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Études économiques de l'OCDE
TunisieMars 2018SYNTHESE
http://www.oecd.org/fr/eco/etudes/etude-economique-tunisie.htm
La synthèse est extraite de l'Étude économique 2018 de la Tunisie. L’Étude économique de la Tunisie a été examinée par le Comité d’examen des situations économiques et des problèmes de développement le 15 janvier 2018, avec la participation des représentants du gouvernement tunisien. Cette Étude est publiée sous la responsabilité du Secrétaire général de l’OCDE.
Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région.
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
OCDE Études économiques: Tunisie © OECD 2018
La copie, le téléchargement ou l’impression du contenu OCDE pour une utilisation personnelle sont autorisés. Il est possible d’include des extraits de publications, de bases de données et de produits multimédia de l’OCDE dans des documents, présentations, blogs, sites Internet et matériel pédagogique, sous réserve de faire mention de la source et du copyright. Toute demande en vue d’un usage public ou commercial ou concernant les droits de traduction derva être adressée à [email protected]. Toute demande d’autorisation de photocopier une partie de ce contenu à des fins publiques ou commercials devra être soumise au Copyright Clearance Center (CCC), [email protected],ou au Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), [email protected].
Études économiques de l’OCDE : Tunisie
© OCDE 2018
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Résumé
● Il faut rééquilibrer les moteurs de la croissance inclusive
● La reprise de l’investissement des entreprises est essentielle pour relancer leprocessus de convergence
● La création d’emplois de qualité permettra de réduire les disparités de niveau devie
RÉSUMÉ
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201812
Il faut rééquilibrer les moteurs de la croissance inclusiveLe processus de convergence économique a ralenti après2010, reflétant des facteurs spécifiques et l’exacerbation descontraintes structurelles. Le tourisme et les activités minièresont souffert de la détérioration de la sécurité et du climatsocial. La forte hausse de l’emploi et des salaires publics asoutenu la consommation privée mais l’activité économiqueet les créations d’emplois dans le secteur privé sont restéesfaibles. La hausse de la demande a généré des tensions surles prix et le compte courant. Les ratios des dettes publique etexterne au PIB ont fortement augmenté. Pour remettre ladette publique sur une trajectoire soutenable sans freiner lacroissance, il faut inscrire l’assainissement des financespubliques sur un horizon de moyen-terme et l’accompagnerde réformes structurelles qui relanceront l’activité et lescréations d’emploi dans le secteur privé. Il faut aussiréorienter les dépenses publiques au profit des populationsdéfavorisées et de la croissance inclusive.
La reprise de l’investissement des entreprises est essentielle pour relancer le processus de convergenceLe taux d’investissement a fléchi depuis le début desannées 2000 et son niveau est faible. L’investissement publica été jusqu’à présent largement préservé. A contrario,l’investissement des entreprises a souffert des réglementationsexcessives sur le marché des produits, associées à desprocédures administratives complexes qui peuvent générer dela corruption, d’une fiscalité peu prévisible, des difficultéscroissantes pour le passage des biens en douane et leurtransport maritime et d’un système financier peu favorable auxjeunes entreprises et à celles en croissance. La levée de cescontraintes est essentielle pour relancer l’investissement desentreprises, et avec lui, la productivité, les créations d’emploiset le pouvoir d’achat de tous les tunisiens. L’investissementlogement a été soutenu par des incitations financières etfiscales qui détournent l’épargne des placements plusproductifs. L’élan de réformes, engagé avec la nouvelle loi surl’investissement, devra être poursuivi.
La création d’emplois de qualité permettra de réduire les disparités de niveau de vieLe niveau de vie moyen des tunisiens a progressé depuisplusieurs décennies tandis que la pauvreté diminuaitlargement. Néanmoins, de fortes inégalités subsistent sur lemarché du travail. Le taux de chômage est élevé surtout pourles jeunes diplômés, le travail informel est répandu et denombreux tunisiens ont des conditions de travail précaires.Les disparités hommes-femmes sont moins importantes quedans les autres pays MENA mais le taux d’emploi est bien plusfaible pour les femmes que pour les hommes et les femmesoccupent souvent des emplois moins qualifiés. De largesdisparités régionales existent en termes de niveau de vie etd’emploi. Une nouvelle politique de développement régionalpour valoriser les atouts spécifiques de chaque région estnécessaire.
Source : Banque mondiale, Indicateurs de développement mondial(WDI).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694137
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% de la moyenne
de l'OCDE
Tunisie PIB par habitant2011 USD PPA
Source : INS.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694156
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% du PIB
Taux d'investissement
Source : INS.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694175
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% de la population
Taux de pauvreté
Pauvreté Pauvreté extrême
RÉSUMÉ
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 13
PRINCIPAUX RESULTATS PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
Améliorer les politiques macro-économiques
Le déficit budgétaire et la dette publique ont fortement augmenté. Accompagner l’ajustement budgétaire par des réformes structurelles afind’inscrire le ratio de la dette publique au PIB sur une trajectoire de baisse sur lemoyen-terme.Faire des études approfondies de l’utilité des programmes publics, y compris desprojets d’infrastructures pour prioriser la dépense publique.
Les impôts sont déjà élevés et pèsent particulièrement sur la création d’emploisdans le secteur formel et l’initiative privée. Les incitations fiscales entament lesrecettes fiscales et sont peu efficaces.
Rétablir la justice fiscale en facilitant le recoupement des informations et enaugmentant les contrôles fiscaux pour mieux lutter contre l’évasion et la fraudefiscale.Évaluer systématiquement les impacts, coûts et bénéficiaires, des incitationsfiscales, notamment pour l’acquisition d’un logement et l’investissement desentreprises.
L’emploi public a fortement augmenté ; le paiement des salaires des fonctionnairesabsorbe la moitié des dépenses publiques.
Réduire graduellement l’emploi dans l’administration en maintenant la règle deremplacement partiel des départs à la retraite.
Le régime de retraite n’est pas soutenable, notamment en raison de l’allongementde l’espérance de vie.
Augmenter de façon progressive l’âge de départ à la retraite et engager desréformes pour garantir la pérennité financière des régimes de retraite.
Les subventions bénéficient davantage aux ménages les plus riches. Ellesencouragent une consommation excessive et des fraudes et nuisent àl’environnement
Réformer les subventions en mettant en place la règle d’ajustement automatiquedes prix pour les produits pétroliers et, pour les autres produits, les remplacer pardes transferts monétaires aux ménages.
Les créances douteuses sont élevées, notamment dans les banques publiques. Accélérer l’introduction des changements législatifs permettant aux banques deréduire le niveau des créances douteuses.Poursuivre le désengagement de l’État dans les banques publiques et mixtes.
Relancer l’investissement des entreprises
La baisse du taux d’investissement des entreprises s’est accélérée après 2010. Lesrestrictions sectorielles, réglementaires et administratives brident l’initiativeprivée. La nouvelle loi sur l’investissement instaure la liberté d’investissement avecune liste négative qui sera mise en application graduellement.
Accélérer le processus de réduction des autorisations d’exercice etadministratives, et des licences et permis.Réduire davantage les restrictions relatives à la présence de cadres étrangers.
Le classement de la Tunisie en matière de logistique et de facilitation du commerces’est dégradé.
Simplifier les procédures administratives et douanières lors du passage des biensà la frontière.Améliorer la gestion des infrastructures portuaires, éventuellement via despartenariats public-privé.
De nombreux secteurs d’activité sont dominés par des entreprises publiques. Leursituation financière est précaire car l’emploi a fortement cru depuis 2011 alors quel’ajustement des prix et tarifs était limité.
Renforcer la gouvernance des entreprises publiques, avec un meilleur respect descontrats de performance et des règles du jeu équitable entre entreprises publiqueset privées.
L’accès au financement est difficile pour les nouvelles entreprises et celles en fortecroissance.
Autoriser les banques à tarifer les risques en reconsidérant le plafonnement destaux d’intérêt débiteurs.Accélérer l’adoption et l’application du nouveau code des fonds de placementcommun.
Réduire les inégalités relatives à l’emploi entre les individus et les régions
Le chômage est élevé, en particulier chez les jeunes diplômés. Assurer l’adéquation entre les systèmes d’éducation, d’apprentissage et deformation, et les besoins des entreprises.
Les créations d’emplois sont faibles. Les cotisations, relativement élevées,encouragent le passage au secteur informel.
Diversifier les sources de financement de la sécurité sociale.
Des disparités entre les hommes et les femmes existent sur le marché du travail. Favoriser le recrutement des femmes par des campagnes de sensibilisation sur lesconséquences des choix éducatifs et de la formation sur les possibilités d’emploiet d’entrepreneuriat, l’évolution de carrière et les salaires.
Les petites entreprises et les ménages modestes utilisent peu les servicesfinanciers.
Accélérer la mise en œuvre de la stratégie d’inclusion financière.
Les disparités régionales de niveau de vie et d’emploi sont marquées. Moderniser les structures et institutions régionales pour mieux exploiter lesopportunités d’investissement et accompagner les investisseurs dans les régions.
Études économiques de l’OCDE : Tunisie
© OCDE 2018
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Évaluation et recommandations
● Des fortes avancées dans les domaines politique, social et économique sur plusieurs décennies
● La croissance va se renforcer mais les tensions inflationnistes et les déficits jumeaux persistent
● Politiques pour rétablir les équilibres macroéconomiques sans freiner la croissance
● Remettre la Tunisie sur un chemin de croissance inclusive et forte
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201816
Des fortes avancées dans les domaines politique, social et économiquesur plusieurs décennies
La Tunisie s’est résolument engagée dans un processus de démocratisation après la
chute du régime politique en place depuis 1987. Entre son indépendance en 1956 et la
révolution pour la liberté et la dignité à la fin de l’année 2010, la Tunisie n’avait connu que
deux présidents et peu d’élections réellement démocratiques. Dès octobre 2011, la Tunisie
a tenu des élections pour désigner l’assemblée constituante en charge de rédiger la
nouvelle constitution. Celle-ci est adoptée en janvier 2014 et des élections parlementaires
et présidentielle sont organisées à la fin de la même année. Le saut démocratique depuis
2010, mesuré par l’indicateur de la Banque mondiale concernant la capacité des citoyens à
participer à la vie politique, la liberté d’expression et d’association, est significatif. Cet
indicateur place aussi la Tunisie dans une position favorable par rapport aux pays de la
région et à de nombreux pays émergents (graphique 1). En outre, la représentation des
femmes à l’Assemblée des Représentants du Peuple est plus élevée que dans la majorité
des pays de l’OCDE et des pays émergents.
Le renouveau démocratique est allé de pair avec des changements de gouvernement
fréquents. La présence d’une administration bien formée a néanmoins permis d’assurer la
continuité de l’État lors de ces changements. En outre, les gouvernements successifs ont
partagé grosso modo le même projet économique – le programme des réformes majeures. Le
Pacte de Carthage a été conclu en juillet 2016 par neuf partis politiques et les représentants
des principales centrales syndicales et patronales. Un gouvernement d’union nationale,
composé des représentants des partis signataires du pacte, a été formé en août 2016. Les
composantes essentielles de ce pacte sont: la lutte contre le terrorisme et la corruption ;
Graphique 1. Transition politique : des progrès considérables pour la démocratie
Source : Banque mondiale, Indicateurs mondiaux de la gouvernance ; et Banque mondiale, Indicateurs de développement mondial (WDI).1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694194
0102030405060708090
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A. Participation démocratique et liberté d'expression
(le plus élevé, la meilleure performance)
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B. Représentation des femmes au ParlementProportion de sièges occupés par des femmes au
parlement national, 2017
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 17
l’accélération de la croissance et de l’emploi ; la maîtrise des finances publiques ; la mise
en œuvre d’une politique sociale efficace ; et le développement régional.
Alors qu’il existe un large consensus sur la nécessité des réformes, la mise en œuvre
des réformes a buté sur des contraintes d’économie politique. La fragmentation politique a
rendu difficile l’adoption par l’Assemblée des Représentants du Peuple des réformes
proposées par le gouvernement (Conseil des analyses économiques, 2016). De plus, les lois
adoptées par l’Assemblée sont souvent appliquées avec retard car les décrets d’application
qui relèvent du pouvoir exécutif sont publiés tardivement.
L’inclusion est une préoccupation majeure de la république tunisienne depuis son
indépendance. Le Code du statut personnel, adopté dès 1956, fait de la Tunisie le pays le plus
progressiste du monde arabe en matière de droits des femmes. La scolarisation, en
particulier des filles, est devenue une priorité nationale bien avant la plupart des pays
émergents. Le projet lancé mi-2017 par le Président de mettre fin à l’inégalité entre hommes
et femmes pour l’héritage va dans la même direction. L’accès aux services publics de base, de
type électricité et eau, est nettement plus élevé que dans la majorité des pays émergents. Un
socle de protection sociale a été développé dès 1960, avec un système de retraite par
répartition et un système de santé dont la qualité est relativement élevée. Un système
d’aides sociales aux travailleurs qui ont perdu leur emploi pour des motifs économiques et
techniques a été mis en place en 1997. Un programme national de transferts monétaires et
de soins gratuits ou à tarif réduit a été institué pour les familles pauvres et à revenus limités.
Il a été décidé en 2018 d’étendre la gratuité des soins aux chômeurs. Ainsi, en termes de bien-
être, la Tunisie se positionne plutôt favorablement par rapport aux économies émergentes
sur les dimensions santé, logement et accès aux infrastructures de base (graphique 2).
Les nombreux programmes sociaux mis en œuvre depuis les années 70 ont contribué à
la réduction de la pauvreté (graphique 3). La baisse du taux de pauvreté a été
particulièrement impressionnante en comparaison des pays de la région Moyen-Orient et
Afrique du nord (MENA). Ainsi, la plupart des ménages tunisiens ont bénéficié de la
croissance économique, y compris les plus pauvres, qui ont vu leur consommation se
développer à un rythme plus élevé que les segments les plus riches (Banque mondiale, 2016).
Les inégalités sur le marché du travail et les disparités régionales ont persisté, voire se
sont creusées (chapitre 2), précipitant la révolution en 2011. La participation des femmes,
si elle est plus élevée que dans la plupart des pays de la région MENA, reste faible. Le taux
de chômage est élevé, particulièrement pour les jeunes et les femmes. Pour ceux ayant un
emploi, il existe des différences importantes de statut et de revenu entre salariés du
secteur public, salariés du secteur privé et employés du secteur informel sans couverture
sociale. Les régions intérieures souffrent d’un faible niveau d’activité, de taux de chômage
élevés et de services publics de moindre qualité. Elles sont aussi mal reliées aux grands
centres d’activité sur les côtes.
La Tunisie a, depuis son indépendance, donné un rôle important à l’État. Le modèle
économique s’est construit autour d’une politique industrielle active pour favoriser le
développement de certains secteurs d’activité, des grandes entreprises et banques
publiques. Ce modèle de développement, étatiste, a connu une ouverture graduelle au
commerce extérieur et aux investissements directs étrangers à partir de 1972 avec un
nouveau code d’investissement qui instaure un régime fiscal et douanier favorable pour les
entreprises entièrement tournées vers l’exportation – système dit offshore. L’accord
d’association avec l’Union européenne en 1995 a accéléré le processus d’ouverture.
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201818
Graphique 2. Les indicateurs de bien-être sont plutôt élevés hormis l’emploi et les revenus
Note : Les variables utilisées pour chacune des dimensions sont : i) Logement : part de la population bénéficiant d’un accès à unassainissement amélioré et part de la population bénéficiant d’un accès à l’électricité ; ii) Revenu : PIB par habitant exprimé en parité depouvoir d’achat ; iii) Emploi : taux d’emploi et part des chômeurs sans travail rémunéré pendant moins d’un an ; iv) Enseignement :résultats moyens des tests PISA en lecture, mathématiques et sciences et part de la population de plus de 25 ans ayant au moins unequalification au niveau secondaire supérieur dans la population du même groupe d’âge ; v) Environnement : inverse de la concentrationmoyenne annuelle de particules fines (PM2.5) dans l’air et part de la population avec accès à une source améliorée d’eau potable ;vi) Santé : espérance de vie à la naissance.Source : Banque mondiale, Indicateurs de développement mondial (WDI) ; INS ; base de données PISA de l’OCDE ; et UNESCO.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694213
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A. Bien-être, dimensions principalesOCDE = 100
Tunisie
Pays de l'OCDE à faible revenu
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Équipements sanitaires de base
Accès à l'électricité
PIB par habitant
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Dynamisme du marché de l'emploi
Compétences des élèves
Années de scolarité
Qualité de l'air
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B. Bien-être, sous-indicateursOCDE = 100
Tunisie
Pays de l'OCDE à faible revenu
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 19
L’initiative privée et la création d’entreprises ont été encouragées depuis le milieu des
années 90, avec une panoplie de mesures financières et fiscales pour les petites et
moyennes entreprises. En parallèle, la Tunisie a connu plusieurs vagues de privatisations,
notamment au milieu des années 80 et en 2006-07, et de réformes des réglementations.
Certaines d’entre elles ont néanmoins été perçues comme des opérations de copinage,
renforçant la mainmise de grandes familles sur l’économie (Rijkers et al., 2014).
Le processus de convergence économique, après une accélération dans les années 90,
est temporairement stoppé (graphique 4). La croissance a fléchi après 2010. L’investissement
des entreprises en pourcentage du PIB est orienté à la baisse depuis le début des années 2000
(chapitre 1), ce qui pèse sur la productivité, la création d’emplois et l’amélioration du niveau
de vie. La forte croissance de l’emploi et des salaires publics a soutenu la demande mais s’est
traduite par des déficits jumeaux (budgétaire et commercial) qui ont atteint des niveaux
critiques. Le ralentissement de l’activité reflète aussi des circonstances exceptionnelles –
mouvements sociaux et attaques terroristes – affectant l’extraction et les exportations de
pétrole, gaz, phosphates ainsi que le secteur du tourisme. On estime que si ces secteurs
avaient continué de croître au même rythme qu’avant 2011, la croissance du PIB aurait
atteint, toutes choses égales par ailleurs, 2.6 % en moyenne sur la période 2011-16
(graphique 5.B), contre les 1.7 % constatés. Le ralentissement économique a néanmoins été
plutôt moins sévère que dans d’autres pays ayant connu une transition politique majeure,
comme l’Espagne, la Pologne et le Portugal (graphique 5.A).
L’économie tunisienne a aussi souffert de la crise en Libye qui était le deuxième
partenaire commercial après l’Union européenne. La Libye était en effet un marché
important, en particulier pour l’agro-alimentaire et la construction. Certes, l’afflux de
réfugiés libyens, dont les revenus étaient en moyenne nettement plus élevés que ceux des
ménages tunisiens, a soutenu la consommation. Néanmoins, la crise libyenne a aussi
précipité le retour au pays d’environ 60 000 tunisiens, pour la plupart originaires des
régions défavorisées, exacerbant le chômage et les disparités régionales. Les poussées de
Graphique 3. Le taux de pauvreté a diminué
Note : Le taux de pauvreté est défini comme le pourcentage de la population gagnant moins de 1706 TND ou 712 USD par an (en 2015).Pour la pauvreté extrême, le seuil est de 1032 TND ou 431 USD par an.Source : INS.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694232
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% de la population
Pauvreté Pauvreté extrême
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201820
Graphique 4. Le processus de convergence économique a été graduel
Source : Banque mondiale, Indicateurs de développement mondial (WDI).1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694251
Graphique 5. L’économie tunisienne a été résiliente
1. Le temps t correspond à l’année du changement de régime : 1974 pour le Portugal, 1975 pour l’Espagne, 1990 pour la Pologne, et 2011pour la Tunisie.
2. Le scénario montre la croissance qui aurait été atteinte si les secteurs du tourisme, de l’extraction et de la transformation des produitsminiers n’avaient pas été affectés par des circonstances exceptionnelles.
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE n° 102 ; et calculs de l’OCDE.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694270
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PIB par habitant en proportion de la moyenne de l'OCDE2011 USD PPA
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t = 100
A. Le revenu par habitant a continué de croître après 2010¹PIB réel par habitant
Tunisie Espagne Pologne Portugal
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Points de pourcentage
B. L'impact des circonstances exceptionnelles sur la croissance a été marquéContributions sectorielles à la croissance
Raffinage du pétrole , Industries chimiques , Extraction de pétrole et de gaz , Industries minières ,Services de l'hôtellerie et de la restaurationAutres secteurs
PIB
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 21
tensions dans la région ont aussi affecté l’investissement et le tourisme en Tunisie et se
sont traduites par une augmentation des dépenses militaires et de sécurité. Au total, la
Banque mondiale estime que la crise libyenne aurait résulté en une baisse de croissance de
1 point de pourcentage sur la période 2011 à 2015 (Banque mondiale, 2017).
La normalisation de la situation interne et externe devrait permettre une reprise de la
croissance mais aussi une amélioration de la balance des paiements et du solde
budgétaire. Cette normalisation sera pourtant insuffisante pour enclencher un rythme de
croissance soutenu, réduire significativement le chômage – l’un des vecteurs-clé des
inégalités en Tunisie – et inscrire la dette publique sur une trajectoire soutenable.
Un accord élargi de crédit portant sur 2.9 milliards de dollars a été signé en 2016 entre
le FMI et la Tunisie, avec pour objectif de remédier aux vulnérabilités qui subsistent. Il s’agit
notamment de promouvoir une croissance économique plus vigoureuse et mieux partagée
en consolidant la stabilité macroéconomique, en réformant les institutions publiques –
notamment la fonction publique –, en facilitant l’intermédiation financière et en améliorant
le climat des affaires.
La Tunisie pourrait mieux exploiter ses avantages comparatifs. Elle dispose d’une
main d’œuvre relativement bien formée et d’une situation géographique stratégique entre
l’Europe et l’Afrique. Elle sera un partenaire essentiel pour la reconstruction de la Libye.
C’est une économie ouverte au commerce et aux investisseurs étrangers. Certains pans de
l’économie se sont révélés particulièrement dynamiques, notamment dans le secteur
offshore. Dans ce secteur, le nombre d’entreprises a été multiplié par plus de 13 entre 1996 et
2016 alors que le nombre d’entreprises du secteur onshore était multiplié par moins de 2.
Les entreprises du secteur offshore contribuaient à 78 % des exportations hors énergie en
2015 et 34 % de l’emploi salarié formel. La production du secteur offshore s’est diversifiée
vers des produits plus complexes que la confection textile traditionnelle, avec une
progression nette des industries mécaniques et électriques. Les perspectives de croissance
d’ici à 2025 estimées sur la base de la sophistication et de la diversification des biens
produits (The Atlas of Economic Complexity) sont très favorables (graphique 6). En termes
d’innovation, l’indicateur Bloomberg place la Tunisie comme premier pays d’Afrique et de
la zone MENA, au 43e rang parmi plus de 200 pays en 2018. Pour concrétiser ses atouts, la
Tunisie doit mettre en place les réformes qui lui permettront de libérer l’initiative privée et
d’exploiter ses avantages comparatifs.
Les messages principaux de cette première Étude économique de l’OCDE sur la Tunisie
sont les suivants:
● Pour remettre la dette publique sur une trajectoire soutenable, il faut associer un
assainissement budgétaire graduel à des réformes structurelles susceptibles de soutenir
la croissance. Le taux de prélèvement obligatoire étant déjà élevé, l’assainissement doit
jouer sur le volume des dépenses publiques et s’inscrire dans une perspective de moyen-
terme. La justice fiscale doit être renforcée et le biais des subventions en faveur des
ménages riches doit être corrigé. La gouvernance des entreprises publiques doit être
renforcée et leurs performances financières nettement améliorées.
● Pour relancer l’activité économique et créer des emplois, il faut accélérer le rythme des
réformes structurelles. La priorité devra être donnée à l’amélioration du climat des
affaires dont les gains seront plus facilement réalisables que ceux de la modernisation
du Code du travail. Il s’agit de lever les contraintes réglementaires, administratives et de
financement que rencontrent les entreprises et d’appliquer des règles du jeu équitables
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201822
entre entreprises publiques et privées. L’ouverture à la concurrence devra aussi permettre
de réduire les rentes de situation et d’accélérer la diffusion des nouvelles technologies.
De meilleures performances logistiques et la facilitation du commerce extérieur
devraient permettre d’attirer plus d’investissement étranger et de progresser davantage
dans les chaînes de valeur mondiales. La prévisibilité de la réglementation, y compris
fiscale, est aussi importante pour les investisseurs.
● La création d’emplois et le développement régional sont les facteurs les plus importants
pour rendre la croissance plus inclusive. Pour permettre la baisse du chômage et la
création d’emplois de qualité, les cotisations sociales pesant sur le travail salarié devraient
être allégées. Des politiques visant à favoriser la participation sur le marché du travail et
l’emploi des femmes, et à mieux les orienter vers des formations propices à l’emploi,
devraient être mises en œuvre. Une nouvelle politique de développement régional,
valorisant les atouts spécifiques de chaque région, est nécessaire, notamment par la mise
en place de conditions propices aux affaires permettant d’attirer les investisseurs. Des
mesures favorisant la mobilité des travailleurs, comme l’amélioration des infrastructures
et des transports publics dans les régions isolées, sont également nécessaires.
La croissance va se renforcer mais les tensions inflationnistes et les déficitsjumeaux persistent
L’activité économique se raffermit
L’activité économique se raffermit depuis 2016, tirée par de bonnes récoltes et le
dynamisme du secteur des services notamment le tourisme et le transport (graphique 7).
En 2015, la croissance s’est ralentie en raison de facteurs temporaires et spécifiques à
certains secteurs. Les performances industrielles ont été affectées par des mouvements
sociaux en particulier dans l’industrie chimique, l’industrie minière et la production
d’hydrocarbures. La production de pétrole et de gaz a aussi souffert du déclin des réserves,
de l’arrêt de certains champs pour maintenance, de la faiblesse des investissements directs
étrangers (IDE) et de l’absence de nouvelles découvertes (Banque Centrale de Tunisie, 2017).
Graphique 6. Perspectives de croissance à moyen terme sous le prismede la complexité de l’économie
Source : The Atlas of Economic Complexity, 2015. Harvard Center for International Development.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694289
Égypte 7.0
Tunisie 4.9Afrique du sud 4.8Maroc 4.2
Algérie 2.8
Mexique 4.6Brésil 4.2
Chili 2.6
Inde 7.7
Indonésie 5.8Turquie 5.6
Chine 4.4
Corée 3.4Espagne 3.8 Portugal 3.6
Slovaquie 3.1 Pologne 3.1France 2.9Italie 2.1
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
0 1 2 3 4 5
%
Projections de croissance en 2025 par région
Afrique Amériques Asie Europe Océanie
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 23
Les attaques terroristes de 2015 ont fortement affecté le secteur du tourisme mais les
arrivées de touristes se sont redressées en 2017, bénéficiant notamment de la levée des
avis négatifs aux voyageurs de plusieurs pays européens.
Les créations d’emplois sont faibles et le chômage reste élevé
La faiblesse de l’activité ces dernières années n’a pas permis une croissance
substantielle de l’emploi. Le taux d’emploi (défini comme le nombre d’actifs occupés divisé
par la population en âge de travailler, 15 ans et +) s’est inscrit sur une tendance baissière
depuis mi-2014 pour atteindre environ 40 % au deuxième trimestre 2017 (graphique 7.C). Le
taux de chômage est élevé (15 % de la population active mi 2017), spécialement chez les
jeunes diplômés de l’enseignement supérieur (30.5 % en 2016).
Graphique 7. Indicateurs macroéconomiques
1. Produit intérieur brut au coût des facteurs.2. Le taux d’emploi est calculé en divisant le nombre d’actifs occupés par la population en âge de travailler (15 ans et +).3. Le taux de chômage est calculé comme le nombre de personnes au chômage en pourcentage de la population active. Les chômeurs
sont les individus en âge de travailler sans travail, disponibles sur le marché du travail et qui ont accompli des démarches spécifiquespour trouver du travail. La population active est définie comme le nombre total de personnes au chômage plus la population activecivile occupée.
Source : INS ; et Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE n° 102.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694308
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Glissement annuel en %
D. L’inflation continue d’augmenter
Indice géneral des prix à la consommationPrix libresPrix administrés
-4
-2
0
2
4
6
8
10
Glissement annuel en %
A. Croissance du PIB¹ trimestriel réel
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
6
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Glissement annuel en %
B. Contributions à la croissance du PIB¹
Autres
Secteur manufacturier
Services marchands
PIB réel
14.0
14.5
15.0
15.5
16.0
16.5
17.0
17.5
18.0
18.5
38.0
38.5
39.0
39.5
40.0
40.5
41.0
2012 2013 2014 2015 2016 2017
%% C. Marché du travail
Taux d'emploi² (éch. gauche)Taux de chômage³ (éch. droite)
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201824
L’inflation est repartie à la hausse depuis le mois d’avril 2016 pour s’établir à plus de
6 % en glissement annuel à la fin de 2017 (graphique 7.D). Les tensions inflationnistes
reflètent essentiellement la dépréciation du dinar et les hausses de salaires qui ont
alimenté la consommation. En effet, les salaires réels ont augmenté plus vite que la
productivité en 2016 et 2017, notamment dans les administrations publiques, les industries
agroalimentaires et les hydrocarbures (graphique 8). L’accord signé en mars 2017 prévoit
une augmentation de 6 % pour 2016 (avec effet rétroactif à partir d’août 2016) et une hausse
du même montant à compter de mai 2017. Certains secteurs se trouvent confrontés à des
difficultés pour appliquer ces hausses, même s’ils bénéficient d’une dérogation pour
différer l’application des augmentations salariales.
Le déficit de la balance des paiements peine à se résorber
Les paiements extérieurs ont été affectés depuis 2011 par les tensions sociales et
sécuritaires survenues après la révolution, ainsi que la crise libyenne. Le déficit courant
s’est significativement détérioré pour atteindre, en moyenne, 9.1 % du PIB entre 2013 et
2017, contre 3.1 % du PIB entre 2006 et 2010. Le déficit commercial est passé de 13.2 % du
PIB en 2010 à 16 % du PIB en 2017. Ce résultat provient essentiellement du dérapage des
importations, notamment celles des produits de consommation, et du recul des
exportations de certains secteurs comme les industries extractives.
Le solde énergétique a été largement déficitaire au cours de ces dernières années en
raison de la baisse du volume de la production nationale, l’accroissement de la
consommation nationale et le recul de l’activité d’investissements dans la prospection et
le développement des secteurs des hydrocarbures. Les exportations des phosphates et
dérivés, ont accusé une forte baisse en volume depuis 2011 en raison de la poursuite des
tensions sociales au niveau des sites de production et de transport. En revanche, les
exportations manufacturières, en particulier les industries mécaniques et électriques, ont
connu une bonne performance au cours des deux dernières années en lien avec
l’amélioration de la demande émanant des pays de l’Union européenne.
Graphique 8. Les salaires réels ont augmenté plus vite que la productivité
Note : Une baisse de l’indice indique une croissance des salaires supérieure à celle de la productivité.Source : ITCEQ.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694327
70
75
80
85
90
95
100
105
110
115
120
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Indice, 2010=100
Indice de la productivité du travail/salaire réel
Ind. agro-alimentaires Ind. mécaniques et électriques Industries non manufacturières
Administration Ensemble de l'économie
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 25
L’excédent traditionnel de la balance des services a connu, depuis 2011, des fluctuations
importantes en raison de la baisse de l’activité touristique et du transport faisant suite aux
attentats terroristes perpétrés en 2015. Toutefois, l’amélioration de la situation sécuritaire
durant ces deux dernières années a pu rétablir progressivement la situation. Malgré la crise
financière et le niveau du chômage dans les pays d’accueil, les transferts de fonds des
tunisiens résidant à l’étranger sont importants. À 4.4 % du PIB en 2016, ils représentent près
du double des investissements directs étrangers.
La dépréciation du dinar ne s’est pas encore traduite par une réduction du déficit
courant (graphique 9). Afin d’enrayer la baisse des avoirs en devises, depuis octobre 2017
les opérateurs économiques qui importent des produits de consommation non essentiels
ne sont plus autorisés à recourir à des crédits auprès d’institutions bancaires pour ces
opérations.
La dette externe de la Tunisie a augmenté récemment pour atteindre 70 % du PIB fin
2016 (FMI, 2017), dont plus des trois quarts sont des dettes à moyen et long termes. De par sa
structure – des taux d’intérêts moyens bas, des maturités longues et une part importante de
dette concessionnelle –, la dette externe devrait être résistante à divers chocs, excepté une
dépréciation réelle importante du dinar (FMI, 2017). Les réserves de change se situaient en
novembre 2017 à peine au niveau leur permettant de couvrir trois mois d’importations de
biens et services.
La croissance va se raffermir en 2018 et 2019 mais des risques subsistent
La croissance devrait atteindre 2.8 % en 2018 et 3.4 % en 2019 (tableau 1).
L’investissement des entreprises bénéficiera de la simplification des procédures apportée
par la nouvelle loi sur l’investissement alors que les exportations bénéficieront de la
reprise sur les marchés européens. L’inflation a augmenté au deuxième semestre 2017 et
des tensions persistent en 2018 en raison des effets de la dépréciation de la monnaie, de
l’augmentation des salaires et de la hausse des taux de TVA. Toutefois, elle connaîtrait une
Graphique 9. La dépréciation du dinar ne s’est pas encore traduitepar une réduction du déficit courant
Note : Une baisse du taux de change effectif réel signifie une hausse de la compétitivité.Source : Banque Centrale de Tunisie ; et INS.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694346
80
84
88
92
96
100
104
-15
-12
-9
-6
-3
0
3
2014 2015 2016 2017
Indice, 2010=100% du PIB
Solde des opérations courantes Taux de change effectif réel (échelle de droite)
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201826
relative détente dès 2019. Le chômage diminuera mais certains groupes – femmes, jeunes,
diplômés – resteront fortement frappés. Le déficit courant diminuera légèrement à la
faveur du redressement du tourisme et de la reprise attendue des exportations.
Les développements récents dans l’agriculture et l’agroalimentaire pourraient se
traduire par une contribution plus forte que prévue du secteur agricole à la croissance. En
revanche, les tensions sociales pourraient freiner la croissance. L’insécurité dans certaines
zones représente toujours un risque pour les investisseurs et le tourisme. La poursuite de
l’augmentation des prix du pétrole pourrait affecter l’inflation, les finances publiques et le
solde des paiements courants. L’économie tunisienne pourrait aussi être confrontée à des
chocs dont les effets potentiels sont difficiles à incorporer dans les prévisions (tableau 2).
Politiques pour rétablir les équilibres macroéconomiques sans freinerla croissance
Mettre en place les conditions pour le passage à un ciblage explicite de l’inflationà moyen terme
Depuis 2006, le principal objectif de la politique monétaire est la stabilité des prix, avec
une cible implicite de 4 % qui correspond à la moyenne de long terme. Le taux d’intérêt du
marché monétaire est considéré comme l’instrument principal de la politique monétaire.
Le contrôle exercé sur les prix – les prix administrés représentent environ un quart de
Tableau 1. Développements récents et prévisions
2014 2015 2016 2017 2018 2019
Prix courantsmilliards de dinars
Pourcentage de variation, en volume (prix de 2010)
PIB aux prix du marché 80.8 1.1 1.0 2.0 2.8 3.4
Consommation privée 55.9 3.2 3.3 3.3 3.2 2.9
Consommation publique 15.1 4.4 2.5 0.8 0.2 0.2
Formation brute de capital fixe 16.4 -0.5 2.4 3.3 5.4 6.6
Demande intérieure finale 87.4 2.7 3.0 2.8 3.0 3.1
Exportations de biens et services 36.3 -5.3 -0.3 3.2 5.0 5.6
Importations de biens et services 45.2 -2.6 3.1 5.6 5.0 4.6
Exportations nettes1 -8.9 -0.9 -1.7 -1.5 -0.5 0.0
Pour mémoire
Déflateur du PIB – 3.2 5.1 6.0 6.9 5.4
Indice des prix à la consommation – 4.9 3.7 5.3 6.4 5.0
Taux de chômage (% de la population active) – 15.2 15.5 15.4 15.2 14.7
Balance des opérations courantes (% du PIB) – -8.9 -8.8 -10.1 -9.5 -9.0
1. Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne.Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 102, ajustée des dernières informations disponibles.
Tableau 2. Évènements qui pourraient altérer la performance économique
Choc Impacts possibles
Exacerbation de l’instabilité politique L’instabilité politique accrue freinerait le rythme des réformes structurelles,entamerait la confiance des investisseurs et renforcerait les tensions sur le soldebudgétaire et la balance des paiements.
Détérioration brutale de la sécurité dans la région L’insécurité accrue ou la détérioration de la situation en Libye affecteraientl’économie et en particulier le secteur du tourisme, fortement intensif en maind’œuvre.
Montée du protectionnisme chez les pays partenaireset baisse du commerce mondial
Le secteur exportateur serait affecté et avec lui la création d’emplois. La haussedu chômage qui en résulterait renforcerait les inégalités et les tensions sociales.
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 27
l’indice des prix à la consommation – limite néanmoins la transmission de la politique
monétaire. Tenant compte de la hausse des pressions inflationnistes depuis 2016, la
Banque centrale a augmenté son taux directeur en avril et mai 2017 pour le porter à 5 %
puis en mars 2018 pour le porter à 5.75 %. Les autorités sont prêtes à augmenter encore leur
taux directeur si les pressions inflationnistes perdurent.
Afin d’ancrer les anticipations d’inflation, un objectif explicite d’inflation devrait être
adopté par la Banque Centrale à l’instar de nombreux pays de l’OCDE et émergents qui ont
introduit avec succès un régime de ciblage de l’inflation, notamment l’Afrique du Sud, le
Canada, le Chili, la Colombie, l’Inde, les Philippines, le Royaume-Uni et la Suède.
Néanmoins, ce ciblage ne pourra être mis en place que lorsque certains prérequis seront
atteints comme un système bancaire solide, des marchés financiers développés, la stabilité
macroéconomique et l’ouverture du compte de capital.
Depuis 2011, la Banque Centrale de Tunisie a œuvré à dynamiser le marché de change
interbancaire et à réduire autant que possible ses interventions. Pour y parvenir, un ensemble
de réformes ont été mises en place – comme la levée de l’obligation d’adossement sur des
opérations réelles pour les opérations de change devises/dinars entre les intermédiaires
agréés, l’autorisation pour les banques de céder leurs billets de banques étrangers contre
devises, la libéralisation des opérations de couverture du taux de change entre les
intermédiaires agréés – afin de pousser les intermédiaires agréés à jouer pleinement leur rôle
de teneurs de marché. Ainsi, la référence à un panier de devises a été retirée en avril 2012, et
remplacée par un fixing représentant la moyenne des cotations des banques.
Alors que les opérations relatives au compte courant sont totalement libres, certaines
restrictions demeurent sur le compte du capital. La simplification prévue des procédures
de transfert des avoirs des non-résidents, l’augmentation des seuils des investissements à
l’étranger par les résidents et l’harmonisation du fonctionnement des comptes
réglementés des personnes physiques résidentes vont permettre une ouverture plus
grande du compte du capital (Banque Centrale, 2017b). Avant l’ouverture totale du compte
de capital, la Tunisie est consciente qu’elle doit renforcer sa stabilité macroéconomique,
développer ses institutions financières et la surveillance prudentielle (FMI, 2015).
Consolider le secteur bancaire
Les banques ont une fonction essentielle, dans la mesure où elles assurent plus de 90 %
de l’intermédiation financière, les assurances et instituts de micro-crédit jouant encore un
rôle marginal. Le nombre de banques universelles (24) est relativement élevé, compte tenu
de la taille du pays. Elles sont souvent de petite taille et leur rentabilité est faible
(graphique 10). En outre, les entreprises peinent à accéder au financement bancaire. Le taux
de crédit a augmenté depuis 2010 mais reste faible en comparaison des pays de l’OCDE
(graphique 11).
Entre 2010 et 2016, la part des créances douteuses dans le total des crédits est passée de
12 % à 15.4 %, ce qui est élevé par rapport aux pays de l’OCDE (graphique 12), et a même
atteint 20 % dans les banques publiques. Celles-ci se trouvent majoritairement dans les
secteurs de l’agriculture et du tourisme. Les faiblesses des procédures de faillite, qui
permettent aux entreprises inefficaces de ne pas rembourser leurs dettes et de continuer à
opérer au lieu de les obliger à se restructurer ou à quitter le marché, ont aggravé le problème
des créances douteuses. Depuis 2012, la Banque centrale a pris plusieurs mesures pour
renforcer le secteur bancaire. Les règles de provisionnement ont été renforcées. Le ratio
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201828
règlementaire de solvabilité a été augmenté. De plus, un plan de restructuration des banques
publiques a été engagé avec la recapitalisation des trois grandes banques publiques et la
cession des participations minoritaires dans certaines banques mixtes. Une loi bancaire a été
adoptée en 2016 qui a, entre autres, introduit un dispositif de résolution bancaire, un
dispositif de prêteur en dernier ressort et un fonds de garantie des dépôts. De plus, la
nouvelle loi sur la Banque centrale a permis de renforcer les pouvoirs de celle-ci en matière
de supervision bancaire. Ces mesures ont permis de réduire les sources de vulnérabilité du
secteur.
Une part importante de créances douteuses contraint les ressources et empêche un
processus efficace de leur allocation. L’expérience de nombreux pays suggère qu’il n’existe
pas une solution unique pour tous les pays. Les outils de résolution peuvent être des
Graphique 10. Rentabilité bancaire en comparaison internationale2015 ou dernière année disponible
Source : Banque Mondiale, Global financial development database.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694365
Graphique 11. Le taux de crédit a augmenté mais reste faible
Source : Banque mondiale, Indicateurs de développement mondial (WDI).1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694384
-20
-15
-10
-5
0
5
10
15
20
25
-2
-1.5
-1
-0.5
0
0.5
1
1.5
2
2.5
Portu
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Italie
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Indo
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e
% profits après impôts% profits après impôts
Retour sur actifs des banques (éch. gauche) Rendement des capitaux propres (éch. droite)
0
50
100
150
200
250
300
Indonésie Mexique Pologne Tunisie Maroc Chili UE France Portugal Corée Italie Espagne OCDE
% du PIB Crédit intérieur accordé par le système financier au secteur privé
2010 2016
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 29
restructurations individuelles des banques, des unités de résolution à l’intérieur des
banques (Pologne en 1990), une Société de Gestion d’Actifs (SGA) (Suède en 1993) spécifique
à une banque ou une SGA au niveau du pays gérée par les autorités (pays asiatiques dans
les années 90, Espagne en 2012, Irlande) (Baudino et Yun, 2017).
Les autorités tunisiennes ont abandonné leur projet de création d’une SGA. Elles
doivent, à présent, mettre en œuvre les changements législatifs prévus pour faciliter la
résolution des créances douteuses dans les banques publiques. En effet, actuellement, les
dirigeants des banques publiques peuvent être traduits en justice s’ils négocient la
restructuration ou l’abandon des créances douteuses, ce qui est un frein à leur résolution.
Les banques conservent ainsi dans leur portefeuille des actifs de compagnies ayant une
probabilité de survie faible, ce qui ralentit la réallocation des ressources vers des entreprises
plus productives. La loi sur les procédures collectives, qui a été adoptée en 2016 mais n’est
pas encore entièrement appliquée, devrait faciliter la résolution des créances douteuses. Un
processus efficace de résolution des créances douteuses doit être accompagné d’un système
judiciaire performant, en particulier en ce qui concerne les faillites.
Afin de stabiliser le secteur bancaire et soutenir l’offre de crédit, une consolidation du
système bancaire semble nécessaire. La consolidation permettrait de réaliser des économies
d’échelle significatives, en s’appuyant sur les progrès des technologies de l’information et
sur une diversification plus judicieuse (Hughes et Mester, 2013). Un désengagement de l’État,
qui demeure présent dans une dizaine de banques avec des participations allant de 10 % à
87 %, pourrait favoriser cette tendance. Les autorités devraient également reconsidérer le
plafonnement des taux d’intérêt qui limite la concurrence et rend difficile la tarification du
risque. Un projet d’amendement de la loi relative aux taux d’intérêts excessifs a été présenté
à l’Assemblée des Représentants et devrait être discuté début 2018. Enfin, il faut améliorer les
dispositifs de financement des investissements dans les régions de l’arrière-pays.
Néanmoins, l’intérêt du projet de la Banque des Régions, qui vise à améliorer l’accès au
financement des très petites, petites et moyennes entreprises dans ces régions, devra être
réévalué compte tenu de la fragmentation du secteur bancaire et des institutions déjà
existantes sur ce créneau.
Graphique 12. Les créances douteuses sont importantes
Source : Base de données des Indicateurs de solidité financière du FMI ; et Banque centrale de Tunisie.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694403
02468
101214161820
Cor
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Tuni
sie
Italie
% du montant brut des prêtsPart des créances douteuses dans l’ensemble des crédits
2017 T2 ou dernières données disponibles
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201830
Assainir les finances publiques en préservant la croissance et en renforçant la justicesociale
Les résultats budgétaires se sont dégradés
Les déficits et la dette publics sont plus élevés que dans la plupart des pays émergents
(graphique 13). La détérioration des finances publiques reflète en partie des effets
conjoncturels et spécifiques. Après 2010, les recettes de l’État ont pâti du ralentissement de
l’activité économique, de la mise à l’arrêt de certaines exploitations minières et de la forte
progression du commerce parallèle. Les dépenses publiques ont augmenté pour faire face
aux défis de l’insécurité et aux revendications sociales. Les recrutements dans la fonction
publique ont été massifs entre 2011 et 2013 (graphique 13.E). Le Parlement a en effet adopté
en 2012 une loi « exceptionnelle » favorisant l’accès à des postes dans l’administration
publique pour les blessés de la révolution, ainsi qu’à ceux ayant bénéficié de l’amnistie
générale en 2011. La hausse des salaires dans l’administration publique a aussi été forte
(graphique 13.F). Au total, la rémunération des fonctionnaires a augmenté de plus de quatre
points de PIB depuis 2010 pour atteindre 14.6 % du PIB en 2016 (tableau 3), un niveau inégalé
historiquement et bien plus élevé que dans la plupart des autres pays (graphique 13.D).
L’afflux de réfugiés libyens a aussi pesé sur les dépenses de subventions des produits de base.
Pressions sur les dépenses futures : retraites, engagements implicites et décentralisation
Le système de retraite par répartition générera des tensions additionnelles sur les
finances publiques en l’absence de réforme. Le Contrat social, adopté en 2013 par le
gouvernement et les partenaires sociaux, réaffirme la préférence de la société tunisienne
pour le système de retraite par répartition. Les dépenses des caisses de sécurité sociale
consacrées aux retraites ont fortement augmenté pour atteindre près de 6 % du PIB en 2016,
Tableau 3. Résultats budgétaires1 : données principales(en % du PIB2)
2005 2010 2015 2016 LF20174
A. Recettes totales 21.6 23.4 23.4 22.8 24.0
Recettes fiscales 18.9 20.1 21.9 20.7 22.2
Recettes non fiscales3 2.7 3.3 1.5 2.1 1.8
B. Dépenses totales 24.5 24.5 28.2 28.9 29.5
Dépenses courantes 15.7 15.9 20.4 20.4 20.8
dont : Salaires 11.0 10.8 13.7 14.6 14.1
Subventions/Compensation 1.9 2.4 3.4 2.4 2.8
Alimentation 1.0 0.9 1.8 1.7 1.6
Transport 0.3 0.3 0.5 0.5 0.5
Pétrole et gaz 0.6 1.2 1.1 0.2 0.7
Dépenses en capital 6.0 6.8 5.7 6.0 6.3
Prêts 0.3 -0.1 0.3 0.3 0.1
Paiements d’intérêts 2.5 1.8 1.9 2.2 2.3
C. Deficit = A-B -2.9 -1.0 -4.8 -6.1 -5.5
Memorandum item :
Dons 0.2 0.1 0.3 0.1 0.3
Privatisations 0.4 0.0 0.0 0.4 0.0
Revenus confisqués 0.1 0.1 0.2
1. Gouvernement central. Les recettes et dépenses de la sécurité sociale n’apparaissent pas.2. PIB : 2016 et 2017 chiffres du ministère des Finances.3. À l’ exclusion des dons, privatisations et revenus confisqués.4. Loi de Finances pour 2017.Source : Ministère des Finances.
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 31
Graphique 13. La Tunisie doit remettre ses finances publiques sur un chemin plus soutenable
Source : Ministère des Finances ; INS ; Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE n° 102 ; FMI World Economic Outlookdatabase ; BCT ; et ITCEQ.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694422
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% du PIB
E. Évolution des déficits publics
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A. Solde des administrations publiques2016 ou dernière année disponible
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% du PIB
B. Masse salariale dans la fonction publique2016 ou dernière année disponible
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Milliers de personnes
D. Créations nettes d’emplois dans l'administration publique
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2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Indice, 2007=100
F. Évolution des salaires publics, privés et des prix
Salaires dans le secteur productif non agricoleSalaires dans l'administrationPrix à la consommation
020406080
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% du PIB
C. Dette des administrations publiques2016 ou dernière année disponible
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201832
reflétant en partie le vieillissement de la population. Alors que l’espérance de vie augmentait
rapidement, passant de 70 à 75½ ans entre 1990 et 2016, l’âge légal de départ à la retraite est
resté fixé à 60 ans. En conséquence, le nombre des travailleurs cotisant par retraité – un
indicateur clé de viabilité du système – a fortement chuté, notamment dans le secteur public
(graphique 14.A). La proposition de porter l’âge de départ à la retraite à 62 ans d’ici 2019
contribuera à alléger les pressions, sans toutefois assurer la viabilité du système.
Outre l’âge de départ à la retraite, le calcul des droits à pension est généreux. Le taux
de remplacement est élevé (graphique 14.B), en particulier dans le régime public où les
droits sont, de plus, calculés sur la base du dernier salaire. Les pensions sont indexées sur
les salaires alors qu’elles sont partiellement indexées sur les prix dans la plupart des pays
de l’OCDE. La caisse de retraite du secteur privé (CNSS) souffre aussi de sous-déclaration et
de sous-recouvrement. Malgré des hausses du taux de cotisation, le déficit des caisses de
sécurité sociale s’élève à environ 1 % du PIB en 2017.
Graphique 14. Le régime de retraite est généreux mais pas soutenable
1. Les données pour 2015 sont des projections du gouvernement tunisien.Source : Gouvernement de la Tunisie ; OCDE, Panorama des pensions 2015 ; et Base de données de l’OCDE sur les pensions.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694441
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¹
Nombre de travailleurs cotisants par retraité
A. Le nombre de travailleurs contribuant au financement du régime de retraite est en baisse constante
Public Privé
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B. Le taux de remplacement brut est élevé, 2014
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 33
Les engagements implicites associés aux banques et entreprises publiques pourraient
se traduire par une nouvelle hausse des dépenses publiques. Les engagements implicites
associés aux entreprises publiques, notamment sous forme de dettes garanties par l’État, et
les besoins de recapitalisation des banques publiques, s’élevaient à 12 % du PIB en 2016 (FMI,
2017). Pour maîtriser les coûts budgétaires, le gouvernement a défini des contrats de
performance avec les cinq principales entreprises publiques. L’expérience n’a cependant pas
été probante jusqu’à présent car, en limitant les ajustements de prix et en imposant des
créations d’emplois ou des hausses de salaires, l’État a rendu difficile le retour à la viabilité
financière des entreprises publiques. Une stratégie de restructuration des entreprises
publiques a été adoptée par le gouvernement en avril 2017, en vue de rétablir leur viabilité
financière. Dans le futur, l’ajustement des tarifs, pour parvenir à un recouvrement des coûts,
combiné à une maîtrise de la masse salariale et à l’amélioration des performances de gestion
de ces entreprises semblent être des composantes incontournables du retour à la viabilité
financière des entreprises publiques.
La nouvelle Constitution prévoit un processus de décentralisation qui peut créer des
pressions additionnelles sur les finances publiques. Si la décentralisation devrait permettre
de rapprocher les décisions politiques des citoyens et donc de mieux répondre aux besoins
de ces derniers, elle génèrera probablement des dépenses supplémentaires. En effet, les
expériences de l’Espagne et de la France suggèrent que le processus de décentralisation
s’accompagne souvent, au moins dans un premier temps, d’une hausse de la dépense
publique (Joumard et Giorno, 2005 ; Jamet, 2007). En effet, la réaffectation des employés du
gouvernement central aux autorités locales est souvent incomplète et les doublons sont
nombreux. En Indonésie, la décentralisation a buté sur le manque de compétences au niveau
local ; la qualité des services publics locaux est fort inégale et la corruption est un problème
sérieux (Vujanovic, 2017). Pour minimiser ces écueils, la décentralisation devra être graduelle
pour faciliter la réallocation des ressources et accroitre la capacité de gestion et de
mobilisation des ressources des collectivités décentralisées.
Remettre les finances publiques sur une trajectoire soutenable
En l’absence de réformes, la persistance de déficits budgétaires élevés et d’une
croissance économique faible se traduirait par une nouvelle augmentation de la dette
publique. Le ratio de la dette publique au PIB est passé de 41 % en 2010 à 62 % en 2016. Cette
dette est financée à près de 2/3 par des emprunts étrangers en devises, dont la majeure
partie est de nature concessionnelle, ce qui réduit le service de la dette mais accroit la
vulnérabilité externe. Les agences de notation ont abaissé le statut de la dette souveraine
tunisienne, qui n’est plus « Investment grade » depuis 2012 selon Fitch et Standard & Poor’s,
et depuis 2013 selon Moody’s. Moody’s a abaissé à nouveau la note de la dette souveraine
tunisienne en août 2017. Le gouvernement s’est engagé à mettre en place des réformes pour,
d’ici à 2020, i) réduire le déficit de 6.1 % du PIB en 2016 à 3 % ; ii) maintenir la dette publique
en-dessous de 70 % du PIB et, iii) ramener la masse salariale à 12.5 % du PIB.
Plusieurs options sont envisageables pour rétablir la soutenabilité de la dette, jouant
sur l’effort d’assainissement budgétaire mais aussi sur les réformes structurelles
susceptibles de renforcer la croissance. Les simulations de l’OCDE suggèrent que mener
simultanément un ajustement budgétaire graduel et une réforme des réglementations sur
les marchés des biens et services permettrait de neutraliser les effets négatifs (temporaires)
de l’ajustement budgétaire sur l’activité et d’inscrire le ratio dette publique/PIB sur une
trajectoire baissière (voir encadré 3 ci-dessous).
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201834
La charge fiscale étant élevée, il faut privilégier l’efficacité et la justice fiscale
Le taux de prélèvement obligatoire a augmenté depuis 2010, malgré la mauvaise
conjoncture économique. À plus de 30 % du PIB, la somme des impôts et cotisations sociales
est plus élevée que dans tous les autres pays d’Afrique et la plupart des pays émergents
(graphique 15). Cela traduit, en partie, une plus large couverture en services publics et une
meilleure qualité de ceux-ci, notamment concernant les soins de santé. Une nouvelle
augmentation des impôts et cotisations sociales a été instaurée pour 2018. Les efforts de
lutte contre la fraude et l’évasion fiscale sont louables. Ils réduisent les inégalités devant
l’impôt. Sur le plan national, le gouvernement s’est mobilisé pour la suppression graduelle
du régime du forfait pour les artisans et professions libérales et la création d’une police
fiscale dès l’automne 2017 et a élaboré une stratégie de lutte contre l’évasion et la fraude aux
cotisations sociales. Les efforts d’élargissement de l’assiette fiscale, en particulier pour la
TVA avec la suppression de diverses exonérations, vont aussi dans le bon sens. Sur le plan
international, la Tunisie a signé dès 2012 la Convention concernant l’assistance
administrative mutuelle en matière fiscale et le Protocole d’Accord avec l’OCDE. Elle est aussi
membre du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins
fiscales depuis 2012 (OCDE, 2016a). Début 2018, la Tunisie a signé la Convention multilatérale
pour prévenir l’érosion de la base fiscale et le transfert des profits (BEPS).
La fiscalité pèse de façon disproportionnée sur le travail salarié et décourage la création
d’emplois de qualité. Les cotisations sociales assises sur les salaires sont élevées et l’impôt sur
le revenu est payé pour l’essentiel par les salariés. Le relèvement des taux pour la TVA en 2018
minimisera l’impact des hausses d’impôt sur la croissance – les travaux de l’OCDE (Johansson
et al., 2008 ; OCDE, 2017c) montrent en effet que les taxes sur la consommation ont un effet
moins négatif sur la croissance et les créations d’emplois que les impôts sur le revenu et les
bénéfices. Néanmoins, la loi de finance pour 2018 instaure une contribution sociale et solidaire
de 1 % payée par les individus et les entreprises déclarant l’impôt, pour financer le déficit des
caisses de sécurité sociale. Il est également prévu la création d’un Haut Conseil pour le
Graphique 15. Les recettes fiscales sont relativement élevées par rapportaux autres pays émergents
Source : Base de données des recettes publiques de l’OCDE.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694460
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Autres taxes Taxes sur les biens et services
Cotisations sociales et prélèvements sur les salaires Impôts sur le revenu et sur la propriété
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 35
Financement de la Protection Sociale dont les principales attributions seront de veiller à la
diversification des sources de financement des caisses de sécurité sociale et de proposer les
mesures adéquates pour assurer l’équilibre financier des régimes de sécurité sociale. Si la
hausse des cotisations sociales est la seule solution à court terme pour réduire le déficit des
caisses sociales, il faut éviter dans le futur l’introduction de nouvelles taxes sur le travail et les
entreprises ou de nouvelles hausses des taux car elles pèsent sur la croissance et la création
d’emplois de qualité (chapitre 2). Les nouveaux impôts augmentent aussi les coûts de collecte.
L’assiette fiscale devra être élargie pour augmenter les recettes publiques. Un effort de
transparence sur le coût et les bénéficiaires des incitations fiscales est nécessaire. La
publication du rapport sur les dépenses fiscales prévue pour 2018 sera une première étape.
Certaines incitations fiscales, notamment pour l’acquisition de logements, devraient être
reconsidérées ; elles détournent l’épargne d’un investissement plus productif et tendent à
bénéficier aux ménages les plus riches (chapitre 1). Les économies ainsi réalisées pourraient
être en partie réorientées pour améliorer l’offre de logements pour les plus démunis. De
même, certaines incitations fiscales pour l’investissement devraient être évaluées et
ajustées, voire éliminées, si elles s’avèrent peu efficaces.
La lutte contre la fraude et l’évasion fiscale devrait être renforcée sur le plan national
pour accroître l’égalité des citoyens devant l’impôt. Selon une étude récente, plus de la
moitié des contribuables répertoriés ne déclarent pas leurs impôts et, parmi ceux qui le font,
les sous-déclarations sont patentes (Haddar et Bouzaiene, 2017). Un rapprochement de la
direction de la comptabilité publique et de recouvrement et de la direction du contrôle
devrait améliorer le recoupement des informations et augmenter les taux de recouvrement,
relativement faibles actuellement. La création de la Direction des Grandes Entreprises va
dans ce sens. Des contrôles systématiques et aléatoires seraient souhaitables. En outre, une
campagne d’information, de contrôle et de recouvrement fiscal devrait être lancée auprès
des professions libérales.
Améliorer la soutenabilité, l’équité et la qualité des dépenses publiques
L’objectif du gouvernement est de réduire le déficit budgétaire, pour stabiliser la dette
publique en dessous de 70 % du PIB à l’horizon 2020, tout en augmentant les dépenses
d’investissement et les dépenses sociales. La loi de finances pour 2018 réaffirme ces
priorités (encadré 1). Les salaires des fonctionnaires, paiements d’intérêt et subventions
représentaient les deux tiers des dépenses de l’État en 2016, laissant peu de place à
l’investissement dans des infrastructures sociales et physiques, à l’entretien et au bon
fonctionnement de ces infrastructures ainsi qu’aux actions en faveur des plus démunis. Il
s’agit donc d’améliorer la qualité des dépenses publiques pour les rendre plus équitables et
propices à la croissance inclusive.
Pour contenir la masse salariale, le gouvernement a limité les créations nettes d’emplois
publics depuis 2014, notamment par des départs à la retraite anticipés (graphique 13.D). En
2017, le gouvernement a annoncé sa volonté de ramener les dépenses de salaires de 14.5 %
du PIB en 2017 à 12.5 % en 2020 grâce au remplacement de 1 sur 4 départs à la retraite et à un
programme de départs volontaires – chaque personne atteignant 60 ans entre 2018 et 2021
peut bénéficier d’une pension de retraite bonifiée. L’effet sur les dépenses totales risque
d’être faible à court-terme d’autant plus que le programme de départs volontaires a séduit
moins de personnes que prévu (6 400 demandes seulement). En revanche, l’application du
remplacement partiel des départs à la retraite devrait s’avérer efficace sur le moyen-terme
mais devra veiller à maintenir un niveau d’encadrement adéquat.
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201836
Encadré 1. Loi de finance pour 2018
Les principales mesures contenues dans la Loi de finance pour 2018 sont les suivantes :
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés
● Exonération de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu (IR) pour lesentreprises nouvellement créées, ainsi que celles disposant d’une attestation de dépôtde déclaration d’investissement en 2018 et 2019, pendant 4 ans à partir de la dated’entrée en activité.
● Réduction du taux de l’IS de 25 % à 20 % pour les petites et moyennes entreprises.
● Augmentation du taux de l’impôt sur les dividendes de 5 % à 10 %.
● Instauration d’une contribution sociale solidaire (CSS) sur les personnes physiques etmorales.
● Réduction de l’impôt sur le revenu pour les familles.
● Durcissement du régime de l’impôt forfaitaire.
● Simplification des conditions d’octroi des avantages fiscaux accordés pour leréinvestissement en capital.
Impôts indirects
● Augmentation de 1 point de pourcentage des différents taux de TVA et élargissement del’assiette de la TVA aux opérations de ventes d’immeubles bâtis à usage exclusifd’habitation, autres que les logements sociaux.
● Augmentation des droits de douane de 20 % à 30 % pour certains produits et instaurationde droits de douane pour d’autres.
● Révision des droits de consommation sur certains biens.
● Instauration d’un droit de séjour dans les hôtels.
Autres
● Prise en charge par l’État des cotisations patronales pour le recrutement, en contrat àdurée indéterminée, des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur dans les zonesde développement régional.
● Création d’un fonds spécial pour la couverture des catastrophes naturelles au profit desagriculteurs.
● Renforcement des dispositifs de lutte contre la contrebande et la fraude fiscale, notammentla création d’une instance générale de la fiscalité, de la comptabilité publique et durecouvrement.
En janvier 2018, l’Assemblée des représentants du peuple a adopté le projet de loi relatif audépart volontaire à la retraite des employés du secteur public. La loi prévoit que les agentsqui formulent le souhait de quitter la fonction publique reçoivent 36 mois de salaires commeprime de départ anticipé, sous condition d’avoir cotisé pendant 5 ans auprès des caissessociales. Le gouvernement a aussi pris un certain nombre de mesures en faveur des famillesnécessiteuses pour répondre aux inquiétudes sociales : augmentation de 20 % de lasubvention allouée à chaque famille dans le besoin et approbation d’une pension de retraiteminimum de 180 dinars par mois ; doublement de la subvention pour les enfants handicapésdémunis ; élargissement de la gratuité des soins de santé aux chômeurs ; création d’unfonds de garantie des prêts au logement au profit des citoyens aux revenus non permanents.
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 37
La réforme des subventions, qui représentaient 3.4 % du PIB en 2015, est nécessaire pour
rendre les dépenses publiques plus justes et efficaces. Les prix de certains produits, en
particulier alimentaires et énergétiques, sont maintenus artificiellement bas afin de
préserver le pouvoir d’achat des ménages. Les producteurs et distributeurs des produits
concernés reçoivent une compensation financière de l’état. Si les subventions contribuent à
atténuer la pauvreté, elles bénéficient davantage aux ménages les plus riches (ITCEQ, 2017 ;
Araar et Verme, 2016). En outre, elles créent des distorsions importantes sur les marchés et
alimentent l’économie parallèle et la corruption qui souvent affecte davantage les ménages
pauvres. À titre d’exemple, les exportations illégales de produits subventionnés (tels que les
pâtes, le couscous, le sucre et le lait) vers la Libye, interceptées par la douane et la police des
frontières, s’élevaient à 1.1 milliard de dinars en 2015 (Banque mondiale, 2017).
Des mesures ont été prises pour réduire les dépenses de subventions. La subvention sur
le sucre et l’huile végétale n’est plus accordée aux industriels depuis 2017 et les industries
énergivores, telles que les cimenteries, ne bénéficient plus des subventions énergétiques
depuis 2013. Les prix de l’électricité ont été relevés en 2017, avec un prix plus élevé qui
s’applique au-delà d’une consommation de base. Ce système de « tarification sociale » met
en jeu des subventions croisées des plus riches (gros consommateurs) vers les plus pauvres.
La règle d’ajustement automatique pour le prix des hydrocarbures, adoptée en 2016 pour
protéger le budget d’une hausse des prix du pétrole, a été appliquée partiellement. Une règle
similaire a pourtant été appliquée plus systématiquement au Maroc alors que l’Inde et
l’Indonésie supprimaient les subventions sur l’essence. En conséquence, le retournement du
prix du pétrole et la dépréciation du dinar ont pesé sur les dépenses de subventions en
Tunisie dès 2017.
La mise en place d’une réforme visant à rendre les subventions plus équitables butte
sur la question du ciblage. La « tarification sociale » mise en place pour l’électricité et l’eau
pourrait être répliquée pour le gaz. Une telle tarification protège les ménages les plus
vulnérables alors que les autres paient un prix plus élevé au-delà de la consommation de
base. Cela permettrait aussi de réduire la surconsommation et protègerait les ressources
naturelles.
Une tarification sociale est néanmoins difficile à appliquer pour certains biens,
notamment les produits alimentaires. Une réflexion sur la révision de la subvention des
produits alimentaires de base et la rationalisation des dépenses a été engagée par le
gouvernement. Son objectif est de maintenir la subvention sur les produits alimentaires de
base tout en contrôlant les circuits de distribution et en diversifiant les produits proposés
à la vente. La banque de données sur les ménages pauvres et à revenus limités, dont la
mise en œuvre a été lancée par le ministère des Affaires Sociales depuis 2012 pour mieux
cibler les différents programmes d’aides sociales, pourrait constituer un mécanisme pour
orienter les subventions vers les familles les plus pauvres. La mise en place de cette
banque de données s’avère néanmoins plus difficile que prévu.
Les expériences internationales en matière de ciblage révèlent que les erreurs
d’inclusion et d’exclusion sont souvent considérables (Coady et al, 2004). Ainsi, en
Colombie, les systèmes de ciblage des actions sociales, notamment pour la santé, sont
caractérisés par des erreurs patentes (Joumard et Londoño Vélez, 2013) : près de 20 % des
ménages les plus pauvres n’étaient pas répertoriés et donc privés d’accès alors qu’un quart
des bénéficiaires n’étaient pas pauvres. De la même façon en Indonésie, des travaux ont
montré que seulement un tiers des subventions pour les produits alimentaires de base
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201838
sont effectivement perçues par les ménages les plus pauvres ciblés par le programme et
plus de la moitié des ménages pauvres ne bénéficiaient pas des subventions auxquelles ils
auraient pu prétendre (OCDE, 2015a et 2016b).
Le remplacement des subventions par un transfert monétaire améliorerait l’équité et
l’efficacité du système. Pour la Tunisie, une étude (INS et CRES, 2013) a révélé qu’un transfert
monétaire, égal pour tous, réduirait plus efficacement les inégalités de revenus que les
subventions. L’expérience de l’Inde, qui a mis en œuvre une telle approche en la combinant
avec un objectif d’inclusion financière (encadré 2), offre un modèle dont la Tunisie pourrait
s’inspirer en introduisant le principe du ciblage dès que possible. Les risques politiques
associés à la réforme des subventions sont importants. Une stratégie de communication,
portant sur les avantages de la réforme en termes de justice sociale et de stabilité macro-
économique, est primordiale. En attendant, il est essentiel de procéder à un ajustement
régulier des prix des produits afin de ne pas peser davantage sur le budget de l’État.
La maîtrise des dépenses publiques et l’amélioration de leur qualité ne peut que
s’inscrire dans une logique de moyen terme. Une règle budgétaire qui fixerait un plafond
de dépenses devrait être introduite, avec des cibles de moyen terme concernant les
dépenses courantes d’une part, et les investissements en infrastructure sociales et
physiques d’autre part, afin de protéger ces dernières. La Tunisie possède déjà des Cadres
de Dépense à Moyen Terme (CDMT) pour les programmes de dépenses publiques ainsi
qu’un Cadre Budgétaire à Moyen Terme qui prévoit des limites pour la dépense totale sur
trois ans. Il faut imposer ces plafonds de façon systématique lors de la préparation des
budgets (OCDE, 2017a). Pour améliorer l’efficacité de l’investissement public, il faut éviter
un « saupoudrage » ministère par ministère et définir des critères de sélection unifiés et
Encadré 2. L’expérience de l’Inde pour la réforme des subventions
Principe général : La réforme indienne des subventions repose sur un numérod’identification unique biométrique (Aadhar) et l’ouverture de comptes bancaires pour tousles ménages qui n’en avaient pas. Les prix de « marché » s’appliquent ; la subvention auxentreprises est supprimée et les ménages perçoivent l’équivalent de la subvention moyennedirectement sur leurs comptes par virement bancaire. La réforme est mise en placeprogressivement sur le territoire national, après des expérimentations au niveau des états.
Exemple du GPL : Le remplacement de la subvention sur les bombonnes de gaz par untransfert bancaire direct, égal pour tous, a été étendu graduellement sur le territoire indienà partir de 2014. Cette réforme s’est accompagnée d’une réduction importante des dépensesdes subventions car les fraudes ont été drastiquement réduites. La réforme a aussiencouragé l’inclusion financière et supprimé le biais en défaveur des ménages pauvres qui,dans le passé, achetaient moins de gaz que les ménages riches et bénéficiaient enconséquence d’une valeur moindre de subventions (Tripathi et al., 2015). Pour améliorer leciblage, l’Inde a lancé une campagne en mars 2015 (Give it up) pour encourager les ménagesles plus aisés à renoncer à leur subvention sur le gaz au nom de l’équité sociale. En 2017, unmillion de ménages indiens avait renoncé à cette subvention.
Autres subventions : Des expérimentations sont en cours dans certains états pourremplacer les subventions alimentaires et aux engrais par des transferts directs auxménages, avec des résultats préliminaires plutôt favorables (Gangopadhyay et al., 2015).
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 39
cohérents avec le Plan national de Développement 2016-20. Il est aussi important d’éviter
les dépassements, constatés depuis plusieurs années, dans l’exécution des budgets.
La mise en place d’une cible de dépense devra reposer sur un effort de priorisation. À cet
effet, plusieurs pays ont mis en place des examens systématiques des dépenses publiques
(Spending reviews) permettant de donner la priorité aux programmes dont l’impact
économique et social est le plus élevé. Le rôle et les ressources de la Cour des Comptes et de
l’Instance Générale de suivi des programmes publiques pourraient être renforcés dans ce
sens. L’adoption et l’application de la nouvelle loi organique du budget, qui instaure la
gestion du budget par objectif, devraient aussi contribuer à améliorer l’efficacité des
dépenses publiques (OCDE, 2017b).
Remettre la Tunisie sur un chemin de croissance inclusive et fortePour relancer le processus de convergence, il faut promouvoir l’investissement privé et
mieux valoriser les avantages comparatifs de la Tunisie, notamment une main d’œuvre
plutôt bien qualifiée. Plus d’investissement génèrera la création d’emplois formels qui
permettront d’augmenter le niveau de vie de nombreux tunisiens. La croissance potentielle,
rapide jusqu’au début des années 2000, a nettement fléchi sous l’effet d’une baisse de
l’investissement et de la productivité (graphique 16). Le faible taux d’activité des femmes
offre un fort potentiel de croissance mais le chômage et le sous-emploi restent importants.
La relance de l’investissement et la création d’emplois de qualité sont des priorités. Au vu
des contraintes budgétaires, cela doit passer par un redéploiement du secteur privé.
Promouvoir l’investissement des entreprises en améliorant le cadre réglementaireet institutionnel
Le taux d’investissement est orienté à la baisse depuis le début des années 2000. Cette
baisse reflète pour l’essentiel un décrochage de l’investissement des entreprises alors que
l’investissement des ménages et des administrations publiques a plutôt bien résisté
(chapitre 1). Cette baisse s’est accentuée après 2010, reflétant les incertitudes liées à
Graphique 16. Sources de la croissance
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE n° 102.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694479
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Croissance annuelle en %
Décomposition de la croissance du PIB
Population en âge de travailler Taux de participation Taux d'emploiProductivité totale des facteurs Capital par travailleur Croissance potentielle
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201840
l’élaboration de nouvelles institutions et l’insécurité liée aux actes terroristes. Néanmoins,
plusieurs contraintes structurelles pèsent sur l’investissement des entreprises, notamment
la prolifération des réglementations et autorisations et l’inefficacité des services
logistiques. Et sur ces deux aspects, le positionnement de la Tunisie dans les classements
mondiaux s’est sensiblement détérioré.
L’indicateur de l’OCDE sur la réglementation des marchés des biens et services révèle
que les licences et autorisations préalables, ainsi que les procédures administratives lourdes
qui les accompagnent, sont particulièrement restrictives (graphique 17.A). Les restrictions
sur l’entrée, l’investissement et l’activité des entreprises créent des situations de rentes pour
les entreprises en place. Ces restrictions inhibent l’incitation des entreprises en place à
améliorer la qualité des services fournis. Elles alimentent aussi la corruption qui figure parmi
les trois principaux facteurs les plus problématiques pour le climat des affaires dans le pays
(WEF, 2017a). La corruption augmente les coûts des entreprises, réduit la confiance de la
population et des investisseurs et affecte les plus démunis en détournant les ressources
d’une utilisation plus productive, telle que des services publics essentiels. Au final, les
contraintes réglementaires et administratives entravent la productivité, la création
d’emplois et de richesses, pèsent sur le bien-être de la population et renforcent les inégalités.
La lutte contre la corruption et la bonne gouvernance sont des objectifs clés du
gouvernement et sont inscrits dans le Pacte de Carthage. Plusieurs mesures ont été prises.
L’instance nationale de lutte contre la corruption, qui a un caractère provisoire, et le pôle
judiciaire et financier ont été dotés de moyens humains et financiers pour exercer. En 2017,
94 dossiers de corruption ont été déférés à la justice. Une nouvelle loi pour la protection des
lanceurs d’alertes a été adoptée. Une campagne de sensibilisation et de formation des
fonctionnaires a été menée. Un projet de loi contre l’enrichissement illicite a été déposé à
l’ARP. Il est désormais urgent de mettre en place l’instance constitutionnelle indépendante
de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, et de réformer le système de
contrôle et d’audit dans le secteur public (OCDE 2014). Parallèlement aux efforts de lutte
contre la corruption, la Tunisie a rejoint le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO) –
une plateforme destinée à encourager la participation citoyenne, la transparence, l’intégrité
et la redevabilité. Un renforcement de ces principes serait nécessaire (OCDE, 2015d).
Les entreprises publiques dominent de nombreux secteurs et l’intervention directe de
l’État dans l’économie est plus forte que dans les pays de l’OCDE et la plupart des économies
émergentes. En plus des secteurs de réseau, tels que l’électricité, les télécommunications ou
le transport ferroviaire, des entreprises contrôlées par l’état opèrent de longue date
notamment dans le secteur bancaire, les phosphates et les engrais, l’exploitation minière et
le raffinage, le matériel de construction, la sidérurgie et l’acier, et le papier. La confiscation
récente d’entreprises et actifs privés, liés à des malversations de l’ancien régime, a renforcé
la position dominante de l’état dans certains secteurs, notamment les télécoms.
Les déficits d’exploitation des entreprises publiques se sont creusés, pesant sur leur
capacité de maintenir les équipements existants et d’investir dans des nouveaux projets.
Sommées de réintégrer les employés de leurs sous-traitants et d’embaucher les blessés de
la révolution, l’emploi dans les entreprises publiques a augmenté parfois de plus de 50 %
après 2010.
Selon les nouvelles Lignes directrices de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques
(OCDE, 2015b), une amélioration de l’efficacité et de la transparence dans le secteur des
entreprises publiques procurera des avantages considérables, en particulier dans les pays où
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 41
Graphique 17. Les réglementations sur le marché des produits sont particulièrementcontraignantes
1. Les données représentent les moyennes simples des pays suivants : Brésil, Inde, Indonésie, Chine et Afrique du Sud.Note : Les données se réfèrent à l’année 2016 pour la Tunisie et 2013 pour les autres pays. L’indicateur va de 0 à 6.Source : Base de données OCDE-Banque Mondiale de la Réglementation des marchés de produits.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694498
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A. Les obstacles réglementaires à l'entrepreneuriat sont particulièrement élevés
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C. Contrôle de l'État sur l'activité des entreprises - Implication dans la gestion des entreprises
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B. Contrôle de l'État sur l'activité des entreprises - Actionnariat public
Plus de contraintes
Moins de contraintes
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201842
le poids de l’actionnariat public est important. Des problèmes de gouvernance surviennent
lorsque des entreprises publiques poursuivent un double objectif consistant à exercer des
activités économiques et à s’acquitter d’une mission politique. Les entreprises publiques
peuvent alors pâtir d’ingérences indues motivées par des considérations politiques,
ingérences conduisant à une dilution des responsabilités, à un manque de transparence et à
des pertes d’efficience dans l’exploitation de l’entreprise. Par ailleurs, l’absence de
surveillance peut accroître la probabilité que des collaborateurs agissent pour leur propre
compte. En revanche, le fait de soumettre les entreprises publiques et privées à des règles du
jeu équitables favorisera l’avènement d’un tissu économique solide et compétitif.
Il serait également important de renforcer l’intégrité et l’indépendance des agences de
régulation dans les secteurs de réseau ainsi que de faciliter l’accès à de nouveaux
opérateurs. Les nouvelles Lignes directrices de l’OCDE pour contrer l’influence indue et créer une
culture d’indépendance pour les régulateurs (OCDE, 2017g) donnent des pistes pour instaurer et
entretenir la capacité des régulateurs à prendre des décisions objectives, impartiales,
cohérentes et expertes.
En Tunisie, outre l’application des contrats de performances pour les entreprises
publiques, le gouvernement pourrait contracter certaines activités au secteur privé s’il se
révélait plus efficace, notamment pour l’entretien des réseaux (électricité, eau, etc.), la
production d’électricité, la désalinisation de l’eau, la construction et l’exploitation des
stations d’épuration.
Dans certains secteurs, l’Etat intervient aussi en fixant les prix ou en restreignant le
nombre d’entreprises qui peuvent opérer. Ces interventions de l’Etat sont plus prégnantes
en Tunisie que dans la plupart des pays couverts par l’indicateur de l’OCDE sur la
réglementation sur les marchés des produits (graphique 17.C). Protégées de la concurrence,
ces entreprises sont peu incitées à produire des services de meilleure qualité.
La mise en œuvre de réformes structurelles permettra de relancer l’investissement, les
créations d’emploi et soutenir le revenu de tous les tunisiens. La nouvelle loi sur
l’investissement mise en œuvre à partir d’avril 2017 met en avant le principe de liberté
d’investir en réduisant le champ des activités soumises à autorisations. Un décret fixant la
liste des activités soumises à autorisation, la liste des autorisations administratives pour
réaliser des projets, les délais, les procédures et les conditions de leur octroi, devait être
promulgué début 2018. Cette liste sera révisée d’ici 2020 à travers l’exécution du
programme de simplification des procédures d’octroi des autorisations, leur suppression
ou leur remplacement par des cahiers des charges. Ceci rendra les procédures plus
prévisibles. La nouvelle loi de la concurrence de 2015 élargit le rôle du Conseil de la
concurrence, réduit le délai d’examen des cas de concentrations et durcit les sanctions. Au
final, la position de la Tunisie dans les classements internationaux sur le climat des
affaires devrait s’améliorer.
Il serait souhaitable d’aller plus loin, en simplifiant plus drastiquement les
autorisations, licences et permis, et en améliorant l’information sur les règles et procédures
à suivre pour créer et gérer une entreprise. Il serait important d’établir des politiques
transversales visant à améliorer la qualité de la réglementation, y compris des examens
systématiques et approfondis des réglementations existantes. Les objectifs de ces politiques
transversales sont : réduire les charges réglementaires inutiles pour les entreprises ; mettre
en place une nouvelle approche de la réglementation fondée sur des faits et sur
l’engagement des intervenants ; et améliorer l’accessibilité des réglementations et la
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 43
transparence. Les obstacles juridiques à l’entrée de concurrents dans certains secteurs
devraient être reconsidérés. D’autre part, il faut réduire les distorsions à la concurrence
induites par l’intervention de l’État, y compris les contrôles de prix.
Les simulations de l’OCDE pour la Tunisie montrent que la baisse des barrières à
l’entrée et l’amélioration des conditions de concurrence se traduiraient par une hausse du
revenu national de près de 1¾ pour cent en 5 ans et de près de 5 % sur 20 ans, avec un
impact positif sur l’investissement, la productivité et l’emploi (tableau 4). Combinées avec
un ajustement budgétaire graduel, les réformes de la réglementation renforceraient la
croissance et remettraient la dette publique sur une trajectoire soutenable (encadré 3).
Encadré 3. Réforme des réglementations : impact sur la croissanceet la soutenabilité de la dette
Une réforme des réglementations pour relancer la croissance…
Certaines réglementations sur les marchés de biens et services sont nettement plus strictes en Tunisiequ’ailleurs. Les réformer conduirait à stimuler la concurrence et l’entrepreneuriat, et, de fait, soutiendraitla croissance. Les marges d’amélioration sont particulièrement importantes dans les domaines suivants :
● Autorisations, licences et permis :
❖ Mettre en place un guichet unique pour obtenir de l’information sur les licences et permis etintroduction d’une règle « absence de réponse vaut approbation » (“silence is consent”).
❖ Établir un programme pour réduire le nombre de licences et permis requis par le gouvernement.
● Poids administratif découlant de la réglementation :
❖ Publier de manière systématique les projets de changement des règles et procédures.
❖ Mettre en place un programme avec objectifs explicites pour réduire le poids administratif sur lesentreprises.
● Ouverture du capital des entreprises publiques au secteur privé :
❖ Ouverture partielle – sans cession du pouvoir de contrôle – dans les secteurs de l’électricité et du gaz.
❖ Ouverture plus complète – voire retrait de la propriété publique – dans le secteur des télécoms, lessecteurs manufacturiers où l’État est encore présent ainsi que dans le secteur du commerce (l’État estnotamment propriétaire des marchés du gros).
● Gouvernance des entreprises publiques :
❖ Limiter l’accès des entreprises publiques à des formes de financements non-accessibles aux entreprisesprivées.
❖ Confier au ministère des Finances, ou à une agence indépendante, la gestion des participations del’État dans les entreprises publiques.
● Contrôle des prix :
❖ Réexaminer, et le cas échéant mettre fin, aux contrôles des prix de l’essence, du tabac, descommunications cellulaires et autres produits, ainsi que ceux sur les tarifs pratiqués dans le transportaérien et les professions réglementées.
Ces réformes se traduiraient par une baisse de 20 % de l’indicateur de l’OCDE sur la réglementation desproduits pour la Tunisie. Après la réforme, l’indicateur se situerait encore légèrement au-dessus de lamoyenne des pays émergents et resterait nettement supérieur à la moyenne observée dans les pays del’OCDE.
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201844
Encadré 3. Réforme des réglementations : impact sur la croissanceet la soutenabilité de la dette (suite)
… et remettre la dette sur une trajectoire soutenable
En soutenant la croissance, ces réformes structurelles permettraient de remettre la dette publique surune trajectoire soutenable. La soutenabilité de la dette dépend du taux de croissance économique, del’inflation, des taux d’intérêt sur la dette et du déficit budgétaire.
Le Secrétariat de l’OCDE a simulé l’impact d’une amélioration des conditions de concurrence et del’ajustement budgétaire sur la croissance et la dette publique (graphiques 18 et 19). Cinq scénarios ont étéretenus:
1. Scénario de référence – ni ajustement budgétaire, ni réforme structurelle. La croissance économique convergevers son taux potentiel (estimé par l’OCDE à 2.8 % en l’absence de réformes structurelles majeures),l’inflation (mesurée par le déflateur du PIB) se stabilise autour 4.2 % (c.a.d. légèrement au-dessus de la
Tableau 4. Gains économiques découlant de la réduction des obstacles à la concurrenceImpacts estimés sur le PIB et les principales composantes de l’offre (par rapport à un scénario sans réforme)1
Horizon PIB Emploi total Investissement PGF2
Augmentation du niveau de chaque variable en pourcentage du niveau initial
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Augmentation moyenne du taux de croissance en points de pourcentage
20 ans 0.25 0.03 0.43 0.15
1. Les impacts sur le PIB, l’emploi, l’investissement et la PGF sont basés sur l’expérience des pays de l’OCDE. Les travaux récentssuggèrent même que l’impact des réformes structurelles sur la croissance est plus élevé dans les pays émergents (OCDE, 2017f).Cela conduirait à penser que les impacts présentés dans ce tableau sont sous-estimés dans le cas de la Tunisie.
2. Productivité globale des facteurs.Source : Estimations du Secrétariat de l’OCDE.
Graphique 18. Impact sur le niveau du PIB de différents scénarios de réformes
Source : Estimations de l’OCDE.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694517
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Réforme structurelle sans ajustementbudg.
Equilibre budg.primaire Ajustement budg. graduel Réforme structurelle avec ajustementbudg. graduel
Différentiel de PIB en % par rapport au scénario d'absence d'ajustement budgétaire et de réforme structurelle
0 5 ans 10 ans 20 ans
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 45
Encadré 3. Réforme des réglementations : impact sur la croissanceet la soutenabilité de la dette (suite)
cible implicite d’inflation), et le taux d’intérêt nominal effectif sur la dette publique converge vers le tauxeffectif de 4.9 % observé sur la période 1990-2016. Dans ce scénario, la dette publique s’élève à plus de100 % du PIB en 2040.
2. Scénario avec réformes sur les marchés des biens et services mais sans ajustement budgétaire. Lesréglementations sur le marché des produits sont assouplies. Les réformes structurelles se traduisent parune augmentation du taux de croissance économique de près de 0.25 points de pourcentage pours’établir proche de 3.1 %. Dans ce scénario, le revenu (PIB) de la Tunisie est environ 5 % plus élevé quedans le scénario sans réforme et la dette publique au PIB s’établit à 85 % du PIB en 2040.
3. Scénario avec ajustement budgétaire drastique (retour à l’équilibre de la balance primaire sur 5 ans) sans réformestructurelle sur les marchés des biens et services. Le ratio dette publique au PIB baisse sensiblement pour serapprocher de son niveau d’avant 2011 mais les coûts économiques et sociaux de l’ajustementbudgétaire sont importants. Après 5 ans, le niveau de revenu est sensiblement plus faible (-1.3 %) quedans le scénario sans réforme.
4. Scénario avec ajustement budgétaire structurel d’environ 2 % du PIB (le déficit primaire se réduisantprogressivement pour s’établir à 1.5 % du PIB sur une période de 5 ans) sans réforme sur les marchés desbiens et services. La dette publique se stabilise autour de 68 % du PIB mais le niveau de revenu est plusfaible (-0.7 %) que dans le scénario sans réforme.
5. Ajustement budgétaire structurel d’environ 2 % du PIB (vers un déficit primaire à 1.5 % du PIB) couplé à la réformesur le marché des biens et services. La dette s’inscrit sur une tendance à la baisse pour atteindre 57 % du PIBen 2040. Le revenu de la Tunisie est 5 % plus élevé que dans le scénario sans réforme. Les effets négatifsde l’ajustement – via les multiplicateurs budgétaires – sont rapidement neutralisés.
Graphique 19. Évolution du ratio dette publique au PIB : historique et scénarios
Note : Le traitement comptable de certains dépôts des administrations publiques a été modifié pour le rendre conforme auxpratiques internationales, ce qui s’est traduit par une augmentation de la dette brute en 2016.Source : Estimations de l’OCDE.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694536
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Dette brute des administrations publiques
Pas d'ajustement budg. Réforme structurelle sans ajustement budg.
Equilibre budg.primaire Ajustement budg. graduel
Réforme structurelle avec ajustement budg. graduel
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201846
L’ouverture extérieure a favorisé la croissance et l’emploi dans les entreprises offshore
Les travaux récents de l’OCDE suggèrent que les échanges commerciaux peuvent
contribuer à l’amélioration du bien-être de la population (OCDE, 2017d). D’une part, ils
améliorent le pouvoir d’achat des consommateurs en leur permettant d’accéder à une
gamme plus étendue de biens et services souvent à moindre coût. Les ménages les plus
pauvres sont souvent ceux qui en bénéficient le plus car ils consacrent une part plus élevée
de leur revenu aux produits de grande consommation (Fajgelbaum et Kandhelwal, 2016).
D’autre part, les échanges commerciaux génèrent des gains de productivité en donnant
accès aux entreprises à une gamme d’intrants plus vaste, en favorisant la diffusion de la
connaissance étrangère et en contribuant à l’élargissement des marchés. Dans la zone OCDE,
une augmentation de l’ouverture commerciale de 1 point de pourcentage se traduirait par
une croissance de la productivité multi-factorielle de 0.2 % après 5 ans et 0.6 % sur le long-
terme (Egert et Gal, 2017).
En Tunisie, la stratégie d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales a reposé sur
une libéralisation progressive des échanges commerciaux, la signature d’accords de libre-
échange et la création d’un régime attractif pour les entreprises entièrement exportatrices –
dit régime offshore. La Tunisie a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce en 1995. Elle
a signé en 1996 un accord d’association avec l’Union européenne visant au démantèlement
progressif des barrières tarifaires et non-tarifaires et a obtenu le statut de partenaire
privilégié ; les négociations autour de l’accord de libre-échange complet et approfondi
(ALECA) sont aussi en cours. Avec la Turquie, un accord de libre-échange est signé en 2004 et
appliqué entièrement en 2014. Le régime tarifaire a en outre été simplifié, avec une réduction
du nombre de bandes tarifaires de 54 en 2003 à 3 en 2017.
La participation de la Tunisie dans les chaînes de valeurs mondiales a fortement
progressé depuis le milieu des années 90. L’intensité des échanges, mesurée par la part des
exportations et des importations dans le PIB, s’approchait en 2016 de la moyenne OCDE, pour
s’établir à un niveau supérieur à de nombreux pays émergents (graphique 20.A). La part des
biens manufacturés dans les exportations totales a augmenté pour s’établir à 76 %
(graphique 20.B), bien au-delà du niveau observé en Égypte, au Maroc et dans la plupart des
autres pays de la région. De plus, la structure des exportations par produit s’est diversifiée
(Institut de la Méditerranée, 2014). La Tunisie est le pays du Maghreb ayant le plus grand
nombre de produits exportés jouissant d’un avantage comparatif révélé (graphique 20.C).
Les exportations tunisiennes sont aussi montées en gamme (graphique 20.D). Ainsi, la
Tunisie se plaçait en 2016 au 52e rang mondial sur l’échelle de la complexité qui reflète la
sophistication, la diversification des exportations et la spécificité des exportations selon
l’Observatoire de la complexité économique, devançant tous les pays d’Afrique exceptée
l’Afrique du Sud. Les performances des exportations de produits pharmaceutiques,
plastiques et des industries mécaniques et électriques sont particulièrement bonnes,
reflétant un investissement de longue date dans le secteur éducatif, notamment les sciences
et l’ingénierie.
La Tunisie n’exploite pas tous les avantages potentiels de l’ouverture commerciale. Les
entreprises du secteur offshore – exemptes de droits de douanes à l’import et l’export,
bénéficiant d’un taux d’impôt réduit et surtout de procédures administratives simplifiées –
ont été très dynamiques. Elles ont contribué à 78 % des exportations de marchandises hors
énergie en 2016, une part en forte hausse. Leur part dans l’emploi salarié formel du secteur
privé a doublé depuis 1996 pour s’établir à 34 %. De par son statut, le secteur offshore
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 47
Graphique 20. La position de la Tunisie dans les chaînes de valeur mondiales a progressé
1. L’intensité du commerce est mesurée par la somme des importations et des exportations en % du PIB.2. Le degré de complexité est défini comme dans Hausmann et al. (2007).Source : Institut national de la statistique ; Banque mondiale, Indicateurs de développement mondial (WDI) ; UN base de donnéesComtrade ; Base de données des Échanges en Valeur Ajoutée (ÉVA) de l’OCDE ; et calculs de l’OCDE.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694555
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A. Intensité du commerce¹2016 ou dernière année disponible
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% du PIB
B. Exportations par composantes
ServicesMinerais-Energie-NDAManufacturierAgroalimentaire
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C. Nombre des produits exportés avec avantage comparatif révélé, 2016
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D. Part des exportations par quartile de complexité², 2015
Moins complexes 2eme quartile 3eme quartile Plus complexes
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% des exportations
E. Répartition des exportations par secteur d'activité
Autres industries manufacturières Mines phosphates et dérivés et energieAgriculture et industries agro-alimentaires Textile, habillement et cuirsIndustries mécaniques et électriques
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201848
entretient peu de relations avec le reste de l’économie. Les entreprises peuvent importer
leurs intrants sans droits de douane dès lors qu’elles réexportent la totalité de leur
production. En 2017, elles ont acquis le droit de réaliser jusqu’à 30 % de leur chiffre d’affaires
sur le territoire national. Néanmoins, la lourdeur des procédures administratives et
douanières limite l’effet d’entrainement des exportations sur les entreprises du secteur
onshore. De fait, plus de 60 % des exportations des entreprises onshore sont des exportations
à contenu technologique faible tels que les produits agricoles, d’hydrocarbures, miniers et
phosphatés.
Pour améliorer son insertion dans les chaînes de valeur mondiales et créer davantage
d’emplois de qualité, la Tunisie doit continuer d’abaisser les barrières au commerce et lever
les obstacles douaniers, réglementaires et logistiques. L’efficacité des services logistiques
autour des infrastructures portuaires est faible, ce qui pèse sur la qualité et la disponibilité
des services de manutention et de transport de marchandises (graphique 21). LaTunisie s’est
laissée distancer par ses concurrents directs sur des indicateurs-clé comme le temps
d’attente à la frontière ou l’efficacité des services douaniers. Les données de l’OCDE sur la
facilitation des échanges suggèrent aussi que les procédures aux frontières qui s’appliquent
aux entreprises onshore se sont détériorées (graphique 22). En outre, les entreprises qui
n’opèrent pas dans le régime offshore souffrent de la multiplicité des droits de douane,
laquelle s’accompagne souvent de contrôles sur la nature des biens importés et de
tracasseries administratives. Cela génère des coûts et nuit à la compétitivité à l’exportation
des entreprises onshore.
Graphique 21. La performance logistique s’est détériorée
Note : La note globale de l’indice de performance de la logistique reflète les perceptions relatives à la logistique d’un pays basées surl’efficacité des processus de dédouanement, la qualité des infrastructures commerciales et des infrastructures de transports connexes,la facilité de l’organisation des expéditions à des prix concurrentiels, la qualité des services d’infrastructure, la capacité de suivi et detraçabilité des consignations et la fréquence avec laquelle les expéditions arrivent au destinataire dans les délais prévus. L’indice va de 1à 5 et la note la plus élevée représente la meilleure performance.Source : World Bank Logistics Performance Index database.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694574
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A. Indice de performance logistique, 2016Transports internationaux
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B. Indice de performance logistique, 2016Douanes
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ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 49
Promouvoir la participation de tous les citoyens dans la vie économique pour réduireles inégalités
Le chômage est important et l’emploi informel répandu
Le taux de chômage est élevé surtout chez les jeunes diplômés. En 2016, le taux de
chômage s’élevait à 15.6 % de la population active et était supérieur à la moyenne de l’OCDE
ou des pays MENA. À environ 35 %, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est plus
élevé que dans la plupart des pays de l’OCDE et des pays émergents. Les diplômés de
l’enseignement supérieur ont un taux de chômage plus élevé que les personnes ayant atteint
un niveau d’éducation primaire ou secondaire. L’inadéquation entre les compétences
acquises par les jeunes tunisiens et les besoins des employeurs est importante et représente
un frein à leur employabilité. Il est nécessaire de mieux impliquer les employeurs dans
l’élaboration des programmes.
Alors que les microentreprises et l’emploi indépendant jouent un rôle important dans
la création d’emplois, 2 % seulement des jeunes âgés de 18 à 24 ans ont participé à la
création d’une entreprise en 2012 (Belkacem et Mansouri, 2013). Par rapport à leurs pairs
des pays de l’OCDE, les jeunes tunisiens sont moins nombreux à déclarer avoir accès à des
formations et des financements. Même si la Tunisie est dotée d’un système de soutien aux
créations d’entreprises relativement bien développé, qui fournit des informations, des
formations, des financements et des services de suivi les deux premières années d’activité,
des gains d’efficience pourraient être réalisés. De plus, une meilleure assistance à moyen
et long termes devrait être apportée aux jeunes entrepreneurs, particulièrement aux
femmes qui se heurtent à de nombreux obstacles pour créer leur entreprise (OCDE, 2015c).
La politique de recrutement dans le secteur public, qui donnait la priorité aux
chômeurs de longue durée, semble avoir aggravé le problème du chômage des diplômés.
Celle-ci représentait clairement une incitation à s’inscrire auprès de l’agence pour l’emploi
et attendre un emploi dans le secteur public qui offrirait un salaire plus élevé, la sécurité
de l’emploi et des prestations sociales plus généreuses (OCDE, 2015).
Graphique 22. Les échanges commerciaux pourraient être facilités
Note : Les indicateurs de facilitation des échanges (IFE) mesurent l’incidence économique et commerciale relativedes mesures de facilitation actuellement négociées, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC),sur les flux et les coûts d’échanges. L’indicateur varie de 0 à 2 ; plus il est élevé, meilleure est la performance.Source : OECD Trade facilitation indicators Database.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694593
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Implication des négociants
Décisions anticipées
Procédures d'appel
Redevances et impositions
Formalités et documentsFormalités et automatisation
Formalités et procédures
Coopération interne entre diverses agences à lafrontière
Coopération externe entre diverses agences à lafrontière
Gouvernance et impartialité
Indicateur de facilitation des échanges, 2017
Tunisie OCDE Moyen Orient et Afrique du Nord
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201850
Un grand nombre de tunisiens ont des conditions de travail précaires. L’emploi
informel est répandu et, selon les sources et la définition, représenterait entre 30 % et 45 %
de l’emploi total (Banque mondiale, 2014 ; CRES, 2016). Même si ce taux est plus bas que la
moyenne des pays d’Amérique Latine ou d’Asie, il reste néanmoins plus élevé que les pays
de l’OCDE ou les pays en transition (graphique 23). Un taux élevé d’informalité est
généralement générateur d’inégalités car les personnes travaillant dans ce secteur ont des
salaires plus faibles, des conditions de travail précaires et ont peu accès au système
financier. En Tunisie, l’emploi informel touche plus particulièrement les jeunes (CRES,
2016). Les embauches se font la plupart du temps sous contrats à durée déterminée (CDD),
compte tenu de la petite taille des entreprises (plus de 90 % comptent moins de 10 salariés),
et des contraintes liées à la résiliation des contrats à durée indéterminée (CDI).
Les cotisations à la sécurité sociale sont relativement élevées (graphique 24) même si
les bénéfices associés sont aussi relativement généreux pour un nombre limité de régimes
de sécurité sociale. Cela favorise le passage à l’informel car, d’une part, les employeurs
peuvent être dissuadés de déclarer des travailleurs et d’autre part, les travailleurs
indépendants peuvent préférer travailler dans le secteur informel. L’expérience
internationale suggère qu’une baisse de la fiscalité sur le travail est favorable à la création
d’emplois dans le secteur formel. Par exemple, en 2012, la Colombie a mis en œuvre une
réforme fiscale qui a éliminé et réduit certaines cotisations sur les salaires, et s’est traduite
par une augmentation de l’emploi formel.
Certaines réglementations et pratiques sur le marché du travail, qui pèsent aussi sur
la création d’emplois stables dans le secteur formel, semblent plus difficiles à réformer
actuellement sans générer des protestations qui risqueraient de bloquer le processus de
réforme. Ainsi, le processus de négociations salariales est long. Les hausses de salaires
s’appliquent à tous les secteurs, parfois de façon rétroactive, quelle que soit la situation
économique du secteur ou la taille de l’entreprise. Cela peut encourager les employeurs à
mécaniser le processus de production pour réduire le recours à la main d’œuvre. De plus,
Graphique 23. L’emploi informel est répandu
Note : Les économies en transition sont l’Europe de l’Est, la Russie et l’Asie Centrale.Source : Centre de Recherches et d’Études Sociales et Banque Africaine de Développement (2016), « Protection sociale et économieInformelle en Tunisie – Défis de la transition vers l’économie informelle ».
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694612
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% de l'emploi non-agricole
Emploi dans l’économie informelle en proportion de l’emploi non-agricole
2000-04 2010-14
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 51
alors que la réglementation sur les licenciements pour les titulaires de contrats à durée
indéterminée est plus stricte que dans bon nombre de pays émergents et partenaires, les
titulaires de contrats temporaires sont peu protégés. Ceci génère une dualité sur le marché
du travail avec d’un côté des groupes protégés et de l’autre des groupes précarisés, les
possibilités de passage de l’un à l’autre étant rares.
Différences hommes femmes : un bilan contrasté
La Tunisie figure en pointe sur la question de l’égalité hommes-femmes parmi les pays
de la région MENA (World Economic Forum, 2017). Le Code du statut personnel affirme le
principe d’égalité entre les hommes et les femmes sur le plan socio-économique, culturel et
politique. Depuis, de nombreuses réformes successives ont fait avancer les droits et le statut
des femmes. En août 2017, le président de la République a ouvert un débat proposant
d’introduire l’égalité hommes-femmes au regard de l’héritage.
Ces politiques ont porté leurs fruits mais des disparités importantes persistent sur le
marché du travail entre les hommes et les femmes. Le taux d’emploi des femmes est l’un des
plus élevés de la région MENA mais il reste largement plus faible que celui de l’OCDE (23 %
contre 63 %). La part des femmes occupant des postes de direction dans les secteurs publics
et privés est la plus élevée des pays MENA (14.8 %) (OCDE, 2017e). Alors que le taux de
scolarisation des femmes, tous niveaux confondus, est aujourd’hui de 10 points supérieur à
celui des hommes (71 % contre 61 %, Daghari, 2017), le taux de chômage est plus élevé pour
les femmes que pour les hommes (22 % contre 12 % en 2015). Cet écart entre le taux de
chômage des hommes et celui des femmes provient d’attitudes discriminatoires de la part
des employeurs basées sur des valeurs socio-culturelles. Dans les régions, le taux de
chômage élevé des femmes peut aussi provenir de leur plus faible mobilité, qui les empêche
de déménager pour prendre un emploi, et de la distance les séparant d’un bureau de
l’emploi. Enfin, les femmes optent souvent pour des études moins demandées sur le marché
Graphique 24. Les cotisations sociales pèsent sur l’emploi formel
1. Les données se réfèrent à l’année 2010 pour le Brésil, la Chine, l’Inde et l’Afrique du sud et à l’année 2009 pour l’Indonésie.2. Le secteur non structuré en Inde correspond aux entreprises employant moins de 20 personnes. Les entreprises de plus de 20 salariés
doivent se conformer à la loi sur le fonds de prévoyance des salariés et autres dispositions et, à ce titre, s’acquitter de cotisationssociales.
Note : Scénario pour un célibataire sans enfant avec un salaire égal à 100 % du salaire moyen.Source : Statistiques des recettes publiques de l’OCDE ; et ministère des Finances.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694631
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Fiscalité sur les revenus du travail, 2016
Cotisation patronales Cotisations salariales Impôt sur le revenu
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201852
du travail. Globalement, les femmes occupent des emplois moins qualifiés que les hommes
ayant le même niveau d’instruction (Stampini et Verdier-Chouchane, 2011). Les femmes
entrepreneurs se heurtent à de nombreux obstacles en Tunisie, dont les principaux sont :
i) les barrières culturelles opposées au lancement d’une entreprise ; ii) un défaut de garanties
pour les prêts bancaires du fait que les femmes possèdent très peu de propriété en leur nom
et iii) la rareté générale des femmes dans la population active et à des postes de direction
(OCDE, 2015c).
L’offre de main d’œuvre féminine pourrait être stimulée par des politiques en faveur de
la garde et de l’éducation des enfants. Faute de moyens, le nombre de crèches publiques a
beaucoup diminué depuis les années 80 même si certaines sont réhabilitées depuis 2015. Un
effort est également mené pour améliorer la couverture du pays en matière de structures
d’éducation de la petite enfance de manière à atteindre un taux de couverture de 53 % en
2020 contre 35 % en 2015. Cet élargissement de la couverture pourrait contribuer à améliorer
le taux d’activité de la femme (défini comme le nombre de femmes actives – occupées ou au
chômage- divisé par le nombre de femmes en âge de travailler, 15-64) pour atteindre l’objectif
de 35 % en 2020 contre 28 % en 2015. Il est essentiel de poursuivre ce travail afin que les
ménages les moins aisés puissent avoir accès à des gardes d’enfants de qualité à moindre
frais.
Plusieurs programmes et actions ont été initiés avec l’objectif de renforcer
l’autonomisation sociale, économique et politique de la femme et particulièrement la
femme rurale. Ces interventions concernent notamment la promotion de la participation
de la femme sur le marché du travail et l’entreprenariat féminin, le renforcement de la
participation des femmes dans la vie publique et politique, la lutte contre la déperdition
scolaire chez les filles en milieu rural et la lutte contre les violences faites aux femmes.
Une stratégie d’inclusion financière est nécessaire
L’offre de services financiers inclusifs est fragmentée, incomplète et peu accessible
(Banque mondiale, 2015). Seuls 27 % des tunisiens ont un compte dans une institution
financière et moins de 7 % ont une carte de crédit ce qui est faible en comparaison des pays
émergents et des pays de l’OCDE. De nombreuses entreprises identifient l’accès au crédit
comme l’une des contraintes majeures à leur développement (chapitre 1). L’offre de services
financiers est assez peu développée et concentrée dans les régions côtières même si la
présence de la Poste dans les régions permet aux populations rurales et des zones reculées
d’avoir accès à des services financiers. Cependant, avec le quart de ses agences qui ne sont
pas connectées au serveur central, des horaires d’ouverture des agences relativement
restreints et des montants minimums de versement, la Poste n’offre pas encore de solutions
de micro-épargne (retraits et dépôts réguliers de très petits montants) ou des moyens de
paiement facilement utilisables (Banque mondiale, 2015). Les services offerts par les banques
ne sont pas adaptés aux micros et petites entreprises et aux personnes à faibles revenus car
les frais de tenue de compte et les garanties pour les prêts sont élevés.
Les autorités ont lancé en 2016 une stratégie d’inclusion financière dont la mise en
œuvre est prévue pour la période 2018-22 visant, entre autres, le développement de la
finance digitale, de la micro-assurance, de l’économie sociale et solidaire et de l’éducation
financière. En 2011, une loi a réglementé le secteur de la microfinance et permis
l’introduction d’une nouvelle forme juridique pour les institutions de microfinance ainsi que
la mise en place d’une autorité de régulation et de supervision du secteur. En 2016, un
Observatoire de l’Inclusion Financière a été créé au sein de la Banque Centrale avec pour
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 53
principales missions l’évaluation et le suivi de l’évolution de l’accès aux services financiers.
De nombreux pays émergents ont mis en œuvre des mesures dont la Tunisie pourrait
s’inspirer. Par exemple, le Brésil, la Colombie et l’Inde ont promu l’inclusion financière en
ouvrant des comptes bancaires pour tous et en versant des prestations sociales sur ces
comptes. Une étude sur l’inclusion financière a été lancée fin 2017 avec pour objectif de
déterminer, sur la base d’indicateurs, le niveau de l’inclusion financière. Cette étude sera
répliquée dans le futur par l’Observatoire de l’Inclusion Financière en collaboration avec
l’INS. Enfin, le projet de loi relatif à la promotion des startups a été approuvé, fin 2017, par le
Conseil des Ministres. Il vise la simplification des procédures administratives, la facilitation
de l’accès au financement, l’encouragement à entreprendre et la création des conditions
nécessaires pour une percée internationale des startups.
Développement régional : permettre à chaque région d’exploiter ses avantages comparatifs
Des améliorations de niveau de vie ont été observées dans l’ensemble des régions. Le
taux de pauvreté a baissé et l’accès aux infrastructures de base et aux services publics s’est
amélioré. Néanmoins, le choix économique dirigé vers le secteur exportateur a généré une
concentration des activités sur les zones côtières laissant les régions de l’intérieur à la
traine. Ces dernières dépendent généralement d’une gamme étroite de produits de base et
sont peu intégrées dans les chaînes de valeur mondiales. Le taux de chômage dans ces
régions est beaucoup plus élevé que dans les régions côtières (graphique 25).
Depuis 2011, le gouvernement a réaffirmé le caractère prioritaire du développement
régional. Afin de le mener à bien, il est nécessaire d’adopter des politiques
multidimensionnelles (telles que l’éducation, l’innovation, l’infrastructure, les facteurs
institutionnels) qui valorisent les atouts spécifiques de chaque région pour améliorer leur
compétitivité tout en assurant une coordination entre les différents niveaux de
gouvernement (OCDE, 2012). Pour ce faire, une stratégie possible de développement régional,
inspirée d’autres expériences réussies, consisterait, pour les autorités, à promouvoir le
développement de pôles régionaux à l’intérieur du pays. Ces pôles prendraient appui sur des
centres urbains afin d’exploiter les économies d’agglomération que seuls les centres urbains
d’un certain niveau peuvent générer grâce à leur forte productivité et à leur capacité d’attirer
des investissements productifs. Par effet d’entrainement, ces pôles serviraient de moteurs au
développement des régions dans lesquelles ils se situent en offrant des marchés d’échange
et d’intégration économique tant au niveau régional que national.
La modernisation des institutions en charge du développement régional, en les dotant
de ressources humaines de grandes compétences et de l’autonomie financière et de
décision, permettrait la mise en place de la nouvelle stratégie. Ces institutions
indépendantes seraient entièrement dédiées à identifier les opportunités d’investissement
(publics et privés) dans la région, à mettre en place un environnement propice à
l’investissement privé en réduisant la bureaucratie, à assister les investisseurs et accélérer la
mise en place des projets. Elles auraient aussi en charge l’évaluation de la stratégie pour lui
apporter les ajustements nécessaires en fonction des résultats et des conditions réelles du
terrain. La mise à niveau des infrastructures et des services publics des régions de l’intérieur
permettrait de réduire les inégalités, d’améliorer les conditions de vie de la population tout
en renforçant l’attractivité de ces régions. Une bonne gouvernance des différents niveaux de
gouvernement est aussi essentielle.
Un projet de décentralisation est à l’étude. À travers le monde, on note que les pays les
plus décentralisés ont souvent un niveau de vie mesuré par le PIB par habitant plus élevé
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 201854
(OCDE, Base de données régionales). Le projet de décentralisation en Tunisie pourrait
favoriser la participation et permettre de rapprocher les décisions des citoyens et de mieux
répondre aux circonstances et préférences locales. Il pourrait aider à réduire les disparités
régionales en incitant à une meilleure utilisation des ressources locales (Bartolini et al.,
2016). Néanmoins ce projet doit être mis en œuvre de manière progressive en tenant
compte des capacités managériales et financières des différents niveaux des collectivités
Graphique 25. Le taux de chômage est très différent entre les régions
Source : INS.1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933694650
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Taux de chômage 2016 compris entre:26% et 33%19% et 26%12% et 19%5% et 12%
ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS
ÉTUDES ÉCONOMIQUES DE L’OCDE : TUNISIE © OCDE 2018 55
locales. Il est aussi important de renforcer la mobilité des travailleurs des régions en déclin
vers les régions plus dynamiques. Le Plan National de Développement 2016-2020 inclut un
large investissement public qui vise à renforcer la connexion entre les régions par le
développement d’un maillage de routes de grande capacité. La mobilité peut aussi être
renforcée par une politique du logement adaptée visant, par exemple, à promouvoir le
marché locatif en diminuant le biais fiscal en faveur des propriétaires-occupants.
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