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www.japan-expo.com LE FESTIVAL DES LOISIRS JAPONAIS PARC DES EXPOSITIONS DE PARIS-NORD VILLEPINTE DU 30 JUIN AU 3 JUILLET 2011 w ww .j .ja jap apa pan an n- -e ww w w. w ex exp xpo po o.co com om UILLET 2011 J U 30 JUIN AU 3 OSITIONS DE P D ARC DES EX ARIS- OSITIONS DE P UIN P D XP P UILLET 2011 ORD VILLEPINTE INTE P LLE N ARIS- Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon www.zoomjapon.info CINÉMA Ça va changer gratuit numéro 11 - juin 2011 entretiens exclusifs avec Kurosawa Kiyoshi, Kôra Kengo

ZOOM Japon 11

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Zoom Japon, numéro 11 (juin 2011)

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LE FESTIVAL DES LOISIRS JAPONAIS

PARC DES EXPOSITIONS DE PARIS-NORD VILLEPINTEDU 30 JUIN AU 3 JUILLET 2011www j.j.jajapapapanann--ewwww.japan-expo.comw exexpxpopoo.cocomomUILLET 2011JU 30 JUIN AU 3

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entretiens exclusifs avecKurosawa Kiyoshi, Kôra Kengo

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éDITO Un an déjà

Il y a un an, le premiernuméro de Zoom Japonfaisait son apparition.Depuis son lancement,l’actualité au Japon a étéparticulièrement forte.

Toute l’équipe a essayé de vous la rapporterle plus fidèlement possible, en portant sonregard sur des sujets peu couverts par les médiasfrançais. Voilà pourquoi dans ce numéro, nousnous intéressons à la presse locale dans les zonessinistrées pour souligner le rôle fondamentalqu’elle a joué au lendemain du séisme. C’estaussi la raison pour laquelle nous vous propo-sons de faire un état des lieux du cinéma japo-nais avec les témoignages directs des princi-paux acteurs du secteur. En espérant que vouscontinuerez à nous lire et nous soutenir dansnotre démarche informative.

LA RÉ[email protected]

ZOOM ACTU

FUkUSHIMA La faute auxsecousses sismiques L’accident à la centrale de Fukushima Dai-

ichi, en particulier au niveau du réacteur

numéro un, serait la conséquence directe

du séisme et non du tsunami qui avait

noyé les moteurs diesel indispensables

pour le refroidissement. Les spécialistes

expliquent que des niveaux de radiation

anormaux ont été relevés juste après le

tremblement de terre du 11 mars.

pOLITIqUE Le courage deKAN NaotoLe Premier ministre a obtenu de Cepco,

l’entreprise qui gère la centrale de

Hamaoka (cf. Zoom Japon, n°10), l’arrêt

de son fonctionnement. Une nouvelle qui

ravit les Japonais. 66,2 % d’entre eux

soutiennent KAN Naoto dans sa démarche

et 47 % souhaiteraient que le Japon

continue son désengagement à l’égard de

l’énergie nucléaire.

Tel est le pourcentage

d’économie d’énergie

que les entreprises japonaises devraient

pouvoir atteindre cet été. Depuis le séisme

du 11 mars et l’arrêt de la centrale de

Fukushima, le gouvernement encourage

les sociétés à trouver des solutions pour

réduire au maximum leur consommation.

15%

U n jOUR AU jApOn

Malgré les répliques qui restent nombreuses, les nouvelles peu rassurantes en provenance de la cen-trale de Fukushima Dai-ichi, les Tokyoïtes tentent de retrouver une vie normale. Ils sont nombreux àse rendre sur le site du nouvel édifice géant de la capitale qui mesure 634 mètres.

Retrouvez d’autres photos du collectif Sha-dô sur www.shadocollective.com

Le 16 mai 2011, au pied de Tokyo Sky Tree

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Couverture : Au cinéma Human Trust à Shibuya le 11 mai 2011

2 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

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ZOOM ACTU

Pour éviter une coupure catastrophique, la population est incitée à réduire nettementsa consommation d’électricité.

L ’été 2010 avait été particulièrement chaud auJapon. Des records de température avaient étéenregistrés, mais les Japonais avaient pu pro-

fiter au maximum des climatiseurs dans les bureaux ouà leur domicile pour combattre cette canicule. Rien nedit que l’année 2011 sera aussichaude du point de vue des tem-pératures. Toutefois, une grandepartie de la population sait d’oreset déjà qu’elle aura à souffrir dela chaleur, car l’air conditionnésera utilisé au minimum pourcause de setsuden (réduction dela consommation d’électricité).Conséquence directe de l’acci-dent à la centrale de FukushimaDai-ichi qui s’est produit aprèsle séisme du 11 mars, la pénu-rie d’électricité a frappé la moi-tié orientale du Japon, notam-ment la région de Tôkyô, qui adû faire face dans un premiertemps à une série de coupures decourant. Celles-ci touchaient àtour de rôle des quartiers où lapopulation devait apprendre à vivre à la lueur des bou-gies. Elles se traduisaient aussi par une réduction dutrafic ferroviaire, entraînant de nombreux désagréments.Progressivement, les autorités ont révisé leur approche,invitant les Japonais à se familiariser avec la notionde setsuden au nom de la solidarité nationale. Plusieurs

campagnes de sensibilisation ont été lancées dans lessemaines qui ont suivi la catastrophe. Entreprises etparticuliers doivent adopter de nouvelles règles de vieafin de réduire au maximum leur consommation élec-trique et ainsi éviter le chaos. Une surconsommationentraînerait une paralysie du réseau et bloquerait l’en-semble du pays. Ce n’est cependant pas évident à met-tre en application puisque, depuis des années, le toutélectrique est devenu la norme dans l’archipel. L’exem-

ple est d’abord donné par lesentreprises comme Toyota quifermera ses usines les jeudis etvendredis et fera travailler sesouvriers le week-end, périodeoù les pics de consommationsont moins élevés. Les particu-liers sont incités à utiliser lemoins possible leurs appareilsélectriques. Dans l’arrondis-sement d’Arakawa, à Tokyo, unconcours va être mis en placepour permettre aux personnesqui auront réduit de 20 % leurconsommation de remporterdes cadeaux. On encourageégalement les salariés à s’habil-ler léger et abandonner le cos-tume classique pour se rendreau travail. Lancée il y a

quelques années pour d’autres raisons, cette mode ducool biz (cool business, tenue décontractée) revient enforce cette année. On parle d’ailleurs de setsuden bizpour rappeler que la motivation pour s’y conformern’est pas la même et qu’en arrière plan se joue l’avenir dupays. Rien que ça. GABRIEL BERNARD

TEnDAnCE Un été 2011chaud, chaud, chaud…

“Mets de la lumière dans ton cœur”. Slogan qui

invite les Japonais à économiser l’énergie.

juin 2011 numéro 11 ZOOM JAPON 3

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4 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

ZOOM ACTU

L ’actualité française de ces derniers jours s’estconcentrée sur le sort de Dominique Strauss-Khan. On a ainsi pu suivre en direct les déboires

de l’ancien patron du Fonds monétaire international avecla justice américaine grâce notamment à Twitter. Les jour-nalistes présents dans la salle d’audience pouvaient ainsiinformer minute par minute des décisions prises par lejuge. Dans notre monde hypermédiatisé, nous n’avonsmême pas été surpris de constater que l’envoyé spécial quiattendait devant le tribunal était lui-même tributaire destweetsde son collègue installé à quelques mètres de lui dansla salle des débats. Nul doute que nous aurons désormais

bien du mal à nous passer de cette immédiateté à l’ave-nir dès qu’un événement important se déroulera quelquepart dans le monde. Pourtant, il faut se rendre à l’évidence :certaines situations ne permettent pas de répondre à cebesoin de rapidité. La catastrophe du 11 mars est venuenous le rappeler. Ce jour-là, sur la côte nord-est du Japon,la violente secousse de magnitude 9 (initialement évaluéeà 8,8) et le tsunami qui l’a accompagnée ont réduit à néantla plupart des infrastructures à commencer par l’électri-cité et les réseaux de télécommunication. En l’absence d’ou-tils modernes, on en est revenu aux bonnes vieilles mé-thodes du journalisme avec le stylo et le papier. A Ishi-nomaki, cité portuaire qui a subi de plein fouet la vaguemeurtrière, le quotidien local Ishinomaki Hibi Shimbunn’était plus en mesure d’informer ses lecteurs via son siteInternet ou même d’imprimer quoi que ce soit. Ils ont donc

Au Japon, la presse régionale joue un rôleimportant. Les événements tragiques demars l’ont une nouvelle fois démontré.

MéDIAS Irremplaçables journaux locauxsorti de grandes feuilles de papier et composé un quoti-dien ex-nihilo (voir Interview de son directeur p. 5) enécrivant des articles et en les recopiant pour les distribuerdans les centres d’évacuation. “La particularité des jour-naux locaux, c’est qu’ils sont en mesure de répondre au be-soin d’information des sinistrés avec des données précises quel’on récolte et vérifie avant de les publier”, confirme KATô

Takuya, directeur de la rédaction du Fukushima Minyû,quotidien de la ville de Fukushima située à une soixan-taine de kilomètres de la centrale nucléaire du même nomqui est rapidement sous les feux de l’actualité. Quand oninterroge les responsables de ces publications locales, laplupart d’entre eux insistent sur le service à rendre au pu-blic, en lui donnant un maximum d’informations précisesqui lui permettra de se forger son opinion. “Dans le casde l’accident à la centrale de Fukushima Dai-ichi, il ne s’agis-sait pas pour nous de passer pour le bulletin officiel des au-torités préfectorales ou nationales. Nous avons écrit des ar-ticles après avoir évalué et contrôlé les informations que l’onnous fournissait. Sur le sujet sensible des radiations, alorsque tous les chiffres n’étaient pas fournis au niveau natio-nal, nous avons pu apporter des données concrètes à nos lec-teurs après avoir enquêté sur place”, ajoute KATô Takuya.Une démarche que revendique aussi NOzAwA Tatsuya,patron de l’Iwaki Minpô. Ce dernier se montre aussi trèssévère à l’égard des grands médias nationaux dans la ma-nière dont ils ont couvert le terrain. “Suite à l’accident àFukushima Dai-ichi, les journalistes des principaux médiasont quitté Iwaki (située à 45 kilomètres au nord de la cen-trale). Du coup, les informations sur la situation autour dela centrale ont quasiment disparu des télévisions et des co-lonnes des grands journaux. Par ailleurs, comparée àd’autres zones, Iwaki a été moins touchée. Il n’y avait doncpas d’images fortes à montrer, pas de bateau sur le toit d’unimmeuble par exemple. Nous sommes restés et nous avonsaccompli notre travail consciencieusement. Pour moi, l’idéenoble que je me faisais des grands médias a disparu avec cettecatastrophe”, explique-t-il avec amertume. Au Kahoku

Le 11 mars, quelques minutes aprèsla violente secousse et l’arrivée dutsunami, le Kahoku Shimpô, princi-pal quotidien de Sendai, publiaitune édition spéciale (gôgai) an-

nonçant que la préfecture de Miyagiavait été frappée par un très violentséisme. plus au sud, le Fukushima Mi-nyû évoquait dans son édition du12 mars la situation d’urgence à la

centrale de Fukushima. De soncôté, l’Iwaki Mimpô soulignait lemême jour qu’il s’agissait du trem-blement de terre le plus fort jamaisenregistré dans l’archipel.

Dans les heures qui ont suivi le séisme…

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ZOOM ACTU

Shimpô, principal quotidien de Sendai, ville d’un milliond’âmes fortement touchée par le séisme, la plupart des ef-forts ont porté sur le reportage sur le terrain. “Dans ce genrede situation, le papier reste le meilleur moyen d’être informé”,affirme AIDA Saburô, l’un de ses administrateurs. Mal-gré le chaos qui régnait alors, le Kahoku Shimpô n’a pascessé ses activités. Dans les minutes qui ont suivi le trem-blement de terre une édition spéciale a été distribuée gra-tuitement dans la ville. “Nous avons ensuite été à la ren-

contre des sinistrés pour recueillir leurs témoignages et éva-luer les dégâts différents d’un quartier à l’autre. Toutefois,il ne s’agissait pas de faire du catastrophisme, notre optiquea été plutôt d’aider à surmonter la catastrophe elle-même,en fournissant des informations pratiques, et de nous pro-jeter vers l’avenir. Plusieurs de nos articles ont d’ailleurs étérepris par d’autres journaux du pays, ce qui a permis de fa-ciliter les actions entreprises pour venir en aide aux régionstouchées”, ajoute AIDA Saburô. Le travail réalisé par ces

titres de la presse régionale a permis de combler de fa-çon efficace l’absence de tous ces nouveaux outils de com-munication vis-à-vis desquels nous sommes devenus dé-pendants. “Vivre sans électricité ou sans eau et avec un mi-nimum de nourriture, ce n’est pas évident, mais vivre sansaccès à l’information, c’est pire que tout”, explique un ha-bitant d’Ishinomaki qui se fécilite des efforts consentispar son journal local pour maintenir le fil de l’info.

ODAIRA NAMIHEI

Avec 3014 morts (au 21 mai 2011), la villed’Ishinomaki a été durement touchée parle séisme et le tsunami du 11 mars. Le prin-cipal quotidien de la cité a joué un rôleimportant dans les jours qui ont suivi.

Que s’est-il passé au journal juste aprèsle séisme ?ÔMI Kôichi : nous avons réfléchi à la ma-nière dont nous pouvions réagir alors queles principaux relais avec les sinistrésétaient coupés. nous avons décidé de réa-liser et d’afficher un journal écrit à lamain dans lequel nous rapporterionsquelques informations clés et apporterionsun peu de réconfort aux victimes.

Quels ont été les dégâts au niveauhumain et matériel pour votre journal ?Ô. K. : Le bâtiment a été en partie sub-mergé par la vague. Sur nos trois rotatives,une a été endommagée. Sur le planhumain, un de nos reporters s’est retrouvéprisonnier des flots. Il a néanmoins réussià s’accrocher à des débris et pu être sauvéle lendemain par un hélicoptère. Un autrede nos journalistes a tenté d’échapper autsunami en voiture pour aller se réfugiersur les hauteurs. “J’ai eu l’impression d’êtrepris en sandwich entre la montagne et lestonnes de débris charriées par les flots plu-tôt que de pouvoir être avalé par le tsunami”,nous a-t-il raconté. Il a eu la peur de sa vie.

quand l’eau a commencé par se retirer,j’ai pris une bicyclette pour aller évaluer lesdégâts dans la ville avant de revenir et dedécider ce que nous allions faire. Après lapublication de notre journal manuscrit,trois employés ont passé la nuit dans leurvoiture et les autres ont trouvé refuge dansun centre d’évacuation.

Quelle a été votre politique en matièred’information après le séisme et com-ment vos lecteurs y ont réagi ?Ô. K. : Comme nous étions nous-mêmesdes victimes, il nous a semblé indispen-sable de rapporter une information claireet précise sur ce qui était arrivé. Les sinis-trés dont nous faisions aussi partie souhai-taient comprendre ce qui s’était passé cejour-là à 14h46. Cela passait d’abord parune information vérifiée qui rapporte laréalité de la situation. nous avons tout faitpour y parvenir afin d’éviter que la publi-cation d’informations non vérifiées entraînela confusion voire la panique. Le seul faitd’avoir publié ce journal manuscrit a étébien reçu par la population et cela a donnédu crédit à notre travail.

En cas de catastrophe, quelle doit êtrela mission première d’un journal ?Ô. K. : puisque le séisme et le tsunami onttouché notre région, notre principale mis-sion a été d’en rendre compte auprès des

victimes et des personnes vivant à l’exté-rieur de la zone. Comme je l’ai déjà dit,cela passe par la publication d’informa-tions confirmées. Mais notre rôle est éga-

lement de relayer les communiqués offi-ciels, de rapporter la situation dans les cen-tres d’évacuation, en publiant le nombredes personnes concernées et en dressantune liste précise district après district. Il fal-lait aussi évaluer les besoins pour l’aveniret informer sur l’état réel des infrastruc-tures qui varie d’un endroit à un autre.

Des voix comme celle du maire de laville de Minami Sôma ont critiqué lesgrands journaux dans leur façon defaire leur travail. Qu’en pensez-vous ?Ô. K. : En dehors des zones sinistrées, lesjournaux se livrent à une forte concurrencedont l’élément déterminant est la vitesseà laquelle ils publient une information.Voilà pourquoi les reportages réalisés partéléphone ne permettent pas d’évaluercorrectement la réalité de la situation. Biensûr cette façon de procéder convient auxlecteurs situés dans les régions qui n’ontpas été touchées, mais je comprends lacolère de ceux qui, comme le maire deMinami Sôma, s’insurgent contre cesméthodes. Il est indispensable de se dépla-cer dans les zones touchées pour mesurerl’ampleur réelle des destructions. Lesmédias locaux comme le nôtre n’ont pasla même approche de la question. nousdevons répondre aux besoins des lecteurssinistrés.

PROPOS RECUEILLIS PAR O. N.

ÔMI Kôichi, directeur de l’Ishinomaki Hibi Shimbun

I nTERVIEw

Edition spéciale de l’Ishinomaki Hibi

Shimbun du 12 mars entièrement rédi-

gée à la main et affichée sur les murs du

journal. En haut, à gauche, on peut lire

en rouge “Agissons en fonction des infor-

mations vérifiées”.

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6 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

L ’avènement du numérique a très sensiblementdiminué les coûts de production et favorisé l’émer-gence de nouveaux réalisateurs. Toutefois, une

bonne partie des films que l’on diffuse aujourd’hui dansles salles de cinéma sont des productions bas de gammequi tendent vers une certaine uniformisation. Désormais,on ne présente pratiquement plus d’œuvres originales etinnovantes comme il en existait à la fin des années 1960et au début des années 1970. Depuis que j’ai réalisé DograMagra en 1988, les possibilités de tourner se sont éva-nouies pour moi”.C’est en ces termes que le cinéasteMATSUMOTO Toshio, une des figures de l’ATG (ArtTheatre Guild of Japan), résume la situation du cinémajaponais actuel. La Maison de la culture du Japon àParis lui rend notamment hommage du 7 juin au23 juillet dans le cadre d’un cycle consacré à cette asso-

ciation de cinéastes qui a beaucoup contribué à l’ex-ploration de nouveaux territoires cinématographiques.Comme d’autres, MATSUMOTO Toshio constate avecun peu d’amertume les changements observés au coursdes deux dernières décennies et qui onttotalement bouleversé le monde ducinéma. D’une part, le nombre d’écransa pratiquement doublé en 20 ans. En1990, on en avait recensé 1 836. Fin2010, ils étaient 3 412 dans tout l’archipel. Cette infla-tion d’écrans s’explique en grande partie par la multi-plication des complexes cinématographiques (shine-kon) dont le nombre n’a cessé de croître depuis 2000.A l’époque, sur les 2 524 écrans, 1 123 appartenaientà des complexes. A la fin de l’année dernière, sur les3 412 écrans, 2 774 faisaient partie d’établissementsmulti-salles où l’on se rend pour voir des films, maissurtout consommer des spectacles dont MATSUMOTO

Toshio dénonce le côté uniforme. Parallèlement à l’aug-mentation du nombre d’écrans, on a constaté un quasi

doublement des sorties de films japonais. En 1990, ily en avait eu 239. Vingt ans plus tard, 408 productionsjaponaises ont été projetées dans les salles obscures del’archipel. Dans le même temps, le nombre de films

étrangers distribués a baissé, passant de465 en 1990 à 308 en 2010. A premièrevue, c’est une bonne nouvelle de voir lesproductions nationales supplanter lesœuvres venues d’ailleurs (essentiellement

de Hollywood). En d’autres termes, la part du cinémajaponais est aujourd’hui de 53,6 % contre 41,4 % en1990. Cette évolution qui a permis aux productionsnippones de reprendre des parts de marché s’expliquenotamment par une mutation des modes de finance-ment du cinéma. Outre l’arrivée des chaînes de télévi-sion toujours en quête de programmes pour complé-ter leurs grilles, on a vu émerger les comités deproduction (seisaku iinkai) au sein desquels on retrouveplusieurs investisseurs désireux de mutualiser les coûts.C’est en soi une bonne chose, mais rien ne permet d’af-

Cinéma : ça bouge

De plus en plusde films produitschaque année

TEnDAnCE Une bonne santé de façadeApparemment, le cinéma japonais se portebien. Une production en hausse, de plus enplus d’écrans. Mais que cache cette réalité ?

ZOOM DOSSIER

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Au cinéma Human Trust dans le quartier de Shibuya à Tôkyô, les spectateurs ont à leur disposition des prospectus sur les films à venir.

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juin 2011 numéro 11 ZOOM JAPON 7

ZOOM DOSSIER

Vous avez récemment dirigé unesérie d’ouvrages intitulée LeCinéma japonais est vivant[éd. Iwanami Shoten]. Pourtant,on a l’impression que le 7ème Artnippon a perdu de sa superbe. Ilest moins représenté dans lesfestivals internationaux. On finitpar se demander s’il est vraimentvivant.KUROSAWA Kiyoshi : jusque dans lesannées 1980, les grands maîtres ducinéma japonais occupaient le terrain.Il y avait, par exemple, kUROSAwA

Akira, SUZUkI Seijun, OSHIMA nagisa,IMAMURA Shôhei auxquels je vou-drais ajouter MASUMURA Yasuzô, FUkA-SAkU kinji et kUMASHIRO Tatsumi. A par-tir de la décennie suivante, les ci-néastes qui ont fait leur apparitionétaient complètement différents.Cela dit, je ne pense pas que ce soitpropre au japon. C’est un phéno-mène que l’on a pu constater ailleursdans le monde. Cette nouvelle géné-ration comparée à la précédente aclairement des points faibles, mais jene pense pas pour autant qu’ilssoient moins bons. prenez par exem-ple les films de kITAnO Takeshi ouAOYAMA Shinji. Ils tournent avec de pe-tits budgets, sans vedettes et parfoisutilisent de la vidéo. Mais cela ne lesempêche pas de faire des films plusancrés dans la réalité et plus enphase avec leur temps que les anciensgrands maîtres japonais. pour cequi est de savoir si les festivals inter-nationaux doivent apprécier ou nonces films modernes, ce n’est pas ànous, japonais, de le dire.

Le monde du cinéma au Japon abeaucoup changé depuis une ving-taine d’années. En tant que réali-sateur, comment avez-vous res-senti cette évolution ?K. K. : Les conditions de productiondans le cinéma japonais ont subideux grandes évolutions depuis lesannées 1990. Il y a d’abord eu l’en-trée en jeu des chaînes de télévisionqui se sont lancées dans la produc-tion cinématographique. En 2011,la quasi totalité des films à vocationcommerciale sont produits par deschaînes de télé. L’inconvénient,c’est que la qualité des œuvres serapproche de celles réalisées pourle petit écran. En même temps, l’ar-rivée des chaînes de télévision apermis de garantir du travail au per-sonnel technique et aux acteurscomme c’était le cas dans le passé.Second changement, le développe-

ment de la vidéo. C’est une ten-dance qui existe aussi dans d’autrespays. L’image capturée par cesappareils, si on la compare à celledes films classiques, est à peine infé-rieure. par conséquent, on peut arri-ver à faire des films d’aussi bonnequalité d’image pour peu qu’on uti-lise ces caméras comme il faut. Ons’en aperçoit avec des superpro-ductions, des films d’art et d’essaiet même des films réalisés par desétudiants.On peut donc dire que ces deuxchangements offrent de nombreusesopportunités aux réalisateurs qui enont tenu compte. pour ceux qui, enrevanche, ont choisi de les ignorer,les possibilités de tourner se font plusrares.

Les complexes cinématogra-phiques se multiplient au détri-ment des petites salles qui met-tent la clé sous la porte. Cela setraduit par une tendance à privi-légier les blockbusters et à délais-ser les autres films. Quel est votresentiment à cet égard ?

K. K. : C’est un vrai danger. Il suffitde regarder les genres de films japo-nais qui sortent chaque année pours’en rendre compte. Cela medérange beaucoup. Comme je ledisais précédemment, l’entrée en jeudes chaînes de télévision en est lacause. Si on écoute les producteurstélé, les œuvres qu’ils financent doi-vent être projetées dans les com-plexes cinématographiques. Les filmsqui n’en bénéficient pas doiventtrouver un autre chemin. Il y a lesmarchés extérieurs. Toutefois, il n’estpas toujours évident de produire desfilms qui correspondent aux attentesdes spectateurs étrangers. Il fautdonc que les cinéastes japonais secreusent la tête et trouvent desthèmes susceptibles d’attirer les spec-tateurs étrangers. Et ça aussi, c’estloin d’être facile.

A quel avenir est promis le cinémajaponais ? K. K. : De quel cinéma parle-t-on ?Au niveau du cinéma dit commer-cial, les incertitudes sont très nom-breuses. Si on tourne son regard versles œuvres réalisées par des jeunesau moyen de caméras vidéo, on peuttrouver quelques bijoux. C’est là quese trouve l’espoir du cinéma japo-nais. De mon point de vue, cecinéma est aujourd’hui mûr. par rap-port au cinéma commercial, il estbien plus varié et intéressant, mais iln’a pas encore atteint un niveauinternational. Le problème pour cesjeunes réalisateurs, c’est qu’ils n’ontpas la possibilité de montrer leursfilms à beaucoup de gens. Ils neconnaissent pas les moyens pour yparvenir, ce qui les empêche pourl’instant de se faire connaître. je suiscertain que, parmi tous ces jeunesréalisateurs âgés d’une vingtained’années, bon nombre d’entre euxont les qualités pour être de grandsmetteurs en scène. Il ne fait aucundoute qu’ils finiront par percer. S’ilsne se limitent pas au marché japo-nais et qu’ils arrivent à se faire remar-quer à l’étranger, je pense que l’ave-nir du cinéma japonais au cours desdix ou vingt prochaines années s’an-nonce plutôt radieux. je suis doncassez optimiste dans la mesure oùcette nouvelle génération de réalisa-teurs ne se satisfera pas des condi-tions qui existent actuellement aujapon. Elle cherchera assurément lesmoyens de les améliorer ou de lescontourner.

PROPOS RECUEILLIS PAR O. N.

KUROSAWA Kiyoshi veut encore y croire

firmer que ce nouveau mode est bon pour le cinéma.En effet, la formule est une garantie pour les inves-tisseurs qui n’ont pas à s’engager de façon excessiveau niveau financier. Mais ces derniers souhaitent,compte tenu du système de distribution axé sur lescomplexes cinématographiques, que les films produitsattirent le plus grand nombre et soient une source deprofits. C’est pourquoi bon nombre des longs métragesqu’ils financent sont des adaptations de manga à suc-cès (voir Zoom Japonn°2, juillet-août 2010) sous formede dessins animés ou de fictions. L’un des derniersexemples en date est Gantz Perfect Answer de SATô

Shinsuke avec MATSUyAMA Kenichi. Adapté de la sérieà succès signée OKU Hiroya [éd. Tonkam], le filmest sorti le 23 avril, attirant quelque 424 000 specta-teurs et générant plus de 550 millions de yens derecettes au cours des deux premiers jours de son exploi-tation. Même si tout le monde s’accorde pour dire quele film n’est pas une réussite cinématographique, la for-mule a une nouvelle fois fonctionné, ce qui n’est passans agacer certains observateurs comme SAITô Mori-hiro. Celui-ci dénonce depuis plusieurs années l’ap-pauvrissement du cinéma japonais et un système per-nicieux à long terme. A force de présenter des filmsconçus selon des recettes purement commerciales, leurcontenu s’appauvrit, ce qui contribue à faire dispa-raître l’originalité des salles de cinéma. Voilà le défiauquel le 7ème Art japonais est confronté et qu’il vadevoir relever s’il ne veut pas finir par disparaître. Eneffet, d’un point de vue technique, la plupart des filmsproduits dans l’archipel sont irréprochables. Les tech-niciens japonais sont de grands professionnels et bonnombre des jeunes réalisateurs ont été formés dansla pub ou à la télévision. Ils savent parfaitement resterdans les clous en ce qui concerne les budgets et construi-sent leurs œuvres comme s’ils tournaient un téléfilm.Voilà qui satisfait les producteurs parmi lesquels figu-rent bien souvent des chaînes de télévision qui trou-vent ainsi des contenus pour leur grille de programmes.Les distributeurs ne s’en plaignent pas non plus. Euxqui participent aussi aux comités de production ontl’assurance que les films seront d’un point de vue com-mercial presque sans risques. Bref tout le monde s’yretrouve, y compris les spectateurs (jeunes dans leurmajorité) qui découvrent sur grand écran des longsmétrages adaptés de leurs mangas préférés avec desacteurs qu’ils ont déjà pu apprécier dans des films publi-citaires ou sur le petit écran. Le seul perdant dans l’his-toire, c’est le cinéma qui finira par ne plus avoir la capa-cité de surprendre et d’innover. Bien sûr, il existe encoredes cinéastes qui osent et qui font des films innovants.Mais ils n’ont guère les moyens d’être vus en dehors depetits cercles. Or un film qui n’a pas la possibilité d’êtrediffusé parce qu’il ne satisfait pas au mode de fonction-nement actuel constitue une perte à long terme pourle cinéma dans son ensemble. Une conclusion qu’unréalisateur aussi talenteux que MATSUMOTO Toshione démentira pas.

ODAIRA NAMIHEI

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Né en 1955 à Kôbe, KUROSAWA

Kiyoshi est un des cinéastesjaponais les plus connus àl’extérieur des frontières del’archipel. Réalisateur etscénariste, on lui doit notammentCure (1997), License to live (1998),Charisma (1999), Kaïro (2000),Jellyfish (2003) et le remarquableTokyo Sonata (2008). Depuis2005, il enseigne à l’université desArts de Tôkyô. Il a égalementpublié de nombreux ouvrages deréflexion sur le cinéma dontKUROSAWA Kiyoshi, 21 seiki no eigawo kataru [KUROSAWA Kiyoshiraconte le cinéma du XXIème siècle,éd. Seidosha, 2010, inédit enfrançais].

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ZOOM DOSSIER

L es KORE-EDA, KUROSAwA, AOyAMA ouKITANO n’ont qu’à bien se tenir. De tout jeunesréalisateurs sont prêts à assurer la relève. Mais

quels sont les sujets abordés dans leurs films ? “Cettegénération traite essentiellement d’une jeunesse qui n’apas connu l’époque prospère de la bulle financière desannées 1980, explique le directeur du festival deTôkyô, yATABE yoshi. Tous mettent en avant dans leursfilms le climat d’anxiété et l’instabilité des jeunes d’au-jourd’hui.” Rien de déprimant pour autant, grâce àun sens de l’humour hors du commun, souvent teintéde causticité ou d’ironie. Le chef de file de cette nou-velle génération de cinéastes s’appelle yAMASHITA

Nobuhiro. “Il est considéré comme le Kaurismaki japo-nais, reconnaît yATABE yoshi. Ça fait dix ans qu’il adébuté et il a une technique bien à lui pour mélan-ger le drame et l’humour. Comme dans Linda LindaLinda, qui dépasse le simple portrait d’un girls bandpour évoquer l’adolescence dans ce qu’elle a de plusjuste. Dans la même veine, ISHII yûya a eu un énormesuccès avec son film Kawa no soko kara konnichiwa(Sawako decides). “Comme YAMASHITA, il excelle àtruffer de pointes d’humour des films pas forcémentdrôles au départ, raconte yATABE yoshi. Mais dans ceregistre, j’ai un faible pour IRIE Yû , qui écrit lui-mêmeses scénarios, maîtrise merveilleusement la technique

et l’art du plan séquence.” 8000 Miles, sa comédie dra-matique sur un groupe de rappeurs provinciaux aconnu un bouche à oreille exceptionnel. Autre por-traitiste de la jeunesse japonaise d’aujourd’hui, ôMORI

Tatsushi, “dont il traduit à merveille l’état d’esprit etles valses hésitations”, ajoute le directeur du festival de

RéALISATIOn Une génération qui en veutInconnus du grand public en dehors duJapon, de jeunes réalisateurs sont en train de s’imposer dans l’archipel.

Tôkyô.Plus sérieux, du moins en apparence, FUKADA Kôjiest reconnu pour sa cinéphilie pointue et une ins-piration très littéraire. yAMADA Kôichi, célèbre cri-tique de cinéma et ami de François Truffaut, dit delui qu’il est le Rohmer japonais. “Son dernier film,Hospitalité, traite de l’accueil de sans papiers dans unefamille japonaise d’aujourd’hui. C’est un film formel-lement mal dégrossi, mais d’une ampleur universelle”,explique-t-il. L’humanisme qui s’en dégage l’inscritdans la lignée des grands cinéastes japonais, OzU ouNARUSE. De même, KUMAKIRI Kazuyoshi, ancienréalisateur de films de genre, est devenu plus demandédepuis son film Sketches of Kaitan City, primé cetteannée au festival de Deauville. “Son cinéma a mûri,pour évoquer des thèmes plus actuels, plutôt durs et dés-espérés”, constate yATABE yoshi. Ce panorama ne seraitpas complet sans évoquer MATSUE Tetsuaki . Carle réalisateur de Live Tape est sans doute “le plus aty-pique de tous”. C’est un réalisateur qui s’amuse à abo-lir les frontières entre les deux côtés de la caméra etqui mélange documentaire et fiction. “ Je vais vousdonner un truc pour reconnaître un cinéaste qui compte,précise le directeur du festival de Tôkyô. Il suffit devoir s’il travaille avec le chef opérateur SHINDÔ Ryôtô.C’est peut-être lui qui symbolise le mieux le cinémajaponais d’aujourd’hui. C’est le technicien qu’on s’ar-rache.” Si, après ça, vous pensez encore que le cinémajaponais manque de souffle, c’est à désespérer.

UOZUMI SAKIKO

Les réalisatrices sont de plus enplus nombreuses alors que ce

métier a longtemps été au japonl’apanage exclusif des hommes. Unphénomène récent, impulsé par lacharismatique kAwASE naomi dèsson premier film, Suzaku, Camérad’or à Cannes en 1997, et poursuivipar des jeunes femmes nées au mi-lieu des années 1970, comme nISHI-kAwA Miwa. “Ses scénarios sur des su-jets très actuels sont remarquablementécrits”, s’enthousiasme YATABE Yo-shi, directeur du festival de Tokyo.Cette ancienne assistante de kORE-EDA

s’est lancée dans la réalisation en2002 avec Hebi-Ichigo (Wild Berries)sur le délitement d’une famille. Ellen’avait alors que 29 ans. Sondeuxième film Yureru, un autredrame familial, a été sélectionné à laquinzaine des réalisateurs à Canneset son troisième, Dear Doctor, sur ledépeuplement des campagnes, aremporté un grand succès et de

nombreux prix au japon. InOUE Tsuki est née la même annéeque nISHIkAwA, en 1974. “Elle n’atourné qu’un seul long métrage, Fu-waku no adagio (Autumn adagio),mais je la suis depuis ses premiers

courts métrages, raconte YATABE Yoshi.Elle sait filmer la frustration des femmeset fait une utilisation remarquable dela musique.” Très respectée dans lemilieu du cinéma, YOkOHAMA Sa-toko, née en 1978, a imposé un stylenaturaliste et élégant. Cette an-cienne assistante de SOnO SIOn faitéclater avec grâce le corset des obli-gations sociales ou familiales. parmiles réalisatrices qui comptent, citonsencore IgOUCHI nami, née en 1967,connue pour ses succès : Inu neko(The Cat Leaves Home) et Hito no sexwo warauna (Don’t laugh at my ro-mance), OgIgAMI naoko, née en1972 et remarquée pour son film Ka-mome Diner, sur une femme quipeine à trouver des clients pour lerestaurant japonais qu’elle vientd’ouvrir à Helsinki, et la benjamineAnDO Momoko, fille de l’acteurOkUDA Eiji née en 1982, dont le filmKakera, sur une amitié homosexuelle,a fait son petit effet. U. S.

Chercher les femmes !

8 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

Kawa no soko kara konnichiwa (Sawako Decides) réalisé par ISHII Yûya.

Dear Doctor de NISHIKAWA Miwa.

DR

Page 9: ZOOM Japon 11

ZOOM DOSSIER

MEILLEURS ESPOIRS MASCULINS

MATSUYAMA Kenichi. Né le 5 mars 1985 àAomori. C’est un acteur caméléon, capable de joueraussi bien les héros romantiques que les méchants defilms d’action. Héros sensible de La Ballade impossiblede Tran Anh Hung, il a éclaté en 2006 dans l’adapta-tion du manga Death Notede KANEKO Shûsuke. Talentconfirmé dans Hito no sex wo warauna (Don’t laugh atmy romance) signé par IGUCHI Nami.

KASE Ryô. Né le 9 novembre 1974 à Kanagawa, sonrôle de freeter accusé à tort d’être un chikan (personnequi profite des trains bondés pour peloter les femmes)dans Soredemo boku wa yattenai (I just didn’t do it),en 2006, a beaucoup marqué au Japon. Mais son phy-sique ordinaire lui permet d’apparaître dans des filmsd’origine très diverse comme Lettres d’Iwô Jimade ClintEastwood, Outrages de KITANO Takeshi ou Restless,le dernier Gus Van Sant.

Eita. Né le 13 décembre 1982 à Niigata, il a typique-ment le look des sôshoku danshi, ces jeunes Japonais dits“mangeurs d’herbes” à cause de leur attitude noncha-lante. Remarqué dans Waterboys en 2003, sur un groupede lycéens pratiquant la natation synchronisé, il a sur-tout collectionné les prix grâce à Dear Doctor, en 2009,signé NISHIKAwA Miwa.

ARATA. Né le 15 septembre 1974 à Tokyo, ce man-nequin s’est fait connaître en débutant dans After lifede KORE-EDA en 1999. Depuis, il est devenu l’acteurfétiche de wAKAMATSU Kôji, en jouant dans UnitedRed Army, Le Soldat dieu et surtout en incarnantMISHIMA yukio dans le prochain film du réalisateur.

NISHIJIMA Hidetoshi. Né le 29 mars 1971 à Tokyo,cet acteur cinéphile, lecteur passionné des Notes sur lecinématographe, de Robert Bresson, a joué dans Dollsde KITANO Takeshi. Il apparaîtra prochainement enFrance comme interprète de Memories corner, le pre-mier film d’Audrey Fouchet.

ODAGIRI Jô. Né le 16 février 1976 à Okayama, c’estun acteur anticonformiste, ayant toujours rêvé d’êtreréalisateur. Un de ses courts métrages est d’ailleurs passéà Rotterdam. Il a été plus remarqué dans Jellyfish deKUROSAwA Kiyoshi ou Yureru de NISHIKAwA Miwa.On l’attend de pied ferme dans Miracle, le prochainKORE-EDA.

MEILLEURS ESPOIRS FÉMININS

MIYAZAKI Aoi. Née le 30 novembre 1985 à Tokyo,son look de poupée kawaii et ses jambes intermi-nables lui assurent une grande popularité. Elle adébuté à 4 ans. Prix d’interpréation au festival desTrois continents, à Nantes en 2001, pour Gaichû(Harmful Insect), elle apparaît l’année suivante àCannes dans Eureka de AOyAMA Shinji, réalisateurdont elle devenue une fidèle.

AOI Yû. Née le 17 août 1985 à Fukuoka, elle a débutéen 2001, dans All About Lily Chouchou de IwAI Shunji.Elle s’est fait remarquer cinq ans plus tard dans HulaGirl de Lee Sang-il, dans un rôle très frais de danseusehawaïenne. Elle a aussi livré des pizzas à un hikikomori(personne qui vit coupée de la société) dans l’un dessketchs de Tokyo.

ONOMachiko. Née le 4 novembre 1981 à Nara, cetteactrice de films d’auteur est appréciée pour son jeu sobreet naturel. KAwASE Naomi, qui l’a repérée adolescente,lui a donné son premier rôle dans Suzaku en 1997. Maisc’est le Grand prix reçu dix ans plus tard à Cannes pourLa forêt de Mogari qui lui a offert la célébrité.

MITSUSHIMA Hikari. Née le 30 novembre 1985 àOkinawa est la jeune actrice qui monte. Elle perceen 2009 dans Ai no mukidashi (Love Exposure) deSONO Sion. Depuis, elle tourne sans compter :Kawa

CASTIng Graines de starsA l’instar des metteurs en scène, la cote des jeunes acteurs et actrices explose aupays du Soleil-levant.

no soko kara konnichiwa (Sawako decides)de ISHII yûyaqu’elle épouse en 2010, ou Ichimei de MIIKE Takashiprésenté cette année à Cannes.

ASÔ Kumiko. Née le 17 juin 1976 à Chiba est uneactrice à l’aise dans tous les registres et un talent quiéclate au grand jour dansKanzo Sensei (Dr Akagi) deIMAMURA Shôhei en 1998. Depuis, elle enchaîne lesfilms des plus grands : KUROSAwA Kiyoshi, MIIKE

Takashi, NAKATA Hideo ou KITANO Takeshi.

YOSHITAKA Yuriko. Née le 22 juillet 1988 à Tokyo,cette reine de la comédie romantique connaît actuel-lement un succès monstre dans Konzen Tokkyû, l’his-toire d’une fille qui ne sait choisir lequel de ses petitsamis épouser. Elle avait pourtant débuté dans un regis-tre plus dramatique avec Noriko no Shokutaku(Noriko’s Dinner Table) et Hebi ni piasu (Serpentset piercings).

NAGASAKU Hiromi. Née le 14 octobre 1970 à Iba-raki, son joli minois permet à cette ancienne idoled’exceller dans les rôles de femmes fatales. Elle débuteau cinéma en 2003 dans Doppelganger de KUROSAwA

Kiyoshi , avant d’être remarquée en femme libéréedans Hito no sex wo warauna (Don’t laugh at myromance). Son rôle de kidnappeuse dans Yôkame nosemi (La Cigale du huitième jour) rencontre actuel-lement un grand succès.

U. S.

juin 2011 numéro 11 ZOOM JAPON 9

MATSUYAMA Kenichi dans Kamui Gaiden de SAI Yôichi (2009).

DR

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10 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

ZOOM DOSSIER

C ’est en 1975 que l’Ecole du cinéma japonais(Nihon eiga gakkô) a été fondée à yokohamapar IMAMURA Shôhei, Palme d’or à Cannes

en 1983 et 1997, dans le but de former de nouvellesgénérations de cinéastes. Le 1er avril 2011, l’établisse-ment a changé d’appellation et s’est transformé en Uni-versité du cinéma japonais (Nihon eiga daigaku). “Cechangement de statut avait été souhaité par Imamura,mais il avait jugé que ce n’était pas encore le bonmoment. Aujourd’hui, les conditions sont réunies etnous avons décidé de le faire”, explique le critique TAKA-HASHI Seori qui la codirige avec SATô Tadao connuen France pour son Histoire du cinéma japonais [Edi-tions Centre Georges Pompidou, 1997]. Il rappelleque plusieurs grands noms du 7ème Art sont passéspar cette école comme MIIKE Takashi ou MOTOHIRO

Katsuyuki, “sans oublier le romancier ABE Kazushigequi a été récompensé par le prix Akutagawa [l’équi-valent du Goncourt au Japon]”, ajoute-t-il avec une

pointe de fierté. Il ne s’agit pas de former uniquementdes techniciens du cinéma, mais de contribuer à laformation d’individus capables de comprendre lesenjeux du cinéma. “Cette université a trois caractéris-tiques. La première est qu’on y étudie à la fois la théo-rie et la production cinématographiques. On formeles futures générations de critiques et de réalisateurs.Ensuite, nous entendons nous positionner en tant que

FORMATIOn L’avenir se joue à l’écoleL’école fondée par le cinéaste IMAMURAShôhei rêve d’influencer la société.

centre de recherche sur le cinéma asiatique. Enfin, noussouhaitons profiter de la force d’attractivité du cinémapour participer à la dynamisation des régions au Japon”,poursuit TAKAHASHI Seori. Il est persuadé que lecinéma, malgré les changements intervenus ces der-nières années, conserve un potentiel important pourinfluencer la société. “Je crois que nous devons insistersur les aspects qui ont fait la renommée du cinéma japo-nais comme son esthétique et son rapport à la naturequi ont attiré les regards du monde entier”, confirme-t-il. “Comme vous le savez, le Japon traverse une situa-tion extrêment difficile depuis le séisme du 11 mars.Malgré cela, je suis persuadé que nous parviendronsà reconstruire une société encore plus belle que par lepassé. Le cinéma y contribuera. La culture japonaisea toujours mis en avant l’harmonie avec la nature etabordé la question de la sensibilité à son égard. Lecinéma peut contribuer au débat. Le temps est venupour le cinéma de s’investir encore davantage dans lasociété, en y apportant sa propre sensibilité et ses propo-sitions.”

GABRIEL BERNARD

Avez-vous un acteur qui vous inspire ?Si oui, lequel ? KÔRA Kengo : parmi ceux dont je me sensproche, je citerai ÔMORI nao [acteur de té-lévision, de clips publicitaires, il s’est faitremarquer en 2003 pour son interpréta-tion dans Vibrator de HIROkI Ryûichi pré-senté au Festival de Venise]. C’estquelqu’un qui sait comment se placer etréagir quelle que soit la réplique qu’on luia confiée. C’est vraiment un excellent ac-teur.

Vous tournez beaucoup. Commentparvenez-vous à changer de person-nage aussi souvent ?K. K. : pour chaque rôle, j’essaie de com-prendre ce qui peut m’attirer en lui. Etmême lorsqu’un rôle ne m’inspire peu desympathie, je cherche à le comprendre età m’en imprégner. Un personnage, quelqu’il soit, est un être humain. je suis moi-même un être humain et le personnageque je vais incarner exprime des senti-ments humains. En d’autres termes, jecrois que dans chacun des personnagesque j’interprète on retrouve un peu demoi. Depuis que j’enchaîne les films, jedois dire que je fais beaucoup plus atten-tion à ma personne et à ma vie privée quepar le passé. C’est sans doute pour éviter

les confusions qui peuvent voir le jour àforce de multiplier les apparitions sur lesécrans.

Vous avez tourné avec AOYAMA Shinji,Tran Anh Hung pour ne citer que cesdeux cinéastes connus. Comment vousont-ils choisi ?K. K. : je pense que ce n’est pas sur mapersonne que le choix s’effectue, maisplutôt sur le rôle que j’aurai à interpré-ter. Ensuite, il y a tout un travail sur le sensque je pourrai donner à ma façon dejouer le personnage. je crois que c’estainsi que les cinéastes avec lesquels j’aitravaillé ont procédé pour accepter dem’associer à leur projet.

Avant de commencer à jouer unescène, comment vous préparez-vous ?K. K. : je lis d’abord le script et je me de-mande comment je vais interpréter lascène en question. Mais ce n’est pas justeune question de comment je vais la faire.Il y a aussi l’importance de la répliquequ’il faut bien savoir pour se positionnercomme il faut le moment venu sur le pla-teau. Bref, je défends l’idée qu’il faut biens’investir dans la préparation.

Ceux qui ont eu la chance de vous voir

en France dans La Ballade de l’impos-sible, Solanin et Oniichan no hanabi[ces deux derniers films ont été proje-tés dans le cadre du ciné-club de ZoomJapon] ont pu voir qu’il se dégage devous une certaine modestie. Pourtantchacune de vos apparitions laisse uneforte impression…K. K. : je ne veux pas tomber dans la fa-cilité ni faire des choses inutiles. j’essaieaussi de ne pas prêter attention à la ca-méra. par ailleurs, je ne cherche pas à enfaire trop, car je crois à l’intelligence desspectateurs. A mes yeux, ce qui compte,ce n’est pas la technique, mais plutôt cequi peut surgir de ma propre expérienceet j’essaie de m’y tenir.

Comment vous positionnez-vous danscet univers cinématographique enpleine mutation ?K. K. : je cherche simplement à trouverma place dans un environnement où il ya de plus en plus de scénarios et de filmsun peu trop gnangnans.

Vous êtes quand même optimiste ?K. K. : Bien sûr. je pense que l’horizon ducinéma japonais n’est pas bouché. je croisbeaucoup à son potentiel.

PROPOS RECUEILLIS PAR G. B.

KÔRA Kengo, un acteur touche-à-tout prometteur

I nTERVIEw

Né le 12 novembre 1987 à Kumamoto, ila été révélé en 2008 pour sa belleperformance dans le film Hebi ni piasu[Serpents et piercings, inédit en France]de NINAGAWA Yukio adapté du fameux bestseller éponyme. Cet acteur éléganttourne beaucoup et excelle dans tous lesregistres que ce soit en beau ténébreuxqui se suicide au début de La Ballade del’impossible de Tran Anh Hung ou enhikikomori dans Oniichan no hanabi[Fireworks from the heart, présenté le14 mai dans le cadre du ciné-club deZoom Japon] de KUNIMOTO Masahiro.

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La façade de la nouvelle Université du cinéma japonais.

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juin 2011 numéro 11 ZOOM JAPON 11

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ZOOM DOSSIER

A ussi curieux que cela puisse paraître, le séismedu 11 mars qui a frappé la côte nord-est del’archipel a eu des retombées positives sur

une salle de cinéma située à Tokyo. Uplink, c’est sonnom, a vu sa fréquentation augmenter de façon nota-ble lorsque, le 2 avril, elle a mis à l’affiche Into Eter-nity, un documentaire suédo-finlandais portant surla construction en Finlande d’un sanctuaire destinéà abriter des déchets nucléaires. La prise de consciencedu danger liée à l’accident de la centrale de Fuku-shima Dai-ichi n’est pas étrangère à cet engouementpour ce film qui soulève la question de l’héritagenucléaire laissé aux générations futures. “Dans quelautre cinéma que celui-ci auriez-vous pu voir un telfilm ?” demande malicieusement ASAI Takashi. Ledirecteur d’Uplink connaît la réponse. Dans aucunautre, bien sûr, même si le succès de Into Eternity aincité d’autres cinémas à le programmer. Mais cesautres salles sont de la même taille qu’Uplink. Il s’agitde ce que les Japonais appellent les mini theaters, c’est-à-dire des établissements de petites tailles souventindépendants ne disposant en général que d’un oudeux écrans. Ces cinémas ont joué et jouent encoreun rôle important dans la diffusion de films dont lescomplexes cinématographiques ne veulent pas. Pour-tant l’existence de ces salles est aujourd’hui menacée.Nombre d’entre elles ferment leurs portes, réduisantainsi les chances pour certains longs métrages étran-gers ou japonais d’être distribués. Le quartier de Shi-buya à Tôkyô, où se situe notamment Uplink, a étél’un des hauts lieux des mini theaters. L’emploi dupassé est recommandé, car depuis 2010, plusieurs deces petites salles ont disparu. Cine Saison ou encorel’Ebisu Garden Cinema ont payé le prix fort de laconcurrence exercée par des complexes multi-sallesqui attirent le public jeune avec des programmationssans surprise. “C’est un peu comme des journaux quine sortent plus. En définitive, c’est la diversité qui enpâtit. L’uniformisation culturelle est un véritable dan-ger dont les Japonais n’ont peut-être pas encoreconscience”, affirme SAITô Morihiro, observateur atten-tif du cinéma au Japon, qui tire le signal d’alarmedepuis de nombreuses années. Mais les petits exploitants encore en place n’ont pasdit leur dernier mot et cherchent à réagir pour éviterde connaître le triste sort de leurs collègues. “Lorsquenous avons appris la fermeture de Cine Saison qui étaitconsidéré comme un sanctuaire pour les fans de cinéma,c’est un peu comme si nous mourrions tous”, confie NISHI-zAwA Akihiro. Responsable de la programmation àHuman Trust Cinema Shibuya, il a mis en place une

stratégie qui semble aujourd’hui porter ses fruits. Touten conservant une salle dédiée au cinéma d’art et d’es-sai, il diffuse dans les deux autres salles les films à suc-cès du moment. Ces dernières semaines, il a ainsi pro-grammé A Serious man des frères Coen tout enproposant The Tourist avec Johnny Depp. “Le publicqui est venu pour The Tourist a forcément vu la bande-annonce de Serious man. Résultat, la fréquentationdu film des frères Coen a nettement grimpé”, ajoute-t-il.Toutefois, c’est un combat de tous les jours pour lespropriétaires de petits cinémas qui doivent parvenir àsensibiliser les spectateurs de l’importance d’avoir des

COnSTAT Plus d’écrans, moins de cinémas Depuis quelques mois, de nombreusespetites salles ont disparu. Les autres tententde trouver des recettes pour survivre.

salles avec des programmations variées. Les questionssoulevées par l’accident nucléaire de Fukushima et laremise en cause d’un certain mode de fonctionnementde la société japonaise pourraient avoir un effet béné-fique pour les mini theaters. En 2011, Human TrustCinema Shibuya a choisi comme thème principal poursa programmation “La vie au cinéma”.Toutes les œuvresqui seront projetées au cours de l’année auront pourvocation de faire réfléchir le public et de l’aider danssa réflexion. Avec une ambition pareille, on se plaît àrêver de voir les salles pleines à craquer.

O. N.

L’architecture futuriste du cinéma Rise à Shibuya attire un public nombreux.

L’Ebisu Garden Cinema a fermé sesportes le 29 janvier 2011. Il avait no-tamment diffusé Bowling for Colum-bine de Michael Moore. CinemaAngelica situé à Shibuya l’avait pré-cédé fin novembre 2010 avant queCine Saison Shibuya suive la même

voie fin février 2011. Désertés par desspectateurs qui préfèrent se rendredans des complexes multi-salles plusconfortables, mais moins ambitieuxen termes de programmation, toutesces salles connues ont dû jeterl’éponge. Mais le phénomène n’est

pas propre à Tôkyô. Le Nagoya Pic-cadilly, qui avait été créé en 1957, adiffusé son dernier film fin mars2011 tandis que le Dinos Cinemasde Sapporo a tiré sa révérence le8 mai dernier. Et ce ne sont là que lessalles les plus connues.

Les petites salles disparaissent à la pelle

Page 12: ZOOM Japon 11

12 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

ZOOM CULTURE

H UMEUR par kOgA Ritsuko

je rêvais d'être une citoyenne ordinaire en France, toutsimplement, comme je l'étais dans mon pays dont lepeuple ne possède pas de carte d'identité. étant donnéque j'avais décidé de venir en France, j'étais prête àm’adapter à la réglementation française. quand j'aiquitté l'archipel, j'étais trop jeune pour comprendreles avantages que j'avais au japon et je ne savais pasqu'il y avait ces lourdes démarches administrativespour pouvoir m’installer en France pour longtemps :Afin d'obtenir mon premier titre de séjour, je devaisouvrir un compte bancaire en France, mais pour l'ou-vrir il me fallait un titre de séjour (!?). Contrairementau paradoxe de l'œuf et de la poule, la réponse dela préfecture fut rapide et défi-nitive : d'abord le compte !puisque la préfecture refusaittout compromis, j'ai ouvert uncompte, en acceptant les condi-tions inhumaines de la partd'une banque.puis, pour renouveler ma carteavec le statut "étudiante", jedevais fournir un certificat scolaire avec des notessatisfaisantes et justifier de ressources financières. j'aidonc travaillé le soir et le week-end. Avec ces deuxactivités, je n'avais plus le temps de voir mes amis.j'ai ainsi failli les perdre ainsi que ma santé. Depuismon mariage avec un Français, mon statut est passéà “vie familiale et privée”, étrange comme nom. Après10 ans de vie en France, cette année encore j’ai faitla demande de renouvellement de ma "vie", en pré-sentant un millier de papiers. Mon mari n'a pas inté-rêt à perdre un seul dossier administratif. quand onne trouve pas tel ou tel document, c'est la scène deménage. Le renouvellement de vie familiale pour-rait causer un divorce ! Il y a des pièges partout ! Ainsi,la joie et le soulagement que je ressens à chaquerenouvellement est plus fort que celui ressentilorsqu’une commande passée sur Internet arrive dansles temps ! par contre, si la République française refusema demande, dois-je me dire "c'est la vie" ou "ce n'estpas ma faute !" comme l’affirment certains, pour mon-trer que je suis vraiment bien intégrée ?

Ma vie, une simplequestion de papiers

MUSIqUELyon s’offre TôkyôLe Japon est décidément à l’honneur dans

les grands festivals français. Le festival

lyonnais des Nuits Sonores du 1er au 5 juin,

que l’on connaît pour sa capacité à

dénicher des perles musicales en est un

exemple de plus. Après avoir dédié une

Carte Blanche à New York, c’est au tour de

Tokyo d’être à l’honneur cette année. Le

concept de Carte Blanche, véritable

plateforme de liberté comme aime à le

définir sa programmatrice Violaine Didier,

vise à présenter des projets musicaux et

audiovisuels singuliers, voire fantasques.

Tout en effectuant un grand écart musical

entre le rock distordu d’un groupe comme

Nissenmondai ou Mono et l’électronique

rocambolesque des OOIOO, la

programmation a plongé dans le cœur de

l’underground tokyoïte pour en présenter

au public lyonnais un échantillon plus

qu’appétissant. Voici quelques noms

d’artistes à écouter absolument pendant

ces deux journées de Carte Blanche :

Daitomanabe, Dada Kingz, De!nial ou

encore Doravideo. La programmation

d’artistes spécifiquement tokyoïtes au

cœur d’une programmation

internationale n’est pas un pari gagné

d’avance. 10 euros par jour pour la Carte

Blanche ! On peut aussi saluer la politique

tarifaire du festival et son projet

artistique, fruit d’un vrai travail de

défrichage. www.nuits-sonores.com

SOUTIEn Amélie Nothombau chevet du JaponPour les dix ans de sa sortie en édition de

poche, le roman d’Amélie

Nothomb Stupeur et

Tremblements bénéficie d’une

réédition un peu

particulière. L’écrivain et son

éditeur ont en effet décidé

de créer un coffret

contenant à la fois le roman,

qui a été adapté au cinéma

en 2003, et une nouvelle

inédite Les Myrtilles, récit

d’une promenade sur le Mont Asama. Le

plus important à noter est que l’intégralité

des bénéfices des ventes de ce coffret ainsi

que les droits d’auteurs seront reversés à

l’association Médecins du Monde pour sa

mission au Japon. Une bonne action dont

on se félicite.

STUpEUR ET TREMBLEMEnTS ACCOMpAgné

D’UnE nOUVELLE InéDITE, LE LIVRE DE pOCHE,

6,95€. En VEnTE LE 22 jUIn.

CIné-CLUB Le Repas à LaPagode, quel festin !Pour son dernier rendez-vous de la saison,

le ciné-club de Zoom Japon vous propose

de découvrir ou redécouvrir Le Repas

(Meshi) film de NARUSE Mikio. La projection

aura lieu le samedi 18 juin à 10h30.

Comme d’habitude, la projection sera

suivie d’un débat. C’est Jean Narboni,

critique et spécialiste de NARUSE, qui

viendra nous parler de ce chef-d’œuvre

du cinéma japonais.

57 bis, rue de Babylone 75007 Paris

Tél. 01 46 34 82 51

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Rétrospective

Les 60 ans

de la toeiPour les amateurs

et de yakuza !8 – 20 JUIN 2011

Bientôt à

la cinémathèque

française

La Cinémathèque française

Musée du cinéma 51, rue de Bercy – Paris 12e

Horaires + programme

sur cinematheque.frGrands mécènes de La Cinémathèque française

Page 14: ZOOM Japon 11

ZOOM CULTURE

B ientôt trois mois que le séisme le plus violentjamais enregistré au Japon et le tsunami leplus meurtrier ont ravagé le nord-est du pays, lais-

sant derrière eux plus de vingt mille victimes et un chaosindescriptible. La catastrophe a suscité une immense émo-tion à travers le monde. On a vu naître un peu partoutdes initiatives en faveur des sinistrés afin de réunir des fondsutiles à la reconstruction. Des maisons de disques ont misen vente des compilations “pour le Japon”, des danseursétoiles se sont réunis pour manifester leur solidarité “avecle Japon”,des musiciens ont fédéré leurs talents “en faveurdu Japon”. On pourrait multiplier les exemples de ces mo-bilisations. Elles ont permis de souligner la ferveur quis’est emparée de la planète au lendemain du tremblementde terre dévastateur. Et on ne peut que s’en féliciter. Parmitous les projets imaginés, il y en a deux qui ont retenu no-tre attention, car ils s’inscrivent dans une démarche pluslarge que la simple collecte de fonds. Lancé par l’éditeur japonais Kôdansha, 3/11 TsunamiPhoto Project - Photograhers for Japana pour vocation pre-mière de témoigner de l’ampleur du désastre, en confiantà plusieurs grands noms de la photographie la tâche derapporter des images saisies dans les régions frappées parle séisme. Les Japonais FUKADA Shiho, SASAKI Ko, le Néer-landais Pieter Ten Hoopen ou encore les Américains PaulaBronstein et David Guttenfelder figurent parmi lesquatorze photographes sollicités. Non seulement ilsont rapporté des clichés particulièrement forts, mais ilsont aussi voulu transmettre aux populations touchées parle séisme des messages très touchants. L’autre caractéris-tique de ce projet éditorial original est son moyen de dif-fusion. Plutôt que d’éditer un ouvrage, Kôdansha aimaginé de le distribuer via iTunes afin que les proprié-taires d’iPhones ou d’iPads se le procurent facilement et

MéMOIRE Se souvenir et soutenir

l’édition papier bilingue (anglais-japonais) qui sera en ventele 14 juin sur le site Amazon.co.jp. Deux initiatives ori-ginales qui permettent de prendre conscience des consé-quences induites par le désastre du 11 mars 2011.

GABRIEL BERNARD

RÉFÉRENCE3/11 TSUNAMI PHOTO PROJECTwww.kodansha.co.jp/english/311/QUAKEBOOKhttp://www.amazon.co.jp/dp/4876152373/

Deux initiatives destinées à venir en aideaux sinistrés du 11 mars rapportent destémoignages très forts liés à la catastrophe.

pour un prix modique (0,79 euro). La seconde initiative qui mérite aussi d’être relevée et en-couragée est également distribuée de façon électro-nique. Il s’agit de 2:46 Aftershocks : Stories from the Japanearthquake, plus connu sous le nom de Quakebook.L’idée de réunir des témoignages de l’après-séisme a étélancée sur Twitter le 18 mars, une semaine après la catas-trophe, des centaines de personnes y ont répondu, appor-tant chacun à leur manière (textes, photos, vidéo) des his-toires fortes. Le 12 avril, une version pour Kindle dispo-nible sur le site Amazon.com a été lancée, en attendant

SASAKI Ko, Ukedo totalement dévasté par le tsunami. Le site se situe à 8 kilomètres de la centrale de Fukushima.

© S

ASA

kIko

14 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

Page 15: ZOOM Japon 11

ZOOM CULTURE

Ce qui frappe l’auditeur après la première écouted’Aqua Shift, l’album de yuyutopia, c’est soncôté envoûtant. La jeune artiste japonaise par-

vient, en effet, à nous transporter dans son univers musi-cal où se côtoient le jazz, la pop et un désir d’expérimen-ter. Toutefois, au lieu de se perdre sur les chemins del’expérimentation comme cer-tains musiciens peuvent être ten-tés de le faire au risque d’enoublier l’auditeur, yuyutopia faitl’effort d’accompagner son publicdans son voyage qui prend lesallures d’une quête vers la perfec-tion. Certains pourront dire que,Longing, le premier titre de l’al-bum, ne donne pourtant pascette impression et ils auront rai-son. C’est le seul reproche quel’on peut faire à Aqua Shift dontl’ambiance générale se retrouvedavantage dans le deuxièmemorceau intitulé The Trace. La mélodie est parfaite ets’accorde très bien avec la voix de la jeune femme. Il ya dans ce morceau des éléments qui rappellent ladémarche d’un David Sylvian au moment de la sortiede Brilliant Trees en 1984. yuyutopia donne ainsi lapreuve qu’elle maîtrise son sujet et qu’elle sait dans quelledirection elle va mener sa barque. Elle n’entend cepen-dant pas tomber dans la facilité, en se laissant entraînerdans la seule voie du jazz. Elle prend des risques, qu’onsait calculés, mais peu importe, on apprécie ce désirde solliciter l’auditeur et de lui demander de fournir un

minimum d’efforts pour apprécier tout le travail accom-pli. On sent en effet que yuyutopia a dépensé beaucoupd’énergie pour la réalisation de cet album, aboutisse-ment d’un parcours de longue haleine. Pianiste de grandtalent, elle a manifesté, très jeune, l’envie de composer,cherchant à combiner les différentes influences dontelle s’est nourrie. Son passage dans de grands conser-vatoires lui a permis de perfectionner sa technique, luidonnant ainsi une liberté et une audace plus grandespour ses compositions qui ne se limitent pas à la chan-

son. Elle a écrit pour le cinémaet pour des chorégraphies, mon-trant l’étendue de son champd’intervention. On retrouved’ailleurs l’influence de ces expé-riences dans un titre commeThe Sailing. Installée en Francedepuis plusieurs années, la jeunefemme n’en oublie pas pourautant ses origines avec deuxchansons en japonais, notam-ment Kowai mono. Mais làencore, elle nous surprend, enl’interprétant sur un air auxaccents brésiliens. Aqua Shift se

savoure comme un bon roman qui vous conduit d’ununivers à un autre sans que vous vous y attendiez. Inu-tile donc de résister au charme d’un premier disque plusque prometteur. yuyutopia montre qu’elle dispose desressources nécessaires pour faire une belle et grande car-rière. G. B.

Inspirée par de nombreux courantsmusicaux, la musicienne japonaise livre unpremier opus très prometteur.

MUSIqUE Bienvenue dansl’univers de Yuyutopia

RÉFÉRENCEAQUA SHIFT de Yuyutopia, Algarade, dist. Zimbalam.www.yuyutopia.com Yuyutopia sera en concert au Sunset, 60 rue des Lombards 75001 Paris le 17 juin à 20h. www.sunset-sunside.com

juin 2011 numéro 11 ZOOM JAPON 15

E n s’implantant et s’imposant dans le quartier japonais parisien, un

quartier d’affaires et un quartier culturel, komikku a su s’adapter à

l’évolution du public et de l’offre manga, devenues plus mâtures. C’est pour cela que le concept de komikku est assez différent d’une librairie spécialisée “manga” traditionnelle. Les ouvrages sur la culture japonaise y sont om-niprésents et les produits dérivés proposés sont des objets utiles comme les boîtes à bentô et tous leurs accessoires. Un marché sur lequel komikkuaujourd’hui d’être considéré comme la référence en France. Dans cette dynamique, komikku

rendre accessible à tous la “Bentô Attitude”.

BENTO La boîte-repas à la japonaise pour tous

KOMIKKU 61, rue des Petits-Champs 75001 Paris - Du lundi au samedi de 10h30 à 20h, et le dimanche de 12h30 à 19h - : 01 40 20 93 44 -www.komikku.com

Publicité

PRATIQUE

Page 16: ZOOM Japon 11

pays, rejette le traité de sécurité nippo-américain, ma-nifeste contre la guerre du Vietnam et l’utilisation desbases américaines sur le territoire japonais pour les opé-rations menées sur le sol vietnamien et remet en causele système universitaire jugé trop rigide. Ce malaise s’ex-prime dans la rue, mais aussi dans les arts. Le manga sem-ble être le seul secteur à y échapper faute de support pourle diffuser. La création de Garo va y remédier même si,initialement, ce n’était pas le désir de ses deux fondateursNAGAI Katsuichi et SHIRATO Sanpei. Ce dernier souhai-tait surtout publier sa série fleuve Kamui-den dont l’ac-tion se déroule dans le Japon du XVIIème siècle. Elle ra-conte notamment le destin d’un paria et décrit la vie dif-

ZOOM CULTURE

L es vrais amateurs de manga le connaissent et sa-vent le rôle influent qu’il a eu auprès de très nom-breux dessinateurs. Pourtant, rares sont les

exemplaires disponibles en France. Voilà pourquoi l’ex-position Une révolution nommée Garo (1964-1974) or-ganisée à Espace Japon est un événement qu’il convientde ne pas manquer. Elle rend hommage à Garo, l’un desmagazines cultes de la bande dessinée made in Japan etde la culture contestataire. Lorsque Garoparaît en sep-tembre 1964, Seirindô, la maison d'édition de NAGAI Ka-tsuichi a déjà deux ans d'existence. L'objectif est de don-ner aux dessinateurs un espace de création où ils pour-ront s'exprimer en toute liberté. Ces derniers ne vont pass'en priver et offrir des œuvres originales à un lectorat com-posé essentiellement de jeunes étudiants qui en rede-mande. En 1967-68, sa diffusion atteint 80 000 exem-plaires par mois, illustration de sa popularité, malgré sonaudace graphique parfois déconcertante. Mais c'estl'époque où tout est permis. Le cinéma a connu sa révo-lution comme le théâtre, il n'est donc pas étonnant quel'univers du manga, qui s'adresse alors avant tout à un pu-blic très jeune, connaisse lui aussi des changements im-portants. Garo est le premier magazine à se lancer dansla publication d’œuvres résolument destinées à un lec-torat plus âgé. Le premier numéro paraît en 1964. C'estl'année des Jeux olympiques de Tôkyô qui marquent defaçon significative le retour du pays dans le concert desnations. C'est aussi l'année de l'entrée en service du Shin-kansen, le train à grande vitesse, entre Tôkyô et Osakaqui illustre le triomphe de la technologie nippone. C'estenfin l'année où le Japon entre à l'OCDE et affirme sapuissance économique. En dépit de ces bonnes nouvelles,une partie de la société japonaise, notamment sa jeunesse,est insatisfaite. Elle conteste l’emprise américaine sur le

Du 7 juin au 9 juillet, Espace Japon rendhommage à l’une des publications les plusinnovantes de la bande dessinée.

EXpOSITIOn Il était une fois Garoficile des paysans à cette époque. Pour beaucoup, elle trans-pose la société japonaise des années 1960 avec son lotd’inégalités et de difficultés. C’est sans doute la raisonpour laquelle le public qui va adhérer au message déli-vré par Garo était le même que celui qui défilait dans lesrues pour dénoncer la politique gouvernementale. Peuà peu, le mensuel va attirer de nouveaux dessinateurs. Cer-tains d’entre eux comme MIzUKI Shigeru ou TATSUMI

yoshihiro ont déjà une grande expérience derrière eux,mais la philosophie de ses deux cofondateurs les attire.D’autres débutent et contribuent à ancrer le magazinedans un avant-gardisme séduisant. TSUGE yoshiharu,HAyASHI Seiichi, ABE Shin'ichi ou encore HANAwA Ka-zuichi pour ne citer que ceux-là bouleversent tous les codeset ouvrent la voie à une nouvelle vague dans le manga aucours de la première moitié des années 1970. C’est ce quel’exposition à Espace Japon montre très bien, en repla-çant les différents éléments choisis dans le contexte del’époque. On comprend mieux pourquoi Garo a eu tantd’importance. Non seulement il permettait à des artistesde s’exprimer, mais aussi à des intellectuels et à ses lec-teurs de réagir aux événements du moment. Il était donctemps en France de mettre en avant son rôle. Dans le ca-dre de cette exposition, Espace Japon rend aussi hom-mage à TAKEMOTO Motoichi et à son trimestriel Le Criqui tue qui fut le premier en France à proposer de façonsystématique du manga. Créé en 1978, cette publicationéphémère (6 numéros) a néanmoins joué un rôle de pion-nier comme l’avait fait à sa manière Garo. TAKEMOTO

Motoichi animera d’ailleurs plusieurs soirées à EspaceJapon où il fera la démonstration de ses nombreux ta-lents. G. B.

RÉFÉRENCEUNE RÉVOLUTION NOMMÉE GARO 1964-1974Espace Japon 12, rue de Nancy 75010 Paris - Du 7 juin au 9 juillet. Du mardi au vendredi 13h-19h, samedi 13h-18h. www.espacejapon.com

16 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

Le premier numéro de Garo sorti en septembre 1964 avec

comme contenu principal Kamui-den de SHIRATO Sanpei.

Page 17: ZOOM Japon 11

ZOOM NIHONGO

pIpO AU jApOn

Q uand on apprend une langue (en l'occurrencele japonais), il faut tout faire pour préser-ver cet état de doute permanent, tel un bébé

qui découvre le monde et qui n'a pas la moindre convic-tion sur ce qui l'entoure. Débuter dans l'apprentissaged'une langue, c'est s'engager à faire face aux malenten-dus, aux incompréhensions, tout ce qui fait que biensouvent de nombreux étudiants choisissent d’aban-donner, croyant faire fausse route. Un étudiant quidoute, c'est un étudiant qui fait travailler son imagi-nation, son intelligence. Un étudiant qui n'a pas d'ima-gination ne peut pas aller bien loin. Débutant, son ima-gination est souvent son seul recours pour avancer. Sonoreille n'est pas habituée et son vocabulaire est limité.Dans une conversation, les deux ou trois mots qu'il par-vient à identifier lui servent de point de départ d'unesuite de suppositions qui, par un jeu de déductions, deconfirmations et d'éliminations, permettent enfin decomprendre de quoi il est question. Imaginer, sup-poser et… regarder. Car pour déduire au mieux ce queles mots ne permettent pas de comprendre immé-diatement, il est primordial de se fier à tout ce quiconstitue le cadre de la parole. Pour que les supposi-tions soient le plus justes possibles, il faut être attentifà tout ce qui accompagne les mots. Les expressions duvisage, la gestuelle, les déplacements, mais aussi le tonde la voix... Tout fourmille d'indices. La communi-cation n'est pas faite que de mots, et tendre l'oreille nesuffit pas toujours, il faut aussi savoir ouvrir les yeux.C'est d'ailleurs en reprenant tout ce que l'on voit, enimitant les Japonais dans ce cadre qui leur va si bien,que l'on parvient ensuite, sans finalement trop se for-cer, à converser avec un minimum de naturel et à

LAngUE Le grand jeu de la déduction

employer spontanément des tournures que des puristesréfuteraient. Des phrases interrogatives dépourvuesdu ka final où l'on compense par une intonation adé-quate…

よく眠��

れました?Yoku nemuremashita ?Vous avez bien dormi ?

Des omissions volontaires de particule, parce que par-fois cela va sans dire…

おなかすいたでしょう。Onaka suita deshô.Vous devez avoir faim.

Mais aussi de plus longues répliques entrecoupées d'unesérie de ne (ね) porteurs de bien peu de sens, mais sipratiques pour reprendre son souffle et réfléchir en par-lant…

これね、よかったら食�

べてね。納豆����

というんだけど、ゆみちゃんはね、納豆大好

�������きだからね。

Korene, yokattara tabete ne. Nattô to iunda kedo, Yumi-chan wa ne, nattô daisuki dakara ne.Mange ça, si tu veux. Ça s'appelle du nattô. Yumi

adore ça.

PIERRE FERRAGUT

Pas toujours facile de comprendre de quoi il estquestion, alors restez à l'affût...

PRATIQUELE MOT DU MOIS

実感����

(jikkan) : sensation réelle

本当����

に日本���

にいることが実感����

できます。Hontô ni niihon ni iru koto ga jikkan dekimasu.Je sens vraiment que je suis réellement au Japon.

juin 2011 numéro 11 ZOOM JAPON 17

Institut de Langue Japonaise de S3083833410:xaffa/☎ ( )serueh81à41edlieuueccA arffrgns.www

angue Japonaise de [email protected]

Association culturelle Franco-Japonaise de

Cours de japonais intensifs : juillet, Aout/Sep - 1 mois de stage, cours tous les jours - Niveaux : Débutant complet et avancés

Programme d’échange avec l’Université de Tenri, au Japon (étudier le japonais pendant 1 an)

Stage linguistique au Japon en juillet (3 semaines)

TENRI

du 31 Mai au 11 Juin Michiko SOMEYA

EXPO

11e Festival de Butodu 3 au 31 juin

BUTO

programme de juin 2011

1971 - 2011

Page 18: ZOOM Japon 11

faire profiter ses clients. “Notre clientèle est à 90 % com-posée de Français. Ils apprécient à la fois l’ambiance et lacuisine que je leur propose”, ajoute-t-il. Le principe chezNakagawa, c’est la simplicité tout en mettant l’ac-cent sur le goût. Pour le prouver, il sort de son frigo,un canard cuit à la vapeur et mariné dans un jus à basede sauce de soja. Il découpe deux fines tranches etdépose sur chacune d’entre elles une petite feuille de

coriandre. Et là, c’est toutsimplement divin. “Ce n’estpas grand chose”, dit-il. Ona du mal à le croire, mais onle laisse le temps de savou-rer la seconde tranche. Leplat ne figure pas sur lacarte, mais il pourrait bien-tôt y faire son apparition.En attendant, les clientspeuvent profiter de menustrès abordables à partir de13,50 €. L’une des formulesqui plaît le plus, c’est celledes tapas à la japonaisedont la portion est à 3 €.On peut ainsi dégusterentre amis du poulpe à lamayonnaise wasabi ou des

petits morceaux de thon mijotés. Et pour peu que vousveniez un vendredi soir, la musique de NAKANO Makisera la cerise sur le gâteau.

GABRIEL BERNARD

ZOOM GOURMAND

P our se rendre chez Nakagawa, il faut prendreson plan. Ce n’est pas compliqué, mais la rueSt-Hubert qui donne à la fois sur l’avenue de la

République et la rue St-Maur n’est pas très connue. Maiscela vaut néanmoins la peine detourner un peu en rond, car l’at-mosphère qui règne dans ce res-taurant japonais hors-norme envaut la peine. Hors-norme, enraison de sa taille. Il y a peu derestaurants japonais de cettetaille dans la capitale française.Hors norme aussi parce queNagakawa ne se contente pasde servir à manger, il accom-pagne son service de musiquelive, notamment le vendredisoir avec la charmanteNAKANO Maki dont le saxo-phone envahit la grande salledu premier étage. Comme onle dit souvent, la musique adou-cit les mœurs. Elle doit aussimettre du baume au cœur du chef MORI Eiji qui diriged’une main de maître la cuisine de ce restaurant fortsympathique. En France depuis 25 ans, MORI-san aroulé sa bosse dans divers établissements avant d’enta-mer une carrière chez Nobu, il y a une dizaine d’an-nées, qui l’a finalement conduit rue St-Hubert à l’ou-verture de ce restaurant en 2008. “C’est un vrai plaisirde cuisiner ici”, assure-t-il le sourire aux lèvres. Dans sacuisine, il prend le temps d’imaginer des plats et d’en

Non loin de la rue Oberkampf, haut lieude la branchitude, le restaurant tenu par lechef MORI vaut bien un petit détour.

RESTAURAnT Nakagawa connaîtla musique

Kimiko met les petitsplats dans les grandsLes amateurs de cuisine japonaise

connaissent sans doute déjà Kimiko

Barber. Il y a quelques années, elle avait

commis un très bon ouvrage sur les sushis.

Elle revient donc avec un nouvel opus

grâce auquel le cuisinier en herbe va

pouvoir s’essayer aux mets venus du pays

du Soleil-levant. L’intérêt de ce livre de

recettes, c’est son côté abordable. Pour

beaucoup de

personnes, la

cuisine japonaise

est impossible à

réaliser, car elle

nécessite des

ingrédients

difficiles à

trouver et elle

apparaît bien

trop

sophistiquée. Kimiko Barber balaie toutes

ces idées reçues d’un revers de la main et

prouve en moins de deux cents pages que

l’on peut composer de savoureux plats

japonais sans que cela relève de l’exploit

olympique. Les quelque 120 recettes

proposées sont simples et alléchantes.

Kimiko les explique avec justesse et offre

des alternatives (chose rare dans les livres

de cuisine japonaise), c’est-à-dire des

ingrédients de rechange si l’on ne dispose

pas de tous les éléments requis. Après,

c’est à l’apprenti cuisinier de jouer. Nul

doute que ce livre attirera nombre d’entre

eux et qu’il les séduira par son approche

pratique et simple.

La cuisine japonaise de kimiko, 120 recettes

gourmandes et équilibrées, de kimiko Barber,

Editions Solar, 17,90 € - www.solar.fr

PRATIQUES’Y RENDRE 3, rue St-Hubert 75011 Paris. Tél. 01 47 00 82 30 - 19h30-22h30. Fermé le dimanche. Service traiteur 11h-22h30

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18 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

Page 19: ZOOM Japon 11

L A RECETTE D’EIjI, chef de nakagawa

INGRÉDIENTS (pour 4 personnes)

1 belle aubergine

1 pincée de sel5 petites louches de dashi1 petite louche de mirin1 petite louche de sauce de soja1 c. à s. de sucre

1/2 litre d’huile de tournesol

gingembre rapéUn poireau chinois émincé ou de la ciboulette

PRÉPARATION

1 - peler l’aubergine de manière à laisser une bande de peau. 2 - Couper l’aubergine en deux. Couper chaquemoitié en morceaux de 4 cm environ. 3 - Faire chauffer à 190°c l’huile dans un récipient adapté. 4 - Une fois quel’huile est chaude, plonger les morceaux d’aubergine pendant 4 à 5 minutes en les tournant régulièrement. 5 -Egoutter les morceaux dans une passoire avant de verser de l’eau préalablement chauffée afin de retirer le grasde la cuisson. 6 - Dans un casserole, faire chauffer le mélange de dashi, mirin, sauce de soja, sucre et sel. porterà ébullition. 7 - plonger les morceaux d’aubergine dans ce mélange pendant 2 minutes. 8 - Retirer les morceauxet les placer par quatre dans un petit bol. 9 - Arroser avec la sauce. Ajouter un peu de gingembre rapé et depoireau chinois émincé. Servir chaud ou froid selon le goût ou la saison.

ZOOM GOURMAND

Contrairement aux idées reçues, l’au-bergine (nasu) n’est pas un légumeméditerranéen, mais un légume chi-nois. Au japon, on l’utilise beaucoupen raison de sa texture et de songoût un peu moins aigre qu’enFrance. En effet, l’aubergine que l’ontrouve au japon est plus petite quecelle vendue sur les marchés français.néanmoins, comme en France, c’estun légume d’été que les japonaisapprécient particulièrement à cettepériode de l’année. Comme nous

l’avons déjà souligné ici, la cuisinejaponaise est très respectueuse dessaisons dans la mesure où cela per-met de profiter au maximum dugoût des produits récoltés au bonmoment de l’année. Ainsi, l’été cor-respond à la période des concom-bres, des tomates, du potiron et biensûr des nasu que les ménagères japo-naises vont accommoder de la meil-leure des façons. L’aubergine est ainsisouvent frite avant d’être préparée,une manière de lui conserver sa tex-

ture et de lui donner une belle cou-leur dorée. Il est vrai que le côtéesthétique des plats est importantdans la cuisine au japon. On peutaussi la cuire à l’eau pour en faired’excellentes salades. Cependant, ilfaut toujours veiller à ce qu’elle necuise pas trop longtemps afin depouvoir apprécier en bouche sa tex-ture et son goût. De quoi nousouvrir l’appétit et nous donnerquelques bonnes idées de plats àbase d’aubergine.

gab

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Mijoté d’aubergine(nasu no shigini)

juin 2011 numéro 11 ZOOM JAPON 19

Page 20: ZOOM Japon 11

M ajestueux sans pour autant être gigantesque,le pont de Matsushima est le dernierouvrage d’art que vous empruntez avant

d’arriver dans l’archipel d’Amakusa, territoire paradi-siaque composé de plusieurs îles dont les deux princi-pales sont Amakusa Kamishima et Amakusa Shimo-shima. La première grande étape de ce périple au sud deKyûshû est donc le pont de Matsushima et son obser-vatoire qui permet de prendre la mesure de la beauté decette région méconnue des touristes occidentaux qui

préfèrent encore les grands classiques que sont Kyôtoou Tôkyô. Aussi à un moment où l’on hésite à se rendredans l’archipel par crainte des séismes et des radiations,Amakusa est un endroit qui vous fera oublier les cen-trales nucléaires et les tremblements de terre. En prove-nance de la péninsule de Sankaku, le voyageur n’a pasd’autres moyens de profiter d’Amakusa que la voiture,le bus ou la bicyclette pour les plus courageux. Depuisla gare de Misumi, on peut emprunter des bus (le passde 4 jours coûte 4000 yens) grâce auxquels on peut accé-der à l’ensemble des principaux lieux intéressants desdeux îles. Une façon tout à fait agréable de profiterdes paysages et de l’atmosphère particulière qui règnedans cette partie du Japon que les Japonais eux-mêmes

ne fréquentaient pas beaucoup. La mise en service duShinkansen à Kyûshû début mars a, semble-t-il, ravivél’intérêt des touristes nippons qui viennent découvrirun endroit riche en tradition et chargé d’histoire. Avantde se lancer sur la route des cinq ponts qui relient lapéninsule aux deux îles d’Amakusa et de faire halte aupont de Matsushima, une petite visite de MisumiNishikô s’impose. Ce port construit à la fin du XIXèmesiècle est le seul de cette époque encore en l’état dans l’ar-chipel. Plusieurs bâtisses au style bien marqué et avecdes couleurs chatoyantes sont ouvertes au public, cer-taines ayant été transformées en café. Le temps d’avalerun petit en-cas, en profitant de la vue sur la baie deMisumi, et vous serez prêt à prendre la route pour aller

A quelques kilomètres au sud-ouest deKumamoto, l’archipel d’Amakusa est unendroit étonnant et plein de charme.

Achevée en 1933, l’église d’Ôe est construite en craie blanche. Elle l’a été par le père Garnier, un Français venu rendre hommage à la foi de la population.

DESTInATIOn Amakusa, bienvenue au paradis

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20 ZOOM JAPON numéro 11 juin 2011

Page 21: ZOOM Japon 11

ZOOM VOYAGE

à la découverte d’autres surprises pour le moins éton-nantes. Sur le chemin qui mène au pont de Matsushima, vousserez sans doute interpellé par un bâtiment dont la formerappelle à la fois celle d’un gros gâteau à la crème et celled’une église. Il s’agit du Mémorial Amakusa Shirô situéà Kami-amakusa. Au-delà de son architecture originale,cet endroit est intéressant, car il rappelle aux visiteursque la région a longtemps été un bastion chrétien etqu’elle le reste encore aujourd’hui. Introduit par les mis-sionnaires portugais arrivés au Japon au milieu du XVIème

siècle, le christianisme s’est très bien implanté dans cetterégion particulièrement pauvre. En 1589, Amakusacomptait 30 églises et plus des deux tiers de sa popu-lation avaient été convertis. L’interdiction de la religion

chrétienne par les Tokugawa quelques années plus tardet la fermeture du pays à l’influence étrangère s’est tra-duit pour les habitants d’Amakusa par l’obligation derenier leur religion et par une traque de tous ceux quis’y refusaient. Bon nombre d’entre eux ont continué àprier secrètement devant de petites statues de la Vierge.C’est cette histoire que le Mémorial Amakusa Shirôretrace ainsi que celle d’Amakusa Shirô, adolescent de16 ans, qui, à la fin de 1637 a mené la rébellion de Shi-mabara contre la politique anti-chrétienne des Toku-gawa. Le christianisme a donc profondément marquécette région qui reste aujourd’hui plus chrétienne quela moyenne nationale. Il faut dire que la ferveur des “chré-tiens cachés” (kakureta kurishitian) comme on les appe-lait a contribué à enraciner cette religion. Lorsque le

Misumi

AéroportAéroportd'Amakusad'Amakusa

MinamataMinamata

Yatsushiro

Hondo

Misumi

Pont de Matsushima

Aéroportd'Amakusa

Parc deTsurubayama

MémorialAmakusa Shirô

Asahisô

Ariake

Kado Yama526 m

Kura Take682 m

Rokurôji Yama405 m

MinamataPRÉFECTURE

DE KAGOSHIMA

PRÉFECTURE

DE KUMAMOTO

Ushibuka

Plage de Satsuki

Église de Sakitsu

AmakusaRosario Kan

Église d'Ôe

Shimoda Onsen

Mer de

Yatsushiro

Baie de

Shimabara

Mer

Amakusa-Nada

K y û s h û

Shimoshima

Kamishima

ÎleShishi

ÎleGoshoura

ÎleHinoshima

Ôyano

ÎleIwajima

ÎleTobase

ÎleNagashima

20 km

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26626626626622 6666666262266

266

Misumi Nishikô

Myôkenura

juin 2011 numéro 11 ZOOM JAPON 21

L E BOn pLAn

parmi les premières mesures entreprises au lendemaindu terrible séisme du 11 mars, le rétablissement desmoyens de transport a été prioritaire. Les lignes dechemin de fer très touchées sont désormais en fonc-

tion, y compris la ligne de Shinkansen entre Tôkyôet Shin Aomori. Voilà pourquoi, la compagnie jR Eastappuyée par plusieurs collectivités locales ont lancéune campagne de promotion du tourisme dans larégion d’Aomori située au nord et au nord-ouestdes zones sinistrées par le tsunami. L’idée est de rap-peler que cette partie du pays qui a échappé auxdestructions dispose de très nombreux atouts.jusqu’au 22 juillet, plusieurs initiatives vont êtreprises pour les vanter et encourager les touristes àse rendre notamment à Hirosaki, goshogawara ouencore au lac Towada. La campagne s’inscrit danscette politique qui consiste à soutenir la reconstruc-tion par le tourisme.Tourisme dans la région d’Aomoriwww.jreast.co.jp/tabidoki/aomori/

Ramener la confiance

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ZOOM VOYAGE

Japon s’est doté d’une Constitution rétablissant la libertéreligieuse, de nouveaux missionnaires ont fait le dépla-cement et aidé la population locale à reconstruire deséglises. On voit donc de nombreux clochers à l’horizon,ce qui ne manque pas d’étonner le voyageur qui s’attendplutôt à rencontrer des temples ou des sanctuaires. C’estparticulièrement vrai dans le port de Sakitsu, à Ama-kusa Shimoshima. Implantée dans un fjord qui rappellela Norvège, l’église de Sakitsu et son clocher de tuilesgrises domine les autres constructions. Bâtie en 1934dans un style néo-gothique, elle a la particularité de dis-poser d’un sol recouvert de tatamis, ce qui signifie quel’on y pénètre après s’être déchaussé. A quelques kilomè-tres au nord de Sakitsu, l’église d’ôe est aussi un édificedigne d’intérêt dont la couleur blanche, son plafonddécoré de fleurs colorées et le style qui rappelle les églisesmexicaines tranchent avec l’austérité de celle de Sakitsu.Implantée sur une petite colline, elle a été construite en1933 par un Français, le père Garnier, dans une régionoù les “chrétiens cachés” étaient particulièrement nom-breux. Lorsque le ciel est bleu et que le soleil darde sesrayons sur ce bâtiment (ce qui est souvent le cas), ils’en dégage une impression assez étonnante de sérénité.Non loin de là, l’Amakusa Rosario Kan regroupe denombreux objets de culte que les “chrétiens cachés” uti-lisaient pour prier. Une petite visite s’impose pour com-prendre cette période de l’histoire japonaise. Après avoir été impressionné par cette présence chré-tienne, le visiteur le sera tout autant par la beauté despaysages naturels. Outre l’observatoire situé au pontde Matsushima à partir duquel on prend la mesure dela richesse des lieux, une petite halte à Myôkenuraest recommandée. Il suffit de suivre la route 389 aunord de l’église d’ôe pour découvrir ce site magnifiquefaçonné par les vagues et le vent. Un cadre digne defigurer dans votre album de souvenirs et dont on nese lasse pas. Amakusa ne manque pas de ressources enla matière. La nature a bien fait les choses et lorsquecelle-ci n’a pas fait suffisamment, l’homme y a ajoutésa touche comme le parc de Tsurubayama à la pointesud d’Amakusa Shimoshima. En 1978, on y a plantéquelque mille cerisiers dont la floraison en mars-avril

est un véritable régal pour les yeux. Cette période del’année est d’ailleurs un des moments les plus agréablespour visiter la région, car les températures y sont douceset la météo clémente. Pour peu que l’on s’y trouve letroisième week-end d’avril, on peut assister à la fêted’Ushibuka Haiya où des milliers de personnes vien-nent danser dans les rues de la ville d’Amakusa. L’été,il fait chaud, très chaud malgré la présence d’une petitebrise marine. C’est le moment de profiter des plages,notamment celles de Satsuki, située non loin du Tsu-rubayama, d’Ariake, sur la côte ouest d’Amakusa Kami-shima, elles aussi aménagées par les hommes. Elles sontnombreuses et le sable blanc devant cette mer bleueturquoise constitue une invitation à laquelle il est dif-ficile de résister.Comme d’autres endroits paradisiaques, Amakusa saitaussi séduire le visiteur par la qualité de sa cuisine. Rap-pelons que le Japon ne manque pas de ressources en lamatière. La spécialité d’Aamakusa, s’il faut n’en citerqu’une seule, est le poulpe (tako). A Ariake, une énormesculpture vient vous le rappeler. Après avoir profité dela plage, un petit tour au marché local ou l’un des nom-breux restaurants vous permettront de déguster l’un des

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succulents plats à base de poulpe comme le steak depoule, le tako tendon (beignets de pouple sur un lit deriz) le tako meshi que l’on mélange simplement à duriz blanc. On trouve bien sûr des takoyaki, boulettes gril-lées de poulpe, que les Japonais apprécient beaucoup.Un des meilleurs endroits pour s’initier à la cuisine àbase de poulpe se nomme Asahisô. Pour 5 000 yens[43 euros], on vous servira un menu dans lequel le mol-lusque est accommodé de huit manières différentes, unvéritable moment de plaisir. Mais tout le monde n’estpas fan de tako et il serait injuste de limiter Amakusa auseul poulpe. La région est riche en poissons et coquil-lages. La sardine, la daurade ou encore les praires figu-rent à la carte de plusieurs très bons restaurants où leplaisir des yeux et du palais est divinement entretenu. C’est aussi le cas dans la plupart des établissements ther-maux que l’on trouve à Amakusa. A l’instar des autresrégions du Japon, l’archipel dispose de nombreusessources d’eau chaude au tour desquelles des hôtels ontété implantés. Sur l’île d’Amakusa Shimoshima, il estrecommandé de séjourner à la source thermale de Shi-moda Okuzashiki, la plus ancienne de la région avecses 800 ans d’histoire. Elle se situe au nord de Myô-kenura. Parmi les établissements qu’on y trouve, on peutse laisser séduire par l’ambiance du Gunpôkaku Garasha(à partir de 10 500 yens la nuit en demi-pension) et sonstyle années 20 ou celle de l’Ishiyama Rikyû Gosokuno Kutsu plus luxueuse (à partir de 26 400 yens endemi-pension). Ses balcons et ses bains privés avec vuesur la mer sans oublier une nourriture irréprochablejustifient ce prix un peu élevé. Mais n’est-on pas prêtà tout pour un petit coin de paradis ?

GABRIEL BERNARD

PRATIQUEPOUR S’Y RENDRE Au départ de Kumamoto, 1h40jusqu’à Matsushima (1 480 yens) ou 2h25 jusqu’àHondo (2 180 yens). Un à deux autocars par heure.53 mn jusqu’à Misumi par train (ligne Misumi, 720yens). Pour circuler à l’intérieur de l’archipel,possibilité d’emprunter des bus (4 000 yens le pass).On peut avantageusement consulter le site del’Office du tourisme : www.t-island.jp

Quelques spécialités à base de poulpe vendues au marché

d’Ariake, haut lieu de la gastronomie locale.

DR

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SOUVEnIRSDes objets made inTôhoku à Tôkyô

Si l’on hésite encore à se rendre dans le

Tôhoku suite au séisme du 11 mars, rien

n’empêche de soutenir cette région en se

faisant plaisir. La boutique Bingoya

spécialisée dans l’artisanat propose une

large sélection de produits venus de cette

partie du Japon à des prix raisonnables.

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MAngA TEZUKA Osamurencontre Bouddha

Celui qu’on présente comme le père du

manga moderne a consacré une de ses

œuvres à la vie de Bouddha [éd. Tonkam].

Le Musée national de Tokyo lui rend

hommage en présentant à la fois ce travail

admirable ainsi que des sculptures et des

images bouddhiques. Jusqu’au 26 juin.

MUSéE nATIOnAL DE TOkYO

13-9 Ueno, Taito-ku, Tokyo Tél. : 03-5405-8686.

Ouverture : 9h30-17h - http://budda-tezuka.com

ZOOM VOYAGE

L es images de guerre nous laissent rarement demarbre, surtout lorsqu’elles touchent aux enfants.Au Musée de la photographie de la ville de

Tokyo, on a choisi de mettre en évidence cet aspect deschoses dans une très belle exposition baptisée simple-ment Photographies d’enfants et de guerres. Les clichésprésentés montrent comment les enfants doivent s’adap-ter à des conditions de vie difficiles pendant et après lesconflits. Une grande partie des photos présentéesconcerne le Japon et l’on peut découvrir de très bellesphotographies signées TôMATSU Shômei ou encoreTAMURA Shigeru. Pour les promoteurs de l’exposition,il s’agit de montrer comment les images des enfantsen temps de guerre ont été utilisées pour provoquerémotions et réactions dans l’opinion publique aumoment de leur publication. Un travail pédagogiqueparticulièrement intéressant à un moment où notresociété moderne accorde une confiance aveugle auximages. Jusqu’au 10 juillet.

ODAIRA NAMIHEI

Un regard sur la façon dont les enfantsvivent les conflits et leurs conséquences.

EXpOSITIOn Enfance et guerres

S’Y RENDRETOKYO METROPOLITAN MUSEUM OFPHOTOGRAPHY Yebisu Garden Place, 1-13-3 Mita,Meguro-ku, 153-0062 Tokyo. Tél. 03-3280-0099 -http://syabi.com/english.phpOuvert : 10h-18h du mardi au dimanche.

Tômatsu Shômei, “Sœurs”, Tsukudajima, 1955

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