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agir ››››››››››› LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 9 | 1 / FÉVRIER 2013 Inde : « Rendez-nous la terre ! Elle nous appartient ! »

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Inde : " Rendez-nous la terre ! Elle nous appartient ! "

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agir›››››››››››LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 9 | 1 / FÉVRIER 2013

Inde :« Rendez-nous la terre ! Elle nous appartient ! »

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ÉDITORIAL2 SOMMAIRE

2 Editorial

3 Proche des gens

Offrir son aide de manière ludique

4 L’invité

Peter Niggli

5 Intégration sociale en Suisse

Campagne sur l’égalité des chances

en vue !

6 Inde

Manifestations pour revendiquer

l‘accès à la terre

8 Transparence

Bilan de trois ans d’action après

le tremblement de terre en Haïti

10 Médiation interculturelle

La société a tout à gagner de

soigner ses personnes vieillissantes

12 Actuel et agenda

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Couverture Photo : EPER / Karin DesmarowitzLashiamma Maekalollo (adivasi), manifeste pour le droit à la terre.

IMPRESSUM AGIR N°9, FÉVRIER 2013ISSN 2235-0772Paraît 4 fois par an Editeur : Entraide Protestante Suisse (EPER)Responsable de la publication : Olivier GrazRédaction : Joëlle Herren LauferTraduction : Sandra Först Impression : Jordi, BelpTirage : 16 200 exemplairesAbonnement : CHF 10, déduits une fois par an de vos donsAdresse : Bd de Grancy 17 bis, case postale 536, 1001 LausanneTéléphone : 021 613 40 70Fax : 021 617 26 26Internet : www.eper.chE-mail : [email protected] pour les dons : 10-1390-5

Faire le buzz ?

A l’heure où l’information est devenue une matière première volatile, la communication efficace semble devoir se résumer à « faire le buzz » : un message sim-ple et percutant, qui n’hésite pas au besoin à se faire simpliste pour capter l’attention d’un public saturé de sollicitations.

Cette manière de faire ne favorise ni le développement d’arguments ni le sens des nuances. Ces qualités sont pourtant indispensables pour faire face, sur le terrain

et dans le travail de communication, aux problèmes complexes auxquels est conf-rontée l’EPER. Aux alternatives « pour » ou « contre », l’EPER préfère ainsi souvent des réponses mesurées, plus en phase avec la réalité. Ce numéro d’agir l’illustre.

Pour ou contre l’économie ? Eléments de réponse pour l’aide au développement avec notre invité Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud. En Suisse, présentation de la prochaine campagne de l’EPER en faveur de l’égalité des chances sur le marché de l’emploi : les entreprises peuvent contribuer à y réduire la discrimination envers les jeunes issus de la migration, qui doivent, à compétences égales, soumettre cinq fois plus de postulations qu’une personne suisse pour décrocher un entretien et mettent deux fois plus de temps à trouver un emploi.

Pour ou contre le marketing dans les ONG ? Réponse de l’EPER à travers le compte-rendu de notre action à Haïti depuis le tremblement de terre de 2010 : des succès heureusement, obtenus dans un contexte difficile, mais pas une success story qui essaie de faire croire aux donateurs que tout se passe sans problème. L’EPER fait ainsi le pari que la promotion de son action ne se limite pas à célébrer des résultats mais passe par la transparence.

Ce positionnement de l’EPER ne trahit pas un manque de profil mais l’exprime au contraire. La nuance n’exclut d’ailleurs pas la détermination ; en témoigne notre travail en Inde, où l’EPER soutient les plus précaires dans la ferme revendication de leurs droits. Elle n’exclut pas non plus la clarté. L’EPER a récemment découvert les projets de mesures des services vaudois en charge de l’asile qui souhaitent priver d’une aide d’urgence minimale des personnes en situation précaire. L’EPER a publiquement dénoncé le caractère humiliant, disproportionné et indigne des valeurs qui devraient fonder notre société.

Panacée, le buzz ? L’EPER fait le pari que non. Elle est encouragée dans son choix par l’efficacité des solutions proposées dans ses projets et par la fidélité de celles et ceux qui la soutiennent.

Merci de votre précieux soutien et excellente lecture.

Philippe BoveySecrétaire romand

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PROCHE DES GENS

« J’offre un cochon d’élevage à ma belle-sœur ! »

Situé au centre du Brésil, le Cerrado est une région constituée de savane. Aujourd’hui, son écosystème est gravement menacé par

l’expansion des plantations de soja, de sucre et d’eucalyptus sur d’importantes superficies ainsi que par l’élevage bovin extensif. Parallèlement aux dégradations environnementales, les problèmes sociaux se sont considérablement aggravés : des familles installées sur leurs terres depuis plusieurs générations et sans titre de propriété sont systé-matiquement expulsées. Les coupables ? De grands propriétaires fonciers ou d’importants projets agroindustriels comme la construction de barrages, la production de charbon de bois, de cellulose ou d’agrocarburants. Les familles de petits paysans et les minorités ethniques se battent pour leur survie sociale, économique et culturelle dans la région.

L’EPER a mis en place plusieurs projets pour soutenir la lutte de ces petits paysans. Dans le vil-lage de Malhada Grande par exemple, l’une des

36 communes de l’Associãçao Gulamba dans la région de Curutuba, les jeunes ont la possibilité de suivre des formations sur différents sujets. Avec le soutien des bourses de l’EPER, Mirjam, 18 ans, a ainsi pu suivre un cours d’élevage. A la fin de la for-mation, chaque participante et participant pouvait soumettre une demande d’aide de départ pour un projet. Mirjam souhaitait monter un élevage de cochons. Après avoir exposé son business plan, elle a obtenu l’argent nécessaire au lancement de son affaire. Pour 350 Reais, elle a acheté une truie. Celle-ci a déjà mis 13 petits au monde, que Mirjam a pu vendre 60 Reais chacun. Entre temps, la jeune fille a commencé des études d’agronomie à Montes Claros. Etant rarement chez elle, elle a confié à son frère et à sa sœur la responsabilité de s’occuper de ses cochons, en échange d’un salaire annuel de 30 Reais. Une vraie femme d’affaires !

Pour en savoir plus : www.offrirsonaide.ch

Les donateurs se demandent souvent à quoi servent leurs dons. L’action « Offrir son aide » permet de visualiser, de manière ludique, le type d’aide concrète que l’on peut apporter en offrant à un proche un certificat pour un cochon par exemple.

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www.offrir-son-aide.ch

De la part deune famille de petits paysans reçoit un cochon d’élevage. De nombreux

paysans vivent très en-dessous du seuil de pauvreté, car les parcellesles plus fertiles appartiennent à des grands propriétaires terriens. L’élevagede cochons représente donc une alternative. Les cochons se reproduisent

et permettent d’ investir pour l’avenir. Peu à peu, les conditions de vie despetits paysans s’améliorent de façon durable.

Certificat Certificat pour un pour un

cochon d ’élevagecochon d ’élevage

Cette action a un effet multiplicateur. Elle sensibilise la personne qui reçoit le cadeau, en plus d’offrir une aide concrète à des personnes démunies qui peuvent ainsi démarrer un projet de vie.

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4 L’INVITÉ

Peter Niggli est le directeur d’Alliance Sud depuis 1998. Il est l’auteur de plusieurs études sur l’Afrique et sur l’aide au développement. Alliance Sud est l’organisation politique des six grandes œuvres d’entraide en Suisse : Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas et l’EPER.

Interview de Peter Niggli, directeur d‘Alliance Sud

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JOËLLE HERREN LAUFER

Quelle est la répartition des rôles entre Alliance Sud et l’EPER ?Alliance Sud est financée par six œuvres d’entraide, dont l’EPER, qui ont des projets de développement à l’étranger. Alliance Sud tâche, par le lobbying, d’influencer la politique étrangère de la Suisse dans l’intérêt des pays en développement, et surtout des couches marginalisées.

Comment collaborez-vous concrètement ?Dans la « Campagne 0,7% » pour augmenter le budget de la Confédération attribué au développement, les œuvres d’entraide ont joué un rôle capital pour propager l’idée et récolter des signa-tures. Alliance Sud s’est mobilisée auprès du Parlement. Résultat : 2/3 des parlementaires ont voté une augmentation du budget à 0,5% en 2011. Ça a été un grand succès !

Quelle est la politique de développement de la Suisse par rapport aux autres pays ?Elle est bien meilleure que celle de tas d’autres pays. Elle suit la politique des œuvres d’entraide. Mais elle ne doit pas servir les intérêts géopolitiques de la Suisse, ni favoriser l’économie.

Les entreprises sont-elles des acteurs du développement ?Elles peuvent l’être dans certains pays en développement. Mais il faut différencier s’il s’agit d’entreprises nationales ou multina-tionales. En Asie, les pays qui se développent bien doivent leur succès aux entreprises nationales. Et si des multinationales en-trent en jeux, il convient de poser clairement des règles pour promouvoir le marché national et restreindre les possibilités de rapatrier tout ou partie des profits.

Qu’en est-il des entreprises suisses ?Elles peuvent contribuer au développement dans la mesure où le pays hôte a une stratégie économique qui sait tirer partie de leur présence. Sous la bannière « Droit sans frontières », toutes les œuvres d’entraide ont lutté en Suisse pour que l’Etat régule le comportement des entreprises suisses à l’étranger au niveau des droits humains et des standards écologiques. Mais comme il s’agit d’une démarche volontaire, seule une minorité d’entreprises s’efforce d’améliorer ses pratiques. Il est temps de donner un coup légal pour accélérer le développement.

Quels partenariats les œuvres d’entraide peuvent-elles envisager avec les entreprises ?Les œuvres d’entraide ont déjà des partenariats avec certaines entreprises, notamment dans le domaine du commerce équi-table. L’important est d’en connaître les limites et de garder son indépendance. Après, on ne peut faire de généralités, il faut analyser chaque cas de manière spécifique lors du financement de programmes concrets.

Faut-il subordonner l’aide au développement à des parte-nariats avec ces pays ?Tant le Conseil fédéral que la majorité du Parlement sont con-tre l’idée de lier l’aide au développement à l’acceptation de réfugiés par l’Etat bénéficiaire. D’ailleurs, la plupart des réfugiés qui viennent en Suisse sont originaires de pays qui ne reçoivent quasiment aucune aide de la Confédération, comme l’Erythrée, la Turquie ou la Chine.

Les Objectifs pour le millénaire ont pour terme 2015, quel est votre bilan ?On observe une diminution de la pauvreté absolue, mais elle n’est pas tant due aux Objectifs, qu’à la croissance généralisée dans presque tous les pays en développement. Dès le début, les Objec-tifs ont été critiqués car ils n’étaient pas liés entres eux et auraient nécessité une stratégie de développement. Il n’empêche qu’ils ont permis de convaincre certains pays donateurs d’augmenter leur aide et certains pays en développement de renforcer le bud-get étatique pour l’éducation, la santé et les biens publics sociaux. On note des progrès au niveau de la mortalité infantile, du combat contre le VIH/Sida et l’éducation, au contraire de la santé mater-nelle. Le seul objectif qui s’adressait aux pays riches – créer des partenariats pour le développement – n’a pas donné lieu à des progrès : les pays en développement sont désormais capables de bloquer les initiatives des pays occidentaux, comme les négocia-tions avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mais n’arrivent pas à promouvoir leurs propres initiatives. Rio +20 a été l’occasion d’aborder l’agenda post 2015, mais tout reste à faire !

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INTÉGRATION SOCIALE EN SUISSE

Après avoir rencontré beaucoup de difficultés d’équivalences de diplômes, Léa Ferreira, originaire du Brésil, a trouvé un travail d’enseignante avec l’aide de sa mentor dans le cadre du projet MentoratEmploi Migration de l’EPER.

Chantal Varrin, responsable des projets en Suisse

« Une personne migrante sur trois issues d’un Etat extra-européen est surqualifiée. Ce sont des compétences perdues pour le marché de l’emploi et pour la société suisse ».

L’EPER s’engage en faveur de l’égalité des chances

Thématique centrale dans les projets d’intégration sociale de l’EPER, l’égalité des chances fera l’objet d’une campagne en mai 2013, axée sur l’égalité d’accès au marché de l’emploi et la lutte contre la discrimination dans le milieu professionnel.

L’égalité des chances est une vision de l’égalité qui cherche à faire en sorte que les individus disposent des mêmes chances, des mêmes op-

portunités de développement social. En d’autres termes, toutes les personnes devraient avoir les mêmes chances dans la vie et personne ne devrait être désavantagé en raison de son origine sociale, de sa nationalité, de sa religion ou de son âge.

Loin de se limiter à une simple règle morale, ce principe est ancré juridiquement à l’article 8 de notre Constitution fédérale : « Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique. »

Si cette nécessité peut sembler évidente, la ré-alité est souvent toute autre sur le marché du tra-vail suisse : parmi les personnes qui se retrouvent au chômage après 55 ans, une sur cinq seulement retrouve un emploi, tandis que les autres viennent grossir les rangs des chômeuses et chômeurs de longue durée. Les jeunes ayant un nom de famille à consonance étrangère, même lorsqu’ils ont suivi leur formation en Suisse, doivent soumettre cinq fois plus de candidatures que les jeunes Suisses pour obtenir un entretien d’embauche et mettent en général deux fois plus de temps pour trouver un emploi, ce même avec des résultats scolaires de même niveau que ceux de leur camarades d’études suisses. Une migrante sur trois originaire d’un

pays extra-européen est surqualifiée pour le travail qu’elle effectue ici, ses diplômes étrangers n’étant pas reconnus en Suisse.

Souvent, les facteurs tels que l’origine sociale, l’âge et ou l’appartenance ethnique influencent davantage les chances de trouver un emploi et le cursus professionnel d’une personne que ses com-pétences réelles, son savoir ou son expérience pro-fessionnelle. De par son travail dans le domaine de l’intégration professionnelle en Suisse, l’EPER veut contribuer à améliorer les chances des personnes concernées en matière de formation et d‘emploi.

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6 DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS RURALES

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En Inde, les plus démunis n’hésitent pas à descendre par milliers dans la rue pour revendiquerl’accès à la terre. La souveraineté alimentaire est le premier pas vers la dignité.

CORINA BOSSHARD (ADAPTATION : SANDRA FÖRST)

Inde« Descendez dans la rue et faites du bruit ! »

Venkatageri, salle de conférence d’un hôtel. Dehors, la température avoisine les 35°C à l’ombre. A l’intérieur, les ventilateurs tour-

nent à plein régime. Assises en tailleur, serrées les unes contre les autres, une centaine de personnes écoutent le discours d’une femme en sari. « Le seul moyen de faire connaître vos problèmes, c’est d’élever la voix, leur assène-t-elle. Descendez dans la rue et faites du bruit. Vous n’êtes pas des men-diants, vous avez des droits. Mais vous devez les revendiquer ! »

Les enfants de Dieu

La femme en sari, c’est Geetha, la directrice de la Sarada Educational Society (SES), une organisation partenaire de l’EPER. Présente dans une dizaine de villages du district de Nellore dans l’Etat d‘Andhra Pradesh, SES soutient des groupes de population défavorisés : les « Dalits » (les opprimés), des hors caste que Gandhi appelait les « Harijan » (les en-fants de Dieu), et les « Adivasis », une population autochtone.

« En Inde, les terres fertiles et les points d’eau appartiennent généralement aux castes les plus élevées. Les hors caste ne possèdent quant à eux pas de terre ; ils travaillent dans les champs des au-tres pour des salaires de misère, explique Geetha.

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SES encourage les familles adivasis et dalits à cultiver les terres communales laissées en friche. En effet, la législation prévoit qu’après trois ans, les personnes qui exploitent des terres communales peuvent obte-nir un titre foncier. » Cette stratégie porte ses fruits : rien que dans l’Etat d‘Andhra Pradesh, il a été pos-sible d’obtenir des titres pour plus de 4 000 hectares de terres ces dernières années. Mais depuis deux ans, le gouvernement n’a plus octroyé aucun titre. « Le ministre des finances nous a promis que les titres seront distribués dans un mois ou deux. Le gouvernement doit maintenant tenir sa promesse. C’est pourquoi nous organisons une manifestation afin de lui remettre un mémo-randum. Il est question de 80 hectares, soit de l’avenir de 63 familles ! »

Sans-terres en colère

Après le discours de Geetha, l’assemblée descend dans la rue au son des tambours. « Rendez-nous la terre ! Elle nous appartient ! » crient les manifestants. Une équipe de la télévision locale filme l’événement. Lashiamma, une des manifestantes, raconte son histoire à un journaliste : il y a quelques années, elle a été expulsée par de grands proprié-taires de la parcelle que sa famille exploitait depuis plusieurs générations. « Depuis, nous gagnons notre vie comme travailleurs journaliers et ramas-sons du bois de chauffage pour le vendre au mar-ché. J’ai dû retirer mon fils aîné de l’école car je ne

pouvais plus payer son uniforme et ses livres. » SES l’a alors encouragée à emprunter la voie juridique pour obtenir une parcelle. C’est ce que fait Lashiam- ma depuis maintenant trois ans : elle rencontre des fonctionnaires, pose des questions, exige des réponses, participe à des manifestations. SES la soutient dans ses démarches. « Ce matin, j’ai dit au journaliste de la télé : oui, je suis adivasi, mais j’ai le droit d’être traitée comme toute autre personne, raconte Lashiamma. Si je suis aujourd’hui sûre de moi et que j’ose donner mon avis en public, c’est grâce à SES. Je n’ai plus peur : je connais mes droits et je sais que je suis soutenue. »

Nouveaux propriétaires terriens

Naek et Dhareni Modeh vivent dans le district voi-sin de Cudappah. « Autrefois, nous n’avions pas de terre. Nous ramassions et vendions du bois de chauffage et fabriquions illégalement de l’eau-de-vie pour joindre les deux bouts. Les gens du voisinage nous évitaient. » C’est DROPS, une orga-nisation partenaire de l’EPER, qui les a motivés à exploiter une terre communale en friche. Il y a trois ans, la famille Modeh a finalement obtenu un titre foncier pour 1,6 hectare de terre. Posséder une terre a changé la vie de la fa-mille Modeh. Aujourd’hui, la quarantaine de sacs d’arachides qu’elle récolte chaque année lui rap-porte assez pour subvenir à ses besoins : « Nous pouvons nous concentrer sur la formation et l’avenir de nos enfants », se réjouit Dhareni. En Inde, la possession d’une parcelle n’est pas unique-ment une question financière : pour les hors caste et les adivasis, elle représente une ascension so-ciale. « Nous sommes maintenant des proprié-taires terriens, sourit Naek Modeh. Nous avons pu rembourser nos dettes et les autres propriétaires daignent désormais nous adresser la parole ! » Et Dhareni d’ajouter : « Avant, je devais parfois faire la manche. Ces temps sont révolus. Grâce à cette parcelle, j’ai retrouvé ma dignité. »

L’EPER est présente en Inde depuis 55 ans. L’accès à la terre est un thème central depuis une dizaine d’années. En 2003, l’EPER a créé dans trois Etats des forums sur les droits fonciers, visant à coordonner les activités de ses organisations partenaires.

L’Inde, entre essor économique et pauvreté

Pensions pour les veuves et les retraités, aliments à prix réduits, gaz de cuisine subventionné – la liste des prestations sociales en Inde est longue. Pourtant, malgré ces dernières et en dépit d’une forte croissance économique, le nombre de personnes démunies n’a pas baissé au cours des 20 dernières années. Quelque 340 millions de personnes, soit 34% de la population, vivent toujours en dessous du seuil absolu de pauvreté (USD 1 par jour). Diverses raisons expliquent cette situation : l’élite tra-ditionnelle détourne souvent les prestations sociales à son avantage, de nombreux bénéficiaires ne connaissent pas leurs droits ou ne cherchent pas à bénéficier des prestations, cer-tains essayent mais échouent en raison de procédures com-pliquées ou d’autorités corrompues. Quant aux lois relatives à l’accès à la terre, elles existent certes sur le papier, mais ne sont quasiment pas appliquées en réalité. C’est là qu’interviennent les organisations partenaires de l’EPER : elles apprennent aux bénéficiaires à revendiquer leurs droits et à recourir aux prestations auxquelles elles ont droit. Cette approche porte ses fruits : avec un budget de CHF 910000, le programme de l’EPER a pu, en 2011/12, mobi-liser des ressources d’une valeur d’environ CHF 13316000 par le biais de redistributions de terres et de revendications de prestations publiques.

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Le 12 janvier 2010, il y a trois ans, Haïti était secouée par un séisme. Présente dans le pays depuis 39 ans avec des projets de développement et d’aide d’urgence, l’EPER a pu, grâce à son réseau, intervenir immédiatement après la catastrophe pour apporter une aide d’urgence à Port-au-Prince. Parallèlement, elle a entrepris des travaux de reconstruction dans les régions de Petit Goâve et de la Grand’Anse. Les projets sont cofinancés par la Chaîne du Bonheur.

SUSANNE STAHEL

Trois ans après le séisme en Haïti, l’EPER fait le bilan

Quelques jours à peine après le séisme, l’EPER mettait en place des « cuisines de rue » à Port-au-Prince. Durant 100 jours,

3000 repas chaud ont été préparés et distribués chaque jour. Peu après, l’EPER est également inter-venue au sud-ouest de l’île, dans le département de la Grand’Anse, où elle gérait déjà des projets d’agriculture notamment.

Aide humanitaire dans la Grand’Anse : projet clos avec succès

Fin octobre 2012, l’EPER a mis un terme à son tra-vail humanitaire dans la Grand’Anse. Les résultats sont positifs : comme prévu, 25 maisons tradition-nelles équipées de fours, de toilettes, de citernes et de filtres à eau ont été construites pour des familles

Christianne Derozema, mère de quatre enfants, est ravie que sa maison, totalement détruite par le tremblement de terre, ait été reconstruite.

« Elle est plus belle qu’avant ! »

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dans cinq communes. En outre, 16,4 km de route menant vers des régions reculées ont été consoli-dés, 1,1 km de route ont été bétonnés et 6,8 km de route réparés. Par ailleurs, des murets d’une longueur totale de 4,3 km ont été construits pour soutenir les routes. Une bourse a été octroyée à 1046 élèves et l’EPER a formé des maçons et des ferblantiers pour la construction des maisons. Les projets de développement et coopération axés sur l’agriculture et la transmission de savoir se pour-suivent.

Des habitations résistantes

La plupart des ONG ont quitté la région de Petit Goâve fin 2011. L’EPER est la seule à être restée et à construire des habitations permanentes plutôt que des logements temporaires. Un concept qui a fait ses preuves : les maisons ont résisté à l’ouragan Sandy. A Petit Goâve, l’EPER implique autant que pos-sible les autorités et la population dans le projet. Des comités locaux ont ainsi été élus par la popula-tion. Ceux-ci sont chargés de procéder à une pré-sélection des bénéficiaires potentiels qui jouiront des nouvelles constructions. Le projet s’adresse principalement à des familles monoparentales, à des familles nombreuses et à des familles dont un membre souffre d’un handicap physique suite au séisme. Les bénéficiaires et leurs familles doivent apporter leur contribution en travaillant sur le chantier. L’EPER a également formé plus de 80 maçons haïtiens, qui travaillent désormais pour le projet. L’expérience sur le terrain a en outre montré qu’il est meilleur marché de détruire les maisons fortement endommagées et d’en reconstruire de nouvelles. Début octobre 2012, 680 personnes bénéficiaient d’un logement permanent : 141 mai-sons avaient été construites et 20 habitations sont en cours de construction. En outre, 112 latrines ont été construites.

Cas de détournement de matériel découvert en interne

Pourtant, l’EPER travaille dans un contexte fragile et difficile à Petit Goâve. Des contrôles internes ont mis en lumière des irrégularités dans la gestion de son entrepôt. Un collaborateur local est soupçonné d’avoir, avec des complices, dérobé des marchan-dises pour une valeur de CHF 243 000. L’EPER a licencié les principaux suspects et s’est séparée des collaborateurs responsables. Elle étudie actuelle-ment si elle entend entamer des démarches judi-ciaires. Le travail opérationnel à Petit Goâve a dû être interrompu momentanément. Entre temps, les postes clés ont pu être repourvus et les processus de logistique adaptés. Les conditions sont ainsi réu-nies pour permettre la reprise du projet. Les dommages seront couverts par des provi-sions issues du produit de titres ; ils n’auront donc aucune incidence sur l’argent de nos donatrices et donateurs. L’EPER regrette cet incident, mais se ré-jouit que les contrôles internes aient fonctionné. Les processus et systèmes de contrôle ne sont efficaces qu’à condition que toutes et tous les collaboratri-ces et collaborateurs respectent scrupuleusement les règles, ce qui n’a malheureusement pas toujours été le cas dans le cadre du projet à Petit Goâve. D’autres facteurs se sont ajoutés, comme le con-texte local difficile et une forte pression dans le cadre du travail. L’EPER a tiré des leçons de cet incident : elle renforce son système de contrôle et accentue l’attention portée sur l’attribution des postes clés, de logistique par exemple.

L’EPER a récemment publié un code de transpa-rence. Celui-ci définit sa conception d’une com-munication transparente et présente les principes appliqués en la matière ainsi que leur mise en œuvre dans la pratique. Le document est disponible sur : www.eper.ch, sous « matériel de référence ».

La construction de ces routes par la population locale génère des revenus non négligeables pour les familles et offre un chemin d’accès durable pour toute la communauté. (Vues de la route avant et après les travaux)

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De nombreux services de conseil pour personnes âgées existent en Suisse, mais ils peinent à toucher les migrants. Le projet Age et Migration lutte contre l’exclusion de cette frange de la population – en particulier balkanique – et distille de l’information sur les prestations liées à l’âge pour leur permettre de vivre dans la dignité et diminuer les coûts étatiques d’une non prise en charge.

JOËLLE HERREN LAUFER

Médiation interculturelle Avoir des droits c’est une chose, encore faut-il les connaître !

Attendue ou redoutée, la retraite marque une étape importante de la vie. Pour les mig-rants économiques venus en Suisse lors des

trente glorieuses, mais aussi pour les réfugiés, ce passage arrive sans crier gare. Un retour dans leur pays d’origine semblait une évidence, mais il n’est plus à l’ordre du jour. En cause : des problèmes financiers ou sanitaires, quand ce n’est la volonté de ne pas s’éloigner de ses enfants et petits-enfants qui ont grandi en Suisse. Les constats sont unanimes. Cette population migrante vieillissante souffre souvent d’une mau-vaise santé que l’on peut en partie expliquer par une activité professionnelle pénible ou un parcours migratoire difficile, auxquels s’ajoutent des risques de pauvreté et un danger d’isolement. « Le faible degré d’intégration, le manque de maîtrise du

français, et par conséquent, le manque d’informa-tion constituent des barrières difficiles à franchir dans une société comme la Suisse qui fonctionne sur la responsabilité individuelle », explique Elma Hadzikadunic, qui a lancé le projet Age et Migra-tion de l’EPER en janvier 2012. Cette médiatrice concentre son énergie à trou-ver des moyens d’atteindre les différentes commu-nautés de migrants pour leur proposer des séances d’information sur le fonctionnement des assurances sociales. « Il faut savoir que si les gens sont isolés et pas informés des prestations dont ils pourraient disposer, ils risquent de mal vieillir et d’être plus souvent malades. Cela a un coût pour la société », explique Chantal Varrin, responsable des projets en Suisse de l’EPER.

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Elma Hadzikadunic, responsable du projet Age et Migration

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Avoir son entrée dans une communauté prend du temps et nécessite des relais. Elma Hadzikadunic recrute et forme des personnes au sein des com-munautés qui lui facilitent les prises de contact et jouent le rôle de relais et de traducteur. Accompa-gnée d’une de ces personnes ressources, la respon-sable du projet a rencontré à de nombreuses reprises un Imam de la communauté bosniaque avant qu’il permette l’organisation d’une séance d’information après la prière du vendredi. Cette rencontre a fina-lement drainé une vingtaine de personnes. Animée par une spécialiste des assurances sociales de Pro Senectute, la séance a suscité beaucoup de ques-tions. Les demandes trop spécifiques ont fait l’objet d’un suivi individuel par la suite. Les besoins en information sont très variables en fonction des communautés et du type de par-cours migratoire. Les Serbes et les Macédoniens sont majoritairement des émigrés économiques en Suisse. Ils ont généralement cotisé aux assurances sociales pendant des années et veulent savoir à quoi correspond leur deuxième pilier, comment le retirer en cas de départ ou quelles sont les implica-tions financières d’une retraite anticipée.

Changement de statuts à la retraite Les Bosniens, quant à eux, ont pour la plupart fui les conflits dans leur pays pour venir en Suisse. Admis provisoires ou réfugiés, ils ont peu eu l’occasion de travailler en Suisse et sont donc moins concernés par les questions liées au deuxième pilier. Ils se de-mandent quand, où et comment faire leur demande pour toucher l’assurance vieillesse (AVS) et s’ils ont droit à des aides complémentaires qui pourraient soulager leur quotidien précaire. Comme ces per-sonnes ne disposaient pas de titre d’établissement en Suisse, elles étaient entièrement prises en charge par l’Etablissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM). Leur statut change du tout au tout avec l’arrivée de la retraite. Alors que l’EVAM prenait en charge tous leurs besoins socio sanitaires, elles doivent désormais gérer l’entier de leurs frais avec les montants alloués par l’AVS et les prestations complémentaires. Une transition souvent difficile pour des personnes non habituées à être auto-nomes administrativement. En témoigne l’histoire d’une femme d’origine bosnienne accompagnée à Pro Senectute par la responsable du projet pour revoir son budget en détail et adapter sa franchise d’assurance-maladie pour éviter les mauvaises surprises. L’anticipation des demandes – cette femme aurait pu bénéficier de prestations complémentaires un an auparavant si elle avait su – et la familiarisation avec les services de consultation sociale de Pro Senectute sont précieux pour accompagner cette étape importante de leur vie.

Toute personne ayant cotisé peut toucher son AVS

Ce projet pilote en est encore à ses débuts mais compte déjà d’importants succès à l’échelle de l’individu. Un monsieur d’origine kosovare s’est par exemple débrouillé tout seul pour demander une retraite anticipée après avoir suivi une séance d’information. Très méfiant au départ, parce qu’il ne comprenait pas l’utilité du projet, il a lu les bro-chures en albanais sur le fonctionnement du système social suisse qui lui ont été remises par la respon-sable de projet. Il a ainsi pu faire ses démarches à temps et espère bénéficier d’une amélioration de sa qualité de vie. Quant à cet autre homme, qui a tra-vaillé 22 ans en Suisse, il a entendu parler du projet Age et Migration en Macédoine ! Il s’est empressé d’appeler son cousin en Suisse pour obtenir des in-formations sur la manière de récupérer ses cotisa-tions AVS, un avoir qui lui est dû, au même titre que toute personne ayant cotisé des années durant.

Un gain pour la société

« Après un an d’activité, on voit que le projet était juste dans l’analyse des besoins et démon-tre sa pertinence : il réussit à atteindre des gens en manque d’information. Le partenariat avec Pro Senectute se passe très bien et la société toute entière gagne à ce que les personnes âgées puis-sent vieillir dans de bonnes conditions », résume Chantal Varrin. Il reste encore quelques défis pour ce jeune projet soutenu par le Service des assu-rances sociales et de l’hébergement du canton de Vaud. Si certains groupes, telles les communautés macédoniennes, sont plus faciles d’accès, d’autres, comme les communautés kosovares, demeurent toujours difficiles à atteindre. De plus, les femmes sont pour l’heure quasi absentes du projet. La res-ponsable du projet aimerait aussi élargir l’offre aux communautés portugaises et sri lankaises et créer un « café rencontre » au sein d’un établissement médico-social. Il est par ailleurs prévu de proposer des activités récréatives et culturelles sous l’égide de Pro Senectute et de faire se rencontrer des mêmes communautés en divers lieux de Suisse.

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Page 12: agir n° 9 - 1/2013

20 km de LausanneA vos marques !

Le 27 avril, l’EPER s’associe pour la quatrième fois à PPP, DM-échange et mission et l’Eglise protestante vau-doise pour l’action Champion soli- daire, qui a lieu lors des 20 Kilomètres de Lausanne. Buts de l’opération ? Pour les sportifs, témoigner de leur solidarité avec les plus précaires en courant avec le bandana de l’action, pour les moins sportifs, parrainer un coureur et soutenir ainsi financière-ment le projet d’une de nos œuvres. Le projet mis en exergue cette année est un projet de l’EPER qui vise à amé-liorer les conditions de vie de minori-tés ethniques dans le sud de l’Inde.

Vous êtes intéressés à accueillir cette action sur une course à pied de votre région ? N’hésitez pas à nous con-tacter ! www.championsolidaire.ch ou Nicole Pignolet : 021 613 40 83 ou [email protected]

Nouveaux JardinsBénévoles en herbe recherchés

Les Nouveaux Jardins de l’EPER à Yverdon-les-Bains, Villeneuve et Lau-sanne cherchent des bénévoles pour accompagner des migrants dans leurs travaux de jardinage et mener des activités dans les jardins avec les en-fants. Le projet des Nouveaux Jardins vise à favoriser l’intégration des per-sonnes migrantes par le jardinage.

Si vous aimez le jardinage au grand air et disposez d’une après-midi libre deux fois par mois entre mars et octobre, contactez Chloé Manfredi : 021 613 40 70 ou 077 489 89 85 ou [email protected].

Actuel Agenda

Petits moyens, grands effets.

17 mars 2013Projets de l’EPER en République démocratique du CongoCulte à 10 h 00 à l’Eglise française de Berne (entrée Zeughausgasse). Présentation de l’évolution des projets soutenus par la paroisse dans le Nord-Kivu, au Congo. Plus d’infos : [email protected]

27 avril 2013Champion solidaire aux 20 km de LausanneUne manière de courir autrement, en affichant sa solidarité pour les populations du Sud. Venez rejoindre les rangs des champions solidaires en courant avec un bandana coloré ! Cette année, un des projets sou-tenus par les trois œuvres d’entraide protestantes – le DM-Echange et Mission, Pain pour le Prochain et l’EPER – et l’EERV vient en aide aux enfants de minorités ethniques en Inde. Plus d’infos : www.championsolidaire.ch

28 février 2013Partir comme observateur de la paix ?Séance d’information pour personnes intéressées à partir avec EAPPI (Accompagnement œcumé-nique en Palestine et Israël) et autres projets de Peace Watch Switzerland à la Maison de Quartier Sous-Gare, Av. Dapples 50 à Lausanne, 19 h - 21 h Informations : Emilie Converset : 021 320 40 54

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