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BREVET BLANC FEVRIER 2010 FRANÇAIS (Le texte-support est à conserver durant toute la durée de l’épreuve) Amélie NOTHOMB Stupeurs et tremblements Editions Albin Michel, 1999. 1 5 10 15 20 25 30 35 La compagnie Yuminoto Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi, qui était le supérieur de monsieur Saïto, qui était le supérieur de mademoiselle Mori, qui était ma supérieure. Et moi, je n'étais la supérieure de personne. On pourrait dire les choses autrement. J'étais aux ordres de mademoiselle Mori, qui était aux ordres de monsieur Saïto, et ainsi de suite, avec cette précision que les ordres pouvaient, en aval, sauter les échelons hiérarchique s. Donc, dans la compagnie Yumimoto, j'étais aux ordres de tout le monde. Le 8 janvier 1990, l'ascenseur me cracha au dernier étage de l'immeuble Yumimoto. La fenêtre, au bout du hall, m'aspira comme l'eût fait le hublot brisé d'un avion. Loin, très loin, il y avait la ville- si loin que je doutais d'y avoir jamais mis les pieds. Je ne songeai même pas qu'il eût fallu me présenter à la réception. En vérité, il n'y avait dans ma tête aucune pensée, rien que la fascination pour le vide, par la baie vitrée. Une voix rauque finit par prononcer mon nom derrière moi. Je me retournai. Un homme d'une cinquantaine d'années, petit, maigre et laid, me regardait avec mécontentement. - Pourquoi n'aviez-vous pas averti la réceptionniste de votre arrivée ? me demanda- t-il. Je ne trouvai rien à répondre et ne répondis rien. J'inclinai la tête et les épaules, constatant qu'en une dizaine de minutes, sans avoir prononcé un seul mot, j'avais déjà produit une mauvaise impression, le jour de mon entrée dans la compagnie Yumimoto. L'homme me dit qu'il s'appelait monsieur Saïto. Il me conduisit à travers d'innombrables et immenses salles dans lesquelles il me présenta à des hordes de gens, dont j'oubliais les noms au fur et à mesure qu'il les énonçait. Il m'introduisit ensuite dans le bureau où siégeait son supérieur, monsieur Omochi, qui était énorme et effrayant, ce qui!prouvait qu'il était le vice-président. Puis il me montra une porte et m'annonça d'un air solennel que, derrière elle, il y avait monsieur Haneda, le président. Il allait de soi qu'il ne fallait pas songer à le rencontrer. Enfin, il me guida jusqu'à une salle gigantesque dans laquelle travaillaient une quarantaine de personnes. Il me désigna ma place, qui était juste en face de celle de ma supérieure directe, mademoiselle Mori. Cette dernière était en réunion et me rejoindrait en début d'après-midi. Monsieur Saïto, me présenta brièvement à l'assemblée. Après quoi, il me demanda si 'aimais les défis. Il était clair que je n'avais pas le droit de répondre par la négative. - Oui dis-je. Ce fut le premier mot que je prononçai dans la compagnie. Jusque-là, je m'étais contentée d'incliner la tête.

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BREVET BLANC FEVRIER 2010FRANÇAIS

(Le texte-support est à conserver durant toute la durée de l’épreuve)

Amélie NOTHOMBStupeurs et tremblementsEditions Albin Michel, 1999.

1

5

10

15

20

25

30

35

La compagnie Yuminoto

Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi, qui était le supérieur demonsieur Saïto, qui était le supérieur de mademoiselle Mori, qui était ma supérieure. Etmoi, je n'étais la supérieure de personne.

On pourrait dire les choses autrement. J'étais aux ordres de mademoiselle Mori, quiétait aux ordres de monsieur Saïto, et ainsi de suite, avec cette précision que les ordres

pouvaient, en aval, sauter les échelons hiérarchiques.Donc, dans la compagnie Yumimoto, j'étais aux ordres de tout le monde.Le 8 janvier 1990, l'ascenseur me cracha au dernier étage de l'immeuble Yumimoto.

La fenêtre, au bout du hall, m'aspira comme l'eût fait le hublot brisé d'un avion. Loin, trèsloin, il y avait la ville- si loin que je doutais d'y avoir jamais mis les pieds.

Je ne songeai même pas qu'il eût fallu me présenter à la réception. En vérité, il n'yavait dans ma tête aucune pensée, rien que la fascination pour le vide, par la baie vitrée.

Une voix rauque finit par prononcer mon nom derrière moi. Je me retournai. Unhomme d'une cinquantaine d'années, petit, maigre et laid, me regardait avecmécontentement.

- Pourquoi n'aviez-vous pas averti la réceptionniste de votre arrivée ? me demanda-t-il.

Je ne trouvai rien à répondre et ne répondis rien. J'inclinai la tête et les épaules,constatant qu'en une dizaine de minutes, sans avoir prononcé un seul mot, j'avais déjàproduit une mauvaise impression, le jour de mon entrée dans la compagnie Yumimoto.

L'homme me dit qu'il s'appelait monsieur Saïto. Il me conduisit à traversd'innombrables et immenses salles dans lesquelles il me présenta à des hordes de gens,dont j'oubliais les noms au fur et à mesure qu'il les énonçait.

Il m'introduisit ensuite dans le bureau où siégeait son supérieur, monsieur Omochi,qui était énorme et effrayant, ce qui !prouvait qu'il était le vice-président.

Puis il me montra une porte et m'annonça d'un air solennel que, derrière elle, il yavait monsieur Haneda, le président. Il allait de soi qu'il ne fallait pas songer à lerencontrer.

Enfin, il me guida jusqu'à une salle gigantesque dans laquelle travaillaient unequarantaine de personnes. Il me désigna ma place, qui était juste en face de celle de masupérieure directe, mademoiselle Mori. Cette dernière était en réunion et me rejoindraiten début d'après-midi.

Monsieur Saïto, me présenta brièvement à l'assemblée. Après quoi, il me demanda si'aimais les défis. Il était clair que je n'avais pas le droit de répondre par la négative.

- Oui dis-je.Ce fut le premier mot que je prononçai dans la compagnie. Jusque-là, je m'étais

contentée d'incliner la tête.

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CORRECTION BREVET BLANC 2010 QUESTIONS (15 POINTS)Les réponses devaient toutes être soigneusement rédigées ! : si ce n’est pas le cas, on ne compte que lamoitié des points.

I.DANS L’ENTREPRISE YUMIMOTO!: 4 points.1!.a)Le récit est mené par une narratrice !: «!et moi, je n’étais la supérieure de personne !»(l.3)!: 0.25 pt +0.25pt .b)La narratrice est en bas de la hiérarchie dans l’entreprise !: «! je n’étais la supérieure de personne !» et«! j’étais aux ordres de tout le monde !». 0.25pt pour chaque citation.c)L’entreprise est très importante , dirigée par toute une administration. Elle occupe «d’innombrables etd’immenses salles ! », «! où travaillent des hordes de gens ! ». La narratrice va s’installer dans «! une sallegigantesque ! » avec « ! une quarantaine de personnes » . (1 point au total mais -0,25 pt par élémentmanquant)2.a) Des lignes 1 à 19, les deux temps dominants sont l’imparfait (0.25pt) ! :!«! était ! » (ou tout autre exemple

juste ! : 0.25 pt) et le passé simple (0.25 pt) !: «! cracha ! » (ou tout autre exemple juste ! : o.25 pt). Dans lesdix premières lignes, l’imparfait est utilisé car il permet d’évoquer une action passée dont on ne précise ni ledébut ni la fin. (0.25 pt) Le passé simple est employé à partir de la ligne 10 pour marquer les faits limités

dans le temps qui sont ainsi mis au premier plan. (0.25 pt)b)Le 8 janvier 1990, la narratrice entre pour la première fois dans son nouveau lieu de travail. (0.5 pt)

II. LA PERCEPTION D’UN MONDE DIFFERENT !: 5.5 points.3)a)!«! ascenseur ! » est sujet du verbe cracha (0.25 pt) et «! me! » COD du verbe cracha (0.25 pt). «! Lafenêtre ! » est sujet du verbe aspira (0.25 pt) et «! m’! » est COD du verbe aspira (0.25 pt).b)! «!L’ascenseur me cracha !» et « !la fenêtre m’aspira !» sont deux métaphores ! : (0.25 pt + 0.25 pt).La première assimile l’ascenseur à une bouche qui crache la narratrice (0.25 pt) et la deuxième accorde àla fenêtre la capacité d’attirer à elle la jeune femme (0.25 pt).c)La narratrice a perdu toute capacité de décision, toute autonomie . Elle est en position d’objet que l’on peutcracher ou aspirer. (1 pt, même s’il n’y a qu’une seule idée mais qu’elle est bien formulée).4.a)Le rapport logique qui unit « ! qui était énorme et effrayant ! » et « ! ce qui prouvait qu’il était le vice-président !» est un rapport de cause à conséquence. (0.5 pt)b) Ce raisonnement est absurde, étrange. (0.5 pt)c)Il associe en effet le physique à sa place dans la hiérarchie . Ce n’est pas parce qu’on est gros, qu’on esthaut placé !! (0.5 pt)5. a) Le mot « ! IN-NOMBR-ABLES! » est formé ! d’un préfixe (in-), d’un radical (-nombr-) et d’un suffixe-able !: 0.25 pt+0.25 pt+0.25 pt.b)!«!innombrables!» signifie «! que l’on ne peut pas compter ! ». (0.25 pt).

III. L’INDIVIDU DANS L’ENTREPRISE AU JAPON!;6)a) Les propositions introduites par « !qui!» sont des propositions subordonnées relatives !: 0.5 pt (-0.25 parerreur).b) La phrase est faite d’une succession de relatives qui s’emboîtent les unes dans les autres , ce quireprésente très bien la structure hiérarchique de l’entreprise. La répétition du mot « ! supérieur ! » insiste surcette organisation pyramidale (0.5 pt ).c)Tout au long de son parcours, la narratrice reste passive. D’abord, elle se trouve en position d’objet («! L’ascenseur me cracha ! »), ensuite elle reste muette quand on l’interroge «! je ne trouvai rien àrépondre ! », elle suit mécaniquement Monsieur Saïto «! à travers d’innombrables et immenses salles ! », enfinelle juge son supérieur « ! effrayant ! ». Pour l’explication du parcours avec au moins deux idées exprimées !:0.5+0.5 par idée . Pour chacune des justifications (soit une justification par idée) ! : 0.5 +0.5 par

justification. (donc un total de 2 points)

7. Lorsque Monsieur Saïto demande à la narratrice si elle aime les défis, il sous-entend qu’il a des doutes surses capacités à assumer une charge importante et difficile. (1 pt)8.Dans une telle entreprise, l’individu est soumis à une hiérarchie très importante. Il est tenu d’obéir et de sesurpasser (être mis à l’épreuve). Il se trouve perdu dans un monde où il lui est difficile de s’exprimer, detrouver sa place . (On attend au moins deux idées bien formulées ! : 1.5 pt ).

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REECRITURE! : 4 POINTS (Toute erreur de copie sera sanctionnée de -0.25 pt)Elle ne trouva (+0.5) rien à répondre et ne répondit (+0.5) rien. Elle inclina (+0.5) la tête et les épaules,constatant qu’en une dizaine de minutes, sans avoir prononcé un mot, elle avait (+0.5) déjà produit une mauvaiseimpression, le jour de son (+0.5) entrée dans la compagnie Yumimoto.L’hommelui (+0.5) dit qu’il s’appelait Monsieur Saïto. Il la (+0.5) conduisit à travers d’innombrables etd’immenses salles dans lesquelles il la (+0.5) présenta à des hordes de gens.

DICTEE! : 6 POINTS

Rappel du barème ! :Les mêmes fautes grammaticales ne sont sanctionnées qu’une fois ! ; pour toute fautegrammaticale ! : -0.5 pt.Les fautes d’usage sont comptées -0.25 pt.Les fautes d’accents, majuscules, ponctuation ! : -0.25 pt pour 4 fautes de ce type ! ; - 0.5 ptpour 8 fautes de ce type.

Le «!défi !» que me proposa monsieur Saïto consistait à accepter l’invitation d’un certain AdamJohnson à jouer au golf avec lui, le dimanche suivant. Il fallait que j’écrive une lettre en anglais à cemonsieur pour le lui signifier.

-Qui est Adam Johnson !? eus-je la sottise de demander.Mon supérieur soupira avec exaspération et ne répondit pas. Etait-il aberrant d’ignorer qui

était monsieur Johnson, ou alors ma question était-elle indiscrète !?

Amélie NOTHOMB, Stupeur et tremblements.

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BREVET BLANC FEVRIER 2010FRANÇAIS

PREMIERE PARTIEDICTEE ( 6 POINTS)

Le «! défi ! » que me proposa monsieur Saïtoconsistait à accepter l’invitation d’un certain AdamJohnson à jouer au golf avec lui, le dimanche suivant.

Il fallait que j’écrive une lettre en anglais à cemonsieur pour le lui signifier.-Qui est Adam Johnson ! ? eus-je la sottise de

demander.Mon supérieur soupira avec exaspération et ne

répondit pas. Etait-il aberrant d’ignorer qui était

monsieur Johnson, ou alors ma question était-elleindiscrète !?

Amélie NOTHOMB, Stupeur et tremblements.

Ecrire au tableau ! : Saïto, Adam Johnson ainsi que

le nom de l’auteur et le titre de l’œuvre.

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DEUXIEME PARTIE (15 POINTS)REDACTION

Sujet !Le président de la compagnie, monsieur Haneda, a demandé à monsieur Saïto de lui faire unrécit détaillé de l’arrivée de cette jeune femme dans l’entreprise puis de lui donner son avissur l’intérêt ou pas de l’engager définitivement. Imaginez le compte rendu de monsieur Saïto.

!

Barème ! : (à coller sur la première page de votre copie double)

CRITERES POINTSPrésentation, organisation du compte rendu 2Récit cohérent par rapport au texte 2Argumentation riche et développée 5Qualité de l’expression, style, syntaxe 3Cohérence du choix des temps 1Conjugaison, orthographe De O à 4 fautes !: 2

De 5 à 9 fautes !: 1.5De 10 à 14 fautes !: 1

De 15 à 19 fautes !: 0.5Plus de 20 fautes !:0