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 ÉCONOMIE,  TRANSMISSION ET CASTRATION D’ordinaire,  façon  de  parler,  dans le fait  de  se châtrer  :  ce  que  l’on  s’ôte  on  le donne  à  autrui, aux générations  suivantes.  On  fait,  alors, attention  de  s’enlever   juste  un  petit  bout,  pas  trop important   que  tout  cela  reste  raisonnable.  Pour ne  pas obliger  en  retour  (poids du  potlach)  les générations suivantes,  pour que  cela ressemble  tout de même à un passage de ambeau. Les processus de castration  de  la modernité  sont devenus  des dettes léguées à  des générations,  qui,  à  jamais,  seront  dans l’impossibilité  de  les régler.  Si  l’on  pouvait  rapidement  réduire  la  R A P H A Ë L P E T I T P R E Z 1 / 9

Économie, transmission et castration - Raphael Petitprez - 2014

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D’ordinaire, façon de parler, dans le fait de se châtrer : ce que l’on s’ôte on le donne à autrui, aux générations suivantes.

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  • CONOMIE, TRANSMISSION ET CASTRATION

    Dordinaire, faon de parler, dans le fait de se chtrer : ce que lon ste on le donne autrui, aux gnrations suivantes. On fait, alors, attention de senlever juste un petit bout, pas trop important que tout cela reste raisonnable. Pour ne pas obliger en retour (poids du potlach) les gnrations suivantes, pour que cela ressemble tout de mme un passage de flambeau.Les processus de castration de la modernit sont devenus des dettes lgues des gnrations, qui, jamais, seront dans limpossibilit de les rgler. Si lon pouvait rapidement rduire la

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  • modernit : ce serait dire quelle instaure la perte de mesure comme mesure seule. La modernit, cest la rvolution industrielle, les guerres mondiales et la bombe atomique avec au milieu de tout , entre autres, une avant-garde gniale et dlirante. Avec a ltre humain sest invent des outils de castration absolus avec lesquels plus aucune transmission nest possible, avec lesquels les gnrations suivantes se sont trouves absorbes par les dettes de leurs aeux .LEsthticien angoiss (Kierkegaard), le Suicid de la socit (Artaud) ou lAcphale (Bataille) seront les seules voies existentielles.La post-modernit sera latterrement gnral que cela puisse quand mme continuer, que la vie se

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  • reproduisent toujours. Pourquoi ? pourquoi a rampe, a marche toujours ? Puis cen sera lexploitation, quoi quon fasse la vie se reproduit alors tirons-en profit ! Spculaire, dsincarne sera lhumaine condition.La gnration passe est celle du vide (sujet fictif, chute des idologies et de modles dominants au profit dune multiplication linfini des possibles, jusqu leur nantisation et blablas autres).De cette absence de proposition de mode dexistence notre environnement social en ont fait, indirectement, son pain bni, son idologie, une idologie sans idologie, dit-on, ou idologie de lidologie, plutt, idologie suprme.

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  • Si pour nos parent se fut i would prefer not to, pour nous, on fait et on fera malgr tout sera notre lot plus que notre choix. Notre gnration est celle de la functional stupidity.Mais ce qui est le plus grave, cest la justification quapporte notre gnration la prcdente, rien que dans le fait dexister, dtre-l.Cest notre btise le fait que a marche quand mme, que la machine toujours fonctionne, mme si lon sait plus trop qui lactionne qui sanctifie lidologie sans idologie, labsence de modle dexistence comme gnrateur de libert et de vrit. Mais non, tout ce que cela gnre cest une trappe o lon sengouffre dautant plus que lon se croit sur la bonne voie. Le vide, labsence de

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  • contraintes, labsence de modles par rapport auxquels se positionner conditionnent aux pires rptitions, celles qui prennent la forme de liberts et de vrits, cest--dire dillusions quon sentte vivre obstinment. Ces rptitions condamnent la pire servitude, celle de soi par soi, et cela surplomb par un regard condescendant ou bien satisfait, plutt rassur, dans un processus didentification invers, de la gnration prcdente port sur la nouvelle.Aujourdhui la socit est faite dinstitutions o lon demande lindividu de sexprimer. Cest alors que lon se trouve dans une situation de conditionnement : cette contrainte de

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  • lexpression ne passera et ne sortira que ce qui est attendu, dj entendu.La libert, ici, sert lasservissement. ducation, formation fonctionnent ainsi. Paradoxalement, on vous demandera de vous taire, alors mme que vous commenciez tout juste avoir quelque chose dire et lon ne sollicitera votre parole que lorsque vous naurait rien dire.La fin de la reprsentation, en art notamment, cest un dlire, ou une faiblesse, de thoriciens, critiques ou philosophes. On a sonn le glas de lhistoire, de Dieu, des idologies ou de tous modles existentiels, trs bien, mais l o a ne marchait pas ctait lart. Le seul moyen fut de lui ter sa facult reprsentative (constitutive) pour

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  • la mettre au mme niveau dune de ces activits spculatives ou scientifiques. Ainsi son compte, lui aussi, pourra lui tre rendu.Lart, la reprsentation ont avoir avec la condition humaine : comme de lexistence, de lincarnation on en rchappe pas. Soustraire la reprsentation de lart cest vider lhumain de ce qui la fait merger sa conscience en tant que le fait de (se) reprsenter est spcifiquement humaine.Le post-modernisme est un manirisme, en aucun cas la fin de la reprsentation. la rigueur pourrait-on parler de re-reprsentation (comme on parle de re-recording en son) qui aurait pour effet la cration dun espace digtique au sein mme dun mdium et lillusion dune autonomie

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  • par rapport au monde (la sacro-sainte performativit du langage), peut-tre.La re-reprsentation, cest considrer la redondance positivement : une mise en perspective des rouages, du montage eux-mme.La reprsentation a avoir avec lexprience esthtique entendue comme exprience immersive et de montage de sensations, cest-a-dire comme rptition (mise en abme) de la condition finie et enferme incarne de lhomme. Alors la rptition, ici, peut sentendre comme horizon voire vasion.Lart serait le lieu o identification et dsir puissent sentremler, voire se confondre. Le seul possible sans contrle exerc sur lobjet dsir et

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  • o lobjet auquel on sidentifie nest pas vcu comme une simple extension de soi.Lart, entendu comme la cration dune vie non-organique, serait la sublimation de la condition sexue, spare de ltre humain (cf. Dany-Robert Dufour : La femme, loccasion, a envie dun pnis, de mme, lhomme, loccasion, dun utrus).

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