48

Édito - Lautre Netinventin.lautre.net/livres/Lecoeurement-No3.pdf · l'ABC de notre écœurement. Léolo 4. Notes : 1 – Ce type d'éclairage a déjà été installé dans certains

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • 2

  • Édito

    Le 22 mars 2012*, un « gamin » réussissait presque à lui seul à stopper une campagne électorale française pour la présidence dont le moins que nous puissions dire est qu'alors elle ne nous eût pas manqué, nonobstant l'immense qualité comique du spectacle. On a malheureusement les terroristes qu'on mérite, et Mohamed Merah fut bel et bien seulement à la hauteur du mérite français : sept morts n'auront finalement pas suffi pour qu'on se décide en haut-lieu à suspendre plus d'une minute le ridicule. On a même au contraire et de loin préféré ajouter du ridicule au ridicule, en comparant bientôt les tristes crimes du jeune Mohamed Merah à ceux du 11 septembre 2001, puisqu'après tout il est d'antédiluvienne certitude patent qu'en Amérique-sur-Garonne 7 est à peu près égal à 2800, et que quelques coups de feu y valent de longtemps trois tours pulvérisées et un pentagone légèrement soufflé. Mais c'est sans doute qu'on avait pas oublié un autre 22 mars de sinistre mémoire et son terrifiant leader, le bien nommé Dany le Rouge, dont les actions terroristes ne manquèrent pas de terroriser les bonnes gens, comme de juste, durant tout l'épouvantable et fameux mois de mai 1968. De là à ce qu'on en vienne un jour à justifier les dix arrestations parfaitement arbitraires qui ont suivi l'affaire Merah par le fait que le mouvement du 22 mars 1968 ne fût pas celui d'un unique homme, il n'y a qu'un pas et pendant ce temps là ?

    Pendant ce temps là grand-père court après la bonne et des anglais songent à installer dans certains lieux publics - sans rire et sans même que Mohamed Merah y soit pour quoi que ce soit - des éclairages ayant pour objet d'en éloigner les jeunes1. Or à cet effet quel meilleur moyen en effet que celui consistant à obtenir de chaque bouton d'acné qu'il devienne, par la grâce d'une ingénieuse lumière rose, une véritable enluminure bubonique sur leurs visages ; la cagoule et la burqa ont encore de beaux jours devant elles chez nos amis anglo-saxons. La jeunesse, elle, un casque antibruits sur les oreilles pour ne pas avoir à subir les alarmes Mosquito, dont les moins de 25 ans seuls sont sensés souffrir et dont l'expérience a

    3

  • pourtant montré qu'elles pouvaient s'avérer agissantes sur certains quarantenaires, attendra la retraite. La perfide Albion dé-jeune à la gèle-à-teen, et pendant ce temps là ?

    Pendant ce temps là Strauss-Kahn court après la bonne et Adlène Hicheur2 prend quatre ans de prison ferme pour avoir envoyé quelques mails. L'état d'exception tourne à plein régime, son centre vide outrepasse le droit par tous ses côtés, suspend sa géniture pour dit-il en maintenir l'essentiel, et se fait fort de voler nos vies. L'Empire n'envisage le monde qu'affectivement divisé en deux : les gens bien et les terroristes ; qui ne dit mot consent et pendant ce temps là ?

    Pendant ce temps là Mélanchon court après Marine et le monde à sa perte, on dé-grèce Europe aux enfers tel un mammouth allègre emporté par le vent, le numérique tient lieu de néo-numérologie et 22/03/2012 = 2 x 11/09/2001, on envoute corps et âmes, on bio-maitrise les êtres sensibles, des puces électroniques disséminent un peu partout la peste dont on se proposera bientôt de nous nano-vacciner à grands frais, on court de droite à gauche comme bisounours en cage et l'idéologue des ectoplasmes affure l’Élysée : le change ment, c'est maintenant ; c'était déjà hier et nous risquons surtout à présent de voir s'édulcorer des colères pourtant plus que légitimes : tant va la gauche au pouvoir qu'aussitôt elle en jette à l'eau douce. Amen. Mais quant à nous pendant ce temps là nous ne sommes pas dupes, et nous continuons de penser que : seule l'insurrection ! L’État est une nuisance comme les autres ; la vie veut nécessairement que nous l'abolissions, ici et maintenant.

    Ici et maintenant,

    ici et maintenant il ne s'agit pas tant de nous réapproprier les plaisirs de vivre usurpés par l'Empire – de toutes façons falsifiés – que d'en retrouver réellement l'usage réel. Et c'est encore seulement l'ABC de notre écœurement.

    Léolo

    4

  • Notes :

    1 – Ce type d'éclairage a déjà été installé dans certains endroits de Mansfield, une ville du centre de l'Angleterre.

    2 – Adlène Hicheur est un physicien des particules, arrêté le 8 octobre 2009 pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Soupçonné, suite à l'envoi de quelques mails, d'avoir préparé un attentat avec Al-Qaïda au Maghreb Islamique, il travaillait au CERN au moment de son arrestation. Un comité de soutien international existe : http://soutien.hicheur.pagesperso-orange.fr/

    * Soit le J.24J.37-493, 8ième lune, an 102 du calendrier écœuré.

    5

  • Pour une métaphysique écœurante de l’écœurement(suite n°02)

    Dans l'Empire, on opère toujours en multipliant d'arbitraires projections programmatiques, dont la visée n'a jamais d'autres fins, en dernier, que le maintien de sa propre domination, voire l'extension d'icelle. Notre écœurement au contraire ignore tout projet, et par là même tout programme. S'il admet cependant parfois de se projeter, c'est encore seulement dans la guerre contre l'Empire, précisément sur les lieux-dits de son manifeste désir d'en finir avec lui, et absolument. L'écœurement procède en effet du désir, au moins pour partie et quoiqu'assurément n'ayant rien à faire avec la pulsion ; laquelle n'est le plus souvent que l'issue d'un désir séparé, falsifié par la marchandise et religieusement relégué en elle. Autrement dit le désir écœuré ne s'épanche pas sur l'érotismuch putassier d'une voiture d'un i-phone ou d'un boursin aux fines herbes ; il en vomi la misère.

    Là où le projet pour s'accomplir exige un dispositif « organisationnel » pour le moins hiérarchique – désactivant l'en-commun dans l'individu4 -, sinon totalitaire – détruisant l'en-commun dans la communion mystique -, le désir, lui, se réalise en ce simple écart qui nous expose à la limite, voire à la lie-mythe, où l'abstraite identité du je dégénère heureusement en singularité. C'est la tension même de cet écart qui singularise le je de l'exposer à « son » autre, et l'ouvre à la possibilité d'un nous. L'Empire, lui, est sans limite ; tout autre est son ennemi. L'alchimie des être singuliers se joue donc sur la limite où chacun s'expose, et s'éprouve hic et nunc comme puissance, à la fois écœurante et écœurée. Rien de deleuzien5 ici : la singularité n'est pas sans finitude – c'est d'ailleurs pourquoi elle est disposée à « faire l'expérience » de l'autre, et de l'en-commun qui parfois en émane et transcende : ce n'est qu'en tant qu'être-toujours-déjà-fini que je parvient à embrasser l'étendue infinie des finitudes, sans lesquelles il retourne au néant ; cet hygiénique sans-nous. Autrement dit, je n'existe singulièrement que de s'exposer à la « corruption » du nous, de s'y diff-errer, non point de s'y projeter. Le désir étant ici ce qui dépose l'être à l'extérieur, là où le con-sentiment

    7

  • des expériences intérieures diverses est envisageable ; et ce con-sentiment est l'un des autres noms de l'écœurement.

    Le projet renvoie toujours la vie à plus tard, et requiert une mobilisation telle qu'il en épuise la plupart du temps la puissance avant même que j'aie pu en faire l'expérience. Or l'en-commun ne peut jamais avoir lieu sans l'expression qualitative d'« authentiques » puissances de vies, sans leurs comparutions immédiates – lesquelles seules ont l'efficience nécessaire à la coïncidence des étant-singuliers en puissance dans la consomption du temps, ce relief de l'instant dont l'absolue non-durée suscite la répétition « fluviale » d'une temporalité sans retour. Là où le projet est un non-lieu6, une relégation/assignation des puissances de vies au néant atomique des « lendemains qui chantent », le désir, lui, est un lieu-dit autonome, un écart quelconque au sein duquel ces mêmes puissances entrent en résonance, et prospèrent : étonnantes corruptions, inclinations incertaines, détours sublimes, prodigieux hasards, écœurements ; ainsi va notre vision. Ainsi, les conditions de notre amour.7 Ainsi, donc, le désir comme clinamen de l'en-commun, vice versa, et pour quoi la communauté ne peut pas être un projet, mais seulement ce qui s'éprouve immédiatement : vol du temps qui tragiquement nous entraîne sur son aile inquiète, éternelle émeute qui soudain éclate en langues de feu telles d'éphémères sphères de rouge parmi les aciers noirs de nos enfers tièdes ; et baisers sur les lèvres à la vie à la mort. Et puis ce monde qui tourne et recommence encore dans des enchevêtrements de chaleur et de bruits – car à la vérité nos nerfs sont sensibles à chaque élément de l'ensemble8, et c'est ci-vit déjà au moins l'enfance de l'insurrection.

    (A suivre...)

    Émile Henry

    Notes :

    4 – Par individu, ici, nous entendons cet être clos, non pas en tant que fini, mais en tant qu'ipséité pure, sans extériorité, à la fois comme étant soi-pour-soi absolu – atome – et comme être absolu, comme tout absolument séparé ; cet individu dont Jean-Luc Nancy disait donc justement qu'il n'est que le résidu de l'épreuve de la dissolution de la communauté , avant d'ajouter un peu plus loin ceci qu'Au reste, on ne fait pas un monde avec de simples atomes. Il y faut un clinamen. Il y faut une inclinaison ou une inclination de l'un vers l'autre ou de l'un à l'autre. [En quoi] La communauté est au moins le clinamen de l'« individu ».

    8

  • 5 – L'idée d'un être inlassablement machiné par des flux qui le tiendraient dans une complète absence de finitude, de singularité, est des plus absurdes. Mandosio, par exemple, n'a pas manqué de le démontrer avec humour, en frappant un deleuzien (du moins quelqu'un qui se prétendait tel) pour lui faire sentir sa finitude singulière. En effet, soit ce dernier s'en tenait à la pensée deleuzienne et se voyait dès lors contraint de ne pas répondre à l'agression subie (comment eut-il pu justifier - nul selon lui n'étant jamais plus d'un instant « identique » à lui-même - et d'en avoir le moindre souvenir et d'identifier son agresseur), soit il assumait d'y répondre et contredisait aussitôt d'un même trait la théorie dont il s'était d'abord fait l'ardent défenseur. Un être sans finitude, a-singulier, toujours déjà autre à/que lui-même, serait bel et bien sans écœurement : la constance de l'a-finitude est propre au néant.

    6 – L'Empire est, au moins en partie, un dispositif de gestion d'une avalanche de non-lieux.

    7 – Virginia Woolf, La Chambre de Jacob.

    8 – Détournement d'un passage de La Chambre de Jacob, de Virginia Woolf

    9

  • Notes sur la « question des immigrés »Notes pour Mezioud

    Nous avons trouvé intéressant, à l'heure où le spectacle de l'entre-deux tours des dernières élections en France et son langage avarié auront fini par étaler tant d'inepties sur tout, et surtout sur « l'immigration », de faire découvrir ou redécouvrir les quelques notes qui suivent, rédigées par Guy Debord en 1985 et communiquées ensuite à Mezioud Ouldamer ; lequel publiera près d'un an plus tard Le cauchemar immigré dans la décomposition de la France aux éditions Gérard Lebovici. La « question des immigrés », qui n'a guère quitté, sinon les foyers français, du moins le champ médiatico-politique depuis au moins les années 1980, vient cependant d'y ressurgir ces derniers jours avec la fréquence que nous savons, et qui était sans équivalent depuis 2002. Or selon nous, si le score du Front National au premier tour de ces élections n'est pas pour rien dans cette affaire (encore qu'à y regarder d'assez près ce dernier n'a rien eu d'exceptionnel ), ce n'est qu'en tant qu'il est lui-même, et parmi un grand nombre d'autres, une « fausse » question employée par le spectacle pour justifier la « question des immigrés » dans laquelle aussi bien tout est faux. Le fait est qu'à l'époque de la dépossession absolue où nous sommes, nous sommes d'ores et déjà tous des immigrés : il s'agit bel et bien maintenant de reprendre nos quartiers ; ce qui exige d'éliminer l'Empire qui a voulu que nous y soyons tous des étrangers, non les « étrangers » eux-mêmes qui sont nos frères dans la dépossession.

    Tout est faux dans la « question des immigrés », exactement comme dans toute question ouvertement posée dans la société actuelle ; et pour les mêmes motifs : l’économie — c’est-à-dire l’illusion pseudo-économique — l’a apportée, et le spectacle l’a traitée.

    On ne discute que de sottises. Faut-il garder ou éliminer les immigrés ? (Naturellement, le véritable immigré n’est pas l’habitant permanent d’origine étrangère, mais celui qui est perçu et se perçoit comme différent et destiné à le rester. Beaucoup d’immigrés ou leurs enfants ont la nationalité française ; beaucoup de Polonais ou d’Espagnols se sont finalement perdus dans la masse d’une

    population française qui était autre). Comme les déchets de l’industrie atomique ou le pétrole dans l’Océan — et là on définit moins vite et moins « scientifiquement » les seuils d’intolérance — les immigrés, produits de la même gestion du capitalisme moderne, resteront pour des siècles, des millénaires, toujours. Ils resteront parce qu’il était beaucoup plus facile d’éliminer les Juifs d’Allemagne au temps d’Hitler que les maghrébins, et autres, d’ici à présent : car il n’existe en France ni un parti nazi ni le mythe d’une race autochtone !

    Faut-il donc les assimiler ou « respecter les diversités culturelles » ? Inepte faux choix. Nous ne pouvons plus assimiler

    11

  • personne : ni la jeunesse, ni les travailleurs français, ni même les provinciaux ou vieilles minorités ethniques (Corses, Bretons, etc.) car Paris, ville détruite, a perdu son rôle historique qui était de faire des Français. Qu’est-ce qu’un centralisme sans capitale ? Le camp de concentration n’a créé aucun Allemand parmi les Européens déportés. La diffusion du spectacle concentré ne peut uniformiser que des spectateurs. On se gargarise, en langage simplement publicitaire, de la riche expression de « diversités culturelles ». Quelles cultures ? Il n’y en a plus. Ni chrétienne ni musulmane ; ni socialiste ni scientiste. Ne parlez pas des absents. Il n’y a plus, à regarder un seul instant la vérité et l’évidence, que la dégradation spectaculaire-mondiale (américaine) de toute culture.

    Ce n’est surtout pas en votant que l’on s’assimile. Démonstration historique que le vote n’est rien, même pour les Français, qui sont électeurs et ne sont plus rien (1 parti = 1 autre parti ; un engagement électoral = son contraire ; et plus récemment un programme — dont tous savent bien qu’il ne sera pas tenu — a d’ailleurs enfin cessé d’être décevant, depuis qu’il n’envisage jamais plus aucun problème important. Qui a voté sur la disparition du pain ?). On avouait récemment ce chiffre révélateur (et sans doute manipulé en baisse) : 25 % des « citoyens » de la tranche d’âge 18-25 ans ne sont pas inscrits

    sur les listes électorales, par simple dégoût. Les abstentionnistes sont d’autres, qui s’y ajoutent.

    Certains mettent en avant le critère de « parler français ». Risible. Les Français actuels le parlent-ils ? Est-ce du français que parlent les analphabètes d’aujourd’hui, ou Fabius (« Bonjour les dégâts ! ») ou Françoise Castro (« Ça t’habite ou ça t’effleure ? »), ou B.-H. Lévy ? Ne va-t-on pas clairement, même s’il n’y avait aucun immigré, vers la perte de tout langage articulé et de tout raisonnement ? Quelles chansons écoute la jeunesse présente ? Quelles sectes infiniment plus ridicules que l’islam ou le catholicisme ont conquis facilement une emprise sur une certaine fraction des idiots instruits contemporains (Moon, etc.) ? Sans faire mention des autistes ou débiles profonds que de telles sectes ne recrutent pas parce qu’il n’y a pas d’intérêt économique dans l’exploitation de ce bétail : on le laisse donc en charge aux pouvoirs publics.

    Nous nous sommes faits américains. Il est normal que nous trouvions ici tous les misérables problèmes des USA, de la drogue à la Mafia, du fast-food à la prolifération des ethnies. Par exemple, l’Italie et l’Espagne, américanisées en surface et même à une assez grande profondeur, ne sont pas mélangées ethniquement. En ce sens, elles restent plus largement européennes (comme l’AIgérie est

    12

  • nord-africaine). Nous avons ici les ennuis de l’Amérique sans en avoir la force. Il n’est pas sûr que le melting-pot américain fonctionne encore longtemps (par exemple avec les Chicanos qui ont une autre langue). Mais il est tout à fait sûr qu’il ne peut pas un moment fonctionner ici. Parce que c’est aux USA qu’est le centre de la fabrication du mode de vie actuel, le cœur du spectacle qui étend ses pulsations jusqu’à Moscou ou à Pékin ; et qui en tout cas ne peut laisser aucune indépendance à ses sous-traitants locaux (la compréhension de ceci montre malheureusement un assujettissement beaucoup moins superficiel que celui que voudraient détruire ou modérer les critiques habituels de « l’impérialisme »). Ici, nous ne sommes plus rien : des colonisés qui n’ont pas su se révolter, les béni-oui-oui de l’aliénation spectaculaire. Quelle prétention, envisageant la proliférante présence des immigrés de toutes couleurs, retrouvons-nous tout à coup en France, comme si l’on nous volait quelque chose qui serait encore à nous ? Et quoi donc ? Que croyons-nous, ou plutôt que faisons-nous encore semblant de croire ? C’est une fierté pour leurs rares jours de fête, quand les purs esclaves s’indignent que des métèques menacent leur indépendance !

    Le risque d’apartheid ? Il est bien réel. II est plus qu’un risque, il est une fatalité déjà là (avec sa

    logique des ghettos, des affrontements raciaux, et un jour des bains de sang). Une société qui se décompose entièrement est évidemment moins apte à accueillir sans trop de heurts une grande quantité d’immigrés que pouvait l’être une société cohérente et relativement heureuse. On a déjà fait observer en 1973 cette frappante adéquation entre l’évolution de la technique et l’évolution des mentalités : « L’environnement, qui est reconstruit toujours plus hâtivement pour le contrôle répressif et le profit, en même temps devient plus fragile et incite davantage au vandalisme. Le capitalisme à son stade spectaculaire rebâtit tout en toc et produit des incendiaires. Ainsi son décor devient partout inflammable comme un collège de France. » Avec la présence des immigrés (qui a déjà servi à certains syndicalistes susceptibles de dénoncer comme « guerres de religions » certaines grèves ouvrières qu’ils n’avaient pu contrôler), on peut être assurés que les pouvoirs existants vont favoriser le développement en grandeur réelle des petites expériences d’affrontements que nous avons vu mises en scène à travers des « terroristes » réels ou faux, ou des supporters d’équipes de football rivales (pas seulement des supporters anglais).

    Mais on comprend bien pourquoi tous les responsables politiques (y compris les leaders du Front national) s’emploient à minimiser la

    13

  • gravité du « problème immigré ». Tout ce qu’ils veulent tous conserver leur interdit de regarder un seul problème en face, et dans son véritable contexte. Les uns feignent de croire que ce n’est qu’une affaire de « bonne volonté anti-raciste » à imposer, et les autres qu’il s’agit de faire reconnaître les droits modérés d’une « juste xénophobie ». Et tous collaborent pour considérer cette question comme si elle était la plus brûlante, presque la seule, parmi tous les effrayants problèmes qu’une société ne surmontera pas. Le ghetto du nouvel apartheid spectaculaire (pas la version locale, folklorique, d’Afrique du Sud), il est déjà là, dans la France actuelle : l’immense majorité de la population y est enfermée et abrutie ; et tout se serait passé de même s’il n’y avait pas eu un seul immigré. Qui a décidé de construire Sarcelles et les Minguettes, de détruire Paris ou Lyon ? On ne peut certes pas dire qu’aucun immigré n’a participé à cet infâme travail. Mais ils n’ont fait qu’exécuter strictement les ordres qu’on leur donnait : c’est le malheur habituel du salariat.

    Combien y a-t-il d’étrangers de fait en France ? (Et pas seulement par le statut juridique, la couleur, le faciès.) Il est évident qu’il y en a tellement qu’il faudrait plutôt se demander : combien reste-t-il de Français et où sont-ils ? (Et qu’est-ce qui caractérise maintenant un Français ?) Comment resterait-il, bientôt, de Français ? On sait que la

    natalité baisse. N’est-ce pas normal ? Les Français ne peuvent plus supporter leurs enfants. Ils les envoient à l’école dès trois ans, et au moins jusqu’à seize, pour apprendre l’analphabétisme. Et avant qu’ils aient trois ans, de plus en plus nombreux sont ceux qui les trouvent « insupportables » et les frappent plus ou moins violemment. Les enfants sont encore aimés en Espagne, en Italie, en Algérie, chez les Gitans. Pas souvent en France à présent. Ni le logement ni la ville ne sont plus faits pour les enfants (d’où la cynique publicité des urbanistes gouvernementaux sur le thème « ouvrir la ville aux enfants »). D’autre part, la contraception est répandue, l’avortement est libre. Presque tous les enfants, aujourd’hui, en France, ont été voulus. Mais non librement ! L’électeur-consommateur ne sait pas ce qu’il veut. Il « choisit » quelque chose qu’il n’aime pas. Sa structure mentale n’a plus cette cohérence de se souvenir qu’il a voulu quelque chose, quand il se retrouve déçu par l’expérience de cette chose même.

    Dans le spectacle, une société de classes a voulu, très systématiquement, éliminer l’histoire. Et maintenant on prétend regretter ce seul résultat particulier de la présence de tant d’immigrés, parce que la France « disparaît » ainsi ? Comique. Elle disparaît pour bien d’autres causes et, plus ou moins rapidement, sur presque tous les terrains.

    14

  • Les immigrés ont le plus beau droit pour vivre en France. Ils sont les représentants de la dépossession ; et la dépossession est chez elle en France, tant elle y est majoritaire, et presque universelle. Les immigrés ont perdu leur culture et leurs pays, très notoirement, sans pouvoir en trouver d’autres. Et les Français sont dans le même cas, et à peine plus secrètement.

    Avec l’égalisation de toute la planète dans la misère d’un environnement nouveau et d’une intelligence purement mensongère de tout, les Français. qui ont accepté cela sans beaucoup de révolte (sauf en 1968) sont malvenus à dire qu’ils ne se sentent plus chez eux à cause des immigrés ! Ils ont tout lieu de ne plus se sentir chez eux, c’est très vrai. C’est parce qu’il n’y a plus personne d’autre, dans cet horrible

    nouveau monde de l’aliénation, que des immigrés.

    Il vivra des gens sur la surface de la terre, et ici même, quand la France aura disparu. Le mélange ethnique qui dominera est imprévisible, comme leurs cultures, leurs langues mêmes. On peut affirmer que la question centrale, profondément qualitative, sera celle-ci : ces peuples futurs auront-ils dominé, par une pratique émancipée, la technique présente, qui est globalement celle du simulacre et de la dépossession ? Ou, au contraire, seront-ils dominés par elle d’une manière encore plus hiérarchique et esclavagiste qu’aujourd’hui ? Il faut envisager le pire, et combattre pour le meilleur. La France est assurément regrettable. Mais les regrets sont vains.

    Guy DEBORD

    Générations perdues

    Nous ne saurions dire, quant à nous, si la France est assurément regrettable, même en vain, tant il est patent que les plus anciens d'entre-nous n'en ont présentement connue que les derniers feux, et les plus jeunes rien, ou presque rien – sinon dans quelques livres d'Histoire. Ce qu'en revanche nous connaissons bien, c'est la dépossession où nous sommes nés, et dans laquelle nous avons du « vivre » en enfants perdus, en plein cœur du néant et jusqu'à l’écœurement. La nation, à nos yeux, ne vaut pas mieux que son spectacle mondialisé ; nous lui préférons des paysages. Ils sont nos refuges habitables, éphémères ou constants, et toujours d'un réel qui échappent au contrôle de la réalité présente ; ils sont les points névralgiques de nos sensibilités, non des environnements mais des affinités, ils sont invisibles aux yeux de nos ennemis, et ne connaissent de gloire que celle de n'en point souhaiter : nos paysages sont des communes.

    Des écœurés

    15

  • Retour sur la commémoration des 40 ans de mai 68,

    ou,

    sur le passage brièvement critique et comparé d'une réédition d'un livre de 1978, et la première édition d'un

    second ouvrage datée de 2008

    Sur Mai 68, une contre-révolution réussie,de Régis Debray

    aux éditions Mille et une nuit

    A l'heure où la ronde médiatique ne cessait plus de célébrer la « révolution », dite de Mai 68, qui aurait pour ainsi dire « inventée le monde » ou presque ; à l'heure où sur toutes les télévisions et radios l'ex-mao Glucksmann se félicitait en clignant de l'œil d'avoir participé à « l'émeute » non pas pour faire tomber le capitalisme, mais bel et bien pour provoquer la chute et la disparition du communisme ; à l'heure où sur les ondes chacun se félicitait avec un sourire mortifère d'avoir participé à la fête et louait ce qu'elle nous aurait laissé en héritage - au moins comme le plus sûr moyen d'éviter l'ennui, puisque, nous disait-on encore, avant le « joli mois » la France vivotait seulement dans un mortel ennui ; à cette heure où tout un régime anthropophage parlait de ce qu'il ignore pour mieux dissimuler ce qu'il sait, à cette heure donc, l'ouvrage de Régis Debray aura sans doute été l'un des rares pavés de l'intelligence balancé dans la gueule de tous les encenseurs du cadavre Mai 68. « Le ' joli mois de mai ' fut un passage au ' joli MOI ' tout court, et guère autre chose. En tant qu'événement, il ne fut pas un écart mais la réduction d'un écart, l'affirmation et la confirmation de la situation économico-marchande qui le précédait et l'élimination des mœurs qui « résistaient » à cette dernière. Après Mai 68, les portes étaient ouvertes à la marchandisation de tous les rapports. Bien sûr, il y eut plusieurs Mai 68 (trois selon Régis Debray), et les situationnistes et quelques autres essayèrent de réaliser une

    17

  • véritable révolution ayant pour objet d'en finir avec le capitalisme, mais ils s'y essayèrent au milieu d'une confusion et d'une indécision totale de l'ensemble du mouvement (en particulier du mouvement étudiant, partiellement animé - c'est le mot - par l'imbécile rougissant Daniel Cohn-Bendit) ». Bref, lire Mai 68 une contre-révolution réussie revient à lire l'une des rares analyses cohérentes, à notre connaissance, des événements.

    Mais - car ici il y a un mais aussi sûrement qu'il y eut bien un mai 68, et un mai 68 mondial qui dura en réalité quelques années - mais, donc, l'analyse de Régis Debray tient surtout après coup, et rend plus compte de ce qui a rapidement été réemployé du joli moi par l'ennemi que de « l'émeute » elle-même, c'est-à-dire de ce que l'ennemi a su injecter des « non-conformismes » libérateurs qui avaient réellement fait saillie durant les quelques trop brèves semaines de l'écart soixante-huitard, dans le conformisme, afin d'en sauver l'essentiel : l’État, la famille (même recomposée), le travail salarié (même

    mieux payé, puis bientôt moins encore), l'arbitraire hiérarchique (même en détendant les rapports entre supérieurs et subordonnés, puis en les durcissant bientôt), et bien entendu le Capitalisme. Ce n'est donc pas mai 68 en soi qui a permis d'aliéner (au sens marxien) plus encore qu'avant à la marchandise tous les rapports sociaux, mais le réemploi fallacieux qu'en a fait la domination. Il faut donc lire le livre de Régis Debray sans oublier un instant qu'il décrit justement ce réemploi et ses conséquence, non le mois de mai lui-même, contrairement à ce qu'il semble croire. Car il faut le rappeler, l'écart soixante-huitard, lui - et surtout ceux qui l'ont créé - voulait en finir radicalement avec tout ce qui lui est aujourd'hui mensongèrement attribué, et qui doit beaucoup plus en réalité aux multiples développements endogènes du capitalisme et de son spectacle, il est vrai bien aidé par les plus fins stratèges de la domination. Aussi

    18

  • regretterons-nous que Régis Debray ait cru bon de changer le titre de son livre pour sa réédition (icelle fut faite dans le cadre des 40 ans de 68), puisque son premier titre « Modeste contribution aux discours et cérémonies officielles du dixième anniversaire », invitait plus clairement à comprendre qu'il y avait plus de raisons de critiquer la commémoration déjà falsificatrice des dix ans après, que le mois de mai 68 à proprement parler. Mais le temps semble avoir fait son œuvre, et nous ne sachons pas que Debray soit ici et maintenant encore un révolutionnaire.

    Sur Contre-discours de Mai,ce qu'embaumeurs et fossoyeurs de 68 ne disent pas à ses héritiers

    de François Cussetaux éditions Actes Sud

    Dans le cours du mois de Mai 2008, on aura décidément beaucoup parlé de son cadet de quarante ans, soit pour en vanter les faux mérites (à la Glucksmann, Béachel et consorts), soit encore pour en pourfendre les prétendues victoires (à la Sarkozy, Finkielkraut et compagnie) qui seraient responsables de tous les malheurs actuels qui parcourent, réellement et concrètement, eux, la surface « sociale » française, européenne, et, à tout bien considérer, mondiale. Tous ces prêtres affichèrent la plupart du temps sans honte et toujours avec un rictus de cadavre leur trahison à la cause, comme on dit, icelle trahison d'ailleurs ne datait déjà pas d'hier, ni non plus d'avant-hier. Au moins Sarkozy pouvait-il, lui, se prévaloir de n'avoir pas eu à trahir pour assumer ses deux religions : le pouvoir et le capitalisme. Au cœur de cet acharnement à falsifier le joli mois : la volonté de dissimuler, entre autres, qu'un tel écart, quelle que soit la forme nécessairement différente qu'il pourrait prendre, est encore possible, et bien sûr un entêtement opiniâtre à se maintenir dans les postes obtenus par la grâce de la plus basse traîtrise - juste aux côtés du prince, généralement comme conseillers*. Or c'est tout l'intérêt du livre de François Cusset que d'avoir rétabli certaines vérités sur Mai 68 : « les révoltés qui lancèrent des pavés, occupèrent leurs usines et leurs universités, avaient d'abord pour objectif d'en finir avec le capitalisme et le pouvoir étatique ; leur combat ne fut pas simple, et

    19

  • s'il fut festif, il n'en fut pas moins violent, parfois, et courageux, souvent ; si on s'y est certes amusé, on s'y est surtout battu, on y a pris des coups, on s'y est fait embarquer en panier à salade ou en ambulance ; et si on s'y est trompé en ne prenant pas le pouvoir au moment où cela semblait possible, c'est aussi parce qu'on y était radicalement contre toutes les espèces de domination, parce qu'on y voulait recaler la moindre hiérarchie sociale, la moindre catégorie majoritaire et préétablie ».

    Bref, l'ouvrage est comme le complément indispensable à celui de Régis Debray, en ceci qu'il ne commet pas l'erreur d'envisager le mois de Mai au regard de ses tristes suites, mais pour lui-même absolument, en tant qu'il fut une véritable commune, la seconde, et en tant que son « reste » au combien pénible doit plus à sa défaite et sa fin qu'à sa substance propre, comme écart réellement révolutionnaire.

    Ici aussi, toutefois, il nous faut poursuivre avec un « MAIS » conjonctif, car si François Cusset évite l'erreur d'un Debray (pas encore pitoyable mitterrandiste à l'époque où il écrivait son livre), il en commet une autre, en comprenant pour l'essentiel 68 à l'aune de la théorie deleuzienne, disons de la désidentification et de la dispersion, et en lui attribuant des qualités qu'elle n'a pas. Il ne s'agit pas ici de négliger une telle lecture de « l'événement », en la renvoyant au rencart où gisent à bon droit beaucoup d'autres. Cette « interprétation » n'est probablement pas mensongère, mais elle écarte trop aisément une lecture plus hégelienne et marxienne de l'écart soixante-huitard. Pour le dire simplement, s'il y a fort à parier que la désidentification et la dispersion susdites eurent bel et bien lieu, il est plus hasardeux d'y voir l'un des enjeux majeurs de la révolution. Il appert bien plutôt qu'elles en signèrent l'échec - ce que d'ailleurs François Cusset entrevoyait dans son livre, sans en tirer les conséquences. La désidentification n'a pu venir qu'en cours de route, comme résultat de la confusion grandissante, et finalement comme dispersion où les paroles des uns n'arrivaient plus aux oreilles des autres, et vice versa, tirant fatalement le « mouvement » vers le tombeau de sa désunion fatale. Car la désidentification deleuzienne finit seulement par déposséder l'homme de sa propre histoire, en le désingularisant, et cette désingularisation s'avère nécessairement

    20

  • sans phrase, non pas une sortie heureuse des catégories sociales abstraites imposées par la domination, mais la porte ouverte à toutes les catégorisations plus ou moins nouvelles, comme au retour plus ou moins différemment des anciennes - d'où qu'on a pas tardé à voir apparaître des féministes réclamant la liberté de travailler plutôt que la fin du travail salarié, des homosexuels exigeant d'avoir droit au mariage, des « punkistes » postulant une absence de futur, et obtenant bientôt satisfaction. On en passe. La désidentification, c'est le point clef de la défaite du mois de Mai 68, qui ouvre à tous les « clonages », c'est-à-dire au retour de la domination dans le corps même de tous les bientôt futur-ex-révoltés, et c'est par là plutôt la promesse d'un devenir restaurateur que d'un devenir révolutionnaire. L'homme sans histoire est aussi sans révolution, et prêt à accueillir sans s'en apercevoir toutes les restaurations, ces dernières lui tombant dès lors toujours sur la tête sans qu'il lui soit encore donné d'en saisir la teneur, ne serait-ce que partiellement. Qui plus est, et pour finir, à faire entendre qu'une commune de l'ampleur du moi de Mai fut une « irruption » soudaine, parfaitement inattendue, presque inopinée, une fois encore presque sans histoire, c'est-à-dire sans passé, sans « travail préparatoire », François Cusset laissait dangereusement accroire dans son livre qu'une telle révolution aurait pu naître au monde comme une génération spontanée - or nous savons depuis Pasteur au moins ce qu'il en est d'une telle spontanéité à venir à la vie : elle n'existe jamais. Et puis à la fin, qu'ont-ils fait pendant tant d'années avant 1968, les surréalistes, les lettristes, les Adorno, les Bataille, les « socialistes ou barbarie », et surtout les situationnistes, sans oublier les communistes révolutionnaires et tant d'autres, sinon s'évertuer « utilement » à préparer et provoquer l'insurrection, souvent d'abord dans l'isolement et la plus grande précarité, parfois dans la souffrance, et toujours sans perdre de vue l'horizon « utopique » à atteindre.

    Isabeau de Loère

    21

  • Note :

    * Lire le livre de Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, réédité aux éditions Agone, pour constater à quel point certains soixante-huitards, en trahissant les luttes de leurs jeunes années, ont obtenu des postes d'influence dans la société capitaliste. Qu'il suffise ici de citer un propos de l'improbable Laurent Joffrin (actuellement directeur du Nouvel Observateur, après avoir remplacé l'inénarrable Serges July à la tête de Libération) qui en dit long sur l'importance du reniement : « On a été les instruments de la victoire du capitalisme dans la gauche. »

    22

  • D'une certaine réalité du trop !

    Dans le monde réellement renversé, tout semble avoir fini par devenir trop. Un film est trop bien, une fille, un mec aussi, voire un animateur télé, enfin bref tout et n'importe quoi dans la bouche de n'importe qui : trop bien trop beau trop classe trop trop trop1. Nul ne semble plus vouloir un instant réaliser qu'à l'évidence il n'appartient jamais au bien ou au beau, entre autres, de s'accomplir en s'excédant. Que par ailleurs certains excès2 soient parfois nécessaires à créer du beau, par exemple, ne change rien à l'affaire, puisqu'il n'en reste pas moins patent qu'un tel beau, lui, n'aura rien d'excessif. Le bien et le beau ne peuvent en aucun cas relever du trop – c'est sans doute une banalité de le dire, oui, mais d'où vient dès lors que le « langage » quotidien de notre époque ne cesse plus d'affirmer le contraire ?

    On nous rétorquera, bien entendu, que le monème trop n'est là que pour souligner, par une forme d'insistance rhétorique, à quel point on a grandement apprécié une chose ou une autre. Peut-être, mais la récence et la fréquence actuelles de son emploi nous laissent à penser qu'il en va bien plutôt de ceci que, partout où l'avoir-loisir d'une chose a remplacé le réel usage de cette chose, le trop fait saillie, parce que l'avoir-loisir est bel et bien un usage, mais un usage séparé et un usage de la séparation en même temps. Autrement dit, l'objet dont nous avons le loisir est de ceux dont « l'inhumaine plus-value » ne se laisse pas consumer, cependant qu'elle se consomme tel un surnuméraire qui nous est si parfaitement étranger qu'il ne trouve guère à se prononcer qu'en trop – ce trop auquel on ne manquera presque jamais d'attribuer une ou plusieurs qualités « positives » particulières, un peu comme s'il s'agissait de se prémunir contre son obscénité ; laquelle est, chacun l'aura d'ores et déjà bien compris, propre à la marchandise.

    Marx aurait pu dire de ce trop qu'il est le nom quotidien de la « plus-value », et des qualités diverses qu'on lui attribue qu'elles sont les jettatura qui en recalent aussitôt l'aspérité subversive, en la reléguant dans une sorte d'injonction paradoxale : magie noire du langage économico-impérialiste qui monopolise tout, en le

    25

  • manageant dans les moindres détails.Ainsi, ce qui aurait du à l'évidence rester de

    trop ou en trop est devenu trop beau ou trop bien par une opération magique dont la publicité séparée est le triomphant modèle, et dont le bogoss et la jeune fille3 sont les dispensateurs les plus symptomatiques et réguliers. Tout ce qui excède à la fois matériellement et métaphysiquement la

    compréhension du bogoss et de la jeune fille, en effet, est aussitôt par eux qualifié de trop beau, de trop bien, ou encore de trop cool - pour ne donner là que les qualificatifs les plus entendus. Par exemple, c'est en tant seulement que le téléphone portable – dont ils croient maîtriser à loisir les applications – est d'abord une production qui leur échappe, ensuite une technologie dont le mysticisme mathématique leur est parfaitement étranger, que le bogoss et la jeune fille manquent assez rarement de l'affubler de qualités dont il est pourtant si parfaitement dénué, afin au moins, espèrent-ils, quoiqu'assez inconsciemment sans doute, de donner quelque sens à la souffrance d'esclaves à laquelle réellement le réel en trop de cet « objet » les condamne.

    La séparation a désenchanté le monde au point de le rendre sans passion possible, sinon celle qu'on vouera encore plus ou moins mortellement à sa misère même, icelle misère ne procède pas de la pauvreté, mais bien de la propriété d'une part et d'autre part de la fausse abondance, dont l'avoir-loisir est l'usage néantisé. Or la passion pour le néant, de par l'athrepsie des émotions qu'elle suscite, doit toujours bientôt faire l'aveu de son obscénité, comme trop. Même là dès lors où viendrait à apparaître une authentique beauté, on se trouvera incapable d'en goûter le substrat autrement qu'en trop ; la misère des émotions nées d'un monde sans passion y invite immanquablement - sans quoi on risquerait d'en venir à douter du naturel des temps tel qu'il est présenté par l'Empire. Qui souffrira par ailleurs ouvertement de douter aura toutes les « chances » d'être contraint à la camisole chimique, voire pénitentiaire : on ne badine pas, dans l'Empire, avec la « maladie ».

    Nous avons donc affaire en quelque sorte à un effet boomerang,

    26

  • où d'attribuer invariablement une qualité positive inexistante à ce qui réellement est en trop - afin d'en recaler l'obscène séparation -, on ne parvient plus en retour à envisager qu'en trop toutes qualités positives authentiques – afin d'en recaler la transcendance commune et ce qui, en elle, menace encore l'Empire.

    L'avoir-loisir est une double imposture qui a commué l'en trop en souverain bien et conséquemment condamné le bien véritable à la séparation, comme trop. Autrement dit, l'avoir loisir est à l'usage ce que la propriété est au partage, la loi à la règle, l'environnement au paysage, la consommation marchande au don ou encore le tourisme au voyage ; rien ne s'y offre en commun que la dépossession générale, dont le trop, dès lors qu'il est positivement qualifié où qu'il vient qualifier lui-même un « bien » réel, n'est finalement qu'une manifestation rhétorique trompeuse - la mondialisation impériale n'a pu jusqu'ici s'accomplir qu'à cet aune, parce qu'ayant toujours essentiellement eu pour objet l'appropriation marchande, elle devait nécessairement tout rendre étranger à l'humanité ; son unité est à ce prix, qui ne peut subsister qu'en tant que séparation absolue, retrait de tout usage réel. Or, bien entendu, ce dont on a jamais l'usage apparaît fort logiquement comme étant toujours en trop, dont l'avoir-loisir seul travestit l'indubitable hostilité en l'habillant des atours qualitatifs de l'usage. Synchroniquement, nous l'avons vu, ce simulacre ne manque presque jamais en retour de travestir en excès le peu d'usage vrai qui subsiste encore. L'Empire est donc, bien plus qu'un complot4, une misère qui nous est hostile, et la falsification l'essentiel de sa politique, dont la diffusion atomise à partir de son centre vide, et laisse peu d'échappatoires.

    La pseudo-unification du monde est un trop de réalité qu'il est devenu impossible de fuir : nul n'échappe à la dépossession en se dépossédant, sinon illusoirement et bientôt arbitrairement signalé comme en trop par l'Empire – tel est, par exemple, le sort que ce dernier réserve à tous ceux qu'il qualifie d'immigrés ou de réfugiés, voire de terroristes. Renouer avec la beauté du monde et de la vie exige pourtant de nous que nous parvenions à

    27

  • nous soustraire au néant du trop plein impérial et de ses babioles chargées d'arguties religieuses, sans que pour cela nous ayons à sancir dans les eaux viles du dénuement, et de telle sorte aussi que nous ayons le moins souvent possible à nous déterritorialiser. La loi de l'Empire a voulu que partout nous soyons tels des exilés, c'est pourquoi il s'agit pour nous à présent de demeurer hors la loi, non point en l'outrepassant par tous ses côtés, mais bien plutôt en s'en exilant une bonne fois pour toutes, par la grâce, entre autres, de notre pauvreté, qui ne connait de trop que le « mésusage » de tout : la propriété. La perfection de la règle consiste dans la renonciation à la propriété et non dans la modération de l'usage5, disait d'ailleurs fort justement Hubertin de Casale, qui ne manquait pas d'humour, fût-il franciscain. La propriété, en tant qu'elle est sans partage ordonnée par le droit, est sans usage commun, et le propriétaire lui-même est misérable qui ne sait pas en user ; le pauvre, lui, ayant renoncé à la propriété, est riche d'assumer pleinement la possibilité d'avoir l'usage de tout – là en effet où disparaît l'en trop qu'est la propriété, le tout commence de renouer avec l'en-commun, le pillage et le vol virent au partage et au don, l'obscène à la décence, et l'Empire aux paysages ; le divin marquis l'avait partiellement compris qui écrivait ceci qu'un serment doit avoir un effet égal sur tous les individus qui le prononcent ; il est impossible qu'il puisse enchaîner celui qui n'a aucun intérêt à son maintien, parce qu'il ne serait plus alors le pacte d'un peuple libre : il serait l'arme du fort sur le faible, contre lequel celui-ci devrait se révolter sans cesse ; or c'est ce qui arrive dans le serment du respect des propriétés que vient d'exiger la nation [...]6 : c'est pourquoi qui vole un propriétaire7 ne commet aucun crime, et tend bien plutôt en libérant l'usage à abolir l'obscène en trop au bénéfice d'une égalité8 plus grande – Robin des Bois n'est jamais en trop, il incarne au contraire la décence commune, ce renversement du monde à l'envers qu'est réellement l'obscénité.

    Rien n'est trop beau pour nous, et nous n'avons ni à nous refuser l'usage de toutes beautés ni à continuer de nous en laisser déposséder – que d'ailleurs cette dépossession soit le fait du religieux, le résultat d'une injustifiable appropriation des belles choses par les cyniques et sinistres « princes » de l'impérialisme, ou de leur destruction

    28

  • provoquée par les nécessités inhérentes au capitalisme. Détruire ce qui nous détruit n'est pas plus aujourd'hui qu'hier le slogan d'un programme imbécile et militant pour demain, mais ce qu'exige hic et nunc la situation aux yeux de quiconque incline à renouer avec la poésie de l'existence-au-monde, quidem avec sa beauté, ni plus ni moins : iure naturali sunt omnia omnibus9 !

    Léolo

    _______________________________________________________Notes :

    1 - On dit assez souvent aussi d'une chose qu'elle est trop nulle, trop nase, trop stupide, par exemple, mais ce n'est pas ce qui nous préoccupe ici. Disons pour aller vite que de tels cas sont tout simplement pléonasmatiques.

    2 – Le bel excès lui-même n'est jamais de trop.

    3 – Le bogoss et la jeune fille sont l'une des machines de guerre principales de l'Empire et de ses marchandises, mais à la différence de beaucoup d'autres, ils ne le sont que d'en être absolument inconscients.

    4 – Ce qui ne signifie pas, il y a loin, qu'aucuns complots n'y aient cours, mais que ceux-ci, en dernière analyse, ne sont eux-mêmes fomentés qu'à l'aune de la misère dont finalement ils procèdent.

    5 - Abdicacio autem dominii et non usus parcitas est illa in qua consistit perfectio regulae. Hubertin de Casale.

    6 – La philosophie dans le boudoir, Donatien Alphonse François, marquis de Sade (an -114 du C.E.).

    7 – Par propriétaire, ici, nous n'entendons évidemment pas le petit possesseur d'une petite chose -lequel a le plus souvent d'ailleurs l'usage réel de cette chose -, mais celui qui s'est emparé d'une telle partie du monde qu'il ne peut en user lui-même autrement qu'en en vendant le faux-usage (l'avoir-loisir) à ceux qu'il a dépossédé.

    8 – L'égalité dont nous parlons ici ne doit rien aux abstractions catégorielles et quantitatives dont l'Empire nous offre inlassablement l'avarié spectacle, et dont l'égalité des chances est l'expression la plus courante., avec sa sœur équité. Notre égalité n'est ni clonage ni commerce équitable, mais agapé don et partage : le singulier y a cour avec nous.

    9 – En vertu du droit naturel toutes les choses sont à tous, Gratien, Decretum.

    29

  • Parmi quelques seize écœurèmesde nos merveilleux oublis

    01. C'est en allant sans ordre préétabli que nous affecterons nos âmes des points d'orgue désordonnés du réel.

    02. Une phrase pourra toujours se suffire à elle-même qui dira qu'aucun homme n'est de se suffire à lui-même. C'est fait.

    03. La réalité présente n'est rien plus dans l'Empire qu'une mauvaise projection du réel en trompe-l’œil, une quelconque image du néant, un certain néant de l'image qui cache de plus en plus mal ses divers aspects illusoires.

    04. Qu'il existe encore de nos jours un grand nombre de gens que la seule existence d'une police ne scandalise pas !, voilà qui continue sans fin de nous surprendre.

    05. Ô frères et sœurs de nos éraillées nuits blanches, combien d'alcools partagés déjà tels d'anonymes lendemains.

    06. Qu'eut-il fallu faire de plus madame Beauté-Des-Combles pour avoir enfin l'heur de caresser vos seins ?

    07. Nous ferons demain mieux que rire de nos ennemis ; nous n'en connaîtrons plus.

    08. Aussi nous reste-t-il à faire sauter chaque autoroute, chaque support de lignes à grande vitesse, chaque banque, chaque antenne du cancer, car malheureusement rien de tout ceci ne nous fait aujourd'hui défaut.

    09. On nous a dépossédé de la mort elle-même, mais seulement pour nous dissimuler ceci qu'on a voulu en faire la matière même de toute l'existence.

    31

  • 10. Il n'est pas jusque l'angle noir de notre oisiveté qui ne possède encore quelque insolence solaire.

    11. Nulle jeunesse d'une époque désolée ne saurait être belle si la noblesse du feu n'en venait point un jour à lui sauter aux yeux.

    12. Il est bien quelques âmes sœurs que nous accompagnerions avec joie aux quatre coins du monde et jusqu'à son bout s'il en avait un, mais pas en boîte de nuit.*

    13. La fête a remplacé la fête, un certain carnaval subsiste, où des banquiers dansent sur des cadavres avant de remonter sur les trottinettes ridicules de leur inepte écologisme de boulevards.

    14. Rien, à présent, ne pourra nous contenter plus que l'occasion sublime de pouvoir danser sur les ruines d'une banque, sinon celle de danser sur toutes.

    15. Les flammes, en ce qu'elles communiquent leur chaleur au point de s'y corrompre elles-mêmes, nous apprennent beaucoup de ce qu'est l’écœurement.

    16. Il s'agit bien, finalement, de renouer avec un usage de la vie qui puisse aussitôt nous offrir d'échapper à l'usure générale dont elle est présentement l'objet.

    Le Dialecticien Masqué

    * Et surtout pas au Bull ! - petite précision à l'adresse des stéphanois.

    32

  • Heb Ken

    Sous le masque malsain et mesquin de la paix sociale, la guerre s'étale en toutes sphères de l'existence, autour de nos corps nos cœurs et nos puissances. Diffuse et taisant toujours son nom, elle parle sa propre langue. Absolument intégrée au paysage urbain, elle étend son contrôle à l'architecture des moindres détails de nos quartiers, pour la fluide et bonne circulation des flux qui la conditionnent, flux de marchandises essentiellement, comme de tous ses esclaves. Aussi la traversons-nous, mais sans nous y arrêter jamais. De toutes façons, comment le pourrions-nous, en l'absence de bancs réellement hospitaliers ! C'est qu'il faut nous hâter à la tâche, courir consommer, nous ruer dans nos cages pour nous reposer de la fatigue dont nous sommes frappés, nous dépêcher de retourner au travail, toujours exténués, et produire, produire et reproduire encore tout ce qui nous encombre ; toujours suivant un parcours sans embuches, sans à-coups, rationalisé à l'extrême par les nécessités du capitalisme. Cette neutralisation se resserre autour de nos mots, et nous n'y décryptons rien, croyant nous parler, mais seulement perclus dans la langue de l'ennemi. La guerre totale, en dissimulant sans cesse son immense violence derrière les froides apparences de l'ordre et de la neutralité, n'a d'autre but que le maintien du statu quo total, l'anéantissement de toutes puissances de vie et de toutes sensibilités. Elle refourgue en fait la peur de tout, l'effroi de la joie, l'angoisse du chagrin. Elle affadit la nourriture avariée dont elle sature les supermarchés des pays « riches » à grand coup de batteries de poulets développés à hauteur des hormones qui leur sont administrées, de blés à organismes génétiquement modifiés ensemencés à des milliers de kilomètres - et jamais par hasard -, et de pain insipide et uniforme, la farine blanche étant devenu la norme. Après avoir détruit les agricultures vivrières pour prendre le contrôle du grand marché de la faim, elle a maintenant tué le vin et falsifié la plupart de nos aliments, sous couvert d'hygiénisme, de diététique ou, à plus forte raison sous couvert de sauver la planète qu'elle a préféré ne pas nourrir, bien qu'elle en ait les moyens, et largement. En sorte qu'aujourd'hui le spectaculaire concept de consommation éco-citoyenne, ce nouveau paradigme de l'éthique

    33

  • jeté en pâture aux bourgeois bohèmes qui l'ont docilement érigé comme la nouvelle panacée vient culpabiliser les pauvres qui ne suivent pas le modèle médiatiquement inculqué. Et à ceux qui ont le choix apparent du contenu de leur assiette, la sensualité n'y fait pas moins entièrement défaut : plus rien de toutes façons n'est comestible dans ce chaos aseptisé, et pourtant écœurant.

    L'art de la guerre repose sur la duperie. « C'est pourquoi, lorsque vous êtes capable feignez l'incapacité; actif la passivité. » L'ennemi l'a bien intégré, et ses subterfuges sont voués à nous désarmer. La question pour nous est de nous prémunir contre la dépossession de notre territoire et de notre poésie, de nos caquelons et de nos marmites. Aucune ostentation n'est nécessaire, il y a seulement lieu de tenir les lignes adverses en respect – ce qui revient à dire attaquer l'ennemi sur un terrain que nous avons choisi et que nous imposons, le notre, mais qui constitue un angle mort dans le champ de vision de ses miradors. Tout comme nous aspirons à rejeter le travail, c'est-à-dire à nous réapproprier des métiers, nous désirons irréductiblement converser la tête haute. Il s'agit de faire resplendir le Communisme, de le vivre. Si savoir faire la croque n'est pas acquis, savoir manger l'est encore moins. Pouvoir apprêter les victuailles et s'en régaler est un préalable, mais la satisfaction absolue de recevoir ses amis dignement n'est pas à laisser aux enculés d'en face qui, eux, ont majestueusement développé et sans cesse réinventé de véritables arts de la table.

    Nous ne voulons pas seulement pouvoir accommoder de beaux produits. Nous attendons immensément plus. A quelques exceptions près, nos poches sont trop confinées pour le homard bleu, la côte de bœuf ou les bons Cognac*. Faute de grive, on mange du merle, et c'est le merle que nous devons apprendre à déguster. Voilà l'enjeu de l'autonomie. Avec ce qu'elle pourra élever, pêcher, cultiver, voler, la plèbe frappera par de fastueuses ripailles ! Et on saura alors que l'argent ne se mange pas. Ici, pas de recette sympa et facile en 5 points, qui allie diététique et divertissement des invités.

    La cuisine n'est pas à prendre à la légère.

    * Il convient toutefois de préciser que de nobles produits sont étonnamment plus facile à voler qu'il est attendu. De grands chippeurs se sont par exemple vus contraints à se gaver de foie gras ou de morilles séchées pendant les périodes de vaches maigres – ces deux régals ont des contenants pratiques et sont parfois situés dans des rayons non-filmés (les morilles séchées se retrouvent près des condiments et conserves de légumes).

    34

  • Victuailles

    Le plat d'aujourd'hui est de la viande de Carême, dont nous cuirons les filets à court-mouillement, et que nous agrémenterons d'une sauce vin blanc, qui réalisée avec adresse est excellente. Mais nul besoin de saint-pierre ou de bar de ligne, qui simplement sautés meunière ont déjà une saveur éblouissante. La sole, également délicieuse toute seule l'est tout autant avec cette recette. Si vous vous trouvez près des côtes méditerranéennes ou atlantiques, tentez de dégotter du maigre (un peu cher mais délectable avec une telle cuisson, il se rapproche du bar avec un parfum toutefois moins prononcé) ou plus simplement des filets de plie (ou de carrelet) qui ne sont pas très onéreux, leur chair étant assez fade lorsqu'ils sont cuisinés seuls, mais s'avérant nettement plus goûteuse avec le type de recette que nous présentons ici. Le résultat sera moindre avec du saumon, mais néanmoins reste envisageable. Pour les marins ou les marmitons qui savent fileter les poissons, achetez-les entiers, ce sera moins cher et les carcasses pourront être utilisées pour réaliser le fumet. Plus proches des Alpes que de la mer, il sera intéressant de trouver des poissons de lac, tels que l'omble chevalier (dont la tenue sur ce type de cuisson est impressionnante et donne des résultats parmi les meilleurs) ou la féra du Léman.

    Le fumet nécessitera des arrêtes fraîches de poissons blancs de qualité. La poissonnerie de la place Grenette à Saint-Étienne (et généralement tout bon poissonnier), après un coup de fil préalable, se débrouille pour vous laisser de côté des carcasses idoines : demandez des arrêtes de sole ou de bar autant que faire se peut. Du maigre ou du merlan fera l'affaire, mais refusez catégoriquement lotte ou rouget qui donneraient un fumet trop gélatineux ou trop amer. Les légumes pourront se trouver au fond de votre jardin, dans la cave de votre grand-mère ou à défaut être récupérés sur une fin de marché. Nous recommandons sinon de les dérober en grande surface.

    Yec'hed mat

    Ne gâchez pas vos papilles si sensibles avec une boisson trop forte ou une clope de début de repas, ouvrez-vous l'appétit et affûtez-vous les crochets ! Quoi de plus apéritif que l'AMERicano? Sur un

    35

  • glaçon, versez 2 cl de Martini rouge, 5 cl de Campari et complétez avec environ 5 cl de Perrier. Une demie tranche d'orange soignera la présentation et apportera une touche d'amertume.

    Mijotage

    Les déchets demeurent des vivres qui doivent être exploités intelligemment. Nous utilisons donc ici les arrêtes de poisson pour réaliser le fumet, qui contribuera à l'accompagnement – un riz pilaf, ou pilaw, parfumé et non-collant – et surtout à la qualité gustative de la sauce.

    Commençons par la préparation des légumes : coupez une carotte en deux dans la longueur et détaillez la en fines tranches. À l'inverse de la réalisation d'un fond qui cuit pendant plusieurs heures, et où la garniture aromatique peut être taillée plus grossièrement, celle du fumet doit être suffisamment petite pour pouvoir en extraire un maximum de saveurs en moins d'une demie-heure. Ciselez votre oignon : coupez le en petits dés que vous réserverez pour le riz, et gardez le talon - souvent plus difficile à tailler régulièrement - pour le fumet, le plus petit possible là encore. Procédez de même pour les échalotes. Coupez très simplement le champignon en 4 après l'avoir lavé. Préparez un bouquet garni : récupérez des queues de persil, un petite branche de thym, une feuille de laurier et une feuille de vert de poireau.

    Une fois ces taillages réalisés, nous pouvons procéder à la confection du fumet. Dans une casserole, faites suer doucement les oignons et les carottes, au beurre, pendant quelques minutes. Ajoutez ensuite les arrêtes que vous aurez pris soin de laver méticuleusement et de concasser en plusieurs morceaux à l'aide d'un couteau solide (évitez les têtes, ou retirez au moins les yeux), et laissez-les suer quelques minutes aussi. L'objectif est d'extraire des arrêtes les arômes qui vont se fixer sur le beurre, notamment. Mouillez ensuite la préparation avec de l'eau froide, couplée d'un bon trait de vin blanc, à hauteur des arrêtes (il est inutile de mettre trop d'eau : la quantité de fumet à réduire pour la sauce serait trop importante et moins concentrée en saveurs – ces dernières se répartissant sur un plus grand volume d'eau). Ajoutez alors le bouquet garni et les champignons (on peut ajouter aussi une petite fleur de badiane pour

    37

  • rendre la sauce finale plus anisée). Portez à ébullition, écumez (retirez l'écume à l'aide d'une écumoire), et maintenez à frémissement pendant 20 à 25 minutes (une trop forte ou trop longue ébullition troublerait le fond et lui apporterait trop d'amertume). Passez le fumet dans un chinois ou au pire des cas dans une passoire qui soit la plus fine possible, réservez le bouquet garni qui pourra être réutilisé avec le riz, et laissez refroidir (il devra être froid pour la cuisson du poisson).

    Passons ensuite au riz pilaf. Dans un plat qui peut à la fois aller sur le feu et dans le four (exemple : plat en verre), faites suer les oignons au beurre quelques minutes, sans coloration. Versez le riz (que vous aurez mesuré dans un verre doseur afin de déterminer ensuite le volume de liquide) et « nacrez » le - en d'autres termes, enrobez-le de matière grasse pendant une minute environ. Mesurez une fois et demi le volume de liquide (eau agrémentée d'une ou deux louches de fumet) et faites le bouillir rapidement (pour éviter un choc thermique à l'étape suivante qui fausserait les dosages du fait de l'évaporation). Versez-le sur le riz et lorsqu'il boue à nouveau, ajoutez le bouquet garni et couvrez-le d'une feuille de papier sulfurisé coupée au dimensions du plat, et d'un couvercle. Enfournez dans un four préchauffé à 200°C pour environ 17 minutes (selon la qualité du riz, les temps sont variables, et compris entre 15 et 19 minutes ; vérifiez donc à partir de 15 minutes et laissez au four si nécessaire : au terme de la cuisson, le riz doit avoir absorbé tout le liquide). Retirez le bouquet garni et laissez gonfler le riz dans un coin assez chaud, puis après une dizaine de minutes, égrainez-le avec du beurre et assaisonnez. Conservez au chaud si possible.

    Pour le poisson, beurrez un plat qui ira idéalement encore au four et sur le feu, le plus important étant qu'il aille au moins au four (de préférence étalez du beurre fondu au pinceau pour mieux doser la quantité de graisse) ainsi qu'une feuille de papier sulfurisé (également beurrée au pinceau) coupée à la taille du plat . Ajoutez les échalotes très finement ciselées, salez fortement et poivrez légèrement, puis déposez les filets au-dessus. Versez le vin blanc à côté des poissons (pour éviter de les noircir) et le fumet refroidi, et couvrez le tout avec la feuille de papier sulfurisé beurrée. Si votre plat le permet, commencez la cuisson sur le feu jusqu'à ébullition avant de l'enfourner à 170-180°C pendant environ 6 minutes selon la

    38

  • nature du poisson et la taille des filets (vérifiez la cuisson à partir de 4 minutes). Déplacez les filets de poisson sur une assiette puis versez toute la sauce dans une poêle la plus large possible (la surface d'évaporation doit être étendue), et replacez vos filets dans votre plat pour les garder au chaud (vous pouvez les recouvrir avec la feuille de papier sulfurisé. Faites réduire la sauce presque à « glace » (consistance sirupeuse très réduite, à peine liquide), puis ajouter la crème et continuez la réduction jusqu'à consistance « nappante » (faites un trait avec votre doigt sur le dos d'une cuillère trempée dans la sauce : celui-ci doit rester figé quelques secondes). Ajoutez alors le beurre coupé en petits morceaux, et « montez la sauce » au fouet jusqu'à ce que tout le beurre soit incorporé à la sauce. Vous pouvez autrement la monter avec un mixeur, ce qui la rendra plus aérée et onctueuse.

    Fouillez maintenant la bartassaille et dénichez votre plus belle assiette pour y dressez votre poisson, en le nappant généreusement de la succulente sauce vin blanc.

    Conseils et variantes:- Le vin de cuisson du poisson peut avantageusement être additionné d'un Vermouth blanc et sec (Noilly-Prat), soit 5cl de vin blanc et 5cl de Vermouth (ne sur-dosez pas le Vermouth qui dénaturerait la sauce).- En été, il est possible de réaliser un poisson que l'ancienne cuisine bourgeoise a consacrée sous le nom de Dugléré (d'après le nom du cuisinier du XIXème siècle Adolphe Dugléré, élève d'Antonin Carême, qui produisait cette recette avec des soles notamment). Il s'agit de rajouter des dés detomates (prenez soin de les monder et de les épépiner – les pépins apportant une trop grande amertume) avec les échalotes sous les filets de poisson, et du persil haché. Veillez avec cette variante à ne pas fouetter ou mixer la sauce à la fin, à cause des tomates, mais montez-la en agitant vigoureusement la poêle par le manche. Vous pouvez d'autant plus utiliser un poisson de qualité moindre que la sauce aura une dominante de tomates. C'est délicieux.

    39

  • « Monsieur, quand on a l'honneur de se faire servir un tel vin, on prend son verre avec respect, on le hume, puis l'ayant reposé, on en parle. »

    Un poisson sauce vin blanc s'accompagnera évidemment d'un bon vin blanc. Les meilleurs, comme avec tout poisson en sauce, seront gras, boisés ou non selon votre goût.

    Selon votre budget, choisissez un Val de Loire (Sancerre, Pouilly Fumé, Savennières, ou tentez un Saumur - le Verre Galant à Saint-Étienne propose un Saumur blanc non boisé de chez Lydie et Thierry Chancelle qui sera de bon goût), un Alsace (Pinot Gris, Riesling, ou Gewurztraminer non liquoreux), ou un bon Jurançon sec. Avec un budget plus élevé, un Côtes du Rhône du nord (Saint-Joseph, Condrieu ou Chateauneuf-du-Pape), Bordeaux (Un Graves ou un Pessac-Léognan), ou idéalement à mon goût un Bourgogne blanc (non boisé de type St-Véran, Viré-Clessé, Pouilly-Fuissé, ou même boisé comme un Mersault, Chassagne Montrachet, St-Aubin ou St-Romain – pour les habitants de Grenoble, Vinoléa propose un Saint-Romain « Le Clos des Ducs » de chez Christophe Violot-Guillemard qui s'y prêtera à merveille).

    Au niveau plus local, la Loire offre de bons vins aussi, outre les onéreux Condrieu et Saint-Joseph, notamment en Côtes du Forez. Jacky Logel et Odile Verdier produisent ainsi à Marcilly-le-Châtel de bons blancs à base de cépages alsaciens (je conseille La Sentimentale, conçu intégralement à base de Pinot Gris sur du Basalte – à savoir, sur le Pic de Montverdun).

    Si utiliser des grands vins vieux en cuisine ne présente que peu d'intérêt, prélever 5 ou 10 cl de votre bouteille (pas plus qu'un petit verre) pour la cuisson du poisson plutôt qu'un banal vin de cuisine améliorera le plat considérablement. Vous pouvez même ne prendre que 2 ou 3cl et compléter le reste avec du vin de cuisine.

    Après la soupe, un verre de vin, autant de moins dans la poche du médecin.

    Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil ,disait Brillat-Savarin. Chargez-vous donc le flingot sur une note salée, une assiette de fromages ligériens et auvergnats. Suggérons aujourd'hui une rigotte de Condrieu pour finir le vin, avec une tranche de Saint-Nectaire et une de fourme de Montbrison (avec le

    40

  • désastre qui frappe cette dernière actuellement, nous conseillerons la ferme de Hubert Tarit à Sauvain qui subsiste comme un des meilleurs artisans dans le domaine).

    Plaisir monastique – le doux réconfort d'un grand verre d'alcool fort :Pour que ça ne caille pas sur le jabot, une eau de vie de plantes portera un point final heureux à ce gueuleton. Quelle bonne amie que la Chartreuse Verte et ses vertus digestives pour le galibouffetout qui est benaise ! Mais aujourd'hui, dans un style plus gras là encore, vous pouvez conclure avec une Bénédictine de Fécamp : malgré ses 40 degrés uniquement, elle terminera le repapillotage avec une touche de plantes sucrées et digestives.

    Un inconditionnel du Whisky peut opter pour un Speyside non tourbé qui maintiendra le style rond du repas : un très équilibré Balvenie Double Cask par exemple, mais si les finances sont au rendez-vous ou que vous avez réussi à le piquer à Auchan Centre-Deux (qui le propose parfois), dégustez un Glenlivet Nàdurra de 16 ans non filtré à froid, à 55,1% !

    Si vous voulez vous accorder un pétard pour finir le gueuleton, fumez un hashish noir et bien gras en provenance du Népal ou d'Afghanistan, ou une herbe très sucrée.

    Ce que nous enseigne la philosophie de la guerre, et que l'histoireprouve en abondance : Poésie, occupation des rues et des villages, sabotage, fraternité, réorganisation de l'espace par ceux qui l'habitent, abolition de la représentation séparée pour choisir la vie, travail du sensible, anéantissement de la police et de l'argent, conversation, jouissance du temps, réappropriation des rires et de la joie, ripaille, grande pune sauvage, juste conscience de la séparation et de l'évidence insurrectionnelle, refus de l'incompétence, savoir-faire et savoir-vivre, Amour, Émeutes et Cuisine : il n'est pas d'insurgés habiles qui n'aient appris ces quelques points. Ceux qui en ont la maîtrise gagnent, ceux qui ne l'ont pas sont vaincus.

    La cuisine est une des armes de l'autonomie, et demeure un domaine de transmission du savoir. Mais c'est un détail qui à lui seul n'est rien. La totalité de la folie qui nous tient lieu de monde est à saborder. La production de notre propre vie, au lieu de la

    41

  • contribution à sa dépossession, exige le partage de nombreuses techniques (culture, élevage, soins, construction, vol, fraude, bricolages...), y compris par des moyens que nous n'avons pas encore trouvé.

    Le viandier

  • Un appelprône n°05

    Onze septembre 2001, l'Empire nous saute aux yeux. Qu'avons-nous fait dans l'Histoire ?, nous l'avons vue à la télévision, visée sur internet, et comme dirait Arnaud, comme il dirait peut-être : nous n'avions rien d'autre à faire, sans doute, sans doute en effet n'avions-nous rien d'autre à faire. L'Empire contre-attaque en Afghanistan, en Lybie et en Irak, l'Empire contre-attaque en Côte d'Ivoire et dans les urnes. Rien n'est si comparable à ces contre-attaques qu'un bulletin posé dans une urne. L'irakien nait poussière et redevient poussière, l'occidental nait poussière et puis, et puis devient bulletin, et tout le monde finit dans une urne, avant l'heure tous nous finissons dans une urne, tous aux urnes et c'est sans histoire. Aux urnes citoyens et c'est sans histoire et le souffle est coupé car le coup est soufflé. On n'a qu'assez rarement écrit l'Histoire avec un bulletin de vote, sinon peut-être en Allemagne en 1933 – rien d'outrancier ici, juste la vérité. Soufflé n'est pas joué.

    Nous nous sommes tant perdus dans la nuit noire de nos enfances, mais la peur ne nous contient plus : notre écœurement la dépasse.

    Nos plus belles fraternités crèvent dans les prisons de l'Empire, et nous n'aurons pas de larmes suffisamment acides pour en faire fondre les barreaux ; il nous faudra d'autres armes, pour ça, oui pour ça il nous faudra d'autres armes. La guerre en cours n'est qu'assez rarement divulguée, elle se cache derrière des simulacres de divisions : gauche droite gauche droite gauche droite gauche droite ; nous n'avons jamais vu pourtant qu'un pas militaire ait pu nous faire aller dans le bon sens. A bien y regarder cependant l'apparence n'est plus si trompeuse. L'apparition des illusions provoquées par l'Empire ne nous leurre plus qu'illusoirement : le renversement vient déjà qui nous verra en finir avec le néant ; l'Empire va tomber sous nos yeux.

    Il faut couper les flux : nous lançons un appel à la démobilisation générale, à la cessation immédiate de toute activité salariale, à

    43

  • l'interruption des TGV, à dormir assez longtemps et s'abreuver de temps, jusqu'à l'ivresse et mort aux vaches, nous lançons un appel au pillage de toutes les bonnes choses qui restent, et même des autres, mais dans ce dernier cas pour en finir une bonne fois pour toutes avec elles, un appel à la vie face au néant qui nous enceint, un appel à l'amour contre la mort qui nous gouverne et mort aux vaches. Abreuvons nous jusqu'à l'ivresse ; il faut couper les flux : nous lançons un appel à la résistance et à l'insurrection, un appel à brûler les banques et leur monnaie, à consumer tout ce qui nous consomme. Nous lançons un appel à occire l'urbanisme contemporain, cette idéologie sans frein qui n'en finit plus de nous isoler, un appel en définitive à détruire les prisons, toutes les prisons, qu'elles soient psychiatriques ou de pleins barreaux, il faut couper les flux : nous lançons un appel à en finir avec l'argent et ses marchandises, avec le silence ou le bruit des voitures, avec les hier qu'on enchante et les lendemains qui déchantent, un appel à en sortir du néant, un appel à n'en plus finir avec le feu, avec sa bonté hivernale ou son souffre de mai, un appel à l'usage sans propriété pour détruire la dépossession en cours, il faut couper les flux : nous lançons un appel à la vie, un appel à détruire tout ce qui nous détruit, un appel comme un premier souffle d'explosion, comme un dernier mot avant son dernier bal, avant son dernier râle ; il faut couper les flux, tous les flux, et jusqu'à interrompre celui-là même des mots qui sont prônés ici, pour enfin s'en remettre au fleuve à temps.

    Murgeman

    44

  • Images & illustrations

    01 – Couverture : Métamorphe N°17, Léolo

    02 – Page 5 : Déviation (Hôpital nord 42), La Belle Brasseuse

    03 – Page 6 : St Georges tuant le dragon, icône détournée, début du XIVième

    04 – Page 10 : Ébauche d'un totem pour la commune de Tarnac, Léolo

    05 – Page 11 : Panthéon écoeuré (G. Bataille), Léolo

    06 – Page 18 : Quand tu seras président, (couverture), Cohn-Bendit & Kouchner

    07 – Page 22 : Sans Titre, Florence M.

    08 – Page 23 : Terre embrasée, Constant Nieuwenhuys

    09 – Page 24 : Barricade, Constant Nieuwenhuys

    10 – Page 26 : Les amis, c'est trop bien, (couverture), C.A Adams & R.W. Alley

    11 – Page 27 : Elle est trop bien, (affiche film), Robert Iscove

    12 – Page 28 : BdB N°04, Léolo.

    13 _ Page 36 : Moby Dick, John Huston

    14 – Page 39 : Graf à Montreuil, (photo), Le Viandier

    15 – Page 42 : Gnose, Florence M.

    16 – Page 45 : 52%, Philibert de Pisan

    46

  • Publiée par ses « auteurs », cette revue est un don, ce qui aussi bien signifie qu'elle n'est pas gratuite. A prix libre, elle est reproductible à l'envie par quiconque le souhaiterait, partiellement ou toute entière, même sans indication d'origine. Bien entendu, étant donné son objet sa position et ses perspectives, l'argent qui pourrait être récolté lors de sa diffusion n'aura jamais pour but de rémunérer ses « auteurs », sinon pour les défrayer. On l'aura donc aisément compris, cet argent servira essentiellement à permettre la publication des numéros suivants, et la réédition si nécessaire des numéros déjà existants. Merci d'avance donc à tous les généreux donateurs en retour qui nous offriront de poursuivre cette vague aventure.

    Les numéros 01 et 02 de la revue sont consultables, enregistrables et imprimables en PDF sur le site du Comité Stéphanois, rubrique Nos Positions.

    47