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Université Pierre et Marie Curie Enseignement d’ophtalmologie Niveau deuxième cycle 2003 - 2004 Polycopié National du Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France Mise à jour : 21 avril 2004

Enseignement d'ophtalmologie

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Page 1: Enseignement d'ophtalmologie

Université Pierre et Marie Curie

Enseignement d’ophtalmologie

Niveau deuxième cycle

2003 - 2004

Polycopié National du Collège des OphtalmologistesUniversitaires de France

Mise à jour : 21 avril 2004

Page 2: Enseignement d'ophtalmologie

2/211 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 2003 - 2004

Page 3: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

Table des matières3 Table des matières

13 Avant-propos

15 Objectifs d’enseignement

15 1 Première partie : onze modules transdisciplinaires15 1.1 Module 1 : Apprentissage de l’exercice médical15 1.2 Module 3 : Maturation et vulnérabilité15 1.3 Module 4 : Handicap-Incapacité dépendance15 1.4 Module 5 : Vieillissement16 1.5 Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire16 1.6 Module 9 : Athérosclérose, hypertension, thrombose17 1.7 Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique18 2 Deuxième partie : maladies et grands syndromes18 2.1 233 Diabète : rétinopathie diabétique18 2.2 240 Glaucome chronique18 2.3 246 Hyperthyroïdie : ophtalmopathie basedowienne18 2.4 271 Pathologie des paupières19 2.5 287 Troubles de la réfraction19 3 Troisième partie : orientation diagnostique devant19 3.1 293 Une altération de la fonction visuelle19 3.2 304 Une diplopie19 3.3 333 Un strabisme de l’enfant

21 Chapitre 1 : Rappel anatomique. Méthodes d’examen

21 1.1 Rappel anatomique21 1.1.1 Le globe oculaire25 1.1.2 Les voies optiques26 1.1.3 Les annexes28 1.2 L’examen du malade en ophtalmologie28 1.2.1 Examen systématique d’un consultant en ophtalmologie36 1.2.2 Examens complémentaires

41 Chapitre 2 : Prélèvement de cornée à but thérapeutique - 8

41 2.1 Aspects législatifs41 2.1.1 Établissements autorisés42 2.1.2 Le médecin préleveur

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 3/211

Page 4: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

42 2.1.3 Dispositions légales particulières à la greffe de cornée42 2.2 Sélection des donneurs43 2.2.1 Sélection des donneurs selon l’Association Européenne des Banques d’Yeux45 2.2.2 Remarques45 2.3 Prélèvement thérapeutique des cornées par excision in situ

47 Chapitre 3 : Suivi d’un nourrisson : dépistage des troubles visuels chez l’enfant - 33

47 3.1 Introduction48 3.2 Rappel sur le développement de la vision de l’enfant48 3.3 Les différents examens ophtalmologiques obligatoires49 3.4 Dépistage des signes évocateurs de malvoyance50 3.5 Les points forts

51 Chapitre 4 : Cataracte - 58

51 4.1 Diagnostic51 4.1.1 Diagnostic positif53 4.1.2 Diagnostic différentiel53 4.1.3 Diagnoctic étiologique55 4.2 Traitement55 4.2.1 Bilan préopératoire55 4.2.2 Moyens56 4.2.3 Indications56 4.2.4 Résultats57 4.3 Les points forts

59 Chapitre 5 : Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60

59 5.1 Introduction59 5.2 Prévalence60 5.3 Facteurs de risque60 5.4 Diagnostic60 5.4.1 Circonstances de découverte60 5.4.2 Examen clinique61 5.4.3 Angiographie du fond d’œil61 5.5 Formes cliniques62 5.6 Traitement64 5.7 Les points forts

65 Chapitre 6 : Œil et sclérose en plaques - 125

65 6.1 Généralités

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Page 5: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

65 6.2 Signes oculaires66 6.2.1 La neuropathie optique67 6.2.2 Atteintes oculo-motrices

69 Chapitre 7 : Greffe de cornée - 127

69 7.1 Introduction69 7.2 Particularités de la greffe de cornée70 7.3 Principales indications de la greffe de cornée71 7.4 Pronostic71 7.4.1 Résultats anatomiques et fonctionnels à long terme71 7.4.2 Complications73 7.5 Conclusion

75 Chapitre 8 : Rétinopathie hypertensive - 130 - 1

75 8.1 Introduction76 8.2 Physiopathogénie76 8.3 Rétinopathie hypertensive77 8.4 Choroïdopathie hypertensive77 8.5 Artériosclérose78 8.6 Classifications de la rétinopathie hypertensive et de l’artériosclérose79 8.7 Les points forts

81 Chapitre 9 : Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2

81 9.1 Vascularisation - physiopathogénie81 9.2 Etiologies des NOIA82 9.3 Diagnostic des NOIA82 9.3.1 Signes d’appel82 9.3.2 Examen clinique83 9.4 Diagnostic étiologique83 9.5 Evolution de la NOIA84 9.6 Diagnostic différentiel84 9.7 Traitement de la NOIA85 9.8 Les points forts

87 Chapitre 10 : Occlusions artérielles rétiniennes - 130 - 3

87 10.1 Physiopathogénie88 10.2 Occlusion de l’artère centrale de la rétine (OACR)88 10.2.1 Diagnostic89 10.2.2 Étiologies

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 5/211

Page 6: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

90 10.2.3 Évolution spontanée90 10.2.4 Conduite à tenir91 10.2.5 Indications thérapeutiques91 10.3 Occlusion de branche de l’artère centrale de la rétine (OBACR)91 10.3.1 Diagnostic92 10.3.2 Évolution92 10.3.3 Étiologies92 10.3.4 Traitement93 10.4 Forme clinique particulière93 10.5 Les points forts

95 Chapitre 11 : Occlusions veineuses rétiniennes - 130 - 4

95 11.1 Occlusion de la veine centrale de la rétine95 11.1.1 Signes cliniques96 11.1.2 Examen du fond d’œil96 11.1.3 Examens complémentaires ophtalmologiques97 11.1.4 Bilan étiologique97 11.1.5 Évolution des OVCR98 11.1.6 Traitement100 11.2 Occlusion de branche veineuse (OBV)100 11.2.1 Physiopathogénie100 11.2.2 Aspects cliniques101 11.2.3 Évolution101 11.2.4 Traitement des OBV102 11.3 Les points forts

103 Chapitre 12 : Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

103 12.1 Diagnostic103 12.1.1 L’interrogatoire104 12.1.2 Examen ophtalmologique104 12.1.3 Examens complémentaires105 12.2 Etiologies105 12.2.1 Baisse d’acuité visuelle avec un œil rouge et douloureux105 12.2.2 Baisse d’acuité visuelle avec œil blanc et indolore109 12.3 Anomalies transitoires de la vision

111 Chapitre 13 : Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatisme oculaire - 201 - 1

111 13.1 Contusions du globe oculaire111 13.1.1 Interrogatoire112 13.1.2 Examen113 13.2 Traumatismes perforants

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Page 7: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

114 13.3 Corps étrangers114 13.3.1 Le diagnostic peut être évident115 13.3.2 Le diagnostic de corps étranger intra-oculaire est cependant souvent moins

évident115 13.3.3 Examens complémentaires116 13.3.4 Complications précoces des corps étrangers intraoculaire116 13.3.5 Nous ne ferons que mentionner les complications tardives

117 Chapitre 14 : Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant une brûlure oculaire - 201

117 14.1 Circonstances de survenue118 14.2 Brûlures thermiques, acides et basiques118 14.3 Classification pronostique119 14.4 Traitement d’urgence120 14.5 Formes particulières120 14.6 Les points forts

121 Chapitre 15 : Œil rouge et/ou douloureux - 212

121 15.1 Introduction122 15.2 Examen122 15.2.1 L’interrogatoire122 15.2.2 Examen clinique124 15.3 Etiologies124 15.3.1 Œil rouge, non douloureux, sans baisse d’acuité visuelle126 15.3.2 Œil rouge douloureux avec baisse d’acuité visuelle131 15.3.3 Œil rouge, douloureux, sans baisse d’acuité visuelle131 15.4 En bref

133 Chapitre 16 : Rétinopathie diabétique (RD) - 233

133 16.1 Epidémiologie134 16.2 Physiopathogénie134 16.3 Diagnostic134 16.3.1 Circonstances de découverte135 16.3.2 Examen clinique135 16.3.3 Les signes cliniques de RD (examen du fond d’œil)136 16.3.4 Examens complémentaires136 16.3.5 Classification de la rétinopathie diabétique138 16.4 Evolution140 16.5 Traitement de la rétinopathie diabétique140 16.5.1 Traitement médical140 16.5.2 Traitement de la rétinopathie diabétique par photo coagulation au laser141 16.5.3 Traitement chirurgical de la rétinopathie diabétique (vitrectomie)

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 7/211

Page 8: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

142 16.6 Les points forts

143 Chapitre 17 : Glaucome chronique - 240

143 17.1 Définition et épidémiologie144 17.2 Physiopathologie145 17.3 Formes cliniques146 17.4 Diagnostic et surveillance clinique146 17.4.1 Dépistage146 17.4.2 Circonstances de diagnostic147 17.4.3 Diagnostic149 17.5 Principes thérapeutiques149 17.5.1 Traitement médical150 17.5.2 Trabéculoplastie au laser151 17.5.3 Traitement chirurgical152 17.6 Les points forts

153 Chapitre 18 : Ophtalmopathie dysthyroïdienne - 246

153 18.1 Généralités. Epidémiologie154 18.2 Physiopathologie154 18.3 Classification154 18.4 Signes cliniques154 18.4.1 Signes palpébraux ou syndrome palpébro-rétractile155 18.4.2 Atteinte des tissus mous155 18.4.3 Exophtalmie155 18.4.4 Troubles oculo-moteurs155 18.4.5 Atteintes cornéennes156 18.4.6 Neuropathie optique156 18.5 Examens complémentaires157 18.6 Diagnostic différentiel157 18.6.1 les causes inflammatoires157 18.6.2 les causes vasculaires158 18.6.3 les exophtalmies tumorales159 18.7 Evolution159 18.8 Traitement159 18.8.1 Traitement médical159 18.8.2 Radiothérapie160 18.8.3 Traitement chirurgical160 18.9 Les points forts

161 Chapitre 19 : Pathologie des paupières - 271

161 19.1 Anatomie162 19.2 Inflammation et infection palpébrale : blépharites

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Page 9: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

163 19.3 Malpositions des paupières163 19.3.1 Ectropion164 19.3.2 Entropion164 19.3.3 Ptosis165 19.3.4 Les défauts de fermeture166 19.4 Traumatismes palpébraux166 19.5 Tumeurs des paupières166 19.5.1 Bénignes167 19.5.2 Malignes167 19.6 Les points forts

169 Chapitre 20 : Troubles de la réfraction - 287

169 20.1 Les principales définitions171 20.2 Epidémiologie171 20.2.1 Fréquence des troubles de la réfraction171 20.2.2 La presbytie171 20.3 Physiopathologie172 20.4 La myopie172 20.4.1 Les différentes sortes de myopie173 20.4.2 Les signes fonctionnels173 20.4.3 Principes de correction de la myopie174 20.5 L’hypermétropie174 20.5.1 Les différents types d’hypermétropie175 20.5.2 Signes fonctionnels175 20.5.3 Cas particulier de l’enfant175 20.5.4 Correction de l’hypermétropie176 20.6 L’astigmatisme176 20.6.1 Différents types d’astigmatismes176 20.6.2 Signes fonctionnels176 20.6.3 Correction de l’astigmatisme177 20.7 La presbytie177 20.7.1 Définition177 20.7.2 Signes fonctionnels178 20.7.3 Correction

179 Chapitre 21 : Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

180 21.1 Examen180 21.1.1 Interrogatoire180 21.1.2 Examen ophtalmologique180 21.1.3 Examens complémentaires184 21.2 Baisse d’acuité visuelle brutale184 21.2.1 Baisse d’acuité visuelle avec un œil rouge et douloureux

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 9/211

Page 10: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

185 21.2.2 Baisse d’acuité visuelle avec œil blanc et indolore188 21.2.3 Anomalies transitoires de la vision188 21.3 Baisse d’acuité visuelle progressive188 21.3.1 Cataracte189 21.3.2 Glaucome chronique à angle ouvert189 21.3.3 Affections rétiniennes192 21.4 Altérations du champ visuel192 21.4.1 Anomalies du champ visuel au cours d’affections rétiniennes192 21.4.2 Atteinte du champ visuel par atteinte des voies optiques

195 Chapitre 22 : Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

195 22.1 Définition196 22.2 Anatomie196 22.2.1 Muscles oculo-moteurs196 22.2.2 Nerfs oculo-moteurs197 22.3 Physiologie - Physiopathologie199 22.4 Diagnostic positif199 22.4.1 Les signes fonctionnels199 22.4.2 Interrogatoire199 22.4.3 Inspection199 22.4.4 Examen oculomoteur201 22.5 Diagnostic sémiologique201 22.5.1 Paralysie du III201 22.5.2 Paralysie du IV201 22.5.3 Paralysie du VI202 22.5.4 Formes particulières203 22.6 Diagnostic différentiel203 22.7 Etiologies203 22.7.1 Causes traumatiques203 22.7.2 Tumeurs204 22.7.3 Causes vasculaires204 22.7.4 Diplopies douloureuses205 22.7.5 Affections neurologiques205 22.7.6 Affections générales205 22.7.7 Causes infectieuses205 22.7.8 Diplopies de causes musculaires205 22.8 Conduite à tenir206 22.9 Les points forts207 22.10 En synthèse

209 Chapitre 23 : Orientation diagnostique devant un strabisme de l’enfant - 333

210 23.1 Phénomène moteur

10/211 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 2003 - 2004

Page 11: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

210 23.2 Phénomène sensoriel210 23.3 Dépistage du strabisme et de l’amblyopie211 23.4 Examen ophtalmologique211 23.5 Bases du traitement211 23.6 Les points forts

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 11/211

Page 12: Enseignement d'ophtalmologie

Table des matières

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Page 13: Enseignement d'ophtalmologie

Avant-propos

Avant-proposCe polycopié national est basé sur le nouveau programme des études médicales ; il a été conçu àl’usage des étudiants en médecine ainsi que des enseignants d’ophtalmologie. Il constitue l’ou-vrage de référence pour les études du deuxième cycle ainsi que pour la préparation de l’examenclassant national.Il a été réalisé par le Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France dans le but de pouvoirassurer autant que faire se peut un enseignement uniforme et cohérent au sein de toutes les facultésde médecine.La rédaction de chaque chapitre a été confiée à un ou plusieurs spécialistes de la question traitée(spécialistes du glaucome, chirurgiens de la cataracte, rétinologues, etc…), afin d’assurer à tous lesétudiants un enseignement de la meilleure qualité possible.

Très cordialement,Les membres du Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 13/211

Page 14: Enseignement d'ophtalmologie

Avant-propos

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Page 15: Enseignement d'ophtalmologie

Objectifs d’enseignement

Objectifs d’enseignement

1 Première partie : onze modules transdisciplinaires

1.1 Module 1 : Apprentissage de l’exercice médical

8 Certificats médicaux. Décès et législation. Prélèvements d’organes et législationConnaître les principes des prélèvements de cornée.

1.2 Module 3 : Maturation et vulnérabilité

33 Suivi d’un nourrisson ; dépistage des troubles visuels.

1. Savoir le rythme des examens ophtalmologiques obligatoires,2. Dépister les signes évocateurs de malvoyance.

1.3 Module 4 : Handicap-Incapacité dépendance

49 Évaluation clinique et fonctionnelle d’un handicap moteur, cognitif ou sensoriel.

1. Connaître les différents types de malvoyance : affections acquises, affections héréditaires pé-riphériques (rétinopathie pigmentaire) et centrales (maladie de Stargardt), et leur retentisse-ment fonctionnel,

2. Connaître les principes de la rééducation orthoptique de la malvoyance, et le rôle des diffé-rents intervenant dans la prise en charge d’une malvoyance.

1.4 Module 5 : Vieillissement

58 Cataracte

1. Savoir les signes d’appel d’une cataracte,2. Connaître les étiologies et pouvoir orienter le bilan clinique et paraclinique,3. Pouvoir expliquer au patient le mécanisme de la baisse visuelle, l’évolution de l’affection non

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 15/211

Page 16: Enseignement d'ophtalmologie

Objectifs d’enseignement

traitée, les grandes lignes du traitement chirurgical, de quoi dépend la récupération d’unebonne vision, les suites et le suivi post-chirurgicaux.

60 Déficit neurosensoriel du sujet âgé : Dégénéresence maculaire liée à l’âge (DMLA)

1. Connaître l’épidémiologie de la DMLA,2. Savoir analyser le déficit visuel et le rapporter à une atteinte rétinienne,3. Connaître les principales formes cliniques de la DMLA,4. Reconnaître les situations d’urgence,5. Connaître le principe de la prise en charge et des différentes possibilités thérapeutiques et pal-

liatives,6. Savoir assister et orienter le patient ayant besoin d’une rééducation visuelle.

1.5 Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

116 Pathologies autoimmunes, 117 Lupus érythémateux disséminé, syndrôme des antiphos-pholipides, 118 Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique, 124 Sarcoïdose

1. Connaître les signes fonctionnels et d’examen des inflammations intraoculaires,2. Savoir orienter le bilan oculaire et général,3. Enumérer les principales complications des inflammations intraoculaires chroniques,4. Connaître les principes du traitement d’une inflammation intraoculaire.

119 Maladie de Horton et pseudopolyarthrite rhizomélique

1. Connaître les atteintes ophtalmologiques de la maladie de Horton,2. Connaître la prise en charge d’une complication oculaire de la maladie de Horton (bilan et

traitement).

125 Sclérose en plaques

1. Décrire les manifestations des atteintes oculaires de la SEP : NORB, paralysie oculomotrices,paralysies de fonction,

2. Connaître les principes de la prise en charge d’une NORB.

127 Transplantation d’organes

1. Connaître les principales indications de la greffe de cornée,2. Connaître le pronostic à long terme des greffes de cornée.

1.6 Module 9 : Athérosclérose, hypertension, thrombose

130 Rétinopathie hypertensive, Occlusion de l’artère centrale de la rétine, Occlusion de laveine centrale de la rétine, Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë.

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Page 17: Enseignement d'ophtalmologie

Objectifs d’enseignement

1. Connaître les facteurs de risque des pathologies vasculaires rétinienne occlusives,2. Connaître leur pathogénie et celle de leurs complications,3. Connaître les signes d’appel,4. Connaître les éléments du bilan ophtalmologique et général en présence d’une occlusion vas-

culaire rétinienne,5. Connaître les principes de la prise en charge spécialisée.

1.7 Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique

187 Anomalie de la vision d’apparition brutale

1. Enumérer les étiologies des baisses brutales de la vision :

— en cas d’œil blanc et indolore,— en cas d’œil rouge et douloureux,— en cas d’œil rouge non douloureux.

2. S’orienter vers une étiologie d’après l’interrogatoire et l’examen (en milieu non spécialisé) etévaluer le degré d’urgence de la prise en charge ophtalmologique,

3. Orienter le bilan en fonction de la topographie d’un déficit du champ visuel,4. Connaître les principaux examens complémentaires ophtalmologiques et non ophtalmolo-

giques permettant le diagnostic et le traitement,5. Expliquer au patient le pronostic et la surveillance requise selon l’étiologie.

201 Évaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatismeoculaire

212 Œil rouge et/ou douloureux

1. Connaître les gestes à ne pas faire,2. Enumérer les étiologies de l’œil rouge :

— douloureux avec baisse de la vision,— douloureux sans baisse de la vision,— non douloureux avec baisse de la vision,— non douloureux sans baisse de la vision.

3. S’orienter vers une étiologie d’après l’interrogatoire et l’examen non spécialisé,4. Evaluer le degré d’urgence de la prise en charge ophtalmologique,5. Connaître les principaux examens complémentaires ophtalmologiques et non ophtalmolo-

giques permettant le diagnostic et le traitement,6. Expliquer au patient le pronostic et la surveillance requise selon l’étiologie.

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 17/211

Page 18: Enseignement d'ophtalmologie

Objectifs d’enseignement

2 Deuxième partie : maladies et grands syndromes

2.1 233 Diabète : rétinopathie diabétique

1. Comprendre la physiopathologie succincte de la rétinopathie diabétique,2. Connaître l’incidence et la prévalence de la RD en fonction du type et de l’ancienneté du dia-

bète,3. Décrire les stades de la RD et ses principaux signes de gravité,4. Enumérer les complications oculaires du diabète,5. Savoir le rythme de surveillance selon la gravité de la rétinopathie et la présence de facteurs

aggravants,6. Savoir expliquer au patient les principes du traitement de la rétinopathie diabétique.

2.2 240 Glaucome chronique

1. Connaître la définition, la physiopathologie et l’épidémiologie du glaucome chronique,2. Enumérer les principales causes de glaucome chronique,3. Connaître les éléments de surveillance du glaucome et leur rythme,4. Décrire les principaux traitements médicaux et chirurgicaux du glaucome et leurs risques res-

pectifs,5. Pouvoir expliquer au patient le pronostic du glaucome chronique.

2.3 246 Hyperthyroïdie : ophtalmopathie basedowienne

1. Évoquer une exophtalmie basedowienne sur ses caractéristiques cliniques,2. Connaître les complications oculaires de l’exophtalmie,3. Connaître les principes du traitement,4. Savoir éliminer les autres causes d’exophtalmie.

2.4 271 Pathologie des paupières

1. Reconnaître un chalazion et le traiter,2. Reconnaître un orgelet et le traiter,3. Reconnaître un ectropion et connaître ses complications,4. Reconnaître un entropion et connaître ses complications,5. Savoir examiner une patient porteur d’un traumatisme palpébral,6. Connaître les signes cliniques et les principes du traitement des tumeurs des paupières.

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Page 19: Enseignement d'ophtalmologie

Objectifs d’enseignement

2.5 287 Troubles de la réfraction

1. œil myope : définition, aspects cliniques, possibilités de correction optique, complications.2. œil hypermétrope : définition, aspects cliniques, possibilités de correction optique, complica-

tions.3. œil astigmate : définition, aspects cliniques, possibilités de correction optique.4. œil presbyte : définition, aspects cliniques, possibilités de correction optique.

3 Troisième partie : orientation diagnostique devant

3.1 293 Une altération de la fonction visuelle

1. Connaitre l’anatomie de l’œil et des voies visuelles,2. Connaître la physiologie de la vision,3. Connaître les principaux appareils utilisés en ophtalmologie,4. Énumérer les principales causes de baisse d’acuité visuelle brutale et orienter le diagnostic sur

l’interrogatoire et l’examen non spécialisé :

— en cas d’œil blanc indolore,— en cas d’œil rouge douloureux.

5. Énumérer les principales causes de baisse d’acuité visuelle progressive et orienter le diagnos-tic sur l’interrogatoire et l’examen en milieu non spécialisé,

6. Décrire les principales anomalies du champ visuel selon la topographie de l’atteinte des voiesoptiques.

3.2 304 Une diplopie

1. Savoir explorer cliniquement la motilité oculaire,2. Reconnaître une paralysie du III,3. Reconnaître une paralysie du IV,4. Reconnaître une paralysie du VI,5. Enumérer les principales étiologies des diplopies.

3.3 333 Un strabisme de l’enfant

1. Connaître les signes d’appel d’un strabisme de l’enfant,

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Page 20: Enseignement d'ophtalmologie

Objectifs d’enseignement

2. Connaître les complications des strabismes,3. Comprendre les principes de traitement des strabismes et de l’amblyopie.

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Page 21: Enseignement d'ophtalmologie

Rappel anatomique. Méthodes d’examen

Chapitre 1

Rappel anatomique. Méthodes d’examen

1.1 Rappel anatomique

1.1.1 Le globe oculaire

On définit classiquement dans l’œil un contenant formé de trois « enveloppes » ou « membranes »et un contenu.

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

1.1.1.1 Contenant

Figure 1 Représentation schématique du globe oculaire

membrane externe ou coque cornéo-scléraleconstituée en arrière par une coque fibreuse de soutien, la sclère , prolongée en avant par lacornée transparente ; sur la sclère viennent s’insérer les muscles oculomoteurs ; la jonctionentre sclère et cornée est dénommée limbe sclérocornéen . La partie antérieure de la sclèreest recouverte jusqu’au limbe par la conjonctive . La sclère présente à sa partie postérieureun orifice dans lequel s’insère l’origine du nerf optique, dénommé tête du nerf optique oupapille.

membrane intermédiaire ou uvéeconstituée d’arrière en avant par :

• la choroïde , tissu essentiellement vasculaire responsable de la nutrition de l’épithé-lium pigmentaire et des couches externes de la rétine neurosensorielle,

• les corps ciliaires dont la portion antérieure est constituée par les procès ciliaires res-ponsables de la sécrétion d’humeur aqueuse et sur lesquels est insérée la zonule, liga-ment suspenseur du cristallin, et par le muscle ciliaire, dont la contraction permetl’accomodation par les changements de forme du cristallin transmis par la zonule.

• l’iris , diaphragme circulaire perforé en son centre par la pupille , dont l’orifice est depetit diamètre à la lumière vive (myosis) et de grand diamètre à l’obscurité (mydriase).Le jeu pupillaire est sous la dépendance de deux muscles : le sphincter de la pupille

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

et le dilatateur de l’iris .

membrane interne ou rétinequi s’étend à partir du nerf optique en arrière et tapisse toute la face interne de la choroïdepour se terminer en avant en formant une ligne festonnée, l’ora serrata ; la rétine est consti-tuée de deux tissus : la rétine neurosensorielle et l’épithélium pigmentaire.

• la rétine neurosensorielle est composée des premiers neurones de la voie optiquecomprenant les photorécepteurs (cônes et bâtonnets), les cellules bipolaires et les cel-lules ganglionnaires dont les axones constituent les fibres optiques qui se réunissentau niveau de la papille pour former le nerf optique . Avec le nerf optique cheminentles vaisseaux centraux de la rétine (artère centrale de la rétine et veine centrale de larétine) qui se divisent en plusieurs pédicules juste après leur émergence au niveau dela papille ; les vaisseaux rétiniens sont responsables de la nutrition des couches in-ternes de la rétine.

• l’épithélium pigmentaire constitue une couche cellulaire monostratifiée apposéecontre la face externe de la rétine neurosensorielle.

Figure 2 Représentation schématique d’une coupe histologique de rétine

La fonction principale de la rétine, la phototransduction , est assurée par les photorécep-teurs en synergie avec l’épithélium pigmentaire. Les articles externes des photorécepteursentourés par les villosités de l’épithélium pigmentaire renferment des disques contenant lepigment visuel (rhodopsine , composée d’une protéine, l’opsine, et de vitamine A ou réti-nal) qui est « blanchi » par la lumière (rupture entre l’opsine et le rétinal) : il s’ensuit unechaîne de réactions aboutissant à la libération d’un messager qui modifie la polarisation dela membrane plasmatique : ainsi naît l’influx nerveux qui va cheminer le long des voies op-tiques jusqu’au cortex occipital.La rhodopsine est resynthétisée au cours du « cycle visuel ». L’épithélium pigmentaire as-sure quant à lui le renouvellement des disques par un mécanisme de phagocytose.Il existe deux types de photorécepteurs :

— les bâtonnets sont responsables de la vision périphérique (perception du champ vi-suel) et de la vision nocturne.

— les cônes sont responsables de la vision des détails et de la vision des couleurs ; ils sont

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

principalement regroupés dans la rétine centrale, au sein d’une zone ovalaire, la ma-cula.

1.1.1.2 Contenu

Il est constitué de milieux transparents permettant le passage des rayons lumineux jusqu’à la rétine

l’humeur aqueuse,liquide transparent et fluide, remplit la chambre antérieure, délimitée par la cornée enavant et l’iris en arrière ; sécrétée en permanence par les procès ciliaires, l’humeur aqueuseest évacuée au niveau de l’angle iridocornéen à travers le trabéculum dans le canal deSchlemm qui rejoint la circulation générale ; une gêne à l’évacuation de l’humeur aqueuseprovoque une élévation de la pression intraoculaire (valeur normale : inférieure ou égale à22 mm Hg).

le cristallinest une lentille biconvexe, convergente, amarrée aux procès ciliaires par son ligament sus-penseur, la zonule ; elle est capable de se déformer par tension ou relâchement de la zonulesous l’effet de la contraction du muscle ciliaire, et de modifier ainsi son pouvoir deconvergence : ceci permet le passage de la vision de loin à la vision de près qui constituel’accomodation ; la perte du pouvoir d’accomodation du cristallin avec l’âge est respon-sable de la presbytie qui nécessite le port de verres correcteurs convergents pour la lecture.

le corps vitréest un gel transparent, entouré d’une fine membrane, la hyaloïde, qui remplit les 4/5èmes dela cavité oculaire et tapisse par sa face postérieure (hyaloïde postérieure) la face interne dela rétine.

Le globe oculaire est classiquement subdivisé en deux régions comprenant les structures précé-demment décrites :

• le segment antérieur comprend la cornée, l’iris, la chambre antérieure, l’angle iridocornéen,le cristallin et le corps ciliaire.

• le segment postérieur comprend la sclère, la choroïde, la rétine et le corps vitré.

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

1.1.2 Les voies optiques

Figure 3 Représentation schématique des voies optiques

Permettant la transmission des impressions lumineuses rétiniennes aux centres corticaux de la vi-sion, les voies optiques comprennent :

• le nerf optique, qui traverse l’orbite et pénètre dans le crâne par les trous optiques ; son ex-trémité antérieure est la papille, visible à l’examen du fond d’œil.

• au-dessus de la selle turcique, les deux nerfs optiques se réunissent pour former le chiasma

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

où se fait un croisement partiel des fibres optiques (hémi-décussation), intéressant unique-ment les fibres en provenance des hémi-rétines nasales ; les fibres issues de la partie tempo-rale de la rétine gagnent quant à elles la voie optique homolatérale.

• des angles postérieurs du chiasma partent les bandelettes optiques qui contiennent les fibresprovenant des deux hémi-rétines regardant dans la même direction. Elles contournent les pé-doncules cérébraux pour se terminer dans les corps genouillés externes, qui font saillie surla face latérale du pédoncule cérébral ;

• de là partent les radiations optiques : constitués par le troisième neurone des voies optique,elles forment une lame de substance blanche intra-cérébrale moulée sur la face externe duventricule latéral et qui gagne le cortex visuel situé sur la face interne du lobe occipital. Ellese divisent en deux faisceaux : supérieur (qui gagne la lèvre supérieure de la scissure calca-rine), et inférieur (qui gagne la lèvre inférieure de la scissure calcarine).

1.1.3 Les annexes

1.1.3.1 Le système oculomoteur

L’œil peut être mobilisé dans différentes directions grâce à six muscles striés (quatre muscles droitset deux muscles obliques), sous l’influence de l’innervation des nerfs oculomoteurs :

• le III ou nerf moteur oculaire commun innerve les muscles droit supérieur, droit médial (an-ciennement dénommé droit interne), droit inférieur et oblique inférieur (petit oblique) ; il as-sure de plus le réflexe photomoteur et l’accomodation ainsi que l’innervation du musclereleveur de la paupière supérieure.

• le IV ou nerf pathétique innerve le muscle oblique supérieur (grand oblique).• le VI ou nerf moteur oculaire externe innerve le muscle droit externe.

De plus, des centres supra-nucléaires, situés en amont des noyaux des nerfs oculomoteurs, per-mettent des mouvements synchrones des deux globes oculaires (centre de la latéralité, del’élévation, …). Ainsi, par exemple, dans le regard à droite, le centre de la latéralité assure par l’in-termédiaire des noyaux du III et du VI la mise en jeu synchrone et symétrique du muscle droit in-terne de l’œil gauche et du muscle droit externe de l’œil droit.

1.1.3.2 L’appareil de protection du globe oculaire

Il comprend :

• les paupières, formées par une charpente fibreuse rigide - le tarse - et un muscle - l’orbicu-laire, qui permet l’occlusion palpébrale sous la dépendance du nerf facial ; le clignement phy-siologique permet un étalement du film lacrymal à la surface de la cornée.

• la conjonctive qui recouvre la face interne des paupières (conjonctive palpébrale ou tarsale)et la portion antérieure du globe oculaire (conjonctive bulbaire) jusqu’au limbe sclérocor-néen.

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Page 27: Enseignement d'ophtalmologie

Rappel anatomique. Méthodes d’examen

• le film lacrymal, qui assure l’humidification permanente de la cornée ; il est sécrété par laglande lacrymale principale située de chaque côté à la partie supéro-externe de l’orbite, et pardes glandes lacrymales accessoires situées dans les paupières et la conjonctive ; il est évacuépar les voies lacrymales qui communiquent avec les fosses nasales par le canal lacrymo-nasal.Une diminution de sécrétion lacrymale par une atteinte pathologique des glandes lacrymalespeut être responsable d’un syndrome sec, mis en évidence par le test de Schirmer et le test auvert de lissamine (voir « Œil rouge et/ou douloureux - 212 » page 121) ; une obstruction desvoies lacrymales peut entraîner l’apparition d’un larmoiement.

Figure 4 Paupières et conjonctive

Figure 5 Glande et voies lacrymales

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Page 28: Enseignement d'ophtalmologie

Rappel anatomique. Méthodes d’examen

1.2 L’examen du malade en ophtalmologie

1.2.1 Examen systématique d’un consultant en ophtalmologie

1.2.1.1 Interrogatoire

Il a pour but essentiel de préciser le trouble visuel :

• le plus souvent, baisse d’acuité visuelle qui intéresse la vision de loin et/ou la vision de près• sensation de « fatigue visuelle »• mouches volantes : myodésopsies• éclairs lumineux : phosphènes• vision double : diplopie , qui peut être monoculaire ou binoculaire• déformation des lignes droites qui apparaissent ondulée : métamorphopsies• gêne en vision crépusculaire : héméralopie• douleurs : superficielles , à type de brûlure ou de sensation de corps étranger, elles évoquent

une atteinte cornéenne ou conjonctivale ; profondes , ± associées à des douleurs irradiées dansle territoire du trijumeau, elles évoquent plus une uvéite antérieure ou un glaucome.

1.2.1.2 Mesure de l’acuité visuelle

(Voir chapitre « Troubles de la réfraction - 287 » page 169).La mesure de l’acuité visuelle, qui est couplée à une étude de la réfraction, est réalisée à deux dis-tances d’observation :

• de loin , où l’échelle de lecture est placée à cinq mètres, l’acuité étant chiffrée en 10èmes :l’échelle la plus utilisée est l’échelle de Monoyer utilisant des lettres de taille décroissante per-mettant de chiffrer l’acuité visuelle de 1/10ème à 10/10èmes.

• de près où l’échelle de lecture, qui comporte des caractères d’imprimerie de tailles diffé-rentes, est placée à 33 cm. L’échelle la plus utilisée est l’échelle de Parinaud, qui est constituéd’un texte dont les paragraphes sont écrits avec des caractères de taille décroissantes ; l’acuitévisuelle de près est ainsi chiffrée de Parinaud 14 (P 14) à Parinaud 1,5 (P 1,5), la vision deprès normale correspondant à P2.

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

Figure 6 Echelle d’acuité visuelle de loin de type Monoyer

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

Figure 7 Echelle d’acuité visuelle de près de Parinaud

L’acuité visuelle doit toujours être mesurée sans correction, puis avec correction optique éven-tuelle d’un trouble de la réfraction ou amétropie :

• lorsque la meilleure acuité visuelle est obtenue sans correction optique, le sujet estemmétrope : il existe une concordance entre le pouvoir convergent des milieux transparents(cornée, humeur aqueuse, cristallin et vitré) et la longueur du globe oculaire, de telle façonque les rayons lumineux convergent sur la rétine permettant la perception d’une image nette.

• dans le cas contraire, le sujet est amétrope et l’obtention de la meilleure acuité visuelle néces-site le port d’une correction optique par des verres convergents ou divergents dont la puis-sance est chiffrée en dioptries :

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

— dans la myopie , le globe oculaire est trop long par rapport au pouvoir de convergence desmilieux transparents : les rayons lumineux convergent en avant du plan rétinien ; la res-titution d’une image nette nécessite le port de verres correcteurs concaves, divergents(ex : myopie de -3 dioptries OD, -2 dioptries OG).

— dans l’hypermétropie , le globe oculaire est au contraire trop court et les rayons lumineuxconvergent en arrière du plan rétinien ; la restitution d’une image nette nécessite le portde verres correcteurs convexes, convergents (ex : hypermétropie de +4 dioptries ODG).

— dans l’astigmatisme, il existe une anomalie de sphéricité de la cornée, de telle sorte queles rayons lumineux arrivant dans un certain axe vont converger en arrière du plan réti-nien et les rayons lumineux arrivant dans un autre axe vont converger en avant du planrétinien ; la restitution d’une image nette nécessite le port de verres correcteurs cylin-driques, dont la puissance varie suivant les axes (ex : astigmatisme de +1,50 dioptries à90°).

— dans la presbytie , qui apparaît vers 45 ans, la perte du pouvoir d’accomodation du cris-tallin nécessite en vision de près le port de verres convexes (exemples : acuité visuellede loin = 10/10èmes ODG sans correction, acuité visuelle de près = P2 ODG avec +2,50 ;acuité visuelle de loin = 10/10èmes ODG avec -2, acuité visuelle de près = P2 ODG avecaddition +3).

Il peut y avoir, selon les atteintes oculaires, discordance entre l’acuité visuelle de loin et celle deprès (exemple le plus fréquent : cataracte nucléaire qui pendant une longue durée d’évolution en-traîne une baisse d’acuité visuelle de loin avec une acuité visuelle de près conservée).

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

Figure 8 Représentation schématique du trajet des rayons lumineux chez un sujet emmétrope, chez un sujet myope et chez un sujet hypermétrope avant et après correction

optique

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

Figure 9 Représentation schématique du trajet des rayons lumineux chez un sujet astigmate et chez un sujet presbyte avant et après correction optique

1.2.1.3 Examen du segment antérieur

examen au biomicroscopeLe biomicroscope (ou lampe à fente) est un microscope binoculaire présentant plusieurs

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

grossissements, et permettant de voir avec détail les différents éléments du segmentantérieur ; son système d’éclairage particulier est constitué par une fente lumineuse dont ladimension et surtout l’orientation sont variables, permettant d’effectuer une coupe optiquedes différentes structures du segment antérieur.Un examen en lumière bleue après instillation d’un collyre à la fluorescéine permet enoutre d’apprécier l’intégrité de l’épithélium cornéen : toute ulcération épithéliale est colo-rée par la fluorescéine qui apparaît alors en vert.

mesure de la pression intraoculaire (PIO) ou tonus oculaire (TO)Elle est réalisée à l’aide d’un tonomètre à aplanation dont le principe est de déterminer letonus oculaire en appliquant une dépression sur la cornée. Le tonomètre en forme de troncde cône est installé sur le biomicroscope.De plus en plus couramment est réalisée une mesure de la PIO par tonomètre à air pulsé .Le tonus oculaire peut être également apprécié par la palpation bidigitale : elle ne donnecependant qu’une approximation et n’a en pratique de valeur qu’en cas d’élévation très im-portante du tonus oculaire, principalement lors de glaucome aigu par fermeture de l’angle.La prise du tonus oculaire est parfois associée à l’observation de l’angle irido-cornéen ougonioscopie qui est réalisée à l’aide d’un verre de contact comportant un miroir permettantd’apprécier les différents éléments de l’angle irido-cornéen et ainsi son degré d’ouverture(cf. chapitre « Glaucome chronique - 240 » page 143).

1.2.1.4 Examen du fond d’œil

méthodes d’explorationOn dispose de plusieurs techniques qui sont complémentaires :

• l’ophtalmoscopie directe à l’ophtalmoscope à image droite : c’est l’ophtalmoscopiede débrouillage, simple, maniable, mais qui ne donne qu’un champ d’observation ré-duit et qui ne permet pas une vision du relief. Peu utilisée par l’ophtalmologiste, elleest plutôt la méthode d’examen du médecin interniste.

• l’ophtalmoscopie indirecte ou ophtalmoscopie à image inversée : son principe estd’interposer entre la source lumineuse et l’œil du patient une lentille convergente puis-sante formant une image inversée de la rétine du patient. L’ophtalmoscopie à imageinversée est réalisée à l’aide d’une lentille tenue à la main par l’examinateur, en utili-sant comme source lumineuse un ophtalmoscope binoculaire fixé sur le front. Cettetechnique permet la vision du relief et un champ d’observation étendu.

• la biomicroscopie du fond d’œil : elle consiste à examiner le fond d’œil à l’aide de lalampe à fente en utilisant une lentille ou un verre de contact d’examen comme le verreà trois miroirs (verre de Goldmann).Cette technique permet une analyse très fine des détails du fond d’œil.

aspect du fond d’œil normal

• examen du pôle postérieurIl comprend trois éléments fondamentaux : la papille, les vaisseaux rétiniens et la ma-cula.La papille , qui correspond à la réunion des fibres optiques, est un disque clair à bords

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

nets, présentant une excavation physiologique au fond de laquelle apparaissent l’ar-tère et la veine centrales de la rétine .Ces vaisseaux vont se diviser pour vasculariser la surface rétinienne. Les branches vei-neuses sont plus sombres, plus larges et plus sinueuses que les branches artériellesdont elles suivent grossièrement le trajet.Située à proximité et en dehors de la papille se trouve la macula (= fovéa), région trèsriche en cônes, permettant la vision des détails ; c’est une zone ovalaire dont la tailleest sensiblement celle de la papille. Elle est centrée par une zone avasculaire ne conte-nant que des cônes, zone essentielle permettant la vision des détails, apparaissant plussombre, de 400 microns de diamètre, la fovéola .

• examen de la rétine périphérique (partie la plus antérieure de la rétine)Il n’est réalisé que dans des circonstances particulières, telles que la suspicion d’un dé-collement de rétine ou la recherche de lésions favorisant sa survenue ; la périphérie ré-tinienne ne peut être examinée que par l’ophtalmoscopie indirecte ou labiomicroscopie.

Figure 10 Vue générale

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

Figure 11 Pôle postérieur

1.2.2 Examens complémentaires

Dans certaines circonstances, l’ophtalmologiste aura recours à des explorations plus approfondies :

1.2.2.1 Etude des fonctions visuelles

champ visuelLe champ visuel est la portion de l’espace embrassé par l’œil regardant droit devant lui etimmobile.L’examen du champ visuel (ou périmétrie) étudie la sensibilité à la lumière à l’intérieur decet espace en appréciant la perception par le sujet examiné de tests lumineux d’intensité etde taille variables.

— le nombre de photorécepteurs décroît de la macula vers la périphérie rétinienne : ainsi,la sensibilité lumineuse décroît progressivement du centre vers la périphérie.

— la papille, formée par la réunion des fibres optiques, ne contient pas dephotorécepteurs : c’est donc une zone aveugle (scotome physiologiquement non per-çu).

On distingue deux principales méthodes d’examen du champ visuel :

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Page 37: Enseignement d'ophtalmologie

Rappel anatomique. Méthodes d’examen

• périmétrie cinétique : elle est réalisée à l’aide de l’appareil de Goldmann ; on pro-jette sur une coupole un point lumineux de taille et d’intensité lumineuse données eton déplace ce point de la périphérie vers le centre jusqu’à qu’il soit perçu par lepatient ; cette manœuvre est répétée sur différents méridiens sur 360°.En répétant cet examen avec des tests de taille et d’intensité lumineuse décroissantes,on peut ainsi tracer des lignes grossièrement concentriques, ou isoptères, correspon-dant à des zones de sensibilité lumineuse différentes.L’examen est réalisé pour chacun des deux yeux séparément, avec correction optiqueen cas de trouble de la réfraction.L’examen du champ visuel normal permet ainsi d’obtenir deux tracés symétriquespour l’œil droit et l’œil gauche, formés suivant la réalisation de l’examen de trois ouquatre isoptères concentriques ; les limites du champ visuel ne sont pas strictementcirculaires : elles présentent un aplatissement dans le secteur supérieur, correspondantau relief de l’arcade sourcillière, et une encoche nasale inférieure, correspondant aurelief du nez. Au sein de ce tracé, on retrouve une zone aveugle correspondant à la pa-pille (tache aveugle ou tache de Mariotte).

• périmétrie statique : dans cette méthode, on présente un test lumineux fixe, dont onaugmente l’intensité jusqu’à qu’il soit perçu par le sujet. C’est une méthode d’examenplus précise, mais plus longue ; c’est la méthode de choix dans le dépistage et la sur-veillance du glaucome chronique . De plus en plus couramment à l’heure actuelle,l’examen du champ visuel est réalisé à l’aide d’appareils automatisés en périmétriestatique (périmétrie statique automatisée).

Figure 12 Champ visuel normal (périmétrie cylindrique)

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

Figure 13 Champ visuel normal en périmétrie statique automatisée explorant les 30° centraux

vision des couleursEn pratique, il est utile d’effectuer un bilan de la vision des couleurs à la recherche d’unedyschromatopsie dans deux circonstances différentes :

• pour dépister une anomalie congénitale , comme par exemple le daltonisme. On utilisealors des planches colorées (tables pseudo-isochromatiques dont la plus connue estcelle d’Ishihara) dont le motif et le fond, constitués de couleurs complémentaires, sontindiscernables pour un sujet atteint de dyschromatopsie congénitale : ainsi, un sujetdaltonien ne verra pas les dessins de planches dont le motif et le fond sont constituésde vert et de rouge.

• en présence d’une affection oculaire acquise , on utilise habituellement le test deFarnsworth où on demande au patient de classer des pastilles colorées ; les dyschro-matopsies acquises se traduisent habituellement par une vision altérée et une confu-sion de deux couleurs complémentaires : bleu et jaune (dans certaines affectionsrétiniennes) ou rouge et vert (au cours des neuropathies optiques). L’étude de la visiondes couleurs est ainsi une aide au diagnostic de certaines affections rétiniennes et desneuropathies optiques ; elle est aussi un élément essentiel de la surveillance des trai-tements susceptibles de provoquer une rétinopathie (antipaludéens de synthèse) ouune neuropathie optique médicamenteuse (principalement antituberculeux : Ethambu-tol et Isoniazide).

1.2.2.2 Angiographie du fond d’œil

C’est l’observation du fond d’œil après injection intraveineuse d’un colorant fluorescent qui estsuivant les indications soit, comme c’est le plus couramment le cas, de la fluoroscéine, soit du vertd’indocyanine.Après injection de fluorescéine , des clichés photographiques en série à l’aide d’un filtre bleu per-

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

mettront d’en visualiser le passage dans les vaisseaux rétiniens artériels puis veineux. L’angiogra-phie fluorescéinique réalise ainsi une étude dynamique de la vascularisation rétinienne.L’injection de vert d’indocyanine permet essentiellement de visualiser des vaisseaux choroïdienspathologiques (vascularisation d’un angiome de la choroïde, mais surtout néovaisseaux choroï-diens au cours de la dégénérescence maculaire liée à l’âge [DMLA])

1.2.2.3 Exploration electrophysiologique

électrorétinogrammeL’électrorétinogramme ou ERG est l’enregistrement du potentiel d’action rétinien secon-daire à une stimulation lumineuse de la rétine à l’aide d’une électrode cornéenne. L’ERGtraduit une réponse globale de la rétine et n’est altéré qu’en cas de lésions rétinennesétendues : ainsi, une atteinte maculaire responsable d’une baisse d’acuité visuelle sévèrepeut s’accompagner d’un ERG normal. Il sagit donc d’un examen peu sensible qui a desindications limitées.

potentiels évoqués visuelsLes potentiels évoqués visuels ou PEV représentent les potentiels d’action naissant au ni-veau du cortex occipital à la suite d’une stimulation lumineuse de la rétine : ils explorentdonc les voies optiques dans leur globalité, de la cellule ganglionnaire au cortex occipital ;ils sont un apport au diagnostic des neuropathies optiques et sont particulièrement intéres-sants dans la sclérose en plaques au cours de laquelle ils peuvent en effet être altérés en de-hors de toute neuropathie optique cliniquement décelable.

1.2.2.4 Echographie

Cet examen peut se faire selon deux modes différents :

• en mode A , dont le principal intérêt est d’apprécier la longueur du globe oculaire (en particu-lier pour déterminer la puissance de l’implant lors de chirurgie de la cataracte).

• en mode B , dont l’indication essentielle est de dépister un éventuel décollement de la rétinelors de trouble des milieux oculaires (cataracte ou hémorragie du vitré), ou encore pour loca-liser un corps étranger intraoculaire ou aider au diagnostic d’une tumeur intraoculaire ou in-traorbitaire.

1.2.2.5 Tomographie en cohérence optique (Optical Coherence Tomography = OCT)

Il s’agit d’une méthode d’examen récente qui permet d’obtenir des « coupes » de la rétine d’uneprécision nettement supérieure à celle de l’échographie. Sa principale application est l’étude desaffections maculaires.

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Rappel anatomique. Méthodes d’examen

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Prélèvement de cornée à but thérapeutique - 8

Chapitre 2

Prélèvement de cornée à but thérapeutique - 8

Avec les lois de bioéthique du 29 juillet 1994 et décrets subséquents, la France s’est dotée d’unelégislation très précise en matière de greffe de la cornée imposant un cadre très rigoureux ayantpour objectifs majeurs le respect de la personne décédée, la transparence de cette activité et unesécurité sanitaire avec traçabilité des prélèvements.

2.1 Aspects législatifs

Ce sont ceux de tous les prélèvements d’organes et de tissus avec quelques particularités propresaux prélèvements de cornée.

2.1.1 Établissements autorisés

Le décret 97-306 du 1er avril 1997 définit les conditions des établissements de santé effectuant desprélèvements d’organes et de tissus à des fins thérapeutiques. Pour la cornée, ce sont les articlesR. 672-7 à R672-11 qui s’appliquent. Sous réserve de remplir des conditions techniques, sanitaireset médicales, cette autorisation est délivrée pour 5 ans par le Directeur de l’Agence Régionale del’Hospitalisation, après avis du Directeur Général de l’Etablissement Français des Greffes.L’établissement de santé doit justifier d’une organisation et de conditions de fonctionnement per-mettant d’exécuter dans de bonnes conditions les modalités du prélèvement. Il faut en outre un mé-decin coordinateur des activités de prélèvement aidé par un ou des coordinateurs infirmièr(e)s.Les locaux mis à disposition doivent permettre d’exécuter ces prélèvements dans de bonnes condi-tions. L’accueil des familles doit se faire dans un local adapté. Des moyens matériels doivent êtrealloués pour effectuer une restauration décente du corps.

Ce qu’il faut savoir— Connaître les principes des prélèvements de cornée

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Prélèvement de cornée à but thérapeutique - 8

2.1.2 Le médecin préleveur

Le prélèvement est effectué par un médecin préleveur qui engage sa responsabilité et qui doit êtreaccessible en service normal et hors service normal. Il devra :

— vérifier la réalisation réglementaire du constat de mort ; le médecin préleveur ne peut appar-tenir à l’unité fonctionnelle ayant effectué le constat de mort (art. L.671-10) ;

— vérifier le dossier médical du donneur ;— veiller au respect du cadre légal et réglementaire du prélèvement ;— effectuer un prélèvement de sang pour rechercher les marqueurs biologiques des maladies in-

fectieuses transmissibles suivantes : VIH 1 & 2, HTLV 1, virus de l’hépatite B, virus de l’hé-patite C et la syphilis (décret n°97-928 du 9 octobre 1997). Il est recommandé de conserverun tube de sang dans une sérothèque ;

— effectuer le prélèvement selon les règles d’une asepsie chirurgicale ;— veiller à ce que la restauration tégumentaire soit respectée ;— remplir une fiche médicale du donneur ;— veiller à la conformité du conditionnement du greffon et à sa transmission au centre de conser-

vation autorisé.— réaliser le prélèvement dans les meilleurs délais avant la 6ème heure. Le délai moyen de pré-

lèvement post-mortem se situe entre la 11ème et la 12ème heure. Cependant, un prélèvementpeut être réalisé jusqu’à la 20ème heure si le corps a été placé rapidement après le décès enchambre froide à +4°C.

2.1.3 Dispositions légales particulières à la greffe de cornée

L’équipe de greffe de la cornée n’est pas soumise à autorisation et tout établissement de santé peuten fonction des compétences matérielles et humaines requises, exercer une activité de greffe decornée. Elle doit cependant respecter la réglementation en vigueur avec l’inscription des patientssur la liste nationale d’attente, application des mesures de sécurité microbiologique et de traçabili-té.Le patient en attente d’une greffe de cornée est directement concerné par les textes législatifs : l’ar-ticle L.673-8 du Code de Santé Publique précise que « seules peuvent bénéficier d’une greffe…..de cornée ……les personnes, quel que soit leur lieu de résidence, qui sont inscrites sur une listenationale en cours d’élaboration ». L’EGF est chargé de l’enregistrement, de l’inscription des pa-tients sur la liste d’attente.

2.2 Sélection des donneurs

Le succès de la greffe de cornée humaine a été démontré depuis la première opération réalisée parZirm en 1906. Les techniques chirurgicales ont largement bénéficié de l’introduction du micros-cope opératoire ; l’utilisation de stéroïdes et plus récemment de collyres à la cyclosporine a permis

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Prélèvement de cornée à but thérapeutique - 8

de réduire le nombre de rejet immunitaire et de traiter les réactions de rejet. La qualité du greffoncornéen doit être le souci constant et n’a cessé de s’améliorer. La sélection du donneur est faitepour plusieurs raisons :

— la première est celle de protéger le receveur contre une éventuelle transmission d’une maladieinfectieuse. Ce sont principalement les infections d’origine virale telles que les hépatites,VIH, Herpès, rage.

— une autre raison d’effectuer une sélection des donneurs est de prévenir une éventuelle trans-mission par une maladie d’origine inconnue ou par les prions comme le Creutzfeldt-Jakob.

2.2.1 Sélection des donneurs selon l’Association Européenne des Banques d’Yeux

La sélection des donneurs est un temps très important dans la collecte de greffons cornéens. Noussuivons les recommandations émises à Leiden, janvier 1990 émanant de l’Association Euro-péenne des Banques d’Yeux (European Eye Bank Association, EEBA, 9th Edition, 2001).

2.2.1.1 Les contre-indications locales

Les affections oculaires contre-indiquent naturellement le prélèvement. Elles sont indispensablesà écarter avant d’engager les démarches administratives :

— dystrophies ou maladies cornéennes (kératocône, kératoglobus ou pterygium envahissantl’aire centrale optique)

— preuves d’une action chirurgicale sur le segment antérieur (kératotomie radiaire, kératomileu-sis, rotation de cornée, épikératoplastie, trabéculectomie, cataracte, autokératoplastie)

— signes d’uvéite ou de conjonctivite— tumeurs du segment antérieur— rétinoblastome

A cette liste, nous rajoutons le mélanome choroïdien : lorsqu’il est en position antérieure, un enva-hissementdu trabéculum par la chambre antérieure est possible avec accolement à l’endothélium de mélano-cytes tumoraux.Par contre, l’arc sénile ou gérontoxon n’est pas une contre-indication au prélèvement.

2.2.1.2 Pathologies pour lesquelles la manipulation des tissus est dangereuse

— Hépatite virale aiguë— SIDA ou VIH positif— Encéphalite virale aiguë ou encéphalite d’étiologie inconnue— Maladie de Creutzfeldt-Jakob— Rage

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Prélèvement de cornée à but thérapeutique - 8

— Herpès

2.2.1.3 Pathologies pour lesquelles le risque de transmission du donneur au receveur est connu ou suspecté

— Décès d’une pathologie du système nerveux central dont l’étiopathogénie est inconnue ou malconnue (sclérose en plaque, sclérose latérale amyotrophique, maladie d’Alzheimer)

— Maladie de Creutzfeldt-Jakob— Encéphalite sclérosante subaiguë— Rubéole congénitale— Syndrome de Reye— Patient décédé d’une septicémie, lorsque la cornée est conservée à +4°C.— Hépatite virale aiguë— Rage— Leucémie aiguë— Lymphome disséminé aigu— SIDA— Donneur à haut risque de contamination par le virus VIH homosexuel, bisexuel, connu ou sus-

pecté, prostituée, hémophile, enfant de mère contaminée, antécédents de contacts sexuelsavec un groupe à haut risque, syphilitique, utilisation connue ou suspectée, passée ou présentede drogues intraveineuses.

— Sérologie HIV positif— Sérologie hépatite B positive— Sérologie hépatite C positive [Le médecin responsable de l’intervention est tenu de prendre

connaissance des résultats de la détection des marqueurs biologiques de l’hépatite C (décretn°92-174 du 25/02/ 92)].

— Donneurs traités par l’hormone de croissance (pit HGH) pendant les années 1963 à 1985.— Jaunisse d’étiologie inconnue— Réanimation respiratoire prolongée

2.2.1.4 Pathologies pour lesquelles les contre-indications sont relatives

— Maladie de Parkinson— Immuno-supression chronique— [Sérologie syphilis positive]— Cachexie— Anorexie— Antécédent de chirurgie oculaire— Patients qui sont décédés de septicémie, lorsque les cornées sont conservées à +31°C

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Prélèvement de cornée à but thérapeutique - 8

2.2.2 Remarques

2.2.2.1 Transmission par la greffe de cornée d’un SIDA

La sérologie HIV1 et 2 de chaque donneur est obligatoire et pratiquée en France selon deux testsdifférents, soit deux tests ELISA (enzyme-linked immuno sorbent assay) soit un test ELISA et untest unitaire rapide. La sensibilité de ces tests s’avère très bonne puisqu’ils permettent de détecterdes titres très faibles d’anticorps correspondant à un début de séroconversion. Cependant, leur spé-cificité de l’ordre de 0,1 %à 0,3 % impose l’utilisation de tests de confirmation pour affirmer undiagnostic positif. A ce jour, aucun cas de transmission d’un SIDA par greffe de cornée n’a été rap-porté à ce jour.

2.2.2.2 Transmission par la greffe de cornée d’une maladie de Creutzfeldt-Jakob

A ce jour, trois cas dont deux hautement probables de transmission de maladie de Creutzfeldt-Ja-kob (MCJ) par greffe de cornée ont été rapportés. Une encéphalopathie spongiforme a pu être dé-tectée dans les lobes frontal et occipital et dans la substance grise de l’insula et du noyau caudé parl’autopsie pratiquée chez un des donneurs.Selon l’art. R. 665-80-2 du décret n°97-928 du 9 octobre 1997, « aucun prélèvement ne peut êtreréalisé sur une personne si des critères cliniques ou des antécédents révèlent un risque potentiel detransmission par celle-ci de la maladie de Creutzfeld-Jakob ou d’autre encéphalopathies subaiguësspongiformes transmissibles ».

2.3 Prélèvement thérapeutique des cornées par excision in situ

La technique de prélèvement de cornée in situ encore appelé excision in situ de la cornée permetd’obtenir dans des conditions optimales de sécurité sanitaire, une cornée du donneur avec sa col-lerette sclérale (Brightbill, 1986). Elle permet sa mise en conservation immédiate. Le globe ocu-laire n’étant pas enlevé, elle permet de respecter une restitution anatomique ad integrum, ce qui estun gage d’une meilleure acceptation par les familles des donneurs.Il faut souligner que le prélèvement in situ des cornées est la seule méthode autorisée au déposi-toire. Par contre, l’énucléation du globe oculaire reste possible dans le cadre d’un prélèvement mul-ti-organe et elle ne peut s’effectuer qu’au bloc des urgences.Avant de procéder au prélèvement, le médecin préleveur doit procéder à un certain nombre de vé-rifications légales qui ont été rappelées dans le paragraphe « Le médecin préleveur ».Il doit en outre s’assurer que le corps présenté soit celui du donneur. Il doit vérifier à l’aide d’unelampe stylo l’état des cornées du donneur et effectuer une inspection générale du corps du donneur.Il doit prendre connaissance du dossier médical du donneur.

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Prélèvement de cornée à but thérapeutique - 8

Il doit effectuer un prélèvement de sang en post-mortem par voie sous-clavière en vue des sérolo-gies virales (geste qui n’est pas toujours de réalisation facile).Il doit vérifier la conformité des formulaires d’autorisation : local et celui transmis par l’E.F.G.concernant la non-opposition de ce sujet au prélèvement (registre national informatisé des refus).Il doit s’assurer que les dates de péremption concernant la stérilité du matériel utilisé ne sont pasdépassés.La mise en décongélation des milieux de conservation à +31°C au bain marie doit être effectuéeenviron une demi-heure avant le prélèvement.Le prélèvement se fait dans un local propre dans des conditions chirurgicales. Il est assuré par lemédecin préleveur aidé d’une infirmière de la coordination hospitalière.La restauration tégumentaire est assurée par le recouvrement de l’œil par une prothèse en plastiquehémisphérique creuse et transparente que l’on peut retailler aux dimensions voulues à l’aide d’unepaire de ciseaux. Cette prothèse est munie d’aspérités ce qui permet une bonne adhérence aux pau-pières. Le galbe de l’œil est ainsi respecté. Elle permet de restituer en cas d’ouverture des paupièrel’aspect du segment antérieur avec respect de la couleur de l’iris.Les avantages de cette technique de prélèvement in situ de la cornée sont la fiabilité, la rapidité etla simplicité d’exécution, mais elle demande de la minutie pour éviter tout contact au niveau del’endothélium cornéen dont la vitalité est essentielle pour la réussite de la greffe. Elle évite une énu-cléation porteuse de préjugés psychologiques qui n’ont pas la faveur des familles et elle autoriseune meilleure restauration anatomique puisque l’iris reste en place. Elle supprime le délai entrel’énucléation et la mise en conservation évitant toute manipulation supplémentaire avec un risquetoujours possible de contamination. Elle permet de faire une économie de temps de travail et ellediminue notablement le coût global. Par contre, la décontamination qui est un temps important etincontournable est mieux assurée dans la technique de l’énucléation.Au total, la technique d’excision in situ de la cornée est la technique de choix, car elle contribue àavoir un accueil favorable non seulement de la part des équipes de prélèvement mais surtout de lapart des familles qui acceptent plus facilement le don de cornée que le don d’yeux.

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Suivi d’un nourrisson : dépistage des troubles visuels chez l’enfant - 33

Chapitre 3

Suivi d’un nourrisson : dépistage des troubles visuels chez l’enfant - 33

3.1 Introduction

Les déficits visuels du jeune enfant peuvent être séparés en :

1. déficits légers qui sont les plus nombreux et comprennent les amétropies ou troublesde la réfraction ( myopie, hypermétropie, astigmatisme) et le strabisme,

2. déficits lourds beaucoup plus rares comprenant les pathologies des milieux transpa-rents de l’œil (traumatisme grave, cataracte congénitale, glaucome congénital, patho-logie vitréenne), les malformations oculaires, les rétinopathies et les atteintesneurologiques centrales.

S’ils ne sont pas dépistés et traités à temps, certaines amétropies et le strabisme peuvent êtreà l’origine d’une amblyopie, diminution uni- ou bilatérale de l’acuité visuelle.On estime à 15 à 20 % le nombre des enfants de moins de 6 ans atteints d’une anomalievisuelle (environ 1 enfant sur 6), soit 135000 enfants par tranche d’âge en France, ce quireprésente 800000 enfants qui devraient être suivis par un ophtalmologiste.

Quatre pour cent des enfants présentent un strabismeLa moitié d’entre eux risquent de développer une amblyopie s’ils ne sont pas traités rapi-dement.Un pour mille est amblyope bilatéral et mérite une prise en charge très spécifique (700 en-fants par tranche d’âge).

Ce qu’il faut savoir1. Savoir le rythme des examens opthalmologiques obligatoires.2. Dépister les signes évocateurs de malvoyance.

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Suivi d’un nourrisson : dépistage des troubles visuels chez l’enfant - 33

Le dépistage visuel des enfants est donc un problème de santé publiqueSeul le dépistage systématique et la coopération intensive des parents, du pédiatre, del’ophtalmologiste et de l’orthoptiste permettront de déceler le trouble visuel, de le prendreen charge, de le traiter et d’assurer le suivi de ces enfants au cours des premières années devie, période essentielle pour le développement des fonctions visuelles. En effet, tout se joueavant l’âge de 3 ans et le développement de la fonction visuelle se fait dans les premiersmois et les premières années de vie.

3.2 Rappel sur le développement de la vision de l’enfant

Au cours des premières semaines, les réflexes à la lumière témoignent de la sensibilité visuelle.Le réflexe photo-moteur est présent dès la naissance mais lent et de faible amplitude.Entre 2 et 4 semaines, apparition du réflexe de poursuite.Entre 4 et 12 semaines, réflexe de fusion et de coordination binoculaireA 3 mois, l’enfant est attiré par une forme structurée se détachant d’un fond uniforme (principe deregard préférentiel). Il apparaît le réflexe de convergence et le réflexe de fixation sur un objet fixe.Entre 4 et 5 mois, l’enfant regarde et coordonne ce qu’il voit et ce qu’il prend. La coordinationœil - tête - main apparaît.A partir de l’âge de 2 ans ou 2 ans et demi, l’appréciation de l’acuité visuelle est possible grâceà des méthodes d’examen adaptés à cet âge (tests images par la méthode d’appariement, en visionde près et de loin).

3.3 Les différents examens ophtalmologiques obligatoires

Actuellement, un premier dépistage anténatal est effectué par échographie en cours de grossesse.Sont ensuite obligatoires chez l’enfant d’âge pré-verbal :

— un examen au 8ème jour recherchant essentiellement une anomalie organique,— un examen au 4ème mois,— un examen au 9ème mois,— et chez l’enfant d’âge pré-scolaire au 24ème mois.

Au cours de ces différents examens, la recherche d’un strabisme et d’un nystagmus, d’uneanomalie organique ou d’un trouble du comportement visuel est effectuée.

— Enfin, en âge scolaire, un bilan ophtalmologique est pratiqué à l’âge de 6 ans avant l’entréeau CP.

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Suivi d’un nourrisson : dépistage des troubles visuels chez l’enfant - 33

3.4 Dépistage des signes évocateurs de malvoyance

Devront alarmer :

— une errance du regard,— une incoordination oculaire,— un strabisme,— un nystagmus,— une pupille blanche (leucocorie),— une anomalie de taille de la cornée (microphtalmie, mégalocornée du glaucome

congénital),— une malformation palpébrale.

Pourront ainsi être dépistés :

— les malformations : microphtalmies, anophtalmies, colobome de l’iris et/ou colobomechoroio-rétinien, aniridie (absence congénitale de l’iris, qui peut s’associer à une tu-meur de type néphroblastome ou gonadoblastome d’où l’indication d’une échographieabdominale systématique),

— les infections maternelles transmises au fœtus soit de façon transplacentaire soit lorsdu passage par la filière génitale.

— le glaucome congénital : affection rare mais grave (d’autant plus grave qu’elle est plusprécoce), bilatérale dans 85 % des cas et le plus souvent héréditaire. Il conviendra d’ypenser devant une mégalocornée (augmentation du diamètre cornéen), un larmoie-ment, une cornée trouble, un blépharospasme.

— les cataractes congénitales uni- ou bilatérales (se traduisent à l’examen par une pu-pille blanche = leucocorie).

— une leucocorie peut être également la traduction d’un rétinoblastome dont le pronosticest vital en raison du risque d’extension de la tumeur vers le nerf optique.

— la maladie des enfants secoués ou battus et ses hémorragies rétiniennes.

L’indifférence visuelle ou désintérêtpeut correspondre à un simple retard de maturation ou à une cécité congénitale organique :hérédo-dégénérescence rétinienne ou atrophie optique congénitale.

Enfin, un strabisme apparemment banalpeut-être le signe d’une tumeur intra-crânienne.

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Suivi d’un nourrisson : dépistage des troubles visuels chez l’enfant - 33

3.5 Les points forts

Les points forts• Quinze à vingt pour cent des enfants de moins de six ans présentent une anomalie

visuelle.• L’examen du fond d’œil (recherche d’une cause d’amblyopie organique) et de

l’équilibre oculo-moteur font partie de tout examen ophtalmologique du bébé et du jeune enfant.

• Seul de dépistage des troubles visuels de l’enfant, notamment amétropies et stra-bisme, permet de diminuer le risque d’amblyopie.

• L’idéal est de dépister entre 9 et 12 mois les troubles de la réfraction, le strabisme et de diagnostiquer l’amblyopie par un examen de la réfraction après cycloplégie (voir chapitre « Troubles de la réfraction - 287 » page 169) et une étude du fond d’œil.

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Cataracte - 58

Chapitre 4

Cataracte - 58

La cataracte est l’opacification de tout ou partie du cristallin ; c’est une pathologie très fréquente(150.000 à 200.000 interventions chirurgicales de cataracte sont pratiquées chaque année enFrance) et en augmentation constante dans les pays industrialisés du fait de l’allongement de l’es-pérance de vie. C’est une des plus grandes réussites de la chirurgie oculaire pouvant restituer unefonction visuelle quasi normale.

4.1 Diagnostic

4.1.1 Diagnostic positif

4.1.1.1 Il se pose devant divers signes subjectifs

• la baisse d’acuité visuelle est le signe essentiel. Elle est progressive et prédomine souvent envision de loin, avec une acuité visuelle de près conservée, notamment dans les cataractes nu-cléaires.

• les autres signes fonctionnels sont la photophobie , la survenue d’une myopie (liée à l’aug-mentation de l’indice de réfraction du cristallin qui provoque une myopie dite myopie

Ce qu’il faut savoir1. Connaître les signes d’appel d’une cataracte2. Connaître les étiologies et pouvoir orienter le bilan clinique et paraclinique.3. Pouvoir expliquer au patient :

— le mécanisme de la baisse d’acuité visuelle,— l’évolution de l’affection non traitée,— les grandes lignes du traitement chirurgical,— de quoi dépend la récupération d’une bonne vision,— les suites et le suivi postopératoires.

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Cataracte - 58

d’indice), et la sensation de halos. Un signe plus rare est la diplopie monoculaire : diplopiepar dédoublement de l’image au niveau de l’œil atteint, ne disparaissant pas à l’occlusion del’autre œil, contrairement à la diplopie binoculaire des paralysies oculo-motrices.

4.1.1.2 Il repose sur

• la mesure de l’acuité visuelle. On observe une diminution de l’acuité visuelle plus ou moinsimportante, aux dépens de la vision de loin et/ou de la vision de près.

• l’examen après dilatation pupillaire est l’examen essentiel ; il retrouve l’opacification cris-tallinienne et la localise. Les quatre principaux types de cataracte ainsi identifiables sont :

— la cataracte nucléaire , où l’opacification intéresse le noyau du cristallin ; c’est dans cetteforme que l’on retrouve une baisse d’acuité visuelle prédominant en vision de loin et unemyopie d’indice.

— la cataracte sous-capsulaire postérieure , où l’opacification est située en avant de la cap-sule postérieure. Elle entraîne plus volontiers une baisse de vision de près.

— la cataracte corticale , où l’opacification siège au niveau du cortex cristallinien, habituel-lement à l’équateur, réalisant les classiques « cavaliers » à cheval sur l’équateur du cris-tallin.

— la cataracte totale : cette forme très évoluée est parfois objectivable à l’œil nu, à l’éclai-rage direct de la pupille, le cristallin cataracté modifiant la lueur pupillaire qui est grisâtre(normalement rouge).

4.1.1.3 Il impose

Le diagnostic de cataracte impose un bilan préopératoire dont le but est de faire la part de ce quirevient à la cataracte dans la baisse d’acuité visuelle.Il est capital de prendre le tonus oculaire pour rechercher un éventuel glaucome associé et d’effec-tuer un examen du fond d’œil pour apprécier l’état de la rétine, en particulier au niveau maculaire.Il faut noter que l’opacification du cristallin crée une gêne à l’examen du segment postérieur ; danscertaines cataractes très évoluées, le fond d’œil est même invisible : il faut alors s’aider d’examenscomplémentaires tels que l’échographie (à la recherche d’un décollement de rétine méconnu) etl’électrorétinogramme (ERG) qui enregistre l’activité électrique de la rétine.

Au terme de cet examen, il doit être de possible de répondre à plusieurs questions :

1. l’opacification du cristallin est-elle compatible avec la baisse d’acuité visuelle ?2. la gêne ressentie par le patient fait-elle poser une indication chirurgicale ?3. en dehors de la cataracte, le patient présente-t-il des pathololgies oculaires qui

risquent de compromettre le résultat chirurgical ?

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Cataracte - 58

4.1.2 Diagnostic différentiel

Il ne se pose guère après un examen correct. Le problème majeur est, rappelons le, d’apprécier lepronostic visuel postopératoire en recherchant une atteinte oculaire associée.

4.1.3 Diagnoctic étiologique

4.1.3.1 Cataracte sénile

C’est de loin la cause la plus fréquente.Liée à des troubles métaboliques encore inconnus, elle survient habituellement chez le sujet de plusde 65 ans, mais peut toucher également des individus plus jeunes (on parle alors de cataracte« présénile »).La cataracte sénile est en général bilatérale, mais volontiers asymétrique. L’évolution est en géné-ral lente, sur plusieurs mois ou années, responsable d’une baisse d’acuité visuelle lentementprogressive ; cette aggravation lente amène à envisager une intervention chirurgicale lorsque labaisse d’acuité visuelle devient invalidante en vision de loin et/ou en vision de près.

4.1.3.2 Cataractes traumatiques

Assez fréquentes, survenant chez le sujet jeune et chez l’enfant, le plus souvent unilatérales, ellespeuvent être

• contusives (classiquement sous-capsulaires postérieures en rosace) ou• liées à un traumatisme perforant (secondaires à l’imbibition du cortex cristallinien par l’hu-

meur aqueuse après ouverture de la capsule cristallinienne).

Si leur diagnostic est le plus souvent évident lors de traumatismes, elles peuvent également passerinitialement inaperçues. Il est donc très important, devant une cataracte unilatérale du sujet jeune,de suspecter cette cause et de la rechercher par l’interrogatoire, la présence d’autres stigmates trau-matiques oculaires et de faire pratiquer une radiographie de l’orbite à la recherche d’un corpsétranger intraoculaire passé inaperçu .

4.1.3.3 Cataractes « pathologiques »

Ce terme impropre regroupe des cataractes consécutives à une pathologie oculaire ou à une patho-logie générale métabolique.

Cataractes consécutives à une pathologie oculaireLa cataracte est une complication fréquente des inflammations endoculaires chroniques(uvéites chroniques).Une cataracte peut également se développer après intervention antiglaucomateuse

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Cataracte - 58

(trabéculectomie) ou après intervention chirurgicale du segment postérieur (vitrectomie)Enfin, les décollements de rétine non traités peuvent entraîner une cataracte.

Cataractes liées à une pathologie générale

• cataractes métaboliques et endocriniennes :Si certaines affections endocriniennes, comme l’hypoparathyroïdie ou l’avitaminoseC, sont classiquement reconnues comme cause de cataracte, la seule réellement ren-contrée est la cataracte diabétique . Elle est classiquement sous-capsulaire postérieureet complique souvent un diabète insulinodépendant ; chez le sujet âgé, le diabète noninsulinodépendant est une cause favorisante de cataracte sénile.L’indication opératoire de la cataracte diabétique, qui dépend bien sûr avant tout de lagêne fonctionnelle, peut parfois cependant être élargie pour des raisons optiques afinde permettre la surveillance et le traitement par photocoagulation au laser d’une réti-nopathie diabétique associée.

• autres causes :Certaines cataractes, beaucoup plus rares, peuvent être associées à d’autres patholo-gies, comme la trisomie 21, la maladie de Steinert et certaines affections cutanées (ca-taractes syndermatotiques) : sclérodermie, eczéma atopique.

Cataractes iatrogènes

• la principale est la cataracte secondaire à une corticothérapie générale au long cours(corticothérapie supérieure ou égale à un an) ; elle peut dans nécessiter un traitementchirurgical, qui est de très bon pronostic.

• plus rare est la cataracte secondaire à une radiothérapie orbitaire .

4.1.3.4 Cataractes congénitales

Il existe deux grandes causes de cataractes congénitales :

Cataractes par embryopathieLe plus souvent bilatérales, elles sont dominées par la cataracte de la rubéole congénitalequi, de nos jours, tend à disparaître. La cataracte de la rubéole est le plus fréquemment as-sociée à d’autres atteintes oculaires (microphtalmie, rétinopathie, glaucome) et/ou géné-rales (cérébrales et cardiaques).Les autres embryopathies sont beaucoup plus rarement en cause. On a coutume de recher-cher, face à une cataracte du tout jeune enfant, le complexe T.O.R.C.H. (toxoplasmose, ru-béole, cytomégalovirus, herpès).

Cataractes héréditairesCes cataractes génétiques, assez fréquentes, sont le plus souvent de transmission autoso-male dominante.[Elles peuvent être isolées ou associées à des syndromes pluri-malformatifs (dégénéres-cence spino-cérébelleuse)].

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Cataracte - 58

4.2 Traitement

Il n’y a pas de traitement médical de la cataracte, les nombreuses recherches dans ce sens n’ayantpas à l’heure actuelle abouti. Le traitement est donc uniquement chirurgical. Il est actuellement réa-lisé le plus souvent sous anesthésie loco-régionale, permettant ainsi une hospitalisation de courtedurée (de plus en plus souvent chirurgie ambulatoire).

4.2.1 Bilan préopératoire

C’est le bilan préopératoire habituel (consultation de pré-anesthésie).Il comporte en outre en cas de correction par un implant intraoculaire, cas de très loin le plus fré-quent (voir plus loin), une biométrie : mesure de la longueur du globe oculaire par échographie etdes mensurations cornéenne par kératométrie, permettant de calculer la puissance en dioptries del’implant intraoculaire.Un temps essentiel de l’examen préopératoire est l’information au patient (+++), qui doit être pré-venue des modalités du traitement chirurgical, des résultats fonctionnels qu’il peut en attendre, etdes complications potentielles.

4.2.2 Moyens

4.2.2.1 Ablation du cristallin cataracté

L’ablation du cristallin en totalité, ou extraction intracapsulaire (EIC) , qui est la technique la plusancienne, est de nos jours de plus en plus abandonnée au profit de l’extraction extracapsulaire(EEC) qui consiste à ouvrir le cristallin et à le vider (noyau et cortex) tout en conservant la capsulepostérieure, gardant ainsi une « frontière » entre la chambre antérieure et le segment postérieur.L’EEC, qui était réalisée il y a quelques années de façon manuelle, est de nos jours pratiquée parphakoémulsification par ultra-sons . La pakoémulsification a l’énorme avantage de diminuerconsidérablement la taille de l’incision (3 mm environ) et ainsi d’augmenter la rapidité de la récu-pération visuelle, avec une acuité visuelle satisfaisante dès les premiers jours post-opératoires.Elle est réalisée le plus souvent sous anesthésie loco-régionale , et de plus en plus souvent en am-bulatoire.Comme nous le verrons au chapitre suivant, l’ablation du cristallin est le plus souvent associée,dans le même temps opératoire, à la mise en place d’un cristallin artificiel (implant intraoculaire).

4.2.2.2 Correction optique

Le cristallin étant une lentille convergente de 20 dioptries, il est nécessaire d’associer à l’extractiondu cristallin cataracté une correction optique.

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Cataracte - 58

• la correction par lunettes , qui est la plus ancienne, est à l’heure actuelle abandonnée. Ne pou-vant être utilisée qu’en cas de chirurgie bilatérale, du fait de l’agrandissement considérable dela taille des images provoquant une diplopie en cas de cataracte unilatérale, elle entraîne enoutre des perturbations importantes de l’espace visuel, avec notamment une modification desdistances apparentes et des altérations de la périphérie du champ visuel.

• la correction par lentille de contact est le deuxième mode de correction possible. Elle restituedes fonctions visuelles correctes mais a ses inconvénients propres, comme la manipulation, etn’est pas dénuée de risque de complications : ulcère cornéen traumatique, abcès cornéen in-fectieux.

• la mise en place d’un cristallin artificiel (implant intraoculaire) est le mode de correctionutilisé de nos jours dans la quasi-totalité des cas. Posé à la fin de l’intervention chirurgicaleaprès l’extraction du cristallin, il est placé le plus souvent à l’intérieur du sac cristallinien dansla chambre postérieure (implant de chambre postérieure).

Avec l’essor de la phakoémulsification, les implant souples se sont substitués aux implants clas-siques rigides ; ces implant souples sont pliés avant l’implantation, introduits à travers la petite in-cision réalisée lors de la phakoémulsification, puis se déplient une fois dans l’œil.

4.2.3 Indications

L’indication opératoire qui, comme nous l’avons vu, ne doit être posée qu’après un examen oph-talmologique complet, dépend de la gêne fonctionnelle. Il n’y a pas de chiffre d’acuité visuelleseuil, la gêne fonctionnelle étant très variable d’un sujet à l’autre.Ainsi, par exemple, on peut être amené à ne pas opérer une personne âgée dont l’acuité visuelle deloin est aux alentours de 4/10èmes, et à l’opposé opérer un sujet jeune, actif, tolérant mal une baissed’acuité visuelle à 6/10èmes .L’indication opératoire chez l’enfant pose des problèmes bien différents. Si l’indication opératoireest bien codifiée en cas de cataracte bilatérale, les modalités de l’intervention en cas de cataracteunilatérale, souvent compliquée d’amblyopie, restent très discutées.

4.2.4 Résultats

Le traitement chirurgical permet dans plus de 90 % des cas une récupération fonctionnelle excel-lente et rapide, dès le lendemain de l’intervention ou en quelques jours.Le patient peut reprendre très rapidement une activité normale, sous couvert d’un traitement anti-inflammatoire local (collyre corticoïde ou collyre AINS) poursuivi pendant quelques semaines.Les résultats fonctionnels peuvent cependant être compromis dans certains cas :

— soit du fait d’une pathologie oculaire pré-existante associée, notamment dégénérescence ma-culaire liée à l’âge (DMLA) ou glaucome. Une pathologie pré-existante doit être recherchéechaque fois que l’importance de la cataracte explique mal à elle seule la baisse d’acuité vi-suelle.

— soit du fait de la survenue d’une complication , devenue néanmoins de plus en plus rare avec

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Cataracte - 58

les progrès de la microchirurgie oculaire ; les principales complications sont :

• l’infection intraoculaire (« endophtalmie ») , exceptionnelle (environ 1 cas sur 1000)mais de pronostic redoutable, pouvant aboutir dans les cas les plus sévères à la pertefonctionnelle ou même anatomique de l’œil.

• l’œdème maculaire : dans environ 1 % des cas survient un œdème maculaire chroniquelaissant une baisse d’acuité visuelle définitive.

• le décollement de la rétine , survenant dans environ 2 % des cas, nécessitant une réinter-vention permettant le plus souvent d’obtenir une réapplication rétinienne, mais pouvantcompromettre le résultat fonctionnel si la macula a été décollée.

• l’œdème de cornée par traumatisme peropératoire de l’endothélium cornéen, pouvantnécessiter une greffe de cornée, est devenu très rare.

• la « cataracte secondaire » par opacification de la capsule postérieure , volontairementlaissée en place lors d’extraction extracapsulaire, n’est pas considérée comme une vraiecomplication : elle est aisément traitée par ouverture centrale de la capsule postérieurepar photosection au laser YAG sans réouverture chirurgicale de l’œil.

4.3 Les points forts

Les points forts• La cataracte, opacification du cristallin, s’observe le plus souvent chez le sujet âgé

(cataracte sénile).• Elle se manifeste par une baisse d’acuité visuelle en général bilatérale, à peu près

symétrique, d’évolution lente.• L’examen après dilatation pupillaire permet d’observer l’opacification du cristallin

et d’en préciser le type (cataracte nucléaire, …)• L’évolution non traitée est lente, entraînant une baisse lentement progressive de la

vision, la baisse d’acuité visuelle devenant petit à petit invalidante en vision de loin et/ou en vision de près, amenant à envisager un traitement chirugical.

• Le traitememt est uniquement chirurgical, par extraction extracapsulaire, le plus souvent par phakoémulsification, et mise en place d’un implant intra-oculaire, pra-tiquée le plus souvent sous anesthésie loco-régionale et de plus en plus en plus souvent en ambulatoire.

• La récupération fonctionnelle est le plus souvent excellente et rapide, sauf en cas de pathologie oculaire associée ou en cas de survenue de complications (endoph-talmie, œdème maculaire, décollement de la rétine).

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Cataracte - 58

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Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60

Chapitre 5

Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60

5.1 Introduction

La dégénerescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie dégénérative rétinienne chronique, évolutive et invalidante, qui débute après l’âge de 50 ans. Elle atteint de manière sélective lamacula en provoquant une dégénérescence des cellules visuelles rétiniennes (définition del’ANAES, 2001).On décrit trois formes de DMLA, une forme précoce et deux formes évolutives :

• la forme précoce (environ 30 % des cas) est caractérisée par la présence de drusen ;• la forme atrophique (environ 50 % des cas) est caractérisée par des altérations de l’épithé-

lium pigmentaire et un amincissement de la macula consécutif à l’évolution des drusen ; sonévolution est lente sur des années ;

• la forme exsudative (environ 20 % des cas) est caractérisée par le développement de néovais-seaux choroïdiens sous la macula ; l’évolution de cette forme peut être très rapide, faisantperdre la vision centrale (AV < 1/10) en quelques semaines ou mois.

5.2 Prévalence

La DMLA est la première cause de malvoyance après 50 ans dans les pays industrialisés.

Ce qu’il faut savoir1. Connaître l’épidémiologie de la DMLA.2. Connaître les principales formes cliniques de la DMLA.3. Reconnaître les situations d’urgence.4. Connaître les différentes modalités thérapeutiques.

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Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60

La prévalence globale de la maladie est de 8 % après 50 ans ; en France, 800000 à 1 million depersonnes seraient atteintes de DMLA. Cette prévalence globale augmente progressivement avecl’âge : ainsi, elle est d’environ 1 à 2 % entre 50 et 60 ans, 10 % entre 60 et 70 ans, 25 % entre 70et 80 ans, et > 50 % après 80 ans.Les formes sévères (formes atrophiques et exsudatives symptômatiques atteindraient :

— 0.25 % de la population entre 55 et 65ans,— 1 % de la population entre 65 et 75 ans,— 5 % de la population entre 75 et 85 ans,— 15 % de la population après 85 ans.

5.3 Facteurs de risque

Hormis l’âge , les facteurs de risques comprennent le tabagisme (+++), ainsi que probablementl’hypertension artérielle, la couleur claire de l’iris, les antécédents d’accidents coronariens et l’ex-position importante à la lumière.Les facteurs génétiques jouent également un rôle dans la survenue de la DMLA. La fréquence dela DMLA augmente dans la fratrie d’un patient atteint de la DMLA.

5.4 Diagnostic

5.4.1 Circonstances de découverte

— Baisse de l’acuité visuelle progressive de loin et de près, correspondant à l’aggravation lentedes lésions,

— Baisse de l’acuité visuelle brutale, liée le plus souvent à l’apparition de néovaisseaux choroï-diens,

— Métamorphopsies (+++) = sensation de déformation des objets : le patient décrit souvent lavision ondulée des lignes droites,

— Scotome central, correspondant aux stades très évolués.

5.4.2 Examen clinique

a. mesure de l’acuité visuelle : elle est mesurée séparément à chaque œil, avec correction op-tique si nécessaire, de loin et de près ; il existe souvent de façon précoce une baisse de l’acuitévisuelle de près, ce qui oriente vers une affection maculaire .

b. recherche d’un scotome central ou de métamorphopsies qui peuvent être objectivés en pré-

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Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60

sentant au patient une grille d’Amsler, constituée d’un quadrillage régulier.c. examen du fond d’œil : pratiqué après dilatation pupillaire, il recherche (voir section 5.5,

« Formes cliniques ») :

1. la présence de drusen,2. des zones d’atrophie de l’épithélium pigmentaire (forme atrophique),3. des hémorragies, des exsudats secs et/ou un décollement de rétine maculaire, témoins

d’une forme exsudative.

5.4.3 Angiographie du fond d’œil

C’est l’observation du fond d’œil après injection intraveineuse d’un colorant fluorescent qui est leplus souvent la fluoroscéine ; dans certains cas, l’angiographie fluorescéinique est complétée parune angiographie au du vert d’indocyanine.

• angiographie fluorescéinique : après injection de fluorescéine, des clichés photographiquesen série à l’aide d’un filtre bleu permettront d’en visualiser le passage dans les vaisseaux cho-roïdiens ainsi que dans les vaisseaux rétiniens artériels puis veineux.

• angiographie en infrarouge au vert d’indocyanine : l’injection de vert d’indocyanine permetdans des cas de diagnostic difficile de mieux visualiser des vaisseaux choroïdiens patholo-giques, notamment les néovaisseaux choroïdiens au cours de la dégénérescence maculaire liéeà l’âge.

5.5 Formes cliniques

Forme précoce : drusen (30 %)Le premier signe clinique de la DMLA est l’apparition de précurseurs que sont les drusen ;les drusen sont dus à l’accumulation de résidus de la phagocytose des photorécepteurs parles cellules de l’épithélium pigmentaire. Au fond d’œil ils apparaissent comme de petiteslésions profondes, blanchâtres, de forme et de taille variables.

Forme atrophique (50 %)La forme atrophique (souvent dénommée dans le langage courant, notamment par les pa-tients, « forme sèche »), est caractérisée histologiquement par la disparition progressive descellules de l’épithélium pigmentaire. Cette perte s’accompagne d’une disparition progres-sive des photorécepteurs sus-jacents et de la choriocapillaire sous-jacente.Elle se traduit à l’examen du fond d’œil par des plages d’atrophie de l’épithélium pigmen-taire au sein desquelles les vaisseaux choroïdiens deviennent anormalement visibles ; cetaspet est retrouvé à l’angiographie du fond d’œil.Elle évolue inexorablement, mais de façon très progressive, vers une extension des lésionsqui vont englober la fovéola et entraîner une baisse d’acuité visuelle sévère avec scotomecentral.

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Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60

Forme exsudative (20 %)La forme exsudative (souvent dénommée dans le langage courant, notamment par les pa-tients, «forme humide »), est liée à l’apparition de néovaisseaux choroïdiens qui fran-chissent l’épithélium pigmentaire et se développent sous la rétine maculaire. Cettenéovascularisation choroïdienne entraîne un décollement exsudatif de la rétine maculaire- responsable de la baisse d’acuité visuelle et des métamorphopsies d’apparition brutale -,des hémorragies sous-rétiniennes ainsi que des exsudats secs (un peu comparables aux ex-sudats secs observés au cours de la rétinopathie diabétique).La forme exsudative de la DMLA est nettement moins fréquente que la forme atrophiquemais entraîne les complications fonctionnelles les plus sévères : en absence de traitement,le décollement de rétine maculaire, les hémorragies sous-rétiniennes et les exsudats secsentraînent rapidement une destruction des photorécepteurs, responsable d’une baissed’acuité visuelle sévère et d’un scotome central définitifs.

La survenue brutale de métamorphosies et/ou d’une baisse d’acuité visuelle justifient ainsiun examen ophthalmologique en urgence (moins de 48 heures) afin de dépister d’éventuelsnéovaisseaux choroïdiens et de pouvoir les traiter le plus précocément possible.

5.6 Traitement

Stades précocesAux stades précoces (drusen), une étude randomisée menée sur un grand nombre de pa-tients (étude AREDS) a montré l’effet bénéfique sur l’évolution d’un traitement associantanti-oxydants et supplémentation vitaminique (association de vitamine E, vitamine C, zincet bêta-carotène), commercialisé en France sous les noms de Nutrof® et Ocuvite Préservi-sion® .

Forme atrophiqueIl n’existe actuellement aucun traitement médical ayant démontré son efficacité dans laforme atrophique de la DMLA, dont l’évolution se fait inexorablement vers la constitutiond’un scotome central.Lorsque la baisse de l’acuité visuelle est sévère, doit être proposé au patient une« rééducation basse vision » (voir plus loin).

Forme exsudativeLe traitement de la forme exsudative de la DMLA a pour but la destruction de la membranenéovasculaire choroïdienne. Les possibilités thérapeutiques dépendent de la localisationdes néovaisseaux choroïdiens :

• destruction des néovaisseaux par photocoagulation au laser : elle ne peut être réali-sable qu’en cas de néovaisseaux maculaires mais restant extra-fovéolaires (la photo-coagulation entraînant sinon une destruction des cônes fovéolaires et un scotomecentral immédiat et définitif avec baisse d’acuité visuelle sévère) : dans ces cas favo-rables, le traitement, tout en respectant la fovéola, permet la réapplication du décolle-ment de rétine maculaire, une disparition des métamorphopsies et une préservation del’acuité visuelle. Ces néovaisseaux extra-fovéolaires, accessibles à ce traitement, ne

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Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60

représentent malheureusement qu’une minorité des cas.• dans le cas de néovaisseaux rétro-fovéolaires , inaccessibles à une destruction directe

par photocoagulation au laser, différents traitements peuvent être proposés, dont l’ef-ficacité reste à évaluer pour certains :

— photothérapie dynamique (PhotoDynamic Therapy = PDT) : elle utilise uneradiation laser à faible intensité après injection d’un produit sensibilisant qui sefixe électivement sur la paroi des néovaisseaux (vertéporfine = Visudyne®) ; cetraitement a fait la preuve de son efficacité dans certaines formes de néovais-seaux rétro-fovéolaires, au moins en permettant de freiner l’évolution spontané-ment péjorative.

— thermothérapie transpupillaire ( Transpupillary ThermoTherapy = TTT ),utilisant un laser diode faiblement dosé : traitement encore en cours d’évaluation.

— traitement chirurgical, en cours d’évaluation lui aussi.

• des traitements anti-angiogéniques (anti-VEGF, corticoïdes à action anti-angiogé-nique) sont encore au stade d’essais thérapeutiques de la forme exsudative.

Rééducation visuelleQuand les autres traitements n’ont pas permis la conservation d’une acuité visuelle satis-faisante, notamment de près, il faut proposer aux patients une rééducation visuelle dite réé-ducation basse vision ; associée à la prescription de systèmes grossissants (loupes, télé-agrandisseurs), elle permet dans certains cas de récupérer une vision de près autorisant ànouveau la lecture.Difficile pour le patient dont elle nécessite une forte motivation, elle impose la coopérationentre ophtalmologiste, orthoptiste et opticien, et parfois l’aide d’autre disciplines, notam-ment ergothérapeutes et psychologues.

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Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60

5.7 Les points forts

Les points forts• La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de

malvoyance : elle voit sa fréquence augmenter régulièrement du fait de l’augmen-tation de l’espérance de vie.

• On distingue des stades de début (apparition au fond d’œil de « précurseurs » de la DMLA, les drusen), et à la phase d’état deux formes cliniques : forme atrophique et forme exsudative.

• La forme exsudative correspond à l’apparition de néovaisseaux choroïdiens, res-ponsables d’une baisse d’acuité visuelle et de métamorphopsies d’apparition brutale ; elle nécessite une consultation en urgence avec examen et angiographie du fond d’œil permettant de poser les indications thérapeutiques.

• Malgré la photocoagulation au laser et l’apparition de modalités thérapeutiques

nouvelles, notamment la photothérapie dynamique ou PDT (Visudyne®), la MLA aboutit chez de nombreux patients à une baisse d’acuité visuelle sévère ; à ce stade doit être proposée aux patients une « rééducation basse vision ».

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Œil et sclérose en plaques - 125

Chapitre 6

Œil et sclérose en plaques - 125

La sclérose en plaque (SEP) est une maladie auto-immune entraînant la formation de foyers de dé-myélinisation au sein du système nerveux central.La neuropathie optique - encore dénommée névrite optique ou névrite optique rétrobulbaire(NORB) - est une des manifestations les plus fréquentes de la SEP, dont elle peut être inaugurale.

6.1 Généralités

La neuropathie optique atteint des adultes jeunes, entre 20 et 50 ans (moyenne : 30 ans), avec unenette prédominance pour le sexe féminin (environ 75 %).Elles est le premier signe de la maladie dans 15 à 30 % des cas.Les autres atteintes oculaires sont plus rares ; il s’agit principalement de paralysies oculo-motrices.

6.2 Signes oculaires

Ils sont dominés par la neuropathie optique et les atteintes oculo-motrices

Ce qu’il faut savoir1. Décrire les manifestations des atteintes oculaires de la SEP : NORB, atteintes

oculo-motrices,2. Connaître les principes de la prise en charge d’une NORB.

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Œil et sclérose en plaques - 125

6.2.1 La neuropathie optique

• Elle se manifeste typiquement par un baisse d’acuité visuelle brutale, importante, unilatérale.Des douleurs rétro-oculaires, augmentées lors des mouvements oculaires, accompagnent lasurvenue de la neuropathie optique.

• A l’examen

— l’acuité visuelle est le plus souvent abaissée de façon importante, pouvant être inférieureà 1/10ème.

— le réflexe photo-moteur direct est en général diminué, le réflexe consensuel à l’éclaire-ment de l’œil sain conservé.

— l’examen du fond d’œil est normal ; dans quelques cas peut exister un œdème papillairemodéré.

• L’examen du champ visuel montre un scotome central ou coeco-central.• Les potentiels évoqués visuels (PEV) sont très altérés au stade aigu ; ils peuvent montrer sur

l’œil controlatéral sain un allongement des temps de latence traduisant un ralentissement dela conduction évoquant des lésions de démyélinisation.

• On peut rechercher en faveur d’une SEP un phénomène de Uhthoff qui traduit la thermolabi-lité des axones démyélinisés : elle se traduit par l’apparition lors d’un effort physique oud’une exposition à des températures élevées d’une baisse transitoire et réversible de l’acuitévisuelle.

• Évolution

— l’évolution se fait vers la régression avec le plus souvent une bonne récupération vi-suelle, en environ trois mois.

— une récidive homo- ou controlatérale survient chez 20 à 35 % des patients.

• Traitement

— l’ONTT (Optic Neuritis Treatment Trial) a montré l’efficacité de la corticothérapie àfortes doses, qui accélère la récupération visuelle et retarde la survenue d’un 2ème épi-sode, sans toutefois modifier le pronostic final

— le traitement recommandé comporte :

— un bolus par perfusion de 1 gramme par jour pendant 3 jours,— suivi de dix jours (très précisément 11 jours dans le protocole de l’ONTT) de pred-

nisone à raison de 1mg/kg/jour.

— le traitement est également celui de la SEP, notamment par l’interféron.

• Pronostic

— le pronostic fonctionnel de la neuropathie optique est le plus souvent favorable ; une ré-cupération incomplète avec baisse d’acuité visuelle définitive est cependant possible, no-tamment dans les formes sévères avec baisse d’acuité visuelle initiale profonde.

— le risque de développer une SEP à distance d’un épisode isolé de neuropathie optiquesemble être de 30 à 70 %. Les principaux facteurs de risque sont :

— la présence de lésions à l’IRM lors du premier examen,

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Œil et sclérose en plaques - 125

— la synthèse intra-thécale d’immunoglobulines.

• Diagnostic différentiel : c’est celui des autres neuropathies optiques, qui doivent être élimi-nées devant un tableau atypique (cf chapitre « Orientation diagnostique devant une altérationde la fonction visuelle - 293 » page 179)

6.2.2 Atteintes oculo-motrices

• paralysies du VI.• paralysies internucléaires : l’ophtalmoplégie internucléaire est très évocatrice de SEP.

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Œil et sclérose en plaques - 125

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Greffe de cornée - 127

Chapitre 7

Greffe de cornée - 127

7.1 Introduction

C’est la plus ancienne greffe de tissu réalisée avec succès chez l’homme (1887 – Von Hippel). Elleonsiste à remplacer un fragment de cornée opaque par une cornée saine, transparente, venant d’undonneur. Seule l’homogreffe est possible actuellement, tous les essais d’hétérogreffe ou d’utilisa-tion de matériaux artificiels s’étant soldés par des échecs.

7.2 Particularités de la greffe de cornée

• La cornée est un site privilégié pour la greffe :

— tissu conjonctif compact,— pas de vaisseau ni lymphatique,— peu de cellules,— d’où un conflit immunologique réduit.

• Le rejet, s’il survient, est très rapidement décelé

— par le patient (baisse visuelle),— par le médecin par un simple examen clinique,— et donc précocement traité.

• Le taux de succès en termes de survie du greffon à cinq ans est élevé, variant de 60 à 90 %.• La technique chirurgicale en est simple, parfaitement codifiée, accessible à tout opérateur

rompu aux techniques microchirurgicales :

— elle consiste à prélever par trépanation circulaire une rondelle de la cornée pathologique

Ce qu’il faut savoir1. Connaître les principales indications de la greffe de cornée.2. Connaître le pronostic à long terme des greffes de cornée.

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Greffe de cornée - 127

du receveur, d’un diamètre variable (le plus souvent de 7 à 8 mm) que l’on remplace parune rondelle de diamètre identique de cornée saine, provenant d’un donneur. Cette ron-delle cornéenne est suturée à la cornée du receveur par un sujet ou par des points séparésde fil non résorbable.

— il est possible au cours de cette greffe de combiner d’autres gestes chirurgicaux si néces-saire, tels que l’extraction du cristallin avec mise en place d’un implant intraoculaire oule traitement chirurgical d’un glaucome.

— le traitement postopératoire comporte une corticothérapie locale (collyre corticoïde).— le surjet ou les points sont laissés en place environ un an.— en cas de rejet, on intensifie la corticothérapie locale et on administre :

— ciclosporine : 5 à 6 mg/kg/jour pendant trois à six mois ou mieux collyre à la ciclos-porine 2 %

— corticothérapie générale pendant quelques mois

7.3 Principales indications de la greffe de cornée

A priori toutes les affections pouvant laisser à titre de séquelle une opacification cornéenne avecbaisse d’acuité visuelle.

A. Séquelles de traumatisme perforant de la cornée

— accident du travail,— accident domestique : loisirs, jardinage, bricolage,— accident de voiture (pare-brise),— agression par pistolet à grenailles, dramatique car le traumatisme est le plus souvent bi-

latéral.

B. Brûlures chimiques, en particulier par bases.C. Dégénérescences cornéennes (30 à 40 % des greffes de cornée)

— essentiellement le kératocône, affection cornéenne débutant chez l’enfant ou l’adultejeune, entraînant un amincissement progressif de la cornée, responsable d’un astigma-tisme irrégulier puis d’opacités cornéennes.

— plus rarement, une dystrophie cornéenne héréditaire.

D. Kératites

— en particulier kératite herpétique (5 % des greffes de cornée), toujours grave carrécidivant ; la grève nécessite un traitement de couverture par antiviral,

— abcès de cornée bactériens,— kératite amibienne (port de lentilles),

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Greffe de cornée - 127

E. « Dystrophie bulleuse » de la personne âgéeDûe à une perte de cellules endothéliales cornéennes, de plus en plus fréquente (45 % desgreffes de cornée) du fait de l’augmentation de l’espérance de vie ; elle peut être secondaire :

— à des interventions chirurgicales itératives : glaucome, cataracte ; elle est devenue beau-coup moins fréquente après chirurgie de la cataracte avec les techniques actuelles d’ex-traction du cristallin par phako-émulsification avec implantation en chambre postérieure,

— à l’altération constitutionnelle des cellules endothéliales : « ornéa guttata », responsableavec l’âge d’une perte progressive des cellules endothéliales.

7.4 Pronostic

7.4.1 Résultats anatomiques et fonctionnels à long terme

La greffe de cornée donne de bons résultats anatomiques et fonctionnels dans plus de 2/3 des cas,avec un résultat durable et à long terme la conservation d’une cornée transparente et d’une bonnerécupération visuelle.

7.4.2 Complications

Elles sont rares

1. retard d’épithélialisation du greffon : c’est le cas en particulier après brûlure cornéenne, no-tamment par base ; il met en jeu la transparence du greffon et sa survie, ce qui explique le trèsmauvais pronostic des kératoplasties transfixiantes dans cette indication.

2. défaillance précoce de l’endothélium du greffon : elle entraîne un œdème cornéen précoce(quelques jours) ; le plus souvent, elle est en rapport avec une altération préexistante de l’en-dothélium du donneur non repérée lors du contrôle avant conservation, ou alors elle est pro-voquée par une technique défectueuse de conservation : c’est pourquoi le contrôle de laqualité de l’endothélium du greffon est essentiel avant la greffe.

3. rejet immunitaire ou « maladie du greffon » :

— il se manifeste au début par un œil rouge et douloureux, une baisse d’acuité visuelle, l’ap-parition de quelques précipités sur la face postérieure de la cornée à l’examen à la lampeà fente.

— à ce stade, il est le plus souvent rapidement régressif sous l’effet d’une corticothérapielocale et/ou générale.

— en l’absence de traitement, l’endothélium s’altère progressivement. Il ne remplit plus sonrôle physiologique et un œdème envahit progressivement le stroma cornéen avec unebaisse visuelle, puis toute l’épaisseur de la cornée. A ce stade, le traitement est souventdépassé, l’œdème est persistant, une vascularisation s’installe dans le greffon. La vision

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est effondrée.— il survient le plus souvent à partir de la troisième semaine après la greffe, plus fréquent

dans les premiers mois, devient négligeable à partir de la première année post-greffe,mais peut néanmoins à distance, jusqu’à 20 ans après la greffe.

— on doit donc en terme de résultats distinguer deux groupes de greffes ou de patientsreceveurs :

• les greffes à faible risque de rejet

— cornée non vascularisée,— première greffe,— petit diamètre,— adulte— le taux de survie à 5 ans est de 85 à 90 %, elles ne nécessitent aucun traitement

immunosuppresseur ni corticoïde général adjuvant.

• les greffes à haut risque de rejet (20 %) qui associent un ou plusieurs facteurs demauvais pronostic :

— vascularisation cornéenne,— grand diamètre,— greffes itératives,— jeune âge <12 ans (taux de survie à 5 ans de 50 à 60 %),— récidive infectieuse (herpès).— elles nécessitent un traitement préventif par collyre à la ciclosporine 2 %, ou

cyclosporine par voie générale et/ou corticothérapie générale.

4. récidive de la maladie causale :

a. récidive herpétique , fréquente (le virus est resté dans le ganglion de Gasser) ; pour cetteraison, un traitement antiviral général (Zovirax® ou Zelitrex® ) maintenu pendant plu-sieurs mois est systématique dans cette indication.

b. dystrophie bulleuse , la raréfaction cellulaire de la cornée receveuse périphérique restéeen place empêhant de vitaliser convenablement le greffon et entraînant rapidement laréapparition de la maladie bulleuse œdémateuse.

c. reprise du kératocône : si la greffe est de trop petit diamètre n’englobant pas toute la cor-née malade, le kératocône continue d’évoluer, ce qui nécessite une deuxième greffe plusgrande.

5. hypertonie oculaire : elle peut entraîner des dommages irréversibles du nerf optique et dugreffon. Précoce ou tardive, c’est une des complications qui pose le plus de problème dans lessuites d’une kératoplastie. Son traitement est médico-chirurgical et souvent difficile.

6. astigmatisme post-opératoire importantLe résultat visuel d’une greffe de cornée dépend de la transparence du greffon, mais aussi dela régularité de la courbure cornéenne post-opératoire.La greffe de cornée, de par l’incision circulaire et des sutures qu’elle comporte, favorise lasurvenue d’un astigmatisme. Parfois très important, il peut compromettre le résultat visueld’un greffon pourtant transparent.

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Greffe de cornée - 127

Une bonne technique chirurgicale permet d’éviter des astigmatismes trop importants.

7.5 Conclusion

• Le taux de succès en terme de survie à 5 ans du greffon est variable selon les indications (60à 90 %).

• Les facteurs de mauvais pronostic sont :

— une affection cornéenne primitive sévère ou récidivante (brûlure cornéenne, kératite her-pétique),

— la néovascularisation du lit receveur,— le grand diamètre du greffon,— le jeune âge du receveur (<12 ans).

• Les échecs des greffes de cornée sont dus à de nombreux facteurs, souvent associés : le rejetimmunitaire reste cependant la principale cause d’échec.

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Greffe de cornée - 127

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Rétinopathie hypertensive - 130 - 1

Chapitre 8

Rétinopathie hypertensive - 130 - 1130 - Rétinopathie hypertensive, neuropathie optique isché-mique antérieure, occlusions artérielles rétiniennes, occlu-sions veineuses rétiniennes.130 - 1 - Rétinopathie hypertensive, choroïdopathie hyperten-sive

8.1 Introduction

La plupart des patients suivis et traités pour une hypertension artérielle ne présenteront jamais au-cun signe de rétinopathie hypertensive ; l’examen du fond d’œil n’est donc pas requis de façon sys-tématique en présence d’une hypertension artérielle compensée, en l’absence de baisse de l’acuitévisuelle).En revanche, l’augmentation régulière de l’espérance de vie a sensiblement majoré l’incidence desmanifestations d’artériolosclérose rétinienne. Ces anomalies doivent être distinguées de la rétino-pathie hypertensive proprement dite et les nouvelles classifications individualisent bien :

— les modifications liées directement à l’élévation des chiffres tensionnels, réversibles par letraitement de l’hypertension artérielle ; elles s’observent au cours des HTA sévères nontraitées ; elles sont devenues rares ;

— les modifications chroniques, irréversibles, liées à l’artériosclérose dont l’HTA est un facteur

Ce qu’il faut savoir1. Savoir faire la distinction entre rétinopathie hypertensive et artériosclérose réti-

nienne.2. Connaître la physiopathogénie de la rétinopathie hypertensive.3. Connaître les signes de la rétinopathie hypertensive et de l’artériosclérose réti-

nienne.

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Rétinopathie hypertensive - 130 - 1

de risque, plus fréquentes.

8.2 Physiopathogénie

L’autorégulation est l’aptitude spécifique des vaisseaux rétiniens à réagir aux modificationstensionnelles : elle permet le maintien d’un débit vasculaire rétinien stable en présence de modifi-cations de la tension artérielle grâce à la vasoconstriction artérielle active qui se produit en pré-sence d’une augmentation de la pression artérielle ; les mécanismes d’autorégulation expliquent lavasoconstriction artérielle ainsi que les nodules cotonneux et les hémorragies profondes liées à desocclusions artériolaires.Avec l’autorégulation, la deuxième particularité de la circulation rétinienne est la présence d’unebarrière hémato-rétinienne (BHR) ; la rupture de la BHR est responsable d’hémorragies réti-niennes superficielles, d’un œdème rétinien et d’exsudats secs.

8.3 Rétinopathie hypertensive

Les premiers signes de rétinopathie hypertensive ne s’accompagnent pas de retentissement fonc-tionnel et l’acuité visuelle est donc le plus souvent normale.Les signes oculaires de l’HTA ne sont présents qu’au cours des HTA sévères. La grande majoritédes HTA modérées ou bénignes est indemne de manifestation ophtalmoscopique.Il faut distinguer comme nous l’avons dit les signes liés à l’HTA proprement dite des signes liés àl’artériosclérose. Les classifications les plus récentes tiennent compte de ces distinctions alors queles plus anciennes comportaient principalement des indications pronostiquesLe premier signe ophtalmoscopique de la rétinopathie hypertensive est la diminution de calibre ar-tériel difficile à apprécier lorsqu’elle est diffuse. Elle est plus apparente lorsqu’il s’agit de vaso-constriction focale. Les modifications de calibre artériel sont plus faciles à apprécier sur desclichés du fond d’œil qu’à l’examen ophtalmoscopique ; ils sont réversibles avec le traitement del’HTA.En présence d’une HTA sévère, ou d’installation rapide, les capacités d’autorégulation sont dépas-sées et la BHR est rompue. Cela se traduit cliniquement par des hémorragies rétiniennes super-ficielles, un œdème maculaire associé à des exsudats secs souvent de disposition stellaire dansla région maculaire, un œdème maculaire, un œdème papillaire ; des nodules cotonneux et deshémorragies rétiniennes profondes traduisent l’occlusion des artérioles précapillaires.

• Les hémorragies sont de deux types :

— en flammèches dans les couches superficielles, de disposition péripapillaire, elles tra-duisent la rupture de la barrière hémato-rétinienne,

— profondes, rondes , disposées sur toute la rétine, elles traduisent la présence d’infarctusrétiniens par occlusions artériolaires.

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Rétinopathie hypertensive - 130 - 1

• Les exsudats profonds (« exsudats secs ») sont liés à une rupture durable de la BHR et sontd’apparition plus tardive. Ils sont situés dans les couches profondes, au pôle postérieur ; dansla région périfovéolaire, leur disposition stellaire donne une image typique « d’étoilemaculaire ».

• Les nodules cotonneux, comme les hémorragies rétiniennes profondes, sont secondaires àdes occlusions artériolaires responsables de l’accumulation dans les fibres optiques de maté-riel axoplasmique dont le transport actif est interrompu ; ils se présentent comme des lésionsde petite taille, blanches, superficielles, d’aspect duveteux et à contours flous. Ils régressenten trois à quatre semaines avec le traitement de l’HTA.

• L’œdème papillaire (OP) est l’élément principal du stade III de la classification de la rétino-pathie hypertensive. Il est dû à une hypertension artérielle sévère, ou à une élévation rapide etimportante de la TA. La papille est hyperhémiée, l’OP peut-être entouré d’hémorragies enflammèches et d’exsudats secs péripapillaires ou associé à des exsudats secs maculaires for-mant une étoile maculaire.Au début, l’OP n’entraîne pas ou peu de modifications fonctionnelles en dehors d’un agran-dissement de la tache aveugle. Si l’OP persiste, la papille devient atrophique et l’acuité vi-suelle chute.

Tous ces signes, non spécifiques lorsqu’ils sont isolés, sont très évocateurs d’HTA lorsqu’ils sontassociés ; ils sont facilement identifiables, mais ne s’accompagnent habituellement pas de diminu-tion d’acuité visuelle. Malgré la présence d’exsudats maculaires, un œdème maculaire symptoma-tique avec baisse d’acuité visuelle est rare.

8.4 Choroïdopathie hypertensive

Les vaisseaux choroïdiens sont dépourvus de mécanisme d’autorégulation mais subissent une va-soconstriction dépendante du système nerveux sympathique en présence d’une HTA : des occlu-sions de la choriocapillaire peuvent apparaître, responsables d’une ischémie et d’une nécrose del’épithélium pigmentaire .A la phase aiguë, ces lésions sont profondes et blanchâtres au fond d’œil ; elles cicatrisent en lais-sant de petites taches pigmentées profondes (« taches d’Elschnig »).Les formes les plus sévères de la choroïdopathie hypertensive avec ischémie choroïdienne étendues’accompagnent d’un décollement de rétine exsudatif du pôle postérieur, responsable d’une baissed’acuité visuelle ; on peut en rapprocher les décollements de rétine exsudatifs de la toxémiegravidique , qui relèvent des mêmes altérations choroïdiennes. Avec le traitement de l’HTA, le dé-collement de rétine exsudatif se réapplique et l’acuité visuelle se normalise.

8.5 Artériosclérose

Les artères rétiniennes peuvent être le siège de lésions d’artériosclérose. Elles se traduisent par des

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Rétinopathie hypertensive - 130 - 1

lésions chroniques, irréversibles, mais asymptomatiques en dehors des complications.Les principaux signes de l’artériosclérose sont :

— l’accentuation du reflet artériolaire au fond d’œil, dû à l’épaississement pariétal ; normale-ment la paroi vasculaire est transparente et seule la colonne sanguine est visible à l’examendu fond d’œil. L’accentuation du reflet artériolaire donne à l’artère un aspect argenté ou cui-vré.

— dans le signe du croisement , la veine rétinienne apparaît écrasée au niveau du croisement ar-térioveineux, et dilatée en amont ; ceci correspond à un rétrécissement du calibre veineux parla paroi de l’artère artérioscléreuse, du fait d’une gaine adventicielle commune.

— à un stade de plus, on observe la présence d’hémorragies rétiniennes au niveau du signe ducroisement : on parle de « préthrombose » .

— l’occlusion de la veine au niveau du croisement peut aboutir à un tableau d’occlusion debranche veineuse (OBV ; voir chapitre « Occlusions veineuses rétiniennes »).

8.6 Classifications de la rétinopathie hypertensive et de l’artériosclérose

A la classique classification de Keith et Wagener, qui ne faisait pas la part entre les signes direc-tement liés à l’élévation des chiffres tensionnels et les signes liés à l’artériosclérose, ont succédéla classification de Hogan et la classification de Kirkendall.La classification de Kirkendall est la plus simple et la plus utilisée :

Rétinopathie hypertensiveSTADE I : rétrécissement artériel sévère et disséminé,STADE II : en plus des modifications du stade I, présence d’hémorragies rétiniennes et denodules cotonneux,STADE III : en plus des modifications du stade II, présence d’un œdème papillaire.

Artériosclérose rétinienneSTADE I : signe du croisement artério-veineux,STADE II : signe du croisement artério-veineux marqué, associé en regard à un rétrécisse-ment artériolaire localisé,STADE III : en plus des modifications du stade II, présence d’occlusions veineuses etd’engainements vasculaires.

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Rétinopathie hypertensive - 130 - 1

8.7 Les points forts

Les points forts• Il faut bien distinguer :

— les modifications liées directement à l’élévation des chiffres tensionnels, réversibles par le traitement de l’hypertension artérielle,

— les modifications chroniques, irréversibles, liées à l’artériosclérose.

• La rétinopathie hypertensive est rare, le plus souvent asymptomatique.• L’hypertension artérielle peut occasionnellement provoquer une ischémie choroï-

dienne, pouvant entraîner un décollement de rétine exsudatif, que l’on peut égale-ment observer au cours de la toxémie gravidique.

• Les manifestations vasculaires liées à l’artériosclérose sont par contre fréquentes ; elles peuvent se compliquer d’occlusions artérielles ou veineuses rétiniennes (occlusion de l’artère centrale de la rétine ou de ses branches, occlusion de la veine centrale de la rétine ou de ses branches).

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Rétinopathie hypertensive - 130 - 1

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Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2

Chapitre 9

Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2

9.1 Vascularisation - physiopathogénie

Les artères ciliaires postérieures (ACP) sont la principale source de la vascularisation de la tête dunerf optique. Les ACP sont, comme l’artère centrale de la rétine, des branches de l’artère ophtal-mique, branche unique de la carotide interne.La NOIA est due à une ischémie aiguë de la tête du nerf optique par occlusion des ACP ou de leursbranches.

9.2 Etiologies des NOIA

La maladie de Horton ou artérite giganto-cellulaire (on parle de neuropathie optique artéri-tique) est la plus connue mais pas la plus fréquente des causes ; elle nécessite un diagnostic et uneprise en charge urgents.L’artériosclérose (on parle de neuropathie optique non-artéritique) est la cause la plus fré-quente des NOIA.

Ce qu’il faut savoir1. Connaître succintement la vascularisation de la tête du nerf optique,2. Connaître les signes oculaires évocateurs de Maladie de Horton3. Connaître le pronostic fonctionnel d’une NOIA,4. Savoir prendre en charge une NOIA (bilan ophtalmologique et traitement).

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Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2

9.3 Diagnostic des NOIA

Le diagnostic de NOIA est CLINIQUE.

9.3.1 Signes d’appel

Le patient présente une baisse d’acuité visuelle unilatérale, brutale et indolore, souvent décou-verte le matin au réveil.Parfois des épisodes d’amaurose fugace ont précédé cet épisode.

9.3.2 Examen clinique

acuité visuelle :elle peut varier de l’absence de perception lumineuse à 10/10èmes ; une acuité visuelle nor-male n’élimine donc pas le diagnostic de NOIA.

examen de la pupille :il existe le plus souvent une asymétrie pupillaire par diminution du réflexe photomoteur di-rect (avec conservation du réflexe consensuel à l’éclairement de l’œil controlatéral sain).

examen du champ visuel :C’est l’examen le plus important pour évaluer l’atteinte de la fonction visuelle de la NOIA. Le champ visuel retrouve typiquement un déficit fasciculaire (voir chapitred’introduction : « Rappel anatomique. Méthodes d’examen » page 21).Une limite horizontale du déficit du champ visuel est très en faveur d’une atteinte vascu-laire de la tête du nerf optique.Dans tous les cas, les déficits du champ visuels sont rattachés à la tache aveugle, ce qui tra-duit l’atteinte du nerf optique

examen du fond d’œil :L’œdème papillaire est le signe diagnostique initial le plus évident et le plus important dela NOIA. Il peut ne toucher qu’un seul secteur ou être total, en fonction du territoire del’ACP occluse.Le plus souvent il a un aspect pâle et est donc différent de l’œdème papillaire de l’hyper-tension intracrânienne.Il existe souvent une ou plusieurs hémorragies en flammèches sur le bord papillaire.

angiographie fluorescéinique :L’angiographie du fond d’œil est utile dans le diagnostic de NOIA :

— elle confirme la présence de l’œdème papillaire ,— elle peut mettre en évidence des signes d’ischémie choroidienne associée , très en fa-

veur d’une origine artéritique (maladie de Horton) de la NOIA.

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Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2

9.4 Diagnostic étiologique

A. Il est essentiel de reconnaître aussi précocement que possible, c’est-à-dire pratiquement en ur-gence une MALADIE DE HORTON (« NOIA artéritique »), ceci pour instituer un traite-ment urgent car le risque de bilatéralisation et donc de cécité bilatérale complète et définitiveest très important.Il faut donc rechercher systématiquement les arguments en faveur d’une maladie de Horton :

1. signes systémiques de la maladie.2. modifications des artères temporales.3. signes oculaires évocateurs : parmi les signes oculaires de la NOIA, plusieurs sont évo-

cateurs d’une NOIA artéritique, notamment :

— le ou les épisode(s) d’amaurose fugace précédant la NOIA constituée,— un défaut de remplissage choroïdien à l’angiographie du fond d’œil, témoin d’une

ischémie choroïdienne (l’association NOIA – ischémie choroïdienne est très évoca-trice de maladie de Horton).

4. signes biologiques : accélération de la VS et élévation de la CRP.5. biopsie de l’artère temporale :

Elle doit être pratiquée chez tout patient chez qui existe une suspicion de maladie de Hor-ton pour confirmer ou établir le diagnostic, même si le tableau clinique est caractéris-tique. Cette preuve histologique de la maladie de Horton est indispensable pour justifierla corticothérapie prolongée.Elle doit être pratiquée le plus tôt possible mais il n’y a aucune justification à l’attendrepour commencer la corticothérapie qui ne la négative pas.Il faut pratiquer des coupes serrées sur un long segment d’artère, environ deux à troiscentimètres.La biopsie de l’artère temporale met en évidence la présence de cellules géantes, unépaississement de l’intima et une diminution de la taille de la lumière artérielle.

B. La deuxième cause, la plus fréquente, est l’ARTÉRIOSCLÉROSE ; on parle de « NOIAnon-artéritique » ; on retrouve en règle un ou plusieurs facteur(s) de risque : tabagisme, hy-pertension artérielle, diabète, hypercholestérolémie.

9.5 Evolution de la NOIA

— L’œdème papillaire se résorbe habituellement spontanément et complètement en 6 à 8 se-maines environ, laissant place à une atrophie optique en secteur ou totale, en fonction del’étendue de l’œdème papillaire à la phase aiguë.

— Dans tous les cas, il ne faut pas espérer de récupération visuelle au décours d’une NOIA.— La récidive est plus fréquente sur le deuxième œil que sur le même œil. Cette bilatéralisation

est plus fréquente chez les patients atteints de maladie de Horton et peut survenir en seulement

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Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2

quelques jours, justifiant l’urgence de la mise en route d’une corticothérapie.

9.6 Diagnostic différentiel

Le diagnostic de NOIA est habituellement simple, il est clinique ; l’important est surtout de recon-naître une maladie de Horton pour une prise en charge précoce.Le diagnostic différentiel comprend les autres causes d’œdème papillaire, notamment hypertensionintracrânienne (mais il s’agit d’un œdème papillaire bilatéral sans baisse d’acuité visuelle, sansanomalies du champ visuel en dehors d’un élargissement des taches aveugles), et occlusion de laveine centrale de la rétine (mais il existe des signes rétiniens d’accompagnement – voir chapitre« Occlusions veineuses rétiniennes - 130 - 4 » page 95).

9.7 Traitement de la NOIA

La NOIA artéritique doit être traitée en urgence par une corticothérapie par voie générale pourprévenir une aggravation de l’œil atteint ou une bilatéralisation (+++).S’il existe une réelle suspicion de maladie de Horton avec ou sans baisse d’acuité visuelle, il fautcommencer la corticothérapie générale immédiatement, avant même de réaliser la biopsie de l’ar-tère temporale.Le traitement peut être institué au début par des bolus de corticoïdes, avec un relai par une cortico-thérapie per os à la dose d’1 mg ou 1,5 mg/kg/jour de prednisone.Il faut garder les doses élevées de prednisone jusqu’à ce que la chute rapide de la VS et de la CRPse transforme en baisse progressive ou atteigne un plateau. A ce moment-là, on peut commencer àdiminuer lentement les doses par palier de 10 mg tous les trois - quatre jours.Le traitement est prolongé plusieurs mois avec une surveillance régulière de la VS.Le but de la corticothérapie est essentiellement de prévenir la cécité du deuxième œil, mais aussiune aggravation de l’atteinte du premier œil.Au cours de la NOIA non artéritique, il n’y a aucun traitement vraiment efficace. C’est le traite-ment du « terrain », qui peut faire discuter un traitement anti-agrégant plaquettaire au long cours.

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Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2

9.8 Les points forts

Les points forts• La NOIA se caractérise par une baisse d’acuité visuelle unilatérale brutale, asso-

ciée à un œdème papillaire et à une atteinte du champ visuel, typiquement à type de déficit fasciculaire .

• La cause à évoquer en premier est la maladie de Horton - même si elle n’est pas la cause la plus fréquente - du fait de la nécessité d’une corticothérapie par voie géné-rale instaurée en urgence.

• Le risque de bilatéralisation et de cécité complète, bilatérale, définitive, impose en effet devant tout suspicion de maladie de Horton la mise en route d’une cortico-thérapie à fortes doses en urgence .

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Occlusions artérielles rétiniennes - 130 - 3

Chapitre 10

Occlusions artérielles rétiniennes - 130 - 3

10.1 Physiopathogénie

La rétine est vascularisée par deux circulations différentes, alimentées toutes deux par des branchesde l’artère ophtalmique :

• La circulation choroïdienne est sous-jacente à la rétine. Elle est alimentée par les artères ci-liaires postérieures, et assure la nutrition et l’oxygénation des couches externes (profondes)de la rétine, c’est à dire l’épithélium pigmentaire de la rétine et les photorécepteurs.

• La circulation rétinienne proprement dite est issue de l’artère centrale de la rétine et vascu-larise les couches internes de la rétine c’est à dire les cellules bipolaires, les cellules ganglion-naires et les fibres optiques :

— L’artère centrale de la rétine, se divise en deux branches supérieure et inférieure se divi-sant ellesmêmes, chacune, en branche temporale et branche nasale. La division se pour-suit ensuite sur un mode dichotomique.

— la vascularisation rétinienne est de type terminal, c’est à dire que tout le sang qui pénètrepar l’artère centrale ressort de l’œil par la veine centrale de la rétine. Il n’y a pas d’anas-tomose possible avec une circulaton de voisinage.

— l’arrêt circulatoire dans le territoire de l’artère centrale de la rétine entraîne des lésionsischémiques définitives de la rétine interne en 90 minutes :

— de ce fait, les occlusions artérielles rétiniennes entraînent souvent un perte d’acuité

Ce qu’il faut savoir1. Connaître la pathogénie des occlusions artérielles rétiniennes.2. Connaître les signes d’appel et les signes cliniques d’une occlusion artérielle.3. Connaître les principales étiologies.4. Connaître le pronostic d’une occlusion artérielle.5. Connaître les principes du traitement.

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visuelle sévère de l’œil atteint malgré la mise en route d’un traitement en urgence.— de plus, elles sont le plus souvent la traduction d’une atteinte vasculaire sur l’axe

carotidien ou d’une cardiopathie emboligène. Elles devront être l’occasion d’un bi-lan étiologique pour éviter qu’une urgence fonctionnelle visuelle ne se transformeen une urgence vitale.

10.2 Occlusion de l’artère centrale de la rétine (OACR)

L’occlusion de l’artère centrale de la rétine ou OACR est une pathologie rare ; sa fréquence est es-timée à une consultation sur 10 000. Les OACR atteignent le plus souvent des sujets autour de lasoixantaine. Néanmoins, elles peuvent se produire chez des adultes jeunes. L’accident n’est bila-téral que dans 1 à 2 % des cas.

10.2.1 Diagnostic

10.2.1.1 Tableau clinique

Les patients décrivent une baisse d’acuité visuelle brutale . Certains patients décrivent à l’interro-gatoire un ou plusieurs épisodes antérieurs d’amaurose fugace .

10.2.1.2 Examen

A l’examen, l’acuité visuelle est effondrée , le plus souvent limitée à une perception lumineuse.Dès les premières minutes suivant l’occlusion artérielle, la pupille est en mydriase aréflective : leréflexe photomoteur direct est aboli, le réflexe photomoteur consensuel à l’éclairement de l’œilsain conservé.

10.2.1.3 Fond d’œil

Dans les tous premiers instants, la rétine peut avoir encore un aspect normal, mais il existe un ré-trécissement diffus du calibre artériel et parfois un courant granuleux. Ce n’est que dans lesheures qui suivent qu’apparaît un œdème blanc rétinien ischémique traduisant la souffrance is-chémique des couches internes de la rétine. La fovéola, qui n’est vascularisée que par la choroïde,garde sa coloration normale et apparaît plus rouge par contraste avec tout le reste de la rétine d’as-pect « blanc laiteux » (« tache rouge cerise de la macula »).

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10.2.1.4 Angiographie à la fluorescéine

Elle n’est pas indispensable au diagnostic, et sa réalisation ne doit pas retarder la mise en route dutraitement.L’angiographie à la fluorescéine est marquée :

— par un retard extrême de perfusion des branches de l’artère centrale de la rétine,— et par un allongement du temps de remplissage artério-veineux rétinien.

10.2.2 Étiologies

Le bilan étiologique sera d’autant plus exhaustif que le sujet est plus jeune.On peut classer les étiologies dans plusieurs grandes classes selon le mécanisme en cause

1. Les embolies2. Les thromboses3. Les troubles de la coagulation :

10.2.2.1 Les embolies

Même quand un mécanisme embolique est fortement suspecté, un embole n’est pas nécessairementvisible au fond d’œil. Dans d’autres cas, l’embole est parfaitement individualisable au fond d’œil.Les emboles sont de différents types :

• Les emboles de cholestérol : brillants, jaunâtres, réfringents, ce sont les plus fréquemmentobservés. Ils ont le plus souvent pour point de départ une plaque d’athérome ulcérée de la ca-rotide interne.

• Les emboles fibrino-plaquettaires : responsables d’occlusions incomplètes, leur origine estégalement carotidienne le plus souvent.

• Les emboles calcaires : blanchâtres, de plus grande taille, ils sont plus rares, souvent uniques.Leur origine est le plus souvent cardiaque. On les retrouve volontiers lors de pathologies val-vulaires mitrales ou aortiques.

Les pathologies emboligènes les plus fréquentes sont :

• l’athérome carotidien, cause la plus fréquente,• les cardiopathies emboligènes.

Beaucoup plus rarement, il s’agit d’emboles lipidiques consécutifs à une fracture des os longs(« embolie graisseuse »), d’emboles leucocytaires, d’emboles de liquide amniotique ou d’embolestumoraux (myxome de l’oreillette). Les embolies exogènes sont rares : le talc chez les toxico-manes, les corticoïdes injectés dans les tissus de la face peuvent être responsables d’occlusion ar-térielles rétiniennes.

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10.2.2.2 Les thromboses

Entrent dans ce cadre la maladie de Horton et les maladies de système.

• La maladie de Horton est une urgence : elle doit être recherchée systématiquement chez lessujets de plus de 50 ans, bien que 2 % seulement des Horton se compliquent d’OACR, alorsqu’il s’agit d’une cause plus fréquente de neuropathies optiques ischémiques antérieures (voirchapitre « Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2 » page 81).

• Maladies de système : plus occasionnelles, il s’agit notamment du lupus érythémateux dis-séminé, de la maladie de Wegener, de la maladie de Takayashu, de la maladie de Kawasaki,du syndrome de Churg-Strauss.

10.2.2.3 Les troubles de la coagulation

Ils sont les mêmes que dans les occlusions veineuses rétiniennes (voir chapitre « Occlusions vei-neuses rétiniennes - 130 - 4 » page 95).

10.2.3 Évolution spontanée

L’évolution spontanée est quasiment toujours défavorable en l’absence d’une reperméabilisationrapide : des lésions rétiniennes définitives apparaissent en effet après 90 minutes d’ischémie. Onne peut espérer un récupération visuelle à des degrés variables que quand l’ischémie rétinienne aété brève.Dans la plupart des cas, on assiste à une régression de l’œdème rétinien sur une période allant de4 à 6 semaines. Progressivement la papille devient pâle, atrophique et les artères rétiniennes de-viennent grêles, filiformes.

10.2.4 Conduite à tenir

L’OACR est une des rares véritables urgences en ophtalmologie. En effet, non seulement la fonc-tion visuelle est menacée à très court terme, mais de plus cet accident peut être le témoin d’unepathologie systémique sous-jacente. C’est pourquoi le bilan étiologique et le traitement de l’occlu-sion artérielle doivent être menés dans le même temps, en urgence.

10.2.4.1 Bilan étiologique

C’est notamment la recherche d’un athérome carotidien et d’une cardiopathie emboligène : lapratique de l’échographie cardiaque transœsophagienne augmente la découverte d’anomaliesemboligènes ; la recherche d’une cause embolique curable est cruciale pour éviter la récidive d’em-boles dans le territoire cérébral.Comme nous l’avons vu, la maladie de Horton est rare.

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10.2.4.2 Traitement de l’OACR

Le traitement des OACR reste décevant. L’objectif de tous les traitements proposés est d’obtenirune reperméabilisation artérielle le plus tôt possible avant l’apparition de lésions rétiniennes isché-miques définitives, ce qui ne laisse que quelques heures après la survenue de l’accident :

• traitement hypotonisant par l’acétazolamide (Diamox®) IV ou per os, dont le but est de di-minuer la pression intra-oculaire afin de diminuer la résistance intra-oculaire du flux sanguin.

• traitement vasodilatateur en perfusion intra-veineuse.• traitement anticoagulant (héparinothérapie IV à la seringue électrique) : il n’a pas fait la

preuve de son efficacité ; une héparinothérapie par héparine à bas poids moléculaire est parcontre de mise pendant la réalisation du bilan étiologique dans l’hypothèse d’une affectionemboligène.

• fibrinolytiques, par voie générale ou injectés localement par cathétérisme de l’artèreophtalmique ; seul traitement susceptible d’être réellement efficace, il doit être instauré trèsprécocément (ce qui est en pratique très rarement réalisable), en l’absence de contre-indica-tions.

10.2.5 Indications thérapeutiques

Les indications thérapeutiques sont controversées.Seules les OACR qui provoquent une baisse d’acuité visuelle profonde chez un sujet jeune et enbon état général, vues dans les 6 premières heures, peuvent faire discuter un traitement maximum(Diamox, vasodilatateurs IV, héparinothérapie ou fibrinolytiques) visant une reperméabilisationrapide.

10.3 Occlusion de branche de l’artère centrale de la rétine (OBACR)

10.3.1 Diagnostic

10.3.1.1 Tableau clinique

Il est variable selon la localisation de l’occlusion, selon l’étendue du territoire ischémique et selonl’atteinte maculaire. L’atteinte maculaire conditionne le pronostic de cette affection.Le début des signes fonctionnels est brutal et indolore. Les patients décrivent une amputation duchamp visuel souvent à limite horizontale. Une baisse d’acuité visuelle s’observe dans les cas oùla branche occluse vascularise la macula. L’examen du fond d’œil affirme le diagnostic en retrou-

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vant un œdème rétinien ischémique en secteur localisé au territoire de la branche occluse.Il est important de préciser les rapports exacts avec la macula :

• l’œdème ischémique peut intéresser la macula, entraînant une baisse d’acuité visuelle, cepen-dant moins importante que dans les OACR.

• absence d’atteinte maculaire : ce sont les formes de meilleur pronostic, avec une acuité vi-suelle conservée.

Le site de l’obstruction se situe souvent au niveau d’une bifurcation artérielle et celle ci est fré-quemment soulignée par la présence d’un embole.

10.3.1.2 Angiographie à la fluorescéine

Elle n’est pas indispensable au diagnostic, elle permet de mieux préciser le degré et l’étendue del’occlusion ; l’occlusion de branche se manifeste par un retard de perfusion ou une absence com-plète de perfusion dans la branche occluse.

10.3.2 Évolution

Une reperméabilisation de la branche occluse en quelques jours est l’évolution habituelle.Après quelques semaines, on assiste à une résorption de l’œdème rétinien et à une remonté del’acuité visuelle. Le pronostic visuel est bon, avec une acuité visuelle supérieure à à 5/10èmes dansplus de 80 % des cas. L’amputation du champ visuel persiste par contre à titre de séquelle.

10.3.3 Étiologies

Les étiologies sont les mêmes que celles retrouvées dans les cas d’OACR, à l’exclusion de la ma-ladie de Horton (les branches de l’artère centrale de la rétine n’étant pas des artères musculairescontrairement à l’artère centrale elle-même).Un patient qui présente une occlusion de branche doit, à l’exclusion de la recherche d’une maladiede Horton, bénéficier du même bilan étiologique qu’une OACR.

10.3.4 Traitement

Les moyens thérapeutiques sont les mêmes que ceux utilisés dans des cas d’OACR. Les indicationsdoivent être plus restreintes en raison de la bonne récupération habituelle ; néanmoins, un patienten bonne santé qui présente une OBACR avec atteinte maculaire et vu suffisamment tôt peut fairediscuter un traitement maximum.

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10.4 Forme clinique particulière

L’occlusion d’artérioles rétiniennes précapillairesElle n’entraîne habituellement pas de signes fonctionnels ; leur traduction clinique est le nodule co-tonneux (cf. chapitre « Rétinopathie hypertensive - 130 - 1 » page 75).Il peut exister un ou plusieurs nodules cotonneux selon le nombre d’artérioles précapillaires oc-cluses.Les principales causes sont l’HTA , le diabète , le SIDA , certaines collagénoses , notamment lupusérythémateux disséminé et périartérite noueuse, les embolies graisseuses , la pancréatite aiguë etle syndrome de Purtscher .

10.5 Les points forts

Les points forts• L’occlusion de l’artère centrale de la rétine ou d’une de ses branches est le plus

souvent dûe à une affection emboligène.• Le pronostic visuel dépend de l’atteinte ou non de la macula, et du caractère plus

ou moins complet et prolongé de l’ischémie.• L’occlusion de l’artère centrale de la rétine doit alerter sur le risque de récidives

emboligènes dans le territoire cérébral.• Le traitement de l’occlusion de l’artère centrale de la rétine est en général déce-

vant.

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Chapitre 11

Occlusions veineuses rétiniennes - 130 - 4

Les occlusions veineuses rétiniennes sont une pathologie fréquente, en particulier chez le sujet âgérésentant des facteurs de risque vasculaire ; elles représentent l’affection vasculaire rétinienne laplus fréquente après la rétinopathie diabétique.

11.1 Occlusion de la veine centrale de la rétine

L’aspect ophtalmoscopique est dominé par les signes liés à la gêne au retour veineux dans lesveines rétiniennes se rendant à la papille (dilatation veineuse, œdème papillaire, hémorragies réti-niennes).Le pronostic fonctionnel dépend de la forme clinique de l’OVCR : on décrit en effet deux formesprincipales d’OVCR : une forme ischémique de mauvais pronostic visuel, une forme bien perfu-sée (dite forme œdémateuse) de meilleur pronostic.

11.1.1 Signes cliniques

Les signes fonctionnels sont essentiellement l’apparition brutale d’une vision trouble : la baissed’acuité visuelle est plus ou moins importante, l’acuité visuelle est comprise entre une perceptionlumineuse et une acuité visuelle normale ; l’acuité visuelle est corrélée avec la qualité de perfusion

Ce qu’il faut savoir1. Connaître les signes cliniques cardinaux au fond d’œil,2. Connaître les facteurs de risque généraux et oculaires et les éléments du bilan sys-

témique en présence d’une occlusion veineuse rétinienne,3. Connaître le pronostic des différentes formes cliniques,4. Connaître les principes du traitement médical,5. Connaître les indications de la photocoagulation rétinienne

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du lit capillaire, et varie donc en fonction de la forme clinique et de la sévérité de l’OVCR : uneacuité visuelle effondrée, inférieure à 1/20ème traduit le plus souvent une forme ischémiquesévère ; une acuité visuelle supérieure à 2/10èmes est en faveur d’une forme œdémateuse.

11.1.2 Examen du fond d’œil

Les signes cardionaux de l’OVCR sont :

• l’œdème papillaire,• les hémorragies disséminées sur toute la surface rétinienne :

— superficielles, en flammèches— ou profondes, en plaques,

• les nodules cotonneux,• les modifications veineuse : tortuosités et dilatations veineuses.

Le diagnostic positif d’une OVCR est simple, il repose sur l’examen clinique .En revanche, le diagnostic de la forme clinique, œdémateuse (forme bien perfusée) ouischémique , nécessite le plus souvent le recours à l’angiographie fluorescéinique.Les formes œdémateuses sont les plus fréquentes, 3/4 environ de l’ensemble des OVCR.On peut les apparenter à un stase veineuse rétinienne. L’acuité visuelle est habituellement supé-rieure à 2/10èmes, le réflexe pupillaire n’est pas modifié.Au fond d’œil, les hémorragies ont une forme en flammèches traduisant leur topographie dans lescouches superficielles de la rétine, le long des fibres optiques. Les nodules cotonneux sont rares.En angiographie, il existe une importante dilatation veineuse associée à des dilatations capillaires ;les territoires d’ischémie rétinienne sont peu étendus.Les formes ischémiques représentent 20 % des OVCR. On peut les apparenter à un infarcissementhémorragique de la rétine.L’acuité visuelle est effondrée, habituellement inférieure à 1/20ème, le réflexe pupillaire direct estdiminué (avec conservation du réflexe consensuel à l’éclairement de l’œil controlatéral sain).A l’examen du fond d’œil, les hémorragies sont étendues, en plaques, de situation profonde dansla rétine, les nodules cotonneux sont nombreux (signes d’ischémie rétinienne).L’angiographie fluorescéinique confirme la présence de vastes territoires d’ischémie rétinienne.Le passage d’une forme œdémateuse à une forme ischémique peut être observé (20 à 25 % desformes œdémateuses).

11.1.3 Examens complémentaires ophtalmologiques

L’angiographie fluorescéinique est toujours nécessaire (cf supra). C’est elle qui permet le mieuxde différencier les formes œdémateuses des formes ischémiques soit d’emblée, soit secondaire-ment par aggravation d’une forme œdémateuse).

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11.1.4 Bilan étiologique

La pathogénie des OVCR n’est pas complètement élucidée, mais il a été suggéré que l’épaississe-ment de la paroi de l’artère centrale de la rétine, athéroscléreuse, pourrait entraîner un compressionde la veine centrale adjacente et son occlusion.Quoiqu’il en soit, les OVCR surviennent le plus souvent chez des sujets de plus de cinquante ans(dans 75 % des cas après 60 ans) présentant des facteurs de risque vasculaire .

1. chez le sujet de plus de 50 ans, le bilan étiologique se résume donc le plus souvent

a. à la recherche de facteurs de risque : tabagisme, HTA, diabète, hypercholestérolémie,b. ainsi (voir plus loin) qu’à la recherche d’une hypertonie oculaire (+++).

2. dans certains cas, un bilan plus poussé est nécessaire :

a. ce bilan est indiqué :

• chez les sujets de moins de cinquante ans,• en l’absence de facteurs de risque même chez un sujet de plus de 50 ans,• devant une OVCR bilatérale (qui survient généralement en deux temps).

b. ce bilan devra rechercher :

• une anomalie primitive de la coagulation :

— résistance à la protéine C activée,— déficit en protéine C, protéine S, ou en antithrombine III.

• un syndrome des antiphospholipides,• une hyperhomocystéinémie,• chez une femme jeune, un traitement hormonal à visée contraceptive doit également

être recherché, bien qu’en l’absence de trouble de la coagulation associé, il n’est pasprouvé qu’il constitue isolément un facteur de risque de survenue d’une OVCR.Quant aux traitements hormonaux substitutifs de la ménopause, ils auraient aucontraire un effet protecteur.

3. hypertonie oculaire (+++) : le glaucome chronique à angle ouvert et l’hypertonie oculaire,même non compliquée de glaucome (cf « Glaucome chronique - 240 » page 143) sont des fac-teurs de risques de survenue d’une OVCR.La recherche d’une hypertonie oculaire au cours du cycle nycthéméral doit faire partie du bi-lan systématique de tout patient présentant une OVCR, même en présence d’autres facteursde risque, car elle est malgré cela un facteur favorisant l’OVCR.

11.1.5 Évolution des OVCR

L’évolution des OVCR dépend de la forme clinique :

1. les formes œdémateuses, les plus fréquentes, ont dans la moitié des cas une évolution favo-rable, avec une normalisation de l’acuité visuelle et de l’aspect du fond d’œil en 3 à 6 mois.

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L’évolution est ailleurs moins favorable :

— soit par le passage vers une forme ischémique (20 à 25 % des cas),— soit par la persistance d’un œdème maculaire cystoïde (OMC), responsable d’une baisse

d’acuité visuelle permanente : l’OMC après OVCR est dû à une diffusion de l’ensembledu lit capillaire maculaire péri-fovéolaire ; il peut persister de façon prolongée, malgréla régression de la dilatation veineuse et son pronostic fonctionnel est médiocre.

2. les formes ischémiques d’emblée ou secondairement sont de pronostic beaucoup plus sévère.L’AV est d’emblée effondrée, habituellement inférieure à 1/20ème, sans espoir de récupéra-tion fonctionnelle du fait de l’ischémie maculaire majeure.

— le développement d’une néovascularisation irienne est la complication la plus redou-table des OVCR de type ischémique par son risque d’évolution rapide vers un glaucomenéovasculaire ou GNV, secondaire au blocage de l’écoulement de l’humeur aqueuse àtravers le trabéculum tapissé par des néovaisseaux développés à partir de la racine del’iris dans l’angle irido-cornéen. La néovascularisation irienne peut survenir très rapide-ment, en quelques jours ou quelques semaines après une OVCR ischémique, et aboutir àun GNV dès le troisième mois (on parle classiquement de « glaucome du 100ème jour »).Cette évolution spontanée rapide vers le glaucome néovasculaire doit-être prévenue parune photocoagulation pan rétinienne, mise en route dès le diagnostic de forme isché-mique d’OVCR.

— la néovascularisation pré-rétinienne et/ou pré-papillaire est retrouvée dans 25 % descas d’OVCR ischémique ; son mécanisme d’apparition est similaire à celui de la rétino-pathie diabétique proliférante (voir « Rétinopathie diabétique (RD) - 233 » page 133) ;elle peut se compliquer d’hémorragie intravitréenne, responsable d’une baisse d’acuitévisuelle brutale.

11.1.6 Traitement

Le but du traitement d’une OVCR œdémateuse est de faciliter le retour d’une circulation veineuserétinienne normale, d’éviter le passage à une forme ischémique et de prévenir ou de traiter les com-plications maculaires en particulier l’œdème maculaire cystoïde.Le but du traitement d’une OVCR mixte ou ischémique est de prévenir ou de traiter les complica-tions néovasculaires et en premier lieu la néovascularisation irienne et le glaucome néo-vasculaire,ces formes ischémiques ayant en effet peu ou pas d’espoir de récupération fonctionnelle.

11.1.6.1 Méthodes

a. Traitements médicaux

• anticoagulants : ils n’ont pas d’efficacité prouvée, en dehors des rares cas d’anomalie dela coagulation.

• fibrinolytiques : ils ont été utilisés dans le but de dissoudre un éventuel thrombus, soitpar voie générale, soit par injection directe dans l’artère ophtalmique ; le bénéfice de cestraitements, quelle que soit la voie d’administration, est difficile à prouver et, compte

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tenu de leur risques de complications, ils ne sont pas rentrés dans la pratique courante.• hémodilution isovolémique : le principe de l’hémodilution isovolémique est de diminuer

la viscosité sanguine et donc d’améliorer la circulation veineuse rétinienne en abaissantl’hématocrite entre 30 et 35 % ; son efficacité reste controversée.

• « traitements correcteurs rhéologiques » : ce type de traitement, comme la troxérutine(Veinamitol®), a également été proposé.

• anti-agrégants plaquettaires : ils ont été proposés mais n’ont pas fait la preuve de leurefficacité dans le traitement des OVCR.

• triamcinolone en injection intravitréenne : elle a été proposée car elle a un effet prolongésur l’œdème maculaire, mais son usage reste expérimental.

b. Photocoagulation au laser : son principe et ses indications sont similaires à celles de la pho-tocoagulation dans la rétinopathie diabétique (cf « Rétinopathie diabétique (RD) - 233 » page133)

• photocoagulation pan rétinienne (PPR)La PPR vise à détruire les territoires ischémiques et à prévenir les néovascularisationsprérétiniennes, prépapillaires et iriennes dans le cas particulier des OVCR ischémiques.Les formes ischémiques majeures d’OVCR se compliquent très rapidement de néovas-cularisation irienne et de GNV. Il est donc nécessaire en présence d’une OVCR isché-mique de pratiquer préventivement de façon systématique une PPR.

• photocoagulation maculaireLe but du traitement par photocoagulation maculaire est de faire régresser l’œdème ma-culaire cystoïde (OMC) et de stabiliser l’acuité visuelle.La photocoagulation maculaire est proposée aux patients souffrant d’une diminution per-sistante de l’acuité visuelle, directement liée à l’œdème maculaire. En raison de la ré-gression spontanée d’un grand nombre d’OMC, ce traitement par photocoagulation nedoit pas être envisagé avant le 3ème mois.

11.1.6.2 Indications

a. formes œdémateuses : elles peuvent bénéficier d’un traitement médical, en particulier l’hé-modilution isovolémique si elle peut être pratiquée dans le premier mois après la survenue del’OVCR.La photocoagulation maculaire peut être proposée en présence d’un OMC avec baisse d’acui-té visuelle persistant plus de trois mois.Dans tous les cas, une surveillance clinique et angiographique tous les mois au début permet-tra de déceler précocément les passages vers une forme ischémique.

b. formes ischémiques : en dehors du traitement médical, une PPR doit être pratiquée d’emblée,lorsque l’ischémie est très étendue sans attendre l’apparition de la néovascularisatioin irienne.Le patient est prévenu que le but du traitement n’est pas de rétablir la vision mais d’éviter leglaucome néovasculaire.

c. glaucome néovasculaire :Si un GNV est déja installé, la PPR devra être réalisée en urgence, après avoir fait baisser letonus oculaire par un traitement hyptonisant local et de l’acétazolamide (Diamox®) per os ou

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par voie intraveineuse. Une intervention chirurgicale à visée hypotonisant peut être nécessairedans les cas les plus graves.

11.2 Occlusion de branche veineuse (OBV)

Les modifications du fond d’œil au cours des OBV sont identiques à celles des OVCR, mais limi-tées au territoire drainé par la veine occluse : l’occlusion est située à un croisement artério-veineux ; le territoire concerné par l’occlusion a une forme triangulaire correspondant au territoiredrainé par la veine rétinienne en amont du croisement artério-veineux.Plus le croisement responsable de l’OBV est proche de la papille, plus le territoire concerné est im-portant.Le retentissement visuel de l’OBV dépend plus de sa topographie que de son étendue : ainsi, desocclusions de veines maculaires, même si elle ne concernent qu’un petit territoire, sont habituelle-ment symptomatiques.

11.2.1 Physiopathogénie

L’artère et la veine partagent une gaine adventicielle commune à l’endroit du croisement artério-veineux ; pratiquement toutes les OBV sont liées à un signe du croisement et sont une complicationde l’artériosclérose : elles sont le « stade + » du signe du croisement (voir « Rétinopathiehypertensive - 130 - 1 » page 75), liées à la compression de la veine rétinienne par la paroi épaissiede l’artère artérioscléreuse : ainsi, les OBV s’observent le plus souvent chez les sujets âgés de plusde 60 ans, présentant des facteurs de risque d’artériosclérose : HTA, facteur le plus fréquemmentretrouvé dans les OBV, diabète, tabagisme.

11.2.2 Aspects cliniques

La baisse de vision dépend de l’importance et du type d’atteinte maculaire ; au stade aigu des OBVintéressant la macula, la baisse d’acuité visuelle est due aux hémorragies, à l’ischémie, à l’œdèmemaculaire.Les signes des OBV à l’examen du fond d’œil sont les mêmes que ceux des OVCR : hémorragiesrétiniennes, nodules cotonneux, dilatation veineuse et œdème rétinien, localisés au territoire réti-nien normalement drainé par la veine occluse.L’angiographie fluorescéinique contribue à préciser la forme clinique de l’OBV : forme œdèma-teuse ou forme ischémique, comme dans les OVCR.

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11.2.3 Évolution

1. Évolution favorableDans la majorité des cas, l’évolution est spontanément favorable, par reperméabilisation de laveine rétinienne ou par développement d’une circulation de suppléance permettant le drainagedu territoire de l’OBV par un veine rétinienne de voisinage.

2. Évolution défavorable

a. soit du fait d’une maculopathie ischémique, au cours d’une forme ischémique intéres-sant la macula,

b. soit du fait d’un œdème maculaire persistant, de la même façon que dans les OVCR,mais moins sévère car sectoriel, limité au territoire maculaire intéressé par l’occlusionveineuse,

c. soit du fait de néovaisseaux prérétiniens secondaires à une forme ischémique suffisam-ment étendue ; les néovaisseaux prérétiniens peuvent entraîner la survenue d’une hémor-ragie du vitré , responsable d’une baisse d’acuité visuelle brutale dans les mois suivantla survenue de l’occlusion. L’ischémie rétinienne des OBV n’est par contre pas suffisam-ment étendue pour provoquer l’apparition de néovaisseaux prépapillaires ni d’une néo-vascularisation irienne et d’un glaucome néovasculaire.

11.2.4 Traitement des OBV

1. le traitement des facteurs de risque et le traitement médical sont les mêmes que dans lesOVCR.

2. deux types de traitement par photocoagulation au laser peuvent être indiqués :

a. traitement de l’ischémie rétinienne pour prévenir la survenue d’une hémorragie du vi-tré par néovaisseaux prérétiniens ; c’est une photocoagulation sectorielle, analogue à laPPR, mais limitée au territoire de la veine occluse.

b. photocoagulation maculaire , indiquée en présence d’une OBV datant d’au moins troismois, compliquée d’un œdème maculaire persistant avec une acuité visuelle ≤ 5/10èmes.Ce traitement donne de meilleurs résultats que la photocoagulation de l’œdème macu-laire des OVCR et permet la stabilisation ou l’amélioration de l’acuité visuelle dans lamajorité des cas.

3. le traitement chirurgical de la compression de la veine au niveau du croisement artério-vei-neux a été proposé, mais ne s’est pas révélé concluant.

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 101/211

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Occlusions veineuses rétiniennes - 130 - 4

11.3 Les points forts

Les points forts• Les occlusions veineuses rétiniennes (OVCR, OBV) surviennent le plus souvent

chez des sujets de plus de cinquante ans présentant un ou plusieurs facteurs de risque vasculaire (HTA, hypercholestérolémie, diabète, tabagisme). Leur sur-venue peut être favorisée par une hypertonie oculaire.

• Elles sont facilement diagnostiquées par le simple examen du fond d’œil du fait d’un tableau clinique typique.

• L’examen du fond d’œil et l’angiographie fluorescéinique permettent d’individua-liser deux formes cliniques : forme bien perfusée dite forme œdémateuse , et forme ischémique .

• Dans certains cas, (sujet jeune, absence de facteurs de risque vasculaire ou formes bilatérales), il est nécessaire de pratiquer un bilan plus poussé à la recherche d’une affection systémique : anomalies primitives de la coagulation, syndrome des antiphospholipides, hyperhomocystéinémie.

• Le traitement médical des occlusions veineuses rétiniennes est décevant.• Le traitement par photocoagulation au laser a deux buts : traitement de l’œdème

maculaire d’une part, prévention des complications de l’ischémie rétinienne d’autre part.

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Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

Chapitre 12

Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

Les traumatismes étant traités par ailleurs, ce chapitre sera limité aux anomalies brutales de la vi-sion d’apparition spontanée.

12.1 Diagnostic

Le diagnostic repose sur l’interrogatoire, l’examen clinique et éventuellement des examens com-plémentaires, guidés par la clinique.

12.1.1 L’interrogatoire

L’ interrogatoire précise :

1. le type de l’altération visuelle :

Ce qu’il faut savoir1. Savoir énumérer les étiologies des baisses brutales de la vision :

— en cas d’œil blanc et indolore,— en cas d’œil rouge et douloureux,— en cas d’œil rouge non douloureux.

2. Savoir s’orienter vers une étiologie d’après l’interrogatoire et l’examen (en milieu non spécialisé) et évaluer le degré d’urgence de la prise en charge ophtalmolo-gique.

3. Connaître les principaux examens complémentaires ophtalmologiques et non oph-talmologiques permettant le diagnostic et le traitement.

4. Savoir expliquer au patient le pronostic et la surveillance requise selon l’étiologie.

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Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

• baisse d’acuité visuelle,• altération du champ visuel (scotome, déficit périphérique),• sensation de « mouches volantes » = myodésopsies,• éclairs lumineux = phosphènes,• vision déformée des objets = métamorphopsies,

2. sa rapidité d’installation : s’agit-il d’une baisse d’acuité visuelle réellement brutale, apparued’une seconde à l’autre, ou d’une baisse d’acuité visuelle d’installation rapidement progres-sive, en quelques heures ou jours ?

3. son uni- ou bilatéralité,4. la présence ou non de douleurs associées et leur type :

• douleurs superficielles, évoquant une affection du segment antérieur,• douleurs profondes, irradiant dans le territoire du trijumeau, évoquant un glaucome aigu,• céphalées, évoquant une étiologie « neuro-ophtalmologique »,

5. des antécédents oculaires et généraux,6. les traitements oculaires et généraux suivis,7. il recherche une notion de traumatisme, même minime.

12.1.2 Examen ophtalmologique

Il comprend aux deux yeux :

• la mesure de l’acuité visuelle de loin et de près, avec correction optique si nécessaire,• la réactivité pupillaire : réflexe photomoteur direct et réflexe photomoteur consensuel à

l’éclairement de l’œil controlatéral,• l’examen du segment antérieur : cornée, chambre antérieure, et cristallin,• la mesure du tonus oculaire ,• l’examen du fond d’œil après dilatation pupillaire : nerf optique, vaisseaux rétiniens, rétine.

12.1.3 Examens complémentaires

Ils ne sont pas systématiques et sont orientés par l’interrogatoire et l’examen clinique :

— examens complémentaires ophtalmologiques (voir chapitre d’introduction « Rappel anato-mique. Méthodes d’examen » page 21)

— examens complémentaires non-ophtalmologiques : qu’il s’agisse d’examens biologiques oud’examens radiologiques, ils sont guidés par les premières orientations diagnostiques.

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Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

12.2 Etiologies

Au terme de ces examens, plusieurs cas de figures peuvent se présenter :

12.2.1 Baisse d’acuité visuelle avec un œil rouge et douloureux

Il s’agit d’une affection aiguë du segment antérieur (cf « Œil rouge et/ou douloureux - 212 » page121) :

1. Kératite aiguë :

• la baisse d’acuité visuelle s’accompagne de douleurs superficielles importantes, avecphotophobie et blépharospasme,

• il existe une diminution de transparence de la cornée, un cercle périkératique,• et une ou plusieurs ulcérations cornéennes.

2. Glaucome aigu par fermeture de l’angle :

• la baisse d’acuité visuelle est majeure,• les douleurs sont profondes, intenses, oculaires et périoculaires irradiant dans le territoire

du trijumeau,• il existe souvent des nausées ou des vomissements,• la chambre antérieure est aplatie,• il existe une élévation majeure du tonus oculaire, appréciable par la palpation bidigitale

du globe oculaire à travers la paupière supérieure,• l’examen de l’autre œil met en évidence un angle irido-cornéen étroit.

3. Uvéite antérieure :

• il existe une baisse d’acuité visuelle et des douleurs en général modérées,• un cercle périkératique,• une pupille en myosis,• l’examen à la lampe à fente met en évidence la présence de cellules inflammatoires dans

la chambre antérieure (signe de Tyndall), ± précipités rétrocornéens et synéchies irido-cristalliniennes,

• l’examen du fond d’œil après dilatation pupillaire recherche des signes d’uvéite posté-rieure associés.

12.2.2 Baisse d’acuité visuelle avec œil blanc et indolore

L’examen du fond d’œil oriente le diagnostic :

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Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

12.2.2.1 Fond d’œil non visible ou mal visible par « trouble des milieux »

a. hémorragie intravitréenne :Elle entraîne une baisse d’acuité visuelle souvent précédée d’une impression de « pluie desuie ».La baisse d’acuité visuelle est très variable suivant l’importance de l’hémorragie : une hémor-ragie intravitréenne minime peut se manifester principalement par des myodésopsies , sansbaisse d’acuité visuelle ou avec une baisse d’acuité visuelle minime ; une hémorragie intravi-tréenne massive entraîne une baisse d’acuité visuelle sévère, au maximum acuité visuelle ré-duite à la perception lumineuse.La cause de l’hémorragie est facile à reconnaître quand la rétine reste visible ; ailleurs, unehémorragie massive rend la rétine invisible à l’examen du fond d’œil : l’échographie B peutalors parfois orienter vers une étiologie (par exemple, mise en évidence d’une déchirurerétinienne) ; l’échographie B est par ailleurs toujours indiquée quand la rétine n’est pas visiblepour éliminer la présence d’un décollement de la rétine (+++).Principales causes des hémorragies intravitréennes :

• rétinopathie diabétique proliférante,• occlusions de forme ischémique de la veine centrale de la rétine ou d’une de ses

branches,• déchirure rétinienne : une déchirure rétinienne, compliquée ou non de décollement de la

rétine (voir plus loin), peut entraîner lors de sa survenue une hémorragie intravitréennepar rupture d’un vaisseau rétinien,

• syndrome de Terson : hémorragie intravitréenne uni- ou bilatérale associée à une hémor-ragie méningée par rupture d’anévrysme intracrânien (le syndrome de Terson peut éga-lement être associée à une hémorragie méningée d’origine traumatique).

b. « hyalite » : on désigne par ce terme un trouble inflammatoire du vitré au cours des uvéitespostérieures (inflammation du vitré, de la choroïde et/ou de la rétine).La baisse d’acuité visuelle n’est en général pas brutale mais peut être d’installation rapide-ment progressive, en quelques jours.L’examen met en évidence un trouble du vitré avec présence de cellules inflammatoires àl’examen à la lampe à fente.Les étiologies sont celles des uvéites postérieures comme la toxoplasmose (une des causes lesplus fréquentes)

12.2.2.2 Fond d’œil bien visible et anormal

occlusion de l’artère centrale de la rétine ou d’une de ses branches(voir « Occlusions artérielles rétiniennes - 130 - 3 » page 87) :

• baisse d’acuité visuelle brutale, très profonde (perception lumineuse),• pupille en mydriase aréflectique,• rétrécissement diffus du calibre artériel• œdème blanc rétinien ischémique de la rétine avec tache rouge cerise de la macula ,• tableau clinique variable selon la localisation de l’occlusion en cas d’occlusion d’une

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Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

branche de l’artère centrale de la rétine.

occlusion de la veine centrale de la rétine ou d’une de ses branches(voir « Occlusions veineuses rétiniennes - 130 - 4 » page 95) :

• baisse d’acuité visuelle très variable en fonction de la forme clinique• à l’examen du fond d’œil, œdème papillaire, hémorragies rétiniennes disséminées, no-

dules cotonneux, tortuosité et dilatation veineuses,• examen du fond d’œil et angiographie fluorescéinique permettent de préciser la forme

clinique de l’occlusion veineuse : forme bien perfusée, dite forme œdémateuse , ouforme ischémique.

• tableau clinique variable selon la localisation de l’occlusion en cas d’occlusion d’unebranche de la veine centrale de la rétine.

DMLA compliquée de néovaisseaux choroïdiens maculairesvoir « Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60 » page 59) :

• survenue brutale d’une baisse d’acuité visuelle et de métamorphopsies,• décollement exsudatif de la rétine maculaire ± hémorragies sous-rétiniennes et exsu-

dats secs.

décollement de la rétine (DR) rhegmatogèneil s’agit d’un décollement de rétine secondaire à une déchirure rétinienne (du grec rhegma= déchirure), s’opposant aux décollements de rétine exsudatifs (comme au cours de l’HTAou de la toxémie gravidique – voir « Rétinopathie hypertensive - 130 - 1 » page 75) et auxdécollements de rétine par traction (au cours notamment de la rétinopathie diabétique).

• la survenue d’une déchirure au niveau de la rétine périphérique (voir chapitre d’intro-duction « Rappel anatomique. Méthodes d’examen » page 21) peut permettre le pas-sage de liquide depuis la cavité vitréenne dans l’espace sous-rétinien ; ce liquide sous-rétinien (LSR) va soulever la rétine de proche en proche : c’est le décollement de larétine (DR).

• il reconnaît trois étiologies principales :

— décollement de la rétine idiopathique, le plus souvent chez le sujet âgé,— myopie, notamment myopie forte (myopie supérieure à – 6 dioptries) ; le risque

de DR rhegmatogène croit avec le degré de myopie,— chirurgie de la cataracte (DR de l’aphaque ou du pseudophaque), qui se com-

plique d’un DR dans environ 2 % des cas, dans un délai variable, parfois plu-sieurs années après l’intervention sur le cristallin.

• l’évolution spontanée est très péjorative : elle se fait vers l’extension inexorable duDR, qui englobe la macula, puis intéresse la totalité de la rétine ; la rétine décollée su-bit en quelques semaines des lésions irréversibles responsables d’une quasi-cécité.

• le traitement est uniquement chirurgical : son principe est d’obturer la déchirure réti-nienne périphérique, permettant de stopper le passage de liquide sous-rétinien ; le LSRrésiduel étant ensuite réabsorbé par l’épithélium pigmentaire et la choroïde, permet-tant à la rétine de se réappliquer. Le pronostic anatomique (environ 90 % de succès)et fonctionnel du traitement chirurgical est d’autant meilleur qu’il est précoce, surtout

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Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

lorsque la macula est soulevée par le DR. Le DR est ainsi considéré comme une« semi-urgence », justifiant une intervention dans les quelques jours suivant le dia-gnostic.

• signes cliniques

— signes fonctionnels : myodésopsies, suivies de phosphènes correspondant à lasurvenue de la déchirure rétinienne, puis d’une amputation du champ visuel pé-riphérique, correspondant à la constitution du DR ; lorsque le DR soulève la ma-cula, il entraîne alors une baisse d’acuité visuelle.

— examen du fond d’œil :

— il fait le diagnostic : la rétine apparaît en relief, mobile, d’aspect cérébri-forme,

— il recherche la déchirure causale ; il doit s’attacher à rechercher plusieursdéchirures, les déchirures multiples étant fréquentes et la méconnaissanced’une ou plusieurs déchirures exposant à un échec du traitement chirurgical,

— un examen de la rétine périphérique de l’œil controlatéral doit être systéma-tiquement pratiqué, à la recherche de déchirure(s) non compliquée(s) de dé-collement de rétine ou de lésions prédisposantes (zones de dégénérescencepalissadique au niveau desquelles peuvent survenir des déchiruresrétiniennes) ; ces lésions peuvent en effet bénéficier d’un traitement préven-tif par photocoagulation au laser afin de diminuer le risque de bilatéralisa-tion du DR (risque de bilatéralisation > 10 %). Ce traitement prophylactiquepar photocoagulation au laser peut également se discuter, mais il est pluscontroversé, en l’absence de décollement de la rétine chez des sujets por-teurs de lésions de dégénéresence palissadique et par ailleurs à risque de DR(notamment sujets myopes forts).

neuropathie optique ischémique antérieure(cf « Neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) - 130 - 2 » page 81)

• baisse d’acuité visuelle unilatérale brutale, le plus souvent massive,• diminution du réflexe photomoteur direct,• œdème papillaire total ou en secteur,• déficit fasciculaire (ou scotome central) à l’examen du champ visuel.• l’étiologie la plus fréquente est l’artériosclérose, mais la NOIA doit faire systémati-

quement rechercher une maladie de Horton nécessitant une corticothérapie par voiegénérale en urgence.

toxoplasmose oculaireelle est responsable d’une chorio-rétinite récidivante, qui s’accompagne de signes inflam-matoires vitréens : elle se manifeste par des myodésopsies et une baisse d’acuité variable,d’autant plus importante que le foyer est à proximité de la macula ; à l’examen du fondd’œil, il s’agit d’un foyer blanchâtre qui évolue vers une cicatrice atrophique, à partir delaquelle peuvent survenir des récidives ; le traitement repose sur les antiparasitaires (asso-ciation Malocid®et Adiazine®), prescrit s’il existe une menace sur l’acuité visuelle.

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Page 109: Enseignement d'ophtalmologie

Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

12.2.2.3 Anomalies de la vision d’apparition brutale avec fond d’œil visible et normal

NORB(voir « Œil et sclérose en plaques - 125 » page 65) :

• importante baisse d’acuité visuelle unilatérale brutale,• douleurs oculaires augmentées lors des mouvements oculaires,• réflexe photomoteur direct diminué,• examen du fond d’œil normal (plus rarement, œdème papillaire modéré),• scotome central ou cœco-central à l’examen du champ visuel.

atteintes des voies optiques chiasmatiques et rétro-chiasmatiques(voir « Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293 ») : uneatteinte chiasmatique donne le plus souvent une hémianopsie bitemporale d’installationprogressive, la cause étant le plus souvent une compression d’origine tumorale ; devant unehémianopsie ou une quadranopsie latérale homonyme par atteinte des voies optiques rétro-chiasmatiques, l’installation brutale évoque une étiologie vasculaire, alors qu’une installa-tion progressive évoque une étiologie tumorale.

12.3 Anomalies transitoires de la vision

1. CMT (Cécité Monoculaire Transitoire) : disparition totale de la vision, durant quelques mi-nutes, spontanément résolutive : c’est l’amaurose fugace, qui évoque un accident ischémiquetransitoire de cause embolique , devant faire rechercher un athérome carotidien ou une car-diopathie emboligène ; une cécité transitoire bilatérale évoque quant à elle une insuffisancevertébro-basilaire.

2. « éclipses visuelles » durant quelques secondes par œdème papillaire de l’hypertensionintracrânienne .

3. flashes colorés accompagnés d’un scotome scintillant s’étendant progressivement à un hémi-champ visuel, évoquant une migraine ophtalmique , même si cette « aura visuelle » n’est passuivi de céphalées typiques qui sont inconstantes.

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Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatisme oculaire - 201 - 1

Chapitre 13

Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatisme oculaire - 201 - 1

Devant un traumatisme oculaire récent, (qui peut toujours exposer à des suites médico-légales), ilfaut distinguer 3 situations : les contusions oculaires, les traumatismes perforants, les corps étran-gers du globe et les brûlures oculaires.Les contusions du globe ne présentent pas de caractère d’urgence thérapeutique immédiate.Les traumatismes perforants nécessitent par contre une prise en charge en urgence afin de réali-ser la suture de la ou des plaies du globe oculaire.Les corps étrangers du globe oculaire constituent une pathologie très fréquente. Il faut distinguerles corps étrangers superficiels, bénins, et les corps étrangers intra-oculaires, qui mettent en jeu lepronostic visuel.

13.1 Contusions du globe oculaire

13.1.1 Interrogatoire

Il permet de préciser les circonstances du traumatisme ; les agents contondants sont d’autant plus

Ce qu’il faut savoir1. Connaître les principales lésions observées au cours des contusions oculaires,2. Connaître le pronostic des plaies perforantes du globe oculaire,3. Savoir suspecter et reconnaître un corps étranger intraoculaire.

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatisme oculaire - 201 - 1

dangereux que leur volume est petit : ainsi un ballon est freiné par le relief orbitaire, alors qu’unbouchon de champagne peut directement atteindre le globe oculaire.Le patient présente des douleurs oculaires, et une baisse d’acuité visuelle, d’importance variable.On vérifie toujours que le traumatisme est strictement oculaire, et qu’il n’y a pas de lésions asso-ciées (traumatisme crânien, traumatisme facial, etc…).

13.1.2 Examen

Il permet de distinguer les contusions du segment antérieur, et les contusions du segment posté-rieur, qui peuvent être associées.

13.1.2.1 Contusions du segment antérieur

a. cornée :

— une contusion légère entraîne une simple érosion superficielle (visible après instillationde fluorescéine),

— une contusion sévère peut provoquer un œdème cornéen avec baisse d’acuité visuelle.

b. conjonctive : hémorragie conjonctivale ; elle peut être isolée, mais il faut toujours devant unehémorragie conjonctivale penser à rechercher des signes évoquant une plaie sclérale sous-ja-cente ou un corps étranger intra-oculaire.

c. chambre antérieure : hyphéma ; fréquente, l’hémorragie de la chambre antérieure ou hyphé-ma survient immédiatement après le traumatisme : il se traduit par un niveau liquide héma-tique dans la chambre antérieure ; son évolution se fait en général spontanément vers larésorption, mais le risque est la récidive hémorragique. Un hyphéma récidivant massif, peutêtre responsable d’une « infiltration hématique de la cornée » (hématocornée) irréversible.

d. iris : on peut observer

— une iridodialyse (désinsertion à la base de l’iris),— une rupture du sphincter de l’iris (au bord de la pupille),— ou une mydriase post-traumatique (avec diminution du réflexe photomoteur).

e. cristallin : selon l’importance du traumatisme, et la résistance des fibres de la zonule, on peutobserver

— une subluxation (avec iridodonésis = tremblement de l’iris lors des mouvements duglobe ± présence de vitré dans la chambre antérieure),

— une luxation postérieure du cristallin, dans la cavité vitréenne,— une cataracte contusive (apparaissant plusieurs mois ou années après le traumatisme).

f. hypertonie oculaire : elle peut être provoquée par des lésions traumatiques de l’angle irido-cornéen, bien visibles en gonioscopie (examen de l’angle irido-cornéen à la lampe à fente).

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatisme oculaire - 201 - 1

13.1.2.2 contusions du segment postérieur

a. œdème rétinien du pôle postérieur ou « œdème de Berlin » : responsable d’une baisse d’acui-té visuelle initiale, il évolue en général spontanément vers la guérison, mais il peut parfoisévoluer vers la constitution d’un trou maculaire avec une baisse d’acuité visuelle définitivesévère.

b. hémorragie intravitréenne par rupture vasculaire rétinienne traumatique : elle évolue en gé-néral favorablement, vers la résorption spontanée ; lorsqu’elle empêche la visualisation de larétine, elle doit faire pratiquer une échographie B à la recherche d’un décollement de rétineassocié.

c. déchirures rétiniennes périphériques : elles peuvent aboutir à la constitution d’un décolle-ment de la rétine ; celui-ci peut survenir à distance du traumatisme, parfois plusieurs moisaprès, posant un probléme médico-légal d’imputabilité, surtout chez les sujets prédisposéscomme les myopes forts.Un traitement prophylactique par photocoagulation au laser avant la constitution d’un décol-lement de rétine peut parfois en prévenir l’apparition : d’où l’importance d’un examen systé-matique de la rétine périphérique aussi précoce que possible au décours de tout traumatisme.

d. ruptures de la choroïde : des ruptures traumatiques de la choroïde peuvent laisser une baissed’acuité visuelle séquellaire définitive lorsqu’elle siègent en regard de la macula.

13.1.2.3 ruptures du globe oculaire

Enfin, les traumatismes très violents peuvent provoquer une ou plusieurs ruptures du globe oculaireau niveau des zones de moindre résistance (rupture au niveau du limbe scléro-cornéen, rupturesclérale radiaire), révélées par une hypotonie, une hémorragie sous-conjonctivale, et une hémorra-gie intra-vitréenne. Le pronostic, même après suture de la plaie, est très mauvais.

13.2 Traumatismes perforants

Des plaies directes du globe oculaire peuvent être observées au cours d’accidents de la voie pu-blique (cause devenue rare avec les pare-brises actuels), d’accidents du travail ou d’accidents do-mestiques.Il s’agit parfois de plaies évidentes, larges, de mauvais pronostic, se compliquant très fréquemmentde décollement de rétine ou d’atrophie du globe oculaire avec une cécité complète définitive.Ailleurs, il s’agit de plaies de petite taille, de meilleur pronostic :

• petites plaies cornéennes qui peuvent s’associer à des lésions de l’iris ou du cristallin – cata-racte d’apparition précoce et d’évolution rapide par plaie du cristallin,

• ou petites plaies sclérales .

Le risque est de méconnaître la plaie en absence d’un examen soigneux, notamment de mécon-naître une plaie sclérale masquée par une hémorragie sous-conjonctivale : dans certains cas, une

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatisme oculaire - 201 - 1

exploration chirurgicale peut être indiquée.Le risque est également de méconnaître un corps étranger intraoculaire : au moindre doutedoivent être pratiquées des radiographies à la recherche d’un corps étranger intraoculaire, leur mé-connaissance pouvant avoir des conséquences graves (voir ci-dessous section 13.3, « Corpsétrangers »)

13.3 Corps étrangers

Il faut bien distinguer les corps étrangers superficiels et les corps étrangers intraoculaires (CEIO),de pronostic tout à fait différent.

13.3.1 Le diagnostic peut être évident

1. En faveur d’un corps étranger superficiel plaident des symptômes unilatéraux :

• soit conjonctivite : démangeaisons sans baisse d’acuité visuelle, hyperhémie conjoncti-vale prédominant autour ou en regard du corps étranger, larmoiement

• soit kératite superficielle : douleurs superficielles et photophobie, cercle périkératique.• à l’examen,

— le corps étranger est souvent visible, cornéen superficiel (c’est notamment le cas des« grains de meule », très fréquents),

— ailleurs il est masqué sous la paupière supérieure : toujours penser à retourner lapaupière supérieure à la recherche d’un corps étranger sous-palpébral.

• le pronostic est favorable avec un traitement qui associe ablation à l’aide d’une aiguilleà corps étranger et pansement occlusif pendant 24 à 48 heures, associé à un traitementlocal antibiotique.

2. Ailleurs, on est orienté vers un corps étranger intra-oculaire (CEIO) :il existe parfois un tableau évocateur :

• circonstances de survenue

— évidentes : agression par grenaille de plomb— ou évocatrices : projection d’un corps étranger ferrique par un marteau lors de bri-

colage, ou lors du travail sur une pièce métallique - carrelet de charrue chez l’agri-culteur.

• certains signes cliniques sont également évocateurs :

— porte d’entrée visible, souvent punctiforme, cornéenne ou sclérale (penser à la re-chercher par un examen clinique soigneux devant une hémorragie sous-conjoncti-vale),

— trajet de pénétration visible : perforation cristallinienne et/ou irienne.

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatisme oculaire - 201 - 1

— le corps étranger est parfois directement visible, sur l’iris, dans le cristallin, dansl’angle irido-cornéen, dans le vitré, ou sur la rétine.

13.3.2 Le diagnostic de corps étranger intra-oculaire est cependant souvent moins évident

— car le traumatisme initial n’a pas été remarqué par le patient— car aucune porte d’entrée n’est retrouvée,— car ne sont visibles ni le trajet de pénétration ni le corps étranger.

13.3.3 Examens complémentaires

— dans tous les cas, à la moindre suspicion de corps étranger intraoculaire, doivent être pratiquésdes radiographies de l’orbite de face, de profil, et en incidence de Blondeau ; elles confirmentla présence d’un corps étranger dans l’orbite ; elles constituent un document médico-légal.

— lorsque l’examen radiologique a confirmé le diagnostic de corps étranger de situation orbi-taire, doit être pratiquée une échographie B : elle permet de localiser avec précision le corpsétranger et de confirmer sa situation intraoculaire ; elle permet de plus ce visualiser des corpsétrangers non radio-opaques (CEIO non métalliques).

— la localisation peut encore être effectuée par examen tomodensitométrique , notamment si l’onne dispose pas d’échographie B oculaire ; l’imagerie par résonnance magnétique est parcontre contre-indiquée en raison du risque de mobilisation d’un corps étranger aimantable du-rant l’examen.

Signes faisant suspecter un corps étranger oculaire

Corps étranger superficiel Corps étranger intraoculaire (CEIO)

• conjonctivite• kératite superficielle supérieure• corps étranger cornéen : directement

visible• corps étranger sous-palpébral : tou-

jours penser à retourner la paupière supérieure (++)

• porte d’entrée :

— sclérale (hémorragie sous-conjonctivale)

— cornéenne

• trajet visible : cristallinien et/ou irien• corps étranger visible : iris, cristallin,

angle irido-cornéen, vitré, rétine (visible en l’absence d’hémorragie intravitréenne)

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 115/211

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant un traumatisme oculaire - 201 - 1

13.3.4 Complications précoces des corps étrangers intraoculaire

Elles peuvent révéler un CEIO méconnu, mais peuvent également survenir même après le traite-ment correctement conduit d’un corps étranger diagnostiqué lors du traumatisme :

— endophtalmie (infection intraoculaire) : complication très grave, pouvant aboutir à une cécitécomplète.

— décollement de la rétine (DR) , de pronostic moins sévère mais réservé (les résultats du trai-tement chirurgical des DR secondaires à un CEIO étant moins bons que les résultats du trai-tement des DR spontanés et des DR secondaires à une contusion oculaire).

— cataracte traumatique , dont le pronostic peut être favorable par un traitement chirurgical enl’absence de lésions associées - notamment rétiniennes - ayant un retentissement visuel.

13.3.5 Nous ne ferons que mentionner les complications tardives

— ophtalmie sympathique : uvéite auto-immune sévère de l’œil controlatéral, survenant dequelques semaines à plusieurs années après le traumatisme,

— sidérose et chalcose : atteintes rétiniennes toxique très sévères survenant plusieurs annéesaprès un CEIO méconnu, ferrique - sidérose - ou cuivrique – chalcose : cette dernière s’ac-compagne typiquement d’un anneau cornéen de Kayser-Fleisher identique à celui que l’on ob-serve dans la maladie de Wilson).

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant une brûlure oculaire - 201

Chapitre 14

Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant une brûlure oculaire - 201

14.1 Circonstances de survenue

Trois grands types de circonstances de survenue s’opposent :

1. Les accidents industriels : les brûlures liées à des accidents en milieu industriel sont souventgraves, car font intervenir des produits concentrés (gravité des brûlures par bases +++), ousont associées à d’autres lésions traumatiques, en cas d’explosion (blast).

2. Les accidents domestiques sont souvent moins graves, car liés à des éclaboussures, ouver-tures accidentelles de bouteilles,… Les explosions rejoignent le risque des accidents indus-triels.

3. Les agressions constituent une part non négligeable des brûlures oculaires chimiques danscertaines communautés, souvent perpétrés avec des produits alcalins concentrés et donc po-tentiellement graves.

Ce qu’il faut savoir1. Connaître les principales circonstances de survenue des brûlures oculaires,2. Connaître la gravité respective des brûlures thermiques, acides et basiques,3. Savoir évaluer et classifier la gravité initiale,4. Savoir effectuer les premiers gestes d’urgence.

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 117/211

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant une brûlure oculaire - 201

14.2 Brûlures thermiques, acides et basiques

A. Les brûlures oculaires thermiques habituelles sont rarement graves, car le film de larmesconstitue une protection efficace contre la chaleur. Le cas le plus fréquent est celui de la brû-lure accidentelle par cigarette. Elle provoque une lésion épithéliale localisée, voire une lésionstromale superficielle. La cicatrisation est rapide et le plus souvent sans séquelles visuelles.Les brûlures thermiques lors d’incendies sont en règle beaucoup plus graves, pas tellementsur le plan strictement oculaire, mais par l’atteinte des paupières et des annexes (notammentvoies lacrymales).

B. Les acides forment des complexes avec les protéines du stroma, qui retardent et gênent leurpénétration. L’épithélium intact permet une protection modérée contre la pénétration d’acidesfaibles ou dilués, avec peu de dommages si le pH est > à 2,5. Ce n’est qu’en deçà d’un pH 2,5que des dommages sévères peuvent survenir dans les zones désépithélialisées : les brûlureschimiques par acides usuels sont donc de gravité modérée à moyenne ; elles peuvent êtregraves en milieu industriel avec l’emploi d’acides très concentrés

C. Les alcalins réagissent avec les acides gras (saponification), détruisant les membranes cellu-laires ce qui leur permet de pénétrer très rapidement dans les tissus sous-jacents. Aprèscontact, ils pénètrent dans le stroma, puis en chambre antérieure. L’alcalin qui pénètre le plusrapidement est l’ammoniaque. Toutes les brûlures par bases concentrées sont potentiellementgraves, même en milieu domestique (produits pour déboucher les siphons,…).

En cas de doute sur la nature acide ou basique d’un produit en cause, après le lavage (+++), il estparfois utile d’utiliser des bandelettes de pH (utilisées habituellement pour les urines) pourconnaître le pH des larmes.

14.3 Classification pronostique

Elle s’apprécie après instillation d’une goutte de fluorescéine dans le cul de sac lacrymal et parl’inspection. Les zones désépithélialisées prennent la fluorescéine. Les zones de conjonctive juxta-limbique ischémique sont très blanches, sans les habituels vaisseaux conjonctivaux.La classification pronostique habituellement utilisée est celle de Roper-Hall.Cette classification simple permet, sans instrumentation particulière, d’apprécier immédiatementla gravité initiale d’une brûlure chimique.

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Page 119: Enseignement d'ophtalmologie

Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant une brûlure oculaire - 201

14.4 Traitement d’urgence

Le traitement d’urgence par lavage (+++) est particulièrement important en cas de brûlure caus-tique.Il consiste essentiellement à laver, abondamment et longuement, l’œil atteint, en déplissant soi-gneusement les culs de sacs conjonctivaux. Ce lavage s’effectue au mieux avec du sérum physio-logique, à défaut avec de l’eau. Il doit être le plus précoce possible après la brûlure. Il doitpermettre d’éliminer totalement le produit caustique encore présent. Il est souvent nécessaire d’ins-tiller une goutte d’un collyre anesthésique pour permettre l’ouverture correcte des paupières.La gravité de la brûlure sera ensuite évaluée selon la classification de Roper-Hall.Un traitement par collyre corticoïde doit être débuté le plus précocément possible afin de limiter laréaction inflammatoire intense, elle même source de complication.

CLASSIFICATION PRONOSTIQUE DES BRÛLURES CHIMIQUES(Ropper - Hall)

GRADE 1 : TRÈS BON PRONOSTIC

• désépithélialisation cornéenne isolée,• stroma intact,• pas d’ischémie limbique.

GRADE 2 : BON PRONOSTIC

• opacité cornéenne mais détails de l’iris visibles,• ischémie affectant moins d’un tiers de la circonférence limbique.

GRADE 3 : PRONOSTIC RÉSERVÉ

• désépithélialisation cornéenne totale,• opacité cornéenne masquant les détails de l’iris,• ischémie affectant entre un tiers et la moitié de la circonférence limbique.

GRADE 4 : PRONOSTIC PÉJORATIF

• opacité cornéenne totale sans visibilité des structures du segment antérieur,• ischémie affectant plus de la moitié de la circonférence limbique.

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Evaluation de la gravité et recherche des complications précoces devant une brûlure oculaire - 201

14.5 Formes particulières

• Brûlures dues aux ultraviolets (ski, lampes à UV) : c’est la classique « ophtalmie desneiges », qui apparait avec 6 à 8 heures de décalage : on observe une kératite ponctuée super-ficielle (piqueté fluorescéine positif), à l’origine de douleurs, photophobie, larmoiement, etblépharospasme. Elle guérit sans séquelle en 48 heures.

• « Coup d’arc » : donne un tableau analogue au précédent, après soudure à l’arc sans lunettesde protection.

• Le phototraumatisme réalisé lors de l’observation d’une éclipse peut entraîner une atteintemaculaire qui peut évoluer vers une lésion cicatricielle avec baisse d’acuité visuelle défini-tive.

14.6 Les points forts

Les points forts• La gravité des brûlures oculaires est maximale pour les brûlures caustiques, et

parmi celles-ci, pour les brûlures par bases.• L’appréciation de la gravité s’effectue par une instillation de fluorescéine pour

visualiser l’étendue de la désépithélialisation, et par l’inspection pour quantifier l’ischémie du limbe.

• Le traitement d’urgence associe lavage soigneux après instillation de collyre anes-thésique, puis instillation de collyre corticoïde.

• Toute brûlure oculaire avérée doit faire l’objet d’une prise en charge ophtalmolo-gique rapide.

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

Chapitre 15

Œil rouge et/ou douloureux - 212

15.1 Introduction

Devant un œil rouge ou un œil douloureux, il faut savoir identifier une pathologie simple ne menaçant pas la vision (comme une hémorragie sous-conjonctivale ou une conjonctivite) d’une patho-logie grave menaçant la « vision » et/ou l’intégrité du globe oculaire telle qu’une infection cor-néenne, une uvéite antérieure, ou un glaucome aigu.

Ce qu’il faut savoir1. Connaître les gestes à faire et à ne pas faire.2. Savoir énumérer les étiologies d’un œil rouge :

— douloureux, avec ou sans baisse de l’acuité visuelle,— non douloureux, avec ou sans baisse de l’acuité visuelle.

3. Savoir s’orienter vers une étiologie d’après l’interrogatoire et l’examen non spé-cialisé.

4. Savoir évaluer le degré d’urgence de la prise en charge ophtalmologique.5. Connaître les principaux examens complémentaires ophtalmologiques et non

opthalmologiques permettant le diagnostic et le traitement.6. Savoir expliquer au patient le pronostic et la surveillance requise selon l’étiologie.

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

15.2 Examen

15.2.1 L’interrogatoire

— précise le mode d’apparition de la rougeur oculaire :

• récente ou ancienne,• aiguë ou chronique,• d’apparition brutale ou d’installation progressive,• unilatérale ou bilatérale soit d’emblée soit avec un intervalle libre.

— précise le type de la douleur :

• douleurs superficielles

— modérées, à type de sensation de grains de sable, évoquant une conjonctivite,— ou plus importantes, accompagnées de photophobie et d’un blépharospasme évo-

quant une kératite aiguë.

• douleurs plus profondes,

— modérées évoquant une uvéite antérieure ou une épisclérite,— intenses avec des irradiations dans le territoire du trijumeau évoquant un glaucome

aigu.

• recherche une baisse d’acuité visuelle ; l’absence de baisse d’acuité visuelle oriente vers uneconjonctivite ou encore une épisclérite (moins fréquente).

• précise les antécédents ophtalmologiques et généraux.• recherche une notion de traumatisme , même minime.

15.2.2 Examen clinique

Bilatéral et comparatif.

15.2.2.1 Acuité visuelle

• de loin et de près,• avec correction optique éventuelle.

15.2.2.2 Topographie et aspect de la rougeur oculaire

• en nappe, hémorragique (hémorragie sous-conjonctivale spontanée) ; devant une hémorragiesous-conjonctivale, toujours penser à un corps étranger intraoculaire (CEIO) passé inapercu :au moindre doute, demander des radiographies de l’orbite à la recherche d’un CEIO.

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

• diffuse : conjonctivite.• en secteur : épisclérite• autour du limbe sclérocornéen (vasodilatation concentrique des vaisseaux conjonctivaux lim-

biques, péricornéens, sur 360° = cercle périkératique) : kératite aiguë, uvéite antérieure.

15.2.2.3 Appréciation de la transparence cornéenne

recherche d’une diminution de transparence

• localisée (kératite)• ou diffuse (évoquant l’œdème cornéen par hypertonie du glaucome aigu).

15.2.2.4 Examen après instillation d’un collyre à la fluorescéine

(test à la fluorescéine) à la recherche d’une ulcération cornéenne : l’épithélium cornéen normal neretient pas la fluorescéine qui part contre se fixe sur le stroma en absence de l’épithélium ; ceci per-met de colorer électivement les ulcérations cornéennes, qui peuvent être

• une ulcération cornéenne unique évoquant une kératite bactérienne,• un ulcère dendritiqe évoquant une kératite herpétique,• de petites ulcérations disséminées (kératite ponctuée superficielle = KPS) évoquant une kéra-

tite à adénovirus ou un syndrome sec oculaire.

15.2.2.5 Examen de la pupille

• aspect (pupille déformée par des synéchies irido-cristalliniennes évoquant une uvéite),• taille (myosis évoquant une kératite aiguë ou une uvéite antérieure, semi-mydriase aréflec-

tique évoquant un glaucome aigu).

15.2.2.6 Examen de la chambre antérieure

• appréciation de la profondeur (chambre antérieure étroite évoquant un glaucome aigu),• recherche à la lampe à fente des signes inflammatoires d’une uvéite antérieure (effet Tyndall,

précipités rétrocornéens).

15.2.2.7 Mesure du tonus oculaire

• au tonomètre,• ou par palpation bidigitale du globe oculaire à travers la paupière supérieure, qui peut retrou-

ver un globe oculaire « dur » en cas de glaucome aigu.

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

15.2.2.8 Examen de la conjonctive palpébrale

• recherche de papilles évoquant une conjonctivite allergique,• toujours penser par ailleurs devant un œil rouge à retourner la paupière supérieure à la re-

cherche d’un corps étranger sous-palpébral dont la projection a pu passer inaperçue.

15.2.2.9 Un examen du fond d’œil

sera pratiqué devant une pathologie pouvant s’accompagner d’une atteinte vitréenne ourétinienne : par exemple, recherche de signes d’uvéite postérieure en présence d’une uvéite anté-rieure.

15.3 Etiologies

Elles rentrent dans plusieurs cadres.

15.3.1 Œil rouge, non douloureux, sans baisse d’acuité visuelle

Rougeur conjonctivale localisée, en nappe : hémorragie sous-conjonctivale spontanéefréquente, banale, elle régresse en quelques semaines sans traitement ; elle doit faire recher-cher une hypertension artérielle.+++ : ne pas méconnaître un corps étranger intraoculaire (cf. paragraphe 15.2.2, « Examenclinique »).

Rougeur conjonctivale diffuse : conjonctivite

• Conjonctivite bactérienne :

— Rougeur conjonctivale diffuse, prédominant dans le cul-de-sac conjonctival in-férieur,

— Le plus souvent bilatérale, parfois avec un intervalle libre.— L’acuité visuelle est conservée— Il existe des sécrétions muco-purulentes, collant les paupières le matin au réveil— Le patient se plaint de douleurs superficielles modérées, à type de sensation de

grains de sable.— Un prélèvement pour examen bactériologique n’est pas nécessaire en première

intention.— Les conjonctivites bactériennes sont dûes le plus souvent à des germes Gram po-

sitif (notamment streptocoque ou staphylocoque) ; elles guérissent sans séquellespar une antibiothérapie locale d’une semaine (collyre à large spectre 4 à 6 fois par

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

jour auquel on peut associer une pommade antibiotique le soir au coucher qui as-sure une couverture pendant la nuit).

• Conjonctivites virales à adénovirus :

— Très fréquentes, très contagieuses, elles surviennent par épidémies.— Elles sont bilatérales, en général en deux temps.— Elles s’accompagnent de sécrétions claires.— La présence d’une adénopathie prétragienne est très évocatrice.— Il n’existe pas de traitement, si ce n’est la prescription d’un arrêt de travail ou

l’éviction scolaire, ainsi que l’hygiène des mains et du linge de toilette pour évitertoute contamination de l’entourage.

• Conjonctivites allergiques :

— De survenue saisonnière, bilatérales et récidivantes, chez des sujets atopiques.— Elles s’accompagnent de signes fonctionnels importants : larmoiement, prurit,

ainsi que souvent d’un œdème palpébral et d’une rhinite allergique.— L’examen met en évidence la présence au niveau des conjonctives palpébrales de

papilles de taille variable.— Certaines conjonctivites de l’enfant (« conjonctivite printanière ») s’accom-

pagnent de papilles très volumineuses qui peuvent être invalidantes et entraînerdes complications cornéennes.

• Conjonctivites à chlamydiae :

— Conjonctivite chronique à chlamydiae (« conjonctivite des piscines »).

— bilatérale, mucopurulente, à évoquer devant une conjonctivite chronique.— le diagnostic peut être fait par une PCR sur un grattage conjonctival.— traitement :

— azythromycine : une dose orale,— ou collyre à la tétracycline.

— Trachome (conjonctivite à chlamydia trachomatis)

— très fréquent, une des principales causes de cécité dans le tiers monde.— il débute par une conjonctivite mais évolue vers une atteinte cornéenne (vas-

cularisation de la partie supérieure de la cornée = pannus trachomateux),puis vers une fibrose du tarse (voir chapitre « Rappel anatomique. Méthodesd’examen » page 21) entraînant un trichiasis (déviation des cils venant frot-ter la cornée) et un entropion (voir « Pathologie des paupières - 271 » page161), responsables d’ulcères cornéens qui se surinfectent et aboutissent àune cornée opaque.

• Syndrome sec oculaire :Très fréquente, l’insuffisance de sécrétion lacrymale peut être responsable d’une rou-geur oculaire associée à une sensation de grains de sable ou à des douleurs oculairessuperficielles ;

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Ces signes fonctionnels sont secondaires une atteinte de l’épithélium conjonvtival, as-sociée ou non à une atteinte épithéliale cornéenne, par altération de la tropohicité descellules épithéliales.Le diagnostic est fait principalement par le test de Schirmer (qui quantifie la sécrétionlacrymale) et par le test au vert de lissamine (colorant qui imprègne sélectivement lescellules épithéliales conjonctivales et/ ou cornéennes altérées).Il s’agit :

— le plus souvent d’un syndrome sec par involution sénile des glandes lacrymales,— mais il peut s’agir également d’un syndrome sec dans le cadre d’un syndrome de

Gougerot-Sjögren ou d’un syndrome sec secondaire à un traitement parasympa-tholytique par voie générale, notamment antidépresseur tricyclique.

Le traitement repose sur l’instillation de substituts des larmes.

15.3.2 Œil rouge douloureux avec baisse d’acuité visuelle

15.3.2.1 Kératite aigüe

C’est une atteinte cornéenne qui s’accompagne d’ulcération(s) superficielle(s).Il existe une baisse d’acuité visuelle, très variable suivant la localisation de l’atteinte cornéenne parrapport à l’axe visuel,Des douleurs oculaires superficielles importantes, accompagnées d’une photophobie et d’un blé-pharospasme.À l’examen existe une diminution de transparence de la cornée, souvent localisée au niveau de l’ul-cération, un cercle périkératique (voir section 15.2.2, « Examen clinique ») ; la chambre antérieureest de profondeur et d’aspect normaux.L’instillation d’un collyre à la fluorescéine permet de préciser le type des ulcérations cornéenneset d’orienter vers leur étiologie.Principales étiologies :

• Une kératite à adénovirus peut compliquer une conjonctivite à adénovirus (voir plus haut pa-ragraphe conjonctivite) ; elle se traduit par de petites ulcérations disséminées (« kératiteponctuée superficielle = KPS » fluo +) ; son évolution est toujours spontanément favorable,mais elle peut laisser des opacités sous-épithéliales fluo-négatives qui peuvent mettre plu-sieurs mois ou plusieurs années à régresser et s’accompagner pendant ce délai d’une baissed’acuité visuelle.

• Kératite herpétique (+++)Elle se traduit par une ulcération cornéenne d’aspect typique, de forme arborescente =« ulcère dendritique », parfois un peu moins typique, « en carte de géographie ».Le traitement repose sur les antiviraux locaux (aciclovir en pommade ou ganciclovir en gel)pendant une semaine. L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement, mais le risqueest celui des récidives, ainsi que de l’évolution vers une kératite profonde par atteinte cor-néenne stromale pouvant laisser une baisse d’acuité visuelle définitive.

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

Une culture virale à partir d’un prélèvement sur les bords de l’ulcère n’est que rarement né-cessaire (doute diagnostique ou résistance au traitement).Enfin, les kératites herpétiques peuvent être aggravées de façon majeure par une corticothé-rapie locale qui peut au maximum entraîner une perforation cornéenne : d’où la règle absoluede ne jamais prescrire une corticothérapie locale sans avoir éliminé une kératite herpétique,et de façon plus générale toute ulcération cornéenne.

• Kératites zostériennes : le zona ophtalmique peut se compliquer

— soit d’ulcérations cornéennes superficielles, contemporaines de l’épisode aigu du zona,— soit secondairement d’une kératite neuro-paralytique, grave (kératite dystrophique se-

condaire à l’anesthésie cornéenne).

• Kératites bactériennes, mycosiques et parasitaires :Il s’agit le plus souvent d’abcès de cornée par surinfection bactérienne d’une ulcération trau-matique (coup d’ongle, branche d’arbre) ou survenant sous une lentille de contact (+++) ;l’examen retrouve une plage blanche d’infiltration cornéenne, parfois un niveau liquide pu-rulent dans la chambre antérieure = hypopion (« ulcère à hypopion »).Un prélèvement doit être effectué pour examen direct, mise en culture et antibiogramme.L’évolution peut être favorable si un traitement peut être mis en route précocément :

— collyres antibiotiques administrés toutes les heures qui peuvent être suffisants dans lesformes vues tôt et peu sévères,

— mais le plus souvent il est préférable d’instaurer un traitement par des collyres à forteconcentration préparées à partir de préparations pour injections intraveineuse (« collyresfortifiés »), traitement réalisé en milieu hospitalier.

L’évolution peut être défavorable,

— soit à la phase aiguë par l’extension postérieure de l’infection aboutissant à un tableaud’endophtalmie ou par une perforation cornéenne,

— soit à distance par une taie cornéenne centrale responsable d’une baisse d’acuité visuelledéfinitive.

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En cas de tableau atypique ou de résistance au traitement, il faut penser à une kératite mycosiqueou parasitaire : effectuer les prélèvements adaptés pour un traitement adapté en milieu hospitalier.

• « Kérato-conjonctivites sèches » : comme nous l’avons vu plus haut, le syndrome sec ocu-laire peut associer une atteinte cornéenne à l’atteinte conjonctivale.

• Kératites par innoclusion palpébrale , en particulier au cours des paralysies faciales : ellespeuvent nécessiter une tarsorraphie.

15.3.2.2 Uvéites antérieures

Ce sont des inflammations de l’iris (iritis) et du corps ciliaire (cyclite) : on parle d’irido-cyclite.Le patient présente un œil rouge associé à une baisse d’acuité visuelle et à des douleurs profondes,le tout en général modéré.On retrouve à l’examen un cercle périkératique, une transparence cornéenne normale, une pupilleen myosis, parfois des adhérences inflammatoires entre face postérieure de l’iris et capsule anté-rieure du cristallin (« synéchies irido-cristalliniennes » ou « synéchies postérieures »), responsabled’une déformation pupillaireL’examen à la lampe à fente peut retrouver :

• Le phénomène de Tyndall : présence de protéines et de cellules inflammatoires circulant dansl’humeur aqueuse,

• Des dépôts de cellules inflammatoires à la face postérieure de la cornée : précipités rétrocor-néens.

L’examen du fond d’œil doit être systématique à la recherche d’une atteinte vitréenne, rétinienne

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

ou choroïdienne associée ( = uvéite postérieure).

La recherche d’une étiologie est souvent négative au cours des uvéites antérieure (plus de la moitiédes cas) ; l’enquête étiologique doit rechercher les causes principales que sont :

• spondylarthrite ankylosante : elle s’accompagne fréquemment d’une uvéite antérieure de ca-ractère récidivant mais de bon pronostic ; le diagnostic repose sur la recherche clinique et ra-diographique d’une sacro-iléïte et surtout sur la recherche de l’antigène HLA B-27 , d’autantque l’uvéite antérieure peut précéder l’atteinte des sacro-iliaques.

• uvéite herpétique : suspectée chez des patients présentant déjà des antécédents d’herpès ocu-laire.

• maladie de Still de l’enfant : donne une uvéite antérieure sévère qui s’accompagne d’une ca-taracte et d’une kératite particulière (kératite en bandelette).

• sarcoïdose : uvéite antérieure granulomateuse pouvant donner des nodules iriens ; elle est vo-lontiers associée à une inflammation vitréenne (hyalite), à une choroïdite ou à une vasculiterétinienne.

• maladie de Behcet : elle donne classiquement une uvéite antérieure récidivante à hypopionassociée à une hyalite et à une vasculite rétinienne.

Le traitement associe :

• traitement symptomatique local, systématique :

— par collyres mydriatiques , pour la prévention ou la suppression des synéchies posté-

2003 - 2004 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 129/211

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

rieures,— et par corticoïdes locaux le plus souvent en collyre, parfois dans des formes sévères en

injections sous-conjonctivales.

• traitement étiologique éventuel.

15.3.2.3 Glaucome aigu par fermeture de l’angle

C’est une affection de pronostic très sévère en absence d’un traitement précoce, mais très rare(beaucoup plus rare que le glaucome chronique à angle ouvert).Il survient chez des sujets prédisposés, en général hypermétropes, présentant une chambre anté-rieure et un angle irido-cornéen étroits ; la crise de glaucome aigu est dûe à la survenue d’un blo-cage pupillaire = blocage du passage de l’humeur aqueuse (sécrétée par la corps cilaire) vers lachambre antérieure à travers la pupille : ceci « pousse en avant » la racine de l’iris qui vient fermerl’angle irido-cornéen, et supprimer l’écoulement de l’humeur aqueuse à travers le trabéculum.Le blocage pupillaire survient lors d’une mydriase déclenchée par le stress, le passage à l’obscurité,l’anesthésie générale, tous les collyres mydriatiques, ainsi que tous les médicaments parasympa-tholitiques (antidépresseurs tricycliques,…) ou sympathomimétiques.

• Cliniquement existent des douleurs très profondes, irradiant dans le territoire du trijumeau,souvent associées à des nausées ou à des vomissements qui peuvent égarer le diagnostic. Labaisse d’acuité visuelle est brutale et massive.

• À l’examen,

— l’œil est rouge,— la transparence de la cornée diminuée de façon diffuse par l’œdème cornéen dû à l’hy-

pertonie oculaire majeure,— la pupille est en semi-mydriase aréflectique (abolition du RPM direct et du RPM consen-

suel à l’éclairement de l’œil atteint),— la chambre antérieure est étroite, à l’examen à la lampe à fente, l’angle irido-cornéen (s’il

est visible malgré l’œdème cornéen) est fermé,— le tonus oculaire est très élevé, toujours supérieur à 50 mm Hg, souvent vers 80 mm Hg :

on peut alors apprécier, sans tonomètre, la « dureté » du globe oculaire par une palpationbidigitale à travers la paupière supérieure,

— l’autre œil dont l’examen doit être systématique, présente le plus souvent à l’examen go-nioscopique une chambre antérieure et un angle irido-cornéen étroits.

• L’évolution se fait rapidement, en quelques jours, vers la cécité, en absence d’un traitementmis en route le plus précocément possible :

— acétazolamide (Diamox® ) par voie intraveineuse,— Mannitol à 25 % (par ex., 500 ml en 20 minutes),— collyres hypotonisants,— collyre myotique instillé toutes les heures (instillé également, 3 ou 4 fois par jour à titre

préventif, dans l’œil sain) : le myosis a pour but de réouvrir l’angle irido-cornéen fermé.— dès que la crise est jugulée - tonus oculaire revenu à la normale - et que l’état local le

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

permet, est pratiquée une iridotomie au laser : perforation irienne de petite taille en péri-phérie de l’iris, qui permet de rétablir le passage d’humeur aqueuse en chambre anté-rieure même si survenait à nouveau un blocage pupillaire ; l’iridotomie au laser est leplus souvent également pratiquée, à titre préventif, sur l’autre œil.

• Glaucome néovasculaire : le glaucome néovasculaire (voir chapitres « Rétinopathie diabé-tique (RD) - 233 » page 133 et « Occlusions veineuses rétiniennes - 130 - 4 » page 95) donneun tableau clinique tout à fait similaire, si ce n’est en plus la présence d’une néovascularisa-tion irienne ; son pronostic est très sévère.

15.3.3 Œil rouge, douloureux, sans baisse d’acuité visuelle

Évoque une épisclérite (inflamation sclérale superficielle) :L’œil présente une rougeur en secteur, associée à une douleur localisée ; la rougeur, de par sonsiège profond, ne disparaît pas à l’instillation d’un collyre vaso-constricteur, comme le ferait aucontraire une vaso-dilatation conjonctivale.La vision est conservée, l’examen du segment antérieur normal.Un bilan étiologique doit être pra-tiqué à la recherche d’une maladie de système.

15.4 En bref

En bref• Pas de baisse d’acuité visuelle, sécrétions conjonctivales, paupières collées le

matin au réveil :conjonctivite bactérienne banale ; traitement antibiotique local à large spectre.

• Baisse d’acuité visuelle :

— diminution de transparence cornéenne, cercle périkératique, ulcération fluo + : kératite ; pas de corticoïdes locaux.

— myosis, cercle périkératique, cornée claire : uvéite antérieure ; traitement mydriatique et une corticoïde local + bilan étiologique

— cécité unilatérale, douleurs +++, syndrome digestif, mydriase, cornée opaque, élévation +++ du tonus oculaire : glaucome aigu ; Diamox intraveineux, Mannitol en perfusion, collyre myotique (œil atteint et œil controlatéral).

• Dans tous les cas d’œil rouge, examen ophtalmologique spécialisé en l’absence d’amélioration rapide, en quelques jours.

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Œil rouge et/ou douloureux - 212

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

Chapitre 16

Rétinopathie diabétique (RD) - 233

16.1 Epidémiologie

De grandes études épidémiologiques ont permis de mieux cerner l’incidence des complications ré-tiniennes de la rétinopathie diabétique (RD).On estime qu’environ 40 % des diabétiques sont porteurs d’une rétinopathie, ce qui représenteraitenviron 1 000 000 de patients en France.La rétinopathie diabétique est aussi fréquente au cours du diabète de type 1 qu’au cours du diabètede type 2 :

• dans le diabète de type 1, la RD ne survient en général pas avant 7 ans d’évolution ; après 20ans d’évolution, 90 à 95 % des diabétiques de type 1 ont une RD, dont 40 % une RD prolifé-rante.

• dans le diabète de type 2, 20 % des diabétiques de type 2 ont une RD dès la découverte de leurdiabète. Le risque à long terme des diabétiques de type 2 est moins celui d’une rétinopathieproliférante (20 % des patients) que celui d’un œdème maculaire (60 % des patients).

Ce qu’il faut savoir1. Connaître l’incidence et la prévalence de la rétinopathie diabétique en fonction du

type et de l’ancienneté du diabète.2. Comprendre la physiopathologie succinte de la rétinopathie diabétique.3. Énumérer les complications oculaires du diabète.4. Connaître les signes de la rétinopathie diabétique et ses principaux stades de gra-

vité5. Comprendre les principes du traitement.6. Connaître les principes du dépistage de la RD et savoir le rythme de surveillance

selon la gravité de la rétinopathie.

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

16.2 Physiopathogénie

• La rétinopathie diabétique est une conséquence de l’hyperglycémie chronique . Les pre-mières lésions histologiques de la rétinopathie diabétique sont l’épaississement de la mem-brane basale , la perte des péricytes puis la perte des cellules endothéliales des capillairesrétiniens aboutissant à leur obstruction. A proximité des petits territoires de non-perfusion ca-pillaire ainsi créés, des microanévrismes se développent sur les capillaires de voisinage.

• De nombreux mécanismes ont étés invoqués pour expliquer comment l’hyperglycémie pou-vait entrainer ces lésions capillaires : activation de la voie de l’aldose-réductase conduisant àl’accumulation intracellulaire de sorbitol, glycation des protéines entraînant un épaississe-ment des membranes basales, modifications du flux sanguin rétinien, hypoxie relative entraî-nant la sécrétion locale de facteurs de croissance angiogéniques tel que le VEGF.

• Dilatation et occlusion des capillaires rétiniens sont les premières lésions cliniquementdécelables de la rétinopathie diabétique, aboutissant à deux phénomènes intriqués : hyper-perméabilité capillaire menant à l’œdème rétinien , et parallèlement occlusion capillaire me-nant à l’ischémie rétinienne . Les phénomènes occlusifs et œdémateux évoluent de façonconcomitante, les phénomènes œdémateux prédominant dans la région centrale de la rétine,la macula, et les phénomènes occlusifs affectant surtout la rétine périphérique.

• Au niveau de la macula , l’accumulation de liquide dans le compartiment extra-cellulaire dela rétine habituellement virtuel aboutit à la constitution d’un œdème maculaire . Les exsudatssecs sont secondaires à la précipitation de lipoprotéines plasmatiques dans l’épaisseur de larétine.

• L’occlusion étendue des capillaires rétiniens crée une ischémie rétinienne . Lorsque celle-ci est étendue, une prolifération réactionnelle de néovaisseaux par production de facteurs decroissance , dont le VEGF, se produit à la surface de la rétine, puis dans le vitré. C’est la réti-nopathie diabétique proliférante.Des complications peuvent alors survenir : hémorragie intra-vitréenne par saignement desnéovaisseaux, décollement de la rétine dû à une contraction du tissu fibreux de soutien desnéovaisseaux (prolifération fibro-vasculaire), voire une prolifération de néovaisseaux surl’iris (néovascularisation irienne) et dans l’angle irido-cornéen (glaucome néovasculaire)

16.3 Diagnostic

16.3.1 Circonstances de découverte

— La rétinopathie diabétique (RD) peut être révélée par une baisse d’acuité visuelle. Celle-ciest en général tardive et ne survient qu’après une longue période d’évolution silencieuse de larétinopathie diabétique.

— La rétinopathie diabétique doit être découverte lors de l’examen ophtalmologique systéma-tique réalisé lors de la découverte du diabète ou lors de la surveillance ophtalmologique

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

annuelle de tout diabétique

16.3.2 Examen clinique

L’interrogatoire précise l’ancienneté du diabète, le contrôle de la glycémie et de la tension arté-rielle, et d’éventuels signes fonctionnels oculaires.L’examen ophtalmologique comprend un examen ophtalmologique standard (acuité visuelle deloin et de près sans et avec correction optique, examen du segment antérieur, mesure du tonus ocu-laire), et un examen du fond d’œil après dilatation pupillaire.

16.3.3 Les signes cliniques de RD (examen du fond d’œil)

— les microanévrismes rétiniens sont les premiers signes ophtalmoscopiques de la RD. Ils ap-paraissent sous forme de points rouges de petite taille.

Des territoires d’ischémie rétinienne étendus (I) peuvent, par la sécrétion présumée d’un facteur decroissance (growth factor = GF), provoquer une prolifération néovasculaire qui va se développer enavant du plan rétinien (b). Ces néovaisseaux peuvent être isolés, mais les territoires d’ischémie réti-

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

nienne étant la plupart du temps extensifs, ces néovaisseaux ont tendance à être multiples (c) ; à un degréde plus, lors d’une ischémie rétinienne très étendue, ils se développent en avant de la papille (d).

— les hémorragies rétiniennes punctiformes ont un aspect analogue, et sont parfois difficiles àdistinguer des microanévrismes.

— les nodules cotonneux sont des lésions blanches, superficielles et de petite taille. Ils corres-pondent à l’accumulation de matériel axoplasmique dans les fibres optiques. Ils traduisent uneocclusion des artérioles pré-capillaires rétiniennes

— d’autres signes, évocateurs d’ischémie rétinienne sévère, sont recherchés :

• hémorragies intra-rétiniennes étendues ,• anomalies veineuses à type de dilatation veineuse irrégulière « en chapelet » ou de

boucles veineuses ,• anomalies microvasculaires intrarétiniennes (ou AMIR) qui sont des dilatations et té-

langiectasies vasculaires.

— au niveau de la macula, l’examen clinique recherche un épaississement rétinien témoin d’unœdème maculaire. Lorsque celui-ci est important, il prend un aspect d’œdème maculaire cys-toïde (OMC) . Les exsudats secs sont des accumulations de lipoprotéines dans l’épaisseur dela rétine ; ils apparaissent sous forme de dépôts jaunes, et sont habituellement disposés en cou-ronne (exsudats circinés).

— les néovaisseaux prérétiniens et prépapillaires témoignent d’une rétinopathie diabétiqueproliférante.Ils apparaissent sous forme d’un lacis vasculaire à la surface de la rétine ou de la papille.

16.3.4 Examens complémentaires

Angiographie fluorescéinique :L’angiographie en fluorescence n’est pas indispensable au diagnostic, et sert essentielle-ment à aider au traitement par photocoagulation des œdèmes maculaires. Elle est cependantcouramment pratiquée en France, car elle permet d’obtenir une documentation précise deslésions, mais n’apporte pas plus que l’examen clinique pour la prise en charge du patient.L’angiographie à la fluorescéine consiste, après injection de fluorescéine dans une veine dupli du coude, à observer et photographier grâce à des filtres appropriés le passage du colo-rant dans l’arbre vasculaire rétinien. La séquence angiographique permet d’apprécier laperfusion capillaire et donc l’étendue de l’ischémie rétinienne, et permet de déceler une hy-perperméabilité capillaire

Échographie :elle permet principalement, en cas d’hémorragie du vitré massive empêchant l’examen dufond d’œil, de dépister un éventuel décollement de rétine par traction sous-jacent.

16.3.5 Classification de la rétinopathie diabétique

La rétinopathie diabétique débute par un stade de rétinopathie diabétique non proliférante , et évo-lue vers la rétinopathie diabétique non proliférante sévère (ou préproliférante) caractérisée par

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

une ischémie rétinienneétendue, puis vers le stade de la rétinopathie diabétique proliférante ca-ractérisée par la prolifération de néovaisseaux à la surface de la rétine et/ou sur la papille.L’œdème maculaire est associé aux rétinopathies diabétiques non proliférantes ou proliférantes.

les stades de la rétinopathie diabétique :

• pas de rétinopathie diabétique• rétinopathie diabétique non proliférante

— RD non proliférante minime (microanévrysmes isolés).— RD non proliférante modérée (microanévrysmes, hémorragies rétiniennes punc-

tiformes, nodules cotonneux, exsudats secs)— RD non proliférante sévère (ou RD préproliférante = RDPP), définie par l’asso-

ciation des signes ophtalmoscopiques évocateurs d’ischémie rétinienne sévère :anomalies veineuses nombreuses (dilatations en chapelet et boucles veineuses),hémorragies intra-rétiniennes étendues, groupement d’anomalies microvascu-laires intra-rétiniennes (A.M.I.R.).

• rétinopathie diabétique proliférante (RDP)

— RD proliférante non compliquée : présence de néovaisseaux prérétiniens et/ouprépapillaires

— RD proliférante compliquée (hémorragie du vitré, décollement de rétine par trac-tion, glaucome néovasculaire)

maculopathies diabétiques :

• œdème maculaire diffus : œdème maculaire non cystoïde, œdème maculaire cystoïde• œdème maculaire focal ou « maculopathie exsudative » (exsudats secs maculaires

menaçant la fovéola)• maculopathie ischémique

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

16.4 Evolution

L’évolution de la rétinopathe diabétique est habituellement lente, et se fait progressivement tout aulong de la vie du diabétique.La baisse visuelle liée à l’œdème maculaire est progressive, mais peut à la longue entraîner unecécité.Une hémorragie intra-vitréenne par saignement des néovaisseaux, un décollement de rétine ou unglaucome néovasculaire entraînent une perte brutale et quasi-complète de la vision.

CLASSIFICATION

Rétinopathie non proliférante minime

• microanévrysmes

Rétinopathie non proliférante modérée

• microanévrysmes• exsudats secs• nodules cotonneux (« nodules dysoriques »)• hémorragies rétiniennes punctiformes

Rétinopathie non proliférante sévère (rétinopathie préproliférante)

• AMIR• modifications veineuses• hémorragies intrarétiniennes étendues

Rétinopathie proliférante

• néovaisseaux prérétiniens• néovaisseaux prépapillaires

COMPLICATIONS

Maculopathies

• œdème maculaire diffus, non cystoïde ou cystoide• œdème maculaire focal• maculopathie ischémique

Rétinopathie diabétique proliférante compliquée

• hémorragie du vitré• décollement de rétine par traction• glaucome néovasculaire

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

Il existe des périodes de la vie du diabétique pendant lesquelles le risque d’une évolution rapide dela rétinopathie rend nécessaire une surveillance ophtalmologique renforcée :

• La puberté et l’adolescence : chez les enfants diabétiques, la prévalence de la rétinopathiediabétique est faible, et il n’y a notamment pas de rétinopathie proliférante avant la puberté.Par contre, une aggravation rapide peut se voir à l’occasion de celle-ci.

• La grossesse : il est nécessaire d’examiner le fond d’œil avant la grossesse ; en l’absence derétinopathie diabétique en début de grossesse, une surveillance ophtalmologique trimestriellepuis en post-partum doit être réalisée. S’il existe une rétinopathie diabétique en début de gros-sesse, une surveillance ophtalmologique mensuelle est nécessaire.

• La normalisation rapide de la glycémie par un traitement intensif (notamment mise souspompe à insuline) est associé à un risque transitoire d’aggravation de la rétinopathiediabétique : il est de règle de faire pratiquer un examen ophtalmologique avant tout tentativede normalisation rapide de la glycémie.

• Le traitement chirurgical d’une cataracte peut entraîner une aggravation de la rétinopathiediabétique dans les semaines qui suivent l’intervention.

• Une décompensation tensionnelle ou rénale peut entraîner une aggravation de la rétinopa-thie diabétique.

Causes de cécité dues à la rétinopathie diabétique :

• œdème maculaire, cystoïde ou non• maculopathie ischémique• placard d’exsudats secs centraux, fovéolaires• hémorragie intra-vitréenne• décollement de rétine par traction• glaucome néovasculaire

SURVEILLANCE DE LA RÉTINOPATHIE DIABÉTIQUE

• En l’absence de rétinopathie diabétique, ou en cas de rétinopathie diabétique minime, un examen ophtalmologique annuel est suffisant.

• En cas de rétinopathie diabétique plus grave, une surveillance ophtalmologique tous les 4 à 6 mois peut être nécessaire.

• Circonstances particulières justifiant une surveillance ophtalmologique rapprochée :

— puberté et adolescence— grossesse— normalisation rapide de la glycémie— chirurgie de la cataracte— décompensation tensionnelle ou rénale

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

16.5 Traitement de la rétinopathie diabétique

16.5.1 Traitement médical

• Équilibre glycémique et tensionnel :

— l’effet bénéfique d’une bonne équilibration glycémique sur l’incidence et la progressionde la rétinopathie diabétique a été démontré chez des diabétiques de type 1 par le DCCT(Diabetic Control and Complications Trial Research Group).

— l’effet bénéfique d’un bon équilibre glycémique mais aussi du contrôle de l’hypertensionartérielle est également démontré chez les diabétiques de type 2 par l’étude UKPDS(United Kingdom Prospective Diabetes Study).

• Traitements médicamenteuxL’efficacité des antiagrégants plaquettaires reste incertaine : leur utilisation, un temps propo-sée, n’est plus retenue.

16.5.2 Traitement de la rétinopathie diabétique par photo coagulation au laser

• Traitement de la rétinopathie diabétique proliféranteLa photocoagulation panrétinienne (PPR) au laser est le traitement spécifique de la rétinopa-thie diabétique proliférante. Elle consiste en une coagulation étendue de toute la rétine péri-phérique. Elle est réalisée en ambulatoire sous anesthésie de contact. La PPR permet d’obtenirla régression de la néovascularisation prérétinienne et/ou prépapillaire dans près de 90 % descas et de réduire considérablement le risque de cécité lié à la rétinopathie diabétique prolifé-rante.La PPR est indiquée dans tous les cas de rétinopathie diabétique proliférante . La rapidité desa réalisation dépendra de la sévérité de la RDP. A l’extrême, l’existence d’une néovascula-risation irienne est l’indication d’une PPR urgente.

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

La destruction extensive des zones d’ischémie par la photocoagulation pan-rétinienne (PPR), épargnantuniquement la papille et la macula, permet la régression des néovaisseaux prérétiniens et/ouprépapillaires.

• Traitement par laser de la maculopathie diabétiqueLe traitement par laser de l’œdème maculaire est indiqué s’il existe une baisse visuelle signi-ficative etprolongée, sans tendance à l’amélioration spontanée, ou s’il existe des exsudatssecs. Il consiste en une photocoagulation en quinconce non confluente périfovéolaire sur lasurface de l’œdème. Il permet au mieux un ralentissement de la baisse visuelle.

16.5.3 Traitement chirurgical de la rétinopathie diabétique (vitrectomie)

Il est indiqué dans les cas de RDP compliquée d’hémorragie intra-vitréenne persistante et/ou dedécollement de rétine tractionnel.

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Rétinopathie diabétique (RD) - 233

16.6 Les points forts

Les points forts• La rétinopathie diabétique est une cause majeure de malvoyance et de cécité en

France, et c’est la première cause de cécité avant l’âge de 55 ans . La prévalence de la rétinopathie diabétique augmente avec la durée du diabète et le niveau de l’hyperglycémie chronique.

• L’équilibration stricte de la glycémie et de la tension artérielle , associée à une surveillance annuelle du fond d’œil est le meilleur traitement préventif de la réti-nopathie diabétique.

• Le traitement par laser , dont les indications sont maintenant bien codifiées, per-met d’empêcher les complications de la rétinopathie diabétique proliférante (pho-tocoagulation panrétinienne = PPR) et de stabiliser la baisse visuelle liée à l’œdème maculaire (photocoagulation maculaire). Le traitement doit être débuté dès l’apparition d’une néovascularisation prérétinienne. Par contre, il n’y a jamais d’urgence à traiter par laser une maculopathie diabétique.

• La baisse visuelle est tardive, et peut être prévenue ; un examen du fond d’œil précoce dès la découverte du diabète, puis une surveillance ophtalmologique régulière tout au long de la vie du diabétique doivent permettre d’éviter l’évolu-tion vers des complications graves de la rétinopathie diabétique.

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Glaucome chronique - 240

Chapitre 17

Glaucome chronique - 240

17.1 Définition et épidémiologie

Le glaucome chronique à angle ouvert, encore appelé glaucome primitif à angle ouvert, est unemaladie fréquente, touchant environ 1 % de la population de plus de 40 ans. Il constitue la se-conde cause de cécité dans les pays développés (après la dégénérescence maculaire liée àl’âge).Le glaucome chronique est caractérisé par une destruction progressive du nerf optique sous l’in-fluence de plusieurs facteurs de risque dont le plus fréquent est l’hypertonie oculaire.Les trois signes principaux de la maladie sont classiquement :

• l’élévation pathologique de la pression intra-oculaire,• l’élargissement de l’excavation de la papille (dépression caractéristique de l’extrémité du

nerf optique) par destruction des fibres nerveuses qui le composent,• les altérations du champ visuel, dont la topographie et la profondeur sont directement cor-

rélées à l’atteinte du nerf optique.

Cette définition est partiellement exacte étant donné que l’hypertonie oculaire peut être passagèreou absente du tableau clinique, tout comme l’est parfois l’atteinte périmétrique à un stade débutantde la maladie.Même s’il existe de nombreux facteurs de risque de la maladie glaucomateuse, le principal facteurde risque est l’hypertonie oculaire qui est retrouvée dans la plupart des glaucomes. L’hypertonieoculaire est définie par une pression intra-oculaire supérieure à 21 mm Hg, la moyenne étant de16 mm Hg.

Ce qu’il faut savoir1. Connaître la définition, la physiopathologie et l’épidémiologie du glaucome chro-

nique.2. Enumérer les principales causes de glaucome chronique.3. Connaître les éléments de surveillance du glaucome et leur rythme.4. Décrire les principaux traitements médicaux et chirurgicaux du glaucome et leurs

risques respectifs.5. Pouvoir expliquer au patient le pronostic du glaucome chronique.

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Glaucome chronique - 240

Il n’existe pas de chiffre de pression intra-oculaire aboutissant systématiquement à un glaucomechronique, même si le risque de développer un glaucome est d’autant plus grand que la pressionest élevée : il y a environ 10 fois plus de sujets atteints d’hypertonie oculaire que de glaucome.Même si la majorité des glaucomes s’accompagnent d’une hypertonie, l’hypertonie oculaire n’estdonc pas synonyme de glaucome. En effet,

1. toutes les hypertonies oculaires n’entraînent pas un glaucome.2. il existe des formes cliniques de glaucome primitif à angle ouvert où la pression intra-oculaire

se situe dans les limites statistiques de la normale (on parle de « glaucome à pressionnormale »).

Le glaucome chronique à angle ouvert ne doit pas être confondu avec le glaucome aigu par ferme-ture de l’angle, plus rare, et dont la physiopathologie, la présentation clinique, la thérapeutique oule pronostic sont différents. De même, les glaucomes « secondaires » sont très diffrents, essentiel-lement dans leurs étiologies (traumatique, inflammatoire, néovasculaire ou congénitale) et dansleur prise en charge thérapeutique.

17.2 Physiopathologie

• Le glaucome chronique à angle ouvert est une neuropathie optique progressive, chroniqueet asymptomatique avec altération caractéristique du champ visuel et atrophie particulière dunerf optique. Il est le plus souvent mais non systématiquement associé à une hypertonie ocu-laire.

• Pourquoi et comment se font les lésions des fibres optiques au niveau de la papille ? Cettequestion revient à se demander pourquoi et comment se développent l’excavation glaucoma-teuse et des déficits du champ visuel ? Deux hypothèses sont proposées :

— d’une part, la théorie mécanique , qui explique l’excavation papillaire par unecompression de la tête du nerf optique (« strangulation » ou cisaillement des fibres vi-suelles) sous l’effet de l’hypertonie oculaire

— d’autre part, la théorie ischémique , qui l’explique par une insuffisance circulatoire auniveau des capillaires sanguins de rétine et surtout de la tête du nerf optique (par hypo-perfusion papillaire chronique ou spasmes vasculaires transitoires).

D’autres explications sont actuellement évoquées pour expliquer la mort neuronale dans le glau-come. En particulier, il est démontré que les cellules ganglionnaires entrent en phase de mort pro-grammée (apoptose) sous l’effet d’une stimulation excessive d’un neurotransmetteur excitateurnormalement présent dans le vitré et la rétine interne : le glutamate. Dans le glaucome, un nombreimportant de fibres optiques disparaitrait selon ce mécanisme d’excito-toxicité et d’apoptose .L’impact de l’hypertonie oculaire semble être important dans toutes les hypothèses proposées.Dans le glaucome chronique, l’élévation de la pression intra-oculaire est liée à une dégénérescenceprogressive du trabéculum qui n’assure plus ses fonctions normales d’écoulement de l’humeuraqueuse ; l’hypertonie oculaire procède d’un mécanisme tout à fait différent de celui mis en jeudans le glaucome par fermeture de l’angle

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Glaucome chronique - 240

Figure 14 Destruction progressive des fibres optiques qui composent le nerf optique

17.3 Formes cliniques

A. La survenue d’un glaucome chronique est favorisée par l’existence de plusieurs facteurs derisque, mais l’hypertonie oculaire demeure le principal facteur causal de la maladie. D’autresfacteurs de risque sont identifiés :

• antécédents familiaux d’hypertonie oculaire ou de glaucome : environ 30 % desglaucomes ont un caractère héréditaire ; dans 20 % des cas environ, il est possible demettre en évidence une transmission autosomale dominante, mais cependant avec unepénétrance variable.

• âge : l’incidence du glaucome a tendance à augmenter avec l’âge à partir de 40 ans etculmine vers 70 ans.

• prise de corticoïdes par voie générale ou locale (ancienne ou récente), prédisposant àl’hypertonie oculaire,

• autres facteurs de risque, en particulier cardiovasculaires : hypotension artérielle(qu’elle soit iatrogène, nocturne ou orthostatique), diabète sucré, myopie forte,vasospasme (syndrome de Raynaud, migraine).

B. Il existe d’autres formes cliniques pouvant être rapprochées du glaucome chronique à angleouvert, car leur symptomatologie et leur évolution sont relativement similaires ; les plus im-portantes sont :

• le glaucome à pression normale : la pression intra-oculaire est normale durant tout lenycthémère, incriminant des troubles circulatoires au niveau de la tête du nerf optique ;le diagonstic repose sur les autres signes cliniques : excavation papillaire et altérationsdu champ visuel.

• le glaucome du myope fort : de diagnostic difficile du fait des modifications de la pa-pille et du champ visuel chez le sujet myope.

• le glaucome juvénile : survenant avant 40 ans, d’évolution souvent rapide et sévère. Il

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présente un caractère héréditaire marqué (dont un des gènes responsables a récemmentété localisé sur le chromosome 1).

• le glaucome cortisonique : dû à l’instillation répétée d’un collyre à base de cortisone ouà la suite d’un traitement à doses importantes de corticoïdes par voie générale ; l’hyper-tonie oculaire régresse généralement après arrêt des corticoïdes : la prescription prolon-gée de corticoïdes locaux et généraux nécessite ainsi une surveillance ophtalmologiquerégulière avec mesure de la pression intra-oculaire et examen de la papille optique.

Figure 15 Circulation de l’humeur aqueuse à l’intérieur de l’œilDans le glaucome primitif à angle ouvert, l’hypertonie oculaire est due à une diminution de

l’écoulement de l’humeur aqueuse dans le trabéculum.

17.4 Diagnostic et surveillance clinique

17.4.1 Dépistage

Le glaucome est un problème majeur de Santé Publique, nécessitant un dépistage systématique demasse , en particulier dans la population de plus de 40 ans. Ce dépistage s’appuie sur la mesure dela pression intra-oculaire et l’analyse de la papille optique par le fond d’œil. Au moindre doute,l’enregistrement du champ visuel par périmétrie doit être réalisé.

17.4.2 Circonstances de diagnostic

Les particularités de la maladie glaucomateuse sont sa survenue insidieuse et son caractèreasymptomatique pendant la majeure partie de son évolution. Le diagnostic d’un glaucome s’effec-tue souvent lors d’un examen systématique motivé pour une prescription de lunettes de près pourla presbytie. Il est important d’expliquer au patient le caractère lentement évolutif de la maladie et

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la nécessité de poursuivre la thérapeutique médicale même s’il ne sent pas – ou peu - gêné par l’at-teinte du champ visuel.A un stade évolué de la maladie, la survenue puis la coalescence des scotomes aboutit à une atteintepérimétrique importante et donc à une gêne fonctionnelle , même si l’acuité visuelle centrale estpréservée jusqu’à un stade ultime (vision tubulaire par « agonie du champ visuel », donnant « 10/10èmes avec une canne blanche »).Lorsque la pression intra-oculaire est très élevée (> 30 mm Hg), le patient peut ressentir un brouil-lard visuel intermittent ou la perception de halos colorés autour des lumières (en relation avecl’œdème cornéen) ainsi que des douleurs oculaires ou péri-orbitaires. Ces signes fonctionnels sontfinalement peu fréquents et rarement à l’origine du diagnostic de la maladie.

17.4.3 Diagnostic

1. L’examen ophtalmologique retrouve :

• une acuité visuelle conservée , pouvant diminuer au stade tardif de la maladie ou en casde pathologie oculaire associée (exemple : cataracte chez une personne âgée),

• un œil calme et blanc, non douloureux ,• une chambre antérieure profonde , une pupille normalement réactive (sauf à un stade

très évolué où le réflexe pupillaire est diminué),• une pression intra-oculaire (mesure au tonomètre à aplanation de Goldmann ou au to-

nomètre à air pulsé) généralement élevée (> 21 mm Hg), mais parfois normale (glau-come à pression normale),

• un angle irido-cornéen ouvert en gonioscopie,• une papille optique excavée, c’est-à-dire creusée en son centre par raréfaction progres-

sive des fibres nerveuses qui forment le nerf optique :

— stade de début : on peut noter un accroissement de la pente de l’excavation physio-logique. Les bords deviennent abrupts, en particulier le bord temporal. On estimel’augmentation de la taille de l’excavation par le calcul du « rapport cup/disc » (rap-port de la largeur de l’excavation sur la largeur de la papille, normalement de l’ordrede 0,3).

— stade évolué : l’excavation est nette, ses bords sont abrupts sur toute la circonfé-rence. Les vaisseaux centraux sont rejetés en nasal, le fond de la papille est pâle. Lerapport cup/disc de la papille est augmenté par rapport au début de l’affection.

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Glaucome chronique - 240

Figure 16 Évolution de la papille optique glaucomateuseà gauche : aspect normal ; à droite : excavation glaucomateuse avec amincissement de la

bordure neuro-rétinienne de la papille

2. Le bilan fonctionnel est essentiel pour estimer la gravité du glaucome chronique et adapterla stratégie thérapeutique. Il consiste essentiellement en l’enregistrement du champ visuelpar périmétrie :

— soit périmétrie cinétique (périmètre de Goldmann)— soit, mieux, par périmétrie statique (périmètre de Friedmann, périmètres automa-

tiques).

L’altération du champ visuel est principalement marquée par l’apparition de scotomes dontla topographie et la forme sont parfois évocatrices :

• scotome arciforme de Bjerrum (+++) , partant de la tache aveugle et contournant le pointde fixation central,

• ressaut nasal , créé par le décalage dans l’atteinte des fibres optiques au dessus et en des-sous de l’horizontale, se traduisant par un ressaut à la limite du champ visuel nasal, auniveau du méridien horizontal,

• déficits scotomateux paracentraux isolés, relatifs ou absolus.

Figure 17 Scotome arciforme de Bjerrum (périmétrie automatique)Notez que le scotome est relié à la tache aveugle et qu’il contourne le point de fixation

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En l’absence de traitement, le glaucome évolue vers une dégradation progressive et irréver-sible du champ visuel (champ visuel tubulaire), celui-ci étant réduit à un simple croissanttemporal et à un îlot central de vision. A ce stade, l’acuité visuelle centrale diminue rapi-dement et la gêne fonctionnelle est majeure, la papille optique est très excavée.

17.5 Principes thérapeutiques

Le traitement du glaucome chronique à angle ouvert repose principalement sur le traitement del’hypertonie oculaire qui lui est généralement associée. Hormis les cas les plus graves où lachirurgie s’impose dès le diagnostic fait, la thérapeutique est d’abord médicale.La surveillance doit porter sur l’évaluation régulière de la pression intra-oculaire, de l’aspectde la tête du nerf optique et du champ visuel. Généralement, un enregistrement du champ visuelest réalisé tous les 6 à 12 mois et le traitement est éventuellement modifiée en cas d’aggravationdes altérations du champ visuel et/ou de l’excavation papillaire.Dans la majorité des cas, le traitement chirurgical tire ses indications de l’échec du traitement mé-dical. Cependant, la chirurgie est de plus en plus préférée lorsque le glaucome est évolué ou lorsquele patient est jeune.

17.5.1 Traitement médical

1. Le traitement médical du glaucome est généralement prescrit « à vie » et ne doit pas être in-terrompu inopinément. Le choix se fait essentiellement en fonction des contre-indications etdes effets indésirables de chacune des classes thérapeutiques même si les collyres bêta-blo-quants sont généralement prescrits en première intention.De nombreux médicaments sont disponibles, sous forme locale ou générale, agissant selondes mécanismes différents :

• diminution de la sécrétion d’humeur aqueuse :

— collyres bêta-bloquants, — collyres agonistes alpha2 adrénergiques,— inhibiteurs de l’anhydrase carbonique— par voie topique (collyres)— ou par voie générale

• augmentation de l’élimination d’humeur aqueuse :

— adrénaline et composés adrénaliniques,— colllyres myotiques parasympathomimétiques,— prostaglandines.

2. Modalités thérapeutiques :

• Un collyre bêta-bloquant est prescrit en première intention sauf contre-indication ; le

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plus ancien est le timolol (ex : Timoptol® )

— il est prescrit à raison d’une goutte matin et soir (il existe également des formes LP,prescrites une fois par jour

— du fait, comme tous les collyres, de son passage systémique, sa prescription doit res-pecter les contre-indications des bêta-bloquants, les risques d’effets secondaires po-tentiellement sévères étant les mêmes que ceux des bêta-bloquants par voiegénérale.

• Les autres collyres hypotonisants sont prescrits soit en deuxième intention lorsque lesbêta-bloquants n’ont pas une efficacité suffisante, soit en première intention en cas decontre-indication aux bêta-bloquants ; on peut être amenés à associer plusieurs collyreshypotonisants, sans dépasser en règle une « tri-thérapie » :

— agonistes alpha2 adrénergiques comme l’Alphagan® (une goutte matin et soir),— analogues des prostaglandines F2 alpha = Xalatan® (une goutte le soir) ; ce collyre

a une excellente tolérance systémique mais peut par contre entraîner une hyperpig-mentation irréversible de l’iris et des cils, effet secondaire dont le patient doit êtreprévenu.

— dorzolamine (Trusopt®), collyre inhibiteur de l’anhydrase carbonique (une gouttematin et soir)

• Certains collyres associent deux principes actifs pour faciliter le traitement et en amélio-rer l’observance par le patient : c’est le cas par exemple de l’association de timolol et dedorzolamine = Cosopt® (une goutte matin et soir).

• Ce n’est que dans certains cas que l’on peut être amené à associer au traitement local del’acétazolamide (Diamox®) par voie générale ; il est cependant rarement prescrit aulong cours mais le plus souvent en attente d’un traitement chirurgical ; les glaucomes ré-sistants au traitement local sont en effet considérés comme un indication chirurgicale,d’autant que le Diamox comporte des effets secondaires fréquents et invalidants :

— acidose métabolique,— hypokaliémie,— lithiases rénales.

Les contre-indications du Diamox sont l’insuffisance rénale, l’insuffisance hépatique sé-vère, et l’allergie aux sulfamides.

17.5.2 Trabéculoplastie au laser

Entre médicaments et chirurgie, la trabéculoplastie au laser consiste à réaliser une photocoagu-lation sélective de l’angle irido-cornéen, ce qui entraîne une rétraction du tissu trabéculaire et quipermet de faciliter l’écoulement de l’humeur aqueuse.

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Glaucome chronique - 240

17.5.3 Traitement chirurgical

La chirurgie repose essentiellement sur la trabéculectomie qui consiste en une fistulisation sous-conjonctivale de l’humeur aqueuse. Sous un volet conjonctival, on pratique un volet scléral lamel-laire sous lequel la trabéculectomie proprement dite réalise la fistule.Une variante de cette chirurgie ne comportant que l’exérèse isolée du trabéculum (avec respect dela paroi sclérale sans ouverture du globe oculaire) est actuellement proposée : c’est la sclérectomieprofonde non perforante.Les complications de la trabéculectomie sont relativement rares mais doivent être recherchées :cataracte, hypotonie précoce avec décollement choroïdien, infection du globe oculaire par la fis-tule.La principale cause d’échec de la chirurgie filtrante est liée à la fermeture progressive et préma-turée de la voie de drainage réalisée par fibrose sous-conjonctivale. Chez les patients à haut risqued’échec chirurgical (patients jeunes, mélanodermes), la cicatrisation peut être combattue efficace-ment par des antimétabolites appliqués au site opératoire (mitomycine C, 5-fluorouracile) ou pardes implants de drainage placés à l’intérieur de la chambre antérieure.

Figure 18 Trabéculectomie

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Glaucome chronique - 240

17.6 Les points forts

Les points forts• Le glaucome chronique à angle ouvert est une neuropathie optique progressive

sous l’influence de plusieurs facteurs de risque dont le plus fréquent est l’hyperto-nie oculaire.

• La maladie glaucomateuse est caractérisée par :

— l’élévation pathologique de la pression intra-oculaire (au delà de 21 mm Hg), même si le glaucome peut se développer à pression normale,

— l’élargissement de l’excavation de la papille (dépression caractéristique de l’extrémité du nerf optique) par destruction des fibres nerveuses,

— les altérations du champ visuel dont la topographie et la profondeur sont corrélées à l’atteinte du nerf optique.

• Même si le glaucome survient généralement chez des sujets chez qui la pression intra-oculaire est élevée, l’hypertonie oculaire n’est pas synonyme de glaucome : toutes les hypertonies n’entraînent pas de glaucome et il existe des glaucomes à pression normale.

• Le glaucome chronique est une pathologie potentiellement cécitante mais demeu-rant muette cliniquement pendant une grande partie de son évolution, ce qui nécessite un dépistage systématique.

• Le traitement du glaucome chronique à angle ouvert consiste essentiellement à réduire la pression intra-oculaire par des médicaments (diminuant la sécrétion de l’humeur aqueuse ou facilitant son élimination), le laser (trabéculoplastie) ou la chirurgie (trabéculectomie ou sclérectomie). La surveillance rigoureuse de la pres-sion intra-oculaire, de l’aspect de la papille optique et de l’évolution du champ visuel est essentielle.

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Ophtalmopathie dysthyroïdienne - 246

Chapitre 18

Ophtalmopathie dysthyroïdienne - 246

18.1 Généralités. Epidémiologie

Véritable atteinte auto-immune spécifique d’organe, l’ophtalmopathie dysthyroïdienne correspondaux atteintes ophtalmologiques rencontrées dans diverses maladies thyroïdiennes. L’ophtalmopa-thie se voit principalement dans la maladie de Basedow (85 à 90 % des cas) mais peut parfois êtreliée à d’autres atteintes thyroïdiennes : thyroïdite lymphocytaire de type Hashimoto, ou anomaliesauto-immunes biologiques sans maladie thyroïdienne apparente.La fréquence des atteintes oculaires dans le cadre des maladies thyroïdiennes est diversement ap-prêciée selon les auteurs. On admet que deux tiers des patients présentant une maladie de Base-dow ont des signes oculaires . Selon les auteurs, l’ophtalmopathie serait retrouvée dans 30 à 62 %des maladies thyroïdiennes auto-immunes et serait unilatérale dans un cas sur quatre .Tout comme l’hyperthyroïdie, l’ophtalmopathie est retrouvée de façon prédominante chez lafemme.L’ophtalmopathie peut

— soit survenir en même temps que l’hyperthyroïdie ou au décours de celle-ci— soit, parfois, précéder la survenue de l’hyperthyroïdie de quelques mois ou années.

Ce qu’il faut savoir1. Savoir évoquer une exophtalmie basedowienne sur ses caractéristiques cliniques,2. Connaître les complications oculaires de la maladie de Basedow,3. Connaître les principes du traitement,4. Connaître les autres causes d’exophtalmie.

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Ophtalmopathie dysthyroïdienne - 246

18.2 Physiopathologie

L’ophtalmopathie correspond à la survenue au niveau des tissus orbitaires d’un œdème touchant àla fois la composante musculaire et la composante adipeuse de l’orbite. Il existerait une infiltrationlympho-monocytaire principalement par des lymphocytes T activés, des lymphocytes B, desmacrophages et des mastocytes. A cet infiltration musculaire fait suite une contracture des musclesextra-oculaires responsable d’une réduction de la mobilité. L’augmentation de volume tissulaire àla fois graisseux et musculaire est responsable d’une exophtalmie qui elle-même entraîne une gêneau retour veineux aggravant l’œdème. Dans les formes graves, le nerf optique peut être compriméavec altération fonctionnelle parfois définitive.L’ophtalmopathie relève d’un mécanisme auto-immun dont l’antigène n’est pas encore déterminéde façon certaine. Des anticorps dirigés contre les muscles extra-oculaires ont été décelés chez cer-tains patients. Il est probable qu’un auto-antigène commun au parenchyme thyroïdien et au tissuorbitaire est en cause.Les fibroblastes orbitaires jouent un rôle également important dans la survenue de l’ophtalmopa-thie dysthyroïdienne.Certains facteurs favorisants auraient un rôle comme des facteurs génétiques (présence d’un HLADR 3), le tabac, l’âge et les passages en phase d’hypothyroïdie, notamment après traitement pariode radio-actif.

18.3 Classification

Diverses classifications ont été utilisées pour rendre compte de la diversité symptomatologique del’ophtalmopathie dysthyroïdienne. En effet tous les tissus oculaires ou presque peuvent être tou-chés.La classification la plus utilisée est la classification NOSPECS qui tient compte des différentes at-teintes oculaires et orbitaires : chaque lettre correspond à un type d’atteinte, coté 0 ou de a à c sui-vant l’importance.

18.4 Signes cliniques

En suivant la classification NOSPECS on peut rencontrer les différents signes cliniques suivants :

18.4.1 Signes palpébraux ou syndrome palpébro-rétractile

Extrêmement fréquents et liés directement à la thyrotoxicose. Ils comprennent principalement larétraction palpébrale supérieure , la paupière supérieure étant remontée de quelques millimètres,

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laissant une bande de sclère blanche visible au dessus de la cornée. Cette rétraction peut être uniou bilatérale, symétrique ou non. Il s’y associe une asynergie oculo-palpébrale lors du regard versle bas : la paupière supérieure suit mal et avec retard le mouvement du globe vers le bas.Une rétraction identique de la paupière inférieure découvrant la sclère sous la cornée est égalementpossible.Une rareté du clignement est également fréquente.

18.4.2 Atteinte des tissus mous

Relativement fréquente, elle est liée aux phénomènes inflammatoires et associe un œdème et unerougeur des paupières et de la conjonctive . Plus particulièrement évocateurs sont une hyperhémieconjonctivale avec vasodilatation en regard des muscles droits horizontaux, un chémosis de typeinflammatoire inférieur, des poches palpébrales marquées, une kératoconjonctivite limbique supé-rieure.

18.4.3 Exophtalmie

C’est un signe classique retrouvé dans bon nombre d’ophtalmopathies dysthyroïdiennes. Cetteexophtalmie est le plus souvent bilatérale , parfois asymétrique. Classiquement elle est axile, nonpulsatile et réductible .Elle sera mesurée au mieux par l’exophtalmométrie à l’appareil de Hertel qui donne des chiffressupérieurs à 20 mm en cas d’exophtalmie. Elle pourra être confirmée par la tomodensitométrie.

18.4.4 Troubles oculo-moteurs

Véritable myopathie liée aux phénomènes œdèmateux musculaires puis à la fibrose musculaire ,elle se manifeste le plus souvent par la survenue d’une diplopie verticale ou oblique, variable. Lesmuscles les plus atteints sont par ordre de fréquence le muscle droit inférieur puis le muscle droitmédial.L’examen de l’oculo-motricité (voir chapitre « diplopie ») objectivera les limitations oculo-mo-trices.

18.4.5 Atteintes cornéennes

Ces atteintes cornéennes sont de gravité variable allant d’une simple kératite ponctuéesuperficielle à des ulcères cornéens .Dans les formes gravissimes d’ophtalmopathie, on peut voir des perforations de cornée .

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18.4.6 Neuropathie optique

Rare, elle est extrêmement grave et se traduit par une baisse d’acuité visuelle uni ou bilatérale.Cette baisse d’acuité visuelle s’associe à des altérations du champ visuel . Il s’agit d’une véritableneuropathie par compression du nerf optique au niveau de l’apex orbitaire. Il s’agit soit d’unecompression directe du nerf, soit d’une compression de sa vascularisation responsable d’une neu-ropathie optique ischémique. L’évolution de cette neuropathie peut amener à la cécité et nécessiteune thérapeutique rapide.Il faut ajouter à ces signes cliniques l’hypertonie oculaire qui n’est pas considérée dans la classi-fication NOSPECS ; cette hypertonie oculaire se manifeste :

— par une augmentation de la tension oculaire dans le regard vers le haut, excellent signe d’oph-talmopathie dysthyroïdienne,

— mais également par de véritables tableaux de glaucome chronique à angle ouvert de traitementdifficile.

18.5 Examens complémentaires

Les examens complémentaires concernent le diagnostic de la dysthyroïdie et la confirmation del’ophtalmopathie.

1. La confirmation de l’hyperthyroïdie se fait par la recherche des signes cliniques et biolo-giques d’hyperthyroïdie

2. La confirmation de l’ophtalmopathie se fera surtout grâce à l’imagerie :

• c’est surtout la tomodensitométrie ou la résonance magnétique nucléaire qui vontmontrer d’une part la présence d’une exophtalmie confirmée par la mesure de l’indexoculo-orbitaire, et les signes cliniques de l’ophtalmopathie.

— pour mesurer « l’index oculo-orbitaire », on trace la ligne bicanthale externe re-liant les deux canthus externes. Cette ligne coupe normalement le globe oculaire àl’union de ses deux tiers antérieurs et de son tiers postérieur (indice £ 70).. L’exoph-talmie est confirmée si cet indice oculo-orbitaire est supérieur à 70. Dans beaucoupd’ophtalmopathies dysthyroïdiennes cet indice est supérieur à 100, c’est à dire quela totalité du globe est en avant du plan bicanthal externe.

— la tomodensitométrie ou la résonance magnétique nucléaire vont également confir-mer les signes d’ophtalmopathie :

— épaississement des muscles oculo-moteurs au début au stade œdémateux— puis muscles devenant filiformes, rétractés au stade de fibrose— augmentation du compartiment graisseux orbitaire

— cette imagerie va également éliminer tout processus expansif tumoral intra-orbi-taire.

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• actuellement la scintigraphie à l’Ocréotide permet d’évaluer également l’activité del’ophtalmopathie.

18.6 Diagnostic différentiel

Il se pose peu en pratique ; il faut penser à une ophtalmopathie thyroïdienne devant toute exoph-talmie même unilatérale ; le diagnostic, même en l’absence de signes cliniques évocateurs, est ai-sément confirmé par les examens biologiques et l’imagerie.Les principales autres causes d’exophtalmie sont :

18.6.1 les causes inflammatoires

cellulite orbitaired’origine infectieuse, elle réalise un tableau d’exophtalmie unilatérale associée à d’impor-tants signes inflammatoires locaux (œdème palpébral +++) et généraux (fièvre, syndromebiologique) ; elle est le plus souvent secondaire à une sinusite suppurée, notamment à uneethmoïdite aiguë de l’enfant . Son évolution est en règle favorable sous antibiothérapie parvoie générale.

pseudo-tumeur inflammatoireil s’agit d’un tableau d’exophtalmie de l’adulte ainsi dénommée car elle peut simuler uneexophtalmie tumorale aussi bien par ses caractères cliniques (notamment palpation d’unemasse tumorale) que par les images tomodensitométriques qui peuvent en imposer pourune tumeur intraorbitaire ou pour un lymphome orbitaire.

La corticothérapie doit amener à la disparition de l’exophtalmie sans récidive ; dans le cas contrairedoit être envisager une biopsie chirurgicale.

18.6.2 les causes vasculaires

fistule carotido-caverneused’origine traumatique, elle réalise un tableau clinique particulier classiquement décrit sousle terme d’« exophtalmos pulsatile » :

— exophtalmie d’apparition toujours retardée par rapport au traumatisme,— pulsatile,— accompagnée d’un souffle perçu par le malade et retrouvé à l’auscultation de l’orbite

et du crâne,— associée une vasodilatation conjonctivale « en tête de méduse »,— et à une dilatation veineuse rétinienne à l’examen du fond d’œil

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Ophtalmopathie dysthyroïdienne - 246

La confirmation du diagnostic repose sur l’artériographie carotidienne.shunt dural spontané

observé préférentiellement chez la femme de la cinquantaine, hypertendue artérielle, elleréalise un tableau clinique analogue à la fistule carotido-caverneuse, mais moins prononcé ;le scanner crânien met en évidence un élargissement du sinus caverneux ; le diagnostic estconfirmé par l’artériographie carotidienne ; le traitement repose sur l’embolisation sélec-tive.

varices des veines orbitaires

— exophtalmie intermittente, n’apparaissant souvent que dans certaines positions (têtepenchée en avant) ou lors d’un effort,

— dont le diagnostic est confirmé par la phlébographie orbitaire.

angiomes orbitaires

— chez l’adulte : le plus souvent angiome caverneux,— chez le nourisson : le plus souvent angiome capillaire qui peut être spontanément ré-

gressif.

18.6.3 les exophtalmies tumorales

De très nombreuses tumeurs primitives, secondaires ou de voisinage peuvent être à l’origine d’uneexophtalmie ; parfois orienté par la clinique ou les examens radiologiques, le diagnostic repose leplus souvent sur la biopsie chirurgicale.

tumeurs primitives de l’orbite

— tumeurs de la glande lacrymale : elles sont évoquées devant une exophtalmie latéra-lisée avec déviation du globe en bas et en dedans et présence d’une masse tumoralepalpable dans l’angle supéro-externe de l’orbite ; il s’agit de tumeurs mixtes et de cy-lindromes.

— tumeurs nerveuses : il s’agit principalement de gliomes du nerf optique ou de ménin-giomes de la gaine du nerf optique ou des parois orbitaires (notamment méningiomede la petite aile du sphénoïde).

— kyste dermoïde : il est en fait rarement intraorbitaire, siégeant par contre avecprédilection au niveau de la queue du sourcil.

— rhabdomyosarcome de l’enfant.

— leucémies aiguës .— lymphomes orbitaires (diagnostic différentiel : tumeur pseudo-inflammatoire).

tumeurs de voisinage propagées à l’orbite

— mucocèles orbitaires : formations kystiques développées aux dépens de la muqueused’un sinus,

— propagation à l’orbite d’une tumeur maligne d’origine sinusienne ou du cavum.

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Ophtalmopathie dysthyroïdienne - 246

métastases orbitaires

18.7 Evolution

L’ophtalmopathie dysthyroïdienne est marquée par des phases évolutives successives. On peutschématiquement séparer des formes bénignes associant un syndrome palpébro-rétractile et uneexophtalmie modérée, à des formes graves qui vont évoluer vers des troubles oculo-moteurs voiredes complications cornéennes et des neuropathies optiques sévères. Ces formes les plus graves( formes anciennement dénommées « exophtalmie maligne » ) nécessiteront une prise en chargerapide.Les formes séquellaires de l’ophtalmopathie comportent souvent une atteinte oculo-motrice fixeassociée à une exophtalmie modérée.

18.8 Traitement

18.8.1 Traitement médical

a. Traitement de la dysthyroïdie : il s’agit du traitement de la maladie de Basedow en elle-même, pris en charge par l’endocrinologue ou le médecin traitant.

b. Traitement médical de l’ophtalmopathie :

• il consiste à améliorer l’état oculaire des patients par des collyres visant à améliorer l’étatcornéen, la lubrification cornéenne,

• à faire baisser la tension oculaire si celle-ci est élevée,• à améliorer l’état oculo-moteur par une rééducation orthoptique ou l’utilisation de

prismes.

Dans les formes sévères d’ophtalmopathie des traitements médicaux peuvent être utilisés ; ilsreposent principalement sur la corticothérapie à forte dose (1 à 1,5 mg /kg/jour). On peut yassocier des immuno-suppresseurs, des plasmaphérèses.

18.8.2 Radiothérapie

En cas d’ophtalmopathie sévère ou de neuropathie optique, certaines équipes utilisent une radio-thérapie orbitaire à raison de 10 séances de deux grays répartis sur deux semaines : irradiation ré-tro-bulbaire en évitant soigneusement d’irradier le cristallin et la rétine en avant, l’hypophyse enarrière.

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Ophtalmopathie dysthyroïdienne - 246

Cette radiothérapie a surtout des effets sur les formes œdémateuses de l’ophtalmopathie.

18.8.3 Traitement chirurgical

Si la tarsorraphie, c’est à dire la fermeture des paupières en cas d’exophtalmie très importante estdevenue exceptionnelle, la chirurgie réalisée en cas d’ophtalmopathie est de trois types, quipeuvent être au besoin associés :

— la décompression orbitaire qui consiste à adapter le contenu orbitaire au contenant, peut êtreréalisée soit par décompression osseuse en fracturant deux ou trois parois orbitaires, soit pardécompression graisseuse en retirant de la graisse intra-orbitaire soit par une association deces deux types de décompression.

— la chirurgie des muscles oculo-moteurs s’adresse aux troubles oculo-moteurs fixes stabiliséset non corrigés par d’autres moyens, en particulier des prismes. C’est une chirurgie proche dela chirurgie du strabisme, mais qui s’adresse à des muscles souvent fibrosés et dont les résul-tats sont plus aléatoires que la chirurgie du strabisme.

— La chirurgie palpébrale : elle permet de remettre la paupière supérieure ou inférieure à uneposition plus proche de la normale.

18.9 Les points forts

Les points forts• L’ophtalmopathie dysthyroïdienne recouvre différentes atteintes cliniques. Si

l’exophtalmie en est la manifestation la plus classique, d’autres signes sont fré-quents comme les troubles oculo-moteurs et les signes inflammatoires.

• L’examen de l’ophtalmopathie devra prendre en considération tous les signes pos-sibles et sera donc un examen ophtalmologique systématique qui recherchera les différentes atteintes citées afin de permettre une classification de cette ophtalmo-pathie. Des complications graves en particulier la neuropathie optique peuvent émailler l’évolution et nécessitent un suivi régulier , notamment du champ visuel, de l’exophtalmométrie, et de l’oculo-motricité.

• Le traitement des ophtalmopathies dysthyroïdiennes est d’abord un traitement médical visant à stabiliser l’hyperthyroïdie et améliorer l’état oculaire des patients. Dans les formes sévères d’ophtalmopathie associant des signes œdémateux impor-tants, une exophtalmie importante, des troubles oculo-moteurs sévères des traite-ments médicaux par voie générale principalement une corticothérapie ou d’autres traitements : radiothérapie ou chirurgie peuvent être utilisés.

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Pathologie des paupières - 271

Chapitre 19

Pathologie des paupières - 271

19.1 Anatomie

Les paupières, supérieure et inférieure, ont pour rôle essentiel de protéger le globe oculaire. Ellessont composées :

• d’un plan antérieur cutanéomusculaire• et d’un plan postérieur tarsoconjonctival : le tarse , élément fibreux contenant les glandes

de Meibomius dont les sécrétions lipidiques participent au film lacrymal, assure la rigidité despaupières, surtout au niveau de la paupière supérieure ; la conjonctive y est intimement liée(conjonctive palpébrale), elle se réfléchit au niveaux des culs-de-sac conjonctivaux pour ta-pisser ensuite le globe oculaire (conjonctive bulbaire).

Les paupières circonscrivent, entre leurs bords libres, la fente palpébrale limitée en dedans et endehors par les canthus interne et externe. Le bord libre est une zone de transition entre la peau et laconjonctive : sur sa partie antérieure sont implantés les cils orientés vers l’avant, sur sa partie pos-térieure se situent les orifices des glandes de Meibomius.La glande lacrymale principale, d’innervation parasympathique et située dans l’angle supéroex-terne de l’orbite, sécrète les larmes. Le clignement palpébral supérieur assure l’étalement du filmlacrymal sur toute la cornée et évite son assèchement.Les larmes s’éliminent ensuite soit par évaporation soit par drainage vers le nez par les voies la-crymales excrétrices : les deux points lacrymaux, inférieur et supérieur, sont visibles sur les bordslibres au voisinage du canthus interne.Une insuffisance de sécrétion peut entraîner un syndromesec oculaire ; à l’inverse, lorsque les capacités d’excrétion sont insuffisantes ou débordées apparaît

Ce qu’il faut savoir1. Reconnaître un chalazion et le traiter,2. Reconnaître un orgelet et le traiter,3. Reconnaître un ectropion et connaître ses complications,4. Reconnaître un entropion et connaître ses complications,5. Connaître les principales étiologies d’un ptosis,6. Savoir examiner un patient porteur d’un traumatisme palpébral,7. Savoir dépister un carcinome palpébral.

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Pathologie des paupières - 271

un larmoiement.La fermeture palpébrale est assurée par le muscle orbiculaire des paupières innervé par le VII (nerffacial). L’ouverture des paupières est liée au muscle releveur de la paupière supérieure, innervé parle III (moteur oculaire commun).

Figure 19 Paupières et conjonctive

Figure 20 Glande et voies lacrymales

19.2 Inflammation et infection palpébrale : blépharites

Elles doivent faire rechercher des facteurs favorisants, notamment des anomalies de la réfraction(hypermétropie, astigmatisme) ou un diabète.On distingue les blépharites localisées (orgelet et chalazion) et des blépharites chroniques diffuses.

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Pathologie des paupières - 271

OrgeletC’est un furoncle du bord libre de la paupière centré sur un bulbe pileux. La douleur peutêtre vive, la rougeur localisée se surmonte d’un point blanc de pus qui perce après quelquesjours.L’ablation du cil peut hâter la guérison.Le germe retrouvé est le staphylocoque doré.

ChalazionC’est un granulome inflammatoire développé sur une glande de Meibomius engorgée ausein du tarse, par occlusion de l’orifice de la glande au niveau de la partie postérieure dubord libre.L’évolution se fait souvent vers l’enkystement entraînant une voussure indurée faisantbomber la peau ; dans ce cas peuvent survenir des épisodes de recrudescence inflammatoireet il est préférable, en période de calme, d’en faire l’excision chirurgicale.

Blépharites diffuses chroniquesFréquentes, récidivantes, elles sont de traitement difficile.Toute la rangée du bord libre est rouge, irritée avec

— soit une forme croûteuse agglutinant les cils,— soit une forme de dysfonction meibomienne s’accompagnant d’une inflammation ocu-

laire et qu’on dénomme rosacée oculaire ; on retrouve fréquemment une rosacée cuta-née du visage ; les tétracyclines par voie générale peuvent apporter une amélioration,mais il s’agit alors d’un traitement prolongé.

19.3 Malpositions des paupières

19.3.1 Ectropion

C’est une éversion du bord libre de la paupière, en général de la paupière inférieure : le bord librede la paupière n’est plus au contact du globe oculaire.

Complicationsirritation conjonctivale, eczématisation de la conjonctive exposée, larmoiement notammentsi le point lacrymal situé en nasal est lui même éversé.

Étiologies

• ectropion sénile : le plus banal, par atonie musculaire palpébrale. Le traitement,chirurgical, consiste le retendre latéralement le bord libre.

• ectropion pararalytique (paralysie du VII)• ectropion cicatriciel :

— global : après brûlure ou par dermatose. Le plan cutané antérieur est trop juste etdoit être agrandi par greffe cutanée.

— localisé : par cicatrice rétractile après plaie perpendiculaire au bord libre. Traite-

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Pathologie des paupières - 271

ment par plastie palpébrale.

19.3.2 Entropion

Déplacement en dedans du bord libre de la paupière, amenant les cils à frotter sur le globe.

Complicationssensation de corps étranger, kératite ponctuée superficielle, ulcération ou abcès de cornée.

Étiologies

• entropion sénile : également dû à l’atonie palpébrale, mais l’enroulement se fait versle dedans par hypertonie de l’orbiculaire (= entropion spasmodique de la paupière in-férieure). Le traitement est chirurgical.

• entropion cicatriciel : avec déviation du bord libre avec les cils vers l’œil (trichiasis).

— global : trachome important (voir « Œil rouge et/ou douloureux - 212 » page121), brûlure, pemphigus.

— localisé : après plaie ou brûlure endopalpébrale localisée entraînant une brideentre conjonctives bulbaire et palpébrale (symblépharon).

19.3.3 Ptosis

C’est la chute de la paupière supérieure

— La position normale du bord libre de la paupière supérieure est à 2 millimètres sous le limbesclérocornéen supérieur (la paupière supérieure recouvre la partie supérieure de la cornée).

— L’amplitude de mobilité normale de la paupière supérieure entre le regard vers le bas et le re-gard vers le haut est de 12 à 15 millimètres.

— Son élévation est assurée par le muscle releveur innervé par le III.

Interrogatoireil précise :

• l’ancienneté (examen de photographies),• la variabilité dans la journée.

Examenil apprécie :

• le niveau de la paupière,• l’uni- ou bilatéralité, le caractère symétrique ou asymétrique,• la mobilité palpébrale,• les signes associés : motricité oculaire et réactivité pupillaire à la recherche d’une pa-

ralysie du III (+++).

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Pathologie des paupières - 271

Etiologies

• ptosis congénital : fréquent, il serait secondaire à une anomalie aponévrotique oumusculaire, il est uni- ou bilatéral ; il peut exister des anomalies générales associées(cardiopathies) ; un strabisme peut accompagner le ptosis et peut alors être respon-sable d’une amblyopie fonctionnelle.

• ptosis acquis

— ptosis neurogène , dans le cadre d’une paralysie du III plus ou moins complète,de différents niveaux et causes lésionnelles.NB : Une paralysie du III brutale et douloureuse est une situation d’urgence etdoit évoquer en premier lieu une rupture d’anévrysme carotidien.

— myasthénie : le ptosis est une manifestation très fréquente de la myasthénie, sou-vent de début progressif ; ptosis variable au cours de la journée, apparaissant sur-tout à la fatigue ; diagnostic par test à la prostigmine, Tensilon ou Reversol, sipossible couplé à l’électromyogramme.

— ptosis myogène :

• sénile, fréquent : par atonie du releveur, fonte de la graisse orbitaire, ou dé-chirure de l’aponévrose antérieure.

• myopathies dégénératives progressives, parfois héréditaires ; de caractèrevariable, avec augmentation à la fatigue.

• myotonique : maladie de Steinert.

— ptosis sympathique : syndrome de Claude Bernard Horner (CBH) par inhibitiondu sympathique, associant ptosis, légère énophtalmie, myosis et hyperhémieconjonctivale ; penser à un traumatisme cervical, un processus expansif del’apex pulmonaire ; un CBH douloureux doit faire rechercher une dissectioncarotidienne.

— ptosis traumatique : par lésion du releveur au cours d’une plaie palpébrale.

Traitement des ptosisoutre le traitement étiologique éventuel, traitement chirurgical.

19.3.4 Les défauts de fermeture

— Rétraction de la paupière supérieure : s’observe surtout dans la maladie de Basedow (avecasynergie oculopalpébrale dans le regard vers le bas)

— Lagophtalmie = inocclusion palpébrale : la paralysie faciale périphérique en est la forme laplus fréquente : légère rétraction de la paupière supérieure, ectropion de la paupière inférieureavec hypotonie, larmoiement, signe de Charles BELL lors des tentatives infructueuses de fer-meture de la paupière supérieure (le globe oculaire se révulse de façon physiologique vers lehaut et laisse voir la sclère blanche dans l’aire de la fente palpébrale). Expose à une kératitepar exposition.

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Pathologie des paupières - 271

19.4 Traumatismes palpébraux

— L’interrogatoire sur le mécanisme du traumatisme est très important : contusion, sectionfranche, arrachement, morsure de chien, plaies de la face associées.

— Situer le contexte :

• autres priorités pour un polytraumatisé ou un traumatisme crânien,• penser à une plaie ou à une contusion du globe sous-jacent,• penser à une fracture de l’orbite sous-jacente.

— Examiner à l’état de veille en demandant l’ouverture des paupières, ce qui permet d’évaluerle fonctionnement du muscle releveur de la paupière supérieure : un volumineux hématomepeut empêcher l’ouverture ou une plaie profonde de paupière supérieure peut avoir sectionnéle muscle releveur. Nettoyer doucement sans pression pour vérifier l’état du globe oculairesous-jacent : acuité, réflexe photomoteur, mobilité.

— Distinguer les plaies parallèles et à distance du bord libre, qui se cicatrisent facilement (lignesphysiologiques), des plaies touchant le bord libre qu’il faudra suturer soigneusement afind’éviter une déformation et/ou une malposition des cils.

— Au niveau de l’angle interne des paupières, toujours penser à une section ou un arrachementdes canalicules lacrymaux à réparer par microchirurgie.

— Au niveau de la paupière supérieure, une section du muscle releveur devra être resuturée aumieux et être reprise éventuellement en cas de ptosis traumatique résiduel.

— Comme toujours, en traumatologie, vérifier les vaccinations antitétaniques et, en cas de mor-sure, contacter le centre antirabique.

19.5 Tumeurs des paupières

19.5.1 Bénignes

• Congénitales :

— angiome,— nævus,— névrome plexiforme dans le cadre d’une maladie de Recklinghausen.

• Acquises :

— xanthelasmas : élevures de coloration jaunâtre prédominant à l’angle interne, devantfaire chercher une hyperlipidémie.

— kystes sébacés,— verrues,— papillomes verruqueux

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Pathologie des paupières - 271

— molluscum contagiosum ombiliqué, d’origine virale et pouvant entretenir une conjonc-tivite.

19.5.2 Malignes

• Épithélioma basocellulaire surtout (aspect perlé ou ulcus rodens) d’évolution lente, indurationou ulcération ne guérissant pas, perte des cils, saignements.

• Carcinome spinocellulaire (= épidermoïde), plus rare mais plus grave par possibilité d’atteinteganglionnaire : il faut rechercher une adénopathie prétragienne et /ou sous-angulomaxillaire.Sur le plan clinique, il s’agit plus volontiers d’une tuméfaction inflammatoire ou hyperkéra-tosique.

• Facteurs étiologiques : irritations chroniques, soleil, brûlure, Xéroderma pigmentosum.• N.-B. : Une biopsie doit être pratiquée au moindre doute. En cas de tumeur maligne, l’exci-

sion chirurgicale avec contrôle biopsique extemporané des limites est recommandée.

19.6 Les points forts

Les points forts• Il faut bien différencier orgelet (de cause infectieuse) et chalazion (de cause

inflammatoire).• L’entropion est le plus souvent d’origine sénile (« entropion spasmodique ») ;

l’ectropion peut également être secondaire à une paralysie du VII.• Le ptosis est une affection souvent congénitale ; devant un ptosis acquis d’appa-

rition brutale, toujours penser à une paralysie du III par rupture d’ané-vrysme intracrânien.

• Devant une plaie palpébrale même d’allure banale, toujours penser à rechercher des lésions associées : globe oculaire, muscle releveur de la paupière supérieure, voies lacrymales.

• La plus fréquente des tumeurs malignes des paupières est le baso-cellulaire.

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Troubles de la réfraction - 287

Chapitre 20

Troubles de la réfraction - 287

20.1 Les principales définitions

La réfractionLa lumière se propage en ligne droite dans l’espace, mais lorsqu’elle rencontre une surfaceséparant deux milieux transparents d’indice différent, sa direction se modifie : ce phéno-mène de déviation est appelé réfraction.Les rayons lumineux pénétrant dans l’œil rencontrent plusieurs surfaces de réfraction :faces antérieure et postérieure de la cornée, faces antérieure et postérieure du cristallin.L’œil est donc un système optique complexe composé de plusieurs dioptres, dont la puis-sance totale de convergence est d’environ 60 dioptries.

Œil emmétropec’est un œil qui est optiquement normal : les rayons lumineux pénétrant dans cet œil en re-pos accommodatif convergent sur la rétine et l’image est donc vue nette.

Œil amétropec’est un œil porteur d’une anomalie de réfraction. L’image d’un objet situé à l’infini ne seforme pas sur la rétine et celui-ci est donc vu flou.

Ce qu’il faut savoir1. Savoir définir l’acuité visuelle tant sur le plan optique que physiologique.

Connaître les modalités et les conditions de sa mesure.2. A partir de notions simples d’optique, comprendre la réfraction, le rôle de l’œil

dans la construction de l’image.3. Savoir définir l’œil emmétrope.4. Savoir expliquer en quoi consistent les amétropies :

a. la myopie et sa correction,b. l’hypermétropie et sa correction,c. l’astigmatisme.

5. Savoir définir la presbytie, ses conséquences, son mode de correction optique.6. Connaître les principales modalités de traitement des troubles de la réfraction :

lunettes – lentilles – chirurgie.

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Troubles de la réfraction - 287

Les principales amétropies sont :

1. la myopie : c’est un œil qui est trop convergent ou trop long par rapport à saconvergence : l’image de l’objet observé se forme en avant de la rétine : il est donc vuflou.

2. l’hypermétropie : c’est un œil qui n’est pas assez convergent ou qui est trop court parrapport à sa convergence : dans ce cas, l’image se forme en arrière de la rétine.Ces deux amétropies : myopie et hypermétropie, sont dites sphériques, l’anomalie op-tique étant la même quel que soit le plan dans lequel se trouve le rayon lumineux in-cident à l’inverse de :

3. l’astigmatisme : dans ce cas, la réfraction de l’œil n’est pas la même selon le plan danslequel se trouvent les rayons incidents, le plus souvent par défaut de sphéricité de laface antérieure de la cornée (astigmatisme cornéen antérieur) : dans un œil astigmate,l’image d’un point n’est pas punctiforme mais formée de deux lignesperpendiculaires : l’œil percevra donc une image floue.

4. la presbytie : c’est la perte progressive du pouvoir d’accommodation de l’œil. A l’étatnormal, celui-ci peut par un mécanisme qui est principalement une augmentation dela courbure de la face antérieure du cristallin, augmenter son pouvoir de convergenceet voir ainsi net les objets rapprochés. L’amplitude de cette accommodation diminueprogressivement avec l’âge et c’est ce que l’on appelle la presbytie

L’acuité visuellec’est l’expression chiffrée de la valeur fonctionnelle de la macula (plus précisément de lafovéola).Elle est mesurée avec des échelles dont la plus utilisée en Fance pour la vision de loin estl’échelle de Monoyer , qui exprime l’acuité visuelle en dixièmes. Une acuité visuelle de 10/10 èmes qui est considérée comme normale en vision de loin permet de distinguer deuxpoints séparés par un angle d’une minute d’arc.En vision de près, l’acuité est mesurée sur l’échelle de Parinaud qui est lue à une distancede 33 cm et faite de textes dont les caractères sont de plus en plus fins : Parinaud 14 corres-pond à la lecture des lettres les plus grosses, Parinaud 2 et 1,5 à la lecture des lettres les plusfines.

Ophtalmomètre de Javalcet appareil permet de mesurer l’astigmatisme cornéen antérieur qui rend compte le plussouvent de l’astigmatisme total du globe oculaire.

Skiascopiela skiascopie est un examen objectif qui permet de connaître la réfraction globale d’un œil,astigmatisme compris.

Réfractomètre automatiquec’est un appareil qui donne de façon entièrement automatisée une valeur théorique de laréfraction oculaire, astigmatisme compris.

Mesure subjective de l’acuité visuellec’est la dernière étape d’un examen de la réfraction oculaire. En plaçant devant l’œil surune monture d’essai des verres concaves ou convexes, choisis selon les réponses de laskiascopie et/ou de la réfractométrie, on recherche ceux qui donnent la meilleure acuité vi-suelle et le meilleur confort visuel, et on détermine ainsi la formule de correction optiquequi sera indiquée sur l’ordonnance.

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Troubles de la réfraction - 287

Amblyopiec’est l’état de diminution de l’acuité visuelle :

— fonctionnelle : l’œil est anatomiquement normal, mais « voit » mal.— organique : il y a une cause anatomique : cataracte congénitale par exemple

Œil phakeœil avec son cristallin

Œil aphakeœil privé de son cristallin

Œil pseudophakeœil porteur d’un cristallin artificiel

20.2 Epidémiologie

20.2.1 Fréquence des troubles de la réfraction

1. myopie : 15 à 20 % dans les pays occidentaux, et sa fréquence semble en augmentation.2. hypermétropie : anomalie fréquente chez l’enfant (voir le chapitre « Strabisme de

l’enfant »).3. astigmatisme : fréquent également, souvent associé à une myopie ou une hypermétropie.

20.2.2 La presbytie

C’est une anomalie « physiologique » de la réfraction.Elle touche tout individu après un certain âge quelle que soit son amétropie.

N.B. Les troubles de la réfraction représentent la 1ere cause de consultation en ophtalmologie ettouchent une personne sur deux, en moyenne.

20.3 Physiopathologie

L’essentiel du développement du globe se fait au cours des deux premières années de la vie, ce quiexplique que l’emmétropie soit atteinte vers l’âge de 2 ou 3 ans.Les différentes structures de l’œil qui interviennent dans la réfraction sont les milieux transparents,principalement la cornée et le cristallin : ceci explique les différentes techniques chirurgicales quise sont développées pour modifier l’une ou l’autre de ces deux structures = chirurgie réfractive.Le phénomène de la réfraction

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Troubles de la réfraction - 287

• Chaque milieu transparent oculaire a un indice de réfraction qui lui est propre. La somme despouvoirs de réfraction des différents milieux transparents permet à l’image de l’objet vu parl’œil de se former dans le plan rétinien. L’œil est donc un système convergent dont la puis-sance peut être mesurée (skiascopie ou réfractomètres automatiques) et modifiée éventuelle-ment. (systèmes optiques ou chirurgie).

• L’accommodation permet la mise au point de l’image sur la rétine lorsque l’objet serapproche ; elle est assurée par les modifications de forme du cristallin par l’action des corpsciliaires lors du passage de la vision de loin à la vision de près ; la perte du pouvoir accom-modatif s’installe vers 45 ans et devient complète vers 65 ans ; elle correspond à ce stade àune puissance convergente de + 3 dioptries.

• Les défauts de réfraction génèrent des signes fonctionnels variables :

— baisse d’acuité visuelle, vision floue— céphalées— rougeur oculaire en fin de journée— picotements— larmoiement.

Ces signes disparaissent après correction de l’amétropie

20.4 La myopie

20.4.1 Les différentes sortes de myopie

20.4.1.1 la myopie axile

L’œil est trop long dans le sens antéro-postérieur.Les rayons convergent en avant du plan rétinien, c’est donc, au lieu d’un point, un cercle de diffu-sion qui se projette sur la rétine : le sujet voit flou de loin.Cette myopie souvent révélée vers l’âge de 10 ans (myopie dite « scolaire ») se stabilise ou évoluepeu à l’âge adulte. Elle ne dépasse en général pas – 6,00 dioptries.

20.4.1.2 la myopie d’indice

La diminution du rayon de courbure de la cornée et/ou la modification de réfringence (augmenta-tion) d’un milieu (cristallin) peut générer une myopisation.Elle peut porter :

— sur la cornée : kératocône— sur le cristallin : cataracte nucléaire.

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Troubles de la réfraction - 287

20.4.1.3 la myopie maladie ou myopie forte

Myopie forte évolutive au-delà de – 6,00 dioptries.Elle débute précocement, parfois de façon familiale ; elle associe des altérations oculaires portantsurtout sur la rétine et la choroïde (« étirement » des tissus, atrophie) et peut se compliquer notam-ment de décollement de la rétine, d’hémorragies maculaires et de glaucome.Elle évolue malheureusement toute la vie. Elle peut atteindre – 30,00 dioptries ou davantage.

20.4.2 Les signes fonctionnels

La vision du myope est floue de loin, mais nette de près (la presbytie sera perçue plus tardivementchez le myope).Non ou mal corrigé, un myope présente une baisse d’acuité visuelle de loin, parfois accompagnéede céphalées.Il faut s’attacher à rechercher à l’examen des anomalies de la périphérie rétinienne pouvant êtreà risque de décollement de la rétine (zones de dégénérescence palissadique ; voir Décollement dela rétine dans le chapitre « Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187 » page 103).On peut retrouver en outre au cours de la myopie forte :

• des plages d’atrophie chorio-rétinienne du pôle postérieur (staphylome myopique),• des hémorragies maculaires par ruptures de la choroïde (analogues aux ruptures traumatiques

de la choroïde) ou néovascularisation choroïdienne (analogue à la néovascularisation choroï-dienne maculaire de la forme exsudative de la DMLA ; on parle chez le myope fort de « tachede Fuchs »).

• un glaucome, fréquent chez le myope fort.• une cataracte, fréquente également.

20.4.3 Principes de correction de la myopie

20.4.3.1 Les lunettes

Il faut placer devant l’œil des verres divergents.Sur l’ordonnance, ces verres sont indiqués par un chiffre exprimant la puissance en dioptries pré-cédé du signe – (exemple de prescription : OD = - 2, OG = - 3,50)

20.4.3.2 Les lentilles de contact

Déposées sur l’œil, elles permettent de minimiser la puissance de la correction et d’améliorer lechamp visuel.De nombreux matériaux permettent d’équiper des yeux myopes en respectant la physiologie de lacornée.

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Troubles de la réfraction - 287

20.4.3.3 La chirurgie réfractive

Actuellement dominée par la photo-ablation au laser Excimer pour les myopes faibles oumoyennes.Pour la myopie forte, en l’absence de complications rétiniennes, peuvent se discuter :

• extraction du cristallin clair avec remplacement par un implant intraoculaire de puissanceadaptée à la fois au degré de myopie et à l’absence du cristallin (voir chapitre « Cataracte -58 » page 51)

• introduction dans l’œil phake, sans extraction du cristallin, d’un implant intraoculaire depuissance négative équivalente au degré de myopie.

• ces techniques chirurgicales restent exceptionnelles, elles doivent être discutées.

20.5 L’hypermétropie

Elle est une anomalie de la réfraction qui est très répandue, notamment chez l’enfant (voir chapitre« Strabisme de l’enfant »). Chez l’hypermétrope, l’œil n’est pas assez convergent et l’image d’unobjet situé à l’infini se forme en arrière du plan rétinien et est donc vue floue ; ceci peut cependantêtre compensé par l’accomodation qui va ramener l’image sur le plan rétinien : cela entraîne chezl’hypermétrope la mise en jeu permanente de l’accomodation, en vision de loin aussi bien qu’envision de près.

20.5.1 Les différents types d’hypermétropie

20.5.1.1 L’hypermétropie axile

Elle est de très loin, la plus fréquente. Dans ce cas, l’anomalie porte sur la longueur antéro-posté-rieure de l’œil qui est trop courte pour son pouvoir de convergence.A la naissance, il existe habituellement une hypermétropie de ce type de 2 ou 3 dioptries qui dimi-nue progressivement jusqu’à disparaitre à l’adolescence avec le développement de l’œil. Maisl’hypermétropie peut être plus importante et persister à l’âge adulte.

20.5.1.2 L’ hypermétropie de courbure

Dans ce cas, le défaut optique est une insuffisance de la courbure cornéenne. Ce type d’hypermé-tropie est très rare :

• exceptionnelle anomalie cornéenne appelée cornea plana• cicatrice d’un traumatisme.

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Troubles de la réfraction - 287

20.5.1.3 L’hypermétropie d’indice

Elle est due à une diminution de la réfraction du cristallin, et peut apparaître de façon très progres-sive chez le sujet âgé ; elle est beaucoup plus rare que la myopie d’indice de la cataracte nucléaire.

20.5.2 Signes fonctionnels

L’hypermétropie, qui est donc un défaut de convergence du système optique de l’œil, peut êtrecompensée par la mise en jeu de l’accommodation ; celle-ci ramène sur la rétine l’image de l’objetobservé qui est alors vu net, mais cette hyper-accommodation permanente en vision de loin et envision de près peut entraîner des signes fonctionnels :

• céphalées en barre sus-orbitaires déclenchées par l’effort visuel surtout en vision rapprochée,• hyperhémie conjonctivale, picotements, larmoiement (tableau de « pseudo-conjonctivite »),• apparition prématurée d’une presbytie avant l’âge de 40 ans.

20.5.3 Cas particulier de l’enfant

L’hypermétropie est comme nous l’avons dit très fréquente mais souvent méconnue. Elle est par-fois responsable d’un strabisme convergent de type accommodatif dû à la sollicitation excessivede la synergie accommodation – convergence : ce réflexe lie la convergence des axes visuels à l’ac-commodation pour permettre la fixation par les deux yeux d’un objet rapproché.Le strabisme dû à l’hypermétropie est dit accommodatif et caractérisé par son début tardif, versl’âge de 3 ans, son caractère intermittent et progressif, et sa guérison par le simple port de la cor-rection optique.

20.5.4 Correction de l’hypermétropie

Elle est peut être réalisée :

• par le port de lunettes équipées de verres convergents. La puissance de ces verres est expri-mée en dioptries précédée du signe + (ex : OD = + 1,50 ; OG = + 2,75)

• par le port de lentilles de contact.• par la chirurgie réfractive à l’aide d’un laser Excimer : on peut modifier par photo-ablation

au laser Excimer la courbure de la face antérieure de la cornée pour la rendre plus conver-gente. Les résultats de ce traitement chirurgical sont habituellement bons mais l’améliorationqu’il apporte est moins spectaculaire que dans la myopie et les résultats à long terme sont en-core mal connus. L’indication opératoire doit donc être posée après une information très ri-goureuse du patient sur les avantages et les incertitudes de ce mode de correction.

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Troubles de la réfraction - 287

20.6 L’astigmatisme

Dans cette anomalie de la réfraction oculaire, la cornée n’a plus la forme d’une calotte de sphèrede courbure régulière. Son rayon de courbure varie de façon progressive entre deux valeurs corres-pondant à deux plans d’incidence, dit plans principaux qui définissent l’astigmatisme. Ces plansprincipaux sont habituellement perpendiculaires l’un à l’autre. L’œil astigmate donnera d’un pointobjet deux images linéaires que l’on appelle focales situées dans ces plans principaux. L’image laplus antérieure correspond au plan le plus convergent. La focale postérieure est donnée par le planle moins convergent. L’une de ces deux focales au moins n’est pas dans le plan rétinien et l’imageest donc floue.

20.6.1 Différents types d’astigmatismes

Il existe ainsi plusieurs types d’astigmatisme selon la situation de ces deux images par rapport à larétine :

• si l’une des deux focales est située sur la rétine, on parle d’astigmatisme simple. Il s’agirad’un astigmatisme myopique simple si la deuxième focale est en avant de la rétine, d’astig-matisme hypermétropique simple si la deuxième focale est en arrière de la rétine.

• si les deux focales sont en avant ou en arrière de la rétine, on parle d’astigmatisme composémyopique (deux focales en avant) ou hypermétropique (deux focales en arrière).

• si une focale est en avant et l’autre en arrière de la rétine, on parle d’astigmatisme mixte.

Pour connaître la valeur et l’axe de l’astigmatisme on peut utiliser l’ophtalmomètre de Javal et laskiascopie , mais l’utilisation d’un réfractomètre automatique qui avec les appareils actuelsdonne des résultats fiables se répand de plus en plus.

20.6.2 Signes fonctionnels

Ils sont en général peu prononcés : un flou visuel variable, parfois une rougeur conjonctivale, sou-vent associés à des céphalées. L’apparition de ces signes lors d’un effort visuel prolongé de prèsou de loin permettra de soupçonner leur origine réfractive. L’astigmatisme peu également être res-ponsable d’une diplopie monoculaire.

20.6.3 Correction de l’astigmatisme

• Correction par lunettes avec des verres cylindriques qui ont pour caractéristique de ne pasdévier un rayon lumineux situé dans un plan passant par leur axe (plan de puissance nulle),mais de dévier les rayons situés dans un plan perpendiculaire à cet axe, selon un angle fonctionde la puissance exprimée en dioptries et le caractère convexe ou concave du verre.

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Troubles de la réfraction - 287

Un verre cylindrique est donc défini par son axe et sa puissance positive ou négative : parexemple, un verre correcteur de (90°+1) (qui désigne un verre cylindrique d’axe vertical, depuissance verticale nulle correspondant au méridien emmétrope et convergent de une dioptriedans le plan horizontal perpendiculaire) corrige un astigmatisme hypermétropique de unedioptrie.Exemples de correction optique de l’astigmatisme :

— astigmatisme myopique simple : OD = (90° - 1,50), OG = (110° - 2,75)— astigmatisme hypermétropique simple : OD = (90° + 2), OG = (125° + 3,50)— astigmatisme composé myopique : OD = (90° - 2) - 1,50, OG = (140° - 1) - 3,50— astigmatisme composé hypermétropique : OD = (90° + 2) + 1,50, OG = (135° + 1,50) + 2— astigmatisme mixte : OD = (90° + 2,50) - 1,50, OG = (120° - 3) + 2

• Correction par lentilles de contact.• Enfin, la chirurgie réfractive offre maintenant des possibilités de correction par photo-abla-

tion cornéenne de surface au laser Excimer. Cette correction chirurgicale de l’astigmatismeest en fait souvent réalisée en complément du traitement d’une amétropie sphérique associée,notamment d’une myopie.

20.7 La presbytie

20.7.1 Définition

C’est la diminution de l’accommodation avec l’âge (elle débute vers 45 ans pour devenir maximaleà 60 ans). Elle concerne tous les individus .Les structures en cause sont :

• le cristallin dont le noyau se modifie et dont la capsule perd son élasticité.• le muscle ciliaire qui n’est plus capable d’assurer le relâchement de la zonule.

20.7.2 Signes fonctionnels

La presbytie est responsable d’une baisse progressive de l’acuité visuelle de près. La lecture nor-male à 30 cm devient difficile, le sujet a tendance à éloigner le texte, il a besoin de plus de lumière.Cet inconfort génère des signes de « fatigue visuelle » : céphalées, yeux rouges, picotements, et/oularmoiement.

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Troubles de la réfraction - 287

20.7.3 Correction

Elle est assurée par des verres convergents convexes (+), quelle que soit l’amétropie de loin.La correction maximale nécessaire pour corriger la presbytie est de + 3,50 dioptries.Chez l’hypermétrope, la presbytie sera ressentie plus tôt : nécessité de rajouter des verres +.Chez le myope, au contraire, cette addition + vient en compensation de la correction – et le myopequi retire ses lunettes pour lire ressentira plus tardivement les inconvénients de la presbytie.Au total, la correction de la presbytie doit donc toujours tenir compte de la correction de loin etvient en addition de celle-ci.

Les verres correcteursIl peut s’agir de verres ne servant qu’à la vision de près (verres monofocaux).La correction de près peut être réalisée par des verres double foyers (verres bifocaux : sé-paration nette entre vision de loin et vision de près) ou par des verres progressifs (la puis-sance du verre varie de façon progressive depuis sa partie haute qui correspond à la visionde loin jusqu’à sa partie basse qui permet la vision de près) par une addition qui augmenteavec l’âge : + 1 à 45 ans, + 2 à 50 ans, + 3 ou + 3,50 à 60 ans.

Les lentilles de contactElles peuvent également être utilisées pour corriger la presbytie. Leur usage est moins ré-pandu, il nécessite une sélection de bonnes indications et une adaptation stricte.

La chirurgie de la presbytieElle n’est pas encore validée

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

Chapitre 21

Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

Les traumatismes étant traités par ailleurs, ne seront traités ici que les altérations non-traumatiquesde la fonction visuelle.L’étudiant se rapportera au chapitre d’introduction « Rappel anatomique. Méthodes d’examen »page 21 pour les notions concernant l’anatomie de l’œil et des voies visuelles, la physiologie de lavision et les méthodes d’examen en ophtalmologie.

Ce qu’il faut savoir1. Connaitre l’anatomie de l’œil et des voies visuelles,2. Connaître la physiologie de la vision,3. Connaître les principales méthodes d’examen utilisées en ophtalmologie,4. Énumérer les principales causes de baisse d’acuité visuelle brutale et orienter le

diagnostic sur l’interrogatoire et l’examen non spécialisé :

— en cas d’œil blanc indolore,— en cas d’œil rouge douloureux.

5. Énumérer les principales causes de baisse d’acuité visuelle progressive et orienter le diagnostic sur l’interrogatoire et l’examen en milieu non spécialisé,

6. Décrire les principales anomalies du champ visuel selon la topographie de l’atteinte des voies optiques.

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

21.1 Examen

21.1.1 Interrogatoire

• Il précise le type de l’altération visuelle :

— baisse d’acuité visuelle,— altération du champ visuel (scotome, déficit périphérique),— sensation de « mouches volantes » = myodésopsies,— éclairs lumineux = phosphènes ,— vision déformée des objets = métamorphopsies ,

• Sa rapidité d’installation : s’agit-il d’une baisse d’acuité visuelle brutale ou d’une baissed’acuité visuelle progressive ?

• Son uni- ou bilatéralité,• Il précise la présence ou non de douleurs associées et leur type :

— douleurs superficielles, évoquant une affection du segment antérieur,— douleurs profondes, irradiant dans le territoire du trijumeau, évoquant un glaucome aigu,— céphalées, évoquant une étiologie « neuro-ophtalmologique »,

• Il recherche des antécédents oculaires et généraux,• Il précise les traitements oculaires et généraux suivis,• Il recherche une notion de traumatisme, même minime.

21.1.2 Examen ophtalmologique

Il comprend aux deux yeux :

— la mesure de l’acuité visuelle de loin et de près, avec correction optique si nécessaire,— la réactivité pupillaire : réflexe photomoteur direct et réflexe photomoteur consensuel à

l’éclairement de l’œil controlatéral,— l’examen du segment antérieur : cornée, chambre antérieure, et cristallin,— la mesure du tonus oculaire ,— l’examen du fond d’œil après dilatation pupillaire : nerf optique, vaisseaux rétiniens, rétine.

21.1.3 Examens complémentaires

Ils ne sont pas systématiques et sont orientés par l’interrogatoire et l’examen clinique :

— examens complémentaires ophtalmologiques (voir chapitre d’introduction « Rappel anato-mique. Méthodes d’examen » page 21),

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

— examens complémentaires non-ophtalmologiques : qu’il s’agisse d’examens biologiquesou d’examens radiologiques, ils sont guidés par les premières orientations diagnostiques.

Figure 21 Représentation schématique des altérations du champ visuel en fonction du niveau de l’atteinte des voies optiques

- nerf optique : scotome central ;- chiasma : hémianopsie bitemporale ;- bandelettes optiques : hémianopsie latérale homonyme ; - radiations optiques : quadranopsie

latérale homonyme

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

Figure 22 Altérations du champ visuel dans les atteintes du nerf optique

Figure 23 Syndrome chiasmatique

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

Figure 24 Hémianopsies Latérales Homonymes

Figure 25 Quadranopsies Latérales Homonymes

Au terme de l’interrogatoire et de l’examen, l’altération de la fonction visuelle peut rentrer dansdes cadres différents.

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

21.2 Baisse d’acuité visuelle brutale

(voir chapitre « Anomalies de la vision d’apparition brutale - 187 » page 103)

21.2.1 Baisse d’acuité visuelle avec un œil rouge et douloureux

Il s’agit d’une affection aiguë du segment antérieur (cf « Œil rouge et/ou douloureux - 212 » page121) :

21.2.1.1 Kératite aiguë

— la baisse d’acuité visuelle s’accompagne de douleurs superficielles importantes, avec photo-phobie et blépharospasme,

— il existe une diminution de transparence de la cornée, un cercle périkératique,— et une ou plusieurs ulcérations cornéennes.

21.2.1.2 Glaucome aigu par fermeture de l’angle

— la baisse d’acuité visuelle est majeure,— les douleurs sont profondes, intenses, oculaires et périoculaires irradiant dans le territoire du

trijumeau,— il existe souvent des nausées ou des vomissements,— la chambre antérieure est aplatie,— il existe une élévation majeure du tonus oculaire, appréciable par la palpation bidigitale du

globe oculaire à travers la paupière supérieure— l’examen de l’autre œil met en évidence un angle irido-cornéen étroit.

21.2.1.3 Uvéite antérieure

— il existe une baisse d’acuité visuelle et des douleurs en général modérées,— un cercle périkératique,— une pupille en myosis,— l’examen à la lampe à fente met en évidence la présence de cellules inflammatoires dans la

chambre antérieure (signe de Tyndall), ± précipités rétrocornéens et synéchies irido-cristalli-niennes

— l’examen du fond d’œil après dilatation pupillaire recherche des signes d’uvéite postérieureassociée.

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

21.2.2 Baisse d’acuité visuelle avec œil blanc et indolore

L’examen du fond d’œil oriente le diagnostic :

21.2.2.1 Fond d’œil non visible ou mal visible par « trouble des milieux »

hémorragie intravitréenneElle entraîne une baisse d’acuité visuelle souvent précédée d’une impression de « pluie desuie ».La baisse d’acuité visuelle est très variable suivant l’importance de l’hémorragie : une hé-morragie intravitréenne minime peut se manifester principalement par des myodésopsies,sans baisse d’acuité visuelle ou avec une baisse d’acuité visuelle minime ; une hémorragieintravitréenne massive entraîne une baisse d’acuité visuelle sévère, au maximum acuité vi-suelle réduite à la perception lumineuse.La cause de l’hémorragie est facile à reconnaître quand la rétine reste visible ; ailleurs, unehémorragie massive rend la rétine invisible à l’examen du fond d’œil : l’échographie B peutalors parfois orienter vers une étiologie (par exemple, mise en évidence d’une déchirurerétinienne) ; l’échographie B est par ailleurs toujours indiquée quand la rétine n’est pas vi-sible pour éliminer la présence d’un décollement de la rétine (+++).Principales étiologies des hémorragies intravitréennes :

— rétinopathie diabétique proliférante ,— occlusions de forme ischémique de la veine centrale de la rétine ou d’une de ses

branches,— déchirure rétinienne : une déchirure rétinienne, compliquée ou non de décollement de

la rétine (voir plus loin), peut entraîner lors de sa survenue une hémorragie intravi-tréenne par rupture d’un vaisseau rétinien,

— syndrome de Terson : hémorragie intravitréenne uni- ou bilatérale associée à une hé-morragie méningée par rupture d’anévrysme intracrânien (le syndrome de Terson peutégalement être associée à une hémorragie méningée d’origine traumatique).

« hyalite »on désigne par ce terme un trouble inflammatoire du vitré au cours des uvéites postérieures.La baisse d’acuité visuelle n’est en général pas brutale mais peut être d’installation rapide-ment progressive, en quelques jours.L’examen met en évidence un trouble du vitré avec présence de cellules inflammatoires àl’examen à la lampe à fente.Les étiologies sont celles des uvéites postérieures.

21.2.2.2 Fond d’œil bien visible et anormal

Occlusion de l’artère centrale de la rétine ou d’une de ses branches(voir « Occlusions artérielles rétiniennes - 130 - 3 » page 87) :

• baisse d’acuité visuelle brutale, très profonde (perception lumineuse),

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

• pupille en mydriase aréflectique,• rétrécissement diffus du calibre artériel• œdème blanc rétinien ischémique de la rétine avec tache rouge cerise de la macula ,• tableau clinique variable selon la localisation de l’occlusion en cas d’occlusion d’une

branche de l’artère centrale de la rétine.

Occlusion de la veine centrale de la rétine ou d’une de ses branches(voir « Occlusions veineuses rétiniennes - 130 - 4 » page 95) :

• baisse d’acuité visuelle très variable en fonction de la forme clinique• à l’examen du fond d’œil, œdème papillaire, hémorragies rétiniennes disséminées, no-

dules cotonneux, tortuosité et dilatation veineuses,• examen du fond d’œil et angiographie fluorescénique permettent de préciser la forme

clinique de l’occlusion veineuse : forme bien perfusée, dite forme œdémateuse, ouforme ischémique ,

• tableau clinique variable selon la localisation de l’occlusion en cas d’occlusion d’unebranche de la veine centrale de la rétine.

DMLA compliquée de néovaisseaux choroïdiens maculaires(voir « Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60 » page 59) :

• Survenue brutale d’une baisse d’acuité visuelle et de métamorphopsies ,• Décollement exsudatif de la rétine maculaire ± hémorragies sous-rétiniennes et exsu-

dats secs.

Décollement de la rétine rhegmatogèneil s’agit d’un décollement de rétine secondaire à une déchirure rétinienne (du grec rhegma= déchirure), s’opposant aux décollements de rétine exsudatifs (comme au cours de l’HTAou de la toxémie gravidique – voir « Rétinopathie hypertensive - 130 - 1 » page 75) et auxdécollements de rétine par traction (au cours notamment de la rétinopathie diabétique).

• la survenue d’une déchirure au niveau de la rétine périphérique (voir chapitre d’intro-duction « Rappel anatomique. Méthodes d’examen » page 21) peut permettre le pas-sage de liquide depuis la cavité vitréenne dans l’espace sous-rétinien ; ce liquide sous-rétinien (LSR) va soulever la rétine de proche en proche : c’est le décollement de larétine (DR).

• il reconnait trois étiologies principales :

— décollement de la rétine idiopathique, le plus souvent chez le sujet âgé,— myopie, notamment myopie forte (myopie supérieure à – 6 dioptries) ; le risque

de DR rhegmatogène croit avec le degré de myopie,— chirurgie de la cataracte (DR de l’aphake ou du pseudophake), qui se complique

d’un DR dans environ 2 % des cas, dans un délai variable, parfois plusieurs an-nées après l’intervention sur le cristallin.

• l’évolution spontanée est très péjorative : elle se fait vers l’extension inexorable duDR, qui englobe la macula, puis intéresse la totalité de la rétine ; la rétine décollée su-bit en quelques semaines des lésions irréversibles responsables d’une cécité.

• le traitement est uniquement chirurgical : son principe est d’obturer la déchirure réti-

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

nienne périphérique, permettant de stopper le passage de liquide sous-rétinien ; le LSRrésiduel étant ensuite réabsorbé par l’épithélium pigmentaire et la choroïde, permet-tant à la rétine de se réappliquer. Le pronostic anatomique (environ 90 % de succès)et fonctionnel du traitement chirurgical est d’autant meilleur qu’il est précoce, surtoutsi la macula est soulevée par le DR. Le DR est ainsi considéré comme une « semi-urgence », justifiant une intervention dans les quelques jours suivant le diagnostic.

• signes cliniques :

— signes fonctionnels : myodésopsies, suivies de phosphènes correspondant à lasurvenue de la déchirure rétinienne, puis d’une amputation du champ visuel pé-riphérique, correspondant à la constitution du DR ; lorsque le DR soulève la ma-cula, il entraîne alors une baisse d’acuité visuelle.

— examen du fond d’œil :

— il fait le diagnostic : la rétine apparaît en relief, mobile, d’aspect cérébri-forme,

— il recherche la déchirure causale ; il doit s’attacher à rechercher plusieursdéchirures, les déchirures multiples étant fréquentes et la méconnaissanced’une ou plusieurs déchirures exposant à un échec du traitement chirurgical,

— un examen de la rétine périphérique de l’œil controlatéral doit être systéma-tiquement pratiqué, à la recherche de déchirure(s) non compliquée(s) de dé-collement de rétine ou de lésions prédisposantes (zones de dégénérescencepalissadique au niveau desquelles peuvent survenir des déchiruresrétiniennes) ; ces lésions peuvent en effet bénéficier d’un traitement préven-tif par photocoagulation au laser afin de diminuer le risque de bilatéralisa-tion du DR (plus de 10 % des cas).

Neuropathie optique ischémique antérieure (cf « Neuropathie optique ischémique antérieure(NOIA) - 130 - 2 » page 81)

• baisse d’acuité visuelle unilatérale brutale, le plus souvent massive,• diminution du réflexe photomoteur direct,• œdème papillaire total ou en secteur,• déficit fasciculaire (ou scotome central) à l’examen du champ visuel.• l’étiologie la plus fréquente est l’artériosclérose, mais la NOIA doit faire systémati-

quement rechercher une maladie de Horton nécessitant une corticothérapie par voiegénérale en urgence.

Toxoplasmose oculaireelle est responsable d’une chorio-rétinite récidivante, qui s’accompagne de signes inflam-matoires vitréens (hyalite) : elle se manifeste par des myodésopsies et une baisse d’acuitévariable, d’autant plus importante que le foyer est à proximité de la macula ; à l’examen dufond d’œil, il s’agit d’un foyer blanchâtre qui évolue vers une cicatrice atrophique, à partirde laquelle peuvent survenir des récidives ; le traitement repose sur les antiparasitaires (as-sociation Malocid® et Adiazine®), prescrit s’il existe une menace sur l’acuité visuelle.

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Orientation diagnostique devant une altération de la fonction visuelle - 293

21.2.2.3 Anomalies de la vision d’apparition brutale avec fond d’œil visible et normal

— NORB (voir chapitre « Œil et sclérose en plaques - 125 » page 65) :

• Importante baisse d’acuité visuelle unilatérale brutale,• Douleurs oculaires augmentées lors des mouvements oculaires,• Réflexe photomoteur direct diminué,• Examen du fond d’œil normal (plus rarement, œdème papillaire modéré),• Scotome central ou cœco-central à l’examen du champ visuel.

— Atteintes des voies optiques chiasmatiques et rétro-chiasmatiques (voir plus loin section 21.4,« Altérations du champ visuel ») : une atteinte chiasmatique donne le plus souvent une hémia-nopsie bitemporale d’installation progressive, la cause étant le plus souvent une compressiond’origine tumorale ; devant une hémianopsie ou une quadranopsie, l’installation brutaleévoque une étiologie vasculaire, alors qu’une installation progressive évoque une étiologie tu-morale.

21.2.3 Anomalies transitoires de la vision

1. CMT (Cécité Monoculaire Transitoire) : disparition totale de la vision, durant quelques mi-nutes, spontanément résolutive : c’est l’amaurose fugace, qui évoque un accident ischémiquetransitoire de cause embolique , devant faire rechercher un athérome carotidien ou une cardio-pathie emboligène ; une cécité transitoire bilatérale évoque quant à elle une insuffisance ver-tébro-basilaire.

2. « éclipses visuelles » durant quelques secondes par œdème papillaire de l’hypertensionintracrânienne.

3. flashes colorés accompagnés d’un scotome scintillant s’étendant progressivement à un hémi-champ visuel, évoquant une migraine ophtalmique , même si cette « aura visuelle » n’est passuivie de céphalées typiques qui sont inconstantes.

21.3 Baisse d’acuité visuelle progressive

21.3.1 Cataracte

— Baisse d’acuité visuelle progressive, bilatérale, photophobie, myopie d’indice, diplopie mo-noculaire (cataracte nucléaire)

— Examen après dilatation pupillaire : cataracte nucléaire, sous-capsulaire postérieure, corticaleou totale

— Étiologie : le plus souvent cataracte sénile

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— Traitement chirurgical si baisse d’acuité visuelle invalidante : extraction du cristallin par pha-ko-émulsification par ultrasons et mise en place d’un implant intraoculaire.

21.3.2 Glaucome chronique à angle ouvert

Entraîne dans un premier temps des altérations progressives du champ visuel sans baisse d’acuitévisuelle, celle-ci étant d’apparition tardive, à un stade évolué de l’affectionDiagnostic :

• élévation du tonus oculaire,• altérations du champ visuel,• excavation glaucomateuse de la papille.

Traitement par collyres hypotonisants, trabéculoplastie au laser ou traitement chirurgical (trabé-culectomie).

21.3.3 Affections rétiniennes

21.3.3.1 Dégénérescences rétiniennes héréditaires

Elles sont schématiquement de deux types, centrales (atteinte des cônes) ou périphériques (atteintedes bâtonnets).

a. hérédo-dégénerescences centrales :La plus fréquente est la maladie de Stargardt :

— affection autosomale récessive,— elle débute dans l’enfance et entraîne progressivement une baisse d’acuité visuelle très

sévère (entre 1/20ème et 1/10ème en fin d’évolution) ;— elle se traduit à l’examen du fond d’œil par des remaniements maculaires donnant un as-

pect typique de « maculopathie en œil de bœuf » , analogue à l’aspect observé dans la ma-culopathie aux APS (voir plus loin)

b. hérédo-dégénerescence périphérique : rétinopathie pigmentaire

— il s’agit d’une affection d’aspect et de gravité variables en fonction du gène en cause ; ilexiste ainsi de nombreuses formes de rétinopathie pigmentaire, dont la transmission estelle aussi très variable, autosomique dominante ou récessive ou liée à l’X. Un grandnombre de cas, par ailleurs, n’atteint qu’un sujet de façon isolée, sans que l’enquête gé-nétique ne retrouve de sujets atteints dans les ascendants, descendants et collatéraux(« formes sporadiques »).

— l’atteinte des bâtonnets est responsable d’une héméralopie (gêne en vision crépusculaireet nocturne) et d’un rétrécissement progressif du champ visuel débutant dans l’enfance ;en fin d’évolution ne persiste qu’un champ visuel tubulaire, correspondant à la perte

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complète des batônnets périphériques et à la seule persistance des cônes centraux ; il peutmême survenir en fin d’évolution, par un mécanisme non élucidé, une atteinte dégénéra-tive des cônes aboutissant à une cécité complète.

— on observe à l’examen du fond d’œil des migrations de pigments sous-rétiniens donnantdans les formes typiques une image en ostéoblastes .

21.3.3.2 Rétinopathie diabétique

Elle peut entraîner une baisse d’acuité visuelle progressive par œdème maculaire (une baissed’acuité visuelle brutale pouvant être le fait d’une hémorragie intravitréenne, d’un décollement derétine par traction ou d’un glaucome néovasculaire).

21.3.3.3 Maculopathies liées à l’âge

membranes épirétiniennes maculaires

— fréquemment, chez le sujet d’un certain âge, peut se développer à la face interne de larétine maculaire une membrane fibreuse, dénommée « membrane épirétiennemaculaire » ou « membrane prémaculaire » ; ces membranes s’épaississent et secontractent lentement au cours de leur évolution, entraînant une baisse d’acuitévisuelle et des métamorphopsies d’installation lente.

— elles peuvent, quand elles entraînent une baisse d’acuité visuelle importante , bénéfi-cier d’une ablation chirurgicale par voie de vitrectomie, apportant une améliorationfonctionnelle dans 80 % des cas.

trous maculaires

— moins fréquents, ils correspondent à un trou fovéolaire de formation brutale : ils se tra-duisent par une baisse d’acuité visuelle brutale et un scotome central de petite taille,qui vont s’aggraver de façon progressive ainsi que des métamorphopsies du fait d’undécollement de rétine maculaire très localisé au bord du trou.

— ils peuvent bénéficier d’un traitement chirurgical visant à obturer le trou fovéolaire.

dégénérescence maculaire liée à l’âge(voir chapitre « Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) - 60 » page 59)Elle peut entraîner une baisse d’acuité visuelle progressive aux stades de début (drüsen), oudans les formes atrophiques, alors que les formes exsudatives (néovaisseaux choroïdiensmaculaires) se traduisent par une baisse d’acuité visuelle et des métamorphopsies d’appa-rition brutale.

21.3.3.4 Œdèmes maculaires

Ils se traduisent par un épaississement rétinien maculaire, associé à une baisse d’acuité visuelle engénéral progressive. Lorsque l’œdème maculaire est important , il prend un aspect d’œdème macu-laire cystoïde (OMC) , qui revêt un aspect très typique à l’angiographie « en pétales de fleur ».Principales étiologies :

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a. Rétinopathie diabétique : principale cause de malvoyance chez les diabétiques de type 2.b. Occlusion de la veine centrale de la rétine ou d’une de ses branchesc. Chirurgie de la cataracte : survenant dans environ 3 % des cas, quelques semaines après l’in-

tervention chirurgicale, il va régresser dans 2/3 des cas, mais dans 1/3 des cas, soit 1 % desyeux opérés, l’évolution se fait vers un œdème maculaire chronique avec baisse d’acuité vi-suelle permanente.

d. Uvéites postérieures : l’œdème maculaire est une des principales causes de baisse d’acuité vi-suelle permanente au cours des uvéites postérieures.

21.3.3.5 Maculopathies toxiques : la principale est la maculopathie aux APS

Un traitement continu par antipaludéens de synthèse (APS) peut entraîner l’apparition d’une réti-nopathie toxique bilatérale ; le risque apparaît pour une posologie cumulée de 150 à 200 g, autre-ment dit à partir de la 3ème année d’un traitement à la posologie quotidienne de 250 mg/jour. Larétinopathie résulte de l’accumulation de métabolites toxiques dans l’épithélium pigmentaire. Elleprédomine au niveau maculaire (« maculopathie aux APS ») et évolue en trois stades :

stade précliniqueIl est asymptomatique, caractérisé par des altérations isolées des explorationsfonctionnelles :

• examen du champ visuel en périmétrie statique : diminution de sensibilité de la rétinemaculaire respectant le point de fixation : « périfovéolopathie ».

• examen de la vision chromatique : dyschromatopsie d’axe bleu-jaune• modifications de l’électrorétinogramme.

A ce stade, l’arrêt du traitement par APS permet de stopper l’évolution et d’éviter le pas-sage au stade de maculopathie confirmée ; c’est dire l’intérêt d’une surveillance systéma-tique régulière de tous les patients sous APS.

stade clinique de maculopathie confirmée

• à ce stade apparaît une baisse d’acuité visuelle (touchant l’acuité visuelle de loin et deprès),

• associée à des modifications pigmentaires maculaires prenant à l’examen du fondd’œil et surtout sur l’angiographie fluorescéinique un aspect particulier décrit sous leterme de « maculopathie en œil de bœuf »

• cette atteinte maculaire s’accompagne à l’examen du champ visuel d’un scotome pé-ricentral annulaire.

Ces lésions sont irréversibles et peuvent même continuer à progresser malgré l’arrêt du trai-tement.

stade de rétinopathie évoluée

• à ce stade, les modifications pigmentaires s’étendent à tout le fond d’œil,• elles s’accompagnent d’une baisse d’acuité visuelle très sévère.

La possibilité de dépister l’atteinte rétinienne au stade préclinique, asymptomatique, par les explo-rations fonctionnelles, et de stopper alors le traitement avant l’apparition d’une maculopathie avec

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baisse d’acuité visuelle, fait tout l’intérêt d’une surveillance systématique de tous les sujets traitéspar antipaludéens de synthèse :

• les examens de surveillance doivent être pratiqués tous les six mois pour une dose journalièreéquivalente à 6,5 mg/kg (soit deux comprimés de Plaquenil pour un patient de 60 kg) ; elledoit être rapprochée, tous les quatre mois, en cas de posologie supérieure.

• chaque examen de surveillance complet comporte :

— la mesure de l’acuité visuelle,— une périmétrie statique,— un examen de la vision chromatique,— un électrorétinogramme,— un examen du fond d’œil ; l’angiographie fluorescéinique n’est pas systématique et n’est

réalisée que lorsqu’existent des modifications pigmentaires visibles à l’examen du fondd’œil.

21.4 Altérations du champ visuel

Elle peuvent ou non s’accompagner d’un baisse d’acuité visuelle

21.4.1 Anomalies du champ visuel au cours d’affections rétiniennes

— soit scotomes en cas d’atteinte de la rétine centrale respectant la périphérie ; un scotome cen-tral, englobant le point de fixation, traduit une atteinte maculaire et s’accompagne toujoursd’une baisse d’acuité visuelle sévère (ex. : DMLA évoluée).

— soit déficits périphériques du champ visuel lors d’atteintes rétiniennes siégeant ou débutanten périphérie (ex. : DR rhegmatogène, rétinopathie pigmentaire).

21.4.2 Atteinte du champ visuel par atteinte des voies optiques

21.4.2.1 Atteintes du nerf optique

— l’atteinte totale du nerf optique est responsable d’une cécité unilatérale (se voit essentielle-ment au cours des traumatismes).

— une atteinte limitée au faisceau maculaire réalise un scotome central ; l’atteinte du faisceaumaculaire déborde souvent sur les faisceaux temporaux et nasaux, et l’on observe alors un

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scotome central étendu (NORB de la sclérose en plaques).— ailleurs, l’atteinte concerne de façon très localisée le faisceau maculaire, mais également les

fibres inter-papillo-maculaires, réalisant alors un scotome central relié à la tache aveugle :c’est le scotome cæco-central ; volontiers bilatéral, c’est l’aspect typique de la névrite optiqueéthylique.

— l’atteinte d’un faisceau de fibres en dehors du faisceau maculaire est responsable d’un déficitfasciculaire ; on l’observe notamment lors d’une atteinte ischémique de la papille (neuropa-thie optique ischémique antérieure).

— étiologies :

• NORB de la sclérose en plaques (voir plus haut)• neuropathie optique ischémique antérieure = NOIA (voir plus haut)• neuropathies optiques toxiques et métaboliques : elles ont en commun de se manifes-

ter par une atteinte bilatérale et progressive . Elles sont dominées par quatre étiologies :

— neuropathie optique éthylique :

• elle est favorisée par le tabagisme associé, et on parle volontiers de neuropa-thie optique alcoolo-tabagique

• elle réalise typiquement à l’examen du champ visuel un scotome cæco-centralbilatéral .

• en l’absence de sevrage, elle aboutit à la constitution d’une atrophie optique.

— neuropathies optiques médicamenteuses :

• elles s’observent principalement au cours de traitements antituberculeux(Ethambutol et Isoniazide) et peuvent laisser une baisse d’acuité visuelle défi-nitive.

• d’où la règle d’une surveillance régulière systématique des patients traités parl’examen du champ visuel et surtout de la vision des couleurs , ces neuropa-thies optiques se révélant précocément par une dyschromatopsie d’axe rouge-vert .

• neuropathies optiques professionnelles : intoxications par les dérivés du ben-zène et du toluène, le plomb, l’alcool méthylique.

• neuropathies optiques métaboliques : notamment au cours du diabète.

• neuropathies optiques tumorales :

— tumeurs intra-orbitaires : tumeurs du nerf optique (gliome) ou de ses gaines(méningiome), compresion du nerf optique par une tumeur intra-orbitaire quellequ’en soit la nature.

— elles se traduisent le plus souvent par une atrophie optique associée à une exophta-mie.

— tumeurs de l’étage antérieur du crâne (méningiome du sphénoïde,…) .

21.4.2.2 Lésions du chiasma optique

Elles réalisent un syndrome chiasmatique qui dans sa forme typique se traduit à l’examen du

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champ visuel par une hémianopsie bitemporale .Elles sont dominées sur le plan étiologique par les adénomes de l’hypophyse : ils sont responsablesd’un syndrome chiasmatique d’installation progressive, débutant du fait du siège inférieur de lacompression chiasmatique par une quadranopsie bitemporale supérieure .D’autres affections peuvent être responsables d’un syndrome chiasmatique parfois moins typiqueen fonction de la localisation de l’atteinte du chiasma :

• chez l’adulte : méningiome du tubercule de la selle, anévrysme de la carotide interne, crânio-pharyngiome,

• chez l’enfant : gliome du chiasma, qui survient souvent dans le cadre d’une maladie de Rec-klinghausen, crâniopharyngiome.

21.4.2.3 Lésions rétrochiasmatiques

Elles se manifestent typiquement par une hémianopsie latérale homonyme du côté opposé à lalésion . Une atteinte des radiations optiques, où fibres supérieures et inférieures cheminent dansdeux faisceaux nettement séparés, se traduira plus volontiers par une quadranopsie latéralehomonyme , le plus souvent supérieure.Elles reconnaissent trois grandes étiologies :

• vasculaire : hémianopsie ou quadranopsie latérale homonyme d’installation brutale.• tumorale : hémianopsie ou quadranopsie latérale homonyme d’installation progressive.• traumatique : hémianopsie ou quadranopsie latérale homonyme contemporaine du trauma-

tisme.

21.4.2.4 Cécité corticale

On désigne sous ce terme un tableau clinique particulier secondaire à une atteinte des deux lobesoccipitaux, le plus souvent par accident vasculaire cérébral dans le territoire vertébrobasilaire. Elleréalise une cécité bilatérale brutale, associé à des éléments évocateurs :

• examen ophtalmologique, notamment examen du fond d’œil, normal .• conservation du réflexe photomoteur (+++)• hallucinations visuelles, désorientation spatiale et anosognosie = méconnaissance de sa cécité

par le patient, très caractéristique (+++).

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

Chapitre 22

Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

22.1 Définition

La diplopie est la vision double d’un objet unique. Nous nous intéresserons aux diplopies binocu-laires, c’est-à-dire qui ne sont présentes que les deux yeux ouverts et disparaissent à l’occlusion del’un ou de l’autre œil.Une diplopie monoculaire persiste par contre à l’occlusion de l’œil sain et disparaît à l’occlusionde l’œil atteint ; elle peut avoir une cause :

• cornéenne : astigmatisme important, taie cornéenne, kératocône.• irienne (iridodialyse traumatique), et surtout• cristallinienne (cataracte nucléaire).

Une telle diplopie monoculaire devra conduire à un examen ophtalmologique sans caractère d’ur-gence.Les diplopies binoculaires par contre, sont un trouble du parallélisme oculo-moteur, avec généra-lement une implication neurologique ou orbitaire demandant souvent une prise en charge urgente.

Ce qu’il faut savoir1. Savoir explorer cliniquement la motilité oculaire2. Reconnaître une paralysie du III,3. Reconnaître une paralysie du IV,4. Reconnaître une paralysie du VI,5. Énumérer les principales étiologies des paralysies oculo-motrices.

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22.2 Anatomie

22.2.1 Muscles oculo-moteurs

Six muscles oculomoteurs assurent les mouvements de chaque globe oculaire :

— quatre muscles droits :

• droit médial (anciennement dénommé droit interne)• droit latéral (anciennement dénommé droit externe)• droit supérieur• droit inférieur

— deux muscles obliques :

• oblique inférieur (ancien « petit oblique »)• oblique supérieur (ancien « grand oblique »)

22.2.2 Nerfs oculo-moteurs

Les six muscles oculomoteurs sont sous la dépendance de trois nerfs oculo-moteurs :

— le III (nerf oculo-moteur commun),— le IV (nerf pathétique),— le VI (nerf moteur oculaire externe).

Les noyaux des nerfs oculo-moteurs sont situés dans le tronc cérébral.Ils donnent naissance aux racines des nerfs oculo-moteurs qui cheminent jusqu’à la sortie du tronccérébral.Aux racines font suite les troncs des nerfs oculo-moteurs, de la sortie du tronc cérébral jusqu’auxmuscles effecteurs.On décrit de plus :

— des voies supranucléaires , qui relient des centres corticaux aux noyaux des nerfs oculo-moteurs ; il s’agit du centre de la latéralité , qui assure les mouvements conjugués des deuxyeux dans le regard horizontal droit ou gauche, du centre de la verticalité qui assure les mou-vements oculaires conjugués des deux yeux dans le regard en haut et en bas, et du centre dela convergence mis en jeu dans le passage à la vision de près (lecture,…).

— des voies internucléaires qui relient les noyaux oculo-moteurs entre eux. Par exemple, le re-gard à droite fait intervenir le droit latéral droit et le droit médial gauche ; il fait intervenir desvoies internucléaires reliant les noyaux du VI droit et du III gauche ; les voies internucléairessont situées dans le faisceau longitudinal médian (« bandelette longitudinale postérieure »).

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22.3 Physiologie - Physiopathologie

Il existe, pour chaque œil, 6 muscles oculomoteurs auxquels il faut ajouter le muscle releveur de lapaupière supérieure, ainsi que la motricité de la pupille et de l’accommodation. La commande ner-veuse est volontaire ou automaticoréflexe et est véhiculée par les 3 nerfs crâniens oculomoteursavec la répartition suivante :

— III : pour le droit médial, l’oblique inférieur, le droit supérieur, le droit inférieur, ainsi quepour le muscle releveur de la paupière supérieure, le sphincter pupillaire et l’accommodation,

— IV : pour l’oblique supérieur,— VI : pour le droit latéral.

Figure 26 Champs d’action anatomiques

Le champ d’action d’un muscle oculomoteur (duction)est la position où l’action est maximale et où l’étude clinique est la plus caractéristique.Schématiquement, les champs d’action sont pour chacun des muscles oculo-moteur :

— droit médial : en dedans,— le droit latéral : en dehors,— le droit supérieur : en haut et en dehors,— le droit inférieur : en bas et en dehors,— l’oblique supérieur : en bas et en dedans,

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

— l’oblique inférieur : en haut et en dedans.

Les mouvements oculaires bilatérauxconjugués des deux yeux, (versions) font intervenir des muscles synergiques sur les deuxyeu : par exemple, le regard à droite est assuré par le droit latéral droit et le droit médialgauche.

Vision binoculaire

Lois de Hering et de SherringtonLa vision binoculaire est assurée grâce à la synergie d’action entre muscles oculo-moteurs : chaque muscle possède ainsi un antagoniste homolatéral et un synergiste(agoniste) controlatéral ; ainsi, par exemple, le droit latéral droit a comme antago-niste le droit médial droit et comme agoniste le droit médial gauche.Cette synergie est réglée par les lois de Hering et de Sherrington :

— la loi de Hering est propre à l’oculo-motricité : lors de mouvements binocu-laires, l’influx nerveux est envoyé en quantité égale aux muscles agonistes desdeux yeux ; ainsi, dans le regard à droite, droit latéral droit et droit médialgauche reçoivent en même temps la même quantité d’influx nerveux, méca-nisme assurant le parallélisme des deux yeux dans les différentes directions duregard.

— selon la loi de Sherrington , de plus, quand les muscles synergistes secontractent, les muscles antagonistes se relâchent : par exemple, le regard àdroite fait intervenir la contraction du droit latéral droit et du droit médialgauche, et parallèlement selon la loi de Sherrington le relâchement du droitmédial droit (antagoniste du droit latéral droit) et du droit latéral gauche (an-tagoniste du droit médial gauche).

Un cas particulier est celui des vergences , terme désignant des mouvement ocu-laires de sens opposé des deux yeux ; il s’agit essentiellement de mouvementshorizontaux : divergence, et surtout convergence permettant la vision de près.

Correspondance sensorielleUn objet se projette sur les deux yeux sur des points rétiniens dits « points rétinienscorrespondants », permettant une localisation identique par les deux yeux. Parexemple,

— un objet situé dans le champ visuel droit est vu par deux points rétiniens cor-respondants situés sur la rétine nasale de l’œil droit et la rétine temporale del’œil gauche,

— un objet situé droit devant est vu par les maculas des deux yeux.

Si le parallélisme des deux yeux disparaît, un objet fixé par la macula d’un œil serafixé par une autre zone, extra-maculaire, de l’autre œil ; c’est la « correspondancerétinienne anormale » : le même objet est alors localisé de façon différente par lesdeux yeux, phénomène responsable d’une vision double = diplopie.

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

22.4 Diagnostic positif

22.4.1 Les signes fonctionnels

Le sujet se plaint d’un dédoublement d’un objet, survenant toujours dans la même direction maisdisparaissant à l’occlusion de l’un ou l’autre des deux yeux, et n’étant perçu que les deux yeux ou-verts. Peuvent être associés à cette vision double : des céphalées, des vertiges, des nausées ou desvomissements.Attention : la diplopie peut être méconnue lorsqu’il existe un ptosis ou un œdème palpébral, qui« occlut » l’œil paralysé et supprime ainsi l’une des 2 images.(PS : la diplopie est absente dans les paralysies de fonction).

22.4.2 Interrogatoire

Il précisera :

— le terrain : âge du patient, antécédents oculaires et généraux, recherche d’un diabète, d’unehypertension artérielle, d’une maladie métabolique ou endocrinienne notammentthyroïdienne ;

— les circonstances de survenue : notion de traumatisme, survenue lors d’un effort physique, àla lecture ou à la fatigue ;

— le mode de survenue : brutal ou progressif ;— les signes associés : douleurs, vertiges, céphalées, nausées ;— les caractères de la diplopie : horizontale, verticale, oblique, ainsi que la position du regard

dans laquelle la diplopie est maximale et ses variations dans la journée.

22.4.3 Inspection

Elle recherche une attitude vicieuse ou compensatrice de la tête : la tête se met spontanément dansle champ d’action du muscle atteint pour compenser la diplopie. On parle aussi de torticoliscompensateur ;L’inspection recherchera une déviation du globe en position primaire, c’est-à-dire tête droite, axevisuel dirigé droit devant sur un point à l’infini. Par exemple, dans une paralysie du VI, l’œil estdévié en dedans (« strabisme paralytique convergent »).

22.4.4 Examen oculomoteur

1. On procédera à l’examen de la motilité oculaire dans les différentes positions du regard ;cet examen examinera les 6 muscles oculomoteurs de chaque œil.

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2. L’examen sous écran ou « cover-test » consiste à demander au sujet de fixer un point situédroit devant lui au loin. Un œil est masqué par un cache puis le cache est déplacé sur l’œilopposé.Chez le sujet dont le parallélisme oculo-moteur est normal, on n’observe aucun mouvement.En cas de strabisme paralytique, l’œil masqué n’est pas dirigé dans la direction de l’œildécouvert : ainsi lorsqu’on lève l’écran, l’œil non fixateur apparaît d’abord dévié puis se re-dresse pour prendre la fixation (« mouvement de restitution ») ; la direction du mouvement derestitution permet de détecter le muscle paralysé.Par exemple, en cas de paralysie du VI, les yeux sont en convergence ; l’œil occlus, dévié enconvergence, reprend sa positioin de fixation par un mouvement en dehors quand l’occlusionest levée et portée sur l’autre œil.

3. L’examen au verre rouge consiste à placer un verre rouge devant un œil (par convention de-vant l’œil droit) alors que le sujet fixe, de son œil gauche découvert, un point lumineux blancen face de lui.Normalement les 2 images sont confondues dans toutes les positions du regard et le patientn’en voit qu’un seul point lumineux. En cas de déséquilibre oculomoteur les 2 points sontséparés : le patient voit un point rouge et un point blanc et on peut analyser le décalage pourreconnaître le muscle déficitaire.

— on parle de diplopie homonyme lorsque le point rouge est vu à droite du point blanc ; ellecorrespond à un œil en convergence (ex : paralysie du VI).

— on parle de diplopie croisée lorsque la lumière rouge est vue à gauche du point blanc ;elle correspond à un œil en divergence (ex : paralysie du III).

— l’écart entre les deux images augmente dans le champ d’action du ou des muscles para-lysés, permettant de déterminer les muscles atteints.

4. Le test de Hess-Lancaster est un test rouge-vert qui permet de faire immédiatement le dia-gnostic de l’œil et des muscles paralysés et de reconnaître les hyperactions musculaires secon-daires à la paralysie.Il consiste en un relevé graphique de l’oculomotricité dans les différentes positions du regard :

— l’œil paralysé a un cadre plus petit que la normale (par hypoaction du muscle paralysé),— l’œil controlatéral a un cadre plus grand que le normale (par hyperaction de l’agoniste

controlatéral suivant la loi de Hering).

Ce test permet de faire le diagnostic de la paralysie oculomotrice, de déterminer le côté decette paralysie, d’objectiver le ou les muscles paralysés. C’est de plus un examen qui permetde suivre l’évolution de la paralysie par des relevés successifs.

5. Tout bilan de paralysie oculomotrice nécessite également l’exploration de la motricitéintrinsèque .

a. inspection : elle doit rechercher une inégalité pupillaire ou anisocorie .b. réflexes pupillaires : le réflexe photomoteur (RPM) ou réponse pupillaire à la lumière né-

cessite l’éclairement d’un œil qui entraîne :

• un myosis de l’œil éclairé : réflexe photomoteur direct• un myosis simultané de l’œil controlatéral : réflexe consensuel.• ainsi,

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— en cas de mydriase par « cécité » (ex. OACR, NORB), on observe une aboli-tion du RPM direct et du réflexe consensuel, mais conservation du RPMconsensuel à l’éclairement de l’œil controlatéral (c.a.d. : l’éclairement de l’œilsain provoque un RPM d’amplitude normale de l’œil « aveugle »).

— en cas de mydriase paralytique (paralysie du III), on observe une abolition duRPM direct avec conservation du RPM consensuel ; par contre, le RPMconsensuel à l’éclairement de l’œil sain est aboli.

22.5 Diagnostic sémiologique

Les paralysies oculomotrices sont plus ou moins marquées : lorsqu’elles sont de faible degré, onparle de parésies. Elles touchent le plus souvent le tronc des nerfs oculo-moteurs (paralysies tron-culaires), entre la sortie du tronc cérébral et le globe oculaire

22.5.1 Paralysie du III

La paralysie totale du III provoque du côté pathologique un ptosis total (pouvant d’ailleurs masquerla diplopie constituant un ptosis « providentiel »), une divergence marquée, une paralysie de l’élé-vation et de l’abaissement de l’œil, une mydriase aréflective, une perte de l’accommodation etconservation de la vision de loin ;Des paralysies partielles sont possibles :Soit atteinte ne touchant qu’un ou plusieurs muscles,Soit paralysie du III extrinsèque, touchant les muscles oculo-moteurs,Soit paralysie du III intrinsèque, responsable d’une mydriase ou à moinde degré d’une simple iné-galité des deux diamètres pupillaires (anisocorie), et d’une paralysie de l’accomodation.

22.5.2 Paralysie du IV

Le patient présente une diplopie verticale et oblique, accentuée dans le champ du muscle obliquesupérieur concerné c’est-à-dire en bas et en dedans.Il s’agit d’une diplopie très gênante, car invalidante dans les activités comme la lecture ou la des-cente des escaliers.Position compensatrice de la tête, inclinée du côté sain, menton abaissé.

22.5.3 Paralysie du VI

Elle provoque une convergence de l’œil atteint et un déficit de l’abduction.Position compensatrice de la tête, tournée du côté de la paralysie oculo-motrice.

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22.5.4 Formes particulières

Paralysies supranucléaires : dites paralysies de fonction, ce sont des paralysies oculo-motricessans diplopie :

a. syndromes de Foville = paralysies de la latéralité,b. syndrome de Parinaud = paralysie de la verticalité associée à une paralysie de la convergence

(très évocateur de pinéalome+++).

Paraysies internucléaires : notamment, ophtalmoplégie internucléaire (OIN) :

— les mouvements oculaires sont normaux du côté de la lésion,— lors de mouvements du côté sain, l’œil homolatéral ne peut se porter en adduction, ne dépas-

sant pas la ligne médiane, alors que l’œil controlatéral se porte naturellement en abduction.— étiologies : SEP +++

Paralysies intraxiales : atteintes du tronc cérébral affectant les noyaux et/ou les racines des nerfsoculo-moteurs, elles donnent :

— soit l’association d’une paralysie de fonction et d’une diplopie par POM,— soit l’association d’une diplopie et de signes neurologiques controlatéraux = syndromes

alternes .

Champs d’action des muscles oculo-moteurs ;caractéristiques de la diplopie en fonction du muscle atteint

muscle DM (III) DS (III) DI (III) OI (III) OS( IV) DL (VI)

champ d’action

dedans haut et dehors

bas et dehors haut et dedans

bas et dedans

dehors

diplopie Horizon-tale, croisée

Verticale Verticale Verticale Verticale Horizontale

Max en add. Max en haut. et du côté para-

lysé

Max en bas et du côté

atteint.

Max en haut et en dedans gêne++ lec-ture, escalier

Max en bas homonyme.Max en dehors

positioncompens.

face tournée côté sain

menton élevé

menton abaissé

tête en arrière face tournée côté

sain

face incli-née vers

épaule du côté sain menton abaissé

tête tournée du côté atteint

DM : droit médial, DS : droit supérieur, DI : droit inférieur, OI : oblique inférieur, OS : oblique supérireur, DL : droit latéral, add : adduction, position comp. : position compensatrice de la tête.

202/211 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 2003 - 2004

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

22.6 Diagnostic différentiel

Diplopie monoculaireLa diplopie disparaît avec l’occlusion de l’œil pathologique. Il peut s’agir notamment d’uneatteinte :

• cornéenne par diffraction des rayons lumineux : taie cornéenne séquelle d’une kératiteou d’un traumatisme, kératocône, astigmatisme important,

• irienne : iridodialyse traumatique,• cristallinienne : cataracte nucléaire

Simulation, hystérie

22.7 Etiologies

22.7.1 Causes traumatiques

— Fractures de l’orbite : on distingue les traumatismes avec hernie graisseuse et musculairedans un foyer de fracture, le plus souvent du plancher de l’orbite, et les traumatismes avec dé-sinsertion de la poulie de l’oblique supérieur.

• dans le cas d’une fracture du plancher de l’orbite , l’élévation du globe est douloureuseet limitée ; le test de Lancaster est caractéristique avec hyperaction des synergiquescontrolatéraux ; la mobilisation passive du globe par traction du droit inférieur (test deduction forcée) est impossible ; les explorations neuro-radiologiques visualisent le traitde fracture, voire la hernie graisseuse et musculaire sous forme d’une image en gouttedans le sinus maxillaire.

• dans le cas d’un traumatisme avec désinsertion de la poulie de l’oblique supérieur , lafracture intéresse le plafond de l’orbite et se traduit par une pseudo-paralysie du nerf pa-thétique avec douleur à la palpation de l’angle supéro-interne de l’orbite.

— Traumatismes de la fente sphénoïdale : syndrome de la fente sphénoïdale = association del’atteinte des nerfs III, IV, VI et V1

— Traumatismes de l’apex orbitaire : sydrome de l’apex = syndrome de la fente sphénoïdale+ cécité monoculaire par atteinte du nerf optique.

— Hémorragie méningée : paralysie du VI sans valeur localisatrice.

22.7.2 Tumeurs

— Hypertension intra-crânienne : diplopie par atteinte bilatérale des nerfs moteurs oculaires la-

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

téraux sans valeur localisatrice.— Les tumeurs de la base du crâne donnent des paralysies intraxiales, avec notamment des syn-

dromes alternes comme le syndrome de Weber (paralysie du III + hémiplégie croisée avec pa-ralysie faciale) ou des paralysies supranucléaires (paralysies de fonction comme le syndromede Parinaud des tumeurs épiphysaires, notamment pinéalome +++)

— Les paralysies ont une valeur localisatrice en l’absence d’hypertension intra-crânienneassociée :

• lesion du noyau du III : syndrome de Weber - syndrome de Parinaud• lésion du noyau du IV par atteinte des tubercules quadrijumeaux (gliome)• lésions du noyau du VI par tumeur bulbo-protubérantielle (notamment neurinome de

l’acoustique).

22.7.3 Causes vasculaires

— AVC : syndromes alternes par ischémie ou hémorragie du tronc cérébral.— L’insuffisance vertébro-basilaire peut être responsable de manifestations cliniques transi-

toires avec diplopie dans 30 % des cas.— Les anévrismes carotidiens notamment supraclinoïdiens sont suspectés devant une paralysie

isolée du III dans un contexte de violente douleur rétro-oculaire, imposant des explorationsneuro-radiologiques avec injection.

— Les anévrismes carotidiens intra-caverneux infra-clinoïdiens peuvent entraîner une paraly-sie oculomotrice isolée ou un syndrome de la paroi externe du sinus caverneux avec atteintedes V, VI, III et parfois du IV. Le diagnostic est également angiographique.

— Fistule artério-veineuse : souvent d’origine traumatique, mais d’apparition retardée, elle setraduit par une exophtalmie pulsatile, s’accompagnant d’un souffle perçu par le malade et re-touvé à l’auscultation de l’orbite et du crâne, une vasodilatation conjonctivale particulière,« en tête de méduse » ; la confirmation du diagnostic repose sur l’artériographie carotidienne.

22.7.4 Diplopies douloureuses

— migraine ophtalmoplégique :

• paralysie du III succédant à la céphalée,• durant de quelques heures à quelques jours.

— maladie de Horton :

• céphalées fronto-orbitaires,• ± POM, ± NOIA (neuropathie optique ischémique antérieure) (voir chapitre Altérations

de la fonction visuelle)

— syndrome de Tolosa-Hunt :

• douleurs fronto-orbitaires unilatérales,• paralysies du VI ou du III extrinsèque, récidivantes, corticosensibles.

204/211 Enseignement d’ophtalmologie - Polycopié national du collège des ophtalmologistes 2003 - 2004

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

22.7.5 Affections neurologiques

— Sclérose en plaques : elle peut entraîner une diplopie inaugurale par atteinte du VI ou du III,ou encore par une ophtalmoplégie internucléaire, très évocatrice.

— Autres affections neurologiques : polyradiculonévrite de Guillain-Barré, sclérose latéraleamyotrophique, dégénérescence spino-cérébelleuse.

22.7.6 Affections générales

Diabète : paralysies du III incomplètes, régressives en quelques mois (mécanisme : microangiopa-thie)

22.7.7 Causes infectieuses

Méningite ou méningoencéphalite,Abcès cérébral.

22.7.8 Diplopies de causes musculaires

— myasthénie :

• ptosis de début souvent progressif, variable ou cours de la journée, apparaissant surtoutà la fatigue ;

• diagnostic par diagnostic par le test à la prostigmine, le Tensilon ou le Reversol, si pos-sible couplé à l’électromyogramme.

• doit faire rechercher un thymome associé.

— maladie de Basedow (voir chapitre « Ophtalmopathie dysthyroïdienne - 246 » page 153).— ophtalmoplégie externe progressive = « ophtalmo-myopathie mitochondriale »

• ptosis,• atteinte progressive de tous les muscles oculo-moteurs.• ± rétinopathie pigmentaire : on parle alors de syndrome de Kearns-Sayre.

22.8 Conduite à tenir

En cas de diplopie récente, le bilan étiologique est prioritaire et repose sur un examen neurologiqueet une imagerie cérébrale. Une paralysie du III avec phénomènes douloureux impose, notam-ment, une recherche en urgence d’un anévrisme carotidien (angioscan, artériographie caroti-

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

dienne).La prise en charge de la diplopie elle même est différente selon la phase précoce, dans les premiersmois, et la phase tardive.Dans la phase précoce :

• supprimer momentanément et pour le confort la diplopie par occlusion de l’œil paralysé (op-ticlude, occusert).

• prismation lorsque cela est possible : la mise en place sur un verre de lunette permet de rétablirle parallélisme de rayons lumineux et de supprimer la diplopie, au moins en position primaire.

• injection de toxine botulique.

Dans la phase tardive, la régénérescence nerveuse doit être attendue en règle six mois à un anenviron : passé ce délai, un traitement chirurgical est envisageable pour essayer de rétablir un pa-rallélisme des yeux au moins en position primaire.

22.9 Les points forts

Les points forts• Devant une diplopie isolée il faut rechercher notamment chez un adulte jeune :

— une tumeur à l’origine d’1/4 des paralysies oculomotrices et demander systé-matiquement des explorations neuro-radiologiques.

— une malformation vasculaire notamment en cas de paralysie du III intrinsèque et extrinsèque imposant l’artériographie carotidienne en urgence ou un angioscan

— une sclérose en plaques révélée par une paralysie oculomotrice dans 10 % des cas

— une myasthénie.

• Chez le sujet plus âgé :

— il faut retenir comme étiologies les accidents vasculaires ischémiques ou hémorragiques.

— les tumeurs gardent la même priorité et les explorations neuro-radiologiques restent systématiques.

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

22.10 En synthèse

En synthèseConduite à tenir devant une diplopie

Reconnaître une diplopie binoculaires’opposant aux diplopies monoculaires de causes oculaires (cataracte nucléaire).

Interrogatoireprécise

— les antécédents,— le mode d’installation, brutale ou progressive,— les signes extra-oculaires, notamment neurologiques, associés,— les antécédents généraux (terrain vasculaire, diabète, affection thyroï-

dienne,…)

Examen

— inspection,— étude de l’oculo-motricité :

• motilité oculaire dans les différents mouvements du regard,• « cover-test »,• examen au verre rouge,• test de Hess-Lancaster.

Cet examen sera complété par un examen ophtalmologique complet, compor-tant acuité visuelle avec correction optique éventuelle, tonus oculaire, examen du champ visuel, examen du fond d’œil.

Diagnostic topographique

— POM intraxiales : notamment syndromes alternes,— POM tronculaires : III complet ou partiel, IV, VI.

Diagnostic étiologique

• Les examens à visée étiologique sont fonction de l’orientation étiologique donnée par l’examen et le diagnostic topographique : il s’agit essentielle-ment d’examens neuroradiologiques : TDM, IRM, artériographie céré-brale.

• Étiologies : POM traumatiques, tumeurs, causes vasculaires, …

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Orientation diagnostique devant une diplopie - 304

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Orientation diagnostique devant un strabisme de l’enfant - 333

Chapitre 23

Orientation diagnostique devant un strabisme de l’enfant - 333

Le strabisme de l’enfant est fréquent et, en l’absence de dépistage précoce et de traitement, peutpar le mécanisme de la suppression aboutir à une amblyopie irréversible. En effet, comme nousl’avons vu au cours de l’étude des diplopies, la correspondance sensorielle permet une localisationidentique d’un objet par les deux yeux, un objet se projetant sur les deux yeux sur des points réti-niens dits « points rétiniens correspondants ». Par exemple,

— un objet situé dans le champ visuel droit est vu par deux point rétiniens correspondants situéssur la rétine nasale de l’œil droit et la rétine temporale de l’œil gauche,

— un objet situé droit devant est vu par les maculas des deux yeux.

Si le parallélisme des deux yeux disparaît, un objet fixé par la macula d’un œil sera fixé par uneautre zone, extra-maculaire, de l’autre œil ; c’est la «correspondance rétinienne anormale» :

— le même objet est alors localisé de façon différente par les deux yeux ; chez l’adulte, ce phé-nomène est responsable d’une vision double = diplopie.

— l’enfant a par contre la capacité de neutraliser une des deux images pour éviter la diplopie :c’est le phénomène de suppression ; s’il est permanent, le phénomène de suppression va de-venir définitif et irréversible , entraînant une baisse profonde de l’acuité visuelle = amblyopie(appelée amblyopie fonctionnelle par opposition à l’amblyopie organique secondaire à une af-fection oculaire).

Le strabisme de l’enfant comporte deux phénomènes : un phénomène moteur et un phénomènesensoriel.

Ce qu’il faut savoir1. Connaître les signes d’appel du strabisme de l’enfant2. Connaître les complications des strabismes3. Comprendre les principes du traitement des strabismes et de l’amblyopie

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Orientation diagnostique devant un strabisme de l’enfant - 333

23.1 Phénomène moteur

Le strabisme se définit comme une perte de parallélisme des deux yeux :

• le strabisme convergent est le plus fréquent ; il est secondaire à l’hypermétropie , très fré-quente chez l’enfant ; l’hypermétropie est spontanément corrigée par l’enfant par la mise enjeu de l’accomodation cristallinienne ; ceci, par la mise en jeu de la « synergie accomodation-convergence » (phénomène physiologique qui n’est normalement mis en jeu que dans la vi-sion de près), entraîne en permanence une convergence qui va devenir à la longue, en l’ab-sence de traitement, définitive.Le strabisme convergent peut être :

— soit unilatéral : un œil est fixateur, l’autre est dévié.— soit alternant, chacun des deux yeux étant fixateur à tour de rôle.

• le strabisme divergent est beaucoup plus rare chez l’enfant.

23.2 Phénomène sensoriel

Le strabisme, responsable d’une correspondance rétinienne anormale, entraîne chez l’enfantcomme nous l’avons vu une neutralisation évitant la diplopie :

— en cas de strabisme unilatéral, l’œil dévié de façon permanente va développer une amblyopie.— en cas de strabisme alternant, chaque œil étant fixateur à tour de rôle, le phénomène de neu-

tralisation est également intermittent et l’enfant ne développe pas d’amblyopie.

23.3 Dépistage du strabisme et de l’amblyopie

Il doit être très précoce car l’amblyopie devient irréversible après six ans. Dans ce dépistage, le pé-diatre et le généraliste jouent un rôle majeur.L’inspection permet d’observer la perte du parallélisme des deux yeux ; un seul diagnostic diffé-rentiel = l’épicanthus, repli cutané vertical masquant l’angle palpébral interne et donnant unefausse impression de convergence des deux yeux.L’examen de photographies met souvent en évidence de façon plus facile et plus flagrante le stra-bisme convergent.Dépistage de l’amblyopie : la mesure de l’acuité visuelle n’est pas réalisable chez le petit enfant ;il est par contre possible de dépister précocément un amblyopie, à tout âge, par le masquage desdeux yeux en alternance : si la vision est normale aux deux yeux, cette manœuvre n’entraîne pasde réaction de l’enfant ; l’amblyopie d’un œil entraîne par contre une réaction de défense de l’en-fant lorsque l’on masque l’œil sain.

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Orientation diagnostique devant un strabisme de l’enfant - 333

23.4 Examen ophtalmologique

La mise en évidence d’un strabisme et/ou d’une amblyopie doivent faire pratiquer un examen oph-talmologique complet avec examen du fond d’œil afin d’éliminer une rare cause organique, enparticulier cataracte congénitale unilatérale ou rétinoblastome, qui sont parfois d’emblée suspectésdevant une leucocorie (pupille blanche).

23.5 Bases du traitement

Il a, très schématiquement, deux volets :

— traitement de l’amblyopie : il repose sur l’occlusion de l’œil sain, supprimant la neutralisa-tion de l’image par l’œil amblyope.

— traitement de la déviation :

— soit par correction optique (correction de l’hypermétropie qui supprime l’accomodationet le réflexe accomodation-convergence),

— soit dans les cas plus sévères, par un traitement chirurgical à visée musculaire.

23.6 Les points forts

Les points forts• Le strabisme de l’enfant est le plus souvent dû à une hypermétropie ; il se traduit

au début par une perte du parallélisme, par convergence, des deux yeux.• En l’absence de traitement précoce, il peut aboutir à une amblyopie fonctionnelle

définitive, d’où l’importance de son dépistage.• Son traitement a un double but : traitement de l’amblyopie par occlusion de l’œil

sain pour supprimer la neutralisation, et traitement de la déviation, soit optique, soit chirurgical.

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