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Claudel - Furet du Nord · lourdes, ce front roman. (Les CapricesFRANCIS du Poète, JAMMES année 1900). Paul Claudel est là, que je n'ai pas revu depuis plus de trois ans. Jeune,

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CLAUDEL

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LA BIBLIOTHEQUE IDEALE

Volumes déjà publiés : CLAUDEL par Stanislas Fumet. SAINT-EXUPÉRY par Pierre Chevrier.

avec la collaboration de Michel Quesnel.

LÉAUTAUD par Marie Dormoy. A paraître :

MICHAUX par Robert Bréchon. HEMINGWAY par John Brown. KAFKA par Marthe Robert. CAMUS par J.-C. Brisville. JOUHANDEAU par José Cabanis. MONTHERLANT par Henri Perruchet. WHITMAN par Alain Bosquet. T. E. LAWRENCE par Roger Stéphane. VALÉRY par A. Berne-Joffroy. Etc.

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LA BIBLIOTHEQUE IDEALE Collection dirigée par Robert Mallet

CLAUDEL par

Stanislas Fumet

GALLIMARD

8 édition

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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris la Russie.

© 1958 Librairie Gallimard.

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L'homme

Un cyclone figé. ANDRÉ GIDE.

DON RODRIGUE. — Je veux la belle pomme parfaite.

SEPT-ÉPÉES. — Quelle pomme? DON RODRIGUE. — Le Globe ! Le Soulier de satin.

La tête de Claudel. Quelle admi- rable sphère. Le cercle prend cons- cience de sa quadrature.

STANISLAS FUMET.

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ENTRE TRENTE ET QUARANTE ANS

Une figure éclairée par des yeux qui écoutent; un profil de petit taureau bouclé au front; une courte moustache ; une bouche large et mince assez dédaigneuse; et cette mâchoire qui rumine la pensée en de longs soliloques interrompus par des pauses qui laissent les auditeurs en suspens. [...] Cette autorité tranchante des lèvres aigui- sées, l'améthyste épiscopale des yeux chargés d'orages et, enfin, entre les oreilles un peu trop lourdes, ce front roman.

FRANCIS JAMMES (Les Caprices du Poète, année 1900).

Paul Claudel est là, que je n'ai pas revu depuis plus de trois ans. Jeune, il avait l'air d'un clou; il a l'air maintenant d'un marteau-pilon. Front très peu haut, mais assez large ; visage sans nuances, comme taillé au couteau ; cou de taureau continué tout droit par la tête, où l'on sent que la passion monte congestionner aussitôt le cerveau. Oui, je crois que c'est là l'impression qui domine : la tête fait corps avec le tronc. Je le regarderai mieux mardi prochain (il vient déjeuner chez nous) ; j'étais occupé un peu trop à me défendre et n'ai répondu qu'à demi à ses avances. Il me fait l'effet d'un cyclone figé. Quand il parle on dirait que

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quelque chose en lui se déclenche; il procède par affirmations brusques et garde le ton de l'hostilité même quand on est de son avis.

ANDRÉ GIDE (Journal, 1 décembre 1905).

A QUATRE-VINGT-DEUX ANS

Paul Claudel a de la carrure. Il se carre dans son fauteuil. Il vous attend au tournant de la conversation. Il sait, d'un rire ou d'une exclama- tion, vous arrêter en chemin, vous dérouter, vous désarçonner. Mais il sait aussi, d'un rire ou d'un regard, vous remettre en selle. Que de rondeurs chez cet homme carré!

Quand je lui fais remarquer, avec une sim- plicité qu'il a exigée de moi, telle ou telle entorse à la syntaxe ou à l'orthographe dans un de ses textes, il me répond : « Maintenez : on dira c'est un claudélisme. » Il ajoute : « Je mène les mots comme les troupeaux : à la va-comme-je-te- pousse. » C'est le même berger impulsif qui parle et qui écrit, avec la même impatience et la même vigueur; respectueux jusqu'au scrupule du langage qu'il a bousculé. Je lui demande un jour de me confirmer la réplique d'un de ses drames de jeunesse, elle me paraît incompréhensible. Il la lit plusieurs fois à haute voix en la mastiquant, puis conclut : « Je n'en sais pas plus que vous. Laissons là ce mystère. »

Paul Claudel est un mystère : un bloc de pierre opaque sans fissure, inébranlable comme ces monolithes des Geyns (les géants) qui servent de décor au deuxième acte de L'Annonce faite à

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Marie. Ils ont, il a des formes qui font image. L'imagerie est variée. Tout dépend de l'angle sous lequel on se place. Avec Claudel, pas d'angles morts. Rien que de la vie qu'on peut aimer ou ne pas aimer. « Il faut me prendre comme je suis », dit-il. Il a raison.

ROBERT MALLET (Journal, 5 décembre 1950).

AUTOPORTRAIT

Beaucoup de gens sont orgueilleux, mais savent mieux le cacher que je ne l'ai fait.

(Mémoires improvisés.) La clé d'un homme se trouve dans les autres :

c'est le contact que nous avons avec le prochain qui nous éclaire sur nous-mêmes et d'où jaillit souvent la lumière sur notre caractère.

(Id.) Ma mollesse maudite, la répugnance que j'ai à

toutes les choses désagréables... (Lettre à André Suarès.)

J'ai été tellement intéressé à ce qui se passe au dehors que je faisais en somme assez peu de retours sur moi-même.

(Mémoires improvisés.) FLORENCE. — ... Il faut le voir dans une compa-

gnie, tout maussade et rencogné, n'intervenant

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dans la conversation que par des plaisanteries sau- grenues et des coups de boutoir, quand ce n'est pas une de ces gaffes profondes auxquelles le génie naturel ne suffit pas Il y faut la collaboration d'une puissance occulte.

(Conversations dans le Loir-et-Cher.) FURIUS. — Que me reproche après tout c'te

dame? Que me reprochez-vous tous ? Que je suis insociable? que je n'aime pas à être touché? et que la conversation de mes semblables, quand ils n'ont rien à dire, m'accable? Qu'est-ce que ça prouve? Suis-je le seul homme qu'ennuient les choses inutiles ? Elles ennuient tout le monde. Mais moi elles me causent une espèce de désespoir !

(Id.) Les violences peuvent plaire un moment à ce

qu'il y a de moins bon en moi. L'instant d'après j'en rougis.

(Id.) Mes rancunes sont violentes mais de courte

durée. (Lettre à Stanislas Fumet.)

Une maladresse native, une nature à la fois impatiente et lourde, l'horreur des transitions et de tous les artifices indispensables au discours, et en général, l'absence d'une subordination amou- reuse de l'artiste à son instrument qu'il faut savoir au moins feindre.

(Lettre à Maurice Pottecher.) ...Tous ces attentats anarchistes que vous vous

rappelez. Je dois avouer, à ma grande confusion, que je leur étais très sympathique ainsi que la

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plupart de mes amis. Je trouvais dans l'anarchie un geste presque instinctif contre ce monde conges- tionné, étouffant, qui était autour de nous et à l'égard duquel ils faisaient un geste, presque celui du noyé qui cherche de l'air, jetant des bombes au hasard, sans savoir où.

(Mémoires improvisés.) Rimbaud a eu sur moi une influence séminale.

(Id.) Je n'ai jamais eu l'instinct d'agrégation à une

équipe. Il m'a toujours été très difficile de m'y accommoder. (Id.)

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Les jours

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1868-1900. Claudel (Paul - Louis - Charles - Marie), né le

6 août 1868 à Villeneuve-sur-Fère-en-Tardenois, petit village de trois cents habitants du départe- ment de l'Aisne, dont son grand-oncle fut curé. Origines de la famille : lorraine et picarde. Du côté paternel, La Bresse (Vosges) ; du côté mater- nel, Goudelancourt, près Notre-Dame-de-Liesse, ancienne province de Picardie, famille noble, des- cendant du duc d'Orléans assassiné par Jean-sans- Peur.

Fils d'un conservateur des hypothèques, passe son enfance à travers une série de petites villes, Bar-le-Duc (où il fréquente d'abord l'école des Sœurs de la Doctrine chrétienne, puis le lycée), Nogent-sur-Seine, Wassy (Collège municipal de 1879 à 1881), Rambouillet, Compiègne. Sa famille se transporte en 1882 à Paris, où sa sœur Camille étudie la sculpture avec Rodin. Il écrit L'Endormie.

Études à Louis-le-Grand (Burdeau, professeur de philosophie), puis à l'École de Droit et à l'École des Sciences politiques. Conversion en 1886. En 1889, Tête d'Or. En 1890, commencement des pra- tiques religieuses ; est reçu premier au Concours des Affaires étrangères. La Ville. Amitié avec Marcel Schwob, Jules Renard, Maurice Pottecher, Léon Daudet. Fréquentation de Stéphane Mallarmé.

1892, La Jeune Fille Violaine. Départ pour les États-Unis (1893). Consul sup- pléant à New York. L'Échange. Gérant du consulat

de Boston (1894).

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Retour en France et départ pour la Chine. Vers d'Exil. Seconde version de Tête d'Or (1895). Shan- ghaï puis Fou-tchéou (signature du Contrat de l'Arsenal), puis Hankéou (le Chemin de fer), puis de nouveau Fou-tchéou. Commence Les Muses. Développement de l'Église. Première partie de Connais- sance de l'Est. Le Repos du Septième Jour (1896). Seconde version de La Ville (1897) et seconde ver- sion de La Jeune Fille Violaine (1898). Retour en France par la Syrie et la Palestine (1900). Séjour chez les Bénédictins à Ligugé. Velléités monacales.

1901-1914. Second départ pour la Chine (1901). Kouliang.

Connaissance du Temps (1903). Fou-tchéou. Traité de la Co-naissance au monde et de soi-même. Achève Les Muses (1904). Voyage au Japon et en Indo- chine.

Retour en France. Partage de Midi. L'Esprit et l'Eau. Mariage avec Reine Sainte-Marie Perrin, fille de l'architecte de Fourvière. Troisième départ pour la Chine (1906). Pékin et Tien-tsin. Nais- sance de sa fille Marie. Magnificat. La Muse qui est la Grâce. Processionnal pour saluer le siècle nouveau. Premiers poèmes de Corona Benignitatis Anni Dei (1907). La Maison fermée. Naissance de son fils Pierre (1908). L'Otage. Sous le signe du Dragon. Retour en France par le Transsibérien (1909).

Prague. Naissance de sa fille Reine. L'Annonce faite à Marie (1910). Consul général à Francfort. Cantate à trois voix (1911). Fonde avec André Gide, Jacques Copeau, Jacques Rivière et Gaston Galli- mard, la Nouvelle Revue Française. Naissance de son fils Henri. Le 23 décembre, première représenta- tion de L'Annonce faite à Marie au Théâtre de l'Œuvre, dirigé par Lugné-Poé, avec M Lara

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(1912). Consul général à Hambourg. Protée. Mort de son père. En novembre, première de L'Échange au Vieux-Colombier, avec Charles Dullin et Jacques Copeau, Marie Kalff et Louise Marion (1913). Le Pain dur. 5 juin : première de L'Otage au Théâtre de l'Œuvre, avec Ève Francis. Expul- sion par les Allemands au moment de la guerre (1914). Retour en France par la Suède, la Norvège et l'Angleterre. Les Allemands envahissent le département de l'Aisne. Bordeaux, puis Paris.

1915-1930. La Nuit de Noël 1914. Mission économique en

Italie, projet du chemin de fer du 45 parallèle (1915). Ministre plénipotentiaire à Rio de Janeiro, avec Darius Milhaud comme secrétaire. Rome. Le Père humilié (1916). L'Homme et son Désir, composé pour Nijinsky. La Messe là-bas. L'Ours et la Lune. Naissance à Paris de sa fille Renée (1917). Signa- ture du Convenio pour l'achat de trente bateaux allemands et d'importantes quantités de café et marchandises diverses. Retour en France en 1919 par les Antilles et New-York. Conférence au Théâtre du Gymnase pour la Maison des Amis des Livres.

Ministre plénipotentiaire à Copenhague (1920). Membre de la Commission du Slesvig. Ode jubi- laire pour le six-centième anniversaire de la mort de Dante (1921). Nommé ambassadeur au Japon.

Poëmes au verso de sainte Geneviève. La Femme et son ombre (1922). Le Soulier de Satin. Assiste au trem- blement de terre du Japon et à la destruction de Yokohama (1923). Réflexions et Propositions sur le vers français. Quitte le Japon à bord de l'Amboise (1925). Bref séjour à Hong-kong. Haïphong, voyage en Indochine. Marseille. Séjour à l'Abbaye

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de Solesmes. La même année, témoin au mariage de Darius Milhaud à Aix-en-Provence. Pèlerinage à la Sainte-Baume. A Florence, conférence sur le livre. Dans le Loir-et-Cher, loue le château de Lutaines où il commence les Conversations dans le Loir-et-Cher. Voyage en Espagne : Madrid, l'Es- curial, Ségovie, Tolède, Avila, Burgos. Rend visite à Max Jacob à Saint-Benoît-sur-Loire. Tour- née de conférences en Angleterre : Oxford, Liver- pool, Cambridge, Manchester. Conférence au Polytechnicum de Zurich.

Départ pour le Japon. Seconde version de Protée. La plus grande partie de l' Oiseau noir dans le Soleil levant (1926). Croisière sur le Jules-Michelet; Osaka, Mara. Voyage à Kioto. Assiste aux funé- railles de S. M. Yoshihito, empereur du Japon. Cent phrases pour éventails (1927). Départ du Japon, traversée du Pacifique. Entre aux États-Unis par San Francisco. Ambassadeur à Washington. Retour en France au printemps. Sous le Rempart d'Athènes. Acquisition du château de Brangues, dans le Dau- phiné. Le Livre de Christophe Colomb. En septembre, repart pour les États-Unis. Signe le traité d'Arbi- trage et Conciliation avec les États-Unis. Voyage en Louisiane. Conversations dans le Loir-et-Cher (1928). Est fait docteur honoris causa des Universités de New York et de Princeton. Apporte le salut de son gouvernement aux sinistrés du tremblement de terre de la Guadeloupe. Mort de sa mère, Louise-Athénaïse Cerveaux (1929).

Retour en France (1930). Assiste à la création de son Christophe Colomb (musique de Darius Milhaud) au Staatsopera de Berlin, puis à la reprise de L' Otage au Studio des Champs-Élysées. Visite la Trappe de Notre-Dame-des-Dombes. Pèlerinage à la Salette.

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1931-1950. Fête ses noces d'argent (1931). Première exé-

gèse de l'Apocalypse. Figures et Paraboles. Les Aventures de Sophie. Quitte les États-Unis (1933). Nommé ambassadeur à Bruxelles. Voyage en Hollande. Le 15 décembre, représentation de L'Otage au Théâtre des Beaux-Arts de Bruxelles, en présence du roi Albert. Mort du roi Albert, dont il salue la dépouille (1934). Un Poëte regarde la Croix. Visite à l'Abbaye de Clervaux, au Luxem- bourg. L'Otage à la Comédie-Française. Claude Farrère élu à l'Académie française par 15 voix contre 9 à Paul Claudel. Introduction à la Peinture hollandaise. Jeanne d'Arc au Bûcher pour Ida Rubins- tein (1935). Conférence sur Verlaine et nouveau voyage en Italie. Mort de Louise de Massary, sœur du poète. Départ de Belgique, après une carrière de quarante-six ans. A Grenoble, discours sur Berlioz et le Dauphiné. A Paris, discours sur le soixantième anniversaire de l'Institut Catho- lique.

Visite de l'Abbaye de Solesmes. L'Épée et le Miroir (1936). Conférence aux dames de Saint- Pierre-de-Chaillot : Ne impedias musicam. Exé- cution du Livre de Christophe Colomb, salle Pleyel, sous la direction de Pierre Monteux. L'Échange, au Théâtre des Mathurins, avec les Pitoëff. Du Sens figuré de l'Écriture, introduction au Livre de Ruth commenté par l'abbé Tardif de Moidrey (1937). Reprise de L'Otage au Français (1939). Conférence sur Francis Jammes à l'hôtel de ville de Caen. Tournée de conférences en Alsace : Sélestat, Stras- bourg et Haguenau. Création de Jeanne au Bûcher (musique d'Arthur Honegger) à Orléans, avec Ida Rubinstein. Le Livre de Christophe Colomb, salle

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Pleyel. Docteur honoris causa de l'Université de Cambridge.

Jeanne au Bûcher au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et à Anvers (1940). Première exécution de La Danse des Morts (musique d'Arthur Honeg- ger), à Bâle. Rend visite à Romain Rolland à Vézelay. Le 20 juin, se rend à Alger pour y prendre contact avec les autorités françaises. Le 2 juillet, retour à Brangues. Visite de Jean-Louis Barrault. Seigneur, apprenez-nous à prier (1942). Mort de sa sœur Camille Claudel (1943). Création du Soulier de Satin à la Comédie-Française, avec Jean- Louis Barrault et Marie Bell. Se livre à des tra- vaux d'apologétique (Paul Claudel interroge « l'Apo- calypse », Paul Claudel interroge « le Cantique des cantiques» etc...)

Le Soulier de Satin, au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles (1945). Se rend à l'Abbaye de Einisie- deln, en Suisse. La Rose et le Rosaire. Conférence à l'Institut Catholique de Paris sur l'Apocalypse. Élu à l'Académie française par 24 voix sur 25 (1946). Le Père humilié au Théâtre des Champs- Ély sées. L'Annonce, à l'Athénée, avec Louis Jouvet. Docteur honoris causa de l'Université de Louvain. L'Échange au Studio des Champs-Élysées, avec les Pitoëff. Réception à l'Académie française par François Mauriac le 12 mars (1947).

Jeanne au Bûcher à la Scala de Milan. Dis- cours pour le centenaire de l'Œuvre de la Sainte- Enfance. L'Annonce, au Théâtre Hébertot (1948). Création de Partage de Midi au Théâtre Marigny par la Compagnie Jean-Louis Barrault-Madeleine Renaud, avec Edwige Feuillère. Création du Pain dur à l'Atelier, avec Pierre Renoir (1949). Reprise du Soulier de Satin à la Comédie-Française. Créa- tion de Tobie et Sara au Château des Papes, à Avignon, par la troupe de Jean Vilar.

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1951-1955. Premier entretien Claudel-Amrouche pour la

Radiodiffusion française, le 3 janvier 1950. Cen- tième du Soulier de Satin. Récitation de poèmes de Paul Claudel dans la salle du Consistoire du Vati- can en présence de Pie XII. L'Annonce au Teatro Eliseo de Rome. Voyage à Naples. L' Otage au Français, avec Claude Nollier. L' Annonce au Théâtre romain de Lyon, troupe Hébertot. Voyage à Lille, conférence à l'Université catho- lique; L' Annonce au Grand Théâtre, sous la prési- dence du cardinal Liénart. Jeanne au Bûcher à l'Opéra. Le Soulier de Satin à Bruxelles. Le 11 mai, fin des entretiens avec Jean Amrouche. Grand- croix de la Légion d'honneur. L'Échange au Théâtre Marigny. Récital Paul Claudel à la mairie du XVI (1952). Conférence sur Victor Hugo à l'hôtel de Massa. Voyage à Barcelone. Discours au Congrès eucharistique. Pèlerinage à Montser- rat. Jeanne au Bûcher au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles. Cinquantième de Jeanne au Bûcher à l'Opéra (1953). Voyage à Hambourg; Tobie et Sara au Théâtre municipal. Première de Chris- tophe Colomb au Théâtre de Bordeaux. Voyage à Bruxelles. Cantique de l'Espérance au Palais des Beaux-Arts, à Bruxelles. Christophe Colomb (nouvelle musique de Darius Milhaud) au Théâtre Marigny. Voyage à Zurich; Tobie et Sara. Cantique de l'Espé- rance au Palais de Chaillot (1954). Reprise de Partage de Midi au Théâtre Marigny. Conférence au Grand Séminaire de Versailles : Fulgens corona. Jeanne au Bûcher, à l'Opéra, avec Ingrid Bergman. Au mois d'août, entre en clinique à Aix-les-Bains pour une crise de sciatique aiguë, qui lui permet de relire le théâtre de Racine. Conversation sur Racine.

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Répétition de L'Annonce à la Comédie-Française (1955). Protée à la Comédie de Paris. Dans la nuit du 17 au 18 février, gala de L'Annonce en présence de M. René Coty, Président de la République. Jacques Madaule et Maria Casarès viennent demander l'autorisation pour le T. N. P. de jouer La Ville. Le 19, réception au domicile du poète pour les interprètes de L'Annonce. Meurt chez lui, en pleine conscience, le 23 février, dans la nuit du mardi gras au mercredi des cendres, après avoir reçu les derniers sacrements avec toute son attention et dit à son entourage familial : « Qu'on me laisse tranquille! Je n'ai pas peur. »

Son catafalque est exposé toute la nuit du 28 février sur le parvis de Notre-Dame, veillé par un piquet de gardes républicains, sous une claire nuit glaciale. Funérailles officielles le 1 mars dans la cathédrale, où son corps demeure avant d'être inhumé à Brangues, le 3 septembre, sous une pierre taillée par Jean Bernard, qui porte cette inscription : « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel. »

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L'œuvre

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I PAUL CLAUDEL ADSUM 1

Paul, il nous faut partir pour un départ plus beau!... Voici l'heure brûlante et la nuit ennuyeuse! Voici le Pas, voici l'arrêt et le suspens. Saisi d'horreur, voici que de nouveau j'entends L'inexorable appel de la voix merveilleuse.

Quel homme fut plus solide sur sa base, plus « fils de la terre » et plus digne d'elle ? et pourtant la terre ne lui collait point aux pieds. C'est que Claudel avait la jouissance d'une âme qui se lais- sait violenter par l'Esprit, ou les esprits célestes.

Il était toujours disposé à recevoir le souffle; nul n'a été plus accueillant à l'inspiration, pour tout dire.

La terre ? Si c'est un « carré de choux » à culti- ver, Paul Claudel ne s'y attarde pas. C'est la houle, dit-il, qu'il lui faut.

Encore! encore la mer qui revient me rechercher comme une barque,

La mer encore qui retourne vers moi à la marée de Syzigie et qui me lève et remue de mon ber comme une galère allégée,

1. Le titre général de cette étude pourrait être : Paul Claudel et le sens de son œuvre.

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Comme une barque qui ne tient plus qu'à sa corde, et qui danse furieusement, et qui tape, et qui et qui fonce, et qui encense, et qui culbute, le nez à son piquet,

Comme le grand pur-sang que l'on tient aux naseaux et qui tangue sous le poids de l'amazone qui bondit sur lui de côté et qui saisit brutalement les rênes avec un rire éclatant.

... Encore le départ, encore la communication établie, encore la porte qui s'ouvre!

C'était toujours une porte qui s'ouvrait devant lui, et il n'a jamais vu le monde que dans cette perspective, il n'a jamais cru que la course pût finir ou que ce qui cesse ne fût pour autre chose une injonction de commencer : car tout est soli- daire dans la Création de Dieu et rien n'est inutile à rien.

On comprend que, dans la même Ode, il ait annoncé qu'il allait chanter « le grand poëme de l'homme soustrait au hasard » ! Et c'est ici qu'une originalité fondamentale apparaît, et tout l'homme est derrière sa voix, — un homme qui « fait l'eau avec sa voix », disait-il, — et qui est peut-être tout le contraire de ce que l'on attendait du poëte jusqu'au jour où Claudel vint pour entiè- rement renouveler le genre.

Il a été le poëte qui s'explique en œuvrant. Son cas est sans analogue dans les lettres, même dans les lettres françaises, où l'on a cultivé plus qu'ail- leurs cette conscience de son art. Baudelaire avait modestement indiqué la ligne rigoureuse qu'il s'agissait de suivre, si bien qu'après lui la poésie change complètement de figure, — et non seule- ment celle de l'écrivain, mais la poésie aussi bien du peintre, du sculpteur, du musicien. Baudelaire eut deux disciples : Rimbaud, qui parle de « se

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faire voyant » et qui, en peu de phrases inouïes, donne la recette : « Car Je est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. » Et Mallarmé, qui ne pense plus tant être l'alchimiste verbal qu'un messie de la littérature. — Le semeur sortit pour semer..., disait extasié Villiers de l'Isle- Adam en se promenant devant Stéphane Mallarmé, et il ajoutait : « C'est comme ça qu'il faudrait écrire ! » Et Mallarmé, d'une voix sourde : « Le monde sera sauvé par de meilleure littérature que cela. » Villiers rapporte le propos à Léon Bloy, qui grommelle : « Sans doute pensait-il à la sienne... »

Quoi qu'il en soit, on n'avait pas été plus loin que Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé sur cette Toute de la lucidité poétique. Goethe lui-même en aurait-il eu la prétention, Pouchkine l'ambition? Edgar Poe avait réuni le soufre et le phosphore, c'était tout. Mais Claudel ne fera plus qu'une poésie de démonstration, disons de « démons- trance », et, comme Diogène, il prouvera le mou- vement en marchant.

Il a inventé une démarche de l'esprit sur des pieds d'homme, des pieds danseurs, émules des barques sur la mer; non point exactement ces pattes de colombe sur lesquelles Nietzsche voyait s'avancer toute vérité; ce que Claudel apportait à son art, c'était la libération des mesures conve- nues, par leur propre dépassement, par un outre- passement du mètre fixé. Il ne s'insurge point, contre la loi de la mesure, il ne la renverse point il la laisse en place, mais il la fait déborder en lui marchant dedans. La poésie alors se rappelle un mot de l'Évangile : « Si votre justice n'abonde pas plus que celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. » Que la mesure de la beauté déborde, je foncerai dans ses lois :

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Que mon vers ne soit rien d'esclave! mais tel que l'aigle marin qui s'est jeté sur un grand poisson.

Et l'on ne voit rien qu'un éclatant tourbillon d'ailes et l'éclaboussement de l'écume.

Telle est la vocation du poëte, au titre seul de « poëte », avec le tréma sur l'e. Et Claudel n'aura pas été que ce génie impétueux, même s'il ne le reste qu'à travers son langage de poëte. Nous avons eu, assez tôt, le philosophe d'Art poétique, le connaisseur du Temps, cette « invitation à mou- rir » ; nous avons eu — la France a eu — un extraordinaire consul et ministre plénipotentiaire, un grand négociateur national, un ambassadeur qui ne ressemblait à aucun de ses collègues, mais un homme qui aurait pu être aussi bien ingénieur, architecte, explorateur. Ce n'est pas le poëte qui est poëte chez Claudel, comme il arrive d'habitude, mais l'intelligence, qui ne peut pas se satisfaire de son être sans le tourner en action créatrice. « Rece- voir l'être, dit-il, et restituer l'éternel. » Jamais on n'avait rencontré intelligence plus portée à faire, car la lumière ne suffit pas à la joie de Claudel : « 0 faire! faire! faire! s'écriait Simon Agnel dans le prélude de Tête d'Or, qui me donnera la force de faire ? »

En ces dispositions, il n'est pas le contemplatif classique. Les Bénédictins avaient eu raison de ne pas le retenir dans leur monastère de Ligugé. On a de la peine à se l'imaginer toute une vie chantant au chœur, à voix égale, les louanges communes du Seigneur et étudiant d'un nez pointu la lettre historiée des vieux manuscrits d'autrui, fussent-ils imprégnés de poésie et de beautés spirituelles. A ce cœur déchiré saint Benoît conseilla de partir. Mais ce n'était plus, en 1900, comme en 1896 :

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Paul, il nous faut partir pour un départ plus [beau!...

Ligugé renvoyait l'homme de la houle à son destin, qui prendrait la figure, sur le bateau, de cette Ysé — « Mesa, je suis Ysé, c'est moi ! » — dans les bras de laquelle allait tomber un lutteur novice pour sortir de l'étreinte adultère à jamais blessé. Blessé, dit le Jésuite, frère de Rodrigue, « parce qu'une fois en cette vie il a vu la figure d'un ange ».

On sait l'importance que représente cet évé- nement dans l'histoire de Paul Claudel. Il y revient constamment, depuis Partage de Midi, jus- qu'au Soulier de Satin, en passant par les Cinq Grandes Odes. Ysé, avant d'être un ange, une rose, est la Bethsabé de ce David, l'Yseult de ce Tristan, une source de remords, une croix de pénitence.

Et moi aussi, je l' ai donc trouvée à la fin, la mort qu'il me fallait! J'ai connu cette femme. J'ai connu l'amour de la femme.

J'ai possédé l'interdiction. J'ai connu cette source de soif!

J'ai voulu l'âme, la savoir, cette eau qui ne connaît point la mort! J'ai tenu entre mes bras l'astre humain!

O amie, je ne suis pas un dieu. Et mon âme je ne puis te la partager et tu

ne peux me prendre et me contenir et me posséder. Et voici que, comme quelqu'un qui se détourne,

tu m'as trahi, tu n'es plus nulle part, ô rose! Rose, je ne verrai plus votre visage en cette vie! Et me voici tout seul au bord du torrent, la

face contre terre. Comme un pénitent au pied de la montagne de

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Dieu, les bras en croix dans le tonnerre de la voix rugissante!

Voici les grandes larmes qui sortent! Et je suis là comme quelqu'un qui meurt, et

qui étouffe et qui a mal au cœur, et toute mon âme hors de moi jaillit comme un grand jet d'eau claire!

Tel est le motif central de l'aventure unique — combien de fois l'a-t-il confié à ses lecteurs ! — qui a désorienté puis réorienté la vie d'un oblat. A l'époque, il avait déjà donné la mesure de son génie, c'est Tête d'Or et La Ville, pour commencer, puis les autres pièces de L'Arbre, c'est Connaissance de l'Est et déjà la première des Cinq Grandes Odes : Les Muses. Nous dirons que Claudel avait possédé son art avant de posséder sa vie. Il y a Simon Agnel, il y a Cœuvre et Pierre de Craon avant Mesa. Le poëte n'aura plus à s'instruire que de l'homme qui croît en âge. Dans Les Muses, dans Le Développement de l'Église (les deux œuvres datent de l'année 1900), la pensée de Claudel est magni- fiquement formulée déjà; la même s'érigera bientôt en système dans les deux traités d'Art poétique écrits en Chine (Connaissance du Temps, Co-naissance au monde et de soi-même) et se précisera — du moins en ce qui concerne la nature de la poésie comme l'entend Claudel — dans Positions et Propositions. Il s'agit de cet art du faire, du poïein, qui consiste à poursuivre l'œuvre de Dieu dont nous ne réglons pas plus la fin que le commencement, à lui appor- ter notre concours, notre participation personnelle. Dieu nous a donné une voix pour témoigner, des membres pour servir, une imagination conqué- rante pour exploiter l'acquis des sens. Ah! les sens, comme Claudel leur a montré le chemin, non pas le chemin à prendre : le chemin à être! Ils

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sa raison d'être : Offrir aux lettrés des ouvrages consacrés aux auteurs que toute bonne bibliothèque se doit de posséder.

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son ambition : Combler une lacune souven constatée en librairie, en consti tuant une somme d'information dont les éléments jusqu'à ce jou n'ont jamais été systématique ment réunis et exploités, de ma nière à présenter une synthès aussi complète que possible d'un personnalité et d'une œuvre.

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