ce propos d’une avalanche d’anglicismes, surtout après 1989) : hallo, business, cool, darling, bye-bye, O.K., all right, week-end, job, look, speach, supermarket, living, trendy, trendy, thriller, shopping, puzzle, show, feed-back, hobby, job, top, etc., sans pour autant exclure les mots d’autres origines, dont aussi française: a antama, a (se) ambeta, a amorsa, a anvizaja, a bria, a confia, a eflora, a edulcora, bebé, bonsoar, madam, mersi, bonjur, loisir (écrit aussi loazir). 4. Les néologismes. Qu’il s’agisse d’argot ou de jargon, il résulte que l’emploi des néologismes (adaptés ou non au système de la langue réceptrice) est une caractéristique du langage actuel (y compris des jeunes). Employés de manière préférentielle dans les divers milieux linguistiques quelque peu avant-gardistes, avec une large ouverture internationale : science et technique, sport, musique, mode, art, etc., leur rôle est d’enrichir et de moderniser le vocabulaire pour les besoins de dénomination, d’expression et de communication (Lerat 1993: 132).

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Plus précisément ils servent soit à combler «un vide terminologique» (Busuioc 1996: 2), dans le cas d’une première catégorie de termes appelés néologismes dénotatifs ou techniques, soit à nuancer le vocabulaire d’une langue dans le cas des néologismes connotatifs ou stylistiques (catégorie plus vaste et plus hétérogène que la première et incluant des termes d’origine étrangère qui doublent en quelque sorte les mots du fonds traditionnel). Ils sont considérés par certains linguistes, comme on vient de le voir, comme des emprunts de luxe, ce qui n’est vrai que partiellement (voir par exemple le cas des emprunts récents au français et plus particulièrement à l’anglais, dans la presse roumaine actuelle, dans diverses terminologies, dans la conversation quotidienne)3. Les néologismes ne sont donc pas l’apanage des jeunes, mais ils trouvent dans les parlers des jeunes un milieu favorable d’épanouissement. Rappelons que ce phénomène comporte deux aspects majeurs : la néologie de forme (création de mots nouveaux ou emprunts) et la néologie de sens (mot, expression existant dans une langue donnée mais utilisé(e) dans une acception nouvelle. 3. Analyse sémantique Dans la dernière partie de cette communication, nous voudrions justement illustrer la manière dont des mots roumains empruntés au français ont enrichi leur contenu sémantique sur le terrain de la langue roumaine, notamment dans un contexte ‘argotisant’. Il s’agit plus précisément de deux mots qui expriment un degré d’intensité fort: beton et bestial. Ceux-ci ont connu des glissements de sens particulièrement intéressants, comme expression d’une attitude subjective, témoignant d’une participation dynamique des locuteurs. 3.1. Beton Voici la définition lexicographique de beton, s.n. (du fr. béton), fournie par les dictionnaires explicatifs du roumain :

Beton, s.n. 1. Matériau de construction à grande résistance, obtenu par liaison d’agrégats divers (pierres, sable, etc.) au moyen de pâtes faites de ciment, chaux, etc., et d’eau ◊ beton armat = béton armé. 2. (Sport) Système de défense utilisé dans certains jeux sportifs (surtout football).

Dans le dictionnaire de l’ARGOT figure l’adjectif beton, avec trois

acceptions: 1. Solide, indestructible. 2. (Sport. football) Impénétrable. 3. Formidable, excellent. Donc, en roumain, tout comme pour l’étymon français, le sens de base est de «matériau de construction à grande résistance […]». Le mot s’emploie également dans le langage sportif, pour désigner une défensive super agglomérée : (1) Real are apărare beton (= Real a une défense béton) (Prosport, 16/01/2010). (2) Ne trebuie o apărare ‘beton’ (= Il nous faut une défense ‘béton’) (www.presaonline.com/stiri/stiri-locale/ne-trebuie-o-aparare-beton-739328.html).

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À partir de l’analogie avec le sport, o apărare beton (= une défense ‘béton’) désigne une plaidoirie extraordinaire des avocats, comme dans l’exemple suivant: (3) Asistenta cu un avocat bunicel are o apărare beton (= L’assistante avec un bon avocat bénéficie d’une défense ‘béton’) (www.evz.ro/detalii/stiri/o-priza- incinsa-cauza-tragediei-de-la-giulesti-908022.html). Un sens qui a circulé et circule encore parmi les jeunes est celui de «extraordinaire, formidable», sens attestés par le MDN et ARGOU, et provenant, indubitablement, de l’analogie avec le béton en tant que matériau de construction : résistance, dureté, fiabilité. De même, on peut lire dans le DU: Ceva de calitate, superlativ în general, poate fi folosit şi cu forma maximă: beton de beton. (= Quelque chose de qualité, superlatif en général, peut s’employer aussi avec la forme maximale béton de béton). Exemple: Eşti beton! (= tu es béton). Le mot entre en rapport de synonymie, selon la même source, avec : marfă (= marchandise), s.f. et les adjectifs mişto, fain, frumos, super, foarte tare, bestial, fantastic¸ mais beton conserve ses traits sémantiques particuliers, renvoyant, en tout premier lieu, à l’idée de dureté, de force. Dans cette acception, beton peut s’appliquer à n’importe quoi : une personne, une pièce vestimentaire, une production artistique, un plat, un événement, comme les exemples ci-dessous l’attestent: (4) Unde să ai un CV beton pe care să-l vadă mii de angajatori? (= Où mettre un CV ‘béton’ que des milliers d’employeurs puissent voir ?) (www.campusnews.ro/stiri-oferte_joburi-7252809-unde-beton-care-vada-mii- angajatori.htm). (5) Radu, contract beton la Lazio. Vezi cât va cîştiga fundaşul în următorii cinci ani! (= Radu, contrat ‘béton’ avec Lazio. Voir combien gagne l’arrière dans les cinq années à venir) (Gazeta sporturilor, 3/01/2011). (6) Zodiac beton (www.scribd.com/doc/932814/Zodiac-beton). (7) O analiză politică beton (= une analyse politique ‘béton’) (Ioan T. Morar, Academia CaŃavencu, 22/06/2010). (8) Robin and the Backstabbers, o trupă ‘beton’ din noul val (Arte. Jurnalul, 18/09/2010, cf.www.jurnalul.ro/timp-liber/arte/robin-and-the-backstabbers-o- trupa-beton-din-noul-val-554834.html) (= Robin and the Backstabbers, une troupe ‘beton’ de la nouvelle vague). (9) Beton spectacolul (= ‘béton’, le spectacle) (www.muzica.metropotam.ro/Cronici-de-concerte/2010/01/art5023015168- Concert-Bobby-McFerrin-la-Sala-Palatului/?showadd=). Nous avons aussi relevé sur Internet de très nombreuses occurrences du syntagme o tipă beton (= une gonzesse béton), c’est-à-dire «bien faite, sexy» (cf. www.academiaderas.ro/o-tipa-super-beton), etc. Et les exemples pourraient continuer, preuve de la grande vitalité et de l’expressivité de ce mot qui, de substantif concret, est devenu un qualifiant intensif. Le mécanisme de l’analogie a joué, selon nous, dans deux directions: d’une part,

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des sèmes «solide, résistant» vers «sans faille, inattaquable» (cf. CV beton, apărare beton, analiză beton, etc.) et, de l’autre, du sème sous-jacent «de bonne qualité, fiable» vers «excellent, formidable» (tipă beton, serată beton, spectacol beton, etc.).

Il résulte que dans le cas du mot roumain beton, le substantif a pris les fonctions d’un adjectif qualificatif. Il faut cependant remarquer que ce glissement métaphorique en roumain d’un mot emprunté au français s’est réalisé également dans la langue source, quoique sans la même envergure. On le trouve avec fonction attributive: arguments bétons «solides, irréfutables» (GRLF). On lit de même, dans le NDLV, sous béton: adj. Indiscutable, inébranlable, plus que fiable. «Il semble donc que la ré-grammaticalisation en adjectifs de certains substantifs ayant un sens métaphorique qualificatif est une tendance commune, au moins aux deux langues dont nous nous occupons ici.» (Iliescu et al., 2010). 3.2. Bestial

Bestial est en roumain un adjectif à étymologie multiple (du fr. bestial, lat. bestialis). Le fr. bestial, attesté selon le TLFi en 1190 avec le sens de «qui tient de la bête», est un emprunt au lat. chrét. bestialis (IVe s.), de même sens. Toutes les acceptions de l’adjectif français se rattachent au sens étymologique:

Bestial, -e, adj. 1. (En parlant d’un animal ou de l’homme primitif) Qui tient de la bête, qui appartient à la bête : Instinct bestial. 2. Péj. (En parlant de l’homme) Qui fait ressembler l’homme à l’animal (par son physique ou son comportement ; par ses penchants moraux, son manque de spiritualité ; par son manque d’intelligence, sa stupidité) : fureur bestiale ; amours bestiales ; joie bestiale.

Le GRLF fait encore la remarque que bestial implique en général la violence, la cruauté ou la stupidité et l’aveuglement, surtout moral. Les synonymes indiqués pour le fr. bestial: animal, barbare, brut, brutal, grossier, inhumain, sauvage (DLF). Tous ces sens et emplois se retrouvent aussi dans le mot roumain bestial, défini par les dictionnaires de la façon suivante:

Bestial, -ă, adj. 1. Qui tient de la bête, qui appartient à la bête ; d’une cruauté féroce ; sauvage. 2. (En parlant des personnes) Avec des manifestations de bête. 3. (En parlant des manifestations des personnes) Propre aux bêtes ; de bête ; brutal, grossier, inhumain, sauvage ; furie ~ă (= fureur bestiale). Cu purtări ~e (= avec un comportement bestial).

Dans les deux langues considérées, tout a donc trait à la bête sauvage, à son comportement, à son manque de spiritualité, à sa cruauté et s’applique aussi bien à l’animal qu’à l’humain.

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D’autant plus intéressante nous semble l’emploi récent de ce mot, dans l’argot des jeunes: ok, bun, mişto, de calitate, care întrece aşteptările, fenomenal (DU) (= ok, bon, super, de qualité, qui dépasse les attentes, phénoménal). Bestial a donc acquis un sens nettement positif. Mais comment est-il arrivé à avoir une connotation positive vu son sens usuel qui est, au contraire, comme on l’a vu, plutôt négatif ? Ni en français, ni en anglais, par exemple, l’adjectif en question n’a connu une telle appréciation sémantique4. Rodica Zafiu relève la tendance des mots argotiques à exprimer le superlatif par l’idée de négativité, employée comme moyen de renforcement : mortal, criminal, bestial, de comă (2010: 67). En ce qui nous concerne, nous avançons l’hypothèse que ce glissement, dans le cas de bestial, pourrait provenir du langage des groupes de hard rock, surtout sous sa forme extrême, le heavy metal, musique « aux sonorités lourdes et épaisses, centré sur les impulsions de la batterie et de la guitare à la distorsion très amplifiée » (www.fr.wikipedia.org/wiki/Heavy_metal_(musique). La glorification des instincts sauvages, la proclamation, sous-jacente, de la bête comme modèle de force peut expliquer la prédilection pour des titres d’albums tels que Bestial Devastation (metal band Sepultura) (http://en.wikipedia.org/wiki/Bestial_Devastation). Le Urb.Dic., dictionnaire analogue à celui du roumain (le DU), nous a fourni un contexte où bestial s’applique au physique d’une personne : An irresistable man's man who seduces women with his witticisms and more notably with his extraordinarily handsome yet bestial looks, ce qui indique, mais dans une mesure beaucoup plus réduite qu’en roumain, une tendance évolutive vers l’expression d’un degré d’intensité, connoté positivement. Mais en roumain bestial est d’un très large emploi5, on peut le rencontrer dans des contextes nombreux et variés. En voilà des exemples fournis par le DU, avec le contexte qui permet de décoder le sens de l’adjectif et ses connotations positives: (10) Îmbrăcămintea ‘inteligentă’ se asortează la celularul ‘bestial’ - Haine care se luminează şi îşi schimbă culoarea in funcŃie de emoŃiile pe care le simŃim (= les habits ‘intelligents’ s’assortissent bien avec le portable ‘bestial’ – des habits qui s’éclairent et changent de couleur en fonction de nos émotions). (11) Iron Maiden, show 'bestial' la Bucureşti - Luni seara greii rockului mondial au oferit fanilor români un spectacol perfect : sunet, lumini şi decoruri pregătite în cel mai mic detaliu. (= Iron Maiden, show ‘bestial’ à Bucarest – lundi soir les durs du rock mondial ont offert à leurs fans un spectacle parfait : sonorité, lumière et décors préparés dans le moindre détail). (12) Loredana : E bestial să fii măritată! Eşti protejată, eşti în siguranŃă, eşti în echilibru! (= c’est ‘bestial’ d’être mariée ! on est protégée, on est en sûreté, on est en équilibre). ou par l’Internet. Nous croyons intéressant, à cet égard, de reproduire les phrases d’un jeune blogeur roumain qui parle de sa ville, Iassy, qu’il admire et aime bien

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d’ailleurs, en la caractérisant à plusieurs reprises de bestiale6. L’adjectif en question y apparait seulement comme caractérisant de la ville: de ce oraşul meu ar fi unul bestial (= pourquoi ma ville serait ‘bestiale’), Iaşul e bestial (Iassy est ‘bestial’), de ce oraşul vostru e bestial (= pourquoi votre ville est ‘bestiale’). Si l’on examine les occurrences de l’adjectif en question, on voit qu’il se trouve toujours en compagnie de mots appréciatifs et dans des contextes d’où se dégagent des impressions favorables, qui décrivent une situation agréable, etc.: cele mai frumoase momente din viaŃa mea (= les plus beaux moments de ma vie), cele mai frumoase construcŃii din România (= les plus beaux édifices de Roumanie), zeci de zâmbete (= des dizaines de sourires), e absolut fantastic (= c’est tout-à-fait fantastique), aici sunt majoritatea prietenilor (= là c’est la majoritè des amis), etc. D’autres adjectifs exprimant un degré fort d’intesité relevés dans le même texte sont : tare (Iaşul e cel mai tare oraş) et mişto (cel mai mişto parc, Copou). C’est un échantillon représentatif pour la façon d’écrire d’un ado roumain, assez cultivé et très décent. L’amour pour sa ville est sincère, nettement exprimé, et l’adjectif bestial n’y fait pas figue d’intrus7.

4. Quelques conclusions Nous précisons pour finir que les distinctions entre les différentes catégories

avec lesquelles nous avons opérées: langage familier, jargon, argot est difficile, sinon impossible à réaliser. De nombreuses confusions sont à relever aussi dans les dictionnaires, fussent-ils explicatifs, de néologismes ou d’argots, qui indiquent, pêle-mêle, «des termes populaires, régionaux, familiers, des créations journalistiques de dernière heure» (Zafiu 2010: 23). Quoi qu’il en soit, le langage des jeunes adopte des mots et expressions appartenant à ces variantes linguistiques, est marqué par de nombreux emprunts à des langues étrangères, fait preuve de beaucoup d’originalité (évolutions sémantiques intéressantes et souvent inédites), se renouvelle avec rapidité, exprimant «la solidarité de génération, le besoin d’être à l’intérieur du groupe et, surtout, le désir d’être à la mode» (idem: 17). * Gabriela Scurtu, Communication présentée au Séminaire International Universitaire de Recherche La jeunesse francophone et ses contextes. Dialogues des langues et des cultures, Craiova, 21-22 mars 2011. NOTES 1. Le terme de jargon désigne aussi les langages spécialisés des professions, « code linguistique particulier à un groupe socio-culturel ou professionnel, à une activité » (in TLFi). 2. Dans l’évolution de lexique du roumain se sont contourés plusieurs jargons, dénommés d’après les mots étrangers utilisés : turc, grec, latinisant, français. 3. À titre d’exemple, on peut citer le grand linguiste roumain Iorgu Iordan (1954), qui relevait dans la presse roumaine d’entre les deux guerres une série de mots empruntés au français « qui ne correspondaient à aucune nécessité » : aberant (du fr. aberrant), abhorat (du fr. abhorré), alert (du fr.alerte), angoasă (du fr. angoisse), aviva (du fr. aviver), bulversa (du fr. bouleverser), claca (du fr. claquer), compozit (du fr. composite), confesa (du fr. confesser), cozerie (du fr. causerie), curonament (du fr. couronnement), devanseur (du fr. devanceur), diurn (du fr. diurne), dompta (du fr. dompter), efasa (du fr. effacer), flana (du fr. flâner), flaterie (du fr. flatterie), etc. Mais si l’on examine aujourd’hui, donc plus d’un demi-siècle plus tard ces formations, l’on doit remarquer que beaucoup

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sont aujourd’hui parfaitement intégrées dans le roumain courant, étant consignés par les dictionnaires explicatifs ou de néologismes : aberant, alert, angoasă, a aviva, a claca, compozit, a confesa, diurn, etc., alors que d’autres (a dompta, a efasa) sont ressentis comme des mots étrangers (‘franŃuzisme’) ou bien ont été éliminés de l’usage (devanseur). 4. En ang. bestial est un adjectif défini comme « brutal, barbarous, beasty, brutish », donc les sens qu’il a aussi en français (cf. OED). 5. Il faut noter qu’on enregistre dans le cas de l’italien bestiale la même évolution sémantique : « bestiale... anche, con connotazione positiva, straordinario, eccezionale: divertimento, successo bestiale » (VLI). 6. Iaşul – un oraş bestial Sorin Grumăzescu mă atenŃionează în mod involuntar să mai scriu pe blog, întrebându-mă de ce oraşul meu ar fi unul bestial. Ideea e că este un oraş bestial, doar că nu ştiu dacă ale mele cuvinte l-ar putea caracteriza în totalitate. Pentru mine, Iaşul e cel mai tare oraş pentru că aici trăiesc de vreo 15-16 ani. Aici am trăit şi încă mai trăiesc cele mai frumoase momente din viaŃa mea. Aici pot admira una dintre cele mai frumoase construcŃii din România – Palatul Culturii. Pot vedea oricând zeci de zâmbete în PiaŃa Unirii, unde copii se joacă şi aleargă după porumbeii ce stau mai tot timpul în această zonă. Mă pot plimba şi alerga prin cel mai mişto parc, Copou. Din zone precum Galata sau Bucium / Păun / Releu pot să privesc de la distanŃă întreg oraşul – pe seară e absolut fantastic. Pot să urc cu bicicleta până la aeroport, iar pe drum să mă opresc amintindu-mi cât e de frumos Ciricul. Iaşul e bestial pentru că aici sunt majoritatea prietenilor. Tot aici este cea mai activă comunitate de bloggeri din regiune – nişte oameni cu care mă văd aproape săptămânal şi cu care mă distrez oricând îi întâlnesc. Iaşul înseamnă copilăria mea. Iar copilăria e cea mai frumoasă perioadă din viaŃă, nu? Nimic nu s-ar putea compara cu săptămânile de la Ńară în care nu aveam nicio grijă şi făceam mai de toate : călăream calul, mă plimbam cu (,) căruŃă (care o dată a şi căzut peste mine, fiind plină cu fân), pescuiam, jucam fotbal non-stop, mă duceam cu bunicul la stână, stăteam şi făceam locuri de scăldat prin râuri, etc. Iaşul reprezintă totul şi va reprezinta cel puŃin încă vreo trei ani de acum încolo. Aş putea să mai adaug în acest articol că există pârtie, patinoar, ştrand şi alte locuri de distracŃie de genul, dar eu nu prea am profitat de ele :-) Aştept să îmi spuneŃi şi voi pe blogurile voastre sau prin comentarii la acest articol de ce oraşul vostru e bestial. (www.danyblog.com/2010/05/iasul-oras-bestial.html) 7. Voir aussi l’évolution sémantique du fr. génial, qui connait, au contraire, un affaiblissement du sens, de « qui a du génie » à « fameux » (cf. ARGOT – FAMILIER : « cette zone, la bouffe pas géniale (dans les gargotes) », avec des synonymes comme : chouette, extraordinaire, fabuleux, formidable, ingénieux, intelligent, prodigieux, sensationnel, super (DLF). BIBLIOGRAPHIE Etudes Iordan, Iorgu (1954), Limba română contemporană. Manual pentru instituŃiile de

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