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LA LETTRE D’INFORMATION DE LA FONDATION FRANÇAISE POUR LA RECHERCHE SUR L’ÉPILEPSIE - Décembre 2013 C omme nous l’avons si souvent dit dans ces colonnes, l’épilepsie est une double maladie. A la complexité de la maladie et aux lacunes de sa prise en charge, s’ajoutent une honte et des préjugés qui per- turbent la vie des patients, celles des familles et poussent à cacher la maladie, voire à être dans le déni… A l’aube d’une nouvelle année, nous avons donc décidé de mettre en lumière quelques épileptiques célèbres, en essayant de voir quel rôle l’épilepsie avait joué dans leur rayonne- ment. Lumière toujours : celles qu’apporte le regard de Didier Van CAUWELAERT, écrivain de renom qui a généreu- sement accepté d’être le parrain de la Fondation. Les témoignages d’Arnaud SÉLIGNAC et Catherine DIRAN montrent aussi que regarder l’épilepsie en face est moins délétère que le maintien des tabous. C’est dans le même état d’esprit que nous donnons la parole à une maman qui dit sans fard les tourments d’un parent d’enfant atteint d’épilepsie. Tabou ! Jus- tement, pour tenter de comprendre si et pour- quoi l’épilepsie est encore taboue en 2014, la FFRE organise le 10 février prochain, à Paris, un colloque au cours duquel des intervenants de prestige débattront… Nous vous y attendons nombreux, de même qu’au dîner et à la vente aux enchères au bénéfice de la recherche qui suivront. Côté recherche, lisez les interviews de Nadia Bahi-Buisson et Philippe Kahane qui lèvent un coin de voile sur la complexité de la prise en charge des épilepsies pharmacorésistantes ou liées à des maladies rares. Autre tabou : celui de la parole sur les risques de mortalité et l’épilepsie. C’est le sens du sou- tien renouvelé de la FFRE au Réseau Sentinelle Mortalité Epilepsie qui travaille d’arrache-pied aux causes de mortalité. Dire les risques ne les accroît pas et mieux les connaître doit per- mettre de mieux les éviter. Enfin, nous ne cesserons jamais de le répéter, rien ne peut se faire sans VOUS. C’est avec plaisir que nous avons de plus en plus de bénévoles pour nous aider notamment dans l’organisation d’évènements, la recherche de partenaires, etc. Grâces leur en soient rendues, mais il y a en- core tant à faire que vous ne serez jamais trop nombreux pour nous aider ! Une plaquette à diffuser largement est ainsi notamment jointe à ce numéro. C’est aussi et à nouveau pour le conseil d’administration de la Fondation, qui va accroître son nombre, que nous avons besoin de volontaires et de mécènes impliqués. Enfin, c’est encore et toujours de vos dons dont nous avons besoin pour continuer à franchir les montagnes, en accroissant l’effort de recherche et améliorant la prise en charge et la connaissance de la maladie. Du fond du cœur, merci, et que vos fêtes de fin d’année se passent dans la lumière ! l EPILEPSIE(S) : ENTRER DANS LA LUMIèRE L’ÉPILEPSIE DANS LA LUMIÈRE Célèbres et épileptiques... C’est possible ! .................. P.02 Didier VAN CAUWELAERT s’engage pour l’épilepsie..... P.04 Arnaud SÉLIGNAC, réalisateur, raconte............. P.05 Catherine DIRAN : l’épilepsie en face .............. P.06 10 février 2014 : l’épilepsie en pleine lumière .. P.07 DOSSIER Facteurs de risque de mort subite dans l’épilepsie : premier bilan ..................... P.13 PROJETS FINANCéS PHARMACORÉSISTANCE, SURHANDICAP ET ÉPILEPSIE : QUELLES AVANCÉES ? Epilepsies survenant au cours de maladies métaboliques et génétiques rares ................ P.08 Quelles avancées pour la prise en charge des épilepsies pharmaco- résistantes de l’adulte ? ...... P.11 LA RECHERCHE Bernard ESAMBERT, Président Emmanuelle ALLONNEAU-ROUBERTIE, Directrice générale REGARDER L’éPILEPSIE EN FACE EST MOINS DéLéTèRE Recherches & Perspectives décembre 2013 p.1 BILLET D’HUMEUR Dur dur, pour une maman, l’épilepsie d’un enfant ! ...... P.15 AIDEZ LA FONDATION Informez sur l’épilepsie, en fai- sant connaître la Fondation . P.16

dossiEr EpilEpsiE(s) : EntrEr dans la lumièrE C · qui a fait danser bien des quadragé- ... dramatique avec des crises de type grand mal: il bégayait un court ins-tant, comme s’il

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LA LETTRE D’INFORMATION DE LA FONDATION FRANÇAISE POUR LA RECHERCHE SUR L’ÉPILEPSIE - Décembre 2013

C omme nous l’avons si souvent dit

dans ces colonnes, l’épilepsie est

une double maladie.

A la complexité de la maladie et

aux lacunes de sa prise en charge,

s’ajoutent une honte et des préjugés qui per-

turbent la vie des patients, celles des familles

et poussent à cacher la maladie, voire à être

dans le déni…

A l’aube d’une nouvelle année, nous avons

donc décidé de mettre en lumière quelques

épileptiques célèbres, en essayant de voir quel

rôle l’épilepsie avait joué dans leur rayonne-

ment.

Lumière toujours : celles qu’apporte le

regard de Didier Van CAUWELAERT,

écrivain de renom qui a généreu-

sement accepté d’être le parrain

de la Fondation. Les témoignages

d’Arnaud SÉLIGNAC et Catherine

DIRAN montrent aussi que regarder

l’épilepsie en face est moins délétère que

le maintien des tabous. C’est dans le même

état d’esprit que nous donnons la parole à une

maman qui dit sans fard les tourments d’un

parent d’enfant atteint d’épilepsie. Tabou ! Jus-

tement, pour tenter de comprendre si et pour-

quoi l’épilepsie est encore taboue en 2014, la

FFRE organise le 10 février prochain, à Paris,

un colloque au cours duquel des intervenants

de prestige débattront… Nous vous y attendons

nombreux, de même qu’au dîner et à la vente

aux enchères au bénéfice de la recherche qui

suivront.

Côté recherche, lisez les interviews de Nadia

Bahi-Buisson et Philippe Kahane qui lèvent

un coin de voile sur la complexité de la prise

en charge des épilepsies pharmacorésistantes ou

liées à des maladies rares.

Autre tabou : celui de la parole sur les risques

de mortalité et l’épilepsie. C’est le sens du sou-

tien renouvelé de la FFRE au Réseau Sentinelle

Mortalité Epilepsie qui travaille d’arrache-pied

aux causes de mortalité. Dire les risques ne

les accroît pas et mieux les connaître doit per-

mettre de mieux les éviter.

Enfin, nous ne cesserons jamais de le répéter,

rien ne peut se faire sans VOUS. C’est avec

plaisir que nous avons de plus en

plus de bénévoles pour nous aider

notamment dans l’organisation

d’évènements, la recherche de

partenaires, etc. Grâces leur en

soient rendues, mais il y a en-

core tant à faire que vous ne serez

jamais trop nombreux pour nous aider !

Une plaquette à diffuser largement est ainsi

notamment jointe à ce numéro. C’est aussi et

à nouveau pour le conseil d’administration de

la Fondation, qui va accroître son nombre, que

nous avons besoin de volontaires et de mécènes

impliqués. Enfin, c’est encore et toujours de vos

dons dont nous avons besoin pour continuer à

franchir les montagnes, en accroissant l’effort de

recherche et améliorant la prise en charge et la

connaissance de la maladie.

Du fond du cœur, merci, et que vos fêtes de fin

d’année se passent dans la lumière ! l

EpilEpsiE(s) : EntrEr dans la lumièrEL’ÉPILEPSIE DANS LA LUMIÈRE

• Célèbres et épileptiques... C’est possible ! .................. P.02

• Didier VAN CAUWELAERT s’engage pour l’épilepsie ..... P.04

• Arnaud SÉLIGNAC, réalisateur, raconte ............. P.05

• Catherine DIRAN : l’épilepsie en face .............. P.06

• 10 février 2014 : l’épilepsie en pleine lumière .. P.07

dossiEr

• Facteurs de risque de mort subite dans l’épilepsie : premier bilan ..................... P.13

projEts financés

PhARMAcoRÉSIStANcE, SURhANDIcAP Et ÉPILEPSIE :

qUELLES AvANcÉES ?

• Epilepsies survenant au cours de maladies métaboliques et génétiques rares ................ P.08

• Quelles avancées pour la prise en charge des épilepsies pharmaco-résistantes de l’adulte ? ...... P.11

la rEcHErcHE

Bernard ESAMBERT, Président

Emmanuelle ALLONNEAU-ROUBERTIE, Directrice générale

REgARdER L’épILEpSIE EN

fAcE EST MOINS déLéTèRE

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.1

BillEt d’HumEur

• Dur dur, pour une maman, l’épilepsie d’un enfant ! ...... P.15

aidEZ la fondation

• Informez sur l’épilepsie, en fai-sant connaître la Fondation . P.16

prince, un génie épileptique

Il est né pauvre, dans une famille noire américaine, à une époque où le racisme faisait encore rage, Et

était épileptique. comme aurait dit coluche, certains sont nés « moins égaux que les autres » ! Eh bien, la personne dont je vous parle n’est autre que le chanteur génial Prince qui a fait danser bien des quadragé-naires jusqu’au bout de la nuit avec des morceaux aussi géniaux que Kiss, Shame on You ou Purple Rain.

Son épilepsie, il l’a eue à la naissance

et pour très peu de temps. Ses crises

se sont arrêtées alors qu’il avait 7 ans.

Et pourtant, il n’a fait cette révélation

concernant sa maladie qu’à l’âge de

51 ans. J’ai bien dit 51 ans ! Il lui a fallu

un demi-siècle pour accepter de parler

de la maladie qui l’a traumatisée toute

sa vie. Mais qu’est-ce qui peut bien ef-frayer tant que ça dans cette fichue ma-ladie pour qu’une star du rock adulée, comme Prince, mette 51 ans pour parler d’un mal qui affecte 500 000 personnes rien qu’en France ?Et puis les rockeurs, ce n’est pas

comme si l’on s’attendait à ce qu’ils

soient tout à fait conformes. Alors,

pourquoi clamer sa foi, sa sexualité,

son excentricité, comme l’a tant fait

Prince, mais ne jamais parler de sa

maladie ? Je ne comprends toujours

pas, ou peut-être trop bien… Il n’y a

rien à faire, cette foutue maladie pétri-

fie tout le monde.

Prince le dit : ses parents faisaient

comme ils pouvaient. Prince serait un

jour venu voir sa mère en lui disant

qu’il ne serait plus malade, parce

qu’un ange le lui avait dit. Cette his-

toire me plaît déjà moins. Je n’ai rien

contre les miracles et les anges, mais

pour une maladie qu’on appelle déjà le

célèBrEs Et épilEptiquEs... c’Est possiBlE !“Grand Mal”, je préférerais une autre

cure qu’un angelot. Ça n’est pas bon

du tout pour l’image de la maladie que

beaucoup essaient déjà d’associer au

diable.

Vous me direz, Prince ne se rappelle

pas de l’incident ; c’est sa mère qui

le lui a raconté. Nous pouvons donc

nous permettre de douter d’une mère.

Prince, lui, ne doute plus du tout : il

est aujourd’hui Témoin de Jehovah et

prêche tant qu’il peut dans ses der-

niers albums.

Prince avoue, dans son interview choc, qu’alors qu’il n’avait plus de crises, les moqueries et les humiliations des petits camarades à l’école continuaient. Il dit

que c’est pour ça qu’il est devenu ex-

centrique au début de sa carrière, que

c’est pour ça qu’il hurlait plus fort que

tout le monde, pour qu’on le remarque,

rien que pour son rock et pas pour son

épilepsie, pour oublier ces 7 années

de la toute petite enfance pendant les-

quelles il avait tant souffert.

Il a écrit une chanson sur ce thème :

The Sacrifice of Victor (Le Sacrifice de

Victor). Le titre en dit long ! Il a écrit:

« I was born on a blood stained table (je

suis né sur une table tachée de sang)

Cord wrapped around my neck (le cor-

don autour du cou)

Epilectic ‘til the age of 7 (épileptique

jusqu’à l’âge de 7 ans) […]

My name will be Victor (je m’appellerai

Victor) »

Je ne vois vraiment en rien, dans ces

paroles, un sentiment de libération ou

de soulagement pour avoir vécu sans

crises à partir de 7 ans. Je n’y vois pas

vraiment la célébration d’une victoire

sur la vie et sur la maladie. J’y vois le

mal, l’inexplicable et l’inavouable. C’est

une maladie qui accuse, qui vous rend

coupable. Parfois, il ne faut même pas

le regard des autres pour se sentir cou-

pable, les épileptiques semblent y arri-

ver très bien tout seuls.

Pourtant, ce qu’il faut retenir de tout

cela, c’est que l’épilepsie n’a pas em-pêché Prince d’être génial. Et si son

épilepsie avait eu un rôle à jouer dans

ce génie ? Si, à force de courts cir-

cuits entre ses neurones, de nouvelles

connexions s’étaient créées, bien plus

créatives. Sans épilepsie, Prince n’au-

rait peut-être pas existé. Je ne vais

pas vous faire l’apologie de la maladie,

mais simplement faire remarquer que,

dans certains cas, l’épilepsie va de pair

avec génie musical : Jimmy Reed, Neil

Young, Lindsey Buckingham (chan-

teuse des Fleetwood Mac) ou encore

Ian Curtis des Joy Division. Je ne peux

qu’espérer que les générations à venir, n’auront plus à souffrir du regard des autres, qu’ils pourront affronter la mala-die avec des remèdes chaque fois plus performants et une société chaque fois plus compréhensive. On aurait ainsi le

génie musical, sans la souffrance, par-

fois extrême comme ce fut le cas pour

Ian Curtis. l

Vanessa Barros-JonEs

L’épiLepsie dans La Lumière dossiEr

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Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.2

Témoignages

L’épilepsie salvatrice et créatrice de dostoievski

Dostoïevski est sûrement l’un des épileptiques les plus célèbres et celui qui aura, à travers ses

personnages, le plus écrit sur sa mala-die. De nombreux critiques littéraires et médecins se sont plongés sur son cas, tentant d’identifier la maladie, et de comprendre le rôle qu’elle avait pu jouer dans la vie et l’œuvre de ce génie litté-raire.

Fedor Dostoïevski naît le 30 octobre

1821 à Moscou, où son père exerce la

médecine. La famille Dostoïevski vit alors

dans une certaine aisance. Les rapports

familiaux sont eux envenimés par un

père alcoolique et violent que Dostoïev-

ski déteste. La mère est, elle, atteinte de

tuberculose. Alors qu’elle doit s’absenter

pour une cure, elle écrit à son mari : « Ne

te fâche pas contre Fedia, tu sais bien,

c’est du feu ! ». La mère tente de protéger

un fils fragile qui est « émotionnellement

instable, hypocondriaque, présente au

moins un épisode d’hallucination audi-

tive, une aphonie transitoire et des maux

de tête » (Sébastien Dieguez). Certains font remonter la première crise d’épilep-sie de Dostoïevski à l’âge de sept ans. Dostoïevski vit, vers 25 ans, de moments

de popularité, avec des textes acclamés

par la critique qui l’introduisent dans les

cercles les plus prestigieux. Cette popula-

rité fait vite place à une période de misère

et d’oubli de l’auteur, qui vit mal le rejet

de la critique autrefois si élogieuse, la

misère, et la mort violente d’un père qu’il

ne s’est jamais pardonné de haïr autant.

A l’âge de 30 ans, Dostoïevski est arrêté

alors qu’il est innocent, du fait de ses

amitiés dans les réseaux révolution-

naires. Il sera ensuite emprisonné 4 ans

en Sibérie. Il vivra au total 10 ans d’exil

avant de pouvoir reprendre son métier

d’écrivain. Il connaîtra à cette époque ses

premières crises généralisées, rapportées

dans sa correspondance et les rapports

médicaux du médecin troupier.

Les années qui suivent ne sont pas plus

heureuses, avec la mort de sa première

femme, celle de son frère et ami, une

passion pour le jeu et des démêlés avec

les créanciers et la mort de deux enfants.

A tout cela, s’ajoutent une fréquence et une gravité de crises toujours plus grandes. D’après les archives du Musée

de l’Epilepsie à Kork, « l’épilepsie de Dostoïevski se déroulait de manière dramatique avec des crises de type grand mal : il bégayait un court ins-

tant, comme s’il cherchait ses mots et

ouvrait sa bouche... Soudainement de sa

bouche béante sortait un long cri étrange

et il tombait inconscient à terre... Son

corps se tournait et tressaillait sous l’effet

des spasmes... à l’encoignure des lèvres,

de la mousse était visible. II est fort pro-

bable que ces crises soient des crises

focales avec une généralisation secon-

daire ; Dostoïevski avait en effet avant ses crises une aura prolongée qui évo-quait le bonheur. » Cette dernière carac-

téristique de sa maladie lui faisait dire, au

travers d’un autre personnage célèbre,

Kirilov, l’athée mystique et suicidaire

dans Les Démons : « Il y a des instants,

ils durent cinq ou six secondes, quand

vous sentez soudain la présence de l’har-

monie éternelle, vous l’avez atteinte. Ce

n’est pas terrestre : je ne veux pas dire

que ce soit une chose céleste, mais que

l’homme sous son aspect terrestre est

incapable de la supporter. Il doit se trans-

former physiquement ou mourir. C’est un

sentiment clair, indiscutable, absolu. Vous

saisissez tout à coup la nature entière et

vous dites : “Oui, c’est bien comme ça,

c’est vrai”. Ce n’est pas de l’attendrisse-

ment… c’est autre chose, c’est de la joie

[…] Ce n’est même pas de l’amour ; oh !

C’est supérieur à l’amour. Le plus terrible,

c’est que c’est si épouvantablement clair.

Et une joie si immense avec ça ! Si elle

durait plus de cinq secondes, l’âme ne la

supporterait pas et devrait disparaître. En

ces cinq secondes je vis toute une vie et

je donnerai pour elles toute ma vie, car

elles le valent. »

Ces moments d’état de grâce ont pu être

salvateurs pour cet homme accablé par

le destin, qui sans eux n’aurait peut-être

pas survécu. L’attente d’une nouvelle

extase aura peut-être donné la force à

Dostoïevski, à la santé très fragile, de

continuer à vivre. on peut également se demander si ces états de grâce ne sont pas à l’origine de son génie littéraire. N’entraînaient-ils pas une pulsion créa-

trice qui nous donne aujourd’hui parmi

les plus beaux romans de la littérature

mondiale. Le neurologue anglais John

Hughlings Jackson, dans la seconde

moitié du XIXe siècle, répertoria les épi-

lepsies dont les répercussions sont uni-

quement d’ordre psychologique et parmi

ces répercussions, on trouve un proces-

sus automatique de pensée, des mo-

ments de conscience totale très courts,

des états de semi-hypnose qui auront

tous pu impacter le travail d’écriture de

Dostoïevski.

Ainsi cette maladie, ce démon d’une vie, aura peut-être aussi été un ange salvateur pour ce génie littéraire... l

Vanessa Barros-JonEs

références • Le mal sacré de Dostoïevski – Sébastian Dieguez. Sebastian Dieguez est neuropsychologue au Service de neurologie du Centre hospitalier universitaire Vaudois de Lausanne, en Suisse.• Archives du Musée de l’Epilepsie de Kork.• Dictionnaire Larousse.autres ouvrages pour en savoir plusBaumann CR, Novikov VPI, Regard M, Siegel A. Did Fyodor Mikhailovich Dostoevsky suffer from mesial tem-poral lobe epilepsy? Seizure 2005 ; 14 : 324-30.Bear DM. Temporal lobe epilepsy: a syndrome of sensori- limbic hyperconnection. Cortex 1979 ; 15 : 357-84.

dossiEr©

Blo

guei

ra

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.3

Article

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.4

didiEr van cauwElaErt s’EngagE pour l’EpilEpsiE 

Didier Van Cauwelaert, parrain de la FFRE

FFRE. Didier van cauwelaert, en tant qu’écrivain toujours très impliqué dans la vie de vos personnages et dans la vie tout court que vous inspire le mot “épilepsie” ?Didier van cauwelaert - Une confu-

sion d’enfance. La première fois que

j’ai entendu ce mot, je l’ai confondu

avec “épiphanie”. J’ai cru qu’une crise

d’épilepsie était une sorte de crise de

foie quand on avait trop mangé de ga-

lette des rois. Ou qu’on avait avalé la

fève.

FFRE. que connaissiez-vous de cette maladie avant votre rencontre avec la FFRE ?Dvc - Le premier épileptique que j’ai

rencontré, c’était justement ce copain

d’école que je croyais victime d’un

abus de frangipane. L’instituteur nous

avait prévenus qu’il pouvait avoir une

crise à tout moment, et nous avait ap-

pris une chose essentielle : mettre des

vêtements roulés autour de lui pour évi-

ter qu’il ne se blesse lors de ses convul-

sions et de ses mouvements incontrô-

lables. Cet élan de solidarité vigilante

nous faisait du bien. C’était aussi un

excellent prétexte pour ne pas suivre

les cours…

FFRE. quelles sont, vues de votre fe-nêtre, les actions à mener pour que les patients souffrant d’épilepsie n’aient plus peur de nommer leur maladie ?Dvc - J’ai été frappé d’apprendre que

l’épilepsie était perçue comme l’une

des dernières maladies “honteuses”.

Qu’elle était souvent boudée par les

médias et les mécènes de l’humanitaire

parce qu’elle faisait peur. Ou parfois,

pire encore, parce qu’elle faisait rire.

Peut-on “censurer” une maladie parce

que certaines de ses manifestations

provoquent des réactions physiques

incontrôlables ? A-t-on le droit d’exclure

du monde du travail des personnes à

cause de symptômes qu’elles sont sus-

ceptibles de manifester un jour ? C’est

en donnant la parole à des épileptiques,

dans la réalité comme dans les oeuvres

de fiction, qu’on pourra changer le

regard réducteur (ou délibérément

aveugle) que la société pose sur eux.

Il n’est pas inutile non plus de rappeler

que de grands génies tels Jules César,

Molière, Richelieu, Napoléon, Flaubert

ou Alfred Nobel furent épileptiques.

FFRE. Pensez-vous, en tant qu’écri-vain, pouvoir aider à ce changement de regard ?Dvc - Je l’ai fait au moins une fois, dans

La Femme de nos vies. L’un des person-

nages essentiels du roman est David,

un enfant surdoué épileptique qui se

sacrifie, dans l’Allemagne hitlérienne,

en échangeant son identité avec celle

d’un voisin de dortoir qu’il juge plus

“viable” que lui, et dont il sauve ainsi

la vie. Plusieurs parents d’épileptiques

m’ont remercié d’avoir fait d’un malade

comme leur enfant, pas seulement une

victime, mais un héros. l

Propos recueillis par Emmanuelle

aLLonnEaU-roUBErTIE

C’est au cours du dîner orga-

nisé par le Lion’s club Paris

Necker Pasteur au bénéfice

de la FFRE, le 1er octobre

dernier, que la Fondation a

eu l’occasion de rencontrer

Didier VAN CAUWELAERT

et d’échanger avec lui sur

l’épilepsie. Didier VAN

CAUWELAERT est un écrivain

à succès : Prix Goncourt,

Grand prix du Théâtre de

l’Académie française… Il

a également obtenu le prix

Science-Frontières de la

vulgarisation scientifique et a

aussi participé à de nom-

breuses expériences avec des

chercheurs renommés sur les

états modifiés de conscience

et les pouvoirs de la pensée.

Il vient de publier le Diction-

naire de l’impossible, chez

Plon ainsi que La Femme de

nos vies chez Albin Michel.

L’épiLepsie dans La Lumière dossiEr

Recherches & Perspectives • novembre 2013 • p.5

Témoignages

arnaud sélignac, réalisatEur,racontE...

Nous sommes le 24 juin 2013 et il

est un peu plus de 11h. Arnaud

Sélignac m’a donné rendez-vous

pour une interview. C’est un homme char-

mant, discret, mais de ceux qui n’arrêtent

jamais, dont la tête fourmille de projets, de

rencontres et d’histoires passionnantes.

Mais le sujet qui m’amène aujourd’hui à

le rencontrer n’est pas aussi réjouissant :

l’épilepsie. Arnaud Sélignac a en effet une fille épileptique. L’ayant su, je l’ai

contacté pour savoir s’il serait prêt à témoi-

gner pour le magazine de la FFRE. Il a tout

de suite accepté. « L’épilepsie n’a ja-mais été un tabou dans notre famille. Au contraire, c’est bien d’en parler »

avait été sa réaction spontanée. C’est aussi

l’un des objectifs de la FFRE : en parler au

plus grand nombre, pour mettre fin à cette

double maladie à la fois pathologique, mais

aussi sociale, du fait du regard des autres.

Arnaud Sélignac me raconte alors très sim-

plement comment sa fille a eu sa première

crise d’épilepsie à l’âge de 8 ans, en classe.

Cela l’avait beaucoup gênée vis-à-vis de

ses petits camarades, eux aussi ébranlés

par l’incident. « C’est très violent une crise d’épilepsie, on a l’impression de perdre la personne, elle se déforme, c’est traumatisant pour un enfant comme pour un adulte. Ses cama-rades la prenaient pour la petite fille dans L’Exorciste.  » Elle s’était mise à

faire des crises régulières, avait commencé

à suivre des traitements, mais s’était vite isolée du monde des enfants, refusant

d’aller chez des amis de peur d’y faire une

nouvelle crise, mais se faisant également

inviter de moins en moins par des enfants

qui craignaient qu’elle ne refasse une crise.

Arnaud me parle de la mise en échec sco-laire de sa fille et de son refus au bout de

deux ans d’aller à l’école et de tout faire

pour quitter l’école, et comment elle s’est

réfugiée dans le monde des adultes auprès

desquels elle se sentait plus en sécurité.

Il me parle des nombreux traite-ments et de leurs effets secondaires,

des prises de poids, du visage bouffi de sa

fille, des longs séjours à l’hôpital. Il raconte

les crises qu’elle faisait devant des amis

pourtant prévenus, mais qui étaient sur le

coup extrêmement choqués par leur vio-

lence. Il exprime cette difficulté à l’adoles-

cence pour sa fille, de ne pas pouvoir crier

son indépendance, ni envoyer bouler ses

parents, parce que même pour prendre un

simple bain elle avait besoin d’eux. Elle ne parlait pas de sa maladie aux rares amis qu’elle avait du même âge.

« L’épilepsie était une réalité à la maison

dont on parlait ouvertement, en essayant

de comprendre et de trouver une solu-

tion. C’est le noyau familial et amical qui

était soudé ». Avec le reste du monde , c’était plus compliqué. L’école n’avait

jamais été un soutien. « Pourquoi, la maî-

tresse d’école, par exemple, alors que ma

fille venait de faire sa première crise, n’a-t-elle

pas eu l’idée de faire un cours sur le sujet,

de faire témoigner ma fille, victime de la

crise, sur son ressenti, et les camarades de

classe spectateurs de l’incident sur le leur ?

Cela aurait pu briser la glace, cela aurait

pu aider ma fille à mieux s’intégrer par la

suite ». L’école n’avait jamais vraiment soutenu la famille. Ils connaissaient la

situation mais n’avaient jamais pris d’ini-

tiatives pour aider à l’intégration sociale de

Arnaud Sélignac est un réalisateur

prolifique ayant réalisé près d’une

trentaine de films, téléfilms et

documentaires. Il a travaillé avec

les plus grands, ayant commencé

sa carrière en tant qu’assistant de

John Boorman (Excalibur et Hope

and Glory), qu’il considère comme

son mentor et qui l’a encouragé à

réaliser son premier film, Nemo,

en 1984 avec une distribution

prestigieuse: Harvey Keitel (une

rencontre qui l’a particulièrement

marqué), Carole Bouquet, Michel

Blanc, Dominique Pinon ou encore

Mathilda May alors à ses débuts.

Il a ensuite suivi Patrice Ché-

reau au Théâtre des Amandiers

pour réaliser L’Envers du Décor,

a enchaîné sur Gawin, et la liste

continue avec plus récemment un

téléfilm, Vieilles Canailles, réunis-

sant Claude Brasseur et Patrick

Chesnais, ou encore son téléfilm

très controversé, L’Evasion de

Louis XVI, pour son portrait inat-

tendu de Louis XVI et que certains

ont interprété comme une apologie

de la royauté ce qui n’était en rien

l’intention du réalisateur.

dossiEr

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.5

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.6

cette fois où, sentant une crise venir, sa fille

était venue le retrouver dans sa chambre

alors qu’il était profondément endormi. Il

avait été réveillé en sursaut par sa fille en

pleine crise et encore inconscient avait cru

à un cauchemar, à une attaque extra-ter-

restre et avait envoyé valser sa fille de l’autre

côté de la pièce. Sa fille et lui riaient encore

aujourd’hui de l’énormité de cette scène qui

leur était restée gravée à tous les deux dans

la mémoire.

Arnaud Sélignac reconnaît que l’épilepsie est un tabou et qu’il n’a jamais rencontré de comédiens qui en parlaient : « Pourtant c’est sûr qu’il y en a ! ».

En guise de conclusion je lui demande

ce qu’il pense du sujet de l’épilepsie à

l’écran. Il me dit qu’il a souvent songé à ce

thème et qu’il le traitera peut-être un jour.

Une cicatrice dans la tête (1) est un livre

qui l’a beaucoup marqué et qui pourrait

l’inspirer. Il sait combien un tel sujet sera

difficile à défendre à l’heure où nos socié-

tés ont de plus en plus de mal à exprimer

l’intime par peur de ne pas respecter le

«politiquement correct».

Nous en restons là, je remercie Arnaud

Sélignac pour son temps et sa sincérité et

le quitte marquée par la générosité de son

témoignage, le témoignage d’un père qui a

accompagné sa fille comme il pouvait tout

au long de sa maladie et qui aujourd’hui se

réjouit qu’elle vive une vie normale, sans

avoir à se cacher ; une fille qu’il trouve au-

jourd’hui encore « réservée, même si elle a

une grande facilité à socialiser », une fille

enfin qui a trouvé sa vocation et s’épanouit

à la plus grande joie de toute sa famille. l

Propos recueillis par Vanessa Barros-JonEs

notes

1 - Valérie Pineau-Valencienne. Une

cicatrice dans la tête. Plon, 2000

cette jeune fille épileptique.

Arnaud Sélignac mentionne avec beaucoup

d’estime le médecin qui, dit-il, « a sorti ma

fille de la maladie ». Vers 17 ans, sa fille

avait cessé de faire des crises, et c’est ce

médecin qui l’a convaincue d’arrêter pro-

gressivement les traitements. La fille d’Ar-

naud Sélignac vit aujourd’hui sans crises, et

s’est découvert une passion pour la cuisine

dont elle va faire son métier. « Les autres

médecins ont plutôt été des techniciens

qui s’occupaient des symptômes mais ne

proposaient aucun accompagnement psy-

chologique ». Arnaud Sélignac estime que

sa fille a cruellement souffert de cette tech-

nicité dénuée souvent de psychologie. Les

parents ont insisté pour que la jeune fille

voie des psychologues, mais c’était plus

leur choix que le sien. « Aujourd’hui, elle

voit un psychologue régulièrement mais

c’est elle qui l’a choisi ».

Et puis Arnaud Sélignac me raconte ce

moment d’horreur dont il valait mieux rire,

L’épiLepsie dans La Lumière dossiEr

« Faire une virée à deux..(.. )

au milieu de la nuit En catimini E va la nove

va la douce vie On s’en ira toute la nuit

Danser le calypso en Italie »

Nous avons tous en tête le refrain de Voyage

en Italie, chanson populaire du groupe Lili-

cub !

Et bien la tête féminine du groupe LILICUB est

Catherine DIRAN, auteur-compositeur-in-

terprète, qui a enregistré avec le groupe, en

France et au Japon une dizaine de disques…

Une preuve de plus que l’épilepsie n’em-pêche pas la réussite puisque Catherine souffre d’épilepsie.En 2012, elle entame un nouveau projet, à

la croisée de la musique et de la recherche

scientifique, avec le chercheur François

Pachet (Sony Computer Science Labora-

tory) et le chanteur Jean-Christophe Urbain

(Les Innocents).

Parallèlement à sa carrière musicale, Ca-

therine Diran investit en 2007 le champ de

la littérature, avec sept romans, dont la tri-

logie noire Victoria reyne (Le Masque), re-

quiem pour Mona (La tengo), et plusieurs

romans jeunesse (L’Archipel). Elle aborde

également le scénario, dans plusieurs sé-

ries pour Canal +.

Après plusieurs courts-métrages et docu-

mentaires, elle réalise son premier film

« sutra », volet initial d’une trilogie traitant

de l’exil et des femmes, et prépare le se-cond, « Refuge », qui traite de ce thème par la maladie, choisissant pour cela d’aborder l’épilepsie.Catherine DIRAN qui a souffert de l’épilep-sie comme de l’ostracisme et du déni de celle-ci, aide désormais la Fondation avec sa fougue et son talent. l

EMManUELLE aLLonnEaU-roUBErTIE

catherine dIRAN : L’EpILEpSIE EN fAcE

Dossier

Recherches & Perspectives • mai 2013 • p.7

10 févriEr 2014 :  l’épilEpsiE En plEinE lumièrE

Colloque et soirée caritative au bénéfice de la recherche sur l’épilepsie

Al’occasion de la Journée Européenne de l’Epilepsie, la Fondation Française pour

la Recherche sur l’Epilepsie organise un colloque et une soirée caritative au bénéfice de la recherche.

L’ÉPILEPSIE, DERNIÈRE MALADIE tABoUE ?Alors que des célébrités parlent au-

jourd’hui ouvertement de la maladie

qui les atteints, aucune souffrant d’épi-

lepsie ne souhaite que cela se sache.

Pourquoi ? Alors que notre regard sur

le malade a beaucoup évolué ces der-

nières décennies, nous restons mal à

l’aise face à une personne qui souffre

d’épilepsie. Pourquoi ?

Le colloque sera organisé en deux

tables rondes :

1 - Epileptique : et alors ???De Dostoïevski et Flaubert à Prince

et Marion Clignet, leurs épilepsies ne

les ont pas empêchés de réussir dans

leurs domaines : écriture, politique,

musique, sport.

2 - Epileptique : j’assume !!Comment réussir à vivre au quotidien

dans la France du 21e siècle lorsque

l’on souffre d’épilepsie.

Les discussions seront suivies par un dîner de gala et une vente aux enchères au bénéfice de la recherche, animée par Maître Cornette de St Cyr. l

Didier VAN CAUWELAERT, écrivain, par-

rain de la FFRE,

Jean-Christophe BUISSON, responsable

du service culture et art de vivre au

Figaro Magazine,

Gérard LARChER, sénateur maire de

Rambouillet, ancien président du Sé-

nat, ancien président de la Fédération

Hospitalière de France,

Edwige AVICE, ancienne ministre,

Marion CLIGNET, ancienne championne

de cyclisme,

débattront avec historiens, journalistes,

chefs d’entreprises et patients pour ten-

ter de comprendre pourquoi il est encore

si difficile de parler de cette maladie qui

bouleverse en France, au quotidien, la

vie de près de 2 millions de personnes.

dossiEr

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.7

RENSEIgNEMENTS pRATIqUES

Lieu : Ecole du Val-de-Grâce, à Paris

• Colloque : de 14 h à 19 h

Entrée gracieuse, inscription impérative.

• Dîner caritatif : à partir de 20 h

Inscription payante obligatoire

Pour vous inscrire et pour tout renseignement :[email protected] ou 01 47 83 65 36.

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.8

pHarmaCOrésisTanCe, surHandiCap eT épiLepsie : QueLLes aVanCées ?

Contrairement à la majorité des situa-tions chez l’enfant, le but de la prise en charge de l’épilepsie chez les enfants atteints de ces maladies neurogéné-tiques, n’est pas nécessairement de supprimer totalement les crises. En ef-fet, dans la plupart des cas, ces épilep-sies s’avèrent pharmacorésistantes, et le risque d’avoir des effets secondaires des antiépileptiques (sous la forme de somnolence, d’agitation, ou de troubles du comportement) est majeur.Le rôle du praticien en charge de ces patients, est de bien évaluer, avec la famille et l’équipe éducative, les objectifs du traitement des crises épi-leptiques dans le contexte de la défi-cience intellectuelle et du handicap neuromoteur. Ainsi, la prise en charge la plus adaptée n’est pas d’essayer à tout prix de supprimer l’épilepsie. C’est au contraire la recherche, au cas par cas, du meilleur compromis entre le traitement de l’épilepsie et celui de l’autre maladie. Il s’agit de trouver la prise en charge de l’épilepsie qui, en fonction des conséquences de la mala-die grave et de son traitement, don-nera les meilleures chances de limi-ter les retards de développement des capacités cognitives et motrices de l’enfant, fût-ce au prix de l’acceptation de crises d’épilepsie. Ceci met gran-dement à contribution les familles et nécessite un accompagnement et une relation étroite, avec confiance réci-proque, entre le médecin et la famille.

FFRE. L’association avec l’épilepsie dans le cadre de déficiences intellec-tuelles d’origine génétique est-elle fré-quente ? Dr Nadia Bahi-Buisson - Certaines

formes de déficiences intellec-

tuelles sont associées de façon quasi

constante à l’épilepsie. On distingue

classiquement les maladies dans

lesquelles une lésion ou une malfor-

mation cérébrale est visible sur l’IRM

cérébrale et celles où le cerveau dys-

fonctionne sans qu’aucune lésion ne

soit visible en IRM. Les maladies avec malformations cérébrales sont asso-ciées de façon quasi constante à des épilepsies. Plus la malformation est

sévère (comme une pachygyrie) plus

le handicap neuro-moteur est impor-

tant et plus l’épilepsie est pharmaco-

résistante. Par contraste, dans des mal-

formations cérébrales moins sévères

(comme les hétérotopies), l’épilepsie

peut être plus tardive voire absente

jusqu’à l’âge adulte. L’association des

épilepsies dans les déficiences intellec-

tuelles sans lésion cérébrale est émi-

nemment variable. Certaines maladies

sont fréquemment associées à une épi-

lepsie, telles que le syndrome de Rett

ou le syndrome d’Angelman, alors que

d’autres sont plus rarement associées,

telles que le syndrome de l’X Fragile.

Bien qu’aucune donnée ne soit dispo-

nible sur l’épidémiologie de l’épilepsie

dans ces maladies considérées dans

leur ensemble, on estime que l’épi-

EpilEpsiEs survEnant au cours dE maladiEs métaBoliquEs Et génétiquEs rarEs surHandicap ou co-morBidité ?

Entretien avec le Dr Nadia Bahi-Buisson

Le Dr Nadia Bahi-Buisson,

Neuropédiatre MCU-PH

(Maître de Conférence des

Universités-Praticien Hospita-

lier) à l’Hôpital Necker-Enfants

Malades dans le Service du

Professeur Desguerre, est spé-

cialiste des maladies neuro-

génétiques rares, telles que le

syndrome de Rett, auxquelles

l’épilepsie est associée.

Dans ces situations particu-

lièrement difficiles, l’épilep-

sie apparaît souvent après

l’annonce d’une maladie

neurologique grave, et est sou-

vent vécue comme un second

drame pour les familles. En

effet, la survenue d’une épilep-

sie dans ce contexte de han-

dicap neurologique constitue

un véritable surhandicap pour

l’enfant. En outre, l’épilepsie

peut être à l’origine de véri-

tables difficultés d’intégration

de l’enfant dans les structures

de rééducation car l’épilepsie

«fait souvent peur» aux éduca-

teurs peu expérimentés dans le

domaine.

la rEcHErcHE

Recherches & Perspectives • mai 2013 • p.9

des médicaments antiépileptiques à

proposer, en limitant au maximum les

effets secondaires cognitifs et compor-

tementaux.

FFRE. quels sont les critères qui guident vos décisions de prise en charge dans ces contextes de défi-cience intellectuelle ou retard du déve-loppement avec épilepsie ?NBB - Plusieurs éléments sont né-

cessaires à une prise en charge opti-

male. D’une part, il

est indispensable

d’avoir une bonne

connaissance de la

maladie génétique

et de son évolution.

Cette connaissance permet d’antici-

per le type d’épilepsie chez l’enfant et

surtout de limiter la confusion avec les

mouvements anormaux, les stéréoty-

pies ou les phénomènes paroxystiques

non épileptiques fréquemment rencon-

trés dans ces maladies

D’autre part, il est très important d’ob-

tenir une caractérisation “opération-

nelle” de l’épilepsie avec notamment

la distinction de la fréquence des crises « qui gênent l’enfant », telles que les crises toniques, ou encore les spasmes ou les chutes, des crises qui « altèrent peu sa qualité de vie », telles que les absences, les myoclonies ou sursauts. Par exemple, dans le syndrome de Rett

ou encore le syndrome d’Angelman,

certaines crises comme des absences,

ou des myoclonies (sursauts) gênent

peu la vie et les progrès de l’enfant. Ces

absences peuvent persister pendant

plusieurs années sans altérer la qua-

lité de vie de l’enfant. En outre, elles

sont souvent résistantes au traitement

antiépileptique, qui est de plus souvent

mal toléré chez ces enfants. Ainsi, il est

souvent préférable de choisir de “tolé-

rer” ces crises en concertation avec

les parents et l’équipe éducative. Cette

caractérisation permet de faire le choix

entre traiter et ne pas traiter.

Il est également nécessaire d’avoir une

bonne connaissance des antiépilep-

tiques et de leurs effets secondaires.

En effet, certains antiépileptiques ont

des effets secondaires intolérables

pour l’enfant en situation de handi-

cap. Parmi ceux-ci l’anorexie sévère, la

perte de poids, ou encore l’agitation ou

les cris. Enfin, la décision de traiter ou

ne pas traiter, et

le choix des trai-

tements s’effec-

tuent souvent en

concertation avec

les parents. Dans

ce contexte, l’alliance thérapeutique

est un atout majeur pour le succès du

traitement chez ces enfants.

FFRE. comment les familles concer-nées sont-elles épaulées pour faire face aux difficultés auxquelles elles sont confrontées ?NBB - Dans ces situations de maladies

neurologiques parfois sévères dans

lesquelles l’épilepsie est un surhandi-

cap, il est fondamental de soutenir les familles. Le seul soutien qu’apportent

le médecin hospitalier et l’équipe soi-

gnante est largement insuffisant. Diffé-

rents relais sont proposés. D’une part,

des relais avec les personnels présents

au quotidien dans les structures de

rééducation médico-sociales (1) et les

établissements médico-éducatifs (2)

sont organisés en lien avec l’hôpital de

référence. Le médecin traitant est éga-

lement un atout important dans la prise

en charge de ces enfants.

D’autre part, les parents trouvent un

soutien de la part des associations de

patients nombreuses, spécifiques à

certaines maladies ou plus généra-

listes, fédérées dans le cadre de l’Al-

lepsie est relativement fréquente dans les déficiences intellectuelles d’origine génétique. Cette fréquence, relative-

ment élevée, observée chez les enfants

atteints d’une maladie orpheline, re-

couvre une très grande variété de cas :

la grande diversité des maladies rares se combine avec une gamme très large de formes d’épilepsies, dont certaines sont pharmacorésistantes. Il s’agit donc

à chaque fois d’une situation particu-

lière, à traiter de façon adaptée sur le

plan médical mais aussi sur le plan re-

lationnel et psychologique, car la prise

en charge met grandement à l’épreuve

les familles.

FFRE. Y a-t-il des spécificités à la prise en charge des épilepsies appa-rues dans un contexte de déficience intellectuelle préalablement diagnos-tiquée ?NBB - L’annonce d’une épilepsie

chez un enfant dont le diagnostic de

déficience intellectuelle a été préa-

lablement annoncé aux parents, est

très douloureuse pour les parents. Au

premier abord, leur première inter-

prétation est que leur enfant a une

seconde maladie, «l’épilepsie», encore

plus grave car plus impressionnante

que la première «la déficience intellec-

tuelle». L’épilepsie fait peur et leur fait craindre pour la vie de leur enfant avec des angoisses de mort souvent formu-lées. En réalité, l’épilepsie fait partie de

la déficience intellectuelle et s’exprime

dans ces cas après les premiers signes

de la maladie qui s’est exprimée tôt

dans la vie de l’enfant par un retard du

développement. Il est important que le

praticien ait connaissance de ce vécu

des parents dans la prise en charge de

l’épilepsie dans ce contexte. En outre,

le fait que l’enfant ait un retard du dé-

veloppement et/ou des troubles autis-

tiques doit faire réfléchir sur le choix

la rEcHErcHE

chAqUE SITUATION pARTIcULIèRE EST à TRAITER dE fAçON AdApTéE.

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.9

notamment sur des modèles ani-

maux va permettre d’avancer dans

la compréhension des mécanismes

des épilepsies. Il est nécessaire de la

favoriser à l’avenir. Dans d’autres ma-

ladies où des

lésions céré-

brales sont vi-

sibles en IRM

comme les

hétérotopies, l’avancée des connais-

sances pourra provenir des études

fonctionnelles telles que l’EEG IRM

fonctionnelle mais aussi des modèles

animaux. Ces recherches pourront permettre de définir le point de départ de l’épileptogenèse et son évolution. Connaître ce processus pourra certai-

nement nous donner des perspectives

pour de nouvelles pistes thérapeu-

tiques. l

liance Maladies Rares (www.alliance-

maladies-rares.org/).

FFRE. De quoi avez-vous besoin dans les années qui viennent pour que ces maladies soient mieux prises en charge et po-tentiellement guéries ?NBB - Chacune de

ces maladies neurolo-

giques rares est assez mal connue.

Pour certaines, on connaît les causes

génétiques, liées soit à des mutations

dans des gènes identifiés (ex : muta-

tions dans MECP2 dans le syndrome

de Rett, ou UBE3A dans le syndrome

d’Angelman), soit à des anomalies

chromosomiques (ex : délétion 1p36

dans le syndrome de del1p36). Dans

ces situations, le mécanisme des épi-

lepsies n’est pas connu. La recherche

notes

1- CAMSP : centre d’action médico-so-

ciale précoce ; CMPP : centre médico-

psycho-pédagogique ; SESSAD : ser-

vice d’éducation spéciale et de soins à

domicile

2- IME : institut médico-éducatif.

- De 3 à 20 ans, en institut médico-

éducatif (IME terme générique).

- De 3 à 14 ans, en internat médico-pé-

dagogique (IMP) ou externat médico-

pédagogique (EMP).

- De 14 à 20 ans, en institut médico-

professionnel (IMPRO). Ces derniers

prennent en charge des adolescents et

assurent l’acquisition d’un savoir-faire

pré-professionnel ou professionnel.

Propos recueillis par Florence PICarD

pHarmaCOrésisTanCe, surHandiCap eT épiLepsie : QueLLes aVanCées ?la rEcHErcHE

chAcUNE dE cES MALAdIES NEUROLOgIqUES RARES EST ASSEz MAL cONNUE.

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.10

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lobo

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Recherches & Perspectives • mai 2013 • p.11

ArticleNos chercheurs

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.11

quEllEs avancéEs pour la prisE En cHargE dEs EpilEpsiE pHarmaco-résistantEs dE l’adultE ?

FFRE. qu’appelle-t-on "épilepsie phar-macorésistante" ? Dr Philippe Kahane - La définition la

plus communément admise en France

est celle proposée par l’ANAES en 2004 :

« persistance de crises de nature épi-

leptique certaine chez un patient com-

pliant (…), malgré l’utilisation préalable

en monothérapie séquentielle d’au

moins 2 médicaments antiépileptiques

et d’au moins une association de 2 mé-

dicaments antiépileptiques pendant une

durée suffisante pour permettre d’en

apprécier l’efficacité ». Récemment, la

Ligue Internationale Contre l’Epilepsie

a défini la pharmacorésistance comme « l’échec à obtenir une disparition per-sistante des crises en dépit de l’utili-sation adéquate de deux médicaments antiépileptiques bien tolérés et appro-priés, prescrits en monothérapie ou en association ».

Il est habituellement accepté qu’environ

30 % des épilepsies s’avèrent pharma-

corésistantes, et il a été estimé en France

qu’il existait environ 150 000 cas phar-macorésistants prévalents, dont plus de 20 000 touchant la population des moins de 20 ans.

FFRE. quelles sont les avancées en ce domaine ? Est-ce que de nouvelles molécules apparaissent, qui améliorent le taux de réussite des traitements et diminuent le taux d’épilepsies pharmacorésis-tantes ?PK - Il existe désormais plus d’une tren-

taine de molécules disponibles pour

traiter les épilepsies. Ce choix élargi

donne plus de chances aux patients de

trouver le traitement qui leur convient.

Les molécules les plus récentes, dites

Entretien avec le Dr Philippe Kahane

Dr Philippe Kahane neurologue et neurophysiologiste, est responsable de l’unité d’épileptologie du CHU de Grenoble et est rattaché à l’équipe

de recherche d’épileptologie fondamentale dirigée par Antoine Depaulis (INSERM U836, équipe 11). Il est membre du

Conseil scientifique de la FFRE.

Il fait le point avec nous sur la prise en charge des épilepsies pharmacorésistantes chez l’adulte, et sur les espoirs nés

des nouvelles molécules et des traitements chirurgicaux. Le souhait bien légitime des patients épileptiques dont les crises

résistent au traitement médicamenteux est de voir leurs crises disparaître sans porter atteinte à leur santé. Pour se faire,

les médecins disposent d’une gamme de molécules de plus en plus large, et des progrès en ce sens sont réalisés en perma-

nence, notamment pour limiter les effets secondaires des médicaments. En cas d’échec des médicaments, la chirurgie

peut s’avérer un recours, mais elle n’est indiquée que dans certaines formes d’épilepsies bien particulières. Dans tous les

cas, c’est le rapport bénéfice/risque du traitement, par médicaments ou par chirurgie, qui doit toujours être pris en compte.

de 3e, voire 4e génération, présentent

surtout l’avantage d’entraîner moins d’effets secondaires et d’être d’utilisa-tion plus aisée. Ces nouveaux médica-

ments ont indiscutablement amélioré

le confort des patients dont l’épilepsie

s’avère phar-

m a c o s e n -

sible, mais ils

n’ont eu que

peu d’impact

sur les crises

des patients dont l’épilepsie est mal

contrôlée. Leurs utilisation ne doit pas

pour autant être négligée car certaines

formes d’épilepsies peuvent s’avérer

finalement pharmacosensibles même

après utilisation d’innombrables traite-

ments, et leur recours semble suscep-

tible de réduire le risque de mortalité

associé aux épilepsies pharmacorésis-

tantes.

la rEcHErcHE

6 000 ET 12 000 pATIENTS pOURRAIENT BéNéfIcIER EN fRANcE d’UN BILAN pRé-chIRURgIcAL.

Article

FFRE. ce risque de mortalité est-il im-portant ?PK - Ces dernières décennies, de nom-

breuses études ont montré que les pa-

tients qui souffrent d’une épilepsie, en

particulier pharmacorésistante, ont un

risque de décès environ 5 fois supérieur

à celui de la population générale.

Cela représenterait en France environ

3 000 décès par an. Ces décès sont

de causes variées, souvent identifiables

(étiologie de l’épilepsie, circonstances

de survenue des crises, état de mal

épileptique, suicide), mais parfois aussi

de mécanisme plus incertain, cas de la

mort subite et inattendue (ou SUDEP)

qui semble survenir au cours d’une crise

mais dont les mécanismes ne sont pas

encore clairement élucidés.

Le problème de la mortalité lié à l’épi-

lepsie fait l’objet de nombreuses re-

cherches, notamment en France, et la

FFRE s’est d’ailleurs largement investie

dans ce combat.

FFRE. Et les effets secondaires des médicaments ? Sont-ils si graves qu’ils puissent empêcher le traitement ?PK - Ils sont de nature et de gravité très

diverses. Ils dépendent à la fois du médi-

cament lui-même et de sa possible toxité

(par ex. allergie, atteinte hépatique, prise

de poids, etc.), du patient (âge, sexe,

comorbidités associées), et d’autres

médicaments éventuellement co-pres-

crits (risque d’interférences médicamen-

teuses). Ils doivent être rigoureusement

recherchés et discutés avec le patient

pour en évaluer l’impact, et selon les cas,

conduire à l’interruption du médicament

responsable. La large gamme d’antiépi-

leptiques actuellement disponible per-

met dans la très grande majorité des cas

de trouver un compromis acceptable

entre l’efficacité sur les crises et les effets

indésirables.

FFRE. comment procédez-vous en cas d’échec des premiers traitements ? Le mieux pour le malade n’est-il pas d’essayer toutes les molécules et de ne s’avouer vaincu que si elles ont toutes échoué, soit par suite d’effets secon-daires handicapants, soit par efficacité insuffisante sur les crises ?PK - La stratégie d’essais médicamen-

teux séquentiels, tout comme l’initiation

du traitement, ne peut être généralisée

à l’ensemble des patients qui souffrent

d’épilepsie tant les circonstances sont

variables. L’enfant, la femme (contra-

ception et grossesse éventuelles) et la

personne âgée représentent trois popu-

lations particulièrement sensibles pour le

choix des traitements à mettre en œuvre.

En règle générale, c’est le rapport béné-

fice/effets indésirables qui doit guider le

choix de la stratégie thérapeutique, et ce

choix doit être discuté avec le patient et/

ou son entourage afin qu’un contrat clair

puisse être établi. Il peut ainsi parfois s’avérer moins délétère d’accepter la per-sistance de crises peu fréquentes et/ou peu invalidantes plutôt que de vouloir à tout prix les supprimer au prix d’effets se-condaires plus invalidants que les crises elles-mêmes.

FFRE. Et la chirurgie ? quand quels cas est-elle possible ?PK - La chirurgie dite curative (c’est-

à-dire ayant pour but de supprimer

les crises par ablation de la zone céré-

brale responsable de leur survenue)

ne concerne qu’une minorité (10 %)

des patients souffrant d’une épilepsie

pharmacorésistante : elle n’est indiquée

que lorsque les crises sont focales ou

partielles (point de départ localisé dans

le cerveau) et que le geste chirurgical

envisagé peut être réalisé sans créer de

nouveau déficit. On évalue entre 6 000 et

12 000 le nombre de patients qui pour-

raient bénéficier en France d’un bilan

préchirurgical, dont 25 % à 50 % relè-

veront effectivement d’une opération au

terme du bilan - souvent lourd - réalisé.

Dans les autres cas, c’est-à-dire chez

les patients pour lesquels aucun geste

chirurgical curatif ne peut être envisagé,

des interventions palliatives peuvent être proposées, parmi lesquelles la plus com-mune est la stimulation chronique inter-mittente du nerf vague. Il ne faut cepen-

dant pas attendre de cette méthode une

suppression complète des crises, mais

seulement une amélioration de leur fré-

quence et/ou de leur sévérité, et ce chez

seulement la moitié des patients.

D’autres méthodes de neurostimulation

sont en cours d’évaluation, et une étude

multicentrique française va prochaine-

ment débuter en France, visant à évaluer

le bénéfice de la stimulation chronique

du noyau antérieur du thalamus (une

structure située dans la profondeur du

cerveau) chez des patients souffrant

d’une épilepsie pharmacorésistante, ne

relevant pas de la chirurgie curative, et

chez lesquels la stimulation vagale s’est

avérée un échec (Etude “France”, projet

STIC 2013). l

Propos recueillis par Florence PICarD

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.12

la rEcHErcHE pHarmaCOrésisTanCe, surHandiCap eT épiLepsie : QueLLes aVanCées ?

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om

le dialogue patient-médecin autour

de la mortalité liée à l’épilepsie. Enfin,

les données recueillies dans ce cadre

doivent servir de fondement à la réali-sation de projets de recherche.

Ainsi, à partir des cas signalés au ré-seau et grâce au soutien de la FFRE, une étude sur les facteurs de risque de SUDEP a été mise en place en s’ap-

puyant sur les pistes nouvelles issues

de la recherche fondamentale (évène-

ments de vie stressants, antécédents

familiaux de mort subite, interactions

médicamenteuses...).

Des données médicales sont recueillies

auprès du neurologue après accord

des familles et un entretien est réa-

factEurs dE risquE dE mort suBitE dans l’épilEpsiE : prEmiEr Bilan

par le Dr Marie-Christine Picot, Montpellier

De nombreuses études réalisées au cours de cette dernière décennie ont montré qu’il existe, chez les patients

avec épilepsie, une surmortalité 2 à 5 fois plus élevée qu’en population générale. Cette surmortalité touche

principalement les patients présentant une épilepsie pharmacorésistante. Les causes sont nombreuses. Certains

décès sont directement liés à la pathologie responsable de l’épilepsie comme des accidents vasculaires céré-

braux ou des tumeurs. D’autres sont liés à la survenue de crises dans des circonstances dangereuses (noyades,

brûlures, chutes…) ou à des crises compliquées par un état de mal épileptique (succession ininterrompue de

crises). Les suicides sont également plus fréquents chez les patients avec épilepsie que dans le reste de la

population. Enfin, certains décès surviennent soudainement sans cause précise, on parle alors de mort sou-

daine inattendue dans l’épilepsie (ou SUDEP pour Sudden Unexpected Death in EPilepsy). Il a été montré que

les SUDEP surviennent dans les suites immédiates d’une crise et en seraient donc la conséquence directe.

Avec le soutien de la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie (FFRE) et sous l’égide de la Ligue Fran-

çaise contre l’épilepsie (LFCE), un réseau sentinelle national de surveillance de la mortalité liée à l’épilepsie a été

créé en 2010 afin de répondre aux interrogations des patients et de leur famille et faciliter la mise en place de

projets de recherche. Le premier objectif de ce réseau est de recueillir les causes et les circonstances exactes

des décès liés à l’épilepsie.

L’analyse détaillée des causes et cir-constances des décès signalés dans le réseau devrait permettre d’identifier des décès potentiellement évitables et de promouvoir secondairement des me-sures de prévention. Ce réseau a aussi

pour objectif de mettre en place des

actions pour accompagner les familles endeuillées en leur proposant de ren-

contrer d’autres familles ayant vécu

les mêmes épreuves ou de s’entretenir

avec un neurologue ou un neuropé-

diatre pour répondre à leurs questions.

Ce réseau représente aussi un espace de communication entre les profession-

nels, les patients et les associations,

ce qui devrait permettre de favoriser

projEts financés

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.13

lisé à distance du décès par un psy-

chologue afin de recenser les attentes

et besoins des familles mais aussi de

connaître avec précisions les circons-

tances du décès, l’histoire de la mala-

die, la recherche d’antécédents fami-

liaux ou encore de troubles associés

(cardiaques, neurologiques, troubles

de l’humeur…). Ces mêmes données

sont collectées dans un groupe de pa-

tients avec épilepsie de sévérité proche

et d’âge comparable. Ce sont les dif-

férences observées entre ces deux

groupes qui permettront d’identifier les

facteurs de risque.

A ce jour, 114 décès ont été signalés

dans le cadre du réseau. Les signale-

Recherches & Perspectives • décembre 2013 • p.14

ments sont principalement effectués

par les neurologues mais 17 familles

ont également choisi de prendre direc-

tement contact avec le centre coordon-

nateur. Le recensement est national ex-

cepté 5 régions n’ayant effectué aucun

signalement à ce jour. La plupart des

signalements (75 %) correspondaient

à des SUDEP. 57 familles endeuillées

ont participé à l’étude sur les facteurs

de risque de SUDEP. Seules 2 familles

ont refusé. Les premiers résultats ob-

tenus sont en accord avec les études

précédemment publiées dans la littéra-

ture scientifique. Les cas recensés sont

essentiellement de jeunes adultes (âge

moyen au moment du décès : 31 ans),

plutôt de sexe masculin (57 %). Ce

sont des patients dont l’âge de surve-

nue de l’épilepsie est majoritairement

inférieur à 16 ans (70 %). La plupart

d’entre eux présentaient une épilep-

sie résistante aux traitements (80 %)

avec une fréquence élevée de crises

tonico-cloniques et traités par plusieurs

antiépileptiques (75 % d’entre eux

avaient au moins 2 médicaments anti-

épileptiques). 20 % des patients

avaient une observance moyenne ou

mauvaise. La plupart des décès ont

lieu au domicile, sans témoin, souvent

durant la nuit ou pendant une sieste

(75 % des cas).

A ce jour, 47 entretiens ont pu être

réalisés auprès de patients du groupe

témoin. D’ici fin 2014, ce sera le témoi-

gnage de 100 familles et 300 patients

qui devra être recueilli pour permettre

d’identifier avec suffisamment de pré-

cision les facteurs de risque potentiels.

Lancé en janvier 2010, le réseau re-présente aujourd’hui un lieu d’échange entre les professionnels de santé, les patients souffrant d’épilepsie et leurs proches. L’information collectée lors

VOUS SOUHAITEz DES INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES SUR LE RÉSEAU, SUR LA MORTALITÉ LIÉE à

L’ÉPILEPSIE, SUR L’AVANCEMENT DES TRAVAUX, LES COORDONNÉES DES CORRESPONDANTS RÉSEAU

DANS VOTRE RÉGION… ?

Consultez le site www.mortalite-epilepsie.fr.

VOUS SOUHAITEz PRENDRE CONTACT AVEC LE RÉSEAU SUITE à UN DÉCèS ?

Contactez le centre coordonnateur ([email protected] / Tel. : 04 67 33 89 79)

ou votre correspondant régional ou le réseau des familles endeuillées ([email protected])

ou complétez directement une fiche sur www.mortalite-epilepsie.fr

VOUS SOUHAITEz PARTICIPER AU PROJET DE RECHERCHE ?

Contactez le centre coordonnateur de l’étude ([email protected] / Tel. : 04 67 33 89 79)

projEts financés FaCTeurs de risQue de mOrT subiTe dans L’épiLepsie : premier biLan

des entretiens auprès des familles ap-

porte des éléments précieux pour abor-

der la question du risque de décès, et

particulièrement de mort subite, de

manière plus adaptée. Ces entretiens

montrent également que les familles

sont peu informées des risques liés

à l’épilepsie. Des efforts doivent être

poursuivis dans ce sens pour donner

au patient et à ses proches toute la

connaissance nécessaire pour limiter

ces risques en développant en parti-

culier des programmes d’éducation

thérapeutique. l

Recherches et Perspectives • Lettre d’information publiée par la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie - 28 rue Tronchet, 75009 PARIS - Tél : 01 47 83 65 [email protected] • www.fondation-epilepsie.fr • Directeur de publication : Bernard Esambert • Rédactrice en chef : Emmanuelle Allonneau-Roubertie • Prépara-tion, rédaction et interviews : Vanessa Barros-Jones (pages 2-3, 5-6, 15), Florence Picard (pages 8 à 12) • Remerciements à : tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce numéro • conception et impression : EXPRESSION GROUPE.

Recherches & Perspectives • novembre 2013 • p.15

billet d’humeur

Bon de soutien régulier

Mandat SEPA : Référence unique du mandat

o Oui, je décide de soutenir régulièrement la Fondation Française pour la Recherche sur l’épilepsie grâce au prélèvement automatique. Je reste libre d’arrêter mon soutien à tout moment. Je précise ci-contre le montant et l’échéance choisis et je remplis le mandat SEPA.

o Je vous autorise à prélever sur mon compte la somme de e

> Ces prélèvements devront être effectués tous les : o mois o 3 mois o 6 mois o 12 mois

Veuillez compléterce document

En signant ce formulaire de mandat, vous autorisez la FFRE à envoyer des instructions à votre banque pour débiter votre compte, et votre banque à débiter votre compte conformément aux instructions de la FFRE.Vous bénéficiez du droit d’être remboursé par votre banque selon les conditions décrites dans la convention que vous avez passée avec elle.Une demande de remboursement doit être présentée :- dans les 8 semaines suivant la date de débit de votre compte pour un prélèvement autorisé,- sans tarder et au plus tard dans les 13 mois en cas de prélèvement non autorisé.

Nom du créancierNom du créancierIdentifiant du créancierN° Rue

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Fondation Française pour la

Recherche sur l’épilepsie

28, rue Tronchet 75009 Paris

N° national d’émetteur : 448 164

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Titulaire du compteNomPrénomN° Rue

CP Ville Pays

2. Coordonnées du compte

4. Date et lieu

R&

P -

Déc

embr

e 2

013

Signature obligatoire

dur dur, pour unE maman, l’EpilEpsiE d’un Enfant !

temps. J’en ai vu des professionnels avant

que je trouve la personne dont l’approche

me convenait. Je suis contente d’avoir

continué à chercher pour enfin trouver la

bonne personne, même si cela a pris du

temps. C’est une psychiatre remarquable,

mère de 5 enfants dont l’un avec un retard

de développement, qui m’a apporté l’aide

la plus précieuse : elle me parle comme à

une adulte, de femme à femme, me donne

des conseils ultra-pratiques pour gérer le

comportement de mon enfant, m’apporte

des informations précieuses quant à sa

scolarité. J’ai l’impression d’avoir affaire

à une amie ou à une grande sœur plutôt

qu’à la grande spécialiste qu’elle est. Elle

m’a également suggéré une aide médica-

menteuse (dont j’ai longtemps cru ne pas

avoir besoin), qui m’a permis de voir les

choses de façon plus sereine. Je crois que

l’enseignement le plus important qu’elle

m’ait transmis a été que, sans une mère

en pleine forme moralement, mon fils

n’avait plus toutes ses chances, que son

développement passait avant tout par mon

bonheur et mon bien-être. » l

déceptions… Adrian a été ma première

mauvaise note. C’est bizarre d’en par-

ler en ces termes, mais l’idée d’avoir un

enfant malade et avec un retard mental

me mortifiait au-delà du chagrin et des

craintes que je pouvais éprouver pour

lui. Le travail m’a pas mal aidée à gérer

la situation. Je mettais mes problèmes au

vestiaire en arrivant au bureau. Et puis,

il a fallu se rendre à l’évidence bien des

années plus tard (peut-être un peu tard) :

la maladie de mon fils avait affecté mon

moral de façon significative et, sans me

l’avouer, j’étais en dépression depuis long-

« Quand le pédiatre de mon fils m’a

enfin recommandé d’aller voir un neuro-

pédiatre (à l’époque Adrian ne répondait

plus à son prénom, se balançait sans

cesse, mangeait comme un vorace et

criait toutes les nuits), j’étais sur mon lit

de maternité, venant d’accoucher de mon

troisième enfant. Les années qui ont suivi

ressemblent aux années de bien d’autres

parents d’enfants épileptiques : nuits sans

sommeil, services de neuropédiatrie, EEG

de nuit à l’hôpital, médication régulière

infernale à administrer, fatigue nerveuse

et physique, alternances de victoires et de

BillEt d’HumEur

Numéro d’identification international du compte bancaire - IBAN (International Bank Account Number)

Code international d’identification de votre banque - BIC (Bank Identifier Code)

Zone réservée à l’usage exclusif du créancier

Diplômée de l’ESSEC, Vanessa Barros-Jones a mené une carrière internatio-nale dans la publicité. Elle réside aujourd’hui à Singapour où elle a entamé un Doctorat sur la diversité culturelle tout en gérant un cabinet de conseil en Marketing et Communication. Maman de trois garçons dont un souffrant d’épi-lepsie, Vanessa, découvrant la FFRE, m’a immédiatement envoyé des textes, écrits sur le vif de ses sentiments de maman.S’ils sont parfois iconoclastes, il m’a semblé que les lecteurs de R et P ne s’en formaliseraient pas car ils sont avant tout l’expression de la souffrance, de l’inquiétude et des doutes permanents lorsque l’épilepsie arrive dans une famille. Nous donnerons donc désormais une petite place à Vanessa dans R et P. Un grand coup de chapeau à Vanessa et à vous tous, familles touchées par l’épilepsie ! Ear

Recherches & Perspectives • novembre 2013 • p.16

Bulletin de don FFReà retourner dans l’enveloppe T ci-jointe

ou don en ligne sur www.fondation-epilepsie.fr

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o prélèvement automatique (voir p. 15).

Je souhaite recevoir les publications de la Fondation

o par voie postale o par courrier électronique.o Le cas échéant, j’accepte d’être contacté afin d’apporter mon

témoignage sur la maladie.

FFRE 28, rue Tronchet 75009 Paris www.fondation-epilepsie.fr

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Vous trouverez avec ce numéro de R et P une plaquette grand public, que nous venons d’éditer.

Cette plaquette a pour vocation de donner le maximum d’informations,

souvent inconnues, sur la maladie, et bien sûr, par la même occasion,

de faire connaître la Fondation et ses actions et de recueillir davantage

de dons.

Et plus de dons veut dire plus d’actions pour faire avancer la recherche et

la connaissance de la maladie !

Vous pouvez nous aider, de façon très simple ! Si chaque destinataire

de cette revue met une dizaine de plaquettes chez deux ou trois de

ses référents médicaux (médecins, pharmacies…) et/ou chez ses

commerçants, nous multiplierons de façon considérable notre visibilité et

donc nos opportunités de développement et de levées de fonds.

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en indiquant bien votre adresse, sur :

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par courrier adressé à la Fondation

ou au 01 47 83 65 36.

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D’avance, merciEmmanuelle aLLonnEaU-roUBErTIE