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CAMARET-SUR-AYGUES VAUCLUSE (84) Eglise paroissiale Saint-Andéol ETUDE PREALABLE AU PROJET DE CONSERVATION - RESTAURATION DE L’OEUVRE «LA SAINTE FAMILLE» ATTRIBUÉE À PIERRE PARROCEL (1670-1739) 2011 ATELIER THIERRY MARTEL Conservation - Restauration des biens culturels rue Lucien Montret 84220 GOULT - 06 80 18 99 72

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CAMARET-SUR-AYGUESVAUCLUSE (84)

Eglise paroissiale Saint-Andéol

ETUDE PREALABLE AU PROJETDE CONSERVATION - RESTAURATION DE L’OEUVRE

«LA SAINTE FAMILLE»ATTRIBUéE à PIERRE PARROCEL (1670-1739)

2011

ATELIER THIERRY MARTELConservation - Restauration des biens culturelsrue Lucien Montret 84220 GOULT - 06 80 18 99 72

ATELIER THIERRY MARTEL / La Sainte Famille / Camaret-sur-Aygues / 20112

Etude technologique - Etat de conservation

Dans le cadre du projet de conservation - restauration de l’oeuvre La Sainte Famille attribuée à Pierre Parrocel (1670 - 1739), conservée dans l’église paroissiale Saint-Andéol de la ville de Camaret-sur-Aygues, et, à la demande de Mme Eve Duperray, Conservateur du Patrimoine, chargée de la Commission Gagnière du Conseil Général de Vaucluse, nous avons entrepris une expertise technologique et sanitaire de cette peinture.

L’oeuvre semble être une réplique d’un tableau de Pierre Parrocel, conservé dans l’église Saint-Symphorien des Carmes en Avignon. Notre étude a pour objectif de mettre en évidence les caractéristiques des matériaux employés pour la réalisation de l’oeuvre de Camaret, leurs mises en oeuvre et leur état de conservation.

Cette étude est réalisée avec l’assistance scientifique du CICRP (Marseille).

Description (d’après la notice du CG rédigée en 2009)

La composition en frise, la lumière émanant des personnages principaux, le jeu des diagonales créé par leurs attitudes, le subtils agencement des couleurs complémentaires et les traits expressifs des visages font de cette peinture une oeuvre équilibrée et de belle qualité.Les personnages se trouvent à l’intérieur d’une structure architecturale signifiée par une colonne et des drapés ouvrant sur un ciel bleu sombre découpé par de grands arbres. Les deux femmes sont assises sur une banquette de bois aux pieds tournées garnie d’un coussin rouge, les pieds confortablement posés sur une petite estrade. Sur le parquet, nous voyons draps et langes qui pourraient être la couche du bébé ou des bagages, une écuelle avec cuiller et un bouquet posé sur le sol à côté de Marie. Le vase, jarre à deux anses en terre cuite est typique des vases de Parrocel. Les fleurs : lys et roses rouges sont des attributs appartenant à l’iconographie de la Vierge. Il est à noter que les roses rouges sont absentes du bouquet figurant sur le tableau de P. Parrocel que l’on voit à l’église Saint-Symphorien d’Avignon.La scène est composée autour de l’enfant Jésus, nu dans un lange et assis sur les genoux de sa mère. Il prend des deux mains des cerises (les fruits rouges symbolisent la Passion du Christ à venir) que lui tend sa grand-mère Anne dans un linge. Celle-ci, le visage légèrement penché est attentive au geste du nourrisson. Sa tenue : robe écrue, manteau rouge sombre, coiffe et voile brun est celle d’une femme âgée, âge souligné par l’affaissement du visage dans sa partie inférieure. Tout proche, le font posé contre la tête de son épouse, Joachim a la même expression attentive. Son crâne dégarni, moustaches et barbe grise, la canne sur laquelle sont croisées ses deux mains montrent un âge avancé; A sa droite, la Vierge, en robe et manteau bleu détourne son visage du groupe pour le tourner vers son époux. Son visage est doux, les joues rosées et pleines d’une très jeune femme, les traits fins encadrés de bandeaux de cheveux châtains, l’expression à la fois souriante et interrogative. Joseph, barbu est représenté dans sa maturité. Debout, un peu en retrait, enveloppé dans un manteau brun, il tient une tablette dans sa main gauche et son index est posé sur une ligne qu’il paraît lire à Marie, son épouse ; est-ce pour confirmer que la scène vécue est conforme aux Ecritures ou bien pour montrer le passage entre l’Ancien et le Nouveau Testament ?

Attribution

L’attribution de cette toile à un Parrocel par Alain Breton semble la plus plausible. Elle est confirmée par Marie-Claude Homet, historienne de l’Art, spécialiste du baroque en Provence et de la dynastie des Parrocel. L’œuvre à restaurer serait, d’après elle, une réplique du tableau actuellement en place à l’église Saint-Symphorien d’Avignon (à l’origine dans l’église du couvent des Célestins).

Historique

L’église dans laquelle se trouve cette « Sainte Famille », édifiée au début du XVIe siècle, fut reconstruite en 1780. « La Sainte Famille » appartenait sans doute déjà à l’église précédente ou à la confrérie des Pénitents blancs (Chapelle Saint-Andéol) ou à l’hospice.

La géométrie de la composition reposesur le tracé des harmoniquesde la section d’or

Φ

Détail avant le transport de l’oeuvre au CICRP, pose de papiers de protections (papier de Chanvre, colle de Méthylcellulose)

ATELIER THIERRY MARTEL / La Sainte Famille / Camaret-sur-Aygues / 2011 3

Etude technologique - Etat de conservation

Identification

Région : Provence-Alpes-Côte d’AzurDépartement : VaucluseCommune : Camaret-sur-AyguesEdifice : Eglise paroissiale Saint-AndéolLocalisation : 1ère Chapelle bas côtés Nord Mur Est

Maître d’Ouvrage : Commune Mme Marlène Thibaud Mairie 04 90 37 22 60

Assistancesscientifiques : Conseil Général de Vaucluse Commission Gagnière, Avignon Mme Eve Duperray

CICRP, Marseille E. Mognetti, C. Badet

Titre : «La Sainte Famille»Attribution : Pierre Parrocel (1670-1739)Datation : XVII - XVIIIe siècleTechnique : Peinture à l’huile sur toile tendue sur châssis (bois)Format : Cintré surbaisséDimensions : 240/270 h. x 171,5 l. cm

Cadre : Bois doréDimensions : 308 h. x 210 l. cm

AnciennesInterventions : Moulet (Avignon) vers 1870-1880

Réf. MH : -

Lieu d’étude : CICRPRéférence : 10045AIDate transport : 29 juillet 2010

Conservateur-Restaurateur : Thierry MARTEL Diplômé IFROA - 1993 rue Lucien Montret 84220 Goult 04 90 72 38 46 - 06 80 18 99 72 [email protected]

Vue générale avant traitement, avec les papiers de protections.

Vue générale du revers avant traitement, cliché CICRP

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Etude technologique - Etat de conservation

Description technique

L’oeuvre se compose d’environ six strates de matériaux : quatre pour la couche picturale (surpeint, vernis, couches colorées et préparation), deux pour le support (support toile et enduit).

Ces strates forment un ensemble peu épais.

Les surpeints mis en évidence par le cliché (UV) semblent très couvrants et parfois très dessinés, ils suivent les contours des figures. Ces surpeints en sombre, sous UV sont recouverts par le film de vernis (fluorescence verte).

Cette fluorescence verte est typique des couches de résines naturelles. Ponctuellement, le vernis laisse percevoir des zones plus sombres, qui correspondent probablement à des surpeints encore plus anciens.

S’agit-il de campagnes de restauration différentes ? Actuellement, seule l’intervention de Moulet au cours des années 1870-1880 est mentionnée. Nous pouvons supposer qu’au moins trois campagnes de restauration se sont succédées depuis la création de l’oeuvre.

Sous le vernis, les couches colorées originales sont assez régulières et présentent peu d’empâtements. La palette du peintre se compose des couleurs suivantes: Blanc de plomb, Ocre jaune, Terre de Sienne, Terre d’Ombre, Ocre rouge, rouge Vermillon ou Cinabre, Laque de Garance, Carmin, bleu Lapis Lazuli, bleu de Smalt (le bleu de Prusse n’étant disponible qu’à partir de 1721), vert de gris et noir d’Ivoire (de fumée ou d’os). Ces couleurs sont appliquées en plusieurs couches, sur une préparation rouge fabriquée probablement à base d’huile de lin.

La toile se compose de trois pièces. Pour les deux plus grandes, le tissage d’armure toile est constituée de 9 fils dans les sens chaîne et 11 dans le sens trame.C’est une toile de contexture moyenne. La troisième

Stratigraphie générale Détail, macrophotographie d’une cerise,avant traitement

Détail, macrophotographie du manteau blanc,avant traitement. Dépôt de salissures et film de résine jaunie

Vue d’ensemble, UV, cliché CICRP

pièce est de tissage légèrement plus fin et serré (10fils chaîne, 13fils trame). On dénombre deux coutures, la principale est verticale divisant la toile en deux lés, l’un d’environ 107cm et l’autre de 64,5cm de largeur. La seconde plus petite est horizontale et se situe à 187cm de hauteur, au niveau de la partie supérieure senestre. Pour cette pièce, le tissage est plus serré. La couture est légèrement convexe (187/189/186 cm H).Cette association de plusieurs lés de toile est classique à cette époque, les peintres ne disposant pas de plus grandes largeurs de toile de lin.

VERNIS

SURPEINTMASTICCOUCHES COLOREES

PREPARATION

ENCOLLAGE

TOILE

ENDUIT (revers)DE PROTECTION

5 mm

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Etude technologique - Etat de conservation

Détail, macrophotographie du manteau de Marie avant traitement. Le film de vernis jauni donne une tonalité verte au manteau de couleur bleue (synthèse additive).

Détail, macrophotographie du coussin avant traitement. Salissures dans les reliefs des stries laissées par le pinceau.

Détail, macrophotographie d’une lacune de couche picturale. Les fibres de lin sont recouvertes d’un encollage et de quelques résidus de préparation rouge.

Détail d’un bord de tension, le corps plat de la partie supérieure du clou est rabattue pour maintenir la toile.

Au revers, une couche d’enduit de restauration de teinte rose recouvre l’ensemble de la toile.

La toile est tendue sur un châssis en bois. Elle est maintenue au niveau des bords de tension par des semences en fer forgé, à corps plat. La partie supérieure du clou est rabattue sur la toile pour maintenir la tension.

Les bords de tension ne sont pas peints. Les couches colorées et la préparation se limitent à l’arête des montants du châssis. Nous n’observons pas d’autres traces de clouage. Ces informations laissent supposer qu’il s’agit d’un montage original.

La peinture est réalisée avec deux types de toile différentes, assemblées par une couture. Le tissage fin correspond à la pièce de toile de l’angle supérieur senestre. Le tissage plus grossier correspond aux deux autres lés principaux.

En 1733, l’anglais John Kay invente la navette volante qui va révolutionner l’industrie textile. La navette glisse plus rapidement et de fait, à partir de cette date, permet la fabrication de métier à tisser et de toiles plus larges.

Le châssis en bois (résineux) est de fabrication artisanale. Ces dimensions sont construites sur le tracé d’un rectangle d’or à partir du carré fondamental.(cf.: schéma p.2)

Il est constitué de quatre montants, d’une traverse horizontale et de quatre traverses, formant un losange et renforçant ainsi l’ensemble du châssis.La section des bois est 68x30 mm pour les montants et 50x30 mm pour les traverses.Les assemblages sont réalisés à mi-bois et maintenus par des clous.

L’ensemble est placé dans un cadre en bois doré (environ 18x10 cm) et fixé au revers par des clous recourbés.

(contexture : 9f. chaîne - 11f trame)

(contexture : 10f. chaîne - 13f. trame)

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Bibliographie

PARROCEL, Etienne, Monographie des Parrocel, essais, Marseille, 1861.

DI DOMENICO, Yves,«Pierre Parrocel» in, Carnets d’études 9 «Une Dynastie de peintres : les Parrocel», ENSBA, Paris, 2008, p.29-33

GUIFFREY, J.-J. «Quittance d’un tableau du peintre Pierre Parrocel pour l’église de Cavaillon...» Nouvelles archives de l’art français, 1880-1881, p. 156-162.

Quelques dates

1670Naissance du peintre, à Avignon, le 10 mars 1670.

vers 1685Il étudie à Paris avec son oncle Joseph.

vers 1690Il effectue son premier voyage en Italie et fait son apprentissage sous la direction de Carlo Maratti (1625-1713) et paraît s’en inspirer. A son retour, il produit des oeuvres pour le Languedoc, La Provence et le Comtat Venaissin.

1693Premier mariage à Avignon, le 22 mars 1693.

1695Deuxième mariage, le 14 février 1695, avec Marie Madeleine de Pallas. Entre le 3 décembre 1695 et le 1er octobre 1707, il aura huit enfants, dont Pierre-Ignace (1702-1775) et Joseph François (1704-1781).

1696Son oncle, Joseph Parrocel, revient en Avignon pour peindre une suite de la vie de Saint-Antoine de Padoue. Il s’associe avec son neveu pour ce travail. Pierre termine seul ce cycle de neuf peintures.Le premier tableau du cycle de St Antoine, signé de Pierre, porte la date de 1697.

Son atelier était situé RUE DE L’OMBRE, à Avignon.(Elle était située entre l’actuelle rue des Lices et la rue du portail Magnanen) Cette rue, déjà ainsi nommée en 1539, doit le nom qu’elle porte à ce qu’elle est si étroite que le soleil n’y pénètre jamais. Jean Saisson, blanchier, possédait en 1632 la maison de cette rue qui fait face à celle des Lices. Pierre Parrocel, son gendre, la possédait en 1696. Il en passa acte de reconnaissance au profit du Chapitre de Saint-Agricol, le 28 septembre 1725. C’est aussi dans la rue de l’Ombre qu’était la maison où le célèbre naturaliste Requien vit le jour et passa la plus grande partie de sa vie.(d’après Dictionnaire historique des rues et des places publiques de la Ville d’Avignon, Centre International de l’Écrit en Langue d’Oc, 1996)

1700Il réalise une Annonciation qui se trouve dans la sacristie de Notre Dame des Doms en Avignon.

1704Pierre réalise pour l’église de l’Isle-sur-la-Sorgue, deux tableaux signés, dont l’un représente l’Adoration des Bergers avec l’inscription : « Pierre Parrocel, inv. et pinxit, 1704».

Rappel historique

L’oeuvre qui nous est confiée, a été attribuée à Pierre Parrocel par Alain Breton et confirmée par Marie-Claude Homet.

Ce peintre avignonnais du XVIIIe siècle a joué un très grand rôle dans la peinture provençale et sa production se retrouve dans les plus importantes églises de notre région Avignon, Cavaillon, Isle-sur-la-Sorgue, Tarascon, Arles etc. Nous présentons ici une rapide biographie afin de nous permettre de mieux appréhender l’artiste et les évènements de sa vie.

Cette exploration historique et une documentation photographique des différentes oeuvres connues du peintre permettront de faire des rapprochements stylistiques et techniques. Une recherche plus approfondie des dossiers de restauration de certaines de ses oeuvres permettrait également de compléter l’approche technologique de l’écriture picturale de l’artiste.

Depuis ses débuts, Pierre Parrocel semble avoir produit un grand nombre de dessins et de tableaux. A ces débuts, il est en apprentissage en Avignon puis à Paris avec son oncle Joseph. Ensuite, il séjourne longuement en Italie grâce à son travail de copiste, travaillant les maîtres italiens pour lesquels il aura toujours un intérêt particulier. Au cours de sa carrière, il fera plusieurs séjours en Italie pour y revoir les chefs-d’oeuvres.

«La Sainte Famille», dont notre tableau semble être une version, fait partie d’un ensemble de cinq peintures présenté dans l’église Saint Symphorien en Avignon.Les quatre autres toiles représentent : Saint André, Saint Siméon Stock, Saint Eloi, et l’Annonciation. (Cette dernière toile à été restaurée en 2001, cf : délibération du conseil municipal d’Avignon du 18 mai 2001, odj n° 76)

Vue d’ensemble, «La Sainte Famille», P. Parrocel.Eglise Saint-Symphorien en Avignon. (Photo © BRETON)

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Aperçu de l’arbre généalogique des Parrocel et rappel de datesde quelques peintres des XVII et XVIIIe siècles.

1600 1700 1800

La famille Parrocel

Barthélémy ParrocelJean-Barthélémy

LouisJoseph

Les peintres français :

Simon Vouet (1590-1649)Nicolas Mignard (1606-1668)

Pierre Mignard (1612-1695)Reynaud Levieux (1613-1699)

Jean Daret (1613-1668)Charles LeBrun (1619-1690)

Pierre Puget (1620-1694)Antoine Ranc (1634-1716)

Nicolas de Largillière (1656-1746)Michel Serre (1658-1733)

Hyacinthe Rigaud (1659-1743)Philippe Sauvan (1698-1789)

Les peintres italiens :

Giovanni Lanfranco (1582-1647)Andréa Sacchi (1599-1661)Carlo Maratta (1625-1713)

Ignace JacquesLouisPierre

Jean-Baptiste

Pierre - IgnaceFrançois-Joseph

16001660

1631 16671634 1703

1646 1704

1667 17221668 ?

1670 17391672 ?

1704 1781

Le second tableau représente le Sauveur après sa résurrection et Sainte-Madeleine à ses genoux, il porte l’inscription : «Ce tableau, peint par M. Pierre Parrocel, a été fait aux dépens de la confrérie de Ste-Madeleine, 1707 ».

1709-1710A Cavaillon, il fournit un tableau représentant César de Bus (daté 1710). Les archives de la paroisse conservent un reçu signé de Pierre Parrocel, s’élevant à la somme de 136 livres 10 sols à compte, daté de 1709.

1717Voyage à Rome avec deux de ses fils , Pierre-Ignace et Joseph-François et Etienne, son neveu. Il séjourne en Italie pendant plusieurs mois.

1719Il peint à Rome la toile pour le monastère de la Visitation à Marseille.

1725Tableaux pour l’église Ste-Marthe, à Tarascon.

1726Plusieurs tableaux pour les Pénitents blancs à Avignon.

1727Tableau, représentant Saint-Ruf, commandé par M. Dupoux, chanoine pénitencier. Le chapitre métropolitain fit la dépense du cadre, délibération du 2 août 1727.

1728Second tableau pour les pénitents blancs, une «Ascension» exécutée également à Avignon. Les deux tableaux témoignent des progrès accomplis par l’artiste en vingt ans.

1730Pierre Parrocel devient membre de l’Académie Royale de peinture et de sculpture.

Après 1730Retour en France, il travaille pour le Duc de Noailles à son château de St-Germain. Il exécute une série de seize tableaux représentant l’histoire de Tobie.Ces toiles font partie de la collection du château Borély à Marseille. M. Borély, les obtint pour le prix de 30,000fr en 1770.Dans le cycle de l’histoire de Tobie, Parrocel met en avant les influences de Carlo Maratti (1625-1713).Pour E. Parrocel, «Il y a dans les physionomies, tant de jeunesse et dans le coloris, tant de fraîcheur, que le maniérisme du dessin se fait aisément pardonner, rien n’égale le charme souriant des figures d’adolescents et de femmes, les vieillards même ont l’air de jouvenceaux».

On retrouve cette influence italienne, dans une «Annonciation» réalisée pour le couvent des Grands Carmes et inspirée de celle de Lanfranco (1582-1647).

1739Pierre Parrocel meurt à Paris.

Il transmettra à ses élèves cette manière de composer et de dessiner semblable à celle de Pierre de Cortone: à son neveu Etienne, à Philippe Sauvan, François Palasse (1717-1790) ou encore aux frères Pierre et Christophe Delpech.

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Etat de conservation

L’oeuvre conservée dans l’église de Camaret-sur-Aygues présente de nombreuses altérations qui ne permettent pas une bonne appréciation esthétique de cette peinture du XVIIIe siècle. L’assombrissement de l’ensemble des couches colorées liées à l’altération des surpeints et au jaunissement du vernis de restauration, perturbent le jeu des coloris et la lecture de la composition.

Les retouches anciennes sont désaccordées, le vieillissement du liant, probablement huileux, a provoqué cette modification chromatique. Elles recouvrent une grande partie de l’arrière plan, tout en contournant le visage de Joseph. Si les couleurs foncées sont les plus concernées, on retrouve de très nombreuses reprises ponctuelles sur la plupart des éléments et des personnages.

Le vernis jauni est très irrégulier, il est recouvert parfois de petites retouches (macrophotographies 1 et 2). On observe une gouttelette de vernis sur la main droite de Marie (3).

Ces anciennes interventions (repeints) sont ponctuelles, mises en oeuvre pour rehausser des détails (feuilles verte des cerises - 4) ou pour masquer une lacune de couche picturale (5).

Par endroit, le vernis a chanci. Cette microfissuration de la résine est due à la présence d’humidité en excès. L’eau agit sur la partie soluble de la résine, provoquant une fragilisation du film et de très fines craquelures. La transparence du vernis est perturbée par la formation d’un voile blanc en surface qui ne permet plus de voir les couleurs sous-jacentes (6).

On observe de très petits déplacages avec perte de la couche colorée superficielle, laissant entrevoir la première couche correspondant à la mise en place de la composition à l’aide d’un ton de fond. Ce dernier est fin et laisse entrevoir la couleur rouge de la préparation (7).

L’ensemble est fragilisé par une perte d’adhésion généralisée entre le support toile et la préparation. Cette altération est probablement liée à la composition de la préparation : la faible quantité de liant, proportionnellement à la quantité de pigments, conduit à une perte de cohésion au sein de la couche. Les variations climatiques entraînant des variations dimensionnelles de la toile, la toile «déformable» agit sur une couche «non déformable». Les forces de cisaillements produisent entre

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ces strates des faiblesses qui engendrent la formation d’un réseau de craquelures puis à long terme des pertes de matière. Des lacunes sont visibles au niveau du bord inférieur.

On observe de légers chevauchements d’écailles et de nombreux soulèvements de matière picturale.Les tensions exercées ont provoqué un retrait de la toile, visible le long des bords, mettant en évidence les limites des couches colorées.

La toile de lin, à armure toile, présente un tissage régulier, qui a engendré la formation d’un réseau de craquelures généralisé assez homogène. La qualité du travail du peintre a joué un rôle fondamental pour la conservation de cette peinture.

Au revers, on observe une couche de crasse et de poussière recouvrant une couche d’enduit rouge qui imprègne la trame de la toile. Cet enduit est sensible à l’eau et s’élimine facilement par action mécanique au scalpel. L’enduit n’est pas présent derrière les montants du châssis, il s’agit certainement d’une intervention «récente» probablement de la fin du XIXe siècle. Des traces d’outils (couteau à enduire?) sont visibles. L’application semble grossière.

Certaines pièces de consolidation en papier sont recouvertes de poussières et d’autres non. Un renfort sur la couture est réalisé à l’aide d’un morceau de ruban adhésif moderne.

La toile est résistante, mais la couture présente des faiblesses.

Nous observons qu’au niveau du bord supérieur, le montage de la toile sur le châssis n’est pas ajusté, il manque environ 2,5 cm. Le long de l’arrondi, une partie de préparation non peinte est visible, correspondant à un format rectangulaire.

La peinture a probablement été réalisée sur un bâti de travail rectangulaire puis la toile a été montée au format de son châssis de destination.

Le châssis est fragilisé par des attaques d’insectes xylophages, il est cassé au niveau d’une traverse.

Il ne peut pas apporter les qualités nécessaires pour un maintien à long terme.

L’artiste a-t-il lui même transporté l’oeuvre sur châssis ou roulée? A-t-il réalisé la mise en tension sur châssis? Une seule marque de clouage visible...De nombreuses questions sur les différentes étapes techniques sont en suspens.

Détail du revers, ancienne intervention : renfort de la couture à l’aide d’un ruban adhésif.

Détail du revers, test de dégagement de l’enduit.

Détail du revers, ancienne pièce de renfort d’une déchirure.

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Interprétation de la radiographie

L’étude que nous menons est complétée par la réalisation de clichés scientifiques par le CICRP.

L’utilisation de la radiographie nous permet de mettre en évidence la structure interne de l’œuvre étudiée. L’émission des rayons X permet de différencier les éléments qui entrent dans la composition des couches picturales et des supports. L’image obtenue en noir&blanc révèle des intensités variables. Les matériaux absorbants (plomb, métal...) donnent sur le film des images claires, alors que les parties moins absorbantes, fines, correspondent aux parties sombres. Les lacunes se détachent en sombre tandis que les empâtements de matière picturale apparaissent en clair.

Sur le cliché, nous pouvons observer une composition précise de la Sainte Famille, les chairs et les couleurs claires à base de blanc de plomb soulignent l’écriture du peintre. L’œuvre semble construite d’une seule main, sans hésitation, ni repentir.

Les parties sombres correspondent principalement aux couleurs foncées. Moins épaisses, elles se composent par exemple d’oxyde de fer et de liant (médium à base d’huile, de résines naturelles et de solvants qui absorbent très peu le rayonnement X)

Les empreintes du pinceau suivent un rythme régulier. L’intégration de Joachim, entre Marie et Anne, ne semble pas être une reprise ultérieure, mais se fondre parfaitement à l’ensemble de la composition.

Le châssis est visible ainsi que les clous des bords de tension. On distingue également les altérations : lacunes et réseaux de craquelures.Seuls les bords présentent de nombreuses lacunes de matière picturale.

Vue d’ensemble, Radiographie CICRP, cliché Th. Martel

Détail, Radiographie CICRP, cliché Th. Martel

La radiographie met en évidence l’écriture des chairs et le rehaussements des parties claires.On note de nombreuses petites taches sombres qui correspondent à des lacunes de matières picturales.

Au niveau du cou, il s’agit de micro déplacages de la couche superficielle. La sous-couche, plus sombre, n’est probablement pas composée des mêmes matériaux, elle semble moins riche en blanc de plomb.

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Tests de nettoyage de la couche picturale

Les observations précédentes précisent les différentes couches non originales qui perturbent la lisibilité et l’appréciation de la matière picturale originale.Les tests de nettoyage permettent de définir la méthodologie et les solvants adaptés pour l’élimination des matériaux de restauration.

Nous utiliserons les techniques de nettoyage élaborées par Mme Masschelein-Kleiner, M. Cremonesi ou M. Wolbers.

La sélection des produits se fait par élimination. La fluorescence verte du vernis sous UV, caractéristique des résines naturelles, a orienté notre sélection.

Après un décrassage, nous appliquons successivement à l’aide d’un coton des solvants tels que : White-Spirit, Isooctane, Acétone, Xylène et Ethanol, sur la couche de vernis. Ce dernier se solubilise progressivement sous l’action de l’Ethanol.

Nous constatons que les surpeints qui recouvrent le drapé et le mastic (vert) sous-jacent sont également sensibles à ce solvant.

Les tests mettent en évidence une importante quantité de retouches qui laisse présager de nombreuses petites lacunes au niveau des zones sombres (arrière plan, rideau, manteau).

Après évaporation des solvants, les fenêtres de tests sont recouvertes d’une couche de vernis de protection en vue de procéder au traitement du support.

Le bilan du test de nettoyage est positif, l’éthanol est un solvant que nous pourrons décliner en gel, pour varier son action suivant les zones.

Les soulèvements généralisés de la couche picturale ne permettent pas à ce stade le nettoyage, car les fibres du coton peuvent entraîner des écailles et les solvants pénètrent trop facilement les couches de peinture.

Ces tests seront repris après le traitement du support.

Détail, essai de nettoyage de la couche picturale au niveau du bord supérieur. Ce test met en évidence la limite de la peinture et la préparation rouge.

Détail, essai de nettoyage de la couche picturale au niveau du paysage. Ce test met en évidence l’importance de la couche de vernis, et, la modification esthétique des couleurs.

Détail, essai de nettoyage de la couche picturale au niveau du drapé. Ce test met en évidence l’importance de la couche de vernis, la couche de repeint et le mastic vert.

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Localisation des tests de nettoyage.

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Etude technologique - Etat de conservation

Proposition de traitement

Au vue de l’état de conservation des matériaux constitutifs de cette peinture, et, des altérations des anciennes interventions, il semble souhaitable de procéder à un traitement de conservation-restauration fondamental autant sur le plan du support toile qu’au niveau de la couche picturale.

Le rétablissement de l’adhésion et de la cohésion des différentes strates sera réalisé en parallèle avec le nettoyage de la couche picturale et le retrait des anciennes interventions.

Les étapes seront les suivantes :

• Conservation curative - Dépose de la toile du châssis - Pose d’une protection généralisée - Cartonnage - Nettoyage du revers et élimination de l’enduit rouge - Refixage généralisé par le revers - Support provisoire - Décartonnage (Intervention sur la couche picturale) - Cartonnage - Rentoilage ou doublage - Décartonnage - Montage sur châssis neuf type Chassitech

• Restauration - Nettoyage de la couche picturale - Retrait des anciennes interventions (repeints, mastics) - Masticage des lacunes - Réintégration colorée et vernissage

Ce traitement fera l’objet d’un rapport d’intervention complémentaire, accompagné d’une documentation photographique.

Bilan

L’étude menée sur La Sainte Famille permet de préciser en amont de l’intervention de conservation-restauration les caractéristiques technologiques de l’oeuvre.

L’observation et la documentation des différents matériaux constitutifs apportent des informations complémentaires aux historiens de l’art. La collaboration avec ces derniers doit nous éclairer sur l’authenticité de l’oeuvre.

La rencontre avec Mme Homet spécialiste de P. Parrocel, a permis d’apporter des informations sur l’attribution de cette peinture au peintre avignonnais.

Cette «réplique d’atelier, peut-être autographe» apparaît moins soignée dans sa réalisation que la peinture exposée aux Carmes. S’agit-il d’une version d’étude ou d’une oeuvre réalisée pour un commanditaire moins prestigieux ?

Néanmoins, notre vision est perturbée par les anciennes restaurations qui sont aujourd’hui altérées. L’appréciation des couleurs originales et la qualité chromatique des pigments n’est pas possible à ce stade du projet de conservation-restauration.

Les essais de nettoyage et les différents clichés scientifiques laissent présager la redécouverte d’une couche picturale de qualité. Nous supposons qu’après les travaux conservation-restauration, la comparaison des deux peintures sera plus objective.

Pour l’instant, des questions sont toujours en suspens. Quelle est l’origine de cette commande et la date de sa réalisation ? Pourquoi Joachim n’est-il pas présent sur l’oeuvre des Carmes ?...

L’oeuvre de Camaret-sur-Aygues semble faire partie du corpus des peintures attribuées à P. Parrocel ou à son atelier. Une étude de cet ensemble et le regroupement des dossiers de restauration des oeuvres récemment traitées seraient un projet ambitieux, mais apporteraient certainement de nombreux éclaircissements sur l’activité et les qualités picturales de cet artiste.