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Architecte internationalement reconnu, Oscar Niemeyer a peu construit en France, malgré de nombreux projets. Initiée par la réalisation du siège du Parti communiste français à Paris, grâce à la force de conviction de Jean Nicolas, l’œuvre fran- çaise d’Oscar Niemeyer s’est notamment enrichie de la bourse départementale du travail à Bobigny et du siège du journal l’Humanité à Saint-Denis. Œuvres de militant, ces édifices s’inscrivent dans son long compagnonnage avec le mouvement communiste français. Si le siège du PCF et la Maison de la culture du Havre sont incontestable- ment ses œuvres majeures, la bourse départemen- tale du travail à Bobigny, la grande scène de la fête de l’Humanité à La Courneuve et le siège du journal l’Humanité à Saint-Denis méritent un véritable réexamen. Car ces œuvres, édifiées en Seine-Saint-Denis au cours des années soixante- dix et quatre-vingt, constituent un ensemble rare, exemplaire d’une connivence entre un maître d’ouvrage et un maître d’œuvre L’œuvre d’Oscar Niemeyer en Seine-Saint-Denis R septembre du ep res les Points de

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Architecte internationalement reconnu, OscarNiemeyer a peu construit en France, malgré de

nombreux projets. Initiée par la réalisation du siègedu Parti communiste français à Paris, grâce à la

force de conviction de Jean Nicolas, l’œuvre fran-çaise d’Oscar Niemeyer s’est notamment enrichiede la bourse départementale du travail à Bobigny

et du siège du journal l’Humanité à Saint-Denis.Œuvres de militant, ces édifices s’inscrivent dans

son long compagnonnage avec le mouvementcommuniste français. Si le siège du PCF et la

Maison de la culture du Havre sont incontestable-ment ses œuvres majeures, la bourse départemen-tale du travail à Bobigny, la grande scène de la fête

de l’Humanité à La Courneuve et le siège du

journal l’Humanité à Saint-Denis méritent unvéritable réexamen. Car ces œuvres, édifiées en

Seine-Saint-Denis au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, constituent un ensemble rare,

exemplaire d’une connivence entre un maîtred’ouvrage et un maître d’œuvre

L’œuvre

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O s car Niemeyer, un parco u rs dans le siècle

Formé à l’école des Beaux-Arts de Rio, Oscar Niemeyer(1907, Rio de Janeiro) débute sa carrière d’architecte en 1934dans l’agence de Lucio Costa. Il travaille ainsi au projet du minis-tère de l’Education nationale et de la Santé à Rio de Janeiro, cequi lui permet de rencontrer Le Corbusier en 1936. Il réaliseensuite, toujours avec Costa, le pavillon du Brésil pour l’exposi-tion de New York. Les éléments de ce qui fera son style pour lesdécennies suivantes y apparaissent : une synthèse du vocabu-laire moderniste (pilotis, formes pures, blancheur des faça-des) où il introduit la courbe, « poétisant » ainsi le béton.Oscar Niemeyer construit ensuite une série d’édificespour le parc de Pampulha que lui commandeJuscelino Kubitschek, maire de Belo Horizonte, dontl’église Saint-François d’Assise, en 1943-1944,abondamment publiée et qui lui vaudra une recon-naissance mondiale. Offrant une image renouve-lée de la modernité, à la fois sensuelle, baroqueet exubérante, l’architecture de Niemeyer sedéploie en toute liberté au cours des années cin-quante, innovant tant sur le plan plastique questructurel. A partir de 1956, il retrouve LucioCosta pour concevoir les édifices publics deBrasilia, la nouvelle capitale voulue par le pré-sident Kubitschek. Ce grand projet est mis àmal par le coup d’Etat mené par la junte mili-taire en 1964. L’architecte, militant commu-niste depuis l’après-guerre, rencontrealors des difficultés avec le nouveaupouvoir.En 1965, il se rend en France pourinaugurer l’exposition que luiconsacre le musée de l’Union cen-trale des Arts décoratifs et rece-voir le grand prix international quelui décerne la revue l’Architectured ’ A u j o u r d ’ h u i1. Ravi de cetaccueil, il noue des contacts etenvisage de s’installer à Parispour fuir la dictature. Deux ansplus tard, Niemeyer décide des’implanter en France. Il obtientsans difficulté d’André Malraux,ministre des Affaires culturelles,et de l’Ordre des architectes ledroit de travailler en France. Ilengage dès lors des projets telsqu’un quartier de logements àGrasse ou encore un centre spiri-tuel dominicain à la Sainte-Baume,près de Marseille.

Dès son séjour de 1965, OscarNiemeyer a renoué avec son amiJean Nicolas. Architecte, proche deCharlotte Perriand et de Le

1 - Niemeyer-autoportrait

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1 Dutra (Maria Stella), « Oscar Niemeyer en France », pp. 274-276 in Monnier (Gérard), L’architecture moderne en France. Dela croissance à la compétition, t. 3, Paris, Picard, 2000, 309 p.2 Le Vème congrès international des architectes modernes(CIAM) s’est tenu à Paris du 28.06 au 02.07 1937, des débatsont eu lieu à la Maison de la Culture, salle d’Iéna et au pavillondes Temps nouveaux, sur le site de l’exposition internationale. Lepavillon présentait les travaux des différents participants. Il estpossible qu’Oscar Niemeyer s’y soit rendu et qu’il y ait fait laconnaissance de Jean Nicolas.3 Cohen (Jean-Louis), « Jean Nicolas », in Maitron (Jean) (dir.),Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Paris,Éditions Ouvrières et le CD Rom.4 Entretien de l’auteur avec Jacques Tricot du 5.11.2004.

Corbusier, Nicolas est secrétaire général du Vèmecongrès international des architectes modernes(CIAM) en 1937. Cet important congrès se tient enpartie dans le pavillon des Temps nouveaux de LeCorbusier, réalisé pour l’exposition internationalede Paris2. Membre influent du parti communistefrançais (PCF), Jean Nicolas facilite notamment lesrapports de Le Corbusier avec le parti et la CGTavant et après-guerre. Au cours des annéessoixante, il devient membre de la commission d’ar-chitecture et d’urbanisme du Comité central duparti. C’est Jean Nicolas qui persuade les membresde la direction du PCF, et plus particulièrementGeorges Gosnat, de confier à Oscar Niemeyer laconception du nouveau siège du PCF, depuis long-temps à l’étroit dans ses locaux de la rueLafayette3.C’est en tant que chef d’une agence de program-mation, que Jean Nicolas est amené à travaillerbeaucoup dans le nouveau département de laSeine-Saint-Denis, créé en 1964. Il y a introduit dejeunes architectes comme Paul Chemetov ouJacques Kalisz auprès de municipalités communis-tes de la « banlieue rouge », La Courneuve ouPantin. La multiplication des commandes qu’ilreçoit en France (Maison de la Culture du Havre,ZAC à Dieppe et à Villejuif, siège de la RégieRenault, tour de bureaux à la Défense et descontacts prometteurs pour d’autres projets) amèneOscar Niemeyer à créer en 1972 une agence àParis, sur les Champs-Élysées. Il en confie la direc-tion à l’ingénieur Jacques Tricot, jusqu’à présentchargé par le bureau d’études BERIM de suivre lechantier du PCF, place du Colonel Fabien4. C’estdans cette même période que naît le projet d’unebourse départementale du travail à Bobigny, villequi regroupe la nouvelle Préfecture de la Seine-Saint-Denis et le siège du Conseil général.

2 - Le siège du journal l'Humanité

3 - La grande scène de la fête de

4 - La bourse départementale du Travail

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Envisagée dès 1967, la bourse départemen-tale du travail fait l’objet d’une décision duConseil général rendant public le projet et lechoix d’Oscar Niemeyer en mai 1972. Le Val deMarne et l’Essonne se sont déjà dotés d’un teléquipement en 1971 et 1972. Maître d’ouvrageen titre, le Conseil général de la Seine-Saint-Denis a associé les délégués des syndicats à laprogrammation coordonnée par Jean Nicolas.Ils font ensemble le choix d’un projet double :un bâtiment de bureaux (environ 100 bureauxsur 4 étages) affecté à la bourse proprementdite et un auditorium partagé (800 places), maisessentiellement géré par le Conseil général.C’est en fonction de ce parti pris que Niemeyerdessine ses premières esquisses et études surla parcelle pressentie, délimitée par l’avenueJean Jaurès, la rue de la République et la ruedes Marais. Une maquette est réalisée etpubliée dès juin 1972 dans le Bulletin d’informa -tion locale de Bobigny (n° 5, juillet-août 1972).« Simple et économique dans le secteur de tra-vail, libre et lyrique pour le grand auditorium quidoit caractériser l’ensemble » de la boursedépartementale. Niemeyer fait déjà le choix delier ces deux espaces très distincts par uneplace semi-enterrée ouverte sur le carrefour.

Les premiers plans techniques sont exécutés àl’automne 1972 et présentés rapidement pour

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La Bourse du Tra vail de Bobigny

5, 6 - croquis de Niemeyer pour la bourse

7 - Vue générale de la bourse, peu après son inauguration

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5 Entretien de l’auteur avec Jean-Maur Lyonnet du 31.08.2004.

l’obtention du permis de construire. La munici-palité de Bobigny accorde un avis favorablesous réserve de modifications en mars 1973.Elle demande notamment de mieux s’inscriredans le projet urbain pensé par RaymondLopez et surtout Michel Holley en imposant unecontrainte de hauteur. Niemeyer revoit son pro-jet à deux reprises au cours des mois suivantset obtient un permis de construire définitif endécembre 1974. Enfin lancé, le chantier estrapidement confronté à la défection de l’entre-prise de gros-œuvre, en faillite5. Rencontrantégalement des difficultés pour la Maison de laCulture du Havre, Niemeyer charge JacquesTricot de recruter un architecte à même derelancer ces chantiers et de le remplacer surplace puisqu’il n’est en France que par intermit-tence. C’est Jean-Maur Lyonnet, jeune archi-tecte d’origine stéphanoise, qui est choisi pourdevenir l’architecte d’opération de l’agenceNiemeyer en 1975. Il reprend le dossier de labourse départementale, révise les marchés etle chantier réouvre en février 1976.Progressivement, l’auditorium, ramené à 600places, émerge.Surnommée le « goéland » ou l’« albatros »,cette « coquille renversée » que forme l’audi-torium est rendue possible grâce aux voiles debéton et aux sept poutres rayonnantes qui por-tent la « conque de béton striée », commel’appelle l’historien Gilbert Luigi. De l’extérieur,les poutres forment autant de rainures permet-tant l’évacuation des eaux. En coupe, l’audito-rium a la forme d’un pavillon de trompette pouren parfaire l’acoustique. Sculptural, véritablesignal urbain, l’auditorium de la bourse du tra-vail contraste avec le bâtiment de bureaux,sobre immeuble sur pilotis à la façade en murs-rideaux de verre teinté, scandée de finsmeneaux de béton blanc. Seule l’entrée semi-enterrée de l’auditorium laisse deviner que lesdeux édifices communiquent. Comme pour lesiège du PCF place du colonel Fabien à Paris,Oscar Niemeyer tire parti du site qui lui estconfié et crée une œuvre complexe qui le meten valeur. Inaugurée le 2 mai 1978, la boursedu travail de Bobigny renouvelle la perceptionque l’on pouvait avoir de ce programme trèsspécifique, marqué par le début du XXème siè-cle, moment fort de la création de bourses dutravail en France (157 en 1908).

9 - L"albatros" en chantier

8- croquise Niemeyerur la bourse

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10 - L'auditorium Marcel Paul où Niemeyer réunit deux couleurs qui lui sont chères: le jaune et le bleu

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Au printemps 1978, alors que s’achève labourse départementale du travail, Jean Nicolasdemande à Oscar Niemeyer s’il peut réfléchir àune amélioration du dispositif scénique de la «grande scène » pour l’édition 1978 de la fêtedu journal l ’ H u m a n i t é. Depuis les annéestrente, Jean Nicolas est le grand ordonnateurde ce traditionnel rendez-vous de rentrée desmilitants communistes qui s’est imposé commeune fête populaire incontournable de la régionparisienne. Après avoir eu lieu dans les bois deMeudon, Garches, Vincennes ou Montreuil, la «fête de l’Huma » s’est installée à partir de 1971sur le site du nouveau parc départemental deLa Courneuve. Depuis des années, JeanNicolas offre à de jeunes architectes la possibi-lité de concevoir des structures éphémèresinnovantes pour cette occasion. Ainsi, à la findes années soixante fleurissent parmi les quel-ques 400 stands des structures gonflables detailles et de formes variées.

Mais pour l’automne 1978, c’est une petiterévolution que Nicolas attend de Niemeyer. Carsi les stands permettent la créativité, lescontraintes de la grande scène imposent lerecours à une structure tubulaire standardiséedepuis les grands concerts de rock de typeWoodstock. Pour rompre avec ces servitudes,

La scène de la fête de l’Huma, à La Courneuve

12 - La grande scène depuis les coulisses: le sys -tème technique associant toile tendue rouge et gruesy est plus lisible

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Niemeyer imagine une scène beaucoup plusgrande et néanmoins couverte. Pour cela, il uti-lise quatre grues de chantier et fait des brasarticulés les supports d’une structure légèremêlant bois et acier soutenant la grande toiletextile de couleur rouge couvrant l’ensemble,tendue jusqu’à rejoindre le sol où elle estancrée créant ainsi en fond de scène troisstructures triangulaires de la même toile se glis-sant entre les grues. Au sol, légèrement incli-née vers le public, la scène s’ouvre sur troisfaces. Flexible, elle s’adapte au mieux à la poly-valence souhaitée pour ce point névralgique dela fête où concerts, spectacles et discours sesuccèdent durant deux jours. « A la justesseexemplaire de la conception technique s’ajoutel’indéniable force symbolique de la GrandeScène dans cette fête populaire ouverte à tous:la couverture rouge, la couleur communiste, éri-gée par les grues de chantier, instruments dutravail ouvrier, protège des spectacles culturelsde haut niveau », précise Maria Stella Dutra,spécialiste de l’œuvre d’Oscar Niemeyer enFrance6. L’ingéniosité de ce dispositif, mis aupoint avec l’assistance de l’architecte-ingénieurHans Walter Muller, lui a permis de perdurerpendant une quinzaine d’années, moyennantquelques petites modifications.

6 Correspondance de l’auteur avec Maria Stella Dutra, automne2004.

15 - La grande scène allie légèreté et fonctionnalité

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Malgré la mort de Jean Nicolas en 1982,Oscar Niemeyer continue son œuvre dans ledépartement. En 1985, Roland Leroy, directeurde L’Humanité décide d’étudier le déménage-ment du journal sur un site plus adapté à sesbesoins. Depuis sa fondation, le quotidien deJaurès est, en effet, à l’étroit dans ses locauxrue du Faubourg Poissonnière à Paris. Lanécessité de moderniser et notamment d’infor-matiser, mais aussi la volonté de réorganiserl’ensemble du journal pour faire des économiesmotivent cette étude. Devenu directeur duBERIM, Jacques Tricot est ainsi consulté, plu-sieurs sites sont envisagés, mais celui de Saint-Denis est rapidement privilégié. La ville resteproche de Paris, elle est desservie par le métroet offre des terrains libres, à deux pas de labasilique, en centre-ville. Ce quartier est eneffet, depuis 1972, une zone d’aménagementconcertée doublée d’une opération de résorp-tion d’habitat insalubre située dans le périmètrede protection de la basilique, classée depuis1862. De ce fait, cette vaste opération est sou-mise à l’accord de la Commission supérieuredes Monuments historiques, section desabords. La municipalité souhaite créer un cen-tre-ville attractif mêlant commerces et équipe-ments culturels tout en privilégiant le logementsocial. Soutenu par les directeurs de l’architec-ture successifs, ce projet de rénovation du cen-tre coordonné par Guy Naizot réuni bientôt desarchitectes tels que Renée Gailhoustet, Jean etMaria Deroche, Roland Simounet ou encoreJacques Bardet. Ce dernier est chargé de l’îlotqui longe la basilique. Selon le vœu de laCommission des abords, Bardet met au pointun ordonnancement de façade très classiquepour s’harmoniser avec la basilique. C’est dansce périmètre que l’on envisage de construire lesiège du journal.

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Le siège de l’H u m a n i t é, à Saint-Denis

16 - Le siège du journal l'Humanité aujourd'hui

17 - Esquisse deNiemeyer datée du

31.01.1987 et publiéedans l'Humanité du

19.02.1987

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Pour cet ambitieux projet, Roland Leroy a l’idéede faire appel à Oscar Niemeyer. L’architecterépond favorablement en février 1987 enenvoyant une première esquisse. Il fait aisé-ment l’unanimité et permet d’éviter les délaisd’un concours. Jacques Tricot lui a envoyé unfilm pour qu’il découvre l’environnement immé-diat de la parcelle triangulaire où doit se loger lesiège de l’Humanité. L’architecte doit concevoirun édifice qui se plie au gabarit et à l’ordonnan-cement de façade conçu par Bardet, placePierre de Montreuil, et qui ménage des vues surla rosace de la basilique, depuis la rue JeanJaurès. Pour dépasser ces contraintes,Niemeyer imagine un bâtiment formant un Y,tout en courbes, où se love une volute mar-quant l’entrée du journal, au croisement desrues de Strasbourg et Jaurès. C’est à nouveauJean-Maur Lyonnet qui assiste et représenteNiemeyer sur ce projet. La demande de permisde construire est faite en avril 1987 et unemaquette est présentée fin mai lors de la confé-rence de presse. Cette maquette fait débatpuisque la façade présente des parentés avecun collège préfabriqué dit « CIEPS », conçupar Niemeyer pour le Brésil et dont 150 exem-plaires sont déjà réalisés. Gênés par cette criti-que, Roland Leroy, Jacques Tricot et le mairede Saint-Denis, Marcellin Berthelot, font ledéplacement au Brésil en décembre 1987, pourfêter les 80 ans d’Oscar Niemeyer tout en espé-rant obtenir une modification de son projet.Alors que le chantier va commencer, après unerapide fouille archéologique de la parcelle,Oscar Niemeyer met fin à cette controverse. Ilrecouvre sa façade d’unmur-rideau de verresemi-réfléchissant sur 3des quatre étages en uti-lisant la technique duverre collé ou VEC.Celle-ci a été mise enœuvre pour la premièrefois en France pour laCité des sciences et del’industrie de la Vi l l e t t egrâce à l’ingénieur PeterRice, un an plus tôt.Enfin, l’architecte signaleplus nettement l’entréedu journal en introduisantune rupture entre lafaçade courbe rue deStrasbourg et le cylindre

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18 - Vue du journal depuis la rue Jean Jaurès, enarrière-plan, la basilique et sa rosace

19 - Plan du deuxième étage du journal

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rue Jean Jaurès. Malgré ce contretemps entraî-nant une modification du permis de construire,le chantier se déroule sans difficulté et s’achèvecomme prévu début 1989. L’inauguration a lieule 27 avril 1989. Généralement considérécomme inabouti parce que trop contraint, lesiège de l’Humanité est pourtant une réalisationdotée de vraies qualités. Comme pour labourse départementale du travail, OscarNiemeyer s’est attaché avec des moyensmodestes et de fortes contraintes urbaines àrépondre à des exigences programmatiquesspécifiques.

Œuvres de militant, la bourse départementaledu travail et le siège de l’Humanité, au mêmetitre que la grande scène de la fête del’Humanité, s’inscrivent dans son long compa-gnonnage avec le parti communiste français.Retenue, cette architecture n’est pas pourautant dénuée du lyrisme qui caractérise sonœuvre et témoigne de sa capacité d’adaptationsans reniement de ses parti-pris formels.Représentatives de sa production des annéessoixante-dix et quatre-vingt, marquée enFrance par le siège du PCF à Paris et la Maisonde la Culture du Havre, ces deux réalisationsn’en sont pas moins originales. Enfin, ellescontribuent fortement à créer dans l’est parisienun ensemble cohérent d’œuvres d’OscarNiemeyer, unique en Europe.A quatre-vingt dix-sept ans, Oscar Niemeyerconstruit toujours, essentiellement au Brésil,qu’il n’a jamais vraiment quitté.

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20 - La volute qui marque l'entrée du journal.

21 et 22 - Les bureaux en étages, le hall d'accueilet le mobilier dessiné par Niemeyer

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Bibliographie :Carrel (André), L’Huma, Paris, éditions Messidor / L’Humanité,1989, 176 p.Cohen (Jean-Louis), « Jean Nicolas », in Maitron (Jean)(dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier fran -çais, Paris, Éditions Ouvrières et le CD Rom.Dutra (Maria Stella), « Oscar Niemeyer en France », (pp. 274-276 in) Monnier (Gérard), L’architecture moderne en France.De la croissance à la compétition, t. 3, Paris, Picard, 2000, 309 p.Lefebvre (Jean-Pierre), Banlieue 93, Paris, Messidor, 1989, 191 p.Lefebvre (Jean-Pierre), Une expérience d’écologie urbaine, Paris, Le Linteau, 1999, 210 p.Luigi (Gilbert), Oscar Niemeyer, une esthétique de la fluidité, Marseille, Parenthèses, 1987, 160 p.Niemeyer (Oscar), Dessins 1940-1987, Paris, 1987.Niemeyer (Oscar), La forme en architecture, Paris éditions Métropolis, 1978.L’Humanité du 19.02.1987, L’Humanité, n° hors-série pour l’inauguration, 1989.Bulletin d’information locale de Bobigny, n° 5, juillet-août 1972.Modulo, revue d’architecture d’Oscar Niemeyer, n° 50, août–septembre 1978.

Sources :Archives municipales de Bobigny, Archives municipales de Saint-Denis, Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, Archives duService départemental de l’architecture et du patrimoine de la Seine-Saint-Denis.

Remerciements :Association Ciné Archives, Archives municipales de Saint-Denis, Alexandre Courban, président de l’association Mémoires d’Humanité, MariaStella Dutra, Pascal Fournet, Gilbert Luigi, Jean-Maur Lyonnet, Bruno Mengoli, chef du SDAP 93, Michel Moch, Bénédicte Penn et StéphanieGandille, Archives municipales de Bobigny, Denise Roberto, Nathalie Simonnot-Roulleau, Jacques Tricot, Sylvie Zaidman, Joël Clesse,Jacqueline Garcia et Maxime Courban, Archives départementales de la Seine-Saint-Denis.

Crédits photographiques :15-17, 22 : Archives Humanité, Mémoires d’Humanité, AD 93.5- 8 : AM de Bobigny ; 9 : D. Dupraz ; 10 : M. Moch ;11 : photo S. Barthe.19 : AM de Saint-Denis. 18 : S. Renault, CAUE 93.3 : Bulletin d’information locale de Bobigny, n° 5, juillet-août 1972 ; 2, 16, 20 : N. Simmonot2, 4, 5 : Luigi (Gilbert), Oscar Niemeyer, une esthétique de la fluidité, Marseille, Parenthèses, 1987, 160 p.1, 21 : Niemeyer (Oscar), Dessins 1940-1987, Paris, 1987.23 : Service documentation de l’Humanité.

Bourse départementale du travail de la Seine-Saint-Denis 1972-1978Conseil général de la Seine-Saint-Denis, maître d’ouvrageOscar Niemeyer, architecte, Jean-Maur Lyonnet, architecte d’opération, Jacques Tricot, ingénieur BERIMImmeuble de bureaux de quatre étages sur portiques. Salle de congrès de 600 places, coque enbéton armé. Sept salles de réunion ou de commission, parking souterrain.Avenue Jean Jaurès, rue de la République, rue des Marais, Bobigny

Grande scène de la fête de l’Humanité 1978Société nouvelle du journal l’HumanitéOscar Niemeyer architecte, Hans Walter Muller, architecte-ingénieurStructure métallique et textile temporaireParc départemental de La Courneuve, La Courneuve

Siège du journal l’Humanité 1987-1989Société nouvelle du journal L’HumanitéOscar Niemeyer architecte et Jean-Maur Lyonnet architecte d’opération, Jacques Tricot, ingéni-eur BERIMSodédat 93 aménageurImmeuble de quatre étages : un espace d’accueil et d’exposition, des bureaux en rez-de-chaus-sée, dans les étages, des bureaux (direction, rédaction, administration, secrétariat de fête del’Humanité), une salle de réception-conférence, une bibliothèque-discothèque, un laboratoire etles archives photographiques, une salle de sport et un salon de réception en terrasse et, en sous-sol, les locaux d’activités (photocomposition de l’Humanité et de l’Humanité Dimanche), les archi-ves, le parking souterrain.Rue de Strasbourg, place Pierre de Montreuil, 32 rue Jean Jaurès, Saint-Denis.

A l'occasion de l'année du Brésil, le Conseil général de la Seine-Saint-Denis est à l'origine d'une demande de protection au titre des Monumentshistoriques de l'ensemble exceptionnel que constitue le siège du Parti com -muniste français, la Bourse départementale du Travail et le siège du jour -nal l'Humanité

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Les Points de Repères du 93septembre 2005 - n°44

ISSN 1251-8816

CAUE 93 - 2 bis avenue PabloPicasso - 93000 Bobigny

Tél : 01 48 32 25 93Fax : 01 48 31 15 36

Courriel : [email protected] de la publication :

Jean-Jacques Karman,président du CAUE 93

Conception de la collectionet conception graphique : JMP

Rédacteur en chef :Hubert Laignel

Rédaction : Benoît PouvreauIllustration p.1 : Balthazar B.

Cette publication a été réalisée enpartenariat avec le Conseil généralde la Seine-Saint-Denis (Bureau dupatrimoine, Service de la Culture).

23 - la voluteen chantier