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1 Lettre aux militantes et aux militants Un Monde d’Avance Cher-e camarade, Quelques semaines après le scrutin municipal, nous mesurons mieux encore l’ampleur de la défaite subie par le Parti socialiste. Pour un parti qui s’est construit depuis plusieurs décennies dans sa relation avec les territoires, le traumatisme est majeur. Les militantes et militants socialistes sont encore sous le choc d’une défaite qui ne sanctionne pas les politiques menées localement, mais qui au contraire marque la rupture profonde entre notre électorat et le pouvoir exécutif. Pour dire son opposition aux grandes orientations nationales, aux grands choix économiques et sociaux, l’électorat de gauche s’est massivement abstenu, quand il n’est pas allé directement voter pour les candidats de droite pour être sûr de l’efficacité du message qu’il délivrait. Les électeurs ne sont pas idiots. Ce n’est pas un manque de communication ou de pédagogie des réformes qui est à l’origine du vote des municipales : c’est le contenu même des politiques qui est rejeté. Et comment leur en vouloir ? François Hollande a été élu sur un programme de gauche, certes modéré, mais caractérisé par la volonté d’en découdre avec la « Finance », la commission européenne, les politiques libérales menées par nos voisins. Pourtant, arrivé au pouvoir, nous n’avons que faiblement tenté de nous affronter aux origines de l’étranglement budgétaire qui paralyse aujourd’hui nos politiques publiques et anesthésie toute volonté de relance par l’investissement. Il aurait fallu pour cela, comme nous l’avions promis, remettre en cause le TSCG qui impose à la France le dogme absurde des 3% de déficits publics. Cest pour cela que nos députés nont pas voté la ratification du TSCG. François Hollande a été élu sur l’idée du « redressement dans la justice ». Pour le moment, les résultats ne sont pas au rendez-vous : les politiques de rigueur mises en œuvre depuis 2012 ont des effets récessifs importants et la répartition des efforts demandés est vécue, à raison, comme injuste. A ce titre, l’absence de réforme fiscale ou les cadeaux aux entreprises par le biais du CICE puis du Pacte de responsabilité éclairent les arbitrages qui ont pu être faits. François Hollande, enfin, a été élu sur le rassemblement de la gauche au soir du 6 mai 2012. Aujourd’hui ce rassemblement a vécu et la majorité nationale ne repose plus que sur les seuls socialistes et radicaux. Il y a deux ans, nos électeurs se sont rassemblés pour porter la gauche au pouvoir et réaliser le changement promis par le candidat socialiste. A mi-mandat, le changement se fait attendre. Voilà pour le constat de ces derniers mois. Voilà pour les raisons qui ont mené à la débâcle de notre camp politique aux élections municipales.

Lettre aux camarades Un Monde d'Avance 17.04.14

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Lettre aux militantes et aux militants Un Monde d’Avance

Cher-e camarade, Quelques semaines après le scrutin municipal, nous mesurons mieux encore l’ampleur de la défaite subie par le Parti socialiste. Pour un parti qui s’est construit depuis plusieurs décennies dans sa relation avec les territoires, le traumatisme est majeur. Les militantes et militants socialistes sont encore sous le choc d’une défaite qui ne sanctionne pas les politiques menées localement, mais qui au contraire marque la rupture profonde entre notre électorat et le pouvoir exécutif. Pour dire son opposition aux grandes orientations nationales, aux grands choix économiques et sociaux, l’électorat de gauche s’est massivement abstenu, quand il n’est pas allé directement voter pour les candidats de droite pour être sûr de l’efficacité du message qu’il délivrait. Les électeurs ne sont pas idiots. Ce n’est pas un manque de communication ou de pédagogie des réformes qui est à l’origine du vote des municipales : c’est le contenu même des politiques qui est rejeté. Et comment leur en vouloir ? François Hollande a été élu sur un programme de gauche, certes modéré, mais caractérisé par la volonté d’en découdre avec la « Finance », la commission européenne, les politiques libérales menées par nos voisins. Pourtant, arrivé au pouvoir, nous n’avons que faiblement tenté de nous affronter aux origines de l’étranglement budgétaire qui paralyse aujourd’hui nos politiques publiques et anesthésie toute volonté de relance par l’investissement. Il aurait fallu pour cela, comme nous l’avions promis, remettre en cause le TSCG qui impose à la France le dogme absurde des 3% de déficits publics. C’est pour cela que nos députés n’ont pas voté la ratification du TSCG. François Hollande a été élu sur l’idée du « redressement dans la justice ». Pour le moment, les résultats ne sont pas au rendez-vous : les politiques de rigueur mises en œuvre depuis 2012 ont des effets récessifs importants et la répartition des efforts demandés est vécue, à raison, comme injuste. A ce titre, l’absence de réforme fiscale ou les cadeaux aux entreprises par le biais du CICE puis du Pacte de responsabilité éclairent les arbitrages qui ont pu être faits. François Hollande, enfin, a été élu sur le rassemblement de la gauche au soir du 6 mai 2012. Aujourd’hui ce rassemblement a vécu et la majorité nationale ne repose plus que sur les seuls socialistes et radicaux. Il y a deux ans, nos électeurs se sont rassemblés pour porter la gauche au pouvoir et réaliser le changement promis par le candidat socialiste. A mi-mandat, le changement se fait attendre. Voilà pour le constat de ces derniers mois. Voilà pour les raisons qui ont mené à la débâcle de notre camp politique aux élections municipales.

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Lettre aux militantes et aux militants Un Monde d’Avance - Jeudi 17 avril 2014

Pour nous socialistes, le sursaut s’impose. Il nous faut répondre aux attentes de nos électeurs. Malheureusement, les premiers signes donnés par la nomination d’un nouveau Premier ministre et l’annonce de la feuille de route du nouveau gouvernement ne sont pas à la hauteur. Quelle réorientation pourrions-nous voir dans le maintien de l’objectif de réduction des dépenses publiques de 50 milliards ? Quelle réorientation encore avec le gel des prestations sociales et celui du salaire des fonctionnaires ? Quelle réorientation enfin dans l’acceptation des contraintes budgétaires imposées par la commission européenne ? La ligne choisie, confirmée au lendemain du scrutin, est donc clairement une ligne axée quasi exclusivement sur la réduction des dépenses publiques. En un mot, une ligne que l’on pourrait qualifier de social-libérale. Ce n’est pas le désendettement qui peut créer le développement économique mais au contraire le développement économique qui peut à terme faire baisser la dette. Dès lors des questions fondamentales se posent. Cette ligne est-elle majoritaire à gauche ? Les élections municipales ont démontré l’inverse. Cette ligne est-elle majoritaire dans le Parti socialiste ? Nous ne le croyons pas. Ce n’est pas la désignation par le Conseil national, un mardi à 17 heures, de Jean-Christophe Cambadélis comme nouveau Premier secrétaire du Parti socialiste, qui répondra à l’immense aspiration pour une réorientation de la politique nationale de notre électorat. Elle est trop directement liée au mécano du remaniement pour avoir la possibilité de s’autonomiser face au gouvernement si cela est nécessaire. Cette nomination, toute « statutaire » qu’elle puisse être, pose aussi le problème du fonctionnement de notre parti. Les militants après un congrès de rassemblement en 2012, une convention Europe marquée par un comptage délicat des votes sur les amendements, et une disparition progressive du parti, sont placés devant le fait accompli. De ce que nous comprenons, on ne leur propose plus de voter, de débattre de la ligne, mais de « ratifier » une feuille de route venue d’en haut. Nous ne pouvons nous en satisfaire : c’est pour cela que nous avons demandé et que nous continuons à demander un congrès extraordinaire du Parti socialiste. Dans ces conditions, nous ne pouvions accepter d’accorder un soutien sans préalable, sans conditions, au nouveau Premier secrétaire. Nous n’avons pas d’a priori sur la personne de Jean-Christophe Cambadélis mais à partir du moment où la question de la réorientation n’est même pas posée et où le rôle du militant est réduit à sa plus simple expression, nous avons décidé de présenter une motion et une candidature alternative au dernier Conseil national. Plus encore, nous avons pris collectivement la décision de quitter la direction du PS et de sortir du Secrétariat national, alors que nos représentants étaient parmi les plus actifs et les plus utiles. >> QUELLE METHODE POUR LA SUITE ? Elle est simple : c’est celle du rassemblement sans exclusive de ceux qui considèrent qu’une réorientation en profondeur est nécessaire. Ce rassemblement est en marche depuis plusieurs mois déjà. Dans le Parti, nous avons présenté des amendements au texte de la Convention Europe avec d’autres sensibilités. Surtout, lors du séminaire de janvier sur le Pacte de

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Lettre aux militantes et aux militants Un Monde d’Avance - Jeudi 17 avril 2014

responsabilité, nous avions présenté un texte signé par 40 % des membres du Bureau national pour en contester la nature et l’opportunité. Ce rassemblement s’est traduit par une motion commune et un candidat commun au dernier CN. A l’Assemblée, nous avions déjà été à l’initiative d’un appel en faveur d’une réelle réforme fiscale, à l’automne dernier. C’est maintenant près d’un tiers du groupe qui demande une nouvelle orientation et une meilleure association des parlementaires à la définition des politiques nationales. Nos élus ont joué un rôle de premier plan dans ce rassemblement, et je tiens ici à les en remercier. >> QUELLES ACTIONS ENFIN ? Dans le Parti, nous allons nous inscrire dans le calendrier des débats prévus pour faire entendre notre voix et porter nos exigences. Mais cela ne peut être en aucun cas suffisant, et cela ne nous empêchera pas de continuer à demander l’organisation du moment de démocratie militante majeur, à savoir un congrès du Parti socialiste. A l’Assemblée Nationale, nous allons poursuivre toute initiative visant à redonner du pouvoir à la souveraineté nationale. Dans les fédérations et sur le terrain, nous proposerons collectivement des moyens de décliner et relayer auprès de chaque militant ces initiatives nationales. Enfin, nous allons surtout nous tourner vers l’extérieur, vers nos partenaires de gauche, le mouvement social, les citoyens engagés pour faire entendre une autre voix socialiste sur les questions européennes, sur la construction d’un nouveau modèle de développement ou encore la préservation de notre modèle social. Si l’essentiel de notre action ne peut se limiter au débat interne au Parti Socialiste, c’est pourtant en son sein que nous devons nous mobiliser pour porter la réorientation nécessaire. Le Parti de Jaurès ne peut être un parti social-libéral. Pour mettre cela en œuvre, nous vous proposerons rapidement un rendez-vous national pour tout notre courant. Être utiles à notre électorat, être utiles à la gauche. Encore et toujours la même feuille de route. Amitiés socialistes,

L’équipe de direction d’Un Monde d’Avance