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Making It L’industrie pour le développement Time to go green? Numéro 2 Vent de changement n Bianca Jagger: Après Copenhague n Suntech Power n Transitions énergétiques pour l’industrie n Captage et stockage du CO2

Making It: l'industrie pour le développement (#2)

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Le thème de ce second numéro de Making It : L’industrie pour le développement porte sur l’énergie, et plus précisément l’approvisionnement énergétique pour stimuler le développement durable, faciliter des activités productrices en alimentant des outils et machines électriques, et encourager des procédés de fabrication qui provoqueront moins (idéalement, aucun) de dégâts au niveau de l’environnement.

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MakingItL’industrie pour le développement

Timeto go

green?

Numéro 2

Ventde

changement

nBianca Jagger: Après Copenhague n Suntech PowernTransitionsénergétiques pourl’industrienCaptage et stockage du CO2

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Nouveau magazine trimestriel.Stimulant, critique etconstructif. Forum dediscussion et d’échange aucarrefour de l’industrie et dudéveloppement.

Numéro 1, décembre 2009l “Rwanda means business” : interview avec le Président Paul Kagamel “How I became an environmentalist” : témoignage d’une petite ville provinciale

aux implications mondiales par Phaedra Ellis-Lamkins, Green For Alll “We must let nature inspire us” : Gunter Pauli présente un modèle commercial

alternatif, à la fois soucieux de l’environnement et viablel “Old computers – new business” Microsoft sur les solutions durables pour

s’attaquer aux cyber-gaspilleursl “Green industry in Asia” : interview des participants à la conférencelSujet d’actualité : “Is it possible to have prosperity without growth?”

La “croissance écologique” est-elle vraiment réalisable ?lPolitique en bref : “Greening industrial policy”, la vérité sur les émissions

de CO2

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Le thème de ce second numéro de Making It : L’industrie pour le développement portesur l’énergie, et plus précisément l’approvisionnement énergétique pour stimuler ledéveloppement durable, faciliter des activités productrices en alimentant des outilset machines électriques, et encourager des procédés de fabrication qui provoquerontmoins (idéalement, aucun) de dégâts au niveau de l’environnement.

Le monde ne peut pas s’attaquer à la menace du changement climatique sansrésoudre le problème de l’accès à l’énergie et des solutions énergétiques.

Il n’est pas possible de lutter contre la pauvreté sans créer de richesse, et il estimpossible de créer de la richesse sans disposer d’une source d’énergie peu chèrepour alimenter les activités économiques. Et aucun des objectifs du Millénaire pourle développement ne peut être concrétisé sans améliorer l’accès à des sourcesénergétiques abordables et fiables.

Quelles sont les options d’énergies renouvelables pour les pays endéveloppement ? Comment les industries des quatre coins du monde peuvent-ellesfaire pour augmenter la production afin de répondre à la hausse de la demandetout en diminuant dans le même temps leurs émissions de gaz à effet de serre ?Que faut-il faire pour donner aux habitants les plus pauvres de la planète l’accès àl’énergie, et comment faut-il s’y prendre ?

L’énergie pour le développement est un vaste sujet et Making It espère provoquerla réflexion, et servir de vecteur à des discussions et des débats élargis et approfondis.

Le nouveau site web de Making It, www.makingitmagazine.net, constitue uneplateforme interactive pour l’échange d’idées et d’opinions et nous vous invitons,

vous le lecteur, à vous y joindre. Nous voulons savoir ceque vous pensez de ce sujet, ce que le développement

énergétique signifie pour votre pays, votrecommunauté, votre entreprise. Si vous êtesd’accord ou non, ou si même vous pensez quenos collaborateurs sont passés à côté duproblème, nous voulons connaître vos réactions,votre réponse.

Editorial

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Rédacteur en chef : Charles [email protected]é éditorial : Ralf Bredel, TillmannGünther, Sarwar Hobohm, KazukiKitaoka, Ole Lundby (président),Cormac O’ReillyIllustration de couverture de PatrickChappatte – www.globecartoon.comConception : Smith+Bell, Royaume-Uni– www.smithplusbell.comTraduction: WorldAccent, Royaume-Uni– www.worldaccent.comMerci à Lauren Brassaw, DonnaColeman, et Manuel Mattiat de leurassistance.

Imprimé par Ueberreuter Print GmbH, Autriche –www.ueberreuter.comsur du papier certifié PEFC

Pour consulter cette publication enligne et pour participer aux discussionssur l’industrie pour le développement,veuillez consulterwww.makingitmagazine.netPour vous abonner et recevoir lesnuméros futurs de Making It, veuillezenvoyer un e-mail avec vos nom etadresse à [email protected] It : Industry for Developmentest publié par l’Organisation desNations Unies pour le développementindustriel (ONUDI), ViennaInternational Centre, P.O. Box 300,1400 Vienne, AutricheTéléphone : (+43-1) 26026-0 Fax : (+43-1) 26926-69E-mail : [email protected] © 2010 The United NationsIndustrial Development Organization Aucune partie de la présentepublication ne peut être utilisée oureproduite sans l’autorisation préalabledu rédacteur.ISSN 2076-8508

Sommaire

FORUM MONDIAL6 Lettres7 Après Copenhague – Bianca Jagger10 Sujet d’actualité – Les avantages et lesinconvénients des biocarburants

14 Questions commerciales – Infos, tendances,innovations et manifestations

ARTICLES16 Choix d’énergies renouvelables dans les pays endéveloppement – José Goldemberg et OswaldoLucon font l’état des lieux19 Transitions énergétiques pour l’industrie – Nobuo Tanaka, Directeur exécutif de l’Agenceinternationale de l’énergie

22 CHRONIQUEL’énergie pour tous – Kandeh Yumkella, Directeurgénéral de l’Organisation des Nations Unies pourle développement industriel, et Leena Srivastava,de l’Energy and Resources Institute, discutent desmesures à prendre pour améliorer l’accèsénergétique

MakingItL’industrie pour le développement

Les titres employés dans ce magazine, et laprésentation des matériaux, ne sous-entendent pas l’expression d’un avis, quel qu’ilsoit, de la part du Secrétariat de l’Organisationdes Nations Unies pour le développementindustriel (ONUDI) concernant le statutjuridique de tout pays, territoire, ville ou zone,ou de ses autorités, ou concernant ladélimitation de ses frontières oudémarcations, ou de son système économiqueou degré de développement. Les désignationstelles que “développé”, “industrialisé” et “endéveloppement” sont destinées à être utiliséesà titre de commodité statistique etn’expriment pas forcément un jugement sur lestade d’avancement atteint par un pays ou unezone donné(e) en termes de processus dedéveloppement. Toute mention du nom d’uneentreprise ou de produits commerciaux neconstitue par leur aval par l’ONUDI.

Les avis, données statistiques etestimations contenues dans les articles signésrelèvent de la responsabilité de leurs auteurs,notamment ceux qui sont des employés del’ONUDI, et ne doivent pas être interprétéscomme reflétant les opinions ou portant lesoutien de l’ONUDI.

Le présent document a été produit sansrévision officielle de la part des Nations Unies.

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Numéro 2, mai, 2010

30 Le Bangladesh transformé par les femmesentrepreneurs – Dipal Barua affirme que lessystèmes d’énergies renouvelables peuventcontribuer à l’autonomisation des femmes et à la création d’émplois 32 Partout sous le soleil – Zhengrong Shi,fondateur et PDG de Suntech Power, vante lesvertus de la ressource énergétique la plusabondante de la nature36 L’énergie pour le développement – Interviewavec Michael Spindelegger, Ministre des Affairesétrangères d’Autriche

40 Captage et stockage de CO2 – Statoil CEO,Helge Lund, explique comment le CCS peut aider à endiguer le changement climatique

POLITIQUE EN BREF42 Le financement des énergies renouvelables43 Toute la différence que peuvent apporter lesdécisionnaires 44 FiT: La tarification préférentielle

46 Le mot de la fin – Alice Amsden discute de lapolitique industrielle et de la réduction de lapauvreté

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LETTRES

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Microsoft et lesdéchetsélectroniquesJe suis surpris de voir que MakingIt (Numéro 1, décembre 2009)comporte un article de Microsoftsur les déchets électroniques.Greenpeace vient de publier sontout dernier Guide de GreenElectronics, qui évalue les 18premiers fabricants d’ordinateurspersonnels, de téléphones mobiles,de téléviseurs et de consoles dejeux, les jugeant sur leurspolitiques en matière de produitschimiques toxiques, de recyclage etde changement climatique.Microsoft a reculé de deux placesdepuis la dernière évaluation, etfigure désormais en 17e positionsur 18 !

Le rapport de Greenpeacestipule : « En matière de déchetsélectroniques, Microsoft participedorénavant à une coalition del’UE qui soutient la responsabilitédes producteurs individuels...(mais) pour ce qui est d’autrescritères de déchets électroniques,Microsoft n’a pas remporté lemoindre point ».

Et de préciser : « Microsoft proposede nombreux liens vers des initiativesde recyclage lancées par Microsoft(MAR, Digital Pipeline), d’autresorganisations (par ex.myGreenElectronics de CEA) etd’autres fabricants d’appareilsélectroniques, mais il continue de serefuser à reprendre gratuitement sespropres produits ». Le rapport ajoute :« Microsoft utilise des plastiquesrecyclés dans les pelliculesd’emballage de ses produits, maisaucune précision n’est donnée surleur utilisation dans les appareils àproprement parler ». l Constantine Simpson, reçu par e-mail

Un porte-parole de Microsoft aenvoyé la réponse suivante : L’engagement de Microsoft en matièrede durabilité environnementales’appuie sur des stratégies qui visent àminimiser l’impact de nos opérations,à utiliser l’informatique pouraméliorer la rentabilité énergétique età accélérer les découvertestechnologiques qui engendreront demeilleures connaissances scientifiquesà l’échelle mondiale. Nousreconnaissons qu’il reste encore dutravail à faire pour atteindre nosobjectifs de durabilité et nous nerelâchons pas nos efforts dans cedomaine.

Au niveau de notre secteur desappareils électroniques deconsommation, nous observons, voiremême dépassons, l’ensemble desdirectives et règlements applicables enmatière environnementale. Noussommes engagés à faire des progrèsau niveau des questionsenvironnementales, sans faire decompromis en termes de durabilité, desécurité, de performance et de coûtsabordables que les consommateursexigent. Nous sommes constammenten quête de trouver des moyens d’êtreplus efficaces, d’utiliser moins dematériaux et d’assurer uneamélioration continue, tout enmaintenant un niveau de qualité enhausse et en gardant les coûts auminimum. Par ailleurs, nous avonséliminé des substances et réduit lesmatériaux sans pour autant sacrifierà notre engagement en matière desécurité du consommateur,d’innovation et de qualité.

L’heure est au vert !Le magazine Making It est unecontribution très appréciée auxefforts de l’ONUDI d’encouragerles débats sur le développement etd’assurer sa notoriété auprès d’unpublic plus large. Il s’exprimedans des mots simples et ne

craint pas les sujets à controverse.Cela fait près d’un quart de siècleque j’agis régulièrement commeconsultant auprès de l’ONUDI etje n’avais encore jamais vu unetelle publication. Je lui souhaiteles meilleurs succès.

En ce qui concerne l’article à larubrique Hot Topic (Sujetd’actualité) du premier numéroqui portait sur la prospérité sanscroissance : pour ce qui est de lanature, la production industriellea adopté la position qui consiste àsupposer qu’une relation à sensunique peut être durable, et ometde restituer à la biosphère cequ’elle en extrait. Nous avonsenfin compris que cela n’est paspossible. Le titre de couverture dupremier numéro de Making It : « Time to go green » (L’heure estau vert) aurait dû s’accompagnerd’un point d’exclamation, non pasd’un point d’interrogation. l Paul Hesp, reçu par e-mail

Préoccupationsenvironnement -ales : du luxe deriche ?C’est un bon article (« How Ibecame an environmentalist » – Making It, Numéro 1) mais je medemande quel serait le point devue de Mme Ellis Lamkins si ellevivait dans un pays bien pluspauvre. La Californie n’estcertainement pas un endroitpauvre et je me demande sil’environnement signifie aussiquelque chose pour ceux quin’ont que quelques centimes parjour pour vivre en Afrique et enAsie ? l Marko Simic, reçu par e-mailRéponse du rédacteur en chef deMaking It : Il me semble que dansson article, Ellis-Lamkins cherche àmontrer que la santé et la sécurité, etl’environnement, sont des

préoccupations immédiates dans lespays du monde entier. Comme ellel’écrit, les parents veulent « assurerla santé, la sécurité et la viabilitééconomique de leurs enfants et deleurs communautés ».

AccrocAprès le premier numéro deMaking It, on ne peut qu’êtreimpressionné par la qualité dela production, tout d’abord entermes de contenu, puis auniveau de l’agencement, descouleurs et du design. Alors quela tendance actuelle est dedélaisser l’imprimé en faveur dunumérique, cette version papierm’accompagne dans mesvoyages. Ayant moi-mêmedémarré trois projets dans lesecteur de la publication, je nesais que trop bien qu’il faut desprofessionnels pour accrocherle lecteur, et c’est certainementce que vous êtes parvenus à faireavec moi.l Pr. Gunter Pauli, fondateur deZero Emissions Research andInitiatives, auteur de The BlueEconomy, Tokyo, Japon

FormidableMerci beaucoup de m’avoirenvoyé un exemplaire de votremagazine. En tant qu’ancienreprésentant autrichien auprèsde l’ONU et actuel président duConseil consultatif du EuropeanTraning Centre for HumanRights and Democracy, je liraivos numéros futurs avecbeaucoup d’intérêt. Biencordialement, et mes meilleursvœux de réussite pour cetteformidable initiative.lWalther Lichem, Vienne,Autriche

La rubrique du Forum mondial de Making Itest un lieu d’interaction et de discussions etnous encourageons les lecteurs à réagir et à

répondre aux questions soulevées dans le magazine. Les lettres destinées à être publiées dans Making Itdoivent porter la mention ‘For publication’ et être envoyées par e-mail à : [email protected] par courrier à : Making It, UNIDO (Room D-2226), PO Box 300, 1400 Vienne, Autriche. (Il est possibleque les lettres/e-mails soient modifiés pour des raisons de place).

Dans le but d’assurer une plateforme pour de plus amples discussions sur les questions soulevéesdans Making It, un site web du magazine a été créé sur www.makingitmagazine.net Les lecteurs sontencouragés à naviguer dans le site pour participer aux discussions et débats en ligne sur l’industriepour le développement.

FORUM MONDIAL

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FORUM MONDIAL

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Je ne suis pas prête d’oublier mon expériencede participer au sommet de Copenhague surle changement climatique (COP15) endécembre dernier. Il s’agissait là d’uneoccasion unique d’engager le monde sur labonne voie pour éviter les conséquencescatastrophiques du changement climatique.Deux jours durant, les dirigeants du mondeentier se sont réunis sous un même toit dansun but commun. Comptant la participationde 120 chefs d’Etat, le COP15 a été le plusgrand rassemblement de son genre à avoirlieu, en-dehors de l’Assemblée générale desNations Unies qui se tient à New York. Lesdeux semaines de réunions, qui se sontpoursuivies jusque tard dans la nuit, ontmarqué l’apogée de deux années d’intensesnégociations. La conférence a fait l’objetd’une attention sans précédent, tant de la partdu public que des médias. Et pourtant, lerésultat, l’Accord de Copenhague, est unhonteux compromis.

Yvo de Boer a récemment annoncé sonintention de démissionner de son poste dechef de la Convention-cadre des Nations

Unies sur les changements climatiques(CCNUCC). A la veille de COP15, il avaitaffirmé sans équivoque que ce sommet nepourrait être réussi que s’il engendrait desmesures significatives et immédiates. Ormalheureusement, COP15 n’a pas tenu sespromesses.

Henry Ford a dit un jour « la plupart desgens dépensent plus de temps et d’énergie àéviter les problèmes qu’à essayer de lesrésoudre » et c’était vrai dans un trop nombrede positions de négociation qui se sontaffichées lors de COP15. Ce sont bien cesmêmes dirigeants et ces mêmes négociateursqui doivent maintenant assumer l’entièreresponsabilité de leurs actions.

Juridiquement contraignantL’échec de Copenhague a été ressenti dans lemonde entier, se traduisant par de gravesincertitudes quant à la capacité des chefsd’Etat à produire un traité international surle changement climatique qui soit exhaustifet juridiquement contraignant. Orl’expression « juridiquement contraignant »

était ostensiblement absente dans le texte detrois pages de l’Accord de Copenhague.L’accord se contente d’être « politiquementcontraignant » pour les pays qui choisissentde le ratifier. Par ailleurs, il ne fixe pasd’objectifs de réduction des émissions nipour 2020 pas plus que pour 2050, ets’abstient de fixer une date butoir au-delà delaquelle des points d’action deviendraientapplicables.

La conférence des parties à Copenhague n’amême pas adopté l’Accord. Elle s’estcontentée d’en prendre note. « Le statut exactdu soi-disant Accord de Copenhague... n’estpas clair... », a fait remarquer Rob Fowler,président de l’Académie du droitenvironnemental d’IUCN. « Il ne parvientmême pas à atteindre le statut d’acte de “droitsouple” et constitue donc le résultat le plusminime qu’il était possible de concevoir ».

A la fin du sommet, les chefs d’Etat desEtats-Unis et du groupe des pays BASIC(Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine) sontparvenus à un accord de dernière minutedans les coulisses. C’était comme si les 9mois de discussions préparatoires n’avaientjamais eu lieu et comme si le plan d’action deBali adopté en 2007 n’avait jamais existé. Cegroupe a trouvé qu’il était plus facile deparvenir à un (non-)accord derrière desportes closes sur quelques points de principeélémentaires, plutôt que de travailler à untraité en passant par le processus officiel

BIANCA JAGGER, qui a participé à la conférence sur lechangement climatique à Copenhague en décembre 2009,critique vivement l’accord qui en a résulté et en appelle àdes mesures immédiates et concrètes pour enrayer unecatastrophe climatique.

AprèsCopenhague

l En 2004, Bianca Jagger a reçu la récompense Right Livelihood, surnommée « l’autreprix Nobel », pour son « engagement de longue date et son dévouement à descampagnes portant sur tout un éventail de questions relevant des droits de l’homme,de la justice sociale et de la protection de l’environnement ». Elle est la fondatrice et laprésidente de la fondation Bianca Jagger Human Rights Foundation. ‰

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de la CCNUCC. Bien que l’Unioneuropéenne se fût montrée le chef de fileindiscutable en matière de changementclimatique lors du COP3 en 1997 et de laratification du protocole de Kyoto, elle nefaisait pas partie de ce groupe. Lesparticipants de la CCNUCC ont été misdevant le fait accompli, interprété parbeaucoup comme relevant d’un ultimatum « à prendre ou à laisser ».

L’Accord de Copenhague n’est pas parvenuà un accord unanime, plusieurs motionsd’ordre ayant été soulevées par les parties.Comme l’a fait remarquer Apisai Ielemia, lepremier ministre de Tuvalu, dans le systèmedes organismes des Nations Unies « lesnations petites et grandes sont traitées avecun respect égal ; l’annonce publique d’unaccord avant la conférence des parties a faitpreuve d’un manque de respect vis-à-vis duprocessus et du système des organismes desNations Unies ». Il a souligné des problèmesmajeurs au niveau de l’accord politique, enaffirmant qu’il était dépourvu de basescientifique, de mécanisme d’assuranceinternationale et de garanties sur lapérennité du protocole de Kyoto. « Noussommes venus ici en nous attendant à unprocessus ouvert et transparent.Malheureusement, ça n’a pas été le cas ».

Ce qui s’est passé à Copenhague a laissé lespays en développement frustrés d’êtremarginalisés par le monde développé, d’êtreexclus de la prise de décision et devant lemanque de transparence du mode denégociations.

350 parties par millionL’Accord de Copenhague reconnaît qu’unehausse des températures de plus de 2 °Cserait catastrophique, mais il ne comporteaucun engagement ferme pour s’attaquer àcette crise mondiale imminente. « La limitemaximale sûre pour la teneur en CO2 dansl’atmosphère se situe à la barre des 350 partiespar million (ppm) », a déclaré le professeurJames Hansen, Chef de la NASA GoddardInstitute for Space Studies. Les niveauxatmosphériques avoisinent actuellement les389 ppm.

Le programme des Nations Unies deréduction des émissions causées par ledéboisement et la dégradation des forêts dansles pays en développement, le programme

(REDD), était censé faire partie du traitéjuridiquement contraignant. Les émissionsprovenant du déboisement représententenviron 20 % des émissions de gaz à effet deserre, et le Rapport Stern sur l’économie duchangement climatique affirme que « réduirele déboisement constitue un moyenextrêmement rentable de réduire lesémissions de gaz à effet de serre ». Planter 10millions de km² de forêts naturelles aidera àstabiliser la concentration de CO2 dansl’atmosphère de la Terre au niveau des 350ppm que prescrit le professeur Hansen.

En l’absence d’un traité juridiquementcontraignant, la mise en œuvre de REDDs’appuie sur des actions volontaires etengagées sur le plan national. Lesestimations les plus basses sur lefinancement de REDD sont comprises entre22,4 milliards dollars É.U. et 37,3 milliardsdollars É.U. entre 2010 et 2015 pour venir àl’appui des activités préparatoires. A ce jour,six pays développés : l’Australie, la France, leJapon, la Norvège, le Royaume-Uni et lesEtats-Unis, se sont engagés à assurer unapport d’un montant total de 3,5 milliardsdollars É.U. pour venir à l’appui de la mise enœuvre de REDD entre 2010 et 2012.

L’Accord comporte certes un engagementde la part des pays développés à payer aumonde en développement 30 milliardsdollars É.U. « d’aide au climat » au cours des 3prochaines années, en vue de porter cemontant à 100 milliards dollars É.U. par an àcompter 2020. Cette offre n’est toutefois pasjuridiquement contraignante. L’Accord ometde préciser les pays récipiendaires de cefinancement, les montants, les conditions etles mécanismes à appliquer.

De l’argent virtuelMême des engagements concrets peuventêtre imprévisibles, conditionnels, et sélectifsdans leur mise en œuvre, et les « objectifs »de financement visés par l’Accord sont toutsauf concrets. Comme le dit le professeurHansen, même l’argent promis aux pays endéveloppement est « ... de l’argent virtuel. Iln’existe aucun mécanisme pour qu’unfinancement de la sorte se produise bel etbien, et aucune attente à ce qu’il ne se fasse ».

De « l’argent virtuel » ne suffit pas. Nousdevons en appeler pour qu’un plan fiscalconcret soit en place, qui vise à encourager ledéveloppement durable. Lorsque lesgouvernements sont venus à la rescousse des

‰La rue à

Copenhague,s’il vous plaît? C’est

Copen--hague

Sommet surle réchauffe--ment de laplanète, 2020

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FORUM MONDIAL

banques lors de la récente crise financièremondiale, aucun « objectif » n’a été déclaré. A eux seuls, les Etats-Unis ont dépensé 750milliards dollars É.U. pour sauver leursbanques.

Après le sommet de Copenhague, lequotidien français Libération a critiqué lalenteur et le manque d’engagement poursauver la planète par rapport aux effortsdéployés pour sauver le système financiermondial : « Cette observation amère s’impose : lorsqu’il s’agit d’aller à la rescoussedu système financier, le dialogue est bienplus efficace et résolu. Il est clairement plusfacile de sauver les finances plutôt que desauver la planète ».

Alors où allons-nous maintenant ?Question des plus difficiles. Comment fairepour parvenir à un engagement contractuel,quand les dirigeants du monde entier, réunisdans un but unique et avec toutes lesressources de COP15, n’y sont pas parvenus ?

Première épreuve primordialeIl avait été demandé aux pays de présenterleurs engagements volontaires en matière deréduction des gaz à effet de serre sur le plannational dans un document commun d’ici le31 janvier 2010. Il s’agissait là de la premièreépreuve primordiale de la pertinence del’Accord. A la mi-février, 55 pays avaient misen avant des plans visant à diminuer les gaz àeffet de serre. A ce jour, c’est la Norvège qui aarrêté l’objectif le plus significatif, ens’engageant à des réductions de l’ordre de 30 à 40 % d’ici 2020. De même, leLiechtenstein, Monaco, le Japon et l’Islandese sont engagés à réduire les émissions de gazà effet de serre de l’ordre de 30 % et l’UE s’estengagée à une réduction comprise entre 20 et30 %. Tous ces pays ont basé leurs réductionspar rapport à leurs niveaux de 1990. Parcontre, les Etats-Unis et le Canada ont cadréleurs engagements dans des termestrompeurs, offrant de réduire les émissionsde 17 % par rapport aux niveaux de 2005, cequi ne représente qu’une réduction de 3,2 %par rapport à leurs niveaux de 1990.

L’Inde, le cinquième pollueur au mondepar la taille, s’est engagée à réduire sesémissions de CO2 de 20 à 25 % d’ici 2020, parrapport aux niveaux de 2005, sans pourautant préciser les mesures qui seront prisespour y parvenir. De même, la Chine «

s’efforcera de réduire ses émissions par unitéde PIB de l’ordre de 40 à 45 % d’ici 2020 ». LaChine a également pour projet « d’augmenter la part des combustibles nonfossiles dans sa consommation d’énergieprimaire de près de 15 % d’ici 2020, etd’accroître la couverture forestière de 40 millions d’hectares, et le volume deréserves forestières de 1,3 milliards de m3d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 2005 ».

Il revient à chaque pays de contrôler soi-même son engagement vis-à-vis de l’Accordet de respecter ses propres objectifs. CertainsEtats ont fait part de leur soutien à l’Accordsans pour autant avoir présenté des objectifsà ce jour. D’autres ont avancé des objectifs deréduction, mais n’ont pas fait part de leursoutien pour l’Accord.

Agir maintenantL’échec de la part des dirigeants du monde àparvenir à un traité mondial, exhaustif etjuridiquement contraignant a relevé d’unelamentable abdication de responsabilité. Jene cherche pas à être alarmiste, c’est bien lasituation qui est alarmante. C’en est fini detrouver d’éternelles excuses et de toutremettre à plus tard, de faire un pas en avant

et deux pas en arrière. L’heure est venuepour que les décideurs politiques etéconomiques prennent des mesuresconcrètes lesquelles visent à enrayer cettecatastrophe climatique. C’est maintenantqu’il faut faire preuve courage et deleadership, c’est maintenant qu’il faut agir.L’impératif moral du siècle est de s’attaquerau changement climatique. Notre avenir endépend, mais aussi le destin des générationsfutures, et l’avenir de toutes les espèces quivivent sur cette planète.

Aujourd’hui plus que jamais, les nations,sociétés, communautés et individus sonttous interconnectés et interdépendants.C’est une illusion de l’esprit que de croirepossible de compartimenter les crises quiassaillent notre monde aujourd’hui et qu’ilest possible de s’y attaquer sansrévolutionner notre mode de vie. Lechangement climatique concernera tout lemonde, partout, tous les Etats, et tous lesgroupes socioéconomiques, de centaines defaçons : pollution urbaine, érosion deszones rurales, contamination des océans etrivières, désertification, migration de massevers des villes surpeuplées, sécurité desindividus et des Etats... Nous devonsimpérativement changer nos façons devivre, manger, penser, échanger et voyagerpour bâtir sur des fondations solides etpérennes.

Nous n’y arriverons qu’avec lacoopération entre les nations, les Etats, lesdirigeants, les parties, les organisations etles individus. A ce croisement crucial del’histoire, il en va de notre survie à tous oude notre perte à tous.n

« Je ne cherche pas à êtrealarmiste, c’est bien la situa-tion qui est alarmante. C’enest fini de trouver d’éternellesexcuses et de tout remettre àplus tard, de faire un pas enavant et deux pas en arrière. »

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FORUM MONDIAL

JEAN ZIEGLER, vice-président du Comitéconsultatif du Conseils des droits del’homme des Nations Unies et ancienrapporteur spécial auprès des Nations Uniessur le droit à l’alimentation (2000-2008).

Toutes les 5 secondes, un enfant de moins de10 ans meurt de faim. Toutes les 5 minutes,quelqu’un perd la vue en raison d’uneinsuffisance de vitamine A. Tous les jours, 25 000 personnes meurent de faim et de causesqui y sont immédiatement apparentées. Plusd’un milliard de personnes sont gravementmalnutries de manière définitive. Le noma estl’une des conséquences les plus brutales de lamalnutrition : il s’agit d’une maladiedévastatrice qui touche principalement lesenfants de moins de 12 ans. Elle laisse un troubéant dans le visage de l’enfant, s’il arrive àsurvivre car le taux de mortalité est comprisentre 80 et 90 %. C’est une réalité choquante etune ironie insupportable que le même rapportde la FAO, l’Organisation des Nations Uniespour l’alimentation et l’agriculture, donnant lenombre de victimes de l’insécurité alimentairedans le monde, indique que l’agriculturemondiale dans son état de développementactuel pourrait, sans le moindre problème,nourrir 12 milliards de personnes, soit près dudouble de l’actuelle population mondiale.

Ces dernières années, les biocarburants ontété salués non seulement comme solution auchangement climatique et à l’insécuritéénergétique, mais aussi comme option capablede s’attaquer à l’insécurité alimentaire qui faitdes ravages dans des régions du monde.Cependant, avant même que la crise

alimentaire n’en vienne à son apogée en2008, alors que la controverse concernant lesbiocarburants battait son plein, desinquiétudes se faisaient entendre sur leseffets qu’une hausse de la production debiocarburants allait avoir sur le droit àl’alimentation.

Impact environnementalLes études récentes révèlent que lesbiocarburants, en tant que tels, ne constituentpas la panacée environnementale. Le côtéécologique des biocarburants et leur capacitéà faire des économies carbone dépendent deleur mode de production. La canne à sucre,par exemple, est considérée être très efficacepour la production de bioéthanol, et laconsommation de celui-ci est moins nuisiblepour l’environnement que l’utilisation decarburants traditionnels. Il n’empêche queles avantages du bioéthanol diminuentconsidérablement si des forêts tropicalesriches en carbone sont converties enplantations de canne à sucre, et dont l’effetprovoque une énorme augmentation desémissions de gaz à effet de serre. A en croireune estimation, la conversion de forêtstropicales, tourbières, savanes ou prairies en

champs pour produire des biocarburantsbasés sur des denrées alimentaires au Brésil,en Malaisie, en Indonésie et aux Etats-Unis apour effet de créer une « dette carbone debiocarburant ». Ce procédé génère jusqu’à420 fois plus de CO2 que les réductions degaz à effet de serre que ces biocarburantspermettraient de réaliser en remplaçant lescarburants fossiles. Dans de pareillesconditions, la production de biocarburantsremplit le rôle d’un cheval de Troieenvironnemental.

Dans les plantations d’huile de palme degrande échelle à Bornéo et à Sumatra, et dansles exploitations de canne à sucre au Brésil,les eaux usées et la pollution de l’eau,l’utilisation à outrance d’engrais, l’érosiondes sols, la pollution de l’air localiséeattribuable à la pulvérisation de produitschimiques et la pratique du brûlis de la terreaprès la récolte constituent tous desproblèmes de premier ordre. Les effets nocifspour l’environnement de la production debiocarburants influent directement sur laconcrétisation du droit à l’alimentation demillions de personnes à moyen et à longterme, surtout parmi les groupes qui ontbesoin d’accès à un sol fertile et à de l’eaupropre pour faire pousser leurs cultures.

Prix des denrées alimentairesDans le rapport de 2007 du Rapporteurspécial auprès de l’Assemblée générale desNations Unies, je soulevais le problème durôle que jouent les biocarburants dansl’augmentation des prix des denréesalimentaires sur le plan international.Beaucoup d’experts ont établi la mêmecorrélation. Une étude de la Banquemondiale estime qu’entre 70 et 75 % de lahausse des prix des denrées alimentaires de2002 à 2008 étaient imputables auxbiocarburants, et que celle-ci s’estaccompagnée en outre des conséquencesannexes de diminution des stocks decéréales, de changements d’utilisation dessols à grande échelle, d’activités spéculatriceset d’interdictions d’exportation. John Lipsky,du Fonds monétaire international, estimeque l’utilisation de cultures vivrières, toutparticulièrement de maïs, pour produire dubioéthanol, est responsable à hauteur d’aumoins 40 % de l’explosion des prix. Lessubventions et autres outils fiscaux destinés à

Biocarburants : un argumentaire en faveur du droit à l’alimentation

Avec cette rubrique régulière, Making It invite descollaborateurs distingués à réfléchir à un sujet d’actualité quifait l’objet de controverses. Le débat se poursuit : quels sontles avantages et les inconvénients des biocarburants ?

« Une étude de la Banquemondiale estime qu’entre 70 et 75 % de la hausse des prixdes denrées alimentaires de2002 à 2008 étaient imputablesaux biocarburants »

SUJET D’ACTUALITÉ

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FORUM MONDIAL

promouvoir l’utilisation de biocarburants,surtout aux Etats-Unis et dans l’Unioneuropéenne, ont contribué de manièredécisive à une hausse de la demande de sucre,de maïs, de blé, de graines oléagineuses etd’huile de palme. L’incitation de produiredes cultures pour des biocarburants a étéd’autant plus exacerbée par les cours élevésdu pétrole, qui ont accentué l’attrait desbiocarburants comme alternative auxcombustibles fossiles. Il s’est alors produitune véritable concurrence entre les denréesalimentaires et le pétrole, alors que les stocksmondiaux de blé et de maïs se sont mis àdiminuer considérablement. L’augmentationde la demande de ces denrées alimentairescomme biocarburants a provoqué la haussesensible de leurs cours sur les marchésmondiaux, ce qui s’est traduit à son tour parune hausse des prix des denrées alimentaires.L’Institut international de recherche sur lespolitiques alimentaires prévoit que lenombre de personnes souffrant demalnutrition pourrait augmenter de 16millions pour chaque hausse de point depourcentage du prix réel des denréesalimentaires.

Des groupes vulnérablesIl est nécessaire de faire toutparticulièrement attention aux diversimpacts sociaux que la production debiocarburants exerce sur les groupesvulnérables. Potentiellement, ledéveloppement de la production debiocarburants a un rôle important à jouer entermes de réduction de la pauvreté, et donc àrespecter le droit de chacun à avoir un niveaude vie adéquat, et notamment à la sécuritéalimentaire. Il n’empêche que l’expérience amontré qu’il s’accompagne d’autres impactssociaux autrement nuisibles.

L’expansion de la production debiocarburants en Amérique latine et dans desrégions d’Asie du sud-est et d’Afrique s’esttraduite par des violations de droits foncierset des évictions forcées : les agences desNations Unies les ont documentées dans denombreux rapports et études. Lespopulations indigènes, les petits agriculteurset les habitants des forêts sont les plustouchés. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit dediscuter de droits fonciers, il estindispensable de tenir compte de ladifférence entre les sexes. Dans le monde

entier, les régimes fonciers sontsystématiquement discriminatoires vis-à-visdes femmes, où très souvent les droitsfonciers dépendent de l’état matrimonial.Dans ce contexte, l’augmentation de laproduction de cultures de biocarburant peutavoir un coût élevé sur la sécuritéalimentaire des femmes rurales, qui sontrarement capables de s’opposer légalement àleur déplacement par une agro-industriepuissante. Dans la même veine, commel’avertit un analyste, la concentrationfoncière (c’est-à-dire l’acquisition degrandes parcelles de terre, généralement pardes groupes étrangers ou des Etats) peutentraîner « un processus de marginalisationdes petits agriculteurs à un degré jusque-làjamais vu, qui soit deviennent destravailleurs mal payés, soit vont grossir lesrangs des pauvres vivant dans les villes ».

Moins d’emploisCertains défenseurs des biocarburantsaffirment qu’ils présentent des possibilitésde création d’emplois, qui sont doncimplicitement bénéfiques pour la sécuritéalimentaire de ces employés. Or les donnéesempiriques présentent une réalité pluscomplexe, si ce n’est contradictoire. Dans lespays à forte expansion de la production debiocarburants, les emplois dans le secteuragricole semblent avoir baissé et on yobserve une tendance accrue à des emploissaisonniers. La généralisation de lamécanisation des moyens de récolte vaforcément s’accompagner de prévisionsnégatives en termes d’emplois futurs. Si l’ons’accorde sur le fait que plus d’emploiss’accompagnent d’une sécurité alimentaireaccrue, alors moins d’emplois et desemplois moins stables sont synonymesd’insécurité alimentaire et de menace portéeà la concrétisation du droit à l’alimentation.

Un nombre alarmant de rapports rédigéspar des ONG et des agencesgouvernementales et intergouvernementalesinsistent sur les salaires souventcatastrophiques et les conditions de travailexécrables pratiqués dans les plantationsd’huile de palme et de canne à sucre. On yobserve un système de servitude pour dettes,qui a pour effet de soumettre les travailleurs àdes relations d’esclavage avec lespropriétaires de la plantation et/ou d’autres ‰

Désolé,sauver laplanète

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STEPHEN KAREKEZI et JOHN KIMANI –AFREPREN/FWD (Réseau de l’énergie, del’environnement et du développement pourl’Afrique), organisation non-gouvernementalebasée à Nairobi, au Kenya.

La hausse récente des cours du pétrole et ducharbon, qui s’est accompagnée d’uneintensification des débats sur le changementclimatique, ont conduit de nombreux analystes àsuggérer que le développement de bioénergiesmodernes pourrait aider à enrayer les impactsnégatifs induits par la volatilité des cours decombustibles fossiles et par une dépendancecontinue vis-à-vis d’options traditionnelles maisinefficaces d’énergie à partir de la biomasse, touten contribuant dans le même temps à réduireles émissions de gaz à effet de serre. C’est pourtoutes ces raisons que ces trois-quatre dernièresannées, beaucoup de pays d’Afriquesubsaharienne se sont lancés dans des initiativesde bioénergies modernes, et plusieurs d’entreeux se sont empressés de conclure des accordsavec des investisseurs internationaux pour ledéveloppement de biocarburants liquides degrande échelle.

Certains pays ont donné leur accord audéboisement de forêts vierges et à la conversionde terres arables qui conviennent à des culturesvivrières en des champs pour des cultures debiocarburants, avec des impacts potentiellementnuisibles sur les réserves forestières et lasécurité alimentaire. Par ailleurs, bon nombredes nouveaux programmes de biocarburants nesont pas conçus pour répondre à la demandeinterne, mais sont en grande partie destinés àl’exportation sur les marchés internationaux,particulièrement vers l’Union européenne (EU)qui a annoncé des objectifs ambitieux enmatière de biocarburants.

Devant ces développements, certainsgouvernements africains ont décidé de mettreen œuvre des mesures qui limitent la

production directe de bioénergies(particulièrement de biocarburants liquides)à partir de cultures vivrières et/ou à partird’anciennes terres arables vivrières. Ainsipar exemple, en 2008, le président de laRépublique-Unie de Tanzanie a interdit laculture du jatropha dans une régionsélectionnée pour la production rizicole.

La controverse qui entoure ledéveloppement de biocarburants liquidesen Afrique subsaharienne a éclipsé desoptions de biocarburant moins connues,mais réussies, aux impacts positifsimportants, tant à faible échelle au niveaudes petits agriculteurs, que sur le pland’économies nationales d’Afriquesubsaharienne. L’une de ces optionsconcerne la cogénération à haute pression àpartir des sous-produits de la production dusucre de canne.

Cogénération La cogénération est la productionsimultanée d’électricité et de chaleur à partird’une seule centrale électrique. Une centraleélectrique de cogénération brûle de labagasse (ce résidu fibreux qui reste après lebroyage des tiges de canne à sucre pour enextraire le jus), ce qui émet de la vapeur quiproduit de la chaleur et entraîne une turbinequi produit de l’électricité. La cogénérationbagasse utilise des déchets qui sontautrement un embarras pour les raffineriesde sucre : elle prend facilement feu et posedes problèmes environnementaux carquand elle se décompose, la bagasse émet duméthane, un gaz à effet de serre pluspuissant que le dioxyde de carbone.

La cogénération bagasse ne constitue pasune technologie nouvelle de l’industriesucrière d’Afrique subsaharienne : c’est enfait une utilisation novatriced’équipements de cogénération hautementefficaces, dans le but de créer une source

Le développement desbioénergies en Afriquesubsaharienne

intermédiaires. La faim et la nécessité denourrir leurs familles contraignent desindividus à accepter des conditions de travailépouvantables, qui souvent équivalent ous’apparentent à de l’esclavage.

Des réformes structurellesDès aujourd’hui, nous devons nous mettre àévaluer les biocarburants depuis le point devue du milliard d’habitants qui ont faim surla planète. En d’autres mots, il incombe auxgouvernements d’assumer leursresponsabilités légales en termes de respect,de protection et de concrétisation du droit àl’alimentation de leurs populations. C’estpour cette raison que si l’on envisaged’élargir la production de biocarburants, ilest nécessaire d’engager des réformesstructurelles pour faire face aux problèmesstructurels. Nous devons prendre à bras lecorps le bien-être des générations actuelleset futures. Il est nécessaire d’engager desréformes foncières, destinées à habiliter lesgroupes vulnérables, comme lesagriculteurs sans terre, les habitants desforêts, petits exploitants agricoles, groupesindigènes et femmes. Il est impératifd’ajuster les budgets pour soutenir de telsprogrammes et d’accorder la priorité auxgroupes vulnérables pour assurer leur droità l’alimentation. Et enfin, des mesureslégislatives qui encouragent des modèlesinclusifs, comme par exemple leprogramme Pro-Biodiésel au Brésil, doiventêtre reproduites et poursuivies de touteurgence. Ce sont de telles mesures quipermettraient aux biocarburants d’apporterla solution sociale qu’ils promettent.

En attendant, il revient aux paysdéveloppés, qui sont en partie responsablesde la hausse de la demande debiocarburants suite à leurs programmes desubventions, de reconnaître et de s’attaqueraux effets sociaux et environnementaux dela production de biocarburants, et del’expansion de leur production. Après tout,comme le disait Jean-Jacques Rousseau il ya de nombreuses années de cela : « Entre lefaible et la fort, c’est la liberté qui opprimeet c’est la loi qui libère ». Le droit àl’alimentation doit être défendu par tous. n

SUJET D’ACTUALITɉ

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cogénération n’a entraîné ni une hausse de laspéculation foncière, ni une augmentation duprix des denrées alimentaires, qui sont lesdeux principales pierres d’achoppement dudéveloppement à grande échelle desbioénergies. En fait, avec le temps, alors que ledéveloppement accru de la cogénération aengendré une hausse de l’approvisionnementen électricité, la terre sur laquelle la canne àsucre est cultivée est sur le déclin, ce qui sous-entend que les gains d’efficacité en matière decogénération ont permis de libérer desterrains pour d’autres utilisations,notamment à des fins de production vivrière.

Plusieurs autres pays d’Afriquesubsaharienne se sont mis à suivre l’exemplede l’île Maurice. L’Ethiopie, le Kenya, leMalawi, le Soudan, le Swaziland, l’Ouganda etla République-Unie de Tanzanie participent àl’initiative baptisée « Cogen for Africa ». Ils’agit d’un projet régional innovant portantsur les énergies propres, financé par le Fondspour l’environnement mondial et mis enœuvre par AFREPREN/FWD.

Le potentiel qu’il présente pour l’Afriquesubsaharienne prise dans son ensemble estconsidérable. Si l’on se base sur la productionsucrière actuelle en Afrique subsaharienne, lacogénération bagasse issue des industriessucrières est capable de satisfaire 5 % environ

d’approvisionnement énergétiquecommercial de plus en plus importante. L’îleMaurice est le leader au niveau de ce procédéoù, grâce à l’usage extensif de cogénérationbagasse, l’industrie sucrière du pays estautonome en termes d’électricité et estcapable de revendre ses excédents au réseauélectrique national. L’industrie sucrièrecontribue dorénavant à plus de la moitié del’approvisionnement en électricité de l’île.La cogénération à l’île Maurice est conçuepour utiliser la bagasse pendant la saison dela récolte de la canne à sucre (qui dureenviron 6 mois), du charbon étant utilisé lerestant de l’année pour assurerl’approvisionnement en électricité.

Le développement de cogénération à basede bagasse a apporté de nombreux avantagesà l’île Maurice : une dépendance réduite vis-à-vis des importations de pétrole, ladiversification de la production d’électricité,des gains d’efficacité dans le secteurélectrique en général et la hausse des revenuspour les petits exploitants de canne à sucre. Ila également aidé les sucreries de l’île Mauriceà faire face aux variations des cours mondiauxdu sucre, et notamment à la réduction desprix de faveur du sucre que l’UE accorde auxpays ACP (Caraïbes, Afrique et Pacifique). Cesdernières années, c’est grâce aux revenus issusde la vente d’excédents d’électricité par lacogénération que les sucreries mauriciennesont réussi à rester rentables.

Partage des revenusL’une des réalisations sans doute les plusimportantes est le recours à tout un ensemblede mesures innovantes de partage desrevenus. L’industrie mauricienne de lacogénération a ainsi travaillé en étroitecollaboration avec le gouvernement pourveiller à dériver d’importants gainsmonétaires de la vente d’électricité produite àpartir de la cogénération pour en fairebénéficier l’ensemble des parties prenantesde l’économie sucrière, y compris les pauvres,les petits agriculteurs et les exploitants decanne à sucre. Les politiques de partageéquitable des revenus à l’île Mauriceconstituent un modèle à émuler pour lesprojets actuels et futurs à base de bioénergiesdans d’autres pays d’Afrique subsaharienne.

Autre développement important à relever :sur l’île Maurice, le développement de la

du total de la demande d’électricité dans larégion. Si on y inclut les déchets de labiomasse issus d’autres agro-industries et dela sylviculture, alors la cogénération pourraitproduire 10 % de l’électricité de la région.

Enseignement principalLe principal enseignement à tirer du succèsde la cogénération à base de bagasse sur l’îleMaurice est la nécessité de donner la prioritéà l’utilisation efficace de déchets agricolesexistants pour les convertir dans descombustibles bioénergétiques modernes.Cette option nuit le moins aux pauvres etpourrait apporter des revenussupplémentaires pour les communautésrurales pauvres. Il est cependant capitald’établir des mécanismes efficaces de partagedes revenus, qui veillent à ce que les revenusaccrus provenant de l’exploitation de déchetsagricoles soient partagés de manièreéquitable et que l’ensemble des partiesprenantes en profitent, tout particulièrementles agriculteurs à faibles revenus. Cetteoption nécessite également d’instaurer uncadre juridique et réglementaire quipermette le développement de bioénergiesmodernes basées sur des déchets agricoles etqui prévoie, entre autres incitations, l’accèsau réseau électrique et au marché descarburants de transport. Dans certains cas, ilfaudra également mettre en place desmécanismes veillant à la centralisationefficace des déchets agricoles.

Une fois que les pays d’Afriquesubsaharienne auront optimisé l’utilisationdes déchets agricoles existants pour laproduction d’énergie, et qu’ils auront mis enplace des structures adéquates de partage desrevenus, sur le plan réglementaire et depolitique, ils pourront envisager la possibilitéd’opter pour des plantations bioénergétiquesde grande échelle, à condition de faire le justeéquilibre entre sécurité alimentaire etproduction énergétique. Heureusement,l’expertise technique, réglementaire etpolitique nécessaire pour promouvoir uneindustrie de l’énergie des déchets agricolesrenferme aussi dans de nombreux cas descompétences nécessaires pour développer etentretenir un secteur dédié et viable deplantations bioénergétiques qui ne nuit pasaux pauvres et n’entame pas la sécuritéalimentaire.n

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Sucrerie, îleMaurice.

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n Le rythme de la croissancemondiale s’est accéléré en février,avec des résultats soutenus pour lesecteur de la productionindustrielle en avant sur lesservices, mais les firmes ontcontinué à licencier, d’aprèsl’indice de la production totalemondiale produit par JP Morgan,la firme de services financiers. « Lareprise s’est à nouveau fermementappuyée sur le secteur de laproduction industrielle, leredressement des services restantfragile en comparaison », a déclaréDavid Hensley, de JP Morgan.

n Les chiffres récents du PIB pourla région entière semblentindiquer que les économiesasiatiques sont en tête de la reprise

un rapport de ManufacturersAlliance/MAPI. Ce rapport seconcentre sur les trois principaleséconomies de la région : celles duBrésil, de l’Argentine et duMexique, qui sont responsables deplus de 80 % de la productionindustrielle de la région. MAPIprévoit que la productionindustrielle globale de l’Amériquelatine affichera un recul de 7,9 %en 2009, pour se redresser en 2010d’une hausse de 5 %. (MAPI)

n Les dépenses en énergie proprese sont maintenues à un niveaumeilleur que prévu pendant lacrise financière et la récession quilui a fait suite en 2009, mais ilsubsiste toujours un écartvertigineux entre les niveauxd’investissement actuels et lesbesoins à mettre en œuvre pourréduire les émissions de CO2. Unrapport récent du Foruméconomique mondial (FEM) arévélé que, fait remarquable, les

En novembre 2009, la société norvégienne Statkraft a ouvert unecentrale électrique prototype qui génère de l’électricité à partir duprocessus naturel qui maintient les plantes debout et les cellulesanimales gonflées, rigides et hydratées. L’osmose se produit lorsquedeux solutions de concentrations différentes entrent en contact avecune membrane semi-perméable.

A la centrale électrique à osmose de Tofte, près d’Oslo, les deuxsolutions employées sont l’eau de mer et l’eau douce, siphonnées toutprès de leur confluent, à l’embouchure d’un fjord. L’eau de mer et l’eaudouce sont dirigées vers des chambres distinctes, séparées par unemembrane artificielle. Les molécules de sel présentes dans l’eau demer attirent l’eau douce à travers la membrane, ce qui a pour effetd’accroître la pression du côté où se trouve l’eau de mer. Cette pressionpeut alors être utilisée pour alimenter une turbine génératriced’électricité.

La capacité de production de la centrale prototype de Tofte estlimitée, son but premier étant de faire des essais et de développer leprocédé. Beaucoup de grandes villes dans le monde se dressent sur desestuaires fluviaux où de l’eau de mer et de l’eau douce sont facilementdisponibles. Statkraft estime que le potentiel mondial d’électricitéosmotique se situe au total à près de 1 700 térawatts-heures par an, soitprès de 10 % de la consommation d’électricité actuelle sur le planmondial. La société espère construire d’ici quelques années unecentrale électrique à osmose d’exploitation commerciale.

Contrairement à l’énergie éolienne et l’énergie solaire, l’énergieosmotique est capable de fournir une source d’énergie constante,même si les changements saisonniers des niveaux fluviaux entraînentquelques variations. Les critiques pensent que la généralisation decette technologie pourrait s’avérer difficile car il reste encore àrésoudre des questions fondamentales, comme par exemple les effetsdu limon et des bactéries fluviales sur la performance de la membraneau fil du temps.

Copenhague, Danemark : Après s’êtrefixé l’objectif de zéro émission deCO2 d’ici 2025, la ville pourraitrépondre à 50 % de ses besoins enchauffage en ayant recours à sesressources géothermiques.Larderello, Italie : La ville se targue dela première centrale électriquegéothermique, qui a ouvert au débutdu XXe siècle.Reykjavik, Islande : Des ressourcesgéothermiques abondantes assurentle chauffage de près de 87 % desbâtiments d’Islande.

Reno, Nevada, États-Unis : Laville et les chefs d’entreprisecommercialisent la villecomme centre de géothermiepour les activités industrielles,les bureaux d’entreprise et lescentres de recherche.Perth, Australie : Son but estde devenir la toute premièreville au monde à être refroidieà base de géothermie, aumoyen de climatiseursgéothermiques vendus dans lecommerce.

Ouvriers en traind’évacuer l’aird’un conduitgéothermique.

tendances

Ouverture de la première centraleélectrique à osmose

Les 10 premières villes àgéothermie au monde

QUESTIONS COMMERCIALES

mondiale. La Thaïlande, TaïwanProvince de Chine, Hong KongSAR et la Malaisie ont tous publiédes chiffres indiquant que leurséconomies avaient retrouvé lacroissance en glissement annuelau quatrième trimestre 2009.Toutefois, l’EconomistIntelligence Unit (EIU) pensequ’il serait erroné de voir danscette succession de bonnesnouvelles la preuve que la régiona entamé une reprise rapide etdurable. Les chiffres récentsétaient portés par des facteursprovisoires, et il reste encore àdéterminer dans quelle mesurecette croissance est liée à desmesures de relance qui nepeuvent pas durer plutôt qu’àune demande autonome. (EIU)

n La Chine s’est hissée audeuxième rang des fabricantsindustriels au monde, justederrière les États-Unis. Ces deuxpays et le Japon sont responsablesde la moitié de la productionindustrielle mondiale. Bien que laChine occupe la première placeen termes de quantité absolue deproduction, le Japon reste le paysle plus industrialisé au monde entermes de valeur ajoutéeindustrielle par habitant, quis’élève à près de 9 000 dollars É.U.par rapport à 700 dollars É.U.pour la Chine. (ONUDI)

n La récession industrielle trèsmarquée qui a frappé l’Amériquelatine en 2009 va être suivie d’unereprise forte mais inégale, d’après

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investissements en 2009 se sontmaintenus à 145 milliards dollarsÉ.U., en recul de seulement 6 %par rapport à leur niveau de 155 milliards dollars É.U. en 2008.Cette baisse aurait probablementété bien plus importante si lesgouvernements du monde entiern’avaient pas consacré desmilliards à leurs programmes derelance économique. Toutefois,d’après le FEM, si l’on souhaitelimiter à 2°C la hausse destempératures moyennes dans lemonde, il sera nécessaired’engager des investissements deprès de 500 milliards dollars É.U.par an pour mettre en place lesinfrastructures énergétiques àémissions réduites de CO2 quis’imposent. Tant bien même quedes investissements recorddevraient être réalisés au coursdes années à venir, il reste un écartimportant de quelque 350 milliards dollars É.U. àcombler. (FEM)

Xianyang, Chine : Désignée récemment «ville officielle géothermique de Chine »,Xianyang aide la Chine à atteindre sonobjectif de 16 % de consommationénergétique à partir d’énergiesrenouvelables d’ici 2020.Madrid, Espagne : Six projets à based’énergies renouvelables sont en cours,dont un est un projet de 8 MW dechauffage de district à base degéothermie.Masdar City, Abu Dhabi : La ville a pourambition de fonctionner à 100 % à partird’énergies renouvelables, la moitiédevant être assurée par ses ressourcesgéothermiques.Klamath Falls, Oregon, États-Unis :L’énergie géothermique sert à chaufferles immeubles depuis les tous débuts duXXe siècle et est maintenant utiliséepour toute une multitude de fonctions,notamment pour chauffer maisonsparticulières, établissements scolaires,entreprises, piscines, et pour les systèmesde fonte de neige pour les trottoirs et lesroutes. Boise, Idaho, États-Unis : Le départementdes travaux publics de Boise est doté duplus gros réseau géothermique à emploidirect des Etats-Unis.

Source : The Geothermal EnergyAssociation, association professionnellecomposée de sociétés américaines quiapportent leur soutien à la généralisationde l’énergie géothermique.

Un parc de 15 véhicules triporteursfonctionnant à l’hydrogène est sur le pointd’entrer en service à New Delhi, en Inde. Cesrickshaws motorisés transporteront despassagers entre la station de métro dePragati Maidan au centre d’exposition toutproche.

Ces véhicules baptisés Hy-Alfa, construitspar le constructeur automobile indienMahindra and Mahindra, sont équipés d’unmoteur de 400 cm3 à combustion interne àhydrogène avec des réservoirs de carburantde type à gaz comprimé. L’hydrogène serafourni par l’un des plus grands fournisseursd’hydrogène au monde : Air Products.

Ce projet, dirigé par le InternationalCentre for Hydrogen Energy Technologies(ICHET), basé à Istanbul, aux côtés d’unconsortium d’entreprises, présente un fortpotentiel de se reproduire dans l’Indeentière. L’hydrogène est un sous-produit del’industrie indienne du chlore et de la soudequi, pour l’heure, est brûlé car il n’a pasd’utilité.

« Hy-Alfa est le premier véhicule de songenre au monde », a déclaré Dr MathewAbraham, Directeur général du Centre derecherche et développement de Mahindra

and Mahindra. « Il ne fonctionne qu’au gazhydrogène comprimé et il est conçu pour nepas émettre la moindre émission, ce qui enfait un plaisir à conduire dans les rues devilles constamment congestionnées. En fait,l’hydrogène est la technologie et le carburantde demain. C’est la solution à long terme à lapollution, comme sécurité énergétique etpour résoudre les problèmes liés auxémissions de CO2 ».

On s’attend à ce que le carburanthydrogène soit la solution aux problèmescréés par les émissions à forte teneur enoxyde d’azote générées par les triporteursGNV (gaz naturel pour véhicules) quicirculent actuellement en Inde.

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n 2010 International Conferenceon Environmental andAgriculture Engineering1-3 août, Kyoto, Japonwww.iceae.org

n Global Compact China – Japan – Korea Roundtable3 août, Shanghai, Chinewww.unglobalcompact.org

n The Third IASTED AfricanConference on Power and Energy Systems6-8 septembre, Gaborone, Botswanawww.iasted.org/conferences/home-684.html

n CSR Asia Summit 2010 14-15 septembre, Hong Kongwww.csr-asia.com/summit2010

n The Right Livelihood Award14-19 septembre, Bonn, Allemagnewww.rightlivelihood.org/rla30.html

n 4th International Conference on CSR 22-24 septembre, Berlin, Allemagnewww.csr-hu-berlin.org

n The GREEN (Global Resources Environment & Energy Network) Expo28-30 septembre, Mexico, Mexiquewww.ejkrause.com/thegreenexpo/index.html

n World Habitat Day, Better City,Better Life4 octobre, Shanghai, Chinewww.unhabitat.org/

n Assessing the Role of Prejudiceand Discrimination in Power,Poverty and EnvironmentalSustainability7-10 octobre, Yaoundé, Camerounwww.4eppse.org/conference.html

n Renewable Energy World Asia2-4 novembre, Singapourwww.powergenasia.com/index.html

n Renewable Energy Africa (REA)Conference and Expo 20109-11 novembre, Johannesburg,Afrique du Sudwww.reafrica.co.za

événements

New Delhi : Projet detriporteurs à hydrogène

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En 2009, la consommation énergétique mondiales’est élevée à 11,3 milliards de tonnes équivalentpétrole (TEP). La consommation énergétiquedans les pays industrialisés est pratiquementstable depuis 10 ans, par contre, dans le reste dumonde, elle est en hausse de près de 5 % par an.A cette allure et d’après les technologies actuelles,la consommation énergétique annuelle mondialepourrait atteindre 20 milliards de TEP d’ici l’an2020. Les conséquences d’une telle croissance(dont près de 80 % proviennent de carburantsfossiles) seraient catastrophiques à trois égards :l’épuisement des ressources de carburant fossile,les problèmes géopolitiques provoqués par l’ac-cès à de tels carburants, et des problèmes envi-ronnementaux, notamment en termes deréchauffement climatique.

Les pays en développement assistent à uneforte hausse de leurs émissions de gaz à effet deserre, due en majeure partie à leur industrialisa-tion rapide et à l’augmentation des transports,mais aussi en raison de l’utilisation non viable debois de chauffage et de la déforestation qui s’enest suivie.

Pour résoudre ces problèmes, il faut s’attaquerà leurs causes : des efforts considérables doiventêtre déployés qui englobent des actions et poli-tiques complémentaires en termes (i) de rende-ment énergétique (ou de conservationénergétique) afin d’obtenir un bien-être équiva-lent tout en consommant de moins grandes quan-

tités de ressources naturelles, (ii) d’énergies re-nouvelables qui peuvent être utilisées à la place decarburants fossiles, et (iii) de nouvelles avancéestechnologiques pour améliorer le rendement én-ergétique et utiliser des énergies renouvelables.

Le rendement énergétique permet d’allongerla vie de ressources limitées, de réduire les impactsenvironnementaux, de garantir des approvision-nements pour le long terme et il offre fréquem-ment des retours économiques attrayants.Toutefois, le renforcement de l’accès à des servicesénergétiques dépend étroitement d’un accroisse-ment de l’approvisionnement. Heureusement,celui-ci peut être obtenu en ayant recours à unlarge éventail de sources renouvelables qui,comme l’énergie hydraulique et la biomasse, sontd’ores et déjà bien développées. La plupart des paysen voie de développement se situent dans deszones tropicales où l’existence de rivières et deterres arables arrosées par des eaux de pluie as-surent des conditions idéales à l’épanouissementde ces secteurs énergétiques. La concurrence avecla production alimentaire et la consommation del’eau à des fins multiples présente certes des prob-lèmes qui ne doivent cependant pas être sures-timés et auxquels il est possible de remédier parune planification adéquate en termes de logistiqueet d’occupation des sols.

Des options attrayantes d’énergie à partir dela biomasse existent déjà. La productiond’éthanol à base de canne à sucre (et la

développement

Choix d’énergiesrenouvelables

dans les pays

Devant la hausse imminente de la consommationénergétique mondiale, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et l’amenuisement des réserves decombustibles fossiles, JOSÉ GOLDEMBERG et OSWALDOLUCON se penchent sur les solutions de rechange.

JOSÉ GOLDEMBERG est professeur àl’Institut d’électrotechnique et de l’énergie,Université de São Paulo, Brésil. OSWALDO LUCON est conseiller techniqueà l’énergie pour le Secrétariat d’Etat àl’environnement de São Paulo, au Brésil.

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cogénération bagasse associée) au Brésil, l’én-ergie géothermique aux Philippines, la transfor-mation de déchets agricoles en énergie en Inde,l’énergie solaire thermique en Chine, et desfourneaux à bois améliorés dans quelques paysafricains ne sont que quelques-uns des nom-breux exemples à succès.

Des technologies renouvelables plus récentessont également en cours de développement, labiomasse présentant de bonnes perspectives d’a-vancées technologiques rapides, tout partic-ulièrement en ce qui concerne l’utilisationaméliorée de déchets agricoles, l’incinération dedéchets solides municipaux et la production deplusieurs types de biodiésel. Il existe plusieursvoies de transformation bioénergétique qui ontrecours à divers types de biomasse, depuis desimples chaudières pour des systèmes dechauffage pour particuliers à des exploitationsagri-énergétiques intégrées.

Bien qu’ils n’en soient toujours qu’à leurphase de recherche, il est possible que dans cer-taines circonstances, les biocarburants de la sec-onde génération et les applications avancéessolaires, marines et géothermiques soientéconomiquement viables.

Energie éolienne et solaireLa technologie éolienne de production d’élec-tricité est devenue hautement complexe, d’im-portants développements ayant eu lieu dans lesdomaines du contrôle, de l’aérodynamique et desmatériaux. Les installations à grande échellepeuvent être dotées de centaines de gros généra-teurs de haute technologie, chacun capable deproduire 5 MW d’électricité, avec des palesfaisant plus de 80 m d’envergure. Le coût desgénérateurs éoliens a récemment baissé de beau-coup, principalement du fait que les fabricantsdes pays développés ont bénéficié de politiquesde soutien gouvernemental. Par conséquent, leprix des éoliennes pour les clients des pays endéveloppement est lui aussi en train de baisser.

L’énergie thermique solaire présente un po-tentiel phénoménal dans le monde en développe-ment, les obstacles à un déploiement plus rapidese situant au niveau de coûts de démarrage rela-tivement élevés et des subventions accordées à dessources conventionnelles à base de combustiblesfossiles. Les projets de démonstration s’appuientsouvent sur des applications simples, comme parexemple des capteurs ou des fourneaux solairesen plastique, surtout dans les pays les plus pau-vres. Cependant, leur adoption reste souvent trèslimitée et l’utilisateur finit fréquemment par sereplier sur des sources d’énergie plus tradition-nelles. Sur une note plus positive, la Chine a prisdes longueurs d’avance en subventionnant l’util-isation de panneaux solaires pour le chauffage del’eau, alors qu’au Brésil, le recours à des panneauxsolaires pourrait éviter de devoir engager des in-vestissements importants de renforcement de laproduction électrique afin de faire face aux be-soins d’électricité aux heures de pointe. L’énergiesolaire peut ainsi être utilisée pour produire del’électricité pour les chauffe-eaux et autres petitsappareils ménagers.

Pour les petites îles, les villages montagnards

et d’autres communautés plus isolées, les sys-tèmes photovoltaïques solaires présentent debonnes solutions. Cette technologie convientparfaitement à des applications de petite enver-gure et à certains créneaux, l’électricité produiteétant suffisante pour réfrigérer les vaccins et lesmédicaments, préserver les aliments et les pro-duits de la pêche, assurer la viabilité de petiteset micro-entreprises, éclairer maisons, écoles etcentres médicaux, extraire et pomper de l’eaudes puits, et alimenter les systèmes de commu-nication et de divertissement. La technologie so-laire pourrait faire partie des principalestechnologies à être intégrées dans les systèmesfuturs d’énergie décentralisée.

BiocarburantsJusqu’à présent, le bioéthanol et le biodiésel con-stituent les meilleures options de biocarburant,suivies dans certains cas des huiles végétales. Leprogramme brésilien d’éthanol à base de canneà sucre produit du carburant dont le prix estcompétitif sur le marché libre, et présente unéquilibre énergétique positif allant jusqu’à 10unités de rendement pour une unité d’entrant.

Rien que pour ces raisons, il pourrait être promucomme combustible de rechange dans d’autrespays du monde. Devant la menace de barrièrescommerciales techniques imposées suite auxpressions exercées par les consommateurs, lesinquiétudes sur les impacts environnementauxet sociaux des biocarburants suscitent uneréponse responsable. En attendant, on attendbeaucoup des biocarburants de la secondegénération, notamment en ce qui concernel’éthanol cellulosique (produit à partir de bois,d’herbes ou des parties végétales non com-bustibles) qui pourrait déclencher une véritablerévolution énergétique écologique une fois queses coûts seront devenus compétitifs.

DissociationLa crise énergétique de la fin des années 1970 aentraîné une révolution énergétique lorsque denouvelles technologies qui se sont mises à êtrecommercialisées à cette époque ont permis defournir des services énergétiques nécessitant unintrant énergétique moindre qu’il n’aurait étépossible de le faire avec les technologies quiétaient alors répandues. C’est donc ce qui a pro-duit une dissociation entre croissance du PIB etcroissance énergétique, dissociation qu’ontconnue les pays industrialisés des années 1970et 1980. Une meilleure rentabilité de la consom-mation énergétique et l’abandon des carburantsfossiles en faveur de sources énergétiques re-nouvelables se sont traduits par une poursuitede la croissance économique, mesurée en fonc-tion du taux de croissance du PIB, alors que lacroissance de la consommation énergétique s’estmise à ralentir. Ainsi par exemple, la consom-mation énergétique de l’Union européenne estaujourd’hui 50 % moins importante qu’elle nel’aurait été si les mesures prises en réponse à lacrise du pétrole de 1973 n’avaient pas été misesen œuvre. La Chine offre un autre exemple dansce sens, qui applique des mesures de rentabilitéénergétique osées depuis 1990. Alors que le PIBa été presque multiplié par 9, au cours de lamême période, les émissions de CO2 ne sont quedeux fois et demie plus élevées.

Dans ce contexte, une formidable opportu-nité s’offre aux pays en développement aujour-d’hui. En effet, rien ne dit qu’ils doiventreproduire le processus de développementéconomique qu’ont connu les pays industrial-isés, caractérisé par une phase sale, pleine degâchis et extrêmement nocive en termes de pol-lution environnementale : ils peuvent incorporerdès les premiers stades de leur processus dedéveloppement les technologies modernes et ef-ficaces qui sont actuellement disponibles.

L’utilisation de ressources à base d’énergiesrenouvelables se répand rapidement et il estprobable qu’elle contribuera de beaucoup à laconsommation énergétique au cours des décen-nies à venir. Ainsi donc, la viabilité du développe-ment de la majorité de la population humaineau cours du XXIe siècle pourrait être assuréegrâce à une combinaison de rentabilité énergé-tique et de nouvelles technologies renouvelablesémergentes basées sur la biomasse, l’énergieéolienne et l’énergie solaire. n

‰ Capacités des énergies renouvelables,2008 (REN21, Rapport mondial sur lasituation des énergies renouvelables,

mise à jour de 2009)

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Près d’un-tiers de la demande énergétique mon-diale et pas loin de 40 % des émissions mondialesde CO2 sont attribuables à des activités indus-trielles. La plupart de ces émissions de CO2 sontapparentées aux grosses industries de matièrespremières, comme celles des produits chimiqueset pétrochimiques, du fer et de l’acier, du ciment,de la pâte et du papier, et de l’aluminium. Si nousvoulons sortir vainqueurs de notre lutte contrele changement climatique, l’industrie va devoirtransformer sa manière d’utiliser l’énergie et ré-duire radicalement ses émissions de CO2.

Depuis plusieurs dizaines d’années, l’efficac-ité énergétique de l’industrie s’est améliorée, etl’intensité de CO2 a très sensiblement diminuédans de nombreux secteurs. Pourtant, cesavancées ont été plus que contrebalancées par l’ac-croissement de la production industrielle àl’échelle mondiale. En conséquence de quoi, laconsommation énergétique industrielle et lesémissions de CO2 ont continué d’augmenter. Aucours des 40 prochaines années, on s’attend à ceque la demande de matériaux industriels de la

plupart des secteurs double, voire même triple devolume. Les prévisions de consommation énergé-tique et d’émissions futures basées sur les tech-nologies actuelles montrent qu’en l’absence demesures décisives, rien ne viendra enrayer ces ten-dances. Il n’est tout simplement pas possible decontinuer ainsi.

Pour réduire sensiblement les émissions in-dustrielles de CO2, il va falloir généraliser l’adop-tion des meilleures technologies disponibles(MTD) actuelles, ainsi que développer et déployertout un éventail de nouvelles technologies. Cettetransition technologique est urgente : il est im-pératif que les émissions industrielles culminentau cours de cette décennie, si l’on souhaite éviterles pires impacts du changement climatique. L’in-dustrie et les gouvernements vont devoir se mettreà travailler ensemble pour rechercher, développer,démontrer et déployer les nouvelles technologies

prometteuses qui ont déjà été identifiées, et pourdécouvrir et faire progresser de nouveauxprocédés qui permettront de produire à longterme des matériaux industriels sans émissionsde CO2.

Par ailleurs, ces réductions d’émissions neseront possibles que si toutes les régions dumonde y contribuent. La responsabilité ne peutpas incomber uniquement aux pays de l’Organi-sation de coopération et de développementéconomiques (OCDE), qui sont responsables de 33% des émissions industrielles de CO2 actuellesdans le monde. La production industrielle va con-tinuer à augmenter le plus fortement dans les paysqui n’appartiennent pas à l’OCDE, tant et si bienque si rien n’est fait, ils produiront à terme 80 %des émissions industrielles mondiales de CO2.

L’industrie affiche toute une série de carac-téristiques qui la distinguent des autres secteursd’utilisation finale et il est nécessaire d’en tenircompte lors de l’élaboration de politiques énergé-tiques et climatiques pour le secteur. Premièrement, s’il subsiste des potentiels im-

En s’appuyant sur la nouvelle publication de l’Agence internationale de l’énergie intitulée « Transitionsdes technologies énergétiques pour l’industrie : les stratégies pour la prochaine révolutionindustrielle », NOBUO TANAKA se penche sur les technologies qui permettent de réduire lesémissions industrielles de CO2 et les politiques à mettre en œuvre pour en assurer le déploiement.

NOBUO TANAKA est leDirecteur exécutif de l’Agenceinternationale de l’énergie (AIE)

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industrielleOuvrière travaillant àdes opérationsd'extraction de zinc etde plomb à la mine deMadero, Zacatecas,Mexique.

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portants d’efficacité énergétique, ceux-ci sontmoindres que ceux des secteurs du bâtiment oudes transports. Il faudrait donc que les politiquesfassent la promotion de niveaux réalistes d’amélio-ration en termes d’efficacité énergétique et de ré-duction de CO2 et garantissent, dans la mesure dupossible, de la souplesse lorsqu’elles sont réalis-ables. Deuxièmement, beaucoup d’industriesévoluent sur des marchés mondiaux ou régionaux,et ainsi donc l’introduction de politiques qui im-posent un coût sur les émissions de CO2 dans cer-taines régions mais pas dans d’autres risque denuire à la compétitivité et de provoquer des « fuitesde carbone », c’est-à-dire d’inciter les industries àse délocaliser dans des régions où les restrictionsde CO2 sont moins strictes. Alors que jusqu’à cejour, il y a peu voire aucune preuve qu’il en soitainsi, cela pourrait devenir un problème signifi-catif si les prix du CO2 venaient à augmenter sen-siblement à l’avenir. Troisièmement, beaucoup desecteurs industriels disposent des connaissances,de l’accès aux technologies et des possibilités definancement nécessaires pour réduire leurs pro-pres émissions de CO2 à condition que les gou-vernements offrent un cadre de politique stable,prévoyant des incitations claires, prévisibles et àlong terme d’emploi de technologies nouvelles, ef-ficaces et à faibles émissions de CO2.

L’application des MTD actuelles pourrait ré-duire la consommation énergétique industriellede 20 à 30 %, objectif qui devrait relever d’une pri-orité à court terme. Mais on est encore loin de ré-ductions absolues des niveaux d’émission de CO2alors que l’on prévoit un doublement voire untriplement de la production dans de nombreuxsecteurs. La poursuite des améliorations entermes d’efficacité énergétique constitue le moyenle plus répandu et le moins cher de dégager deséconomies de CO2 entre maintenant et 2050. Il vafalloir accroître les gains d’efficacité de 1,3 % paran, taux qui nécessitera le développement de nou-velles technologies économes en énergie. L’in-dustrie est actuellement en train de développer,de démontrer et d’adopter de nombreuses tech-nologies nouvelles qui soutiennent un résultat dela sorte, par exemple : la réduction par fusion, denouvelles membranes de séparation, la gazéifica-tion de la lessive noire et de la biomasse, et lacogénération avancée.

Il faudra aussi découvrir de nouveaux carbu-rants et de nouvelles technologies faibles en émis-sions de carbone, le recyclage et la récupérationénergétique remplissant un rôle moindre et néan-moins important. Le recours à la biomasse et àl’électricité comme porteurs d’énergie libres deCO2 sera significatif. Si les technologies requisessont souvent spécifiques à des secteurs partic-uliers, le développement et le déploiement ducaptage et du stockage de CO2 (CCS) con-tribueront de manière déterminante à de pro-fondes réductions d’émissions, particulièrementdans les secteurs du fer et de l’acier, et du ciment.

De plus amples travaux de recherche, dedéveloppement et de démonstration sont néces-saires pour développer des procédés de fabrica-tion révolutionnaires capables de produire desmatériaux sans émission de CO2, et pour mieuxcomprendre les approches systémiques, commepar exemple l’optimisation des cycles de vie par le

recyclage et l’utilisation de matériaux plus effi-caces. Ces options à plus long terme seront néces-saires au cours de la deuxième moitié de ce sièclepour assurer la pérennité des procédés industrielsjusqu’à la fin du siècle et au-delà.

Les développements technologiques sont tou-jours semés d’incertitudes. Il est bien possible quecertaines technologies identifiées ne voient jamaisle jour, mais il se peut aussi que les travaux derecherche futurs dévoilent de nouvelles tech-nologies ou des avancées jusqu’ici inconnues. Uneapproche portefeuille peut être un moyen de faireface à cette incertitude.

Il va falloir réduire les émissions de CO2 dansl’industrie entière, mais surtout dans les secteursles plus gros consommateurs d’énergie :

Le fer et l’acier, le ciment, les produits chim-

iques et pétrochimiques, la pâte et le papier et l’a-luminium. A eux 5, ces secteurs contribuent à 75 %du total des émissions directes de CO2 provenantde l’industrie. Pour pouvoir réduire sensiblementla consommation énergétique et les émissions deCO2, il va falloir avoir recours aux MTD actuelles,mais il sera aussi nécessaire de développer et dé-ployer de nouvelles technologies prometteuses.

Fer et acierSi dans le monde entier on appliquait les MTDactuelles, on pourrait obtenir des gains énergé-tiques de près de 20 % sur la consommationactuelle. Etant donné le potentiel limité d’efficac-ité qui est inhérent aux technologies existantes,de nouvelles technologies vont devoir être dé-ployées, comme la réduction par fusion. Lechangement de combustibles pourra aussi aider àfaire baisser les émissions. Le CCS est une optionimportante, qui permettrait au secteur de réaliserd’importantes réductions d’émissions à l’avenir.Des projets pilotes à grande échelle de captage duCO2 dans des usines métallurgiques doivent êtredéveloppés de toute urgence pour mieux com-prendre le coût et la performance des différentesméthodes de captage de CO2.

CimentIl est très difficile de réduire les émissions de CO2dans ce secteur en raison des fortes émissions duprocédé liées à la production de mâchefer, le prin-cipal composant du ciment. Améliorer l’efficacitéénergétique au niveau des cimenteries existantes,investir dans des MTD pour les cimenteries nou-velles et renforcer l’utilisation d’autres carburantset de remplacements du mâchefer sont autant demesures qui permettraient de réduire de 21 %l’actuelle consommation énergétique, mais celane suffira pas pour parvenir à des réductionsnettes d’émissions à l’avenir. De nouvelles tech-nologies doivent être développées et mises enœuvre, surtout dans l’application de CCS dans laproduction du ciment.

Produits chimiques et pétrochimiquesSi les meilleures pratiques technologiques étaientappliquées à pleine échelle dans les procédéschimiques, il serait possible de réaliser des gainsénergétiques de l’ordre de 15 %. D’autres mesurespermettraient d’économiser de l’énergie finale,comme par exemple l’intensification du procédéet l’intégration du procédé, et l’usage accru de lacogénération, étayées de l’optimisation du cyclede vie par le recyclage et la récupération énergé-tique à partir de déchets plastiques après con-sommation. Il reste cependant de grossesbarrières qui limitent l’exploitation de ce poten-tiel théorique. Pour réaliser de plus amples ré-ductions de CO2 dans ce secteur, il estindispensable de développer tout un éventail denouvelles technologies.

Pâte et papierIl existe dans de nombreux pays un potentiel im-portant de gain d’efficacité énergétique et de ré-duction des émissions de CO2 dans ce secteur.Une transition aux MTD actuelles permettraitd’économiser 25 % de l’énergie consommée au-jourd’hui. La réduction d’émissions dans ce

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secteur nécessitera de plus amples améliorationsdans les domaines de l’efficacité, du changementde combustibles en faveur de la biomasse et durecours accru à la cogénération. Pour réaliserd’importantes réductions d’émissions, il faudraégalement employer de nouvelles technologies,comme par exemple la gazéification de la lessivenoire, l’élimination de lignine, la gazéification dela biomasse et le CCS.

AluminiumLa majeure partie des consommations énergé-tiques de l’industrie de l’aluminium se présentesous la forme d’électricité utilisée pour la fonte del’aluminium. L’impact de l’application de MTDest limité, présentant un potentiel de réductionénergétique de l’ordre de 12 % par rapport auxniveaux actuels. D’importantes options peuventêtre retenues, notamment en termes de limitationdes pertes calorifiques dans les raffineries,d’amélioration des commandes des procédés etde réduction des pertes calorifiques et de con-sommation d’électricité dans les alumineries. Along terme, la solution unique la plus efficacepour réduire les émissions de CO2 à long termeconsisterait à consommer de l’électricité “carbonezéro” dans les alumineries.

***Si toutes les régions se mettaient à réduire sen-

siblement leur intensité CO2, il ne serait possible deréduire que de 21 % les émissions de l’industriemondiale en 2050 par rapport aux niveaux d’au-jourd’hui (l’industrie contribuant ainsi à réduire demoitié les émissions mondiales). Si l’on opte pourl’immobilisme, sans changement de politique, ilfaut s’attendre à ce que les émissions continuentd’augmenter dans toutes les régions jusqu’en 2050.En Chine, les émissions continueront de s’intensi-fier au cours des 20 années à venir, pour ensuite semettre à n’augmenter que modérément, dès lorsqu’après 2030, la consommation des produits lesplus intensifs en CO2, comme le ciment, l’acier et lefer, commencera à se stabiliser. Etant donné que laconsommation intérieure alimente la demande,c’est en Inde que les émissions industrielles de CO2augmenteront le plus. Dans d’autres pays endéveloppement en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, les niveaux actuels de développement in-dustriel sont très nettement inférieurs, et ons’attend à ce que ce soit là que la production indus-trielle augmentera le plus rapidement. Ces trois ré-gions seront responsables de 24 % du total desémissions industrielles du monde d’ici 2050, dé-passant de loin le total des émissions de l’indus-trie de l’OCDE. Si l’industrie mondiale estdécidée à réduire très nettement ses émissions, ilfaudra déployer des efforts importants dans cesrégions pour réduire l’intensité de CO2 de la pro-duction industrielle, et elles auront besoin d’ap-pui en termes de transfert et de déploiementtechnologiques.

Il ne sera pas simple d’engager les change-ments nécessaires pour réduire les émissions ausein de l’industrie. Il faudra un changement rad-ical de mise en œuvre des politiques de la part desgouvernements et l’industrie devra quant à elleengager des investissements sans précédent dansles meilleures pratiques et les nouvelles tech-nologies. Il sera également vital d’obtenir la par-

ticipation des pays en développement et de leursindustries pour opérer cette transition, puisquela majeure partie de la croissance future de la pro-duction industrielle, et donc des émissions deCO2, se produira dans les pays en-dehors de larégion de l’OCDE.

Compte tenu de toutes ces considérations, unsystème mondial d’échange de quotas d’émis-sions pourrait bien s’avérer un instrument depolitique crucial pour promouvoir la réductionde CO2 dans l’industrie. Il est toutefois peu prob-able qu’un marché carbone émerge immédiate-ment sur le plan mondial et donc, à court etmoyen termes, une première mesure pratiquepourrait consister à conclure des accords interna-tionaux couvrant les principaux secteurs à forteintensité énergétique, en vue de stimuler le dé-ploiement de nouvelles technologies tout en s’at-taquant aux inquiétudes en matière decompétitivité et de fuites de carbone. En atten-dant, il sera nécessaire d’appliquer les politiquesnationales d’efficacité énergétique et de CO2, avecdes normes, incitations et réformes réglemen-taires à la clé (notamment l’élimination de sub-ventions aux prix énergétiques), qui visent dessecteurs spécifiques ou des barrières données.Pour généraliser le déploiement de certaines tech-nologies nouvelles, il pourra aussi être importantd’en obtenir l’acceptation par le public.

Pour venir étayer les politiques d’innovationsuite à la demande du marché (« market-pull »), denombreuses technologies nouvelles aurontbesoin de l’appui des gouvernements pendantleurs phases de recherche, développement et dé-monstration (RD&D) avant qu’elles ne deviennentcommercialement viables. Il existe un besoincriant d’accélération majeure des activités deRD&D dans des technologies révolutionnaires,potentiellement capables de transformer la con-sommation énergétique industrielle ou de réduireles émissions de gaz à effet de serre. Il sera toutparticulièrement important d’accorder du soutienaux projets de démonstration. Pour cela, il faudrafaire preuve d’une collaboration internationaleaccrue et incorporer des mécanismes destinés àfaciliter le transfert et le déploiement de tech-nologies à faible émissions de carbone dans lespays en développement.

Plusieurs associations industrielles régionaleset internationales se penchent d’ores et déjà sur lafaçon dont leurs membres pourraient relever ledéfi posé par le changement climatique. Je salueces efforts et affirme une fois encore que l’Agenceinternationale de l’énergie (AIE) cherche à y con-tribuer. C’est ainsi que le G8 a demandé à l’AIEd’élaborer des feuilles de route pour les technolo-gies les plus importantes à faible émission de car-bone. Dans le cadre de ces activités, nous venonsd’élaborer une feuille de route du ciment, en col-laboration avec l’initiative ciment pour ledéveloppement durable, engagée par le WorldBusiness Council for Sustainable Development.Nous serions tout à fait disposés à faire de mêmeavec d’autres secteurs, afin de contribuer à mon-trer la voie vers la prochaine révolution indus-trielle. La croissance de la production industrielledoit impérativement se développer de manièredurable. Les pays et l’industrie devraient faire dela croissance écologique leur priorité. n

« L’industrie et lesgouvernements vontdevoir se mettre àtravailler ensemble pourrechercher, développer,démontrer et déployer lesnouvelles technologiesprometteuses qui ont déjàété identifiées »

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L’ÉNERGIE

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L’accès énergétique est largementconsidéré comme étant le maillon « manquant » des objectifs du Millénairepour le développement. Or c’est bien luiqui apportera aux populations du mondeentier la possibilité de se défaire du piègede la pauvreté. KANDEH K. YUMKELLAet LEENA SRIVASTAVA affirment que lemoment est venu de faire de l’accès àl’énergie une priorité afin de promouvoirle développement économique.

POUR TOUS

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Une proportion considérable de l’humanité, qui se chiffre enplusieurs milliards de personnes, vit sans accès à des servicesénergétiques modernes. On entend par là les services fonda-mentaux que la plupart d’entre nous considérons comme allantde soi, comme l’éclairage, du combustible pour se chauffer etcuisiner et l’énergie mécanique. Malgré les efforts de très nom-breux individus engagés, qui travaillent à d’excellents pro-grammes, 1,5 milliard de personnes n’ont toujours pas accès àl’électricité, près de 2,5 milliards de personnes ont recours à labiomasse traditionnelle comme principale source d’énergie : ilest clair que cette situation n’est pas tenable. Il est largement ac-cepté que ce manque d’accès à des services énergétiques abor-dables et fiables constitue une entrave fondamentale audéveloppement humain, social et économique, et représenteun obstacle majeur à réaliser les objectifs du Millénaire pour ledéveloppement (OMD). Cette question illustre également bientoute l’iniquité profonde qui existe entre les riches et les pau-

vres. Grosso modo, les trois-quarts les plus pauvres de la pop-ulation mondiale n’utilisent que 10 % de l’énergie mondiale.Les pays riches se donnent pour but un approvisionnementénergétique qui soit sûr, acceptable sur le plan environnemen-tal et abordable, mais qu’en est-il des milliards de personnesqui n’y ont pas accès ?

Cette question n’a rien d’abstrait en ce qui nous concerne.Nous en avons tous deux été les témoins directs dans nos pro-pres pays : la Sierra Leone et l’Inde. Il existe bien quelques rareshistoires à succès : des pays comme la Chine par exemple onttrès nettement amélioré l’accès énergétique pour leurs popu-lations au cours de ces dernières décennies, mais dans toutel’Afrique subsaharienne, et dans certaines parties de l’Asie, lesgens vivent en étant dépourvus des services énergétiques debase. On s’attend à ce que la demande en énergie dans ces ré-gions augmente considérablement, avec l’accroissement dé-mographique et les améliorations des niveaux de vie, ce qui ne

Bamako, Mali : Cours dusoir d’alphabétisationpour adultes, éclairé parune ampoule alimentéepar une batterie devoiture.

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va que s’ajouter à l’échelle des défis à relever. Il est tout à faitétonnant de penser que si rien ne change au cours desprochaines décennies, le nombre total de personnes n’ayantpas accès à des services énergétiques modernes ne va pasbaisser. Les efforts engagés actuellement sont insuffisants, tanten termes d’échelle que d’envergure, et il n’y a pas le moindredoute qu’essayer de s’attaquer à ce problème en utilisant lesmêmes moyens que par le passé ne résoudra rien.

L’énergie pour le développementLes services énergétiques influent directement sur la produc-tivité, la santé, l’éducation, l’eau salubre et les services de com-munication. Par conséquent, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ilexiste une étroite corrélation entre l’accès énergétique et les in-dices de développement socioéconomique (comme l’indice dudéveloppement humain, l’espérance de vie à la naissance, letaux de mortalité infantile, le taux de mortalité maternelle et lePIB par habitant).

Cela fait des décennies maintenant que le système des Na-tions Unies travaille aux questions de l’accès énergétique. En2005, ONU-Energie, le mécanisme interorganisations chargé dela coordination des questions énergétiques, s’est penché sur lelien qui existe entre l’énergie et les OMD, et nous rappelle que : lLes services énergétiques, comme l’éclairage, le chauffage, lacuisson, l’énergie motrice, l’énergie mécanique, les transportset les télécommunications sont chacun autant de facteurs es-sentiels au développement socioéconomique, par les avantagessociaux qu’ils engendrent, et sont créateurs de revenus et d’em-plois.l Les réformes du secteur énergétique devraient protéger lespauvres, tout particulièrement les 1,1 milliard de personnes quivivent avec moins de 1 dollars É.U. par jour, et devraient tenircompte des inégalités entre les sexes, en reconnaissant que lamajorité des pauvres sont des femmes.

En 2007, le PNUD a passé en revue un grand nombre derapports OMD nationaux en vue d’évaluer dans quelle mesureles questions énergétiques y figurent. Les résultats ont révéléla nécessité d’adopter une approche plus cohérente et orien-tée sur l’énergie lors du processus d’examen des OMD de2010. Par exemple :lPrès d’un quart des rapports couvraient amplement les ques-tions énergétiques, avec notamment une analyse plus nuancéede la situation énergétique du pays, mais un tiers seulement‰

« Les orientations politiqueset de développement doivents’intéresser davantage àl’accès énergétique pour enfaire une priorité centrale »

KANDEH K. YUMKELLA est leDirecteur général de l’Organisationdes Nations Unies pour ledéveloppement industriel. Depuisaoût 2007, il occupe le poste dePrésident d’ONU-Energie,mécanisme interorganisationschargé de la coordination des questions liées àl’énergie au sein du système des Nations Unies. Il estégalement Président du Groupe consultatif surl’énergie et les changements climatiques duSecrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, groupecomposé de chefs d’entreprise et d’experts.

LEENA SRIVASTAVA est Directeurexécutif de l’Energy and ResoucesInstitute (TERI), institut derecherche indépendant à but non-lucratif, basé à New Delhi, etopérant dans les domaines del’énergie, de l’environnement et du

développement durable. Elle était l’auteur principaldu Troisième rapport d’évaluation du Groupeintergouvernemental sur le changement climatique.

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des rapports ne comportaient qu’une quantité modéréed’informations sur l’énergie (c’est-à-dire un paragraphe ouplus, offrant quelques statistiques ou des données de référencesur l’énergie), et que l’énergie n’était que peu voire pas du toutabordée dans 42 % des rapports.l Les sujets énergétiques les plus populaires abordés étaientl’efficacité énergétique et la consommation énergétique commecontribuant à la pollution de l’air. Les rapports de paysd’Afrique s’attachaient cependant à discuter fréquemment del’énergie dans le contexte de l’utilisation de bois comme com-bustible et des questions de déforestation.

Les obstacles à l’accès énergétique sont bien connus. Ces bar-rières, quoique complexes, sont surmontables et la coopérationinternationale peut contribuer à ce processus. Toutefois, on nesaurait trop insister sur l’absence totale de barrières techniques :nous savons comment faire pour construire des installationsélectriques, nous savons comment concevoir de bons fourneaux,et nous savons comment nous y prendre pour répondre effi-cacement à la demande énergétique. Il reste maintenant à enfaire une priorité sur le plan politique. Les orientations poli-tiques et de développement doivent s’intéresser davantage à l’ac-cès énergétique pour en faire une priorité centrale.

Il est tout aussi important de bien comprendre que les com-munautés locales doivent être étroitement impliquées dans laplanification, le déploiement et la consommation en tant qu’u-tilisateurs finaux de ces services énergétiques. Les interventionsd’accès énergétique doivent être guidées par une prise de con-science des situations et des besoins uniques des communautés.

Obtenir l’appui des entreprisesLe gros des efforts engagés pour améliorer l’accès énergétiques’est, bien entendu, porté sur des régions d’Asie et d’Afriquesubsaharienne. On y compte des décennies d’expérience deprogrammes mal conçus ou mal mis en œuvre, parmi lesquelsquelques modèles probants ont cependant émergé, notammentdes efforts publics comme ceux déployés par les institutionsfinancières internationales et les agences de l’ONU, ainsi que lafourniture de financements et services s’y rapportant par desONG et des entreprises du secteur privé, comme la société in-dienne Solar Electric Light Company.

De nombreuses campagnes mondiales commencent égale-ment à s’attaquer à ce problème. Parmi elles, citons la cam-pagne « Lighting a Billion Lives », qui s’attache à apporter del’éclairage dans les vies d’un milliard de personnes des popu-lations rurales, en remplaçant les lampes à kérosène et à laparaffine par des lampes solaires. Cette campagne, lancée en

Figure 1: Pays pourvus d’objectifs d’accèsénergétique (PNUD, 2009)

Tous les pays en développement (nombre total de pays : 140)

Electricité 68Carburants modernes 16

Fourneaux améliorés 11Energie mécanique 5

Carburants modernes 12Fourneaux améliorés 7

Energie mécanique 5

Afrique subsaharienne (nombre total de pays : 45)

février 2008, illustre les possibilités de mobiliser le secteur del’industrie dans des actions sur le développement. Une quin-zaine de mois après l’inauguration de la campagne, aprèsqu’une centaine de villages de l’Inde entière y aient adhéré, degrandes entreprises ont enfin perçu les opportunités com-merciales qu’elle présentait. Des fabricants de composants etmonteurs du produit final (les lampes solaires) ont proposé des’associer à TERI (The Energy and Resources Institute) dans lecadre de cette initiative. Les principaux éléments moteurs de cepartenariat ont été : l La détermination de mettre en œuvre cette initiative et laconfiance qui en a découlé. l La perception d’un effort à petite échelle et dispersé contre-balancée par la promesse de gros volumes.lLes connaissances dérivées de modèles commerciaux spéci-fiques au contexte et en constante évolution (facturation à l’acte,les dépenses d’investissement évoluant progressivement pourpasser d’une subvention, à une prise partielle de participation,à un financement par des prêts et profiter d’autres programmesde développement) et de l’élargissement des partenaires (in-dustrie, donateurs, gouvernements, institutions financières,universités, médias, etc).l La création d’une base entrepreneuriale locale qui s’appuiesur cette initiative, mais douée d’une capacité d’évolution versdes activités de développement apparentées.

Parmi les autres campagnes de grande envergure en cours, citons : l Lighting Africa, initiative du Groupe de la Banque mondialedestinée à donner accès d’ici 2030 à 250 millions d’habitantsd’Afrique subsaharienne à des produits d’éclairage non baséssur des combustibles fossiles, des coûts bas, sûrs et fiables, avecles services d’énergie de base associés.l Energy Poverty Action, initiative commune du World Busi-ness Council for Sustainable Development, du World EnergyCouncil et du Forum économique mondial, destinée à fairepreuve d’approches évolutives, reproductibles, commerciale-ment viables et environnementalement durables de commer-

PMA (nombre total de pays : 50)

Electricité 25Carburants modernes 8Fourneaux améliorés 4

Energie mécanique 0

Electricité 35

Figure 2 : Besoins d’investissements jusqu’en 2030 (AIE, 2009)

Production supplémentaire

Investissements supplémentaires

Distribution

Transmission

Production

890 TWh

$803billion(2008)

Mini-réseau 27 %

Mini-réseau 27 %

Isolé hors réseau 4 %

Isolé horsréseau 11 %

Raccordé au réseau* 69 %

Réseau électrique urbain

Réseauélectrique rural

Raccordé auréseau 62 %*

* Couvre la production, la transmission et la distribution d’électricité aussibien pour les réseaux électriques urbains que ruraux

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cialisation de la fourniture énergétique moderne au niveau descommunautés.

Il faut qu’ils soient ancrés dans des politiques nationalespour que ces programmes et campagnes aient le plus d’effet.Tous ceux d’entre nous qui travaillons pour des organismes in-ternationaux devons apporter notre soutien aux plans et ob-jectifs nationaux et régionaux. Un article récent du PNUD arévélé que 68 pays en voie de développement ont des objectifsdans le domaine de l’électricité (Figure 1), mais pour pouvoir at-teindre leurs objectifs, ces pays vont avoir besoin de soutienfinancier, ils vont devoir développer leurs capacités et se doterde meilleures structures de réglementation et de gouvernance.

Questions d’argentLes implications financières d’un accès universel à l’énergiesont énormes et sont amplement décrites dans le World EnergyOutlook 2009, publié par l’Agence internationale de l’énergie(AIE). L’agence s’est penchée sur un scénario d’accès spécifiqueà l’énergie universelle (l’électricité) et les résultats ont révélé lanécessité de dépenser près de 800 milliards dollars É.U. aucours des 20 prochaines années (Figure 2). Ce chiffre corre-spond à peu près à 40 milliards dollars É.U. par an sur cettepériode, soit 10 % du total des investissements engagés dans lesecteur énergétique par an (d’après le dossier de référence del’AIE). C’est à peu près ce dont attestent les expériences duBrésil et d’Afrique du Sud, qui font part d’un besoin d’environ2 000 dollars É.U. par ménage. Bien que la majeure partie desinvestissements envisagés dans le scénario de l’AIE se consacreà des extensions de réseau et une production raccordée au

réseau électrique, les mini-réseaux (mais non pas les mini-fi-nancements !) n’en ont pas moins un rôle important à jouerpour desservir les populations rurales.

Globalement, les calculs actuels de macro-investissementsne parviennent pas à refléter toute la variété et la complexité desbesoins et environnements d’investissement. Par ailleurs, il estplus facile de calculer ce chiffre pour l’électricité que pour descombustibles modernes (où il existe davantage de problèmes decapacité de substitution, de problèmes culturels et entre lessexes, etc). Il est bon de répéter que ce problème nécessitera defaire appel à toute une combinaison de mécanismes financiersafin de répondre à un large éventail de risques réels et perçus.

Plus qu’un simple éclairageIl est primordial de ne pas oublier que le fait d’apporter desservices énergétiques fiables et sûrs aux populations qui en sontdémunies ne se résume pas à la simple fourniture d’éclairageélectrique ou de fourneaux améliorés. Pour promouvoir ledéveloppement et la croissance économiques, il est importantque ces services énergétiques se consacrent à des utilisationsproductives qui influent positivement sur les moyens de sub-sistance des populations, en apportant de l’électricité à l’in-dustrie, en améliorant les prestations sanitaires et l’éducationet en améliorant les transports. Par ailleurs, il ne suffira pas defournir une source d’électricité si les équipements et appareilsnécessaires ne sont pas déployés. Pour finir, l’accès à l’énergiedurable nécessitera un modèle qui génère des revenus locaux,capables de subvenir au coût de services énergétiques mod-ernes. L’électricité apporte non seulement de l’éclairage quipermet aux enfants d’étudier le soir, mais aussi un moyen de re-froidissement des produits agricoles périssables et une valeurajoutée accrue aux premiers stades de l’industrialisation.

L’expérience a prouvé à maintes reprises la non-viabilité surle long terme des programmes à base de subventions. L’objec-tif visé doit impérativement relever d’une réalité commerciale.Il n’empêche que beaucoup de marchés énergétiques sontfaussés et que les interventions politiques sont monnaiecourante. Ainsi par exemple, en Inde, certains Etats fournissentgratuitement de l’électricité aux agriculteurs. Cela s’est traduitpar d’énormes déficits gouvernementaux, des gâchis desressources de la nappe phréatique pourtant rares affectées àdes systèmes d’irrigation inefficaces et l’absence de finance-ment visant à une électrification renforcée, une modernisationdes centrales électriques et l’amélioration des réseaux de trans-mission et d’électricité ailleurs. Il n’y a pas de doute que lessubventions énergétiques ne constituent pas un moyen optimalde résoudre les problèmes d’accès.

Il est clair que l’accès à l’énergie est loin de se résumer à unesimple question de quantité. La qualité prime avant tout. Il enva tant pour l’électricité que pour les carburants. Ainsi, un serv-ice électrique très coûteux et peu fiable entrave les activitéséconomiques de bon nombre de pays et constitue un obstaclesérieux à la bonne marche et à la croissance des entreprises.Les indicateurs de la Banque mondiale (Figure 3) illustrentl’ampleur du problème en termes de délais de raccordement,de coupures d’électricité, de valeur de la perte de la productionet de la nécessité de production d’électricité sur place.

Des coûts élevés de transaction et d’investissement unitairelimitent l’approvisionnement dans les campagnes en raison dela faiblesse de la demande de la part de populations dispersées.Des services publiques qui sont faibles sur le plan commercialet financier ne sont pas en mesure d’engendrer l’expansion del’accès du réseau, or ils occupent des positions de monopolesdans de nombreux pays. L’Afrique du Sud en est un parfait ex-emple, où les très faibles prix de l’électricité se sont traduitspar des insuffisances d’investissement, qui à leur tour entraî-nent de fréquentes coupures d’électricité. Au lieu de réguler lesprix, les gouvernements devraient plutôt s’attacher à dévelop-per les infrastructures, encourager la libéralisation du ‰

Figure 3 : Impacts d’une infrastructure non fiable(Banque mondiale, 2007)

Problème de service : Electricité

Retard d’obtention au raccordement électrique (jours)

Afrique subsaharienne 79,9 jours

Pays en développement 27,5 jours

6,1 % 4,4 %

Coupures d’électricité (jours par an)

Valeur de la perte de production imputable à descoupures d’électricité (pourcentage du chiffre d’affaires)

Entreprises maintenant leurs propres équipementsde production d’électricité (pourcentage du total)

Afrique subsaharienne 90,9 jours

Afrique subsaharienne

Pays en développement 28,7 jours

Pays en développement

47,5% 31,8%Afrique subsaharienne Pays en développement

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marché et générer un climat d’investissements viable sur lelong terme. Plutôt que de subventionner les prix pour tous, ilserait préférable d’aider les plus pauvres de la société dépourvusd’accès énergétique en développant les capacités, l’accès à latechnologie et par des investissements directs.

Le climat est en train de changerLe quatrième (et le plus récent, de 2007) rapport d’évaluation duGroupe intergouvernemental sur le changement climatique(IPPC) a souligné le lien indiscutable qui existe entre change-ment climatique et développement durable. Il a également re-connu le fait que le changement climatique pourrait devenirune entrave à la réalisation des Objectifs du millénaire pour ledéveloppement (OMD). Il a toutefois omis de boucler la boucleen s’abstenant de reconnaître explicitement le lien qui existeavec l’accès à l’énergie. Cette omission s’explique par le fait quel’énergie (et son accès) a été largement reconnue comme étantl’OMD sous-jacent, ou l’OMD « manquant ».

Ainsi donc, pour s’attaquer aux besoins du monde enmatière de développement durable et de changement clima-tique, la clé serait donc peut-être bien :(i) de fixer un objectif quantitatif d’accès à l’énergie, et (ii) d’étudier les possibilités permettant de corréler plus étroite-ment le défi d’assurer la fourniture énergétique à la nécessité detrouver des voies de développement d’énergie propre pour l’avenir.

Un objectif acceptable en termes d’accès énergétique de-vrait-il défendre des principes d’équité, ou se contenter de faireface aux besoins de survie des pauvres ? Si la finalité d’accorderla priorité à l’accès énergétique est de mobiliser des fonds dedéveloppement, alors l’argumentation de l’équité n’aurait paslieu d’être. D’un autre côté, fixer un objectif qui s’attache à as-surer l’accès énergétique à un niveau qui ne permet pas de créerdes opportunités pour se sortir du piège de la pauvreté ne seraitpas non plus acceptable. Par conséquent, il faudrait au mini-mum estimer les besoins énergétiques à satisfaire pour réaliserles OMD. Quelle que soit la cible finale, l’établissement d’ob-jectifs pourrait avoir comme première fonction de planifier lesinvestissements et de déterminer la source des fonds dedéveloppement. Or dans la réalité, l’approche la plus ra-tionnelle à adopter pourrait consister à garantir l’accèsphysique aux services énergétiques, à des niveaux de prix quirendraient les services abordables.

Cela fait si longtemps que le fossé se creuse entre riches etpauvres, ville et campagne, entre développé et en voie dedéveloppement, que le moment est venu d’essayer consciem-ment d’évaluer les coûts et les avantages de combler les écartstechnologiques qui séparent ces catégories dans l’intérêtcommun d’une efficacité mondiale et de protection du climat.Il y a toutefois à craindre que la communauté mondiale ne seconcentre principalement sur les actuels consommateurs d’én-ergie fossile et émetteurs de gaz à effet de serre. Tous ceux quine font pas partie du problème immédiat risquent bien d’êtreles oubliés des solutions émergentes. Garantir l’accès à une én-ergie durable à faibles émissions de carbone n’est pas simple-ment un moyen d’éviter que près de la moitié de la populationmondiale ne soit piégée pour l’avenir dans des voies d’émis-sions dont elles ne pourraient plus se défaire. C’est aussi unfacteur primordial pour développer les capacités d’adaptationparmi les populations les plus vulnérables par le soutien quecet accès apporte à tous les OMD. Si les efforts de réductiondes gaz à effet de serre ne constituent pas un argument suffisantpour attirer l’attention nécessaire sur le défi de l’accès à l’én-ergie, alors les négociations climatiques doivent impérative-ment reconnaître le rôle primordial que remplit l’accès àl’énergie en termes d’efforts d’adaptation. Dans l’idéal, au vudes retombées positives en chaîne que génère l’accès à une én-ergie durable, il serait indispensable de réserver des fonds pours’attaquer à cette problématique majeure qui concerne les paysen développement.

La silhouetted’une mosquéese détache àproximité delignes électriquesqui ont étédétournées pourvoler del’électricité. NewDelhi, Inde.

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Nouvelle orientationL’ONUDI organise avec ses partenaires une grande conférencesur l’énergie une fois tous les deux ans. La dernière en date, quia eu lieu en Autriche en 2009, donnait priorité à l’accès énergé-tique et les participants y ont identifié les besoins suivants :lAccorder à la question de l’accès énergétique une reconnais-sance et une priorité sur le plan mondial.l Etablir un cadre international solide qui précise clairementun objectif d’accès énergétique.lRédiger une feuille de route de mise en œuvre détaillée, avecobjectifs et jalons intermédiaires. lCréer un mécanisme de développement des capacités à l’in-térieur du pays et entre les secteurs politiques, gouvernemen-taux, technologiques, financiers et opérationnels.lCréer un mécanisme de renforcement des investissements etdes financements vers un accès universel.

Ces recommandations demandent à être peaufinées et,comme l’écrit l’expert ghanéen en matière d’énergie AbeekuBrew-Hammond, il en ressort plusieurs domaines d’action clés :l Mobiliser les ressources financières nationales et faire unmeilleur usage des apports externes.l Insister sur des usages productifs et des objectifs rémunéra-teurs.l S’appuyer sur l’éventail complet de ressources et technolo-gies disponibles.l Augmenter le nombre d’acteurs et développer des institu-tions efficaces.l Elaborer des politiques innovantes.lRéaliser la mise en œuvre par l’application de moyens solidesde surveillance et de vérification.

Comme en a conclu le Forum des Ministres de l’énergie enAfrique en 2007 en parlant des défis qui existent au niveau ré-gional : « Pour inverser la tendance de la performance dusecteur énergétique, trois principaux défis sont à relever : rem-placer les listes de vœux de projets existants par des projetsaptes à bénéficier de concours bancaire, établir des politiquesréglementaires capables d’améliorer l’attractivité des pays entermes d’investissements, et enfin créer des institutions dotéesde rôles clairs et des ressources appropriées ». Afin de concré-tiser une ou plusieurs de ces ambitions, il pourrait être béné-fique de concevoir et de tester un nouvel indicateur de l’accèsà l’énergie : ce travail ne fait que commencer.

Pour finir, il est urgent de s’intéresser à l’application desbons modèles commerciaux, au développement de moyens deprise de décision et de mise en œuvre et à la création d’unepolitique de soutien/de cadres réglementaires qui veillent à ceque des avancées par bonds technologiques et le reposition-nement institutionnel se produisent à une allure rapide. Dansles pays en développement, les secteurs de l’information et destélécommunications ont connu une explosion de la demandequ’ils n’avaient pas anticipée, témoignant d’une progressionpar bonds technologiques où l’absence d’accès a été remplacéepar une offre de communications à la pointe de la technologie.Il est tout à fait possible qu’il en aille de même pour les sys-tèmes énergétiques modernes. Nous sommes convaincus denotre capacité à y parvenir, tout en confortant parallèlement denouvelles économies solides et écologiques ; s’abstenir de lefaire est tout simplement hors de question. A l’instar de la pau-vreté, l’ampleur du problème est si colossale qu’elle en paraî-trait presque insurmontable. Or l’accès à l’énergie pourrait enfait être la meilleure méthode de s’attaquer au problème à courtterme. Son importance est amplement reconnue. Il nous restemaintenant à nous appuyer sur cette prise de conscience com-mune pour étayer les modèles efficaces qui existent et créer denouveaux moyens de débloquer de nouvelles opportunités. n

Les auteurs souhaiteraient remercier le soutien que leur a apportéMorgan Bazilian, conseiller énergétique à l’ONUDI, pour la rédactionde cet article.

« Pour promouvoir ledéveloppement et la croissanceéconomiques, il est important queces services énergétiques seconsacrent à des utilisationsproductives qui influentpositivement sur les moyens desubsistance des populations, enapportant de l’électricité àl’industrie, en améliorant lesprestations sanitaires et l’éducationet en améliorant les transports »

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Dipal Barua caresse une vision. Il voit sa patriedevenir l’une des premières « nations solaires »au monde. Il est convaincu que l’énergie solaireet les autres énergies renouvelables sont capa-bles de transformer la vie des 75 millions deBangladais qui n’ont pas accès à l’électricité.Pour parvenir à cette transformation, il veutformer 100 000 femmes entrepreneurs à créerleurs propres entreprises d’énergies renouve-lables d’ici l’année 2015. Si Dipal Barua arrive àses fins, le Bangladesh va, dit-il, « devenir lemodèle à émuler pour les 1,6 milliard d’habi-tants du monde entier qui souffrent de précar-ité énergétique ».

Pour concrétiser cette vision, Barua, cethomme âgé de 55 ans, a récemment fondé la fon-dation Bright Green Energy Foundation. Il s’agitlà de la toute dernière étape d’une illustre car-rière consacrée à apporter le développementdurable aux populations rurales du Bangladesh.Barua a été l’un des membres fondateurs de laGrameen Bank, lauréate du prix Nobel de la paix,cette banque de développement de la microfi-nance et des communautés qui a été lancée dansson village natal de Jobra en 1976.

« J’ai consacré la majeure partie de ma vie àrechercher des solutions viables et commercial-isables aux problèmes socioéconomiques aux-quels les populations rurales sont confrontées »,a déclaré Barua. « J’en suis venu à me rendrecompte que l’absence d’accès à des sources d’én-ergie efficaces constituait l’un des principaux ob-stacles à leur développement. Plus de 70 % despopulations rurales de mon pays doivent s’enremettre à des sources d’énergie primitives. Celaa pour effet de restreindre leurs opportunitéséconomiques et de nuire à leur santé ».

En 1996, Barua a fondé Grameen Shakti, or-ganisme à but non-lucratif dont la mission est depromouvoir, développer et fournir de l’énergierenouvelable.

En qualité de directeur général, Barua a bâtiGrameen Shakti pour en faire l’une des plusgrandes entreprises d’énergie renouvelable aumonde, à la croissance des plus rapides. Les pre-mières tentatives de commercialiser les systèmessolaires photovoltaïques pour particuliers à desconditions abordables ont pourtant dû se heurterà de nombreux obstacles, comme il se le rappelle.

« Il n’existait aucun environnement facilitateurpour permettre la propagation des technologiesà base d’énergies renouvelables dans les cam-pagnes. Elles étaient méconnues, leurs coûts enétaient élevés, les connaissances techniques man-quaient et l’infrastructure était inexistante ».

« Il nous a fallu y sensibiliser les populationsrurales et gagner leur confiance. Nous avonsformé nos ingénieurs à devenir des “ingénieurssociaux”, chargés de faire du porte-à-porte pourdémontrer l’efficacité des énergies renouvelables.Nous avons formé des jeunes sur place pour de-

venir des techniciens, et veiller ainsi à ce que lesgens bénéficient d’un service d’après-ventes effi-cace et gratuit sur le pas de leur porte ».

Dans un pays où près de 40 % de la popula-tion vit avec moins de 1,25 dollars É.U. par jour, lecoût d’une installation solaire à usage domes-tique même la plus élémentaire, de 15 000 takasbangladais (217 dollars É.U.), était prohibitif pourbon nombre de ménages ruraux. Barua se rap-pelle essayer de convaincre des clients potentielsd’investir dans des installations électriques so-laires. « Je disais aux gens que pour le coût dekérosène qu’ils dépensaient à éclairer leursmaisons, ils pouvaient s’acheter une petite in-stallation solaire qui durerait 20 ans ou plus. »

Grameen Shakti a reçu un formidable coupde fouet en 2002 lorsque la Banque mondiale etle Fonds pour l’environnement mondial ont ac-cordé à l’organisation des prêts à faibles intérêtspour aider à l’accroissement d’échelle de sa four-

niture d’accords de micro-finance. Parmi les op-tions proposées d’achat d’une installation solaireà usage domestique selon des conditions priv-ilégiées, la plus populaire s’est avérée celle quiconsiste en un acompte de 15 % et des mensual-ités de remboursement pendant 3 ans.

Fin 2009, plus de 300 000 installations so-laires à usage domestique ont été installées,apportant de l’électricité à plus de 2 millionsde personnes.

« L’installation solaire à usage domestiquejoue un rôle très efficace à apporter de l’électricité“écologique” aux ménages ruraux. Un meilleuréclairage facilite l’éducation et aide les femmes àtravailler et cuisiner », a précisé Barua. « Il permetaussi aux femmes de participer à des activités ré-munératrices une fois la nuit tombée. »

Et comme Barua le fait remarquer, les con-séquences sur les revenus ne se limitent pasqu’aux ménages. « Les magasins et petites entre-prises ont eux aussi installé des installations so-laires pour pouvoir rester ouverts après lecoucher du soleil ».

Ces dernières années, l’entreprise GrameenShakti s’est diversifiée, en lançant un programmede biogaz pour fournir du gaz de cuisson, del’électricité, et des engrais organiques. Ils ontaussi lancé un programme de fourneau améliorépour réduire la pollution de l’air dans les espacesclos et la quantité de bois nécessaire commecombustible. Fin 2009, plus de 7 000 petites in-stallations de biogaz, et 40 000 fourneauxaméliorés ont été installés.

L’un des principaux facteurs contribuant à laréussite de Grameen Shakti est dû à la décisiondélibérée d’impliquer les femmes aussi bien auniveau de l’adoption des énergies renouvelables,que de l’installation et de l’entretien des installa-tions énergétiques. Comme Barua le fait remar-quer, « Les femmes sont les principales victimesde la crise énergétique. Ce sont elles qui souffrentle plus de la pollution de l’air en milieu fermé,des corvées ménagères et d’un manque de temps,pris par des activités pénibles telles que d’allerchercher du bois et de cuisiner. Nous pensonsqu’il faut tout faire pour que les femmes cessentd’être des victimes passives et deviennent desforces actives du changement dans leur vie et ausein des communautés où elles vivent ».

DIPAL BARUA met en œuvre des solutionsbasées sur les énergies renouvelables quipermettent d’autonomiser les femmes, de créerdes emplois, de faciliter le développement ruralet de protéger l’environnement.

LeBangladesh transformé parles femmes entrepreneurs

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Dans plus de 40 centres technologiques im-plantés en zone rurale et gérés principalement pardes femmes ingénieurs, les femmes suivent unstage initial de 15 jours pour apprendre à monterdes contrôleurs de charge et des chargeurs de télé-phone mobile, et pour installer et assurer la main-tenance de leurs installations solaires à usagedomestique. Si elles continuent leur formation,elles seront capables d’assurer la réparation dessystèmes. Le programme a ainsi permis de formerplus d’un millier de femmes techniciennes et ellesont joué un rôle décisif dans l’adoption rapide desinstallations solaires électriques.

Pour Barua, la réussite du programme defemmes techniciennes constitue l’une de ses réal-isations dont il est le plus satisfait. « Au début dece programme, nous n’étions pas sûrs de pouvoirattirer suffisamment de femmes de la campagne,ou si elles seraient capables de travailler demanière indépendante. Mais nous avons formé

plus d’un millier de femmes qui ont grandi enconfiance et ont désormais la possibilité degagner un revenu de près de 150 dollars É.U. parmois. Ces jeunes femmes, issues pour la plupartdes sociétés les plus conservatrices, peuventmaintenant voir d’autres horizons et opérer in-dépendamment en qualité de techniciens : c’é-tait quelque chose d’inimaginable il y a encorequelques années de cela. »

En 2009, Dipal Barua a remporté le ZayedFuture Energy Prize du Gouvernement d’AbuDhabi, en reconnaissance de son travail afin d’ap-porter les technologies d’énergies renouvelablesaux populations rurales. Une partie du prix seprésentait sous forme d’une récompense de 1,5million d’US$, et Barua s’est servi de cet argentpour fonder la Bright Green Energy Foundation.

Il envisage de s’appuyer sur la réussite deGrameen Shakti et veut former 100 000 femmes,pour qu’elles puissent créer leurs propres entre-

prises d’énergie renouvelable. « Mon but est d’ap-porter aux femmes l’assistance technique et fi-nancière pour qu’elles deviennent desentrepreneurs “écologiques” ».

Barua affirme que la Fondation permettra d’a-vancer les technologies d’énergies renouvelablesvers leur prochain niveau de développement. « Nous envisageons un avenir où chaque ménageet chaque entreprise du Bangladesh auront accèsà une énergie respectueuse de l’environnementqui ne pollue pas, et à un coût abordable. »

« Si je réussis », en conclut-il, « le Bangladeshdeviendra le pays des technologies des énergiesrenouvelables, comme il est aujourd’hui le paysdu micro-crédit : une source d’inspiration pourtous. Ce serait alors une démonstration extrême-ment positive de ce que les énergies renouve-lables peuvent faire pour les personnesdésavantagées du monde entier ».l Interview de Charles Arthur, ONUDI

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Ci-contre : Des femmesbangladaises en traind'apprendre à monter etinstaller des installationsélectriques solaires.

Photo principale :Entrepreneur solaire enaction

Photos offertes par AshdenAwards.

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Regardez cette image satellite de notre mondevu la nuit. D’énormes tentacules de lumièrepartent des villes pour se propager dansl’ensemble des régions les plus riches du monde,créant des zones d’activité économique fébrile.Tant bien même que les pays ne sont pas délim-ités par des codes couleur comme sur les cartespolitiques traditionnelles des murs de classe,cette image satellite bicolore nous en dit longsur l’accès : l’accès aux soins de santé, l’accès àl’argent, l’accès à l’information et, plus partic-ulièrement, l’accès à l’énergie.

Globalement, les zones de lumière corre-spondent aux poches de prospérité, fondées surune croissance économique à forte intensitéénergétique. Les trois plus gros blocséconomiques au monde : l’Europe occidentale,les Etats-Unis et le Japon, sont de loin pluslumineux que leurs voisins en termes d’unifor-mité et d’intensité, et la corrélation est directe,puisque ce sont dans ces régions que l’onretrouve les plus fortes espérances de vie. Le grosde l’Afrique et de l’Asie centrale reste enfoui sousla pénombre. Le contraste qui sépare unerépublique de Corée lumineuse de sa voisine dunord, le long du 58e parallèle, reflète on ne peutplus clairement les disparités de richesse etd’opportunités qui existent entre les deux pays.

Dans le même temps, l’industrialisation s’estaccompagnée de très lourds coûts environ-nementaux, notamment en termes de carbone.L’impact d’une production énergétique d’orig-ine carbonique ne se limite cependant pas qu’auchangement climatique mondial. Il ne faudraitpas pour autant oublier les dégâts environ-nementaux localisés causés par la productiond’électricité à base de carbone, comme par exem-ple la pollution de la nappe phréatique et du sol,ou les déplacements de population, ou encoreles préjudices sanitaires provoqués par desconcentrations de particules dans l’air ambiantdans les centres industriels.

C’est là que se trouve tout le challenge denotre génération. Des milliards de voix dumonde entier demandent à avoir un meilleuraccès à l’énergie, alors que bien d’autres insistentsagement que nous devrions respecter notreenvironnement naturel unique et si fragile. Cesdeux objectifs sont parfaitement légitimes à partentière, et aucun des deux ne devrait l’emportersur l’autre.

Les défis environnementaux étaient lesmêmes en Chine, où Suntech Power a vu le jouril y a plus de 10 ans de cela. Tandis que la crois-sance économique foudroyante de la Chinereprésente l’une des grandes réalisationshumanitaires de l’histoire, en permettant à desmillions de personnes de s’extraire de lapauvreté, elle s’est également accompagnée dedéfis environnementaux. Après avoir reçu mondoctorat à l’université de New South Wales(UNSW) en Australie, je suis retourné dans maville natale de Yangzhong, une île qui se nichedans le creux du Yangtze, pour y trouver les terresde ma jeunesse souffrant des effets secondairesenvironnementaux de l’industrialisation.

Le gouvernement de Wuxi, dans la provincede Jiangsu, était désireux de faire œuvre de

Le DR. ZHENGRONG SHI est lefondateur et CEO de SuntechPower, leader mondial dans lessolutions innovantes à based’énergie solaire

Partout sous le

soleil

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pionnier pour créer des solutions qui encour-ageraient une croissance économique équitablesans pour autant ravager notre planète et sesressources. C’est ainsi qu’avec un soutien de 6 millions dollars É.U. facilité par le gouverne-ment local et des entreprises locales, et avec l’ap-pui d’amis et collègues animés des mêmespréoccupations à UNSW, j’ai fondé SuntechPower. En réunissant des équipements neufs etd’occasion, et absolument convaincus de notrevision, nous avons réussi à développer unecentrale de production solaire d’une capacité de10 MW, ce qui à l’époque n’était pas rien.

Trois ans plus tard, en décembre 2005,surfant sur la vague provoquée par l’explosion dela demande mondiale de produits solaires,Suntech Power est devenue la première entre-prise privée implantée en Chine à être cotée à laBourse de New York. Notre croissancemétéorique a été rendue possible, non seule-ment avec le soutien d’amorçage que nous avonsreçu en Chine, mais aussi grâce aux incitationsgouvernementales venues de régions parmi les

caces. Par ailleurs, notre attachement àminimiser les coûts de production en employ-ant des procédés de production semi-automa-tiques et une technologie innovante nouspermet de garder notre promesse d’offrir desproduits de la meilleure qualité à des prixraisonnables.

Alors que dans plus en plus de pays, l’élec-tricité provenant de sources solaires atteint laparité avec les prix de vente (“grid parity”) dessources d’électricité d’origine carbonique, nousnous attendons à faire partie d’une révolutionénergétique qui viendra à l’appui de la crois-sance durable à long terme sur les marchés endéveloppement et développés du monde entier.

L’énergie solaire dispose d’une opportunitéunique dans les régions non développées et endéveloppement, surtout celles dotées de réseauxélectriques excessivement sollicités et/oulimités. Bien souvent, le prix de la pose de lignesélectriques jusque des villages isolés, des tours

plus riches au monde, notamment d’Allemagne,du Japon et de Californie, aux Etats-Unis. Lemouvement international en quête d’autressources d’énergie a pris de l’ampleur, alors queles gouvernements se sont mis à reconnaître lanécessité de diversifier leurs sources énergé-tiques en raison de la rareté des combustiblesfossiles et de l’augmentation des coûts de leurextraction, d’établir leur indépendance énergé-tique pour garantir la constance de l’alimenta-tion énergétique sur le long terme, et de trouverdes solutions pour atténuer le réchauffementclimatique attribuable aux activités humaines.

Dans ce contexte, notre capacité à soutenirune croissance de près de 100 % par an jusqu’en2008, à faire concurrence à des concurrents étab-lis et à devenir le plus gros producteur depanneaux solaires en silicone cristallin est prin-cipalement attribuable à notre engagement enmatière d’innovation et de qualité. Depuis notrecréation, nous avons progressivement bâti l’unedes équipes de recherche solaire les plus impor-tantes au monde, comptant plus de 350 profes-sionnels de R&D basés en Chine, en Australie, enAllemagne et au Japon. Par ailleurs, nous avonsentretenu des relations de collaboration avec lesplus grands instituts de recherche solaire,comme UNSW en Australie. C’est ce qui nous apermis d’être constamment à l’affût de nouvellestechnologies et de battre des records les unsaprès les autres au niveau de panneaux ultra-effi-

Una visión total de laTierra por la noche,preparada utilizandomás de 400 imágenes desatélites. Foto: NASA

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de communication, cliniques, écoles oupompes à eau est bien supérieur au prix de l’in-stallation de systèmes fonctionnant à l’énergiesolaire. Dans beaucoup de marchés, il coûteplus cher de mettre en route un générateurdiesel que d’installer un système à énergiesolaire propre et silencieux au rendementéquivalent. A l’avenir, la fourniture d’électricitése caractérisera non seulement par une produc-tion et une distribution centralisées, mais aussipar l’émergence de micro-réseaux indépen-dants, alimentés par des technologies fonction-nant aux énergies renouvelables.

Des débouchés commerciaux sont en trainde se faire jour pour les entreprises innovanteset entreprenantes en vue de faciliter l’adoptionde l’énergie solaire sur les marchés émergents.L’un des grands atouts supplémentaires de l’én-ergie solaire tient au fait qu’entre 60 et 70 % deses emplois sont générés sur le marché de l’util-isation finale. Ces emplois ont trait à la concep-

tion sur place de systèmes d’énergie solaire, à lafabrication de composants du système, à lagestion de projets et à l’installation de systèmes.En créant un accès fiable à la ressource énergé-tique la plus propre et la plus abondante aumonde, Suntech offre des opportunitéséconomiques et de développement proprespartout sous le soleil.

Les gens parlent souvent combien l’environ-nement de la planète est délicat et appartient àun “système non linéaire” : en d’autres mots, unminuscule changement ajouté à un minusculechangement pourrait entraîner sept change-ments majeurs. Il en va autant pour notre climatque pour le développement social. Par exemple,il faut des routes pour livrer des médicaments, ilfaut des médicaments pour rester en bonnesanté, il faut rester en bonne santé pourtravailler, et il faut travailler si l’on veut constru-ire des routes. Si on enlève le moindre maillonde cette chaîne de développement, le système

s’effondre dans son intégralité. C’est la raisonpour laquelle nous devons donner priorité auxsolutions qui éliminent à tout jamais les vari-ables de risque, en simplifiant l’équation pourles communautés qui s’efforcent de parvenir àun développement durable et à assurer laprospérité de leurs enfants.

Dans ce sens, les systèmes d’énergie solaireindépendants s’apparenteraient à des vaccinscontre les pannes de courant. Ils évitent ce genrede circonstances où vous devez absolumentappeler un médecin mais la batterie de votretéléphone est à plat, ou lorsque vous apprenez àvotre enfant à lire et le courant est coupé carvotre générateur est en panne de carburant, oulorsque vous devez ralentir votre chaîne deproduction, car le réseau n’est pas capable defaire face aux demandes d’électricité aux heuresde pointe. Les systèmes d’énergie solaire offrentdes décennies d’énergie propre et fiable, et sontconçus pour fonctionner sans problème par les

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Vue mondiale de la Terrela nuit, compilée à partirde 400 images satellite.Photo: NASA

A gauche : Carte durayonnement solaire de laTerre montrant lestempératures moyennes

en avril 2003. Cetteimage a été créée par unsondeur infrarougeatmosphérique (AIRS), àune longueur d’ondeinfrarouge qui capte soitla surface de la Terre soittout nuage entre lesdeux. Photo: NASA/JPL

Ci-dessous : Installationd’un Solar HomeSystem au Tibet. Photo:Suntech Power

conditions météorologiques et environnemen-tales les plus extrêmes. Ils n’ont pas besoin d’êtreréapprovisionnés ou entretenus, et ils fonction-neront tant que le soleil brillera.

Pour mieux servir les marchés de petite tailleet autoproducteurs, Suntech Power a lancérécemment un nouveau produit appelé le SolarHome System, un produit complet “bas degamme” qui assure une production fiable d’élec-tricité solaire. Chaque système solaire comporteun module solaire (produisant entre 20 Wp et120 Wp), un dispositif de stockage et de contrôled’énergie, ainsi qu’une prise électrique encourant alternatif et des ampoules économes enénergie qui sont appropriées à la puissancespécifique du système. Mieux encore, le SolarHome System se transporte facilement dans lecoffre d’une voiture ou d’un camion, peut êtreinstallé par n’importe qui muni d’une clé hexag-onale, d’un tournevis et d’une pince, et fonc-tionne au moyen d’une interface à un seul

bouton. Nous sommes fiers d’annoncer que leGouvernement de Mongolie, soutenu par laBanque mondiale, vient d’acheter 20 000 unitésde notre Solar Home System de 50 Wp, etchacune fournira suffisamment d’électricitépour alimenter des ampoules ou recharger destéléphones cellulaires. Il s’agit bien là d’unexemple fantastique d’un gouvernement qui faitpreuve de leadership en encourageant l’électri-fication rurale et le développement durable àlong terme.

Si vous observez la carte de l’éclairementénergétique de rayonnement solaire de la Terre,elle raconte une histoire pleine d’espoir. Le soleilbrille autant sur les riches que sur les pauvres. Iln’a besoin ni de passeport, ni de visa, il ne fait pasl’objet de conflits ethniques, d’infrastructurescassées ou de disputes politiques. L’immensemajorité des masses continentales habitées béné-ficient d’un excellent ensoleillement. Vous n’avezpas forcément de quoi creuser un puits de

pétrole ou une mine de charbon dans votrejardin (et n’avez sans doute pas très envie de lefaire), mais vous avez sans doute les moyens deprofiter de l’énergie produite par le soleil.

L’urgence de notre mission s’intensifie enmême temps que les demandes énergétiquesmondiales augmentent, et chaque matin est pourmoi cause de réjouissance, par le simple fait desavoir que le soleil brille sur nous tous. SuntechPower a déjà livré près de 1,8 GW de capacitésolaire à plus de 80 pays du monde entier. Qu’ils’agisse de projets de plusieurs mégawatts enEspagne et en Corée, ou d’installations commer-ciales en Californie et en Allemagne, ou encored’installations autoproductrices dans l’Himalayaet au Moyen Orient, Suntech alimente un aveniroù chacun dispose d’un accès fiable à la ressourceénergétique la plus propre et la plus abondanteque la nature peut nous offrir. J’en suis extrême-ment fier car je crois profondément dans lepouvoir de l’accès. n

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Making It : L’Organisation des Nations Uniespour le développement industriel, l’ONUDI, ala chance d’avoir son siège dans la capitaleautrichienne, et cela fait plus de 40 ans quel’Autriche est un fervent défenseur de l’ONUDI,depuis qu’elle est implantée à Vienne. Commentvoyez-vous les relations de l’Autriche avecl’ONUDI aujourd’hui ?Michael Spindelegger : En tant que pays hôte,l’Autriche entretient traditionnellement desliens étroits avec l’ONUDI. Nous voyonsl’ONUDI comme un partenaire clé pour concré-tiser les objectifs importants de politique dedéveloppement, et nous sommes absolumentconvaincus de la pertinence et de la qualité dutravail de l’ONUDI.

L’Autriche a fait preuve d’un engagementsans faille envers l’ONUDI par sa participationactive ainsi que par ses contributions volontaires,en tant que l’un des principaux donateurs del’ONUDI. L’organisation a réussi à unir la luttecontre la pauvreté au combat pour la durabilitéenvironnementale et offre par conséquent des

solutions aux problèmes les plus pressants de laplanète. Aujourd’hui, la crise mondiale nécessiteles réponses mondiales et un regroupement desressources. L’ONUDI occupe une positionunique pour faire le lien entre les aspectséconomiques, sociaux et environnementaux dudéveloppement industriel par la facilitation dutransfert technologique ainsi que par desmesures de développement de capacité.

L’Autriche est fière d’héberger une organisa-tion qui est parvenue à se hisser comme pointde référence, tant pour le développementéconomique que dans le domaine de l’environ-nement. L’ONUDI peut compter sur le soutiencontinu de l’Autriche pour atteindre nos objec-tifs communs.Le programme sur trois ans de l’Autriche (2008-10) en matière de politique de développementcompte parmi ses actions centrales le développe-ment du secteur privé, et cible particulièrementles micro, petites et moyennes entreprises. Quelleest la principale raison à cette orientation ?Le secteur privé est un moteur majeur de crois-

sance économique. Un climat d’affaires prospèreest une condition préalable indispensable audéveloppement d’un secteur privé dynamique quicontribue à la réduction de la pauvreté. Par con-séquent, la Coopération du développementautrichien apporte son soutien à des programmesdestinés à améliorer la situation politique,économique, sociale et écologique. Pour que cesefforts aboutissent, trois facteurs sont indispens-ables : transparence, équité pour tous les partici-pants au marché et accès aux infrastructures.

Bien souvent, pour gagner sa vie, l’uniquemoyen consiste à démarrer une entreprise,seulement il n’est pas facile de faire décoller uneidée commerciale. C’est pour cette raison quenous ciblons principalement les micro, petiteset moyennes entreprises. Nous soutenons lesprogrammes destinés à renforcer la certitudejuridique et à introduire une législation fiscaleou du marché du travail qui contribue à créerun environnement favorable pour les petits en-trepreneurs. Ces projets et programmes com-muniquent du savoir-faire en matière de

L’énergiepourledéveloppement

Interview avec Michael Spindelegger, ministre desAffaires étrangères de la République d’Autriche

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gestion commerciale et sur l’organisation ef-ficace de procédés de production. Par ailleurs,nous facilitons l’accès aux services financierspour les petits entrepreneurs et d’autres qui ontbesoin de capital d’amorçage pour mettre leursidées en pratique, par exemple par le biais defonds de micro-crédit ou par la Banqueautrichienne de développement.Making It est tout particulièrement intéressé d’ensavoir plus sur une autre orientation de la poli-tique autrichienne de développement : l’énergie.Quel rapport voyez-vous entre l’énergie et ledéveloppement du secteur privé ?Le secteur énergétique est l’un des principauxcontributeurs au changement climatique et à lapollution locale. Il est probable que dans certainspays en développement, la concentration sur laproduction d’électricité à partir de combustiblesfossiles aura des conséquences écologiquesd’une portée considérable. Les effets négatifs duchangement climatique risquent de mettre enpéril les progrès de développement réalisésjusqu’à présent.

Il est nécessaire d’opter pour des solutionsdurables afin de maîtriser les difficultés com-plexes du secteur énergétique. Un objectif cen-tral de notre coopération au développement estde veiller à garantir l’accès à des services énergé-tiques abordables, fiables et durables. Nous ap-portons également notre soutien à des travauxde recherche appliquée et au développement descapacités. La disponibilité énergétique est d’im-portance cruciale pour n’importe quelle entre-prise, mais aussi pour les ménages privés afin defaciliter les tâches ménagères, comme la cuissonou le chauffage, et de consacrer da-vantage de temps aux études ou àdu travail productif. L’un des pays prioritaires de la poli-tique autrichienne de développe-ment est le Bhoutan. Pouvez-vousnous en dire plus sur ce partenariat ?Au fil des ans, l’Autriche est devenuel’un des partenaires de développe-ment les plus importants duBhoutan. Notre coopérationfructueuse a vu le jour en 1986, lorsque nous avonsété invités à coopérer à l’électrification de l’est duBhoutan. Depuis, trois centrales hydro-électriquesy ont été installées et sont aujourd’hui pleinementopérationnelles. En plus de cela, cinq programmesd’électrification rurale donnent accès à l’électricitéà plus de 1 600 ménages, et un nouveau pro-gramme destiné à couvrir 800 foyers dans larégion de Phobjikha est sur le point de démarrer.

Nous sommes également actifs dans le do-maine du renforcement des capacités. Nous ap-portons de l’aide technique et assurons letransfert de savoir-faire à des techniciensbhoutanais pour faire en sorte que des entre-prises locales se chargent de mener à bien desprojets hydro-électriques. Par ailleurs, l’Autrichesoutient la formation pratique des effectifs duministère de l’Energie bhoutanais. Toujours dans le domaine de l’énergie, pouvez-vous dresser dans ses grandes lignes la contribu-tion qu’apporte l’Autriche au centre pour lesénergies renouvelables et l’efficacité énergétique

de la Communauté Économique des États del’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ? En 2006, la CEDEAO qui représente 15 Etats-membres de l’Afrique de l’ouest, a réorienté sonordre du jour en matière d’accès énergétique surla promotion de l’utilisation de sources d’énergiealternatives, notamment les énergies solaire, éoli-enne, hydro-électrique, de la biomasse et d’autressources d’énergies renouvelables. En con-séquence de quoi, il a été fait appel à l’ONUDI etaux Etats-membres de l’Union européenne pourqu’ils apportent leur soutien au centre régionalpour les énergies renouvelables et l’efficacité én-ergétique de la CEDEAO. Ce centre, situé à Praia,au Cap Vert, desservira la région en élargissantl’accès à des services énergétiques modernes eten renforçant la sécurité énergétique.

Avec le soutien financier des gouvernementsd’Autriche et d’Espagne, les opérations ont com-mencé en novembre 2009 et le recrutement s’estachevé au mois de février de cette année. Unprogramme de travail détaillé est actuellementen cours d’élaboration. A terme, les buts spéci-fiques de ce centre sont de donner à 60 % deshabitants des zones rurales l’accès à l’énergie

‰ Pleins pharessur le BhoutanLe royaume du Bhoutan est un petit paysenclavé du sud de l’Asie, situé dans la partieorientale de l’Himalaya, bordé par l’Inde etla Chine. Le Bhoutan abrite une populationd’environ 687 000 habitants, répartis surune superficie d’à peu près 47 000 km²,dont près de 70 % du territoire estrecouvert de forêts. La majeure partie de lapopulation vit dans les montagnescentrales, les deux-tiers étant ce qu’on peutappeler des habitants ruraux.

Bien que la croissance économique soitjugée importante, le Bhoutan est soucieuxde préserver sa culture, son environnementet son identité nationale. Le gouvernementconsidère son but premier de créer unclimat où chaque individu peut chercher lebonheur et y parvenir. C’est ainsi que legouvernement poursuit une voie dechangement holistique, qui s’inscrit dansune vision unique de développementnational : le Bonheur National Brut. Cettephilosophie politique s’appuie sur quatrepiliers qui définissent les efforts de trouverl’équilibre entre progression spirituelle etavancées matérielles : le développementsocioéconomique durable, la préservationet l’utilisation durable de l’environnement,la promotion de la culture et une bonne

gouvernance.L’économie du

pays est restéeglobalement à l’abride la criseéconomiquemondiale et affichedes signes de repriseaprès les légèresretombées négativesqui se sontrépercutées sur le

tourisme et l’industrie métallurgique.L’énergie hydraulique pourrait s’avérer unmoteur de croissance et de revenus publicsde premier ordre. Le Bhoutan en a unedemande intérieure limitée et l’excédentd’électricité est exporté vers l’Inde. Le paysa le potentiel de développer 23 760 MWd’énergie hydraulique, dont seulement 5 %ont été exploités jusqu’à présent. Au coursdes 5 prochaines années, les capacités surplace de production d’énergie hydrauliquedevraient passer de 1 488 MW en 2007 à 1602 MW en 2013. Par ailleurs, legouvernement prévoit d’ajouter 10 000MW de capacité d’ici 2020. A cette fin, leBhoutan et l’Inde se sont accordés sur uneliste de 10 projets hydroélectriques àdévelopper.Source : Banque mondiale.

Drapeau national duroyaume du Bhoutan.

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motrice pour pouvoir stimuler les activitéséconomiques, de donner accès à 325 millions depersonnes à du combustible de cuissonamélioré, et enfin l’accès individuel à l’électric-ité à 214 millions de personnes.L’Autriche porte un vif intérêt pour ledéveloppement économique des pays du sud-estde l’Europe, et deux autres pays prioritaires sontla Macédoine et le Monténégro qui apparte-naient à l’ancienne République yougoslave.Pouvez-vous donner des précisions sur les diversprojets énergétiques qui sont mis en œuvre dansces pays ? En 1992, au moyen d’un amendement à sa con-stitution, le Monténégro est devenu un "Etatécologique". A titre de contribution à des travauxde construction énergétiquement rentables etécologiquement durables au Monténégro, l’A-gence autrichienne du développement finance lescoûts de planification, la supervision des travauxde construction et la fourniture de matériaux éco-efficaces pour la construction des nouveaux bu-reaux des Nations Unies au Monténégro.

L’Autriche soutient également un certainnombre de projets énergétiques en Macédoine,

comme par exemple le projet géothermique àKocani, qui devrait aider la Macédoine à réaliserson indépendance énergétique. Ses principauxobjectifs sont de renforcer l’usage de la géother-mie comme forme d’énergie de rechange, d’enfaire un usage plus efficace et d’engager desaméliorations technologiques en matière defourniture d’énergie de chauffage.

Nous soutenons en outre un projet pilote duPNUD engagé en Macédoine, qui vise àaméliorer l’efficacité énergétique dans le secteurdu bâtiment et à renforcer la sensibilisation etles capacités des parties prenantes aux questionsde l’efficacité énergétique.A long terme, cela devraitpermettre de réduire laconsommation énergé-tique dans les bâtimentsrésidentiels et publics, etdonc non seulement de ré-duire la demande d’éner-gies et les émissions de gazà effet de serre, mais aussid’accroître l’indépendanceénergétique du pays. n

La construction d’un nouveau bâtimentrespectueux de l’environnement pour lesNations Unies à Podgorica, la capitale duMonténégro, est sur le point decommencer. Ce bâtiment, situé à proximitédu pont du Millénaire qui enjambe laMorača, abritera les diverses agences desNations Unies qui opèrent au Monténégro.

Le bâtiment est destiné à contribuer demanière importante à la promotion d’unephilosophie et de technologies deconstruction durable, écologique et faibleconsommatrice énergétique, nonseulement au Monténégro mais dansl’ensemble du sud-est de l’Europe. Ladescription du bâtiment comme étant"écologique" plutôt qu’énergétiquementefficace se reflète dans l’emploi dematériaux de construction disponibles surplace et l’application de technologiesrespectueuses de l’environnement. Ceprojet souligne la détermination desNations Unies à promouvoir ledéveloppement durable et à soulignerl’importance des principes de constructionenvironnementaux.

Le système de ventilation de ces locauxécologiques fonctionnera sur le principe dudéplacement, la chaleur générée dans lesbureaux étant utilisée pour entraîner unsystème de circulation de l’air naturel.L’énergie pour les besoins d’appoint enchauffage et climatisation sera assurée parl’eau prélevée dans la Morača. L’été, latempérature de l’eau est inférieure à celle del’air extérieur, et l’eau sera pompée dans lebâtiment pour le refroidir. L’hiver, lesbureaux seront chauffés par l’eau de larivière qui est pompée et chauffée à l’énergiesolaire. Les panneaux solaires installés surune superficie de 1400 m² sur le toitpermettront de répondre à la totalité desbesoins énergétiques annuels du bâtiment.

Le bâtiment se base sur les dessinspréliminaires de l’architecte autrichienDaniel Fügenschuh et de l’entreprise

d’ingénieriebritannique KingShaw Associates.L’achèvement estprévu fin 2011.

Des “éco-locaux”pour les NationsUnies au Monténégro

Mr Spindelegger (aumilieu à droite) à unprojet d’assainissementde l’eau financé parl’Autriche à Kamdini, enOuganda, juillet 2009.

Le bâtiment sera chaufféet refroidi par de l’eaupuisée dans la Morača.

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Défi d’envergure mondiale On s’attend à ce que la demande énergétique aug-mente de l’ordre de 40 à 50 % dans les décenniesà venir, portée principalement par l’accroissementdémographique et l’accroissement de laprospérité. Une population accrue entraîne unbesoin accru d’éclairage, de chauffage, de trans-ports, de production industrielle, (etc...) Près de1,5 milliard de personnes vivent actuellement sansélectricité. Leurs attentes de gain de prospéritésont légitimes.

Toutes les prévisions sérieuses montrent que lecharbon, le pétrole et le gaz seront les porteursd’énergie les plus importants des décennies à venir.Même le scénario de “2°C” de l’Agence interna-tionale de l’énergie (AIE) prévoit une augmentationde la consommation de pétrole et de gaz.

Les émissions sont une conséquence indésir-able mais inévitable de l’augmentation de la con-sommation énergétique. Nous sommes donc tousconfrontés à un dilemme fondamental : commentfaire pour fournir au monde suffisamment d’én-ergie tout en réduisant dans le même temps lesémissions de gaz à effet de serre qui sont produites.

Il est nécessaire de déployer tout un éventaild’efforts d’atténuation pour réduire les émissionsde gaz à effet de serre : rendement énergétique,captage et stockage du CO2 (CCS – Carbon Cap-ture and Storage), changement de combustibles(par ex. passage du charbon au gaz naturel), én-ergie nucléaire, énergies renouvelables, (etc... )

Le fait de savoir que le monde va continuer dedépendre des combustibles fossiles jusqu’ànouvel ordre souligne d’autant plus combien ilest indispensable de développer des technologiescapables de réduire les émissions provenant de laconsommation de ces combustibles. Je ne vois pascomment il est possible de réduire les émissionsde CO2 sans avoir recours à un déploiementmajeur de CCS. Beaucoup d’analyses de premierordre abondent dans ce sens, notamment le rap-port du World Energy Outlook de l’AIE.

CCS d’envergure industrielle Le CCS constitue un outil d’atténuation duchangement climatique qui piège le dioxyde decarbone (CO2) pour le stocker dans des forma-tions géologiques en profondeur, loin de l’atmo-sphère. Le CCS est déjà utilisé à une échelleindustrielle, et Statoil participe actuellement àtrois projets de CCS de grande envergure : ceux deSleipner et Snøhvit (au large des côtes norvégien-nes) et celui d’In Salah (en Algérie). Il s’agit àchaque fois de projets où le CO2 est éliminé duflux du puits à haute pression dans un circuitfermé, contrairement au piégeage de CO2 desfumées de combustion qui sont produites, par ex-emple, lorsque des combustibles fossiles sontbrûlés pour la production d’électricité.

Bien que de grandes attentes entourent unCCS à pleine échelle, et malgré les nombreux ex-cellents développements technologiques à avoirlieu, il est important de bien se rendre compteque, jusqu’à présent, il n’a jamais été possible depiéger le CO2 dans de grandes quantités à partirdes fumées de combustion. Les coûts dedéveloppement d’immenses installations de cap-tage de CO2 sont actuellement trop élevés et deplus amples développements restent à faire pour

que le CCS parvienne à réduire les émissions deCO2 dans une mesure réellement significative.

Sur le plan politique, le CCS suscite de plus enplus d’intérêt. Le nouveau paquet de l’Union eu-ropéenne sur le climat comporte une directive destockage de CO2, ainsi qu’une révision du systèmeeuropéen d’échange de quotas d’émission pourapporter des incitations financières pour le CCS.Les efforts de réduction de CO2 déployés auxEtats-Unis, au Canada, en Norvège, au Royaume-Uni et en Australie s’accompagnent eux aussi desystèmes importants de soutien au CCS dans cettephase introductive.

Pour que le CCS fasse partie intégrale de laréponse au défi de changement climatique, jerelève quatre principaux obstacles à surmonter : l Les coûts de la technologie du captage, qui sontactuellement bien plus élevés que les coûtsd’émission de CO2. l L’absence d’un fondement juridique solide. l L’absence de sensibilisation du public. l Plusieurs problèmes complexes tenant aux in-frastructures du CCS.

Un prix sur les émissions de CO2 Cela fait des siècles que l’humanité émet du CO2dans l’atmosphère. Jusqu’à présent, aucun coûtn’est donné à la plupart des émissions. Avant quele CCS ne soit capable de réaliser son potentiel en

tant qu’outil d’atténuation, l’industrie doit êtreconvaincue que le coût à long terme d’émettre duCO2 dans l’atmosphère sera aussi élevé, voire plusélevé, que le coût du CCS : en résumé, il faut quele CCS devienne commercialement viable à partentière. Un élément important ici porte sur lescoûts d’investissement et la consommation én-ergétique associée au piégeage de CO2, tousdevant baisser. (Le coût élevé du piégeage de post-combustion est lié à la nécessité de commencerpar collecter et stocker d’énormes volumes defumées de combustion, puis de les chauffer pouren extraire le CO2 et le capter).

L’un des facteurs les plus importants à re-tarder le déploiement du CCS, et en fait tous lesefforts d’atténuation du changement climatique,concerne donc l’absence d’un prix mondial fixépour le CO2, suffisamment élevé et prévisible.L’absence d’un tel prix (ainsi que l’absence d’unmécanisme mondial en vertu duquel les émis-sions de CO2 qui sont stockées sont comptéescomme n’étant pas “émises”) explique le ralen-tissement du déploiement mondial à pleineéchelle du CCS. Un soutien financier et techniqueest indispensable pour que le CCS devienne abor-dable et transférable, tout particulièrement dansles pays en développement où la demande én-ergétique augmente si rapidement. Le projet deCCS à In Salah en Algérie représente un exemple

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très intéressant, car il se trouve dans un pays endéveloppement qui n’a pas fixé d’objectif de lim-itation des gaz à effet de serre. Je suis convaincuque bien d’autres projets industriels de CCS de cetype auraient pu voir le jour s’il avait existé unmécanisme pour en assurer le financement. Celafait de nombreuses années que l’on tente d’in-clure le CCS dans les mécanismes pour undéveloppement propre, mais jusqu’à présenttoutes les tentatives ont échoué.

A ce jour, aucun projet à pleine échelle depiégeage de CO2 à partir des fumées de combus-tion (centrales électriques, fumées de combustionindustrielle) n’a été réalisé. Nous n’avons doncaucune expérience de coûts à laquelle nous pour-rions nous reporter, et les estimations financièresqui se basent uniquement sur des étudesthéoriques varient de plusieurs centaines depourcentages, en fonction du pays, de l’entreprise,du site choisi, ou s’il s’agit de techniques d’adap-tation ou de constructions nouvelles. Il n’existeaucune base de données pour ce type de coûts depiégeage et jusqu’à présent, les différents acteursde centrales électriques commerciales du mondeentier se sont abstenus de partager leurs estima-tions en termes de dépenses d’investissements.

Un partenariat public-privé s’impose dans unepériode pré-commerciale jusqu’à ce que les coûtsd’atténuation aient baissé et que les coûts des

émissions aient suffisamment augmenté. La plu-part des pays doivent accroître leur financementpré-commercial pour la première phase de dé-monstration du CCS.

A la raffinerie de Mongstad en Norvège, nousavons pour projet de piéger le CO2 des gazd’échappement de la centrale mixte élec-trocalogène et de différents points d’émission àla raffinerie. Il s’agit là d’un projet tech-nologiquement très difficile. Statoil, aux côtés desautorités norvégiennes et d’autres partenaires in-dustriels, a donc établi un European CarbonDioxide Test Centre à Mongstad. Ici, deux tech-nologies de piégeage seront mises à l’essai pouraméliorer la performance et réduire les risques.

Questions juridiques Des efforts importants ont été déployés dans l’UE,aux Etats-Unis, au Canada et en Australie dans lebut d’établir un cadre juridique pour le CCS. Ilreste toutefois encore de nombreuses questions àrégler. Citons parmi elles les règlements concer-nant le transfert de la responsabilité à long termedes sites de stockage entre un opérateur de stock-age commercial et le gouvernement, la concessionde licence des périmètres de stockage, les pro-grammes de travail d’obtention de licences de lasorte, et les règlements portant sur les questionsenvironnementales, de la sécurité et de la santé.

Un succès a récemment été remporté en revoy-ant la rédaction des Conventions de Londres etOspar pour permettre le stockage de CO2 dansdes formations géologiques sous les fondsmarins, et de permettre le transport transfrontal-ier de CO2. Les gouvernements font un excellenttravail dans ce domaine, et pourtant, les procé-dures de mise en œuvre de ces Conventions sontrelativement lentes à ratifier des changements.

Même avec un cadre juridique en place, ceprojet ne verra le jour que si le public l’accepteet en comprend la nature. L’industrie et lesgouvernements doivent œuvrer pour sensi-biliser le public aux mérites du CCS, le lui fairecomprendre et l’accepter comme outil d’at-ténuation viable.

Infrastructures du CCS Un cadre pour les infrastructures du CCS, no-tamment en ce qui concerne les réseaux de trans-port et les sites de stockage, doit être en placepour pouvoir déployer un CCS de pleine échelle.S’il est envisagé de piéger le CCS depuis dif-férentes sources, il va falloir mettre au point unsystème ou un autre de collecte pour transporterle CO2 vers les sites de stockage. Un réseau detransport de CO2 doit être planifié et instauréparallèlement au développement à pleine échelled’installations de piégeage. Le besoin se fait deplus en plus sentir d’établir un plus grandnombre de sites de stockage en exploitation, afind’en apprendre plus sur les aspects pratiques dustockage et pour prouver au public qu’il est pos-sible d’assurer un stockage sûr dans diverses con-ditions géologiques.

Statoil compte plus de 13 années d’expériencedans le domaine du stockage de CO2 à la forma-tion géologique du gisement de Sleipner, dans laMer du Nord. Le CO2 y est empêché de s’infil-trer dans l’atmosphère, par la présence d’uneroche-couverture imperméable de 800 m d’épaisseur qui recouvre le lieu de stockage à pro-prement parler. Fin 2008, 11 millions de tonnesde CO2 y étaient conservées. Statoil a fait preuved’une très grande ouverture au sujet de la sur-veillance des données de Sleipner, qui ont été car-tographiées et analysées par divers projets derecherche, partiellement financés par l’UE. Lesessais séismiques réalisés en juin 2008 ontmontré que le panache de CO2 se comporte de lamanière attendue.

Malgré plusieurs problèmes qu’il reste à ré-soudre, nous sommes convaincus que le CCS con-stituera l’un des principaux outils d’atténuationde CO2. Il nous faut des pionniers venus de l’in-dustrie, des gouvernements, des chercheurs et desONG environnementales pour explorer cettenouvelle voie. Le changement climatique est leplus gros défi de notre temps et il est urgent detrouver des solutions durables. Une responsabil-ité considérable incombe à chacun et chacun sedoit d’apporter sa contribution.

Pour un acteur de l’industrie à long termecomme Statoil, il est indispensable de pouvoirévoluer sur un pied d’égalité et de disposer d’unebonne prévisibilité. Dans ce contexte, lesdirigeants politiques du monde entier doivent ac-cepter leurs responsabilités et ne pas sous-estimerleurs marges de manœuvre. n

Captage etstockage du CO2L’outil d’atténuation indispensable HELGE LUND, président et CEO de Statoil,compagnie énergétique internationale implantéedans 40 pays et leader mondial dans le domainedu développement et de l’application du CCS.

Le captage et le stockage deCO2 porte sur la séparation,le piégeage, le transport et lestockage de CO2 qui résultede la production, dutraitement et de lacombustion de pétrole, degaz et de charbon. Danscette illustration du projetSleipner de Statoil dans lamer du Nord, le CO2 estséparé du flux de productionde gaz naturel du projet (àgauche) pour être piégé puisréinjecté dans la rocheperméable sous les fondsmarins (à droite).

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POLITIQUE EN BREF

MakingIt42

Extrait de “Private financing of renewableenergy – a guide for policymakers”, guide pourles décisionnaires du financement privé desénergies renouvelables, rédigé par SophieJustice et publié conjointement par le projetRenewable Energy Finance de Chatham House,Bloomberg New Energy Finance, et laSustainable Energy Finance Initiative duProgramme des Nations Unies pourl’environnement.

Toute une variété d’institutions financièresinvestissent aujourd’hui dans le secteur desénergies renouvelables (ER) ou lui accordentdes prêts. Les investissements mondiaux ontexplosé, passant de 22 milliards dollars É.U.en 2002 à 155 milliards dollars É.U. en 2008,année où pour la première fois, lesinvestissements dans des capacités nouvellesde production d’électricité ER (y compris degros projets hydrauliques) ont été supérieursaux investissements engagés dans laproduction à base de combustibles fossiles.Le secteur a été durement frappé par la crisefinancière de fin 2008/premier trimestre2009, pour se ressaisir ensuite, et sans quel’intérêt des investisseurs pour ce secteur nefléchisse à aucun moment.

Les institutions financières opèrent enfonction du risque et du rendement, enévaluant chaque opportunité potentielled’investissement selon ses propres mérites. Al’instar des investissements dans d’autressecteurs, chaque projet fait l’objetd’évaluation, de documentation et de duediligence. L’éventail de profils de risques desER est parfaitement illustré par le spectre desinstitutions financières impliquées, qu’ils’agisse de banques, de fonds de pension, deprises de participation privées et de capitalrisque. Il n’empêche que le secteur ERnécessite un cadre de politique clair pour luiassurer une assise économique afin que desprojets attirent les dettes et prises de

participation du privé. L’établissement d’uncadre de politique et la réglementationpermettront de garantir la stabilité desprojets au long terme, tant du point de vuedes revenus que de l’exploitation. Il estimpératif d’énoncer clairement laréglementation et la politique, qu’elless’inscrivent dans la durée et reposent sur lesfondements juridiques pour que de plus enplus de fonds privés investissent dans lesecteur ER.

Les projets ER dans les pays émergents ouen voie de développement font nonseulement l’objet du même niveau de duediligence et de contrôles d’investissements,mais sont en plus confrontés à descomplications supplémentaires qu’il estnécessaire de réduire du mieux possible. Ils’agira d’accorder une attention particulièreaux facteurs suivants : l La stabilité et la maturité du systèmepolitique : celui-ci influe sur la capacité desprojets à arriver à leur terme, plus l’instabilitéétant grande, moins le nombred’investisseurs et de prêteurs privés étant

disposés à financer des projets. Les risquespeuvent être atténués au moyen d’uneassurance risque politique qu’offrent desorganismes comme MIGA, la MultilateralInvestment Guarantee Agency, contre lesrisques de manquements contractuels,d’inconvertibilité de devise, d’expropriation,et de guerre et conflits. lUn cadre global juridique, réglementaire,fiscal et commercial : s’il est difficile de faireaffaire sur une base légale et transparente,alors il sera difficile de mettre en place unprojet ER destiné à produire de l’électricitésur le long terme. Les investisseursprivilégient naturellement les pays quiadoptent des pratiques commercialesstandard, comme par exemple, en désignantdes conseils d’administration et publiant descomptes annuels. Le profil de risque globald’un projet se trouve amélioré s’il estenvisageable de conclure des accords derachat d’électricité sur le long terme, deconcessions et si le bien foncier du projets’appuie sur des droits juridiques solides.

Les marchés émergents et le pays en

Le financementdes énergiesrenouvelables

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POLITIQUE EN BREF

possibilités concrètes de mise en application,lorsque, par exemple, un projet commercialprésente des lacunes de financement ouqu’un prêteur commercial n’est pas disposé àassumer l’intégralité du risque. Il fautcependant que les subventions ou les prêtssoient disponibles, structurés et livrés sur unebase commerciale et en temps opportun, enfonction du développement du projet et ducalendrier des autres investisseurs et prêteursdu projet pour veiller à ce que le projet ER ne

périclite pas. Les financiers privés ont faitremarquer qu’historiquement, beaucoup deprojets ont échoué lorsqu’ils étaient associésà un financement public, en raison del’absence de réactivité, de perspectivecommerciale et de flexibilité, autant deproblèmes que des transactions privéesréussies parviennent à résoudre. nLe rapport complet est disponible en ligne sur :www.chathamhouse.org.uk/publications/papers/view/-/id/811/

MARIANNE OSTERKORN, Directrice Généralede REEEP, le Partenariat pour les énergiesrenouvelables et l’efficacité énergétique, relate àMaking It quelques enseignements tirés des 130projets ciblés de l’organisation ces 5 dernièresannées. REEEP est un partenariat mondial quiœuvre pour faire tomber les barrières limitantl’adoption d’énergies renouvelables et detechnologies d’efficacité énergétique, en seconcentrant principalement sur les marchésémergents et les pays en développement.

Qu’est-ce qu’on entend par « projet ciblé » ? Pour faire simple, il existe deux élémentscritiques pour veiller à l’adoption d’énergiespropres dans quelque pays que ce soit : unpays a besoin, avant tout, d’un cadre politiqueet réglementaire qui soit stable et crée lesconditions nécessaires pour permettre aumarché de se développer. Deuxièmement, desmodèles de financement et commerciauxdoivent exister qui font des énergiesrenouvelables et de l’efficacité énergétiquedes projets aptes à bénéficier de concoursbancaire, tout particulièrement pour lesentrepreneurs. Les projets REEEP sontdivisés à parts égales entre ces deux typesd’interventions ciblées. En matière de politique et de réglementation,vous avez des idées claires sur ce qui marcheet ne marche pas. Sur quoi appuyez-vous vosopinions ?Mes opinions s’appuient sur l’expérience.Près de la moitié des 130 projets financés parle REEEP, qu’ils soient achevés ou en cours,

s’attachent spécifiquement à aider lesgouvernements à instaurer une politique etune règlementation en matière d’énergiespropres. Nous avons financé des projets depolitique partout dans le monde : en Inde, enEquateur, à Fidji... Parmi les trois exemplesles plus récents, nous avons ainsi œuvré à laformulation d’une loi sur les énergiesrenouvelables dans le Liberia d’après-guerre,nous avons revu la loi sur les énergiesrenouvelables en Chine, et nous avons dirigéun projet conjointement avec le PNUD qui aabouti à la promulgation d’une loi sur lesénergies renouvelables au Kazakhstan en juindernier.

En matière de réglementation, nous avonstravaillé avec l’organisme de régulationénergétique au Mexique en vue d’identifierdes procédures et des codes nouveaux pourvenir étayer le développement des énergiesrenouvelables. Pour l’avenir, nous finançonsactuellement une étude par le Centre pour ledéveloppement des énergies renouvelablesqui cherche à déterminer par quels moyens laChine pourrait répondre à 30 % de sesbesoins énergétiques à partir de sourcesrenouvelables, en vue de les intégrer dans lecycle de planification quinquennale duGouvernement. Pensez-vous que les gouvernements ont unrôle important à jouer dans le passage à uneéconomie à faibles émissions de CO2 ?Oui, tout à fait. Dans la plupart des pays envoie de développement, l’Etat est propriétaireet contrôle, directement ou indirectement,

Toute la différence que peuventapporter les décisionnaires

développement, aux économies de moindreenvergure, sont dotés de places boursières etde réglementations sous-jacentes moinsdéveloppées, et connaissent donccomparativement des restrictions deliquidités. Pour y remédier, il est possible destructurer les investissements de sorte qu’ilsen tiennent compte, par exemple, enobtenant des garanties solides de la part dugouvernement ou d’un sponsor qui confirmedes flux de rentrées continues. Le fait detravailler avec un interlocuteur local respectéa souvent pour effet d’améliorer la qualité duprojet et de le faire aboutir plus rapidement.

Devise locale : les investissements réalisésdans la devise locale peuvent être soumis àdes variations des taux de change, à desdévaluations ou aux aléas de la politiquemonétaire nationale. Le fait de s’associer avecdes institutions financières locales,éventuellement dans le but de structurer desprêts à double devise, peut apporter auxprêteurs et sponsors du projet la garantierequise. Il est sinon possible de structurer lesprojets au moyen de garanties de crédit, degaranties de risque et des produits decouverture fournis par des banques dedéveloppement et des agences de crédit àl’exportation.

Marché de l’énergie et infrastructuresénergétiques : les prêteurs et investisseursdoivent bien prendre conscience desdifférences qui existent au niveau du marchéentre les différents pays, d’où la nécessité defaire appel aux technologies adéquates, et àdes solutions autoproductrices, et d’y inclureles projets ER distincts ou de plus petiteenvergure. Les projets peuvent être entravéspar le manque de récipiendaires dignes derecevoir des crédits pour l’électricitéproduite par les projets ER proposés. Il estnécessaire de bien tenir compte desdifficultés présentées par l’absenced’infrastructures et l’impact qu’elle peutavoir sur la construction du projet et lapérennité de son exploitation.

Le financement public au sein des marchésémergents peut constituer un moyen trèsefficace de donner jour à des projets ER,surtout quand on considère le fort degré derisque qui est souvent associé aux marchésémergents. Les subventions directes et lafourniture de prêts commerciaux ou à desconditions libérales facilitent de beaucoup les ‰

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POLITIQUE EN BREF

le secteur énergétique. Et même s’il n’en estpas le propriétaire, le secteur énergétique faittoujours l’objet d’une forte réglementation,qui est décidée par le gouvernement. Il n’y adonc pas de doute que le gouvernementdétient la clé de la transformation énergétique.Il s’agit là d’une réalité élémentaire qui estpourtant souvent ignorée.A votre avis, sur quoi les gouvernementsdevraient-ils commencer par se concentrer ?La priorité est très certainement la politique etla réglementation en matière d’efficacitéénergétique. Et cela ne concerne passeulement les pays développés. Dans lesrégions du monde en développement,l’efficacité énergétique présente unformidable potentiel pour soulager les pointesde charge et pour ralentir la demande accruede nouvelles centrales électriques. Quels sont les outils qui fonctionnent pourencourager une consommation efficace ? Les normes et l’étiquetage constituent lesmoyens les plus efficaces. Ils nécessitent peu dedépenses de la part des gouvernements et sontrelativement simples à mettre en œuvre. Pource qui est de l’étiquetage des appareilsménagers, par exemple, les ménages privéspeuvent faire un choix informé lors de leursachats, et les fabricants ont un intérêt à prouverl’efficacité technique de leurs luminaires,réfrigérateurs et climatiseurs, par exemple. LeREEEP a ainsi apporté son soutien au premierprogramme d’étiquetage des appareilsménagers au Ghana. Nous avons égalementcontribué au financement de l’expansion dusystème de normes énergétiques ESIS (EnergyStandards Information System) de l’APEC,pour faire en sorte que les autres pays n’aientpas à démarrer à partir de zéro pour élaborerdes programmes de normes ou d’étiquetaged’appareils ménagers. Que peuvent faire les entités sous-nationalespour promouvoir l’efficacité ?L’efficacité énergétique des bâtiments est unbon exemple à cet égard. Les codes du bâtimentsont souvent locaux ou provinciaux, etl’établissement de normes de faibleconsommation énergétique pour les bâtimentsneufs constitue une bonne stratégie à longterme qui peut être mise en œuvre dansl’immédiat. Le REEEP travaille parl’intermédiaire de sa Energy EfficiencyCoalition (EEC) dans le but d’établir des réseauxlocaux de parties prenantes en vue de

promouvoir sur le terrain l’efficacitéénergétique dans les bâtiments. Un réseau de lasorte a été créé au Mexique et des effortssimilaires sont en train de voir le jour en Chine.Dans le domaine des énergies renouvelables,quelles mesures recommandez-vous auxdécisionnaires ?Il n’existe pas de solution universelle dans ledomaine des énergies renouvelables. Chaquesolution dépend de la géographie et du climatdu pays concerné, de sa politique locale et debien d’autres variables. Ceci étant dit, les chauffe-eau solaires sontmaintenant commercialement viables dans laplupart des pays en développement. Il s’agit làd’une technologie énergétique à faiblesémissions de CO2 qui est supérieure auxalternatives conventionnelles et qui, dans lemême temps, constitue un outil efficace degestion de la demande pour les zones quisouffrent de pénuries d’électricité à desmoments de pointe. L’obligation d’installerdes chauffe-eau solaires dans tous lesbâtiments neufs et remis à neuf peut avoir desconséquences phénoménales. Il s’agit là d’unautre exemple de mesure qui peut être mise enplace au niveau de la ville, de l’Etat ou de laprovince. Les efforts du Cap à cet égard, quiont reçu le soutien du REEEP, sontexemplaires. Quels autres conseils auriez-vous à donneraux décisionnaires ? Et bien j’aurais deux réflexions à faire. Lapremière concerne l’électrification rurale,pour laquelle de nombreux pays ont d’ores etdéjà des programmes ambitieux en place. A cetégard, j’encouragerais les décisionnaires à nepas se contenter de réfléchir en termesd’électricité rurale, mais plutôt en termesd’énergie rurale. Par exemple, si de l’électricitéest apportée pour subvenir aux besoinsd’éclairage alors qu’il faut encore allerramasser du bois pour se chauffer et cuisiner,l’électrification ne contribuera pas audéveloppement durable de la manièreenvisagée.

Deuxièmement, dans les villes et banlieues,il est nécessaire de réfléchir de manièreglobale. La production d’électricitérenouvelable ne constitue qu’un élément del’équation, toute politique énergétiqueintégrée d’une agglomération doit tenircompte aussi de la gestion des déchets et del’efficacité énergétique. n

De MIGUEL MENDONÇA, responsable derecherche auprès du World Future Council

La loi FiT est une loi de tarificationpréférentielle de l’électricité qui oblige lesfournisseurs d’énergie à acheter de l’électricitéprovenant de sources d’énergie renouvelablesà un tarif fixe, généralement au cours d’unepériode fixe.

Le mécanisme FiT est utilisé dans plus de 50pays du monde entier. Il est à l’origine de lamajorité des efforts d’investissements et dedéploiement d’énergies renouvelables jusqu’àce jour, et crée des industries leaders mondialesdans plusieurs pays. Il a permis de faire baisserles coûts et d’accroître les taux de rendement etil est adaptable aux pays les moins développés etaux économies émergentes. Les lois FiT bienconçues et bien mises en œuvre peuventpermettre l’accès à des énergies tout enréduisant la dépendance vis-à-vis descombustibles fossiles et en assurant ledéveloppement des énergies à faibles émissionsde CO2. Toute la question centrale restecependant de savoir comment les financer.

Plusieurs propositions clés se sont faitesjour à l’occasion de la conférence sur lechangement climatique à Copenhague,COP15, dans le but de débloquer l’impassequant au financement du transfert detechnologie de l’hémisphère nord versl’hémisphère sud :

La World Wind Energy Association etl’International Renewable Energy Alliancesont favorables à un programme mondiald’investissements dans les énergiesrenouvelables, comportant un fonds mondialFiT, qui serait financé par des contributionsannuelles obligatoires de la part des pays del’Annexe I (développés). Elles suggèrentégalement les moyens de réformer lemécanisme pour un développement proprepour qu’il soit plus efficace à déployer lesénergies éoliennes et d’autres technologies.

Le World Future Council (WFC) a proposéde “créer de l’argent neuf” pour engager desmesures de protection du climat, selon le

FiT, la tarificationpréférentielle

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MakingIt 45

POLITIQUE EN BREF

consommateurs d’électricité commerciale etindustrielle afin de générer les fonds pour FiT.

Le projet de tarification RPT (RenewableEnergy Premium Tariff ) se propose quant à luid’adapter le système FiT aux zones hors duréseau électrique dans les pays endéveloppement. A l’instar de FiT, ilrécompense la performance plutôt que de secontenter d’apporter les fondsd’investissements initiaux pour l’installation.Le modèle RPT a été analysé dans le cadre dedifférentes structures propriétaires,réglementaires et institutionnelles et desoptions d’applications pratiques sont à l’étude.

En 2009, les économies émergentesmajeures de l’Inde, de la Chine et de l’Afriquedu Sud ont toutes trois introduit des modèlesnationaux de FiT. L’Afrique du Sud, qui fait à lafois l’objet de limites de capacité électrique

majeures et d’objectifs de réduction de CO2élevés, s’est embarquée dans l’établissementd’un modèle FiT ambitieux, mais il resteencore à en finaliser les détails opérationnelspour permettre de signer des accords de rachatd’électricité. Le Kenya a lui aussi mis en placeun FiT en 2009, et l’Ouganda, le Botswana etl’île Maurice étudient actuellement lapossibilité de promulguer une loi FiT. LaChine a introduit un programme FiT pourl’énergie éolienne, qui remplace le systèmed’appel d’offres. La Commission pour ledéveloppement national et la réforme, l’agencede planification économique du pays, s’attendà ce que ce programme oriente plusclairement les décisions d’investissement. Unprogramme FiT pour l’énergie solaire devraitégalement être mis en place. L’Inde comptedes programmes régionaux FiT dans unedemi-douzaine d’Etats, mais a opté pour unsystème national qui couvre l’ensemble desénergies renouvelables et présente des taux derendement intéressants.

Les principales recommandations pour desprogrammes FiT dans le monde endéveloppement concernent le financement(garantissant des fonds internationaux FiTpour 20 ans) et l’établissement d’un cadreinstitutionnel et juridique qui soit solide. Lesfonds existants sont souvent placés sous lagestion d’institutions internationales, commedes organisations des Nations Unies, ou leFonds monétaire international, ou encore laBanque mondiale. IRENA, l’InternationalRenewable Energy Agency, pourraitéventuellement jouer un rôle dans la créationde ce cadre.

Les FiT pourraient être combinés aumécanisme d’un développement propre, dufait que les critères d’additionnalité ont étéchangés depuis novembre 2001, pour enpermettre la coexistence avec des programmesde soutien nationaux déjà en place (on parled’additionnalité lorsque les réductionsd’émissions doivent aller au-delà ou s’ajouter àce qui se serait produit en l’absence du projet).Ce domaine est cependant complexe et devantl’incertitude qui continue d’entourer lesmécanismes internationaux comme ceux d’undéveloppement propre, il est recommandépour le moment de préserver l’autonomie desprogrammes FiT, à l’écart de tout ce qui seraitsusceptible d’accroître les risquesd’investissement. n

modèle qui a récemment été appliqué ausecteur bancaire. Les gouvernements peuventles autoriser sous la forme de droits de tiragespéciaux du Fonds monétaire international.Ces fonds seraient dépourvus d’intérêts et noninflationnistes.

Le WFC envisage d’adapter spécialement lemodèle FiT pour les pays les moins avancés.Une nouvelle publication intitulée “Poweringthe Green Economy – The Feed-in TariffHandbook” propose des méthodologies pourdes installations tant connectées au réseaud’électricité qu’autoproductrices, notammentdes mini-réseaux villageois. Elle proposeégalement la création d’un fonds FiT dédié,financé à partir de budgets nationaux et/ou dedonateurs internationaux.

Greenpeace et l’European Renewable EnergyCouncil se sont également penché sur lapossibilité d’établir un fonds de premierordre, intitulé le Feed-in Tariff SupportMechanism (FTSM). Il aurait pour fonction derelier les mécanismes FiT à des systèmesd’échange de quotas d’émissions et/ou desdispositions de financement et d’utiliser desdispositions et institutions financièresinternationales existantes pour assurer lefinancement de projets à faibles risques. Ilcherche à créer une solution de rechangefiable au mécanisme pour un développementpropre, qui relève d’une planification du basvers le haut conjuguée d’un financement duhaut vers le bas. Il serait financé à partir decontributions émanant des pays de l’OCDE.

Une autre possibilité qui se fait jourconsisterait à “surfacturer” les

« Des lois FiT bien conçues etbien mises en œuvre peuventpermettre l’accès à desénergies tout en réduisant ladépendance vis-à-vis descombustibles fossiles et enassurant le développementd’énergies à faibles émissionsde CO2. Toute la questioncentrale reste de savoircomment les financer. »

Des mini-réseaux d’électricitévillageois peuvent s’appuyer surle mécanisme FiT pour vendreles excédents d’électricité à unecompagnie d’électricité locale.

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MOT DE LA FIN

A titre de mise en bouche pour le troisième numérode Making It,ALICE AMSDEN, professeurd’économie politique au Massachusetts Institute ofTechnology (MIT), nous fait part de quelquesréflexions sur la politique industrielle et la réductionde la pauvreté.

Il ne faudrait pas se borner à limiter l’actuelleapproche communautaire en matière deréduction de la pauvreté à de simplesopérations d’amorçage ou d’auto-assistance. Lespolitiques et institutions participatives qui sontactuellement en train d’être mises en œuvre enAfrique et dans d’autres régions pauvrescomportent des éléments hautement innovants.

Un élément particulièrementrévolutionnaire tient au fait que contrairementà autrefois, les pauvres ne sont plus considéréscomme des fainéants ! Au lieu de cela, ils sontperçus comme affichant un formidable espritd’entreprise. L’accroissement du capitalhumain se donne pour objet de libérerl’entreprenariat latent qui existe chez lespauvres : par les soins de santé, le logement,l’éducation, la formation, et la “liberté dechoisir”, comme le souligne le lauréat au prixNobel, Amartya Sen.

De nouveaux types d’institutions financières,comme la banque Grameen, et de nouveauxtypes d’instruments financiers, comme desmicro-prêts, peuvent aider les pauvres àdémarrer. Il est possible en outre d’accentuerplus encore cette création de capital humain ducôté de l’offre en combinant des technologiesles plus avancées, mais qui restent appropriées,conçues pour des opérations de petite échelle.Citons ainsi comme exemple le fourneau à bascoût sur lequel des inventeurs de tout premierrang mondial ont travaillé pour aider lespauvres du monde entier à éviter de dégraderl’environnement et à se prévenir de maladiespulmonaires provenant des fumées dans desespaces clos.

Le gouvernement cesse d’être perçu commeétant le vecteur de changement, pour être

supplanté par l’organisation non-gouvernementale, l’ONG. Au lieu de main-d’œuvre salariée, des bénévoles animés d’uneconscience sociale et originaires de paysdéveloppés et en développement peuventcontribuer à faire avancer la lutte contre lapauvreté.

Et pourtant, malgré toutes ces innovationset les efforts déployés en matière de créationde capital humain, il ne semble pas que lapauvreté dans la majeure partie des régionspauvres du monde en développement soit enrecul. Les chiffres de la Banque mondialepour l’Afrique montrent qu’entre 1981 et 2005,le pourcentage d’habitants se situant en-dessous du niveau de vie socialement accepté(l’équivalent de 1,25 dollars É.U. par jour) n’apas baissé. L’espérance de vie dans les pays lesplus pauvres reste incroyablement faible,avoisinant seulement les 40 ou 50 ans. L’espritd’entreprise n’a toujours pas changéfondamentalement la manière dont les gensvivent.

Politiques de la demandeLa raison à cela pourrait bien s’expliquer parune faille fondamentale au niveau de laréflexion communautaire : que l’offre crée sapropre demande, concept erroné avancé parun économiste français, Jean-Baptiste Say, auXVIIIe siècle. L’offre d’entrepreneurspotentiellement productifs n’a pasautomatiquement créé de la demande pourles employer de manière rentable. Cecis’explique par le trop peu de politiques quiopèrent du côté de la demande (en matière

fiscale, des échanges, de la main-d’œuvre etsur le plan industriel) pour créer davantaged’opportunités économiques que lesentrepreneurs pourraient exploiter. Pour fairesimple, peu importe combien un demandeurd’emploi peut être en bonne santé ou bienéduqué s’il n’y a pas suffisamment de bonnesopportunités commerciales ou d’emploisrémunérés pour tout le monde.

Il faut pour cela que les débouchés pour lesentrepreneurs augmentent du côté de lademande. Est-il possible d’avoir recours à des“politiques industrielles communautaires”pour créer des entreprises géréesprofessionnellement, qui augmenteront lademande de services d’employés de bureau etde gérants, d’ouvriers de production, defournisseurs de pièces détachées et deprestataires de service ?

Un objectif de telles politiques du côté de lademande consisterait à créer des entreprisescommerciales “professionnelles” dans desrégions rurales et des communautés urbainesà faibles revenus qui sont de taille plusimportante que des micro-entreprises, afin dediffuser des techniques de gestion moderne etdes pratiques d’ingénierie à desentrepreneurs inexpérimentés, pour leurpermettre d’acquérir de l’expériencecommerciale concrète sur le terrain. C’estbien l’expérience qui fait défaut à la plupartdes entrepreneurs dans les pays pauvreslorsqu’ils s’efforcent d’exporter leurs produitsvers les marchés voisins ou mondiaux.

Les modèles à émulerTout comme la réduction de la pauvreté auniveau local ne relève plus que de simplesprogrammes d’auto-assistance, il estdorénavant de s’appuyer sur des “modèles àémuler” à succès pour aider les pays pauvres àdevenir des fabricants et prestataires deservice expérimentés. Pour ce qui est dessources de financement de projets de la sorte,on compte plus d’une quarantaine de payspauvres qui produisent plus d’un million debarils de pétrole par jour, et les membres del’OPEC présentent un excellent modèle àémuler pour créer des compagnies pétrolièresnationales extrêmement bien gérées au seinde systèmes politiques qui étaient autrefoisconsidérés hautement corrompus. Lescompagnies pétrolières nationales desmembres de l’OPEC ont réussi à endiguer la

Les politiquesindustriellescommunautaires

Alice Amsden estmembre duCommittee forDevelopment Policydes Nations Unies

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MOT DE LA FIN

fuite des cerveaux et à créer des possibilitésd’investissement de création de petites etmoyennes entreprises qui fournissent despièces et composants dans des secteursapparentés. Petrobras, le géant pétrolierbrésilien, a lancé un programme destiné àcréer 80 000 entreprises de ce type. Enmême temps que ces entreprises serontgérées de manière professionnelle, ellesprésenteront des débouchés pour descadres, ingénieurs et contremaîtres d’atelierexpérimentés, qui pourront revenir de leurexil à l’étranger, ce qui ne fera que renforcerles opportunités d’investissement selon uncercle vertueux. Sans politiquesindustrielles destinées à accroître lesperspectives d’investissement, de telstalents seraient alors entièrement perduspour ces pays qui en ont le plus besoin.

Le Japon de l’ère Meiji (1868 -1912) est untrès bon exemple de pays qui a accélérél’acquisition d’expérience sur le terrain parla création “d’usines modèles”,particulièrement au sein de l’industrie de lasoie à forte intensité de main-d’œuvre,basée sur une ressource naturelle. Même sibeaucoup de ces entreprises ont commencépar péricliter, les employés formés ont alorspris la relève pour ouvrir des usines qui,elles, ont réussi à faire du Japon le leaderdans son domaine avant la Première Guerremondiale.

Inverser la fuite des cerveauxTaïwan, province de Chine, petit en termesde population comme beaucoup de payspauvres aujourd’hui, a bâti tout un réseaude petites entreprises avec l’aide depolitiques d’encouragementgouvernemental, qui se sont mises àparsemer la campagne et à fournir desdébouchés pour les agriculteurs en quête detravail. Au début, ces entreprises étaientconsidérées incompétentes et arriérées,mais elles n’ont pas tardé à s’améliorer alorsque le gouvernement a ouvert destechnocentres pour les aider, et les“cerveaux qui s’étaient enfuis” se sont mis àrevenir pour devenir propriétaires de leurspropres entreprises. Ces technocentresoffraient de meilleurs salaires aux ouvrierset ingénieurs expérimentés pour inverser lafuite des cerveaux. Au bout du compte, lesdépenses engagées ont fini par payer et la

main-d’œuvre locale est devenue plusexpérimentée et mieux éduquée. Pourétablir des entreprises davantage baséessur l’esprit d’entreprise et des emploismieux payés, le gouvernement a offert desincitations au fabricant de machines àcoudre Singer pour qu’elle viennes’implanter à Taïwan et serve de tuteur àdes petites et moyennes entrepriseslocales qui se sont mises à produire lesmilliers de pièces qui constituent unemachine à coudre.

Les “entreprises urbaines et villageoises”(TVE) de Chine ont été un type d’institutionqui a profité des circonstances du moment,c’est-à-dire de la main-œuvre au chômagedans les régions rurales et des excédents dematériels d’équipement de grandesentreprises étatiques, sous la coordinationde chefs politiques locaux. Les TVE sontcréditées de la croissance ultra-rapide tanten termes de production que d’emploi qui asuivi les réformes de 1978 en Chine.Aujourd’hui, il est possible d’acheter àl’étranger du matériel d’occasion moderne.

La plupart des rapports sur le “climatd’investissement” (c’est-à-dire les études defaisabilité) établis par la Banque mondialeet des cabinets de consulting privés fontpart du potentiel d’opportunitésd’investissement rentables dans les payspauvres. Comme l’a fait remarquer lepropriétaire de l’un des plus gros groupescommerciaux de la République de Coréeaprès son retour d’Afrique, tout ce qu’il a puvoir pousser sur les arbres était de l’argent,tout en concédant qu’il faudrait pour celadu travail acharné et un gros effort decoordination.

Première étapeAujourd’hui, face à la multitude desmodèles à émuler dans le monde endéveloppement, il y a moins de raison de sesentir fataliste ou de penser que rien de ceque font les gouvernements n’aboutira.Bien que ce soit au niveau communautaireque doivent profiter les nouvelles initiativesde politiques et d’investissementsindustriels dans les industries modernes depetite échelle, la première étape consiste àredonner la priorité à la demande et àregarder au-delà du plan local et de simplesmesures uniquement du côté de l’offre. n

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Amsden, Alice – Escape from Empire: The DevelopingWorld's Journey through Heaven and Hell

Barnes, Douglas F. (Editor) – The Challenge of RuralElectrification: Strategies for Developing Countries

International Energy Agency – Transport, Energy andCO2: Moving Towards Sustainability

Jacobs, David and Kiene, Ansgar (World FutureCouncil) – Renewable Energy Policies forSustainable African Development

Kamkwamba, William – The Boy Who Harnessed theWind

Kane, Gareth – The Three Secrets of Green Business:Unlocking Competitive Advantage in a Low CarbonEconomy

Mendonça, Miguel et al. – Powering the GreenEconomy: The Feed-in Tariff Handbook

Shaad, Brian and Wilson, Emma – Access toSustainable Energy: What Role for International Oiland Gas Companies? Focus on Nigeria

UNIDO – Policies for promoting industrial energyefficiency in developing countries and transitioneconomies

UNIDO – Energy Efficiency: A Low-Carbon Path forIndustry

UNIDO – Navigating Bioenergy: Contributing toInformed Decision Making on Bioenergy Issues

Von Uexküll, Jakob (World Future Council) – Breakingthe Funding Deadlock: Creating New Money toFinance Climate Security and Climate Justice

http://cogen.unep.org/ – ‘Cogeneration for Africa’ is aninnovative and first-of-its-kind clean energy regionalinitiative, funded by the Global Environment Facility.

http://earthtrends.wri.org/ – EarthTrends is acomprehensive online database, maintained by theWorld Resources Institute that focuses on theenvironmental, social, and economic trends thatshape our world.

http://solar.coolerplanet.com – Cooler Planet is abusiness dedicated to helping consumers and smallbusiness owners reduce their carbon footprints, andhelp limit global climate change.

http://theenergycollective.com – Power, Policy, Climate:a place where conversation happens.

www.ashdenawards.org/ – Inspiring sustainable energysolutions.

www.chathamhouse.org.uk/ – Chatham House’smission is to be a world-leading source ofindependent analysis, informed debate, andinfluential ideas on how to build a prosperous andsecure world for all.

www.japanfs.org/en/ – Japan for Sustainability is a non-profit communication platform to disseminateenvironmental information from Japan to the world.

www.ren21.net/map – A map containing a wealth ofinformation on renewable energy including supportpolicies, expansion targets, current shares, installedcapacity, current production, future scenarios, andpolicy pledges.

www.RenewableEnergyWorld.com – Source forrenewable energy news and information.

www.wind-works.org/ – An on-line archive of articlesand commentary primarily on wind energy, Feed-inTariffs, and Advanced Renewable Tariffs.

www.worldenergy.org/ – The World Energy Council isthe “foremost multi-energy organization in theworld today”.

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